N° 1864

    ——

    ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

    AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805)

    TOME V

DÉFENSE

MARINE

PAR M. Jean-Yves LE DRIAN,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir les numéros : 1861 (annexesn° 40)

    Lois de finances.

    La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

    M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier,
    vice-présidents
     ; MM. Robert Gaïa,
    Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 7

I. — L’ÉVOLUTION GLOBALE DES TITRES 9

A. UN FONCTIONNEMENT GARANTI 11

    1. La stabilisation des rémunérations et charges sociales 11

    a) Les défis de la professionnalisation 12

    b) La quatrième annuité de la professionnalisation 13

    c) L’équilibre entre recrutements et départs 14

    d) Les difficultés de gestion des personnels 16

    2. Le redressement des dépenses de fonctionnement hors RCS 20

    3. L’évolution des crédits d’entretien programmé des matériels 21

B. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DOTATIONS D’EQUIPEMENT. 24

II. — LA SITUATION DES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT 27

A. LA PRÉSERVATION DE LA FORCE OCÉANIQUE 27

    1. Le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins SNLE-NG 27

    2. Les programmes de missiles stratégiques 29

    3. Les sous-marins d’attaque futurs (SMAF) 29

B. LA CONSTITUTION DU GROUPE AÉRONAVAL 30

    1. Le porte-avions Charles de Gaulle 30

    a) Le retard dans l’achèvement du programme 30

    b) La problématique des essais et des surcoûts 31

    2. Le renouvellement de l’aéronautique embarquée 32

    a) Le programme Rafale 33

    c) Les avions de guet aérien 34

    3. Le débat sur le second porte-avions 34

C. LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE SURFACE 36

    1. Les frégates de souveraineté La Fayette 37

    2. La définition d’une nouvelle génération de TCD 38

D. LES INCERTITUDES DES PROGRAMMES EN COOPÉRATION 39

    1. La « réorientation » du programme Horizon de frégates antiaériennes 39

    a) L’origine ancienne des difficultés 39

    b) l’affaiblissement de la volonté politique 40

    c) l’avenir du projet en coopération franco-italienne 41

    2. La convergence des intérêts nationaux sur le programme d’armements antiaériens PAAMS. 42

    3. L’incertitude du programme NH 90 43

    4. Le missile antinavire futur 45

III. — LA RÉFORME INACHEVEE DES CONSTRUCTIONS NAVALES 46

A. UNE RÉFORME DANS LA CONTINUITÉ DES ÉVOLUTIONS PRÉCÉDENTES 46

    1. Des efforts insuffisamment reconnus 46

    a) La première évolution des structures 46

    b) Le dimensionnement de l’outil de production 47

    2. La succession de plans et de rapports 51

    a) Le plan de gestion DCN 2000 51

    b) Le plan d’entreprise de la DCN 51

    c) La mission d’accompagnement de la réforme de la DCN et le plan proposé par M. Jean Louis Moynot 53

B. L’ENVIRONNEMENT DE LA DCN LA CONDAMNE À ÉVOLUER 54

    1. Les conséquences des rigidités actuelles 55

    a) Les contraintes de gestion 55

    b) Les solutions envisagées se heurtent à de nouveaux blocages 56

    2. La difficile conquête de débouchés 58

    3. La diversification de produits 60

    a) Les conditions préalables à une diversification 60

    b) Les conclusion du rapport Vincent 61

    4. Les coopérations industrielles au cœur de l’avenir de la DCN 62

    a) L’exemple de la société MOSC pour le contrat Sawari II 62

    b) L’impossibilité des alliances et des coopérations 63

C. DES CONDITIONS RÉUNIES POUR UNE VRAIE RÉFORME 64

    1. Avantages et inconvénients du statut de service à compétence nationale 65

    a) La notion de SCN 65

    b) Les avantages attendus pour la DCN 66

    c) Les conditions de la réussite ne sont pas réunies 66

    2. L’option non retenue de l’établissement public 67

    a) Les avantages de l’établissement public 67

    b) Les inconvénients du statut d’établissement public 68

    3. L’évolution est inéluctable sauf à vouloir condamner la DCN 69

TRAVAUX EN COMMISSION 73

I. — AUDITION DE L’AMIRAL JEAN-LUC DELAUNAY, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE 73

II. — EXAMEN DE L’AVIS 83

    MESDAMES, MESSIEURS,

    Le projet de budget pour 2000 prévoit d’affecter 33,003 milliards de francs de crédits de paiement à la Marine, dont 12,897 milliards de francs pour le Titre III et 20,106 pour les Titres V et VI. Après l’augmentation globale de 3,96 % du budget 1999 par rapport à 1998, la Marine subit une diminution de 2,7 % de ses crédits, diminution plus forte que celle de l’ensemble du budget de la défense hors pensions (- 1,1 %).

    Si la répartition entre les titres –39,08 % pour le titre III et 60,92 % pour les titres V et VI – avantage les dépenses en capital dans la mesure où la Marine est essentiellement une armée d’équipement, l’évolution de ces deux catégories de dotations est davantage marquée que par le passé. Alors que les crédits de fonctionnement connaissent une quasi stabilisation en francs courants, les dépenses en capital subissent une nette diminution, non seulement pour les autorisations de programmes (21,2 %), mais aussi de manière moins marquée pour les crédits de paiement (4,4 % en francs courants ou 5,2 % en francs constants).

    Votre rapporteur ne peut alors que s’interroger sur la signification de deux phénomènes. D’une part, l’évolution de la part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 % en loi de finances initiale et prolonge une tendance décennale à l’érosion. En raison de l’évolution des menaces et des missions prioritaires confiées à la Marine, il aurait pourtant été justifié que le redressement amorcé en 1999 soit confirmé. D’autre part, si la réduction de près de quatre milliards de francs sur les autorisations de programmes se confirmait, elle pourrait hypothéquer le programme de renouvellement des équipements.

    Pourtant, la revue de programmes de 1998 prévoyait, pour la Marine, le redressement des dépenses en capital à un niveau stabilisé pour les dernières annuités de la programmation. Le modèle que permet de financer le projet de budget pour 2000 correspond encore à celui qui a été déterminé il y a quatre ans et revu en 1998. Mais le décrochage des crédits d’équipement ne peut perdurer si la Marine veut rallier ce modèle dans les temps.

    L’évolution globale des titres assure la prochaine annuité de la professionnalisation, le financement au plus juste des dépenses de fonctionnement courant des unités et la poursuite des programmes majeurs d’équipement. Quelques incertitudes demeurent toutefois qui mériteront d’être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

I. — L’ÉVOLUTION GLOBALE DES TITRES

    Après les profondes modifications enregistrées en 1998 sur le titre III et en 1999 sur le titre V (passage de huit à neuf du nombre de chapitres budgétaires, identification de manière spécifique des programmes communs et interarmées, regroupement des crédits relatifs au développement et aux fabrications d’un même programme, distinction entre les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) proprement dits et les dotations liées au soutien des forces, identification de programmes majeurs sur des articles spécifiques), les changements de structure et de nomenclature budgétaires sont moins importantes dans la présentation du projet de budget pour 2000.

    ·  Cinq nouveaux articles sont créés au titre III :

    — quatre correspondent à la création du service de la flotte qui sera appelé à gérer les crédits d’entretien des bâtiments, des sous-marins et des munitions. Au chapitre 34-20 « Entretien programmé des matériels » les articles 36 et 37 ne sont pas dotés dans le projet de budget pour 2000. Par contre, au chapitre 34-05 « Fonctionnement », les articles 32 et 33 reçoivent leurs premières dotations ;

    — l’article 94 « Sous-traitance » du chapitre 34-05 est justifié par l’objectif du développement de la sous-traitance.

    ·  De même, l’évolution du titre V tient compte de la création du service de la flotte et de plusieurs autres modifications de structures. Cinq articles sont créés mais ne sont pas dotés dans le projet de budget. Ils le seront au cours de la gestion 2000, au fur et à mesure de la montée en puissance du service de la flotte, par redéploiement de crédits.

    Les changements de structure concernent :

    — des transferts vers le titre III de crédits relatifs à la formation des pilotes (pour 9,4 millions de francs) et au fonctionnement courant de la FOST (pour 22,4 millions de francs) ;

    — un transfert de charges de fonctionnement courant pour 70 millions de francs en provenance du titre III ;

    — des transferts internes entre certains chapitres du titre V.

    ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA MARINE
    EN LOI DE FINANCES INITIALE (LFI)

 

(crédits de paiement, en millions de francs courants)

 

Budget Marine

Budget Défense

(hors pensions)

Part Marine

LFI

Crédits

Évolution

Crédits

Évolution

dans le budget

   

en francs

en %

 

en francs

en %

de la Défense

1993

38 658

32

0,08

197 916

2 648

1,36

19,53

1994

37 169

- 1 489

- 3,86

193 828

- 4 096

- 2,07

19,18

1995

36 723

- 445

- 1,20

194 261

388

0,22

18,90

1996

35 173

- 1 550

- 4,22

189 592

- 4 669

- 2,40

18,55

1997

35 532

+ 359

+ 1,02

190 922

1 330

+ 0,70

18,61

1998

32 641

- 2891

-8,14

184 722

- 6 200

- 3,3

17,7

1999

33 933

+ 1292

+ 3,96

190 000

+ 6

+ 2,9

17,85

2000*

33 003

- 900

- 2,74

187 400

- 2 100

- 1,1

17,56

* Projet de loi de finances

(en millions de francs)

 

Crédits votés 1999

Projet 2000

Évolution en %

 

AP(1)

CP(2)

AP(1)

CP(2)

AP(1)

CP(2)

Titre III

545,554

12 907,486

405,378

12 896,882

- 25,69

- 0,08

Titre V

23 907,9

21 019,4

18 827,5

20 093,87

- 21,25

- 4,40

Titre VI

6,1

6,1

12

12

Sous-total dépenses en capital

23 914

21 025,5

18 839,5

20 105,87

- 21,2

- 4,37

Total

24 459,554

33 933,986

19 244,878

33 002,752

- 21,3

- 2,74

(1) AP : autorisations de programme
(2) CP : crédits de paiement

      A. UN FONCTIONNEMENT GARANTI

    La stabilisation globale du titre III permet à la fois de garantir le niveau des rémunérations et charges sociales (RCS) et d’améliorer les dépenses de fonctionnement courant (hors RCS).

      1. La stabilisation des rémunérations et charges sociales

    Après les augmentations de 1998 (1,76 %) et de 1999 (1,86 %), les rémunérations et charges sociales, d’un montant prévu à hauteur de 10,174 milliards de francs, connaissent une très légère régression de 0,88 % (ou 1,8 % en francs constants) qui ne nuit en rien aux besoins de la professionnalisation. Leur part dans le titre III cesse ainsi de croître : après avoir représenté plus des trois quarts des dépenses de fonctionnement en 1998 et 80 % en 1999, elle diminuera à 78,9 % en 2000.

    Les mêmes facteurs continuent à expliquer une telle évolution :

    — la déflation des effectifs concerne en priorité les appelés (3 579 postes supprimés) et l’incidence budgétaire des mesures d’effectifs est évaluée à 213,9 millions de francs ;

    — au contraire, la poursuite de l’amélioration de la situation des personnels dans le cadre de la programmation et l’évolution démographique nécessitent 107,223 millions de francs pour les revalorisations indemnitaires et 16,785 millions de francs pour l’ajustement aux besoins et transferts. De plus, les rémunérations et charges sociales sont contraintes par la revalorisation des rémunérations des agents publics qui s’applique de manière automatique aux militaires (la valeur du point d’indice a représenté une dépense de 106,3 millions de francs au titre de 1998 et de 36,6 millions de francs au titre de 1999).

    Comme depuis quelques années, le projet de budget pour 2000 n’envisage pas de mesures spécifiques propres à la Marine.

PRINCIPALES MESURES DE RÉMUNÉRATION PRÉVUES
DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2000

(en millions de francs)

Mesures d’effectifs

- 213,858

Revalorisations indemnitaires

+ 107,223

— dont indemnité pour charges militaires

+ 8,722

— dont revalorisation de la valeur de l’indice

+ 71,706

— dont revalorisation des rémunérations publiques

accords salariaux au titre de 1999 (points généralisés)

accords salariaux au titre de 1999 (points différenciés)

+ 23,276

+ 7,161

Ajustement aux besoins et transferts RCS

+ 16,785

— dont crédits à l’étranger

- 20

— dont ligne « glissement vieillesse technicité »

- 37

— dont chapitres indemnitaires

+ 68

        a) Les défis de la professionnalisation

    L’évolution actuelle de la Marine dans la phase de transition vers la professionnalisation nécessite de répondre à de multiples défis.

    La réduction générale du format de 20 % oblige tout d’abord à désarmer avant terme des bâtiments disposant encore d’un certain potentiel. En 1997, la Marine a procédé au désarmement anticipé de neuf unités (le porte-avions Clemenceau, la frégate Aconit, l’aviso Detroyat, les sous-marins diesel Agosta et Sirene, les bâtiments de soutien Durance, Rhône et Rance). Le mouvement a continué en 1998 avec le désarmement de neuf unités (dont deux sous-marins diesel Psyché et Beveziers, un chasseur de mines Cérès, deux remorqueurs et deux transports de rades). Il s’est poursuivi en 1999 : le SNLE Le Tonnant, la frégate Duguay-Trouin, trois avisos A 69, un bâtiment d’expérimentations et d’essais Berry, quatre remorqueurs et trois vedettes ont ainsi été désarmés ou le seront cette année. En 2000, il est prévu de retirer du service le sous-marin diesel Ouessant, le porte-avions Foch, trois avisos, le bâtiment d’expérimentation, d’essais et de mesures Ile d’Oléron.

    La conduite de la professionnalisation donne la priorité aux forces de projection donc au remplacement des appelés embarqués. C’est ainsi que 789 appelés ont été remplacés sur les bâtiments en 1997 et 643 en 1998. 682 devraient l’être en 1999.

    La déflation des personnels, qui devrait atteindre 19,2 % sur les six années de la programmation militaire, masque une évolution différenciée, le nombre de personnels civils devant connaître une forte progression (environ 4 800 postes) alors qu’est envisagée pour les effectifs militaires une diminution sans précédent (- 18 000 postes), essentiellement liée à la disparition progressive du service militaire et à des mesures d’adaptation. La professionnalisation de la Marine est ainsi un peu paradoxale puisque l’embauche de personnels civils fera chuter le taux des personnels à statut militaire de 91 % en 1996 à 80 % en 2002 et que le nombre de militaires d’active diminuera en valeur absolue.

    Les civils se retrouvent donc dispersés dans les unités à tous les niveaux de la hiérarchie mais ils échappent à toute hiérarchie militaire. La cohabitation s’opère néanmoins dans de bonnes conditions qui reposent avant tout sur le respect des spécificités des statuts et sur la volonté de travailler ensemble.

        b) La quatrième annuité de la professionnalisation

    La quatrième annuité de la professionnalisation conduira en 2000 à la disparition de 4 133 emplois militaires, dont 3 579 emplois d’appelés, et à la création de 556 emplois civils. La déflation de 3 579 appelés prévue pour 2000, d’un niveau supérieur à celles des années précédentes, est obtenue par la suppression de 1 000 postes dans les formations de la Marine et la professionnalisation de 2 000 autres (dont 593 postes embarqués). De manière plus accentuée que la déflation prévue par la programmation militaire, la Marine perdra environ 7,7 % de ses effectifs militaires. Pour la première fois, le nombre de militaires sera inférieur à 50 000. Compte tenu de la progression des personnels civils, le rythme de décroissance des effectifs totaux sera de 5,7 %.

    ·  Les mesures de transformation de postes d’active concernent :

    — la suppression de 23 postes d’officiers (dont 1 contre-amiral, 2 capitaines de frégate ou de corvette, 19 lieutenants ou enseignes de vaisseau) ne permettra pas de combler les retards, notamment dans les organismes interarmées où la Marine est sous représentée ni de pallier la disparition de 19 postes d’officiers du contingent ;

    — la suppression de 1 038 postes d’officiers mariniers (33 majors, 121 maîtres principaux, 152  maîtres, 163 premiers-maîtres, 569 seconds-maîtres) renforcera les déséquilibres internes liés aux modifications de structure de la Marine et au désarmement d’unités ;

    — l’effectif des quartiers-maîtres et des matelots engagés, identique de 1997 à 1999, progressera de 212 postes (330 créations et 118 suppressions) grâce aux recrutements sur contrats courts qui permettent de pourvoir des emplois d’exécutant dans des domaines qui n’offrent pas de perspectives de carrière et de proposer un premier emploi à des jeunes peu qualifiés.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES

Catégories de personnel

1997

1998

1999

2000
(projet)

Evolution
1999-2000

Officiers

4 916

4 985

5 006

4 983

- 23

Officiers mariniers

32 784

32 605

32 392

31 350

- 1 042

Quartiers-maîtres et matelots

7 928

7 928

7 928

8 140

+ 212

Appelés du contingent

14 698

11 498

8 158

4 579

- 3 579

Volontaires

-

-

140

439

+ 299

Sous-total

60 326

57 016

53 624

49 491

- 4 133

Personnels civils

7 258

8 156

9 017

10 242

+ 556

Total

67 584

65 172

62 641

59 733

- 3 577

Ces effectifs incluent les gendarmes maritimes et excluent les effectifs non budgétaires.

        c) L’équilibre entre recrutements et départs

    L’une des premières difficultés concernant la gestion des personnels est de maintenir l’équilibre entre les flux de recrutements et de départs, volontaires ou provoqués, afin d’éviter les « à coups » dans ce domaine et de préserver la pyramide des âges.

    Les besoins en officiers ne diminuent pas en raison de besoins nouveaux dans les domaines interalliés et interarmées. C’est pourquoi le recrutement direct est maintenu à un niveau stable. Le tableau suivant illustre l’évolution du recrutement des officiers en fonction de leur origine.

    ÉVOLUTION DU RECRUTEMENT DES OFFICIERS PAR ORIGINE

 
 

1997

1998

1999(1)

2000(1)

Officiers de Marine

Ecole navale

Ecole militaire de la flotte

77

28

80

25

80

25

75

25

Officiers spécialisés de la Marine

Ecole militaire de la flotte

Choix

32

22

29

20

23

21

30

20

Titres

4

4

7

10

ORSA

87

     

Total

228

158

156

160

(1) Prévisions de la Direction des personnels militaires DPMM

    L’évolution du nombre de départs volontaires pour les personnels officiers et dans une moindre mesure pour le personnel non officier est essentiellement liée à la conjoncture économique et au plan de revalorisation indiciaire des carrières. Après un net ralentissement au milieu de la décennie, le nombre des départs s’est stabilisé à un niveau élevé. Dans la mesure où les promotions dépendent des vacances de poste et où seuls des départs suffisants garantissent l’avancement, le ralentissement des départs a eu des effets directs sur l’évolution des carrières. Il a conduit à des reports dans les tableaux d’avancement, à une sévérité accrue dans la politique de renouvellement des contrats, à une augmentation du nombre de lieutenants de vaisseau et de capitaines de frégates « hors créneaux » de limite d’âge (respectivement 18 et 32).

    La Marine souhaite corriger cette tendance afin d’éviter l’augmentation de la moyenne d’âge de ses cadres, elle-même moins propice aux capacités d’adaptation des personnels et propice à l’augmentation des rémunérations et charges sociales due au glissement vieillesse technicité (GVT).

    Ÿ De nombreux reclassements d’officiers mariniers sont nécessaires. Or, ils sont délicats à réaliser lorsque les spécialités professionnelles sont spécifiques, comme dans l’aéronautique navale ou les forces sous-marines. L’action des services spécialisés dans la reconversion des personnels, notamment le SAIRM, est essentielle : son action a permis l’insertion de 61 officiers et 794 sous officiers en 1996, de 95 officiers et de 933 sous-officiers en 1997, de 105 officiers et de 898 sous-officiers en 1998.

    Dans le cadre de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire, la Marine a accordé 332 pécules en 1997 et 403 en 1998 (à 77 majors, 196 maîtres principaux et 130 premiers maîtres) pour un montant total de 111,3 millions de francs. Ces attributions correspondent à un quart des candidatures utiles c’est-à-dire des candidatures remplissant les conditions prévues par la loi et appartenant aux spécialités prioritaires. Le pécule moyen est d’environ 276 241 francs.

    Mais bien d’autres mesures visent à faciliter la mobilité professionnelle ; les stages AFPA ou de formation en milieu civil, les préparations aux examens des emplois réservés, l’accès à des emplois publics, l’accompagnement vers l’entreprise ont concerné 1 713 personnels en 1997 et 1 290 en 1998.

    DÉPARTS DU PERSONNEL

 

Officiers

Equipages de la flotte

Marins de

Total

Année

(1)

Officiers mariniers

Equipage

ports

(2)

1992

193

1 629

707

273

2 609

1993

158

1 465

545

233

2 243

1994

125

1 311

904

235

2 450

1995

167

1 925

783

225

2.933

1996

157

1 869

580

208

2 657

1997

192

2 091

271

223

2 585

1998

222

2 528

521

216

3 265

1999 (3)

228

2 551

333

221

3 105

(1) Départs volontaires et involontaires définitifs

(2) Total équipages et marins des ports

(3) Prévisions

        d) Les difficultés de gestion des personnels

    ·  Une première difficulté de la gestion des personnels tient au reclassement du personnel de la DCN. Le plan de déflation prévoit le départ d’environ un millier de personnes par an. La Marine s’est impliquée totalement dans cette démarche et a émis 2 129 fiches de poste sur un éventail d’emplois aussi large que possible.

    L’intégration réalisée en 1997 a été satisfaisante, tant au plan des recrutements qu’à celui de l’insertion dans les forces. L’objectif de reclassement concernait 785 personnes dont 149 avec mobilité géographique. Au total, ce sont en réalité 841 agents qui ont été reclassés dont 722 ouvriers et 119 fonctionnaires ou agents contractuels. 88 % ont été affectés dans des établissements de la Marine, ce qui représente, à peu de choses près, la part de la mobilité de proximité.

    Pour 1998, l’objectif de reclassement des personnels de la DCN vers les états-majors et services communs s’élevait à 555 personnes dont 420 pour la Marine. Or seuls 183 agents de la DCN ont été effectivement reclassés. Pour 1999, le chiffre des reclassements tombe à 58. Ce ralentissement témoigne des difficultés et des limites de l’exercice. Les difficultés sont liées à l’inadéquation géographique et professionnelle entre la ressource offerte par la DCN et les besoins de la Marine, tant au niveau des sites que des qualifications. Le problème de mobilité géographique est particulièrement difficile car les premières mutations correspondaient à des ralliements de proximité.

    Ÿ La Marine a décidé de remplacer les appelés qui occupaient des emplois peu qualifiés et sans perspective professionnelle par des engagés sur contrat court. La durée des contrats est limitée à deux ans et n’est pas renouvelable car ces personnels, dont la rémunération et le statut sont identiques à ceux des autres engagés, ne peuvent être intégrés dans un cursus de carrière.

    Après la signature d’un accord-cadre avec la délégation interministérielle à l’insertion des jeunes, en juillet 1996, un partenariat a été mis en place avec les organismes d’insertion spécialisés pour donner une première expérience à des jeunes sans qualification, dans les domaines de la protection, la sécurité (pompiers), de la manutention ou du service général. Certaines insuffisances de sélection des jeunes ont entraîné quelques difficultés pour la Marine qui a été amenée à revoir ses critères en ce domaine. En effet, dans les spécialités de protection et de maintenance aéronautique, les besoins sont loin d’être satisfaits quantitativement et on observe un fort taux d’attrition dans les six mois qui suivent l’incorporation.

    Pour assurer leur retour à la vie civile, la Marine s’associe avec les missions locales d’insertion. Bien que les premiers engagés sur contrat court aient quitté la Marine dès le printemps dernier, il est trop tôt pour effectuer un bilan de leur réinsertion professionnelle.

    Ÿ Dans la phase de la programmation militaire, la Marine va recruter progressivement 1 775 volontaires d’ici 2002. Les volontaires seront directement affectés dans les forces après une formation initiale de quatre semaines au centre de Brest, sur des postes similaires à ceux des personnels d’active mais non pourvus par des personnels engagés. Près de 800 emplois sont embarqués sur les bâtiments de surface et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins en remplacement de postes occupés par des appelés. Environ 150 postes sont réservés aux volontaires de haut niveau dans les spécialités de chef de quart, d’état-major ou de commissaire : des contacts ont été pris avec les écoles et les centres universitaires pour informer les jeunes diplômés et proposer les emplois.

    Les premiers 140 postes ont été inscrits au budget 1999. Le projet de budget pour 2000 prévoit d’inscrire 299 volontaires supplémentaires.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS DE FONCTIONNEMENT TITRE III

(en millions de francs)

Chapitre et articles

Intitulé

Crédits votés de 1999

Crédits demandés
pour 2000

Évolution en %

31-31 (50/60 et 93)

31-32 (50)

31-32 (60) nouveau

31-41 (30)

31-61 (30) nouveau

31-62 (30) nouveau

31-96 (93)

33-90 (83)

33-91 (83)

Personnels militaires - Rémunérations

Personnels militaires - Indemnités

Personnels militaires - Indemnités

Personnels appelés

Volontaires - Rémunérations

Volontaires - Indemnités

Autres rémunérations (pécules)

Cotisations sociales

Prestations sociales

6 329,82

2 675,352

13,411

145,243

7,85

1,15

86,628

628,125

376,847

2 727,15

14,641

83,308

25,917

3,732

86,628

627,348

369,815

(NS)

Sous-total RCS

10 264,426

10 174,575

- 0,88

34-05

Fonctionnement

1 620,821

1 864,208

+15,02

34-10 (30)

Alimentation

463,988

440,078

- 5,15

34-20 (31)

34-20 (32)

34-20 (33)

34-20 (35)

Entretien de la flotte

Munitions

Matériels divers

Matériels aériens

262,749

227,049

15,065

40,691

122,574

227,049

15,065

40,691

- 53,35

Sous-total 34-20 (EPM)

545,554

405,379

- 25,7

36-01 (50)

Musée de la Marine

12,698

12,642

Sous-total fonctionnement

2 643,061

2 722,307

+ 2,99

Total

12 907,487

12 896,822

 

      2. Le redressement des dépenses de fonctionnement hors RCS

    Dans leur acception la plus large, les crédits de fonctionnement hors RCS comprennent l’alimentation, les carburants, le fonctionnement courant des unités et la partie de l’entretien programmé des matériels (EPM) figurant au titre III.

    Après la baisse sensible constatée dans le budget de cette année, les crédits de fonctionnement courant hors RCS, sur les chapitres 34-05, 34-10 (30) et 34-20 (31, 32, 33 et 35) devraient connaître une légère progression de 3 % en passant de 2 643,061 à 2 722,307 millions de francs.

    Cette hausse globale recouvre des évolutions différentes selon les chapitres :

    — certains crédits connaissent des baisses mécaniques directement liées à l’évolution du format comme les dépenses d’alimentation des personnels (réduction de 23,9 millions de francs, soit 5,15 %), des produits pétroliers (réduction de 24,8 millions de francs) ou du fonctionnement courant des unités (pour 51 millions de francs) ;

    — les dotations en carburants et en combustibles diminuent globalement de 22 millions de francs soit 5,6 %. Les hypothèses économiques retiennent un prix du baril à 14,6 dollars, soit 87,6 francs ce qui nécessite une mesure d’actualisation de 11,6 millions de francs. L’abattement global imposé aux produits pétroliers n’aura pas de conséquence sur l’activité des forces à condition que les hypothèses ayant servi à l’établissement des coûts soient vérifiées et que les mesures d’économies supplémentaires qui ont été identifiées lors de la revue du titre III puissent se réaliser ;

    — le fonctionnement courant des unités connaît une évolution favorable puisque le montant des dotations (1,864 milliard de francs y compris l’Alimentation ou 1,505 milliard de francs hors Alimentation) est en augmentation de 265 millions de francs soit + 15,02 % par rapport à 1999. Mais le changement de structure budgétaire fausse l’augmentation car, à structure budgétaire constante, le fonctionnement courant ne progressera que de 68 millions de francs soit 5,52 %. Cette évolution favorisera des postes budgétaires structurellement sous dotés, comme l’entretien des infrastructures communes, les locations immobilières ou les frais liés aux mouvements de personnels.

    Pour la première fois l’externalisation de tâches exercées auparavant par la Marine est encouragée directement par la création d’une ligne budgétaire dotée de 95,658 millions de francs (chapitre 34-05 article 94). Cette mesure a été obtenue par des économies supplémentaires sur les rémunérations. Il est à relever que la sous-traitance est considérée comme une expérimentation réversible.

      3. L’évolution des crédits d’entretien programmé des matériels

    ·  L’une des préoccupations traditionnelles de votre Rapporteur concerne l’évolution des crédits d’entretien programmé des matériels dont l’analyse est rendue malheureusement difficile par leur répartition entre les titres III et V, et par les mesures de restructuration budgétaire.

    Sont normalement affectés aux dépenses de fonctionnement l’entretien courant des munitions, le combustible nucléaire, les charges de stockage et les rechanges courants de matériel. Le titre V finance davantage l’entretien programmé majeur, notamment les IPER des sous-marins et des bâtiments de surface, mais aussi l’entretien non programmé des bâtiments de surface et des dépenses liées à l’approvisionnement en rechanges et à leur réparation.

    La réduction importante des crédits d’EPM sur le titre III ne concerne que l’article 31 du chapitre 34-20, les dotations des deux articles 32 et 33 étant reconduites en francs courants. Elle s’explique par une mesure d’actualisation pour 4,124 millions de francs, le désarmement du Foch
    (- 7,3 millions de francs), le transfert sur le fonctionnement courant des unités des dépenses d’électricité (pour 67 millions de francs) au titre de la clarification de l’imputation des dépenses et un transfert de 70 millions de francs sur le fonctionnement courant à titre de redotation, compensé par un transfert de charges du même montant sur l’EPM figurant au titre V.

    Les ressources de l’EPM de la FOST, qui figurent toutes au titre V, augmentent de 2,9 % en autorisations de programme en raison de l’entrée dans le cycle opérationnel du Téméraire, de l’indisponibilité du Triomphant et du début des démantèlements du Tonnant et du Foudroyant.

    L’EPM de la Flotte augmente de 8 % en autorisations de programme et 4 % en crédits de paiement ce qui permet de rattraper les insuffisances constatées antérieurement. Par ailleurs, l’EPM de l’Aéronautique se réduit de 6 % en crédits de paiement en raison du retrait des Crusader fin 1999, des Etendard IV P et des Alizé en 2000.

    Le calendrier des entretiens majeurs est le fruit d’un équilibre entre les ressources financières, le plan de charge des établissements de la DCN et le maintien des capacités opérationnelles. La Marine va progressivement mettre en place un nouveau rythme d’entretien des navires pour espacer les IPER et mieux prendre les contraintes qui pèsent sur les opérations d’entretien. De nouveaux plans de maintenance sont réalisés sur ces bases de réflexion.

    La création du service de la flotte, dont le principe a été accepté par le Ministre de la défense en juin dernier, vise à rassembler en une seule structure les moyens non industriels de la Marine et de la DCN consacrés aux entretiens et aux rechanges. Il sera rattaché directement au Chef d’Etat-major de la Marine pour exercer la fonction de donneur d’ordre en matière de maintenance et permettra d’accentuer la contractualisation des chantiers d’entretien. Mais il ne constitue pas, comme certains le craignent, un début de reprise par la Marine des fonctions d’entretien de ses bâtiments, même si la tradition française veut que les équipages des navires en maintenance y participent.

CRÉDITS D’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS EPM

(en millions de francs)

 

1999(1)

2000(2)

Evolution en %

 

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Entretien flotte (hors FOST), munitions et matériels divers
Titre III

Chapitre 34-05 30
Chapitre 34-05 31 (nouveau)
Chapitre 34-05 32 (nouveau)
² 34-05 33 (nouveau)
Chapitre 34-20 31
Chapitre 34-20 32
Chapitre 34-20 33
² 34-20 36 (nouveau)
² 34-20 37 (nouveau)




— 
— 
— 
— 
263
227
15
— 
— 




88
— 
— 
— 
263
227
15
— 
— 




— 
0
0
0
123
227
15
0
0




0
106
22
16
123
227
15
0
0




— 
— 
— 
— 
- 53,35
— 
— 
— 
— 




— 
— 
— 
— 
- 53,35
— 
— 
— 
— 

Sous-total

505

593

965

508

- 27,8

- 14,25

Titre V
Chapitre 55-21 33
² 55-21 34


2 437
— 


2 446
— 


2 811
0


2 648
0


+15,36
— 


+ 8,26

— 

Total

2 942

3 039

3 176

3 156

+ 8

+ 3,85

             

Entretien aéronautique
Titre III

Chapitre 34-20 35

Titre V

Chapitre 55-21-31
Chapitre 55-21-32



41


1 365
156



41


1 271
155



41


1 575
132



41


1 227
112



— 


15,42
- 15



— 


-3,4
- 27,2

Total

1 561

1 467

1 748

1 381

12%

- 5,9 %

             

Entretien FOST
Titre V

Chapitre 51-71-32
² 55-71 34 (nouveau)
² 55-71 36 (²)



1 245
— 
— 



1 188
— 
— 



1 281
137
0



1 184
113
0



+ 2,9
— 
— 



- 0,4
— 
— 

             

Total EPM

5 747

5 694

6 342

5 834

+ 10,34

+ 2,46

(1) Loi de finances
(2) Projet de loi de finances

      B. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DOTATIONS D’EQUIPEMENT.

    Les ressources attribuées aux titres V et VI du budget de la Marine s’élèvent à 18,84 milliards de francs pour les autorisations de programme et à 20,106 milliards de francs pour les crédits de paiement. A périmètre et francs constants, le projet de budget est en réduction de 5 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés de 1999.

    Globalement, le niveau des dotations d’équipement pour la Marine en crédits de paiement est identique à celui de 1998 marqué par l’encoche de 10 % de réduction par rapport à l’annuité de la loi de programmation militaire. L’exercice 1999 apparaît donc a posteriori comme « exceptionnel ». La réduction en francs constants des crédits de paiement correspond à la diminution générale du Titre V du budget de la défense. La Marine n’est donc pas plus pénalisée qu’une autre armée. Mais la diminution de 21,2 % des autorisations de programme ne manque pas de poser des questions sur les futures commandes.

    Comme par le passé, la variation des dotations en capital diffère fortement selon les chapitres, voire les articles :

    — le fort retrait des autorisations de programme sur le
    chapitre 51-61 « Espace— SIC » (-64,6 %) est dû d’une façon générale au retard pris par les programmes de télécommunications, notamment aux difficultés rencontrées par le programme successeur de SYRACUSE II. La diminution plus faible des crédits de paiement (- 2,9 %) reste compatible avec les développements consacrés aux programmes futurs ;

    — le chapitre 51-71 « Forces nucléaires » voit sa dotation en autorisations de programme progresser de 8,3 % en raison des besoins du programme d’adaptation du M51 aux SNLE NG et de l’admission au service actif du second SNLE NG. La diminution des crédits de paiement de 6,7 % reste conforme aux besoins induits par les engagements antérieurs ;

    — le niveau des crédits d’études sur le chapitre 52-81 progresse légèrement en liaison avec la préparation des programmes de frégates futures ;

    — le niveau des autorisations de programme des « Programmes interarmées » sur le chapitre 53-71 est fortement réduit (baisse de près de 45 % des autorisations de programme) en raison de l’absence de commande concernant les grands programmes aéronautiques (Rafale et NH 90). En revanche les crédits de paiement progressent de 17,6 % en raison des besoins de paiement des programmes en phase de développement ou de production (Rafale, armement air-sol modulaire AASM, MICA).

    — le chapitre 53-81 « Equipement des armées » est particulièrement contraint. La dotation en autorisations de programme est consacrée au programme de frégates antiaériennes Horizon (2 800 millions de francs) dont les commandes du développement et d’un premier bâtiment sont prévues en 2000, au programme Hawkeye (882 millions de francs), et au PAAMS (776 millions de francs). Il convient d’ajouter à la dotation sur ce chapitre l’emploi en 2000 de 4 600 millions de francs d’autorisations de programme non engagées, dont 3 000 millions de francs pour le programme Horizon. La contrainte est atténuée par les moindres besoins de paiement associés à la fin des grands programmes navals, mais aussi à l’absence de programmes navals importants en phase de production.

    Mais la question est posée pour l’avenir. La baisse des autorisations de programme correspond bien à une diminution des investissements. Si la situation est saine sur le plan de la trésorerie, elle l’est moins en ce qui concerne le renouvellement du capital. Or, les autorisations de programme sont indispensables pour commander des bâtiments en 2000 – 2001 et éviter des retards sur les grands programmes.

    — le chapitre 54-41 « Infrastructure » subit une légère régression de ses dotations (-8,1 % en autorisations de programme et – 4 % en crédits de paiement) en dépit de la permanence des besoins pour assurer le financement des travaux de restructuration de la Marine. Toutefois, un changement de périmètre à hauteur de 40 millions de francs contribue à cette diminution.

    —  le chapitre 55-11 « Soutien des forces » apparaît globalement préservé même si ses ressources augmentent par suite de changements de périmètre, de besoins accrus en matière de munitions, et en raison des investissements nécessaires pour la mise en œuvre des restructurations des bases navales. En outre, ce chapitre supporte les dépenses liées à la restructuration de la DCN (869 millions de francs) et aux immobilisations étatiques de l’ex relevant auparavant de la DCN et transférées en 1999 à la Marine (306 millions de francs).

    Enfin, le titre V du budget de la Marine comporte une provision totale de 180 millions de francs, mise en place sur les chapitres 51-71 (50 millions de francs), 53-81 (40 millions de francs) et 55-21 (90 millions de francs) pour faire face aux coûts de l’augmentation du taux de cotisation patronale au fonds spécial pour pension des ouvriers des établissements industriels de l’Etat.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS EN CAPITAL (nouvelle nomenclature)

(en millions de francs)

 

Autorisations de programme

Crédits de paiement

Chapitres et articles

1999(1)

2000(2)

1999(1)

2000(2)

Évolution

Titre V

         

51-61 (31, 34, 35 et 36) Espace

674

343

619

601

- 2,9 %

51-71 (31 à 35, 64) Dissuasion

3 552

3 523

4 130

3 852

- 6,7 %

52-81 Autres études

25

24

20

24

+ 20 %

53-71 Equipements interarmées

2 464

1 352

2 485

2 922

+ 17,6 %

53-81 Equipements marine

9 936

5 805

6 797

5 212

- 23,3 %

54-41 Infrastructures (35,36 et 37)

755

694

705

677

- 4 %

55-11 Soutien des forces

2 550

2 568

2 391

2 818

+ 17,9 %

55-21 EPM

3 957

4 518

3 872

3 988

+ 3 %

      Sous-total titre V

23 914

18 827

21 020

20 094

- 4,4 %

Titre VI

6710 Subventions (40)

6

12

6

12

100 %

Total dotations

23 914

18 839

21 026

20 106

- 4,4 %

(1) Loi de finances
(2) Projet de loi de finances initiale

II. — LA SITUATION DES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT

      A. LA PRÉSERVATION DE LA FORCE OCÉANIQUE

    Les crédits affectés par le projet de budget 2000 à la force océanique stratégique (FOST) s’élèvent à 3 523,5 millions de francs en autorisations de programme et à 3 851,5 millions de francs en crédits de paiement. La réduction des crédits de paiement de 6,6 % en francs courants ou de 7,5 % en francs constants par rapport à 1999 fait suite à celle constatée en 1998 (25,6 % par rapport à l’exercice précédent) et en 1999 (3,7 %). La part de la FOST dans les dépenses d’équipement de la Marine continue à se réduire et ne représente plus que 19,16 % de l’ensemble des dotations en capital.

    Cependant, le déroulement des programmes majeurs suit le calendrier fixé et les perspectives déterminées par la revue des programmes.

      1. Le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins SNLE-NG

    Le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération SNLE-NG a fait l’objet de plusieurs évolutions depuis la décision de lancement en 1987. Alors que l’hypothèse retenue prévoyait la réalisation d’une série de six submersibles de type Le Triomphant, le programme a été limité en octobre 1991 à quatre exemplaires dont trois sont effectivement déjà commandés. Les conseils successifs de défense et la loi de programmation militaire 1997-2002 ont confirmé l’objectif de quatre unités correspondant à une capacité de maintenir un et si nécessaire deux SNLE-NG en permanence à la mer. Mais cette décision s’est accompagnée de l’abandon du missile S4 et d’un report de cinq ans dans la mise en service du missile de nouvelle génération.

    La revue de programmes de 1998 a entraîné pour sa part, non seulement le retard de six mois de l’admission au service actif du Vigilant et par conséquent la prolongation du maintien en service de deux SNLE de type l’Inflexible (jusqu’en 1999 pour l’un, 2004 pour l’autre), mais aussi l’accélération du programme d’adaptation des SNLE-NG au nouveau missile M 51 donc la livraison du 4ème SNLE-NG en 2008, directement dans la version M 51.

    En raison des réductions de crédits et des difficultés liées aux technologies innovantes qui ont été mises en œuvre, le calendrier initial a été décalé à plusieurs reprises :

    — le Triomphant, commandé en 1987, a été admis au service actif le 21 mars 1997 avec trente-deux mois de décalage ;

    — le Téméraire, commandé en octobre 1989, sera admis au service actif avant la fin de l’année 1999, soit avec vingt et un mois de décalage ;

    — le Vigilant, commandé en mai 1993, ne sera admis au service actif qu’en juillet 2004 avec quatre ans et demi de décalage ;

    — la commande du n° 4, prévue initialement pour 1996 a été reportée en 2000 pour une admission au service actif en juillet 2008 (six ans et demi de décalage).

DATES CLÉS DES COMMANDES ET DES LIVRAISONS DES SNLE-NG

SNLE-NG

Commande

Essais

Service actif

Le Triomphant

18 juin 1987

juillet 1994

21 mars 1997

Le Téméraire

18 octobre 1989

août 1998

novembre 1999

Le Vigilant

27 mai 1993

juillet 2003

juillet 2004

N° 4

2000

juillet 2007

juillet 2008

    Le coût total du programme de quatre SNLE-NG est estimé à près de 88,4 milliards de francs (valeur 1999) dont plus des deux tiers ont déjà été votés et consommés. L’étalement du programme dû aux incidents techniques ou financiers n’est pas sans incidences sur les coûts et le cumul des dépassements par rapport aux devis initiaux de développement et d’industrialisation dépasse 5,2 milliards de francs.

    Sur l’article spécifique 31 du chapitre 51-71, le projet de budget pour 2000 inscrit 1 984,5 milliards de francs d’autorisations de programme et 1 771 milliards de francs de crédits de paiement pour les dépenses liées à la construction des SNLE-NG.

      2. Les programmes de missiles stratégiques

    ·  Le programme de modernisation des missiles balistiques vise à équiper les SNLE-NG de la version M 45 dès leur entrée en service. Les M 45 diffèrent du M 4 par les aides à la pénétration et par la nature de la tête nucléaire (TN 75). La mise en service est intervenue en mars 1997 sur Le Triomphant. Les dotations en missiles M 4 seront progressivement retirées du service.

    ·  La nécessité de remplacer les M 45 pour crédibiliser la FOST a conduit en 1992 à lancer le développement d’un nouveau missile, le M 5. En application du principe de stricte suffisance, ce programme a été réorienté vers une version M 51, dont la portée sera de l’ordre de 6 000 kilomètres et qui sera capable d’emporter à partir de 2015 des têtes nucléaires de nouvelle génération (TNO).

    A l’issue de la revue de programmes, il a été décidé que le système d’armes M 51 entrerait en service dès 2008 sur le SNLE n° 4 et que la durée de la phase de réalisation serait ainsi réduite de deux ans. L’adaptation des trois premiers SNLE-NG de la série « Le Triomphant » serait effectuée de 2008 à 2014 environ.

    Le coût total du développement du programme pour trois dotations de seize missiles est estimé à près de 30 milliards de francs (valeur 1999), y compris les dépenses déjà effectuées au titre du programme M 5. Il a été prévu d’affecter à ce programme près de 10 milliards de francs au cours de la période de programmation. Une baisse de près de 22 % par rapport au coût envisagé pour le développement du M 5 a été obtenue grâce à une simplification de la logique de développement et à un engagement des principaux industriels (Aérospatiale et SNPE).

    Dans le projet de budget pour 2000, le développement du programme de missile M 51 est doté de 1 980 millions de francs de crédits de paiement sur l’article spécifique 64 du chapitre 51-71. L’augmentation de 36,5 % par rapport au budget 1999 s’explique par la montée en puissance du programme doté de près de 5 milliards de francs d’autorisations de programme.

      3. Les sous-marins d’attaque futurs (SMAF)

    Le programme de sous-marins d’attaque futurs à propulsion nucléaire (SMAF), baptisé Barracuda, est destiné à remplacer les six unités Rubis à partir de 2010 pour des missions de lutte anti-sous-marine et antinavire. Est également à l’étude une capacité anti-terre comme celle dont disposent les sous-marins britanniques (et qui a été expérimentée lors du conflit du Kosovo). Le premier bâtiment de la série pourrait être commandé en 2001 et livré en 2010. Les sous-marins suivants seraient construits au rythme d’un tous les 18 à 24 mois.

    La fiche exploratoire de caractéristiques militaires a été émise en décembre 1996 et la phase de faisabilité a débuté il y a un an.

    Ce programme ambitieux est soumis au concept de coût objectif afin d’en maîtriser les coûts. Il est prévu d’affecter 15 millions de francs d’autorisations de programme et 65 millions de francs de crédits de paiement à son développement dans le projet de budget pour 2000.

      B. LA CONSTITUTION DU GROUPE AÉRONAVAL

    Le groupe aéronaval a participé à de multiples opérations extérieures depuis de nombreuses années. Comme l’a de nouveau montré sa participation à l’opération Force alliée dans la crise du Kosovo, il constitue un élément essentiel de la stratégie de la France et de ses capacités de projection de puissance. Les avions de la force aéronavale ont participé aux missions de renseignement et d’attaque. Les Super Etendard ont délivré leurs armements avec un taux de réussite parmi les meilleurs de tous les avions de l’OTAN et la proximité du porte-avions des côtes adverses a évité les trop nombreux ravitaillements en vol qui étaient nécessaires aux avions basés en Corse ou en Italie.

    Pourtant le décalage dans le calendrier du programme, les difficultés des essais et l’incertitude sur la commande du second porte-avions soulèvent de légitimes interrogations.

      1. Le porte-avions Charles de Gaulle

        a) Le retard dans l’achèvement du programme

    Alors que les premiers travaux ont démarré en 1987 et que le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle devait être opérationnel dix ans plus tard au moment du retrait du Clémenceau, quarante six mois de décalages successifs ont été enregistrés : trente mois en 1989, six mois en 1993, six mois en 1996, trois mois en 1998. Les raisons techniques liées à de difficiles mises en point ou les régulations budgétaires ont entraîné un prolongement des porte-avions classiques, le Clemenceau n’étant retiré du service actif qu’en 1997 pour réaliser des économies et le Foch, âgé de 35 ans, étant prolongé jusqu’en 2000 au prix de coûteux entretiens.

    Les essais à la mer du Charles de Gaulle commencés en 1999 ne laissent augurer d’une mise en service opérationnelle qu’à l’automne 2000 après une traversée de longue durée au printemps prochain.

    Le coût total du porte-avions est estimé à près de 13 milliards de francs hors développement et industrialisation ou 19,5 milliards de francs si on les inclut. Plus de 16,5 milliards de francs de crédits de paiement ont déjà été consommés. La DCN a évalué à plus de 500 millions de francs les surcoûts dus aux retards successifs, soit 15 % du devis initial. Les travaux qui sont actuellement effectués pour la remise à niveau après les premiers essais à la mer coûteront près de 500 millions de francs selon le ministère de la défense.

    Le projet de budget pour 2000 a inscrit 51,46 millions de francs d’autorisations de programme - ce qui montre que le programme se termine - et 362,1 millions de francs de crédits de paiement sur un article spécifique (chapitre 53-81, article 71).

        b) La problématique des essais et des surcoûts

    Le porte-avions nucléaire se trouve depuis plusieurs années au centre d’une polémique dénonçant les retards dans la construction, les surcoûts par rapport au devis initial et les insuffisances techniques.

    Force est de constater que les décalages successifs ne sont pas tous la conséquence des réductions budgétaires. Certaines solutions techniques retenues au début du programme sont devenues obsolètes ou n’ont pas donné les résultats peut-être trop ambitieux escomptés par leurs concepteurs. Des systèmes, déjà vieux de dix ans, résistent mal. Par ailleurs, l’évolution des réglementations, en particulier dans le domaine nucléaire, ou de concepts d’emploi, qui influent par exemple sur les programmes de protection du porte-avions, ont justifié des travaux supplémentaires.

    Il convient de reconnaître que les premières sorties à la mer au début de cette année ont donné une image peu fameuse et que la Marine n’a sans doute pas assez fait de communication. Au même moment, l’état-major de la Marine admettait que, si des conditions exceptionnelles étaient réunies, le Hawkeye E2C après appontage aurait peu de marge pour dégager la piste et qu’il conviendrait sans doute d’allonger le pont d’environ quatre mètres pour faciliter les manœuvres dans ces conditions extrêmes.

    La visite du Président de la République, M. Jacques Chirac, le 28 août dernier, a été l’occasion d’une remise en perspective des problèmes rencontrés depuis le début des essais à la mer, les difficultés n’ayant rien d’exceptionnel si on veut bien se rappeler que le navire est un prototype et combine des défis technologiques qui mobilisent tous les savoir-faire français dans le plus important projet industriel de ces dernières années. Il faut donc souligner les prouesses techniques accomplies, tant sur le plan de la propulsion (lors d’une sortie en mai dernier, le porte-avions a atteint 25 nœuds sur les 27 à terme contre 32 pour le Foch) que des systèmes informatiques ou de combat. Les essais de catapultage et d’appontage à la mer du Rafale, qui ont commencé le 6 juillet dernier, se déroulent dans d’excellentes conditions comme votre rapporteur a pu le constater lors d’une visite à bord. Les catapultes de technologie américaine donnent de bons résultats. Elles permettent de lâcher des avions de nouvelle génération de près de 25 tonnes, c’est-à-dire capables d’emporter deux à trois fois plus d’armements que la génération précédente et donc dotent le groupe aéronaval d’une forte puissance de feu. Le système de stabilisation du navire SATRAP permettra d’affronter des conditions défavorables dans une mer de force 5/6.

    L’envergure d’un Hawkeye, proche de 45 mètres et peut-être mieux adaptée aux grands porte-avions américains, est à comparer aux dimensions du pont du Charles de Gaulle large de 65 mètres au maximum. Quelques travaux supplémentaires ne paraissent pas excessifs pour renforcer les conditions de sécurité et il faut avoir vu apponter cet appareil, comme votre rapporteur en a été témoin, pour saisir la performance réalisée par les pilotes français.

    Une période de remise à niveau après essais, baptisée RANAE, aura lieu d’octobre 1999 à mars 2000 afin d’effectuer les modifications nécessaires. Une seconde période d’essais se déroulera pendant trois mois au printemps prochain, et se prolongera par la traversée dite de longue durée.

      2. Le renouvellement de l’aéronautique embarquée

    Au cours de la fin de la décennie, on assiste à un renouvellement complet de l’aéronautique embarquée. Les derniers Crusader seront définitivement retirés du service actif à la fin de l’année. Les Alizé de reconnaissance aérienne et les Etendard IV PM le seront l’année prochaine.

    Le programme de modernisation des Super Etendard se terminera avec la livraison de 2 appareils en 1999 et 2 en 2001. Au total, ce seront 52 appareils (un a été détruit en 1995) qui emporteront le nouveau radar Anémone et seront capables de mettre en œuvre des bombes ou des missiles guidés laser.

      COMPOSITION DE L’AÉRONAUTIQUE EMBARQUÉE
      (au 1er juillet 1999)

 

Aviation embarquée

En parc

En ligne

Age moyen

Année de retrait du service

      Crusader

9

8

34 ans 10 mois

fin 1999

      Super Etendard

52

28

19 ans 3 mois

2007-2010

      Etendard IV PM

5

4

35 ans

Août 2000

      Hawkeye E-2C

2

2

1 an

-

      Alizé

9

8

38 ans 10 mois

2000

        a) Le programme Rafale

    La Marine a un réel et immédiat besoin de ce programme qui vise à remplacer trois types d’avions en service (Crusader, Super-Etendard modernisé et Etendard IV PM). Les principaux programmes associés concernent :

    — le moteur SNECMA M 88-2 ;

    — pour les capteurs, le radar à balayage électronique RBE2, le système de guerre électronique SPECTRA et le système optronique frontal OSF ;

    — pour les armements, les missiles MAGIC 2 et MICA, les missiles air-sol SCALP et air-sol modulaire AASM, ainsi que le futur missile air-surface ANF.

    ·  En raison de son importance, le programme d’avions Rafale a été particulièrement touché par la programmation militaire : la cible a été ramenée pour la Marine de 86 à 60 exemplaires (soit deux groupes aériens de 30 appareils). La revue de programmes a également aménagé la politique d’industrialisation et a lissé le calendrier. Le premier appareil de série sera livré à la Marine à l’été 2000 et la première flottille de 10 appareils en standard F1 (antiaérien) sera constituée fin 2002. Deux autres appareils feront l’objet d’une fabrication différée mais seront livrés directement au standard F2 (antiaérien et air-sol en partie).

    Au cours des trois années 1996, 1997 et 1998, aucun Rafale n’a été commandé. La commande groupée de 48 appareils (dont 15 Rafale Marine) non passée en 1997 a été transformée en une commande de 48 appareils comprenant 28 fermes (dont 7 Rafale Marine) et 20 en option (dont 8 Rafale Marine). Cette décision, notifiée par le Ministre de la défense le 9 juin 1999, fait partie des négociations sur la restructuration des industries de défense concernant, notamment le rapprochement de Dassault-Aviation avec le nouvel ensemble Matra-Aérospatiale. Dans le cadre de cette commande, le constructeur a reçu la commande de 7 appareils (plus 8 en option).

    Sur la base de 60 appareils, le prix unitaire est évalué à 450 millions de francs en intégrant les dépenses de développement ou 328 millions de francs en les excluant. Le projet de budget pour 2000 a inscrit au titre de ce programme 307,7 millions de francs d’autorisations de programme et 2 215 millions de francs de crédits de paiement sur un article spécifique chapitre 53-71, article 31.

        c) Les avions de guet aérien

    La défense aérienne du porte-avions nucléaire a justifié le programme d’acquisition d’avions de guet embarqués E-2C Hawkeye. Ces appareils de 25 tonnes sont dotés de systèmes de détection et d’identification à grande distance et sont indispensables au déploiement du groupe aéronaval auquel ils confèrent une sécurité d’intervention nouvelle.

    Initialement, 4 avions devaient être commandés à la société américaine Northrop Grumman pour un coût de 6,8 milliards de francs (avec une valeur du dollar à 6 francs). La loi de programmation militaire a réduit la cible initiale à trois appareils dont deux ont déjà été commandés en 1995 à la Marine américaine et ont été livrés, l’un fin 1998, l’autre en avril 1999, en cohérence avec la mise en service actif du Charles-de-Gaulle. Le contrat de commande du troisième exemplaire a été reporté à 2001 pour une livraison en 2003 : en effet, la procédure de son acquisition a permis de bénéficier d’une commande groupée avec la Marine américaine et le Ministre de la Défense a signé une lettre d’intention en mai 1998.

    Sur un coût total estimé en 1998 à environ 6 milliards de francs, près de 2,5 milliards de francs de crédits de paiement ont déjà été dépensés au bénéfice de ce programme pour lequel le projet de budget prévoit 996 millions de francs de crédits de paiement.

      3. Le débat sur le second porte-avions

    La décision de la construction d’un second porte-avions ressort de la prochaine loi de programmation militaire. La revue de programmes du printemps 1998 a confirmé le besoin de ce second porte-avions. Si le Ministre de la défense a rappelé que se poursuivaient des études permettant de le commander « le cas échéant » après l’actuelle loi de programmation militaire, pour une admission au service actif en 2012, il a pris soin de souligner que cette commande n’interviendra que « si les conditions économiques le permettent », selon les termes mêmes de la loi de programmation militaire 1997-2002.

    En fait plusieurs questions sont posées qui concernent les domaines opérationnel et budgétaire :

    — de 1963 à 1997, la France a disposé de deux porte-avions qui se relayaient pour assurer une permanence à la mer. Il est évident que la disponibilité à la mer ne pourra plus être assurée par un seul porte-avions. La revue des programmes a renoncé temporairement à l’option de deux porte-avions puisque le prolongement du Foch a été annulé car jugé non prioritaire et coûteux. La Marine ne pourra donc plus respecter le concept de permanence à la mer lors de la première IPER du Charles-de-Gaulle en 2004-2005 ainsi que pendant la deuxième IPER majeure qui retiendra le bâtiment dix huit mois à deux ans en réparation vers 2010-2011. De plus, pendant deux années, de 2000 à 2002, le groupe ne pourra pas intervenir dans des zones où existe une menace aérienne forte en raison du retard de la livraison de la première flottille Rafale en version intercepteurs. L’absence de permanence à la mer fragilise à coup sûr la capacité de projection. C’est un véritable choix politique autant qu’un pari stratégique.

    — le coût d’un second porte-avions, estimé à au moins 15 milliards de francs, obligerait la Marine à des choix difficiles entre programmes majeurs et risquerait de déséquilibrer la cohérence de l’ensemble des forces maritimes. Un puissant groupe aéronaval existerait ainsi au détriment des programmes de navires de surface (frégates et TCD de nouvelle génération). Mais il est surtout impératif d’assurer le renouvellement des bâtiments d’escorte du porte-avions, frégates antiaériennes et anti-sous-marines.

    — le choix du mode de propulsion, classique ou nucléaire, n’est pas acquis. Les avantages de la propulsion nucléaire sont liés à l’autonomie conférée au porte-avions. Mais ses inconvénients sont réels, notamment du fait de coûts d’entretien élevés. Le changement de propulsion nécessiterait de réviser l’architecture du bâtiment et d’entreprendre des études pour un montant d’au moins un milliard de francs ou de reprendre les études pour les turbines à gaz du futur porte-avions britannique ;

    — le concept de groupe aéronaval ne peut rester national et il est nécessaire de l’envisager dans un contexte européen. La perspective de mise en commun des capacités au niveau européen et en particulier avec le Royaume Uni se renforce. Le Ministre français de la défense a rappelé que les interventions majeures de la France relèveraient à l’avenir d’opérations multinationales et qu’il convenait d’attendre les résultats des réflexions britanniques avant toute décision majeure. Devant la Commission de la défense, le Président de la commission de la défense de la Chambre des communes a évoqué cette possibilité et a estimé nécessaire d’en tirer les conséquences sur les programmes concernant les groupes aéronavals des deux pays.

    En attendant la décision britannique qui pourrait intervenir en 2002-2003, l’expérience de trois années de service opérationnel du Charles de Gaulle sera essentielle, tant en ce qui concerne la propulsion du navire que l’évolution de la doctrine d’emploi.

    Les futures plates-formes aéronavales seront très différentes des concepts actuels. Les conclusions de la Strategic Defense Review, menée par le ministère britannique de la défense, ont conforté la mission de projection de la Marine et ont préconisé la constitution d’un groupe aéronaval à deux porte-avions d’une capacité voisine de celle du Charles de Gaulle (40 000 tonnes, 40 avions) alors que la Grande-Bretagne semblait plutôt envisager un système rustique doté d’un équipage réduit. L’absence des porte-aéronefs britanniques dans l’Adriatique ne sera pas sans conséquence sur l’évolution des réflexions britanniques dans ce domaine. Le projet d’avion JSF (joint strike fighter) est un programme anglo-américain qui vise un appareil polyvalent capable de décoller verticalement comme d’être catapulté. Le choix de la France paraît ainsi être conditionné par l’option retenue au Royaume-Uni.

      C. LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE SURFACE

    Sont actuellement en service dans la Marine :

    — le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc ;

    —  4 frégates antiaériennes ou lance-missiles ;

    —  9 frégates anti-sous-marines (deux F-67 et sept F-70) ;

      — 10 frégates de deuxième rang (dont 4 La Fayette et 6 Floréal) et 14 Avisos type A 69 ;

    — 4 TCD ;

      — 13 chasseurs de mines tripartites et 3 bâtiments remorqueurs de sonar ;

    — 23 patrouilleurs de service public ou de police en mer ;

    —  5 bâtiments de transport léger (BATRAL) ;

    —  4 pétroliers-ravitailleurs ;

    —  4 bâtiments de soutien logistique ;

    — 28 bâtiments auxiliaires de divers tonnages.

    Après la livraison en 1998 du TCD Sirocco, les derniers programmes important permettant de renouveler la flotte de surface dans le cadre de la programmation et de la revue des programmes concernent les frégates de souveraineté et la définition d’une nouvelle génération de TCD.

    C’est pourquoi l’âge moyen de la flotte de surface, qui est actuellement de 17 ans alors qu’il devrait se situer entre 12 et 15 ans dans une situation optimale, devrait baisser de manière temporaire avec le désarmement anticipé de bâtiments anciens, avant de remonter jusqu’en 2010.

      1. Les frégates de souveraineté La Fayette

    ·  Dans le domaine de la prévention et du contrôle des crises, après la livraison de la dernière frégate de type Floréal en 1994, l’effort de renouvellement des capacités de vigilance et de souveraineté s’appuie sur le programme de frégates légères type La Fayette. Le premier bâtiment a été admis en 1996 au service actif ; le Surcouf et le Courbet ont rallié les forces en 1997 ; la frégate n °4 Aconit a été admise au service actif début 1999.

    La réduction des ressources prévues par la loi de programmation militaire a conduit à limiter à cinq le nombre d’exemplaires de la série et à renoncer au sixième. Le maintien de la frégate n° 5 Guépratte a conservé à l’établissement de Lorient un plan de charge qui, sinon, aurait été catastrophique. Mais les retards de six mois pour la frégate n° 4 et de deux ans pour la frégate n° 5 qui ne sera admise au service actif qu’en 2002 obligeront à maintenir en service plus longtemps les plus anciens des avisos A 69 dont il n’est pas certain que le renouvellement sera assuré.

    Le projet de loi de finances initiale pour 2000 prévoit 92 millions de francs d’autorisations de programme et 174 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme sur l’article spécifique 69 du chapitre 53-81.

    ·  Deux programmes directement inspirés des frégates type La Fayette ont donné lieu à des contrats à l’exportation, l’un avec Taiwan (contrat Bali-Bravo de six bâtiments commandés en 1993 qui ont tous été livrés), l’autre avec l’Arabie saoudite (contrat Sawari II signé en 1997 pour trois bâtiments). Ces contrats ont bénéficié des améliorations qui font défaut à la série des La Fayette françaises car ils ont été menés dans une perspective industrielle moderne et n’ont pas subi les atermoiements du programme national.

      2. La définition d’une nouvelle génération de TCD

    Le concept de “ transports de chalands de débarquement ” a évolué et les TCD sont devenus des bâtiments polyvalents capables de transporter et de mettre à terre des forces d’intervention. Le modèle de Marine 2015 comprend quatre bâtiments de ce type. Le Sirocco livré en mai dernier est venu compléter la série de type Foudre. Mais les deux unités les plus anciennes, l’Ouragan et l’Orage, devront être remplacées respectivement en 2004 et 2006. C’est pourquoi l’acquisition de deux bâtiments supplémentaires a été programmée.

    Les futurs navires seront cependant d’une conception différente de celle de la Foudre. Les études de définition ont été guidées par deux objectifs :

    — l’adaptation aux doctrines amphibies. Le nouveau bâtiment, d’un tonnage de l’ordre de 16 000 tonnes et capable d’embarquer 450 hommes, devra avoir une capacité de commandement (c’est-à-dire accueillir un état-major interarmées), être interopérable et s’intégrer dans une force amphibie. Mais l’Etat-major de la Marine ne s’est pas encore prononcé sur la capacité en hélicoptères (au mois six) ou en chalands de débarquement ;

    — la limitation des coûts. L’enveloppe budgétaire a été fixée à 3,65 milliards de francs pour deux unités, y compris les frais de développement, contre 1,945 milliard de francs valeur 97 pour le Sirocco. La réalisation se fera sous la contrainte des coûts objectifs. La démarche comparative menée par la DGA a pour objectif d’étudier les solutions techniques et industrielles susceptibles de générer des économies. Elle cherche à analyser la réalisation de bâtiments similaires, notamment en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas et à prendre en compte des éléments de comparaison nationale, les Chantiers de l’Atlantique ayant effectué une proposition que l’état-major de la Marine trouve intéressante.

    Mais il serait judicieux de construire les bâtiments dans l’établissement de Brest de la DCN, dont le plan de charge en constructions neuves s’effondre, quitte à ce que certaines parties soient sous-traitées à un chantier civil plus compétitif, afin de respecter les coûts objectifs. A tout le moins, il serait nécessaire que le site de Brest intègre les NTCD.

      D. LES INCERTITUDES DES PROGRAMMES EN COOPÉRATION

      1. La « réorientation » du programme Horizon de frégates antiaériennes

    L’objectif du programme Horizon est d’équiper la Marine d’unités modernes de défense aérienne en remplacement des frégates antimissiles Suffren et Duquesne. Il a été conçu initialement en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, ce qui en faisait l’un des principaux programmes menés dans le cadre d’une coopération européenne (il portait sur plus de 100 milliards de francs).

        a) L’origine ancienne des difficultés

    Depuis le début de la négociation, plusieurs problèmes essentiels n’ont jamais trouvé de solution mais la responsabilité de l’échec du projet incombe largement aux Britanniques :

    — l’intégration de la DCN dans un dispositif privé international s’est toujours heurtée à la réticence britannique, non seulement en raison du statut de la DCN mais aussi parce que la France n’avait pas organisé de compétition pour désigner son candidat national (alors que la Grande-Bretagne a retenu Marconi après une consultation) et que la confusion entre DCN étatique et services industriels n’a jamais été levée.

    Le choix du système de combat (CMS ou combat management system) a focalisé ces réticences. La Grande-Bretagne a refusé l’intervention de la DCN, malgré son expérience dans les Senit (le Senit 8 équipe le Charles de Gaulle), dans la maîtrise d’œuvre du concept de CMS. Le seul industriel qui a connu des réussites et peu d’échecs a été ainsi éliminé. Or, de nombreux exemples montrent que GEC-Marconi éprouve des difficultés à mener à bien ses contrats d’intégration de systèmes (frégates F23 pour la Royal Navy, frégates pour la Malaisie dont le programme connaît un retard de 3 ans). C’est ainsi que l’Etat britannique a dû reprendre la responsabilité de la maîtrise d’œuvre de l’intégration des systèmes sur les frégates F23. Il s’agit d’une tendance générale parce que l’intégration de systèmes est au cœur de la construction navale militaire et que les problèmes industriels sont spécifiques pour des raisons à la fois techniques (complexité des systèmes) et historiques (longue tradition d’arsenaux).

    — la stratégie d’acquisition reposait sur la volonté de s’engager sur le long terme et de faciliter la restructuration du secteur industriel. Une équipe intégrée de management, JPO (joint project office), a été constituée et disposait d’une réelle délégation d’autorité.

    Le maître d’œuvre industriel du programme, IJVC (International joint venture company), comprenait DCN-International pour la France, Orizzonte Spa pour l’Italie et GEC-Marconi pour la Grande-Bretagne. Il a initialement sélectionné deux consortiums pour chaque sous-système majeur (SENIT, SIC et guerre électronique). Mais ces consortiums ont été perturbés par les restructurations industrielles au niveau européen. GEC-Marconi, qui avait retardé le projet en souhaitant imposer un autre type de radar, s’est retiré de la compétition. Le dépouillement d’offres dont le montant est supérieur au coût fixé a entraîné de nouvelles négociations ;

    — le partage industriel entre les trois pays a été conditionné par les effets d’annonces sur les commandes nationales. Face à un besoin initial de quatre exemplaires, le financement de la programmation militaire a inscrit deux frégates « françaises » pour la période 1997 – 2002, en vue d’une première livraison en 2005. Les Britanniques ont toujours annoncé la commande de 12 bâtiments mais il est certain qu’ils n’en acquerront pas autant puisqu’ils n’envisagent la commande que de quatre frégates à l’horizon 2007. L’Italie, après avoir évoqué la perspective de six exemplaires, n’en a financièrement programmé qu’un seul pour 2005.

        b) L’affaiblissement de la volonté politique

    Un soutien politique fort avait facilité la poursuite des négociations et la signature du premier M.O.U. (memorandum of understanding) le 11 juillet 1994 par les trois ministres de la défense et le supplément au M.O.U. le 21 mars 1996 qui a permis le lancement de la phase de définition. Or ce soutien politique s’est affaibli avec l’arrivée du nouveau gouvernement britannique, en 1997, qui s’est montré peu favorable au projet Horizon.

    Le Ministre de la Défense britannique d’alors, M. Robertson, a indiqué dès l’été 1998, qu’il n’avait pas confiance dans l’organisation industrielle du programme et qu’il préférait la mise en place d’un maître d’œuvre unique (prime contractor) au lieu de l’IJVC trinationale. Il a donc souhaité que l’organisation industrielle soit réformée dans un sens plus conforme à la politique britannique d’acquisition des armements et surtout plus favorable à GEC-Marconi. Une forme de chantage s’est ainsi instaurée, l’accord étatique sur le programme de missiles PAAMS étant subordonné à un accord sur Horizon. Afin de sauver le programme, les deux autres ministres de la défense ont alors demandé aux industriels de proposer une nouvelle solution.

    Mais, face à la diminution sensible de la volonté politique, les industriels britanniques ont accentué leurs exigences. La fusion entre BAe et GEC-Marconi a conféré au nouveau groupe un niveau de compétences et de capacités équivalent à celui de la DCN ce qui l’a incité à remettre en cause l’ensemble du projet dont il n’avait jamais accepté l’arrangement industriel.

    Un projet de nouvelle organisation, présenté par la DCN le 10 mars dernier et assignant à la DCN et à Orizzonte un rôle de maître d’œuvre de rang 2 (sub prime contractor), n’a même pas été examiné. La solution avancée par GEC-Marconi, le 1er avril, n’a tenu compte d’aucune des propositions françaises. Elle était inacceptable par les Français et les Italiens dans la mesure où :

    — elle confiait toute la responsabilité de maître d’œuvre à GEC-Marconi qui aurait choisi tous les fournisseurs et tous les équipements et aurait considéré les autres participants comme des sous-traitants ;

    — elle reportait sur la DCN et sur Orizzonte la responsabilité de la construction, de l’intégration finale et des performances ;

    — elle obligeait à retarder de 18 mois à 2 ans le programme, les besoins des Britanniques étant moins urgents, alors que tout retard dans le calendrier est incompatible avec l’état des frégates antimissiles françaises qui ne pourront être maintenues au-delà de 2005 ;

    — elle n’offrait aucune garantie en termes de coûts, pourtant l’une des exigences britanniques. Bien plus, GEC-Marconi qui se positionnait comme le chef de file du programme, n’a pas pu s’engager sur une organisation industrielle ni sur une offre financière, et a préféré ne pas donner suite à son offre initiale pour des raisons liées à sa nouvelle stratégie industrielle.

    Les industriels français et italiens ont rejeté cette offre, d’ailleurs contraire au memorandum of understanding. Le comité directeur du programme Horizon a constaté le désaccord le 14 avril et a demandé aux Ministres de la Défense d’accepter le retrait britannique. Les directeurs nationaux d’armement, réunis le 22 avril, ont entériné cette demande.

        c) L’avenir du projet en coopération franco-italienne

    Après l’accord intervenu en septembre dernier entre leurs directeurs nationaux d’armement, la France et l’Italie ont décidé de continuer en commun le programme de frégates antiaériennes, en limitant le nombre des exemplaires à deux par pays et en respectant les enveloppes initiales de coût. Le nouveau projet reprend les variantes nationales dont l’étude avait commencé mais il est vraisemblable que les performances seront réduites dans certains domaines.

    L’intention du gouvernement français est de notifier le contrat de développement et de fabrication avant la fin de cette année.

    C’est pourquoi, dans le projet de budget pour 2000, sont inscrits 2 800 millions de francs d’autorisations de programme et 385,5 millions de francs de crédits de paiement sur l’article individualisé 68 du chapitre 53-81. Parallèlement, le projet bénéficiera d’un montant de 2 970 millions de francs d’autorisations de programme disponibles pour couvrir le développement et la commande de la première frégate. Selon le Chef d’état-major de la Marine, l’Amiral Delaunay, c’est la première fois que le montant d’autorisations de programme accordé (près de 5 800 millions de francs) permettra de commander les deux premiers exemplaires d’une série de bâtiments majeurs dans d’excellentes conditions.

      2. La convergence des intérêts nationaux sur le programme d’armements antiaériens PAAMS

    Le PAAMS est un projet de système d’armes d’origine franco-italienne du lequel les industriels britanniques ont voulu se greffer. Il est dérivé sur système de défense de zone SAMP/N (sol-air moyenne portée en version navale) initialement compris dans le programme franco-italien FSAF (famille de missiles sol-air futurs).

    Le système repose sur un radar multifonctions Arabel, des lanceurs verticaux et des missiles Aster 15 et 30, qui sont développés en coopération par Aérospatiale, Thomson-CSF et Alenia. Il constitue un programme structurant pour les industries européennes.

    BAe n’a pas souhaité participer aux coûts de développement supportés par les partenaires français et italien et a exigé une part industrielle : c’est pourquoi la Grande-Bretagne a retenu un radar multi-fonctions Samson (Siemens Plessey) au lieu du radar Empar (Aérospatiale-Alenia) issu du programme FSAF et un système de contrôle et de commande lié à ce radar spécifique. Un compromis a été trouvé en raison de la création de la société Matra-BAe-Dynamics et du rapprochement Aérospatiale-Matra qui a permis aux missiliers français de présenter une position unanime.

    Les industriels sont parvenus à un accord car la famille de missiles ASTER et le programme PAAMS ont de nombreuses possibilités d’utilisation dans l’avenir. L’Italie envisage d’équiper d’autres navires de surface du système PAAMS. Même s’il n’est pas adapté à l’autodéfense d’un porte-avions, le système peut être dérivé dans une autre version pour le projet de porte-avions britannique.

    Le memorandum of understanding a été signé en mars 1996. En mai 1997 a eu lieu la signature du contrat de phase 2 mais les Britanniques ne se sont pas encore prononcés de manière définitive sur la nature du missile à courte portée. La notification du contrat global tripartite est intervenue en juillet dernier. Le premier prototype pourrait être livré début 2002.

    La maîtrise d’œuvre du programme est assurée par EUROPAAMS, filiale de droit français des sociétés EUROSAM et UKAMS.

Le projet de budget pour 2000 a inscrit 776 millions de francs d’autorisations de programme et 643 millions de francs de crédits de paiement pour la phase de développement sur l’article 72 du chapitre 53-81.

      3. L’incertitude du programme NH 90

    L’une des innovations les plus marquantes de l’aéronautique navale a consisté à équiper d’hélicoptères tous les bâtiments de surface de nouvelle génération afin d’assurer des missions diverses : lutte anti-sous-marine et antinavires à partir de frégates, transport, soutien à la mer des forces navales, liaisons logistiques, recherche et sauvetage de combat, service public, formation et entraînement.

    Le tableau ci-après présente l’équipement actuel de la Marine en hélicoptères.

ÉQUIPEMENT DE LA MARINE EN HÉLICOPTÈRES
(au 1er juillet 1999)

 
 

En parc

En ligne

Age moyen

Année de retrait du service

      Super Frelon

16

10

29 ans 5 mois

2004-2007

      Lynx

33

23

18 ans 5 mois

2005-2011

      Dauphin Pedro

3

3

9 ans 8 mois

2018-2022

      Dauphin service public

5

4

16 ans 11 mois

2018-2022

      Alouette III

30

22

-

2003-2008

      Panther

15

11

3 ans 8 mois

-

    Dans le modèle 2015, la Marine a retenu trois types d’hélicoptères. Les bâtiments de soutien sont aménagés pour recevoir des hélicoptères légers (2 tonnes) et les frégates des hélicoptères de combat moyens et lourds (8 à 9 tonnes pour les frégates de premier rang et 4 tonnes pour les autres bâtiments).

    Ÿ Le besoin en hélicoptères de combat de classe 4 tonnes (24 exemplaires) a été satisfait par l’acquisition de 15 Panther entre 1993 et 1997. Au cours des années 2010, neuf autres seront commandés pour équiper les frégates porte-hélicoptères qui remplaceront les avisos A 69 et les frégates antimissiles de classe Suffren. Le parc d’hélicoptères légers de soutien, dont le volume nécessaire est estimé à près d’une cinquantaine d’appareils, comprend 8 Dauphin et sera complété par une nouvelle génération remplaçant les Alouette III. La phase de préparation d’un programme HLS (hélicoptère léger de soutien) devrait être lancée en 2000 afin d’assurer une livraison d’une quarantaine d’appareils entre 2004 et 2012.

    Ÿ Le programme NH 90 qui intéresse huit armées de quatre pays européens (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas) est destiné à satisfaire les forces navales sur la base d’un concept opérationnel défini dans le cadre de l’Alliance atlantique. La France a exprimé le besoin de 27 appareils dont 14 en version combat pour la lutte anti-sous-marine et antinavires, et 13 en version soutien équipés pour le transport et le sauvetage.

    Trois versions ont été définies : une version terre et deux versions marine. Le premier prototype poursuit ses essais débutés en décembre 1995. Le deuxième prototype a effectué son premier vol en mars 1997. Le troisième prototype a commencé ses essais en novembre 1998. Le prototype n °4 correspondant à la version TTH (tactical transport helicopter) a volé pour la première fois le 31 mai dernier. Il est prévu que le prototype n °5 en version NFH (Nato frigate helicopter) commence ses essais à la fin de cette année. La loi de programmation militaire a prévu la poursuite du développement des versions Terre et Marine jusqu’en 2002 et une première commande de 11 appareils avec des livraisons intervenant à partir de 2005 au rythme de 4 appareils par an.

    Les quatre pays en coopération devaient signer le memorandum of understanding au milieu de cette année, par exemple à l’occasion du salon international du Bourget mais aucune décision en ce sens n’a été prise. Au contraire, le calendrier des livraisons a été retardé. Il est pourtant nécessaire au bon déroulement du programme que le contrat d’industrialisation soit notifié et qu’une commande pluriannuelle pour un premier lot de 151 appareils confirme l’intérêt des pays participants. Un report de la signature du contrat pourrait inciter les Pays Bas à se retirer du projet et à faire appel à un hélicoptère américain. Il ne permettrait pas de répondre à l’appel d’offres des pays nordiques qui envisagent l’acquisition d’une centaine d’appareils.

    Bien que le contrat de développement, signé le 1er septembre 1992, n’ait pas été renégocié, plusieurs dispositions ont été prises pour réduire les coûts des appareils en les dotant de capacités simplifiées. Le projet de budget pour 2000 a prévu 320 millions de francs d’autorisations de programme et 220,5 millions de francs de crédits de paiement pour l’ensemble du programme. La dotation en autorisations de programme semble cependant insuffisante pour couvrir la commande globale de 27 appareils qui devrait avoir lieu l’an prochain.

      4. Le missile antinavire futur

    Le programme de missile antinavire futur (ANF) est destiné à remplacer vers 2005 la famille Exocet (MM38 et MM40), dont les performances vont décroître, ou qui arrivera à obsolescence, et à équiper les bâtiments de nouvelle génération, notamment les frégates Horizon et les sous-marins d’attaque futurs mais également le Rafale.

    Le choix d’un missile supersonique a été fait pour des raisons stratégiques et opérationnelles. La capacité de pénétration du missile ANF dépendra de sa vitesse. Or, la maîtrise de la technologie du statoréacteur est assurée par Aérospatiale qui a proposé de développer le missile supersonique ANF en bénéficiant de la concordance technique avec le programme VESTA, vecteur statoréacteur lié au missile nucléaire ASMPA.

    La phase initiale de définition du programme ANF est achevée. Il est prévu de passer une commande globale relative au développement, à l’industrialisation et à la fabrication avant la fin de cette année.

    Ce programme constitue un enjeu technologique et économique majeur pour l’industrie française et européenne des missiles. Une stratégie de partenariat avec d’autres industriels européens est mise en œuvre pour diminuer les coûts de développement.

    La loi de programmation militaire a prévu des crédits en faveur de ce programme en fin de période. Afin de couvrir les besoins de développement, la loi de finances initiale pour 2000 prévoit 214 millions de francs de crédits de paiement.

    III. — LA RÉFORME INACHEVEE DES CONSTRUCTIONS NAVALES

    La construction et l’entretien de bâtiments navals présente, en France, la double caractéristique d’être assurés essentiellement par la DCN et d’associer étroitement cette dernière et la Marine.

    La nouvelle définition du format de la Marine comme les contraintes budgétaires ainsi que la modification de l’environnement industriel conduisent la DCN à évoluer en profondeur. Or, jusqu’à présent, la restructuration et la modernisation de celle-ci ont été plus subies qu’anticipées en raison d’une gestion courante conduite en fonction des crises et dépourvue de perspectives.

      A. UNE RÉFORME DANS LA CONTINUITÉ DES ÉVOLUTIONS PRÉCÉDENTES

    Depuis quelques années, dans le cadre de la réforme de la DGA, des efforts ont été entrepris pour restructurer la Direction des constructions navales et adapter son format au niveau d’activité. La réforme annoncée par le Ministre de la Défense et transformant la DCN en service à compétence nationale (SCN) ne doit pas faire oublier tout ce qui a été réalisé dans le passé et mérite d’être replacée dans cette perspective.

    Pour autant, la succession de plans comme de rapports commandés par le ministère de la défense témoigne autant du besoin d’approfondir une réflexion que de la difficulté à prendre des décisions.

      1. Des efforts insuffisamment reconnus

    Peu de services se sont autant transformés que la DCN en une dizaine d’années : aux premières réformes de structure basées sur la séparation des activités étatiques et industrielles s’est ajoutée une drastique adaptation des effectifs au plan d’activité.

        a) La première évolution des structures

    Les structures des services de construction navale militaire ont été modifiées depuis le début des années 90. La création de DCN International en 1991 a répondu au souci de développer les exportations, d’apporter une souplesse à l’exécution des contrats et de nouer des alliances industrielles ou commerciales.

    Mais le phénomène le plus important est la séparation des activités étatiques et industrielles, entreprise depuis 1992 et poursuivie dans le cadre de la réforme des structures de la DGA. Le décret n° 97-35 du 17 janvier 1997 a créé deux services distincts. Le service étatique des programmes navals (environ 2 000 personnes) assure les missions de planification, d’expertise et de conduite des programmes et est rattaché à la Direction des systèmes d’armes (DSA) de la DGA pour les fonctions de maîtrise d’ouvrage tandis que les centres d’essais ont rejoint la direction des centres d’expertise et d’essais (DCE). Le service industriel, qui gère près de 17 000 personnes sur huit sites, est maître d’œuvre de la conception, de la construction, de l’intégration et de la conduite des projets industriels ainsi que du maintien en l’état des matériels navals pour le compte de Marine. C’est ainsi que la nouvelle DCN est constituée de la composante industrielle des activités de construction navale militaire et d’une partie des services communs aux composantes industrielles et étatiques.

    La séparation s’est traduite par la budgétisation de la partie étatique de la DCN et la séparation comptable des activités qui a abouti à la clôture des commandes étatiques en compte de commerce au 31 décembre 1997. Ne relèvent plus du compte de commerce que les établissements industriels et quatre centres d’essais de la DCE. Cette séparation a eu lieu à enveloppe constante mais les mesures nécessaires à sa réalisation ont coûté près de 880 millions de francs.

    L’imbrication des sites industriels et des infrastructures ne permet pas de séparer avec clarté les personnels et les services d’autant plus que des liens étroits, d’ailleurs indispensables en raison des synergies, demeurent entre les structures. Pour les observateurs extérieurs à la DCN, comme les industriels français ou les partenaires étrangers, la séparation reste difficile à comprendre et semble souvent factice.

        b) Le dimensionnement de l’outil de production

    Depuis dix ans, plusieurs processus d’adaptation des effectifs à la baisse des plans de charge ont été engagés car l’essentiel des difficultés dans les principaux sites de la DCN était lié à la diminution du nombre d’heures productives : 24,3 millions réalisées en 1996 ; 22,5 en 1997 ; 18,6 millions en 1998 ; environ 18,5 millions pour 1999 ; 14,7 millions programmées pour 2000 comme pour 2001.

    Les aléas des calendriers de production comme la difficulté de gérer des programmes complexes expliquent qu’au moment où se dégrade le nombre global d’heures productives, les établissements connaissent provisoirement des situations diversifiées. Les ajustements de plans de charge entre les sites de production constituent une solution satisfaisante en théorie mais pas toujours évidente à réaliser en pratique. Ainsi, des besoins en effectifs se sont fait sentir ponctuellement à Toulon où près de 550 personnes issues d’autres établissements sont venues travailler.

    Ÿ Devant la réduction de ses plans de charge, la DCN a rapatrié la sous-traitance à l’intérieur de ses établissements et a cherché à utiliser le taux de sous-traitance comme variable d’ajustement dans les différents bassins d’emploi. C’est pourquoi, ce taux, qui correspond au rapport de la charge sous-traitée (en sous-traitance interne et en sous-traitance externe) sur la charge pilotée (production de l’établissement et charge sous-traitée) est en nette régression pour tous les établissements, particulièrement dans les bassins de Brest, Indret et Toulon. La réduction brutale de la part de la sous-traitance interne (STI) est également révélatrice de la dégradation des plans d’activité et de la reprise de tâches par la DCN.

Établissement

Taux de sous-traitance

Investissement
(en millions de francs)

 

1998
(réalisation)

1999
(estimation)

1999

2000

Brest

27 %

40 %

37

40

Cherbourg

30 %

25 %

33

40

Indret

22 %

22 %

17

40

Lorient

26 %

22 %

41

20

Ruelle

6 %

13 %

17

20

Toulon

47 %

44 %

28

35

Papeete

25 %

25 %

3

5

Autres

-

-

67

75

Total

25 %

 

243

275

(Source : DCN, modifié

    PRINCIPAUX CHANTIERS EN COURS
    DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE LA DCN (au 1er octobre 1999)

Bâtiment

Date de la commande

Mise sur cale

Admission
au service
actif

Chantier

SNLE-NG n° 3
Le Vigilant

1993

1997

2003

Cherbourg

Porte-avions nucléaire
Charles-de-Gaulle

1986

1989

2000

Brest

Frégate Guépratte

1992

1997

2002

Lorient

    PLAN DE CHARGE DES ÉTABLISSEMENTS

(en milliers d’heures de production)

 

1995

1996

1997

1998

1999
prévision

2000
prévision

Brest

7 235

7 537

7 310

5 800

5 440

3 530

Cherbourg

3 788

3 915

4 299

3 900

2 950

2 600

Lorient

4 887

3 932

2 847

2 780

2 320

2 950

Toulon

3 921

4 468

4 070

3 220

3 410

3 030

Indret

2 005

2 081

1 330

1 644

1 250

900

Ruelle

1 105

1 063

1 012

900

770

590

St-Tropez

276

274

230

(1)

(1)

Papeete

382

363

379

310

280

230

Ingénierie

564

626

574

580

580

550

Total

23 885

23 985

22 135

18 820

17000

14 380

(1) DCN-Ingénierie comprend Saint-Tropez à partir de 1998

(Source : ministère de la Défense - DCN))

    Ÿ Près de 6 000 emplois ont disparu du milieu des années 80 au milieu des années 90. La réduction effectuée en 1998 pour les effectifs autorisés a concerné près de 2 000 personnes, soit 10,4 %, celle prévue pour 1999 concerne également 2000 personnes. Le rythme de réduction pour la seule partie industrielle a ainsi atteint 30 % de 1993 à 1998, soit 6 % par an.

    Les comparaisons en tendance ne peuvent être effectuées que sur les effectifs pris en compte par le compte de commerce (dits ECC), en général supérieurs aux effectifs nets réalisés (dits ENCR). En fait, il est toujours difficile de connaître les effectifs des établissements car de multiples modes de comptabilisation existent. Pour les exercices 1998 et 1999, les données correspondent aux effectifs budgétaires du compte de commerce c’est-à-dire aux personnels de la DCN proprement dite et à ceux de quatre établissements transférés à la DCE en janvier 1997 (Gesma, Gerbam, CTSN et Bassin d’essais des carènes). De plus, la DGA fixe à la DCN son propre contingent d’effectifs autorisés mais on constate que les effectifs réalisés sont légèrement supérieurs (les sureffectifs sont estimés à 117 personnes en 1998).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES ÉTABLISSEMENTS

    (au sens d’effectifs à la charge du compte de commerce)

 

1993

1995

1996

1997

1998
estimation

Evolution
1993-1998

Brest

6 224

5 823

5 595

4 980

4 581

- 27,7 %

Cherbourg

4 318

4 039

3 950

3 648

3 363

- 22,4 %

Lorient

3 305

3 005

2 786

2 515

2 307

- 31,6 %

Toulon

4 703

4 345

4 057

3 777

3 240

- 32,6 %

Indret

1 939

1 534

1 484

1 384

1 255

- 34 %

Ruelle

1 496

1 373

1 312

1 193

1 018

- 31,2 %

St-Tropez

566

529

502

432

(1)

Papeete

400

366

332

284

270

- 29 %

Ingénierie

840

825

842

865

1 165(1)

             

Total (2)

28 401

24 600

23 660

21 790

18 553 (3)

- 34,7 %

(Source : ministère de la Défense-DCN)

(1) DCN Ingénierie comprend les effectifs de St-Tropez à partir de 1998

(2) Autre série statistique portant sur des effectifs réalisés et incluant les effectifs du siège

(3) Environ 2 000 emplois transférés du compte de commerce en zone budgétaire

    Pour 2000, il est prévu de réduire les effectifs de la DCN de l’ordre de 1 000 personnes, essentiellement des personnels ouvriers.

    Ÿ La réduction des effectifs n’étant pas compatible avec les seuls départs naturels estimés à environ 1 800 sur la période de programmation, de multiples mesures d’incitation au départ ont été prises. Plusieurs instructions concernent les congés de fin d’activité, les aides à la création d’entreprise, la cessation anticipée d’activité pour les personnels fonctionnaires ou contractuels ainsi que les départs volontaires. Par ailleurs les mutations vers les armées ont été encouragées par le décret du 30 mai 1997 qui a institué une indemnité de conversion.

    Mais la disposition la plus innovante vise les personnels sous statut ouvrier. Le décret n° 96-394 du 7 mai 1996 prévoit le dégagement des cadres des ouvriers âgés d’au moins 55 ans. Il a été complété par le décret n° 98-358 du 12 mai 1998 qui autorise, jusqu’en 2000, le dégagement des cadres des personnels à statut ouvrier âgés de 52 ans ou plus et de moins de 55 ans. Le décret n °99-328 du 29 avril 1999 a prolongé cette mesure jusqu’en 2000.

    Les personnels qui totalisent 37 ans et demi d’annuités bénéficient d’une retraite à effet immédiat. Les autres reçoivent jusqu’à l’âge de 60 ans une allocation unique dégressive qui leur assure un complément de ressources mais cette allocation comme la pension sont plafonnées au niveau du salaire d’activité.

    Ÿ L’ajustement des effectifs par les mesures d’âge doit tenir compte, pour chaque site et pour chaque métier, dans les métiers préalablement identifiés comme indispensables, les seuils critiques en deçà desquels des menaces pèsent sur l’avenir industriel. C’est pourquoi le dégagement des cadres à 52 ans est conditionné par le volontariat de l’intéressé et l’accord de la DCN. Par ailleurs, la gestion des effectifs doit maintenir le recrutement de jeunes, leur formation et la préservation de leur expérience pour garantir le maintien des compétences et la mise en œuvre de nouvelles technologies.

      2. La succession de plans et de rapports

        a) Le plan de gestion DCN 2000

    Le plan DCN 2000 initié en 1998 vise essentiellement à moderniser les instruments de gestion de la DCN et ses relations avec ses clients.

    La mise en œuvre de règles de gestion identiques à celles des entreprises s’est appuyée sur la refonte complète de tous les systèmes informatiques. Avec l’aide d’un cabinet de consultants (Arthur Andersen) des progiciels disponibles sur le marché ont été choisis et adaptés à la DCN.

    De même, la démarche de contrats objectifs, contenue dans le plan DCN 2000, correspond à une organisation qui met le client au centre des préoccupations de l’entreprise. Mais la contractualisation des rapports de la DCN avec la Marine n’est pas encore entrée dans la phase de maturité pour de multiples raisons en particulier dans la mesure où le montant des contrats est versé de manière automatique et a priori sur le compte de commerce. Seuls les contrats à l’exportation ont une véritable signification.

        b) Le plan d’entreprise de la DCN

    À la fin de 1998, le Ministre de la défense a demandé au directeur des constructions navales, M. Rodolphe Greif, de préciser le périmètre et le calendrier du plan DCN 2000 et d’élaborer un plan d’entreprise selon les principes suivants :

    — spécialisation des établissements et des sites par activité (constructions neuves, systèmes de combat et maintien en condition opérationnelle) mais également par fonction (propulsion, navigation, énergie, études,…) et par métier. Un tel système d’organisation laisse aux directeurs d’établissement un rôle d’impulsion, d’arbitrage et d’innovation qui permet aux sites de mieux faire face à leurs difficultés et de développer des efforts en matière de diversification d’activités, d’où l’importance des plans directeurs d’établissement ;

    — renforcement des synergies entre les principales activités (construction neuve, maintien en condition et systèmes de combat) ;

    — renforcement de l’efficacité et de la cohérence des fonctions transversales (comptabilité, finances, ressources humaines, achats, action commerciale).

    Le plan « Greif » ainsi élaboré préconise une évolution des règles de gestion applicables à la DCN à statut inchangé. Il s’articule autour de deux axes :

    — le projet comptable et financier prévoit l’évolution des modes de gestion autour du principe de la contractualisation, l’élaboration de nouvelles règles dans le cadre du compte de commerce et la mise en place d’outils de gestion.

    L’un des objectifs majeurs est de doter la DCN d’une véritable comptabilité qui permette la certification. Le nouveau système de gestion, mis en place avec la collaboration d’Arthur Andersen Consulting, est expérimenté dans deux sites, Lorient et Brest, avant d’être étendu à l’ensemble des établissements à l’automne 2000. Ce plan devrait être complété par un inventaire patrimonial de la DCN afin de disposer d’un premier compte de bilan en 2001. Des équipes ont été spécialement formées à cet effet avant d’être envoyées sur les différents sites.

    — le volet commercial part du constat de l’insuffisante capitalisation de DCNI, laquelle pourrait être palliée par l’apport d’actifs détenus par l’Etat. Néanmoins, la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées ont demandé à revoir cette organisation en raison d’incertitudes juridiques. En effet, le mécanisme de conventionnement entre la DCN et DCNI demeure juridiquement fragile car il ne repose sur aucun texte législatif (la Cour des comptes demande à ce que les dispositions dérogatoires fassent l’objet d’une loi). Surtout, il apparaît que la DCN n’est plus du tout maître des conditions de négociation des contrats, ce qui peut conduire à des réalisations à perte .

    Dans un tel cas de figure, l’Etat devrait apporter plus de deux milliards de francs à court terme (0,6 milliard pour solder les pertes de contrats en cours, 500 millions pour restructurer les sites et 900 millions pour assainir la trésorerie), compte tenu des charges de restructuration couvertes par le fonds d’adaptation industrielle (FAI). Enfin, le plan d’entreprise met également l’accent sur les conditions externes du redressement de la DCN sur lesquelles votre Rapporteur reviendra.

    Le plan d’entreprise s’appuie sur l’hypothèse d’un « chiffre d’affaires » d’environ 10-11 milliards de francs en 2000 ou
    12,5-13 milliards de francs en 2002 (y compris les activités de diversification et d’exportation) et un niveau maximal d’effectifs de 13 000-13 500 personnes en 2002.

        c) La mission d’accompagnement de la réforme de la DCN et le plan proposé par M. Jean Louis Moynot

    Les objectifs de la mission d’accompagnement de la réforme de la DCN, créée par l’arrêté du 2 juin 1998 et confiée à M. Jean-Louis Moynot, consistent :

    — « à élargir le processus de réorganisation de la DCN (...) et à recommander les plans d’action appropriés ;

    — à rechercher une structuration globale de la coopération industrielle entre la DCN et ses principaux partenaires (...) ;

    — à étudier l’organisation interne des établissements en matière industrielle, sociale et économique ainsi que leurs relations avec la direction centrale et à proposer les évolutions opportunes ainsi que les modalités éventuelles ».

    Le rapport présenté par M. Jean-Louis Moynot au printemps dernier est particulièrement innovant sur le plan juridique et industriel. Il préconise la création d’un groupe de « tête » regroupant l’ensemble des acteurs déterminants dans le secteur naval français (DCN, Thomson-CSF, Alsthom, Technicatome (CEA). Ce groupe serait en charge des fonctions de synthèse (architecture et conception globale) et constituerait le contractant et le maître d’œuvre de rang n° 1 pour toute la construction navale militaire française. Un partenaire financier (Sofrantem) lui serait associé. Aucun des acteurs ne disparaîtrait, du moins, dans un premier temps, chaque société partenaire conserverait provisoirement son statut et s’apparenterait à une filiale du groupe de tête. Cette solution, quoiqu’assez complexe, s’inspire de la notion juridique de Groupement d’Intérêt Européen appliquée au cas Airbus.

    Sans absorber les établissements de la DCN (puisque seule DCNI, société de droit privé, serait apportée au capital de l’ensemble), ce groupe de tête permettrait de :

    — solidariser les intérêts français dans le domaine de la construction navale militaire dans la perspective des restructurations européennes. Les avantages relatifs du système de combat Sénit (détection, armes, communication) par rapport à ceux de Thomson-CSF, montre qu’un rapprochement entre ces deux entités n’est pas inconcevable ;

    — impliquer la DCN dans la dynamique d’un changement de statut avec pour objectif ultime, sa transformation en véritable société. Dans une telle hypothèse, la maintenance légère de la Marine, assurée actuellement par la DCN, devrait constituer un service administratif rattaché à la Marine, alors que la maintenance lourde devrait être rattachée aux constructions neuves, c’est-à-dire au groupe de tête fédérant l’ensemble des industriels de l’armement naval.

    Cette solution innovante sur le plan juridique et industriel n’a pas été retenue par le Gouvernement mais la mission de M. Jean-Louis Moynot a été prolongée pour tenir compte des autres réflexions en cours, notamment le rapport Piketty Foillard sur l’avenir de Cherbourg (rapport qui a été publié) et celui de M. Henri Vincent sur l’offshore à Brest, et prolonger la réflexion à l’intérieur de la DCN.

      B. L’ENVIRONNEMENT DE LA DCN LA CONDAMNE À ÉVOLUER

    Pour de nombreux interlocuteurs de votre rapporteur, la DCN conserve de bonnes opportunités à condition d’évoluer. La certification ISO 9001, obtenue pour les constructions neuves, en mai dernier, témoigne d’ailleurs des capacités de l’entreprise. Mais la DCN ne peut plus s’extraire du contexte industriel et commercial qui l’entoure, en France comme dans le monde.

    En règle générale, le marché de la construction navale militaire n’est pas soumis aux mêmes contraintes de concurrence que le marché civil et les compétiteurs européens connaissent un même contexte économique et social (les charges salariales sont d’un niveau comparable, notamment en Allemagne ou en Suède). La technicité de plus en plus forte du métier, surtout dans les systèmes de combat et les systèmes d’armes, rend nécessaire un bon niveau à la fois de connaissances techniques et de commandes. De plus, le marché naval militaire est amené à se développer car de nombreux pays souhaitent se doter d’une véritable marine, notamment en Asie.

    Pour autant, l’organisation de la DCN et les conditions d’exercice du métier industriel au sein d’une administration sont pénalisantes. Les tentatives pour faire évoluer la DCN vers une gestion d’entreprise tout en maintenant son statut de compte de commerce se sont soldées par un échec. Si des efforts indéniables ont été entrepris, leur traduction dans le fonctionnement de la DCN est insuffisante. La source de ces rigidités provient essentiellement du statut de la DCN qui ne comporte que des inconvénients dans une situation budgétaire défavorable et dans le contexte des restructurations en cours de la construction navale en Europe.

      1. Les conséquences des rigidités actuelles

        a) Les contraintes de gestion

    Ÿ Les règles actuelles de gestion comportent des inconvénients. Les dispositions relatives à la passation des marchés auxquelles est soumise la DCN ne sont pas adaptées à la nature des activités industrielles. C’est en particulier le cas pour les procédures d’appel d’offres qui n’autorisent ni une gestion rationnelle des achats, ni un suivi des fournisseurs.

    L’exemple des blocages induits par ces dispositions à propos du contrat SFX à Brest est à ce titre révélateur. D’une part, la commission des marchés d’armement a refusé un contrat de sous-traitance passé par l’établissement de Brest au motif que la multi-attribution des lots n’était pas régulière ; ce faisant, la DCN a dû reprendre la procédure de passation du marché et assumer en même temps des réalisations. En d’autres termes, l’interdiction du recours à un mode d’organisation toléré auparavant, conduit la DCN à une impasse juridique et industrielle. D’autre part, sur ce même contrat SFX, la DCN a atteint le niveau d’engagement de crédits prévus par le contrat initial alors que des pertes sont prévisibles. Il a fallu un arbitrage du Premier ministre pour dépasser le niveau d’engagement.

    Ÿ Depuis dix ans le sous-encadrement de la DCN résulte de l’impossibilité juridique d’embaucher, par voie de contrats de travail de droit privé, des personnels qualifiés dans les domaines commercial, financier ou comptable. Cette situation concerne d’ailleurs également les aspects techniques pour lesquels la DCN est pourtant réputée. Toutes les institutions de contrôle dénoncent les irrégularités commises par la Direction. La Cour des Comptes a récemment relevé des écarts et mène actuellement un audit de chaque établissement. Les derniers rapports du Contrôleur général des armées ont critiqué la DCN avec vigueur sur ce point. C’est pourquoi la tutelle interprète désormais les règles à la lettre, de sorte que toute flexibilité est interdite dans le recours à l’assistance technique.

    Ÿ Lorsqu’un programme concernant la Marine est lancé par le Ministre de la Défense, la Direction des programmes effectue une réservation d’autorisations de programme (AP) qu’elle place sur une opération budgétaire d’investissement (OBI). Le contrôleur financier appose alors son visa sur cette réservation d’AP. Les AP ne sont affectées au compte de commerce qu’une fois cette opération réalisée. Ceci fait, le Directeur des Constructions Navales ou le directeur financier de la DCN répartissent les Autorisations d’Engagement (AE) correspondantes entre les différents établissements concernés par le programme, lesquels peuvent alors engager les crédits pour commencer sa réalisation concrète. Globalisées par nature pour chaque affaire, les AE leur permettent aussi bien de recruter des personnels que d’effectuer des achats ou de passer des contrats de sous-traitance.

    Avant 1992, la gestion de ces AE était centralisée et programmée en fonction des disponibilités des personnels ou des partenaires. Mais, depuis la séparation entre les fonctions étatiques et les services industriels de la DCN, des découverts d’AE ont été constatés sur certaines affaires en raison de la non-réservation préalable d’AP ou de la mauvaise répartition d’AE. Si cette situation est aujourd’hui à peu près normalisée, elle traduit à sa manière toute l’ambiguïté de règles juridiquement contraignantes, mais dont le respect condamne la DCN au déclin industriel.

    Loin de ne s’appliquer qu’aux programmes réalisés pour le compte de l’Etat, ces contraintes concernent également les contrats d’exportation. A cet égard, l’exemple du Scorpène montre le caractère intenable de la position dans laquelle la DCN se trouve placée. En effet, après que DCNI eut obtenu l’autorisation de signer le contrat en octobre 1997, l’établissement d’une convention tripartite entre DCNI, la DCN et la SOFRANTEM ainsi que la formalisation des contrats passés entre DCNI et la DCN durèrent jusqu’en mars 1998. Dès lors, le dispositif industriel était prêt. Il ne restait plus qu’à disposer des fonds nécessaires pour commencer la réalisation des sous-marins, c’est-à-dire à obtenir le visa du contrôleur financier. Huit mois s’écoulèrent finalement avant de pouvoir répartir les AE, la mise en route du programme ne commençant effectivement qu’en novembre 1998. Ainsi, alors même que la DCN disposait des autorisations pour signer le contrat, elle tardait à obtenir celles nécessaires aux engagements financiers.

        b) Les solutions envisagées se heurtent à de nouveaux blocages

    Plusieurs solutions ont été recherchées pour assouplir les procédures applicables, dans le respect de la réglementation des marchés publics. Elles s’inspirent du régime des « opérateurs de réseaux » (dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des communications) qui ouvre davantage la voie aux marchés négociés. C’est ainsi qu’ont été envisagées les possibilités de choisir entre la procédure d’appel d’offres et celle de marchés négociés après mise en concurrence, de nouer des accords de partenariat avec des fournisseurs ou d’utiliser un système de qualification des fournisseurs.

    La parution d’un nouveau code des marchés publics fournissait l’occasion d’introduire des dispositions plus favorables. Mais la Commission centrale des marchés ne les a pas reprises. Une autre possibilité aurait été de constituer une commission spécialisée pour les marchés de la DCN afin de mieux prendre en compte les préoccupations industrielles et de réduire les délais, surtout lorsque les produits utilisés n’entrent pas dans la catégorie des matériels de guerre ou sont liés à des contrats à l’exportation.

    Il semble que les projets de mesures correctrices souhaitées par la DGA se heurtent à des réticences du ministère de l’économie et des finances.

    De nombreux exemples soulignent les blocages actuels :

    — l’application à la DCN des règles du code des marchés publics relatives aux opérateurs de réseaux avait fait l’objet en 1996 d’un arbitrage de principe favorable de Matignon mais les objections du ministère de l’économie et des finances n’ont pas encore permis que les nouvelles règles s’appliquent ;

    — de même, dans les négociations interministérielles récentes, les propositions de la DGA pour rendre le fonctionnement interne de la DCN plus efficace ont été refusées. Même l’accord conclu entre le directeur du Budget, la DGA et le Secrétariat général pour l’Administration du ministère de la défense sur une nouvelle méthode de gestion (notion de contrat forfaitaire sur la base de la contractualisation avec la Marine établie dès 1996) a été remis en cause ;

    — le ministère de l’Economie et des Finances a tardé pour signer l’arrêté de création de la société MOSC, car il est peu favorable à l’existence d’une véritable entreprise commune entre DCN et Thomson-CSF. Or un tel schéma est nécessaire pour les exportations et, dans le cas contraire, le chiffre d’affaires de la DCN pourrait être amputé de trois milliards de francs (sur un total de 12 à 13 milliards).

    L’impression demeure que certains services de l’Etat, par ailleurs peu favorables à la diversification et aux contrats à l’exportation, envisagent une simple gestion du déclin des chantiers navals : ces services craignent sans doute qu’un changement de statut, sous la forme d’un établissement public ou d’une société nationale, n’oblige à capitaliser la DCN avant toute évolution et à faire supporter les pertes estimées inéluctables non plus sur le budget de la défense mais sur celui des charges communes.

      2. La difficile conquête de débouchés

    La conquête de nouveaux débouchés passe par l’ouverture à l’international et la diversification. Mais les limites inhérentes à ces exercices dans les conditions précitées conduisent à relativiser les objectifs visés par la DCN.

    Or, les exportations sont une nécessité pour plusieurs raisons. Elles permettent de pallier la baisse des commandes nationales, de conforter le plan de charge de certains sites et de préserver les compétences techniques. Elles constituent un excellent moyen de motiver les personnels sur des projets rapides. Elles valorisent les atouts techniques sur des marchés ouverts à la concurrence. Enfin, les contraintes des marchés à l’exportation induisent des restructurations internes, favorisent la modernisation des méthodes de travail et l’amélioration de la productivité qui profitent en retour aux commandes nationales.

    En revanche, les exportations de matériels navals militaires ne sont pas envisageables si elles doivent s’accompagner de transferts de technologies et elles ne correspondent pas toujours aux produits en service dans la Marine ou aux compétences : il est parfois difficile de convaincre les clients lorsque les navires proposés ne sont pas en service ou n’ont pas encore été construits (c’est la difficulté majeure des offres de nouveaux sous-marins Scorpène), ou lorsqu’ils souhaitent des bâtiments robustes et peu armés.

    Suite aux travaux du groupe de réflexion sur l’avenir de la DCN et aux deux rapports qui ont été successivement présentés en 1996, la DCN s’est fixé, pour la recherche de débouchés à l’exportation, un objectif ambitieux de 20 à 30 % du marché mondial dans les dix ans à venir, ce qui correspond à un enjeu de plus de 3 milliards de francs par an. Une association négociée avec deux autres chantiers européens (Bazan et Kockums) aurait permis d’élever ces pourcentages de 30 à 50 % du marché mondial.

    Plusieurs contrats importants ont été signés depuis sept ans : six frégates La Fayette pour Taiwan (contrat Bali-Bravo), maintenance des frégates du programme Sawari I et trois frégates Sawari II pour l’Arabie Saoudite (contrat Mouette), trois sous-marins Agosta pour le Pakistan, modernisation du système de combat Senit sur des patrouilleurs norvégiens en collaboration avec le chantier Kongsberg, cinq chasseurs de mines type Circé pour la Turquie, deux sous-marins à propulsion conventionnelle Scorpène pour le Chili, en coopération avec le chantier espagnol Bazan.

    La plupart des contrats à l’exportation ont un caractère de marché d’Etat à Etat et échappent ainsi à une logique stricte de compétitivité. En réalité, la DCN n’a été soumise à une réelle compétition que dans le cas du marché de sous-marin avec le Chili. Par ailleurs, si certains marchés ont permis de réaliser des marges (contrat Bravo), d’autres sont largement déficitaires (contrat Mouette) et la responsabilité est reportée sur la DCN. A ce propos, la reprise des excédents sur le contrat Bali-Bravo, opérée par la loi de finances rectificative de 1997 à hauteur de 1 400 millions de francs, illustre une contradiction majeure : les excédents financiers sur les contrats ayant dégagé des marges ne peuvent être transférés aux opérations déficitaires et les résultats ne sont pas affectés aux études amont indispensables aux futurs contrats à l’exportation.

    La conquête de marchés est actuellement paralysée par deux facteurs, les problèmes posés par l’intermédiaire de DCN International et le statut de la DCN :

    — l’intermédiaire de DCN International est remis en cause par les institutions de contrôle de l’Etat en raison du manque de transparence des relations entre cette société et la DCN et de l’insuffisance de sa capitalisation.

    Le capital social de DCN-International, à l’origine de 8 millions de francs, a été porté à 102,8 millions de francs par l’acquisition de 7 % du capital de la Sofresa et de 16 % de celui de la Sofma. Les fonds propres atteignent 400 millions de francs. Par ailleurs, une réserve statutaire de 210 millions de francs est en place depuis 1994. Mais le soutien financier de l’Etat reste essentiel notamment pour les cautions de restitution car les fabrications de la DCN ne bénéficient pas de la garantie COFACE.

    Actuellement, DCN International prélève une commission de 3 % sur les montants financiers des contrats à l’exportation. Même si le prélèvement forfaitaire en faveur du fisc se réduit de 50 à 33 %, DCN International ne dispose pas d’une marge financière importante. Par ailleurs, l’ouverture sur l’international suppose la réalisation d’alliances industrielles, donc des participations, ou la création de filiales communes (qu’il faut doter en capital). Le système des GIE n’est plus suffisant ni adapté. Il correspondait à un système de partage de travail et ne permettra pas des alliances lourdes. De plus les contrats comportent des dispositions sur les compensations qui nécessitent des capacités financières.

    — le statut de la DCN ne lui permet pas de se présenter avec les mêmes atouts que ses concurrents. Non seulement les alliances et les coopérations industrielles sont impossibles, mais la DCN est dans l’incapacité de proposer des compensations. L’impossibilité de nouer des relations de compensation industrielle (offsets) a éliminé la DCN du marché de frégates sud africaines remporté par le groupe allemand Thyssen. Elle risque de faire perdre le marché de sous-marins pour le Portugal car l’Etat portugais souhaite que ses industriels profitent du contrat. La DCN ne peut pas promettre à ceux-ci qu’ils seront ses partenaires ou ses sous-traitants.

      3. La diversification de produits

    La diversification des marchés ou des produits relève d’une approche différente. Elle vise à la conquête de nouveaux marchés (civils ou militaires) dans des domaines qui ne sont pas directement liés aux productions mais reposent sur le cœur des compétences humaines et technologiques des établissements. Elle passe par la valorisation de technologies duales comme les produits en composites à Lorient, les structures mécanosoudées à Brest ou la mécanique à Ruelle.

    L’objectif fixé à la diversification est moindre car elle ne permettra jamais de compenser la baisse d’activités et restera une activité marginale. La voie la plus significative actuellement est l’offshore. Le site de Brest a ainsi rénové ou construit deux plates-formes pétrolières de forage offshore.

        a) Les conditions préalables à une diversification

    Mais de nombreuses conditions préalables sont posées pour que la DCN prétende faire de la diversification dans l’offshore :

    — le marché doit rester porteur. Le meilleur indicateur d’activités des sociétés de forage est le prix du baril (l’ensemble de la profession l’estime à environ 12 dollars sur le long terme). Or, en dessous de 14 dollars, les sociétés de forage n’investissent plus, sauf pour l’offshore profond où des potentialités demeurent, compte tenu des réserves hors Moyen Orient, et où des développements restent concevables. Les clients sont volatiles et s’adressent aux fournisseurs dont les coûts sont les plus bas. Les principaux concurrents sont aux Etats-Unis qui dominent le marché (la plupart des sociétés de forage offshore sont américaines) et en Asie du Sud-est (Singapour et Corée du Sud) car la crise asiatique les a rendus plus compétitifs.

    — continuer l’offshore à Brest ne peut se concevoir que sous l’égide de la DCN. Le secteur des chantiers civils est trop émietté et les petites sociétés n’ont pas la surface nécessaire pour ce type de marché. Les plus importantes d’entre elles (Sobrena ou Meunier) ne veulent pas aller sur ce marché et partager le risque industriel avec la DCN.

    — les méthodes de travail de la DCN et ses relations avec les sous-traitants doivent évoluer. DCN n’a pas de culture de marché et n’a pas de connaissance des coûts car elle raisonne en approche budgétaire et ne dispose pas encore d’une comptabilité analytique. La culture d’entreprise ne peut s’acquérir qu’au contact d’industriels forgés à la concurrence.

    L’exemple du « passez outre » pour le marché SFX à la suite du refus des contrats de sous-traitance par la commission des marchés publics montre que la DCN a eu des difficultés à évaluer le contrat et qu’elle n’apprend qu’à ses dépens (hors aides des collectivités locales, les pertes prévisibles sur ce contrat sont évaluées entre 350 et 500 millions de francs soit la moitié du montant du contrat). La société SETCO a su profiter des faiblesses de la DCN en imposant un contrat qui lui était défavorable et en multipliant les avenants au contrat initial sans vouloir en assurer toutes les conséquences financières.

        b) Les conclusion du rapport Vincent

    M. Henri Vincent a fait plusieurs propositions dans son rapport relatif aux activités d’offshore de l’établissement de Brest. L’arrêt immédiat de la diversification lui paraît une solution difficile en raison de ses conséquences sociales et économiques. Il suggère plutôt de :

    — chercher les opportunités de conversion de plates-formes ou de construction de plates-formes neuves donc hors du créneau de la réparation navale civile. Les seules cales pour la réparation navale civile sont gérées par la Chambre de commerce et habituellement utilisées par les principaux chantiers civils, et les cales de l’arsenal sont inadaptées. Le très grand nombre d’équipements en Europe fait que le seul créneau où Brest peut s’imposer dans le domaine de la réparation navale est celui des bâtiments de plus de 100 000 tonnes. Reconstruire une nouvelle cale supposerait un investissement élevé qu’un marché étroit et compétitif ne justifie pas. Il serait en revanche possible de construire des plates-formes en association avec des chantiers compétents pour les coques, la DCN se concentrant sur les parties les plus nobles à forte valeur ajoutée ;

    — « métisser » les compétences techniques et favoriser le partenariat entre DCN et les entreprises majeures de réparation navale civile. L’optimum serait la création d’une société mixte entre la DCN et les chantiers privés afin qu’ils aident la DCN à comprendre le marché tout en lui laissant le pilotage du chantier et la responsabilité industrielle globale. L’intérêt de partager les moyens techniques lourds y incite ;

    — assurer la continuité des chantiers pour lisser les plans de charge et éviter les ruptures d’expérience. La prospection de nouveaux chantiers n’a pas pu avoir lieu et il n’y aura pas de soudure à l’automne entre les activités planifiées ;

    — mieux communiquer pour mettre en avant les aspects positifs des réalisations, donner des perspectives d’avenir et valoriser le travail effectué car l’image de marque est importante pour le client ;

    — créer une société commerciale commune (quinze personnes dont 1/3 fournis par la DCN, 1/3 par les professionnels du bassin, des partenaires ou des associés éventuels, 1/3 par des commerciaux extérieurs) pour prospecter le marché et faire des études de prix.

    Seule cette dernière proposition a reçu un début de concrétisation puisqu’une cellule de diversification, regroupant la DCN et des partenaires industriels locaux, a été mise en place à Brest. Pour l’instant, la DCN n’y a détaché que quatre personnes. . La DCN a fait la preuve de ses capacités techniques et de sa réactivité aux demandes de SETCO. Cet atout mérite d’être valorisé.

      4. Les coopérations industrielles au cœur de l’avenir de la DCN

        a) L’exemple de la société MOSC pour le contrat Sawari II

    Sawari II est un contrat signé en novembre 1994 entre l’Etat saoudien et l’Etat français pour la fourniture de 3 frégates avec leur logistique associée ainsi que leurs munitions et la formation des équipages. En janvier 1996, une convention tripartite a été conclue entre l’Etat, la SOFRESA et Thomson-CSF.

    La coopération entre Thomson-CSF et la DCN repose sur deux contrats conclus, l’un pour les plates-formes entre le maître d’œuvre de l’ensemble (Thomson-CSF) qui s’est vu confier l’entière responsabilité de la réalisation du contrat principal et DCNI, l’autre pour les systèmes de combat entre le même maître d’œuvre et une société par actions simplifiée (SAS) regroupant Thomson-CSF (détenant 49% du capital) et DCNI (51 % du capital). Néanmoins, cette SAS au capital social de 500 000 francs (et dont une clause du statut stipule, à la demande du Trésor, que « la société ne peut être utilisée pour autre chose ») n’a réellement existé qu’à partir du moment où l’arrêté interministériel nécessaire a été signé. Elle regroupe une équipe dirigeante et la quarantaine de personnes affectées à cette société par les deux actionnaires.

    La réticence du ministère des Finances à la création d’une société spécifique MOSC (maîtrise d’œuvre des systèmes de combat) est d’autant plus surprenante que les représentants de ce ministère au conseil d’administration de DCNI avaient donné leur aval à la convention lors de la réunion du conseil d’administration en décembre 1997. Il y a donc eu de la part des administrations financières un blocage d’une opportunité intéressante au mépris de certains risques. Si la société commune n’avait pas été créée, la DCN aurait été rendue responsable de l’échec du projet et aurait dû verser des dommages et intérêts. De plus, elle aurait perdu un allié potentiel dans la perspective des restructurations industrielles.

    Sawari II est incontestablement une opération positive pour la DCN. Elle y gagne en image puisqu’elle est associée à un industriel de référence réputé (même si la participation publique dans Thomson CSF « effraie » encore les partenaires étrangers) et parce qu’elle fournit l’essentiel des équipements de pointe à forte valeur ajouté, essentiellement des logiciels dérivés du Sénit 8 équipant le Charles de Gaulle.

    Mais la stratégie initiale de la DCN et de Thomson-CSF ne peut en rester là et un véritable partenariat industriel dans le domaine des systèmes de combat doit être envisagé.

        b) L’impossibilité des alliances et des coopérations

    L’exemple de la société MOSC illustre l’ampleur des difficultés éprouvées par la DCN dans sa recherche d’alliances à statut constant et montre que, si les difficultés statutaires sont incontestables, les rigidités proviennent quelquefois d’ailleurs.

    Les restructurations européennes risquent de marginaliser la DCN. Les simples coopérations industrielles sous forme de GIE ne suffisent plus. Les offres des groupes anglo-saxons sont très concurrentielles et la DCN ne peut s’aligner sur elles. Des alliances industrielles plus fortes deviennent donc nécessaires. Or, d’une part, les groupes européens refusent des alliances avec la DCN dont le statut public leur paraît incompatible avec le leur. C’est d’ailleurs moins la qualité de statut public qui effraie que la perspective du poids de l’Etat français sur la stratégie. D’autre part, la DCN n’a aucune capacité financière.

    Les restructurations industrielles à l’échelle européenne ont déjà commencé. Si jusqu’à présent les concentrations de l’industrie de l’armement naval ont eu lieu au niveau national, les choses sont en train d’évoluer et à l’échelle de l’Europe, deux géants industriels se profilent

    — d’un côté, l’industrie allemande, qui profite d’une excellente image fondée sur la qualité de ses produits et sur une longue tradition (80 % du marché des sous-marins classiques est dominé par l’Allemagne). Le rapprochement des groupes Blohm-Voss (navires) et HDW (sous-marins) lui confère une puissance financière qui permet d’absorber les groupes européens plus modestes, comme l’italien Ficantieri (en 1997), le suédois Kockums (en septembre 1999) voire l’espagnol Bazan, pourtant un partenaire privilégié de la DCN, dont l’Etat espagnol envisage la privatisation.

    — d’un autre côté, la fusion GEC-Marine avec Marconi Electronic System puis la création du nouveau groupe BAe-GEC Marconi permet au Royaume-Uni de disposer du plus important industriel regroupant les capacités de construction de navires, d’électronique et de systèmes d’armes.

    S’agissant des alliances structurantes, un accord entre la DCN et un acteur industriel majeur avec lequel elle pourrait développer des synergies permettrait au secteur de constructions navales militaires de faire face à la concurrence de grands groupes (BAe-GEC Marine, Thyssen, Finmeccanica-Fincantieri). Alliée à un acteur important, la DCN pourrait s’imposer sur le plan commercial, et non plus seulement en fonction de ses compétences industrielles.

    Le risque est donc réel que la DCN soit exclue des restructurations industrielles en cours ou à venir. Lorsque son changement de statut lui permettra de participer à ces restructurations, il sera trop tard.

      C. DES CONDITIONS RÉUNIES POUR UNE VRAIE RÉFORME

    Jusqu’à une période récente, la DGA n’était pas favorable à un changement de statut de la DCN car les conditions favorables ne lui paraissaient pas réunies : aucun outil de pilotage n’existait dans l’entreprise ; les activités industrielles et étatiques n’étaient pas encore séparées nettement ; le plan de charges était en forte baisse et un changement de statut comparable à celui de GIAT Industries risquait d’entraîner une dynamique d’échec.

    Les conditions d’une évolution semblent davantage réunies aujourd’hui. La décroissance du plan de charges s’estompe et un niveau d’activités satisfaisant sera retrouvé à partir de 2001. La déflation des effectifs correspondra mieux au niveau d’activité. En 2001 également, le nouveau système de gestion et d’organisation interne esquissé par le plan d’entreprise seront en place.

      1. Avantages et inconvénients du statut de service à compétence nationale

    Le Ministre de la Défense a annoncé le 18 mai dernier la transformation de la DCN en service à compétence nationale (SCN).

        a) La notion de SCN

    Les rôles respectifs de l’administration centrale et des services déconcentrés de l’Etat ont été précisés par la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et par le décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration. Les services déconcentrés disposent d’une compétence de droit commun pour la mise en œuvre des fonctions de l’administration centrale.

    La transformation en services déconcentrés de toutes les structures d’administration centrale qui n’ont pas une vocation de « conception, d’animation, d’orientation, d’évaluation et de contrôle » n’a pas pu être réalisée en raison de problèmes statutaires. Par ailleurs, certaines de ces structures avaient aussi au niveau national des fonctions de gestion, d’études techniques, de formation voire de production de biens ou de prestations de services. Leur situation particulière a souvent conduit à la création d’établissements publics. Quelquefois, ces structures sont restées sous la forme d’administration centrale.

    Face aux difficultés pratiques de gestion, le décret du 9 mai 1997 a créé une troisième forme d’organisation : les services à compétence nationale (SCN). Les SCN sont créés, soit par décret en Conseil d’Etat s’ils sont rattachés directement à un Ministre, soit par arrêté interministériel s’ils sont rattachés à un Directeur d’administration centrale.

    Divers textes qualifiaient déjà ainsi des organismes avant la réforme de 1997 :

    — service national de radiocommunication du Ministère chargé de l’Industrie (créé en 1990) ;

    — service national du casier judiciaire (arrêté du 13 octobre 1994) ;

    — service national des travaux du Ministère de la Culture (loi du 3 janvier 1990) ;

    — service technique de la navigation aérienne (Ministère chargé des Transports).

    Lors de la préparation de la réforme de la DGA, il avait été envisagé de transformer en SCN la direction des constructions navales (DCN), la direction des centres d’essai (DCE) et le service de maintenance aéronautique (SMA) mais le projet n’a pas été retenu. Or, la DCN répond aux critères du décret de 1997. Ses missions présentent un caractère national et ne peuvent être déconcentrées ; elles portent sur la production de biens ou la prestation de certains services.

        b) Les avantages attendus pour la DCN

    Le statut de SCN ne modifie pas le cadre juridique des activités de la DCN et ne desserre pas les contraintes qui en résultent, puisqu’elle reste une administration et qu’elle dispose déjà d’un compte de commerce. La seule différence sera la séparation d’avec la DGA qui restera cependant le client essentiel et continuera à détenir un pouvoir de tutelle similaire à celui qu’elle exerce sur les industries d’armement. Les rôles seront sans doute mieux spécifiés entre le client étatique (Etat-major de la Marine et DGA) et le fournisseur (DCN). Le conseil d’orientation qui se mettra en place sera en mesure de proposer des solutions au Ministre de la Défense qui arbitrera alors en dernier ressort.

    Ce choix servira de support aux mutations internes dans le cadre du plan d’entreprise. Il s’agira simplement d’un changement de cadre de référence. Mais il ne sera au mieux mis en œuvre qu’au cours de l’année prochaine car le décret en Conseil d’Etat relatif au nouveau statut ne sera pas signé avant mars prochain.

        c) Les conditions de la réussite ne sont pas réunies

    L’objectif affiché est de démontrer que la DCN peut retrouver un équilibre économique dans un délai rapproché.

    Cependant, les conditions nécessaires au succès de la transformation ne semblent pas réunies. D’une part, la dynamisation interne de la DCN ne se produit pas. La proposition de création d’un service à compétence nationale est insuffisante pour assurer aux différentes catégories de personnels que l’avenir de la DCN est garanti et pour les mobiliser sur un projet d’entreprise. En fait, elle suscite au mieux une certaine déception. D’autre part, le changement de comptabilité se heurte à de nombreuses difficultés. Enfin, le soutien du ministère de l’économie et des finances ne paraît pas acquis pour la recapitalisation de DCN International, l’application de la « directive réseaux » ou l’alliance privilégiée de la DCN avec un partenaire industriel.

    L’instauration du SCN doit s’accompagner de mesures visant à aménager le cadre de travail de la DCN, notamment en assouplissant le code des marchés publics, les règles d’embauche des personnels et de gestion. Celles-ci sont à l’étude ou en cours d’approbation. Par ailleurs, les conditions doivent être réunies pour assurer l’avenir en favorisant des rapprochements industriels.

    Votre Rapporteur militait pour une évolution plus significative de la DCN, en particulier il regrette que le choix de l’établissement public n’ait pas été approuvé.

      2. L’option non retenue de l’établissement public

        a) Les avantages de l’établissement public

    L’annonce de la transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) aurait eu le mérite de constituer un signal positif fort en particulier en direction des personnels et des acteurs industriels européens. A contrario, l’immobilisme comporte deux risques importants : celui de démoraliser les personnels qui sont dans l’attente d’une décision et ne peuvent être motivés que par une réelle perspective d’avenir répondant à leurs légitimes aspirations ; celui de créer une DCN à deux vitesses. L’EPIC aurait le mérite de délivrer un message positif et de sauvegarder l’unité de la DCN.

    La faible réaction des syndicats de personnels à l’octroi du statut de SCN laisse penser qu’une évolution plus innovante était attendue et aurait été acceptée même s’il fallait s’attendre à des réactions sur certains sites.

    Par rapport à la situation actuelle, la formule de l’EPIC présente de multiples avantages : 

    — sortir des règles administratives de gestion incompatibles avec une activité industrielle et faciliter ainsi les opérations de diversification, par exemple en s’affranchissant des contraintes du code des marchés publics et de la comptabilité publique (absence d’agent comptable, absence de contrôle financier, non recours aux appels d’offres) ;

    — habituer les personnels à travailler dans une logique d’entreprise et éviter que les éléments les plus dynamiques et les plus performants ne quittent la DCN ;

    — empêcher les établissements de s’enfoncer dans une logique de blocage et faciliter leur rapprochement avec des sociétés. Les alliances nationales ou internationales devenaient possibles. Par exemple, la DCN aurait pu constituer rapidement une filiale commune avec le chantier espagnol Bazan et éviter qu’il ne soit acquis par un concurrent hostile ;

    — laisser à la DCN la capacité de défendre ses compétences grâce à une filialisation des activités des établissements dont la spécialisation est déjà amorcée (constructions neuves de frégates à Lorient et de sous-marins à Cherbourg, entretien de la FOST à Brest et entretien des bâtiments de surface à Toulon…). Cette solution pouvait s’appliquer de façon immédiate pour les sites d’Indret (dont l’avenir passe par une alliance avec un motoriste tel que Rolls-Royce) et de DCN Ingénierie Centre Sud (l’alliance avec Thomson CSF dans le domaine des systèmes de combat se révélant structurante et nécessaire face à la concurrence de BAe GEC).

    Ÿ Quelques mesures auraient été susceptibles de favoriser la réforme :

    — l’adjonction du passage au 35 heures au changement de statut aurait pu permettre tout d’abord de globaliser les négociations et d’obtenir l’adhésion des syndicats grâce à la création de postes sous statut (postes qui font défaut dans les métiers d’électroniciens et de dessinateurs et dont l’absorption sera permise par un ajustement équivalent sur le volume de sous-traitance) ;

    — la mise en œuvre d’une filiation rapide et sectorielle pourrait s’appuyer sur les coopérations déjà en cours, notamment avec Thomson-CSF dans les domaines des sous-marins (via UDCI) et des systèmes de combat (via le MOSC), même si, sur ce dernier point, Aérospatiale-Matra pourrait devenir à terme un prétendant alternatif à une coopération.

        b) Les inconvénients du statut d’établissement public

    Certains arguments ont milité contre le statut d’EPIC :

    — la transformation en EPIC aurait nécessité une procédure lourde, notamment sur le plan législatif, et constitué une phase transitoire de deux à trois ans vers un autre modèle qui aurait mobilisé le personnel et la direction sur un projet transitoire (mais l’argument est également recevable pour le service à compétence nationale).

    — une recapitalisation était nécessaire. Or le ministère des finances n’envisage pas de donner son accord à l’octroi des moyens financiers nécessaires à la DCN comme votre rapporteur se l’est fait confirmer, car de nombreux établissements publics connaissent des difficultés qui nécessitent un soutien budgétaire imputé au budget des charges communes.

    L’argument selon lequel la transformation en EPIC ne constituait qu’une demi-mesure qui aurait ouvert la voie à des départs massifs de personnels qualifiés n’est pas également recevable car il est encore plus valable pour le passage au statut de SCN. De plus, le statut des personnels n’est pas remis en cause et il n’est pas prévu de le modifier.

      3. L’évolution est inéluctable sauf à vouloir condamner la DCN

    Il est nécessaire de fixer un objectif de changement de statut par étapes et d’amorcer des mesures fortes pour préserver l’avenir de la DCN. Si le choix s’est fait en faveur du SCN et si la formule de l’EPIC a été repoussée dans une phase transitoire, l’objectif à terme paraît pourtant celui d’une évolution plus profonde.

    Le Délégué général à l’Armement a envisagé, dans un délai très court, la création d’un GIE avec l’Italie pour assurer la maîtrise d’œuvre des plates-formes et des systèmes de combat dans le cadre du programme Horizon. Dans une première étape, cette nouvelle structure dont la création est obligatoire, ne fonctionnerait que pour les frégates en coopération. A terme, il est nécessaire de sauver l’ensemble des activités industrielles de construction neuve. Toute autre alternative entraînerait une « vente par appartement » de la DCN.

    L’éventualité d’un changement de statut de la DCN est rendue possible grâce à la conjonction de facteurs cumulatifs :

    — la modernisation et l’adaptation du système de gestion, engagées dans le cadre du plan DCN 2000, seront effectives en 2001 ;

    — le format des effectifs cessera de diminuer au-delà de 2000-2001, pour se stabiliser à 13 000-14 000 personnes. Par conséquent, aucun plan social ne sera nécessaire ;

    — l’activité de la DCN reprendra, sur un rythme soutenu, à partir de 2001, en raison d’exportations prévues, des carénages de sous-marins nucléaires et de la construction de deux TCD de nouvelle génération.

    Qualifiée de « choix risqué posant de nouveaux problèmes », l’éventualité d’une transformation d’ampleur de la DCN dérange visiblement. Certes, la soustraction de la DCN aux règles du code des marchés publics poserait le problème de la définition de sa relation avec l’Etat. En fait, c’est oublier que l’Etat ne serait pas obligé de passer des appels d’offres européens car le droit communautaire ne l’exige nullement dans le domaine militaire, et qu’une modification du statut de la DCN pourrait maintenir l’Etat au cœur de l’entité nouvelle. Par conséquent, les propositions d’adaptation du droit applicable à la DCN en matière d’appels d’offres, de passation de contrats, de sous-traitance et d’achats ne peuvent faire illusion quant aux véritables intentions des services du ministère des finances au sujet de la réforme de la DCN.

    D’ailleurs, cette position est indirectement confirmée par le refus de recapitalisation de DCNI au motif que, comme DCNI préfinance ce qui est de la responsabilité de l’Etat, l’ampleur de ses besoins en capital est sans commune mesure avec son niveau d’activité réelle. De plus, les services des finances considèrent qu’il n’est pas sain qu’un tiers (DCNI en l’occurrence) assume les garanties de contrats passés par la DCN (qui est le véritable responsable des capacités de gestion). Néanmoins, le rôle de la DCNI ne doit pas être négligé car, avec la couverture de la SOFRANTEM (qui apporte de nombreuses informations chiffrées et comptables), elle positionne la DCN sur les marchés internationaux. La structure s’intégrant depuis quelques années à l’ensemble DCN, il n’est question ni de la remettre en cause, ni d’en faire le socle d’un statut juridique nouveau pour la DCN.

    Les principaux acteurs semblent se réfugier derrière les réflexions en cours et l’apparent souci de concertation avec les établissements et les personnels, pour ne pas envisager de réforme « lourde ». Tout au plus les éventualités d’un Groupement d’Intérêt Européen et d’un partenariat structurant avec un industriel extérieur sont évoquées. Une réorganisation interne, plus modeste dans ses ambitions, serait certainement plus facilement acceptée, tout en conduisant à des résultats plus tangibles.

    Un « scénario catastrophe » n’est pas exclu pour l’avenir de la DCN. Il est à craindre que certains acteurs français ne soient pas suffisamment conscients du risque.

    Le rapprochement des éléments les plus compétents et les plus dynamiques de la DCN (notamment de DCN Ingénierie Sud) avec un acteur industriel tend à la création d’un pôle regroupant le cœur du métier et laissant de côté les « chantiers historiques ». Il existe donc un risque de déstructuration à court terme de la DCN, à tout le moins une perte de savoir-faire.

    L’imbrication de la DCN avec la Marine est une réalité forte et souvent occultée. Plus de 50 % de la production des établissements résultent des opérations d’entretien des navires de la Marine. La tentation pourrait être grande de séparer les activités de construction neuve (comme le font les systèmes anglo-saxons et comme le suggérait en son temps le rapport Villain-Bondil) et les activités de maintenance et de réparation qui seraient réintégrées dans un cadre budgétaire.

TRAVAUX EN COMMISSION

    I. — AUDITION DE L’AMIRAL JEAN-LUC DELAUNAY, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE

    La Commission de la Défense a entendu, le 19 octobre 1999, M. Jean-Luc Delaunay, Chef d’état-major de la Marine sur le projet de loi de finances pour 2000.

    Accueillant l’Amiral Jean-Luc Delaunay et lui souhaitant un plein succès dans ses nouvelles fonctions, le Président Paul Quilès a estimé que, dans le projet de budget de la Marine, la quasi-reconduction du titre III garantissait la poursuite de la professionnalisation et permettait une certaine amélioration du fonctionnement courant des unités. S’agissant des autorisations de programme, il a, en revanche, considéré que leur baisse soulevait des interrogations et souligné l’intérêt que les observations du Chef d’état-major de la Marine revêtaient à cet égard pour la Commission.

    Le Chef d’état-major de la Marine s’est tout d’abord félicité de la possibilité qui lui était offerte d’évoquer la situation et l’avenir de la Marine, dont il a souligné qu’elle avait montré tout au long de l’année ses qualités de disponibilité et de professionnalisme, particulièrement lors des opérations du Kosovo. Il a rappelé à cet égard que la Marine avait mis à la disposition de l’Alliance atlantique le seul groupe aéronaval européen, qui a délivré le tiers des armes tirées par les Français, et un sous-marin nucléaire d’attaque interdisant toute action maritime adverse. La Marine a montré aussi les limites par lesquelles elle est aujourd’hui contrainte, du fait de la non-permanence du groupe aéronaval et de l’insuffisance de ses moyens de défense aérienne.

    L’Amiral Jean-Luc Delaunay a indiqué que la construction budgétaire du projet de budget pour 2000 ne présentait pas, à la différence des dernières années, de grands changements de structure. La part de la Marine dans le budget de la Défense représentera 17,6 %, ce qui se situe dans la moyenne annuelle depuis 1996, compte tenu de la budgétisation de la DCN intervenue en 1998 et du transfert de près de 800 millions de francs que cette opération a entraîné du titre V de la Marine vers le titre III de la DGA.

    Le Chef d’état-major de la Marine a précisé que l’évolution des effectifs budgétaires de personnels militaires de carrière correspondait à la programmation, indiquant qu’à la réduction de 740 emplois de cette catégorie s’ajoutaient une légère anticipation des déflations (152 personnes) et une transformation de 330 postes d’officiers mariniers en autant de postes d’hommes du rang. La suppression d’un millier de postes d’officiers mariniers créera néanmoins des difficultés psychologiques pour ces cadres, qui quitteront le service au moment même où les effectifs de personnels civils augmentent. La situation des effectifs d’appelés réalisés est par ailleurs préoccupante, en raison d’un déficit prévisible de 18 % par rapport aux effectifs budgétaires et d’un manque de jeunes dans certains métiers de base. Ce déficit pourra être compensé, dans une certaine mesure, par la sous-traitance et l’embauche de personnels civils.

    L’Amiral Jean-Luc Delaunay a également fait remarquer que la situation des personnels civils s’était améliorée grâce aux droits ouverts depuis 1996. L’évolution favorable constatée en ce domaine en termes de gestion résulte de la levée partielle des restrictions d’embauche relatives aux ouvriers d’Etat, de la souplesse acquise par la nouvelle politique de transformation de certains postes d’ouvriers d’Etat en ouvriers fonctionnaires et de l’augmentation des transferts de personnels civils en provenance des autres armées dans le cadre de la deuxième tranche du processus de restructuration.

    L’Amiral Jean-Luc Delaunay, après avoir souligné l’effet dynamique du développement de la sous-traitance, qui bénéficie de 95 millions de francs supplémentaires dans le projet de budget pour 2000, a rappelé que 465 millions de francs étaient déjà affectés par la Marine à des tâches exécutées sous cette forme dans les domaines du remorquage ou des bâtiments de soutien de haute mer. Il a alors indiqué que près d’un millier de personnes de la DCN auront rallié la Marine à la fin de cette année, que la politique de dégagement des cadres à 52 ans rendait maintenant ces transferts moins attrayants et que la DCN ne disposait pratiquement plus dans ses rangs de personnel dans les spécialités intéressant la Marine.

    Le Chef d’état-major de la Marine a souligné qu’en 2000 la situation des crédits de rémunération et charges sociales serait apurée des reports de charge de 1999 grâce au décret d’avance qui a ouvert à la fin de cet été 150 millions de francs au titre des surcoûts dus aux opérations du Kosovo. Puis il a relevé qu’une dotation supplémentaire de 45 millions de francs, l’inscription dans un article consacré à la sous-traitance des 95 millions de francs précédemment évoqués, et une nouvelle ponction de 70 millions de francs sur l’entretien programmé des matériels permettraient aux dépenses de fonctionnement (1 865 millions de francs dans le projet de budget contre 1 620 dans le budget de 1999) de retrouver un niveau cohérent avec l’objectif de la loi de programmation militaire. Une évolution défavorable du prix du baril et de la parité du dollar pourrait cependant entraîner soit une réduction de l’activité à la mer soit une ponction sur les stocks, mesure dangereuse si elle s’inscrivait dans la durée.

    Après avoir fait remarquer que l’entretien du capital, dénommé entretien programmé des matériels, avait été réparti entre les titres III et V selon une clé qui a évolué dans le temps, mais qu’à l’issue de la construction budgétaire pour 2000, le processus de transfert vers les crédits d’équipement était achevé, il a souligné que ce poste était globalement en légère augmentation mais qu’il avait connu de fortes réductions ces dernières années, du fait notamment de l’encoche de 1998, qui s’était traduite par une réduction de 13 % en francs courants, avec une incidence particulière de 23 % sur la partie de la flotte hors FOST. L’entretien programmé des matériels reste donc un sujet qui mérite toutes les attentions malgré le désarmement anticipé, prévu par la loi de programmation, de 18 bâtiments depuis 1997 (dont le Clemenceau, le SNLE le Foudroyant, trois sous-marins classiques, deux frégates et six avisos).

    Abordant le renouvellement des équipements de la Marine,
    l’Amiral Jean-Luc Delaunay a expliqué que la réduction de 1 milliard de francs des crédits de paiement prévue par le projet de budget était supportée pour moitié par des disponibilités constatées sur les crédits du Fonds d’adaptation industriel (FAI), et pour moitié grâce à des aménagements de calendriers de paiement, eux-mêmes liés aux moindres engagements des années précédentes. Il a rappelé à ce titre que le FAI, gagé par l’annulation de la commande de la 6ème frégate La Fayette ainsi que par des retards sur le 4ème SNLE-NG et le premier NTCD, était destiné à l’accompagnement social de la DCN et était doté de plus de 4 milliards de francs sur la période de programmation.

    Il a estimé que la situation des autorisations de programme était plus complexe, dans la mesure où, en ce domaine, les besoins découlaient à la fois du calendrier des commandes nouvelles et de la prise en compte des dotations ouvertes au titre des années antérieures, mais non encore affectées. La Marine a fait un examen de ces autorisations de programme non encore affectées lors de la préparation de la loi de finances pour déterminer si elles étaient encore nécessaires au regard des programmes qui avaient motivé leur inscription.

    Le montant des autorisations de programme prévues par le projet de budget de la Marine pour 2000, fixé à 18,827 milliards de francs, se situe à un niveau inférieur de 5,1 milliards de francs à celui du budget voté de 1999, ce qui représente une réduction de 22 %. L’insuffisance des engagements réalisés dans le passé pour les constructions neuves conduit à une situation qui ne peut durer, même si un effort particulier a été effectué pour lancer dans de bonnes conditions le programme Horizon. 3 milliards de francs d’autorisations de programme disponibles ont été utilisées pour ce programme et 3,5 milliards de francs, prévus pour d’autres programmes, ont été redéployés par ailleurs.

    L’évolution sur le long terme des autorisations de programme ouvertes pour les constructions neuves constitue une préoccupation majeure. D’un niveau de 6,1 milliards de francs par an dans la décennie 80, elles ont été réduites à 5 milliards de francs par an dans les années 90 et il est prévu de ne leur consacrer que 2,5 milliards de francs par an pour les dernières années de la programmation. Parallèlement, le nombre de livraisons annuelles des bâtiments a décru de plus de trois dans la première décennie à deux dans les années 90 et devrait être inférieure à l’unité dans les années à venir.

    En conclusion, le Chef d’état-major de la Marine a observé que les crédits prévus pour le fonctionnement et l’entretien programmé des matériels de la flotte avaient été stabilisés et permettaient d’envisager l’année 2000 dans des conditions satisfaisantes, la réduction des crédits de paiement s’expliquant en partie par les investissements modérés, effectués dans la dernière décennie, mais il a estimé préoccupante la chute importante des autorisations de programme au moment où les mises en route de programmes majeurs étaient essentielles au renouvellement de la flotte.

    Le Président Paul Quilès a demandé au Chef d’état-major de la Marine ce qu’il attendait de la réforme de la DCN, et notamment de sa transformation en service à compétence nationale. Il a ensuite interrogé l’Amiral Jean-Luc Delaunay sur l’évolution du programme de frégates Horizon et lui a demandé si la date de livraison du premier des deux bâtiments en 2005 était réaliste. Enfin, il a souhaité savoir quels enseignements précis avaient été tirés du conflit du Kosovo et quels choix pouvaient en découler pour les programmes d’équipement de la Marine, citant notamment l’équipement en missiles de croisière des sous-marins d’attaque futurs.

    M. Jean-Yves Le Drian a souhaité connaître l’analyse du Chef d’état-major de la Marine sur les raisons de l’échec de la coopération avec le Royaume-Uni dans le cadre du programme Horizon. S’agissant de la coopération avec l’Italie sur ce programme, il s’est demandé quelles en seraient les conséquences sur les spécifications du bâtiment.

    Déclarant partager l’inquiétude de l’Amiral Jean-Luc Delaunay concernant la baisse des autorisations de programme et faisant observer qu’existait une réduction tendancielle de la part des crédits de la Marine dans l’ensemble du budget de la défense, il a rappelé qu’il avait pourtant, dans son avis budgétaire de l’année dernière, observé une amélioration ponctuelle pour l’exercice 1999.

    Se référant au constat du Chef d’état-major de la Marine relatif à la diminution du nombre total des bâtiments, il lui a demandé s’il estimait que la Marine avait toujours les moyens de ses missions et la stature d’une véritable Marine à vocation mondiale. Il a exprimé la crainte que la Marine française ne devienne subrepticement une Marine européenne, faisant observer que si la France disposait certes d’un porte-avions, elle n’en avait cependant qu’un seul, qui ne pourra pas remplir sur la durée les missions internationales qui lui seront demandées. Il a estimé que les difficultés inhérentes à la possession d’un seul porte-avions ne pourraient être résolues que par le choix de la coopération européenne, ou par une limitation des missions de la Marine.

    Faisant observer que le groupe aéronaval constituait l’élément majeur des capacités de projection et d’action de l’Armée française, M. Charles Cova a soulevé la question de l’inscription d’un deuxième porte-avions dans la programmation et a souhaité savoir dans quels termes la question de la cohérence du groupe aéronaval se posait pour la Marine, notamment au regard de la nécessité du renouvellement des frégates.

    Faisant écho aux remarques de M. Jean-Yves Le Drian concernant la baisse des autorisations de programme de la Marine, il s’est interrogé sur la compatibilité de cette évolution avec le maintien des capacités opérationnelles de la Marine et a rappelé à ce sujet l’analyse menée par le précédent Chef d’état-major de la Marine qui soulignait que, de garantie, la permanence à la mer de la Marine était devenue négociée.

    Il a enfin demandé des précisions sur l’évolution respective des crédits d’entretien et de renouvellement de la flotte.

    M. Arthur Paecht, après avoir fait observer qu’il partageait les préoccupations exprimées par les intervenants précédents a souhaité obtenir de l’Amiral Jean-Luc Delaunay des informations précises sur la signification de l’opération de « prêt » de deux milliards de francs d’autorisations de programme de l’armée de l’Air à la Marine évoquée par le Chef d’état-major de l’armée de l’Air, lors de son audition par la Commission. Il a également souhaité connaître le nombre de bases aéronavales retenu par la Marine, demandant lesquelles seraient supprimées, sachant qu’à Saint-Mandrier, par exemple, deux flotilles ont été dissoutes et une créée.

    Il a par ailleurs interrogé l’Amiral Jean-Luc Delaunay sur le bilan de l’utilisation des avions d’observation Hawkeye lors des événements du Kosovo.

    En complément des remarques du Chef d’état-major de la Marine sur la réduction des livraisons annuelles de bateaux, il lui a demandé quelle avait été l’évolution du nombre de tonnes construites annuellement dans la période récente.

    Remarquant que le problème de la non-adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement n’était pas nouveau, il s’est demandé pour quelles raisons cette question apparemment simple n’était toujours pas résolue, et notamment, quelles étaient les difficultés de gestion susceptibles de justifier une telle distorsion.

    Il a enfin interrogé l’Amiral Jean-Luc Delaunay sur les perspectives de mise en œuvre des porte-avions dans un cadre européen.

    M. Jean-Noël Kerdraon a souhaité avoir des précisions sur le programme de NTCD retenu par la revue des programmes, rappelant que certains bâtiments de cette catégorie étaient actuellement en service depuis 35 ans. Il a interrogé le Chef d’état-major de la Marine sur les objectifs et le calendrier de la réorganisation de la maintenance des aéronefs des trois armées. Après avoir demandé s’il était bien prévu de baser le commandement de la FOST à Brest, il a posé la question plus générale de la réorganisation des commandements de la Marine dans les zones maritimes occidentale et méditerranéenne, évoquant plus précisément la question du positionnement des sous-marins nucléaires d’attaque.

    M. Jean Briane a souhaité connaître le sentiment de l’Amiral Jean-Luc Delaunay sur les causes des difficultés techniques rencontrées pour la mise en service actif du porte-avions Charles de Gaulle. Il a également posé la question de l’interopérabilité entre le Hawkeye et l’Awacs.

    Le Chef d’état-major de la Marine a apporté les éléments de réponse suivants :

    — la Marine attend de la DCN qu’elle soit capable de fixer au mieux les prix des réparations ou des constructions neuves, en cohérence avec les moyens budgétaires alloués à la Marine. Tel est l’objet de la politique de contractualisation menée depuis deux ans entre la Marine et la DCN, qui progresse à très grands pas puisque ces deux entités ont quasiment établi des relations de client à fournisseur. La constitution du service de la flotte, commun à la DGA, la DCN et la Marine devrait encore accentuer cette évolution. Cette politique de contractualisation a été mise en œuvre dans le cadre du programme NTCD par exemple, dont elle a permis une réduction de coût de 20 % par rapport aux bâtiments déjà construits (Foudre, Sirocco). Au total, la contractualisation, jointe à une analyse financière très en amont des programmes, que la Marine mène avec la DCN, sous les auspices de la DGA, a commencé à porter ses fruits. Le changement de statut de la DCN ne pourra que conforter cette évolution ;

    — même s’il est difficile d’analyser les raisons de l’échec de la coopération avec le Royaume-Uni dans la conduite du programme Horizon, on peut considérer que la raison profonde du retrait britannique tient à la différence de cibles : alors que les Britanniques prévoyaient de construire douze bâtiments, la France n’en avait inscrit que deux. Dans ces conditions, il n’était pas illégitime pour les Britanniques de chercher à obtenir la maîtrise d’ouvrage et à faire prévaloir leurs choix. D’ailleurs, au fur et à mesure des négociations avec les Britanniques, la part des éléments du bâtiment commun à la France et au Royaume-Uni s’était réduite à 40 %, ce qui diminuait l’intérêt de la coopération ;

    — la coopération avec l’Italie sur le programme Horizon a donné lieu à un travail intense entre les deux pays depuis six mois. Du fait des efforts accomplis par chacune des parties, les spécifications globales du bâtiment sont presque acquises, en sorte que le programme devrait être lancé au printemps prochain dans des conditions satisfaisantes. Le montant des autorisations de programme inscrit dans le projet de loi de finances pour 2000 couvre à la fois le développement et la quasi-totalité de la fabrication du premier bâtiment, ce qui devrait permettre de lancer ces opérations dans des conditions industrielles favorables pour la DCN ;

    — dans la tragédie des conflits, le porte-avions joue un rôle privilégié, notamment du fait de sa présence précoce sur le théâtre des crises, avant même le déclenchement des opérations militaires. Ainsi, dans le cas du Kosovo, le porte-avions Foch était présent dans l’Adriatique dès la fin du mois de janvier 1999. Cette présence physique, au-delà du fait qu’elle témoigne de la résolution du pays ou de l’alliance qui l’envoie, fait peser une pression forte sur l’adversaire. Lorsque le conflit se déclenche, le porte-avions y participe depuis le début et s’insère facilement dans le dispositif interarmées. Le cas du Kosovo est, là encore, révélateur, le porte-avions ayant, aux premiers moments du conflit, fait fonctionner seul son groupe aérien, avant de devenir un prestataire de services pour le compte du centre de commandement opérationnel de Vicence. Ainsi, pendant six mois, un rendement maximum a pu être tiré du bâtiment, dont l’autonomie en termes de ravitaillement et d’entretien des appareils est remarquable, à proximité immédiate du théâtre des opérations. Au total, le groupe aéronaval, associé au sous-marin nucléaire d’attaque qui a joué un double rôle de dissuasion et de rétorsion, a prouvé tout son intérêt. Cette configuration est d’ailleurs utilisée par les Etats-Unis depuis longtemps déjà. La durée d’utilisation limitée (six mois) du porte-avions pendant la crise du Kosovo pose la question du nombre de porte-avions disponibles. On notera que les Etats-Unis, qui veulent assurer la permanence à la mer de cinq porte-avions, disposent d’une flotte totale de dix bâtiments. Dans sa revue stratégique, le Royaume-Uni prévoit la construction de deux porte-avions de 40 000 tonnes, capables d’emporter quarante aéronefs. Quant à la France, elle a disposé du Foch et du Clemenceau pendant trente ans, au cours desquels elle a presque toujours été en mesure de mettre en œuvre l’un ou l’autre. La possession d’un groupe aéronaval disponible en permanence constituant la contribution maritime essentielle de la France à la défense de l’Europe, la question de la construction d’un second porte-avions sera au centre du débat au début de la prochaine décennie ;

    — pour juger de l’adéquation des moyens de la Marine, il faut rappeler ses missions.

    La dissuasion, mise en œuvre notamment par les SNLE et le missile M 51 à l’avenir, représente la première d’entre elles. Les moyens définis par la loi de programmation militaire permettent de l’assurer dans de bonnes conditions.

    La projection de puissance, qui constitue la deuxième mission, exige une cohérence du dispositif. Dans le domaine aérien, cette cohérence devrait être parfaitement assurée dans les deux décennies à venir grâce aux Rafale, aux Hawkeye ainsi qu’aux missiles Scalp et air-sol modulaire. Il est vrai cependant que la maturité des bâtiments de surface risque d’amoindrir la cohérence dans le domaine de l’accompagnement naval à l’horizon 2010, certains d’entre eux, le Georges Leygues, par exemple, atteignant 35 ans. Au cours de la prochaine décennie, le problème de l’accompagnement du porte-avions par des frégates modernes devra donc être résolu.

    S’agissant des NTCD, les deux unités seront commandées en 2000 ou 2001. Dans le domaine des chasseurs de mines, la Marine dispose d’un très bon capital en cours de modernisation qui devrait durer jusqu’en 2015-2020. Il en va de même des ATL. En revanche, le remplacement des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) devra être assuré à partir de 2010. La construction d’un SNA de nouvelle génération devra donc être lancée d’ici la fin de la programmation. ;

    — en ce qui concerne les crédits d’entretien, l’Amiral Jean-Luc Delaunay a fait remarquer que ceux de la flotte de surface, après une baisse importante en 1998, ne se sont stabilisés depuis qu’en raison du retrait de 18 bâtiments. Des efforts d’économie sont entrepris pour stabiliser ceux de la FOST à son niveau actuel. Quant à l’aéronavale, dont les coûts de maintenance tendent à s’alourdir, l’objectif est également de les stabiliser lorsque le Rafale sera en activité ;

    — s’agissant des hélicoptères de combat, dont les 3 flottilles relèvent actuellement de 2 bases dans le sud de la France, l’Amiral Jean-Luc Delaunay a déclaré qu’était à l’étude leur regroupement sur une seule, pour des raisons de rationalisation de la dépense. La décision devrait être prise l’année prochaine ;

    — concernant l’attribution à la Marine de 2 milliards de francs d’autorisations de programme de l’armée de l’Air pour le lancement dans de bonnes conditions du programme Horizon, il a rappelé qu’il s’agissait de crédits disponibles et que ce transfert relevait d’une gestion rationnelle des moyens ;

    — en ce qui concerne le Hawkeye, dont le parc comprend actuellement 2 appareils, le troisième devant être acquis en 2003, l’Amiral Delaunay a précisé qu’en raison de leur nombre, leur chaîne d’entretien était inévitablement discontinue, ce qui en augmente le coût ;

    — la formation des pilotes de l’Aéronavale par l’armée de l’Air donnant satisfaction, une formule analogue sera appliquée en 2002 pour celle des mécaniciens. Des efforts sont faits par les deux armées pour rapprocher les formations, en harmonisant en particulier les concepts d’emploi et les techniques d’entraînement, par exemple par l’utilisation des mêmes simulateurs. Dans le domaine des hélicoptères de recherche et de sauvetage des équipages des appareils abattus, une unité commune, sous l’égide de l’armée de l’Air, sera constituée sous la forme d’un organisme à vocation inter-armées (OVIA).

    Le Président Paul Quilès a alors demandé quelles seraient les conditions à réunir pour permettre l’emploi des porte-avions dans un cadre européen, dans l’hypothèse où cette décision politique serait prise.

    Ayant observé que la construction de l’Europe de la Défense n’englobait pas à l’heure actuelle la mise en œuvre commune de porte-avions, l’Amiral Jean-Luc Delaunay a insisté sur le fait que la possession par la France d’un second bâtiment de ce type ne nécessiterait pas la constitution d’un deuxième groupe aéronaval ni la construction de frégates supplémentaires.

    M. Pierre Lellouche a demandé ce que la France devrait aligner dans le domaine naval et à quelle échéance, en volume et en type de forces, dans le cadre de sa contribution à la défense européenne et quel en serait le coût.

    M. Pierre-André Wiltzer après avoir fait remarquer qu’un groupe aéronaval était un élément majeur de souveraineté, a interrogé l’Amiral Jean-Luc Delaunay sur les inquiétudes suscitées par le déficit d’appelés et sur le risque d’une éventuelle persistance de ce déficit dans l’avenir.

    M. René Galy-Dejean a indiqué que, dans son rapport pour avis sur la dissuasion nucléaire, qui concerne pour une large part la Marine, il aurait l’occasion d’exprimer un point de vue sur l’avenir de cette armée.

    L’Amiral Jean-Luc Delaunay a apporté des précisions sur les travaux dont fait l’objet le porte-avions Charles de Gaulle. Il a indiqué que les améliorations relatives à la protection contre la radioactivité correspondaient au respect de normes de sécurité extrêmement rigoureuses. Il a précisé que la piste du porte-avions n’était pas trop courte et que tous les types d’avions (Rafale et Hawkeye notamment) s’y posaient déjà sans problème, mais que, dans des conditions extrêmes, le Hawkeye pouvait finir sa course trop près du bord pour pouvoir revenir seul à son parking. C’est donc pour des raisons de manœuvre qu’un allongement limité de la piste sera réalisé. Enfin, les safrans des gouvernails, qui induisaient certaines vibrations, seront réparés sans surplus de coût. Il a conclu en soulignant que, bien qu’il constitue un prototype dont la construction avait été étalée sur une longue période, le Charles de Gaulle était un excellent bâtiment et que les travaux en cours de réalisation n’étaient que des ajustements dont la raison d’être n’avait peut-être pas été suffisamment expliquée.

    Il a ajouté que l’interopérabilité entre les Awacs et les Hawkeye était totale. Les performances des deux appareils sont proches. Mais le Hawkeye étant plus petit ne dispose que de 5 à 6 heures d’autonomie contre 12 à 13 heures pour un Awacs. Il a précisé que l’Awacs peut être mis en œuvre pour les besoins de l’aviation embarquée, lorsque le porte-avions se trouve à proximité de nos côtes ou d’une base d’où il peut être mis en service, alors que le Hawkeye est le seul moyen de détection aéroportée existant dans les autres cas.

    Enfin, concernant les appelés, il a indiqué que la ressource avait été particulièrement déficitaire au cours de l’été. Depuis, la situation s’est stabilisée et la Marine attend un léger redressement dans les mois à venir. Dans le cas contraire, la déflation de 1999 aura anticipé celle de 2000.

    II. — EXAMEN DE L’AVIS

    La Commission de la Défense s’est réunie le 26 octobre 1999, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 2000 consacrés à la Marine, sur le rapport de M. Jean-Yves le Drian, rapporteur pour avis.

    M. Jean-Yves Le Drian a tout d’abord rappelé que le projet de budget pour 2000 prévoyait d’affecter 33,003 milliards de francs de crédits de paiement à la Marine, dont 12,897 milliards de francs pour le titre III et 20,106 milliards de francs pour les titres V et VI. Il a alors relevé qu’en crédits de paiement, après l’augmentation globale du budget de 1999 par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, la Marine subirait une diminution de 2,7 % de ses ressources, diminution plus forte que celle de l’ensemble du budget de la défense hors pensions (- 1,1 %). En outre, si la répartition entre les titres (près de 40 % pour le titre III et plus de 60 % pour les titres V et VI) avantageait les dépenses en capital dans la mesure où la Marine est essentiellement une armée d’équipement, l’évolution de ces deux catégories de dotations était particulièrement marquée.

    Le rapporteur pour avis a souligné que les crédits de fonctionnement connaîtraient une quasi stabilisation en francs courants qui garantiraient l’annuité de la professionnalisation et une certaine amélioration des dotations de fonctionnement. Certaines difficultés demeureront cependant quant à la gestion des personnels et mériteront l’attention, comme l’équilibre entre les départs et les recrutements, l’accueil des personnels de la DCN qui a atteint ses limites ou l’insertion des engagés employés sur contrat court. Mais les tensions sur l’entretien programmé des matériels seront partiellement atténuées.

    Le rapporteur pour avis a ensuite relevé que les dépenses en capital devraient subir une nette diminution, non seulement en termes de crédits de paiement (4,4 % en francs courants ou 5,2 % en francs constants) mais surtout d’autorisations de programmes (21,2 %). Tout en s’interrogeant sur la signification de ce phénomène, il s’est félicité dans un premier temps que le projet de budget accompagne la mise en service opérationnelle du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, à l’issue de sa traversée de longue durée au printemps prochain, ainsi que la poursuite du programme d’armements antiaériens PAAMS. Il s’est également réjoui que la mobilisation de près de 5,8 milliards de francs d’autorisations de programme permette la commande de la première frégate Horizon dans de bonnes conditions industrielles. Mais il a regretté, d’une part, que l’évolution de la part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 % en loi de finances initiale, prolongeant ainsi une tendance décennale à l’érosion, d’autre part, que la réduction de près de quatre milliards de francs sur les autorisations de programmes n’hypothèque à terme, si elle se prolonge dans les budgets à venir, le renouvellement des équipements majeurs, en particulier les futures commandes des hélicoptères NH 90 ou des Rafale.

    Le modèle que permet de financer le projet de budget pour 2000 correspond encore à celui qui a été déterminé il y a quatre ans et revu en 1998. Mais le décrochage des dotations budgétaires ne peut perdurer si la Marine veut rallier à l’échéance fixée ce modèle, fondé sur une réduction du format de 20 % en termes de bâtiments comme de personnels. Les incertitudes actuelles mériteront d’être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

    M. Jean-Yves Le Drian a alors souhaité appeler l’attention de la Commission sur l’évolution de la DCN. Il a rappelé que, depuis quelques années, de nombreux efforts avaient déjà été entrepris pour moderniser les structures de la DCN (création de DCN International, séparation, désormais achevée, des services étatiques et des services industriels, rapatriement de la sous-traitance, plus récemment plan d’entreprise avec un projet comptable et financier qui devrait permettre de disposer dès 2001 d’outils comptables normalisés). Il a souligné que l’environnement de la DCN la poussait vers des évolutions plus accentuées, compte tenu des règles actuelles de gestion qui paraissaient non seulement, incompatibles avec une activité industrielle compétitive mais qui entravaient également la recherche d’alliances ou de partenariats comme le montrent les exemples de la construction de la plate-forme SFX à Brest ou de la réalisation du sous-marin Scorpène pour le Chili. Or les coopérations industrielles constituent la seule solution pour garantir à terme le développement des capacités technologiques indéniables de la DCN que les seules commandes de la Marine ne peuvent plus assurer.

    L’annonce de la transformation de la DCN en service à compétence nationale (SCN) ne peut correspondre qu’à une étape intermédiaire vers une évolution ultérieure. Le statut de SCN ne modifie pas en effet le cadre juridique des activités et ne desserre pas les contraintes qui en résultent, la seule différence étant la séparation d’avec la DGA qui continuera à détenir un pouvoir de tutelle similaire à celui qu’elle exerce sur les industries d’armement. En outre, les conditions nécessaires au succès de la transformation ne semblent pas réunies. D’une part, la proposition de passage au statut de service à compétence nationale est insuffisante pour assurer aux différentes catégories de personnels que l’avenir de la DCN est garanti et pour les mobiliser sur un projet d’entreprise. D’autre part, le changement de comptabilité se heurte à de nombreuses difficultés. Enfin, le soutien du ministère de l’économie et des finances ne paraît pas acquis pour la recapitalisation de DCN International, l’application de la « directive réseaux » ou l’alliance privilégiée de la DCN avec un partenaire industriel.

    Le rapporteur pour avis a indiqué qu’il préférerait le statut d’établissement public, car cette option aurait le mérite de donner un signal positif fort, en particulier en direction des personnels et des acteurs industriels européens et de préserver l’unité de la DCN. Il a considéré comme essentiel de fixer un objectif de changement par étapes de l’organisation de la DCN et d’engager des réformes profondes pour préserver son avenir en évitant que les éléments les plus dynamiques et les plus performants ne la quittent et en empêchant que les établissements ne perdent leurs compétences.

    Il a précisé que si, jusqu’à une période récente, la DGA n’était pas favorable à de telles réformes dans la mesure où les conditions de leur succès ne paraissaient pas réunies (absence d’outil de pilotage dans l’entreprise et plan de charges en forte baisse notamment), des évolutions semblent davantage possibles aujourd’hui puisque la décroissance du plan de charges s’atténue, que la modernisation et l’adaptation du système de gestion seront réalisées en 2001 et que le format des effectifs cessera alors de diminuer pour se stabiliser à 13 000-14 000 personnes, l’activité de la DCN devant reprendre sur un rythme soutenu en raison des carénages de sous-marins nucléaires et de la construction des TCD de nouvelle génération. Il a néanmoins souligné qu’un « scénario catastrophe » n’était pas exclu au moment où de grands groupes européens se constituent au Royaume Uni et en Allemagne dans le domaine de la construction navale militaire. Le risque est réel que la DCN soit exclue de ce mouvement de restructuration et perde peu à peu ses savoir-faire.

    En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé de donner un avis favorable aux crédits consacrés à la Marine.

    Exprimant sa convergence de vues avec le rapporteur sur le diagnostic et les pistes de réflexion concernant l’évolution des activités et des structures de la DCN, M. Bernard Cazeneuve a souhaité avoir confirmation du lancement de la construction du quatrième SNLE-NG, indispensable à la dissuasion, courant 2000. Il s’est également interrogé sur les dotations du projet de budget relatives au sous-marin d’attaque futur. Relevant enfin qu’un volume de 1,5 milliard de francs de crédits de paiement et de 1,8 milliard de francs d’autorisations de programme était destiné aux SNLE, il a demandé quelle serait la ventilation de ces ressources entre le lancement de la réalisation du quatrième SNLE-NG et le maintien en condition opérationnelle des autres sous-marins.

    M. Jean-Yves Le Drian a indiqué que la commande du quatrième SNLE-NG était bien prévue en 2000 afin de permettre l’entrée de ce bâtiment en service actif en juillet 2008. Il a par ailleurs précisé que le sous-marin d’attaque futur bénéficiait de l’inscription de 134 millions de francs d’autorisations de programmes et de 65 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 2000.

    Estimant le projet de budget de la Marine peu satisfaisant, M. René Galy-Dejean a déclaré que le groupe RPR ne pouvait, en conséquence, le voter. S’agissant de l’avenir de la DCN, il a souligné que l’expérience des chantiers de l’Atlantique, société à capitaux privés, montrait que des conditions de fonctionnement adaptées à une activité industrielle permettaient de faire valoir les compétences de personnels hautement qualifiés. Il a exprimé le vœu que la DCN puisse évoluer favorablement en s’affranchissant des contraintes administratives inadaptées qui pèsent sur elle.

    M. Jean-Yves Le Drian a souligné que la situation des chantiers de l’Atlantique qui avaient développé leur activité en se spécialisant dans la production de bateaux de croisière à forte valeur ajoutée ou de navires marchands de haute technologie ne pouvait se comparer à celle de la DCN. Il a tenu à préciser qu’il n’était pas inquiet à propos des savoir-faire de la DCN, estimant que les difficultés qu’elle connaissait trouvaient essentiellement leur origine dans l’inadaptation des règles du code des marchés publics, dans la non recapitalisation de DCN International et dans l’impossibilité de diversifier les recrutements en personnels formés aux besoins d’une activité commerciale. Il en a conclu qu’un assouplissement des règles de fonctionnement actuelles constituerait déjà en soi une avancée. Il a néanmoins regretté que certaines administrations de l’Etat ne partagent pas sa foi en l’avenir de la DCN et freinent certains acquis, comme l’illustre l’absence d’effets d’un arbitrage interministériel en faveur de l’application du régime de la directive « réseaux » à la DCN.

    Après avoir indiqué qu’il partageait de nombreuses conclusions du rapporteur pour avis, M. Loïc Bouvard a précisé qu’il consacrerait une large partie de son avis budgétaire sur les comptes spéciaux du trésor à la DCN. Ayant constaté, à l’occasion d’un entretien avec le Directeur de la DCN, l’étendue des réformes entreprises ainsi que leurs insuffisances, il a souhaité que la convergence des observations du rapporteur spécial des crédits militaires de la Commission des Finances avec celles du rapporteur pour avis des crédits de la Marine et celles qu’il serait lui-même amené à formuler dans son avis sur les comptes spéciaux du trésor encourage une modernisation plus ambitieuse des structures de l’entreprise. Regrettant que le statut de la DCN constitue un handicap pour la conclusion de contrats à l’exportation comme celui concernant les sous-marins portugais, en cours de négociation, il a déploré que l’organisation administrative de l’entreprise la place en dehors des restructurations du secteur de la construction navale militaire à l’échelle européenne, malgré les efforts qu’elle a consentis pour améliorer ses règles comptables et résorber ses sureffectifs. S’inquiétant par ailleurs de la forte diminution des crédits du projet de budget de la Marine affectés au titre V, il a indiqué que le groupe UDF ne pouvait le voter en l’état.

    M. Jean-Yves Le Drian a tenu à préciser qu’il préconisait la transformation de la DCN en établissement public industriel et commercial afin de rompre avec son statut d’administration sans pour autant envisager sa privatisation.

    M. Jean-Noël Kerdraon a estimé indispensable que la commande du NTCD intervienne dès le second semestre 2000 tant en raison des besoins de la Marine que de la nécessité d’accompagner l’évolution de la DCN et notamment de l’établissement de Brest. Evoquant l’échec des chantiers du Havre, société à capitaux privés, il a souligné que les difficultés de la DCN ne pouvaient pas être exclusivement imputées à son statut mais qu’elles tenaient aussi à ses liens avec son principal client, l’Etat. Rappelant que des mesures positives avaient été prises afin d’améliorer la connaissance des coûts et d’adapter le format de la DCN aux besoins de l’Etat, il a estimé que cette entreprise avait besoin d’une dynamique, d’une meilleure capacité de réaction, de progrès de productivité et non d’une révolution. Prenant l’exemple de l’établissement de Lorient, tourné vers les marchés d’exportation qui, malgré les contraintes de son statut, a su maintenir son plan de charge, il a considéré que les évolutions nécessaires demandaient du temps. Il a estimé en conséquence que le statut d’établissement public industriel et commercial ne constituait peut-être pas la bonne réponse aux difficultés de la DCN. Préconisant l’humilité dans l’analyse de la situation et la recherche des remèdes, il a fait valoir qu’une réforme hâtive pouvait conduire à l’échec, comme l’avait démontré le cas du Groupement Industriel des Armements Terrestres (GIAT).

    Partageant la préoccupation de M. Jean-Noël Kerdraon concernant la diminution de l’ordre de deux millions d’heures de travail du plan de charge prévisionnel de l’établissement de Brest, et s’inquiétant de l’accompagnement social de cette diminution,
    M. Jean-Yves Le Drian
    a précisé que la commande du premier NTCD n’interviendrait en 2000 qu’à condition que les autorisations de programme disponibles soient abondées en cours d’exercice. Il a récusé les comparaisons entre le GIAT et la DCN en soulignant les adaptations opérées par cette dernière en matière d’effectifs ainsi que ses perspectives de chiffre d’affaires au-delà de 2001, sur un marché mondial porteur contrairement à celui des armements terrestres.

    Compte tenu notamment du défi de l’intégration des systèmes d’armes aux plates-formes, il a jugé indispensable d’assouplir les règles juridiques régissant l’activité de la DCN. Après avoir rappelé le succès de la transformation de la Poste en établissement public à l’initiative du Président Paul Quilès, alors Ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Espace, il a souligné que le refus de toute réforme profonde risquait de confiner à terme la DCN au seul rôle de l’entretien de la flotte.

    M. Jean-Noël Kerdraon a fait observer que les seules mesures d’âge permettant le départ à la retraite à 52 ans ne suffiraient pas à faire passer les effectifs de la DCN de 17 500 à 12 500 et précisé que le plan de charge du site de Brest était de 6,5 millions d’heures en 1999, les prévisions pour 2000 s’établissant initialement à 3,5 millions d’heures mais ayant été portées à 4 millions d’heures en raison des travaux à réaliser sur le porte-avions, l’objectif étant d’arriver à 5 millions d’heures.

    Se demandant si le manque de souplesse des statuts de la DCN était bien la cause principale de ses difficultés à l’exportation, M. Robert Gaïa a estimé qu’en revanche elle négligeait trop les fonctions relatives à la gestion et aux ressources humaines, en ne les confiant pas à des professionnels de ces métiers. Il a fait remarquer qu’il était trop facile d’évoquer la rigidité des statuts pour expliquer toutes les dérives.

    Convenant qu’il était difficile à une administration de s’insérer directement dans la concurrence internationale, il a estimé que les réformes, pour rester compréhensibles par le personnel, devraient prendre appui sur la recapitalisation de DCN International, faute de quoi les perspectives d’exportation se fermeraient à terme pour la DCN. A ce propos, il s’est inquiété, au regard de l’avenir de la DCN, des efforts actuellement déployés par une entreprise comme Thomson CSF pour trouver à l’étranger des partenaires constructeurs de plates-formes navales.

    M. Bernard Cazeneuve a alors fait part de ses doutes sur la possibilité d’obtenir du Gouvernement la recapitalisation de DCN International sans évolution concomitante de la DCN vers des structures plus aptes à la compétition.

    M. Robert Gaïa a, pour sa part, remarqué qu’il appartenait précisément à l’Assemblée nationale et à sa Commission de la Défense de formuler les propositions les plus propres à faciliter les évolutions de la DCN.

    M. Jean-Yves Le Drian a estimé que la perspective de constituer un groupe qui soit à la fois « plateformier » et « intégrateur de systèmes d’armes » rendait encore plus urgente une réforme de la DCN, lui permettant de nouer les relations de partenariat nécessaires.

    M. Michel Voisin, estimant peu satisfaisants les résultats de l’activité d’exportation de la construction navale militaire française et jugeant qu’ils contrastaient avec les succès d’autres pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, a considéré que les causes devaient en être recherchées dans la trop grande rigidité des procédures françaises.

    Il s’est également interrogé sur la cohérence entre la commande d’un seul NTCD en 2000 avec les objectifs fixés par la loi de programmation en matière de projection des forces.

    M. Jean-Yves Le Drian a fait valoir que les bâtiments que la France présentait à l’exportation étaient de grande qualité, comme en témoignaient les contrats récemment conclus, mais a insisté sur l’inadaptation des instruments de gestion de l’activité d’exportation.

    M. Jean Michel s’est interrogé sur la réalité des insuffisances du budget de la Marine en matière d’autorisations de programme, le ministère des Finances lui ayant indiqué, en sa qualité de rapporteur pour avis des crédits d’équipement, que les services de la Défense disposaient d’environ 43 milliards de francs d’autorisations de programme déléguées mais non affectées.

*

    La Commission de la Défense a procédé le 3 novembre 1999, dans l’après-midi, au vote sur les crédits de la défense pour 2000 ().

    La Commission a successivement donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, à l’armée de l’Air, à l’armée de Terre, à la Marine, à la Gendarmerie, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant. Elle a également donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux Services communs, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste ainsi que M. Michel Meylan s’abstenant. Enfin, elle a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des crédits du titre III et des titres V et VI du ministère de la Défense ainsi que des articles 40 et 41 du projet de loi de finances pour 2000, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant.

    N°1864-05. - Avis de M. Jean-Yves Le Drian, au nom de la commission de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Défense : Marine

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() Cette réunion a été précédée, le 3 novembre 1999 au matin, de l’audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les crédits de son ministère au cours d’une séance ouverte au public et à la presse. Le compte rendu de cette séance figure dans les avis n° 1864, tomes VII et VIII, de la Commission de la Défense relatifs respectivement aux dépenses ordinaires et aux dépenses en capital du projet de budget de la Défense pour 2000.