N° 1864

        ——

        ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

        AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805)

        TOME VII

DÉFENSE

TITRE III ET PERSONNELS DE LA DÉFENSE

PAR M. Gérard CHARASSE,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir les numéros : 1861 (annexe n° 40)

          Lois de finances.

        La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

        M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier,
        vice-présidents
         ; MM. Robert Gaïa,
        Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

      INTRODUCTION 7

      I. — UN BUDGET QUI GARANTIT LA POURSUITE DE LA PROFESSIONNALISATION 9

        A. LA HAUSSE PROGRAMMÉE DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATION 10

          1. L’évolution des effectifs est conforme à la loi de programmation 10

          2. Des redéploiements et ajustements d’effectifs 13

        B. LES RÉFORMES DE STRUCTURES ACTUELLEMENT MISES EN ŒUVRE 14

          1. Un vaste chantier juridique 14

          2. La fusion des administrations de la Défense et des Anciens combattants 14

      II. — LE SUCCÈS DES MESURES DE DÉFLATION DES MILITAIRES DE CARRIÈRE 17

        A. L’ACCOMPAGNEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION 17

          1. Les mesures d’incitation 17

          2. Le fonds d’accompagnement de la professionnalisation 19

        B. LE SUCCÈS DES PÉCULES 20

          1. Les pécules « rénovés » 20

          2. Les pécules dits « articles 5 et 6 » 22

        C. LES TRANSFERTS VERS D’AUTRES EMPLOIS PUBLICS 23

          1. Les transferts vers la Gendarmerie 23

          2. Une « seconde carrière » dans la fonction publique 24

      III. — LE REMPLACEMENT DES APPELÉS 28

        A. LE RECRUTEMENT SATISFAISANT DES ENGAGÉS ET VOLONTAIRES 28

          1. Une ressource en engagés nombreuse et de qualité 28

          2. Le volontariat : un premier pas vers l’engagement ? 30

        B. LES DIFFICULTÉS RELATIVES AUX CIVILS 31

          1. Le déficit préoccupant des agents civils 31

          2. L’amélioration de la ressource en fonctionnaires et contractuels 32

          3. Le difficile redéploiement des personnels ouvriers 33

        C. LA POURSUITE DE LA FÉMINISATION 34

          1. La féminisation avancée mais inégale de l’armée de l’Air 34

          2. Les contraintes de l’armée de Terre et de la Marine 35

          3. La Gendarmerie nationale en retrait 36

        D. VERS LA FIN DE LA CONSCRIPTION 37

          1. Une diminution plus importante que prévue de la ressource en appelés 37

          2. Un premier bilan des journées d’appel et de préparation à la défense 40

      IV. — L’ÉVOLUTION DES AUTRES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT 41

        A. UNE CONTRAINTE INSCRITE DANS LA LOI DE PROGRAMMATION 41

          1. Le rappel du texte de la loi de programmation 41

          2. Une corrélation rarement automatique 42

        B. UNE RUPTURE AVEC LES RESTRICTIONS ANTÉRIEURES 43

          1. Une amorce de redressement encourageante 43

          2. Des mesures d’économies 45

        C. DES PRÉOCCUPATIONS QUI DEMEURENT 46

          1. L’activité et l’entraînement des forces 46

          2. L’entretien des unités navales et du patrimoine immobilier 47

      V. — LES RETRAITÉS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 49

        A. LA CHARGE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE 49

          1. Les prévisions d’évolution des pensions 49

          2. Les conséquences de la professionnalisation sur le volume des pensions 50

        B. LE RÉGIME DES PENSIONS 51

          1. Un système spécifique régulièrement revalorisé 51

          2. Le régime particulier des pensions de réversion 52

          3. Le cadre juridique de la seconde carrière des militaires 53

        C. LES PRINCIPALES DEMANDES EXPRIMÉES PAR LES ANCIENS MILITAIRES 54

          1. La situation des veuves allocataires 54

          2. La question des sous-lieutenants retraités 55

      CONCLUSION 57

      TRAVAUX EN COMMISSION 59

      I. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 59

      II. — AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 68

      III. — AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS HEBERT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR L’ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 78

      IV. — AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES SYNDICATS DES PERSONNELS CIVILS DE LA DÉFENSE 85

      V. — AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES ASSOCIATIONS DE RETRAITÉS MILITAIRES 100

      VI. — EXAMEN DE L’AVIS 111

      VII. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE, SUR LES CRÉDITS DE SON MINISTÈRE EN SÉANCE OUVERTE AU PUBLIC ET À LA PRESSE 116

        MESDAMES, MESSIEURS,

        L’exercice budgétaire 2000 constituera la quatrième annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002 qui consacrait les orientations arrêtées par le Président de la République, le 22 février 1996. La fin du prochain exercice budgétaire correspondra aux deux tiers de la loi de programmation militaire. C’est donc une étape importante qu’il convient d’examiner de manière attentive.

        Pour mon premier rapport en qualité de rapporteur pour avis du titre III, j’estime avoir plus de chance que mon prédécesseur, M. François Huwart, promu entre temps à de brillantes fonctions. En effet, comme nous allons le voir, si tout n’est pas radieux en ce qui concerne le fonctionnement de nos armées, la situation présente une amélioration certaine par rapport aux années précédentes.

        Des désaccords étaient apparus, l’an dernier, sur le budget de moyens que constituent les crédits du titre III. Toutefois, si les ressources, hors rémunérations et charges sociales, avaient été comptées au plus juste, elles n’en respectaient pas moins la loi de programmation militaire pour 1997-2002.

        Certains avaient alors soutenu que c’était la loi de programmation elle-même qui avait sous-estimé les besoins des armées, une fois celles-ci devenues professionnelles. Votre rapporteur avait néanmoins considéré, à juste raison, que, pour la troisième fois, le projet de titre III du ministère de la Défense ouvrait les moyens nécessaires à la professionnalisation de nos forces armées.

        L’exercice, cette année, paraît plus simple : parfaitement conforme à la loi de programmation militaire, le projet de budget de titre III pour 2000 se caractérise, selon les mots même du général Jean-Pierre Kelche, chef d’état-major des armées, « par un respect des engagements de la professionnalisation », ainsi qu’« un arrêt de la dégradation du fonctionnement ».

        Pour autant, si la professionnalisation semble en bonne voie, il est nécessaire de rester vigilant car tous les problèmes ne sont pas pour autant réglés : si le recrutement des engagés et volontaires donne pleinement satisfaction, le redéploiement des personnels civils est encore largement insuffisant. Si les derniers appelés font preuve d’un civisme et d’un esprit de responsabilité remarquables, leur nombre est trop erratique et imprévisible. Enfin, si les crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales respectent les dispositions de la loi de programmation, beaucoup reste à faire dans le domaine de l’entraînement, de l’entretien du matériel et du patrimoine immobilier.

*

        Après avoir constaté que le projet de budget pour le titre III du ministère de la Défense garantit bien la poursuite de la professionnalisation, je vous proposerai d’examiner le succès des mesures de déflation des militaires de carrière, le remplacement des appelés ainsi que l’évolution des autres dépenses de fonctionnement. Je finirai en étudiant la situation des retraités du ministère de la Défense.

        I. — UN BUDGET QUI GARANTIT LA POURSUITE DE LA PROFESSIONNALISATION

        Le montant des crédits inscrits au titre III du ministère de la Défense, hors pensions, s’élèvera l’année prochaine à 104,9 milliards de francs, contre 103,9 milliards pour l’exercice 1999. Ce chiffre comprend les crédits provenant du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants (0,4 milliard), ce qui représente une augmentation de près de 1 %. A missions constantes, c’est à dire hors Anciens combattants, les crédits n’augmentent que de 0,53 % en francs courants, soit une quasi stagnation en francs constants.

        Le projet de budget pour 2000 confirme l’évolution engagée depuis 1997 pour la répartition des crédits du titre III entre les rémunérations et les charges sociales et les autres frais de fonctionnement. Les premières connaissent un accroissement de 1,48 % tandis que les crédits de fonctionnement connaissent une diminution de – 0,9 %, malgré 109 millions apportés par l’administration des Anciens combattants.

      TITRE III : DOTATIONS PAR GRANDES CATÉGORIES DE COÛTS

      (en millions de francs)

      Catégories de coûts

      1998

      1999

      2000

      Evolution 1999-2000
      en %

      Rémunérations et charges sociales

      80 471,3

      82 819,5

      8 4049,2

      + 1,48

      Alimentation

      2 752,0

      2 432,6

      2 263,4

      - 7

      Produits pétroliers

      2 733,5

      2 370,4

      2 344,8 (1)

      - 1,6

      Entretien programmé des matériels

      1 806,5

      1 322,7

      1 108,7

      - 16

      SNCF

      1 341,9

      1 173,0

      1 029,6

      - 12

      Fonctionnement et activité

      14 617,5

      13 840,7

      14 195,5

      + 2,7

      Titre III hors RCS

      23 250,4

      21 139,4

      20 942,1

      -0,9

      Total titre III (après transferts)

      103 721,7

      103 958,9

      104 991,3 (2)

      +0,99

      (1) Hypothèses de construction budgétaire : 14,61 dollars le baril et 6 francs : un dollar.

      (2) dont 474,7 millions de francs résultant du transfert des Anciens combattants.

      (Source : ministère de la Défense)

        De ce fait, les ressources consacrées aux rémunérations et aux charges sociales franchissent désormais le seuil de 80 % des crédits du titre III tandis que ceux dévolus aux autres postes de fonctionnement deviennent inférieurs à 20 %.

        Ces évolutions constituent pour l’essentiel les traductions directes de la réduction du format des armées et de la professionnalisation, ainsi qu’une mesure de revalorisation relative des crédits de fonctionnement. En effet, les emplois nouveaux, inférieurs en nombre aux emplois appelés à disparaître sont cependant beaucoup plus coûteux. La restructuration des armées s’accompagne de mesures d’incitation au départ parfois onéreuses, essentiellement les pécules. Par ailleurs, la réduction du format des armées doit générer une diminution importante de leurs crédits de fonctionnement courant.

            A. LA HAUSSE PROGRAMMÉE DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATION

            1. L’évolution des effectifs est conforme à la loi de programmation

        Les effectifs budgétaires du ministère de la Défense (hors compte de commerce), s’établiront, en 2000, à 474 009 postes, en baisse de 4,9 % par rapport à 1999. Cette évolution résulte essentiellement de la mise en œuvre de l’annuité 2000 de la loi de programmation qui conduit à la suppression de 23 695 emplois. Comme lors des trois premières annuités de la programmation, la réduction globale des effectifs de la défense recouvre des évolutions différentes selon les catégories de personnels : la forte diminution des effectifs d’appelés (-30 000) et de sous-officiers (- 3 600) s’accompagne de la création d’emplois, en nombre important, de militaires du rang professionnels (+18 000), de volontaires (+5 000) et de personnels civils (+2 000).

        Le projet de loi de finances 2000 prévoit également, comme chaque année, divers ajustements. Parmi les mesures d’effectifs hors programmation, la plus importante est l’intégration des personnels du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants (2 005 emplois). Par ailleurs, diverses mesures d’adaptation et de redéploiement conduisent à la suppression de 2 900 emplois, essentiellement d’appelés (900 emplois supplémentaires en sus des suppressions programmées) ou de civils (1 583).

ÉVOLUTION ANNUELLE DES EFFECTIFS PAR CATÉGORIE
(article 3 de la loi de programmation militaire)

       

      11996

      11997

      11998

      11999

      22000

      22001

      22002

      Officiers

      38 456

      38 523

      38 527

      38 475

      38 403

      38 306

      38 189

      Sous-officiers
      Militaires du rang

      214 828

      213 369

      211 532

      208 842

      205 234

      202 353

      199 296

       

      44 552

      52 216

      60 054

      68 643

      76 606

      84 239

      92 527

      Total des militaires de carrière ou sous contrat


      297 836


      304 108


      310 113


      315 960


      320 243


      324 898


      330 012

      Civils

      73 747

      74 875

      76 241

      77 929

      79 964

      81 796

      83 023

      Appelés ou volontaires

      201 498

      169 525

      137 672

      103 496

      74 577

      47 107

      27 171

      Total général

      5573 081

      5548 508

      5524 026

      4497 385

      4474 784

      4453 801

      4440 206

        (Source : ministère de la Défense)

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS PAR ARMÉE OU SERVICE
ET PAR CATÉGORIE ENTRE 1996 ET 2002

       

      1996

      2002

      Variation

      Terre : Officiers
      Sous-officiers
      Militaires du rang engagés
      Appelés et volontaires
      Civils

      17 461
      56 644
      30 202
      132 319
      31 946

      16 080
      50 365
      66 681
      5 500
      34 000

      - 1 381
      - 6 279
      + 36 479
      - 126 819
      + 2 054

      - 7,9  %
      - 11,1 %
      + 120,7 %
      - 95,8 %
      + 6,4 %

      Total

      268 572

      172 626

      - 95 946

      - 35,7 %

      Marine : Officiers
      Sous-officiers
      Militaires du rang engagés
      Appelés et volontaires
      Civils

      4 844
      32 530
      8 103
      17 906
      6 495

      4 961
      30 136
      7 998
      1 775
      11 594

      + 117
      - 2 394
      - 105
      - 16 131
      + 5 099

      + 2,4 %
      - 7,9 %
      - 1,3 %
      - 90,1 %
      + 78,5 %

      Total

      69 878

      56 464

      - 13 414

      - 19,2 %

      Air : Officiers
      Sous-officiers
      Militaires du rang engagés
      Appelés et volontaires
      Civils

      7 277
      42 813
      5 882
      32 674
      4 906

      6 974
      38 392
      16 758
      2 225
      6 731

      - 303
      - 4 421
      + 10 876
      - 90 449
      + 1 825

      - 4,2 %
      - 10,3 %
      + 184,9 %
      - 93,2 %
      + 37,2 %

      Total

      93 552

      71 080

      - 22 472

      - 24,0 %

      Gendarmerie : Officiers
      Sous-officiers dont :
      — sous-officiers Gendarmerie
      — autres sous-officiers
      Appelés et volontaires
      Civils

      2 666
      77 728
      77 079
      649
      12 017
      1 258

      4 055
      75 337
      71 302
      4 035
      16 232
      2 260

      + 1 389
      - 2 391
      - 5 777
      + 3 386
      + 4 215
      + 1 002

      +52,0 %
      - 3,1 %
      - 7,5 %
      + 521,0 %
      + 35,1 %
      + 79,7 %

      Total

      93 669

      97 884

      + 4 215

      + 4,5 %

      Services communs : Officiers
      Sous-officiers
      Militaires du rang engagés
      Appelés et volontaires
      Civils

      6 208
      5 113
      365
      6 582
      29 142

      6 119
      5 066
      1 090
      1 439
      28 438

      - 89
      - 47
      + 725
      - 5 143
      - 704

      - 1,4 %
      - 0,9 %
      + 198,6 %
      - 78,1 %
      - 2,4 %

      Total

      47 410

      42 152

      - 5 258

      - 11,1 %

      Totaux: Officiers
      Sous-officiers
      Militaires du rang engagés
      Appelés et volontaires
      Civils

      38 456
      214 828
      44 552
      201 498
      73 747

      38 189
      199 296
      92 527
      27 171
      83 023

      - 267
      - 15 532
      + 47 975
      - 174 327
      + 9 276

      - 0,7 %
      - 7,2 %
      + 107,7%
      - 86,5 %
      + 12,6 %

      Total

      573 081

      440 206

      - 132 875

      - 23,2 %

      (Source : rapport annexé à la loi de programmation militaire)

            2. Des redéploiements et ajustements d’effectifs

        Une légère avance sur les objectifs de déflation prévus par la programmation, ainsi qu’une baisse plus importante de la ressource en appelés permettent l’anticipation, dès 2000 d’une partie des réductions de postes budgétaires prévus initialement en 2001 et 2002, ce qui conduit à supprimer 963 postes dont 513 permanents et 450 d’appelés.

        Trois mesures fonctionnelles visent à améliorer l’activité et l’efficacité des armées ainsi que les dispositifs d’accompagnement de la professionnalisation :

        — l’armée de l’Air et la Marine transforment 600 postes de sous-officiers en autant de postes de militaires du rang pour tenir compte d’un besoin en militaires du rang légèrement supérieur (+ 2 % pour l’air et + 3 % pour la Marine) ;

        — le recours à la sous-traitance de certaines tâches logistiques ou administratives est développé. Dans le cadre de la professionnalisation, un certain nombre de tâches jusqu’à présent assurées par des appelés mais non directement liées aux missions des armées (gardiennage, entretien des espaces verts…) vont être confiées à des entreprises extérieures à la défense nationale ;

        — l’utilisation de 300 vacances de postes de personnels civils permet de redoter de façon temporaire les crédits d’aides au départ des personnels civils.

        Evolution des effectifs au projet de budget 2000

Solde net des créations et des suppressions d’emplois

(hors compte de commerces)

       

      Programmation

      Anciens Combattants

      Autres ajustements

      Total

      Officiers

      - 137

      + 25

      - 122

      - 234

      Sous-officiers

      - 3 608

       

      - 895

      - 4 503

      Militaires du rang

      + 7 713

       

      + 600

      + 8 313

      Total militaires professionnels

      + 3 968

      + 25

      - 417

      + 3 576

      Volontaires

      + 6 500

         

      + 6 500

      Appelés

      - 35 369

       

      - 900

      - 36 269

      Civils

      + 1 206

      + 1 980

      - 1 583

      + 1 603

      Total

      - 23 695

      + 2 005

      - 2 900

      - 24 590

        (Source : ministère de la Défense)

            B. LES RÉFORMES DE STRUCTURES ACTUELLEMENT MISES EN ŒUVRE

            1. Un vaste chantier juridique

        Parallèlement à l’adaptation des procédures, notamment financières, engagées depuis plusieurs années et qui se poursuivent à un rythme soutenu (généralisation du contrôle financier déconcentré, rénovation des outils de gestion comptable, amélioration de la nomenclature budgétaire, suivi des autorisations de programme), le ministère de la Défense adapte ses structures.

        La quasi totalité des états-majors ou directions se sont engagés dans la refonte plus ou moins poussée de leur organisation centrale. C’est le cas de l’état-major des armées, de la délégation générale pour l’armement, de l’état-major de l’armée de Terre, de la direction générale de la Gendarmerie nationale, de la direction du renseignement militaire, de la direction de la protection et de la sécurité de la défense et du commissariat de l’armée de Terre.

        L’armée de Terre a lancé en 1999 une réorganisation territoriale autour de ses cinq régions qui se substitueront aux neuf circonscriptions militaires de défense actuelles. Cette modification nécessitera de redéfinir, à l’échelon de la zone de défense, les relations civilo-militaires.

        La transformation de la direction des constructions navales en service à compétence nationale directement rattaché au Ministre nécessite deux décrets en Conseil d’Etat qui seront publiés au début de l’année 2000.

        Le Ministre a, en outre, demandé la création de deux nouveaux services : premièrement, le service d’entretien de la flotte qui sera placé sous l’autorité du chef d’état-major de la Marine et regroupera, sous une forme intégrée, des éléments aujourd’hui dispersés entre la DGA et la Marine. L’objectif de cette réforme est d’améliorer la disponibilité des bâtiments tout en diminuant les coûts d’entretien. Deuxièmement, le service de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques qui devrait également permettre de gagner en coût et en efficacité.

            2. La fusion des administrations de la Défense et des Anciens combattants

        Depuis plusieurs années, le secrétariat d’Etat aux Anciens combattants était confronté à une diminution constante de sa charge de travail : 5,5 millions de ressortissants à la fin des années 60, 4,5 millions aujourd’hui et probablement 2,2 millions dans vingt ans. 1,6 million de pensionnés il y a trente ans, moins de 600 000 aujourd’hui. Le budget de 29 milliards de francs il y a 10 ans sera ramené à 25 milliards de francs en 2000. Les effectifs d’un niveau de 7 000 personnes – Office national des Anciens combattants (ONAC) et Institution nationale des Invalides (INI) compris – il y a 20 ans, s’établiront à un peu moins de 4 000 l’année prochaine.

        Après avoir procédé à un grand nombre de réformes notamment en 1987, 1989, 1992, 1993 et encore tout récemment, l’administration des Anciens combattants est parvenue au bout de ses capacités d’adaptation interne. Le refus de continuer à gérer ce déclin par ajustements successifs a conduit le gouvernement à l’adosser à un grand ministère. C’est le ministère de la Défense qui a été choisi, de préférence à celui des Affaires sociales.

        Sur le plan politique, la sensibilité du monde combattant, et notamment son attachement à une organisation spécifique, impliquait sa plein adhésion au principe de la réforme. Engagée dès la nomination de M. Alain Richard au ministère de la Défense en 1997, la concertation est devenue plus officielle à partir de mars 1998, lorsque M. Jean-Pierre Masseret a créé un groupe de travail et a procédé à la consultation des associations représentatives.

        En accord avec ces dernières, il a donc été décidé de transformer le ministère des Anciens combattants en une direction d’administration centrale intégrée au sein du ministère de la Défense, tout en conservant un interlocuteur ministériel et un budget autonome regroupant les crédits consacrés au droit à réparation et aux actions en faveur du monde combattant. Il a également été décidé le maintien des directions interdépartementales ou d’échelons locaux, de l’ONAC et de l’INI.

        Le Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants a vu son titre et ses attributions modifiés par le décret du 23 mars 1999 et est devenu Secrétaire d’Etat à la Défense chargé des Anciens combattants, son champ de compétence ayant été étendu au service national universel, aux réserves militaires, au lien entre la Nation et son armée et à la politique de la mémoire. Cette réforme, conduite dans des délais très brefs, a induit une réorganisation des services du Secrétaire général pour l’administration autour de ses quatre principaux métiers (les finances, le personnel, le droit et le patrimoine) auxquels a été rattachée la direction du service national, dans la perspective de l’accueil des services des Anciens combattants.

        Les projets de textes ayant fait l’objet d’un accord interministériel, les comités techniques paritaires se sont prononcés favorablement en septembre, ce qui a permis de saisir rapidement le Conseil d’Etat qui vient de rendre sa décision au début du mois d’octobre.

        L’administration des Anciens combattants, née en 1920, devrait donc disparaître en tant que département ministériel autonome et se fondre au sein du secrétariat général (SGA) pour l’administration du ministère de la Défense. Le SGA comptera alors deux directions supplémentaires : d’une part, la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), chargée du droit à réparation et, d’autre part, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), centrée autour du devoir de mémoire. Le SGA assurera également la tutelle de l’ONAC et de l’INI, deux établissements publics employant au total environ 2 000 personnes.

        Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de ces réformes de grande ampleur, impliquant la préparation ou la modification de 150 décrets et arrêtés et qui devraient apporter plus d’efficacité et contribuer à une meilleure administration. La transparence et la concertation dans laquelle elles ont été menées méritent également d’être soulignées.

        II. — LE SUCCÈS DES MESURES DE DÉFLATION DES MILITAIRES DE CARRIÈRE

        La défense devrait compter 440 000 personnes (hors comptes de commerce), en 2002, contre 573 000 en 1996. L’objectif fixé pour 2000 par la loi de programmation militaire et par le projet de loi de finances qui nous est soumis est de 474 000 personnes. Si l’on en juge par la situation constatée à mi-parcours de la professionnalisation, cette prévision a toutes les chances de se réaliser.

        Les cadres, officiers et sous-officiers, dont le nombre doit diminuer respectivement de 267 et de 15 500 unités en six ans, quittent les armées au rythme attendu. Le rythme de départ des sous-officiers, en particulier, s’accentue : - 3 608 prévus au projet de loi de finances pour 2000 contre -2 690 en loi de finances initiales pour 1999. Cette amplification concerne essentiellement la Marine (- 619), l’armée de l’Air (- 945) et le service de santé (- 59), tandis que la Gendarmerie poursuit sa déflation (- 986, hors créations de gendarmes d’autoroutes) et que l’armée de Terre (- 991) la ralentit légèrement.

        En ce qui concerne les officiers, seule la Gendarmerie renforce ses effectifs (+ 230), tandis que l’armée de Terre (- 230), l’armée de l’Air (- 60), la Marine (- 8) et les services communs (- 69) en perdent, tout en améliorant néanmoins leur taux d’encadrement par une diminution plus modérée de leur effectifs d’officiers et de sous-officiers par rapport à la baisse des effectifs d’appelés.

        Au 1er septembre de cette année, les départs de cadres prévus pour 1999 sont d’ores et déjà tous intervenus et il est très probable que les armées, notamment l’armée de Terre et l’armée de l’Air, prendront, dans les derniers mois de l’année, un peu d’avance sur l’année prochaine. Cette situation favorable est sans doute liée en partie à la reprise de la croissance économique dont bénéficie le pays. Elle témoigne aussi de l’efficacité des mesures d’aide au départ mises en place par le ministère de la Défense.

            A. L’ACCOMPAGNEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION

            1. Les mesures d’incitation

        S’agissant des officiers et sous-officiers, il a été décidé que la réduction du format serait obtenue par un accroissement du nombre de départs et que ceux-ci seraient volontaires. Une politique d’incitation active a donc été donc mise en place. La principale mesure est l’attribution d’un pécule d’incitation au départ non imposable pour le personnel militaire en position d’activité. Le militaire qui souhaite y prétendre doit être à plus de trois ans de la limite d’âge de son grade et remplir les conditions pour avoir droit à une pension militaire, soit vingt-cinq ans de service pour les officiers et quinze ans pour les sous-officiers.

        Ce pécule incite donc à une retraite anticipée. Pour obtenir des effets structurants, le montant du pécule a été fixé à un niveau d’autant plus élevé que la limite d’âge des intéressés est éloignée de leur date de départ. Le tableau ci-après résume ce dispositif.

      Situation par rapport à la limite d’âge

      + 10 ans

      9 à 10 ans

      8 à 9 ans

      7 à 8 ans

      6 à 7 ans

      5 à 6 ans

      4 à 5 ans

      3 à 4 ans

      Pécule en mois de solde indiciaire

      45

      40

      35

      30

      26

      22

      18

      14

        Pour les mêmes raisons, le montant du pécule décroît avec le temps. Depuis le 1er janvier 1999, il est inférieur de 10 % à celui proposé en 1997 et 1998. A partir du 1er janvier 2001, il sera inférieur de 20 % au niveau fixé à l’origine. De ce fait, les pécules attribués depuis le début de l’année sont dits « rénovés ».

        La loi de programmation militaire a aussi prolongé jusqu’en 2002 les articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, permettant aux officiers à plus de quatre ans de la limite d’âge de leur grade de partir à la retraite avec la pension du grade supérieur, ainsi que l’article 7 qui ouvre à certains colonels et généraux le bénéfice d’un congé spécial. Pour obtenir des effets structurants, l’obtention est de droit pour les officiers dits « hors créneau d’avancement », c’est à dire qui ont dépassé, dans leur grade, le niveau d’ancienneté maximal pour pouvoir bénéficier d’une promotion au grade supérieur, si la demande est présentée dans les trois ans à partir de la date où l’officier est devenu « hors créneau ». pour rendre cette disposition plus attractive, la loi l’a accompagnée de l’octroi d’un pécule correspondant au cinquième du pécule rénové.

        Enfin, des mesures ont été prises pour favoriser la reconversion des militaires engagés (caporaux-chefs) et sous-officiers quittant les armées sans pension de retraite à jouissance immédiate. D’une part, l’indemnité de départ des militaires non-officiers quittant le service entre huit et onze ans de service, au terme de leur contrat a été fortement revalorisée, passant de quatorze à vingt-quatre mensualités. D’autre part, un congé de reconversion rémunéré, d’une durée maximale de six mois, en position d’activité a été instauré. Ce congé peut être prolongé par un congé complémentaire de reconversion, en position de non-activité, pouvant également atteindre six mois.

        C’est parce qu’elles sont conscientes du fait que de bonnes conditions de reconversion sont indispensables pour réussir un recrutement de qualité que les autorités militaires sont soucieuses de garantir à leurs anciens militaires les meilleures conditions de reconversion possibles.

            2. Le fonds d’accompagnement de la professionnalisation

        Un compte de présentation dénommé « Fonds d’accompagnement de la professionnalisation » a été créé dans le but de faire apparaître l’effort financier nécessité par le changement de format de nos armées.

        LE FONDS D’ACCOMPAGNEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION

      (en millions de francs)

       

      1998 (1)

      1999 (2)

      2000(3)

      Evolution
      1999/2000

      Pécules d’incitation au départ

      828

      742

      762

      + 2,7 %

      Complément articles 5 et 6 (20 % du pécule rénové)

      82

      68

      68

      -

      Total pécules

      910

      810

      830

      +2,5

      Indemnité de départ des sous-officiers et caporaux-chefs (entre 8 et 11 ans de service)

      17

      17

      7

      - 58,8 %

      Congé complémentaire de reconversion

      5

      15

      17,5

      + 16,7 %

      Total aides au départ

      932

      842

      854,5

      +1,5

      Actions d’adaptation et de restructuration

      35

      145

      120

      - 17,2 %

      Réserves

      20

      60

      100

      + 66,6 %

      Total

      980

      1 047

      1074,5

      + 2,6 %

      (1) montants constatés. (2) montants estimés. (3) montants prévus. (Source : ministère de la Défense)

        Les aides au départ s’élèveront à 854,5 millions de francs pour 2000 contre 842 millions de francs pour 1999, soit une hausse modérée de 1,5 %, mais resteront fortement en retrait, d’environ 10 %, par rapport aux chiffres des lois de finances de 1997 et 1998.

        Cette diminution est liée à l’application des dispositions du deuxième alinéa de la loi n° 96-1111 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées, aux termes desquelles le montant des pécules en 1999 et 2000 doit être réduit de 10 % par rapport à ceux perçus en 1997 et 1998. Mais au total, si le montant par pécule diminue, la dotation en pécules dits « rénovés » doit permettre de financer à peu près autant de départ que lors des années précédentes.

            B. LE SUCCÈS DES PÉCULES

            1. Les pécules « rénovés »

        En 1997, première année d’application de la réforme, 177 officiers avaient bénéficié d’un pécule moyen de 410 000 francs tandis que 2 116 sous-officiers avaient quitté les armées dotés d’une somme qui s’était élevée en moyenne à 235 000 francs. En 1998, ce sont 164 officiers et 2 870 sous-officiers qui ont quitté l’armée avec des pécules d’un montant moyen respectif de 427 000 et 264 000 francs.

        En 1999, 156 officiers ont bénéficié d’un pécule moyen de 450 000 francs tandis que 2 553 sous-officiers ont reçu une somme moyenne de 263 000 francs. En 2000, les crédits qui figurent au projet de budget (762 millions de francs contre 742 en 1999) devraient permettre d’encourager le départ de 192 officiers et de 2 534 sous-officiers.

        Il est rappelé que l’attribution du pécule d’incitation au départ n’est pas un droit, mais une mesure de gestion des effectifs laissée à l’appréciation des armées. La politique d’attribution des pécules tend à rechercher un maximum de départs en essayant de limiter l’attribution de pécules « coûteux » versés aux militaires ayant entre 7 et 10 ans d’âge.

        Compte tenu de ces éléments, est examiné en priorité le cas de personnels, officiers et sous-officiers appartenant à des régiments ou unités touchés par des mesures de restructuration, ainsi que celui des sous-officiers servant dans des spécialités considérées comme excédentaires. Le cas particulier des officiers dits « hors créneau d’avancement » est également pris en compte. Enfin, autant que possible, le maintien de la pyramide des âges et des grades est également recherché.

        Variable d’une année sur l’autre et selon les armées, le taux de satisfaction des demandes peut ainsi connaître une grande amplitude. Alors que les officiers de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air ont des taux de satisfaction qui dépassent, en 1999, les deux tiers voire les trois quarts des demandes en raison de leur faible nombre relatif, les demandes émanant de sous-officiers sont tellement nombreuses qu’elles ne peuvent être satisfaites, selon les armées, qu’à concurrence de 35 % (armée de Terre) voire de 22 % (Marine).

    ATTRIBUTION DES PÉCULES EN 1998 et 1999

       

      Demandeurs

      Bénéficiaires

      Taux de satisfaction

      Coût (1)

      Armée concernée

      1998

      1999

      1998

      1999

      1998

      1999

      1998

      1999

      — Armée de terre

      - officiers

      - sous-officiers

      251

      3071

      151

      2787

      115

      1366

      118

      981

      46 %

      44 %

      78 %

      35 %

      68,8

      339,5

      79,2

      233

      — Armée de l’air

      - officiers

      - sous-officiers

      79

      2771

      39

      2143

      39

      820

      26

      691

      49 %

      30 %

      67 %

      32 %

      15

      208,5

      16,7

      165,5

      — Marine

      - officiers mariniers

      1750

      1446

      403

      322

      23 %

      22 %

      111,3

      90,5

      — Gendarmerie

      - sous-officiers

      2071

      1659

      281

      555

      14 %

      33 %

      81

      153,4

      — Santé

      - MITHA(2) officiers

       

      42

       

      11

       

      26 %

      3,4

      3,5

(1) En millions de francs (2) militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées

        Le volume annuel des départs anticipés, comparé avec les déflations programmées par la loi de programmation, confirme que la politique d’incitation au départ est à la fois un succès et l’élément crucial pour la mise en œuvre des prévisions de la programmation.

        Comme les années précédentes, c’est l’armée de Terre qui bénéficie de la plus grosse part des fonds destinés aux pécules (58 %) devant l’armée de l’Air (25,5 %). En revanche, la Marine et surtout la Gendarmerie reçoivent des dotations en pécules inférieures à leurs poids relatifs dans les armées, car elles doivent perdre moins d’effectifs que les autres. La Gendarmerie, en particulier, loin de perdre des officiers, doit en gagner. Dans ces conditions, n’ayant pas de vocation structurante, le pécule apparaît plutôt lié à la disparition progressive de la fonction d’encadrement des appelés.

            2. Les pécules dits « articles 5 et 6 »

        L’association d’un cinquième de pécule aux dispositions des articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 (retraite anticipée au taux du grade supérieur) continue à obtenir de bons résultats. Dans les trois armées, le nombre de pécules attribués satisfait chaque année la quasi-totalité de la demande. Le taux de satisfaction est en revanche moins élevé dans la Gendarmerie, l’armée de l’Air et les autres services communs (66 % à 76 %). L’armée de Terre reçoit 58 % des pécules attribués dans le cadre de cet article.

ATTRIBUTION DES PÉCULES « ARTICLE 5 »

      (En nombre de pécules)

       

      1993

      1994

      1995

      1996

      1997

      1998

      1999 (1)

      Terre

      381

      363

      354

      375

      408

      449

      390

      Marine

      77

      58

      77

      82

      88

      115

      99

      Air

      54

      54

      83

      76

      68

      76

      70

      Gendarmerie

      26

      34

      26

      23

      40

      42

      43

      Armement

      32

      40

      36

      41

      34

      34

      33

      Santé

      36

      37

      44

      40

      36

      34

      35

      Essences

      7

      8

      5

      6

      6

      5

      4

      Total

      613

      594

      625

      643

      680

      755

      674

      (1) Estimations (Source : ministère de la Défense)

        Le pécule dit « article 6 », attribué sur leur demande aux officiers « hors créneau d’avancement » ne concerne qu’une cinquantaine d’officiers par an, la plupart appartenant à l’armée de Terre.

        Enfin, le congé spécial (article 7) reste marginal avec 36 départs en 1998 contre 28 en 1997, 42 en 1996, 43 en 1995 et 37 en 1994.

        Outre les résultats obtenus sur le plan de la réduction du format des armées, la politique de déflation, et notamment la politique des pécules, semble atteindre réellement un résultat structurant. En particulier, les pécules attribués en vertu de l’article 6 ont eu pour effet de faire notablement chuter la proportion d’officiers « hors créneau d’avancement » de l’armée de Terre.

            C. LES TRANSFERTS VERS D’AUTRES EMPLOIS PUBLICS

            1. Les transferts vers la Gendarmerie

        La faiblesse du taux d’encadrement de la Gendarmerie en personnel officier et le décalage entre les fonctions exercées et le grade détenu par leur titulaire a conduit la loi de programmation militaire à prévoir une augmentation sensible du corps des officiers de Gendarmerie. De 2 666 en 1996, les officiers de Gendarmerie doivent passer à 3 921 en 2002 (non compris les 134 officiers du corps militaire de soutien), soit une hausse de près de 50 %.

        Si les trois-quarts des 1 255 postes ouverts doivent être pourvus par une requalification d’emplois de sous-officiers, une part résultera de l’augmentation des postes offerts par recrutement sur concours à des officiers d’active des armées. Soixante postes sont ainsi ouverts chaque année pendant la durée de la loi de programmation militaire, soit un recrutement total de 360 officiers. La Gendarmerie contribuera ainsi à la déflation des effectifs des autres armées dans le cadre de la professionnalisation.

RECRUTEMENT D’OFFICIERS DE GENDARMERIE

      Année

      Nombre de candidats

      Nombre d’admis

      Taux de réussite

      1997

      103

      56

      54 %

      1998

      89

      56

      62 %

      1999

      125

      22

      17,6 %

        (Source : ministère de la Défense)

        Par ailleurs, la Gendarmerie a identifié des emplois ne réclamant pas forcément la maîtrise des techniques spécifiques à cette arme, notamment la procédure judiciaire. Une deuxième réorganisation a donc été entamée, remplaçant sur la durée de la programmation 4 522 postes de sous-officiers de Gendarmerie par 134 postes d’officiers et 3 386 postes de sous-officiers non gendarmes ainsi que par 1 002 postes de personnels civils. Les 3 520 officiers et sous-officiers relèveront de deux nouveaux « corps techniques et administratifs de la Gendarmerie » en cours de définition, qui doivent être créés à partir d’une spécialité déjà existante, celle des « emplois administratifs et de soutien de la Gendarmerie » (EASG), qui assure des fonctions de soutien administratif et technique et dont l’effectif sera progressivement porté à 134 officiers et 4 035 sous-officiers.

        Le transfert des officiers et sous-officiers des armées vers la spécialité EASG s’effectue par voie de changement d’armée, d’arme ou de spécialité.

RECRUTEMENT D’OFFICIERS DE GENDARMERIE
DE LA SPÉCIALITÉ EASG

      Année

      Dossiers déposés

      Dossiers retenus

      Taux de sélection

      1997

      52

      21

      42 %

      1998

      57

      20

      35 %

      1999

      81

      40

      50 %

        (Source : ministère de la Défense)

        Pour les sous-officiers, comme les années précédentes, le nombre de dossiers retenu (307) s’est avéré largement inférieur au nombre de postes à pourvoir (495) : des souhaits géographiques trop restrictifs, l’inadéquation entre les compétences des intéressés et les besoins de l’institution ont constitué les principales causes de rejet. Les 188 postes vacants ont été pourvus par des engagements initiaux souscrits par des gendarmes auxiliaires.

RECRUTEMENT DE SOUS-OFFICIERS DE GENDARMERIE
DE LA SPÉCIALITÉ EASG

      Année

      Dossiers déposés

      Dossiers retenus

      Taux de sélection

      1997

      707

      332

      47 %

      1998

      1 408

      461

      32 %

      1999

      1 652

      307

      18 %

        (Source : ministère de la Défense)

            2. Une « seconde carrière » dans la fonction publique

        Les dispositions de l’article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1979 permettent aux officiers et aux sous officiers de carrière des grades de major et d’adjudant-chef ayant au moins dix ans de service et étant à plus de cinq ans de la limite d’âge d’être recrutés directement dans la fonction publique. Après une période d’une année (deux, pour les enseignants) passée en détachement, ces militaires peuvent, sur leur demande, être intégrés dans le corps de fonctionnaire dont relève l’emploi considéré. Ils sont reclassés à un indice au moins égal à celui qu’ils détenaient dans leur corps d’origine et quittent alors l’état de militaire de carrière. Les contingents de postes offerts sont fixés par arrêté pour chaque administration.

        Dans le cadre de la professionnalisation, un effort considérable a été enregistré ces dernières années avec une augmentation significative des postes offerts. De 140 en 1995, ce nombre était passé à 319 en 1996, puis à 478 en 1997. 1998, dernière année pour laquelle nous disposons de statistiques, a vu un léger tassement de l’offre qui reste néanmoins à un niveau élevé : 418 postes proposés. On peut noter que seulement 60 % à 80 % des postes proposés annuellement sont pourvus.

       

      Postes

      Officiers

      Sous-officiers

      Total

         

      Hauts
      niveaux

      Fonctionnaires
      de Cat. A

      Fonctionnaires
      de Cat B

       

      1995

      Nombre de postes offerts

      19

      61

      60

      140

       

      Nombre de cadres orientés

      18

      12

      60

      90 (64 %)

      1996

      Nombre de postes offerts

      26

      94

      200

      319

       

      Nombre de cadres orientés

      26

      39

      155

      220 (68 %)

      1997

      Nombre de postes offerts

      52

      112

      314

      478

       

      Nombre de candidats

      127

      61

      706

      894

       

      Nombre de cadres orientés

      32

      28

      224

      284 (59 %)

      1998

      Nombre de postes offerts

      37

      84

      297

      418

       

      Nombre de candidats

      93

      76

      830

      999

       

      Nombre de cadres orientés

      28

      35

      257

      320 (77 %)

(Source : ministère de la Défense)

        Par ailleurs, la législation et la réglementation sur les emplois réservés (articles L. 397 et suivants du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) permettent l’accès aux corps de la fonction publique par voie d’examens avec la réservation d’un certain nombre de places. Ces emplois sont accessibles aux militaires engagés, aux sous-officiers de carrière et aux officiers de réserve servant en situation d’activité (ORSA) ayant accompli au moins quatre années de service.

        Là aussi, l’effort fourni apparaît réel puisqu’en deux ans, de 1995 à 1997, le nombre d’emplois fournis a été accru de 47 %. Toutefois, 1998 est marquée par une diminution sensible du recrutement par ce biais : 643 postes seulement.

        Recrutement dans la fonction publique par la voie des emplois réservés

            années

            recrutements

            1995

            683

            1996

            853

            1997

            1004

            1998

            643

        (Source : ministère de la Défense)

        Le tableau suivant résume les possibilités de seconde carrière offertes aux militaires dans le cadre de l’intégration directe dans la fonction publique aux terme de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970.

        Les possibilités de « seconde carrière » dans la fonction publique

      LES OFFICIERS

      LES SOUS-OFFICIERS

      Conditions générales

      · Etre officier supérieur ou capitaine ancien,

      · être à plus de 5 ans de la limite d’âge de son grade,

      · totaliser 10 ans en qualité d’officier ou 15 ans de service militaire dont au moins 5 ans en qualité d’officier.

      Emplois offerts

      Emplois de haut niveau

      · sous-préfet

      · administrateur civil

      · conseiller ou secrétaire des Affaires étrangères

      · professeur agrégé

      Conditions générales

      · Etre adjudant-chef ou major,

      · être en position d’activité à la date de sa mise en service détaché et se trouver à plus de 5 ans de la limite d’âge de son grade,

      · pouvoir justifier à la même date de 10 ans de service militaire en qualité de sous-officiers.

      Remarque : les candidats ne peuvent postuler qu’à des emplois dont l’indice terminal de rémunération est égal ou supérieur à l’indice de solde qu’ils détiendront le jour de leur incorporation.

      Emplois offerts

      Emplois de catégorie B

      · dans le corps des fonctionnaires de l’Etat et de ses établissements publics,

      · dans les collectivités locales et leurs établissements publics.

      Exemples :
      lieutenant de police, contrôleur des impôts, du trésor des douanes, secrétaire administratif
      ...

      · Etre officier subalterne ou jeune commandant,

      · être à plus de 5 ans de la limite d’âge de son grade,

      · totaliser 10 ans en qualité d’officier ou 15 ans de service militaire dont au moins 5 ans en qualité d’officier.

      Emplois de catégorie A

      · attaché

      · inspecteur du trésor

      · ingénieur des travaux publics

      · conseiller d’éducation

         

      Rémunération

      Reclassement à un grade et à un échelon correspondant à l’indice égal ou immédiatement supérieur à celui détenu dans le corps d’origine. Cumul pension retraite et nouveau traitement lorsque l’intéressé atteint la limite d’âge du grade détenu au moment de sa radiation des cadres (52 ans pour un capitaine du COA, par exemple)

      Rémunération

      (même règle de reclassement)

      Cumul :

      1/ les sous-officiers ayant accompli, à la date de leur intégration, au moins 15 ans de service effectif et moins de 25 ans de service peuvent cumuler leur pension militaire de retraite avec leur nouveau traitement. Ils peuvent aussi opter pur une pension unique rémunérant la totalité de la carrière civile et militaire (perceptible le jour où ils atteignent l’âge limite du grade qu’ils détenaient dans l’armée).

      2/ les sous-officiers ayant accompli à la date de leur intégration plus de 25 ans de service n’ont la possibilité de cumuler leur pension militaire de retraite avec leur nouveau traitement que lorsqu’ils atteignent la limite d’âge du rade détenu au moment de leur radiation des cadres.

        III. — LE REMPLACEMENT DES APPELÉS

            A. LE RECRUTEMENT SATISFAISANT DES ENGAGÉS ET VOLONTAIRES

        La disparition du service national conduit les armées à accroître de façon considérable le nombre de militaires du rang engagés ou volontaires. L’une des principales questions que suscitait la mise en œuvre de la professionnalisation était la question du volontariat : l’armée attirerait-elle suffisamment d’engagés volontaires ? Cette question a trouvé une réponse satisfaisante : la ressource en engagés et en volontaires est bonne, quantitativement et qualitativement.

            1. Une ressource en engagés nombreuse et de qualité

        Sur la durée de la loi de programmation, le nombre d’engagés doit plus que doubler, passant de 44 552 à 92 527. Ainsi, la proportion d’engagés au sein des armées croîtra fortement, passant de 7,77 % des effectifs totaux, civils et appelés inclus, à 21 % en 2002. Dans l’armée de Terre, les militaires du rang engagés représenteront près de 40 % des effectifs.

LES MILITAIRES DU RANG ENGAGÉS
DANS LES EFFECTIFS GLOBAUX

       

      Proportion au sein

      de chaque armée

      Evolution quantitative sur la période

       

      1996

      2002

       

      Armée de terre

      11,25 %

      38,63 %

      + 243 %

      Marine

      11,6 %

      14,14 %

      + 22 %

      Armée de l’air

      6,29 %

      23,57 %

      + 274 %

      Moyenne

      7,77 %

      21,02 %

      + 171 %

      (Source : loi de programmation militaire)

        Pour le recrutement de ces nouveaux militaires, un cadre a été fixé par la direction de la fonction militaire et des personnels civils, ce qui n’exclut pas certaines variantes établies par les différentes armées en fonction de leurs spécificités et des tâches assignées aux nouvelles recrues. Les contrats doivent être d’au moins quatre ans renouvelables une fois et la carrière des engagés ne peut se prolonger au delà de onze ans. Par ailleurs, sauf réussite aux concours, les engagés n’ont pas vocation à accéder au corps des sous-officiers.

        La rémunération des engagés paraît assez attractive : après que la solde d’un engagé soldat de deuxième classe eut été portée de 4 100 à 5 600 francs à compter du 1er juin 1997, ce qui correspondait à une augmentation de 1500 francs, soit 37 %, l’accord dit « Zuccarelli » conclu le 19 février 1998 pour la fonction publique a permis au militaires du rang de bénéficier, non seulement de la revalorisation générale des soldes mais aussi des mesures spécifiques concernant les bas salaires. Hors primes spécifiques liées à l’activité, la rémunération nette de base des militaires du rang professionnels se situe donc désormais à 6 250 francs par mois, soit 20 % au-dessus du SMIC et plus encore si on tient compte des avantages en nature qui leur sont alloués en matière d’hébergement, d’alimentation et de réduction sur les transports ferroviaires. Par ailleurs, les primes liées aux opérations extérieures qui se succèdent à un grand rythme depuis quelques années contribuent également à l’amélioration des soldes.

        Actuellement, malgré la concurrence du secteur privé et l’embellie de la situation de l’emploi en France, la situation peut être considérée comme tout à fait satisfaisante : l’objectif de l’année 1999 (68 023 engagés au total) a été atteint dès le 1er octobre. En outre, avec une moyenne de deux à trois candidats sérieux pour un poste d’engagé, l’armée peut se permettre une sélection certaine.

        L’armée de Terre est celle qui recrute le plus d’engagés : 5 872 postes supplémentaires y sont créés chaque année, ce qui, avec le remplacement des engagés dont le contrat arrive à échéance, conduit à près de 10 000 embauches par an depuis 1997 et jusqu’en 2002. Cette armée a désormais tendance à privilégier les personnes qui n’ont pas effectué leur service militaire de manière à éviter une trop forte endogamie et pour ouvrir davantage l’armée vers l’extérieur. En effet, les autorités militaires se sont aperçu qu’environ 50 % des engagés étaient d’anciens appelés. Or, comme cette population est destinée à s’éteindre progressivement, un effort de recrutement est donc entrepris vis-à-vis de la population qui n’a pas effectué de service militaire et qui n’a donc pas, a priori, de lien particulier avec l’institution militaire. De leur côté, la Marine et l’armée de l’Air recrutent respectivement environ 2 700 et 2 800 engagés par an jusqu’en 2002.

        L’augmentation du taux de sélection se traduit par une élévation sensible du niveau scolaire : en 1998, près du tiers des engagés embauchés par l’armée de Terre (31,1 %) avaient un niveau de fin d’études secondaires ou le Bac. La crainte de rencontrer des difficultés quantitatives, légitime au regard de la situation d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, ne s’est pas concrétisée, probablement grâce à la mise en place de moyens conséquents dans les chaînes de recrutement des armées.

        Par ailleurs, les chefs d’état-major des différentes armées que votre rapporteur a rencontrés ont confirmé que la motivation et les qualités des engagés donnaient entièrement satisfaction.

            2. Le volontariat : un premier pas vers l’engagement ?

        Créé par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997, « le volontariat vise à apporter un concours personnel et temporaire à la communauté nationale dans le cadre d’une mission d’intérêt général et à développer la solidarité et le sentiment d’appartenance à la Nation ». Le volontariat dans les armées a été institué pour permettre à des jeunes de servir dans les armées sans pour autant en faire leur métier. Il peut être regardé comme le pendant de la suspension de la conscription mais aussi comme l’application au milieu militaire des emplois-jeunes.

        C’est ainsi que la durée de l’engagement est limitée à un an renouvelable, sans que la durée totale puisse dépasser cinq ans. La motivation des intéressés peut être constituée par la recherche d’une première expérience professionnelle, voire d’une situation d’observation avant de choisir le métier des armes. En ce sens, le volontariat peut constituer une première étape vers un engagement ultérieur.

        Avec l’ouverture de 4 751 postes de volontaires, 1999 est la première année pour laquelle le recrutement des volontaires peut être examiné. Même si le recul nous manque pour tirer des conclusions définitives, il semble clair que les armées n’éprouveront aucune difficulté à pourvoir les 27 171 postes prévus à l’horizon 2002. En effet, les 4 751 emplois proposés pour 1999 auront vraisemblablement tous été pourvus courant novembre malgré le caractère récent de ce type de contrat.

        Sur le plan qualitatif toutefois, il semble que la population de volontaires ne soit pas la même que celle des engagés. Moins motivés, ils semblent dénoncer plus facilement leur contrat notamment si une meilleure opportunité professionnelle se présente. La modicité de leur rémunération explique peut-être en partie ce relatif manque d’enthousiasme : à titre d’exemple, en début d’année 1999 et hors primes liées à l’activité, un caporal-chef volontaire (célibataire logé) percevait 4 502 francs nets par mois contre 6 454 francs nets pour un caporal-chef engagé. Les volontaires sont toutefois formés, encadrés et employés de la même manière que les engagés. En tout état de cause, les volontaires sont appelés à tenir une place limitée dans l’armée : 5 % des effectifs environ.

            B. LES DIFFICULTÉS RELATIVES AUX CIVILS

        Le rôle des civils dans la nouvelle armée professionnelle a été clairement défini par le rapport annexé à la loi de programmation militaire qui les considère, exactement comme les militaires de carrière ou sous contrat, comme des éléments du « noyau dur » de l’armée. Le terme de « socle », parfois utilisé pour les désigner, confirme bien l’importance de leur fonction. La diminution du format des forces conduit à affecter prioritairement les personnels militaires dans les emplois opérationnels tandis que des emplois à vocation générale, jusqu’alors occupés par des militaires le seront par des civils.

        A la veille de la professionnalisation, le ministère de la Défense comptait, en dehors de la direction des constructions navales, environ 73 700 agents civils. Au terme de la professionnalisation, il devrait en compter 83 000, soit 9 300 de plus (+ 12 %). En proportion des effectifs globaux de la défense (hors comptes de commerce), les civils devraient passer de 13 % à 19 %, ce qui reste néanmoins inférieur aux taux observés dans les armées étrangères.

            1. Le déficit préoccupant des agents civils

        Toutes les lois de finances successives ont respecté la mise en place des emplois programmés : 1 340 en 1997, 1 466 en 1998 et 1 816 en 1999. Le projet de budget pour 2000 prévoit pour sa part l’ouverture brute de 3 487 postes supplémentaires associés à une mesure nouvelle en faveur de la sous-traitance gagée par des postes non-pourvus. Par ailleurs, ces créations ont été hiérarchisées, ce qui signifie qu’elles concernent tous les grades d’un même corps et pas seulement le premier d’entre eux. Cela n’allait pas de soi, vu le surcoût entraîné par ce que les militaires appellent le « pyramidage ».

        A la date du 1er septembre 1999, 9 925 emplois étaient vacants (6 500 de fonctionnaires et de contractuels et 3 500 d’ouvriers). Grâce au recrutement en cours de 4 500 fonctionnaires, le gouvernement espère ramener ce déficit à 5 900 au 31 décembre de cette année. Mais ces données recouvrent des situations très variables d’un service ou d’une armée à une autre. Avec un déficit d’environ 3 700 équivalents temps plein, soit 11 % de ses effectifs, l’armée de Terre est certainement la plus pénalisée, d’autant plus que certains de ses régiments, notamment ceux stationnés dans des régions réputées peu attrayantes du Nord ou de l’Est connaissent des déficits de personnels civils de grande ampleur.

            2. L’amélioration de la ressource en fonctionnaires et contractuels

        Budgétairement, la défense compte, en 1999, environ 37 000 fonctionnaires et 7 000 civils. Le déficit prévisionnel à la fin de l’année a été chiffré à 1 964 emplois soit 4,3 % de l’effectif total. Comme l’ensemble des ministères, le ministère de la Défense est soumis à la « mise en réserve », qui correspond à un « gel », d’une partie de ses emplois. Depuis deux ans, cette mise en réserve porte forfaitairement sur 1 100 postes, soit 798 fonctionnaires et 302 contractuels. Comme, par ailleurs, on peut considérer que les 864 autres emplois vacants correspondent au volume des postes qui ne peuvent tous être pourvus en même temps en un instant donné, un « volant naturel de gestion », on peut estimer que le ministère de la Défense a atteint un plancher en deçà duquel il sera très difficile de descendre.

        Il faut se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, les forces armées supprimaient chaque année des centaines de postes. Ce n’est que depuis 1997 que le ministère de la Défense figure parmi les rares administrations publiques qui bénéficient de créations nettes. Cette inversion de tendance qui n’a naturellement pas pu s’opérer immédiatement explique qu’au 31 décembre 1997, le déficit ait concerné 3 025 emplois. Un an plus tard, 3 627 vacances étaient constatées. Si le chiffre prévu par le ministère de 1 964 vacances de fonctionnaires et de contractuels au 31 décembre 1999 est confirmé, on pourra alors considérer que la situation a bien été redressée. Il restera à vérifier que le redéploiement de cette ressource humaine sera équitablement réparti et que, par exemple, les régiments de l’armée de Terre les plus déficitaires se verront affecter, en priorité, les personnels qui leur sont dus.

        Dans l’immédiat, le secrétariat général de l’administration du ministère de la Défense travaille à raccourcir les délais d’ouverture des différents concours ainsi que les délais de prise de fonction des lauréats. Ainsi, pour les 2 857 postes ouverts au titre de l’année 2000, les épreuves des premiers concours devraient débuter dès décembre 1999.

        Au total, au cours des quatre premières années de la programmation (1997-2000), 7 800 emplois de fonctionnaires auront été créés : 2 700 dans des corps administratifs, 2 078 dans des corps d’ouvriers fonctionnaires, 1 713 dans des corps techniques, 972 dans des corps de personnels paramédicaux et 317 dans des corps de personnels enseignants et de bibliothèque.

            3. Le difficile redéploiement des personnels ouvriers

        Budgétairement, le ministère de la Défense compte 54 506 emplois d’ouvriers d’Etat, dont 32 000 dans les forces armées, 9 000 à la Délégation générale pour l’armement (hors DCN) et 12 000 à la direction des constructions navales. Le déficit estimé pour le 31 décembre 1999 pourrait s’élever aux alentours de 3 900, ce qui est légèrement plus faible qu’un an auparavant (- 4 026) mais reste important.

        Les vacances ne proviennent pas de la désaffection de civils pour ces postes et les candidatures spontanées ne manquent pas. Mais le ministère de l’E conomie et des Finances interdit depuis plusieurs années toute embauche en raison d’importants sureffectifs d’ouvriers d’Etat constatés à la DGA et en particulier au sein de la DCN. Il a donc été considéré qu’il appartenait au ministère de la Défense, en organisant la mobilité nécessaire, de pourvoir les postes ouverts dans les armées en y affectant des agents provenant de secteurs excédentaires.

        Les mesures mises en place pour accompagner cette politique ont donné quelques résultats les premières années : 1 600 personnes en 1997, 750 autres en 1998 et environ 500 en 1999 ont quitté la DCN pour rejoindre les armées. Mais, d’évidence, le mouvement tend à s’essouffler et les agents publics n’étant pas soumis à mobilité, il est très difficile de redéployer géographiquement ces personnels.

        Une relance de la mobilité est à présent indispensable si l’on veut atteindre les objectifs du plan qui fixe, pour 2002, à 12 500 (hors effet de l’aménagement et réduction du temps de travail) les effectifs de la DCN qui atteignent aujourd’hui 16 000 personnes. Un autre moyen de réduire les déficits consiste à obtenir de la Direction du Budget des autorisations exceptionnelles d’embauche. 150 emplois ont ainsi été ouverts en 1997 et 500 en 1998. D’autres ont été demandés pour 1999. Par ailleurs, la décision de limiter désormais le dégagement des cadres à 55 ans aux ouvriers dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration devrait se traduire par une réduction du nombre des départs intervenant en cours d’année.

        Considérant que certains postes ne requièrent pas les qualifications qui sont celles des ouvriers d’Etat, le ministère de la Défense développe également le recours aux ouvriers fonctionnaires et prévoit dans le cadre du budget 2000 de créer 1 100 emplois dans cette catégorie. Cette mesure suppose cependant un travail de différenciation entre les fonctions occupées par les uns et par les autres.

        Enfin, en accord avec le ministère des Finances et en contrepartie du gage de 1 100 emplois non pourvus, 216 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires seront consacrés à la sous-traitance. Ces ressources devraient permettre de recourir à des entreprises extérieures pour accomplir des tâches que ni les militaires, parce que ce n’est pas leur vocation, ni les fonnctionnaires, parce que ce n’est pas de leur niveau, ne souhaitent accomplir. Cette mesure, bien que modeste, est entourée de garanties : elle est réversible, suivie en gestion sur des lignes particulières et fait l’objet d’une délimitation précise de son champ d’application. Elle doit être replacée dans un contexte où, déjà aujourd’hui, la Défense consacre 2,8 milliards de francs à la sous-traitance.

        Compte tenu des différentes mesures prévues dans le projet de budget (sous-traitance, transformations et suppressions d’emplois), l’année 2000 devrait commencer non pas avec un sous-effectif d’ouvriers d’Etat, comme c’était le cas en 1999 (- 1 733) mais avec un léger sureffectif global (+ 325).

            C. LA POURSUITE DE LA FÉMINISATION

        La prochaine suspension du service national contraint les armées à recruter un nombre considérable d’engagés (environ 20 000 militaires du rang par an en moyenne) dans une population dont la ressource n’est pas illimitée. La féminisation accrue apparaît comme une façon logique d’accroître leur champ de recrutement. Outre les qualités reconnues que le personnel féminin peut apporter à l’armée, l’augmentation de la féminisation permet de rapprocher la structure des effectifs militaires de celle de la population civile et, par là, de resserrer le lien entre la Nation et son armée.

        Le décret n° 98-16 du 18 février 1998 a supprimé les quotas de recrutement. Un arrêté particulier fixe les emplois qui ne peuvent être tenus que par des hommes. Alors que l’on compte en moyenne 2 à 3 candidats pour un engagé masculin, ce chiffre passe à 5 ou 6 candidatures pour une jeune femme recrutée. Depuis longtemps déjà, les personnels féminins ont démontré leur parfaite aptitude au service.

            1. La féminisation avancée mais inégale de l’armée de l’Air

        L’armée de l’Air, qui a ouvert toutes ses spécialités aux femmes depuis plusieurs années, enregistre un taux de féminisation de 12 %. La tradition de féminisation de l’aviation est relativement ancienne puisque le concours d’entrée à l’école de l’air a été rendu accessible aux femmes en 1977. Le taux de 10 % de féminisation a été franchi au début des années 90 et l’objectif pour la fin de la loi de programmation militaire est de 15 %.

        Il convient toutefois de remarquer que la féminisation de l’armée de l’Air est loin d’être homogène  : si les femmes occupent 28 % des emplois de militaires du rang (hors contingent), elle ne sont plus que 10,7 % parmi les sous-officiers et 4,6 % parmi les officiers. Un effort dans le recrutement de cadres féminins ainsi que dans la promotion interne ne peut donc qu’être encouragé.

            2. Les contraintes de l’armée de Terre et de la Marine

        Au 1er juillet 1999, 9 549 femmes servaient dans l’armée de Terre : 477 officiers, 5 555 sous-officiers, 2 661 engagées et 856 volontaires. Le taux de féminisation, qui était de 5 % il y a quelques années, représente aujourd’hui environ 7 % des effectifs militaires d’active (ou 5,3 % des effectifs militaires totaux, appelés inclus) et devrait atteindre 10 % des effectifs en 2002, selon le souhait de l’état-major de l’armée de Terre qui souhaite se rapprocher des résultats obtenus par les autres armées.

        Mais en matière de comparaisons interarmées, l’armée de Terre est défavorisée. En effet, c’est au sein de ces forces que l’on trouve le plus d’emplois impliquant la possibilité d’un « contact direct et prolongé avec des forces hostiles » qui leur sont expressément interdits par l’arrêté du 29 avril 1998. Par conséquent, seuls 82 % des métiers offerts par les forces terrestres peuvent être tenus sans restriction par des personnels féminins. Les 18 % restants concernent notamment les métiers du combat de l’infanterie, des blindés, du génie et de l’artillerie sol-sol.

        D’après une étude menée par l’armée de Terre, il apparaît qu’en matière d’emploi, de carrière et de responsabilités exercées, plus de 80 % des personnels féminins sont soit assez soit très satisfaits. Ce taux de satisfaction, proche de celui des hommes, doit toutefois être nuancé selon les catégories : la satisfaction augmente en fonction du niveau hiérarchique. En outre, 80 % des femmes estiment que les relations de travail avec les hommes sont bonnes.

        La féminisation de la Marine se poursuit progressivement, même si on constate, comme pour les autres armées, un meilleur taux chez les militaires du rang et officiers mariniers (9,6 %) que chez les officiers (4 %). Il faut noter que la Marine est soumise à des contraintes particulières liées à la promiscuité à bord des navires ainsi qu’à la durée de certaines missions. Ainsi, il a été décidé que la féminisation se ferait bâtiment par bâtiment, par contingents de trente à quarante femmes par unité. Ce système permet de regrouper les personnels féminins, après quelques aménagements, par postes d’équipage et permet d’éviter soit un « saupoudrage » de quelques femmes par navire, soit au contraire une arrivée trop massive sur un seul bâtiment. La Marine a donc choisi, avec sagesse, de procéder progressivement.

        A l’automne 1998, un sixième bâtiment de combat, la frégate Primauguet, a embarqué un équipage mixte. Le développement de ces équipages mixtes est toutefois toujours limité par le manque de ressources en officiers mariniers supérieurs féminins susceptibles d’embarquer. Pour des raisons de pyramide hiérarchique, cette situation devrait persister jusqu’en 2003, date à laquelle un certain nombre d’engagées devraient accéder à ce grade.

        Régulièrement, la Marine supprime de nouvelles restrictions à l’emploi de personnels féminins : c’est ainsi que la possibilité d’être pilote ou membre d’un équipage d’avion embarqué sur porte-avions, qui était jusqu’à présent réservée aux seuls hommes, sera bientôt accessible aux femmes, le chef d’état-major de la Marine en ayant fait la proposition au Ministre.

        Les sous-marins restent pour l’instant fermés à toute présence féminine. Dans les petites unités, c’est en raison de la promiscuité et de la difficulté à aménager, dans un espace restreint, des postes d’équipages séparés. Pour les sous-marins nucléaires lance-engins de la force océanique stratégique, l’impossibilité d’interrompre des missions longues de deux mois reste un obstacle.

            3. La Gendarmerie nationale en retrait

        Les corps d’officiers et de sous-officiers de la Gendarmerie nationale sont certainement parmi les moins féminisés de l’armée française. Malgré la suppression des quotas de recrutement annuel, de l’aveu même du ministère de la Défense, il est peu probable que cette situation se modifie sensiblement au cours des prochaines années, sauf à travers l’instauration d’une filière de recrutement direct à l’université dont le projet est formé.

        L’accès des femmes dans le corps des officiers de Gendarmerie est autorisé depuis 1983, par article 3 du décret portant statut particulier du corps des officiers de Gendarmerie. Au 1er août 1999, la Gendarmerie comptait seulement 23 officiers féminins, soit 0,7 % de l’effectif des officiers de Gendarmerie. L’armée explique la faiblesse de ce chiffre par le manque de candidates : depuis 1983, seules 66 postulantes se sont présentées aux concours d’admission à l’école des officiers de la Gendarmerie nationale. Il est à noter que les emplois d’officiers du groupement de sécurité et d’intervention de la Gendarmerie nationale (GSIGN) sont fermés à ces rares femmes.

        Au 1er juin 1999, 2 667 sous-officiers féminin servent dans des fonctions de Gendarmerie, et représentent 3,5 % des personnels d’active de cette catégorie. Les femmes sous-officiers de Gendarmerie occupent les mêmes emplois que les hommes, exception faite de la Gendarmerie mobile et dans les unités navigantes de la Gendarmerie maritime. Le pourcentage du recrutement féminin au sein du recrutement global annuel tend à augmenter, compensant ainsi un taux de départ avant limite d’âge nettement plus élevé que chez les hommes.

        Créée en 1979, le corps des emplois administratifs et de soutien de la Gendarmerie (EASG) assure des fonctions de soutien administratif et technique. Son effectif de 649 sous-officiers en 1996 était composé presque en totalité (99,1 %) par des personnels féminins. Mais la loi de programmation militaire qui a prévu de porter cet effectif à 134 officiers et 4 035 sous-officiers à l’horizon 2002 ainsi que la nature des branches ouvertes (affaires immobilières, mécaniciens, armuriers) devrait engendrer un meilleur équilibre entre les effectifs masculins et féminins. Au 1er juin 1999, pratiquement au milieu de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, le taux de féminisation des sous-officiers EASG est d’environ 40 % (923 personnes) alors qu’il n’est que de 4,7 % (4 personnes) pour les officiers EASG.

        Conscientes du retard accumulé en matière de féminisation, les autorités de la Gendarmerie nationale ont clairement affiché leur volonté de recruter désormais annuellement trois fois plus de sous-officiers féminins qu’actuellement et de leur ouvrir un maximum de postes. Les besoins opérationnels ont déjà conduit à l’affectation de sous-officiers féminins au groupe de sécurité de la présidence de la république. L’escadron parachutiste d’intervention de la Gendarmerie nationale peut également recruter des gendarmes féminins pour servir dans le groupe d’observation et de recherches. Enfin, il est envisagé d’ouvrir aux femmes l’accès de formations de prestige telles que la garde républicaine.

            D. VERS LA FIN DE LA CONSCRIPTION

            1. Une diminution plus importante que prévue de la ressource en appelés

        Si la catégorie des appelés cause quelques tracas aux responsables militaires, ce n’est pas par l’attitude des intéressés dont le civisme et le sérieux sont généralement reconnus, mais plutôt à cause du nombre, plus faible et plus difficile à prévoir des incorporations, en raison notamment des dispositions légales permettant aux jeunes gens qui disposent d’un contrat de travail de bénéficier plus facilement de reports.

Incorporations pendant la période de la loi de programmation

      Classes d’âge
      (année naissance
      + 20 ans)

      Ressource utile(1)
      Prévue par
      classes d’âge
      (pour mémoire)

      Ressource non
      encore incorporée
      au 01.07.1999

      Années d’incorporation – Estimation(2)

           

      2ème semestre
      1999

      2000

      2001

      2002

      1988

      290 000

               

      1989

      300 000

               

      1990

      310 000

               

      1991

      320 000

      11 500

      330

           

      1992

      320 000

      5 300

      990

      500

         

      1993

      314 000

      9 600

      1 980

      1 400

      400

       

      1994

      303 000

      40 400

      4 290

      2 700

      1 300

      400

      1995

      278 000

      80 500

      9 240

      6 200

      2 500

      1 200

      1996

      269 000

      125 700

      18 150

      12 100

      6 000

      2 400

      1997

      273 000

      183 600

      20 460

      28 900

      12 400

      6 200

      1998

      271 000

      214 600

      10 560

      32 500

      28 400

      12 100

      Total

      3 248 000

      671 200

      66 000

      84 300

      51 000

      22 300

      (1) Ressource utile : estimation calculée en 1994, sur une répartition théorique des incorporations d’une même classe d’âge sur 9 années

      (2) Estimation : établie en fonction de la répartition, par classe d’âge, observée lors des incorporations précédentes

      (Source : ministère de la Défense)

        Tableau des incorporations tardives

      Incorporation à

      22 ans

      23 ans

      24 ans

      25 ans

      26 ans

      27 ans

      28 ans

      % de la classe d’âge

      12 %

      10,5 %

      4,5 %

      2,25 %

      0,90 %

      0,45 %

      0,15 %

(Source : ministère de la Défense)

        Les dispenses, accordées dans le cadre de l’article L. 32 du code du service national, notamment aux jeunes gens dont l’incorporation « entraînerait une situation économique et sociale grave » connaissent une augmentation régulière qui devrait se poursuivre dans les années à venir. Ainsi que le montre le tableau suivant, le taux d’exemption, lié au vieillissement de la population sélectionnée tend lui aussi à augmenter, passant en cinq ans du cinquième au quart de la population concernée. Le taux d’objection de conscience reste remarquablement stable, aux alentours de 4 %, de même que le taux d’insoumission, à 2 %.

        Récapitulatif des dispenses, exemptions, objections

        de conscience et insoumissions

       

      1995

      1996

      1997

      1998

      1er semestre 1999

      Dispenses à caractère social accordées dans le cadre de l’article L. 32

      9 186

      10 648

      11 991

      15 435

      9 162

      Taux de satisfaction des demandes de dispense à caractère social (L. 32)

      73,64 %

      78,61 %

      81,15%

      82,94 %

      80,53 %

      Taux d’exemption pour raisons

      médicales

      19 %

      22,5 %

      22 %

      24,61 %

      24,57 %

      Taux d’objecteurs de conscience

      3,96 %

      3,86 %

      2,77 %

      4,07 %

      3,98 %

      Taux de jeunes déclarés insoumis

      2,4 %

      2,1 %

      1,9 %

      2 %

      ND (1)

        (1) Donnée non disponible (Source : ministère de la Défense)

        Ainsi, l’armée de Terre souffre actuellement d’un déficit de 12 % d’appelés, déficit qui continue à croître et pourrait atteindre 10 000 appelés en fin d’année, soit 16 % de la ressource. De même, la Gendarmerie estime à près de 2 000 le nombre d’appelés qui lui manquent en 1999 et, à ce rythme, ce sont plus de 2 500 appelés qui lui feront défaut l’année prochaine alors que les 16 200 volontaires prévus pour le nouveau format de corps ne sont évidemment pas encore tous recrutés.

        Cependant, si cette situation doit attirer toute notre attention, il n’y a pour autant aucune raison de la dramatiser. En effet, les effectifs en appelés et volontaires qui étaient fixés à plus de 100 000 pour l’année 1999 doivent être progressivement réduits à environ 70 000 en 2000, puis à 47 107 en 2001 avant d’atteindre 27 171 en 2002, la suspension du service national conduisant à l’extinction de la catégorie des appelés au delà de cette date.

        Les autorités militaires en sont bien conscientes, mais considérant que les derniers appelés demeurent quand même nécessaires pendant l’actuelle phase de transition, elles redoutent par dessus tout une suspension avant l’heure du service militaire qui induirait, comme l’a rappelé devant notre Commission le général Crène, chef d’état-major de l’armée de Terre, « des perturbations gravissimes ».

            2. Un premier bilan des journées d’appel et de préparation à la défense

        La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a instauré un « parcours de citoyenneté » se déroulant en trois étapes : l’enseignement de défense à l’école, le recensement universel et obligatoire à 16 ans et la journée d’appel et de préparation à la défense (JAPD). Ce cursus obligatoire pouvant être prolongé par la possibilité pour les jeunes de souscrire un volontariat ou un engagement dans les armées, il a semblé utile à votre rapporteur de s’intéresser aux premiers enseignements des journées d’appel et de préparation à la défense.

        Premier enseignement : cette journée semble être admise et suivie avec civisme puisque, depuis le 3 octobre 1998, date de la première session, et le 30 juin 1999, 89,7 % des personnes convoquées, soit 427 093 jeunes hommes, l’ont suivie. Le taux d’incidents (abandon, exclusion ou évacuation sanitaire) est particulièrement faible puis qu’il a concerné moins de 0,1 % des jeunes présents.

        80,4 % des participants se sont déclarés satisfaits, 68 % ont trouvé la journée intéressante et 69,3 % ont trouvé le rythme correct. Si seulement 39 % d’entre eux estiment qu’il s’agit d’un devoir important à accomplir dans leur vie de citoyen, 51 % ont changé d’opinion sur la défense à la fin de leur journée, 3 % exprimant toutefois une opinion moins bonne qu’avant.

        Sur le plan de l’évaluation des difficultés de lecture et de la maîtrise du français, ces journées ont permis de constater que 9,7 % des jeunes éprouvent certaines difficultés de lecture dont 5,2 % connaissent des difficultés partielles et dont 3,9 % sont des lecteurs en grave difficulté.

        Un sondage réalisé au début de 1999 a montré que 32 % des jeunes sont intéressés par un deuxième contact avec les armées, 24 % envisageant même de participer à la défense de leur pays par le biais d’une préparation militaire, d’un volontariat ou d’un engagement.

        A partir du deuxième trimestre de l’année prochaine, les jeunes filles nées après 1983 participeront aux journées d’appel et de préparation à la défense. La direction du service national qui a la capacité de convoquer 600 000 à 700 000 personnes par an, pourra faire face sans difficulté à la gestion annuelle d’une classe d’âge complète.

        IV. — L’ÉVOLUTION DES AUTRES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

            Les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales diminuent de manière régulière. Il faut savoir que cette restriction, liée à la réduction du format des armées, a été librement décidée et inscrite dans la loi de programmation militaire pour 1997-2002, adoptée en 1996. Il n’en reste pas moins que le budget 2000 marque une rupture par rapport aux réductions drastiques de certaines années antérieures, même si plusieurs soucis demeurent.

            A. UNE CONTRAINTE INSCRITE DANS LA LOI DE PROGRAMMATION

            1. Le rappel du texte de la loi de programmation

            Contrairement à ce qui est parfois soutenu, il n’est pas possible d’affirmer que la diminution des crédits de fonctionnement courants soit le résultat de mauvaises prévisions et d’une augmentation des rémunérations plus forte que prévue par la loi qui aurait pour conséquence de rogner sur les autres dépenses de fonctionnement.

            A cet égard, il est utile de rappeler les orientations fixées par le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 :

            « 2.1.5. Les crédits de fonctionnement courant seront réduits.

            « La réduction du format des armées se traduira par une réduction importante de leurs crédits de fonctionnement (Titre III hors rémunérations et charges sociales). Évalués en francs constants, ces crédits seront en fin de programmation inférieurs de 20 % à leur niveau actuel.

            « Cette diminution imposera aux forces armées et à l’ensemble des services du ministère de la Défense d’accentuer les efforts d’économie et de rigueur de gestion engagés au cours des dernières années ».

            Ainsi, la réduction des crédits de fonctionnement résulte bien d’une décision mûrie et planifiée lors de la préparation de la loi, puis acceptée lors de sa discussion. Cette décision est d’ailleurs logique. On pourrait légitimement s’étonner que la diminution de près du quart de l’effectif des armées n’ait aucune conséquence mécanique en termes de coût de soutien. De plus, à défaut de payer réellement les appelés, les armées devaient les loger, les nourrir, les vêtir et payer leur frais de déplacement. Or, les personnels qui remplacent les appelés sont bien moins nombreux et, en outre, rémunérés.

            2. Une corrélation rarement automatique

            Il reste que si la diminution des crédits de fonctionnement est logique, celle des coûts de fonctionnement n’est pas automatique. Elle implique, en effet, des restructurations d’unités, des fermetures d’implantations, des regroupements de personnels… Ce ne sont pas là des tâches faciles qui peuvent être menées rapidement et il ne faut pas en sous-estimer le poids. C’est en ce sens qu’il faut comprendre les termes du rapport annexé à la loi de programmation militaire : il a bien été institué une contrainte qui « imposera aux forces armées et à l’ensemble des services du ministère de la Défense d’accentuer les efforts d’économie et de rigueur de gestion engagés au cours des dernières années ».

            Un effort de rationalisation a donc été demandé. Pour citer quelques exemples, l’armée de l’Air a réduit de 20 le nombre de ses bases depuis 1982. Elle est désormais toute proche de son format définitif et n’en dispose plus que de 36, les dernières devant fermer en 2000. L’armée de Terre et la Marine ont, bien sûr, connu des restrictions similaires. Ainsi, l’armée de Terre est en train de réunir l’ensemble des formations initiales de ses sous-officiers à Saint-Maixant. La formation des pilotes multimoteurs de l’armée de l’Air et de la Marine qui était autrefois assurée par chacune de ces armées a été regroupée sur la base aérienne d’Avord. Des formations linguistiques non spécifiques sont désormais sous-traitées au Centre national d’enseignement à distance.

            La loi de programmation a corrélé la réalisation progressive de cet effort avec la réduction des effectifs d’appelés. Toutefois, la corrélation ne comporte aucune traduction physique automatique. En effet, la réduction des effectifs dans un établissement n’entraîne pas forcément une réduction proportionnelle de tous les coûts. Si cela est vrai pour les frais alimentaires ou vestimentaires par exemple, certains coûts restent constants (entretien des bâtiments, chauffage…). Il n’y a que dans le cas de la dissolution d’un régiment que, par hypothèse, les coûts de fonctionnement disparaissent.

            B. UNE RUPTURE AVEC LES RESTRICTIONS ANTÉRIEURES

            1. Une amorce de redressement encourageante

        Les crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales représenteront en 2000 un petit peu moins de 20 % des crédits de fonctionnement des armées et leur part ne cesse de décroître au profit des rémunérations et charges sociales.

        Hors RCS, les crédits de fonctionnement diminuent globalement de 197 millions de francs, soit - 0,9 % entre 1999 et 2000 en francs courants ou -1,8 % en francs constants. De 21,1 milliards de francs en 1999 la dotation est ramenée à 20,9. Si la loi de programmation ne prévoit pas explicitement le montant des crédits de fonctionnement par année, elle fixe un objectif global de 20 % de réduction sur la période 1997-2002. Or, à structure budgétaire constante et en francs constants, le projet de loi de finances pour 2000 consacre une réduction de 16,3 % du titre III hors RCS depuis 1996, en pleine cohérence avec l’objectif final.

        Cette réduction n’est toutefois pas aussi forte qu’elle aurait pu l’être si elle était parfaitement corrélée avec les réductions d’effectifs. L’armée de Terre, par exemple, doit supporter une réduction de 71 milliards de francs de ses dépenses de fonctionnement courant. Mais comme l’effet programmé de la déflation des effectifs aurait dû conduire à une baisse beaucoup plus importante de 241 millions de francs, les crédits de fonctionnement inscrits au projet de budget correspondent à une amélioration réelle.

        Ainsi, les mesures d’accompagnement de la professionnalisation ont été augmentées de 75 millions de francs. Elles incluent les actions de recrutement ainsi que la promotion des forces terrestres. Le budget publicitaire avoisine les 50 millions de francs. De la même manière, les crédits consacrés à l’acquisition de produits pétroliers ont été actualisés
        (+ 17 millions de francs) compte tenu de la hausse du prix du baril intervenue ces derniers mois et de l’augmentation du cours du dollar. En ce qui concerne l’entraînement, les crédits accordés pour 2000 permettent d’amorcer un redressement des objectifs en matière de taux d’activité des forces. Selon un indicateur communément retenu en ce domaine, le nombre de jours de sorties sur le terrain qui se situait aux alentours de 100 par an au début des années 1990 était tombé à 70 en 1999. Les crédits alloués pour 2000 dans le projet de budget (+ 32,5 millions de francs) devraient permettre de remonter à 73 jours dont 37 avec moyens organiques, l’objectif étant à terme de revenir à 100. De plus, 20 millions de francs sont alloués à l’entraînement d’unités blindées à l’étranger et le nombre annuel d’heures de vol des pilotes d’hélicoptères de l’ALAT devrait atteindre 145 au lieu de 140 en 1999.

        D’autres domaines du fonctionnement connaissent certaines améliorations dans le projet de budget : l’entretien immobilier (+30 millions de francs), les locations immobilières (+ 17 millions de francs), les frais de déplacement du personnel civil (+ 25 millions de francs), bien utiles en cette période de mutations. Mais ces crédits ne font que combler une partie des insuffisances constatées en 1999.

        Pour la première fois depuis 1987, les crédits d’entretien programmés du matériel bénéficient d’une d’actualisation de 0,74 %. Les crédits de fonctionnement du Musée de l’armée, quant à eux, bénéficient d’une hausse importante (+ 94 %) sur un montant, il est vrai, modeste : 9,29 millions de francs contre 4,79 en 1999. Cette ressource supplémentaire est destinée à l’aménagement de nouveaux espaces consacrés aux Forces françaises libres qui doivent être ouverts le 18 juin 2000.

        Après une baisse sensible constatée lors de l’examen du budget pour 1999, les crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales de la Marine augmenteront de près de 3 %. Mais la hausse globale recouvre des évolutions différentes selon les chapitres. Le fonctionnement courant des unités connaît une évolution favorable puisque le montant des dotations (1,864 milliard de francs) est en augmentation de 265 millions de francs, soit 15,02 % de hausse. Mais le changement de structure budgétaire fausse l’appréciation de l’augmentation : à structure budgétaire constante, le fonctionnement courant des unités de la flotte ne progressera que de 5,52 %. Cette progression permettra de favoriser des postes budgétaires structurellement sous-dotés comme l’entretien des infrastructures communes, les locations immobilières ou les frais liés aux mouvements de personnels.

        Devant notre Commission, le général Jean Rannou, chef d’état-major de l’armée de l’Air s’est félicité de la hausse des moyens destinés au fonctionnement hors carburant opérationnels « alors que la logique de la loi de programmation aurait dû conduire à une baisse ». Leur montant s’élève, pour 2000, à 1,628 milliard de francs, en hausse de 138 millions, soit une augmentation de 12,7 % par rapport au budget voté de 1999. Cette majoration que l’armée de l’Air réclamait depuis longtemps représente un véritable rebasage des moyens de fonctionnement, faisant suite à une période très tendue qui s’est traduite notamment par une baisse sensible de la participation française aux exercices aériens interalliés.

        Concernant la Gendarmerie, 50 millions de francs supplémentaires ont été inscrits dans le projet de budget pour 2000 pour financer une partie des mesures prises par le conseil de sécurité intérieure le 19 avril 1999 : soit 25 millions de francs pour le fonctionnement des formations et 25 millions pour les locations immobilières. M. Bernard Prévost, directeur général de la Gendarmerie nationale a reconnu que cette dotation permettrait d’amorcer le financement de certaines de ces mesures dès le début de l’année. L’exercice 1999 se révèle délicat car la Gendarmerie a dû supporter le début de la mise en œuvre de ces mesures sans crédits supplémentaires.

            2. Des mesures d’économies

        Les mesures d’économie sont liées à la transformation du format inhérente à la professionnalisation des armées (915 millions de francs). A titre d’exemple, les crédits liés à l’alimentation baissent de 7 % (10 % dans l’armée de Terre) et les remboursements à la SNCF chutent de 12 %. Par ailleurs, 29 millions de francs d’économies sont dégagés grâce à des mesures de rationalisation des ressources allouées.

        L’analyse des crédits d’entretien programmés des matériels de la flotte est rendue plus difficile en raison de leur répartition entre les titres III et V et par les mesures de restructuration budgétaires. La réduction importante de ces crédits dans le cadre du budget pour 2000 s’explique principalement par le désarmement prévu du porte-avions Foch
        (- 7,3 millions de francs, par le transfert sur le fonctionnement courant des navires des dépenses d’électricité (67 millions de francs). Par ailleurs, l’entretien programmé du matériel aéronautique se réduit de 6,7 % en raison du retrait des Crusader à la fin de l’année 1999, des Etendard IV P et des Alizés en 2000.

        Incidence des mesures d’effectifs sur l’exercice 1999

       

      RCS

      Hors RCS

      Total
      Titre III

         

      Alim.

      F. courant

      SNCF

      Total hors RCS

       

      Air

      5,1

      - 66,83

      - 76,45

       

      - 143,3

      - 138,22

      Terre

      184,1

      - 132,73

      - 173,02

       

      - 305,7

      - 121,68

      Marine

      - 80,1

      - 32,11

      - 39,55

       

      - 71,7

      - 151,73

      Gendarmerie

      130,3

      12,48

      - 31,12

       

      - 18,6

      111,71

      DGA

      - 83,8

      - 3,81

      - 6,32

       

      - 10,1

      - 93,93

      SSA

      - 12,4

      - 13,14

      - 19,41

       

      - 32,5

      - 44,93

      SEA

      10,9

      0,08

      0,50

       

      0,6

      11,52

      Autres services
      et DC(1)

      330,8

       

      0,34

      - 167,9

      - 167,6

      163,28

      Total

      485,0

      - 236,05

      - 345,03

      - 167,9

      - 749,0

      - 263,99

      (1) Y compris les RCS des emplois de personnels civils des armées et services communs

      (en million de francs) (Source : ministère de la Défense)

        Certains crédits connaissent des baisses mécaniques directement liées à l’évolution du format, comme les dépenses d’alimentation des personnels (- 23 millions de francs). Mais les produits pétroliers, de leur côté, connaissent une baisse de 33 millions de francs
        (- 9,76 %), légèrement supérieure à ce qu’elle aurait dû être par le simple jeu de la réduction du format.

            C. DES PRÉOCCUPATIONS QUI DEMEURENT

            1. L’activité et l’entraînement des forces

        Malgré l’amorce d’une amélioration constatée dans les crédits de fonctionnement hors RCS, la situation n’est pas entièrement satisfaisante et certaines préoccupations demeurent, en particulier dans la mesure où les armées, très sollicitées en matière d’opérations extérieures, doivent maintenir leur entraînement et leurs capacités opérationnelles.

        Comme nous l’avons vu, les crédits de fonctionnement courant vont permettre, en 2000, aux forces terrestres d’augmenter leur entraînement qui va passer de 70 jours en 1999 à 73. Tout en se félicitant de cette évolution, votre rapporteur ne peut que constater que le niveau d’entraînement est bien loin de celui que connaissait l’armée de Terre au début des années 1990, soit 100 jours par an. Il considère que le retour, à brève échéance, vers ce chiffre de référence doit constituer un objectif qui doit être partagée par tous.

        Ce ratio d’activité, qui témoigne du degré d’entraînement de l’armée de Terre française, doit rester comparable à ceux de nos principaux partenaires, notamment européens, non seulement pour conserver des forces terrestres entièrement opérationnelles, mais aussi dans la mesure où il sert souvent de référence pour déterminer le caractère opérationnel des armées.

        Partageant l’opinion de ses collègues des autres armées, le chef d’état-major de l’armée de l’Air a fait remarquer à notre Commission que les évaluations sur la base desquelles la dotation en carburant avait été calculée, soit un baril à 14,61 dollars et un dollar à six francs étaient plutôt optimistes et, en tous cas, très inférieures aux cours moyens actuellement constatés, soit un baril à 23 dollars et un dollar à 6,30 francs. Si ces conditions devaient rester inchangées, l’armée de l’Air souhaite que les crédits de carburant opérationnel soient majorés en cours d’année afin de ne pas faire dépendre l’activité aérienne et l’entraînement des forces des aléas des marchés.

            2. L’entretien des unités navales et du patrimoine immobilier

        Si la Marine considère, elle aussi, que le coût du carburant a été calculé un peu juste, force est de constater que le désarmement du Foch, remplacé par un porte-avions nucléaire, le Charles de Gaulle, sera entièrement bénéfique sur le plan de la consommation en carburant. En outre, le retrait du Foch permettra de diminuer les stocks de mazout constitués par la Marine puisque seuls deux navires désormais utiliseront ce carburant : les frégates Suffren et Duquesne. Lorsqu’elles seront désarmées à leur tour, la Marine française n’utilisera plus (hors bâtiments à propulsion nucléaire) qu’un seul carburant, le diesel, ce qui simplifiera et rationalisera l’utilisation de la flotte.

        Bien que les crédits destinés à l’entretien programmé des matériels de la Marine soient en légère augmentation cette année, ce poste a connu de fortes réductions ces dernières années, du fait notamment de « l’encoche » de 1998 qui s’était traduite par une réduction de 13 % en francs courants, avec une incidence particulière de 23 % sur la partie de la flotte n’appartenant pas à la force océanique stratégique. L’entretien programmé des matériels reste donc un sujet qui mérite toutes les attentions, malgré le désarmement anticipé, prévu par la loi de programmation, de 18 bâtiments depuis 1997, dont le porte-avions Clémenceau, le SNLE Foudroyant, trois sous-marins classiques, deux frégates et six avisos.

        Par ailleurs, si l’utilisation intensive de nos grandes unités dans le cadre des opérations extérieures dans les Balkans ou au Timor oriental produit des effets bénéfiques sur l’augmentation du nombre de jours en mer de nos équipages et sur leur entraînement, il semblerait que la multiplication de ces opérations conduise à privilégier l’entretien des grosses unités souvent sollicitées, au détriment des plus petits bâtiments de notre flotte, sans doute moins nécessaires lors de crises internationales telles que celle du Kosovo, par exemple, mais tout aussi utiles à la cohérence d’ensemble de notre flotte.

        La Gendarmerie, de son côté, a des besoins importants en matière d’entretien de son patrimoine immobilier. Comme les autres armées, elle doit proposer, si elle veut recruter de nombreux volontaires, des chambres ou des appartements plus confortables et spacieux que ceux qui hébergeaient les appelés. En effet, la population n’est pas la même : un peu plus âgés que les appelés, (20 à 22 ans contre 18), les volontaires vivent plus souvent en couple, ont besoin de davantage de place et d’un peu plus de confort. La rénovation des logements est donc l’une des conditions de réussite d’un bon recrutement.

        Les 370 millions de francs ouverts par le décret d’avance du 30 août 1999 servent à financer les charges induites par la participation de la Gendarmerie à la Kfor, sa contribution s’élevant à 14 officiers et 129 sous-officiers. Le rapporteur des crédits de la Gendarmerie, M. Georges Lemoine, a considéré que les crédits de fonctionnement de cette arme étaient calculés au plus juste dans le projet de loi de finances pour 2000 et qu’il faudrait ouvrir des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, comme cela se fait régulièrement, sous peine de réduire la capacité de ce corps à effectuer les missions qui lui sont confiées. De cet ajustement entre moyens et missions dépend l’état moral de des personnels de la Gendarmerie.

        Ainsi que la plupart des chefs d’état-major des armées l’ont laissé entendre devant notre Commission, au delà des chiffres globaux du titre III qui restent conformes à la loi de programmation militaire, l’amorce de redressement des crédits de fonctionnement courant ne pourra être tenue pour réellement encourageante que dans la mesure où elle se verra confirmée par la suite.

        Partageant entièrement ce point de vue, votre rapporteur ne saurait trop insister sur la nécessité de poursuivre le redressement des ressources de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, dans les années à venir. Il considère qu’il y va de la cohésion et du caractère opérationnel de nos armées.

        V. — LES RETRAITÉS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

        La question des pensions civiles et militaires versées par le ministère de la Défense va se poser avec d’autant plus d’acuité que la professionnalisation de notre armée a pour conséquence le remplacement d’appelés, non concernés par les pensions militaires, par des engagés qui auront vocation, dans quelques années, à percevoir une retraite du ministère de la Défense. Si, dans l’immédiat, le passage à une armée de métier a un coût évident en terme de versement de soldes et de pécules, à terme, l’afflux de dizaines de milliers de militaires professionnels recrutés chaque année aura des répercussion sur les pensions versées par ce ministère.

        Il importe donc de bien connaître la charge et les mécanismes des pensions civiles et militaires que cette administration verse, ainsi que les situations particulières qui font l’objet de revendications de la part d’associations d’anciens militaires.

            A. LA CHARGE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE

            1. Les prévisions d’évolution des pensions

        Au 31 décembre 1998, le ministère de la Défense versait 494 933 pensions militaires de retraite pour un montant de 45,8 milliards de francs. 339 911 de ces pensions étaient versées à des ayants droit et 155 022 à des ayants cause. Il incombait à ce même ministère le versement de 26 483 pensions civiles de fonctionnaires et d’environ 100 434 pensions civiles d’ouvriers d’Etat pour des montants respectifs de 2,1 et de 8,2 milliards de francs. Au total, le ministère de la Défense aura versé en 1999 624 038 pensions pour un montant de 56,134 milliards de francs.

        A ces pensions s’ajoutent de façon marginale un peu plus de 68 000 pensions dites « cristallisées », servies à des ressortissants d’anciennes colonies ayant accédé à l’indépendance et qui ont été figées en application de l’article 71 de la loi de finances pour 1960 (loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959), pour un montant d’environ 220 millions de francs. S’ajoutent également un peu plus de 10 500 pensions d’orphelins pour un montant de 83 millions de francs et environ 1 900 allocations annuelles dont les montants sont, en moyenne, nettement inférieurs à 10 000 francs par an.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PENSIONS
RELEVANT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

       

      1998

      1999

      2000

      2001

      2002

      Pensions militaires

      494 933

      498 885

      501 510

      502 876

      504 147

      Fonctionnaires

      26 483

      26 503

      26 508

      26 513

      26 510

      Ouvriers

      100 434

      101 746

      103 034

      103 325

      102 622

      Total

      621 850

      627 134

      631 052

      632 714

      633 279

      (Source : ministère de la Défense)

        Les prévisions du ministère de la Défense laissent apparaître que le nombre de pensionnés, de même que le montant global des pensions versées devrait continuer à augmenter au cours des prochaines années.

        ÉVOLUTION DU MONTANT DES PENSIONS
        RELEVANT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

       

      1998

      1999

      2000

      2001

      2002

      Pensions militaires

      45 779

      46 968

      47 945

      48 387

      48 832

      Fonctionnaires

      2 138

      2 178

      2 212

      2 227

      2 241

      Ouvriers

      8 217

      8 541

      8 855

      8 989

      9 017

      Total

      56 134

      57 687

      59 012

      59 603

      60 090

      En millions de francs. Pour 1999 et 2000, les montants sont calculés en fonction de l’évolution prévue des prix et de la revalorisation du droit moyen constaté sur les dernières années. Pour les années suivantes, seul le dernier paramètre est pris en compte. (Source : ministère de la Défense).

            2. Les conséquences de la professionnalisation sur le volume des pensions

        Comme cela avait déjà été remarqué l’année dernière, les prévisions du ministère de la Défense quant au nombre des pensionnés, et corrélativement au montant des pensions versées, ont encore été revues à la hausse. Ainsi, le nombre des pensionnés du ministère de la Défense, qui était supposé se stabiliser aux alentours de 623 000 sur les dernières années de la loi de programmation, est réévalué d’environ 10 000 unités. Par voie de conséquence, le montant total des pensions servies, censé se stabiliser aux alentours de 55,2 milliards de francs, est désormais estimé à environ 60 milliards de francs, soit 4,8 milliards de plus que les prévisions de 1998 et 7,8 milliards de plus qu’indiqué par les prévisions diffusées lors du débat budgétaire de l’automne 1997.

        L’explication est la même que celle fournie l’an dernier : il faut voir dans ce phénomène les conséquences de la mise en œuvre et du succès du pécule d’incitation au départ. En 1997, 177 officiers et 2 116 sous-officiers ont anticipé leur départ du fait de ce dispositif. 164 officiers et 2 870 sous-officiers ont fait de même en 1998 et ils sont 156 officiers et 2 553 sous-officiers à quitter l’armée grâce à cette incitation en 1999. Les prévisions faisant état de 192 nouveaux départs d’officiers et de 2 534 départs de sous-officiers en 2000, une nouvelle réévaluation risque d’être présentée lors du prochain débat budgétaire. Ces éléments, entre autres, viennent nous rappeler que la professionnalisation de notre armée a un coût.

        On trouvera ci-après, pour les pensions militaires, les différentes évaluations présentées depuis 1997.

        Évolution des prévisions du coût des pensions depuis 1997

       

      1997

      1998

      1999

      2000

      2001

      2002

      Estimation 1997

      43 642

             

      42 365

      Estimation 1998

      44 559

      44 901

           

      44 871 (1)

      Estimation 1999

       

      45 779

      46 968

      47 945

      48 387

      48 832

        Millions de francs courants (1) En 1998, la prévision portait sur l’année 2003

        (Source : ministère de la Défense)

        Toutefois, comme les militaires qui quittent l’armée grâce aux mesures d’incitation ne font qu’anticiper leur départ, les effectifs devraient progressivement redevenir plus conformes aux prévisions. Sur le long terme, on peut considérer que le montant total des pensions à servir aux militaires qui ont choisi de quitter l’armée prématurément grâce aux pécules devrait devenir plus favorable pour le ministère de la Défense, puisque ces derniers ont pris leur retraite de façon anticipée, donc à un taux plus bas que s’ils avaient poursuivi leur carrière jusqu’à la limite d’âge. Mais la forte augmentation du nombre de militaires de carrière recrutés dans le cadre de la professionnalisation des armées risque, sur le très long terme, de peser sur le montant total des pensions à servir.

            B. LE RÉGIME DES PENSIONS

            1. Un système spécifique régulièrement revalorisé

        Le régime des pensions civiles et militaires de retraite présente plusieurs particularités par rapport au régime général de la sécurité sociale. S’agissant des militaires, le point le plus notable est sans doute le fait que le droit à pension à jouissance immédiate est acquis après quinze ans de service militaire pour les sous-officiers et vingt-cinq ans pour les officiers (article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

        Par ailleurs, le montant des pensions civiles et militaires est rattaché aux traitements et soldes. Ces retraites bénéficient donc des mesures générales de majoration et des revalorisations des traitements en fonction de l’évolution de la valeur du point d’indice de rémunération, en application de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

        De ce fait, les retraités ont profité pour partie du dispositif salarial 1998-1999 mis en œuvre par le gouvernement. Ils ont bénéficié, comme les militaires en activité, des revalorisations du point d’indice de 0,8 % au 1er avril 1998 et de 0,5 % au 1er novembre de la même année. Au 1er juillet 1998 ont été accordés deux points d’indice supplémentaires jusqu’à l’indice majoré 294 et un point de l’indice majoré 295 à l’indice majoré 374. Cette mesure s’est appliquée également aux retraités fonctionnaires et militaires du ministère de la Défense. Pour l’année en cours, les mesures de revalorisation des pensions sont les suivantes : + 0,5 % et un point d’indice supplémentaire au 1er avril et + 0,8 % et un point d’indice supplémentaire au 1er décembre 1999.

        Pour les ouvriers du ministère de la Défense, les revalorisations suivantes sont intervenues : - 0,16 % au 1er janvier 1998, + 0,45 % au 1er avril 1998, + 0,55 % au 1er juillet 1998, + 0,49 % au 1er octobre 1998, + 0,52 % au 1er janvier 1999, + 0,24 % au 1er avril 1999 et + 0,71 % au 1er juillet 1999.

            2. Le régime particulier des pensions de réversion

        Le code des pensions civiles et militaires de retraite diffère également du régime général de la sécurité sociale en matière de réversion. Il dispose en effet, en ses articles L. 38 et suivants, que la pension de réversion est égale à 50 % de la pension obtenue ou qu’aurait pu obtenir le mari au jour de son décès. Cette pension est servie sans condition d’âge ni de ressources.

        Le régime général de la sécurité sociale prévoit, depuis le 1er janvier 1995, que le taux de la pension de réversion s’élève à 54 % de la pension servie à l’ayant droit. Sur ce point, le régime du ministère de la Défense est donc un peu moins favorable. Mais le versement de la pension de réversion est soumis à des conditions d’âge (55 ans) et de ressources (plafond annuel égal à 2 080 fois le SMIC horaire, soit depuis le 1er juillet 1997, 82 014 francs). Au total, il est finalement apparu que les conditions relatives aux pensions de réversion des veuves de militaires et de fonctionnaires étaient globalement plus favorables que celles du régime général de la sécurité sociale et surtout mieux adaptées.

        En outre, le montant de la pension de réversion des veuves de militaires de la Gendarmerie, du fait de l’intégration de l’indemnité de sujétions spéciales de police dans les pensions de retraite de gendarme, a augmenté d’environ 20 % entre 1984 et 1998. Par ailleurs, l’article 130 de la loi de finances pour 1984 accorde aux ayants cause des militaires de la Gendarmerie tués en France ou à l’étranger au cours d’opérations de police et à ceux des autres militaires tués dans un attentat ou au cours d’une opération militaire à l’étranger, une pension de réversion égale à 100 % de la solde de base.

        Des aménagements sont cependant parfois demandés. Ainsi, des associations ont pu souhaiter que durant les trois mois qui suivent le décès du conjoint, la pension ou la solde d’activité puisse être versée au taux plein. Le ministère de la Défense, sollicité, a répondu que cette mesure représenterait un coût d’environ 85 millions de francs. Mais la plus grande difficulté provient du fait que ce ne sont pas seulement les veuves de militaires, mais l’ensemble des veuves des agents de la fonction publique qui pourraient être concernées, ce qui aurait une implication financière toute autre. Ce type de mesure ne relève donc pas de dispositions internes au ministère de la Défense mais de mesures interministérielles.

            3. Le cadre juridique de la seconde carrière des militaires

        Parmi les spécificités de la carrière militaire figure le bénéfice d’une retraite après vingt-cinq ans de service pour les officiers et après quinze ans pour les sous-officiers. S’agissant des sous-officiers, cette particularité est liée à la nécessité de maintenir un effectif jeune, eu égard au type de tâches opérationnelles qu’ils ont vocation à accomplir. La conséquence est que ces hommes et ces femmes, bénéficiaires de pensions de retraites dont le montant est par ailleurs limité, ont vocation à accomplir une seconde carrière, dans le secteur civil cette fois.

        En 1992, l’UNEDIC avait institué une nouvelle règle de cumul d’un avantage de vieillesse et d’une allocation de chômage. Pour tous les demandeurs d’emplois titulaires d’un avantage de vieillesse, l’allocation de chômage était diminuée de 75 % du montant de cet avantage, disposition qui frappait en particulier les sous-officiers se trouvant en situation de demandeurs d’emploi après leur reconversion dans le secteur privé.

        A la suite de modifications législatives intervenues en 1996, les partenaires sociaux ont décidé, par une délibération spécifique de la Commission paritaire nationale du 28 mars 1997, d’affranchir tous les bénéficiaires d’une pension militaire de retraite des règles de cumul d’une allocation de chômage avec un avantage de vieillesse ou un revenu de remplacement à caractère viager.

        Ainsi, depuis le 1er janvier 1997, tous les anciens militaires en retraite, en situation de chômage indemnisé, pourvu qu’ils soient âgés de moins de soixante ans, peuvent percevoir l’intégralité de leurs allocations de chômage sans qu’aucun abattement puisse être appliqué du fait qu’ils perçoivent aussi une pension militaire de retraite. Au delà de cet âge, en revanche, ils subissent toujours la retenue de 75 % de leur pension militaire de retraite.

            C. LES PRINCIPALES DEMANDES EXPRIMÉES PAR LES ANCIENS MILITAIRES

        Depuis déjà plusieurs années, les associations d’anciens militaires présentent deux revendications principales concernant des situations à leurs yeux injustes et qui ne concernent qu’un nombre restreint de personnes. Il s’agit de la question des veuves allocataires et des sous-lieutenants retraités.

            1. La situation des veuves allocataires

        Les veuves et orphelins de militaires décédés avant le 1er décembre 1964, date d’entrée en vigueur du code des pensions civiles et militaires établi par la loi du 26 décembre 1964, reçoivent application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraites issues de la loi du 20 septembre 1948.

        Afin d’atténuer les conséquences du passage de l’ancien au nouveau code, la loi du 26 décembre 1964 avait prévu, en son article 11, que pourraient être attribuées des allocations aux veuves qui, relevant de l’ancien code, n’avaient pas droit à une pension de réversion alors qu’elles réunissaient les conditions imposées par le nouveau code. Cependant, pour certaines veuves de militaires, le mode de calcul de ces allocations a été défavorable car cette allocation est uniquement calculée en fonction des années de service effectif alors que la pension inclut les bonifications et notamment les bénéfices de campagne.

        C’est pourquoi, satisfaisant l’une des cinq demandes prioritaires des associations de militaires retraités, le décret n° 98-414 du 22 mai 1998 a porté le taux des allocations annuelles de 3,6 % à 6 % de sorte que le montant de la prestation qui est aujourd’hui servie à ces veuves allocataires ne peut être inférieur à celui d’une pension de réversion attribuée dans le cadre de la loi de 1964.

        Une différence de traitement subsiste cependant encore entre les veuves bénéficiaires d’une pension de réversion et les veuves allocataires lorsque la rente qui leur est servie est inférieure au minimum garanti, fixé actuellement à 3 470 francs par mois. Alors que les premières bénéficient d’office d’un alignement sur le minimum garanti en vertu de l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires, les secondes doivent, pour atteindre ce même montant, solliciter le versement de l’allocation complémentaire du fonds de solidarité vieillesse (FNS). Or, cette allocation peut donner lieu, dans certaines conditions, à une reprise sur succession.

        Les associations d’anciens militaires, soucieuses de mettre un terme à cette différence de traitement, proposent de soumettre directement les veuves allocataires aux dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. Elles font valoir que les pensions de réversion perçues par ces personnes sont pour la plupart très faibles, en général inférieures à 5 000 voire 4 000 francs mensuels et que la mesure ne coûterait que quelques centaines de francs par allocataire et par mois.

        Compte tenu du caractère peu équitable de la situation et vu le coût modéré de la mesure dû au faible nombre de personnes en cause, votre rapporteur accorde un soutien total à la demande des associations d’anciens militaires relative aux veuves allocataires.

            2. La question des sous-lieutenants retraités

        Le 9 février 1990, un accord a été conclu sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques. Cet accord, baptisé « Protocole Durafour », du nom du Ministre de la fonction publique de l’époque, contenait une clause de transposition aux militaires des mesures prévues en faveur des fonctionnaires civils, conformément à l’article 19-2 du statut général des militaires.

        La transposition devait améliorer la situation de fin de carrière des sous-officiers ainsi que des officiers subalternes qui assurent l’encadrement des unités élémentaires, c’est-à-dire, en pratique, des capitaines. En revanche, les sous-lieutenants n’ont bénéficié d’aucune revalorisation indiciaire, ce grade correspondant désormais à une situation d’élève dans les écoles. Quant aux lieutenants, ils ne se sont vu attribuer qu’une faible augmentation (2 à 11 points). Cette décision a été justifiée par le fait que les officiers d’active atteignent aujourd’hui rapidement et automatiquement le grade de capitaine.

        Les mesures prises en faveur du personnel en activité aux termes de ce protocole ont ensuite elles-mêmes été transposées aux retraités dans les conditions prévues par l’article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Elles ont donné globalement satisfaction aux militaires en retraite à une exception près : les sous-lieutenants retraités pour lesquels rien n’avait été prévu.

        En effet, avant la création du grade de major, il pouvait se trouver que certains sous-officiers, après une longue carrière, accèdent au statut d’officier sans dépasser pour autant le grade de sous-lieutenant. Dès lors, comme l’indique le tableau ci-dessous, ils se sont retrouvés désavantagés non seulement par rapport à ceux de leurs camarades qui avaient accédé au grade de capitaine, mais aussi par rapport à ceux qui, plus jeunes, ont achevé leur carrière, après la réforme de 1975, non pas comme sous-lieutenant ou lieutenant mais avec le grade de major.

       

      Plage indiciaire

      Gain indiciaire*

       

      Avant
      Durafour

      Après
      Durafour

      (points par échelon)

      Capitaine

      530-685

      561-696

      de + 11 à + 27

      Lieutenant

      455-545

      457-556

      de + 2 à + 11

      Sous-lieutenant

      379-455

      379-455

      Major

      471-579

      483-612

      de + 12 à + 33

      Adjudant-chef

      362-515

      371-560

      de + 9 à + 45

      Y compris les deux points d’indice supplémentaires attribués à compter du 1er août 1991

      (Source : ministère de la Défense)

        La revalorisation de la pension des sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976 et de leurs ayants cause fait également partie des demandes prioritaires des associations de militaires à la retraite. Cette mesure concernerait un nombre très réduit de personnes et aurait un coût limité, estimé à 1,6 million de francs annuels par le ministère de la Défense.

        Une telle revalorisation viserait moins à corriger les conséquences de la transposition du protocole Durafour qu’à remédier à une situation qui trouve essentiellement son origine dans la réforme statutaire de 1975 qui a vu la création du grade de major. Or une jurisprudence constante du Conseil d’Etat ayant établi qu’il n’y avait pas de poursuite de la carrière à la retraite, cette mesure n’a pas été retenue.

CONCLUSION

        Pour assurer la réalisation progressive de la professionnalisation de nos forces armées, la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 a assigné au budget de fonctionnement des armées un montant annuel prévisionnel. Elle a précisé jusqu’en 2002, année après année, catégorie après catégorie, l’évolution des effectifs civils et militaires du ministère de la Défense. Bref, elle a établi une sorte de planification opérationnelle de guide de référence et de suivi pour cette transition éminemment complexe.

        C’est pourquoi, chaque année, le franchissement de chaque étape de la professionnalisation peut s’analyser par comparaison entre le projet de titre III et les dispositions prévues.

        L’an dernier, des désaccords s’étaient fait jour concernant le budget de fonctionnement des armées dont les crédits étaient, il est vrai, comptés au plus juste. La Commission de la Défense nationale avait néanmoins considéré que, pour la troisième fois, le projet de titre III du ministère de la Défense ouvrait les moyens nécessaires à la professionnalisation de nos forces armées.

        Nous ne pouvons que constater qu’elle avait pleinement raison. Sur le plan de la professionnalisation, le chef d’état-major des armées, le général Jean-Pierre Kelche a annoncé devant notre Commission qu’aux deux tiers de la loi de programmation, le parcours était satisfaisant. « D’ores et déjà, la Marine, l’armée de l’Air et la Gendarmerie sont très proches de leur format final, l’armée de l’Air n’en étant éloignée que de 1 % seulement. Dans l’armée de Terre, les départs des cadres et la création de postes d’engagés se déroulent favorablement ».

        Par ailleurs, sur le plan opérationnel, le conflit du Kosovo et, dans une moindre mesure, l’intervention au Timor oriental ont démontré que nos troupes avaient non seulement conservé mais encore augmenté leurs capacités de projection et d’intervention hors du territoire métropolitain, au point de représenter, au Kosovo par exemple, la deuxième force de l’OTAN derrière celle des Etats-Unis.

        Si je dois reconnaître que nous sommes encore loin d’une situation idéale, force est de constater que le projet qui nous est soumis est parfaitement en cohérence avec la loi de programmation, pour ce qui concerne les effectifs, et présente une amélioration sensible, même si on peut toujours souhaiter plus, en matière de fonctionnement courant.

        C’est donc sans hésitation que votre rapporteur conclut que le présent projet de budget du titre III du ministère de la Défense correspond tout à fait à l’étape fixée pour l’année 2000 par la loi de programmation dans le cadre de la professionnalisation de nos forces.

TRAVAUX EN COMMISSION

        I. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

        La Commission de la Défense a entendu, le 15 septembre 1999, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000.

        Après avoir remercié le Ministre d’être venu devant la Commission lui indiquer les principales grandeurs et les évolutions les plus significatives des crédits de son département, immédiatement après la présentation du projet de loi de finances en Conseil des Ministres, le Président Paul Quilès a fait état de trois questions revêtant un intérêt particulier. Il a d’abord mentionné les conditions de la professionnalisation des armées. Il a ensuite cité le maintien des crédits à un niveau qui permette de mener à bien la modernisation des forces, conformément à la programmation en cours, adaptée à la suite de la revue des programmes décidée par le Gouvernement. Sur ce point, relevant qu’un budget de la défense, dans sa composante d’équipement, était un budget de flux pluriannuels, largement soumis aux variations des décisions d’engagement des années antérieures, il a salué l’effort entrepris par le Gouvernement pour moderniser la gestion des crédits militaires, en rendant notamment à la notion d’autorisation de programme sa pleine valeur et son efficacité comme instrument d’allocation pluriannuelle des ressources. Il a souligné, à cet égard, que la Commission serait attentive à l’articulation entre les autorisations de programme et les crédits de paiement.

        Il a enfin évoqué les tensions constatées actuellement sur les crédits de fonctionnement et d’activité, tout en soulignant la complexité des données budgétaires en ce domaine, la réduction du format des forces ayant comme corollaire obligé et souhaitable des économies sur les dépenses courantes, tandis qu’il faut donner au nouveau modèle d’armée en cours de constitution des moyens suffisants pour garantir ses capacités opérationnelles et sa disponibilité.

        M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a d’abord exposé qu’il avait été retenu par un Conseil restreint réuni pour examiner la contribution française à la force internationale du Timor oriental à la suite du Conseil des Ministres. Jugeant justifié, dans ces conditions, d’offrir à la Commission la primeur des informations sur les décisions prises, il a exposé que la France allait immédiatement contribuer à cette force par l’envoi sur place d’une frégate, d’avions de transport, d’une antenne chirurgicale avancée et d’un élément de protection, soit 250 hommes. Il a ajouté qu’un transport de chalands de débarquement (TCD), transportant des véhicules de l’avant blindés (VAB) et des hélicoptères, allait aussi rejoindre la Nouvelle-Calédonie, de manière à permettre l’équipement en moyens de protection d’une compagnie susceptible de participer à l’opération, les effectifs français se montant alors à 500 hommes pour une contribution européenne de 2 000 hommes à une force composée de 7 000 militaires, les contingents les plus importants étant asiatiques et océaniens, et plus précisément australiens et thaïlandais.

        Abordant alors la présentation du projet de loi de finances pour 2000 et renvoyant la Commission au dossier d’information établi à ce sujet pour le détail des chiffres, il a souhaité préciser les objectifs poursuivis et la méthode retenue avant de développer quelques éléments lui paraissant mériter une attention particulière.

        Il a d’abord souligné que le ministère de la Défense était engagé dans un profond effort de modernisation de ses structures, de ses moyens, humains et matériels, et de ses outils de gestion. La modernisation des structures sera notamment marquée en 2000 par la fin du processus de fusion en cours avec les services des Anciens combattants. S’agissant de la modernisation des moyens, le projet de loi de finances permettra de poursuivre l’exécution de la loi de programmation militaire que, pour la première fois depuis deux décennies, le Gouvernement entend conduire à son terme. Pour ce qui est de la modernisation des outils de gestion, après la comptabilité spéciale des investissements et le contrôle financier déconcentré, le ministère se dote aujourd’hui d’un dispositif de gestion prévisionnelle des autorisations de programmes et d’une nouvelle nomenclature budgétaire, dans la perspective d’aboutir à un suivi journalier de la dépense.

        Le Ministre de la Défense a souligné les efforts de lisibilité et de transparence entrepris, dont témoignaient notamment l’établissement d’une nomenclature budgétaire plus lisible ou la publication de documents de gestion, tels que l’annuaire statistique de la Défense, le rapport annuel du Comité des prix de revient des fabrications d’armement et, bientôt, les grandes orientations du plan prospectif des études.

        Il a indiqué également que nombre de mesures prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 étaient la concrétisation de préoccupations formulées par les parlementaires au cours du débat budgétaire précédent. En réponse aux préoccupations exprimées notamment par le Président Paul Quilès sur l’évolution des crédits de fonctionnement courant des armées, ceux-ci augmentent de 21,4 % et 14,8 % respectivement pour la Marine et l’armée de l’Air, tandis que le taux d’activité annuel de l’armée de Terre passera de 70 à 73 jours. Conformément au souhait du rapporteur spécial de la Commission des Finances, l’utilisation des dotations budgétaires et les possibilités de recours à la sous-traitance ont été assouplies. Conformément à ceux des rapporteurs pour avis de la Commission de la Défense, un effort significatif a été consenti en faveur des crédits de fonctionnement (+1,1 %) et encore plus d’équipement (+ 8 %) de la Gendarmerie, les autorisations de programmes de l’armée de Terre augmentent de 13 % et les crédits d’entretien programmé du matériel de la Marine de 5,4 % sur le Titre V, et de 2,4 % au total.

        Le Ministre de la Défense a alors évoqué les grandes lignes du projet du budget de la Défense.

        Il a d’abord précisé que celui-ci intégrait des crédits en provenance du budget du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants à hauteur de 949 millions de francs, répartis entre 475 millions pour le Titre III, 20 pour le Titre V et 454 pour les pensions de retraite. Hors pensions et apport du secrétariat d’Etat, les crédits du Ministère de la Défense pour l’année 2000 s’élèvent à 187,4 milliards de francs (en crédits de paiement) ; les crédits du Titre III se situent à 104,5 milliards de francs, en hausse de 0,5 %, tandis que les crédits d’équipement (Titres V et VI) diminuent de 3,5 % en crédits de paiement pour s’établir à 82,9 milliards de francs, mais augmentent en autorisations de programmes pour atteindre 87,5 milliards de francs, soit une hausse de 1,7 %. La dotation en autorisations de programmes est ainsi supérieure à celle des crédits de paiement pour la première fois depuis 1992.

        S’agissant du Titre III, M. Alain Richard a souligné qu’un effort important avait été accompli en matière d’outils de gestion. Une revue interne au ministère, portant sur l’ensemble du Titre III, a ainsi été conduite pendant les premiers mois de l’année. Cet examen approfondi de l’évolution des effectifs et des dépenses de rémunération et de fonctionnement courant, le premier du genre, a permis de mieux cerner les besoins et d’identifier les marges de manœuvre disponibles.

        Sur ces bases, la réduction du format des armées se poursuit, avec la suppression de 36 000 postes d’appelés, 230 postes d’officiers et 4 500 postes de sous-officiers. Elle s’effectue conformément aux prévisions, sous réserve de quelques ajustements postérieurs à la programmation, comme la poursuite de la création de postes de gendarmes d’autoroutes pour les nouveaux tronçons ouverts (50 postes) et la transformation de 600 postes de sous-officiers en postes de militaires du rang dans l’armée de l’Air et la Marine, pour tenir compte d’un besoin légèrement supérieur et faire mieux coïncider les statuts et les qualifications.

        Parallèlement, les recrutements de professionnels et de civils s’intensifient, avec la création de 16 400 postes, dont 8 300 de militaires du rang, 6 500 de volontaires (dont 4 300 pour la Gendarmerie) et 1 600 de civils.

        Les mesures d’accompagnement de la professionnalisation sont renforcées : le fonds d’accompagnement est doté de plus de 1 milliard de francs, les aides à la mobilité et au départ représenteront plus de 1,9 milliard de francs, les pécules associés à la loi de programmation militaire sont dotés de 830 millions de francs et permettront d’aider au départ de 900 officiers et environ 2 500 sous-officiers et, enfin, avec 40 millions de francs de crédits supplémentaires, la dotation des réserves est portée à 350 millions de francs.

        S’agissant des restructurations, la dotation du Fonds d’adaptation industrielle (FAI) sera portée à 769 millions de francs en 2000, pour tenir compte de la situation de la DCN, tandis que le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) a été doté de 207 millions de francs en 1999, soit 2,5 % de plus qu’en 1998 et qu’un effort particulier a été fait sur les sites du GIAT et de la DCN.

        Le Ministre de la Défense a mis en exergue trois actions concernant les dépenses ordinaires, un train de mesures améliorant la condition des personnels civils et militaires, pour un montant de 326 millions de francs, avec notamment la poursuite du rattrapage des basses rémunérations (76 millions de francs), un effort important pour améliorer les moyens de fonctionnement courant des armées, et, enfin, un nouveau développement des mesures d’externalisation par sous-traitance de certaines activités, grâce à une dotation supplémentaire de 216 millions de francs. Il a précisé que cette dotation viendrait compléter les moyens déjà consacrés depuis plusieurs années à la sous-traitance par redéploiement de crédits inscrits sur divers postes budgétaires. Cette mesure, qui vise à assurer l’accomplissement de certaines fonctions dans des domaines liés au soutien (alimentation, gardiennage, entretien des espaces verts, par exemple), est de nature réversible et concerne au premier chef des régions où les emplois civils ouverts restent temporairement vacants en raison d’une insuffisante mobilité.

        Abordant les crédits d’équipement, M. Alain Richard a souligné qu’après les très faibles niveaux d’engagements enregistrés hors transferts en 1995 (78,4 milliards de francs) et surtout en 1996 (61,1 milliards de francs), un effort tout particulier avait été entrepris pour accélérer le rythme de consommation des autorisations de programme. Les engagements ont ainsi atteint 80,2 milliards de francs en 1997 et 80,7 milliards de francs en 1998, dépassant pour cette dernière année la dotation budgétaire, ce qui constituait une « première ».

        Il a souligné que la dotation de 87,5 milliards de francs d’autorisations de programme demandée au titre du projet de budget pour 2000 allait permettre la poursuite de la politique de commandes pluriannuelles inscrite dans la loi de programmation militaire et mise en œuvre depuis la mi-1997 pour réduire les coûts des armements en donnant plus de visibilité aux industriels. Il a précisé qu’en deux ans 13 commandes de ce type avaient été passées à l’industrie pour 45 milliards de francs au total et qu’avec les 15 milliards de francs qui y seront consacrés en 2000, elles atteindraient, au total, à la fin de l’année prochaine un montant de 60 milliards de francs.

        S’agissant des crédits de paiement, il a souligné l’impact des faibles engagements réalisés antérieurement, notamment en 1996, qui limite à présent le niveau des paiements. Il a ajouté que cette situation réduisait les besoins en crédits de paiement et expliquait, pour une large part, que leur niveau soit inférieur à celui des autorisations de programme. Il a, en outre, précisé que les reports des crédits de l’année 1999 pourraient abonder les crédits de paiement ouverts par le projet de budget dès le premier semestre 2000.

        Abordant alors la situation des programmes, il a fait valoir que toutes les opérations de modernisation se dérouleraient selon le calendrier prévu.

        Dans le domaine nucléaire, il a annoncé la commande du quatrième SNLE de nouvelle génération et la poursuite des programmes M51 et ASMP amélioré (ASMPA) dans le cadre de deux commandes globales, ce qui induit une forte augmentation des autorisations de programme (+ 38 %).

        S’agissant de l’espace, il a noté une diminution des dépenses de maintien en condition opérationnelle des satellites à la suite du lancement d’HELIOS 1 B en fin d’année 1999. Il a également fait état d’une contribution au budget civil de recherche et développement (BCRD) de 1,5 milliard de francs. Il a signalé qu’en 1999 le ministère de la Défense aura réussi à obtenir un certain rendement de sa contribution du BCRD en finançant notamment à ce titre des travaux à vocation duale sur HRS (Haute résolution stéréo, instrument optique embarqué par SPOT 5 pour réaliser des modèles numériques de terrain). Il a émis le souhait que cette dualité des travaux relevant du BCRD financés par le projet de la Défense puisse s’affirmer plus nettement encore dans l’avenir.

        En ce qui concerne l’équipement des forces classiques, le Ministre a admis que l’année 2000 ne connaîtrait pas un volume de commandes globales aussi élevé que celui qui a marqué l’exercice 1999, en raison notamment des marchés relatifs au Tigre et au Rafale. Néanmoins, une « deuxième génération » de commandes globales, relatives aux programmes de missiles MICA et de réseau de transmission MTBA qui avaient fait partie des premières opérations groupées fin 1997 sera passée. Les dotations les plus importantes en crédits de paiement concernent le Rafale, Air et Marine (5 402 millions de francs), le char Leclerc (2 064 millions de francs), la frégate Horizon équipée des missiles PAAMS (1 028 millions de francs) et le Mirage 2000 D (958 millions de francs). La catégorie des munitions connaîtra une forte hausse (+ 77 % en autorisations de programme, + 21 % en crédits de paiement) correspondant aux commandes et livraisons de missiles (ERYX, AC3GMP, Mistral, MICA, PAAMS…) et munitions (Leclerc, ACED/BONUS, roquettes anti-blindés légers…). L’effort entrepris pour relever le montant des crédits de recherche et développement se poursuit, les autorisations de programme augmentant pour cette catégorie de coût de plus de 20 % et les crédits de paiement de 2,9 %. En ce qui concerne les études amont, la baisse dans le domaine nucléaire est liée à la montée en puissance des développements des missiles M51 et ASMPA, tandis que les programmes intéressant l’armement classique et l’espace connaissent une hausse.

        Enfin, revenant sur la récente crise du Kosovo, le Ministre de la Défense a tenu à en dégager certains enseignements :

        — il a rendu hommage à la qualité du travail accompli par nos soldats et au professionnalisme dont ils ont fait preuve, soulignant que ce succès montrait que le difficile pari de la professionnalisation est en voie d’être réussi ;

        — il a insisté sur le bon niveau et la cohérence de nos équipements, la France ayant été avec les Etats-Unis le seul pays capable d’assurer l’ensemble des missions assignées aux forces alliées ;

        — il a souligné la valeur des outils d’estimation des dépenses dont dispose à présent le ministère de la Défense, puisque le surcoût global des opérations militaires au Kosovo, estimé aujourd’hui à 3 260 millions de francs, s’inscrit bien dans la fourchette de 3 à 3,5 milliards de francs annoncée dès le début des opérations.

        En conclusion de son intervention, M. Alain Richard a estimé que la contribution de la France aux actions menées dans le cadre du conflit du Kosovo était de nature à renforcer la confiance des pays européens dans leur capacité à doter l’Europe de moyens autonomes pour assurer sa défense, sur la base notamment des acquis des déclarations de Saint-Malo et de Cologne. Il s’est félicité, à ce propos, des convergences que l’on constatait aujourd’hui entre les politiques de défense des différents pays européens.

        Rappelant que le décret d’avance du 2 septembre dernier n’avait pas eu seulement pour objet de couvrir une partie des surcoûts des opérations extérieures, mais aussi d’ouvrir des dotations supplémentaires au titre des rémunérations et du fonctionnement courant pour les forces stationnées en France, le Président Paul Quilès s’est interrogé sur le coût de la professionnalisation des armées, demandant s’il n’avait pas été initialement évalué de manière optimiste.

        Le Ministre a répondu que l’évolution de la courbe des rémunérations et des charges sociales était maîtrisée et ne suscitait aucune inquiétude. Il a toutefois convenu que certaines dépenses, d’un montant limité, avaient été sous-évaluées dans ce domaine dans la loi de finances initiales pour 1999, ce qui a conduit à des régularisations en cours d’exercice.

        M. Jean-Noël Kerdraon a interrogé le Ministre de la Défense sur les aspects qualitatifs de la professionnalisation et notamment sur le bilan que l’on pouvait tirer des contrats courts. Il s’est également inquiété de la date de commande par la Marine du premier exemplaire des nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD), prévue à l’origine à la fin de l’année 1999. Après avoir rappelé que la réussite de la réforme de la DCN supposait un plan de charges suffisant et souligné la nécessité militaire d’un renouvellement de la flotte de transports de chalands de débarquement, il a fait observer que la mise en chantier de ce type de bâtiments faciliterait l’adaptation des chantiers navals de Brest.

        M. Guy-Michel Chauveau s’est félicité de la rigueur de la gestion des crédits militaires et de l’évolution positive des dotations affectées à la recherche-développement, dont il a souligné l’importance pour l’avenir de l’Europe de la Défense, assurant le Ministre que les parlementaires socialistes resteraient vigilants sur ce point lors des prochaines lois de finances. Il a par ailleurs interrogé le Ministre de la Défense sur l’évolution du projet de satellite Hélios II, notamment en ce qui concerne la coopération envisagée avec nos partenaires italiens. Enfin, il a demandé si les critères de convergence que les pays européens devaient se fixer en matière de défense ne devaient pas reposer sur une approche stratégique et opérationnelle de préférence à des objectifs strictement financiers.

        M. André Vauchez a souligné que la bonne consommation des autorisations de programme en 1998 l’incitait à la confiance pour l’exécution des crédits d’équipement des exercices 1999 et 2000. Il s’est également interrogé sur la signification de l’objectif de réduction de 30 % des coûts d’acquisition des armements, demandant quelles répercussions cette amélioration de la productivité pouvait avoir sur la quantité des équipements commandés.

        Evoquant la tendance au rapprochement des concepts et du format des différents systèmes de défense européens, M. Loïc Bouvard a demandé quel était le niveau de convergence et d’interopérabilité des forces françaises avec celles de l’organisation militaire intégrée de l’Alliance dans divers domaines, dont ceux de la mobilité, de la préparation opérationnelle, de la standardisation et du renseignement.

        M. Michel Voisin a évoqué la question de l’évolution du nombre des appelés demandant si les ressources étaient en adéquation avec les besoins des armées, compte tenu notamment des mesures liées à la protection de l’emploi.

        Rappelant que les contrats d’engagement de courte durée devaient permettre de maintenir le rajeunissement permanent des effectifs et la flexibilité des qualifications qu’assurait le service national tout en favorisant l’insertion professionnelle des personnels concernés, le Ministre de la Défense a insisté sur la nécessité de ne pas surqualifier ces emplois qui sont d’abord destinés à être proposés aux jeunes les plus défavorisés sur le marché du travail.

        L’Amiral Jean-Luc Delaunay, Chef d’état major de la Marine, a précisé que ce type de contrats s’adresse à trois catégories de personnels de la Marine, ceux qui réalisent les opérations de maniement des appareils sur le pont d’envol des porte-avions, ceux qui relèvent des services généraux des bateaux et les fusiliers qui protègent les bases et points sensibles. Si les recrutements sur contrats courts dans les première et seconde catégories donnent satisfaction à la Marine sans difficulté particulière, elle est en revanche contrainte d’opérer une sélection plus stricte, notamment sur le plan psychologique, en ce qui concerne les fusiliers.

        Soulignant que cette indication est révélatrice des difficultés à pourvoir les postes de combattant dans les armées, le Ministre de la Défense a souligné l’effort d’adaptation des méthodes de recrutement actuellement entrepris par les armées pour ce type de fonction.

        Il a ajouté les éléments de réponse suivants :

        — le nombre moyen d’appelés nécessaire aux armées s’élève à environ 62 500 pour l’an 2000. Malgré quelques déficits d’appels constatés jusqu’à présent, la transition vers la professionnalisation se réalise conformément à ce qui était prévu par la loi. La satisfaction des besoins est réelle sur le plan qualitatif. En revanche, des insuffisances occasionnelles du rythme des réponses aux convocations, conjuguées aux déficits constatés en personnels civils, peuvent créer certaines difficultés ponctuelles, différenciées selon les fonctions et les régions en cause. Pour y faire face, les armées pourront recourir davantage à l’externalisation par la sous-traitance qui permet le recrutement sur place des personnels nécessaires. Globalement, les évolutions constatées n’en confirment pas moins la viabilité du processus de professionnalisation prévu par la loi ;

        — la phase de conception du nouveau transport de chalands de débarquement est en bonne voie. Elle permettra de mettre au point un bâtiment de très grande polyvalence. Les offres de la DCN et des Chantiers de l’Atlantique sont actuellement confrontées en vue de diminuer les coûts du programme. Par ailleurs, la construction du bâtiment hydrographique et océanographique devrait être engagée en l’an 2000 sur le site de Brest, dont le niveau de charge constitue un élément pris en considération dans la réforme actuelle de la DCN ;

        — si le bon niveau de consommation des autorisations de programme permet d’envisager une exécution satisfaisante de la programmation, il n’en reste pas moins nécessaire de dégager les crédits de paiement correspondants aux engagements. Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement prévu par le projet de budget ne sera pas un handicap si les crédits de paiement attendus sont obtenus aux cours des exercices ultérieurs et si les retards subis dans la consommation des crédits de paiement disponibles sont compensés en temps utile par l’utilisation des reports ;

        — l’objectif de la baisse de 30 % des coûts d’acquisition en francs constants peut être atteint, comme prévu, à l’issue de la période de programmation, au vu des résultats obtenus fin 1999, grâce notamment à la technique des commandes globales pluriannuelles ;

        — le ministère de la Défense restant un partenaire significatif de la recherche en France, il est nécessaire d’ouvrir un débat, notamment avec la Commission, sur les priorités et les options de la politique de recherche pour la Défense, sur la base notamment des grandes orientations du plan prospectif ;

        — les critères de convergence des efforts de défense des pays européens ne peuvent être fixés sur la base de la seule part des dépenses militaires globales dans le PIB. Le poids dans la richesse nationale des crédits militaires consacrés aux programmes d’équipement est plus significatif et constitue un meilleur indice de la crédibilité de l’Europe de la Défense. Les lois de programmation militaire constituent un excellent facteur de continuité de l’effort de Défense, dont l’absence se fait sentir dans d’autres pays européens, ce qui rend intéressante l’idée que les gouvernements s’engagent sur des niveaux de dépenses d’équipement et de capacités. En ce domaine, la France, qui figure parmi les trois meilleurs pays européens, dispose d’une certaine capacité d’entraînement à l’égard de ceux de ses partenaires dont l’effort est moins soutenu ;

        — la question de l’interopérabilité des équipements militaires sera abordée lors de la prochaine réunion ministérielle de l’Alliance atlantique à Toronto, dans le cadre du bilan des opérations menées au cours du conflit du Kosovo. Les pays européens se trouvent engagés dans une course de vitesse avec les structures intégrées de l’OTAN qui sont d’ores et déjà prêtes à formuler des propositions d’action commune en matière de standardisation et de préparation opérationnelle des forces. Il existe un risque réel, face à la difficulté de donner une suite rapide et concrète aux déclarations européennes, pourtant solides comme celle de Cologne, que les progrès réalisés au sein de l’OTAN n’assurent à cette dernière organisation une hégémonie sur la construction de l’Europe de la Défense.

        II. — AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

        La Commission de la Défense a entendu, le 20 octobre 1999, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des Armées, sur le projet de loi de finances pour 2000.

        Accueillant le Général Jean-Pierre Kelche, le Président Paul Quilès a rappelé les conditions délicates dans lesquelles il exerçait sa mission puisqu’il avait à veiller à la capacité opérationnelle de forces qui se trouvent elles-mêmes en profonde restructuration dans le cadre de la professionnalisation. Soulignant que l’équipement des armées était de haut niveau si l’on en juge par la contribution de la France au conflit du Kosovo, mais qu’il appelait un effort continu de modernisation et de développement des capacités, en particulier dans les domaines de la frappe de précision à distance de sécurité ainsi que du renseignement, il a indiqué que l’audition du Chef d’état-major pouvait être pour la Commission l’occasion de mieux évaluer l’incidence prévisible du projet de budget de la Défense pour 2000 sur l’état de préparation et les capacités opérationnelles des forces françaises.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a exposé que le projet de loi de finances pour 2000 formait la quatrième annuité de la loi de programmation militaire 1997-2002. Il l’a caractérisé, au titre III, par un respect des engagements de la professionnalisation, voire peut-être un arrêt de la dégradation du fonctionnement, mais, au titre V, par un niveau d’autorisations de programme contraint, non optimisé et susceptible d’avoir des conséquences sur les capacités de la future armée professionnelle et un niveau de crédits de paiement qui, pour être explicable, n’en est pas moins préoccupant.

        S’agissant d’abord de la professionnalisation, le Chef d’état-major des Armées a considéré qu’aux deux tiers du parcours, le constat était positif. D’ores et déjà, la Marine, l’armée de l’Air et la Gendarmerie sont très proches de leur format final, l’armée de l’Air n’en étant éloignée que de 1 % seulement. Dans l’armée de Terre, les départs des cadres et la création de postes d’engagés se déroulent favorablement.

        Le Général Jean-Pierre Kelche s’est néanmoins déclaré en accord avec les préoccupations du Chef d’état-major de l’armée de Terre en ce qui concerne la décrue de la ressource en appelés, le sous-effectif devenant chronique, de l’ordre de 15 à 20 %, ce qui, combiné avec l’insuffisance de recrutements des personnels civils, créait une tension forte, l’armée de Terre étant encore très dépendante de la conscription.

        Il a rappelé que l’an dernier, il estimait que la hausse des rémunérations et charges sociales comprimait de façon excessive, dans la loi de finances pour 1999, les crédits de fonctionnement et jugé que, dans le projet de budget, la situation était différente puisque la moindre progression des coûts de personnel aboutissait à diminuer la pression sur les dépenses de fonctionnement, qui ne sont réduites que de 1,8 % par rapport aux crédits votés de 1999.

        Il a néanmoins ajouté que, depuis le début de la programmation, les crédits de fonctionnement avaient diminué de 21,5 % alors que la loi de programmation militaire avait prévu une réduction de 20 % seulement et ce, à l’horizon 2002. Il a ajouté que l’avance ainsi réalisée avait permis de prendre en 2000 des mesures palliatives pour restaurer un peu les conditions d’entraînement. Il a expliqué que, dans les conditions actuelles, seul le volume important d’opérations extérieures en cours permettait d’assurer un niveau d’activités acceptable, mais a souligné que l’action menée en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, quelle que soit sa qualité, ne pouvait se substituer à un entraînement au combat.

        S’agissant des rémunérations et charges sociales, il a relevé que le projet de loi de finances prévoyait des évolutions limitées des crédits pour les indemnités, un glissement vieillesse-technicité négatif, sur lequel il s’est interrogé, et un développement de la sous-traitance en contrepartie de postes supprimés ou non honorés. Il a, à ce propos, observé que le transfert d’activités à la sous-traitance ne pourrait être immédiat, ce qui pourrait soulever le problème de l’exécution des crédits correspondants. Il a ajouté que pour la première fois certains chefs d’état-major avaient décidé de présenter des mesures de « dépyramidage », des postes de sous-officiers étant supprimés au profit de postes de militaires du rang.

        Il a indiqué enfin que, si le titre III progressait d’un milliard de francs, cette évolution incluait l’intégration au sein du ministère de la Défense du secrétariat aux Anciens combattants, la progression à périmètre constant n’étant que de 300 millions de francs. Il a conclu que le titre III du projet de budget de la Défense était convenable, mais que son niveau devrait être relevé pour les exercices à venir de manière à éviter des pertes de compétence des forces (entraînement opérationnel).

        S’agissant des crédits d’équipement, le Chef d’état-major des Armées s’est déclaré nettement moins optimiste. Il a souligné que les réductions cumulées causées essentiellement par la revue des programmes, les « encoches », les annulations, elles-mêmes dues en majeure partie à la nécessité de financer les opérations extérieures, le transfert progressif au titre V des crédits d’entretien programmé du matériel et l’inscription au budget de la défense de dépenses civiles de recherche et de développement (dépenses du BCRD) représentaient 59 milliards de francs, soit 11 % du montant des dotations d’équipement initialement prévu par la loi de programmation. Il a fait valoir que cette situation avait obligé les armées à opérer des choix difficiles, notamment en matière d’approvisionnement en munitions, de sorte qu’à l’occasion du conflit du Kosovo on avait été amené à constater que les stocks étaient à la limite de la rupture, ce qui avait obligé à les recompléter d’urgence.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a précisé que les crédits prévus par la loi de programmation militaire n’intégraient pas de contribution au BCRD dans le cadre des dépenses en faveur de l’espace, alors qu’avaient été inscrits à cet effet au titre V 500 millions de francs en 1998, 900 millions de francs en 1999, et 1,5 milliard de francs en 2000. Il a fait remarquer également que cette contribution au BCRD comportait peu de dépenses de nature réellement duale, leur montant pouvant être estimé à 75 millions de francs seulement pour 2000. Il s’est toutefois réjoui des efforts du Ministre de la Défense pour donner un véritable caractère de dualité aux dépenses du BCRD financées par les crédits militaires dans le domaine spatial.

        Il a ajouté, que si le niveau des crédits de paiement paraissait compatible avec les engagements réalisés et prévus, on constatait en revanche dans le projet de budget une déconnexion entre les autorisations de programme et les crédits de paiement qui risquait de provoquer à terme des retards dans le déroulement des programmes. Il a ajouté que le niveau des autorisations de programme, tout en excédant de 4,5 milliards de francs celui des crédits de paiement, restait insuffisant pour lancer l’ensemble des commandes globales prévues, et qu’il avait fallu de ce fait reculer la passation de certaines d’entre elles après l’année 2000. Remarquant que si le décalage, effectué dans ces conditions, de la seconde commande globale d’avions Rafale n’avait pas eu de conséquences sur les conditions de livraison, tel ne serait pas le cas pour d’autres si cette politique était maintenue. Il a cependant fait observer que le ministère des Finances avait dû sans doute se persuader que le ministère de la Défense ne disposait plus guère d’un surplus d’autorisations de programme disponibles puisque le dernier arrêté d’annulation n’avait porté que sur les crédits de paiement. En tout état de cause, les montants prévus d’autorisations de programme ne permettent pas de couvrir les engagements prévus au titre des programmes M 51 et NH 90, pour ce qui concerne son industrialisation et sa fabrication. Les besoins éventuels d’autorisations de programme pour l’ATF ne sont pas prévus.

        Malgré ces insuffisances, le projet de budget pour 2000 n’entraîne pas de rupture dans le domaine de la politique d’équipement qui conserve sa cohérence.

        Plusieurs livraisons relevant des programmes majeurs seront au rendez-vous de 2000 : 4 Rafale, 12 Mirage D, 3 Mirage 2000-5, 3 Transall rénovés, 34 chars Leclerc, des missiles Eryx, Mistral, Mica…

        Ainsi, aux deux tiers de la loi de programmation militaire, les armées disposeront de 227 Leclerc sur les 307 qui doivent être acquis d’ici 2002 et de 90 avions de combat de dernière génération sur les 300 prévus à l’horizon 2002. Par ailleurs, le Charles de Gaulle entrera en service au troisième trimestre 2000 et la Marine alignera quatre des cinq frégates furtives La Fayette inscrites en programmation.

        Les 21 programmes menés en coopération européenne absorberont 8 % des crédits de paiement du titre V en 2000 alors qu’ils n’en représentaient que 5,4 % en 1997. En 2002, ils consommeront 11 % des ressources prévisibles.

        Dans le domaine de l’espace, la coopération européenne connaît des difficultés. En matière de télécommunications spatiales, la France qui poursuit seule, après le retrait des Britanniques, la définition du programme qui succédera à Syracuse II négocie toujours la possibilité d’une coopération avec l’Allemagne. En matière d’observation, la revue de programmes de 1998 a conduit, après le retrait de l’Allemagne, à l’interruption du programme de satellite radar. Enfin, l’Espagne a renoncé à sa participation au programme de satellite Hélios II dont le lancement est prévu en 2003.

        Depuis le début de la loi de programmation militaire, les armées ont consenti un important effort de clarification dans la gestion des crédits du titre V (nouvelle nomenclature, développement de l’informatisation, suivi de la consommation des crédits en temps réel…).

        Abordant les activités des armées en 1999, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que les opérations extérieures avaient coûté environ 4,5 milliards de francs, soit un peu moins que prévu il y a quelques mois, en raison notamment de la réduction de la participation française à la KFOR rendue possible par l’arrivée de troupes d’autres pays. Le conflit du Kosovo qui a coûté globalement 2,8 milliards de francs a donné lieu à des dépenses particulièrement lourdes au titre V (1,6 milliard de francs) en raison des consommations de munitions.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu en soulignant que le projet de budget pour 2000 ne remettait pas en cause les objectifs de la loi de programmation militaire, alors que le conflit du Kosovo avait démontré que chacune des trois armées conservait une réelle capacité opérationnelle conformément à l’engagement pris pour la période de restructuration. Ainsi, malgré une légère érosion en nombre d’appelés et grâce au déroulement satisfaisant des processus de restructuration, le projet d’armée professionnelle conserve une bonne crédibilité au sein de l’institution militaire.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a néanmoins attiré l’attention de la Commission sur la nécessité d’être vigilant pour les budgets des années postérieures à 2000.

        Interrogeant le Général Jean-Pierre Kelche sur les enseignements tirés du conflit du Kosovo, le Président Paul Quilès a demandé si des aménagements des priorités et du rythme d’exécution des programmes lui paraissaient nécessaires au vu de cette expérience. Il a souhaité savoir si, dans le domaine aérien, ce conflit pourrait donner lieu à une révision des doctrines d’emploi et en conséquence des spécifications des matériels. Il a également demandé quelle politique il jugeait souhaitable dans le domaine des munitions, eu égard aux insuffisances constatées.

        Souhaitant que soit communiqué à la Commission l’état des personnels militaires présents dans les représentations diplomatiques françaises à l’étranger, M. Didier Boulaud a attiré l’attention du Général Jean-Pierre Kelche sur l’importance de leurs effectifs dans certains postes et s’est interrogé sur les critères d’affectation de ces personnels expatriés et donc coûteux.

        M. Guy-Michel Chauveau a d’abord interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur une éventuelle évolution de la doctrine française vers un emploi civilo-militaire de nos forces, notamment à la lumière de l’expérience du Kosovo.

        Puis, notant que les armées européennes appartenant à l’OTAN étaient numériquement bien plus nombreuses que celle des Etats-Unis, mais sensiblement plus pauvres en moyens budgétaires, il a demandé si un meilleur effort de complémentarité des dépenses militaires en Europe ne permettrait pas d’éviter des redondances et d’améliorer les capacités opérationnelles. Il s’est également interrogé sur le ratio entre les effectifs et les dépenses d’équipement dans les armées européennes et américaines.

        Il a enfin interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la coopération européenne en matière de recherche et de développement ainsi que sur le pouvoir d’impulsion et d’orientation des Etats dans ce domaine face aux groupes industriels de plus en plus puissants qui se constituent.

        M. Pierre Lellouche a demandé au Général Jean-Pierre Kelche s’il n’était pas possible d’envisager un système de financement des opérations extérieures qui n’obère pas les crédits disponibles pour l’entraînement des forces et la modernisation de leurs équipements. Il s’est demandé si une dotation ne pouvait pas être créée pour financer la partie constante, d’une année sur l’autre, des dépenses d’opérations extérieures. De la même manière, il a demandé si le surcoût en munitions du conflit du Kosovo réduirait les ressources des programmes en cours.

        Puis il a demandé au Général Jean-Pierre Kelche s’il était en mesure de chiffrer les corrections nécessaires pour les budgets des deux prochaines années. Enfin, constatant que les Etats-Unis avaient refusé de ratifier le Traité d’interdiction totale des essais nucléaires et avaient décidé d’engager des négociations pour modifier le Traité ABM de 1972, il a demandé quelles implications cette politique pourrait avoir à terme sur la dissuasion nucléaire française.

        Remarquant que les armées et en particulier, l’armée de Terre, éprouvaient des difficultés dans le recrutement des appelés, M. Charles Cova a souligné que, sur une ressource annuelle de plus de 250 000 jeunes, nos forces n’en avaient besoin que de 90 000 en 2000 et 60 000 en 2001. Désireux de proposer de nouvelles mesures pour assouplir les règles du report du service militaire, il a demandé au Général Kelche si les déficits constatés ne concernaient que certaines spécialités ou l’ensemble des postes encore occupés par les appelés.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants :

        — soulignant que les objectifs de l’intervention contre la République fédérale de Yougoslavie n’étaient pas d’infliger un maximum de dommages, ni de détruire un pays mais plutôt d’obtenir par une action progressive et mesurée un effet de découragement afin de faire céder le pouvoir yougoslave, il a estimé que l’utilisation de l’arme aérienne dans ce cadre ne constituait qu’un exemple parmi d’autres. Sa progressivité, son caractère prévisible pour l’adversaire, le souci de limiter dans toute la mesure du possible les dommages infligés aux populations civiles étaient contraires aux canons habituels de l’art de la guerre aérienne. Les contraintes spécifiquement militaires ne concernaient que la recherche de l’efficacité dans les tirs et la sécurité d’emploi qui conditionnait la durée de l’intervention. L’emploi des forces aériennes pourrait être différent dans le cadre d’un autre conflit où nos appareils auraient, par exemple, à appuyer des forces terrestres. Il serait donc hasardeux de revoir de manière radicale la doctrine d’emploi des forces aériennes sur la base d’un conflit qui peut être considéré, à certains égards, comme atypique. L’essentiel est de disposer d’un outil militaire aussi ouvert que possible dans ses capacités ;

        — s’agissant des munitions, la France ne s’est pas trouvée en rupture de stock. Néanmoins, les stocks constitués pour certaines catégories d’armements se sont révélés très limités, au point que des commandes de recomplètement aux Etats-Unis ont été nécessaires. La certitude qu’il était possible de racheter certaines munitions, si nécessaire, expliquait ce faible niveau des stocks ;

        — des informations peuvent être communiquées aux parlementaires sur les effectifs et la répartition des postes de personnels à l’étranger, question à laquelle le Chef d’état-major des Armées porte une attention soutenue. L’Etat-major des Armées est confronté en ce domaine à un problème de pénurie, notamment lorsqu’il s’agit de nommer des officiers dans les GFIM de l’OTAN ;

        — l’armée de Terre adapte ses doctrines d’emploi à la nature des engagements dans lesquels elle est amenée à intervenir. Ainsi, les capacités de mobilité et de puissance de feu du char Leclerc, initialement conçu dans la perspective de l’affrontement des deux blocs, ont permis de faire la démonstration de la force de la présence militaire alliée à l’égard des populations locales. Conjointement avec l’artillerie, le Leclerc contribue aussi à un dispositif permettant de dissuader les Serbes de toute action armée éventuelle ;

        — la comparaison du rapport entre effectifs et budget d’investissement en Europe et aux Etats-Unis doit être faite avec prudence. Ce type de raisonnement peut être fallacieux, comme l’exemple du Kosovo l’a montré : si l’Europe n’a assuré que 20 % des missions de frappe aérienne, c’est par choix et non du fait de capacités limitées. Le fait que son niveau de participation à la force terrestre déployée au Kosovo soit bien supérieur à celui des Etats-Unis résulte d’ailleurs tout autant d’un choix ;

        — en matière de complémentarité des systèmes de défense européens, il existe actuellement une volonté commune des Européens de passer des décisions politiques symboliques, telles que la constitution de la brigade franco-allemande, de l’Eurocorps, de l’Euromarfor, etc. à la mise en œuvre de systèmes opérationnels, que la France propose d’ailleurs depuis longtemps déjà. Tel est le sens de l’évolution de l’Eurocorps vers une force de réaction rapide et de la décision de doter l’Euromarfor d’une structure permanente nécessaire à sa crédibilité. La prochaine loi de programmation militaire devra prendre en compte ces perspectives de complémentarité intereuropéenne accrue. Elle devra cependant tout autant tenir compte du fait que la complémentarité a ses limites : d’une part, les coalitions d’Etats ad hoc qui se forment peuvent différer selon la nature de la crise ; d’autre part, la persistance d’intérêts exclusivement nationaux nécessite le maintien de capacités d’action autonomes pour la France ;

        — en matière de recherche et développement, la démarche adoptée est celle d’une sélection, au niveau national, des créneaux jugés prioritaires, qui sont ensuite présentés à nos alliés européens en vue de la constitution de partenariats de compétences croisées. Dans cette perspective, un pas important a été franchi avec la présentation au Royaume-Uni et à l’Allemagne du plan prospectif à trente ans, document de référence pour l’équipement à long terme de nos forces. L’étape du décloisonnement des planifications nationales, que la France a proposé à ces mêmes partenaires, n’a pas encore rencontré leur adhésion ;

        — la question du provisionnement des crédits nécessaires au financement des opérations extérieures est depuis longtemps objet de débats. L’orthodoxie budgétaire commanderait d’évaluer le socle de dépenses reconduit d’année en année et de le provisionner en loi de finances initiale. Faute d’une telle démarche, et le titre III ne pouvant assumer cette dotation sous enveloppe constante, le ministère de la Défense en est réduit aux deux expédients que sont le provisionnement minimal de crédits dans un article en loi de finances initiale (160 millions de francs en rémunérations et charges sociales dans le projet de loi de finances pour 2000) et l’annulation, en cours d’année, de crédits sur le budget d’investissement qui retarde d’autant la modernisation des équipements militaires, afin de gager des ouvertures de crédits pour financer les surcoûts en dépenses ordinaires.

        M. Pierre Lellouche a alors estimé nécessaire de créer un titre nouveau dans le budget de l’Etat, distinct des titres III, V et VI pour y inscrire les crédits destinés au financement des opérations extérieures. Des procédures seraient alors mises en place pour permettre la consommation des crédits de ce titre en fonction des besoins.

        M. François Lamy a fait observer que le problème du financement des opérations extérieures était régulièrement discuté à l’occasion des débats sur la loi de finances rectificative. Il a ajouté qu’aux termes d’une décision du Conseil de défense de mars 1997 distinguant les opérations extérieures normales et exceptionnelles, les secondes devraient être financées sans prélèvement sur les ressources de la Défense.

        M. Arthur Paecht s’est demandé s’il ne fallait pas faire appel au financement de l’organisation internationale sur le mandat de laquelle les opérations extérieures étaient exécutées.

        M. Pierre Lellouche a objecté que la pénurie des ressources de l’ONU rendait ce système difficilement praticable et que l’OTAN disposait déjà de procédures particulières de financement.

        Le Président Paul Quilès a rappelé que M. François Lamy préparait un rapport d’information sur la question du contrôle parlementaire des opérations extérieures, dans lequel il traiterait également des procédures permettant leur financement.

        Il a souligné que la Commission de la Défense reprendrait ce débat à l’occasion de l’examen de ce rapport d’information et du prochain projet de loi de finances rectificative.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a alors indiqué que les majorations de crédits prévues pour les munitions dans le projet de loi de finances pour 2000 avaient réduit d’autant les dotations destinées à la modernisation de l’équipement des armées.

        S’agissant du niveau des autorisations de programme demandées dans le projet de budget, il a constaté qu’il se traduirait par un report de certaines commandes globales, qui pèserait sur les dotations d’équipement de 2001. A cet égard, il a estimé nécessaire d’augmenter le montant des autorisations de programme dans le budget de 2001, afin de passer ces commandes globales. Il a indiqué que, pour les commandes globales prévues dès 2001 dans le cadre des trois programmes NH 90, M 51 et Rafale, environ 18 milliards de francs d’autorisations de programme seraient nécessaires.

        Evoquant enfin le refus du Sénat américain d’approuver le traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il a estimé qu’il aurait un impact considérable sur l’opinion mondiale et risquait de constituer un encouragement à la prolifération des armes nucléaires.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a toutefois indiqué que les orientations de la politique américaine n’étaient pas de nature à entraîner une modification de la doctrine de dissuasion française, en vertu de laquelle l’armement nucléaire de la France était dimensionné afin de faire face tant à une agression majeure qu’à celle d’un trublion de dimension régionale. On peut toutefois craindre que les trublions régionaux ne se multiplient après la décision du Sénat américain.

        De même, il a jugé grave la décision américaine de remettre en cause le traité ABM, tout en notant que la position française, pourtant rationnelle, n’était pas reçue par des interlocuteurs américains, qui ne comprennent pas que puisse être contesté aux Etats-Unis le droit de défendre leur territoire et leur population contre des Etats voyous (rogue states). Il a estimé que l’argumentaire français devait mettre l’accent sur le caractère inacceptable de la démarche bilatérale actuellement suivie par les Etats-Unis. Il a ajouté que ces initiatives risquaient d’alimenter la course aux armements dans certaines régions, telles que le Golfe, le sous-continent indien ou le sud-est asiatique, qui constituaient autant de zones où pouvaient apparaître des menaces de nature balistique.

        Rappelant que la doctrine classique française de dissuasion nucléaire conduisait à faire l’impasse sur les moyens de défense antibalistique, M. Pierre Lellouche s’est interrogé sur les conséquences stratégiques de l’évolution de la position américaine.

        M. René Galy-Dejean a souligné que le coût d’un programme de défense antibalistique avoisinait les 300 milliards de francs.

        Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé que la dissuasion offrait une garantie de sécurité crédible contre les menaces de tirs balistiques nucléaires. Il a par ailleurs exprimé ses doutes sur la possibilité d’édifier un bouclier antibalistique parfaitement étanche à l’échelle de l’Europe, ajoutant que vouloir suivre la voie des Etats-Unis en ce domaine reviendrait à s’engouffrer dans un piège financier similaire à celui qui avait été fatal aux Soviétiques lorsqu’avait été lancée l’initiative de défense stratégique. Il s’est néanmoins prononcé en faveur d’une vigilance accrue en matière de lutte contre la prolifération. La priorité n’en restait pas moins de construire un outil capable de faire face aux crises survenant en Europe.

        Revenant sur l’état des ressources en appelés, il a insisté sur la difficulté à prévoir le comportement des jeunes bénéficiant d’un report d’incorporation. Le déficit actuellement constaté porte sur de multiples emplois, pour lesquels des palliatifs partiels de sous-traitance sont étudiés.

        A une question de M. Arthur Paecht sur les problèmes d’effectifs du service de santé des Armées liés à la diminution du nombre d’appelés, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que la situation demeurait difficile aux niveaux de la sélection et du recrutement des personnels employés sur contrats civils.

        III. — AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS HEBERT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR L’ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

        La Commission de la Défense a entendu, le 13 octobre 1999, M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l’Administration du ministère de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000.

        Se proposant de présenter d’abord l’état de la professionnalisation en centrant son propos sur la situation du personnel civil, M. Jean-François Hebert, a indiqué qu’il aborderait ensuite les réformes de structures en cours, et en particulier la fusion imminente des administrations de la Défense et des Anciens combattants.

        Considérant que la professionnalisation se déroulait globalement bien, il a précisé que la Défense devrait compter 440 000 personnes (hors comptes de commerce) en 2002 contre 573 000 en 1996. L’objectif fixé pour l’année prochaine par la loi de programmation militaire et par le projet de loi de finances est de 474 000 personnes, prévision qui a toutes les chances de se réaliser. Les cadres, officiers et sous-officiers, dont le nombre doit diminuer (respectivement de 267 et de 15 500 unités en six ans) quittent les armées au rythme attendu, les départs prévus en 1999 étant déjà intervenus dès le 1er septembre. Il est très probable que les armées, notamment l’armée de Terre et l’armée de l’Air anticiperont, dans les mois qui viennent, les évolutions de l’année prochaine. Due en partie à la reprise de la croissance, cette situation favorable témoigne aussi de l’efficacité des mesures d’aide au départ mises en place par le ministère de la Défense : 156 officiers ont bénéficié cette année d’un pécule moyen de 450 000 francs tandis que 2 553 sous-officiers ont reçu une somme de 263 000 francs. Les crédits pour 2000 devraient permettre de continuer à encourager le départ de 192 officiers et 2 534 sous-officiers.

        Pour les années de la période de programmation restant à courir, l’effort continuera également à porter sur les congés de reconversion dont 3 700 militaires ont bénéficié en 1998. Ils devraient être 5 000 en 1999 et encore davantage en 2000 puisque les crédits consacrés à ce type d’action passeront de 15 à 17,5 millions de francs.

        La situation des engagés, dont le nombre doit croître de 44 552 à 92 527 en six ans, se présente tout aussi bien. Les objectifs de l’année 1999, tant en ce qui concerne les engagés volontaires de l’armée de Terre (EVAT) que les techniciens militaires de l’Air (MTA) ont été atteints dès le 1er octobre. Il convient de souligner la grande qualité des jeunes qui s’engagent, en dépit de la concurrence du secteur privé, ce qui augure bien de l’avenir.

        Malgré un manque de recul qui incite à la prudence, le même constat peut être fait pour les volontaires dont l’objectif de recrutement, fixé à 4 751 pour 1999, sera dépassé dès le mois de novembre.

        En dépit de variations saisonnières et géographiques, la transition vers la professionnalisation se réalise également conformément à la loi de programmation pour ce qui concerne les appelés dont le nombre de 99 000 cette année passera à 62 500 en 2000. Les conditions satisfaisantes dans lesquelles se déroule la réforme démontre la pertinence du choix d’une durée de six ans pour opérer une mutation aussi ambitieuse.

        Considérés comme des professionnels à part entière, les civils dont le rôle a été clairement défini par la loi de programmation constituent l’un des éléments du « noyau dur » de l’armée professionnelle. La diminution du format des forces conduit à affecter prioritairement les personnels militaires dans les emplois opérationnels, renforçant ainsi la place des personnels civils. Alors qu’à la veille de la professionnalisation, le ministère de la Défense comptait (hors DCN) environ 74 000 agents civils, ce chiffre devrait passer à 83 000 en 2002, soit 9 300 de plus (+ 12,3 %) en six ans ou 1 550 emplois supplémentaires par an en moyenne. De 13 %, leur part devrait passer à 19 % des effectifs totaux de la Défense, ce qui reste néanmoins inférieur aux taux observés dans les armées étrangères comparables.

        Le projet du budget pour 2000 prévoit l’ouverture brute de 3 487 postes supplémentaires, associée à une mesure nouvelle de sous-traitance gagée par des emplois non pourvus. Toutes ces créations ont été « pyramidées », c’est-à-dire qu’elles concernent tous les grades d’un même corps et pas seulement le premier d’entre eux. Au 1er septembre 1999, 9 925 emplois (6 500  de fonctionnaires et contractuels, et 3 500 d’ouvriers) étaient vacants, nombre qui devrait être ramené à 5 900 au 31 décembre de cette année du fait du recrutement en cours de près de 4 500 fonctionnaires. Mais ces données globales recouvrent des situations très variables d’un service ou d’une armée à l’autre. Il convient en outre de distinguer les fonctionnaires et les ouvriers d’Etat.

        Budgétairement, le ministère de la Défense compte, en 1999, 37 000 fonctionnaires et 7 000 contractuels. Le déficit prévisionnel de ces personnels devrait être de l’ordre de 2 000 emplois à la fin de l’année, soit 4,3 % de l’effectif total. M. Jean-François Hebert a rappelé que le ministère de la Défense est soumis à la « mise en réserve » de 1 100 emplois. Il a par ailleurs précisé qu’antérieurement, les forces armées perdaient chaque année plusieurs centaines d’emplois de fonctionnaires. Depuis 1997, la Défense figure parmi les rares administrations publiques qui bénéficient de créations nettes d’emplois, inversion de tendance qui n’a pu s’opérer immédiatement et qui a généré dès le début un déficit important (3 627 vacances au 31 décembre 1998). Les efforts engagés pour améliorer la situation portent à la fois sur une accélération des dates d’ouverture des concours et sur les modalités de leur déroulement (réduction des délais de procédure, amélioration de l’information des candidats, limitation de la mobilité géographique des lauréats des concours internes…) de manière à en améliorer le rendement.

        Au total, près de 7 800 emplois de fonctionnaires auront été créés entre 1997 et 2000 : environ 2 700 dans des corps administratifs, 2 100 dans des corps d’ouvriers fonctionnaires, 1 700 dans des corps techniques, 1 000 dans des corps de personnels paramédicaux et 300 dans des corps de personnels enseignants et de bibliothèque.

        Le ministère de la Défense compte 54 506 emplois d’ouvriers d’Etat en 1999 dont 32 000 dans les forces armées, 9 000 à la DGA hors DCN et un peu plus de 12 000 à la DCN. Au 31 décembre de cette année, 3 900 de ces emplois pourraient être vacants, ce qui correspond à un déficit légèrement plus faible que celui constaté au 31 décembre 1998 (4 026). Ces vacances ne procèdent nullement d’une désaffection des civils pour ces postes que les armées pourraient pourvoir sans difficulté grâce aux nombreuses candidatures dont elles disposent. Mais la gestion des personnels civils de la Défense, et singulièrement celle de la DGA, ayant longtemps été marquée par d’importants sureffectifs d’ouvriers d’Etat, on considère logiquement que les postes ouverts doivent être pourvus par mobilité interne en y affectant des agents issus de secteurs excédentaires. Les mesures du dispositif « formation-mobilité » qui accompagnent cette politique ont donné des résultats extrêmement positifs : en 1997, 1 600 personnes provenant essentiellement de la DCN ont rejoint les armées. En 1998, 750 autres agents ont effectué cette démarche et les prévisions portent sur 500 mutations pour l’année en cours.

        Mais ce mouvement s’est sensiblement ralenti à la DCN, les personnels concernés attendant le décret autorisant le dégagement des cadres à 52 ans, pris le 1er mai 1998, ainsi que l’annonce des orientations relatives à l’avenir de ce service industriel. Une relance de la mobilité est à présent indispensable si l’on veut atteindre les objectifs du plan qui fixe, pour 2002, à 12 500 (hors effet de l’aménagement et réduction du temps de travail) les effectifs de la DCN qui atteignent aujourd’hui 16 000 personnes. Un autre moyen de réduire les déficits consiste à obtenir de la Direction du Budget des autorisations exceptionnelles d’embauche. 150 emplois ont ainsi été ouverts en 1997 et 500 en 1998. D’autres ont été demandés pour 1999. Par ailleurs, la décision de limiter désormais le dégagement des cadres à 55 ans aux ouvriers dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration devrait se traduire par une réduction du nombre des départs intervenant en cours d’année.

        Considérant que certains postes ne requièrent pas les qualifications qui sont celles des ouvriers d’Etat, le ministère de la Défense développe également le recours aux ouvriers fonctionnaires et prévoit dans le cadre du budget 2000 de créer 1 100 emplois dans cette catégorie. Cette mesure suppose cependant un travail de différenciation entre les fonctions occupées par les uns et par les autres.

        Enfin, en contrepartie du gage de 1 100 emplois non pourvus, 216 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires seront consacrés à la sous-traitance. Ces ressources devraient permettre de recourir à des entreprises extérieures pour accomplir des tâches que ni les militaires, parce que ce n’est pas leur vocation, ni les civils, parce que ce n’est pas de leur niveau, ne souhaitent accomplir. Cette mesure, bien que modeste, est entourée de garanties : elle est réversible, suivie en gestion sur des lignes particulières et fait l’objet d’une délimitation précise de son champ d’application. Elle doit être replacée dans un contexte où, déjà aujourd’hui, la Défense consacre 2,8 milliards de francs à la sous-traitance.

        Compte tenu des différentes mesures prévues dans le projet de budget (sous-traitance, transformations et suppressions d’emplois), l’année 2000 devrait commencer non pas avec un sous-effectif d’ouvriers d’Etat, comme c’était le cas en 1999 (- 1 733) mais avec un léger sureffectif global (+ 325).

        Abordant les actuelles réformes de structure du ministère de la Défense, le Secrétaire général pour l’Administration a évoqué les nombreux chantiers juridiques nécessaires à leur mise en œuvre :

        — un grand nombre d’états-majors ou de directions se sont engagés dans la refonte plus ou moins poussée de leur organisation (Etat-major des Armées, Délégation générale pour l’Armement, Etat-major de l’armée de Terre, Direction générale de la Gendarmerie nationale, Direction du Renseignement Militaire, Direction de la protection et de la sécurité de la défense et commissariat de l’armée de Terre) ;

        — l’armée de Terre achèvera en 2000 sa réorganisation territoriale autour de cinq régions qui se substitueront aux neuf circonscriptions militaires de défense actuelles. Cette modification nécessitera de redéfinir le cadre des relations civilo-militaires ;

        — la transformation de la Direction des Constructions Navales en service à compétence nationale (SCN) directement rattaché au Ministre nécessite notamment deux décrets en Conseil d’Etat qui devraient être publiés au début de l’année prochaine ;

        — le Ministre a en outre demandé la création de deux nouveaux services. Le service d’entretien de la flotte, sous l’autorité du Chef d’état-major de la Marine, regroupera, sous une forme intégrée, des éléments dispersés entre la DGA et la Marine. Le service de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques des trois armées vise également à gagner en coût et en efficacité ;

        — le transfert du contrôle des armements, de la Direction des relations internationales de la DGA vers la délégation aux affaires stratégiques, est décidé.

        Toutes ces réformes, d’une ampleur exceptionnelle impliquent la préparation ou la modification de 150 décrets ou arrêtés.

        M. Jean-François Hebert a alors fourni des précisions sur la fusion des administrations de la Défense et des Anciens combattants. Il a rappelé que cette réforme était devenue indispensable sur le plan administratif, car le secrétariat d’Etat aux Anciens combattants est confronté, depuis plusieurs années, à une diminution de sa charge de travail : 5,5 millions de ressortissants il y a 30 ans, 4,5 aujourd’hui et probablement 2,2 dans 20 ans ; 1,6 million de pensionnés à la fin des années 1960, moins de 600 000 aujourd’hui. Le budget de 29 milliards de francs il y a 10 ans sera ramené à 25 milliards de francs en 2000. Les effectifs d’un niveau de 7 000 personnes – Office national des Anciens combattants (ONAC) et Institution nationale des Invalides (INI) compris – il y a 20 ans, s’établiront à un peu moins de 4 000 l’année prochaine.

        Le secrétariat d’Etat a effectué un grand nombre de réformes au cours de ces dernières années mais est parvenu au bout de ses capacités d’adaptation interne. Le ministère de la Défense a été choisi de préférence à celui des Affaires sociales, pour accueillir cette administration.

        Sur le plan politique, la sensibilité du monde combattant et son attachement à une organisation spécialement chargée de ses problèmes supposaient sa pleine adhésion à la réforme, engagée dès la nomination de M. Jean-Pierre Masseret en qualité de Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants auprès du Ministre de la Défense.

        De nombreuses consultations des associations nationales, notamment à l’occasion de leurs congrès entre mai et novembre 1998, et des associations départementales ont permis de préparer la réforme. Le consensus dégagé entre ces associations et le secrétariat d’Etat prévoit le maintien d’un interlocuteur de niveau ministériel au plan politique, d’un budget autonome finançant le droit à réparation et les actions en faveur de la mémoire, d’une direction d’administration centrale spécifique, de directions interdépartementales ainsi que de l’ONAC et de l’INI.

        Le Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants a vu son titre et ses attributions modifiés par le décret du 23 mars 1999 et est devenu Secrétaire d’Etat à la Défense chargé des Anciens combattants, son champ de compétence ayant été étendu parallèlement au service national universel, aux réserves militaires, au lien Armée-Nation et à la « politique de mémoire ».

        Concomitamment à cette réforme, les services du Secrétariat général pour l’Administration ont été réorganisés autour de ses quatre principaux domaines d’activité (finances, personnel, affaires juridiques et patrimoine), la direction du service national lui ayant été également rattachée.

        M. Jean-François Hebert a précisé que l’administration des Anciens combattants devrait se fondre au sein du Secrétariat général pour l’Administration du ministère de la Défense qui comptera alors deux directions supplémentaires : la Direction des Statuts, des Pensions et de la Réinsertion sociale, chargée du droit à réparation, et la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives. Le Secrétariat général pour l’Administration assurera également la tutelle de l’ONAC et de l’INI sous l’autorité du Secrétaire d’Etat.

        Le projet de budget pour 2000 comporte un transfert de crédits légèrement inférieur à un milliard de francs en provenance du budget des Anciens combattants. Cette somme correspond, au titre III, aux rémunérations des 2 000 personnes qui rejoindront la Défense (568 en administration centrale et 1 437 dans les directions interdépartementales) et à leurs moyens de fonctionnement (928,5 millions de francs au total), et aux titres V et VI, aux dépenses d’investissement des services concernés pour 20,3 millions de francs. Les crédits consacrés au droit à réparation, de même que ceux alloués à l’ONAC et à l’INI (24,1 milliards de francs au total) demeureront, quant à eux, identifiés dans un fascicule distinct.

        M. Charles Cova a souligné la nécessité de maintenir le cumul de la retraite proportionnelle avec la rémunération d’un emploi public et a contesté le principe du reversement du pécule lors du reclassement d’un militaire dans un emploi public civil. Il a également préconisé de proposer davantage de postes civils aux personnels militaires, sous réserve d’une adaptation éventuelle des règles relatives au pécule. Il a enfin relevé que la sous-traitance était à présent destinée à pallier les vacances de postes civils, alors qu’initialement ce besoin devait être satisfait par la mobilité des personnels de GIAT Industrie et de la DCN en sureffectifs. Il a observé enfin que les crédits du ministère des Anciens combattants subissaient une diminution de l’ordre de 2,6 milliards de francs alors que les responsabilités du Secrétaire d’Etat ont été élargies.

        M. Antoine Carré a souhaité obtenir des précisions sur les différences entre les statuts des ouvriers d’Etat et des ouvriers fonctionnaires.

        M. Alain Clary s’est inquiété du risque qu’un accroissement du recours à la sous-traitance dans le cadre de la professionnalisation se traduise par une baisse de la qualité des prestations fournies aux armées. Revenant sur la fusion entre l’administration du ministère de la Défense et celle du Secrétariat d’Etat aux Anciens combattants, il a souhaité avoir des précisions sur le devenir des Directions départementales et interdépartementales de cette dernière.

        M. Jean-François Hebert, Secrétaire général pour l’Administration a apporté les éléments de réponse suivants :

        — il est essentiel que les règles relatives au cumul de la retraite des militaires avec une rémunération d’activité ne nuisent pas à leur reconversion. Les dispositifs existants concernant les militaires sont donc à reconduire ;

        — la sous-traitance a pour objet d’améliorer le service rendu à moindre coût pour certaines fonctions. Elle ne saurait concerner les emplois publics par nature, comme ceux d’encadrement ou de contrôle ;

        — les responsabilités nouvelles du Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants sont prises en charge par les services et financées par les moyens du ministère de la Défense qui y étaient déjà dédiés ;

        — les différences de situation entre ouvriers de l’Etat et ouvriers fonctionnaires concernent non seulement leur recrutement, celui des seconds étant assuré par concours alors que les premiers s’inscrivent sur un registre d’embauchage et subissent un examen d’aptitude, mais également leur carrière, les ouvriers de l’Etat pouvant partir en retraite à 55, voire 52 ans à la DCN. D’autres différences existent dans leurs régimes de pension et de rémunération ;

        — la loi réserve un certain nombre de places de l’administration civile aux militaires. De l’ordre de 300 postes leur sont ainsi ouverts chaque année dans le cadre de la professionnalisation. Toutefois, tous ne sont pas toujours pourvus en raison de l’inadéquation du niveau de qualification des personnels concernés.

        IV. — AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES SYNDICATS DES PERSONNELS CIVILS DE LA DÉFENSE

        La Commission de la Défense a procédé, le 13 octobre 1999, à l’audition des représentants des syndicats des personnels civils de la Défense sur le projet de loi de finances pour 2000.

        Se félicitant de la tradition de rencontre et de dialogue qui s’était instaurée entre les organisations syndicales des personnels civils de la Défense et la Commission de la Défense à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, le Président Paul Quilès a insisté sur l’importance particulière que revêtait l’audition de ces organisations au regard des transformations de l’appareil de défense de la France. Il a souligné que la restructuration des forces armées était une nécessité pour répondre aux évolutions du contexte stratégique et que la modernisation des établissements industriels placés sous la tutelle de la Direction générale pour l’Armement (DGA) était impérative pour leur survie dans un environnement très concurrentiel, estimant que, pour mener à bien ces réformes, un accompagnement budgétaire adéquat, inscrit dans la durée, était nécessaire. Il a déclaré que, pour ces raisons, la Commission de la Défense porterait une attention particulière aux analyses formulées par les organisations syndicales ainsi qu’à leurs propositions.

        Tout en soulignant les limites, notamment en matière de contrainte de temps, de la procédure d’audition, M. Albert Sparfel, Secrétaire général de la Fédération syndicaliste de la défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés (FEDIASA) de Force Ouvrière, s’est réjoui de cette occasion offerte à sa fédération, à l’issue de son congrès triannuel, de présenter son analyse sur les conditions de la professionnalisation, d’une part, et sur la poursuite de la réforme de l’industrie d’armement et de la DGA, d’autre part.

        S’agissant tout d’abord de la professionnalisation, et notamment de l’évolution de la situation des personnels civils, il a rappelé que l’armée de Terre, principalement, mais aussi les autres armées s’engageaient ou allaient s’engager dans l’adaptation de leurs services de soutien jusqu’en 2002 et que cette seconde phase de la refonte des forces impliquait de manière plus nette la composante civile. Dans ce contexte, et eu égard aux déclarations du Président de la République et de la représentation nationale sur la place et le rôle des personnels civils, Force Ouvrière estime que les postes qui n’ont pas un caractère opérationnel doivent être attribués à ces personnels, fonctionnaires, ouvriers d’Etat et contractuels. Elle juge que les déclarations intempestives de certains responsables sur la rigidité prétendue des emplois civils n’est pas fondée. A ce propos, M. Albert Sparfel, au nom de la fédération qu’il représente, a déploré la très faible utilisation des instruments que constituent les statuts de contractuels et d’ouvriers temporaires notamment, s’inquiétant que le recours à la sous-traitance leur soit préféré pour assurer les fonctions de soutien.

        Il a estimé que plus grave encore était l’interdiction d’embauchage, en particulier d’ouvriers d’Etat, dans les armées, considérant que cette interdiction portait considérablement préjudice à leurs capacités, et déclaré que Force Ouvrière demandait la reprise immédiate de l’embauche pour pourvoir les quelque 5 000 postes non pourvus, dont 3 200 pour l’armée de Terre. Plus largement, Force Ouvrière demande une révision de la politique d’emploi au Ministère de la Défense et propose que l’embauche des ouvriers reprenne au niveau du groupe IV N, niveau d’embauche oublié, afin de permettre, d’une part, la réalisation des effectifs au niveau requis, d’autre part, le rééquilibrage de la pyramide des âges qui constitue un gage d’avenir à la fois pour les personnels, pour l’employeur et pour le régime des pensions. Par ailleurs, Force Ouvrière estime urgent d’ouvrir les emplois administratifs et techniques nécessaires à l’exécution des missions qui devront être confiées aux personnels civils et, en particulier, les postes d’encadrement technique et administratif, notamment de catégorie B, sérieusement déficitaires eu égard aux besoins.

        Au total, M. Albert Sparfel a indiqué que la fédération qu’il représente considérait qu’il serait mal venu de mettre en péril la professionnalisation en n’ouvrant pas les emplois qui en découlent et en ayant recours de manière excessive à l’externalisation. Il a, à ce propos, dénoncé les risques de mimétisme d’un modèle anglo-saxon, peu respectueux du caractère régalien attaché aux missions de la Défense et aux emplois de soutien qu’elle nécessite.

        M. Albert Sparfel a par ailleurs indiqué que Force Ouvrière refusait l’amalgame entre emplois civils et militaires, dont il a souligné la complémentarité en réaffirmant son attachement aux statuts des personnels et de la fonction publique. D’un point de vue strictement budgétaire, sa fédération considère que l’emploi de personnels ouvriers et fonctionnaires, pour leur juste mission et à leur juste place, est plus économique que celui des personnels militaires dans des postes non projetables ou que ceux pourvus par des marchands d’hommes qui n’ont démontré ni leur comportement citoyen, ni la pérennité des compétences qu’ils sont censés apporter aux armées.

        M. Albert Sparfel a ensuite souligné que, pour Force Ouvrière, les statuts actuels des établissements industriels de défense, qu’ils soient en régie, SCN (service à compétence nationale) ou autres ne constituaient pas un frein, ni un handicap économique dans le contexte industriel européen. Il a considéré, au nom de Force Ouvrière, que le changement de statut de GIAT Industries représentait un échec flagrant, dont il a estimé qu’il était dû à une gestion irresponsable, associée à l’abandon par l’Etat de son rôle de client et, surtout, de ses engagements, ce qui a entraîné l’entreprise dans une spirale de plans sociaux successifs. Il a demandé, au nom de Force Ouvrière, la création d’une mission parlementaire chargée d’évaluer de façon approfondie les conséquences des choix antérieurs en ce domaine et la capacité de la France à conserver un secteur vital pour sa défense.

        S’agissant de la direction des constructions navales militaires (DCN), il a souhaité que, plus qu’à la réduction du temps de travail qu’il appartient à ce service de négocier et de mettre en œuvre, les parlementaires veillent à ce que les conditions d’application de son nouveau statut de « service à compétence nationale » correspondent bien aux besoins et lui permettent de s’inscrire dans une nouvelle ère, qui ne soit pas une simple étape de son évolution technique, industrielle et économique. Les personnels sont eux prêts à s’engager avec toute leur foi et leur conviction dans ce projet, dès lors qu’il respecte l’esprit dans lequel le changement de régime économique qu’il implique a été initié.

        De manière plus générale, il a considéré que, du fait des conséquences extrêmement graves des restructurations sur la vie des familles, les dispositions d’accompagnement social devaient être appliquées sans restriction, et fait observer qu’à rebours, l’exiguïté des titres III et V engendrait de la part des employeurs des pratiques inacceptables d’économie, pouvant même toucher le domaine social.

        En conclusion, M. Albert Sparfel a souhaité, au nom de Force Ouvrière, que la représentation nationale demande qu’un effort non négligeable soit consenti pour améliorer et abonder le budget de la défense, afin de permettre aux armées de réussir la professionnalisation, de recevoir les équipements nécessaires et d’être en mesure de les maintenir en condition opérationnelle. Il a ajouté que la politique d’armement ne devait pas dépendre strictement de considérations économiques, sous peine de mettre un jour en péril la capacité opérationnelle des armées. Au moment où le ministère de la Défense a fait la preuve de sa rigueur de gestion, tant en équipement qu’en fonctionnement, il est indispensable qu’il recueille les dividendes de son action et bénéficie des budgets nécessaires, ce qui implique notamment un abondement substantiel du titre III.

        M. Jean-Louis Naudet, Secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l’Etat – CGT, a rappelé que l’audition des représentants des syndicats des personnels civils par la Commission intervenait au moment où se déroulait le débat parlementaire sur le projet de loi de réduction négociée du temps de travail, que les personnels du ministère de la Défense suivent avec intérêt. Il a ajouté que ces personnels agissaient, avec d’autres, pour que les agents de la fonction publique soient concernés par la loi sur la réduction du temps de travail, les rendez-vous historiques de progrès social étant si rares que celui-ci ne pouvait pas être manqué. Il a estimé que le Gouvernement et sa majorité parlementaire ne pouvaient pas s’arrêter au milieu du gué, en se montrant plus attentifs aux exigences patronales qu’aux aspirations des salariés et de leurs organisations syndicales, et que ce n’était pas du côté des continuateurs du Comité des Forges qu’il fallait chercher des appuis pour construire le progrès social et être au rendez-vous du vingt et unième siècle. Il a considéré que sa remarque valait aussi pour le Ministre de la Défense, alors que, dans les négociations engagées à la DCN, la direction a bien du mal à afficher un objectif d’emploi, en dépit des actions des salariés.

        M. Jean-Louis Naudet a ensuite indiqué que le projet de budget de la Défense pour 2000 était jugé socialement inacceptable, industriellement et militairement suicidaire, par sa fédération, estimant qu’il compromettait une nouvelle fois le présent et l’avenir par la poursuite d’une politique de reculs d’activités industrielles et d’abandons des missions d’Etat au profit de la privatisation et des achats sur étagères étrangères.

        A l’appui de sa dénonciation du caractère socialement inacceptable du projet de budget pour 2000, M. Jean-Louis Naudet a fait observer qu’il marquait un nouveau déclin de l’emploi. Il a demandé à la Commission de ne pas cautionner la méthode du Ministre de la Défense, dont il a estimé qu’elle consistait à camoufler des suppressions d’emplois en intégrant les 1 980 personnels civils du secrétariat des Anciens combattants alors que, dans le même temps, 1 000 emplois étaient supprimés à la DCN et 795 à la DGA. Il a de même souhaité que la Commission n’apporte pas sa caution à ce qu’il a considéré comme une manipulation ministérielle consistant à appeler créations d’emplois les 2 058 transferts de la DGA vers les Armées. Les membres de la Commission peuvent-ils accepter de voir leur vote de 1998 bafoué par la volonté du Ministre de transformer les crédits correspondant à 1 100 postes statutaires non réalisés à ce jour en dépenses d’externalisation, c’est-à-dire de privatisation de tâches et de missions actuellement remplies par des services et établissements d’Etat ? De même, peuvent-ils admettre qu’au 30 juin 1999, selon le ministère lui-même, 8 138 emplois budgétisés de personnels civils n’aient pas été réalisés ? Quant aux 1 451 millions de francs de crédits destinés à accompagner ou à anticiper les restructurations, il s’est demandé s’il était acceptable que l’Etat employeur octroie à l’Etat gestionnaire des fonds publics pour supprimer des emplois dans ses propres établissements, et a considéré que c’était tout aussi choquant que la pratique qui consiste à octroyer des fonds publics au patronat pour licencier, supprimer des emplois et délocaliser des entreprises. Il a souligné à ce propos que c’était le devoir des parlementaires de s’assurer du bon usage des deniers publics qu’il votaient. Enfin, il a jugé socialement inacceptables les 55 millions de francs de mesures catégorielles destinées aux personnels civils, alors qu’elles représentent 271 millions de francs pour les militaires.

        Développant son argumentation selon laquelle le projet de budget pour 2000 était industriellement et militairement suicidaire, M. Jean-Louis Naudet a jugé que la chute de 4,4 % en francs constants des crédits d’équipement était préoccupante et annonçait des jours difficiles pour le fonctionnement des établissements industriels et de soutien. Le Ministre de la Défense ne cesse d’insister sur la nécessité de dégager des gains de productivité quand, dans le même temps, les commandes de l’Etat sont souvent proches de zéro ; la flotte de surface conventionnelle continue à vieillir sans être renouvelée ; l’armée de Terre attend la décision politique d’industrialisation du VCI ; l’armée de l’Air est contrainte de prêter 2 milliards de francs à la Marine pour l’aider au financement d’une frégate antiaérienne. Peut-on accepter que la France soit dépendante demain d’Israël ou des Etats-Unis dans le domaine des douilles et munitions, une fois arrêtée la production de l’établissement de GIAT à Rennes fin juin 2000 ? Le dépeçage du groupe GIAT se poursuit et la France perd peu à peu sa maîtrise et sa souveraineté dans des domaines entiers de la production d’armement. Or, GIAT Industries a un besoin urgent et vital des programmes de VCI et de rénovation des AUF1. C’est pourquoi la CGT partage et soutient la démarche des délégués centraux de cette entreprise de demander la création d’une Commission d’enquête parlementaire sur son évolution.

        Quant à la DCN, elle va subir un plan d’entreprise drastique avec 5 000 suppressions d’emplois d’ici à 2002. Son organisation en branches se révélera très vite impossible à gérer, source de gâchis dont les salariés feront les frais. Sa transformation prochaine en service à compétence nationale fait craindre à la CGT que la prochaine étape soit sa privatisation, sans doute après 2002, ce qui ne garantira pas pour autant à la Marine nationale qu’elle disposera de bâtiments moins coûteux.

        Quant aux établissements des autres directions de la DGA, ainsi que ceux assurant le soutien des forces, ils sont de plus en plus dessaisis de leurs missions d’Etat pour devenir des sous-traitants d’entreprises privées.

        Au regard de ce constat, M. Jean-Louis Naudet a jugé que la satisfaction récemment affichée par le Délégué général pour l’Armement était indécente et symptomatique du comportement des barons d’entreprises qui n’ont d’yeux que pour les profits et n’éprouvent que haine pour les salariés. Il a considéré que la DGA était en pleine crise sociale et de confiance, tant sa réorganisation était menée à la hussarde, sans et contre ses personnels.

        Il a estimé que d’autres restructurations se profilaient et se préparaient dans le secret, évoquant notamment la mise en chantier, dès le début de 2000, d’une réforme des six services de programmes de la DGA. Il a jugé que ces décisions, comme celle annoncée par le Ministre concernant les exportations d’armement, s’inscrivaient dans une stratégie de disparition de la DGA, qui se fondrait ainsi dans l'OCCAR, Agence européenne de l’armement à la botte des grands groupes privés européens et transatlantiques de l’armement. Il a considéré que la mise en place d’un Conseil Général de l’Armement, annoncée par une dépêche de presse, répondait à cette stratégie d’abandons et de transferts de souveraineté au profit d’une structure supranationale de production d’armement.

        Militairement suicidaire, le projet de budget pour 2000 va se révéler douloureux pour nos armées : plus leur réforme avance et plus la France prend le risque de ne plus avoir d’armée en 2002. Elle risque de payer très cher, en termes d’indépendance et de souveraineté, le choix politique de celui qui a dit oui à une armée de métier et de ceux qui mettent en œuvre ce choix dans le cadre de l’intégration européenne en matière de défense et d’industrie d’armement. A cet égard, M. Jean-Louis Naudet a estimé que ceux qui parlaient de « début de casse de l’outil de la Défense » se devaient de ne pas oublier qui était à l’origine de la situation désastreuse que les armées connaissent, socialement, industriellement et militairement.

        Il a conclu que le projet de budget 2000 de la défense ne pouvait pas recueillir d’appréciation positive de la part de la CGT et rappelé que les propositions pour un budget de progrès social et d’emploi que cette organisation syndicale avait soumises aux groupes de la majorité il y a quelques mois restaient pleinement valables.

        Abordant tout d’abord l’évolution des crédits d’équipement, M. Daniel André, Secrétaire fédéral de la Fédération des établissements et arsenaux de l’Etat (FEAE)–CFDT, s’est inquiété que le projet de budget fixe, d’une part, les autorisations de paiement à 87,5 milliards de francs et, d’autre part, les crédits de paiement à 82,9 milliards de francs, ce qui représente un montant inférieur à celui prévu par la loi de programmation militaire et nécessite un rapide report de crédits de l’exercice 1999 pour atteindre l’objectif fixé par cette dernière. Il en a conclu que les crédits d’équipement militaire n’atteindraient probablement pas le niveau de ces dernières années, ce qui risque d’entraîner des conséquences fâcheuses pour les établissements industriels du ministère de la Défense et GIAT Industries, déjà en grande difficulté.

        Relevant ensuite que la présentation du projet de budget pour 2000 par le ministère de la Défense faisait état d’une augmentation des effectifs conforme à la loi de programmation, soit une progression de quelque 1 206 emplois, il a attiré l’attention de la Commission sur les ambiguïtés de ce chiffre qui dissimule en fait une forte déflation des personnels ouvriers de l’Etat affectant principalement la DCN tout en englobant plus de 2 000 postes provenant du Secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants. Il a estimé que le bilan réel de l’emploi au ministère de la Défense apparaissait, dans ces conditions, fortement négatif, alors même qu’il s’avérait nécessaire de procéder à des recrutements d’ouvriers, notamment pour le Service de maintenance de l’Aéronautique, afin de lui permettre d’assurer pleinement son plan de charge.

        S’interrogeant sur le gel de plus de mille postes, officiellement présentés comme non pourvus, qui permet de dégager 216 millions de francs pour augmenter les crédits destinés à la sous-traitance, il a exprimé la crainte que cette mesure, présentée comme réversible, perdure, ce qui conduirait à terme à une précarisation des emplois. Il s’est inquiété de la multiplication par quatre de cette dotation de sous-traitance dans le projet de budget, estimant qu’elle servirait à développer le plus souvent la précarité et les bas salaires, compte tenu notamment des facilités de gestion qu’elle autorise.

        Il a ensuite tenu à réfuter les arguments selon lesquels l’absence de mobilité des personnels civils risquerait, à terme, de contrarier la réussite de la professionnalisation des Armées. Faire porter la responsabilité des difficultés sur cette catégorie de salariés, présentée comme arc-boutée sur la défense de ses statuts et des avantages acquis, convient à certaines autorités qui ne sont pas spontanément enclines à recevoir des personnels civils. Souhaitant que les raisons objectives des dysfonctionnements constatés soient examinées, il s’est interrogé sur les causes d’éviction systématique des personnels civils de catégorie A ou B des postes de responsabilité en cas de mobilité, notamment dans les régiments. Il s’est également demandé qui devait être incriminé lorsque les indemnités de mobilité n’étaient toujours pas versées plusieurs mois après la prise effective de fonctions, s’étonnant que les mutations hors DGA soient si difficiles et souvent considérées comme relevant de convenances personnelles.

        Après avoir soulevé le problème particulier posé pour certains personnels de droit public par l’arrêt « Berkani » du Tribunal des conflits, il a jugé scandaleux que le ministère de la Défense licencie ces personnels qui ont parfois plus de vingt années de service au sein de la Défense, comme ceux de la base aérienne d’Apt, et pour lesquels toutes les possibilités de reclassement ne semblent pas avoir été épuisées par le Ministère.

        Soulignant que l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Défense constatait, comme les années précédentes, la pérennisation de la réduction des crédits de la défense, M. Jean-Yves Placenti a qualifié le projet de budget de la défense pour 2000 de budget de régulation permettant la réalisation de petites économies telles que les 2 millions de francs dégagés sur les crédits d’action sociale à la suite de l’adossement du Secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants au ministère de la Défense.

        Il a estimé que la France, à ce train-là, n’aura plus les moyens de sa politique de projection.

        Estimant que la « civilianisation » s’accompagnait d’une réaction militaire marquée par une défiance envers les personnels civils et par une confiscation systématique des postes de responsabilité sans nature opérationnelle, il a regretté que le ministère de la Défense ne prenne pas la mesure du problème et se contente de maintenir une politique de développement séparé par la création de corps destinés à n’être jamais projetés, tout en accordant aux familles de militaires des avantages dans les transports ferroviaires. Il s’est également inquiété de ce que la mobilité, la disponibilité et la souplesse qui sont demandées aux personnels civils, se traduisent par des reculs statutaires et des menaces sur leurs emplois. Il a jugé dramatique pour les personnels civils la politique de restructuration et de sous-traitance. Si les ouvriers d’Etat en sont les premières victimes, les ouvriers fonctionnaires qui les remplacent ne se voient offrir aucune perspective réelle de carrière.

        Réitérant l’opposition irréductible de l’UNSA-Défense à la politique de sous-traitance mise en œuvre et officialisée dans le projet de budget pour 2000, il s’est inquiété de la sauvegarde de l’outil de défense dans l’hypothèse où celui-ci serait confié à des intérêts privés ou corporatistes dans le cadre de marchés publics.

        Lourde de conséquences politiques tant en ce qui concerne le fonctionnement futur de la défense que le développement de la précarité de l’emploi dans les services du ministère, il a estimé cette orientation contraire à la politique active et ambitieuse de gestion des ressources humaines que l’UNSA-Défense appelle de ses vœux.

        M. Claude Hoffsteter, a ajouté que l’UNSA-Défense n’avait jamais manqué, lors des réunions du Conseil supérieur des personnels civils, d’appeler l’attention du Ministre de la Défense sur l’importance des compensations financières qu’il était indispensable de prévoir pour assurer l’accompagnement de la mobilité des personnels civils.

        Il a précisé que l’UNSA-Défense demande que soit mis en place, pour les personnels civils confrontés à des charges de mobilité, le pendant des « indemnités pour charges militaires » existantes. Soulignant qu’en l’état actuel des projets, rien n’est prévu à ce titre sinon quelques mesures insuffisantes de bonus en matière d’avancement de grade, il a dénoncé les démarches administratives actuellement engagées pour la suppression pure et simple du bénéfice de la tarification militaire dont bénéficient les agents civils encore tributaires d’une mobilité sur le réseau de la SNCF. Il s’est interrogé sur leur coïncidence avec le lancement par la SNCF d’une politique particulièrement favorable pour les familles de militaires, y voyant une intervention active du Ministre de la Défense.

        Face à cette situation, l’UNSA-Défense se demande si une telle politique de distorsion de traitement entre deux ensembles de personnels appelés à développer de plus en plus leur coopération est raisonnable et de nature à constituer un atout pour réussir la professionnalisation.

        Il a souligné en conclusion que l’UNSA-Défense attendait de la Commission de la Défense et des différents groupes politiques des propositions visant à inscrire des mesures conséquentes au budget de la Défense pour 2000, au titre de la mobilité spécifique des personnels civils.

        M. Jean-Pierre Dussaussois, Président fédéral de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la Défense, a estimé que le projet de budget pour 2000 ne permettait pas de lever les incertitudes sur l’avenir de ces personnels. D’une part, en effet, le projet de budget, hors pensions, présente une baisse de 1,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999 et, d’autre part, les crédits d’équipements qui y sont inscrits diminuent de 3,6 %.

        M. Jean-Pierre Dussaussois s’est inquiété des difficultés que ces évolutions laissent présager dans la modernisation des équipements et des locaux qui accueillent des personnels civils alors que les infrastructures nécessitent des travaux importants. Il a également regretté que les effectifs réels continuent à baisser et que les personnels civils restent en sous-effectif dans certains établissements.

        Evoquant la transformation de la DCN en service à compétence nationale, il s’est interrogé sur les conséquences de son retrait de la DGA et sur l’éventualité de modifications ultérieures de son statut.

        Il a ensuite exprimé sa préoccupation sur les points suivants :

        — l’intégration des programmes d’armement à l’OCCAR, dont le statut juridique international doit être fixé en 2000, va réduire la charge de la DGA ;

        — la volonté d’acheter des matériels « sur étagère » va mettre en péril l’industrie française de défense ;

        — l’externalisation des tâches à hauteur de 216 millions de francs se fera en gelant 1 100 emplois de personnels civils ;

        — les mesures catégorielles et l’amélioration du régime indemnitaire pour certains agents sont encore insuffisantes au regard de ce que peuvent espérer les personnels civils.

        Considérant que toutes ces mesures ne permettaient pas aux personnels civils des états-majors et services communs ainsi qu’à ceux de la DGA, d’envisager leur avenir avec sérénité, il a exprimé les doutes de la CFTC sur la volonté du Gouvernement de leur offrir des emplois durables au sein du Ministère de la Défense.

        Estimant que la réactivité des personnels civils reconnue à l’occasion de la préparation du conflit du Kosovo pourrait être affectée par l’absence de réponse satisfaisante à leurs justes revendications, il a conclu que le report à 2002 de l’application des trente-cinq heures constituait une frustration supplémentaire pour des personnels civils sur lesquels repose de plus en plus l’efficacité de la Défense nationale.

        M. Jean-François Munoz, Président de la fédération de l’encadrement civil de la défense de la CGC— Confédération française de l’encadrement, a relevé que le projet de budget pour 2000 était marqué par une augmentation légère du titre III de 0,1 % en francs constants, les rémunérations et charges sociales en constituant, du fait de la professionnalisation, les quatre cinquièmes au détriment du fonctionnement.

        Il a regretté la diminution de 4,4 % en termes réels des crédits de paiement des titres V et VI, constatant que la répartition entre les autorisations de programme et les crédits de paiement en francs courants était cette fois favorable aux premières (+ 1,70 % pour les autorisations de programme contre – 3,54 % pour les crédits de paiement).

        Il a reconnu le bon bilan global obtenu du point de vue de la consommation de crédits en 1998, de l’amélioration de la situation des reports de charges, divisés par quatre, et de la réduction des intérêts moratoires de 70 % depuis 1996.

        Il a relevé que les budgets de fonctionnement courant de la Marine et de l’armée de l’Air croissent respectivement de 21 % et 15%, tandis que l’armée de Terre augmente son taux d’activité prévisionnel et que les commandes pluriannuelles de matériels s’élèvent à 15 milliards de francs, dont 7 pour le M 51 et 2,8 pour l’AC3G-MP.

        Mais, il a déploré que les retombées financières des choix budgétaires apparaissent minces pour les personnels civils au regard de la situation des personnels militaires, dont les pécules croissent.

        Constatant que les industries de défense n’auront perdu que 3 000 emplois en 1998, contre 10 000 à 12 000 par an au milieu de la décennie, alors que le ministère de la Défense présentait une croissance d’emplois permanents de 19 297 postes, il a noté qu’un financement de 216 millions de francs pris sur des emplois vacants permettait un recours, considéré comme réversible, à la sous-traitance. Mais, la perte de 795 emplois par la DGA risque de menacer sa capacité d’expertise et d’intervention.

        M. Jean-François Munoz a regretté les diminutions de crédits affectant l’espace (- 15,3 %), s’inquiétant de l’incapacité de l’Europe à prendre collectivement ses responsabilités en ce domaine. Il s’est également inquiété de la réduction des crédits relatifs au nucléaire (- 4,5 %), tout en convenant que les travaux sur le SNLE-NG et l’ASMP-A n’étaient pas affectés. Il a admis que la décroissance légère (- 3%) des équipements classiques n’affectait pas non plus les programmes majeurs. Qualifiant de « raisonnable » la modernisation des équipements, il a exprimé le regret que les missions de nos armées soient à peine soutenues et que l’amélioration de leur capacité de projection avec l’ATF reste en gestation.

        Se félicitant de la mise en place de l'OCCAR, il a regretté que la DGA n’ait pas encore préparé sa restructuration en conséquence.

        Estimant que sa transformation en service à compétence nationale ne permettrait pas à la DCN d’être présente sur les créneaux commerciaux d’exportation ni d’améliorer suffisamment sa politique d’achats, il a exprimé le souhait qu’elle développe un partenariat avec les industriels, sans qu’un changement de statut soit nécessaire pour autant. Il a également déploré la baisse du plan de charge du Service de la maintenance aéronautique, jusqu’alors bien portant.

        Craignant que la modernisation de la gestion financière du ministère de la Défense soit paralysée par le manque de moyens informatiques, il a regretté les disparités dans la connaissance des coûts entre les établissements de la DGA et les conséquences qui en découlent sur les prix des prestations.

        Abordant les mesures relatives au personnel civil, il a regretté, comme chaque année, que les personnels contractuels soient toujours écartés du protocole « Durafour », mais a reconnu que les mesures catégorielles étaient raisonnables. Il a indiqué que les préoccupations majeures de son syndicat portaient sur l’aménagement et la réduction du temps de travail et la mobilité des personnels. Concernant le premier point, il a regretté l’attentisme de la DCN, qui semble vouloir connaître au préalable le résultat des négociations dans la fonction publique, tout en ne proposant actuellement qu’un dispositif ayant pour effet de brimer les cadres. Sur le second point, il a exprimé ses craintes concernant la préparation d’une charte de mobilité pénalisante au sein du ministère de la Défense et a déploré l’absence de publication par la DGA de la liste par centre des emplois supprimés.

        M. Bernard Cazeneuve a alors interrogé les représentants syndicaux sur les négociations relatives à la réduction du temps de travail.

        Soulignant que leur enjeu était considérable pour les établissements industriels dépendant du ministère de la Défense, et notamment la DCN, il a estimé qu’elles pouvaient contribuer, d’une part, à relancer le dialogue social et, d’autre part, à considérer les gains de productivité hors du prisme des réductions d’effectifs. Dans son volet défensif, le passage aux trente-cinq heures pourrait éviter des réductions d’effectifs et, par son volet offensif, il pourrait permettre des recrutements afin d’améliorer la pyramide des âges tout en maintenant des compétences.

        M. Albert Sparfel a reconnu l’importance des enjeux de la réduction du temps de travail, à condition que l’objectif de l’emploi soit considéré comme prioritaire, ce qui n’était pas le cas à la DCN. Il a souligné que la réduction du temps de travail ne devait pas entraîner de contraintes excessives pour les personnels. Il s’est également déclaré préoccupé des tentations de contournement des représentants syndicaux, pourtant mandatés pour représenter le personnel, par le biais de consultations directes.

        M. Jean-Louis Naudet a estimé que les organisations qui négocient actuellement la réduction du temps de travail au sein de la DCN font face à une direction qui s’arc-boute sur la question des horaires variables, au risque de faire échouer la discussion. Il a regretté que la création ou la préservation d’emplois, but principal du passage aux trente-cinq heures, soit absente des objectifs de la DCN. Il a déclaré avoir le sentiment que le Ministre de la Défense avait besoin d’un accord-cadre pour mieux faire avaliser des suppressions d’emplois. Mais l’échec des négociations est prévisible si la DCN reste figée et si des réponses ne sont pas apportées à certaines interrogations concernant notamment les rémunérations, les forfaits, les statuts et l’application des trente-cinq heures aux cadres. M. Jean-Louis Naudet a enfin regretté l’absence d’ambition de la DCN pour la reconquête de ses missions, estimant que la recherche des gains de productivité, si elle ne représentait pas un tabou pour son organisation, ne devait pas faire oublier la priorité de l’emploi.

        M. Jean-François Munoz a exposé qu'il ne comprenait pas comment les discussions sur la réduction du temps de travail pouvaient être aussi difficiles à la DCN, alors que des résultats positifs avaient pu être obtenus aussi bien dans certains établissements qu’au sein des forces armées elles-mêmes. Il a aussi fait observer que les discussions sur la productivité étaient rendues difficiles par l’inexistence d’instruments comptables permettant de comparer les coûts entre les divers centres de la DCN.

        M. Albert Sparfel a souligné que toute entreprise devait d’abord disposer d’un plan de charge. Il s’est demandé si, dans ce but, il ne serait pas souhaitable d’avancer la construction du second porte-avions, dont la Marine a besoin et qui représenterait pour la DCN un facteur de dynamisme analogue au VCI pour GIAT Industries.

        M. Claude Hoffsteter s’est inquiété de l’évolution du climat des discussions à la DCN, l’impression d’une écoute attentive s’effaçant progressivement au profit de celle d’une incertitude sur l’autorité en charge des décisions.

        M. Jean-Pierre Dussaussois a exposé également que l’absence de plan de charge rendait difficilement lisibles les stratégies de défense et de progrès de l’emploi à la DCN et que dans ces conditions il était difficile d’estimer combien de réductions d’effectifs prévues pourraient être évitées. Il a déploré qu’aucune garantie n’ait été donnée sur le maintien des salaires, voire des retraites, parallèlement au passage aux trente-cinq heures, et que le seul objectif apparent de la direction soit la fin des horaires variables.

        Evoquant la proposition qui avait été faite d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information de la Commission de la Défense sur les difficultés de GIAT Industries, M. Jean-Claude Sandrier a interrogé les représentants syndicaux sur les orientations qu’ils estiment souhaitables pour l’avenir de cette société. Evoquant les déficits de personnels civils, notamment dans l’armée de Terre, et soulignant que la situation actuelle était très insatisfaisante, les armées ne voyant pas leurs besoins satisfaits, les personnels étant mis en cause et les demandeurs d’emploi locaux étant privés d’embauche, il a demandé aux représentants syndicaux s’ils avaient consulté leurs mandants sur les incitations qui permettraient une meilleure mobilité, qu’il s’agisse de mesures indemnitaires ou d’un accroissement des promotions.

        M. Gilbert Desmurs, représentant l’UNSA Défense, a souligné que les implantations très spécifiques des grands camps de l’armée de Terre du nord-est du pays induisaient inévitablement des difficultés de recrutement, même sur des bases locales. Il a aussi déploré que les vacances de postes amènent l’armée de Terre à employer, sur des emplois normalement dévolus à des personnels civils, des jeunes engagés volontaires. Il a estimé que des primes de compensation devraient être accordées pour obtenir de meilleurs résultats en matière de mobilité.

        M. Albert Sparfel a considéré que, dans le cadre du choix politique qu’elles avaient fait de la construction de l’Europe de l’armement, les autorités politiques devaient expliquer clairement leurs orientations en matière de capacités de fabrication d’armement de la France. S’agissant des déficits de personnels civils, il s’est demandé si la réflexion récurrente aux termes de laquelle la mobilité trop fréquente des personnels militaires pouvait créer des difficultés pour l’efficacité du service ne devait pas être étendue aux personnels civils. Il a souligné que ces déficits avaient en réalité pour cause le lien qui avait été établi entre les difficultés de la DGA et les besoins des armées. Il a considéré qu’au stade délicat où était arrivée la professionnalisation, ces deux problèmes devaient être dissociés. Il a en effet observé que, quel que soit leur niveau de qualification, les postes à pourvoir étaient souvent d’une nature différente de celle des emplois éventuellement disponibles, cette caractéristique empêchant que les besoins des armées soient satisfaits, même lorsque la mobilité géographique était acquise.

        M. Jean-Louis Naudet a fait valoir que l’Etat devrait s’informer sur ce qui avait été fait au sein de GIAT Industries au cours des dix dernières années. Déplorant que les propositions formulées par les représentants du personnel n’aient pas été étudiées, il a exposé que l’ensemble des personnels s’inquiétait fortement de la viabilité de l’entreprise au-delà de l’exécution des commandes de chars Leclerc. Il a souligné que des pans entiers de compétences de l’entreprise continuaient à être supprimés et que, par exemple, la France allait être bientôt dépendante de l’étranger pour la fabrication des munitions et des armes de petit calibre, pourtant nécessaires à sa défense, ce contre quoi il s’est élevé.

        S’agissant de la mobilité, il a observé qu’on assistait à la confirmation des craintes exprimées lors de la décision de professionnaliser les armées, c’est-à-dire au risque de passage d’une mobilité volontaire à une mobilité imposée. Evoquant la nouvelle mesure imposant une mobilité de cinq années aux cadres techniques et administratifs en contrepartie de modestes perspectives d’avancement, il s’est déclaré opposé à une politique d’accumulation d’indemnités pour pourvoir certains emplois dans un contexte général de recul de l’activité, la différence entre les qualifications des personnels et les besoins des armées étant la cause d’un véritable gâchis de compétences.

        M. Jean-Pierre Dussaussois a remarqué que la mobilité constituait un frein à l’avancement des personnels civils contrairement à ce qui se passe dans le cas des militaires. Il a regretté que les promesses faites pour accorder des postes de responsabilité aux civils n’aient pas été tenues en raison de la nécessité pour les militaires de prendre des commandements. Enfin, il a mis l’accent sur l’inadéquation entre les postes proposés et les qualifications des ouvriers de la DGA.

        M. Guy Dubost, représentant la confédération française de l’encadrement (CGC), s’est interrogé sur la gestion des personnels civils par les militaires en rappelant que beaucoup croyaient que la professionnalisation consistait simplement à remplacer les appelés par des civils sans tenir compte suffisamment des qualifications et aptitudes. Il a considéré qu’il n’y avait aucune retombée effective de la mobilité, par exemple pour les attachés d’administration, que la gestion des postes au niveau local était défaillante. Il a fait valoir qu’il était nécessaire de mieux rémunérer la mobilité en clarifiant les raisons qui la rendaient nécessaire.

        M. Jean-Yves Placenti a souligné qu’il ne pouvait y avoir de gestion de la mobilité sans avantages matériels pour la rendre attractive.

        M. Daniel André a énuméré les raisons qui lui paraissaient expliquer les difficultés de mise en œuvre de la mobilité : l’absence d’offre de postes de responsabilité pour les personnels des catégories A et B, l’inadéquation des postes offerts par rapport aux qualifications, la faiblesse des mesures d’accompagnement en termes indemnitaires, l’absence de repyramidage et de perspectives d’avancement.

        M. Albert Sparfel a souligné la nécessité de ne pas opposer les populations civiles et les populations militaires ou les différentes catégories de personnels civils, par exemple les ouvriers d’Etat et les ouvriers fonctionnaires, alors que des personnes de statut différent peuvent occuper un même poste. Par ailleurs, il a appelé l’attention de la Commission sur la réforme du maintien en condition opérationnelle des équipements et sur la nécessité pour les armées de conserver des compétences dans les niveaux inférieurs de maintenance.

        Le Président Paul Quilès a proposé au rapporteur pour avis des crédits de fonctionnement de revenir dans son avis budgétaire sur la question de la mobilité des personnels civils et a estimé utile que la Commission puisse étudier la situation et l’avenir des industries de l’armement terrestre en France comme en Europe.

        V. — AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES ASSOCIATIONS DE RETRAITÉS MILITAIRES

        La Commission de la Défense a procédé, le 20 octobre 1999, à l’audition des représentants des associations de retraités militaires sur le projet de loi de finances pour 2000.

        M. Jean-Michel Bernard, représentant l’association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR), a tout d’abord appelé l’attention de la Commission sur la situation des lieutenants et sous-lieutenants, retraités avant le 1er janvier 1976 après avoir accédé à un grade d’officier au terme d’une longue carrière et dont la situation n’a pas été prise en compte par la grille Durafour. Ces retraités ou leurs veuves perçoivent une retraite inférieure à celle de leurs collègues restés sous-officiers. Un consensus semble s’être dégagé pour remédier à cette situation qui concerne une population peu nombreuse et en diminution constante mais des désaccords entre les administrations compétentes sur les moyens d’y parvenir empêchent de trouver une solution.

        Puis M. Jean-Michel Bernard a évoqué la situation des veuves allocataires dont le mari est décédé avant le 1er décembre 1964 en soulignant que, si leur allocation était inférieure au minimum légal, elles pouvaient obtenir sur leur demande une allocation complémentaire mais que la majoration ainsi accordée était récupérable sur leur succession dès lors qu’elle excède 300 000 francs. Il a alors demandé que la situation de ces veuves soit alignée sur celle des bénéficiaires d’une pension de réversion. Il a estimé qu’au minimum le seuil de patrimoine au-delà duquel la majoration était récupérée devait être porté de 300 000 à 500 000 francs. Puis il a fait observer les conséquences pénalisantes des effets de seuil pour les veuves titulaires d’une pension modeste qui perdent, pour quelques centaines de francs de pension par mois, le bénéfice d’aides diverses et s’est prononcé pour un lissage des disparités existantes.

        M. Henri Lacaille, président de l’Union nationale de coordination des associations militaires (UNCAM), a rappelé que les allocations de chômage versées aux anciens militaires étaient, jusqu’à la loi de professionnalisation des armées de 1996, réduites dans des proportions souvent importantes au prétexte qu’ils bénéficiaient d’une retraite considérée comme un avantage vieillesse. Il s’est donc félicité de la reconnaissance, par la loi de 1996, du principe selon lequel la pension militaire ne peut pas être considérée comme un avantage vieillesse avant l’âge de 60 ans. Il s’est toutefois inquiété de la persistance de litiges avec l'UNEDIC qui ont dû être tranchés par la Cour de Cassation.

        Il a également regretté que les anciens militaires âgés de plus de 60 ans ne soient pas concernés par les dispositions de la loi de 1996 alors que leur retraite est faible s’ils ont quitté les armées avant 45 ans et que les revenus que leur procure leur emploi civil leur restent souvent nécessaires pour faire face à leurs charges de famille.

        M. Pierre Ingouf, représentant la confédération nationale des retraités militaires et des veuves de militaires de carrière (CNRM), a souligné la volonté des associations siégeant au Conseil permanent des retraités militaires (CPRM), de développer une démarche commune dans l’expression des demandes des retraités militaires et de leurs ayants cause. Il a ajouté que cet effort d’union avait abouti à un renforcement du rôle et des modes de fonctionnement du CPRM dont il a fait valoir qu’il constituait le seul organisme réellement représentatif du monde de la retraite auprès du ministère de la Défense. Il a alors indiqué que le CPRM s’était doté d’une commission permanente apte à répondre rapidement à toutes les questions qui lui sont soumises. Puis, évoquant la loi sur les réserves, il a exprimé sa préoccupation à l’égard de la disposition ne soumettant que les anciens militaires de carrière ou sous contrat à l’obligation de disponibilité pendant cinq ans. Il a estimé que cette disposition, d’une part, créait une rupture d’égalité et, d’autre part, tendait à « professionnaliser » la réserve opérationnelle en raison de la faiblesse probable du nombre de volontaires. Il a émis la crainte que cette situation provoque un relâchement de l’esprit de défense et des relations entre la Nation et les armées.

        M. Bernard Lefevre, Président du Syndicat professionnel des Anciens Médecins des Armées (SAMA) après avoir souligné que son organisation est membre de l’UNCAM et partage, à ce titre, l’ensemble de ses préoccupations, a indiqué qu’elle a pour particularité essentielle de rassembler des médecins souvent bénéficiaires d’une retraite très partielle et qui entament une deuxième carrière dans un milieu lui-même en pleine crise.

        Il a alors souhaité attirer l’attention de la Commission sur l’ordonnance du 30 mars 1982, modifiée par la loi du 17 janvier 1986 relative aux possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d’activité, créant une contribution de solidarité à payer par l’employeur et pénalisant plus particulièrement ceux qui entament une deuxième carrière salariée. Précisant que l’application de cette disposition a pu être aménagée et repoussée d’année en année jusqu’au 31 décembre 1999, il a indiqué que le SAMA demandait son abrogation définitive ou, à défaut, un nouveau report. Insistant sur l’urgence à se préoccuper de cette disposition qui pouvait auparavant paraître socialement compréhensible mais qui se révélait en fait très injuste et discriminatoire pour tous ceux qui bénéficiaient uniquement d’une pension de retraite partielle, il a tenu à saluer l’action de M. Etienne Pinte, député des Yvelines, qui est intervenu à plusieurs reprises par des questions écrites à ce sujet. Il a alors souligné que la professionnalisation des armées, dont le corollaire est la possibilité amplifiée de carrières courtes et mi-longues, rendait encore plus nécessaire la modification de la législation dans ce domaine.

        Il a ensuite ajouté qu’un problème de portée beaucoup plus limitée mais moralement sensible concernait les médecins anciens combattants, qui souhaitaient bénéficier d’une retraite anticipée mais ne pouvaient y prétendre au motif qu’ils avaient droit à une retraite normale à 60 ans. Il a regretté que, de ce fait, ils perdent le bénéfice d’une retraite plus élevée pendant plusieurs années, ce qui apparaissait comme une situation particulièrement anormale pour des citoyens ayant mérité la reconnaissance de la Nation. Il a estimé qu’il était donc urgent que des dispositions plus favorables soient prises pour ce petit nombre de médecins, anciens militaires de carrière ou appelés.

        Evoquant enfin le problème des médecins des armées ayant passé tardivement leur concours de spécialité plusieurs années après leur assistanat, il a indiqué que le temps écoulé entre ces deux concours était actuellement considéré comme une période de formation et prolongeait l’engagement initial, ce qui empêchait le médecin de pouvoir bénéficier du droit de retraite après 25 ans de carrière, contrairement au statut des officiers. Relevant qu’une décision du Conseil d’Etat était actuellement attendue sur ce point, il a souhaité obtenir des précisions sur les intentions de la représentation nationale.

        Faisant part de la réflexion du SAMA sur les nouvelles orientations des armées, il a précisé qu’une conférence faite au CHEAR et intitulée « Quel avenir pour un syndicat dans l’armée ? » lui avait donné l’occasion de défendre le caractère constitutionnel du principe d’universalité du droit syndical qui devait selon lui s’appliquer également aux militaires, contrairement aux dispositions de l’article 10 du règlement de discipline générale des armées. Il a fait valoir à ce propos qu’une réflexion approfondie sur les conditions d’exercice du droit syndical en milieu militaire s’imposait, sa reconnaissance au sein d’une armée professionnelle, liée aux autres armées européennes, dont la plupart ont l’expérience de sa pratique, paraissant inévitable à plus ou moins court terme.

        M. André Arrouet, Président national de l’Union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR), a souhaité insister plus particulièrement sur la prise en compte de certaines indemnités et divers accessoires de solde pour le calcul de la pension de retraite.

        Déplorant le rejet systématique de cette revendication, sans cesse renouvelée, il a contesté le principe édicté à l’article L15 du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite, en vertu duquel seuls les éléments de base sont pris en compte dans la liquidation des pensions de retraite. Constatant que ce principe n’était pas toujours respecté puisque les refus actuels faisaient état de l’intégration de l’indemnité de résidence entre les années 1968 et 1982 puis de l’intégration progressive sur 15 ans, à partir de 1984 de l’ISSP dans le calcul de retraite des militaires de la Gendarmerie, il a relevé que d’autres catégories de fonctionnaires, relevant de ministères différents, avaient obtenu satisfaction pour des demandes de même nature au cours de la décennie écoulée.

        Après avoir rappelé qu’à l’occasion de la 59ème session du CSFM les militaires en activité avaient renouvelé leur demande de prise en compte des indemnités pour service en campagne dans le calcul des droits à pension et souhaité que les militaires de la Gendarmerie bénéficient dès l'âge de 50 ans de leur pension de retraite complète sur une base intégrant l’ISSP, il a estimé que l’on ne pouvait, sur cette question, opposer actifs et retraités.

        Il a enfin considéré comme particulièrement légitime de demander la prise en compte de l’indemnité pour charges militaires dans le calcul de la retraite afin de maintenir le pouvoir d’achat des retraités et en particulier des veuves, au moment où l’état des finances publiques connaissait une amélioration.

        M. Roland Candy, représentant l’Association nationale des Officiers de carrière en retraite (ANOCR) a préalablement précisé que son association avait pour vocation d’accompagner les cadres militaires dans leur reconversion professionnelle et de maintenir leurs liens de solidarité dans cette deuxième partie de leur carrière.

        Constatant avec satisfaction que les officiers ou sous-officiers quittant le service dans la trentaine parvenaient sans trop de mal à trouver un emploi acceptable, il s’est inquiété de ce qu’ils acceptaient souvent une régression sensible de leur niveau de ressources. Regrettant qu’une telle situation aggrave le traumatisme d’un départ forcé dans la majorité des cas, il a estimé que ses conséquences étaient également ressenties par les personnels restés en service dans les armées et dont le tour de départ approchait.

        Il a donc demandé que l’effort consenti pour la préparation de ce difficile passage soit maintenu et renforcé, notamment au bénéfice des plus jeunes, afin d’éviter que la profession militaire qui a toujours été la plus astreinte et la plus risquée des fonctions publiques ne devienne la plus précaire.

        Qualifiant la situation des cadres quittant les armées après 45 ans de beaucoup plus préoccupante, il a précisé que leur pension de retraite proportionnelle, après 25 années de service, ne correspondait, le plus souvent, qu’à une demi-solde. Or, à cet âge, les chances de trouver un emploi offrant un revenu complémentaire sont d’autant plus faibles qu’une large majorité des officiers ne disposent d’aucune expérience dans un métier intéressant les entreprises.

        Reconnaissant que ces départs étaient presque tous volontaires, il s’est interrogé sur le caractère fortement contraignant de l’environnement psychologique dans lequel l’administration formulait ses offres, et s’est déclaré préoccupé des effets que le risque de connaître une situation de gêne ou de précarité durant la quarantaine et la cinquantaine peut provoquer sur le moral des cadres susceptibles d’être concernés par les mesures de dégagement.

        Il a demandé si, dans de telles conditions, il ne serait pas envisageable de transférer une partie de l’effort financier d’incitation au départ volontaire vers une plus large possibilité d’intégration des cadres militaires dans la fonction publique civile. Il a relevé que, pour l’Etat, le coût d’une telle mesure ne devrait pas être bien supérieur à celui du dispositif actuel, puisque le versement de la pension serait différé à la fin des services civils.

        Il a en conclusion souligné le rôle que pouvait jouer la Commission dans la défense des intérêts professionnels des militaires jusqu’à ce que la loi leur accorde le droit d’association et la possibilité de les défendre eux-mêmes.

        M. Jacques Tupet, Vice-Président de l’Association des Officiers de la Marine (AOM), a rappelé que le bénéfice des emplois réservés aux anciens militaires dans les grandes administrations de l’Etat demeurait une forme de reconversion recherchée par les ayants droit, et ce d’autant plus que les ressources du marché du travail s’amenuisaient.

        Tout en reconnaissant que les diverses mesures prises pour l’aide à la préparation du concours des emplois réservés avaient amélioré les conditions d’accès, il a néanmoins fait état des modalités de nomination aux postes à pourvoir, qui entraînerait une relative incompréhension, voire le découragement des candidats et donnait lieu à une publicité négative auprès de leurs camarades militaires.

        Prenant l’exemple d’un candidat reçu à son examen avec la note N et inscrit à ce titre sur une liste d’attente pour le type d’emploi retenu et le département choisi, il a précisé que sa nomination ne pouvait intervenir qu’en fonction des emplois disponibles. Si elle était reportée à l’année suivante, cette nomination pouvait alors être empêchée par l’admission de nouveaux candidats dont les notes étaient supérieures.

        Il a considéré que, si le système avait sans doute sa logique interne, il paraissait discutable sur le plan de l’aide à la reconversion civile qui restait tout de même l’objectif premier des emplois réservés depuis leur instauration par le Second Empire. Il a donc proposé de revoir les modalités de nomination en privilégiant les candidats déjà inscrits et ajournés, une telle réforme interne à la fonction publique ne coûtant rien au budget. Il a estimé qu’en tout état de cause, il conviendrait, au moins, d’améliorer l’information des candidats sur les aléas des nominations, la nature des postes ouverts et leurs chances statistiques de réussite.

        M. Guy Ximena, Président adjoint de la Fédération nationale des Officiers mariniers en retraite et Veuves (FNOM), a insisté sur la convergence des revendications de son association avec celles des autres associations de militaires en retraite. Il a néanmoins souhaité attirer plus particulièrement l’attention de la Commission sur deux problèmes déjà abordés par des questions écrites de parlementaires.

        Evoquant la question des bonifications annuitaires, qui s’appliquent au calcul d’une pension après 15 années de service actif, il a précisé qu’elles étaient accordées lorsque le militaire remplissait certaines fonctions spécifiques sur un théâtre d’opérations ou sur des équipements particuliers tels que les sous-marins. Ainsi un militaire faisant valoir ses droits à retraite après avoir accompli vingt années de service actif et ayant acquis dix bonifications annuitaires, percevait une pension calculée sur trente annuités, soit 60 % de sa solde de base.

        M. Guy Ximena a souligné que seuls pouvaient avoir droit aux bonifications d’annuités les personnels réunissant les conditions requises pour percevoir la retraite proportionnelle, c’est-à-dire ayant accompli quinze ans de service actif. Les personnels qui ne remplissaient pas ces conditions perdent de ce fait toutes les bonifications acquises. Or, si jusqu’à présent les conséquences de cette disposition restaient marginales, le militaire engagé étant pratiquement assuré de rester quinze ans en service, la professionnalisation et les carrières courtes soulèvent de réelles difficultés. En effet, de nombreux militaires non renouvelés dans leurs fonctions après huit et onze ans de service risquent de perdre, non seulement un emploi, mais aussi des bonifications annuitaires, ce qui entraîne de fait une forte distorsion entre leur situation et celle des militaires ayant accompli au moins quinze ans de service actif.

        Précisant que le ministère de la Défense entreprenait des démarches auprès du ministère de l’Emploi et de la Solidarité pour régler cette difficulté, M. Guy Ximena a souhaité que le législateur lui accorde également une attention toute particulière.

        La prise en compte par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) des trimestres passés lors du service national obligatoire dans le calcul des pensions constitue le second point qui préoccupe la FNOM. En effet, la CNAV prend en compte les trimestres passés sous les drapeaux seulement pour ceux qui ont travaillé avant leur incorporation, ne serait-ce que lors d’un stage accordant un trimestre d’annuités. Etant donné qu’il faudra justifier à l’avenir de davantage de trimestres de travail qu’auparavant pour obtenir une retraite complète, la FNOM s’inquiète de l’accroissement des disparités de traitement qui résultera inéluctablement de cette disposition.

        M. Guy Ximena a également souligné que la CNAV validait dans certains cas de nombreux trimestres non cotisés et que la Cour des Comptes, dans un récent rapport, préconisait la validation de tous les trimestres de service national, même pour les personnes n’ayant pas exercé auparavant d’activité professionnelle.

        Se prononçant en faveur d’une intervention du législateur pour procéder à cette validation avec effet rétroactif en raison de la suspension du service national, il a souligné le souci des associations de militaires en retraite de prendre en compte également les intérêts professionnels des plus jeunes générations.

        M. Elie Gambier, Président de la Confédération française d’associations de retraités et pensionnés de la Gendarmerie, a indiqué que son association, composée uniquement de retraités de la Gendarmerie et de leurs ayants droit, était très attentive à l’évolution des nouvelles dispositions mises en œuvre dans le cadre de la professionnalisation des armées. Il a par ailleurs fait part de ses préoccupations à propos de plusieurs questions relatives à l’emploi des personnels de la Gendarmerie nationale, évoquant les nouvelles missions qui devaient incomber particulièrement à la Gendarmerie mobile dans le domaine de la police de proximité ainsi que l’accroissement du nombre de brigades de prévention de la délinquance juvénile et s’est demandé si l’ensemble de ces redéploiements pourraient s’effectuer dans de bonnes conditions sans augmentation des effectifs. Il s’est également interrogé sur les problèmes suscités par la mise en place progressive dans la Gendarmerie du nouveau système de volontariat, mentionnant le recrutement et la modeste rémunération des gendarmes adjoints. Il s’est inquiété des difficultés soulevées par le remplacement de 1 500 sous-officiers par 208 emplois d’officiers et par la création de 1 227 emplois d’appelés ou volontaires dont la montée en puissance apparaît en retrait par rapport aux prévisions de la programmation.

        Il a demandé que la Gendarmerie puisse obtenir les moyens financiers nécessaires pour faire face aux besoins nouveaux suscités par les missions et les tâches imprévisibles confiées à ses personnels. Soulignant que la protection des biens et des personnes était garantie par la Constitution, il a fait valoir que cette mission ne pouvait s’exercer au rabais alors que les menaces d’insécurité s’amplifient, comme l’attestent les zones sensibles et, après avoir souligné qu’une solide formation des personnels était nécessaire, il a estimé qu’il était inquiétant d’entendre parler d’un éventuel relâchement des liens entre les élus locaux et la Gendarmerie.

        Il a renouvelé les demandes de la CFARPG exprimées l’an passé, notamment la fixation d’un minimum décent pour les pensions de réversion allouées aux veuves des personnels militaires, certaines disposant de moins de 4 000 francs de revenus mensuels, l’augmentation progressive du taux, figé à 50 %, pour celles n’ayant pas d’autres ressources, l’assouplissement des conditions d’admission ou d’élévation dans les ordres nationaux non seulement pour les personnels d’active, mais également pour ceux qui, retraités, assument avec dévouement depuis de nombreuses années des responsabilités dans des associations à caractère social et de solidarité corporative, et la participation effective des associations nationales représentant les retraités militaires à l’ensemble des organismes consultatifs et de gestion, au même titre que les syndicats professionnels.

        M. Léon Lebrec, Président de l’union nationale de personnel en retraite de la Gendarmerie (UNPRG), a d’abord évoqué les difficultés d’hébergement des gendarmes adjoints. Faisant remarquer que ceux-ci n’étaient pas logés par nécessité de fonction mais simplement hébergés à titre individuel, il a souligné la distorsion qui était ainsi créée entre la situation qu’ils connaissaient malgré leur rémunération modeste et la faible aide sociale au logement qu’ils pouvaient percevoir et celles des jeunes gendarmes bénéficiant d’un logement avec leur compagne ou leur épouse.

        Evoquant alors la décision prise, dans le cadre de la « fidélisation », d’employer six escadrons de Gendarmerie mobile dans les zones urbaines dites sensibles, pour moitié en zone de Gendarmerie et pour moitié en zone de police d’Etat, il s’est inquiété de l’apparition de pratiques tendant à confier systématiquement aux gendarmes des missions que leurs homologues policiers ne veulent pas accomplir telles que les gardes statiques d’édifices publics.

        Intervenant au nom de l’ensemble des associations, il s’est ensuite inquiété du devenir des régimes spéciaux de retraite. Il a rappelé que le rapport Charpin envisageait d’aligner les régimes du secteur public sur le régime général et que, dans ce cas, il faudrait réunir 170 trimestres de cotisations pour pouvoir bénéficier d’une pension de retraite à taux plein, soit 42 années et demie d’activité, le retraité se voyant appliquer un taux dégressif, différencié dans le temps, en fonction du nombre de trimestres manquants. Il a exposé que compte tenu de l’âge moyen d’entrée dans la vie active et de l’âge limite de départ à la retraite fixé par les statuts des militaires, ceux-ci seront inévitablement pénalisés, la diminution du montant de la pension pour un militaire entré à 20 ans dans l’armée et parti à la retraite à 55 ans atteignant 27 % en 2009 et 36 % en 2019.

        Rappelant que le même rapport admettait la légitimité des régimes spéciaux quand ils sont justifiés par des spécificités, il a exposé que, dans cet esprit, un argumentaire avait été élaboré en janvier 1998 au CSFM en faveur du maintien du régime des pensions militaires de retraite, pour tenir compte des sujétions qui s’attachent au métier militaire, notamment dans la Gendarmerie.

        S’inquiétant du silence du ministère de tutelle, il a conclu que les personnels des Armées et de la Gendarmerie souhaitaient pouvoir être rassurés sur le devenir des pensions militaires de retraite.

        M. André Polet, Président de la Fédération nationale des retraités de la Gendarmerie, a exposé que, pour compenser le déséquilibre existant entre les statuts des gendarmes et des policiers, il serait nécessaire que l’ISSP soit intégré dans la retraite après 25 ans de service, et dès l’âge de 50 ans, pour les personnels de la Gendarmerie nationale qui effectuent les mêmes missions que leurs homologues de la Police nationale, indépendamment de la possibilité de pouvoir bénéficier d’une retraite proportionnelle à partir de 15 ans de service, qui n’était qu’une juste compensation des charges entraînées par un régime spécifique.

        Il a ensuite expliqué qu’une grille indiciaire spécifique de la Gendarmerie nationale devrait être instituée, permettant ainsi de supprimer des écarts de traitement entre les différents grades de l’échelle 4 des sous-officiers de Gendarmerie, la grille actuelle prévoyant un indice 426 majoré pour un gendarme à l’échelon exceptionnel, alors qu’elle n’accorde qu’un indice 417 majoré à un maréchal des logis-chef. Il a suggéré que les différents échelons accordés dans les divers grades puissent être répartis, dans le cadre de l’échelle 4, de l’indice 257 (élève-gendarme) à l’indice 472 (échelon exceptionnel d’adjudant-chef), cette nouvelle grille étant l’occasion de rééquilibrer les échelons des différents grades en tenant compte des responsabilités assumées.

        Après avoir assuré les représentants des associations que la Commission ferait part de leurs revendications au Gouvernement, M. Charles Cova, Président, a souligné que l’ensemble de ses membres avaient été tout particulièrement sensibles à la situation des sous-lieutenants et lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976 et à celle de leurs ayants cause.

        Soulignant qu’il était unanimement reconnu que ces personnes avaient été lésées, et rappelant que la Commission avait adopté une observation pour remédier à leur situation lors de l’examen de la précédente loi de finances, il a fait remarquer qu’un amendement d’initiative parlementaire en ce sens tomberait sous le coup de l’irrecevabilité financière instituée par l’article 40 de la Constitution.

        Il a alors vivement souhaité que le Gouvernement reprenne à son compte cette initiative, eu égard à la faiblesse des sommes en cause -deux millions de francs par an-, ainsi qu’au petit nombre, au grand âge et à la modestie de la condition des personnes concernées.

        Exposant ensuite qu’à titre personnel il était opposé à l’institution du syndicalisme dans les armées, il a fait savoir qu’il avait néanmoins demandé au Président Paul Quilès de procéder, dans le cadre d’un rapport d’information qu’il établissait avec M. Bernard Grasset, à une enquête auprès des militaires sur les questions relatives à leur droit d’expression et d’association, voire à leur droit d’être élus membres d’un conseil municipal.

        Rappelant que ce n’était pas la première fois qu’une telle enquête serait menée, puisqu’en 1974 Mme Florence d’Harcourt avait déposé un rapport sur le moral des armées qui traitait de questions semblables, il a indiqué qu’il entendait avec M. Bernard Grasset, procéder à des auditions nombreuses, sur le terrain, dans les bases aériennes, les régiments, sur les navires et dans les brigades de Gendarmerie, de militaires du rang, de sous-officiers et d’officiers.

        Sans préjuger des résultats de cette enquête, il a indiqué qu’à son avis, le dispositif qui pourrait être adopté devrait être construit de façon autonome, et non en référence à des modèles étrangers comme celui des armées allemandes.

        Après avoir remercié les représentants des associations de retraités militaires pour les informations précieuses apportées à la Commission, le Président Paul Quilès a tenu à apporter des précisions sur deux points particuliers :

        — estimant que la question du droit d’expression des militaires au sein des armées et de la société prenait une tournure nouvelle avec la professionnalisation, il a insisté sur l’importance de la mission d’information confiée sur ce sujet à MM. Charles Cova et Bernard Grasset et sur la possibilité pour la Commission d’aboutir à un consensus.

        Il a rappelé être à l’origine, à l’époque où il était Ministre de la Défense, d’une des premières initiatives favorisant l’expression des militaires au sein de la revue « Armées d’aujourd’hui ». L’armée se professionnalisant et son environnement se modifiant, le système d’expression des militaires doit certainement évoluer dans le cadre de réformes profondes ;

        — s’agissant de l’avenir des retraites, il a indiqué que, pour intéressant qu’il soit, le rapport Charpin faisait une bonne analyse de la situation, sans que ses conclusions engagent le Gouvernement. Mais le moment venu, le Parlement sera associé aux travaux relatifs à l’avenir des retraites et la Commission de la Défense nationale sera alors attentive à ce que les spécificités de la situation des militaires soient bien prises en compte.

        M. Gérard Charasse a déclaré avoir pris bonne note, en sa qualité de rapporteur pour avis du titre III de la Défense, des demandes exprimées par les représentants des associations de retraités, en particulier en ce qui concerne la situation des lieutenants et sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976 et celle des veuves allocataires.

        Insistant sur le fait que la professionnalisation allait se traduire par la gestion de carrières plus nombreuses et plus courtes, il a insisté sur l’importance des mesures de reconversion des anciens militaires. Il a également mis l’accent sur la nécessité de développer au sein des armées les procédures de concertation.

        M. Robert Poujade a estimé que, loin de se distendre, le lien entre la Gendarmerie et les élus locaux restait la plupart du temps très étroit.

        Par ailleurs, il a considéré qu’il serait fâcheux, sous prétexte d’affecter des gendarmes mobiles à de la police de proximité, que ceux-ci reçoivent la charge des gardes statiques.

        M. Georges Lemoine est intervenu pour souligner qu’il jugeait les liens entre la Gendarmerie et les élus, en particulier ruraux, excellents. Il a, également tenu à mettre en exergue le rôle que la Gendarmerie était appelée à jouer dans le domaine des réserves.

        Considérant les gardes statiques comme un mal parfois nécessaire, M. Bernard Grasset a assuré que les relations entre la Gendarmerie et les élus d’une part et la population locale d’autre part restaient excellentes. Il a également insisté sur la nécessité d’assurer aux militaires ayant effectué des carrières courtes ou moyennes de bonnes conditions de reconversion dans la perspective, notamment, du renforcement du lien entre la Nation et son armée.

        Rappelant que le projet de loi sur les réserves dont il était rapporteur venait d’être adopté définitivement, M. Michel Dasseux a considéré que l’obligation de disponibilité qui s’imposera pendant cinq ans aux anciens militaires ne rompra pas le principe d’égalité, puisque les personnes concernées s’engageront dans les armées en connaissance de cause.

        M. André Vauchez a insisté sur le fait que la Gendarmerie allait devenir la force militaire la plus présente sur le territoire, notamment en raison de la disparition de nombreux régiments d’autres armées. Il a estimé que l’organisation des journées d’appel et de préparation à la défense ainsi que la mise en œuvre des contrats locaux de sécurité en zones périurbaines contribueraient à la faire mieux connaître et à tisser des liens avec des administrations (éducation nationale, justice) ou des associations avec lesquelles elle ne travaillait habituellement pas.

        VI. — EXAMEN DE L’AVIS

        La Commission de la Défense s’est réunie le 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 2000, consacrés aux crédits du titre III et des personnels de la Défense, sur le rapport de M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis.

        M. Gérard Charasse, a estimé que le projet de titre III du budget de la Défense représentait une amélioration certaine par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Il a rappelé que ce projet se caractérisait, selon le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d’état-major des Armées, « par un respect des engagements de la professionnalisation », et « un arrêt de la dégradation du fonctionnement ».

        Le montant des crédits inscrits au titre III du projet de budget de la Défense s’élèvera hors pensions à 104,9 milliards de francs contre 103,9 pour l’exercice 1999. Ce chiffre, en augmentation de 1 %, englobe les 400 millions de francs provenant du budget du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants qui a fusionné cette année avec le ministère de la Défense.

        Comme chaque année depuis 1997, les rémunérations et charges sociales connaissent un accroissement (1,48 % pour 2000) tandis que les crédits de fonctionnement diminuent (- 0,9 %). De ce fait, les ressources consacrées aux rémunérations et charges sociales franchissent désormais le seuil de 80 % des crédits du titre III.

        Cette évolution s’explique aisément : d’une part, les emplois nouveaux, inférieurs en nombre aux emplois supprimés, sont globalement plus onéreux ; d’autre part, la restructuration des armées s’accompagne de coûteuses mesures d’incitation au départ. En contrepartie, la réduction du format des forces autorise une diminution de leurs crédits de fonctionnement courant.

        Les effectifs du ministère de la Défense s’établiront en 2000 à 474 000 emplois, en baisse de 4,9 %. Cette évolution traduit la forte diminution du nombre d’appelés (- 30 000) et de sous-officiers (- 3 600) tandis que sont créés de nombreux emplois de militaires du rang professionnels (+ 18 000), de volontaires (+ 5 000) et de personnels civils (+ 2 000). Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 intègre les personnels du secrétariat d’Etat aux Anciens combattants (+ 2 000) tandis que diverses mesures de redéploiement conduisent à la suppression de 2 900 emplois, essentiellement des postes d’appelés supprimés par anticipation.

        La déflation des effectifs de cadres, officiers et sous-officiers s’opère dans de bonnes conditions, notamment grâce aux pécules d’incitation au départ.

        Les cadres quittent l’armée à un rythme légèrement supérieur aux prévisions, ce qui permet à l’institution militaire d’anticiper les évolutions des années à venir. L’armée de l’Air, en particulier, n’est plus qu’à 1 % de la réalisation de son format professionnel.

        De la même manière, M. Gérard Charasse a souligné que le recrutement des engagés et volontaires se déroulait de manière satisfaisante.

        Malgré l’embellie de la situation de l’emploi, les jeunes gens et les jeunes filles se pressent pour s’engager dans l’armée française, ce qui permet à nos forces de sélectionner de manière adéquate les candidats. C’est ainsi que l’objectif de l’année 1999 a été atteint dès le 1er octobre et, grâce aux 15 000 engagés de l’année, le total des militaires du rang professionnels dans l’armée française a été porté à plus de 68 000. Par ailleurs, l’augmentation du taux de sélection se traduit par une élévation du niveau scolaire, près du tiers des militaires du rang recrutés ayant, soit le baccalauréat, soit un niveau de fin d’études secondaires.

        Le volontariat, qui correspond à un engagement plus court, se met également en place dans les conditions prévues pour 1999 et l’objectif de 27 000 volontaires à l’horizon 2002 paraît réaliste.

        Puis, M. Gérard Charasse a insisté sur la situation, plus difficile, des civils. Le projet de budget pour 2000 prévoit, dans le strict cadre de la loi de programmation, la création d’environ 3 500 postes de civils.

        Or, à la date du 1er septembre 1999, 9 925 postes étaient vacants, situation que le rapporteur a qualifiée de grave. Ces emplois vacants se divisent en deux catégories : 6 500 emplois de fonctionnaires et 3 500 emplois d’ouvriers environ. La situation devrait s’améliorer rapidement pour ce qui concerne les fonctionnaires : l’organisation de concours, le raccourcissement des délais de prise de fonctions des lauréats et un certain nombre d’autres mesures techniques devraient permettre de pourvoir environ 4 500 postes d’ici la fin de l’année. M. Gérard Charasse a fait observer, à cet égard, que certains de ces postes pourraient être proposés aux personnels des entreprises d’armement. Il restera alors environ 2 000 postes de fonctionnaires vacants ce qui, compte tenu des emplois « gelés » par décision interministérielle et d’un habituel « volant de gestion », constitue un plancher.

        La situation des postes d’ouvriers d’Etat est plus complexe : le ministère des Finances interdit toute embauche en raison des sureffectifs constatés principalement à la DGA et à la DCN. Les mouvements de redéploiement de personnels, qui tendent à se ralentir, sont difficiles, étant donné que les ouvriers d’Etat ne sont pas soumis à l’obligation de mobilité. Il en résulte un déficit pour les armées et en particulier pour l’armée de Terre qui estime ses besoins non satisfaits à environ 3 700 postes.

        Le rapporteur pour avis a donc insisté sur la nécessité de relancer la mobilité pour, d’une part, atteindre les objectifs de la loi de programmation qui fixe à 12 500 l’effectif d’ouvriers de la DCN contre 16 000 actuellement et, d’autre part, pourvoir les emplois actuellement vacants au sein des forces. Dans l’attente de cet ajustement, M. Gérard Charasse a déclaré qu’il soutenait les démarches du ministère de la Défense pour obtenir de la Direction du budget des autorisations exceptionnelles d’embauche afin de pourvoir aux cas les plus difficiles et les plus urgents.

        Par ailleurs, en contrepartie du gage de 1 100 emplois non pourvus, 216 millions de francs de crédits de fonctionnement vont être consacrés à la sous-traitance. Cette mesure qui doit être replacée dans un contexte où, déjà aujourd’hui, la Défense consacre 2,8 milliards de francs à la sous-traitance, est entourée de garanties : elle est réversible, suivie en gestion sur des lignes particulières et fait l’objet d’une délimitation précise de son champ d’application.

        M. Gérard Charasse a ensuite examiné la situation des appelés. Il a noté que, si le civisme dont font preuve les derniers appelés doit être souligné, le nombre des dispenses, exemptions et reports accordés aux jeunes gens, notamment pour des motifs sociaux, augmente régulièrement, creusant le déficit par rapport aux prévisions d’effectifs. Ainsi, l’armée de Terre souffre actuellement d’un déficit de 12 % d’appelés qui continue à croître. M. Gérard Charasse a souligné que, si cette situation mérite l’attention, il ne fallait pas pour autant la dramatiser, les armées devant s’habituer à l’absence complète d’appelés d’ici trois ans. Conscientes de cette situation, les autorités militaires considèrent néanmoins que les derniers appelés demeurent nécessaires pendant l’actuelle phase de transition et soulignent qu’une suspension prématurée du service national aurait de très graves conséquences.

        Indiquant que, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, les crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, continuent leur mouvement de réduction dans le projet de budget pour 2000, M. Gérard Charasse a toutefois relevé que cette réduction, plus modérée et inférieure aux économies induites par les réductions de format, marquait une rupture par rapport aux baisses drastiques enregistrées dans les lois de finances précédentes.

        Ainsi, l’armée de Terre pourra augmenter son taux d’entraînement avec une activité de 73 jours en 2000 contre 70 en 1999. Des crédits supplémentaires seront affectés à l’entretien immobilier ou à l’entretien programmé du matériel. De la même manière, les moyens de fonctionnement courant des unités de la Marine connaissent une évolution qui permettra de compléter les ressources affectées à certains postes de dépenses structurellement sous-dotés.

        Malgré cette évolution encourageante, M. Gérard Charasse a admis que certaines préoccupations demeuraient : le taux d’activité de l’armée de Terre, même en augmentation, reste encore trop bas ; les hypothèses économiques sur lesquelles ont été calculées les dotations en carburant paraissent bien optimistes ; l’entretien des grosses unités de la Marine, fréquemment sollicitées, semble se faire de préférence à celui des bâtiments qui, pour être plus petits et moins médiatiques, n’en sont pas moins utiles.

        Ainsi que la plupart des Chefs d’état-major des Armées l’ont laissé entendre, le rapporteur pour avis a considéré que l’amorce de redressement dans le projet de budget pour 2000 des crédits de fonctionnement courant était un signe réellement encourageant, mais qui devrait être confirmé dans les années 2001 et 2002.

        En conclusion, M. Gérard Charasse a souligné que le projet de titre III du budget de la Défense était conforme à l’étape fixée pour l’année 2000 par la loi de programmation dans le cadre du processus de professionnalisation des forces.

        S’agissant des appelés, le Président Paul Quilès a attiré l’attention sur la situation délicate qui pouvait être créée localement par les refus de renouvellement de sursis prononcés par les Commissions régionales. Rappelant que l’an dernier encore, les chefs d’états-majors se félicitaient du civisme des jeunes Français face à l’appel sous les drapeaux dans le cadre d’un service national pourtant en voie d’extinction, il s’est déclaré inquiet que des décisions maladroites ne suscitent des réactions inverses et a souligné qu’il pourrait alors devenir difficile de faire accepter à des jeunes Français l’obligation d’abandonner leur emploi pour se soumettre à une sujétion en cours de disparition et dont la suspension est programmée à brève échéance.

        Il a ensuite fait valoir que, même si le surcoût total des opérations extérieures ne pouvait être estimé chaque année à l’avance, il était certain, à chaque début d’exercice, qu’il ne serait pas inférieur à un seuil déterminé et suggéré en conséquence que la loi de finances pour 2000 soit l’occasion de prévoir une provision destinée à couvrir le seuil minimum des dépenses sur la base, par exemple, des surcoûts constatés sur les dix dernières années.

        Enfin, après avoir relevé que le rapporteur avait exposé que la loi de finances était en cohérence avec la loi de programmation en matière d’effectifs, il lui a demandé s’il en était de même en ce qui concerne le bilan financier.

        Evoquant les difficultés rencontrées pour pourvoir les postes budgétaires de personnels civils créés dans le cadre de la professionnalisation, et relevant que ce motif était invoqué pour justifier l’extension des recours à la sous-traitance, M. Robert Gaïa s’est demandé si cette externalisation, qui était présentée comme provisoire, le resterait vraiment.

        Rappelant que lors de l’audition des personnels civils de la Défense, il s’était engagé à prendre une initiative de nature à satisfaire les revendications des sous-lieutenants et lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976, M. Charles Cova a demandé au rapporteur d’approcher le Ministre de la Défense de façon à ce que celui-ci s’engage à reprendre cette initiative dans la mesure où un amendement d’origine parlementaire tomberait sous le coup des dispositions de l’article 40 de la Constitution.

        Il a déclaré rejoindre les préoccupations du Président Paul Quilès en matière de report d’incorporation, l’expérience montrant que les Commissions régionales rendaient des décisions contradictoires pour des situations de même nature, voire identiques. Il a exposé que la proposition de loi qu’il avait déposée avait pour objectif de remédier à cette difficulté.

        M. Jean-Noël Kerdraon a estimé dangereux le lien établi entre les sureffectifs de la DCN et les vacances de postes civils dans les forces. Il a exprimé la crainte que ces vacances de postes servent de justification pour des réductions de dépenses par le recours à la sous-traitance notamment et qu’elles constituent un facteur de rigidité lors de l’attribution des reports d’incorporation, les postes d’appelés subsistant en devenant d’autant plus indispensables. Il a estimé que ces deux considérations militaient pour que les postes vacants de personnels civils soient pourvus en tout état de cause. Il s’est enfin inquiété des difficultés que pouvait créer la diversité des statuts d’ouvriers pour tenir des emplois de même nature, notamment dans de petits établissements.

        Le rapporteur pour avis a répondu qu’il faisait siennes les remarques et les préoccupations exprimées concernant les appelés et le financement des opérations extérieures. Il a ajouté qu’un bilan financier de la professionnalisation serait demandé au Ministre. Il a également convenu qu’il était nécessaire d’inciter le Ministre à déposer un amendement pour régler la situation des sous-lieutenants et lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976. Enfin, s’agissant des vacances de postes de personnels civils, il a précisé qu’il existait des implantations pour lesquelles on ne trouvait effectivement pas de personnels à recruter pour remplir certaines tâches.

        VII. — AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE, SUR LES CRÉDITS DE SON MINISTÈRE EN SÉANCE OUVERTE AU PUBLIC ET À LA PRESSE

        La Commission de la Défense a procédé, le 3 novembre 1999 au matin, à l’audition de M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur les crédits de son ministère au cours d’une séance ouverte au public et à la presse dont le compte rendu figure ci-après.

        M. Paul Quilès, Président de la Commission de la Défense - Nous allons procéder à l’examen des crédits militaires pour 2000 en présence du Ministre de la Défense ; cette séance de notre Commission sera ouverte au public et à la presse. Nous expérimentons là une nouvelle procédure qui vise à rendre les débats plus vivants. Elle se substitue pour une part à la discussion générale en séance plénière, devenue un peu formelle et routinière. Une nouvelle forme de discussion générale aura lieu en séance publique le 10 novembre, rappelant la procédure d’examen simplifié : seules seront exprimées, brièvement, les positions du Gouvernement, des Commissions et des groupes.

        Nous disposons d’un temps limité et je demande à chacun d’être très synthétique en faisant ressortir les points importants. D’abord le Ministre présentera le projet de budget, puis je prendrai la parole quelques instants. Jean-Michel Boucheron interviendra en tant que rapporteur spécial de la Commission des Finances, puis Jean-Bernard Raimond en tant que rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères. Nous entendrons la réponse du Ministre, puis les interventions des neuf rapporteurs pour avis de la Commission de la Défense. Le Ministre répondra à nouveau et ensuite les groupes pourront s’exprimer. Le Ministre conclura par une réponse finale.

        Certains d’entre vous m’ont fait remarquer que les documents n’étaient pas disponibles avant la séance. Je rappelle qu’il s’agit d’une procédure expérimentale qui ne permet pas aux députés de se prononcer ce matin sur les rapports. Les avis des commissions ne pourront être exprimés qu’après le débat de cet après-midi.

        Si vous n’avez pas les rapports, vous disposez en revanche du dossier de presse et du compte rendu des débats et des auditions de la Commission. Vous avez également trouvé dans cette salle les notes de présentation rédigées par chaque rapporteur. L’intervention des groupes prendra la forme d’une interpellation du Ministre. Ils ne pourront se prononcer sur le budget qu’après ses réponses et au vu des rapports des commissions présentés en séance plénière.

        M. Alain Richard, Ministre de la Défense - Je me réjouis que nous testions ensemble cette nouvelle procédure. Il nous appartient à tous de la rendre vivante. J’irai donc à l’essentiel en présentant les grands traits de notre politique de la défense. Le contexte international dans lequel nous vivons éclaire les choix opérés ces dernières années en matière de défense avec le livre blanc de 1994, puis la réforme de la loi de programmation de 1996, assumés par ce Gouvernement. Certains autres pays européens vont d’ailleurs dans la même direction. En même temps, il n’y a pas de certitude définitive en ce domaine, chaque événement, chaque crise nous amène à envisager des ajustements de notre politique.

        Ce qui caractérise ces années 1999-2000, c’est que la transformation de l’outil de défense se poursuit sans à-coups. La marche vers l’armée professionnelle se déroule conformément à la loi de programmation et se traduira dans ce budget par la création de 8 300 emplois militaires du rang, 6 500 emplois de volontaires et 1 600 emplois de civils.

        Comment ces nouveaux postes seront-ils pourvus ? Schématiquement on peut dire qu’il y a peu de problèmes pour les personnels militaires, que le déficit en personnels civils devrait se réduire progressivement, en dépit de difficultés d’ajustement géographique, enfin qu’il subsiste un certain déficit pour les appelés. Sur ce point je rappelle cependant qu’il faut comparer les effectifs de chaque année au moment de la rentrée car c’est alors que se mettent en place les unités nouvelles. Ainsi calculé, le déficit reste tout à fait supportable.

        Les moyens de fonctionnement sont en augmentation grâce à l’insistance de beaucoup d’entre vous et grâce aussi à un réexamen détaillé du titre III. Il subsistera encore quelques insuffisances sur certains chapitres en partie compensées par des progrès de gestion.

        La loi sur les réserves a été adoptée définitivement et les moyens se mettent en place.

        Pour la première fois, les crédits du secrétariat aux anciens combattants sont maintenant complètement intégrés au budget de la défense.

        La situation du recrutement est encourageante : il y a de nombreux candidats pour les postes créés, ce qui permet une certaine sélection. Les crédits prévus pour les rémunérations et charges sociales comportent un poste de 300 millions de francs pour le relèvement des bas salaires. La politique de reconversion professionnelle des militaires permet une rotation rapide et on constate de nombreuses reconversions réussies. Les aides à la mobilité, qui étaient déjà importantes, atteindront 1,9 milliard de francs cette année et permettront le nécessaire rééquilibrage par unité, par spécialité et par tranche d’âge.

        La reconversion professionnelle des personnels civils se passe bien. On constate cependant que les facteurs géographiques freinent leur mobilité : certains hésitent à changer de région en raison de la moindre attractivité de la nouvelle zone d’affectation proposée mais surtout par crainte de ne pas y trouver d’emploi pour le conjoint, et cela en dépit d’aides à la mobilité relativement importantes. Je pense que le temps permettra de combler ce déficit. Pour cette année, nous proposons d’intensifier le recours à la sous-traitance, étant bien précisé qu’il s’agit d’une mesure temporaire, avec des contrats de deux ou trois ans. Nous souhaitons que les postes civils soient progressivement tous pourvus, sinon leurs fonctions tendent à être assurées par des personnels militaires, ce qui est contre-productif.

        Les mouvements de départ sont également bien maîtrisés. Les aides du FRED ont permis d’obtenir de bons résultats en matière de reconversion. En 1999 plus de 2 000 nouveaux emplois auront été ainsi subventionnés par le FRED, contre 1 400 l’an dernier.

        Autre réorganisation en cours, celle de la sécurité intérieure. Des créations de postes sont prévues dans la Gendarmerie, afin de remplacer les auxiliaires par des gendarmes adjoints : sur les 4 000 transformations de ce type prévues par la loi de programmation, 2 000 sont déjà effectives.

        En second lieu, la création de corps de soutien permet de regrouper des personnels entraînés aux tâches de sécurité ; en outre, conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure, l’optimisation des emplois se poursuit : des escadrons de Gendarmerie mobile vont ainsi être déployés dans les zones prioritaires. Enfin, la Gendarmerie bénéficie d’un effort d’équipement en matériel moderne.

        S’agissant précisément de la politique d’équipement, je note que la dotation en autorisations de programme du titre V croîtra de 1,5 milliard de francs. Nous arrivons en effet à la deuxième moitié de la loi de programmation, moment où il convient de passer à la vitesse supérieure pour les commandes pluriannuelles. En revanche, pour les crédits de paiement, on observe une légère pause, les 86 milliards de francs de prévus n’étant pas atteints. Cependant le niveau de consommation des crédits devrait être meilleur qu’en 1999 où avec 70 milliards de francs hors transferts, on devrait arriver à une consommation de 80 milliards de francs environ contre 61 milliards de francs en 1996, 80 en 1997 et 81 en 1998. Il nous a semblé légitime de limiter les crédits de paiement à 83 milliards de francs pour l’an 2000, les reports d’une année sur l’autre permettant éventuellement d’accélérer la consommation de ces crédits si nécessaire.

        La loi de programmation en est à sa quatrième année et l’on peut espérer qu’elle sera totalement mise en œuvre dans le délai prévu, de six ans. Après des débuts prudents, nous en sommes au bout de deux ans à 45 milliards de francs de commandes globales passées et on peut envisager qu’elles se monteront à 15 ou 20 milliards de francs en 2000. La formule atteint donc sa vitesse de croisière.

        En 1999, sont intervenus deux faits majeurs : d’abord la naissance du premier géant industriel européen en matière d’aéronautique et de défense ; d’autre part, le lancement d’un plan d’entreprise de la DCN qui permettra à ce grand ensemble de fonctionner désormais comme une entreprise, de conclure des accords et de conserver, voire d’accroître ses parts de marché.

        Il est clair qu’en général, la dimension européenne doit être de plus en plus présente dans tout ce que nous faisons. Au cours des 18 derniers mois, l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, le lancement de l’euro et le choc du Kosovo ont encouragé les Européens à coopérer davantage en matière de défense. Cette volonté nouvelle a été sanctionnée par la déclaration de Cologne, qui guide aujourd’hui notre conduite, en vue de créer des capacités conjointes. C’est la base d’un système de décision commune qui devrait permettre de traiter les crises en temps réel, de définir des critères de convergence et d’efficacité en vue de réduire les incohérences et les disparités.

        Il est certain aussi que le présent débat sera marqué par les leçons à tirer de notre action au Kosovo, qui a démontré une amélioration de la réactivité de nos armées. Nous pouvons enfin constater l’heureux résultat de la réflexion commune menée par le Parlement, le Gouvernement, et les partenaires économiques et sociaux. Il apparaît dès lors possible de commencer à élaborer à partir de 2000 une nouvelle loi de programmation prenant en compte cette vision de plus en plus européenne de la défense, tout en préservant la liberté de décision de la France.

        M. le Président de la Commission - Je ne rappellerai que brièvement les principales données de ce budget, pour consacrer l’essentiel de mon propos à l’analyse de notre outil de défense et du contexte dans lequel nous agissons.

        Nous observons une légère revalorisation du titre III, mais ces 300 milliards de francs apparaissent suffisants pour garantir le bon déroulement de la professionnalisation. Par ailleurs, un effort est fait pour desserrer les contraintes pesant sur le fonctionnement courant des unités. Cependant, la pression des dépenses de rémunérations reste forte, sensiblement davantage, en tout cas que ne le laissait attendre le cadrage financier initial. Un choix difficile va donc s’imposer : il faudra, soit opérer des ajustements de format, soit consentir un relèvement de l’enveloppe du titre III, de l’ordre du milliard de francs. Sans l’une de ces deux mesures, on risque à terme une aggravation des tensions sur ce poste.

        Pour ce qui est des dépenses d’équipement, je me félicite de l’augmentation modérée mais réelle des autorisations de programme, qui s’établiront à 87 460 millions, soit environ 86 milliards de francs de dotations utiles compte tenu de la contribution au BCRD. Ce montant permettra de poursuivre la politique des commandes globales, source d’économies à moyen terme et facteur bénéfique aux relations avec l’industrie. Cependant, il ne faudrait pas que, par crainte de rigidités, on maintienne la part de ces commandes en dessous de ce qu’exige une gestion rationnelle de l’outil industriel : sous prétexte de préserver les équilibres budgétaires, on finirait par payer plus cher les équipements. Or, les dotations en autorisations de programme ne semblent pas être totalement à la hauteur des besoins, notamment en ce qui concerne le M 51, le NH 90 et, surtout, l’avion de transport futur. Mais sans doute serait-il nécessaire d’avoir des précisions sur le montant réel des autorisations de programme non affectées qui seraient déjà déléguées et disponibles, afin d’y voir plus clair…

        Quant aux crédits de paiement, leur niveau, apparemment en baisse, correspond en fait aux engagements et ils garantissent la poursuite de la modernisation des armées conformément aux conclusions de la revue de programmes. Toutefois, la croissance des montants engagés devrait se traduire dès 2001 par un redressement de ces crédits en loi de finances initiale.

        Enfin, nous devons nous attendre en 2000 à un alourdissement d’au moins 2 à 3 milliards de francs des charges du titre III, au titre des opérations extérieures. Le montant des crédits d’équipement ne me paraît pas permettre de gager ce surcroît de dépenses par une annulation équivalente des crédits de paiement des titres V et VI. Il conviendra donc, à l’avenir, d’inscrire en loi de finances initiale une provision correspondant à la part incompressible de ces charges.

        J’en viens maintenant au contexte : la fin de cette année a vu la France contribuer à une opération majeure, qui visait à faire plier M. Milosevic. Ce but a été atteint, ce dont on ne peut que se féliciter. Cependant, si la France a heureusement contribué, au cours de cette décennie, à rétablir la paix dans plusieurs endroits du monde et à protéger les populations menacées, le bilan politico-stratégique de ces opérations est plus contrasté que le bilan militaire. Nous avons eu à subir de plus en plus fréquemment les conséquences de l’hyperpuissance américaine. Ayant toujours été des alliés fidèles des Etats-Unis, cela nous autorise à leur dire que leur attitude contrarie le bon fonctionnement du système de sécurité collective des Nations Unies et risque de relancer la course aux armements.

        L’intervention au Kosovo a aussi montré que la réflexion menée sur l’adaptation de notre dispositif de défense depuis la guerre du Golfe, avait emprunté le bon chemin. Nous avons amélioré notre capacité à nous insérer dans les dispositifs militaires multinationaux. La Commission de la défense contribue d’ailleurs à cette réflexion, grâce à une mission d’information qui bénéficie du soutien du ministère.

        Monsieur le Ministre, vous avez dit devant cette mission qu’il fallait se garder de tirer des conclusions trop définitives d’un conflit très spécifique. Certes, mais il n’en demeure pas moins certains constats. Ainsi, il est clairement apparu que nous devions disposer de toute la palette de capacité de renseignement, ainsi que d’armes de précision tirées à distance de sécurité. En outre, nous avons vu que le Conseil atlantique était trop souvent réduit au rôle de chambre d’enregistrement. Quant au poids de notre pays dans l’OTAN, il est devenu évident qu’il ne dépendait pas de son statut au sein de l’Alliance, mais bien de son poids militaire.

        Il me semble qu’une réflexion s’impose, à ce sujet, à l’échelle de l’Europe. Faut-il un rééquilibrage politique au sein de l’Alliance ? Convient-il de calquer le fonctionnement de l’Europe de la défense sur celui de l’Alliance atlantique et établir une sorte de condominium des grandes puissances européennes ? Sur ces points, la recherche de l’efficacité ne doit pas nous conduire à faire subir aux autres ce que nous reprochons aux Américains. Si l’Europe de la défense venait à être perçue par les petits pays comme un protectorat des plus grands, il est à craindre qu’ils ne continuent de préférer le parapluie militaire des Etats-Unis. Il faut donc que ces petits pays comprennent qu’une défense proprement européenne n’affaiblirait pas leur sécurité et leur permettrait de mieux faire entendre leur point de vue.

        Notre souhait de doter l’Europe d’une identité de défense a également des conséquences en termes d’armement, de technologie, et de budget. Je ne pense pas que le plus urgent soit d’augmenter notre budget de la défense : il s’agit bien plutôt de rationaliser l’utilisation des moyens existants. Aucun pays européen ne peut développer seul tous les systèmes d’armes et la question se pose par conséquent de savoir si nous devons chercher à combler nos lacunes dans le seul cadre national ou à l’échelle de l’Union. Peut-on dès lors raisonner dès l’origine en termes de capacités européennes et, si oui, dans quels domaines ? A partir de ce premier constat, on doit se demander s’il ne faudrait pas élaborer notre prochaine loi de programmation en concertation avec nos partenaires. On se retrouverait alors devant deux cas de figure. Soit nous constatons que les capacités européennes sont déjà suffisantes dans un domaine et que ces capacités sont au service de tous les membres de l’Union : nous pouvons sans doute alors nous dispenser de lancer un programme, pourvu que soit signé un accord prévoyant la communautarisation des matériels et comportant une garantie d’approvisionnement. Soit nous décidons à deux ou plusieurs pays de nous doter de matériels identiques : il serait alors nécessaire de passer des commandes groupées à l’échelle de l’Europe et ce, même si les échéanciers de dotation ne sont pas les mêmes.

        Il serait logique que l’OCCAR gère ces programmes, ce qui suppose d’unifier les procédures d’achat si l’on ne veut pas que certains pays renoncent à cette coopération.

        Le recensement des besoins européens doit bien sûr s’effectuer en priorité dans les domaines où nous ressentons des lacunes : transport stratégique et tactique, systèmes GPS, télécommunications militaires, satellites, systèmes d’armes de précision tirées à distance de sécurité. S’agissant du deuxième porte-avions, je pense que la question dépasse les capacités financières de notre seul pays et qu’il faut donc la traiter à l’échelon européen, notamment avec nos partenaires britanniques.

        Je ne saurais conclure sans dire que nous assistons à l’accélération de la construction de l’édifice de défense et de sécurité européenne. A Saint-Malo et à Cologne, une opportunité s’est précisée que nous devons saisir. La France est, de tous les pays de l’Union, celui qui a souhaité, avec la plus grande ardeur, l’élaboration d’une identité européenne de sécurité et de défense. Il nous faudra donc savoir convaincre et, éventuellement, rassurer nos partenaires, savoir, aussi, être fermes et pragmatiques. Cela signifie, en particulier, qu’il serait inconcevable d’adopter des budgets nationaux sans cohérence avec l’objectif européen que nous disons poursuivre : je suis certain, Monsieur le Ministre, que vous y veillerez.

        M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la Commission des Finances - Je me limiterai, dans le bref délai qui m’est imparti, à donner mon sentiment sur les points que j’estime les plus importants. Il s’agit, on le sait, d’un budget très serré, peut-être trop… mais c’est une réflexion que l’on peut se faire depuis longtemps ! Encore quelques comparaisons s’imposent-elles, qui permettent de relativiser cette impression. Ainsi, en pourcentage du PIB, les dépenses consacrées à la défense s’établissent à 3,5 % aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et à 1,5 % pour les pays européens. En France ces dépenses s’élèvent à 2,5 % du PIB, ce qui place notre pays dans une position médiane.

        Le titre III est très satisfaisant, puisque l’augmentation prévue est de 3,3 % hors rémunérations. Au titre IV, 83 milliards de francs sont prévus, en léger décalage avec la loi de programmation militaire, décalage cependant acceptable, à cela près que 4 milliards de francs sont prévus pour les opérations extérieures.

        Le Ministre a, par ailleurs, évoqué l’élaboration d’une nouvelle loi de programmation militaire, dont il sera intéressant d’apprendre quelle sera l’année de départ.

        Je me félicite par ailleurs que les procédures financières du ministère aient été assainies et que l’atmosphère ait changé. Le tableau comparatif des réalisations de programmes au cours des années écoulées devrait d’ailleurs inciter à la modestie collective. C’est pourquoi je ne citerai que pour mémoire un certain écart de 20 milliards de francs par rapport à la programmation initiale ou encore 800 millions d’intérêts moratoires… La transparence et la rigueur qui sont désormais de mise sont particulièrement satisfaisantes. Encore faudrait-il cependant éviter qu’un cercle vicieux ne s’enclenche, une consommation insuffisante appelant des annulations de crédits conduisant à de nouvelles procédures qui auraient à leur tour pour conséquence une consommation insuffisante.

        Un autre sujet de satisfaction tient à la maîtrise de la professionnalisation. La capacité à se réformer qu’ont démontrée les armées et le ministère n’était pas acquise. Il s’agissait en effet d’une véritable révolution interne, et cette mutation se déroule sans accroc. L’attention doit cependant être attirée sur le sous-effectif des appelés et sur les trop nombreuses vacances de postes au sein du personnel civil. Cela peut être dû à une procédure trop complexe, mais aussi à l’absence de souplesse dont fait preuve le ministère des Finances. Il conviendrait aussi de faciliter la sous-traitance, ce qui doit pousser Bercy à faire preuve de plus d’audace.

        Pour ce qui est des programmes, le budget proposé ne devrait conduire à aucune impasse, à condition toutefois que les 80 milliards de francs d’autorisations de programme non engagés ou non affectés soient effectivement utilisés et à condition, aussi, que le collectif budgétaire ne donne pas l’occasion de nouvelles annulations, ni cette année, ni les années suivantes. J’espère, à cet égard, que l’AFP ne nous apprendra aucune mauvaise nouvelle ! Dans ce domaine, notre vigilance s’impose.

        Pour ce qui concerne la dissuasion, la situation est satisfaisante, même si les économies annoncées sur le M 51 ne laissent pas d’inquiéter. Pour l’espace, on ne peut que s’interroger sur les conséquences de la chute de 24 % des autorisations de programme. Dans ces conditions, quel sera le sort des observations par radar et des drones, dont l’efficacité a pu être mesurée au Kosovo ? Je sais que les contraintes de la coopération européenne expliquent en partie cette chute spectaculaire, mais les inquiétudes demeurent.

        La commande de 80 Tigre pour l’armée de Terre est satisfaisante mais l’absence d’autorisations de programme pour la fabrication du NH 90 suscite des interrogations, car il n’est pas certain que le blocage allemand soit seul en cause. La même question se pose pour l’ATF, à propos duquel l’armée de l’Air attend une décision au plus vite. L’A 400 M aurait fait preuve de son efficacité en Macédoine et plus encore au Timor, mais la question se pose effectivement de savoir si l’Europe a véritablement besoin de 4 ou 5 avions stratégiques différents. Pour la Marine, deux frégates Horizon devront être financées rapidement. On se réjouira enfin que le programme Rubis de la Gendarmerie se déroule sans anicroche.

        Cette brève analyse faite, il me faut faire part des inquiétudes, extérieures au budget, que suscite un contexte européen difficile. L’écroulement du budget de la défense allemand et la liste impressionnante des programmes en suspens ne doivent pas remettre en cause la mutualisation des équipements. Ces préoccupations sont toutefois contrebalancées par la formidable nouvelle qu’a été la constitution de la nouvelle société EADS. Nul n’ignore le rôle éminent qu’ont joué les gouvernements français et allemand en la matière. Il reste à optimiser les effets de cette fusion en matière d’exportations et de recherche et développement.

        Vous ne serez pas surpris, Monsieur le Ministre, de m’entendre vous faire part de mon inquiétude sur la situation de la DCN. La réforme que vous avez lancée va son train. Elle doit aboutir. Il faudrait cependant aller plus loin et décider la modification du statut des chantiers navals. Comment sera-t-il possible sans cela d’adosser la DCN à des groupes industriels et de donner une culture d’entreprise à son encadrement ? Quoi qu’il en soit, les initiatives que vous avez prises vont dans le bon sens.

        En conclusion, le débat de fond est celui de l’Europe. La vraie question, en effet, ne se limite pas à souhaiter des convergences techniques. Ce dont il s’agit, c’est que les Européens définissent ensemble ce qu’ils veulent faire. L’urgence est d’autant plus grande qu’une évolution isolationniste se dessine aux Etats-Unis et les propos tenus par le candidat républicain, M. Bush junior, à la présidence ne laissent pas d’inquiéter. On constate un repli sur les intérêts nationaux fondamentaux des Américains.

        M. Jean Michel - Tant mieux !

        M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial - L’autre interrogation de fond consiste à déterminer quel rôle l’Europe veut jouer au sein de l’OTAN. Ce n’est que lorsque ces deux questions auront trouvé réponse que l’on pourra songer à une planification commune des équipements militaires. Le projet de budget qui nous est présenté est un budget serré, je l’ai dit, mais c’est un bon budget, qui reflète la rigueur de la gestion du ministère. C’est donc avec plaisir que j’invite la Commission à l’adopter.

        M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la Commission des Affaires étrangères - Mon impression générale est que le projet de budget ne tient sans doute pas suffisamment compte des enseignements de la guerre du Kosovo ni, sur un autre plan, des développements particulièrement importants de la politique de défense européenne. Je ne m’étendrai pas sur le fait que le budget proposé est en baisse alors que nos alliés considèrent avoir atteint un palier dans la réduction de leurs dépenses militaires et que les Etats-Unis, en particulier, s’orientent dans une tout autre direction. Je constate que les crédits de paiement ne sont pas à leur niveau habituel et que les crédits de fonctionnement sont malaisément compréhensibles. Je vous remercie, Monsieur le Ministre, des précisions que vous avez bien voulu nous donner à cet égard. Je constate encore que l’armée de l’Air aura accompli, avec deux ans d’avance, la mutation que l’on attendait d’elle.

        En matière d’équipement, on notera l’augmentation des autorisations de programme visant à la dissuasion. Les points négatifs concernent la Marine, dont les crédits et autorisations de programme sont en baisse. Il en est de même pour l’armée de l’Air, ce qui est paradoxal étant donné le rôle qu’elle a joué au Kosovo.

        On se félicitera que l’Allemagne et la France aient passé commande de 160 Tigre, sur dix ans, à la société Eurocopter, mais des interrogations subsistent sur la commercialisation du NH 90. Quatre prototypes de ce matériel existent ; il est donc prêt. Pourtant, lors du salon du Bourget aucune vente n’a été conclue. Je sais quelle est la responsabilité de l’Allemagne, qui a procédé aux restrictions budgétaires que l’on sait. Je pense toutefois que l’impulsion française a fait défaut. Si, comme la rumeur court, ce programme est reporté à 2011, le risque de décourager les Néerlandais et les Italiens est patent. Le risque de compromettre les exportations vers la Scandinavie l’est tout autant. En outre, le projet ne prévoit pas davantage la réalisation du futur avion de transport.

        J’aimerais, par ailleurs, vous entendre traiter du désarmement. Des progrès considérables ont été accomplis depuis les années 1990-1991, et l’adaptation du traité FCE se déroule normalement. Cependant, le traité Start 2 n’a pas encore été ratifié par la Douma, et l’on sait que le Congrès américain a remis en cause le traité ABM, ce qui risque d’entraver l’application de Start 2, même si la Douma renouvelée se montre moins sévère.

        Bref, ce serait un très mauvais signal adressé à la Russie et à la Chine, mais aussi à l’Inde et au Pakistan ainsi qu’à tous les pays qui sont au seuil du nucléaire.

        En ce qui concerne l’accélération de l’élaboration du concept de l’Europe de la défense, il faut insister sur le tournant de Saint-Malo, où la Grande-Bretagne s’est ralliée de façon surprenante à la position française selon laquelle la défense de l’Europe ne se situe pas uniquement au sein de l’Alliance atlantique. Cette évolution a été enregistrée au sommet de Cologne. Notons aussi à ce propos l’accord franco-allemand sur la transformation du corps européen en corps européen de réaction rapide. Est également envisagée, sur proposition du Président de la République, la création d’une instance permanente, au niveau des ambassadeurs, parallèle à l’Alliance atlantique.

        La présence américaine en Europe, en dehors même de l’OTAN, est considérable, militairement en Macédoine, en Bosnie et au Kosovo, ainsi que pour les forces aériennes. J’ai appris récemment que la zone de responsabilité du commandement des forces américaines a été élargie à de nombreux pays d’Europe centrale et orientale. Le nouveau concept stratégique élaboré à Washington aura bien sûr un impact sur les forces américaines. Il est clair que la revendication française d’un meilleur partage de la décision politique et militaire ne sera crédible que si l’Europe fait un effort accru pour se doter d’équipements modernes. A cet égard, on ne peut que regretter que ce budget soit en diminution et que les commandes de l’armée de l’Air et de la Marine soient différées. Cela vaut particulièrement pour le NH 90, qui serait aussi utile à l’armée de Terre.

        Après avoir quelque peu hésité, car je comprends vos difficultés, c’est en raison de ce regret que j’ai proposé à la Commission des Affaires étrangères d’émettre un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. Elle ne m’a toutefois pas suivi et les a adoptés.

        M. le Ministre - Cette nouvelle formule donne à l’évidence des débats très toniques.

        Je me réjouis bien sûr des appréciations positives portées sur les crédits. J’ai aussi entendu les avertissements et les appels à la prudence lancés par MM. Quilès et Boucheron. Il est vrai que nous sommes un peu justes, mais, si je ne conteste pas le chiffre d’un milliard, je vous signale toutefois que le rajeunissement des cadres grâce au pécule entraîne un GVT négatif important, ce qui nous donne une certaine marge de manœuvre. S’il est juste de relever le problème du prélèvement sur le BCRD, nous aurons néanmoins une bonne base de départ en 2002.

        En ce qui concerne la recherche duale, à l’évidence le co-pilotage est stimulant pour le CNES et nous permet de réaliser des économies, par exemple, sur le coût des lancements.

        Depuis deux ans les annulations sur le budget de la défense n’ont pas été trop lourdes ; elles nous permettent de rester en cohérence avec la loi de programmation. Je vous confirme mon intention d’obtenir que le financement des opérations extérieures pour 1999 ne se traduise pas par des annulations de même montant sur le budget d’équipement.

        Sur l’Europe, les trois interventions m’ont paru particulièrement intéressantes. Je partage pleinement le sentiment de Paul Quilès sur l’attitude des Etats-Unis, de plus en plus poussés vers un certain égocentrisme, en raison de la compétition politique interne mais aussi de la faiblesse et de la dispersion de leurs partenaires. Il est vrai que quand on est le seul maître à bord, on n’est guère enclin à partager… C’est par l’affirmation croissante de leurs responsabilités et par l’engagement de moyens suffisants que les Européens pourront faire évoluer les choses et aider ceux qui, aux Etats-Unis, combattent cette tendance à l’unilatéralisme.

        L’expérience a montré que les Européens prennent confiance quand on leur explique ce qu’ils sont en train de faire. Nous travaillons actuellement aux propositions que nous ferons à Helsinki afin de poursuivre sur la lancée de Cologne. Mais nous avons trop tendance à parler de notre « quincaillerie », à insister sur quelques domaines de capacité conjointe pour le traitement des crises, alors qu’il nous faudra aussi envisager des scénarios. S’il serait sans doute trop ambitieux de rédiger un livre blanc européen, il conviendrait néanmoins de préciser ce que nous entendons vraiment par les missions de Petersberg.

        Il est sûr que l’évolution budgétaire de l’Allemagne est un coup dur pour l’Europe de la défense. Nous comprenons les impératifs de notre partenaire, mais nous espérons que la poursuite de cette politique pour les trois ans à venir n’est pas définitivement décidée. Comme l’a dit mon homologue allemand, la présence internationale de l’Allemagne s’est considérablement renforcée ces dernières années et ce pays ne saurait être en première division pour la politique étrangère et de sécurité commune et au niveau d’un club local pour la défense.

        La France étant, avec le Royaume-Uni, le pays dont les engagements financiers sont les plus élevés, la mise en place d’un système de convergence pourrait logiquement nous conduire à réduire notre effort. Il convient donc d’envisager plutôt la contribution globale de défense des Quinze avec un critère financier permettant au moins de conserver l’engagement actuel de ceux qui sont au plus haut et de favoriser le rattrapage de ceux qui sont au plus bas. Malgré des à-coups, la loi de programmation nous apporte beaucoup plus de cohérence et de continuité dans le financement de nos programmes que nombre de nos voisins. Il faudrait que le système de convergence produise les mêmes effets.

        L’ATF a été évoqué dans la loi de programmation mais n’a pas fait l’objet d’une inscription. Il est probable qu’une décision sera prise en 2000, mais cela n’entraînera pas aussitôt une inscription budgétaire importante dans la mesure où les industriels financeront le développement. Néanmoins, si la décision est acquise, un transfert d’autorisations de programme nous permettra de prendre nos responsabilités. Les études comparatives menées par les sept pays partenaires n’ont pas encore permis d’aboutir à un accord. L’offre d’Airbus nous paraît particulièrement crédible, surtout d’un point de vue opérationnel. Mais il est vrai que les changements liés à l’EADS peuvent avoir des effets et que l’on pourrait aussi demander quelque chose à Antonov.

        M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour le titre III - Le montant des crédits inscrits au titre III s’élèvera l’an prochain, hors pensions, à 104,9 milliards de francs contre 103,9 l’an dernier. Ce chiffre englobe les 400 millions provenant du secrétariat d’Etat aux anciens combattants, qui a fusionné avec le ministère de la Défense.

        Ce budget confirme l’évolution engagée depuis 1997. Les rémunérations et les charges sociales augmentent de 1,5 %, représentant ainsi plus de 80 % du total, tandis que les autres crédits diminuent de 0,9 %. Les effectifs seront en baisse de près de 5 %, pour un total de 474 000 emplois. Le nombre des appelés et des sous-officiers diminue fortement tandis que sont créés de nombreux emplois de militaires du rang professionnels, de volontaires, de personnels civils.

        La déflation des effectifs de cadres se passe pour le mieux. Les pécules d’incitation connaissent un grand succès et le rythme des départs est plus rapide que prévu. L’armée de l’Air n’est ainsi plus qu’à 1 % de son format professionnel. Le recrutement des engagés et des volontaires est également satisfaisant : malgré l’embellie de la situation de l’emploi, les jeunes gens et les jeunes filles se bousculent pour s’engager dans l’armée française. La situation des civils est plus préoccupante. Le 1er septembre, 9 925 postes étaient vacants. Pour les 6 500 emplois de fonctionnaires non pourvus, des concours devraient améliorer les choses. On pourrait aussi proposer aux personnels des entreprises d’armement de postuler à ces emplois.

        L’embauche d’ouvriers d’Etat est interdite par le ministère des Finances en raison des sureffectifs de la DGA et de la DCN. Mais, comme le redéploiement s’essouffle, la situation devient délicate, et une relance de la mobilité s’impose pour atteindre les objectifs de la loi de programmation et pour pourvoir les 3 500 emplois actuellement vacants dans nos régiments. Votre rapporteur soutient les démarches du Ministre pour obtenir des autorisations exceptionnelles d’embauche dans les cas urgents.

        Si l’objectif en effectifs semble satisfaisant, il faut que les autres moyens de fonctionnement soient à la hauteur. Ces crédits continueront à diminuer en 2000, conformément à la loi de programmation qui prévoit de diminuer ses dépenses de 20 % entre 1997 et 2002. Mais l’an 2000 rompt avec les réductions drastiques des années précédentes. Ainsi l’armée de Terre pourra effectuer 73 jours d’entraînement au lieu de 70. Les crédits sont accrus pour l’entretien immobilier, l’entretien programmé du matériel et le fonctionnement courant des unités de la Marine.

        Mais certaines préoccupations demeurent. Le taux d’activité de l’armée de Terre reste trop bas. Les dotations en carburant sont calculées sur des hypothèses économiques plutôt optimistes. L’entretien des grosses unités de la Marine se fait au détriment des petits bâtiments, moins médiatiques, mais pourtant utiles. Comme les chefs d’état-major nous l’ont laissé entendre, l’amorce de redressement des crédits de fonctionnement courant en 2000 devra impérativement être confirmée en 2001 et 2002.

        Du chemin a été fait depuis le précédent budget, et, si la situation est encore loin d’être idéale, ce projet est conforme à la loi de programmation pour les effectifs, et présente une amélioration sensible pour le fonctionnement courant. Je propose à la Commission de l’adopter.

        M. Jean Michel, rapporteur pour avis des crédits d’équipement - Pour la deuxième année, la Commission a souhaité présenter un avis transversal sur les crédits d’équipement et une réflexion sur les procédures comptables et financières. Je présenterai quatre remarques.

        Tout d’abord, le projet de budget d’équipement pour 2000, avec 87,5 milliards de francs en autorisations de programme et 82,9 milliards de francs en crédits de paiement, est plus proche du budget 1998 que de celui de 1999. L’érosion des crédits de paiement semble se confirmer : elle atteindra 4,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Mais ils ne régressent que de 1,1 % en francs courants par rapport à l’annuité de la revue des programmes. On peut donc estimer que, dans un mouvement global d’érosion, les hausses de 1996 et 1999 constituaient des rattrapages par rapport aux exercices 1995 et 1998.

        Il faut alors se demander si l’équipement de nos armées s’inscrit toujours dans la programmation 1997-2002, modifiée par la revue de programmes, et si les crédits prévus sont compatibles avec la modernisation des équipements. Ma conclusion est que le budget 2000 n’entre dans le cadre fixé par la revue de programmes que si se confirment les résultats attendus des nouvelles méthodes de gestion et d’exécution des dotations.

        Or les années 1998 et surtout 1999 ont vu une amélioration de l’exécution budgétaire. La gestion des crédits d’équipement est plus dynamique, et devrait permettre cette année le taux de consommation exceptionnel de 96 %. Les reports de charges, déjà ramenés de 3,2 à 2,2 milliards de francs en 1998, devraient connaître en 1999 une nouvelle réduction. Une remise en ordre comptable et financière est poursuivie, avec une réforme de la nomenclature budgétaire, la mise en place de la notion d’opération budgétaire d’investissement, et la procédure de comptabilité spéciale des investissements.

        La maîtrise des programmes est également favorisée par la recherche d’une réduction de leurs coûts, ainsi que par la procédure des commandes pluriannuelles globales. Celle-ci concerne déjà 13 programmes ; on en attend une économie de 5 à 10 % par rapport au mode de commande classique, sous réserve de l’argumentation de notre Président qui a souligné que ces commandes globales ne devaient pas changer d’orientation. Il faut enfin poursuivre trois améliorations : éviter le retour des excès de la régulation budgétaire, conforter le maintien des reports de crédits et de charges à un niveau raisonnable, améliorer la prévision des charges.

        L’avenir des programmes d’équipement est cependant conditionné par plusieurs phénomènes qui appellent un suivi de la Commission. Tout d’abord, la croissance des crédits affectés au BCRD dans le budget de la défense, qui passent de 900 millions à 1,5 milliard de francs, a tendance a masquer la stagnation des crédits consacrés aux études amont, qui conditionnent pourtant le maintien des capacités technologiques. Notre Commission devra donc s’intéresser à la politique des études du ministère, et je vois que M. le Ministre m’approuve.

        En second lieu, la baisse tendancielle des crédits d’équipement est un mouvement de longue durée dont il faut bien mesurer les conséquences. On ne peut résorber l’écart entre les objectifs des lois de programmation et les dotations des lois de finances simplement en augmentant ces dernières. Le renouvellement des matériels ne peut plus se faire au même rythme qu’autrefois. Il faut donc se poser la question : la réalisation des programmes majeurs, telle qu’elle était prévue à une certaine époque, est-elle encore compatible avec le niveau souhaitable des dépenses publiques ?

        Il faut pourtant garantir à la défense un niveau de ressources qui garantisse les choix fondamentaux d’équipement. C’était le sens de la revue de programmes, qui a permis de clarifier les objectifs. Dans ce budget, la préservation des références en termes de contenu physique, marque la volonté de réaliser les programmes prévus, même avec de légers décalages. Ces évolutions conduisent votre rapporteur à plaider pour une révision des analyses du Livre blanc sur la défense.

        La question essentielle reste celle du réalisme des crédits d’équipement. L’amélioration de l’exécution budgétaire, la réforme des méthodes de gestion sont les meilleurs garants de la logique de programmation. A cet égard, nous nous félicitons du dialogue croissant entre le ministère de la Défense et celui des Finances, qui peut conjurer la tendance de certaines administrations à réduire les volumes du budget de la défense. Pour ces raisons, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits d’équipement des titres V et VI.

        M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour la dissuasion nucléaire - Ce projet comporte malheureusement une incohérence financière et une incohérence stratégique qui me conduisent à proposer à notre Assemblée une inversion de priorités entre la réalisation du 4ème sous-marin nucléaire lance-engins nouvelle génération et celle d’un 2ème porte-avions.

        L’actuelle loi de programmation comporte une architecture budgétaire cohérente avec les besoins d’équipement. Mais les budgets 1999 et 2000, les annulations de crédits, les transferts du titre V sur le titre III font qu’il manque aujourd’hui à nos armées plus de 50 milliards de francs pour l’équipement de nos forces. Les trois dernières lois de finances n’ont cessé d’amputer le titre V. Celui-ci, en crédits de paiement, n'est d'ailleurs pas à 83 mais à 81,7 milliards de francs, si l’on considère de manière réaliste l’inscription au titre VI de 1,5 milliard de francs de recherches duales. Cette somme ne comporte en effet que 75 millions pour des recherches directement destinées à la défense, le reste étant destiné au CNES, dont l’apport à la défense n’est pas démontré. D’où la question : comment pouvez-vous continuer à lancer les programmes prévus, et diminuer en même temps les crédits qui permettent de les réaliser ? Telle est l’incohérence financière de ce budget.

        Mon rapport démontre, chiffres à l’appui, que cette démarche nous conduit à trois impossibilités. Tout d’abord, nous aurons les plus grandes difficultés à financer la dissuasion nucléaire dans les prochaines années. Ensuite, le budget d’équipement de la Marine sera impossible à financer. Nous sommes en face d’une «bosse financière» que certains spécialistes évaluent à 30 milliards de francs. On ne pourra la résorber simplement par le recours à l’Europe, ou par une meilleure gestion financière. Enfin, l’inscription du 4ème SNLE-NG à ce budget rend impossible à moyen terme le financement d’un deuxième porte-avions. Or celui-ci est indispensable à notre pays, pour les raisons suivantes. La nouvelle doctrine de défense accorde un rôle majeur, à côté de la dissuasion nucléaire, à notre capacité de projection de forces. Cette stratégie repose essentiellement sur le groupe aéronaval. Or, avec un seul porte-avions, celui-ci sera inutilisable 40 à 50 % du temps jusqu'en 2010. Je suggère donc à l’Assemblée de différer la réalisation du 4ème sous-marin, et d’utiliser les crédits ainsi libérés pour engager dès 2000 les études en vue de la réalisation du 2ème porte-avions, dont je propose qu’il soit à propulsion classique.

        Je récapitule les éléments qui m’ont conduit à cette conclusion : l’impossibilité de construire un budget d’équipement pour la Marine dans les années qui viennent, et le fait que le 4ème SNLE n’est pas indispensable, à mon avis, à la crédibilité de notre dissuasion. J’appuie cette affirmation sur le comportement des Européens, la manœuvre nucléaire souhaitable en France dans le moyen terme, et les récents développements du fait nucléaire dans le monde. Par ailleurs la nécessité d’un 2ème porte-avions résulte à mes yeux de trois éléments : les enseignements de la guerre du Kosovo, le problème de la propulsion du porte-avions, et l’insupportable délai d’attente d’une présence raisonnable du groupe aéronaval à la mer. Sur ce point je considère, contrairement au Président Quilès, que la France ne peut s’en remettre pour sa défense à un effort budgétaire que feraient les Anglais pendant que nous ne le ferions pas. Enfin le porte-avions est un élément de la dissuasion nucléaire française même si cet aspect est souvent négligé.

        Pour toutes ces raisons, je ne peux approuver la démarche budgétaire présentée, et je dois m’en remettre à la sagesse de notre Assemblée.

        M. le Président de la Commission - Vous m’avez fait dire quelque chose que je n’ai pas dit. Je n’entends pas que nous nous en remettions aux Britanniques pour notre défense : j’ai simplement dit qu’une concertation avec eux au niveau européen ne serait pas inutile.

        M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la Commission de la Défense pour les crédits de l’espace et des communications - Le conflit du Kosovo a montré que l’espace et les communications étaient des moyens indispensables à l’efficacité de nos forces, et qu’ils contribuaient tout comme la dissuasion à l’indépendance de la France. Ce conflit a validé la pertinence des choix d’équipement effectués ces quinze dernières années.

        Il s’agit des programmes de satellites d’observation Helios I et II, du programme de télécommunications spatiales Syracuse II, des hélicoptères de surveillance du théâtre des opérations Horizon. Cette maîtrise technique et opérationnelle est le résultat d’une politique volontariste reposant sur un effort budgétaire significatif, mais il semble que la tendance soit en train de s’inverser. Je suis donc partagé entre la satisfaction de voir se poursuivre la modernisation du système de communications et de recueil de renseignements et l’inquiétude devant la diminution de 23,8 % des autorisations de programme de l’espace, alors que celles des titres V et VI augmentent globalement de 1,7 %. Certes l’avenir est préservé par l’augmentation des crédits de paiement pour la recherche amont ; par ailleurs, l’augmentation du taux de consommation des crédits est un point positif. Toutefois avec un niveau global de 2,3 milliards de francs de crédits de paiement et un financement du CNES à hauteur de 1,5 milliard de francs de francs, nous sommes arrivés à la limite des ajustements budgétaires compatibles avec la poursuite des programmes spatiaux majeurs.

        Ces réductions successives du budget de l’espace depuis 1998 sont-elles conjoncturelles ou s’agit-il d’une orientation à la baisse durable, ce qui serait en contradiction avec les besoins mis en lumière par le conflit du Kosovo ? L’absence de coopération européenne oblige la France à assumer seule de lourds investissements. On s’oriente ainsi vers un financement purement national pour le satellite Syracuse. On peut s’interroger sur la volonté de nos partenaires d’acquérir une véritable autonomie en ce domaine. Dans la mesure où l’Allemagne et l’Italie semblent préférer les systèmes d’observation radar, ne serait-il pas opportun d’envisager une coopération avec ces pays pour le programme Helios II et pour le développement du petit satellite radar qui a fait défaut dans le conflit du Kosovo ? Le renforcement des capacités industrielles européennes dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace offre à cet égard de bonnes opportunités.

        Il n’empêche que la réduction des crédits de l’espace intervient à un moment où il conviendrait plutôt de les consolider, comme l’a montré le récent conflit du Kosovo. Je m’inquiète ainsi de voir que le remplacement des drones perdus n’est pas prévu.

        Au-delà de ces remarques, je suis d’avis d’adopter les crédits de la défense consacrés à l’espace et aux communications car je constate un réel effort budgétaire dans ces différents domaines.

        M. Yann Galut, rapporteur pour avis des crédits de l’armée de l’Air - Avec 34,5 milliards de francs, le budget de l’armée de l’Air est en diminution de 3,6 % par rapport à l’an dernier. Le titre III, avec 15,7 milliards de francs, augmente de 0,8 % tandis que le titre V diminue de 6,9 % pour les crédits de paiement, fixés à 18,8 milliards de francs, et de 10,3 % pour les autorisations de programme, qui s’élèvent à 18,2 milliards de francs.

        Au titre III il faut saluer l’achèvement réussi de la professionnalisation. Fin 2000 les effectifs de l’armée de l’Air atteindront en effet, à 1 % près, les chiffres prévus pour 2002. Les 5 938 appelés ne représenteront plus que 8 % de l’effectif, alors qu’ils étaient 32 000, soit un tiers des effectifs, en 1996. 270 postes de sous-officiers seront transformés en emplois de militaires du rang, et dans les zones où le personnel civil manque, il sera recouru à la sous-traitance.

        Autre élément remarquable, le budget de fonctionnement est en équilibre dès le ler janvier, et non à l’occasion du collectif de fin d’année. Avec 1,63 milliard de francs, de francs il est en hausse de 12,7 %, ce qui permettra notamment de doubler la participation aux grands exercices internationaux dont le conflit du Kosovo a montré la nécessité.

        Il faut saluer aussi les efforts d’amélioration de la gestion, notamment le dispositif interarmées de gestion des rechanges aériens, qui doit entraîner des gains importants. Du reste, alors que les opérations militaires ont été exclusivement aériennes, l’armée de l’Air n’a occasionné que 17 % des surcoûts financés par décret d’avance au titre des opérations extérieures. Il est vrai que certaines missions en zone hostile n’ont pas été considérées comme opérations extérieures parce que les appareils avaient décollé de France.

        En ce qui concerne les équipements financés par le titre V, le conflit du Kosovo a montré la validité des orientations choisies : je citerai la souplesse d’utilisation des Mirage 2000 D le caractère adéquat de l’armement air-sol modulaire, l’interopérabilité des Awacs et la valeur de nos capacités de renseignement stratégique et tactique. Ces opérations valident également le choix du Rafale comme avion d’armes futur de l’armée de l’Air.

        Les quelques difficultés d’ajustement rencontrées ont pu être résolues dès les premières semaines - je pense au nombre optimal de pods laser par appareil ou au problème du transport des bombes de 250 kilos par les Mirage 2000 D.

        Si les orientations nous paraissent satisfaisantes, en revanche, l’évolution quantitative du budget est quelque peu décevante. C’est un paradoxe, à un moment où l’arme aérienne apparaît de plus en plus comme l’outil de gestion des crises et conflits et où, pour la première fois, la victoire a pu être obtenue sans engagement terrestre. La diminution des autorisations de programme a obligé à reporter la deuxième commande groupée d’avions Rafale et le futur avion de transport militaire n’est pas financé. Mais, Monsieur le Ministre, vous nous avez apporté à ce sujet une première réponse satisfaisante.

        L’expérience du Kosovo, comme les évolutions de l’Europe de la sécurité et de la défense -je pense à la constitution du groupe aérien européen-, forment un contexte nouveau. En y faisant référence, le Premier Ministre a annoncé, devant l’IHEDN, la préparation d’une nouvelle loi de programmation militaire, « qui donne corps à nos priorités nationales tout en contribuant à la construction d’un outil de défense européen ». C’est à partir d’une réflexion d’ensemble sur le rôle actuel et futur de l’arme aérienne que devront être arrêtés la définition et le volume des équipements nécessaires et donc de son futur budget.

        M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis du budget de l’armée de Terre - Le budget 2000 de l’armée de Terre est conforme à la loi de programmation militaire, comme l’a reconnu son chef d’état-major, le général Crène.

        Le titre III est en légère progression, ce qui permettra une augmentation des jours d’entraînement.

        Le titre V est en diminution de 3,8 % en crédits de paiement, ce qui obligera à une gestion très tendue et confirme la nécessité d’un véritable plan de transition en ce qui concerne les emplois. Les autorisations de programme augmentent en revanche de 13 %, ce qui est bon signe.

        Je voudrais m’arrêter sur deux points prioritaires.

        Au titre III, nous sommes inquiets du déficit en personnels civils qui est actuellement de 11 %, soit environ 3 700 personnes. Le ministère des Finances bloque actuellement toute embauche d’ouvriers d’Etat en raison des excédents de personnels à la DGA, à la DCN et à GIAT Industries. Mais comme les civils ne sont pas soumis à l’obligation de mobilité, de nombreux régiments sont déficitaires. Il devient donc urgent d’obtenir de Bercy de nouvelles dérogations à l’interdiction d’embauche pour les postes géographiquement difficiles à pourvoir et de développer des mesures d’incitation pour favoriser le redéploiement des personnels des établissements excédentaires. La sous-traitance ne peut être une solution durable pour l’armée. Il faut lui garantir des conditions de fonctionnement normales pour qu’elle soit en mesure d’exécuter les missions qui lui sont confiées.

        Je m’arrêterai également quelques instants sur le titre V. Le programme du char Leclerc se poursuit normalement, et fin 2000, l’armée en possédera 233. Cet engin est apprécié pour sa mobilité et sa puissance et a donné entièrement satisfaction au Kosovo, où il a joué un rôle de dissuasion.

        Mais les préoccupations de l’armée de Terre concernent les véhicules de combat d’infanterie. Après l’échec des tentatives de coopération européenne qui ont fait perdre beaucoup de temps, la DGA a lancé un appel d’offres. Les bonnes performances du char Leclerc me conduisent à penser que son fabricant GIAT Industries, est le mieux placé pour enlever ce marché. Cette entreprise a des atouts pour devenir un leader de l’armement terrestre en Europe et c’est le moment de lui donner le coup de pouce industriel nécessaire, y compris en anticipant des commandes pour le Leclerc et le Caesar.

        D’une manière générale, il serait souhaitable que notre assemblée débatte de l’avenir de l’industrie d’armement. Comme notre Président, je soutiens ardemment l’idée d’une mission d’information, qui a été réclamée par les syndicats. Dans le même esprit, le Parlement devrait être associé à chaque étape de la réflexion sur la nouvelle loi de programmation militaire.

        M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine - Je ferai quatre remarques principales sur le budget de la Marine et quelques observations sur la DCN.

        La Commission constate qu’après une augmentation en 1999 le budget de la Marine est réduit de 2,7 %, soit une diminution plus forte que l’ensemble du budget de la défense. La part de la Marine dans le budget de la défense passe de 17,85 % à 17,56 %, prolongeant une tendance ancienne et préoccupante.

        Seconde observation, la répartition entre les titres -près de 40 % pour le titre III et 60 % pour les titres V et VI- confirme que la Marine est essentiellement une armée d’équipement. Les crédits prévus pour les dépenses ordinaires garantissent la poursuite de la professionnalisation et une amélioration des dotations de fonctionnement. La gestion des personnels continuera cependant à rencontrer certaines difficultés, comme l’accueil des personnels de la DCN, qui a atteint ses limites, ou l’équilibre entre les départs et les recrutements.

        Les dépenses en capital subissent, elles, une diminution sensible - 4,4 % - en crédits de paiement et 21,2 % en autorisations de programme. Certes, elles permettront la mise en service opérationnel du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, la poursuite du programme d’armements antiaériens PAAMS et le lancement de la première frégate Horizon. Mais le programme de renouvellement d’équipements majeurs pourrait en être compromis. Je m’interroge notamment sur la possibilité de commander le premier NTCD au second semestre 2000.

        Ce projet de budget correspond au modèle déterminé il y a quatre ans et revu en 1998, fondé sur une réduction de 20 % du format de la Marine. Cependant, la diminution des dotations budgétaires ne peut perdurer et les incertitudes actuelles devront être levées lors de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire. Sinon nous ne pourrons maintenir le modèle que nous souhaitons et il faudrait, dès lors, avoir l’honnêteté de le reconnaître. Nous appelons donc votre attention sur cette évolution inquiétante.

        J’en viens maintenant à un sujet d’actualité, mais dont nous débattons aussi depuis longtemps ensemble, Monsieur le Ministre : je veux parler de l’évolution de la DCN. Des progrès incontestables ont été enregistrés depuis quelques années avec la création de DCN International, avec la séparation des services étatiques et des services industriels, avec le rapatriement de la sous-traitance et avec la mise en œuvre dès cette année du projet comptable et financier du plan d’entreprise. En outre, la DCN est parvenue à réduire ses effectifs d’un tiers en six ans pour s’adapter à la réduction des commandes de l’Etat. Cependant, je suis préoccupé de voir que, tout en étant soumise à une exigence de compétitivité accrue, elle demeure enserrée dans des règles administratives contraignantes. L’affaire de la plate-forme SFX de Brest et celle du sous-marin Scorpène ont montré combien cela représentait un handicap pour les exportations. Vous avez certes annoncé que la DCN allait être transformée en service à compétence nationale mais je mesure mal la portée de cette mutation, à moins que vous ne garantissiez la recapitalisation de DCN International et l’application de la directive « Réseaux » à la passation des marchés ou une alliance avec des partenaires extérieurs. Sans ces trois mesures, je crains que les difficultés ne demeurent et c’est pourquoi j’étais favorable à une transformation en établissement public, qui aurait constitué un encouragement au personnel ainsi qu’aux partenaires extérieurs potentiels. Il en va en tout état de cause de la préservation de capacités technologiques exceptionnelles, à un moment où des groupes importants se constituent en Grande-Bretagne ou autour de l’Allemagne. La DCN ne doit pas rester figée, il faut qu’elle ait les moyens de participer au mouvement général.

        Au bénéfice de ces observations, la Commission a donné un avis favorable au projet de budget de la Marine.

        M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie - Je noterai d’emblée que les crédits alloués à la Gendarmerie atteindront un niveau satisfaisant en 2000 : s’établissant à un peu plus de 23 milliards de francs, ils progresseront de 515 millions, soit 2,28 %. Les dépenses consacrées aux rémunérations et aux charges sociales croîtront de 2,2 % ce qui correspond aux besoins mesurés cette année ; les effectifs militaires et civils augmenteront de 577 unités et les prévisions de la loi de programmation pourront ainsi être tenues.

        Parmi les mesures spécifiques, je note l’accroissement de la dotation destinée aux réserves, pour 17 millions, ainsi que l’apparition d’une indemnité liée à l’appel de préparation à la défense, pour 2,3 millions. En outre, 10 millions iront à la création de 50 emplois de sous-officiers placés près des pelotons de Gendarmerie d’autoroute.

        Tout cela est positif, mais il me faut aussi mentionner certains motifs d’inquiétude. Je note ainsi un léger décalage entre un budget globalement favorable et la perception qu’ont les personnels de leur situation. Un sondage réalisé en novembre 1998 a montré que le moral des 2 550 militaires interrogés n’était pas des meilleurs. On peut y voir l’effet des conflits avec certains syndicats de police, des difficultés liées au remplacement des sous-officiers chargés de missions de soutien et de la décision d’obliger à une mutation au bout de quatre ou cinq années dans le même poste. Je dois également noter que les gendarmes ont dû effectuer en 1998 des journées de travail de neuf heures douze en moyenne, ce qui n’est pas loin des neuf heures seize enregistrées en 1989, où la charge fut particulièrement importante. On voit qu’on est loin ici des 35 heures ! Quant aux gendarmes mobiles, ils auront travaillé cette année pendant quelque 210 jours.

        A leur propos, il me semblerait nécessaire de faire le point l’an prochain sur la fidélisation des escadrons.

        Les crédits de fonctionnement croissent de 1 % seulement, ce qui est un autre grand sujet d’inquiétude. Le fait de reconduire le retrait de 60 millions de francs de crédits décidé en 1998 au titre des économies constatées va obliger la Gendarmerie à des mesures d’autorégulation qui risquent d’être préjudiciables au bon fonctionnement des brigades.

        Il me semble par ailleurs qu’une réforme du transfèrement permettrait de dégager un millier de postes. Une réactualisation du rapport Fouchier de 1995 paraîtrait donc opportune.

        La Gendarmerie se féminise trop lentement. Outre qu’il conviendrait d’autoriser l’emploi du nom « gendarme » au féminin pour éviter l’appellation étrange « un gendarme auxiliaire féminin », on ne compte aucune femme parmi les 31 généraux de Gendarmerie ; elles sont seulement 8 en face des 999 capitaines hommes, et 9 face aux 918 lieutenants hommes. Je sais que le temps n’est plus aux quotas, mais il conviendrait sans doute d’accélérer cette féminisation.

        Ce budget étant, je le répète, globalement satisfaisant sous réserve de réajustements d’effectifs, j’en proposerai donc l’adoption.

        M. Michel Meylan, rapporteur pour avis sur les services communs - Pour décrire l’adaptation des services communs à la transformation de notre modèle d’armée, je m’en tiendrai à l’analyse de la situation de 4 d’entre eux : la Délégation générale pour l’armement
        – DGA -, le Service de santé, le Service des essences et la Délégation à l’information et à la communication de la défense.

        La réforme de la DGA s’effectue progressivement, mais non sans mal. Ainsi, au début de cette année, l’installation du nouvel outil informatique s’est traduite par un arrêt total des engagements et des paiements. Au 30 juin, le montant des mandatements n’atteignait que le quart du niveau constaté pour l’ensemble de 1998. Il faut espérer que, comme il y a deux ans, ce retard sera comblé et je souhaite donc, Monsieur le Ministre, que vous me confirmiez que les mesures nécessaires seront prises.

        En vue de rénover ses relations avec les industriels de l’armement, la DGA souhaite mettre systématiquement ceux-ci en concurrence. A l’heure où les concentrations se multiplient, on peut s’interroger sur l’application de ce principe. La DGA reconnaît elle-même que 80 % des marchés sont notifiés sans mise en concurrence préalable. En réalité, la vraie question est celle de la sous-traitance et l’on ne peut que souhaiter que le plan d’acquisition des sous-équipements par les grandes entreprises devienne l’un des critères de choix dans la notification des marchés.

        La politique des commandes globales est en plein développement. Cependant, on peut se demander si le niveau des autorisations de programmes en 2000 permettra de tenir un objectif ambitieux.

        S’agissant enfin du statut de cette délégation et de son éventuelle transformation en service administratif à compétence nationale, j’insiste pour que l’on pose la question du périmètre optimal.

        Le Service de santé des armées poursuit la déflation de ses effectifs et se rapproche de l’objectif de 13 500 personnes arrêté pour 2002. On constate cependant des tensions persistantes en ce qui concerne les médecins des armées, tensions qui ne peuvent que s’aggraver avec la disparition des derniers médecins issus du contingent. Il conviendrait de rendre le métier plus attractif.

        D’autre part, ce Service a participé cette année à de nombreuses opérations extérieures et humanitaires, ce qui a eu des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers. Pourrions-nous avoir des précisions à cet égard ? Le fait que les surcoûts liés à ces opérations n’aient pas été pris en compte dans le projet de budget me paraît d’autre part une carence regrettable. Le problème est d’ailleurs le même pour le Service des essences.

        Enfin, pour la Délégation à l’information et à la communication de la défense, qui a remplacé le SIRPA en 1998 se posent non seulement la question de la formation du personnel mais aussi celle de la création d’une filière d’experts. On ne peut se contenter de suivre l’évolution, il faut la devancer en élaborant une stratégie.

        Compte tenu de toutes ces observations, vous comprendrez, Monsieur le Ministre, que j’aie décidé de m’abstenir sur le vote de ces crédits.

        M. le Président de la Commission - Il apparaît bien difficile de mesurer le temps accordé aux rapporteurs pour avis. Or ils sont particulièrement nombreux. Il conviendra peut-être de leur demander de se limiter à un ou deux points seulement la prochaine fois mais, pour aujourd’hui, on ne pouvait guère agir autrement puisque cette réunion n’a encore qu’un caractère expérimental.

        M. le Ministre - Il convenait en effet de roder la formule et, pour ma part, je juge que l’expérience est positive. Je militais d’ailleurs depuis longtemps pour une diversification des modalités d’examen du budget.

        Le débat a en tout cas montré le caractère dynamique de la collaboration nouée avec les parlementaires. Je me bornerai ici à répondre à des questions ponctuelles, réservant le reste pour l’examen en séance publique.

        M. Charasse a posé la question d’une autorisation de recrutement complémentaire en fin d’année. Sans doute y parviendrons-nous.

        M. Michel a eu l’amabilité de mentionner les progrès accomplis dans la réalisation des budgets. Je saisis l’occasion qui m’est ainsi offerte de féliciter tous les personnels qui ont œuvré à cette fin, n’hésitant pas à se rendre encore plus disponibles que de coutume. Il est vrai, aussi, que l’amélioration de la consommation des crédits ainsi constatée signifie que tout décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement sera désormais impossible. Je confirme par ailleurs souhaiter voir s’instaurer un partenariat souple entre une émanation de votre Commission et la DGA sur la politique des études.

        Contrairement à ce qu’a dit M. Galy-Dejean, je ne pense pas que notre porte-avions sera indisponible, comme il l’avance, de 50 % de la durée de la décennie : ce n’est pas réaliste. Son point de vue est intéressant, mais on ne peut concevoir la défense comme un jeu de Lego, et supprimer un équipement pour le remplacer par un autre.

        M. René Galy-Dejean - Ce n’est pas ce dont il s’agit !

        M. le Ministre - Je suis heureux qu’après en avoir parlé avec le Président de la République, le Premier Ministre se soit déclaré d’accord pour mettre en chantier une nouvelle loi de programmation militaire. C’est presque un luxe que le temps qui nous est ainsi accordé. Cela permettra à notre réflexion de progresser et il va sans dire que j’utiliserai cette durée pour évoquer, avec mes homologues, la politique d’équipement commune et, notamment, l’éventualité du lancement d’un deuxième porte-avions dans le cadre de l’Union. Dans ce domaine aussi, l’harmonisation devrait être la règle… De toute évidence, la question d’un second porte-avions se pose. Je note cependant que M. Galy-Dejean a évolué depuis qu’en 1995 il proposait de le supprimer… Peut-être nous fera-t-il de nouvelles propositions l’année prochaine ? (Sourires)

        M. Grasset a, quant à lui, mentionné les drones. On ne peut dire, à la lecture du projet, que le renseignement soit négligé. Mais la question sera abordée à nouveau dans le cadre européen, un consensus s’étant dégagé sur la nécessité de capacités communes en la matière. Une génération nouvelle de satellites radars pourrait donc être envisagée en coopération avec nos amis italiens et espagnols.

        J’ai apprécié le rapport de M. Galut, comme ceux de ses collègues. Il s’inquiète des fluctuations du prix des carburants, notamment dans l’armée de l’Air. Il est vrai que cette armée, payant de faibles taxes, est, plus que d’autres, confrontée à la volatilité des prix du pétrole. Toutefois, les adaptations se sont faites sans difficulté en 1999 et rien ne permet de penser qu’il en ira autrement en 2000, même s’il est difficile de faire des prévisions sur le prix futur du baril. Je souhaite par ailleurs tempérer sa préoccupation au sujet du Rafale. Non, le report à 2001 des options n’est pas artificiel puisque, lorsque la commande avait été passée de 48 de ces aéronefs, il était précisé que la commande ferme portait sur 28 appareils et que les 20 autres faisaient l’objet d’une option jusqu’à 2001. Il y aura donc un creux en 2000, mais il était prévu et le programme d’équipement n’est pas ralenti pour autant.

        M. Sandrier a centré son propos sur le sous-effectif du personnel civil de l’armée de Terre et sur le défi que constitue le prochain véhicule d’infanterie. Il nous faudra en effet combler les vacances de postes. La sous-traitance, à elle seule, ne suffit pas, et des concours seront organisés fin 1999 et en 2000. Il nous faudra, d’autre part, prendre des mesures favorisant la mobilité. Je suis ouvert à un dialogue avec votre Commission à ce sujet. Je note, d’autre part, que M. Sandrier demande que la fabrication du nouveau VCI soit accélérée. Il sait les difficultés de la coopération européenne dans ce domaine, et nous devrons nous servir de la commande française pour améliorer notre potentiel. De toute évidence, nous aurons l’occasion d’aborder à nouveau cette question.

        M. Le Drian a mentionné la réduction des crédits de la Marine. Je tiens à souligner qu’elle est réelle mais momentanée. De plus, entre les autorisations de programme prévues et les autorisations de programme à venir, c’est de 37,8 milliards de francs que disposera cette armée, ce qui représente 22 mois de crédits de paiement. C’est dire qu’il n’y a pas de risque de freinage. Le programme Horizon, en particulier, a été engagé, de même que 13 des programmes prévus en coopération avec nos partenaires européens, sur les 23 initialement prévus. 35 % du prix du bâtiment est consacré aux missiles, et cette partie du programme demeurera commune à trois pays. Quant à la coque, elle continuera d’être fabriquée avec les Italiens. Les TCD feront l’objet de très faibles commandes en 2000, mais les reports prévus permettront sans doute une rallonge. Quoi qu’il en soit, notre défense a un besoin impératif de cette nouvelle génération de navires, dont la fabrication aura bien lieu.

        J’ai noté que M. Le Drian formulait, sur la DCN, des propositions qui contrastent avec celles du Gouvernement. Je ne les pense cependant pas incompatibles. La DCN doit être restructurée car elle ne trouvera pas de partenaire industriel aussi longtemps que les problèmes de surcoût et de productivité n’auront pas été résolus. Mon intention est, par ailleurs, d’obtenir la modification des règles de passation des marchés en ce qui la concerne.

        Comme l’a souligné M. Lemoine, les gendarmes souffrent d’une surcharge de travail. Une session du Conseil de la fonction militaire sera organisée, au cours de laquelle des mesures seront proposées pour alléger cette charge, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur pour ce qui concerne les gardes statiques. L’insuffisante féminisation des cadres de la Gendarmerie est, en effet, un motif d’insatisfaction, mais l’on sait quel frein ont constitué les quotas. Les femmes seront encore faiblement représentées au sein des gradés de la Gendarmerie pendant quelques années, mais la politique actuelle de recrutement de ce corps tient compte du nouvel objectif qui a été fixé.

        Je remercie M. Meylan de l’appréciation qu’il a portée sur le projet. Je pense, comme lui, que la sous-traitance représentera l’un des principaux leviers de la nouvelle politique du ministère, qui vise à améliorer l’efficacité et les coûts. La DGA devra donc la favoriser et le ministère des Finances s’y est engagé. Quant aux tensions dans le service de santé, elles ont été soulignées à juste titre. Si la carrière des médecins militaires demeure attrayante, il nous faudra toutefois offrir aux jeunes médecins déjà formés des contrats plus incitatifs afin que ce service conserve son rôle éminent.

        M. le Président de la Commission - Je donne à présent la parole aux représentants des groupes politiques, en commençant par M. Lellouche, pour cinq minutes environ.

        M. Pierre Lellouche - Le projet de budget de défense que vous nous proposez est, et je pèse mes mots, tout simplement irrecevable. En apparence, il semble moins éloigné de la loi de programmation que celui de l’année dernière. Mais, en réalité, avec des crédits de paiement en diminution de 3,5 % et 87,8 milliards de francs d’autorisations de programme, il obère la plupart des programmes clefs d’équipement de nos armées, qui ne sont pas financés.

        Après «l’encoche» et la «revue des programmes» ce projet aurait dû, compte tenu de vos propres engagements et d’une conjoncture économique exceptionnellement favorable, être celui du rattrapage. Il marque au contraire une étape supplémentaire dans un processus d’effritement systématique, inexorable, et soigneusement camouflé. Au nom du groupe RPR, j’accuse donc (Protestations) votre Gouvernement de briser le consensus qui devrait présider à l’élaboration de la politique de défense nationale et de compromettre gravement l’efficacité de nos forces alors que les conflits régionaux se multiplient, que les armes de destruction massive prolifèrent et que nos forces armées sont engagées de plus en plus fréquemment dans des opérations humanitaires ou de maintien de la paix. Ce faisant, votre Gouvernement condamne l’édification d’un véritable pôle européen de défense capable de rééquilibrer l’Alliance atlantique et de contrebalancer l’hyperpuissance américaine.

        Ni les rentrées fiscales exceptionnelles de 1999, ni la hausse record des prélèvements obligatoires ne vous ont donc suffi pour remplir votre mission essentielle, qui est de garantir la souveraineté de l’Etat. Où va l’argent ? Non pas à assurer la sécurité de la France, mais à satisfaire un éventail de promesses électorales qui, des emplois-jeunes à la CMU en passant par la réduction du temps de travail, totaliseront 170 milliards de francs de dépenses annuelles supplémentaires. 170 milliards de francs, ce sont deux annuités du budget d’équipement de toutes nos armées, ou encore 10 porte-avions !

        Faute de temps, puisque la nouvelle procédure budgétaire que vous nous avez imposée nous contraint à un débat que le Président de la Commission a lui-même qualifié de «pâteux» mais que je dirai plutôt «cotonneux»…

        M. le Président de la Commission - Cette procédure nouvelle n’a pas été imposée, mais acceptée par le Bureau de l’Assemblée.

        M. Pierre Lellouche - Cette formule n’est pas satisfaisante, chacun peut le constater, et je puis vous assurer que le groupe RPR y est opposé. Quoi qu’il en soit, je me contenterai de donner quelques exemples illustrant les engagements politiques pris par le Premier Ministre et par vous-même, Monsieur le Ministre.

        Côté pile, le Premier Ministre déclarait, le 22 octobre, devant l’IHEDN : que « La puissance des nations reste au cœur des préoccupations de tout responsable d’Etat. Comme chef du Gouvernement, responsable selon la Constitution de la défense nationale, je mets cette question au cœur de ma réflexion. Pour la première, fois, une loi de programmation militaire -celle de 1997 à 2002- trouve sa traduction budgétaire dans la durée. Chaque année le Gouvernement a veillé à doter le ministère de la Défense des moyens financiers et des effectifs nécessaires pour mener à bien cet exercice ». Côté face maintenant, d’encoches en annulations, de transferts du titre V au titre III en crédits non consommés, les armées ont été amputés depuis 1997 de 50 milliards de francs en crédits de paiement, de 59 milliards de francs même si l’on inclut les annulations dues aux opérations extérieures non financées ainsi que l’inscription, pourtant normalement exclue, de dépenses civiles de recherche développement au budget de la défense, soit au total 11 % des dotations prévues dans la loi de programmation.

        Côté pile, à nouveau M. Jospin : «Il nous semble important de développer les capacités européennes dans les domaines où elles manquent le plus cruellement : renseignement, commandement et contrôle, mobilité stratégique. Pour agir, l’Union européenne doit pouvoir s’appuyer sur des capacités nationales et multinationales de commandement et de projection». Mais côté face, il manque 18 milliards de francs pour réaliser les engagements des programmes Rafale, NH 90, et M 51 pour 2001 , alors que le futur Airbus militaire, pourtant essentiel à notre mobilité stratégique, n’est nullement lancé. Or à lui seul ce programme coûtera 20 milliards de francs.

        Côté pile, M. Jospin toujours : «Nous devons aussi renforcer nos moyens de contrôle et de commandement, notre capacité autonome à apprécier les situations. Lors du conflit du Kosovo, un certain nombre de technologies ont fait défaut». Bon diagnostic. Mais est-ce pour cela que, côté face, le budget spatial de nos armées est littéralement sacrifié cette année encore avec 25 % d’autorisations de programme et 15 % de crédits de paiement en moins, sans compter le transfert de 1,5 milliard de francs au CNES ? A eux seuls, les transferts au BCRD -50 millions en 1998, 900 en 1999 et 1,5 milliard de francs en 2000- représentent trois fois le financement d’Helios II et dix fois celui de Syracuse II. Est-ce à cause du Kosovo, de l’ambition américaine de dominer tous les secteurs spatiaux que nous avons gelé nos programmes en ce domaine ?

        Côté pile, M. Jospin ajoutait que l’investissement technologique pourrait être accentué sur les drones. Est-ce pour cela que, côté face, les 5 drones perdus au Kosovo ne sont pas remplacés ?

        Côté pile, Lionel Jospin encore : «Le Kosovo a mis en évidence le déséquilibre entre les moyens des Européens et ceux des Américains». Est-ce pour cela que, côté face, l’armée de l’Air, grand vainqueur de la guerre, voit ses crédits fondre cette année, ses commandes de 12 Rafale repoussées à 2001 et l’ATF renvoyé aux calendes ? Est-ce pour cela qu’elle n’obtient qu’un seul avion neuf cette année et, que, aux deux tiers de la loi de programmation, 90 avions de combat de la dernière génération sont disponibles, sur les 300 prévus ?

        A l’instar de nos chefs d’état-major, dont je salue la franchise et le sens des responsabilités, je pourrais continuer encore longtemps cette triste énumération, invoquer le vieillissement inquiétant de notre flotte, relever l’état préoccupant de nos stocks de munitions qui nous a conduits à en acheter aux Etats-Unis en pleine guerre du Kosovo, noter la durée d’entraînement trop brève de nos forces terrestres.

        La cohérence stratégique et opérationnelle de nos armées, régulièrement rappelée par les plus hautes autorités de l’Etat, n’est tout simplement plus garantie par l’effort financier consenti par le Gouvernement. Nous sommes tout près du point de rupture entre les sollicitations liées au contexte stratégique de l’après-guerre froide -60 interventions depuis 1990, plus de 20 000 hommes hors métropole dont 8 500 dans la seule ex-Yougoslavie-, les ambitions de notre mission dans le monde, et la triste réalité de nos moyens.

        Je vous donne acte, Monsieur le Ministre, que la professionnalisation souhaitée par le Président de la République est en train d’entrer dans les faits, les dépenses de fonctionnement étant à peu près financées. Mais professionnalisation ne signifie pas désarmement unilatéral de nos forces ! (Exclamations) A moins que votre vision de la République soit celle d’une société d’assistés que protégerait une milice de mercenaires (Vives exclamations) mal équipés et mal armés. (Protestations et rires) Telle n’est pas notre conception de la défense nationale. Aussi le groupe RPR ne votera-t-il pas ce budget.

        Au lieu de rire, Monsieur le Ministre, vous feriez mieux de me répondre par des chiffres !

        M. le Président de la Commission - Qu’il n’y ait pas de malentendu : cette formule expérimentale a été voulue, même si le groupe RPR s’y est opposé, par le Bureau de l’Assemblée nationale. A l’évidence, il y a des choses satisfaisantes et d’autres qui le sont beaucoup moins. Ainsi, je ne suis pas satisfait par la litanie des 11 rapports, dont 3 ont été d'ailleurs présentés par des députés de l’opposition, ce qui montre, Monsieur Lellouche, que chacun peut s’exprimer. M. Poujade m’a fait parvenir une proposition que je soumettrai à la Commission afin que l’an prochain la présentation orale des rapports soit réduite à sa plus simple expression et que la discussion s’engage ainsi plus vivement.

        M. Paecht - A condition qu’on ait les textes…

        M. le Président de la Commission - J’ai expliqué que c’est le Règlement de notre Assemblée qui empêche que les documents soient publiés sans qu’ils incluent les débats en commission. Peut-être faudrait-il changer le Règlement ?

        M. Guy-Michel Chauveau - Je ne reviendrai pas sur les analyses qui ont déjà été faites, il va de soi que je ne partage pas la dernière, mais ne dit-on pas que tout ce qui est excessif est insignifiant ?

        M. Galy-Dejean a eu raison de ne pas remonter trop loin, cela évite de rappeler le trou de 20 milliards de francs de 1995…

        Notons par ailleurs que le débat sur la dissuasion nucléaire n’est pas d’actualité.

        L’année dernière, après une revue de programmes intégrant les diverses évolutions stratégiques, nous avions pris acte des ajustements opérés, dont certains restent à confirmer, en particulier en ce qui concerne nos capacités de projection. Dans le conflit du Kosovo, la France a apporté une contribution significative aux opérations aériennes et les parlementaires de notre groupe comme de tous les autres ont rendu hommage à l’action des personnels, qui demeure encore difficile dans le cadre de la reconstruction de la région. Toutefois, des insuffisances sont apparues et il nous appartient de les analyser sereinement dans l’optique de la prochaine loi de programmation.

        Il faut insister sur la volonté politique de la plupart des gouvernements de faire progresser une Europe de la sécurité et de la défense. Après les sommets de Saint-Malo, Berlin, Toulouse, Brême, Cologne, des avancées considérables ont été enregistrées. Il serait intéressant, Monsieur le Ministre, que vous fassiez devant nous un état des lieux et que vous traciez les perspectives.

        Le renforcement de l’Europe de la défense passe par une attitude pragmatique comme la vôtre. Il faut d’abord tenir compte des évolutions des modèles d’armées et des coûts induits. Le Premier Ministre a indiqué devant l’IHEDN, on l’a dit, les objectifs de l’architecture européenne de défense. Il a défini les organes nécessaires à la prise de décisions collectives, identifié les outils militaires permettant de mettre en œuvre les engagements souscrits à Cologne, souhaité un développement des activités européennes dans les domaines du renseignement, du commandement, du contrôle et de la mobilité stratégique. Il a recommandé la création des organes politiques et militaires appropriés : comité politique et de sécurité, comité militaire européen, états-majors européens. Lundi dernier, la Finlande, qui préside actuellement l’Union européenne, a proposé la création d’un comité militaire pour la gestion des crises. La France pour sa part soumet depuis plusieurs semaines un plan d’action à ses partenaires. Là aussi, nous aimerions un bilan d’étape.

        La France a signé le 6 juillet 1998 avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni, une lettre d’intention qui fixe un calendrier des objectifs en matière de sécurité des approvisionnements, de procédures d’exportation, de sécurité de l’information, de recherche et de technologie, de traitement et d’harmonisation des informations. Où en sommes-nous de cette procédure très importante ?

        La France entend donc que la construction de l’Europe de la défense soit la plus rapide possible. La prochaine présidence française de l’Union lui permettra d’y contribuer davantage. Les Européens doivent être en mesure de décider et de conduire des opérations militaires de type Petersberg. Vous-même, Monsieur le Ministre, releviez il y a peu « un manque relatif de volonté politique de la part des Européens » à développer leurs propres moyens militaires, ajoutant qu’il était essentiel de « trouver les moyens qui permettront à l’Europe de gérer les crises régionales et de donner le choix aux Etats-Unis de participer ou non ».

        Comme l’a rappelé le Président de la Commission de la Défense, toutes ces initiatives bouleversent le cadre institutionnel d’une politique de défense jusque là limitée à la coopération industrielle. En septembre 1998, vous avez signé avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie une convention qui permet à l’OCCAR de recevoir des engagements pluriannuels des Etats et de passer en leur nom les contrats pour les programmes qui lui sont confiés. Une dynamique est enclenchée et, avec les restructurations européennes, en particulier la création d’EADS, d’autres partenaires, comme l’Espagne et les Pays-Bas, frappent à notre porte. Un tel outil est d’autant plus nécessaire qu'en cet automne, la poussée des nouvelles sociétés est aussi rapide que celle des champignons. Après la restructuration électronique autour de Thomson-CSF, le regroupement des activités satellites au sein d’Alcatel-Space, la naissance d’Aérospatiale Matra a confirmé notre volonté politique. Si l’on y ajoute les autres accords conclus, on ne peut que se réjouir d’une telle politique industrielle.

        La question des moyens affectés aux différents budgets de défense est aujourd’hui la plus importante. Les budgets des pays européens membres de l’OTAN représentent 170 milliards de francs de dollars pour des effectifs de 2,3 millions de personnes. Le budget américain est lui de 270 milliards de francs de dollars pour 1,5 million de personnes. Les budgets d’investissement européens atteignaient 40 milliards de francs de dollars en 1998 contre 80 milliards de francs pour les seuls Etats-Unis. Or compte tenu de l’orientation de plusieurs Etats vers la professionnalisation des armées, les budgets ne pourront pas être maîtrisés, l’exemple de la France le montre...

        M. Pierre Lellouche - Ah !

        M. Guy-Michel Chauveau - Parfaitement, cela coûtera plus cher que ce que vous aviez annoncé en 1995 !

        On voit mal dans ces conditions comment seraient dégagées des marges de manœuvre supplémentaires pour la modernisation de l’outil militaire. Des complémentarités devront donc être obligatoirement recherchées tant pour le fonctionnement que pour l’investissement.

        Je veux enfin revenir sur la non-ratification par les Etats-Unis du traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

        M. Jean Michel - Scandaleux !

        M. Guy-Michel Chauveau - Cela souligne l’unilatéralisme de l’hyperpuissance que sont les Etats-Unis. Depuis 1990, avec nos alliés, tous nos efforts communs visaient à un traitement politique de la non-prolifération, ce qui nous conduisait à soutenir de toutes nos forces la reconduction du traité de non-prolifération et du traité d’interdiction des essais. C’est toute cette politique que vient à mettre à mal le Sénat américain, sans qu’à aucun moment la voix des Européens soit entendue.

        Cette décision fait peser une vraie menace sur notre sécurité. Il ne saurait y avoir, pour la France et pour l’Europe, de réponse militaire au risque de prolifération. Les mesures de rétorsion par des frappes préventives déstabilisent la sécurité internationale et le projet de bouclier anti-nucléaire que les Américains ne tarderont pas à vanter à nouveau reste un mythe, car un seul missile suffit à rendre le concept inefficace. La politique américaine aboutira donc à une relance de la course aux armements nucléaires, inutile, coûteuse et dangereuse. Nous ne pouvons donc que chercher, avec nos partenaires européens, à faire évoluer la position de notre allié américain.

        En conclusion, un peuple n’est fort que si la solidarité nationale s’exprime. Cette réussite économique que peut-être on nous envie aujourd’hui, contribue au rôle que nous jouons en Europe, et cette volonté politique que nous voulons susciter chez nos partenaires en dépend en grande partie.

        M. Robert Poujade - Je reviens sur la situation paradoxale du budget de l’armée de l’Air, qu’ont relevée aussi bien les chefs d’état-major que le rapporteur pour avis et celui de la Commission des Affaires étrangères. Ce paradoxe est le suivant : d’un côté, une gestion remarquable et rigoureuse, l’avancée de la professionnalisation, un bon recours à la sous-traitance ; et de l’autre, le budget le plus médiocre pour ce qui est des crédits de paiement des titres V et VI. On connaît les conséquences de ce décalage pour les missiles Scalp et Apache, le report à 2001 de la deuxième tranche de commande globale de 12 Rafale, et je ne parle pas de l’ATF. Ces arbitrages budgétaires s’expliquent par une circonstance curieuse, et j’en parle d’autant plus librement que jadis les Etats de Bourgogne offrirent à la Marine un vaisseau de haut bord (Sourires) : aujourd’hui c’est l’armée de l’Air qui offre des frégates à la Marine. C’est un mauvais système. Ce budget de l’air ne peut apparaître que comme un budget d’attente si l’on est optimiste, un budget d’imprévision si on ne l’est pas.

        M. Bernard Birsinger - Je tiens à exprimer l’insatisfaction du groupe communiste quant aux nouvelles modalités d'examen de ce budget. La procédure décidée par la Conférence des Présidents voulait favoriser un débat riche et spontané, dans un équilibre équitable des temps de parole. A l’évidence cet objectif n’est pas atteint, et nous devrons réfléchir ensemble à la possibilité d’avoir le débat qu’attendent nos concitoyens sur des questions de cette importance, car ce budget dépasse 242 milliards de francs. Or trois groupes parlementaires ne disposent que de 5 minutes. Il faudra revoir cela.

        Ce budget, comme les précédents, concrétise la loi de programmation votée en 1996 et ses nouvelles orientations décidées par le Président de la République, fondées sur la professionnalisation et la projection. Nous rappelons notre opposition de principe à une orientation qui ne tend pas à mettre en œuvre une politique globale de sécurité collective en France et en Europe, dont le volet militaire, indispensable, n’est qu’une dimension. Dans un monde livré au règne sans règles des marchés, où les inégalités s’accroissent, c’est là qu’il faut voir les principaux facteurs de risques. Donner la priorité au traitement à chaud des crises risque d’être lourd de déconvenues, alors que c’est la prévention qui devrait être la priorité. Nous devrions davantage écouter les jeunes : dans le manifeste adopté lors du Parlement mondial des enfants, leurs premiers mots sont pour souhaiter que le 21ème siècle soit un siècle de paix et de non-violence. Et ils demandent que les dépenses militaires excessives soient réorientées vers des programmes en faveur de la paix. La guerre du Kosovo a montré combien difficile était le rétablissement d’une paix durable après que la guerre a semé son lot de violences et de souffrances. L’objet fondamental doit être de rendre impossibles les conflits à venir. Dans ce but, il faut rendre tout leur rôle aux instances représentatives de la Communauté internationale, l’ONU et l’OSCE. Un texte a d’ailleurs été signé par de nombreux députés et par le Président de notre Commission : il a pour but d’adresser des propositions à l’ONU pour réfléchir à la possibilité d’une défense au service des droits de l’homme et de la paix dans le monde. L’ONU a d’ailleurs décidé à l’unanimité de faire de l’an 2000 l’année internationale de la culture de paix. L’occasion est ainsi donnée à la France de prendre des initiatives diplomatiques fortes et de relancer le désarmement nucléaire, comme nous avons su le faire en 1993 pour les armes chimiques, et je rejoins mon collègue socialiste pour demander au Gouvernement de prendre des initiatives à ce sujet. Il y a urgence face au danger de prolifération, que favorisent la décision du Sénat des Etats-Unis de ne pas ratifier le traité de non-prolifération et le projet américain de bouclier antimissile.

        La France doit agir en Europe pour que la future politique européenne de sécurité s’oriente prioritairement vers la prévention des conflits, le renforcement des coopérations pacifiques, le soutien aux sociétés civiles et à la démocratie. Elle doit soutenir la Charte de sécurité commune qui sera adoptée au prochain sommet de l’OSCE. Faire reculer les tensions requiert aussi de réformer le système financier international afin de favoriser, plutôt que la guerre économique, une logique de coopération pour le co-développement. Pour cela il faut de l’argent : comme l’a dit M. Mayor, on ne peut pas payer à la fois le prix de la paix et celui de la guerre. D’où l’importance, pour la prochaine loi de programmation, d’avoir un vrai débat sur les conditions de notre sécurité collective.

        Votre budget, Monsieur le Ministre, pose question sur plusieurs autres points. Sur le titre III et les personnels civils, nous partageons certaines remarques formulées devant la Commission par les organisations syndicales : il n’est pas normal que des crédits destinés à des postes non pourvus à la DGA, à la DCN et au GIAT, soient basculés pour financer la sous-traitance. Nous sommes sensibles à la crainte des syndicats de voir ainsi s’installer la précarité. Pouvoir compter sur des ouvriers d’Etat qualifiés et dotés d’un statut est aussi une garantie pour notre défense. Les arguments sur l’impossibilité d’organiser la mobilité ne nous ont pas convaincus. De nombreuses questions se posent aussi sur le financement des grands projets. Il y a une contradiction entre la volonté affirmée d’autonomie à l’égard des Etats-Unis et la baisse de 15,3 % des crédits de paiement consacrés à l’espace. Si la France doit tout faire pour le désarmement nucléaire -ce qui implique la ratification du traité de non-prolifération par tous les Etats concernés et, à terme, la fin des essais, y compris en laboratoire- nous ne pensons pas que notre pays doive baisser sa garde unilatéralement. Néanmoins, des économies peuvent être faites dans ce domaine, notamment sur le SNLE ou le M 51. Si la fabrication de nouveaux matériels s’inscrit dans une orientation stratégique que nous ne partageons pas, reste que notre armée doit avoir les moyens de fonctionner. Nous prenons au sérieux les remarques récentes de plusieurs autorités militaires sur les difficultés d’approvisionnement en munitions qui, durant la guerre du Kosovo, nous ont obligés à faire appel aux Américains.

        A travers le financement des programmes, c’est aussi le plan de charge des différents établissements qui est en cause. Restructurations et fusions se multiplient dans un domaine sensible qui touche à la souveraineté de notre pays, avec de lourdes conséquences sur l’emploi : je pense à la DCN, à la DGA et à GIAT industries notamment. C’est tout un potentiel de compétences et de savoir-faire qui risque de disparaître, alors qu’il pourrait contribuer au développement de nouvelles activités industrielles, y compris civiles. La diversification-développement n’est pas traitée au niveau qui convient. Sur tous ces points, des réponses doivent être apportées dès le présent débat budgétaire.

        Mais il faut aller au-delà. Nous proposons qu’un débat se tienne à l’Assemblée sur la situation et l’avenir de l’industrie d’armement. Sa préparation pourrait prendre la forme d’un colloque largement ouvert aux industriels, aux syndicats, aux militaires et aux élus locaux. Nous approuvons également la proposition de deux syndicats de créer une mission d’information sur l’avenir de GIAT. Nous savons ce que la politique de défense doit au contexte de la cohabitation, mais nous pensons que le souffle du changement voulu par les Français en 1997, implique que soit redéfini, dans une large concertation, le contenu même de la politique de défense. Vous comprendrez donc, Monsieur le Ministre, nos réserves sur votre budget, dans ses orientations fondamentales comme dans les aspects concrets. Nous attendons des réponses sur une série de questions précises avant de déterminer notre vote.

        M. le Président de la Commission - Permettez-moi de vous faire observer que vous avez doublé votre temps de parole.

        M. Michel Voisin - Une fois de plus, nous devons constater que la défense n’est plus une priorité pour le gouvernement de la France. Certes, les menaces ont évolué depuis l’époque de la guerre froide. Mais les événements récents, notamment ceux du Kosovo, ont montré l’importance de nos besoins pour remplir nos engagements et tenir notre rang au sein de l’Alliance et de la Communauté européenne. Une chose est déjà évidente : si nous ne stoppons pas immédiatement la déflation du budget militaire, c’est toute la cohérence opérationnelle qui risque d’être mise à mal. Nous faisons nôtres l’inquiétude et la préoccupation qu’ont exprimées tous les chefs d’état-major devant notre Commission. Le budget 2000 n’est pas encore dramatique, mais, s’il n’est pas substantiellement relevé dès 2001, nous irons droit vers l’incohérence stratégique. Chacun reconnaît pour le moins que les flux sont très tendus, avec un risque permanent de rupture.

        Si, dans cette quatrième année de la loi de programmation, les engagements relatifs à la professionnalisation sont globalement bien respectés, on ne peut en dire autant de la politique d’équipement. Le niveau des autorisations de programme est particulièrement contraint, ce qui peut avoir des conséquences très négatives sur la capacité de notre future armée professionnelle. Quant aux crédits de paiement, ils sont déjà largement insuffisants : révision à la baisse à l’occasion de la revue des programmes, annulations, transferts au titre V, inscriptions au BCRD, les ont amputés. Nous constatons en outre la rechute dans une vieille pratique budgétaire, que nous avons condamnée sous tous les gouvernements : la non-adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement. Il en résulte des retards dans la mise en œuvre des programmes, cependant que l’insuffisance des autorisations de programme interdit de lancer toutes les commandes globales qui seraient nécessaires. Certaines ont ainsi été renvoyées après 2000, et pour 2001 il faudrait 18 milliards de francs de plus pour les honorer. Les engagements concernant le missile M 51 et l’hélicoptère NH 90 ne peuvent plus être tenus. Enfin, rien n’est prévu pour l’indispensable ATF.

        D’une manière générale, la situation de l’armée de l’Air se dégrade et sa part dans le budget ne cesse de diminuer. Le conflit du Kosovo a pourtant montré la qualité professionnelle et la disponibilité du groupe aéronaval. Je partage l’opinion de M. Galy-Dejean : il faut rapprocher la construction d’un deuxième porte-avions pour assurer la disponibilité permanente du groupe aéronaval. Quant à l’épineux problème du coût des opérations extérieures, soit 4,5 milliards de francs par an, il n’a toujours pas trouvé de solution satisfaisante : on continue à le régler en transférant des crédits d’équipement annulés, ce qui rend encore plus chaotique la gestion du titre V. Nous entrons cette année dans la préparation de la future loi de programmation, mais cet exercice va se heurter aux bosses financières accumulées pendant la loi actuelle, de sorte qu’on peut déjà s’interroger sur sa crédibilité.

        Le groupe UDF juge ce projet lourd de menaces pour l’avenir. Je précise que nous ne mettons pas en cause le Ministre de la Défense, ni son ministère, et je rends hommage à tous les personnels qui servent sous ses ordres. Mais depuis une dizaine d’années la défense n’est plus une priorité pour nos gouvernements. Nous le regrettons : si les menaces ont changé, elles ne sont pas éteintes. Les Etats-Unis l’ont bien compris, eux qui ont augmenté leurs crédits militaires. Nous tenons à tirer la sonnette d’alarme, et nous ne pourrons approuver ce budget.

        M. Jacques Myard - Je vous remercie de m’accueillir en tant que membre de la Commission des Affaires étrangères. Il est vrai que le soldat et le diplomate ont toujours marché de pair, et cela durera, malgré les illusions de certains. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous exprimer mon admiration : il faut du courage pour présenter un aussi mauvais budget. Il hypothéquera gravement l’avenir.

        Ma première question concernera la constitution du groupe EADS, dont se sont réjouis la presse, le Gouvernement et certains membres de l’opposition. Il s’agit d’une société européenne d’armement. Oui, mais… Dans le domaine de la défense, un groupe de droit néerlandais, livré aux forces du marché, ne risque-t-il pas de nous échapper complètement ? Ne peut-il faire l’objet d’OPA ?

        M. le Ministre - Vous avez dit «oui mais» Pourquoi oui ?

        M. Jacques Myard - "Oui", parce que cela peut être un élément positif à condition que nous contrôlions les prises de décision. "Mais", parce que ce groupe peut être soumis complètement aux lois du marché et nous échapper. Je vous invite à observer l’exemple des Américains, qui ont su mettre en place des verrous. Quels sont les verrous que le gouvernement français a mis en place pour éviter que ce consortium échappe totalement à son influence alors qu’il s’agit de notre défense nationale ?

        Ma deuxième question concerne l’évolution du concept stratégique de l’Alliance atlantique. J’ai écrit au Premier Ministre à ce sujet mais sa réponse ne m’a pas donné satisfaction. Le concept stratégique adopté le 24 avril dernier à Washington marque une transformation radicale : d’alliance défensive, l’Alliance atlantique devient un instrument de maintien de l’ordre, et ceci sous la poussée des Américains. Ne pensez-vous pas que cela va bien au-delà du Traité de l’OTAN et que le Parlement devrait donner son autorisation à cette transformation radicale ?

        M. Charles Cova - Monsieur le Ministre, ma question n’est pas nouvelle. Il s’agit d’améliorer la situation de certains lieutenants et sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976, qui n’ont pu bénéficier des mesures d’avancement instituées ultérieurement. Aujourd’hui ces officiers, ou leurs veuves, perçoivent une pension inférieure à celle qu’ils auraient reçue s’ils étaient restés sous-officiers. Cette situation est unanimement déplorée, par les militaires eux-mêmes, par notre Commission et par le ministère de la Défense. C’est pourquoi, fort du soutien de la Commission, j’ai déposé un amendement tendant à ce que les sous-lieutenants admis à la retraite avant le 1er janvier 1976 puissent prétendre à une révision de leur pension sur la base du grade de major. Malheureusement, la Constitution et le Règlement de l’Assemblée rendent une telle initiative parlementaire irrecevable. Je souhaiterais donc savoir si vous seriez prêt à reprendre cet amendement et à régler une fois pour toutes cette injustice criante.

        M. François Lamy - Je concentrerai mon propos sur trois ou quatre points.

        En ce qui concerne le déroulement de cette séance, je pense qu’il serait plus intéressant de débattre de chaque rapport après sa présentation pour éviter des décalages dans nos propos.

        Nous sommes à mi-temps à la fois de la législature et de la professionnalisation des armées. J’ai étudié le rapport du ministère de la Défense sur l’exécution de la loi de programmation et la réforme du service national. J’en profite pour attirer l’attention de nos collègues sur l’importance d’examiner ce genre de rapports, puisque nous faisons de plus en plus obligation aux Ministres d’en présenter. En dépit des critiques de M. Lellouche, je constate que les objectifs fixés ont été respectés, notamment en ce qui concerne les effectifs. Le taux d’encadrement se renforce, le recrutement des volontaires et des personnels civils se passe de façon correcte, les rémunérations et les charges sociales sont bien maîtrisées. Cette loi de finances permet donc, en ce qui concerne les crédits de fonctionnement, une exécution correcte de la loi de programmation militaire, même si nous souhaiterions augmenter davantage les capacités d’entraînement.

        En ce qui concerne les équipements, je dirai simplement à M. Lellouche que, quitte à citer le chef d’état-major des armées, autant le citer complètement. Or, ce dernier a bien dit à la Commission de la Défense qu’il n’y avait pas de rupture dans la politique d’équipement. A propos de l’ATF, il a certes eu raison de souligner l’importance de ce programme : mais pourquoi alors ne pas l’avoir inscrit dans la loi de programmation 1997-2002 ?

        La crise du Kosovo a permis de confirmer la validité du choix de professionnaliser les armées. Nos capacités de déploiement ont été deux fois plus importantes que pendant la guerre du Golfe. En matière d’équipement, si nous avons pu constater un certain nombre de manques, il reste que globalement, les forces françaises ont bien rempli les missions assignées, comme l’a confirmé le général Clark à notre mission d’information sur le Kosovo. Il faudra cependant réfléchir, à l’occasion de la nouvelle loi de programmation, sur les capacités d’emploi de certains équipements. Je ne suis pas certain qu’on pourra expliquer longtemps à l’opinion publique qu’il faut construire des avions modernes capables de larguer leur armement à 500 mètres d’altitude si on les oblige à voler au-dessus de 5 000 mètres, ni qu’il faut continuer à construire des hélicoptères de combat si on ne peut pas les engager sur le théâtre des opérations. Une réflexion s’impose sur les types de guerres à mener actuellement. Nous avons connu une guerre technologique qui a rempli ses objectifs. Mais dans d’autres pays ont lieu des guérillas qui exigent d’autres armes et d’autres techniques.

        Lors du débat sur la suppression du service national, il y a eu de longues discussions entre la majorité et l’opposition sur l’utilité réelle de la journée d’appel de préparation à la défense. Or, à la lecture de ce rapport, on constate que plus d’un tiers des jeunes qui y ont participé souhaitent garder le contact avec l’armée. C’est un résultat plutôt satisfaisant. Il faudra continuer à réfléchir aux moyens de raffermir le lien entre l’armée et la nation.

        En ce qui concerne les opérations extérieures, je vous confirme notre souhait de les voir intégrer dans la loi de finances, même si cela pose des difficultés techniques. Il est assez incompréhensible que l’on soit obligé de parler de « surcoût » dès que l’armée sert, comme si cela avait un caractère exceptionnel ! Il serait financièrement plus rigoureux d’intégrer au moins les opérations extérieures déjà en cours et dont on sait qu’elles vont se poursuivre.

        Enfin, je souhaite que l’année 2000 voie aboutir la discussion engagée sur le renforcement du débat démocratique et du contrôle parlementaire sur les opérations extérieures. En ce qui concerne le conflit du Kosovo, il aurait été nécessaire que les parlementaires puissent être consultés avant la décision d’intervention.

        M. Antoine Carré - Le récent conflit du Kosovo a montré que le choix de la professionnalisation était adapté. Que retenir de ce budget ? Le niveau des crédits de fonctionnement est limite, mais permet d’augmenter un peu le nombre de journées d’entraînement. Il est cependant probable que les crédits de la Gendarmerie devront être revus en cours d’année.

        En ce qui concerne les investissements, la situation est moins brillante. Malgré les efforts de rationalisation de la gestion et de coopération européenne, les principaux chefs d’état-major sont inquiets pour l’avenir. Les autorisations de programme ne permettront pas de moderniser notre outil de défense dans un délai suffisant, surtout en ce qui concerne la Marine et l’armée de l’Air. Le conflit du Kosovo vient pourtant de montrer que nos forces peuvent manquer de munitions et que notre système de renseignement est trop dépendant de nos alliés. Des crédits supplémentaires seraient donc nécessaires.

        Ce budget ne prend pas en compte les opérations extérieures. Il faudra résoudre ce problème.

        En ce qui concerne le service de santé des armées, un remarquable rapport sénatorial a mis en lumière les difficultés de recrutement de médecins militaires et de personnel paramédical. Il est indispensable de trouver rapidement des solutions, qui auront évidemment des incidences budgétaires.

        En conclusion, ce budget est très tendu et inspire des inquiétudes quant à notre niveau d’équipement militaire. Il permet certes le respect de la loi de programmation, mais avec retard par rapport aux besoins. Il aurait dû tenir davantage compte des leçons de la guerre du Kosovo. Il aurait surtout dû bénéficier de l’amélioration de la situation budgétaire : lors des arbitrages, les excédents de recettes fiscales auraient dû être affectés davantage à la défense nationale.

        Pour le groupe DL, ce n’est pas un bon budget.

        M. Jean-Louis Bernard - La guerre du Kosovo a mis en évidence l’efficacité de notre armée de l’Air, déjà constatée dans le conflit du Golfe et en Bosnie. Les cibles ont été parfaitement identifiées et les tirs précis. On aurait donc pu espérer que le budget 2000 serait à la mesure des services rendus. Or il n’en est rien. Ce budget est plus que serré, il est ficelé. Quand les crédits de paiement des titres V et VI diminuent de 7 % et les autorisations de programme de 10 %, le rapporteur du budget de l’armée de l’Air ne peut avoir grand plaisir à le présenter ! Il a d’ailleurs relevé comme il convenait plusieurs insuffisances à ce titre.

        L’armée de l’Air ne bénéficiera l’an prochain que de 20 % des crédits, contre 22 ou 23 % les années précédentes et 28 % en Grande-Bretagne. Le traitement qu’on lui a accordé n’est donc pas des meilleurs. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit M. Poujade à propos des retards pris par les programmes, sauf pour insister comme l’an dernier sur celui qui affecte l’ATF. Dois-je rappeler que nos Hercule C 130, partis d’Orléans, ont mis six jours pour arriver au Timor oriental ? Ils ont dû faire escale à Istres, au Caire, dans un émirat, puis à Ceylan et à Singapour !

        M. le Ministre - Voulez-vous dire qu'ils devraient être basés à Istres, pour gagner un jour ? (Sourires)

        M. Jean-Louis Bernard - Je veux simplement regretter le silence sépulcral de cette loi de finances en ce qui concerne le programme ATF Il faut espérer que, malgré l’alignement de la Grande-Bretagne sur les Etats-Unis et la préférence donnée par l’Allemagne au projet russo-ukrainien, le groupe Airbus allié à DASA, saura réveiller les bonnes volontés. Il y va de l’avenir de la construction européenne. Lorsque les chefs d’état-major des différents pays se mettent d’accord sur des spécifications, il conviendrait qu’ils fassent de même sur les commandes. Et ce programme est donc capital.

        Enfin, la guerre du Kosovo a révélé une avancée technologique majeure, avec l’utilisation des drones. Nous ne sommes qu’à la première génération de ces engins, mais il y en aura sans doute d’autres et il conviendrait donc de s’y intéresser, par exemple pour la détection des cibles, d’autant que les opinions n’acceptent plus la perte d’un seul pilote. Un vaste domaine de recherches s’ouvre par conséquent aux industriels et le ministère serait bien avisé de réfléchir à la question.

        M. Jean-Noël Kerdraon - Je remercierai d’abord le Ministre d’avoir répondu aux questions écrites que je lui ai posées, comme la nouvelle procédure me le permettait. J’apprécie que le NTCD soit pour la première fois « budgété » l’an prochain. La DCN tirera profit de la mesure.

        S’agissant de celle-ci, le plan d’entreprise a fait l’objet d’une annonce en mai. J’en approuve l’essentiel et ne partage donc pas les inquiétudes de M. Le Drian. Quoi qu’il en soit, mieux vaudrait ne pas troubler les esprits au moment où l’on lance un projet. Pour ma part j’ai confiance dans le succès de l’entreprise, qui devrait aboutir à une amélioration du fonctionnement de la DCN, m’interrogeant seulement sur la possibilité de ramener les effectifs à 12 500 personnes d’ici à la fin de l’année.

        L’établissement de Brest étant le plus en difficulté, je me réjouis des engagements que vous avez pris, Monsieur le Ministre, en même temps que le délégué interministériel aux restructurations militaires. J’insisterai toutefois pour que les mesures soient prises afin d’éviter une chute brutale de l’activité dans cinq mois.

        M. le Ministre - Je vous prie par avance d’excuser le caractère partiel ou trop synthétique de mes réponses.

        Contrairement à ce qu’a dit M. Poujade, s’agissant de l’armée de l’Air, un budget ne peut tirer immédiatement les conséquences de tel ou tel événement opérationnel. Il est en effet élaboré pour l’essentiel entre mars et juin. Par ailleurs, le conflit du Kosovo a démontré la disponibilité de notre armée de l’Air, ainsi que l’étendue de ses capacités opérationnelles : toutes deux ont été bien supérieures à celles dont ont fait montre nos partenaires. A ce propos, je conteste le calcul auquel s’est livré M. Bernard : s’en référer à un pourcentage de dépenses a peu de sens lorsqu’on dispose d’une force de dissuasion autonome. Et si la Grande-Bretagne dépensait plus que nous pour son armée de l’Air il y a quelques années, elle a effectué deux fois et demie moins de missions toutes catégories au Kosovo.

        En matière de programmes, les évolutions sont toujours à long terme. Les crédits de 2000 permettront largement d’atteindre les objectifs fixés.

        Quant à l’ATF, je note une recherche de convergence entre les différents pays acheteurs. Le programme devrait être viable, grâce aux efforts d’Airbus, même si seulement cinq ou six pays sur sept passent commande. Il est vrai que cet avion n’était pas mentionné dans la loi de programmation, ce que je comprends d’ailleurs, mais le remplacement des hélicoptères de la Gendarmerie n’y figurait pas non plus et pourtant, en 1998, nous avons su trouver les 300 millions de francs nécessaires pour en commander huit et pour organiser la livraison de cinq avant le terme de la loi de programmation. Il en sera certainement de même pour l’ATF, une fois signé l’accord relatif aux commandes.

        Monsieur Cova, je me préoccupe comme vous du niveau de la retraite perçue par les sous-officiers partis avec le grade de sous-lieutenant. Je ne puis en dire davantage, faute d’accord interministériel, mais il n’est pas impossible que les mesures soient prises dans les prochaines semaines.

        Si beaucoup ont mentionné l’Europe, d’autres ne l’ont pas fait et je trouve ce silence également intéressant. Je suis par exemple surpris que M. Birsinger, dont le groupe est pour une rénovation globale de notre politique de défense et a soutenu l’idée d’une Europe de la défense lors du conflit du Kosovo, élude le sujet lorsque les armes se sont tues. Cela étant, le Gouvernement demeure favorable à un projet de sécurité collective et, si nous n’avons parlé aujourd’hui que de moyens militaires de traiter les crises, c’est que nous discutons du budget de la défense.

        Monsieur Lellouche, votre propos m’est apparu quelque peu décalé, à la fois dans son ton et dans sa teneur. Le débat entre la majorité et l’opposition est normal mais la façon dont vous en avez posé les termes ici, en dramatisant à outrance, risque de décourager nos partenaires européens à un moment où il faudrait au contraire les mobiliser. Vous fournissez à ceux qui ne seraient déjà que trop tentés de le faire une nouvelle raison de baisser les bras. Nous avons des responsabilités en Europe…

        M. Pierre Lellouche - Justement !

        M. le Ministre - En revanche, je rends hommage au souci de prévoyance et à la persévérance dans les idées dont ont fait preuve les autres orateurs de l’opposition. Il est sans doute possible de faire mieux que ce que nous faisons, mais je ne redoute pas la comparaison avec nos partenaires européens, non plus qu’avec les gouvernements précédents.

        M. Myard a posé une question judicieuse sur l’EADS. L’appellation utilisée en l’occurrence est anglaise parce qu’il s’agit d’une entreprise internationale. Le siège financier a de même été établi aux Pays-Bas mais je rappelle que, sous les précédentes législatures, la France a fait le choix d’éviter toute surenchère en matière de fiscalité des holdings. Cela a sans doute amené quelques délocalisations mais cela a peu d’effet du point de vue économique et cela contribue à une harmonisation à l’échelle de l’Europe.

        En revanche, la question clé est bien celle qu’a posée M. Myard : qui contrôle ? Notons au passage qu’elle ne se poserait pas si l’on suivait M. Lellouche, qui est pour une privatisation totale d’Aérospatiale et de Matra. Si elle se pose en l’occurrence, c’est parce que l’Etat est au contraire resté actionnaire permanent, aux termes d’un accord qui constitue une véritable première dans le domaine industriel. Il prévoit en effet la création d’une société de contrôle détenue à 60 % par des actionnaires et parfaitement « fermée ». La moitié des droits de vote sera détenue par Daimler-Chrysler, l’autre moitié par l’Etat, par le groupe Lagardère et par un groupe d’investisseurs institutionnels. L’Etat ne disposera pour sa part que de 15 %, mais il aura tout de même un droit de veto, les décisions ne pouvant être prises que d’un commun accord. La France n’utilisera pas cette disposition pour bloquer lesdites décisions, mais elle aura les moyens nécessaires à un contrôle effectif.

        S’agissant du concept stratégique de l’Alliance, je vous fais remarquer qu’il n’y a pas eu traité, Monsieur Myard. Simplement, à Washington, la France a jugé qu’elle avait obtenu des concessions suffisantes pour signer le texte. Le temps de la guerre froide est terminé et les conflits potentiels sont de plus en plus divers. Or, le seul outil dont nous disposions pour la coopération militaire en Europe est un outil que nous partageons avec les Etats-Unis : l’OTAN. On ne peut changer cette situation dans l’immédiat. En attendant, il nous faut donc chercher à faire évoluer l’Alliance…

        M. Jacques Myard - Avec l’accord du Parlement ! Mais qui décide de l’ordre du jour ?

        M. le Président de la Commission - Monsieur Myard, vous n’êtes pas un membre habituel de notre Commission, laquelle a souvent évoqué cette question. Elle le fera à nouveau, et nous vous inviterons alors.

        M. le Ministre - Je conclurai mon propos sur l’Europe en indiquant à M. Chauveau qu’il faut bien entendu privilégier la négociation, car chacun sait bien qu’envisager l’Europe de la défense sous l’angle d’un transfert de souveraineté ne permettra pas d’aboutir. Que l’on s’inspire, au sein de l’Union, du modèle de l’Alliance atlantique pour les prises de décision, c’est un fait. Il faut, comme l’a souligné le Président de la Commission, éviter la constitution d’une sorte de directoire, qui aurait un effet répulsif sur les plus petites nations.

        L’OCCAR, enfin. Il pourrait être élargi, si de vraies délégations sont données. La question des exportations me semblait devoir être parmi les plus compliquées, car je pensais que les positions seraient contradictoires. Mais il apparaît au contraire que plusieurs pays membres souhaitent voir les procédures harmonisées.

        Ainsi, au moment où, peu à peu, se constitue l’Europe de la défense, la réforme de nos armées est d’autant plus légitime qu’elle s’opère dans le même sens que celui qu’ont choisi nos partenaires. De très importantes questions politiques se posent, qui ont trait à l’équilibre au sein de l’Alliance atlantique, compte tenu de l’attitude des Etats-Unis. Je suis, pour ma part, convaincu qu’il revient aux Européens de reprendre l’initiative, notamment pour ce qui touche au traité d’interdiction des essais nucléaires. Pour autant, ce n’est qu’à force de compromis que nous parviendrons à définir une politique de défense véritablement multipolaire.

        M. le Président de la Commission - Je remercie tous ceux qui ont pris part au débat, et notamment M. le Ministre. La présente séance n’était pas exempte d’imperfections, mais le débat était intéressant. Au cours des quatre heures écoulées, onze rapporteurs ont parlé pendant 1 heure 20, onze orateurs pendant 1 heure 10, le Ministre pendant 1 heure et moi-même pendant un quart d’heure. De réels échanges ont donc eu lieu, mais la formule peut certainement être améliorée. Je formulerai des propositions à cette fin.

        Je rappelle que le vote sur le projet de budget aura lieu, en Commission, aujourd’hui à 16 heures 15.

*

        La Commission de la Défense a procédé le 3 novembre 1999 au vote sur les crédits de la défense pour 2000.

        La Commission a successivement donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, à l’armée de l’Air, à l’armée de Terre, à la Marine, à la Gendarmerie, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant. Elle a également donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux Services communs, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste ainsi que M. Michel Meylan s’abstenant. Enfin, elle a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des crédits du titre III et des titres V et VI du ministère de la Défense ainsi que des articles 40 et 41 du projet de loi de finances pour 2000, les membres des groupes DL, RPR et UDF votant contre et ceux du groupe communiste s’abstenant.

        N°1864-07. - Avis de M. Gérard Charasse, au nom de la commission de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Défense : Titre III et personnels de la défense

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