N° 1864 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999. AVIS PRÉSENTÉ
COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR PAR M. Loïc BOUVARD, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : 1861 (annexe n° 40) Lois de finances. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier,
MESDAMES, MESSIEURS, Les mécanismes financiers qui régissent les services industriels et commerciaux du ministère de la Défense et les procédures qui permettent aux crédits votés par le Parlement de devenir des ressources de comptes de commerce ou des apports en capital, sont dune grande complexité. La présentation dun avis sur les comptes spéciaux du trésor par la Commission de la Défense a pour finalité den étudier les mécanismes et den apprécier les conséquences pour la Défense. * * * Un an après la décision de la Commission de la Défense détudier dans un premier rapport (n°1114) ce domaine particulièrement technique, votre rapporteur tient à souligner à nouveau la difficulté de son exercice, du fait du caractère largement dérogatoire des règles qui régissent les comptes spéciaux du trésor par rapport aux principes budgétaires classiques. Ces comptes dérogent aux principes dunité et duniversalité, les articles 23 à 29 de lordonnance organique du 2 janvier 1959 permettant de rapprocher certaines recettes de certaines dépenses afin de mieux suivre le déroulement dopérations précises. De plus, ils contournent le principe dannualité car leur solde peut être reporté dannée en année. Les quatre comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense constituent, cette année encore, lessentiel du présent avis. Les comptes 904-01 « Subsistances militaires » et 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » sinscrivent dans le processus de la professionnalisation des armées. Le compte 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de lÉtat » a fait lobjet de réformes internes dignes dintérêt. Le compte 904-05 « Direction des Constructions Navales » retiendra plus que les autres notre attention, du fait des adaptations statutaires annoncées par le Gouvernement et de lurgence dalliances indispensables que cette administration nest pas en mesure de nouer. La pertinence du statut de compte de commerce pour des activités confrontées à une internationalisation croissante est une nouvelle fois en cause. Dans son référé du 17 octobre 1990, la Cour des Comptes avait relevé les contradictions de ce cadre budgétaire avec la gestion dactivités industrielles de grande ampleur. Peut-on persister à croire que la Direction des Constructions Navales et, dans une moindre mesure, le Service de la Maintenance Aéronautique sont en mesure, à statut constant, de sadapter aux contraintes stratégiques et industrielles actuelles ? Il est permis den douter. Quel contraste entre une réforme de la DCN qui ne déserre pas son étau statutaire, et la restructuration audacieuse du secteur aéronautique national par la fusion dAérospatiale et de Matra Hautes Technologies en un groupe privatisé ! Comment ne pas comparer ces deux faces dune même politique industrielle ? Le compte daffectation spéciale 902-24, relatif aux « produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés », géré par le ministère de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie entre dans le champ du présent avis. Dun strict point de vue patrimonial, il convient également dapprécier les modalités financières de la création dAérospatiale-Matra. * Votre rapporteur examinera donc des problèmes aussi essentiels que lavenir de la construction navale militaire en France, le processus de recomposition de lindustrie aéronautique nationale ou les difficultés de Giat Industries. Après avoir présenté le cadre budgétaire des différents comptes spéciaux du trésor intervenant dans le domaine de la Défense, le présent avis sintéressera aux réformes du secteur public de larmement et des services industriels de lÉtat liés à la Défense. Soulignant les contraintes que fait peser le statut de compte de commerce sur la modernisation et ladaptation de la DCN, il tentera didentifier les conditions de survie de cette dernière dans un environnement en pleine mutation. * * * I. LES COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR QUI CONCERNENT LA DÉFENSE RECOUVRENT DES ENJEUX INDUSTRIELS, FINANCIERS ET STRATÉGIQUES DIVERS Deux catégories de comptes spéciaux du trésor intéressent le ministère de la Défense. Le compte daffectation spéciale 902-24 géré par le ministère de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie sy rattache au même titre que les quatre comptes de commerce qui concernent directement des activités liées à la Défense nationale. Lexamen des comptes spéciaux du trésor permet de présenter un aperçu global de la situation du secteur français de larmement. A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DES COMPTES DE COMMERCE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE ÉVOLUENT DE FAÇON TRÈS DIFFÉRENTE Lordonnance organique du 2 janvier 1959 dispose que les comptes de commerce retracent « des opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par les services publics de lÉtat ». Les services non dotés dune personnalité juridique propre peuvent ainsi exercer des activités pour lesquelles les règles habituelles du droit budgétaire et de la comptabilité publique ne sont pas adaptées. Le régime juridique des comptes de commerce prévoit les dérogations suivantes aux principes classiques qui régissent les finances publiques : présenter un découvert en fin dexercice, sous réserve dune autorisation préalable du Parlement, comme ce fut le cas en 1999 pour les comptes 904-01 « subsistances militaires » et 904-20 « approvisionnement des armées en produits pétroliers » qui ont reçu respectivement une autorisation de découvert de 50 et 300 millions de francs ; déroger au principe dannualité budgétaire, leur solde (quil soit positif ou négatif) pouvant être reporté à lexercice suivant ; appliquer le principe de lunité de compte, le compte étant établir des résultats annuels selon les règles du plan comptable général (article 26 de lordonnance organique de 1959), cette obligation favorisant le contrôle du Parlement, de la Cour des Comptes et des ministères gestionnaires. Ces éléments de réelle souplesse comptable ont conduit à choisir le statut de compte de commerce pour la gestion de nombreuses activités industrielles et commerciales rattachées au ministère de la Défense qui gérait, en 1999, quatre des dix comptes de commerce encore existants. Le projet de loi de finances pour 2000 envisage un montant de dépenses nettes denviron 15,9 milliards de francs pour les comptes TROIS DES QUATRE COMPTES DE COMMERCE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE RÉGRESSENT DE 1999 À 2000 ; SEUL LE COMPTE « APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PÉTROLIERS » EST EN PROGRESSION.
Les comptes de commerce 904-01, 904-03, 904-05 et 904-20 recouvrent des réalités très diverses tant pour leur domaine dactivité, que pour les modalités de leur fonctionnement et les masses financières quils gèrent.
1. Les moyens concernant les subsistances militaires (compte 904-01) régressent de façon significative Le compte de commerce 904-01 « subsistances militaires » a été créé par la loi du 26 août 1943. Géré par le commissariat de larmée de Terre, il retrace lachat, le conditionnement, le stockage et la cession aux corps de troupe et autres parties prenantes relevant du ministère de la Défense et des départements approvisionnés par celui-ci, de toutes les denrées ou matières nécessaires aux services des vivres, des fourrages, du chauffage et de léclairage. Le régime juridique de compte de commerce se justifie dans ce cas. Il donne au Commissariat de larmée de Terre la souplesse et lefficacité indispensables à lentretien dun stock de denrées périssables. Il permet donc de réaliser très rapidement des suppléments dapprovisionnements nécessaires aux opérations extérieures et en temps de crise. Leffort de réduction de ses coûts de fonctionnement a été poursuivi en 1999 et maintenu pour 2000. Il vise à favoriser une meilleure gestion interne du compte sans que le statut ne soit remis en cause. Cette modernisation de sa gestion doit être poursuivie. Le compte 904-01 reçoit, en recettes, le produit des cessions effectuées aux divers corps de troupe ou organismes consommateurs. Il supporte, en dépense, le prix dachat des denrées et différentes matières relevant de son objet, le remboursement au budget général des dépenses de personnel et les frais généraux du service. En 1999, les prévisions de recettes et de dépenses de ce compte étaient évaluées à 670 millions de francs. Le projet de loi de finances initiale pour lannée 2000 envisage une réduction de 150 millions, correspondant à une baisse dactivité de 22,4 % qui affecte principalement la ligne budgétaire des vivres. La diminution des effectifs en personnels appelés résultant de la professionnalisation et le transfert des approvisionnements des forces stationnées outre-mer sur léconomat de larmée expliquent cette baisse. 2. Les crédits relatifs aux exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de lÉtat (compte 904-03) baissent de façon sensible Créé par la loi du 30 décembre 1952, ce compte retrace les recettes et les dépenses afférentes aux réparations, modifications, fabrications et prestations diverses effectuées sur des matériels aériens par les ateliers industriels de laéronautique de lÉtat et les produits des aliénations et transferts daffectation de biens immobiliers et des aliénations et cessions de biens mobiliers affectés à lexploitation de ces ateliers. La loi de finances initiale pour 1999 avait prévu un niveau de recettes et de dépenses de 1 740 millions de francs. Le projet de budget pour lannée 2000 sétablit à 1 628 millions de francs, soit une baisse de 6,4 % qui résulte essentiellement de la diminution des prestations à larmée de lAir (- 2,9 %) et à lAéronavale (- 15,15 %). Toutefois, le plan de charge du service de la maintenance aéronautique (SMA) reste relativement stable. LACTIVITÉ DU SMA NE CONNAÎT PAS DE FLUCTUATION MAJEURE DEPUIS 1996
Ce service évolue dans un environnement concurrentiel. Aussi doit-il être compétitif. La part de marché quil détient dans les différentes activités militaires de la maintenance aéronautique varie de 20 % dans le domaine des équipements, à 60 % pour les moteurs et 45 % pour la maintenance des cellules daéronefs. Son chiffre daffaires sétablit à 1 721 millions de francs et ses effectifs sélèvent à 3 445 personnes. Pour préserver léquilibre comptable et financier du SMA, plusieurs réformes ont été initiées : plan stratégique, en 1997, fixant des objectifs annuels retranscrits dans le budget prévisionnel et établissant une diversification par les exportations qui ne peuvent cependant excéder 15 % du chiffre daffaires sur les cinq ans à venir ; ce modèle de planification budgétaire semble pertinent ; contractualisation des rapports entre les clients et le fournisseur sur lensemble des équipements, globalisation des autorisations dengagement et adoption dune comptabilité analytique ; grâce à cette démarche, le SMA est parvenu à maîtriser ses contraintes de gestion en 1999. 3. Les volumes budgétaires concernant la DCN (compte 904-05) subissent une diminution assez faible malgré une baisse dactivité inquiétante Le compte de commerce n° 904-5 « Constructions navales de la marine militaire » a été créé par la loi de finances initiale pour 1968. Toutefois, la loi de finances initiale pour 1998 en a extrait les activités étatiques de la DCN (planification, expertise, suivi des programmes essentiellement). Ce compte est crédité, en recettes, du produit des cessions de matériels et de constructions navales aux services clients, du montant des réparations, prestations de services, études et recherches effectuées pour leur compte et du produit des ventes de biens mobiliers et immobiliers affectés à lexploitation du service des constructions navales. Il supporte, en dépenses, le coût des achats de matières premières, outillages et matériels consommables ou utilisables, le règlement des commandes de fabrications, de constructions et de réparations navales placées dans lindustrie, le coût de renouvellement des immobilisations, les frais de fonctionnement du service, les versements au titre des activités dexportation (prévus par larticle 62 de la loi de finances pour 1979) et les remboursements des dépenses de personnel au budget général. Pour permettre une meilleure lisibilité des relations entre le compte de commerce de la DCN et le budget de la Défense, le projet de loi de finances pour lannée 2000 définit une nouvelle nomenclature budgétaire, ce dont votre rapporteur se félicite. Désormais, chaque ligne de recettes du compte de commerce correspond, sauf exceptions, à un chapitre budgétaire.
Pour les dépenses, la nomenclature est à présent identique à celle déjà utilisée par la comptabilité publique.
Les recettes et les dépenses ont été estimées par la loi de finances pour 1999 à 11 624 millions de francs ; elles devraient connaître une diminution assez faible selon les prévisions du projet de budget pour 2000, à 11 350 millions de francs. Toutefois, le plan de charge des constructions neuves passe de 5,1 à 4,1 millions dheures de travail. Cette diminution dactivité significative de 18,4 % devrait poser de sérieux problèmes à certains établissements tels que celui de Brest. Lentretien de la flotte, la diversification et les exportations baissent également de façon très sensible (de 7,1 à 4,6 millions dheures de travail pour les activités liées à lexportation) et les recettes qui y sont liées devraient diminuer de 160 millions de francs par rapport aux prévisions de 1999. LE PLAN DE CHARGE PRÉVISIONNEL DE LA DCN DIMINUE DE FAÇON DRASTIQUE DEPUIS QUATRE ANS
Cette évolution affecte plus particulièrement le volume des achats de matières et des prestations de services directes. Le financement des mesures de dégagement des cadres à 52 ans maintient les charges de personnel à un niveau stable alors même que la diminution des effectifs se poursuit. 4. Les dotations budgétaires des approvisionnements des armées en produits pétroliers (compte 904-20) sont en croissance Le compte de commerce 904-20 « approvisionnements des armées en produits pétroliers » a été créé par la loi du 20 décembre 1984. Il a pour objet de retracer, en recettes, les cessions de produits pétroliers, les revenus de lexploitation de loléoduc Donges-Metz, et les recettes diverses. En dépenses, il identifie lachat des produits pétroliers, le remboursement des frais engagés par le budget de la Défense pour des cessions à des gouvernements étrangers, et les charges dexploitation de loléoduc Donges-Metz. Le projet de loi de finances pour lannée 2000 prévoit une croissance de 8,1 % des crédits affectés à ce compte, leur montant passant de 2 200 à 2 380 millions de francs lan prochain, ce qui sexplique par laugmentation des approvisionnements en produits pétroliers induite par la participation française à la KFOR, déployée au Kosovo. Le compte de commerce sest révélé bien adapté pour isoler et retracer les opérations du Service des Essences des Armées (SEA), dont le volume est directement affecté par les fluctuations imprévisibles des cours du baril et du dollar. Ce régime juridique a également démontré sa pertinence en facilitant le rôle de leader logistique de la France lors des opérations extérieures des forces armées françaises et étrangères, comme cest le cas pour la KFOR au Kosovo. Une transformation de ce compte de commerce napparaît pas souhaitable, quand bien même linternationalisation de lactivité du SEA est susceptible de saccentuer. B. LE COMPTE DAFFECTATION SPÉCIALE REFLÈTE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE DE LÉTAT DANS LE DOMAINE DE LARMEMENT A la différence du compte de commerce, qui vise à permettre laffectation des recettes aux dépenses et la compensation entre différents chapitres budgétaires, le compte daffectation spéciale a pour unique objet de déroger au principe de non-affectation des recettes aux dépenses. Il est doté de crédits limitatifs et ne dispose pas dune autorisation de découvert, même sil existe quelques comptes daffectation spéciale qui retracent des opérations à caractère temporaire. Le compte 902-24 a été créé par la loi de finances pour 1993. Son champ a été élargi par la loi de finances pour 1997 aux opérations autrefois imputées au compte 904-09 « Gestion de titres du secteur public et apports et avances aux entreprises publiques ». Reflétant la politique industrielle de lÉtat dans le domaine de larmement, il retrace : en recettes, le produit des ventes par lEtat de titres, parts ou droits de sociétés ; en dépenses, les dotations en capital, les avances dactionnaire et autres apports aux établissements et entreprises publics, les dépenses relatives aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés. Les flux constatés sur ce compte indiquent bien quelles sont les priorités de lÉtat pour lindustrie de larmement. Celles-ci répondent à des considérations financières et ont une finalité stratégique. 1. Le compte 902-24 est le support principal mais non exclusif des recompositions du capital public des industries darmement Le ministère de la Défense est concerné de manière indirecte par ce compte quil ne gère pas. Le produit des cessions de participations, de titres et de droits de lactionnaire public dans le secteur de larmement y est affecté. Toutefois, la recomposition des participations de lEtat dans les entreprises du secteur de larmement ne transite pas nécessairement par le compte 902-24, comme latteste lannonce de transferts croisés entre lÉtat et Alcatel de leurs participations dans Thomson-CSF et Framatome. a) les recettes de la privatisation dAérospatiale-Matra ont transité par ce compte La privatisation dAérospatiale-Matra a conduit lEtat à vendre 19,3 % du capital du nouveau groupe dont 10 % détenus directement par le Consortium de réalisation (CDR), établissement public chargé de gérer les actifs sortis du Crédit Lyonnais. La cession des participations publiques a été réalisée de la façon suivante : 8,6 % du capital réservés à des investisseurs institutionnels, sous la forme dun placement garanti par un syndicat bancaire (PGG) aux prix de 128,57 francs par action ; 8,4 % du capital mis en vente par procédure doffre à prix ferme à des investisseurs individuels, au prix de 125,94 francs par action ; 1,55 % du capital attribués à Lagardère SCA, au prix de 135,84 francs par action ; 1,87 % du capital vendus aux salariés dAérospatiale, à un prix de 125,57 francs par action ; 0,43 % du capital cédés, au prix de 125,94 francs laction, à un fonds commun de placement dentreprise réservé aux salariés de Matra Hautes Technologies. Au terme de lopération, le montant des recettes nettes enregistrées au 30 août 1999 sur le compte 902-24 sélevait à 9 439 millions de francs. Après déduction du reversement au profit de CDR participations, la recette nette de la privatisation dAérospatiale-Matra sétablit à 4 616 millions de francs pour lÉtat. Ce montant na pas été affecté au secteur public de larmement, mais à divers besoins des entreprises publiques en capitaux (Réseau Ferré de France essentiellement). b) Les évolutions de la participation de lÉtat dans le capital de Thomson-CSF ne sont pas retranscrites sur ce compte A loccasion de la privatisation de Thomson-CSF en 1998, aucune recette na été enregistrée en faveur de lÉtat sur le compte daffectation spéciale 902-24. Le capital de lentreprise a alors été recomposé au profit des groupes privés Alcatel (16,36 %) et Dassault Industries (6 %) en contrepartie de lapport par ces derniers à Thomson-CSF dactifs industriels visant à en renforcer la compétence dans le secteur de lélectronique de défense. Afin de constituer un grand pôle délectronique professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, le Gouvernement a annoncé, le 29 juillet 1999, son intention de renforcer la position dAlcatel dans le capital de lentreprise. Les modalités de cette augmentation de la participation dAlcatel viennent dêtre définitivement fixées. Selon laccord du 5 novembre 1999, Alcatel portera son niveau de participation à 25,3 % du capital de Thomson-CSF et se désengagera simultanément de Framatome en faveur de la Cogema, cest-à-dire du secteur public. Lopération permettra à Thomson-CSF de nouer des alliances européennes et internationales, par ouverture de son actionnariat. Ces deux recompositions du capital éviteront à lÉtat et à Alcatel de mobiliser des ressources financières ou budgétaires. Ces échanges de participations ne devraient pas être réalisés avant la fin du premier semestre de lan 2000 ni transiter par le compte 902-24. 2. Les dotations en capital à Giat Industries sont également prélevées sur ce compte Les besoins en capital des entreprises publiques et assimilées sont estimés à 32 milliards de francs sur les années 1999 et 2000. Ils concernent notamment Giat Industries. Dix ans après le transfert des activités du compte de commerce « Groupement industriel des armements terrestres » (GIAT) à la société nationale Giat Industries, la situation de cet industriel semble toujours préoccupante. Selon les comptes de Giat Industries pour lexercice 1998, son chiffre daffaires sélève à 7,2 milliards de francs contre 6,7 milliards en 1997 et ses pertes nettes atteignent 874 millions de francs contre un déficit de 2,85 milliards un an plus tôt. Mais ces chiffres ne traduisent pas une amélioration de la situation du groupe public darmement. La hausse de quelque 500 millions de son chiffre daffaires est due à une accélération des livraisons de chars Leclerc aux Émirats arabes unis. La réduction des pertes sexplique par labsence de provisions aussi conséquentes que celles décidées en 1997 pour financer le plan stratégique, économique et social. Les tableaux ci après permettent de cerner lampleur des difficultés de Giat Industries par rapport à dautres entreprises du secteur de larmement, sachant que certaines dentre-elles comme la Snecma ou la SNPE ont également lÉtat pour actionnaire quasi-exclusif. BIEN QUAYANT RÉDUIT SES EFFECTIFS DE PLUS DUN TIERS, GIAT INDUSTRIES ACCUMULE LES PERTES
LABSENCE DE RENTABILITÉ DE GIAT INDUSTRIES
Le montant total des recapitalisations opérées en faveur de Giat Industries depuis sa création sélève à ce jour à 11,75 milliards de francs répartis comme suit : 3,753 milliards de francs de dotations en capital en 1996, soit 37,5 millions de francs inscrits en dépense du compte daffectation spéciale 902-24 et 3,716 milliards de francs provenant du chapitre 54-90 du budget des charges communes ; 3,7 milliards de francs de dotations en capital en 1997, intégralement inscrits en dépense du compte 902-24 ; 4,3 milliards de francs davances dactionnaire en 1998. Aucun transfert de fonds publics na été réalisé en faveur de Giat Industries au titre de 1999. Toutefois, lÉtat devra poursuivre les recapitalisations dans les années à venir car les besoins prévisibles atteignent 7 milliards de francs. En effet, la loi fait obligation à lactionnaire de reconstituer la moitié du capital social dans les deux ans après la prise de connaissance des pertes. Or, les provisions représentent actuellement 14,6 milliards de francs au total, soit 8,6 milliards pour couvrir les pertes sur les contrats émirati (7,6 milliards) et turc (700 millions), 3 milliards au titre du plan de retour à léquilibre et 3 milliards au titre du plan stratégique et social. Ces indicateurs reflètent une situation très inquiétante qui nest pas uniquement imputable à linsuffisante capitalisation initiale de la société Giat Industries par lÉtat. Le choix dune stratégie industrielle axée autour de la production dun char de combat dont les spécificités ne correspondent peut-être plus autant que par le passé aux nécessités des forces européennes a indiscutablement pesé sur les perspectives davenir de Giat Industries. Parallèlement, lÉtat actionnaire na pas ouvert le capital de la société nationale aux industriels européens du secteur, conduisant cette dernière à un isolement de plus en plus manifeste dans un contexte de restructuration complète autour de Krauss Maffei et Wegmann dun côté ainsi que de Vickers et Mowag de lautre. Incontestablement, Giat industries a besoin de nouveaux apports financiers. Cette entreprise publique nécessite également des alliances. Dans les deux cas, il incombe à lÉtat de prendre ses responsabilités dactionnaire exclusif.
II. LES RÉFORMES EN COURS DES SERVICES INDUSTRIELS DE LÉTAT ET DU SECTEUR PUBLIC DE LARMEMENT DIVERGENT MALGRÉ DES ENJEUX SIMILAIRES Lenvironnement des industries françaises de larmement évolue rapidement. Le secteur public et les services industriels de lÉtat néchappent pas à cette tendance. Or, les adaptations encouragées par la puissance publique divergent selon les domaines concernés. Le secteur de laéronautique de défense a fait lobjet dune restructuration industrielle importante marquée par le rapprochement dAérospatiale et de Matra Hautes Technologies au prix dun désengagement partiel de lÉtat du capital dAérospatiale-Matra, puis par la fusion du nouveau groupe Aérospatiale-Matra avec DASA, annoncée le 14 octobre 1999. Lobjectif est de favoriser lémergence dun groupe européen capable de rivaliser avec ses concurrents américains et de regrouper lessentiel des activités européennes de laéronautique et lespace de défense. A linverse, le secteur de la construction navale militaire est marqué par lisolement de la DCN qui connaît de nombreuses difficultés. LÉtat cherche à la réformer, sans toutefois faire preuve dautant daudace. Aérospatiale, société de capitaux présente sur des marchés porteurs, diffère complètement de la DCN, administration dÉtat dont le plan de charge dépend des commandes de la Marine nationale. En dépit dambitions identiques pour maintenir une compétence nationale dans lun et lautre cas, le Gouvernement a retenu des stratégies opposées. Pourquoi les choix effectués pour les arsenaux de la DCN tranchent-ils autant avec ceux qui concernent le secteur de laéronautique de défense ? Cette différence de traitement se justifie-t-elle ? A. LA PRIVATISATION PEUT ÊTRE MISE AU SERVICE DES RESTRUCTURATIONS INDUSTRIELLES COMME LILLUSTRE LEXEMPLE DAÉROSPATIALE-MATRA Annoncée le 22 juillet 1998 et réalisée le 11 juin 1999, la fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies sinscrit dans un contexte de fusions industrielles majeures en Europe : British Aerospace (BAe) avec Marconi Electronic Systems puis DASA et CASA. Le regroupement dAérospatiale et de Matra Hautes Technologies a permis de rassembler et de renforcer les compétences françaises dans les domaines de laéronautique, lespace et la défense. La privatisation de cet ensemble, requise par le groupe Lagardère, a également favorisé quatre mois plus tard une fusion avec DASA, donnant ainsi naissance au premier grand groupe européen de défense transnational. Mais les intérêts de lÉtat ont-ils été suffisamment préservés à loccasion de lestimation dAérospatiale ? 1. Cette démarche répond à une véritable stratégie industrielle Le 9 décembre 1997, les chefs dÉtats et de gouvernements allemand, britannique et français avaient appelé de leurs vux la naissance dune industrie aéronautique européenne, civile et militaire. La création dAérospatiale-Matra sinscrit dans cette dynamique. a) La fusion Aérospatiale-Matra a rassemblé certains pans dun secteur industriel auparavant morcelé Au printemps 1998, lindustrie aéronautique française de défense était encore très dispersée, tandis que ses acteurs (Thomson-CSF, Aérospatiale, Matra Hautes Technologies, Dassault) occupaient des positions de premier plan sur tous les segments du marché. Les industries allemande et britannique étaient alors concentrées autour de deux pôles importants (BAe et DASA) qui négociaient de surcroît une fusion pouvant conduire au contrôle dAirbus par DASA et à la maîtrise de lindustrie aéronautique européenne de défense par BAe. Ce rapprochement germano-britannique ne sest toutefois pas concrétisé, BAe ayant privilégié la protection de son marché domestique par le rachat de Marconi, cédé par le groupe GEC. Face à ce danger réel dune marginalisation de lindustrie aéronautique française, la direction dAérospatiale sest vue confier par le Gouvernement la mission de nouer des partenariats stratégiques, lhypothèse dune ouverture du capital nétant officiellement pas exclue. Dans un premier temps, seul le rapprochement des branches « missiles » de Lagardère SCA et dAérospatiale avait été envisagé par les pouvoirs publics. Mais en définitive, les groupes concernés ont proposé la fusion pure et simple de Matra Hautes Technologies avec Aérospatiale. Sur le plan stratégique, il sagit incontestablement dune excellente opération puisquelle donne naissance au seul groupe européen présent sur tous les segments du marché aérospatial civil et militaire. Son chiffre daffaires le place au cinquième rang mondial du secteur, derrière Boeing, Lockheed Martin, BAe Marconi et Raytheon Hughes. LES ACTIVITÉS REGROUPÉES DAÉROSPATIALE ET DE MATRA HAUTES TECHNOLOGIES* RÉVÈLENT LE POIDS INDUSTRIEL CIVIL ET MILITAIRE DU NOUVEAU GROUPE *(Sur la base de la globalisation des chiffres daffaires des deux entreprises en 1998) Cette fusion présente des atouts industriels indéniables en raison de la complémentarité des entreprises concernées : constitution dun pôle missilier européen de rang mondial ; équilibre entre activités civiles (65 % du chiffre daffaires) et militaires (35 %), susceptible de prémunir le nouveau groupe contre les variations cycliques des deux marchés ; effet de taille renforçant lassise commerciale et financière de lensemble ; effet multiplicateur sur les capacités de recherche et développement. b) Cette restructuration industrielle nationale sinscrit résolument dans une perspective européenne La création dAérospatiale-Matra a renforcé les perspectives de partenariats stratégiques européens. Les deux composantes du groupe avaient développé des coopérations étrangères et des alliances internationales structurantes bien avant de sunir. Des liens étroits et productifs avaient été tissés depuis plus de trente ans avec les Allemands, les Britanniques, les Espagnols et les Italiens. 85 % du chiffre daffaires consolidé du nouveau groupe, soit 80,6 milliards de francs en 1998, est aujourdhui réalisé en coopération par des sociétés européennes telles que Airbus Industrie, ATR, Ariane, Euromissile, EMDG, Eurocopter, Matra Marconi Space ou encore Matra BAe Dynamics. Le rapprochement de Matra Hautes Technologies avec Aérospatiale a déjà eu deux conséquences stratégiques immédiates pour lEurope de la Défense : regrouper lessentiel des capacités européennes de production de missiles autour de Matra-BAe Dynamics (MBD). Cette entité, en cours de fusion avec la branche dAlenia Marconi Systems dédiée aux missiles et que lAllemand LFK et le Suédois SAAB ont vocation à rejoindre, se place au second rang mondial du secteur, derrière Raytheon. Son potentiel de croissance paraît significatif, car 60 % du marché européen (soit 30 % du budget du Pentagone) est actuellement contrôlé par les industriels américains. Thomson-CSF, électronicien et concepteur de systèmes, coopère avec cet ensemble dans le programme ASTER ; concentrer les compétences européennes dans le domaine des satellites autour de Matra Marconi Space (MMS). Cette filiale commune à Matra Hautes Technologies et Marconi Electronic Systems a vocation à regrouper au sein de lentité Astrium, outre les satellites de MMS, les activités spatiales de DASA et dAlénia. Les activités de conception des lanceurs et des missiles balistiques dAérospatiale restent sous lunique contrôle dAérospatiale-Matra. Le poids dAérospatiale-Matra lui a en outre permis de simposer, dès juin 1999, comme un interlocuteur valable pour déventuelles alliances et de profiter du fait que BAe ait renoncé à fusionner avec DASA pour racheter Marconi Electronic Systems. La société EADS (European Aeronautic Defense and Space Company), qui verra le jour en 2000, est le résultat dune fusion à parité entre Aérospatiale-Matra et DASA, tant en termes dactionnariat que de management. Selon lannonce du 14 octobre 1999, lÉtat ainsi que Lagardère SCA et quelques investisseurs institutionnels français détiendront la moitié du capital dune holding de contrôle de droit néerlandais, tandis que Daimler Chrysler (propriétaire exclusif de DASA) en détiendra lautre moitié. En définitive, 30 % du capital de la société EADS seront réservés à Daimler Chrysler et 30 % seront attribués à lensemble des actionnaires de référence dAérospatiale-Matra, le reste des titres (40 %) étant cédé en bourse. LES INTÉRÊTS DE LÉTAT SONT PRÉSERVÉS DANS LA STRUCTURE DÉFINITIVE DU CAPITAL DEADS Dans cette transaction, LÉtat français obtient des avantages certains : une participation au capital de EADS de 15 % environ et un triple droit de veto au sujet des alliances stratégiques, des augmentations de capital et des restructurations industrielles. LA FUTURE SOCIÉTÉ EADS APPARAÎT DÉJÀ COMME UNE ENTREPRISE DARMEMENT MAJEURE* *(Sur la base dun regroupement des activités dAérospatiale-Matra et de DASA pour 1998) La fusion de DASA avec Aérospatiale-Matra donnera naissance au troisième industriel mondial daéronautique, de défense et despace, réalisant un chiffre daffaires de 138 milliards de francs pour un effectif de 88 500 personnes. 2. Aérospatiale a-t-elle été appréciée à sa juste valeur ? Selon les termes de laccord intervenu le 15 février 1999 entre lÉtat et lactionnaire de référence de Matra Hautes Technologies, la société Lagardère SCA a été investie du rôle de « partenaire stratégique privilégié » et de premier actionnaire privé dAérospatiale-Matra. LÉtat a conservé des prérogatives certaines dans le domaine stratégique, mais quen est-il de ses intérêts patrimoniaux ? a) Le montage financier de la fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies est complexe La fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies a donné lieu à plusieurs opérations de transferts de participations en capital et de ventes sur le marché boursier. Le 30 décembre 1998, lÉtat a cédé à Aérospatiale sa participation de 45,76 % dans le capital de Dassault Aviation contre des titres Aérospatiale émis par voie daugmentation du capital. Parallèlement, il a racheté les actions Aérospatiale détenues par CDR Participations pour un montant de 5,182 milliards de francs. Le Gouvernement et le groupe Lagardère ont pu alors définir les termes de la fusion proprement dite. Selon laccord et le pacte dactionnaires quils ont conclu le 15 février 1999, lÉtat et Lagardère SCA se sont réciproquement accordés des garanties. Ces dispositions sappliquent tant que lÉtat et Lagardère SCA détiennent chacun plus de 20 % des droits de vote au sein du groupe Aérospatiale-Matra. Larrêté du 25 mars 1999 a attribué à Lagardère SCA 31,5 % du capital dAérospatiale-Matra (en échange de lapport de lintégralité de ses actions Matra Hautes Technologies), augmentés dun complément de 1,55 % du capital du nouveau groupe (estimés forfaitairement à 850 millions de francs). Lagardère SCA a obtenu que les décisions essentielles recueillent laccord de chacun des deux actionnaires majeurs. LÉtat sest engagé à lui permettre de maintenir sa position de premier actionnaire privé et à lui céder ses actions si sa participation descendait en-dessous de 20 % du capital du groupe. Pour sa part, lÉtat conserve une action spécifique ou « golden share » lui donnant trois prérogatives : contrôler lévolution du capital pour protéger les intérêts de la défense nationale, surveiller les opérations ayant trait aux actifs dimportance stratégique, nommer un représentant au conseil de surveillance de lentreprise. Ces dispositions apparaissent donc équitables pour lune et lautre des parties et relativisent les interrogations qui pouvaient se faire jour au sujet de laspect patrimonial de la privatisation dAérospatiale-Matra. b) Lévaluation dAérospatiale sest faite dans un contexte défavorable à la société nationale Les évaluations respectives dAérospatiale et de Matra Hautes Technologies ont déterminé le poids de la participation de Lagardère SCA dans le capital dAérospatiale-Matra. Le nouveau groupe a été introduit en bourse pour un montant de 55 milliards de francs environ. Compte tenu de la valorisation de Matra Hautes Technologies à 16,9 milliards de francs sur la base du cours boursier de Lagardère SCA au 30 juin 1998 (29,4 milliards environ), on peut en déduire que lestimation retenue pour Aérospatiale na pas excédé 40 milliards de francs. Ce chiffre parait faible au regard des quelque 70 milliards de francs déboursés par BAe pour racheter Marconi Electronic Systems (dont le chiffre daffaires est près de deux fois inférieur à celui dAérospatiale). La valorisation des actifs de Lagardère SCA a été réalisée selon leur niveau boursier, dans une conjoncture de haut de cycle. Aérospatiale, en revanche, a été estimée au moment de son redressement, sans tenir compte des contraintes liées à son statut dentreprise publique, ni de sa sous-capitalisation. Cette appréciation nominale na donc pas tenu compte du potentiel de lentreprise. La négociation relative à lévaluation dAérospatiale a été affectée par la présentation de ses comptes pour 1998. Or, les résultats comptables dune entreprise aéronautique sont susceptibles de varier fortement dune année à lautre. Entre 1997 et 1998, ceux dAérospatiale ont diminué de 1 078 à 409 millions de francs en dépit dune augmentation du chiffre daffaires. Le rapport de M. Yvon Collin au nom de la Commission des Finances du Sénat souligne que « les facteurs de variation des résultats de lentreprise entre 1997 et 1998 sont étroitement liés à des événements exceptionnels dont la récurrence semble établie, du moins sur courte période et pour certains dentre eux ». À cet égard, il semble nécessaire de préciser que : la révision des méthodes comptables du consortium Airbus afin danticiper un éventuel retournement de conjoncture sur le marché mondial de laviation civile sest traduite par des provisions supplémentaires de 650 millions de francs, amputant dautant les résultats dAérospatiale. Lampleur de ces provisions peut à bon droit susciter quelques interrogations ; laccroissement mécanique des charges de recherche et développement, à la suite de la décision des pouvoirs publics daugmenter de 622 millions de francs les remboursements par Aérospatiale des avances consenties par lÉtat au titre des premiers programmes Airbus, a pénalisé un peu plus les comptes de lentreprise ; la prise en considération du risque de change encouru par Aérospatiale au titre de son activité Airbus (qui se caractérise par un flux de dépenses principalement en francs et un flux de recettes en dollars) a conduit les deux parties à fixer à 2 milliards de francs la correction à apporter à lestimation dAérospatiale. Enfin, le transfert à lÉtat sans contrepartie des 3,9 % du capital de Thomson-CSF quAérospatiale possédait, sest traduit par une dépréciation objective de lentreprise de lordre de 1,3 à 1,5 milliards de francs. Dans son avis du 20 mai 1999, la Commission des participations et des transferts na pas contesté la prise en considération des difficultés financières dAérospatiale en 1998 pour aboutir à son estimation. On ne saurait donc porter de jugement de valeur sur ce point. Toutefois, les chiffres retenus ont vraisemblablement conduit le groupe Aérospatiale-Matra et lÉtat à concéder par la suite à DASA la parité dans la répartition du capital de EADS et de son management. B. LA TRANSFORMATION DU SYSTÈME DE GESTION DE LA DCN NE SUFFIT PAS À ASSURER SON AVENIR La création du compte de commerce « Constructions navales de la marine militaire » par la loi de finances pour 1968 répondait au souci dassurer à la Direction des constructions navales (DCN) une souplesse de gestion conforme à ses activités industrielles. Depuis plusieurs années, le compte n°904-05 nassume plus cette vocation. Et pourtant, le choix politique de privilégier le maintien du statut budgétaire de la DCN tout en lui donnant des moyens de gestion semblables à ceux dune entreprise a constamment prévalu. Le plan « gestion DCN 2000 » et le plan dentreprise de 1999 procèdent de cette logique en combinant des méthodes nouvelles à des réductions successives de 25 % puis 30 % des effectifs afin dadapter le format de la Direction à son plan de charge. La réforme initiée cette année par le Gouvernement ne remet en cause ni les règles de gestion qui empêchent la DCN de développer une véritable stratégie commerciale, ni son statut qui interdit toute alliance structurante dans un contexte qui relève pourtant de lurgence. Réduites à quelque 9 milliards de francs par an dans un avenir proche contre près de 20 milliards de francs au début de la décennie, les seules commandes nationales ne peuvent plus permettre à la DCN de maintenir lensemble de ses compétences, la totalité de ses métiers et ses sept sites industriels. Contrastant radicalement avec la démarche poursuivie pour Aérospatiale alors que les enjeux sont similaires, il est à craindre que cette réforme ne puisse aboutir aux effets attendus. 1. Le fonctionnement de la DCN reste entravé par de sérieux handicaps Des problèmes structurels ont déjà été mis en exergue dans lavis de lannée précédente. Mais lactivité et le développement de la DCN sont surtout entravés par la pesanteur des procédures administratives et juridiques. Le recours à lassistance technique, cest-à-dire le prêt de personnels qualifiés par des sociétés privées, est passible de peines pénales car il constitue un délit de marchandage. La DCN éprouve donc des difficultés à recruter les personnels techniques dont elle a besoin. A titre dexemple, DCN Ingénierie Sud ne peut mener de front les études pour le sous-marin à propulsion classique destiné à lexportation (Scorpène) et le sous-marin dattaque futur (Barracuda). Lapplication rigoureuse du livre II du code des marchés publics est également source de blocages. Le formalisme de ces règles empêche une gestion rationnelle des achats. De plus, la mise en concurrence des sous-traitants pour chaque réalisation rend impossible le maintien de liens de long terme avec la sous-traitance. Dans la négociation de contrats à lexportation, la DCN nest pas à même de donner des garanties dachats en fournitures auprès des entreprises du pays client dès la signature du contrat (via DCN International), ce que ses concurrents peuvent aisément faire. Pour preuve, la DCN a été évincée du marché des corvettes de lAfrique du Sud, Thyssen, ayant proposé dimplanter dans ce pays une aciérie représentant un investissement de sept à huit fois le montant du contrat. Cette situation pourrait hélas se renouveler à loccasion de la négociation du contrat des sous-marins portugais, dans laquelle des compensations industrielles (offset) ont été demandées par les autorités locales. La diversification des activités de la DCN se heurte aussi aux règles du code des marchés publics, comme lattestent les difficultés rencontrées à Brest dans la construction des deux plates-formes pétrolières SFX, réalisée à perte pour le compte de filiales du groupe Schlumberger. Pour contourner ces règles, la DCN a parfois été amenée à adopter des solutions contestables. Ainsi, sagissant des achats, certaines commandes ont été passées par DCN International (société de droit privé) pour le compte de la DCN. Dans le cas dun marché de tôleries pour la construction des plates-formes pétrolières SFX, il a fallu recourir à un arbitrage du Premier ministre lui-même afin de surmonter lavis défavorable de la Commission spécialisée des marchés. La Cour des Comptes a récemment relevé ces écarts et le Contrôleur général des armées a critiqué la DCN. Plusieurs membres de la DGA, le Contrôleur général des armées et la Commission centrale des marchés ont proposé de transposer à la DCN les règles de la directive européenne du 14 juin 1993, applicable aux opérateurs de réseaux. Les mesures quils préconisaient étaient les suivantes : possibilité de choisir librement entre la procédure dappel doffres et la procédure du marché négocié après mise en concurrence, alors que le code réserve à un nombre limité de situations le recours à ce type de procédure ; élargissement des cas où la procédure du marché négocié sans mise en concurrence est admise ; capacité de réserver un certain volume de commandes aux compensations industrielles dans les marchés passés à lexportation ; possibilité dutiliser un système de qualification des fournisseurs permettant déviter un appel à candidatures pour chaque contrat. De telles innovations pourraient être introduites dans la prochaine réforme du code des marchés publics, dautant que les services du Premier Ministre ont donné leur aval en 1996. Mais, il semble que le ministère de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie y soit peu disposé ; cette attitude constitue une réelle source dinquiétude quant à lavenir de la DCN. 2. La réorganisation interne amorcée à la DCN lui permettra de faire face à certaines de ses difficultés La DCN exerce une activité à caractère industriel dans un cadre concurrentiel. Elle doit donc gérer ses activités comme une entreprise industrielle, cest-à-dire adapter ses règles comptables et sa gestion sur le modèle de celles en vigueur au sein des entreprises. La Direction en est consciente, qui a élaboré puis commencé à mettre en uvre un « plan dentreprise ». Si cette démarche ne garantit pas à elle seule lavenir de la DCN, elle est indispensable pour sa modernisation. a) La réorganisation interne conduite depuis un an doit être poursuivie Un certain nombre de mesures importantes ont été prises, en application du plan « gestion DCN 2000 ». Cet effort doit être souligné et encouragé car il constitue lamorce dun changement des comportements par la réorganisation des structures. La DCN sengage sur une voie aussi ambitieuse quindispensable : lacquisition progressive dune culture dentreprise. Dores et déjà, beaucoup a été fait grâce à la mobilisation des personnels et de leur encadrement : la réduction des effectifs place la DCN dans une situation raisonnable par rapport à son volume dactivité. Les mesures de dégagement des personnels à 52 ans ne posent pas de problèmes particuliers, sauf dans les domaines nécessitant lexpérience des employés ; la contractualisation des rapports de la DCN avec ses clients se poursuit conformément à léchéancier prévu. Depuis 1998, le coût nest plus constaté ex post mais fixé sur la base dun devis. Le système de facturation est à présent opérationnel, y compris pour lentretien de la flotte. Ceci nexclut pas les problèmes de gestion du solde daffaires passées quil faudra bien apurer ; la mise en place du nouveau système de gestion par Andersen Consulting et la DCN, commencée le 4 octobre 1999 sur les sites de Brest et Lorient, entre dans sa phase dexpérimentation. Sa généralisation à lensemble des établissements de la DCN interviendra progressivement dici à lautomne 2000. Le premier exercice certifié de la DCN devrait être celui de lannée 2001 ; plusieurs actions daccompagnement ont été engagées : regroupement de tous les services achats locaux sous la responsabilité de la direction centrale de la DCN (afin de séparer la ligne achat de la ligne prescription) ; rapprochement de lingénierie des établissements par une déconcentration de cette dernière sur Lorient, Brest et Cherbourg (ce qui se traduit par une diminution de moitié des coûts et des délais) ; rédaction dune instruction administrative sur les devis afin de sécuriser les référentiels de coûts en tirant les leçons des dérapages du projet SFX ; un inventaire patrimonial des comptes est aussi en cours. Un appel doffres a été lancé auprès de consultants qui auront pour tâche délaborer un bilan douverture permettant à la DCN de disposer dès 2001 dun système patrimonial fiable ; la spécialisation des sites se poursuit, sur la base des premières conclusions des groupes de travail chargés de réfléchir sur ce point ; enfin, les activités liées à la diversification font lobjet dune réorientation salutaire, à travers la constitution dune cellule chargée de redéfinir la stratégie et dassurer le suivi des produits (actuellement au nombre de soixante-dix environ). La construction de plates-formes off-shore resterait donc une activité épisodique. Bien quelle demeure une administration centrale, la DCN fournit dimportants efforts dadaptation en vue de répondre de façon plus optimale à sa vocation industrielle. Ainsi, les constructions neuves ont été certifiées ISO 9001 en mai 1999. Un audit a récemment donné un avis positif pour les systèmes de combat, ce qui laisse envisager leur certification prochaine. Le maintien en condition opérationnelle de la flotte devrait être également certifié ISO 9001 dans le courant de lannée 2000. b) Le « plan dentreprise » adopté en 1999 vise à favoriser une évolution du mode de fonctionnement de la DCN A la demande du Ministre de la Défense, le Directeur des constructions navales, M. Rodolphe Greif, a présenté en décembre 1998 un plan dentreprise fixant les actions de redressement sur lesquelles il estime que la DCN doit sengager ainsi que les actions daccompagnement relevant des autorités gouvernementales dont lobjectif est daméliorer la situation de la DCN dans la durée. Dans le cadre du statut de compte de commerce, ce plan sarticule autour de deux ambitions : (1) les « conditions internes » du redressement, se présentent comme un véritable projet comptable et financier doublé dune réorganisation industrielle dampleur La démarche initiée en 1999 constitue un bouleversement des principes de gestion à partir duquel la DCN doit acquérir une culture, sinon les réflexes, dune entreprise industrielle et commerciale. Le plan dentreprise identifie les actions susceptibles de lever les contraintes industrielles de la DCN dans un statut inchangé : renforcement de lefficacité et de la cohérence des fonctions transversales (comptabilité, finances, ressources humaines, achats, action commerciale) ; accroissement des synergies entre les principales activités (construction neuve, systèmes de combat, maintien en condition opérationnelle) ; spécialisation des établissements dans les métiers stratégiques et intensification de la sous-traitance des autres activités. Pour parvenir à un système de gestion conforme à celui des entreprises, la Direction envisage également de mettre en uvre une gestion économique des projets, dattribuer des objectifs de gestion à son encadrement, de mettre en évidence les coûts et de mesurer les performances aux différents niveaux de segmentation. Ces objectifs supposent un engagement des personnels ainsi quune rupture avec les pratiques antérieures qui ont parfois conduit à des dérives, notamment sur le site de Toulon. Dautres mesures vont plus loin, qui concernent lorganisation industrielle de la DCN. Une véritable refonte de sa structure est préconisée autour de la décentralisation de lingénierie à Brest et de la création de deux annexes à Lorient et Cherbourg. La spécialisation des établissements en trois branches industrielles a été mise en uvre par les arrêtés du 26 octobre 1999. Les constructions neuves seront désormais réalisées sur les sites de Cherbourg, Lorient, Indret, et Ingénierie constructions neuves (centres Normandie et Bretagne). Les systèmes de combat seront conçus à Ruelle, ainsi que dans les centres DCN-Ingénierie Sud (Toulon et Saint Tropez) et le centre informatique opérationnel de Brest. Le maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la Marine restera dans les établissements de Brest, Toulon, et Papeete. Le plan dentreprise envisage de réduire encore les effectifs par mesures dâge et suppressions de postes. La gestion des ressources humaines est redéfinie à partir de trois priorités : diminution du nombre des catégories douvriers (au nombre de vingt-sept en 1999) ; diversification du recrutement interne des techniciens ; rénovation du management de la DCN. (2) les « conditions externes » du redressement ont trait aux ajustements indispensables du mode de fonctionnement du compte de commerce. Pour positionner la DCN sur le marché de la construction navale, le plan dentreprise préconise ladoption dune charte de gestion qui repose sur des principes élémentaires pour toute entreprise mais difficiles à mettre en uvre au sein dun service de lÉtat ayant toujours fonctionné comme une administration. La contractualisation à prix forfaitaire de toutes les activités de la DCN concerne les rapports de cette dernière avec le service des programmes navals (SPN), ce qui est relativement nouveau ; elle requiert une facturation préalable, fonction à laquelle les personnels de la DCN nont pas été sensibilisés auparavant et présente lavantage de rendre les autorisations dengagement disponibles dès la signature du contrat. Lidentification dun résultat pouvant être utilisé pour autofinancer les investissements et les études de la DCN doit permettre de responsabiliser les effectifs. Il sagit dune rupture importante avec les méthodes de développement actuelles, larticle 81 de la loi de finances pour 1968 nautorisant la DCN à autofinancer ses investissements que dans la limite du montant de ses amortissements augmenté du produit des aliénations et cessions des immobilisations périmées. La globalisation des résultats des contrats permet de couvrir les charges de sous-activité ou de suréquipement ainsi que les pertes à fins daffaires, ce qui constitue une amélioration notable des conditions de pilotage économique du service. Cette deuxième ambition du plan dentreprise suppose un allégement des contraintes administratives (essentiellement laménagement des règles du code des marchés publics) et la poursuite dune stratégie dexportation et de diversification (seule capable de pallier les fluctuations du plan de charge). Pour autant que le statut de compte de commerce ne sera pas changé et tel semble être le cas , le redressement de la DCN impose donc plusieurs réajustements statutaires importants. 3. La transformation de la DCN en service à compétence nationale, annoncée le 12 mai 1999, se révèle insuffisante face aux enjeux En décidant dorganiser la DCN en service à compétence nationale le Gouvernement a fait le choix daccompagner les mesures de modernisation interne sans rompre avec le régime juridique de compte de commerce. Ce compromis savère insatisfaisant. a) La transformation de la DCN en service à compétence nationale ne déserre que faiblement le carcan statutaire Le service à compétence nationale est une forme dorganisation administrative distincte de ladministration centrale et des services déconcentrés. Aux termes de larticle premier du décret du 9 mai 1997 qui en précise les conditions de création et dorganisation, « les services à compétence nationale peuvent se voir confier des fonctions de gestion, détudes techniques ou de formation, des activités de production de biens ou de prestation de services, ainsi que toute autre mission à caractère opérationnel, présentant un caractère national et correspondant aux attributions du Ministre sous lautorité duquel ils sont placés ». Ils sont créés soit par décret en Conseil dÉtat sils sont rattachés directement à un Ministre, soit par arrêté interministériel sils sont rattachés à un Directeur dadministration centrale. Certes, la DCN répond aux critères du décret de 1997. Ses missions présentent un caractère national et ne peuvent être déconcentrées ; elle produit des biens déquipement et nécessite une visibilité et une lisibilité que son statut dadministration centrale na pas favorisé jusquà présent. Sa transformation en service à compétence nationale avait déjà été envisagée lors de la préparation de la réforme de la DGA, et il est étonnant que ce qui fut considéré alors comme insuffisant pour améliorer sa situation soit présenté aujourdhui comme un prélude à son redressement. Mais le statut de service à compétence nationale napporte pas de grandes modifications par rapport à lactuelle situation de la DCN (le décret doit intervenir à la fin de 1999). Le seul apport de la réforme annoncée le 12 mai dernier est un changement de lorganisation administrative. La transformation napporte pas de modification des règles de gestion et le statut des personnels nest pas remis en cause. Il sagit dune clarification des rôles, et non dune modification du cadre juridique. Le régime budgétaire de compte de commerce perdure à travers lorganisation de la DCN en service à compétence nationale. De ce fait, les handicaps que ce dernier fait peser sur la DCN demeurent. De laveu des interlocuteurs de votre rapporteur, il est à craindre que ces changements soient insuffisants pour lessor et lavenir de la DCN. b) Le régime juridique de compte de commerce ne permet pas de répondre à lurgence dalliances industrielles nécessaires Cette situation est dautant plus inquiétante que la DCN est marginalisée sur les principaux créneaux du marché de larmement naval : dans le secteur de la construction de sous-marins, Kockums Naval Systems a été absorbé par Howaldtswerke Deutsche Werfte (HDW) le 23 septembre 1999, alors quun groupement dintérêt économique avait été noué avec la DCN au milieu de lannée 1999. Par ailleurs, HDW mène des consultations en vue de prendre le contrôle des chantiers navals espagnols de Bazan à loccasion de leur privatisation en 2001 (ce qui fermerait le marché espagnol au Scorpène). Seule une acquisition de ces chantiers par Thomson-CSF dans la perspective dun rapprochement avec la DCN permettrait déviter cette issue fâcheuse ; dans le domaine des bâtiments de surface, Blohm und Voss et BAe-Marconi (issu de la fusion de GEC-Marine avec Marconi Electronic System) constituent de sérieux concurrents qui, pour couvrir les risques des contrats dexportation, disposent dune surface financière sans commune mesure avec celle de DCN International. Considérée comme une administration susceptible de recevoir des subventions publiques et de fausser la concurrence, la DCN se trouve parfois écartée de certains marchés pour lesquels elle dispose du savoir-faire nécessaire. Cest ce qui sest produit dans le cas du renouvellement des porte-aéronefs britanniques par deux porte-avions ; sagissant de la production de torpilles, la DCN risque de ne pas pouvoir continuer sa coopération avec lItalien Wass dans la conception de torpilles légères, lactionnaire principal de ce dernier, Alénia, envisageant de le rapprocher de BAe. Face à ces concentrations industrielles, la DCN, qui na pas de personnalité juridique propre, nest pas en mesure de constituer le maillon fédérateur de la construction navale militaire française, même si DCN International est à même de constituer des filiales de droit privé comme lillustre la société par actions simplifiée MOSC, créée pour le contrat SAWARI II par Thomson-CSF (49 %) et DCN International (51 % du capital). Un rapprochement plus approfondi avait été envisagé, qui aurait permis à la DCN de sadosser à un industriel de référence et de souvrir de nouveaux marchés. Cette option a peu de chances dêtre généralisée car le ministère de lÉconomie, des Finances et de lIndustrie ny semble pas favorable, comme en témoignent les difficultés avec lesquelles il a accepté larrêté interministériel de création de MOSC. c) Un changement de statut de la DCN apparaît non seulement indispensable mais également possible Le changement de statut de la DCN paraît inéluctable pour assurer la pérennité des arsenaux français. Il est possible denvisager dès à présent une réforme statutaire plus profonde qui nentrerait en vigueur quà lhorizon 2000-2001. En effet, à cette date : le système de gestion de la DCN aura été modernisé dans le cadre du plan « gestion DCN 2000 », permettant au nouveau statut dêtre opérationnel et efficace dès lentrée en vigueur de la loi transformant le compte de commerce ; le format des effectifs sera stabilisé à un niveau denviron 13 000 personnes, garantissant la motivation des personnels et leur adhésion au projet dentreprise ; les exportations, les carénages de sous marins nucléaires et la construction dun ou plusieurs nouveaux transports de chalands de débarquement assureront un niveau satisfaisant dactivité. Il eût donc été préférable danticiper ce contexte pour permettre à la DCN de devenir un industriel à part entière en engageant une réflexion sur le statut le mieux à même de lui permettre de rester un acteur européen important de la construction navale militaire. DEUX STATUTS PEUVENT REMPLACER Chacun des deux statuts porte la marque dune époque. Ainsi, longtemps support juridique classique de lentreprise publique, le recours à létablissement public industriel et commercial (EPIC) ne fait plus recette aujourdhui, au contraire du statut de société nationale qui a connu une grande notoriété dans les années quatre-vingts. LEPIC procure trois avantages par rapport à la situation actuelle de la DCN : lexistence dune personnalité juridique propre, une autonomie financière et un patrimoine propre. Il saccompagne en outre généralement dune mise à lécart des règles de la comptabilité publique. La société nationale, quant à elle, est une société anonyme dont lEtat est lactionnaire principal. Elle permet aux organismes qui choisissent ce statut dêtre dotés dun capital social, au contraire de lEPIC, et de nouer des alliances de long terme par une ouverture de lactionnariat. d) Le statut détablissement public industriel et commercial (EPIC) est une réponse inadaptée aux défis qui sadressent à la DCN Le statut dEPIC est souvent assimilé à létape préparatoire dune transformation en société de capitaux, publique ou privatisée. Le professeur Jean Philippe Colson note ainsi que « bon nombre déléments dactifs du secteur public industriel ( ) ont subi des transformations juridiques les faisant successivement passer du statut de régie à celui détablissement public, puis de société anonyme ». Il cite notamment le cas de la Régie des tabacs et allumettes, devenue établissement industriel et commercial en 1959, puis société nationale sous le nom de SEITA avec les lois du 2 juillet 1980 et du 13 juillet 1984, avant dêtre privatisée en application de la loi du 27 décembre 1994. Présentant certains avantages, le statut détablissement public industriel et commercial pouvait être envisagé pour la DCN, avec pour effets bénéfiques : ladoption des règles de la comptabilité commerciale, donnant plus de souplesse et dautonomie de gestion à la DCN ; laffranchissement des règles du code des marchés publics ; lappel à lemprunt et la mise à disposition de lignes de trésorerie, le patrimoine de la DCN restant propriété inaliénable de lÉtat ; des embauches selon les règles du droit du travail. Les statuts des personnels employés avant la réforme nauraient pas nécessairement été remis en cause, la jurisprudence montrant que diverses solutions intermédiaires entre le régime des conventions collectives et le statut des fonctionnaires sont possibles ; la création de filiales pour nouer des alliances et des partenariats sectoriels dans la limite de la capacité de la DCN à apporter des dotations en capital suffisantes à ses filiales ; la normalisation des relations entre la DCN et DCN International, cette dernière devenant une filiale dédiée au commerce international. Nécessitant une procédure législative relativement lourde, cette transformation en EPIC naurait pas pu être effective avant dix huit mois alors même quelle nest pas une fin en soi. La DCN doit pouvoir nouer des alliances industrielles de long terme dès que possible. Un tel statut nest donc pas une réponse adaptée à ses besoins. e) Le statut de société nationale avec ouverture du capital est un objectif quil faut chercher à atteindre rapidement Soumis à lensemble des règles du droit commercial, le statut de société nationale disposant dun capital social offre tous les avantages déjà mentionnés pour lEPIC auxquels sajoute la possibilité de conclure des alliances industrielles au niveau de la société mère. Ce point est déterminant pour la DCN dans la mesure où lensemble de ses partenaires nationaux ou européens souhaitent intégrer plus avant les activités déjà mises en commun. Le statut de société nationale permettrait dinscrire la DCN dans une logique économique et européenne, tout en respectant le particularisme social de lentreprise. La reconnaissance de la personnalité juridique garantirait une autonomie administrative et gestionnaire par rapport à lÉtat, permettant ainsi de rompre lisolement industriel de la DCN. La constitution dun capital social contraindrait la société nationale à suivre les usages commerciaux, sous réserve que la dotation en capital soit suffisante. Pour réussir, cette réforme implique quun certain nombre de conditions soient remplies. En effet, le précédent du GIAT a révélé des enseignements dont il serait nécessaire de tenir compte pour la DCN. La transformation de la DCN en société nationale nest envisageable que si les cinq conditions mises en exergue par le rapport Conze en 1996 sont remplies ou sur le point de lêtre, à savoir : un diagnostic précis de la situation prévisionnelle, une résorption concertée des sureffectifs, lhomogénéité des statuts des personnels, une autonomie de gestion et un esprit dentreprise. La mise en uvre du plan dentreprise rend cette hypothèse accessible. Ladhésion dune majorité des personnels à un tel projet est évidemment indispensable. Une concertation préalable pourrait être initiée dans le cadre dune négociation sur laménagement du temps de travail. Pour éviter que la réforme ne suscite une opposition insurmontable, lÉtat devrait sengager à maintenir un niveau minimum de plan de charge sans remettre en cause les statuts des personnels en place. Présentée comme une réponse aux difficultés de la DCN et comme un moyen den assurer un avenir plus dynamique, la transformation de son statut en société nationale aurait de grandes chances dêtre acceptée. Il est également nécessaire pour la DCN de préparer des alliances et des partenariats structurels. Sa transformation en société nationale ne pouvant être effective avant plusieurs années, ce laps de temps pourrait être mis à profit pour favoriser des rapprochements avec des industriels nationaux réunissant une capacité commerciale et une puissance financière attractives pour des chantiers navals étrangers encore indépendants. Un groupement dintérêt économique pourrait être envisagé, qui regrouperait autour de la DCN plusieurs acteurs nationaux et européens de la construction navale (à limage dAirbus dans le domaine aéronautique) auxquels serait associé un partenaire financier, tel que la SOFRANTEM. CONCLUSION Ce deuxième avis budgétaire de la Commission permet à lAssemblée nationale dexercer un contrôle plus étroit sur les comptes spéciaux du trésor relatifs à la Défense. En 1999, des réformes majeures ont en effet concerné aussi bien le secteur public de larmement que les services industriels de lEtat intervenant dans ce domaine. Lexamen du compte daffectation spéciale 902-24 a donné à votre rapporteur la possibilité de mesurer la dimension stratégique de la fusion dAérospatiale avec Matra Hautes Technologies et dapprécier laspect patrimonial de la privatisation du nouveau groupe. Le contraste entre le volontarisme affiché par le Gouvernement, soulignant le caractère européen de lopération, et lisolement dans lequel il semble laisser la DCN et Giat Industries est apparu saisissant, même si leurs situations noffrent incontestablement pas les mêmes perspectives de dynamisme que celle dAérospatiale. Lanalyse détaillée des comptes de commerce a conduit à mesurer lintérêt de ce régime juridique spécifique pour des services à vocation industrielle soumis à une contrainte budgétaire et à un besoin dalliances internationales. Les réponses sont diverses et plus ou moins déterminantes selon les comptes de commerce. La DCN a retenu tout particulièrement notre attention car lannonce de sa transformation en service à compétence nationale ne résout pas les problèmes auxquels elle se trouve confrontée. Minimisant leffet des démarches de modernisation du système de gestion de la DCN, le maintien dun statut inchangé apparaît dautant plus contestable quil lempêche de nouer des alliances nationales et internationales et la marginalise. Un statut de société nationale nous apparaît donc être la solution appropriée. Votre rapporteur souhaite que le Gouvernement envisage sérieusement cette hypothèse. EXAMEN EN COMMISSION La Commission de la Défense sest réunie le 9 novembre 1999, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les articles 45, 46, 48 et 50 du projet de loi de finances pour 2000 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. M. Loïc Bouvard a considéré quun an seulement après le premier avis budgétaire de la Commission de la Défense sur les comptes spéciaux du Trésor relatifs à la Défense nationale, le contrôle parlementaire en la matière savérait plus que jamais pertinent puisque dimportantes réformes avaient concerné en 1999 les entreprises publiques et les services industriels de lEtat du secteur de larmement. Sattachant à définir le champ de son rapport, le rapporteur pour avis a précisé que la notion de compte spécial du Trésor recouvrait aussi bien les quatre comptes de commerce du ministère de la Défense retraçant les opérations industrielles et commerciales des services de lEtat que le compte daffectation spéciale 902-24 qui concerne plus précisément les entreprises publiques de larmement. Il en a alors décrit les caractéristiques en rappelant tout dabord leurs règles dérogatoires par rapport aux principes classiques du droit budgétaire. Il a ensuite fait observer que ces différents comptes recouvraient des réalités diverses, ce quillustraient les équilibres prévus par le projet de loi de finances pour 2000. Rappelant que les quatre comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense ont pour objet de retracer « les opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par les services publics de lEtat », aux termes de larticle 26 de lordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, il a remarqué que les activités de la DCN ne correspondent pas à cette définition, ainsi que lavait souligné la Cour des Comptes. Il a alors présenté les grandes lignes de lévolution des comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense dans le projet de loi de finances pour 2000 par rapport à la loi de finances pour 1999 : la baisse, du fait de la professionnalisation des armées, de 22,4 % à 520 millions de francs pour 2000 des dotations du compte 904-01 « subsistances militaires », géré par le Commissariat de larmée de Terre afin dassurer entre autres les opérations dachats de vivres et de matériaux nécessaires au chauffage et à léclairage ; la réduction, de 6,4 % des crédits (1,63 milliard de francs pour 2000) du compte 904-03 « exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de lEtat », géré au sein de la DGA par le service de la maintenance aéronautique, dont le volume des prestations à larmée de lAir et à lAéronavale est en recul ; la diminution de 2,4 % du montant des crédits du compte 904-05 « constructions navales de la marine militaire » qui retrace les opérations industrielles de la DCN et qui, avec un volume daffaires prévu de 11,35 milliards de francs pour lannée 2000, demeure de loin le compte de commerce de la Défense aux enjeux industriels, sociaux et financiers les plus importants ; enfin, en raison des opérations extérieures, laccroissement de 8,2 % des dotations (2,38 milliards de francs pour 2000) du compte 904-20 « approvisionnement des armées en produits pétroliers », qui est géré par le service des essences des armées. M. Loïc Bouvard a ensuite abordé les opérations retracées par le compte 902-24 du ministère de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, qui gère les participations de lEtat dans le secteur public. Il a souligné que ce compte retraçait notamment les dotations en capital des entreprises publiques de larmement, telles que Giat Industries, même si cette société nationale navait encore fait lobjet daucun versement au titre de 1999, ainsi que le produit des cessions de titres, parts ou droits de lEtat actionnaire. Développant ce dernier aspect, il a précisé que la privatisation dAérospatiale en juin 1999, après sa fusion avec Matra Hautes Technologies, sétait traduite par une recette nette pour lEtat de 4,6 milliards de francs environ. Le rapporteur pour avis a alors considéré quune question essentielle se posait : dans quelle mesure et sous quelles conditions la modernisation du secteur public de larmement est-elle compatible avec sa gestion soit en compte de commerce, soit en société à capitaux dEtat ? Il a fait valoir que cette question lui paraissait dautant plus importante que le Gouvernement y avait apporté des réponses contradictoires en optant pour la privatisation dAérospatiale dans le but de favoriser son rapprochement avec Matra Hautes Technologies puis DASA alors que, dans le même temps, la DCN, confrontée à des enjeux stratégiques similaires, conservait un statut handicapant que son organisation en « service à compétence nationale » naméliorait pas. Estimant que, dans le premier cas, la réforme engagée avait répondu à un enjeu stratégique clé puisque la privatisation dAérospatiale avait permis de lui adjoindre les actifs de Matra Hautes Technologies, il sest félicité que le nouveau groupe ainsi créé se soit rapidement imposé comme un acteur majeur de laéronautique et de lespace, ce qui lui avait permis dengager des négociations avec DASA en vue dune seconde étape, européenne cette fois. Estimant que lannonce, le 14 octobre dernier, de la création de lentité EADS, numéro trois mondial du secteur, était lheureux aboutissement de ce processus, il sest montré satisfait des conditions de la fusion dAérospatiale avec Matra Hautes Technologies, considérant quelles avaient créé des opportunités de fusion avec DASA et poussé Daimler Chrysler à concéder à lEtat français une part substantielle du capital de EADS ainsi quun droit de veto sur les alliances structurelles, lévolution du capital et les restructurations du nouveau groupe. Il en a déduit que les interrogations relatives à laspect patrimonial de ces opérations sen trouvaient relativisées, tout en considérant que lEtat avait dû accepter une solution financièrement avantageuse pour Lagardère SCA. Il a ensuite regretté le contraste entre ce volontarisme méritoire du Gouvernement dans le domaine des restructurations de lindustrie aéronautique et le manque dambitions dune réforme de la DCN ne desserrant que faiblement son carcan statutaire. Il a estimé quà lheure où lavenir de la construction navale militaire se décidait en Europe et dans la mesure où lorganisation de la DCN en « service à compétence nationale » ne lui permettrait vraisemblablement pas de participer pleinement au processus de restructuration européenne du secteur, il était nécessaire de réfléchir dès à présent aux statuts alternatifs à celui de service dEtat géré en compte de commerce. Il a précisé que sa démarche sappuyait sur deux interrogations : en quoi la réforme annoncée par le ministre de la Défense le 12 mai 1999 est-elle insuffisante ? comment faire évoluer le statut de la DCN ? Abordant le choix gouvernemental dorganisation de la DCN en service à compétence nationale, il a indiqué que sa conséquence la plus évidente était de dissocier la DCN de la DGA. Constatant que le statut de service dEtat géré en compte de commerce demeurerait sans quaucune des mesures de simplification administrative demandées dans le plan dentreprise soumis au ministre de la Défense fin 1998 ne soit acquise, il a estimé que cette situation aurait des conséquences fâcheuses. Il a relevé en premier lieu que la DCN restait obligée dappliquer à la lettre le code des marchés publics qui imposait un formalisme contraire à la bonne exécution des contrats à lexportation, quand il nen empêchait pas tout simplement la conclusion en rendant impossible toute compensation industrielle. Il a fait observer en deuxième lieu que la DCN ne disposait pas de la personnalité juridique lui permettant de nouer des alliances structurelles, ce qui la désavantageait considérablement comme lillustrait la récente fusion de Kockums Naval Systems, avec qui elle avait pourtant créé un groupement dintérêt économique en mai 1999, avec les chantiers HDW, dans le secteur de la construction de sous-marins. Il a estimé que ce constat de marginalisation était dautant plus préoccupant que, si le statu quo actuel était maintenu, la privatisation de Bazan en 2001 seffectuerait probablement, elle aussi, au détriment de la DCN. Le rapporteur pour avis en a déduit que la question nest pas de savoir sil fallait changer le statut de la DCN, mais jusquoù le réformer. Il a alors présenté les deux options possibles : dune part, le statut détablissement public industriel et commercial qui autoriserait notamment la filialisation des activités, laffranchissement des règles du code des marchés publics et le recours à lemprunt, et, dautre part, la société nationale qui, en plus des avantages de létablissement public industriel et commercial, doterait la DCN dun capital social. Devant lurgence de la situation, la seconde hypothèse lui a semblé préférable sur les plans industriel et commercial. Il a ajouté quelle nétait pas irréaliste car, à la charnière des années 2000-2001, moment auquel une réforme législative de ce type pourrait être mise en uvre, la modernisation du fonctionnement interne de la DCN par le plan « gestion DCN 2000 » et par la charte de gestion tout juste signée aura porté ses fruits. Conjuguée à une reprise dactivité (NTCD, carénages de sous-marins nucléaires, frégates Horizon) et à une résorption des sureffectifs, cette modernisation devrait créer les conditions favorables au succès dune réforme statutaire. Il a également souligné que les personnels de la DCN sattendaient à des réformes et craignaient davantage les demi-mesures que les remises en question. Il a alors estimé que, dans lhypothèse où la DCN deviendrait une société nationale, le législateur pourrait préserver une partie des statuts en vigueur tout en veillant à maintenir une certaine cohérence dans la gestion des ressources humaines. LEtat devrait sans doute garantir un minimum de plan de charge pour assurer la transition et faire ainsi en sorte que la DCN néprouve pas les mêmes difficultés que Giat Industries lors de sa transformation en société nationale. Concluant son intervention, il a indiqué quil était conduit à porter un jugement nuancé aussi bien sur la pertinence que sur le mode de fonctionnement des comptes spéciaux du Trésor. Sagissant du compte daffectation spéciale 902-24, il a exprimé son adhésion à la dimension stratégique de la privatisation dAérospatiale. Par contre, il a tenu à renouveler son souhait de voir la société nationale Giat Industries plus autonome et, pourquoi pas, liée à un partenaire européen susceptible den préserver la compétence tels que Mowag ou Vickers Defense Systems. Sagissant des services gérés en quatre comptes de commerce, il a constaté que ce régime juridique restait adapté pour trois dentre eux mais non pour la DCN dont lactuelle réforme était insuffisante pour en assurer lessor et lavenir. Se prononçant en faveur de sa transformation en société nationale, il a souhaité que le Gouvernement envisage sérieusement cette option. Il a alors invité la Commission de la Défense à donner un avis défavorable à ladoption des articles du projet de loi de finances relatifs aux comptes spéciaux du Trésor. Le Président Paul Quilès a fait observer que le débat sur le statut de la DCN avait été entamé à loccasion de lexamen, sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian, des crédits de la Marine pour 2000 mais que ce dernier avait proposé à la Commission démettre un avis favorable à leur adoption, tout en souhaitant une réforme profonde des constructions navales militaires. Saluant la clarté de lexposé du rapporteur pour avis, M. Jean-Louis Bernard a estimé que les arguments très pertinents avancés par M. Loïc Bouvard montraient les insuffisances du statut actuel de la DCN. Il a jugé que la modification statutaire quil proposait était raisonnable et rationnelle, et quelle devait pouvoir être opérée en accord avec les personnels, dans la mesure où elle permettrait, par linstauration dun système plus souple, de rendre la DCN plus performante, chaque année qui passe donnant le sentiment croissant que son devenir débouchait sur une impasse. M. Jean Briane sest déclaré surpris de la diminution importante des ressources affectées au compte des subsistances militaires. M. Guy-Michel Chauveau sest interrogé sur lévolution des effectifs de personnels civils de la DCN, rappelant que la loi de programmation militaire prévoyait le transfert dune partie dentre eux vers les armées mais quà lheure actuelle celles-ci, qui ne bénéficiaient pas de la totalité des affectations prévues, souffraient dun déficit de postes civils. Il a jugé que les difficultés liées aux problèmes de mobilité ne suffisaient pas à expliquer limportance de ce déficit. Sagissant de la réforme de la DCN, il a considéré que laction du Gouvernement sinscrivait dans une dynamique quil a qualifiée de souple, tout en admettant que les arguments développés par les uns et par les autres sur la réforme de ce service étaient solides. Il a rappelé quau-delà des divergences dappréciation, chacun souhaitait la réorganisation de la DCN et une implication croissante dautres partenaires industriels dans son développement. Faut-il attendre que ce secteur retrouve son équilibre pour mener à bien des unions et des alliances avec dautres entreprises ? Telle nest sans doute pas la voie à suivre, comme le montre lexemple de lindustrie aéronautique et spatiale dont les restructurations ont été menées à bien sans quaient été au préalable redéfinis les points déquilibre du secteur concernant notamment la présence de lEtat. Pour lheure, M. Guy-Michel Chauveau a insisté sur la nécessité de mener effectivement à bien les réformes engagées. Le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes : la raison principale de la diminution des ressources affectées au compte des subsistances militaires réside dans la professionnalisation des armées, la réduction des effectifs entraînant une baisse de la consommation en produits courants ; son plaidoyer en faveur dune transformation plus rapide et plus profonde du statut de la DCN nest nullement lié à un attachement dogmatique aux privatisations, qui sont dailleurs faites dès lors que lintérêt national est en jeu. Seul le risque de voir la DCN, qui est un outil technique remarquable, marginalisée en Europe, conduit le rapporteur à faire ces propositions. Il sagit là dun risque grave, comme lindiquent les pertes très sensibles réalisées sur les marchés passés avec des pays étrangers, qui sélèvent à 2,5 milliards de francs au total pour les contrats conclus avec le Pakistan, sur le sous-marin Agosta, avec le Chili, sur le sous-marin Scorpène, et avec lArabie saoudite pour la modernisation de ses frégates. Alors que la France a réussi à jouer un rôle majeur dans le domaine de laéronautique et de lespace, il ne faudrait pas que la DCN, enserrée dans son statut, soit la spectatrice dune recomposition dans laquelle elle naurait pas de place significative. La réforme très prudente menée par le Gouvernement ne va pas assez loin au regard de cet enjeu. Or, il importe dagir rapidement, en raison notamment des délais de mise en uvre dun changement de statut ; il nest pas question denvisager une réforme de la DCN sans prise en compte de la situation des personnels. Cette question fait dailleurs partie des cinq conditions préalables à toute réforme de la DCN énumérées par le rapport Conze ; la DCN est passée dun effectif de 22 609 personnes en 1994 à 16 303 en 1999 et devrait compter en 2002 13 000 à 14 000 personnes. Cette résorption prend en compte la baisse du plan de charge ; les réformes engagées, à savoir le plan de gestion DCN 2000 et le plan dentreprise, devront être effectivement menées à bien. Certains effets bénéfiques de ces réformes, telle que laction conduite sur les recommandations du cabinet Arthur Andersen Consulting, se font déjà sentir. Toutefois, ce nest pas parce que les réformes engagées ne sont pas achevées quil nest pas possible de les infléchir. Il ne sagit pas dattaquer la DCN, ni de revenir sur des erreurs de gestion qui appartiennent au passé. Actuellement, la direction de la DCN mène dailleurs un travail considérable pour redresser la situation du service. Cependant, si lon veut que la DCN augmente ses parts de marché à lexportation et noue de véritables alliances industrielles, les regroupements et les débuts des réformes qui sopèrent seront insuffisants pour lui permettre de constituer lun des pôles autour desquels lactivité européenne en matière de construction navale militaire pourra sorganiser. La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à ladoption des articles 45, 46, 48 et 50 du projet de loi de finances pour 2000 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor, les membres du groupe UDF votant contre. ANNEXES ANNEXE I
ANNEXE II Les tableaux ci-après retracent les budgets votés et les réalisations des comptes de commerce de la Défense de 1996 à 1998, les budgets votés en 1999 et les prévisions du projet de loi de finances pour 2000. COMPTE N° 904-01
*Au 31 août 1999 COMPTE N° 904-03
COMPTE N° 904-05 CONSTRUCTIONS NAVALES DE LA MARINE MILITAIRE (Recettes)
COMPTE N° 904-05 CONSTRUCTIONS NAVALES DE LA MARINE MILITAIRE (Dépenses)
COMPTE N° 904-20 APPROVISIONNEMENT DES ARMÉES EN PRODUITS PÉTROLIERS
N°1864-11. - Avis de M. Loïc Bouvard, au nom de la commission de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2000. - Comptes spéciaux du trésor - Cliquer ici pour retourner au sommaire général - Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires - Cliquez ici pour retourner à la liste des discussions budgétaires
M. Yvon Collin, lindustrie aéronautique européenne ou limpératif de lunion, 1999, p.148 |