N° 3321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2002(n° 3262)

TOME I

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES ET FRANCOPHONIE

PAR M. Patrick Bloche,

Député.

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(1)La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Léo Andy, M. Didier Arnal, M. André Aschieri, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Jean Dufour, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Catherine Génisson, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Marius Masse, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Yves Nicolin, M. Alain Néri, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Vincent Peillon, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, M. Jean-Luc Préel, M. Jacques Rebillard, M. Alfred Recours, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Patrick Sève, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 7

I.- UN BUDGET POUR 2002 SATISFAISANT QUI ACCOMPAGNE LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE 9

A. UN BUDGET POUR 2002 SATISFAISANT QUI POURRAIT NÉANMOINS ÊTRE RENFORCÉ 9

1. La progression appréciable des crédits globaux 9

2. Une part importante des crédits destinée aux contributions de la France aux organisations internationales et à la Francophonie 12

B. UNE VOLONTÉ DE RENOVATION DES OUTILS TRADITIONNELS DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE 13

1. La réforme attendue du réseau des centres culturels à l'étranger 13

2. Des efforts accrus en faveur de la place du français dans le monde et de l'accueil des étudiants étrangers en France 15

C.  DES RÉGULATIONS BUDGÉTAIRES PRÉOCCUPANTES S'AGISSANT DE L'EXERCICE 2001 18

1. Des gels de crédits substantiels 18

2. Des répercussions dommageables sur les activités de l'association française d'action artistique (A.F.A.A.) 18

II.- UNE ÉVALUATION DE LA CONTRIBUTION DE LA FRANCOPHONIE INSTITUTIONNELLE AUX PROCESSUS DE DÉMOCRATISATION 19

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA FRANCOPHONIE POLITIQUE 19

1. Une organisation originale qui a su affirmer sa vision du monde et du développement au fil des années 19

2. Le tournant conceptuel marqué par l'adoption de la déclaration de Bamako en novembre 2000 22

B. LES MÉRITES ET LES LIMITES DE L'AIDE À LA DÉMOCRATISATION QUE PEUVENT APPORTER LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE 24

1. Des actions d'ingénierie démocratique utiles mais forcément limitées dans leurs effets 24

2. Les aspects positifs mais parfois contestés des missions d'observation des élections 26

C. DES ATOUTS QUI DOIVENT ÊTRE VALORISÉS 29

1. Les points forts de la Francophonie 29

CONCLUSION 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

INTRODUCTION

Avec 3,41 milliards d'euros (soit 22,4 milliards de francs), le budget des affaires étrangères pour 2002 représente 1,37 % du budget de l'Etat, contre 1,28 % en 2001. Si le rapporteur se réjouit de ce que la tendance soit à la progression des crédits accordés aux affaires étrangères depuis trois ans, il ne peut cependant que déplorer que ce budget ne dépasse pas, comme cela serait souhaitable, la proportion de 1,5 % du budget de l'Etat.

Force est de constater en effet que le volume global des moyens budgétaires reste insuffisant. Selon le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, entendu le 18 octobre 2001 par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale dans le cadre de la procédure de la commission élargie, « les crédits ne correspondent pas à ce qui est attendu du ministère. » Selon le ministre, environ 200 millions de francs de crédits supplémentaires seraient nécessaires pour mener à bien la totalité des missions assignées au ministère en matière de politique étrangère. Mais pour expliquer la situation actuelle, il faut rappeler que durant la période 1987-1997, le ministère des affaires étrangères est celui qui a, proportionnellement, perdu le plus d'effectifs. Ce mouvement n'a pu être enrayé que récemment. Il faut se féliciter de ce que le budget n'ait plus enregistré de baisse depuis quelques années et que les effectifs du ministère soient désormais stabilisés.

Outre une analyse de la répartition des crédits, le présent rapport est l'occasion d'aborder un thème particulier qui revêt une importance croissante : celui des actions menées par la Francophonie institutionnelle en faveur des processus de démocratisation. Il est intéressant en effet d'examiner comment les institutions de la Francophonie peuvent contribuer dans les pays émergents à l'installation d'Etats de droit respectueux des principes démocratiques comme des droits de la personne.

I.- UN BUDGET POUR 2002 SATISFAISANT QUI ACCOMPAGNE LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

Le budget pour 2002, qui apparaît comme un budget de continuité, devrait permettre la poursuite des grandes actions menées par le ministère dans quatre domaines : la diffusion de la culture et de l'enseignement de la langue française à l'étranger, la continuation des actions en matière d'aide au développement et de solidarité internationale, l'amélioration du traitement des demandes d'asile, l'accentuation des efforts en direction des Français de l'étranger.

Le budget pour 2002, en progression par rapport à la loi de finances pour 2001, est dans la lignée du dernier exercice, même si de nombreuses mesures nouvelles témoignent d'une accentuation des efforts en faveur notamment de la coopération culturelle et technique et de l'aide au développement.

Le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002 s'établit à 3,4113 milliards d'euros (soit 22,4 milliards de francs), ce qui représente, pour la troisième année consécutive, une évolution positive, avec une augmentation de 1,3 % par rapport à la loi de finances pour 2001. Si l'on y ajoute la contribution française au fonds européen de développement (FED), transférée du budget des charges communes, le budget atteint alors 3,63 milliards d'euros (soit 23,8 milliards de francs).

La politique menée par l'actuel gouvernement en matière de relations internationales est dictée par une ferme volonté de lutter en faveur d'une mondialisation maîtrisée et de la réduction des inégalités à l'échelle de la planète.

Dans son discours prononcé le 23 juillet 2001, à l'occasion de la rencontre annuelle des agents du réseau de coopération et d'action culturelle, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a largement expliqué pourquoi selon lui la première des menaces résidait dans le creusement des inégalités à l'échelle internationale. En effet « 80 % de la population mondiale vit dans les pays les plus pauvres qui ne produisent que 20 % du revenu mondial total. L'Afrique est la région du monde où se conjuguent les effets les plus négatifs de la mondialisation : marginalisation économique et sociale, augmentation exponentielle des personnes atteintes par le virus du SIDA, mise à l'écart progressive des grands flux du savoir. Cette situation n'est pas acceptable, d'abord parce qu'elle est injuste, ensuite parce que ces déséquilibres menacent la stabilité internationale. » Comme cette citation l'atteste, la politique étrangère de la France est volontairement axée sur la prise en compte constante des difficultés de développement rencontrées par une grand partie des pays dits du Sud. De ce point de vue, on peut estimer que la diplomatie française se montre l'une des plus actives en matière de coopération nord/sud. Ces efforts de solidarité internationale apparaissent aujourd'hui plus que jamais nécessaires étant donné le contexte international actuel issu des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

Mais il faut reconnaître que la politique étrangère française a, bien avant ces événements tragiques, intégré l'absolue nécessité de lutter fortement, en amont, contre la capacité de nuisance des intégrismes qui se développent sur fond de pauvreté et d'ignorance dans de nombreux pays. Aussi peut-on considérer sans autosatisfaction déplacée qu'une des grandes qualités de la diplomatie française est sa réactivité. Lors de l'audition du 18 octobre 2001 précitée, le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, l'a fort justement fait observer : « On ne peut pas dire que la diplomatie française a des difficultés à réagir. Il y a peu de diplomaties aussi réactives, rapides et inventives (...) Nous étions déjà engagés sur tous les problèmes que les autres pays ont découvert après le 11 septembre. Nous nous préoccupions déjà de la situation au Proche Orient, du fossé entre les riches et les pauvres et de la politique occidentale de conditionnalité (...) Par exemple la France a été la première a dire qu'il ne fallait pas raisonner uniquement du point de vue humanitaire ou militaire en Afghanistan, mais enclencher un processus politique pour que les Afghans retrouvent la maîtrise de leur destin. Depuis, la Grance-Bretagne, l'Italie, l'Union européenne mais aussi les Etats-Unis sont sur la même ligne ».

D'une manière générale, la France se veut une puissance d'influence mondiale porteuse d'un message de solidarité internationale. Logiquement, la priorité est donnée dans le budget pour 2002 à la coopération internationale et à l'aide au développement qui voient leurs moyens augmenter de façon sensible. Plus de la moitié des crédits est ainsi destinée aux actions de coopération et aux interventions internationales.

Source : Ministère des affaires étrangères, octobre 2001

Le budget examiné est le quatrième budget recomposé des affaires étrangères, puisque les anciens crédits de la coopération y sont intégrés depuis la loi de finances pour 1999. Cette modification de présentation du fascicule budgétaire résulte de la réforme des services telle qu'elle a été voulue par l'actuel gouvernement. Il faut rappeler que cette réforme - qui s'est traduite par la fusion de l'ensemble des services de l'ancien ministère de la coopération avec ceux du ministère des affaires étrangères - était fondée sur la nécessité de donner une plus grande unité à l'action extérieure de la France grâce à un désenclavement des politiques de coopération et une rationalisation des instruments. Elle a surtout été dictée par une volonté d'ouverture de la coopération française au-delà de son champ d'intervention traditionnel centré à l'origine principalement sur l'Afrique francophone. Dans ce nouveau contexte, les actions de coopération et d'intervention internationale incombent, au sein du ministère des affaires étrangères, à la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID). Avec le recul, on peut estimer que cette réforme, aujourd'hui achevée, représente un net progrès par rapport à la situation antérieure.

Pour parfaire encore la démarche de rationalisation résolument engagée par le ministère des affaires étrangères, il faut souligner l'une des innovations de ce projet de loi de finances qui consiste dans la fusion des chapitres de coopération et de développement (42-11 et 42-12) en un grand chapitre 42-15 global et cohérent, et doté au total de 512,5 millions d'euros. Autre nouveauté, mais de moindre importance : il faut relever l'apparition d'un article réservé aux situations de sortie de crise au sein du chapitre 42-37 « Autres interventions de politique internationale », article qui est doté de 7,6 millions d'euros.

A périmètre constant, l'enveloppe dévolue aux actions de coopération et d'aide au développement - qui regroupent les crédits d'intervention culturelle, les crédits destinés à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), au fonds de solidarité prioritaire et aux dons-projets gérés par l'agence française de développement - augmente en 2002 de 17,6 millions d'euros (soit environ 115 millions de francs).

Dans un autre domaine, celui de l'audiovisuel public extérieur, on peut mentionner l'accroissement des moyens accordés à destination notamment de TV5. Un des objectifs poursuivis est d'améliorer l'audience de la chaîne francophone aux Etats-Unis, ce qui suppose l'adaptation de la programmation et du dispositif technique au contexte américain. Rappelons que TV5 peut être reçue par 129 millions de foyers dans le monde (dont 68 millions en Europe et 25,4 millions en Amérique). La France finance l'essentiel du budget de la chaîne puisque sa contribution atteint 60 millions d'euros sur un budget total de 89 millions d'euros. Au total, le budget de la coopération audiovisuelle est porté à 168 millions d'euros.

synthèse des principales mesures nouvelles pour 2002

 

Mesures nouvelles

Total pour 2002

Titre III - Moyens des services

Chapitre 36-30 Subventions aux établissements publics

Dont Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Dont Office français de protection des réfugiés et apatrides (OPFRA)

+ 9,22 millions d'euros

+ 3,4 millions d'euros

+ 5,8 millions d'euros

337,24 millions d'euros

313,77 millions d'euros

22,86 millions d'euros

Chapitre 37-95 Etablissements culturels, de coopération et de recherche à l'étranger

+ 4,23 millions d'euros

80 millions d'euros

Titre IV - Interventions publiques

Chapitre 42-13 Appui à des initiatives privées ou décentralisées

+ 0,91 millions d'euros

34,45 millions d'euros

Chapitre 42-14 Subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle

+ 3,87 millions d'euros

168,21 millions d'euros

Chapitre 42-15 Coopération internationale et développement (chapitre nouveau )

Dont transfert de savoir-faire : expertises de longue durée

Dont transfert de savoir-faire : missions d'expert de courte durée

Dont Bourses, échanges et formation

+ 189 millions d'euros

+ 15,1 millions d'euros

+ 114 millions d'euros

189,1 millions d'euros

15,1 millions d'euros

114,3 millions d'euros

Chapitre 42-29 Coopération militaire et de défense

- 6,1 millions d'euros

103,66 millions d'euros

Chapitre 42-31 Participations de la France à des dépenses internationales (contributions obligatoires)

Dont ONU et institutions spécialisées des nations unies

+ 4,94 millions d'euros

Pas de mesure nouvelle

613,33 millions d'euros

320,85 millions d'euros

Chapitre 42-32 Participations de la France à des dépenses internationales (contributions volontaires)

Dont organismes relevant des nations unies

Dont Francophonie

+ 1 million d'euros

+ 0,41 million d'euros

+ 0,65 million d'euros

86 millions d'euros

0,33 million d'euros

36,831 millions d'euros

Chapitre 42-37 Autres interventions de politique internationale

Dont Opérations exceptionnelles et sorties de crise (nouveau)

+ 7,63 millions d'euros

+ 7,62 millions d'euros

26,35 millions d'euros

7,62 millions d'euros

Chapitre 46-94 Assistance aux Français de l'étranger et aux réfugiés étrangers en France

+ 0,6 million d'euros

23 millions d'euros

Pas moins de 17 % du budget des affaires étrangères sont consacrés aux contributions obligatoires de la France auprès de près de 130 organisations internationales au total. Les crédits du chapitre 42-31 « Participation de la France à des dépenses internationales » s'élèvent à 613,4 millions d'euros (soit 4 milliards de francs), ce qui représente une progression de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Quant aux contributions volontaires à des dépenses internationales qui, elles, sont inscrites sur le chapitre 42-32, elles augmentent en 2002 de 1,26 % avec 86 millions d'euros (soit 564 millions de francs), à comparer aux 85 millions d'euros (soit 557 millions de francs) inscrits en loi de finances initiale pour 2001. Il faut savoir que les crédits consacrés à la Francophonie représentent 43 % du montant total du chapitre, en progression de 1,8 % par rapport à 2001.

D'une manière générale, il faut rappeler que les crédits de la Francophonie institutionnelle au sens large du terme - en prenant en compte les budgets de toutes les enceintes - atteignent 0,18 milliards d'euros (soit 1,2 milliards de francs), la France étant contributrice à hauteur de 121,9 millions d'euros (soit 800 millions de francs).

En 2001, les crédits concourant aux actions menées par l'agence de la francophonie en application des sommets francophones, auparavant répartis entre la coopération culturelle et scientifique d'une part et la coopération technique et au développement d'autre part, ont été regroupés sur un seul chapitre d'intervention de politique internationale, au titre du Fonds multilatéral unique (FMU). En 2002, une mesure nouvelle de 0,65 million d'euros est prévue ; les crédits du FMU - qui représente la contribution volontaire de la France aux actions de la Francophonie institutionnelle - devraient atteindre 36,83 millions d'euros. Notons que la grande majorité de ces crédits est gérée directement par le service des affaires francophones du ministère des affaires étrangères. Comme l'a expliqué M. Dumond, chef de ce service lors de son audition par le rapporteur en date du 3 octobre 2001, le ministère des affaires étrangères s'est engagé dans une démarche de contractualisation avec chacun des opérateurs de la francophonie dans un objectif de clarification des missions des uns et des autres. Il serait souhaitable d'ailleurs que ces efforts de contractualisation associent, lorsque cela est nécessaire, d'autres ministères : par exemple le ministère de l'éducation nationale s'agissant de l'agence universitaire de la Francophonie (AUF) notamment.

L'année à venir sera marquée par deux événements importants : la mise en _uvre de la réforme des centres culturels à l'étranger et le lancement d'un nouveau programme de bourses d'excellence qui témoigne de la volonté croissante de la France d'attirer sur le territoire national les meilleurs étudiants étrangers.

Le rapport remis en février 2001 par M. Yves Dauge au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale (rapport n° 2924) a permis de dresser un bilan relativement critique du fonctionnement des centres culturels français à l'étranger. Or ceux-ci constituent indéniablement un des instruments essentiels de la diplomatie d'influence de la France. Il s'avère donc indispensable d'en moderniser aujourd'hui l'organisation. Le rapporteur est pour sa part convaincu qu'il est possible d'optimiser encore les capacités de rayonnement de ce réseau très important et quasiment unique dans le monde.

Il faut tout d'abord rappeler que le réseau des établissements culturels, très hétérogène, est composé de cent cinquante-et-un établissements, qui sont des services extérieurs du ministère des affaires étrangères, auxquels s'ajoutent soixante-huit annexes et quatre établissements franco-étrangers, soit au total, deux cent vingt-trois établissements répartis dans quatre-vingt onze pays. A ces centres, il convient d'ajouter les deux cent soixante-trois Alliances françaises aidées par le ministère. Aujourd'hui, environ 50 % des établissements culturels se trouvent en Europe, dont 30 % dans les pays de l'Union européenne. 10 % des centres sont situés sur le continent africain, alors que le continent asiatique accueille moins de 9 % des centres. Les Alliance françaises aidées par le ministère des affaires étrangères sont, quant à elles, plutôt localisées en Amérique du nord et du sud (cent vingt-deux), en Afrique non-francophone (quarante-neuf) et en Asie et Océanie (trente-neuf). Au total, le réseau des centres culturels et des Alliances françaises couvre relativement bien l'ensemble du monde même s'il faut déplorer quelques manques dans certaines capitales ou villes universitaires très importantes comme Moscou ou Beijing.

Les trois fonctions remplies traditionnellement par les centres culturels sont tout d'abord une fonction d'enseignement de la langue française, ensuite une mission de diffusion et de programmation culturelles en liaison avec l'association française d'action artistique, enfin, un rôle de fourniture de documentation et d'informations sur la France. Dans son rapport, M. Dauge fait état de réelles difficultés rencontrées par plusieurs centres dans l'exercice de ces missions et de ce fait d'un certain désenchantement de la part de leurs responsables.

Selon une thèse pour le moins pessimiste - que le rapporteur ne partage d'ailleurs pas totalement - l'action culturelle de la France en général manquerait d'ambition : le réseau des centres culturels serait ainsi plus capable de préserver les acquis de la présence culturelle française dans le monde que d'innover réellement. Ces critiques paraissent exagérées ; en revanche ce qui semble avéré est l'absence regrettable de coordination et de pilotage du réseau, aucun document ne définissant ou ne hiérarchisant les objectifs assignés à tel ou tel centre localisé dans un pays particulier. Il n'existe pas de projet politique culturel extérieur qui permettrait par exemple de moduler les actions des centres selon les régions géographiques où ils se trouvent et prenant en compte à la fois l'offre culturelle locale, la place du français dans le pays et la demande locale pour telle ou telle activité.

Il faut par conséquent se réjouir de ce que le ministre des affaires étrangères ait annoncé un projet de refonte de la carte et des missions de l'ensemble du réseau. Il s'agit en réalité de redéfinir la place des centres culturels dans le dispositif diplomatique français à l'étranger. Résultat d'une large consultation de l'ensemble des agents intéressés et notamment les responsables des établissements concernés et des services culturels des ambassades, une note d'orientation générale est d'ailleurs actuellement en cours de diffusion. Il apparaît indispensable en effet que des lignes directrices soient clairement identifiées dans un document de référence. Les centres doivent mener leurs activités selon une stratégie d'ensemble déclinée pays par pays en fonction d'objectifs clairement déterminés. Il faut plaider pour une grande diversification des programmations culturelles de ces établissements. Ceux situés dans des villes-cibles doivent développer des activités spécifiques et lancer par exemple des programmes propices aux débats d'idées.

Certains centres ayant rencontré des difficultés particulières doivent par ailleurs faire l'objet d'un traitement à part. Ainsi un plan de réorganisation des établissements en Allemagne, élaboré l'année passée en liaison avec les services de l'ambassade de France dans ce pays, est en cours de réalisation. L'institut français d'Athènes doit également être réorganisé, étant donné notamment la baisse très importante du nombre d'élèves, qui est passé de 27 000 en 1990 à 4 000 en 2001. Il a ainsi été décidé, à juste titre, de fermer plusieurs annexes de l'institut qui ne développaient plus guère d'activités en propre et de limiter les personnels à ceux strictement nécessaires.

Dans un avenir proche, c'est l'ensemble de la carte géographique du réseau qui sera ainsi opportunément remis à plat. Cette démarche ne signifie nullement que la France « abandonne » ses centres culturels à l'étranger mais au contraire qu'elle met en place une stratégie plus cohérente qui replace le centre culturel au c_ur d'un projet culturel d'ensemble. Afin d'accompagner cette réforme courageuse, ces établissements devront être plus fortement dotés en moyens financiers. Ils bénéficient en 2002 d'une mesure nouvelle de 4,7 millions d'euros (31 millions de francs) destinés à leur permettre d'accroître leurs capacités d'action et d'engager, sur une période de trois années, un plan de revalorisation du statut des 3 300 recrutés locaux qui y sont actuellement employés.

Le rapport pour avis sur les crédits de 2001 avait permis d'aborder la question de la place du français dans les institutions internationales et européennes. Les conclusions auxquelles le rapport parvenaient étaient que le décalage au sein de nombreuses organisations internationales entre le statut de langue officielle du français et son usage effectif, de plus en plus rare, devenait assez préoccupant. Il apparaissait également que l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale se préparait dans des conditions plutôt défavorables pour notre langue. Ce constat était néanmoins tempéré par l'idée que le « désir de France » restait toujours très fort dans le monde et que la langue française avait un rôle particulier à jouer pour la sauvegarde du plurilinguisme. Des efforts particuliers doivent continuer d'être faits pour que le français soit encore largement enseigné dans le monde entier et qu'un maximum d'étudiants étrangers soient attirés par le système universitaire et de grandes écoles français.

Il faut tout d'abord rappeler que le français reste la seconde langue parlée en termes de locuteurs natifs en Europe et la seconde langue enseignée dans les établissements scolaires ; elle demeure la seconde langue pratiquée dans les institutions européennes. Notre langue est reconnue comme le vecteur d'une culture qui continue de séduire, même si l'attrait de l'anglais est fort auprès des jeunes. La concurrence de l'allemand est importante dans les pays d'Europe centrale et orientale. Langue de la jurisprudence européenne, le français reste très bien implanté dans le domaine du droit.

Selon les dernières estimations disponibles, on compte dans le monde 82,5 millions d'apprenants de la langue française et 181 millions de francophones.

Source : rapport du Haut conseil de la Francophonie (1998)

Les atouts de la langue française ne sont pas négligeables : on dénombre 900 000 professeurs de français dans le monde. Quant au réseau dépendant du ministère des affaires étrangères, il comporte, on l'a vu, les établissements culturels qui sont chargés de la promotion et de la diffusion de la langue française, les Alliances françaises, associations de droit local mais soutenues par le ministère, enfin, les établissements d'enseignement français relevant de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Cette agence, qui accueille 158 000 élèves français et étrangers dans 270 établissements répartis dans le monde, voit dans le projet de loi de finances pour 2002 ses moyens augmenter de 4,1 millions d'euros. Sur ce montant, 1,4 millions d'euros sont réservés aux bourses scolaires destinées aux élèves français (16 500 bénéficiaires de bourses sur 67 000 élèves français scolarisés). Au total, la dotation allouée à l'AEFE dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 313,8 millions d'euros.

La politique en faveur de l'accueil des étudiants étrangers en France doit être encore accentuée. Actuellement, sur les 172 000 étudiants étrangers en France (12 000 de plus qu'en 2000), 22 000 bénéficient d'une bourse du ministère. Il faut rappeler à ce sujet qu'il existe plusieurs catégories de bourses à destination des étudiants étrangers en France. La bourse du gouvernement français (BGF) représente une aide soit à la formation des étudiants et stagiaires étrangers, soit aux travaux des chercheurs étrangers en France.

La répartition des bourses par région fait apparaître que ce sont les étudiants originaires d'Afrique du nord qui en demeurent les premiers bénéficiaires en 2000 (28 %), malgré une baisse continue depuis 1997 (32,2 %). La proportion d'étudiants en provenance de l'Afrique subsaharienne (tous pays confondus) est passée, quant à elle, en dix ans de 27,5 % à 18,7 %, avec une baisse particulièrement importante entre 1999 et 2000 (de 25,4 % à 18,7 %). On note en revanche la part importante prise depuis dix ans par les boursiers en provenance de l'Europe de l'est (de 3 541 à 3 843, soit 14,6 % en 1990 et 17,6 % en 2000). Cette situation est le résultat de la politique très volontariste de formation des cadres de cette région à l'économie de marché et à la consolidation d'Etats de droit.

Il faut souligner en outre l'augmentation des étudiants boursiers venus des pays de l'Asie du sud et du sud-est. Leur nombre progresse encore depuis 1998 (6,5 % en 1990, 6,9% en 1998, 7,3 % en 1999, 8,3 % en 2000) ce qui traduit de mieux en mieux la priorité marquée vers cette zone du monde. De même, la proportion des étudiants de l'extrême orient et du pacifique progresse depuis 1998 grâce aux efforts réalisés en direction de la Chine (3,8 % en 1998, 4,6 % en 1999, 5,7 % en 2000 dont 3,2 % pour la Chine seule contre 1,8 % en 1998). Le nombre d'étudiants venus des pays d'Amérique centrale et du sud est également en augmentation (6,5 % en 2000 contre 5,1 % en 1990). Enfin, le nombre des étudiants issus des pays du Proche et du Moyen orient s'accroît également depuis 1996 pour représenter 9 % des effectifs en 2000.

Conscient de l'importance des enjeux, l'actuel gouvernement a cherché à assurer la meilleure promotion possible de notre enseignement supérieur car c'est malheureusement vers le monde anglo-saxon que s'oriente spontanément un grand nombre d'étudiants étrangers, notamment dans les disciplines de l'entreprise et de la haute administration. C'est ainsi qu'a été créée, en 1998, l'agence EduFrance, groupement d'intérêt public réunissant les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale et les universités sur une base volontaire. Principalement soutenue financièrement par ses deux ministères de tutelle, cette agence a pour mandat la promotion de l'enseignement supérieur français. Le premier bilan pouvant être dressé des activités de l'agence paraît positif.

Les programmes de bourses ont par ailleurs été restructurés afin de mieux jouer leur rôle en matière de formation des élites étrangères. Cette restructuration, qui vise à valoriser l'offre française, a donné lieu à la création de nouveaux programmes spécifiques, dont le dispositif des bourses d'excellence « Eiffel », destiné à former des décideurs étrangers de l'entreprise et de l'administration. Depuis son lancement début 1999, celui-ci a permis de sélectionner plus de 1 100 étudiants sur environ 3 200 dossiers évalués. Mais la rénovation des systèmes de bourses doit se poursuivre : ainsi en 2002, un nouvel effort est consacré à l'accueil des étudiants étrangers avec la mise en place du programme de bourses « Major » destiné à prendre le relais des bourses d'excellence de l'AEFE, après l'admission de ces élèves étrangers dans les grandes écoles ou en deuxième cycle universitaire. Quatre-vingt à quatre-vingt-dix élèves nouveaux pourront ainsi être accueillis chaque année en France. Compte tenu de la montée rapide en puissance d'un tel programme, 10 millions de francs supplémentaires (1,52 millions d'euros) seront nécessaires en 2003, année où devrait être atteint le régime de croisière du programme.

Au-delà des données chiffrées figurant dans les fascicules budgétaires, le rapporteur entend naturellement se soucier de l'exécution effective des budgets votés. Or, l'exécution du budget pour 2001 a été marquée par deux phénomènes préoccupants : un gel assez important des crédits gérés par la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'apparition de charges supplémentaires non prévues en loi de finances 2001 et devant être assumées par cette même direction.

Selon la direction générale de la coopération internationale et du développement, le gel des crédits aurait concerné 130 millions de francs au total sur l'année 2001 (uniquement des crédits d'intervention inscrits au titre IV), ce qui aurait empêché la réalisation de divers projets prévus dans trois domaines : en matière d'aide au développement, d'assistance technique et de coopération culturelle. S'exprimant lors de son audition du 18 octobre 2001 dans le cadre de la procédure de la commission élargie, sur la question du volume globalement faible du budget des affaires étrangères, le ministre, M. Hubert Védrine, n'a pas hésité à fustiger : « la partialité et la mauvaise information qui sévissent dans certains bureaux de la sous-direction du budget. Et c'est ainsi que certains, parce qu'ils ont de son action une vision contestable, imposent au ministère des affaires étrangères des diktats financiers qu'il se gardent bien de s'appliquer à eux-mêmes ».

Par ailleurs, un deuxième phénomène doit être relevé pour 2001 : le surcoût non prévu en loi de finances de TV5 Amérique. Notons que les crédits de l'action audiovisuelle extérieure sont également inscrits au titre IV et dépendent de la gestion de la même DGCID. En cours d'année, des négociations ont eu lieu pour augmenter la part française dans la nouvelle grille de programmes.

La situation de faiblesse des crédits finalement disponibles pâtit notamment à l'association française d'action artistique (AFAA), présidée par M. Robert Lion et dirigée par M. Olivier Poivre d'Arvor, qui est largement subventionnée sur les crédits de la DGCID. En règle générale, en fin d'exercice, les crédits non utilisés par la Direction générale (par exemple parce que des programmes n'ont pas été menés à bien du fait d'un arrêt de la coopération technique avec tel ou tel pays) sont affectés à l'AFAA, ce qui permet à cette dernière de réaliser son programme d'actions de plus en plus ambitieux. Il faut citer l'organisation des saisons ou des années étrangères en France et assumer des missions nouvelles à la demande même du ministère des affaires étrangères. Fin 2001, aucun crédit complémentaire de la DGCID ne devrait aider l'AFAA faute de crédits non utilisés. Rappelons qu'en 2002, l'AFAA devra notamment organiser la saison culturelle tchèque en France et assumer des mission nouvelles à la demande même du ministère des affaires étrangères. Il faut fermement plaider pour que les crédits 2002 ne fassent pas l'objet d'un gel comme c'est le cas cette année...

II.- UNE ÉVALUATION DE LA CONTRIBUTION DE LA FRANCOPHONIE INSTITUTIONNELLE AUX PROCESSUS DE DÉMOCRATISATION

La Francophonie institutionnelle comporte une triple dimension : une dimension linguistique - qui constitue sa vocation première - une dimension culturelle - le sommet de Beyrouth qui devait avoir lieu en octobre 2001, et finalement reporté pour des raisons dues au contexte international actuel, aurait dû porter sur le thème du dialogue entre les cultures - et enfin, une dimension politique. Cette dernière dimension s'est notablement développée au cours des dix années passées. Une des manifestations de cette évolution est l'ambition affichée de la Francophonie d'aider concrètement les Etats membres engagés dans un processus démocratique à installer et consolider leurs institutions selon les préceptes de l'Etat de droit.

La Francophonie s'est progressivement imposée en tant qu'institution internationale à part entière. Si le premier sommet qui réunit les chefs d'Etats et de gouvernements des pays ayant le français en partage date de 1986, il a fallu attendre 1998 pour que les Etats membres entérinent l'appellation d'organisation internationale de la Francophonie (OIF). Fait significatif, depuis décembre 1998, la Francophonie participe en qualité d'observateur aux travaux de l'Organisation des nations unies (O.N.U.) et depuis mai 1999 à ceux de l'Union européenne.

Il convient de décrire brièvement les structures mêmes de la Francophonie institutionnelle, étant entendu que chacune joue un rôle particulier en matière d'aide à la démocratisation.

Que de chemin parcouru depuis 1970 ! Il y a trente ans, était créée en 1970 à Niamey, l'Agence de coopération culturelle et technique qui marqua le point de départ de la Francophonie institutionnelle. Vingt-et-un pays s'étaient alors rassemblés pour jeter les bases d'une nouvelle coopération. Au fil des années, la Francophonie n'a cessé de s'étoffer : le nombre de pays qui ont rejoint cette organisation a plus que doublé en trente ans puisqu'elle compte aujourd'hui cinquante-et-un Etats et gouvernements membres. Aujourd'hui, la Francophonie représente une population totale de cinq cent millions de personnes et regroupe plus du quart des Etats membres de l'Organisation des nations unies. Depuis 1997, la Francophonie est dotée d'une charte rénovée adoptée lors du sommet de Hanoï et d'un secrétaire général, le porte-parole de l'institution, qui jouit d'une certaine stature internationale - actuellement M. Boutros Boutros-Ghali dont le mandat en principe terminé est prolongé d'un an du fait du report du sommet de Beyrouth.

Le système institutionnel actuel s'appuie sur trois instances qui sont la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, plus communément désignée par le terme de « sommet », instance suprême de la Francophonie qui se réunit tous les deux ans, la conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) composée des ministres des affaires étrangères ou des ministres chargés de la francophonie, qui veille à l'exécution des décisions arrêtées par le sommet, enfin, le conseil permanent de la Francophonie (CPF) composé des représentants personnels dûment accrédités par les chefs d'Etat et de gouvernement, qui est chargé de la préparation et du suivi des sommets sous l'autorité de la conférence ministérielle. L'agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) est l'opérateur principal des programmes décidés par le sommet. L'assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) est l'assemblée consultative de la Francophonie. Les opérateurs directs de la Francophonie sont l'agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5, l'université Senghor d'Alexandrie, l'association internationale des maires francophones (AIMF). Enfin, il faut citer la mise en place au cours des dernières années de l'association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français, de l'association des médiateurs et ombudsman de la francophonie et de la conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune.

Organigramme de la Francophonie institutionnelle

C'est surtout depuis le sommet de Dakar en mai 1989, que la Francophonie institutionnelle s'est mobilisée en faveur des processus de démocratisation ; un nouveau champ de coopération multilatérale s'est alors ouvert dans le but d'accompagner les processus émergents en faveur de l'Etat de droit, de la démocratie et des droits de l'homme. Ainsi, depuis la fin des années 80, les résolutions adoptées au cours des sommets ont l'ambition de faire de la Francophonie un espace de solidarité et de promotion des libertés fondamentales.

Le sommet de Chaillot tenu en novembre 1991 fut de ce point de vue le sommet de « la maturité et de l'élargissement » selon son hôte, le président François Mitterrand. Rappelons que ce sommet, qui regroupa près de cinquante pays et gouvernements, fut marqué par l'adhésion du Cambodge, de la Bulgarie et de la Roumanie. Dans la déclaration finale, les chefs d'Etat et de gouvernement affirmèrent leur « foi dans les valeurs démocratiques fondées sur le respect des droits de la personne, des minorités et des libertés fondamentales ». Ils prirent l'engagement de « faire avancer le processus de démocratisation, de consolider les institutions démocratiques (...) et de développer des programmes appropriés dans ce sens ».

Lors du sommet de Maurice tenu en octobre 1993, ils affirmèrent avec force leur volonté de développer la coopération nord-sud ainsi que sud-sud. Ils adoptèrent en outre une résolution sur l'exception culturelle, qui marquait, à une époque où peu d'autres organisations internationales s'en souciaient, la détermination de la Francophonie à se mobiliser pour lutter contre l'uniformisation culturelle. Lors de ce sommet, la discussion entre les chefs d'Etat et de gouvernement porta également sur les liens existant entre la démocratie et le développement. Il fut décidé de convoquer une conférence des ministres de la justice sur le thème « Etat de droit et droits de l'homme », conférence qui eut lieu au Caire à la fin de 1995.

A l'occasion du sommet de Cotonou de décembre 1995, la Francophonie prit un tournant décisif du point de vue institutionnel puisque les chefs d'Etat et de gouvernement décidèrent de se doter, à compter de 1997, de nouvelles institutions et de réformer celles qui existaient déjà. C'est également lors de ce sommet qu'apparut la notion d'« espace de liberté et de démocratie ». Il a été déclaré que « la construction de l'Etat de droit (devait faire) partie de l'action francophone » et qu'une « justice indépendante, accessible et efficace est le premier garant de l'Etat de droit ». La résolution finale invitait, enfin, tous les pays à ratifier les conventions des nations unies relatives aux droits de l'homme, et celles spécifiques portant sur les femmes et les enfants.

Le sommet de Hanoi organisé en novembre 1997 conféra à la Francophonie sa pleine dimension politique en en faisant une organisation internationale à part entière. La déclaration finale, qui évoqua notamment le respect des droits des peuples et des minorités, permit de souligner « les liens indissociables entre paix, démocratie et développement, entre éducation et formation, entre croissance économique, progrès social et développement durable ».

Avec le sommet de Moncton, tenu en septembre 1999, la Francophonie confirma sa capacité d'attraction puisque la Lituanie, la Slovénie et la République tchèque furent accueillies tandis que deux observateurs - la Macédoine et l'Albanie - accédèrent au statut de membre associé. Il fut décidé que les institutions de la Francophonie devraient être des enceintes privilégiées pour parler ouvertement des droits de l'homme et des processus d'appui à la démocratie. Lors de sa présentation, le secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, plaida, après avoir déploré la faiblesse des moyens dévolus aux institutions de la Francophonie, pour « favoriser la diffusion de la culture démocratique ainsi que l'analyse des processus démocratiques. » Selon lui, le triptyque des objectifs de la Francophonie : la paix, la démocratie et le développement durable sont « non seulement des objectifs interdépendants, mais aussi des valeurs que nous partageons. »

C'est lors du sommet de Moncton que les membres de la Francophonie ont décidé officiellement d'organiser en l'an 2000 un symposium permettant de faire le bilan des pratiques démocratiques dans l'espace francophone. En novembre 1999, à Paris, la conférence ministérielle de la Francophonie avait considéré que ce symposium ne devrait pas se limiter à un bilan mais aboutir également à des propositions concrètes. Il avait en outre été convenu que l'ensemble des acteurs devraient être mobilisés : les Etats et gouvernements mais également les partis politiques, les syndicats, les médias, les organisations non gouvernementales et toutes les composantes de la société civile.

Le symposium de Bamako a été précédé par des travaux préparatoires de grande qualité. Des réunions thématiques se sont tenues sur les thèmes des institutions de la démocratie (à N'djamena en mars 2000), sur les élections (à Paris en avril 2000), sur la vie politique (à Paris en mai 2000) et sur la culture démocratique (à Sofia en juin 2000). En janvier 2000, un colloque sur la démocratie et les sociétés plurielles a été organisé à Yaoundé en collaboration avec le Commonwealth.

Adoptée le 3 novembre 2000, la déclaration de Bamako est le fruit de dix ans d'engagement de la Francophonie dans les processus de démocratisation. Grâce à ce document :

Le programme d'action, annexé à la déclaration de Bamako, aurait dû formellement être adopté lors du sommet de Beyrouth. Ce document faisant le récapitulatif des actions concrètes devant être mises en _uvre par les instances de la Francophonie apparaît particulièrement intéressant. Il identifie quatre objectifs majeurs.

Le premier objectif est « la consolidation de l'Etat de droit ». Il s'agit de renforcer les institutions de la démocratie et de l'Etat de droit : les parlements, la justice, les administrations d'Etat et des collectivités locales, les institutions de contrôle et de régulation. Les actions prévues consistent à organiser des sessions de perfectionnement à destination des acteurs locaux, à pratiquer des dotations de documentation, en équipements bureautique et informatique et à faciliter le développement des sites internet des institutions concernées. Entrent dans ce cadre les actions de coopération interparlementaire mises en _uvre par l'assemblée parlementaire de la Francophonie pour améliorer le fonctionnement des assemblées des pays émergents.

Le deuxième objectif est « la tenue d'élections libres, fiables et transparentes ». Il s'agit d'aider les acteurs locaux à surmonter des difficultés d'ordre technique et logistique dans l'organisation des scrutins. Pour cela, il faut consentir un soutien accru à la formation du personnel électoral, organiser des réunions de travail thématiques sur les systèmes de financement des campagnes électorales et faciliter l'adoption dans les pays francophones de règles garantissant l'accès égal et équitable de tous les partis aux média publics, y compris aux média électroniques, en particulier durant les périodes électorales.

Le troisième objectif est de parvenir à une « vie politique apaisée ». D'après le programme rédigé à Bamako, cela signifie notamment qu'il faut aider les pays en transition démocratique à se doter de textes fondamentaux largement acceptés par les différentes forces politiques et sociales du pays. Des textes constitutionnels équilibrés, des lois électorales bien pensées et des règlements d'assemblées parlementaires admis par les groupes politiques du pays constituent autant de conditions sine qua non de la nécessaire stabilité politique et institutionnelle. Pour contribuer à cet objectif, les instances de la Francophonie et notamment l'APF, doivent organiser ou encourager la tenue de séminaires portant tant sur le fonctionnement sans entraves des partis politiques librement constitués dans un cadre légal que sur les relations entre majorité et opposition.

Le quatrième et dernier volet du programme d'action a trait à la « promotion d'une culture démocratique intériorisée ». Il est notamment prévu de mettre en place des stages de formation en droit à destination de plusieurs types de publics très différents : sont cités les enseignants, les magistrats, les avocats, les membres de la police, de l'armée, les personnels pénitentiaires, les membres de syndicats, les fonctionnaires, les journalistes. Il est par ailleurs projeté de renforcer les mécanismes de protection internationale et régionale des droits de l'homme telle que la commission africaine des droits de l'homme ou encore le tribunal spécial sur le Rwanda.

Il va de soi que le programme d'action est par nature un document général qui ne peut entrer dans le détail des actions à mettre en place. Il a cependant le mérite de donner aux opérateurs de la Francophonie des orientations précieuses quant à leurs missions.

Au cours des dix dernières années, les instances de la Francophonie sont intervenues dans deux grands secteurs : elles ont proposé aux pays qui le demandaient des actions d'ingénierie démocratique et ont diligenté des missions d'observation des élections dans les pays émergents afin d'accompagner réellement les processus démocratiques en cours dans ces moments cruciaux pour la vie démocratique que sont les scrutins.

L'originalité de la Francophonie est qu'elle fait primer une logique institutionnelle sur la logique de protection de la personne individuelle. Contrairement à de nombreuses organisations internationales qui ont tout d'abord _uvré exclusivement en faveur de la promotion des droits de l'homme, certes indispensable mais nullement suffisante en soi, la Francophonie a développé une démarche fondée sur le respect de la règle de droit et a cherché à créer les conditions d'installation de véritables Etats de droit dans l'espace francophone. L'idée sous-jacente est que le respect des droits de l'homme n'est réellement acquis qu'une fois accomplie la mise en place préalable des institutions démocratiques.

L'opérateur principal de la Francophonie dans le domaine de l'aide institutionnelle est l'agence de la Francophonie. C'est pourquoi le rapporteur a tenu à auditionner le 3 octobre 2001, Mme Christine Desouches, déléguée aux droits de l'homme et à la démocratie à l'agence. Celle-ci a noté que, pour le biennum 2000-2001, les sommes allouées aux programmes de la délégation s'élèvent à 35 millions de francs annuels, ce qui présente des ressources financières trop faibles par rapport aux attentes exprimées par de nombreux pays membres de la Francophonie. En effet c'est cette délégation qui est censée assurer la gestion de la très grande majorité des programmes mis en _uvre en matière d'accompagnement des processus démocratiques, d'appui aux institutions de contrôle, de séminaires et de stages de formation. Or la délégation dispose de cinq cadres et quatre personnels de soutien, nombre à l'évidence notablement insuffisant compte tenu des activités déployées. A la suite de la déclaration de Bamako, la délégation a en principe la charge d'assurer le suivi des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone. On voit mal comment une équipe si réduite pourrait effectivement accomplir l'ensemble des tâches lui incombant.

A part l'agence de la Francophonie, un autre opérateur a un rôle important même s'il est moindre, dans le domaine de la démocratisation : il s'agit de l'association internationale des maires francophones (AIMF). Il faut rappeler que l'AIMF, créée en 1979 et présidée de droit par le maire de Paris, regroupe aujourd'hui quatre-vingt-dix neuf villes adhérentes représentant quarante-cinq pays. Elle mène des actions concrètes pour la démocratisation, en aidant les villes à mettre en place un état civil fiable et informatisé - ce qui permet par la suite l'établissement de listes électorales valables - ou en leur fournissant une expertise utile en matière de gestion transparente des taxes municipales.

L'assemblée parlementaire de la Francophonie, qui « émane des parlements et assemblées exerçant le pouvoir législatif dans les Etats francophones », compte quarante-huit sections au sein des parlements, seize sections associées, et quatre observateurs. Son rôle en matière de démocratisation est essentiel à plus d'un titre.

L'APF organise des colloques et des séminaires de travail de qualité à la fois pédagogiques et utiles notamment dans les pays africains sur trois thèmes principaux : la confection de la loi, les droits de l'opposition parlementaire, le principe d'autonomie des assemblées. On aurait tort de sous-estimer l'impact de ces manifestations. D'aucuns argueront que ce n'est certainement pas grâce à un simple colloque entre parlementaires que les principes démocratiques seront d'un coup respectés à la lettre dans l'ensemble des pays francophones. Mais l'APF représente un forum indispensable qui permet à des élus de tous les pays de confronter leurs points de vue et leurs expériences. Il ne faut ni attendre trop de ce type d'actions ni considérer qu'elles sont par nature vouées à l'échec. Depuis 1991, l'APF a en outre mis en place un programme d'aide aux services documentaires des parlements francophones (Pardoc). Ce programme permet d'organiser des stages in situ et d'équiper chaque année plusieurs parlements démunis en matériel informatique.

Au-delà de ces actions, certes utiles mais forcément limitées, le grand mérite de l'APF est d'avoir fait preuve en maintes occasions d'un véritable courage politique. Il faut savoir que cette assemblée n'a pas hésité à suspendre les sections des parlements des pays dans lesquels un coup d'Etat avait eu lieu. C'est ainsi qu'ont été suspendues les sections de la république démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, des Comores, du Rwanda et de la Côte d'Ivoire. Ces sections ont été suspendues à titre transitoire et leur réintégration est de droit en cas d'organisation d'élections libres et transparentes. Ainsi la section du Niger, suspendue suite à un coup d'Etat, est redevenue membre de l'APF après les dernières élections législatives. Il en va de même pour la Côte d'Ivoire réintégrée en juillet 2001. Il faut se souvenir qu'avant même la tenue du symposium de Bamako, l'APF avait adopté une recommandation visant à ce que les dirigeants des pays dans lesquels les institutions ont été renversées par la force ne soient pas invités aux sommets de la francophonie. L'APF a donc joué un rôle précurseur insuffisamment souligné.

Régulièrement, l'APF permet aux parlementaires issus de différents pays et de cultures diverses de condamner les pratiques contraires aux droits de l'homme. Ainsi l'APF s'est beaucoup mobilisée pour que soit libéré un député guinéen, M. Alpha Condé, qui avait été mis en prison sans procès en 1998. Il faut noter que la libération de ce parlementaire est effectivement intervenue récemment ; elle a pris la forme d'une mesure de grâce du président Lansana Conté. D'une manière générale, l'assemblée parlementaire de la Francophonie a le grand mérite d'adopter des résolutions qui parviennent à s'éloigner de la traditionnelle langue de bois diplomatique sur les pays connaissant des crises politiques graves. Lors de la dernière session ordinaire de l'APF qui s'est tenue à Québec en juillet 2001, elle a adopté des résolutions très fermes sur les Comores, la Guinée, le Togo, Haïti, le Proche-Orient, sur la nécessité de ratifier la convention de Rome créant la Cour pénale internationale ou sur la mise en _uvre de la convention de lutte contre les mines anti-personnel.

On doit cependant regretter que les travaux de l'APF restent aussi confidentiels. Ils ne bénéficient pas de la couverture médiatique qu'ils mériteraient, ce que déplorait dans son dernier rapport d'activité, M. Jacques Legendre, sénateur français et secrétaire parlementaire de cette assemblée.

Un des moyens dont la Francophonie s'est dotée pour appuyer les processus démocratiques est de procéder à la demande des pays concernés à des missions d'observation des élections. Ces missions renvoient à une question de fond, valable y compris dans les pays de culture démocratique ancienne, qui est celle des critères d'une « bonne » élection. Des éléments de réponse figurent dans la déclaration de Bamako qui évoque « la tenue, à intervalles réguliers, d'élections libres, fiables et transparentes, fondées sur le respect de l'exercice, sans aucun empêchement ni aucune discrimination, du droit à la liberté d'opinion et d'expression, notamment par voie de presse et autre moyen de communication, de la liberté de réunion et de manifestation et de la liberté d'association. » D'après cette déclaration, la démocratie est « incompatible avec toute modification substantielle du régime électoral introduite de façon arbitraire ou subreptice, un délai raisonnable devant toujours séparer l'adoption de la modification de son entrée en vigueur. »

Depuis 1992, la Francophonie a diligenté un grand nombre de ces missions. Citons pour mémoire les missions ayant été mises sur pied au cours des quatre dernières années. En 1997, des missions ont été envoyées dans cinq pays : au Tchad (élections législatives), au Mali (élections législatives et présidentielle), au Burkina Faso (élections législatives), au Cameroun (élections législatives), à Djibouti (élections législatives). En 1998, des missions se sont rendu aux Seychelles (élections législatives), au Togo (élection présidentielle), au Cambodge (élections législatives), à Sao Tome et Principe (élections législatives), au Burkina Faso (élection présidentielle), en République centrafricaine (élections législatives), au Gabon (élection présidentielle), en Guinée (élection présidentielle). En 1999, les élections ont été observées au Niger (élections régionales et locales), au Nigeria (élection présidentielle), en Guinée équatoriale (élections législatives), au Bénin (élections législatives), à Djibouti (élection présidentielle), en République centrafricaine (élection présidentielle), au Niger (élections présidentielle et législatives), en Guinée Bissau (élections présidentielle et législatives).

En 2000, des missions se sont déplacées en Guinée Bissau (élection présidentielle), au Sénégal (élection présidentielle : M. Boutros Boutros-Ghali a salué « la belle leçon de démocratie donnée par le Sénégal » à cette occasion), en Haïti (élections sénatoriales, législatives et municipales et élection présidentielle), en Guinée équatoriale (élections municipales). Depuis le début de 2001, les pays concernés sont le Bénin (élection présidentielle), le Sénégal (élections législatives), le Tchad (élection présidentielle), l'Albanie (élections législatives), les Seychelles (élection présidentielle).

· Quelques exemples récents de missions d'observation des élections

Afin d'illustrer de façon concrète le contenu de ces missions, on peut opportunément retranscrire ici les conclusions générales auxquelles les observateurs de la Francophonie ont abouti lors des derniers déplacements.

Au Bénin, à l'occasion de l'observation de l'élection présidentielle des 4 et 8 mars 2001, si les observateurs de l'APF ont salué le rôle majeur joué par les médias et apprécié la détermination des institutions et des différents acteurs à inscrire leur action dans la poursuite pacifique de la démocratisation, ils ont également relevé des lacunes profondes dans le système juridique de ce pays.

Lors de la mission d'observation des élections législatives anticipées au Sénégal, le 29 avril 2001, mission conjointe avec l'organisation de l'unité africaine (OUA), la délégation conduite par M. Emil Constantinescu (ancien Président de Roumanie), était accompagnée, dans un souci pédagogique, de personnalités chargées de mettre en place des élections dans leurs propres pays (à savoir les Comores, le Congo Brazaville et Madagascar). Dans un communiqué commun, les observateurs de l'APF et de l'OUA ont salué la maturité politique des sénégalais et le sens des responsabilités des institutions, des acteurs et des médias locaux.

Au Tchad, dans le cadre de l'assistance électorale mise en place conjointement avec les Nations unies et l'Union européenne, l'APF a observé le premier tour de l'élection présidentielle du 20 mai 2001. Les observateurs de l'APF ont travaillé avec ces organisations internationales, mais également avec les représentants de l'OUA, des organisation non gouvernementales, de la communauté des Etats sahélo-sahariens et avec des observateurs venus d'Algérie, du Soudan et du Nigéria. Tous ont constaté des irrégularités et des fraudes. L'APF s'est élevée contre les événements ayant entaché la période post-électorale puisque des candidats non élus ont été arrêtés avant d'être libérés.

La mission des observateurs de la Francophonie est triple. Il s'agit d'observer en amont la façon dont les différents candidats aux élections - présidentielles, législatives ou locales - ont accès ou non aux médias et ont la faculté de faire une véritable campagne, y compris pour les opposants au régime en place. Au moment du scrutin, il faut vérifier que la population peut exprimer son vote dans de bonnes conditions, sans pressions et de façon anonyme et que le dépouillement n'est pas entaché d'irrégularité et de fraude. En troisième lieu, les observateurs doivent s'assurer qu'aucune mesure policière ou judiciaire n'est prise à l'encontre des candidats opposants par exemple.

· Dans l'absolu, ces missions sont utiles pour :

· Mais ces missions présentent parfois certains défauts :

Surtout, une question délicate se pose : que doit-on faire si des irrégularités (dont on ignore souvent si elles sont de nature à inverser ou pas le résultat des élections) ont été constatées ? Faut-il que la Francophonie institutionnelle condamne officiellement le pays ? Faut-il qu'elle mette immédiatement un terme aux programmes de coopération engagés avec ce pays selon une théorie radicale de la conditionnalité de l'aide ? Il s'agit là d'une interrogation majeure qui nécessite une réflexion approfondie car l'idée d'une conditionnalité des aides, qui est très répandue dans les discours des responsables occidentaux, reste aujourd'hui une source de contentieux parfois vifs avec les pays du Sud en général.

L'engagement de la Francophonie en matière d'appui à la démocratisation a indéniablement commencé de porter ses fruits. Certes, la mobilisation des instances de la Francophonie en ce domaine ne peut à elle seule expliquer les progrès accomplis dans de nombreux pays en matière de respect de l'Etat de droit et des principes démocratiques. Il reste que les actions entreprises en ce domaine doivent être mises à l'actif de l'organisation de la Francophonie qui a bénéficié, pour ce faire, de divers atouts non négligeables.

Les atouts de la Francophonie sont de plusieurs ordres : la Francophonie apparaît en temps « normal » tout à la fois comme un forum, un lieu d'échanges d'expériences et de valorisation des connaissances. En période de crise ou de rupture des processus démocratiques, l'aide de la Francophonie se transforme en une aide à la médiation et à la conciliation.

La Francophonie continue de bénéficier d'un prestige certain dans les pays concernés. D'ailleurs, ceux qui ont été suspendus de l'APF par exemple insistent pour y être réintégrés ; on peut citer l'exemple des demandes répétées adressées par la République démocratique du Congo. L'adhésion et la participation à la Francophonie institutionnelle s'assimilent parfois pour les jeunes Etats à un processus de légitimation et de reconnaissance internationale. Il est d'ailleurs significatif de constater que certains pays dont on ne peut soutenir qu'ils sont réellement francophones, comme le Soudan par exemple, ont demandé à rejoindre cette famille.

Autre point positif : la Francophonie fonctionne de manière égalitaire. La France a une voix qui compte autant que celle de la Roumanie, du Bénin ou du Laos. La Francophonie n'est donc pas, comme certains le pensent encore parfois, un instrument d'imperium ou la résurgence d'un néo-colonialisme déplacé de la part de notre pays. D'ailleurs les débats au sein de la Francophonie évitent la plupart du temps le formalisme souvent pesant qui caractérise bon nombre de travaux des organisations internationales classiques comme les Nations unies par exemple. La liberté de ton est de mise, ce qui fait de la Francophonie un des rares lieux d'expression internationale libre.

En matière de coopération juridique, un des atouts essentiels de la Francophonie est la similitude entre les systèmes politiques et juridiques des pays concernés surtout en Afrique, ce qui permet aux experts et aux acteurs locaux de se comprendre facilement. Dans de nombreux systèmes institutionnels des pays de la Francophonie, on relève des points de convergence forte s'agissant du rôle des chefs d'Etat, du fonctionnement des systèmes parlementaires, des cours constitutionnelles ou des médiateurs. En d'autres termes, il existe un substrat commun qui facilite par exemple la formation des magistrats francophones. Aussi, et c'est une autre force de la Francophonie, celle-ci n'a nullement cherché à imposer un modèle unique « prêt à l'emploi » en matière de démocratisation. Les programmes proposés à chaque pays demandeur sont adaptés aux situations particulières des Etats. L'agence de la francophonie propose, de fait, plusieurs programmes « sur-mesure » en matière de coopération juridique par exemple. Elle est réputée pour adopter une démarche réaliste s'appuyant sur une bonne connaissance des conditions réelles d'existence et des données sociales, économiques et parfois religieuses des pays recevant une aide.

Aujourd'hui la Francophonie a acquis un vrai savoir-faire dans des secteurs divers et comme en matière de science électorale. Elle représente une des rares organisations à être en capacité d'envoyer dans des délais brefs des experts de haut niveau immédiatement opérationnels. Le réseau de compétences de la Francophonie s'étend d'ailleurs à des domaines de plus en plus diversifiés avec la constitution récente d'un réseau des instances de régulation de l'audiovisuel.

Dans le cadre des compétences que lui confère l'article 7 de la charte de la francophonie, dans les situations de crise ou de conflit, le secrétaire général peut décider l'envoi de missions de conciliation. Les personnalités envoyées par le secrétaire général jouent alors la fonction de « facilitateurs ». Ce fut notamment le cas au Togo (suite à la crise ouverte lors de l'élection présidentielle du 21 juin 1998), en République démocratique du Congo (suite à l'arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila), au Burundi, en République centrafricaine. Des missions dites d'information et de contacts ont été envoyées dans d'autres pays : notamment au Niger qui connaît depuis plusieurs années un climat de tension politique et sociale depuis la disparition tragique du président Ibrahim Baré Maïnassara.

Le fait de désigner des facilitateurs ayant assumé des responsabilités dans d'autres pays de la zone constitue un facteur positif qui permet dans certains cas de contribuer à une conciliation efficace entre régime au pouvoir et opposition et donc de tenter de ramener plus vite le pays sur la voie de la démocratie. Ainsi M. Boutros Boutros-Ghali a notamment fait appel depuis 1998 à plusieurs personnalités comme M. Mustapha Niasse, ancien ministre des affaires du Sénégal (qui a été envoyé au Togo et au Congo), M. Emile Zinzou, ancien Président de la République du Bénin (qui a été envoyé en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo) ou M. Hacen Ould Lebatt, ancien ministre des affaires étrangères de Mauritanie (qui a été envoyé au Burundi).

Récapitulatif des missions diplomatiques de la Francophonie

(de 1998 à 2001)

Pays

Nature de la mission

Personnalités désignée par le francophonie

Togo

Mission de bonne volonté (septembre 1998 à janvier 1999)

Mission de facilitation à compter de janvier 1999

M. Mustapha Niasse, ancien ministre des affaires étrangères

Depuis mai 2000 : M. Ide Oumarou, ancien secrétaire général de l'OUA

Cote d'ivoire

Mission d'information et de contacts (janvier 2000)

Mission d'information à l'occasion de l'élection présidentielle (octobre 2000)

M. Emile Zinzou, ancien Président de la République du Bénin

M. Stéfane Tafrov, ambassadeur de Bulgarie en France

Congo

Rencontre avec les autorités congolaises (octobre 1999)

Préparation du « dialogue national » au côte du facilitateur (janvier 2001)

M. Mustapha Niasse

M. Ide Oumarou

Centrafrique

Mission d'écoute, d'information et de bonne volonté(mars 1999)

M. Ilioune Sene, ancien ambassadeur du Sénégal

Comores

Mission d'écoute et d'information (octobre 1990)

A partir de mai 2001, ouverture d'un Bureau de la Francophonie à Moroni

M. André Salifou, ancien ministre des affaires étrangères du Niger

Bureau dirigé par le général Rabemanenjara (Madagascar)

République démocratique du Congo

Mission de bonne volonté (octobre 1998)

Mission d'information et de contacts (février 2001)

Participation au dialogue intercogolais (février-mars 2001)

Mission de bonne volonté (mars 2001)

M. Emile Zinzou

M. Jean-Pierre Vetovaglia, ambassadeur de Suisse en France

M. Hacen Ould Lebatt, ancien ministre des affaires étrangères de Mauritanie

M. Ide Oumarou

Guinée

Mission d'information (février 2001)

M. Ide Oumarou

Burundi

Observateur de la Francophonie auprès des pourparlers de paix d'Arusha (depuis décembre 1998)

M. Hacen Ould Lebatt

Source : Délégation aux droits de l'homme et à la démocratie de l`Agence de la francophonie, septembre 2001

Comme on l'a vu, la mobilisation des instances de la Francophonie pour les processus de démocratisation est relativement récente. Aussi le dispositif est-il encore perfectible dans les années à venir. Il convient de dresser un bilan des failles actuelles du système avant de donner quelques pistes d'amélioration possibles.

La Francophonie pâtit d'une ambiguïté de taille entre la logique linguistique initialement mise en avant et la dimension politique de plus en plus volontiers affichée. Faut-il rappeler que la Francophonie a pour but initial d'assurer la défense et la promotion de la langue française ? Au fil des années, de nouveaux Etats ont été admis au sein de la Francophonie institutionnelle alors même que la pratique réelle de la langue française y était très minoritaire. Chacun sait que le nombre de francophones en Egypte est en fait très faible. Le même constat peut être fait s'agissant de beaucoup d'autres pays, comme par exemple le Vietnam et le Laos. La volonté d'étendre le champ géographique de la Francophonie a conduit à être de moins en moins regardant sur l'aspect linguistique pour favoriser la dimension politique.

L'équilibre entre ce que l'on pourrait appeler la « raison des Etats » et les valeurs promues est difficile à trouver. La Francophonie prétend être un espace de liberté et de démocratie mais l'existence d'institutions démocratiques préalables ne constitue pas un critère d'adhésion. C'est une litote de dire que dans de nombreux pays africains ou asiatiques membres de l'organisation, la culture démocratique reste manifestement peu intériorisée. D'ailleurs, et cela demeure très préoccupant, la conception même de la démocratie est loin de faire l'unanimité. Ainsi le Vietnam et la Laos ont tenu à émettre des réserves à la déclaration de Bamako estimant pour leur part que la démocratie et le multipartisme étaient deux notions tout à fait différentes. Selon ces deux pays, « la démocratie est une finalité alors que le multipartisme n'est qu'un chemin. Le chemin pour y parvenir décidé par chaque pays doit être défini par son peuple en fonction de ses spécificités culturelles, historiques, économiques et sociales. »

Lorsqu'un Etat bafoue les droits de l'homme, la Francophonie institutionnelle se contente en général d'une condamnation formelle. Il est certain qu'elle ne saurait légitimement se transformer un tribunal international et faire doublon avec la commission des droits de l'homme des Nations unies. Cette situation explique les discours quelque peu spécieux développés par certains responsables de la Francophonie qui semblent clairement distinguer la question des droits de l'homme de celle des institutions de l'Etat de droit comme si les deux aspects n'étaient pas fondamentalement liés !

On rejoint ici la délicate question des sanctions. Que se passe-t-il si un Etat se met hors jeu des exigences démocratiques ? Des possibilités de réaction existent mais étant donné le principe de consensus qui prévaut, il est difficile d'imaginer qu'un Etat soit réellement mis au ban de la Francophonie, des sommets du moins. Il est à noter que ces obstacles limitent aussi les capacités d'intervention d'autres organisations internationales. On peut néanmoins citer le cas du Commonwealth qui joua un rôle significatif à la fin des années 80 pour contribuer au démantèlement du régime de l'apartheid en Afrique du sud mais cette organisation n'était, alors, pas la seule à s'être mobilisée. Les violations systématiques et massives des droits de l'homme dans ce pays avaient soulevé une condamnation vive au sein de l'assemblée générale des Nations unies. Mis à part ce type de situations exceptionnellement graves, les possibilités réelles d'action pour les organisations telles que la Francophonie demeurent restreintes.

A cet égard, il sera intéressant de voir si le dispositif de sanctions décrit dans la déclaration de Bamako pourra être appliqué et, dans l'affirmative, à l'encontre de quels régimes ? Notons que la Tunisie a déjà fait savoir qu'elle s'opposait au système prévu en cas de rupture de la démocratie dans un pays, considérant que la Francophonie s'arrogeait là un droit d'ingérence intolérable dans les affaires intérieures des Etats membres.

Déclaration de Bamako

D'après la déclaration de Bamako, lorsqu'une rupture de la démocratie est constatée ou que des violations massives des droits sont observées, il appartient au secrétaire général de saisir immédiatement le président de la conférence ministérielle de la Francophonie (CMF). La question fait l'objet d'une inscription immédiate et automatique à l'ordre du jour du conseil permanent de la Francophonie (CPF). Il revient à ce conseil, qui peut être convoqué d'urgence en session extraordinaire, de confirmer la gravité de la situation, de la condamner publiquement et d'exiger « le rétablissement de l'ordre constitutionnel ou l'arrêt immédiat de ces violations ».

Une fois cette étape franchie, le secrétaire général entre à nouveau en action : il doit se mettre en contact avec les autorités de fait du pays et a la possibilité d'envoyer sur place une mission dite « d'information et de contacts ».

Si aucune amélioration n'est relevée, le conseil permanent peut prendre des mesures plus lourdes de conséquences. Il peut refuser de soutenir les candidatures présentées par le pays concerné à des postes électifs au sein de diverses organisations internationales. Il peut refuser que le pays concerné accueille des manifestations ou des conférences de la Francophonie. Il peut recommander aux autres Etats d'avoir une politique de visas vis-à-vis des autorités de fait du pays concerné et de limiter les contacts intergouvernementaux. Surtout, une suspension de la coopération multilatérale francophone peut être décidée. Enfin, le pays est automatiquement suspendu des instances de la Francophonie si la situation, provient d'un coup d'Etat militaire contre un régime issu d'élections démocratiques.

Dans les prochaines années et notamment lors du prochain sommet - qui doit permettre l'adoption du programme d'action de Bamako - des débats certainement vifs risquent d'opposer les pays du Nord (France, Canada, Québec, communauté française de Belgique) et ceux du Sud sur l'opportunité d'orienter un maximum d'énergie et de crédits sur la question du respect des principes démocratiques. Il y a depuis Bamako un changement de nature de l'action francophone qui est loin de susciter l'enthousiasme de certains pays, malgré les déclarations de principe...

Autre difficulté pour la Francophonie : elle reste une communauté d'Etats qui cherchent à utiliser cet outil pour faire valoir leurs intérêts, parfois au détriment de la crédibilité et de la cohésion de l'organisation elle-même. De nombreux Etats ont adhéré à cette organisation pour faire partie d'un réseau de coopération de qualité et se trouver ainsi consolidés. Pour beaucoup de pays, le fait d'appartenir à l'espace francophone est une garantie de recevoir une aide institutionnelle, de bénéficier de programmes d'échanges utiles et de coopération scientifique et technique. Les gouvernements de ces jeunes Etats ont donc objectivement intérêt à faire partie d'un tel réseau à condition que leur adhésion ne les mette pas eux-mêmes en difficulté. Telle est l'analyse qu'a développée M. Philippe Moreau-Defarges, chargé de mission auprès du directeur de l'IFRI, lors de son audition par le rapporteur, le 10 octobre 2001. Mais la Francophonie est également instrumentalisée par certains pays du nord ; ainsi le rapporteur a entendu que certains pays industrialisés profitaient en quelque sorte des systèmes d'aide de la Francophonie pour privilégier des politiques bilatérales avec tel ou tel pays.

D'une manière générale, il faut avoir conscience que la Francophonie n'est naturellement pas le seul espace de solidarité pour de très nombreux Etats. Sept Etats sont à la fois membres de la Francophonie et de la Ligue des Etats arabes. Ving-huit membres de la Francophonie font également partie de l'Organisation de l'unité africaine. Sept Etats sont en même temps membres du Commonwealth. Trois Etats sont également membres de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (ASEAN)et trois autres de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP)

Pour renforcer la crédibilité de l'organisation, quatre pistes pourraient opportunément être privilégiées.

La Francophonie peut mieux asseoir sa place sur la scène internationale en s'efforçant de devenir le porte-parole d'un groupe de pays dans les enceintes internationales ou régionales sur quelques sujets bien ciblés. Aujourd'hui on ne peut que constater qu'au-delà des déclarations de principe sur la diversité culturelle par exemple, la Francophonie en tant que telle n'est pas l'instigatrice d'une véritable stratégie commune à l'occasion des discussions commerciales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) par exemple. La stratégie d'influence de la Francophonie reste aujourd'hui peu exploitée ; elle pourrait dans certains contextes favorables changer la donne dans des négociations souvent dominées par des experts anglo-saxons.

La Francophonie doit à l'avenir adopter une attitude moins timorée sur un certain nombre de sujets sensibles, ce qui la fera apparaître plus proche des populations civiles des pays émergents. Aujourd'hui les questions qui fâchent ne sont pas abordées frontalement lors des sommets. La Francophonie semble réticente à s'engager dans la dénonciation active de certains phénomènes de société qui entravent de fait les transitions démocratiques. On peut citer le problème de l'esclavage des enfants et du statut peu enviable des femmes dans certains pays. La question de la corruption qui gangrène les institutions que l'on veut par ailleurs démocratiques et rationnelles n'est pas abordée avec détermination. La culture de l'impunité perdure dans de nombreux pays qui connaissent coup d'Etat sur coup d'Etat. La Francophonie a tout à gagner sur le long terme à pratiquer encore davantage une éthique de la transparence et de la vérité. Le contexte international actuel montre avec cruauté les dangers qu'il y a à jouer aux apprentis-sorciers en soutenant même symboliquement des régimes qui ne doivent pas l'être.

La Francophonie doit se faire plus visible. L'APF se plaint amèrement de ne pas être écoutée, mais ce constat pourrait s'appliquer à l'ensemble des instances de la Francophonie. Seuls les sommets, tous les deux ans, font l'objet d'une couverture médiatique importante. Tout le travail de fond effectué dans les intervalles est relativement peu connu. On peut à cet égard plaider pour que TV5 développe des émissions permettant de rendre compte régulièrement des travaux et des actions de la Francophonie institutionnelle. TV5 pourrait diffuser des programmes de sensibilisation à la culture démocratique susceptibles de jouer un rôle pédagogique essentiel dans de nombreux pays.

Enfin, la Francophonie qui est restée relativement en retrait s'agissant de l'enjeu éducatif pourrait s'engager très fortement à l'avenir en ce sens. Parmi les pays enregistrant les taux de scolarisation les plus faibles du monde, on compte des pays membres de la Francophonie. Il faut citer ici les cas du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad. Dans certains pays, l'état de délabrement du service public de l'enseignement a indéniablement facilité l'éclosion de nombreuses écoles coraniques, parfois radicales, ce qui au vu de l'actualité récente, n'est pas sans susciter des interrogations et des inquiétudes.

CONCLUSION

En définitive, on doit déplorer que le budget des affaires étrangères ne soit pas un budget prioritaire. Pour que la France tienne toute sa place dans le concert des nations, des moyens financiers plus importants seraient nécessaires. De nombreux observateurs s'accordent à dire que le budget des affaires étrangères mériterait certainement d'être plus conséquent. Comme l'a souligné à juste titre M. Hubert Védrine lors de son audition du 18 octobre 2001, « la répartition des crédits dans notre enveloppe limitée peut donner lieu à un débat légitime, mais l'objectif essentiel de l'augmentation du budget rassemble une coalition de bonnes volontés parmi les spécialistes et c'est à eux de faire prendre conscience aux autres décideurs que ce budget est un instrument fondamental, qu'on le conçoive de la façon la plus idéaliste, sur le plan des valeurs, ou de la façon la plus réaliste, sur le plan de la sécurité nationale. »

Il faut cependant se réjouir de ce que la répartition qui est faite des crédits est, quant à elle, tout à fait cohérente avec les grandes priorités du ministère en matière d'aide au développement, de soutien de l'enseignement du français, d'accueil des étudiants étrangers en France qui sont, de fait, financées. D'une manière générale, on peut estimer que le présent budget permettra le maintien à l'identique, voire dans certains cas le renforcement, des interventions de politique internationale de la France, ce qui englobe les contributions aux organisations internationales, les concours financiers aux politiques d'ajustement structurel, l'aide alimentaire et l'ensemble des moyens destinés à l'aide aux Français de l'étranger.

S'agissant de la question particulière de la Francophonie institutionnelle, on peut affirmer aujourd'hui que cette organisation a réussi à développer une politique d'influence. Elle a été une des premières enceintes internationales à plaider pour la diversité culturelle comme lors du sommet de Maurice de 1993 et a entendu se battre dès le départ contre l'hégémonie de l'anglais. Elle a réussi à développer lors des sommets de Cotonou en décembre 1995 puis de Moncton en septembre 1999 une approche originale du développement en mettant en avant les interactions positives entre la paix, la démocratie, le développement durable. Quant à son implication en faveur des processus de démocratisation, elle ne doit pas faiblir au cours des années à venir. Mais pour donner plus de poids à la Francophonie, la première condition serait que les peuples concernés soient convaincus de la légitimité et de la crédibilité de la démarche francophone. Au scepticisme, trop souvent répandu parmi les Français notamment, doit se substituer une aspiration collective à faire vivre les institutions et les projets de la Francophonie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, les crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie pour 2002, au cours de sa séance du 16 octobre 2001.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-Paul Durieux, président, a évoqué le rôle de la francophonie comme porteuse de civilisation et de vertus démocratiques. La place de la France dans le monde passe par une francophonie forte mais également par un réseau d'établissements culturels dense et dynamique. Les parlementaires en déplacement à l'étranger constatent trop souvent que ces centres sont au prise avec de graves difficultés financières. Une rénovation de ce réseau semble nécessaire. Il apparaît en outre indispensable d'améliorer et de favoriser au maximum l'accueil d'étudiants étrangers en France.

M. Germain Gengenwin a fait les remarques suivantes :

- On peut déplorer l'affaiblissement des moyens accordés aux divers instituts français à l'étranger. Le cas de l'institut français de Fribourg, qui n'a plus actuellement les moyens de poursuivre l'intégralité de ses missions habituelles, doit être signalé.

- On ne peut que se réjouir de ce que la francophonie permette d'améliorer le fonctionnement démocratique de certains pays africains. Cependant, il ne faut pas être dupe : les parlementaires qui ont participé à des missions d'observation des élections dans des pays en transition démocratique ont été frappés de constater que les scrutins ainsi observés ressemblaient malheureusement parfois à de simples mascarades.

M. Bruno Bourg-Broc, après avoir déclaré partager les analyses de fond développées par le rapporteur pour avis, a fait les observations suivantes :

- Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2002 n'est certainement pas un budget satisfaisant. Les moyens dévolus à l'action extérieure de la France restent beaucoup trop faibles globalement.

- On peut déplorer que les Français soient les plus mauvais militants de la francophonie. En particulier, l'action de l'Assemblée parlementaire de la francophonie gagnerait à être davantage valorisée auprès des parlementaires eux-mêmes comme des citoyens.

Il a ensuite interrogé le rapporteur pour avis sur les points suivants :

- la fermeture programmée de différents instituts français, notamment en Allemagne ;

- les conséquences prévisibles de la suppression du service national et du service de coopération en matière d'aide à la coopération dans de nombreux pays ;

- le montant des bourses délivrées aux étrangers et les possibilités offertes en la matière à la fois à ces étrangers et aux enfants des Français expatriés ;

- le bilan pouvant être tiré de l'action d'Edufrance ;

- la teneur du plan de revalorisation du statut des recrutés locaux au sein des établissements culturels ;

- l'évolution des moyens attribués à l'Agence française de l'enseignement à l'étranger.

Mme Hélène Mignon a posé une question sur les difficultés rencontrées par les lycées français à l'étranger.

Mme Catherine Génisson, après avoir salué l'excellence de l'intervention présentée par le rapporteur pour avis, a fait les observations suivantes :

- Il faut déplorer le manque de volonté politique en France concernant la francophonie en général. Le rapport remis par M. Yves Dauge à la commission des affaires étrangères a ainsi souligné le manque de moyens dévolus aux centres culturels français à l'étranger.

- Il convient également de s'interroger sur la situation des étudiants franco-étrangers qui ne parviennent à obtenir de bourses pour suivre des études supérieures ni en France, ni dans leur autre pays d'origine.

Après s'être félicité de l'intérêt manifesté par les commissaires s'agissant de la francophonie ainsi que leur très bonne connaissance du sujet, M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de réponse suivants :

- En ce qui concerne l'accueil des étudiants étrangers, la situation, paradoxale, est la suivante : la France dispose d'un important réseau d'établissements primaires et secondaires dans le monde, mais l'offre française en matière d'enseignement supérieur apparaît beaucoup moins structurée et moins attractive. Il faut avoir conscience que l'enseignement supérieur est devenu un marché dans lequel la France éprouve de plus en plus de difficultés à se positionner. Pourtant, on ne saurait douter de l'importance de cette question en matière de présence internationale et de rayonnement. Un jeune formé dans une université française sera évidemment francophone mais aussi et surtout francophile. La France a longtemps occupé la deuxième place derrière les Etats-Unis en matière d'accueil d'étudiants étrangers. Depuis quelques années, la Grande-Bretagne lui a ravi cette place. Il faut redresser cette situation.

- S'agissant des bourses, il faut rappeler que sur les 172 000 étudiants étrangers accueillis en France, 22 000 sont boursiers. La répartition géographique des bourses se modifie progressivement en faveur de « nouvelles zones ». Ainsi l'Afrique du nord, qui représentait 32 % des boursiers en 1997, représente aujourd'hui 28 % de ceux-ci. La baisse concerne également les boursiers originaires d'Afrique subsaharienne et d'Europe occidentale alors que le nombre de boursiers d'Europe de l'Est, d'Asie, du Proche et Moyen-Orient ainsi que d'Amérique centrale et du sud augmente.

- Concernant le sort des instituts français et des centres culturels, le rapport précité de M. Yves Dauge a montré l'insuffisance des moyens de ces organismes. L'absence de coordination entre les instituts français, les centres culturels et les alliances françaises a également été dénoncée. Quant à la baisse des moyens affectés à l'institut français de Fribourg, elle est le signe de la volonté du ministère des affaires étrangères d'opérer des redéploiements de crédits. L'enveloppe budgétaire restant constante, il a été décidé de mettre davantage l'accent sur les centres installés dans des pays hors Union européenne.

- L'Association française d'action artistique doit mobiliser des crédits non négligeables pour organiser des manifestations à New York dans le domaine des arts plastiques. Il est indispensable en effet de créer des événements importants dans cette ville qui constitue le point de passage obligé des artistes d'art contemporain pour se faire connaître au niveau international.

- La disparition du service national et du service de la coopération aura des conséquences évidentes sur la diffusion du français dans le monde d'autant que les coopérants ont souvent été les fers de lance de la francophonie et parvenaient à donner une image de modernité de la France à travers le monde, notamment en matière de nouvelles technologies de l'information.

- La scolarisation des jeunes Français à l'étranger doit rester une préoccupation essentielle du ministère ; mais les établissements d'enseignement primaire et secondaire à l'étranger ne doivent pas pour autant se refermer sur eux-mêmes et ne plus accueillir d'enfants étrangers. Il faut absolument éviter que ces établissements pratiquent une politique de sélection par l'argent du fait d'une augmentation non maîtrisée des droits de scolarité.

- Le nombre de recrutés locaux ne fait qu'augmenter et les expatriés entrant dans le réseau d'enseignement français à l'étranger sont de moins en moins nombreux. Cependant, il faut indiquer qu'un certain nombre de Français se font recruter localement.

- En ce qui concerne les lycées français à l'étranger, on ne peut nier la réalité des difficultés financières rencontrées ; de nombreux établissements voient leurs installations se dégrader, ce qui les conduit parfois à augmenter les droits de scolarité pour pallier leur manque de moyens financiers.

- S'agissant d'Edufrance, on ne peut que se féliciter de la mise en place de cet organisme qui a pour mission essentielle de mettre en cohérence les actions des ministère des affaires étrangères et de l'éducation nationale concernant l'offre de formation supérieure de la France. Cependant il est exact que cette institution a encore un long chemin à parcourir pour rendre cette offre de formation lisible, complète et facile d'accès pour tous les étudiants étrangers susceptibles d'être intéressés.

M. Edouard Landrain a posé deux questions : la première sur l'état d'avancement du projet de reconstruction de l'institut français d'Haïti et la seconde sur la possibilité que d'autres pays francophones compensent la disparition des appelés et coopérants français.

M. Michel Tamaya a indiqué qu'à l'île de la Réunion, les acteurs de la francophonie n'intervenaient pas directement dans la mesure où ils dépendent du ministère des affaires étrangères. Ainsi, la Rrancophonie bénéficie de relais dans tout l'Océan indien, ce dont la Réunion ne peut profiter.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a fait les observations suivantes :

- S'il s'avère que le problème de l'Institut français d'Haïti est effectivement préoccupant, le ministère des affaires étrangères devra être alerté sur ce sujet.

- En ce qui concerne la suppression du service national et du service de la coopération, il faut rappeler que de jeunes Français peuvent toujours aujourd'hui bénéficier de contrats de coopération. Pour ce qui est de la participation éventuelle d'autres pays francophones, comme le suggère M. Edouard Landrain, les seules actions envisageables ne peuvent s'inscrire que dans une logique multilatérale.

- Pour ce qui est de la Réunion, ce département d'Outre-mer est en quelque sorte victime du cloisonnement administratif. Par définition, le ministère des affaires étrangères ne peut intervenir à la Réunion, territoire national ; cependant il est regrettable que la coordination entre les ministères des affaires étrangères et de la culture demeure quasi inexistante. En matière de francophonie, le rôle prépondérant du ministère des affaires étrangères est évident. 40 % du budget de ce ministère est consacré à la coopération internationale, notamment dans le domaine culturel, au développement et à la Francophonie. De la même façon, l'Association française d'action artistique (AFAA) est financée par le Quai d'Orsay à hauteur de cent millions de francs alors que le ministère de la culture participe à hauteur de cinq à dix millions de francs, selon les années.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie pour 2002.

*

N° 3321-I.- Avis de M. Patrick Bloche (commission des affaires culturelles) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Affaires étrangères : Relations culturelles internationales et francophonie.


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Il faut relever l'originalité de la structure de cette organisation qui accueille des Etats mais également des gouvernements comme le Québec, le Nouveau-Brunswick ou la communauté française de Belgique.

Il s'agit des Comores, de Djibouti, de l'Egypte, du Liban, du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie.

Il s'agit du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, de Cap-Vert, de Centrarique, des Comores, du Congo, de la Côte d'Ivoire, de Djibouti, de l'Egypte, du Gabon, de la Guinée, de la Guinée Bissau, de la Guinée équatoriale, de Madagascar, du Mali, de Maurice, de Mauritanie, du Niger, de la République démocratique du Congo, du Rwanda, de Sao Tomé et Principe, du Sénégal, des Seychelles, du Tchad, du Togo, de la Tunisie.

Il s'agit du Canada, du Cameroun, de Dominique, de Maurice, de Sainte-Lucie, des Seychelles, de Vanuatu.

Il s'agit du Cambodge, du Laos et du Vietnam.

Il s'agit de Cap-Vert, de la Guinée-Bissau, de Sao Tomé et Principe.