N° 3321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2002 (n° 3262)

TOME XII

EMPLOI ET SOLIDARITÉ

VILLE

PAR Mme Chantal Robin-Rodrigo,

Députée.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Léo Andy, M. Didier Arnal, M. André Aschieri, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Jean Dufour, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Catherine Génisson, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Marius Masse, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Yves Nicolin, M. Alain Néri, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Vincent Peillon, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, M. Jean-Luc Préel, M. Jacques Rebillard, M. Alfred Recours, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Patrick Sève, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 7

I.- UNE POLITIQUE DE LA VILLE PARVENUE À MATURITÉ 9

A. LA DURÉE AU SERVICE D'UNE AMBITION FORTE 9

1. L'état des lieux de la politique de la ville en 1997 et le changement de cap de 1998 9

2. Du temps pour la politique de la ville 10

3. Les premiers résultats 10

4. Un engagement renouvelé 11

B. UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE CONFIRMÉE 12

1. Une très forte croissance des crédits consacrés à la ville depuis 1998 13

2. Un effort poursuivi dans le projet de loi de finances pour 2002 14

3. Des clarifications attendues 14

II.- LE MILIEU ASSOCIATIF AU C_UR DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 17

A. FACILITER LE FONCTIONNEMENT DES ASSOCIATIONS 17

1. Les moyens budgétaires 18

2. La simplification des procédures 18

3. Procédures de paiement simplifié et conventions pluriannuelles 19

4. Des dispositifs de secours 21

B. « PROFESSIONNALISER » ET RENFORCER LA COHÉRENCE DE LEURS ACTIONS 21

1. Leur inclusion dans les dispositifs visant à renforcer la présence humaine 22

2. La professionnalisation des acteurs 23

3. Le renforcement de la coordination 24

CONCLUSION 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

INTRODUCTION

L'avis budgétaire rendu par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les crédits consacrés à la politique de la ville pourrait apparaître comme l'un des exercices imposés du rituel budgétaire. Le choix fait par la commission de se consacrer à l'analyse d'un thème spécifique plutôt qu'à un doublon plus ou moins réussi de l'analyse des crédits menée par la commission des finances vise à lui donner une véritable plus-value. Celle-ci est d'autant plus réelle que l'année 2001 constitue une étape importante pour la politique de la ville qui influe notablement sur le prochain exercice budgétaire.

La rapporteure se réjouit tout d'abord de l'importance de l'action menée depuis 1997 et surtout 1998 avec la création d'un ministère délégué à la ville. Elle se réjouit davantage encore de la continuité de la politique menée. Alors que la politique de la ville, comme trop de politiques publiques, s'est caractérisée par ses volte-face, ses changements de méthodes, d'instruments et d'orientations, la politique mise en _uvre depuis 1998 témoigne d'une remarquable continuité. Dès lors, l'année 2001 permet de dresser un bilan des actions mises en _uvre, de porter un jugement éclairé par quatre années d'action sur le réseau des acteurs, la validité et les imperfections des procédures et de tirer parti des expériences du terrain.

Continuité et bilan ne signifient pas immobilisme. A cet égard, le dernier comité interministériel des villes a démontré que la capacité à adapter, corriger, amplifier les actions menées était intacte. C'est bien là l'une des caractéristiques majeures de la politique de la ville : le dynamisme de ceux qui la font, qui la vivent.

Au c_ur de cette action se trouvent bien sûr l'Etat, les collectivités locales, les partenaires sociaux mais aussi et surtout les associations. Choisir ce thème en cette année 2001 ne relève pas de la seule logique de commémoration : certes, nous célébrons le centenaire de la loi relative aux associations, mais là n'est pas la seule raison de ce choix.

Le tissu associatif de la politique de la ville est aussi précieux que fragile : la stabilisation, l'arrivée à maturité de la politique de la ville doit permettre de mieux prendre en compte cette double réalité et d'adapter procédures et instruments. C'est cet objectif qui a conduit le Gouvernement à confier à M. Jean-Claude Sandrier, député du Cher, une mission sur le thème « Associations et politique de la ville ». Le présent rapport s'est évidemment appuyé sur la réflexion menée par notre collègue.

Sans trop anticiper sur les développements qui suivent, la rapporteure tient d'emblée à souligner que l'arrivée à l'âge adulte de la politique de la ville, évidente dans l'analyse des moyens (I), lui paraît permettre une meilleure adaptation de celle-ci aux spécificités du monde associatif (II). Même si des efforts ont indéniablement été accomplis, la volonté politique doit venir à bout des obstacles techniques et des réticences administratives.

I.- UNE POLITIQUE DE LA VILLE PARVENUE À MATURITÉ

Après la croissance considérable qu'ont connue les crédits de la politique de la ville chaque année depuis 1998, les moyens qui lui sont affectés cette année pourraient sembler n'augmenter que de façon modeste. Ce serait négliger le fait que cette croissance place cette année encore la politique de la ville parmi les budgets prioritaires du projet de loi de finances. Plus qu'un budget de consolidation, notion peu dynamique, on peut parler de budget de pérennisation : les crédits dédiés à la politique de la ville confirment et confortent le cap pris en 1998 et son inscription dans la durée.

La politique de la ville n'est pas née en 1998. Il n'en reste pas moins que cette année a marqué un tournant essentiel dans les objectifs et les instruments mis en _uvre. Après quatre années, il est possible d'en dresser un premier bilan dont les résultats justifient la poursuite de la politique menée.

L'état des lieux dressé en 1997 était plutôt sombre.

La politique de la ville mise en _uvre était marquée par un notable essoufflement. Après vingt ans d'existence, force était de constater qu'elle ne s'inscrivait que dans une logique défensive : elle a contribué à éviter une explosion sociale dans les années les plus dures de la crise. En revanche, elle n'a pas su éviter le phénomène de ghettoïsation des quartiers : fondée sur une logique de traitement ciblé des quartiers les plus en difficulté, elle s'est avérée impuissante à favoriser l'intégration de ceux-ci dans un espace territorial plus large, seule garante d'une intégration durable et harmonieuse. La ville était un ensemble d'instruments aux sigles ésotériques, au contenu parfois vague voire « fumeux », souvent déconnecté de la réalité, bref un objet politique non identifié.

Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a tiré les leçons de ce constat et posé les bases d'une nouvelle ambition pour la politique de la ville. Il lui a assigné comme priorités l'emploi, la sécurité et l'éducation de façon à garantir l'égalité républicaine et à faire profiter chacun, y compris dans les quartiers les plus populaires, des fruits de la croissance. Le comité interministériel des villes du 2 décembre 1998 a quant à lui renouvelé la méthode en sortant la politique de la ville de l'approche misérabiliste d'assistanat aux quartiers en difficulté, des actions stigmatisantes. Lui a été substituée une approche fondée sur l'intégration des quartiers dans l'agglomération, un rapprochement des cités de la normalité de la ville, approche confortée par une importante augmentation des moyens consacrés à la politique de la ville.

Retisser les liens sociaux, préoccupation au c_ur de la politique de la ville, implique d'agir dans le temps plutôt qu'au coup par coup. Le choix a donc été fait d'inscrire les actions dans la durée, ce par plusieurs biais.

La première génération de contrats de ville est arrivée à expiration en 1999. La deuxième génération de contrats couvrant la période 2000-2006 est fondée sur l'intercommunalité. C'est l'axe majeur de l'inscription de la politique de la ville dans la durée : 247 contrats ont été conclus. La définition des actions en lien étroit avec le terrain s'accompagne d'un engagement des différents partenaires dans le cadre des contrats de plan Etat-régions (CPER) : l'Etat a ainsi assis son engagement pluriannuel aux côtés des collectivités territoriales puisque ces contrats prévoient un engagement pour l'ensemble de la période 2000-2006 de 1 766,27 milliards d'euros (contre 1 591,56 pour les CPER 1994-1999 soit une hausse de près de 11 %). Le complément logique de cette démarche de contractualisation est la conclusion de conventions avec les départements dont le rôle est important, notamment s'agissant du volet exclusion.

Cet engagement pluriannuel devrait en toute logique conduire à l'octroi aux opérateurs de moyens sur une base également pluriannuelle. L'assurance de ressources stables devrait ainsi permettre d'octroyer aux associations des subventions dépassant le cadre contraignant de l'annualité budgétaire, leur permettre une plus grande souplesse d'action et alléger le contrôle a priori. Nous reviendrons dans la deuxième partie du rapport sur ce point essentiel ; contentons nous pour le moment d'observer que la logique serait de donner aux acteurs locaux de la politique de la ville les moyens d'_uvrer dans la durée.

La rapporteure tient également à insister sur un autre aspect essentiel de l'inscription de la politique de la ville dans la durée. La politique de la ville est trop souvent confrontée aux aléas des alternances politiques. La diversité des acteurs locaux (communes, communautés d'agglomération, conseils généraux, conseils régionaux) multiplie les risques qu'une alternance dans l'une des collectivités associées vienne remettre en cause les projets entamés. Il n'est évidemment pas question de nier la légitimité des alternances mais d'essayer de limiter la brutalité de leur impact sur les actions engagées. De ce point de vue, le recours aux groupements d'intérêt public offre, outre de notables souplesses en termes de gestion, en particulier en début d'année, la garantie d'une certaine continuité des actions. L'objection parfois faite à cette pratique d'un prétendu dessaisissement du politique ne tient pas puisque le conseil d'administration du GIP est constitué de représentants des financeurs et donc, pour l'essentiel, d'élus. La pratique devrait donc être encouragée et développée.

Recommandation : faciliter et encourager le recours aux groupements d'intérêt public pour la mise en _uvre de la politique de la ville.

Le premier indice de changement est la mutation des contrats de ville. Près de 70 % des contrats conclus pour la période 2000-2006 le sont au niveau intercommunal. Le contrat de ville nouvelle formule se veut le fédérateur de l'ensemble des autres dispositifs conventionnels spécifiques (contrats locaux de sécurité, contrats éducatifs locaux,... ). De même, en réaction au caractère dispersé des actions antérieurement menées, l'accent a été mis sur la nécessité d'une identification de la maîtrise d'ouvrage à travers une instance de pilotage politique composée des signataires du contrat d'une part, et d'autre part sur celle d'une direction de projet clairement mandatée par cette instance et articulant aux différents niveaux de territoires l'ensemble des actions, généralistes et sectorielles. On rappellera que les crédits qui leur sont consacrés par l'Etat sont de 18 milliards de francs pour la période 2000-2006 soit deux fois plus que sur la période antérieure.

Le comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 a par ailleurs lancé le programme des Grands Projets de Ville (GPV) qui se substitue aux Grands Projets Urbains (GPU).

Les GPU lancés par le CIV du 2 juillet 1996 avaient identifié quatorze sites, concernant des territoires confrontés à d'importants handicaps urbains, sociaux et économiques mais possédant un certain potentiel de développement. Il s'agissait de projets de restructuration urbaine visant par des investissements dans les équipements, les infrastructures, l'environnement et le patrimoine bâti, à redonner de la valeur à ces quartiers, condition préalable à la mixité urbaine, à la réinsertion de ces territoires dans le tissu urbain de la commune. Malgré une montée en charge lente (seulement 90 millions de francs en 1997 ainsi qu'en 1998), les moyens consacrés ont été importants : 880 millions de francs sur l'ensemble du XIe Plan. Certains des projets qui ont su s'enrichir de nouvelles dimensions de la politique de la ville constituent des succès. D'autres, se cantonnant au seul champ de l'urbanisme, se sont avérés incapables d'influer sur la dynamique du territoire concerné.

Les GPV entendent prolonger la démarche initiée par la première catégorie de GPU : il s'agit d'appuyer l'ensemble de la politique de la ville sur un projet urbain lourd, en intégrant l'ensemble des dimensions y compris sociales et en se fondant sur la logique de dépassement du seul quartier, à l'instar de ce qui est fait dans le contrat de ville. Ce sont près de 50 GPV qui ont été décidés par le CIV du 14 décembre 1999. A la fin du mois de juillet 2001, 44 conventions avaient d'ores et déjà été signées ; les autres le seront d'ici la fin de l'année. L'Etat s'est engagé dans le cadre du XIIe Plan à leur consacrer de façon spécifique 5,55 milliards de francs. Les partenaires cosignataires s'engagent pour leur part, au vu des conventions signées, pour des sommes de trois à cinq fois supérieures selon les sites.

A ces GPV s'ajoutent trente opérations dites de renouvellement urbain.

Continuité ne signifie pas immobilisme. Même si les grandes orientations de la politique de la ville mise en _uvre depuis 1998 ne sont pas remises en cause mais au contraire confirmées, le comité interministériel des villes du 1er octobre 2001 a été marqué par la définition de nouvelles actions ciblées.

Le premier axe retenu consiste à « tourner la page des cités dortoirs » :

- 30 nouvelles opérations de renouvellement urbain (1,6 milliard de francs sur cinq ans) ;

- aide aux copropriétés en difficulté (70 millions de francs par an) ;

- accélération des démolitions (330 millions de francs par an) ;

- aide à l'accession à la propriété, plans de patrimoine (90 millions de francs par an) ;

- prolongation des services de transport (90 millions de francs par an).

Le deuxième axe consiste à « améliorer la qualité de vie dans des villes apaisées » :

- gestion urbaine de proximité (un milliard de francs par an) ;

- mesures en faveur des associations (50 millions de francs par an) ;

- mesures en faveur de la politique judiciaire (30 millions de francs par an).

Le troisième axe vise à « favoriser la réussite des jeunes » :

- réhabilitation d'établissements scolaires (100 millions de francs par an) ;

- contrats éducatifs locaux (100 millions de francs par an) ;

- valorisation des pratiques culturelles (50 millions de francs par an) ;

- bourses de mobilité (50 millions de francs par an).

Il est à noter que ces engagements publics sont complétés par celui des partenaires sociaux du 1 % logement.

L'inscription des priorités de la politique de la ville dans un cadre pluriannuel s'accompagne donc d'un réel engagement budgétaire sur la période 2000-2006, facteur essentiel de réussite. Elle se traduit également dans les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002 sur lequel la commission est appelée à statuer.

La priorité budgétaire accordée à la politique de la ville est perceptible dans l'évolution des crédits qui lui sont consacrés depuis 1998, dans celle des crédits spécifiques du ministère de la ville et des autres intervenants. Cet effort indéniable n'appelle cependant pas la stricte reconduction des actions conduites et doit s'accompagner de certaines clarifications.

L'Etat a souhaité donner le signal de la mobilisation en faveur de la politique de la ville. Les crédits spécifiques du ministère de la ville ont de ce fait connu une croissance ininterrompue depuis 1998.

Alors que le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement inscrits en loi de finances initiale pour 1998 s'élève à 755 millions de francs (115,1 millions d'euros), le projet de loi de finances pour 1999 franchit le cap symbolique du milliard de francs. Les lois de finances pour 2000 et 2001 portent ce montant à respectivement 258,74 et 382,13 millions d'euros. Sur la période 1998-2001, le budget a donc été multiplié par 3,3, notamment du fait de la mise en _uvre des GPV et des opérations de renouvellement urbain.

Cet effort est suivi par l'ensemble des partenaires comme en atteste l'évolution des agrégats retracés par l'état récapitulatif de l'effort financier consacré à la politique des villes et du développement social urbain :

(en millions d'euros)

On doit relever l'effort considérable accompli par les collectivités territoriales en faveur de la politique de la ville, même si cet effort est loin d'être uniforme sur le territoire. On ne peut que regretter l'absence totale d'implication de certaines d'entre elles qui localement prive parfois la politique de la ville d'un facteur essentiel de succès : l'action sur l'ensemble des champs. Ainsi, l'absence totale d'un département pénalise fortement la mise en _uvre de la politique de la ville dans sa dimension lutte contre l'exclusion, santé ou intégration dans le réseau de transports. Que dire du refus de certaines municipalités de s'impliquer !

Recommandation : Dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales, les inciter à s'associer aux conventions relatives à la politique de la ville.

On relèvera également la très forte évolution du poste « Dépenses fiscales et exonérations » qui n'est pas sans lien avec la réflexion menée sur la sortie du dispositif zones franches urbaines qui est prévue par le présent projet de loi de finances.

La progression du budget du ministère de la ville prévue pour 2002 peut paraître modeste : le total dépenses ordinaires + crédits de paiement n'augmente en effet que de 1,34 % par rapport à 2001 pour passer de 382,12 à 387,24 millions d'euros.

Cette évolution n'a de sens que si l'on rappelle que ces mêmes crédits avaient augmenté de 47,7 % l'an dernier. Il s'agit donc bien d'une stabilisation à un niveau très élevé après achèvement de la montée en charge des nouvelles actions du ministère. La stabilisation s'explique également par la forte réduction du montant des crédits de paiement (- 20,5 %) qui se justifie par la faible consommation de ceux-ci sur l'exercice 2001 et donc l'existence de reports. En revanche, les moyens de fonctionnement courant continuent de croître de façon sensible : + 10,7 %. Il faut par ailleurs souligner la croissance importante de l'ensemble dépenses ordinaires + autorisations de programme qui s'établit à 15,6 %.

La poursuite de l'effort par les autres financeurs est également très nette en 2002 comme en témoigne le tableau suivant.

(en millions d'euros)

La politique de la ville est assurément dotée aujourd'hui des moyens budgétaires adaptés aux ambitions affichées. Nous sommes maintenant bien au-delà du « 1 % Ville » puisque les concours de l'Etat représentent 1,34 % du budget prévu par le PLF 2002.

Cette relative richesse ne saurait pour autant dispenser de la recherche d'une meilleure gestion.

La première de ces clarifications est la sortie progressive du dispositif zones franches urbaines (ZFU) proposée par l'article 71 du projet de loi de finances.

Sans y revenir dans le détail, on rappellera que le dispositif ZFU appelait plusieurs critiques : il constituait assurément pour certains employeurs un effet d'aubaine, certains allant jusqu'à détourner le dispositif par une fausse domiciliation. Si l'efficacité du dispositif en termes de création d'emplois n'est pas avérée, son absence d'efficience est quant à elle un fait ; le coût des emplois ainsi créés est très élevé. Le coût global a ainsi très exactement doublé entre son instauration et l'année 2000. Dès lors, une réflexion s'imposait : le résultat en est la proposition faite de sortir progressivement du dispositif par une réduction progressive de la part du salaire exonérée de cotisations. Il convient par ailleurs de noter que cette sortie d'un dispositif temporaire est compensée par la majoration de l'allégement pérenne lié à la réduction du temps de travail ouverte aux entreprises installées dans les zones de redynamisation urbaine (dont le champ couvre celui des actuelles ZFU). La rapporteure est tout à fait favorable à cette mesure d'assainissement.

Recommandation : Sortir progressivement du dispositif « zones franches urbaines ».

La deuxième clarification à opérer est celle de l'usage des crédits alloués aux ministères concourant à la politique de la ville.

Force est de constater que les crédits votés en loi de finances initiale tendent à rester dans les caisses du comptable public tandis que les opérateurs souffrent bien souvent de leur absence sur le terrain. La traduction concrète de cette lenteur à déléguer les crédits est la sous-consommation de ceux-ci et leur report sur l'exercice suivant, lorsque ce report est possible.

Ainsi, en 2000, les crédits de dépenses ordinaires inscrits en loi de finances initiale ont été augmentés de près d'un tiers par les crédits ouverts en cours d'année : 1,1 milliard de francs en LFI auxquels s'ajoutent les crédits votés en LFR (170 millions de francs), les transferts en gestion (80 millions), les reports (59 millions) et les fonds de concours (16 millions). De ce fait, le taux de consommation des crédits ouverts s'est établi en fin d'année à 77,5 %.

En conséquence, le phénomène se reproduit d'une année sur l'autre, ce que l'on ne peut que déplorer même si certaines des raisons avancées par le Gouvernement pour expliquer cette situation sont recevables et même si le taux de consommation des crédits de paiement des deux dernières années a permis d'apurer certaines autorisations de programme anciennes. Il n'en demeure pas moins que l'argent reste dans les caisses de l'Etat quand certaines associations attendent désespérément leurs subventions. La rapporteure a ainsi entendu dans le cadre de la préparation du présent rapport une association d'insertion sur le point de licencier plusieurs de ses salariés parce qu'elle n'a toujours pas perçu un centime de l'Etat en paiement des actions menées dans le cadre du programme TRACE en...1999 !

Ce point rejoint à l'évidence le problème des conditions de délégation des crédits et plus en amont de la préparation du début de l'exercice budgétaire. Les carences en la matière sont illustrées par le taux de consommation des crédits 2001 au 11 juillet dernier : à plus de la moitié de l'exercice budgétaire, 5,71 % des crédits avaient été consommés. Cette situation peut s'avérer particulièrement préjudiciable pour les associations de petite taille ou en situation financière fragile. Nous reviendrons sur ce point.

La réforme de la nomenclature budgétaire du ministère de la ville dans la perspective de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances peut être une source de progrès. Elle ne saurait à l'évidence suffire, son principal effet concret étant pour l'instant de rendre la comparaison du présent projet avec les précédents budgets plus complexe.

Une troisième clarification nécessaire à une meilleure gestion des crédits dédiés à la politique de la ville réside dans la poursuite et l'approfondissement de la démarche d'évaluation encadrée par la circulaire du Premier ministre du 25 août 2000 relative à la mise en _uvre de l'évaluation dans les procédures contractuelles et celle de la DIV du 13 novembre 2000 portant sur l'évaluation des contrats de ville et des politiques régionales de la ville, et symbolisée par la mise en place le 3 juillet dernier d'une institution d'évaluation spécifique à la ville, le Conseil d'orientation scientifique et d'évaluation.

Recommandation : Poursuivre et approfondir la démarche d'évaluation de la politique de la ville.

Au bénéfice de ces observations, les moyens consacrés à la politique de la ville pour 2002 apparaissent tout à fait satisfaisants dans leur niveau et adaptés à des priorités claires et pertinentes. Encore convient-il de s'assurer de leur bon usage par les opérateurs de la politique de la ville et de l'adéquation des procédures et structures aux besoins de ceux-ci, en particulier s'agissant des associations.

II.- LE MILIEU ASSOCIATIF AU C_UR DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Les associations constituent un maillon essentiel de la politique de la ville. Personne ne saurait contester ce point : sans associations, il n'est aucune action efficace possible. Pourtant, ce monde reste mal connu : cohabitent les petites associations de quartier, à la vie parfois éphémère, les associations communales et les grands réseaux nationaux. Tout au plus peut-on rappeler que 15 000 associations ont entre 1994 et 1999 fait l'objet d'un financement spécifique au titre des contrats de ville, soit 7 500 à 8 000 associations par an. Le rapport de M. Jean-Claude Sandrier a incontestablement permis de mieux appréhender cette diversité, il a également souligné la difficulté d'une photographie ou même d'une simple typologie du monde associatif _uvrant dans le secteur de la ville.

Il convient également de rappeler l'ambiguïté fondamentale de leur rôle puisqu'elles sont à la fois des opérateurs essentiels des actions de la politique de la ville et des acteurs déterminants de la construction de celle-ci.

Enfin, il faut souligner les difficultés auxquelles elles se heurtent dans leur action au quotidien du fait des lenteurs du circuit de la dépense publique et des contraintes qui entourent l'usage des instruments de la politique de la ville. De nombreuses propositions ont été évoquées depuis des années ; même si le Gouvernement a depuis 1998 mis en _uvre certaines réformes, il reste beaucoup à faire sur ce point.

Dans l'esprit de la rapporteure, trois axes de réformes doivent être privilégiés :

- faciliter le fonctionnement des associations ;

- professionnaliser leurs actions ;

- accroître leur cohérence.

La rapporteure se doit tout d'abord de souligner que les principales difficultés rencontrées par les associations ne tiennent pas au niveau même des moyens financiers en leur faveur. Comme il a été rappelé précédemment, la difficulté tient essentiellement aux modalités d'octroi de ces fonds et aux démarches administratives requises. On ne saurait nier l'existence d'une volonté du ministre de progresser sur cette question. Reste que les dispositions adoptées en ce sens sont mal connues, que leur application se heurte à une certaine inertie de l'administration chargée de les mettre en _uvre et qu'elles méritent à l'évidence d'être complétées.

Sur la période 1994-1999, les crédits dédiés aux associations au titre de la politique de la ville se sont élevés à 343 millions d'euros : après un doublement entre 1994 et 1995, les crédits annuels se sont stabilisés à environ 61 millions d'euros, soit 40 % des crédits spécifiques. Il s'agit pour l'essentiel de crédits accordés au titre du financement des actions de fonctionnement inscrites dans les contrats de ville.

Pour 2000, le montant des subventions s'est élevé à 77,75 millions d'euros. Ces crédits ne financent qu'un tiers des opérations menées par les associations au titre des contrats de ville mais représentent cependant 2 % des subventions versées en France aux associations. En moyenne, en 2000, l'Etat finançait chaque action de ces associations à hauteur de 6 784 euros et chaque association à hauteur de 12 104 euros. Toutefois, le montant des subventions est évidemment très variable puisqu'il va de 5 000 francs dans le cadre des fonds de participation aux habitants à deux millions de francs pour la fédération nationale Léo Lagrange. 60 % des associations bénéficient de crédits spécifiques de la part de l'Etat pour un montant unitaire inférieur à 7 622 euros et un montant global de 14,48 millions d'euros tandis que 15 % d'entre elles bénéficient de crédits supérieurs à 15 245 euros pour un montant total d'environ 42,69 millions d'euros.

Cette diversité ne doit pas occulter l'existence de difficultés communes à l'ensemble du milieu associatif, même si elles prennent un tour plus aigu pour les petites associations, plus dépendantes de ces crédits spécifiques. On peut toujours estimer qu'il faudrait faire davantage en faveur des associations. La rapporteure considère que la difficulté ne tient cependant pas - en tout cas à titre principal - au niveau des subventions mais à leurs conditions de versement.

Les associations déplorent de façon unanime la lourdeur des procédures préalables à l'octroi d'une subvention. On ne saurait négliger l'impact négatif sur le militantisme associatif de procédures tatillonnes, de la multiplicité des courriers et demandes complémentaires, de l'abondance des pièces demandées. Tout cela concourt parfois à stopper net l'élan provoqué par la création de l'association qui souhaite agir rapidement, de façon concrète, et finit aussi trop souvent par saper l'énergie de militants las de se voir réclamer sans arrêt les mêmes documents et de justifier a priori leurs actions.

Le comité interministériel des villes du 2 décembre 1998 s'est efforcé de répondre à une partie de ces difficultés en proposant les mesures suivantes :

Il a été proposé de mettre en _uvre un dossier unique pour l'ensemble des subventions de l'Etat et du FAS.

Le bilan n'est pas entièrement négatif puisque selon une enquête de la DIV réalisée auprès de 35 préfectures, toutes avaient quasiment achevé en décembre 2000 la mise en place du dossier unique, selon un modèle généralement calqué sur celui proposé par le CIV.

Toutefois, il apparaît que l'esprit de la démarche du dossier unique n'a pas été clairement perçu. L'existence d'un modèle unique de document constitue certes un progrès notable ; les associations n'en continuent pas moins de devoir constituer ce dossier en de multiples exemplaires.

Recommandations :

- Chaque demande de subvention(s) pour une action devrait pouvoir être faite par une association en un exemplaire unique quel que soit le nombre des intervenants dans l'octroi de la (ou des) subvention(s).

- Le recours à la « télé-demande » de subvention doit être favorisé.

- Il convient de limiter au strict nécessaire la production de pièces fournies l'année précédente (statuts par exemple), en particulier dans le cas de conventions pluriannuelles.

Dans le but de mettre fin aux pratiques administratives renvoyant les associations aux différents services ou institutions appelés à statuer sur la demande de subvention, le CIV a proposé de désigner un interlocuteur unique qui doit instruire le dossier dans un délai d'un mois. En outre, il délivre un certificat de recevabilité administrative valant pour toutes les autres demandes et, en cas de décision favorable, une attestation dans l'attente du versement.

De ce point de vue, l'amélioration est nettement perçue par les associations.

Le CIV de 1998 avait prévu deux dispositifs :

- le premier établissait une procédure de paiement simplifié, sans visa préalable de la trésorerie principale, pour les subventions inférieurs à 50 000 francs ;

- le second prévoyait une procédure simplifiée, un traitement prioritaire en début d'année des reconductions de subventions de l'Etat et du FAS et encourageait à la signature de conventions pluriannuelles pour les projets s'inscrivant dans la durée lorsque les subventions sont supérieures à 100 000 francs.

Force est de constater que ces dispositifs ne sont appliqués que de façon insuffisante.

Sur les 35 préfectures interrogées, 70 % seulement recouraient en décembre 2000 à l'engagement simplifié.

Recommandation : Les préfectures et les comptables publics doivent se voir rappeler de façon ferme et explicite que les subventions inférieures à 50 000 francs sont de droit dispensées de visa préalable du comptable public.

Par ailleurs, seul un tiers des préfectures effectue le versement des subventions inférieures à 50 000 francs par arrêté global, les autres recourant à un arrêté par action. La multiplication des actes comptables est source de lourdeur tant pour l'administration que pour les associations. En outre, elle nuit à la cohérence de la perception des actions menées.

Recommandation : Pour l'octroi des subventions inférieures à 50 000 francs, il doit être recouru à des arrêtés globaux.

En troisième lieu, le traitement prioritaire des demandes de reconductions pour les subventions supérieures à 100 000 francs n'est pas suffisamment appliqué, la moitié des préfectures continuant à procéder au règlement total de la subvention à la notification plutôt qu'à la mise en place d'une dotation anticipée à hauteur de 30 % en début d'année. Il n'est pas admissible que des associations qui se sont engagées sur plusieurs années avec l'accord des financeurs se voient contraintes d'attendre la fin du premier trimestre voire du second avant de recevoir leurs premiers fonds.

Recommandation : Dans le cadre des engagements pluriannuels, l'octroi dès le début de l'année de 30 % de la subvention qui sera reconduite doit être de droit.

Quatrièmement, il est inacceptable que seulement 17 % des préfectures interrogées recourent à la procédure de conventions pluriannuelles. L'efficacité du travail des associations dépend largement de la clarté de leurs perspectives et notamment des financements qu'elles sont en droit d'attendre. Comment engager une action sur plusieurs années lorsque sa poursuite est rendue aléatoire par l'examen annuel de la demande de subventions ? D'après les informations recueillies par la rapporteure, l'échec de cette démarche découle notamment des réticences de certains comptables publics qui y voient une atteinte à l'annualité budgétaire.

Recommandation : Il appartient au ministre de rappeler de façon ferme aux préfets et aux comptables publics la nécessité d'encourager le recours par les associations aux conventions pluriannuelles.

Enfin, la rapporteure estime qu'il est temps de mettre fin de ce point de vue à la distinction faite en son temps par le CIV entre subventions inférieures à 50 000 francs et supérieures à 100 000 francs. Le parti pris de considérer que seules les associations de moyenne ou grande taille peuvent inscrire leurs actions dans la durée est largement contredit par la réalité de la pratique associative. Ce sont au contraire les petites associations qui souffrent le plus du manque de visibilité et des délais de versement des subventions.

Recommandation : Ouvrir la possibilité à toutes les associations, indépendamment de leur taille, de recourir aux conventions pluriannuelles et de bénéficier de la mise en place accélérée, au plus tard le 15 février, d'une partie voire de la totalité de la subvention reconduite dans ce cadre.

L'application des mesures précédentes suppose une préparation plus en amont de la programmation budgétaire. L'argument généralement avancé pour expliquer les délais de versement tient en effet au calendrier de cette programmation. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances sont généralement connus des services au plus tard au mois de septembre de l'année N-1. Même si l'on ne peut exclure une modification de ces crédits au cours de l'examen du projet de loi, la pratique montre qu'elle porte en général sur une part marginale des crédits et qu'un ajustement de grande ampleur - toujours possible - pourrait être pris en compte dans une programmation rectifiée. Le respect invoqué de l'autorisation budgétaire ne doit pas être un prétexte à délais et atermoiements : le respect du Parlement tient tout autant à la bonne exécution des crédits qu'il a votés.

Recommandation : Avancer la programmation budgétaire des services de l'Etat concernés par les subventions aux associations de sorte que les crédits puissent être engagés, ordonnancés et mandatés immédiatement après le vote de la loi de finances.

Les recommandations avancées précédemment (Cf. supra point 3)) devraient régler la plupart des difficultés de financement des associations, deux autres dispositifs ne méritent pas moins d'être étudiés.

Même si une pratique informelle s'est développée par endroits, il conviendrait que les différents financeurs s'engagent de façon explicite dans la constitution d'un fonds d'avance aux associations. Il peut en effet arriver qu'une situation d'urgence impose la mise en route immédiate d'une association ou d'une action. Les délais d'instruction des demandes de subvention, même raccourcis, peuvent alors gravement handicaper une telle démarche. Il va de soi qu'un tel fonds n'a aucunement vocation à régler les problèmes structurels qui peuvent grever la bonne marche d'une association. Il ne s'agirait pas d'une banque, mais d'un fonds d'urgence.

Recommandation : Créer un fonds d'avances exceptionnelles aux associations

Enfin, dans le même souci de faire face à des situations d'insuffisance de fonds, liée cette fois à un problème de trésorerie, la rapporteure ne peut que redire son attachement à la mutualisation des fonds. Elle peut naturellement prendre la forme d'une mutualisation Etat-communes mais aussi celle d'un GIP.

Recommandation : Favoriser la mutualisation des fonds.

Les associations sont au c_ur de la mise en _uvre de la politique de la ville. Elles jouent un rôle essentiel dans la perception de la réalité des besoins, de l'adéquation des actions, elles sont l'indispensable relais humain de la politique de la ville.

Il est donc logique de prêter une attention particulière à leur inclusion dans les dispositifs destinés à renforcer la présence humaine dans la ville ou à personnaliser les actions administratives. Animée à la fois par des salariés et des bénévoles, elles se heurtent fréquemment à une insuffisance de formation à laquelle il importe de remédier. Enfin, leur diversité et la dualité de leur rôle, à la fois opérateurs et prescripteurs, rend nécessaire, dans la liberté de chacune, une meilleure cohérence de leurs actions.

La possibilité pour les associations d'employer des salariés dans des conditions financières favorables pour des périodes couvrant la durée d'une action voire l'ensemble d'un contrat de ville revêt un aspect essentiel. Ces salariés constituent l'un des principaux vecteurs de la présence humaine dans les quartiers, sur le terrain, de recréation du lien social. De ce point de vue, la rapporteure souhaite mettre l'accent sur deux dispositifs particuliers : les emplois-jeunes d'une part, le programme adultes-relais de l'autre.

Le programme emplois-jeunes a joué un rôle déterminant dans le renforcement de la présence des associations puisqu'il a permis à nombre d'entre elles de devenir employeur. Il a également contribué, notamment pour les plus petites d'entre elles, à faciliter leur fonctionnement. On peut estimer à environ 18 000 le nombre d'emplois ainsi créés dans les associations concourant à la politique de la ville.

Le fait que ces emplois-jeunes soient conclus pour une durée déterminée (cinq ans) pose évidemment le problème de l'avenir des emplois ainsi créés, problème d'autant plus crucial dans le domaine de la politique de la ville que leur existence ne répond pas de façon majoritaire à l'existence d'une demande solvable. Il est peu de secteurs où la pérennisation des emplois-jeunes par le maintien de l'aide de l'Etat semble plus opportune.

Recommandation : Pérenniser les emplois-jeunes des associations _uvrant à la politique de la ville par la reconduction de l'aide de l'Etat pour cinq ans à niveau inchangé.

Un autre programme d'intérêt majeur pour les associations concourant à la politique de la ville est celui des adultes-relais. Sans revenir dans le détail sur le dispositif, qui fait l'objet de l'article 72 du présent projet de loi de finances, on rappellera néanmoins ses traits généraux. Initié par le CIV du 14 décembre 1999, il a pour but d'améliorer les liens sociaux dans les territoires de la politique de la ville, dans les espaces publics, et entre les habitants, les services publics et les équipements de proximité. Il vise pour cela à s'appuyer sur le rôle des adultes et parents dans ces territoires et à le conforter. Les emplois ainsi créés bénéficient d'un financement par l'Etat à hauteur de 80 %.

Au 31 mai 2001, 700 postes avaient été créés, soit un chiffre notablement inférieur à l'objectif de 3 000 postes d'ici la fin de l'année. Les difficultés de montée en charge du dispositif tiennent à la lourdeur des procédures administratives et au montage de procédures nouvelles, ainsi qu'à la restriction du champ du dispositif, excluant jusqu'à présent établissements publics et collectivités locales. L'article 72 précité vise notamment à donner une base législative à l'extension du dispositif à ces deux catégories et à l'inscrire dans la durée puisqu'il permet le recrutement sur CDI ou CDD de trois ans renouvelable une fois. Cette dernière disposition offre aux associations un horizon stable, adapté à la durée des actions et des contrats de ville, et lève ainsi un frein majeur au développement du dispositif.

Recommandation : Permettre l'embauche d'adultes-relais par les associations sur contrats à durée déterminée spécifiques, de longue durée.

La rapporteure tient à souligner l'étroite complémentarité entre les deux dispositifs qui permettent de répondre aux différents niveaux de dialogue que suppose une action efficace dans les territoires de la politique de la ville. A titre d'exemple, on peut citer l'expérience de sécurisation des transports urbains « Genévobus + » menée à Sainte-Geneviève des Bois : dans les bus les plus exposés à l'insécurité sont présents des emplois-jeunes, recrutés en dehors du quartier, et des « seniors », adultes-relais bien implantés dans la communauté.

La rapporteure ne reviendra pas sur la problématique bien connue et désormais prise en compte de la nécessaire formation des emplois-jeunes. La même logique doit être appliquée au programme des adultes-relais. Il importe de ce point de vue que le Gouvernement, s'appuyant notamment sur la DIV, mettre rapidement en place des actions de formation spécifiques à leur intention.

Recommandation : Prévoir un dispositif de formation spécifique aux adultes-relais (sans attendre la mise en place nécessaire d'une filière des métiers de l'animation et de la formation subséquente) et poursuivre l'effort de formation des emplois-jeunes.

Au-delà de ces salariés d'un type particulier, la formation constitue une impérieuse nécessité pour l'ensemble des personnels des associations. La politique de la ville ne peut pas seulement reposer sur la bonne volonté et le sens du contact : la gestion administrative et financière, la formation aux nouvelles technologies (indispensable à l'avenir pour le montage et suivi des demandes de subventions ainsi qu'à la connaissance des expériences diffusées notamment par la DIV), l'information sur les objectifs, instruments et procédures de la politique de la ville, les fonctions d'animation supposent un réel effort de formation.

Les salariés des associations jouissent de par leur statut d'un droit à la formation trop peu mis en _uvre du fait de l'insuffisance des moyens des associations. La situation est encore plus préoccupante du côté des bénévoles, souvent moins bien armés encore que les salariés, et dépourvus de droit réel à la formation.

Recommandations :

- Appeler l'attention des partenaires sociaux sur la possibilité ouverte par l'article 15 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail de prévoir des actions de formation spécifiques en faveur des salariés bénévoles dans une association.

- Prévoir l'inclusion dans les volets « formation » des contrats de ville de la formation des salariés et bénévoles des associations concourant à la politique de la ville, qui favoriserait en outre la constitution d'un réseau des intervenants.

Enfin, la rapporteure ne saurait trop insister sur la nécessaire mise en place d'une filière des métiers de la ville. Plusieurs rapports militent en faveur de l'émergence d'une telle filière, notamment celui réalisé par Mme Claude Brévan, déléguée interministérielle à la ville, et M. Paul Picard « Ville. Une nouvelle ambition pour les métiers », mais également celui plus spécifique de M. Yvon Robert « Médiation sociale : une troisième voie, des métiers nouveaux ».

Plusieurs pistes méritent d'être étudiées, étant précisé qu'elles ne sont nullement exclusives les unes des autres, bien au contraire.

Recommandations :

- Créer une filière d'étude diplômante spécifique en vue de la formation de chefs de projets de la politique de la ville répondant notamment à la pluridisciplinarité des compétences requises par la fonction.

- Intégrer de façon systématique dans la formation initiale et continue des agents de la fonction publique territoriale une formation à la politique de la ville.

- Créer une filière de métiers propre à la politique de la ville au sein de la fonction publique territoriale.

- Prévoir un accès type troisième voie à cette dernière pour les professionnels et bénévoles des associations.

La rapporteure tient tout d'abord à plaider pour l'élévation du ministère de la ville au rang de ministère de plein exercice afin de renforcer son autorité, en particulier sur les services extérieurs de l'Etat.

S'agissant de ceux-ci, il convient de conforter les représentants du corps préfectoral en charge de la politique de la ville. On peut évoquer notamment la transformation des emplois de sous-préfets à la ville en préfets délégués sur le modèle de ce qui existe en matière de sécurité. Toutefois, la priorité immédiate va à une meilleure identification et un regroupement, y compris physique, de l'ensemble des agents des services de l'Etat en charge de la politique de la ville.

Recommandations :

- Créer des pôles « ville » mieux identifiés au sein des préfectures.

- Inciter les collectivités territoriales à procéder de même.

Par ailleurs, la Délégation interministérielle à la Ville, bras armé du ministère, doit profiter de la hausse de ses moyens de fonctionnement pour renforcer sa présence sur le terrain par deux biais :

- La nomination dans l'ensemble des régions de correspondants locaux ; il est par exemple anormal que le poste en région Midi-Pyrénées ne soit pas pourvu depuis plus d'un an.

- L'appropriation par la DIV du concept d'administration de « mission » dans tous les sens du terme : les agents de la DIV doivent agir comme des agents d'animation et favoriser par des déplacements sur l'ensemble du territoire la diffusion des expériences réalisées de façon isolée sur le terrain. La compétence et le dévouement de cette administration ne sont pas en cause, mais la stabilisation des objectifs de la politique de la ville devrait les libérer de certaines tâches de conception et leur permettre de mieux assurer le lien entre les orientations arrêtées et la réalité des actions menées et difficultés rencontrées, notamment par les associations.

Recommandation : Renforcer la présence de la DIV sur le terrain.

Enfin, la rapporteure tient à souligner l'importance des actions à mener en faveur du renforcement des liens entre associations elles-mêmes. Elles peuvent prendre des formes multiples : sessions de formation communes ; mutualisation des moyens de fonctionnement (y compris des personnels salariés et bénévoles), éventuellement sur un même lieu, dans des maisons des associations, voire des « maisons de la ville », encouragement à la création d'associations des associations,...

Recommandation : Renforcer les liens entre associations de la politique de la ville

Cette dernière recommandation se heurte toutefois à l'attachement des associations à leur autonomie, à leur spécificité, ressort essentiel de leur dynamisme. Il n'en convient pas moins de l'encourager.

Ce point appelle une autre remarque : parler des liens entre associations, de la cohérence de leurs actions en tant qu'opérateurs, c'est évoquer en filigrane la question de leur participation à la définition des priorités et des actions, bref leur participation citoyenne. La rapporteure n'a pas souhaité l'évoquer dans le cadre du présent rapport tant elle soulève de questions, de réflexions et dans la mesure où elle ne peut être traitée de façon déconnectée de la participation des citoyens sous toutes ses formes à la politique de la ville. Il n'en demeure pas moins que la question offre un beau champ d'étude pour l'avenir.

CONCLUSION

La rapporteure ne peut que redire sa satisfaction devant les progrès réalisés dans la définition et la mise en _uvre de la politique de la ville depuis 1998 : priorités clairement établies, stables, augmentation des moyens, meilleure évaluation des actions. L'effort doit naturellement être poursuivi.

Le budget qui est proposé en fournit les moyens. La rapporteure propose donc à la commission de l'approuver.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo, les crédits de la ville pour 2002, lors de sa première séance du mercredi 31 octobre 2001.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

M. Bernard Perrut s'est interrogé sur :

- le rôle et les travaux menés par l'Institut des villes depuis son installation au printemps dernier ;

- les modalités de financement et les actions menées par les « adultes-relais » mis en place l'an passé ;

- la remise du rapport annoncé sur la veille éducative.

Il a ensuite souligné, pour les regretter, les retards récurrents de versement des subventions de l'Etat dont souffrent les associations ainsi que les difficultés de coopération entre les différents acteurs de la politique de la ville rencontrées au quotidien. Les élus locaux et les associations ont souvent le sentiment d'une perte de temps et d'énergie considérable dans d'innombrables réunions et dans l'attente des décisions de l'Etat de subventionner tel ou tel projet. Il serait vraiment nécessaire d'intensifier la décentralisation, à la fois dans les prises de décision et les financements. Il serait ainsi préférable que l'Etat octroie, en début d'année, une enveloppe globale aux acteurs locaux qui auraient ensuite la charge de l'utiliser, avec tous les contrôles nécessaires, pour mettre en _uvre les actions les plus adaptées à la réalité du terrain.

M. Pierre Hellier a constaté que le budget n'augmenterait que de 1,34 % en 2002, ce qui risque d'être insuffisant pour satisfaire l'ambition du Gouvernement « d'apaiser la ville ».

Mme Catherine Génisson a confirmé la nécessité d'être plus attentif aux associations, qui sont au centre de la vie dans les quartiers et dans la ville. Il conviendrait de leur permettre de présenter plutôt une évaluation à posteriori de leurs actions que de volumineux dossiers a priori, pour justifier leurs activités et donc l'octroi d'une subvention. A cet effet, on doit se féliciter de la proposition d'allouer directement les subventions inférieures à 50 000 francs aux associations bénéficiaires. Toujours dans une logique de rapprochement du terrain, il convient également de renforcer les services de l'Etat dans les préfectures afin de les aider à dépasser une conception parfois théorique des problèmes.

M. André Schneider a évoqué la trop grande complexité des mécanismes de décision applicables dans le domaine de la politique de la ville et réclamé une plus grande décentralisation. Aujourd'hui, les élus sont trop souvent soumis aux décisions des personnels de la préfecture d'autant que les sous-préfets à la ville, changeant régulièrement, n'ont pas toujours une bonne connaissance des réalités du terrain. Quant aux associations, leur vie serait sûrement plus facile si la gestion des crédits publics dont elles bénéficient était décentralisée et confiée, au moins en partie, aux instances locales.

En réponse aux intervenants, la rapporteure pour avis a donné les indications suivantes, après avoir précisé qu'elle ne disposait pas dans l'immédiat d'information en ce qui concerne l'Institut des villes et le rapport sur le veille éducative :

- Le budget pour 2002 prévoit le financement de 12 000 adultes-relais ; ceux-ci intervenaient jusqu'à présent dans le cadre des associations mais pourront désormais également être présents dans les organismes HLM et au sein des collectivités territoriales. Leurs emplois sont financés comme les emplois-jeunes (rémunération à 80 % du SMIC) mais ils bénéficient d'un contrat de trois ans renouvelables.

- Le fonctionnement des structures locales peut être tout à fait satisfaisant pour peu qu'un élu en assure la présidence, fasse preuve d'un véritable engagement et dispose d'un vrai pouvoir de décision. Lorsque ces structures sont constituées sous la forme de groupements d'intérêts publics (GIP), elles disposent des moyens financiers nécessaires à leur action puisque chaque personne publique participante verse sa contribution en début d'année. En outre, il est possible de reporter les crédits non utilisés sur l'année suivante.

- Il est effectivement indispensable pour la bonne mise en _uvre de la politique de la ville que les services de l'Etat compétents dans les préfectures soient renforcés.

- Quant aux remarques sur la trop faible augmentation du budget de la ville en 2002, il convient de rappeler que ce budget a été multiplié par trois depuis 1997 et qu'il avait augmenté l'an dernier de 47 % : l'opposition est donc mal placée pour émettre des critiques.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2002.

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N° 3321-XII.- Avis de Mme Chantal Robin-Rodrigo (commission des affaires culturelles) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Emploi et solidarité : Ville.


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© Assemblée nationale

« Associations et politique de la ville », rapport remis par M. Jean-Claude Sandrier au Premier ministre le 11 juin 2001

On rappellera pour mémoire que l'on est passé de 3 500 logements démolis en 1998 à 10 000 en 2001, 15 000 prévus en 2002 et un objectif de 30 000 par an dans les années à venir.

Op. cité