N° 3322

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2001.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2002 (n° 3262),

TOME II

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

La Commission des Affaires étrangères est composée de :

M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Mangin, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Pierre Brana, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LES CONSÉQUENCES DU 11 SEPTEMBRE 2001 7

II - UN BUDGET SERRÉ TRADUISANT LES BONNES PRIORITÉS 17

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 30

ANNEXE 1 : évolution de la part relative du ministère des affaires étrangères depuis 1981 67

ANNEXE 2 : barême des indemnités de résidence du groupe 1 versées aux ambassadeurs 68

Mesdames, Messieurs,

Le mardi 11 septembre 2001 marque sans doute le vrai commencement du nouveau millénaire comme l'attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 a marqué en son temps celui du XXème siècle. Avec l'effondrement des deux tours jumelles du World Trade Center, symbole de la puissance financière des Etats-Unis, et l'attaque simultanée lancée contre le Pentagone, c_ur militaire de l'hyperpuissance américaine, l'ère que l'on savait être celle des menaces globales mais que l'on avait fini par considérer comme virtuelles, a soudainement pris une dimension tragique et concrète.

Il est sans doute encore trop tôt pour que l'on perçoive pleinement les multiples implications de la nouvelle situation internationale créée par ces attentats dans lesquels près de 6 000 hommes et femmes, de toutes nationalités, ont trouvé la mort. L'irréalité des images que nous avons vues - les avions heurtant les deux tours comme dans un jeu vidéo, les deux « twin towers » brûlant comme des torchères avant de s'écrouler, le ciel new-yorkais rempli de suie et de cendres, la béance actuelle dans un univers de gratte-ciel comme un rappel quotidien de l'horreur - a suscité en premier lieu un immense élan de solidarité, immédiat, indiscuté, exceptionnel, envers le peuple américain. Chaque citoyen du monde - ou presque - s'est senti concerné par ces attentats touchant une ville qui, plus qu'une autre, est le symbole de la civilisation occidentale, en raison même de son dynamisme, son cosmopolitisme, sa modernité économique et culturelle. Passé le premier choc émotionnel, certaines polémiques ont suivi sur la signification qu'il fallait donner à l'événement - y avait-il oui ou non état de guerre ? - mais aussi sur la part de responsabilité que les Etats-Unis devaient assumer, en raison notamment de leur politique internationale.

Nous ne nous attarderons sur ces polémiques. La première nous semble vaine car ce n'est pas avec le cadre et les concepts du passé que nous pourrons trouver les méthodes pour agir dans le futur ; et la seconde nous semble dangereuse, car elle conduit de manière insidieuse à une justification subreptice de ces attentats odieux. Le travail auquel nous nous sommes attachés dans la première partie de ce rapport est d'une autre nature ; il est d'essayer de comprendre comment ces événements ont mis fin aux illusions dans lesquelles vivait le monde occidental depuis l'effondrement du mur de Berlin, et de dessiner les contours de ce qu'on a pu appeler jadis un nouvel ordre international.

Dans sa seconde partie, ce rapport traitera plus précisément de l'aspect budgétaire. Pour la première fois avec ces attentats, beaucoup de personnes ont pris conscience qu'il ne pouvait pas exister de « découplage » entre sécurité intérieure et environnement international. En d'autres termes, l'idée d'un îlot de paix et de sécurité dans un monde de violence et d'injustice s'est dramatiquement révélée absurde et utopique.

L'année 2002 est une année électorale et l'expérience montre que ce type d'année est habituellement peu favorable au budget des Affaires étrangères. Par rapport à la loi de finances initiale, l'augmentation de ce budget pour la troisième année consécutive est une bonne nouvelle : (LFI) de 2001 + 1,3% à périmètre constant - c'est-à-dire sans prendre en compte le transfert de la participation de la France au Fonds européen de développement, précédemment affecté au budget des charges communes. Le Premier ministre avait d'ailleurs arbitré en ce sens dès avant le 11 septembre. Mais disons-le, cette augmentation, dont nous ne savons au demeurant si elle ne sera pas réduite à néant par quelque régulation future, demeure symbolique et est insuffisante au regard des besoins de notre diplomatie. La France entretient le deuxième réseau diplomatique du monde après celui des Etats-Unis ; elle a fait le choix d'une présence mondiale. Alors même que les tâches confiées au Ministère des Affaires étrangères ne cessent d'augmenter et de se diversifier - en matière d'environnement ou de lutte contre les trafics par exemple -, les moyens ne suivent pas, et même se réduisent lorsqu'on observe la moyenne durée. En 1995, la part du budget des Affaires étrangères dans le budget de l'Etat représentait 1,56%, de 0,2% supérieur au chiffre actuel (voir l'annexe 1 qui retrace l'évolution de la part relative du budget du ministère des affaires étrangères au sein du budget de l'Etat depuis 1981). Nous avions demandé dans notre rapport de l'année passée que l'on revienne rapidement au seuil de 1,5%. Nous maintenons cette demande, estimant que l'effort accompli est réel mais pourrait être amélioré. Trop souvent, et nous l'évoquerons ci-dessous, nos ambassades sont obligées de réaliser en permanence un grand écart entre un discours ambitieux et généreux et des moyens insuffisants et parfois mal employés.

I - LES CONSÉQUENCES DU 11 SEPTEMBRE 2001

A - La fin d'une triple illusion

Les attentats du 11 septembre 2001 marquent une rupture dans l'histoire des relations internationales car ils mettent fin à une triple illusion.

1) L'illusion d'une invulnérabilité

Les Etats-Unis ont subi un traumatisme d'autant plus grand qu'ils vivaient sur l'illusion d'une puissance absolue.

Cette illusion reposait tout d'abord sur le fait que jamais dans leur histoire, à l'exception de Pearl Harbour - et encore s'agissait-il de cibles purement militaires et relativement excentrées - les Etats-Unis n'avaient été frappés sur leur sol par une puissance extérieure.

Cette illusion reposait ensuite sur trois supériorités : économique, technologique et culturelle, qui se fortifiaient l'une l'autre. L'économie américaine a connu de 1993 à 2000 une phase d'expansion que l'on peut qualifier d'exceptionnelle caractérisée par une croissance forte (voisine en moyenne de 4%), non inflationniste et créatrice d'emplois (le taux de chômage est descendu au taux historique de 3,9% en 2000). L'hégémonie des firmes américaines dans le domaine des industries de l'information et de la communication - cinq des dix premiers groupes mondiaux dans ce domaine sont américains selon une enquête de Business Week- illustre l'accroissement de l'écart depuis 1992 en faveur des Etats-Unis en ce qui concerne les nouvelles technologies. Enfin, depuis l'effondrement du communisme, la mondialisation favorise à l'évidence les valeurs américaines, fondées sur le libéralisme économique (autorégulation des marchés) et politique (individualisme et auto-institution de la démocratie).

Ce sentiment de puissance et d'invulnérabilité entraînait, comme on a pu l'écrire, une vision dichotomique du monde divisé entre d'un côté, des zones où la violence est banale, quotidienne, presque normale, appelés les wild zones (zones sauvages) ou encore, de manière plus pudique, les « zones grises », et de l'autre, les zones civilisées - dont le continent américain était le c_ur - à l'abri de cette violence, à l'exception de quelques touches terroristes, somme toute limitées. L'idée d'une certaine contamination entre ces deux zones n'était bien sûr pas exclue et c'était justement l'objet de la politique étrangère américaine de s'en préserver. Il s'agissait d'utiliser les moyens diplomatiques pour pratiquer une « défense préventive » et inverser en quelque sorte la formule de Clausewitz afin de gagner l'après-guerre froide par d'autres moyens.

Mais cet effort de la diplomatie américaine n'a dans les faits jamais été très loin. C'est Nicolas Baverez qui utilise la formule de « Benign neglect » (une expression jusqu'alors utilisée pour la politique commerciale des Etats-Unis avant l'effondrement du système de Bretton Woods) pour qualifier la politique extérieure des Etats-Unis, plus inspirée selon lui par des considérations électorales que par le souci de contribuer à la fondation d'une réelle stabilité internationale. Il en veut pour exemple l'acceptation de la montée aux extrêmes du conflit israélo-palestinien, le soutien apporté au régime militaro-islamiste des généraux pakistanais ou encore la coupable tolérance observée à l'égard des Taliban au nom de leur rôle dans la résistance à l'invasion soviétique de l'Afghanistan. On pourrait prendre d'autres exemples, en particulier la doctrine du zéro mort devenue presque doctrine officielle en accompagnement de tout engagement américain.

L'affaire de l'ambassade chinoise à Belgrade, bombardée par l'aviation américaine lors de la guerre du Kosovo, est une bonne illustration à la fois du degré de narcissisme de la politique de l'administration américaine et des conséquences fâcheuses qu'elle peut entraîner. Plus les Américains se sont efforcés en vain de convaincre les Chinois qu'il s'agissait d'une erreur tragique, plus ils leur montraient qu'à leurs yeux la Chine était un pays de moyenne importance dont l'emplacement de l'ambassade ne méritait pas d'être soigneusement repéré par la CIA. A cette insulte s'ajoutait bien évidemment la conviction, affichée par les Chinois, que le bombardement était délibéré.

A une autre échelle, le projet américain antimissile (National Missile Defense : NMD) illustre de manière caricaturale la méthode américaine. L'idée de déployer un dispositif anti missiles balistiques pour protéger l'ensemble du territoire américain n'est pas une nouveauté. Dès mars 1983, le Président Reagan avait présenté une « initiative de défense stratégique », très vite rebaptisée par les médias « la guerre des étoiles ». L'un des principaux arguments en faveur de ce projet était de mettre en avant la promesse d'une survie, jugée plus morale que celle d'une destruction mutuelle assurée qui fonde la dissuasion nucléaire, laquelle suppose également un dialogue préalable, au moins indirect, avec l'adversaire. Le projet de bouclier antimissiles est l'héritier de la guerre des étoiles. Il se fonde sur la menace que représenteraient les Rogue States (les Etats voyous) au premier rang desquels étaient placés - à l'époque - la Corée du nord et l'Iran. Cette menace était présentée par les Etats-Unis comme suffisamment sérieuse pour qu'ils n'hésitent pas à remettre en cause la stratégie de dissuasion nucléaire mutuelle, telle qu'elle avait été formalisée par le traité dit ABM de 1972 avec l'Union soviétique, et à relancer la course aux armements.

Les événements postérieurs ont montré que la principale menace immédiate à prendre en compte n'était pas celle des missiles nord-coréens ou iraniens.

2) L'illusion d'un monde unipolaire

« Quand les Etats-Unis se concertent avec les autres, ils doivent à chaque instant se retenir de donner des instructions ». Ce jugement d'Hubert Védrine illustre le paradoxe fondamental de la politique étrangère américaine : celui qui consiste à vouloir créer un ordre mondial durablement favorable aux Etats-Unis tout en refusant le minimum de coopération et des sacrifices en termes de pouvoir qu'un tel objectif implique.

De nombreux exemples illustrent la volonté américaine de laisser libre court au jeu des purs rapports de force, au détriment des progrès de la sécurité collective. Le désintérêt affiché du Président George W. Bush - du moins avant le 11 septembre - pour les affaires extérieures constituait moins une rupture avec la politique de ses prédécesseurs qu'une accentuation.

En ce qui concerne leur politique à l'égard des Nations unies, les Etats-Unis ont semblé ne plus vouloir se contenter de leur statut de puissance dominante mais ont cherché soit à les contrôler soit à les contourner. Il est pour le moins paradoxal de constater que le mandat de Mme Albright, qui a été le premier secrétaire d'Etat à avoir occupé la fonction de Représentante permanente aux Nations unies, a correspondu au point le plus bas en matière de multilatéralisme américain depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Dans la crise du Kosovo, non seulement Washington s'est défié du conseil de sécurité pour éviter un veto russe, mais il n'a même pas cherché à obtenir un accord de la Russie à l'opération militaire. D'une manière générale, les Etats-Unis n'ont guère fait d'efforts pour associer la Russie au nouvel ordre européen. L'OSCE, seule organisation européenne de sécurité dont la Russie est membre à part entière, et dont elle souhaitait pour cette raison voir le rôle pleinement reconnu, a été systématiquement marginalisée par les Etats-Unis, au profit de l'OTAN. C'est en effet l'Alliance atlantique qui a vu ses fonctions et son territoire élargis, malgré l'opposition de Moscou.

Vis-à-vis de l'Europe, les Etats-Unis ont eu comme constante de demander aux alliés européens d'assumer une plus grande part du fardeau de la défense, tout en rejetant leur souhait d'exercer davantage d'influence ou de disposer de plus d'autonomie à l'égard des grands commandements de l'OTAN. Les mises en garde se sont multipliées contre toute initiative européenne qui se ferait en dehors de l'OTAN, au nom de différents arguments parmi lesquels celui de la non-duplication des efforts figure en bonne place.

On pourrait prendre d'autres exemples tout aussi significatifs : le refus du Sénat américain de ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le recours aux sanctions ou à des législations extraterritoriales, bref, dans les grandes comme dans les moins grandes affaires, les Etats-Unis soulignaient vis-à-vis de leurs partenaires qu'ils avaient plus que toute autre puissance les moyens de maîtriser leur destin. C'était au final croire à la possibilité d'un monde gouverné par la force de la justice et de la raison américaines.

Les événements du 11 septembre ont montré que ce rêve américain n'était qu'une illusion. Il est trop tôt encore une fois pour mesurer si les Etats-Unis ont compris qu'ils ne pouvaient plus continuer leur politique unilatéraliste et isolationniste, et ce au nom même de ce qui constitue leur objectif majeur : l'établissement d'un ordre mondial qui leur soit durablement favorable. Il n'est pas impossible d'imaginer au contraire un durcissement de ces tendances. Mais, à l'évidence, le 11 septembre a changé la donne. Les Etats-Unis s'efforcent aujourd'hui de constituer la plus vaste coalition possible contre le terrorisme. On observe déjà une révision des relations avec le Pakistan, le Soudan et une nouvelle attention portée au conflit palestino-israélien. On ne peut exclure pour demain la possibilité d'un rapprochement des Etats-Unis avec l'Iran ou la Syrie.

Encore plus symptomatique est l'évolution des relations avec la Russie, qui a clairement et rapidement exprimé sa solidarité avec les Etats-Unis. Même si ceux-ci souhaitent minimiser leur dépendance à l'égard de Moscou, l'aide de la Russie est activement recherchée afin de préciser le cadre de la coopération antiterroriste avec les pays d'Asie centrale. Il n'est du reste pas exclu que les autorités russes mettent à profit les circonstances actuelles pour justifier une solution militaire en Tchétchénie.

Sur certains sujets soigneusement ciblés et pour quelques pays seulement, les maîtres mots de la diplomatie américaine apparaissent être aujourd'hui - pour combien de temps ? - concertation et consultation. La brutalité de certaines formules du Président Bush a semblé n'être que la contrepartie, en direction de son opinion publique, au temps que l'administration américaine s'est donné pour appréhender la complexité politique et militaire de la situation. C'est cette attitude de concertation qui tranche singulièrement avec les huit premiers mois de l'administration Bush, qu'il importe d'encourager et de conforter. Nous espérons qu'elle s'étendra beaucoup plus largement - du protocole de Kyoto à la Cour pénale internationale en passant par la lutte contre la pauvreté - et qu'elle s'adressera à tous les pays.

3) L'illusion d'une pacification croissante

La dernière illusion qui a volé en éclat est celle d'un monde de plus en plus pacifié. Avec l'effondrement du communisme et le triomphe du libéralisme économique et politique, il semblait ne plus exister de contradictions assez importantes pour susciter des conflits majeurs. Ce fut en tout cas la thèse popularisée dès 1989 par un membre du département d'Etat américain, Francis Fukuyama. Cette thèse a suscité de nombreuses critiques dont la plus structurée fut celle de Samuel Huntington sur « le choc des civilisations » qui substitue la culture à l'idéologie comme source principale des conflits futurs. Mais l'idée prévalait néanmoins d'une violence de plus en plus résiduelle, presque anachronique, limitée à quelques groupes et à quelques zones.

Avec les attentats du 11 septembre, le monde relit l'histoire de l'après-guerre froide d'une autre manière. Il devient clair que la seconde moitié des années 90 a été marquée par des évolutions très préoccupantes en matière de prolifération d'armements et de risques de développement de terrorisme faisant appel, le cas échéant à des armes de destruction massive, et à des moyens de financements tirés du blanchiment, et notamment du trafic des stupéfiants. Cette prolifération des activités illicites est à relier avec la fin de la rivalité Est-Ouest. « Des guérillas qui perdaient leurs soutiens matériels et financiers, se sont trouvées d'autres moyens d'existence, découvrant par là même que les nouvelles activités criminelles pouvaient leur suffire. (...) La ressource criminelle a ainsi pris la place de la ressource stratégique que représentait, quelques années auparavant, l'obédience à Moscou ou à Washington » pouvait-on lire dans le dernier numéro de la Revue internationale et stratégique.

Désormais, l'ennemi demeure caché, voire inconnu. La menace n'est plus symbolisée par un Etat - et le croire serait une lourde erreur - mais par des réseaux transnationaux à l'encontre desquels, bien évidemment, la dissuasion classique n'a guère de sens. Ces réseaux sont d'autant plus puissants qu'ils ont souvent bénéficié d'une complicité passive des Etats occidentaux qui, bien que victimes de cette criminalité organisée, n'ont que très rarement réagi, plus soucieux de faire croître leur place financière ou de défendre une certaine conception de leur souveraineté judiciaire que d'organiser une véritable coopération internationale contre l'argent sale et le terrorisme. Les différents rapports de M. Arnaud Montebourg, au nom de la Mission parlementaire d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe que préside M. Vincent Peillon, donnent un bon éclairage sur le laxisme coupable de certains Etats en la matière.

B - Pour un nouvel ordre international fondé sur l'humanisme et l'universalisme

1) La justification de la politique française

Nous avons très longuement ci-dessus explicité ce qui nous est apparu comme les errements de la politique étrangère américaine. Le tableau ne serait pas objectif si nous ne nous ne posions pas les mêmes questions concernant la politique étrangère française, et plus globalement celle de l'Union européenne.

Votre Rapporteur a déjà eu l'occasion, à travers différents travaux, notamment sur le génocide rwandais de 1994 ou sur les activités pétrolières françaises, d'exprimer certaines critiques par rapport à une politique étrangère qui ne tient pas suffisamment compte des valeurs qui sont celles de la France, au premier rang desquelles il convient bien évidemment de placer le respect des droits de l'Homme.

M. Hubert Védrine a souvent marqué de l'agacement par rapport au concept de diplomatie morale : « Cela paraît être une aspiration sympathique, ou un programme. C'est surtout un slogan fondé sur le postulat facile que la diplomatie est par nature immorale. Or, je ne le crois pas. La diplomatie a toujours eu pour objectif de prévenir ou de régler les conflits ou d'arranger les problèmes insolubles. Elle a donc toujours eu un objectif moral ». A ce concept, il préfère celui de Realpolitik que, dans le même entretien, le Ministre définit ainsi : « Personnellement, je considère que c'est le contraire de l'Irrealpolitik, chimérique et dangereuse, c'est-à-dire en fait, une politique lucide qui prend en compte la réalité sous tous ses aspects : des plus classiques - les intérêts nationaux légitimes - aux plus modernes (exemple : le rôle des organisations non gouvernementales). La condamnation réflexe de la Realpolitik (cynique, amorale, etc.) est une facilité qui traduit l'inculture historique moderne et un désordre conceptuel et sémantique ».

Si nous nous référons justement à l'histoire diplomatique, faut-il mettre sur le compte de la Realpolitik ou de l'Irreapolitik la coupable tolérance des pays occidentaux observée à l'égard du régime militaro-islamiste des généraux pakistanais et de leurs alliés taliban ? Le fait que la communauté internationale, et notamment l'Union européenne, assiste en spectateur à la dérive du conflit israélo-palestinien, est-il de la Realpolitik, découlant d'un constat d'impuissance, ou de l'Irreapolitik, refusant de soumettre une aide économique souvent considérable à des exigences politiques précises ? Les exemples pourraient être nombreux de ce qui, naguère justifié au nom de la Realpolitik, est aujourd'hui dénoncé, au vu des résultats catastrophiques, comme de l'Irrealpolitik. C'est la raison pour laquelle nous plaidons pour une politique diplomatique fondée sur des valeurs, celles qu'incarne la République française : le respect des droits de l'Homme, l'exigence de démocratie, la lutte contre les inégalités. Ce sont ces valeurs qui, sur le moyen terme, sont les meilleurs éléments de stabilisation du monde, beaucoup plus sûrement que les régimes despotiques et corrompus que nos démocraties occidentales ont trop souvent cru devoir soutenir à bout de bras, par peur du chaos. Cette conviction a notamment été à la base de l'adoption d'une nouvelle politique africaine par Hubert Védrine.

Certes, nous connaissons les contraintes de l'Exécutif, mais une telle conception de la diplomatie a pour l'avenir immédiat deux conséquences principales. La première conséquence est d'éviter que les démocraties ne fassent le jeu des fanatismes, en renvoyant au monde arabe et musulman l'image que les intégristes islamistes veulent donner du monde occidental. Cela signifie qu'il ne faut pas se tromper ni de combat, ni d'adversaire : il ne s'agit pas de mener une nouvelle croisade mais de sanctionner de manière impitoyable mais précise les responsables des attentats ainsi que leurs complices, mais eux seuls. La seconde conséquence est de mettre fin à la politique des deux poids, deux mesures qui est trop souvent celle de la communauté internationale selon que l'on est puissant ou faible, ce qui la rend trop souvent partie prenante d'un déni de justice, profondément ressenti comme tel par les populations « oubliées ». Nous vivons dans un monde où la valeur de la vie d'un homme varie selon le lieu où il habite. Une telle inégalité est devenue insupportable, à une époque où la mondialisation permet toutes les comparaisons.

Cette moralisation de l'ordre international a déjà commencé, nous en voulons pour preuve le développement de la notion de droit d'ingérence et la mise en place de nouveaux instruments, comme la Cour pénale internationale. Des progrès sont encore bien sûr à accomplir pour la mise en place d'une véritable justice internationale dont l'existence, à nos yeux, doit être tout autant préventive que répressive. Il ne s'agit pas bien sûr de renier la notion d'Etat ; on observe au contraire que son effondrement s'accompagne toujours de la prolifération d'activités illicites, mais de faire en sorte que les frontières ne constituent pas autant de protections pour les criminels et d'obstacles pour la justice.

2) Pour une diplomatie des valeurs

« L'exemple de cette semaine montre que le danger ne vient pas des Etats mais des sociétés : la violence n'est pas due, comme au temps de Bismarck, à la politique militaire des Etats mais à des intégrations sociales qui se font mal, à des espaces sociaux où l'insertion des droits est très incertaine » ; c'est en ces termes qu'ont pu être commentés les événements du 11 septembre. Nous sommes, nous aussi, convaincus que ce dont le monde a aujourd'hui le plus besoin, ce sont des règles de vie commune, sur tous les grands sujets de la mondialisation : de la circulation des capitaux à l'environnement, de la protection sociale au commerce des armes.

La réunion du G7 à Gênes avec les débordements qui l'ont accompagnée étaient un premier avertissement : il ne peut plus y avoir deux mondes, l'un riche et protégé, l'autre démuni et oublié. L'aide au développement, telle qu'elle est conçue aujourd'hui, est à l'évidence un échec. Il nous revient de repenser, réinventer, reconstruire les modalités d'une régulation internationale.

Le première nécessité nous semble la prise en compte, dans ce nouvel ordre international, des aspirations et des difficultés des sociétés civiles, ce qui signifie ne pas se limiter à des relations interétatiques. Certes, nous connaissons et partageons pour l'essentiel les critiques avancées contre l'absence de légitimité et de transparence d'un certain nombre d'ONG. Il n'en demeure pas moins que les ONG sont devenues au cours de ces dernières années des acteurs majeurs de la vie internationale, qu'elles jouent aujourd'hui un rôle original et souvent utile. M. Hubert Védrine le reconnaît volontiers qui, tout en leur déniant le droit de se substituer aux Etats, s'efforce d'associer de plus en plus d'ONG à l'action du Ministère des Affaires étrangères, non pas dans le cadre d'une cogestion mais d'une délégation contrôlée de certaines actions, notamment humanitaires. Ce type de délégation nous semble devoir être développé à l'avenir dans la mesure où la défense des libertés passe nécessairement par un nouvel investissement des individus dans la cité, à la fois intégration citoyenne et nouvelle forme de régulation sociale. On aimerait par ailleurs que notre appareil diplomatique soit toujours à même de réunir autant d'informations fiables sur certains pays que celles que collectent les plus sérieuses des ONG. Très souvent, ce sont elles qui tirent les sonnettes d'alarmes et désignent les prochaines zones de crises.

Le deuxième élément de ce nouvel ordre international que nous appelons de nos v_ux est la construction d'institutions qui soient les garants de ces valeurs que nous évoquions précédemment. Si l'on ne veut pas que le combat contre le terrorisme apparaisse comme une croisade des pays occidentaux contre les pays arabo-musulmans, si l'on veut que cette lutte apparaisse comme universelle, elle doit être traitée à un niveau universel. Il existe aujourd'hui de nombreuses institutions internationales, de l'ONU aux institutions de Bretton Woods, dont l'ambition initiale était d'exercer des responsabilités particulières dans la régulation du monde. Or force est de constater qu'en dépit de la plus grande marge de man_uvre que leur donne la fin de la bi-polarisation, ces institutions ont failli dans leur rôle de régulation. Cela tient quelquefois à un fonctionnement interne qui les conduit à l'impuissance - voir sur ce point les conclusions du rapport Brahimi sur la mise en _uvre des opérations extérieures de l'ONU - mais aussi au sentiment que ces institutions sont moins des régulateurs que des instruments au main des Etats occidentaux.

C'est aux moyens d'une nouvelle régulation internationale à travers des institutions et des normes qu'il importe de réfléchir en priorité aujourd'hui. Cela ne supprimera pas pour autant tout acte de violence mais cela contribuera, plus qu'un bouclier spatial, à les prévenir, en apaisant les frustrations et les inégalités qui en sont le principal terreau, en favorisant une meilleure compréhension entre les nations et entre les cultures, notamment religieuses.

Il faut être conscient que loin de récuser en bloc les sociétés islamiques, il faut au contraire les aider car c'est en leur sein que se joue le véritable combat, celui de la modernité contre les fanatismes, celui du pluralisme démocratique, du respect de l'Etat de droit et des personnes contre des Etats théocratiques, militaires et autoritaires.

Nous ne ferons qu'évoquer ici, car ce point sera analysé ailleurs, la responsabilité particulière de l'Union européenne dans la construction de ce nouvel ordre international et la nécessité pour elle de mettre en place des mécanismes décisionnels qui lui permettent d'intervenir dans la gestion des crises mondiales, économiques, diplomatiques ou militaires. Son absence de la scène internationale contribue à l'évidence à l'instabilité du monde.

A la question de savoir qui dirige le monde, M. Hubert Védrine répondait en 2001 dans l'ordre : « 1. Personne (ou le hasard, ou la théorie du chaos) ; 2. Les Américains ; 3. Cinq ou six autres puissances politico-économico-culturelles d'influence mondiale, dont la France ». Nous voudrions que dans dix ans lui-même ou son successeur place au premier rang : 1. Quelques valeurs communes à l'humanité ; 2. Cinq ou six institutions internationales au sein desquelles quelques Etats, dont les membres de l'Union européenne, jouent un rôle déterminant.

II - UN BUDGET SERRÉ TRADUISANT LES BONNES PRIORITÉS

A - Un grand écart permanent entre moyens et ambition

1) Des chiffres auxquels il convient d'accorder la signification qu'ils méritent

Vous vous en souvenez peut-être, la stabilisation des crédits dans le budget 2001 - hors contribution obligatoire aux organisations internationales - avait été présentée l'année dernière comme une victoire du Ministère des Affaires étrangères. Mais à mi-parcours, au 30 juin 2001, 38 112 500 écus (250 millions de francs) manquent à l'appel : 6 860 250 écus (45 millions de francs) ont d'ores et déjà purement et simplement été annulés ; 31 252 250 écus (205 millions de francs) ont pour le moment simplement été gelés. Les chapitres 42.11 et 42.12 dédiés aux dépenses d'intervention de la coopération internationale sont les principaux touchés puisqu'ils contribuent pour plus de la moitié (19 818 500 écus soit 130 millions de francs) à ces annulations et gels. Cette situation est d'autant plus choquante que les postes ont été avertis de ces mesures très tardivement, en plein été, par un télégramme en date du 27 juillet 2001, alors même que de nombreux engagements avaient déjà été pris concernant la mise en _uvre de diverses actions.

Il ne faudrait pas oublier que nos postes agissent de plus en plus en partenariat, et il n'est pas besoin de beaucoup d'imagination pour saisir l'impact de telles mesures sur la crédibilité de l'engagement français. Nous ajouterons à cela que c'est au moment même où le Ministère des Affaires étrangères communiquait sur son projet de budget 2002, et notamment la priorité accordée dans celui-ci à la coopération internationale et à l'aide au développement, que l'on demandait aux postes, et notamment aux centres culturels, cet effort budgétaire. Ce qui est grave dans la concomitance de ce double discours, ce n'est pas tant son évidente contradiction, c'est l'amertume et le découragement que sa répétition annuelle entraîne sur ceux-là même qui, sur le terrain, se battent quotidiennement pour porter haut l'image de notre pays. Leur travail acharné mérite le respect, et la première expression de ce respect serait de ne pas les obliger à se déjuger.

Par ailleurs, l'évolution du dollar au cours de l'année 2001 a fait apparaître une perte au change estimée à ce jour à 25 millions d'euros (164,8 millions de francs), soit une dérive de 0,75 % par rapport au budget initial. Si des mesures de compensation automatiques existent pour les crédits de rémunération, il n'en est plus de même pour les crédits de fonctionnement et d'intervention. C'est donc autant de notre capacité qui est amputée. Une telle absence de compensation est dangereuse car elle peut conduire à toutes les manipulations. C'est la raison pour laquelle nous demandons l'application d'une compensation intégrale de l'effet change sur l'ensemble des crédits du Ministère des Affaires étrangères.

C'est donc à la lumière - j'allais écrire à l'ombre - de cette expérience de l'année passée qu'il convient d'interpréter les chiffres du budget 2002.

2) Un réseau étendu aux moyens de fonctionnement modestes

Avec 167 ambassades et représentations permanentes en 2001, le réseau diplomatique français se classe par sa taille au deuxième rang mondial, juste derrière celui des Etats-Unis (177 postes) et avant celui de la Russie (156), de la Grande-Bretagne (155), de l'Allemagne (153) et de l'Italie (137). Une ambassade a été ouverte cette année à Gaborone (Botswana) notamment en raison de la présence en cette capitale du secrétariat de la South african development community (SADEC), une organisation politique et économique régionale qui joue un rôle de plus en plus important en Afrique australe. Notre ambassadeur à Gaborone est accrédité également auprès de la SADEC.

En ce qui concerne le réseau consulaire français qui compte 106 postes, la France se situe largement devant les Etats-Unis (72 postes), le Royaume-Uni (69) et l'Allemagne (58) mais derrière l'Italie (115). En 2001, un consulat général a été créé à Lagos, suite au transfert de notre ambassade à Abuja. Il est prévu pour 2002 la réouverture de notre Consulat général d'Oran. Pour dessiner un tableau complet, il faudrait également faire état des 124 sections consulaires d'ambassade.

Nous avons pu constater sur le terrain que la protection consulaire que nous offrons à nos compatriotes résidents ou de passage à l'étranger était, de loin, plus complète et plus contraignante que celle assurée par nos partenaires. La charge de travail de nos agents consulaires est particulièrement importante, nous l'avons notamment constaté à Vilnius et Riga. Il n'est pas exagéré d'affirmer que les services dont nos compatriotes sont à même de disposer auprès des consulats ou des sections consulaires sont quelquefois plus importants que les services délivrés par la mairie d'une petite commune en France. C'est un choix ambitieux qui a un coût, et le budget devrait pleinement en tenir compte, sauf à réduire notre dispositif. Toutefois, la question de fermer des consulats peut se poser essentiellement selon nous dans les pays de l'Union européenne. Est-il par exemple indispensable de maintenir autant de consulats en Allemagne ou encore un consulat à Salonique ?

Il nous semble que la coopération consulaire entre les Etats de l'Union pourrait davantage se développer, dans les pays de l'Union européenne bien sûr mais aussi dans les pays tiers. Des réflexions sont engagées aujourd'hui sur l'éventuelle mise en place d'un mécanisme de protection consulaire des citoyens de l'Union européenne dans cinq cas : décès, maladie grave, arrestation ou détention, violence ayant occasionné des victimes, aide pécuniaire au rapatriement. Ce mécanisme sera subordonné bien sûr à l'accord de tous les Etats membres.

A titre personnel, nous sommes très favorables à cette coopération des services diplomatiques et consulaires entre les Etats membres qui pourrait s'exprimer de multiples façons : mise en commun de moyens entre sections visas des ambassades et des consulats, soutien logistique à l'occasion de travaux effectués au sein des postes diplomatiques et consulaires, partage de locaux entre établissements scolaires et universitaires en pays tiers, organisation de manifestations - notamment culturelles - en commun. Les avantages sont bien sûr matériels, notamment grâce aux économies de fonctionnement qu'une telle coopération entraîne, mais ils s'étendent également à l'approfondissement d'une réalité diplomatique de l'Union européenne.

Un nouveau chapitre 37-90 intitulé « Moyens généraux des services » regroupe les dotations de l'ancien chapitre 34-98 (moyens de fonctionnement courant) et celles de la ligne 31-98.21 sur laquelle était inscrite la dotation des rémunérations des personnels de droit local. Ce regroupement était rendu nécessaire pour permettre d'engager la nouvelle phase de globalisation des crédits de fonctionnement des services à l'étranger. Cette nouvelle phase, qui étend la globalisation aux rémunérations des personnels de champ local, s'appliquera à partir du 1er janvier 2002 à titre expérimental dans vingt-quatre postes. Les postes retenus disposeront ainsi d'une enveloppe unique pour leur fonctionnement et la rémunération des recrutés locaux, au sein de laquelle ils auront le pouvoir d'opérer les arbitrages qui leur paraîtront nécessaires, dans la limite de leur budget annuel et dans le respect des règles générales de gestion des recrutés locaux.

A périmètre constant, la dotation de rémunération des personnels de droit local bénéficie d'une mesure nouvelle de 3,048 millions d'euros (20 millions de francs) au titre du plan d'action pour la valorisation du recrutement local qui a été adopté à la suite du rapport de M. Patrick Amiot. En revanche, la dotation de l'ancien chapitre 34-98 est reconduite à périmètre constant. Il est prévu que la perte de change qualifiée pudiquement d'éventuelle par le Ministère des Affaires étrangères soit financée, faute de compensation, par redéploiement de crédits ; elle devrait se traduire par l'ajournement d'opérations d'équipement et de travaux pour les services à l'étranger.

La déconcentration et la globalisation des crédits de fonctionnement entamées alors que M. Alain Juppé était Ministre des Affaires étrangères et continuées par ses successeurs ont donné une impulsion très positive à la gestion des postes. Les agents, nous l'avons constaté au cours de nos déplacements, s'en félicitent car ils disposent ainsi de marges de man_uvre utiles pour s'adapter à l'évolution des besoins. L'extension de cette globalisation aux recrutés locaux constitue une avancée importante, très appréciée, qui suppose cependant que les chefs de postes soient à même de disposer de capacités gestionnaires suffisantes pour apprécier les conséquences financières de leurs décisions.

Au total, les crédits destinés aux services à l'étranger s'établissent à 238,25 millions d'euros contre 73,06 millions d'euros pour les crédits d'administration centrale, soit respectivement 76,6% et 23,4% de la dotation totale du chapitre 37-90.

Une réflexion sur les moyens de fonctionnement de nos postes diplomatiques ne peut s'arrêter à une composante purement budgétaire. Les modes d'organisation sont une donnée importante qui méritent une attention plus grande. Beaucoup de postes se sont plaints auprès de nous de la surcharge de travail qu'occasionne ce qu'il faut bien appeler une mauvaise organisation de l'administration centrale parisienne. Trop souvent en effet le Département noie les postes sous un flux de questionnaires alors même qu'il dispose déjà des informations réclamées, soit qu'elles aient fait l'objet d'un précédent questionnaire issu d'un service différent, soit même qu'elles résultent de décisions que le Département a lui-même prises. Un exemple nous a été cité à plusieurs reprises : celui des questionnaires réclamant l'organigramme des postes. Or tous les agents en poste ont par définition été nommés par le Département, par décret ou arrêté, qu'ils soient issus du Quai d'Orsay ou d'un autre ministère. Un poste a pourtant reçu une telle demande à trois reprises au cours de l'année 2001. Il faudra bien qu'un jour le Département se dote de différentes bases de données dignes de ce nom afin de garder en mémoire ce qu'il veut savoir sur ce qu'il est et sur ce qu'il fait, plutôt que de solliciter sans cesse des postes qui ont mieux à faire. Le développement des nouvelles technologies d'information devrait l'y aider.

Nous voudrions pour conclure ces quelques remarques sur le fonctionnement du Ministère des Affaires étrangères évoquer le système de ce qu'il était convenu d'appeler les ambassadeurs hors les murs ou les ambassadeurs « HLM » et que l'on nomme aujourd'hui ambassadeurs itinérants. Il existe aujourd'hui trois pays où un tel dispositif est utilisé : la Moldavie, l'Erythrée et la Mongolie. Dans ce type d'organisation, l'ambassadeur ne réside pas en permanence dans la capitale de l'Etat auprès duquel il a été accrédité mais partage son temps entre cette capitale et son bureau parisien. Les séjours qu'il effectue sur place peuvent aller de trois semaines tous les deux mois, à quinze jours par mois. Un échelon diplomatique permanent reste toutefois sur place, par exemple le directeur de l'Alliance française ayant également la qualité de conseiller culturel et faisant au besoin fonction de chargé d'affaires pour la Moldavie et l'Erythrée.

Le principal avantage que l'on retire d'un tel dispositif est économique : le coût du poste est limité au maximum. Par ailleurs, tant Mme Dominique Gazuy, ambassadrice en Moldavie, que M. Louis Le Vert, ambassadeur en Erythrée, nous ont dit profiter de leurs séjours à Paris pour rencontrer non seulement leurs correspondants au Département mais aussi les entreprises ou les institutions les plus variées (ONG, collectivités locales, organismes de recherche ou d'enseignement...) intéressées par leur pays d'affectation. Ils ont estimé tous deux très utile de pouvoir ainsi nouer personnellement les liens qu'ils sont chargés de promouvoir. Par rapport à l'accréditation multiple, l'ambassadeur itinérant offre l'avantage de consacrer tout son temps à un seul pays : il ne risque donc pas de considérer les problèmes de celui-ci à travers le prisme de l'autre pays dans lequel il vit. Il n'est pas sûr par exemple que considérer l'Erythrée avec les yeux de Djibouti soit un gage d'objectivité.

Nous ne sommes donc pas par principe hostiles à la formule de l'ambassadeur itinérant. Il nous semble toutefois que la réflexion du Département devrait être approfondi sur les conditions qui doivent être réunies pour un bon fonctionnement d'un tel dispositif. Les relations de tous ordres entre l'Etat considéré et la France ne doivent pas être trop denses, faute de quoi l'ambassadeur ne peut physiquement faire face à sa tâche. Si les résidents français ou les entreprises implantées se multiplient, ou si les demandes de visas, notamment de long séjour, sont trop nombreuses, il est nécessaire de créer un poste résident doté de moyens adéquats. Par exemple, le travail accompli par Dominique Gazuy en Moldavie est remarquable tant en raison de la qualité des liens qu'elle a su créer avec les personnalités locales que du succès des actions menées dans le domaine de l'animation culturelle et de la coopération. Il est vrai également que ce que M. Georges Diener, le directeur-conseiller culturel, a fait de l'Alliance française - tant de son bâtiment qu'en matière de rayonnement - devrait servir d'exemple à beaucoup. En dépit de cette suractivité - ou peut-être à cause d'elle - la décision, finalement adoptée, d'ouvrir une ambassade permanente s'imposait également politiquement pour deux raisons : d'une part, la Moldavie appartient à la francophonie ; d'autre part, ce pays ne doit pas, abandonné à lui-même, devenir l'objet d'une rivalité entre les Etats-Unis et la Russie. En revanche, le maintien de ce statut semble tout à fait adapté pour l'Erythrée même si M. Le Vert passe aujourd'hui plus des deux tiers de son temps dans ce pays.

Nous insisterons toutefois sur un point. Pour que ce dispositif fonctionne de manière correcte, il est indispensable d'accorder à l'agent itinérant un minimum de moyens matériels lui permettant d'être opérationnel : matériel de bureau ou de réception, moyens de transmission adéquats, véhicule, frais de représentation fixés à un niveau suffisant pour qu'il ne soit pas contraint à réduire sa « visibilité ». L'ensemble de ces éléments peuvent d'ailleurs faire l'objet d'un plan d'action de l'intéressé.

3) Des efforts importants en faveur des personnels

L'effectif du Ministère des Affaires étrangères demeure relativement stable puisqu'il passe de 9 471 agents en 2001 à 9 466 en 2002. Les « chantiers » importants en matière de ressources humaines en cours actuellement concernent les catégories B et C.

L'actuelle répartition des corps de catégorie B entre les secrétaires de chancellerie et les secrétaires administratifs n'est plus adaptée aux besoins du Département. La coexistence de deux corps distincts ne se justifie plus alors même que ces agents doivent se préparer à des métiers identiques. Une réflexion qui devrait conduire à la fusion des deux corps est en cours. Les modalités de mise en _uvre d'une telle réforme font bien sûr l'objet de consultations avec les organisations syndicales afin d'en définir les contours et de tenir compte des situations individuelles.

Il devient urgent par ailleurs d'adapter le corps des chiffreurs à la nouvelle configuration des métiers du chiffre, de l'informatique et des communications. Là encore, une réflexion a été conduite qui devrait déboucher sur la création d'un nouveau corps de secrétaires des systèmes d'information et de communication qui se distinguerait de l'ancien corps par des effectifs plus ramassés (160 agents contre 240 chiffreurs), une redéfinition des compétences et une réévaluation indiciaire.

Nous avons constaté au cours de nos missions une satisfaction accrue des agents concernant la prise en compte de leurs besoins professionnels. M. Philippe Zeller, le nouveau directeur général de l'administration du Quai d'Orsay, nous a confirmé l'attention qu'il portait à ces questions et la volonté du Ministre de maintenir et développer ces acquis. Les décisions en matière d'affectation sont désormais prises au cours du dernier trimestre de l'année n-1 pour une mutation prévue à la rentrée de septembre de l'année. Le laps de temps dégagé peut ainsi être mis à profit pour des formation, notamment linguistiques. Dans cette hypothèse, le conjoint est convié à y participer.

Un Institut diplomatique, dont la première session s'est tenue du 14 mai au 13 juillet, a été créé en 2001 à l'initiative du Ministre. Il a pour but d'améliorer la formation au management des cadres du ministère et des chefs de poste. Il a été conçu comme un lieu d'échanges entre diplomates, fonctionnaires d'autres administrations, universitaires et représentants de la société civile.

La politique d'évaluation de nos diplomates est traditionnellement un exercice délicat. Comme souvent dans la fonction publique, ce qui s'écrit n'a pas la même objectivité que ce qui se dit, ce qui conduit, de manière parfois peu respectueuse pour les agents, à accorder une influence démesurée à la « réputation ». Trop souvent, les critères de choix de chefs de poste demeurent peu transparents. Il est essentiel, nous semble-t-il, d'améliorer la politique d'évaluation, étant bien entendu qu'elle doit se donner pour objectif de déboucher non sur des sanctions mais au contraire sur des conseils afin de permettre à chacun de mieux connaître ses faiblesses et de s'améliorer. Là encore, M. Philippe Zeller nous a fait part de projets d'amélioration des procédures d'évaluation, notamment à travers des bilans individualisés de carrières qui se tiendraient à des âges stratégiques.

En ce qui concerne les rémunérations, il convient de rappeler pour mémoire que la fusion des services du Secrétariat d'Etat à la Coopération et du Ministère des Affaires étrangères s'est traduite, dès le 1er janvier 1999, par une revalorisation substantielle du taux des indemnités (primes de rendement, heures supplémentaires ou indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires) des personnels titulaires et contractuels du Ministère des Affaires étrangères, en particulier des agents B et C.

En vue d'évaluer plus précisément le positionnement des taux de primes applicables au sein du Ministère des Affaires étrangères, une enquête a été menée au cours du premier trimestre 2001 auprès des services du Premier Ministre, de l'Intérieur, de la Défense (personnel civil), des Transports, de l'Emploi et de la Solidarité. Cette étude a abouti à un double constat : d'une part que les personnels de catégorie B et C bénéficiaient d'un niveau de primes satisfaisant eu égard aux comparaisons menées ; d'autre part, que le taux de primes servies aux agents de catégorie A et en particulier celles attribuées au personnel d'encadrement supérieur étaient en revanche en retrait par rapport aux autres administrations.

Au vu des conclusions de cette enquête, il a été décidé le principe d'une revalorisation en moyenne de 10% des primes des agents de catégorie A pour un montant de 1,082 million d'euros (7,1 millions de francs). Par ailleurs les emplois fonctionnels pourront bénéficier d'une nouvelle bonification indiciaire de 100 à 180 points, selon la nature des emplois. A cette fin, les dotations du chapitre 31-12 article 11 ont été augmentées pour 2002 de 16,64% par rapport à 2001.

Nous regrettons un peu que cette nécessaire revalorisation des indemnités à l'administration centrale ne se soit pas accompagnée d'une réflexion plus globale sur le différentiel considérable des rémunérations à Paris et en poste. A l'étranger, les diplomates perçoivent en effet, en plus du traitement indiciaire afférent à leur grade, une indemnité de résidence destinée « à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence » (article 5 du décret n°67-290 du 28 mars 1967). Cette indemnité est donc variable selon le pays d'affectation et selon la fonction exercée par l'agent. Pour chaque pays, il existe trente niveaux d'indemnités de résidence entre lesquels sont réparties les différentes fonctions. Les ambassadeurs perçoivent l'indemnité de résidence du groupe 1 dont les montants sont donnés en annexe. On le constate à la lecture de celui-là, les montants en question sont loin d'être négligeables puisqu'ils s'échelonnent grossièrement entre 40 000 et 120 000 francs mensuels, pour l'essentiel non fiscalisés. Le supplément familial accordé aux agents en poste est par ailleurs égal à 10% de l'indemnité de résidence.

Les montants de l'indemnité de résidence doivent être appréciés au regard de l'importance des nombreuses charges directes et indirectes (qui comprennent notamment la nécessité d'une double résidence en France et à l'étranger, le coût de la vie à l'étranger, les frais liés à l'éducation des enfants...). Ils ne sont probablement pas très éloignés de ce que touche un cadre supérieur dans une entreprise privée. Toutefois, le différentiel de rémunération entre l'administration centrale et les postes peut conduire certains agents à privilégier les postes à l'étranger pour des raisons purement pécuniaires. Une telle distorsion n'est-elle pas susceptible de constituer un obstacle à la gestion des corps au moment même où le Ministre souhaite renforcer les postes parisiens ?

Nous évoquerons enfin l'initiative qu'a prise M. Védrine, à la suite d'une série d'articles parus en avril 2001 dans le journal « Le Monde » sur la modernisation du Ministère des Affaires étrangères, d'ouvrir un espace de débat sur le site Intranet du Département. L'objectif était de permettre à tous les agents qui le souhaitaient de faire connaître personnellement leurs réactions et leurs suggestions. Une synthèse de ces réactions a été établie et diffusée intégralement sur l'Intranet. Ainsi que nous l'a expliqué M. Patrick Gautrat, à qui a été confiée la mission de corédiger cette synthèse, si le nombre total de messages (190) est modeste en regard du nombre des agents du Département, le forum a fait l'objet d'un intérêt exceptionnel puisque 4000 connexions ont été comptabilisées en moyenne par jour pendant le mois de juin. Les thèmes évoqués par les agents étaient très diversifiés : ils traitaient aussi bien de la lourdeur de certaines procédures que de l'utilisation de l'outil informatique ou encore de considérations financières. Une contribution d'un agent en poste a conduit son ambassadeur, qui s'était cru visé par les critiques émises, à demander le rappel de l'intéressé. L'administration n'a pu qu'accéder à cette demande pour des raisons évidentes de bon fonctionnement des services mais ledit agent a retrouvé un nouveau poste d'intérêt au moins similaire à celui qu'il avait été obligé de quitter : il n'a donc pas été sanctionné comme certains le croient parfois.

L'intérêt significatif suscité par cette initiative a conduit le Ministre à proposer pour l'avenir que toute question importante pour la vie du ministère et intéressant l'ensemble des agents fasse l'objet d'un forum de dialogue ouvert sur Intranet. Le Ministère des Affaires étrangères a joué en la matière un rôle de précurseur puisqu'il a été envisagé depuis lors au niveau gouvernemental que l'ensemble des départements ministériels se dotent d'ici à la fin 2002 d'un tel site de débats sur leurs réseaux Intranet respectifs.

B - Les moyens d'intervention

1) Les participations aux dépenses internationales

Nous distinguerons traditionnellement les participations obligatoires des contributions volontaires.

Les participations obligatoires sont regroupés au chapitre 42-31 dont les dotations alimentent près de 130 organisations internationales. Le détail de ces contributions en 2001 fait apparaître une part prépondérante des organisations onusiennes qui représentent plus de la moitié du total. Cela s'explique notamment par l'augmentation des contributions obligatoires au titre des opérations de maintien de la paix qui sont passés de 170 à 230 millions de dollars de 2000 à 2001. Désormais elles représentent un tiers du total des contributions obligatoires, contre un quart en 2000.

Le reste des contributions obligatoires est versé pour moitié à des organisations à vocation scientifique (principalement le CERN avec 13% des contributions totales) et pour l'autre moitié à des organisations hors système onusien au rang desquelles figurent le Conseil de l'Europe, l'OSCE, l'OTAN et l'OCDE.

Nous soulignerons que depuis quelques années il est traditionnel que le montant de ces dotations soit inférieur au montant réel des contributions exigées, ce qui nous conduit à accumuler des arriérés. Cette attitude n'est pas sans rappeler celle des Etats-Unis à l'égard de l'ONU, attitude que vertueusement nous avons coutume de dénoncer. Il serait souhaitable pour l'avenir de programmer des contributions réalistes. C'est ce que nous a affirmé l'administration du Quai pour 2002 puisque les crédits pour les organisations onusiennes sont maintenus alors que l'on prévoit une baisse du coût des opérations de maintien de la paix.

En ce qui concerne le montant des participations volontaires de la France à des dépenses internationales, qui concernent principalement les activités opérationnelles de développement humanitaire et d'urgence conduites par les Fonds et Programmes des Nations unies, nous avons déjà l'année dernière dénoncé leur insuffisance. Nous ne pouvons cette année que reprendre ces propos. Alors que nous étions en droit d'attendre une augmentation substantielle de ces dotations, le Ministère des Affaires étrangères ne propose finalement qu'une mesure nouvelle limitée à 411 000 euros (2,7 millions de francs). C'est très nettement insuffisant même s'il faut tenir compte des très fortes contraintes actuelles pesant sur les finances publiques. Le volume anormalement bas de nos contributions fait douter les responsables de ces Fonds et Programmes de la fermeté du soutien de la France.

A titre d'exemple, notre contribution au Programme des Nations Unies pour le développement qui s'élevait encore à 39,71 millions d'euros (260,5 millions de francs) en 1994 est tombée en 2000 à 15,4 millions d'euros (100 millions de francs). La France occupe le 11ème rang des donateurs, très loin derrière des pays comme les Etats-Unis et le Japon mais aussi les Pays-Bas, la Norvège, la Suède ou le Danemark. Une telle situation est tout simplement inacceptable.

Nous rappelons une nouvelle fois à quel point la faiblesse de nos contributions volontaires constitue une situation pénalisante pour nos intérêts aux Nations Unies, car ce sont ces contributions qui financent les programmes les plus valorisants. Les Etats qui y participent peuvent du même coup placer leurs hommes, leurs entreprises, diffuser leur savoir-faire et leurs idées.

C'est malheureusement une constante de la politique française de ne pas savoir retirer en termes d'image et d'influence les suites d'une politique généreusement interventionniste. En ce qui concerne les opérations extérieures, la France contribue souvent largement sur le plan humain et logistique au succès de l'intervention. Mais, une fois la paix rétablie et la phase de reconstruction engagée, elle ne sait pas tirer partie des coûts engagées antérieurement, faute de savoir choisir par la suite quelques dépenses civiles symboliques (école, hôpital, dispensaire...) qui donneraient à son action la visibilité qu'elle mérite. Il existe là une carence souvent dénoncée mais pas encore comblée.

2) Les crédits de coopération, d'assistance et solidarité

Ces crédits faisant l'objet de deux avis particuliers de la part de la Commission des Affaires étrangères, nous nous ne les commenterons pas dans le détail, renvoyant le lecteur aux excellents rapports de nos collègues.

Nous nous réjouissons cependant que ces crédits traduisent l'une des priorités de l'action du Ministère pour 2002. A périmètre constant, l'enveloppe dévolue aux actions de coopération et d'aide au développement (crédits d'intervention culturelle, AEFE, Fonds de solidarité prioritaire, dons-projets de l'Agence française de développement) augmente de 17,6 millions d'euros (soit environ 115 millions de francs).

S'agissant de l'aide publique au développement, on peut regretter que l'on n'ait toujours pas atteint l'objectif de 0,7 % du PIB. Mais l'aide publique, ce n'est pas seulement une question d'argent mais aussi celle de son utilisation. Il faut par conséquent veiller à la fois au quantitatif et au qualitatif. Ces aides, en particulier, doivent profiter aux populations.

Le rapport de notre collègue Yves Dauge sur les centres culturels a mis en lumière les difficultés rencontrées quotidiennement par les acteurs de ce réseau. Le Ministère a réagi à ce rapport vite et bien. Non seulement il dégage pour 2002 une mesure nouvelle de 4,7 millions d'euros (31 millions de francs), début d'un plan triennal destiné à renforcer les moyens des centres culturels et à revaloriser le statut des 3300 recrutés locaux qui y sont actuellement employés, mais il a entrepris un travail de fond, en concertation avec l'ensemble des acteurs du réseau, qui devrait déboucher dans les jours qui viennent sur de nouvelles orientations en matière de missions et de suivi des activités.

En fonction des intérêts culturels spécifiques à chaque grande région du monde, il faut en effet redéfinir des priorités, qu'elles soient géographiques, thématiques, artistiques, tout en veillant à avoir un personnel de qualité par le recrutement et par la formation continue. Personnel qui doit développer davantage le partenariat et les échanges culturels dans chaque pays : traductions, échanges d'expositions et de créateurs en résidence... Bien entendu, cela rime avec une revalorisation budgétaire programmée. De même, une attention toute particulière doit être portée aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur.

Le Ministère des Affaires étrangères a poursuivi cette année encore l'effort consenti depuis plusieurs années en faveur de l'accueil des étudiants étrangers en France. Dans la lignée du rapport du professeur Elie Cohen remis en juillet 2001, un nouveau programme dit de bourses Major a été créé qui permet aux meilleurs des anciens élèves étrangers des lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en second cycle trois années supplémentaires jusqu'au grade de mastère. En plein régime, ce programme devrait bénéficier à près de 250 de ces étudiants ; une nouvelle mesure de 1,5 million d'euros (10 millions de francs) a été prévue à cet effet (chapitre 42-15). On s'est en effet aperçu que moins de 20% des lycéens étrangers scolarisés dans les établissements de l'AEFE venaient en France poursuivre leurs études supérieures, et que beaucoup partaient dans des pays anglo-saxons. Il n'était pas satisfaisant que l'effort financier consenti par la France dans le secondaire - un élève scolarisé dans un lycée français à l'étranger coûte à la France 12 à 15 000 francs par an - se trouve ainsi remis en question dans le supérieur.

Les crédits de paiement destinés au Fonds de solidarité prioritaire (article 68-91), dont les interventions sont recentrées sur les appuis au développement institutionnel, social et culturel - par opposition aux interventions économiques -, sont en forte augmentation de plus de 18 millions d'euros. Nous voudrions à cette occasion exprimer deux v_ux : d'une part, une meilleure application des critères tels qu'ils ont été définis lors de la création de la ZSP ; d'autre part l'exclusion de la ZSP de deux catégories de pays : ceux dont il serait prouvé qu'ils utilisent notre aide pour financer des actions militaires contre leurs voisins ou contre leur opposition, et ceux qui servent de relais au blanchiment de l'argent.

Nous nous félicitons fortement que le Ministre ait ainsi décidé de redonner un nouveau départ à ces crédits d'intervention. La bataille diplomatique internationale, nous le répétons, se joue aujourd'hui sur le thème des valeurs et de l'influence, ce que les anglo-saxons appellent le soft power.

CONCLUSION

Les priorités dégagées dans ce budget 2002 du Ministère des Affaires étrangères sont de nature à renforcer les instruments d'influence de la France dans le monde. C'est là l'aspect positif de ce budget.

Le Ministère des Affaires étrangères a réussi ces dernières années à conduire à bien une importante réforme. Ce dont il a le plus besoin aujourd'hui, c'est d'un minimum de continuité. Je regrette d'autant plus que l'on n'ait pas jugé utile de dégager les quelque 200 millions de francs qui manquent à son fonctionnement. Mais je connais les difficultés des arbitrages budgétaires.

Ce budget constitue un atout important pour la place de la France dans le monde. C'est la raison pour laquelle je vous invite à donner un avis positif à son adoption.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 18 octobre 2001, la Commission a examiné pour avis les crédits des Affaires étrangères pour 2002.

Audition de M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, et de M. Charles Josselin, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie

M. François Loncle, Président de la Commission des affaires étrangères - Merci de votre présence matinale à cette séance spéciale de la Commission, la deuxième organisée selon une nouvelle procédure budgétaire que tout le monde estimait nécessaire. La première a eu lieu en 1999 et l'année 2000, pour des raisons de calendrier, n'en a pas connu. Je vous rappelle que nous ne disposons que d'un temps limité. Les interventions des ministres ne devront pas dépasser une demi-heure et les rapporteurs disposeront de dix minutes chacun. Je demande aux représentants des groupes et aux autres députés de s'exprimer de façon concise, car nous ne devrons pas dépasser 13 heures. Enfin, lors de la mise aux voix des crédits, seuls les membres de la Commission des affaires étrangères participeront au vote.

M. Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères - Je vais m'efforcer de donner l'exemple de la concision. En ce qui concerne la situation internationale, nous en sommes encore au stade de ce qui a été considéré comme une légitime réponse à l'agression du 11 septembre. Notre participation porte davantage sur la lutte de fond contre le terrorisme que sur l'action militaire proprement dite. Nous restons cependant très attentifs à ce que les opérations se déroulent de façon ciblée et à ce qu'aucun amalgame ne soit fait. C'est d'ailleurs tout à fait la ligne que suivent MM. Georges Bush et Colin Powell.

Si un pays n'a pas attendu le 11 septembre pour dénoncer les maux du monde et constater qu'il fallait s'attaquer aux questions qui divisent le nord et le sud, les riches et les pauvres, ou aux problèmes du Proche-Orient, c'est bien le nôtre. Nous avons mené une action de fond avec ténacité, malgré les grandes difficultés que nous avons rencontrées. Nous avons constamment pris la mesure des situations intolérables que l'on rencontre dans le monde, qui n'ont pas créé l'extrémisme, folie en soi, mais qui le nourrissent. Le débat sur la mondialisation, les événements de Durban ont été révélateurs des fractures du monde. La communauté internationale reste à construire et nous continuerons à y travailler pour défendre nos valeurs, l'équité et la sécurité.

J'en viens au budget des affaires étrangères. Il est manifestement insuffisant et ce caractère n'est malheureusement pas nouveau. Les crédits ne correspondent pas à tout ce qui est attendu du ministère, de la représentation diplomatique classique mais nécessaire aux actions de coopération totalement novatrices. Dans les dix années qui ont précédé notre venue aux affaires, le ministère des affaires étrangères est celui qui a proportionnellement perdu le plus d'effectifs. Comme il partait de très bas, ce mouvement a été un handicap constant pour notre politique étrangère. M. Charles Josselin et moi avons enrayé cette tendance : pour la troisième année consécutive, les crédits augmentent. Pour 2002, leur progression est de 1,3 % et les effectifs sont stabilisés.

En 2002, transferts et compensations de l'effet de change compris, les crédits des affaires étrangères atteindront donc 23,8 milliards de francs. Cette progression n'est pas aussi substantielle qu'il y paraît, et elle ne permettra pas de satisfaire l'ensemble des besoins, mais elle est cependant notable. L'augmentation de ces crédits nous permettra de poursuivre nos actions prioritaires, même si une partie des moyens nouveaux risque d'être absorbée par les effets de change.

Ces priorités, quelles sont-elles ? En tout premier lieu, la coopération internationale, dont M. Charles Josselin vous parlera en détail. Nous continuerons d'agir sur le plan culturel, par l'accueil d'étudiants en France, par la contribution à TV5, par la coopération décentralisée et par l'assistance technique. L'une des innovations de ce projet tient d'ailleurs à la simplification de la structure du dispositif de coopération et par l'inscription des crédits du FED à ce budget, ce qui permet, enfin, une vue d'ensemble.

Des moyens nouveaux seront également dégagés pour traiter des demandes d'asile, dont le nombre ne cesse d'augmenter, au point que 21 500 dossiers sont actuellement en attente. Le ministère procédera à 94 recrutements. Nous serons également attentifs à la situation de nos deux millions de compatriotes qui vivent à l'étranger, pour certains en situation précaire. Cette attention portera sur tous les aspects de leur vie : protection sociale, éducation et sécurité. Les crédits consacrés à ce dernier volet, déjà renforcés au cours des exercices antérieurs, seront encore augmentés.

La modernisation du ministère se poursuivra. On se félicitera de la stabilisation des effectifs, qui s'établiront à 9 466 postes budgétaires. Le redéploiement visera en particulier un meilleur encadrement des services des visas. Je souligne, à cet égard, que les problèmes rencontrés cette année - dont le nombre a été insignifiant au regard du nombre de visas délivrés par nos postes diplomatiques - sont dus, pour une large part, à l'érosion constante des effectifs, qui nous a privés des moyens d'un encadrement sûr.

La formation constitue une autre priorité. A mon arrivée au ministère, j'ai constaté que d'excellentes formations étaient dispensées mais qu'elles n'étaient pas systématiques si bien que l'on pouvait parfaitement devenir directeur ou ambassadeur sans s'être soumis à des sessions de formation continue. La formation ne doit être considérée ni comme un pensum ni comme une vexation, et chaque agent doit pouvoir en bénéficier. Une telle politique suppose des moyens, qui figurent dans ce budget. La formation concernera aussi les personnels recrutés localement, qui constituent 70 % du réseau d'exécution, et qui devront également être mieux rémunérés. Une dotation est prévue à cet effet. Enfin, un Institut diplomatique va être créé, comme je m'y étais engagé.

Ce projet marque une nouvelle étape de la déconcentration du ministère, qui aboutira à une gestion plus simple et plus efficace.

Le Président François Loncle - Je salue la présence parmi nous de M. Didier Migaud, Rapporteur général du budget.

M. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie - L'économie mondiale sera sans nulle doute affectée par les conséquences des attentats commis le 11 septembre aux Etats-Unis, et les pays en développement seront les premiers touchés. Il est donc plus que jamais indispensable de poursuivre les actions de coopération et d'aide au développement, sans céder à la tentation de les reléguer au second plan. Il le faut d'autant plus que la mondialisation suscite des critiques qui risquent de creuser l'incompréhension entre le Nord et le Sud. Dans un tel contexte, la coopération doit être considérée pour ce qu'elle est : l'un des outils nécessaires à la construction d'un monde plus sûr et plus équitable.

C'est le point de vue que nous faisons valoir dans les instances internationales et chacun connaît l'impulsion que la France a donnée à l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, annulation à laquelle elle s'est engagée à participer pour 10 milliards d'euros. La France approuve, par ailleurs, la perspective de l'assouplissement des critères de « soutenabilité de la dette », pour tenir compte de l'aggravation vraisemblable de la situation des pays les plus endettés. D'autre part, la contribution de la France au Fonds mondial santé-sida continuera de progresser avec 150 millions d'euros supplémentaires sur 6 ans, de même que sa contribution au Fonds mondial pour l'environnement.

Sur le plan européen, la France participe à hauteur de 24 % au budget du FED. L'Agence européenne est désormais opérationnelle et sa concentration se poursuivra. Au 1er novembre, cinq délégations couvrent huit pays ACP. Le transfert au budget de la coopération de la contribution de la France au FED marque notre volonté d'accroître notre influence politique sur son usage. Vous constaterez que 3,358 milliards d'euros sont inscrits en AP, et 218 millions seulement en CP. Cet écart considérable crée une très grande incertitude, et nous comptons sur votre Commission pour que les abondements éventuellement nécessaires soient votés.

S'agissant de la coopération bilatérale, le projet prévoit 129 millions d'euros de mesures nouvelles. J'espère ne devoir constater aucune annulation. Au total, les crédits de la DGCID s'établissent à 1,4 milliard d'euros à structure constante, en progression de 1,8 %. Cette tendance devrait se confirmer.

Dans ce contexte, le projet de budget exprime nos priorités. Concernant celles de l'Agence française de développement, une lettre de mission adressée au nouveau directeur général vient de les fixer : promotion d'un développement économique stable et efficace, respectueux de l'environnement et plus soucieux de cohésion sociale. D'autres priorités sectorielles concernent la lutte contre la pauvreté, contre les inégalités et pour le développement durable : santé primaire, lutte contre le sida et le paludisme, enseignement et formation professionnelle, ressources en eau, aménagement urbain. Concernant enfin l'organisation de l'Etat, nos priorités sont le soutien à l'état de droit et aux droits de l'homme, la bonne gouvernance, la stabilité de l'environnement économique, les réformes institutionnelles.

Pour réaliser ces objectifs la modernisation de nos instruments se poursuit. C'est par exemple la réforme de l'assistance technique, avec la stabilisation des crédits et la création d'une ligne souple pour financer le développement d'expertises de courte ou moyenne durée. C'est encore la promotion de la coopération non gouvernementale dont les moyens progressent de près de 6 millions de francs, en particulier au bénéfice de la coopération décentralisée et des associations de solidarité internationale. Les crédits de paiement du fonds de solidarité prioritaire sont abondés de 35 millions de francs, soit 5,4 millions d'euros alors que les autorisations de programmes sont réduites de 15 millions d'euros pour mieux les ajuster aux crédits de paiement. Une enveloppe particulière de 7,6 millions d'euros est créée pour les projets dits « mobilisateurs » du FSP. Un article est créé au titre 1er pour les opérations exceptionnelles liées aux sorties de crise : doté de 7,6 millions d'euros, il comble un vide budgétaire en assurant la continuité entre les situations financées par le fonds d'urgence humanitaire et l'aide au développement.

Le projet de budget apporte des moyens supplémentaires pour la bataille des idées. La programmation des crédits de la coopération et de l'action culturelles traduit nos objectifs dans ce domaine : rénover notre réseau culturel, soutenir la pensée française dans la bataille des idées, former les élites mondiales, développer l'audiovisuel extérieur. Ainsi l'AEFE bénéficie de 4 millions d'euros de mesures nouvelles et les centres culturels de 3 millions d'euros, ce qui répond aux suggestions de votre collègue, M. Yves Dauge. Des bourses d'excellence permettront aux meilleurs élèves des lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en France. Nous aidons à la diffusion des revues françaises. Les opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure voient leurs moyens accrus de près de 4 millions d'euros, ce qui permettra notamment de reconfigurer la position de TV5 sur le continent américain.

A beaucoup d'égards, ce projet est l'aboutissement de la logique de réforme et de fusion que nous avons mise en _uvre avec M. Hubert Védrine. Je pense notamment à l'adaptation des dispositifs d'assistance technique, au dispositif de sortie de crise, à la fusion de la coopération culturelle et scientifique et de la coopération technique et au développement dans un grand chapitre global : la mise en _uvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances exige en effet l'adoption de cadres qui permettent une meilleure lisibilité du budget et une meilleur traçabilité des dépenses d'APD. Au total, la programmation des crédits de coopération et d'action culturelle, la poursuite de la modernisation des instruments, le développement de mécanismes financiers nouveaux nous donnent les moyens de traduire les axes prioritaires de notre politique de coopération, pour un monde plus stable et plus équitable.

M. Yves Tavernier, Rapporteur spécial de la Commission des finances pour les affaires étrangères - A l'évidence, ce budget n'est pas un budget prioritaire. Certes le temps semble révolu où le ministre, entre 1994 et 1997 jugeait son efficacité à la réduction de ses moyens. Après une saignée qui a supprimé 9 % des effectifs en 10 ans, soit 895 emplois, l'heure est à la stabilité, diront les optimistes, à la stagnation, diront les réalistes : à structure constante, le budget augmente de 1,3 %, comme les prix à la consommation. Les crédits des affaires étrangères représentent 1,37 % du budget de l'Etat en 2001. C'est mieux que l'an dernier, avec 1,28 %, mais nous sommes loin de l'âge d'or de 1992-93 où ce taux atteignait 1,68 %.

Il est vrai que le budget du Quai d'Orsay ne représente qu'une partie des moyens d'action extérieurs de la France. L'effort national total, incluant les comptes spéciaux du Trésor et la contribution française à l'action extérieure de l'Union européenne, s'élève à 8,92 milliards d'euros, soit 58,51 milliards de francs, en hausse de 4,68 % par rapport à 2001.

Telles sont les données budgétaires. Mais elles ne correspondent pas exactement aux dépenses réellement effectuées, en raison de l'effet change-prix. Une grande partie des dépenses est libellée en dollars : rémunérations des personnels et contributions internationales obligatoires. Toute erreur de prévision initiale sur le cours du dollar entraîne des ajustements. Bercy prend ces derniers en compte pour les rémunérations, mais non pour les autres dépenses. Ainsi le projet de budget est présenté de façon biaisée. Pour 2002 le cours du dollar a été fixé à 7,05 francs, alors que le taux pondéré du dollar pour les trois premiers trimestres de 2001 s'élève à 7,35 francs. Si ce taux devait être observé en 2002, les crédits correspondants s'en trouveraient réduits de 4 %.

Dans des conditions budgétaires difficiles, le ministère des affaires étrangères a poursuivi son effort de modernisation : réforme de la gestion financière, poursuite de la déconcentration, simplification des procédures, modernisation des outils informatiques et de communication, rigueur accrue dans la passation des marchés. Cet effort est contesté par la direction du budget du ministère des finances, notamment pour la gestion immobilière. Certes la suspicion est une seconde nature à la direction du budget ; mais elle est tellement systématique dans l'appréciation qu'elle porte sur la gestion des crédits des affaires étrangères qu'on s'interroge sur le rôle excessif qu'elle joue dans l'attribution des moyens nouveaux, notamment des moyens de fonctionnement. J'ai donc décidé d'auditionner à plusieurs reprises cette année la direction du budget.

Les moyens de fonctionnement, qui représentent 41,2 % du budget, progressent de 2,8 %. Les emplois diminuent de 5 unités : trois suppressions et deux transferts vers les services généraux du Premier ministre. Les demandes présentées par le Quai d'Orsay n'ont pas été retenues ; je crois utile de les mentionner ici. Pour l'Algérie, à la suite de l'ouverture de trois centres culturels et pour assurer la reprise de nos activités consulaires, le Quai demandait 21 postes pour le Consulat, 24 pour la sécurité, et 6 emplois contractuels : tous ont été refusés. Il demandait d'autre part la création de 20 postes consulaires dans les pays sensibles, conformément aux conclusions de mon rapport sur les services des visas ; le remplacement des CSN informaticiens par 10 emplois contractuels ; et la création de 3 postes d'assistantes sociales, préconisée par la sénatrice Monique Ben Guiga. L'opposition du ministère des finances à ces demandes ne me semble pas justifiée, même s'il y sera pourvu par redéploiement ; je la crois préjudiciable aux intérêts de la France.

Concernant les frais de réception et de voyages exceptionnels, la Cour des Comptes s'est interrogée sur la portée de l'autorisation parlementaire dans l'ouverture des crédits. Pour 2002 il est proposé de reconduire ceux de 2001 : cela ne correspond pas à la réalité des besoins.

Pour les investissements immobiliers, qui ont connu une forte progression en 2000 puis une réduction en 2001, il est proposé une augmentation de 14,7 % des crédits de paiement. Les interventions de politique internationale, qui ont connu une forte progression de 27 % l'an dernier, sont stabilisées pour 2002 avec plus 0,8 %. Les contributions au financement des opérations de maintien de la paix atteindront 1,163 milliard de francs, en légère baisse par rapport à 2001. J'insisterai sur nos contributions volontaires, essentiellement destinées aux programmes et aux fonds des Nations unies. Elles passeront de 557 à 564 millions de francs, soit une légère hausse de 1,26 %. Rappelons qu'elles avaient chuté de 67,3 % entre 1990 et 1998. Je me réjouis de cette progression pour la troisième année consécutive. Elle situe cependant la France au douzième rang mondial, ce qui est peu glorieux. Pour préserver notre influence, et assurer notre présence dans les conseils d'administration, il aurait suffi d'accroître nos contributions de 62 petits millions de francs. Le ministère des affaires étrangères l'a souhaité. Je regrette qu'il n'ait pas été entendu.

Nous sommes passés du quatrième rang en 1995 au dix-huitième en 1997 parmi les contributeurs au Haut commissariat pour les réfugiés. Notre contribution au PNUD est trois fois moindre aujourd'hui qu'en 1993. Notre contribution au programme des Nations unies pour l'environnement n'est pas à la hauteur de nos ambitions.

Pour la quatrième année consécutive, le budget des affaires étrangères progresse légèrement en francs courants. Le coup d'arrêt à l'érosion des crédits et des effectifs est confirmé. Mais nous sommes encore loin de la reconquête annoncée.

La thèse de Bercy est simple et constante : la France possède un réseau surdimensionné par rapport à ceux des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, ou de l'Allemagne. Il faudrait donc supprimer de nombreux consulats, en particulier en Europe. A cette approche purement quantitative, il est urgent que le Quai d'Orsay apporte une réponse publique, transparente et argumentée. Le ministère des Finances reproche à celui des Affaires étrangères de ne pas avoir procédé aux arbitrages nécessaires. Selon Bercy, si l'on versait 17 % au FED au lieu de 24,7 %, nous pourrions être les premiers contributeurs au HCR. Ce jeu de ping-pong irritant devra être tranché. Est-ce au ministère des finances de définir la politique africaine de la France ?

Aussi bien, les moyens en jeu sont-ils extrêmement modestes. Pour que la France soit fidèle à sa tradition et soit à la hauteur de ses ambitions il manque 60 millions de francs à nos contributions volontaires aux Nations unies. Pour que la France tienne toute sa place dans le concert des nations il manque 220 millions, soit les 2/5èmes du montant du transfert d'un joueur de football au Real de Madrid ! Pour soutenir la politique internationale et de coopération de la quatrième puissance mondiale, pour défendre notre culture à travers le monde, les affaires étrangères disposent d'un budget à peine supérieur à celui des anciens combattants. Il est grand temps que les choix politiques déterminent les moyens, et non l'inverse.

Pour conclure, retenons néanmoins que ce projet de budget, en stabilisant les crédits, offre un espoir d'évolution. C'est pourquoi la Commission des finances a adopté les crédits du ministère des affaires étrangères.

Le Président François Loncle - Merci d'avoir respecté votre temps de parole à deux minutes près ; merci surtout pour la vigueur de votre intervention, qui sera bien utile et à nous et au ministère, tant vous avez dit des choses vraies, justes et fortes. Quant au Real de Madrid, nous inviterons Zinedine Zidane pour voir quelle contribution il pourrait nous apporter.

M. Pierre Brana, Rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères - Je ne reprendrai pas les analyses de mon collègue Tavernier, avec lequel je suis en plein accord.

Dans le domaine international, nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences des tragiques événements du 11 septembre. L'action diplomatique des Etats-Unis se caractérise par la concertation et la consultation, une attitude qui tranche avec les huit premiers mois de la présidence de George Bush, et qui est particulièrement positive. Après les attentats du 11 septembre, le monde est conduit à relire autrement l'histoire de l'après-guerre froide. Se sont produites alors une prolifération des armements et une augmentation du risque d'un terrorisme disposant d'armements massifs et de puissants moyens financiers provenant en particulier du trafic de stupéfiants. Cette relecture est d'autant plus traumatisante que l'ennemi est devenu inconnu : il s'agit de réseaux transnationaux face auxquels la dissuasion classique n'a pas de sens. S'y est longtemps ajoutée la complicité passive des Etats occidentaux. Aussi faut-il aller désormais vers un nouvel ordre international, fondé sur les valeurs d'humanisme, d'universalisme et de rationalisme. Cette démarche est déjà engagée. Ainsi la notion de droit d'ingérence s'est développée, et une cour pénale internationale est sur le point d'être mise en place. Sans doute reste-t-il beaucoup à faire pour établir une véritable justice internationale. Il ne s'agit nullement de renier la fonction de l'Etat, mais de faire en sorte que les frontières n'offrent plus de protection pour les criminels et n'opposent plus d'obstacle à la justice.

J'en viens au budget du ministère des Affaires étrangères, dont la stabilité des crédits pour 2001 a été présentée comme une grande victoire à son actif. Mais dès le 30 juin 2001, 250 millions manquaient à l'appel : 45 millions étaient annulés, 205 autres gelés. Les chapitres 42-11 et 42-12 relatifs aux dépenses d'intervention pour la coopération internationale étaient les plus touchés, avec 130 millions d'annulations et de gels. Ces décisions sont d'autant plus choquantes que nos postes ont été avertis très tard, par un télégramme en date du 27 juillet. Nos postes agissant de plus en plus en partenariat, on comprend l'impact de ces mesures sur la crédibilité de l'engagement français à l'extérieur. De plus c'est au moment où le ministère communique sur son projet de budget 2002, soulignant la priorité accordée à la coopération internationale et à l'aide au développement, que l'on demandait aux postes cet effort budgétaire. Ce qui est grave dans la concomitance de ce double discours, c'est l'amertume et le découragement que sa répétition annuelle provoque chez ceux qui travaillent sur le terrain au service de notre pays. Leur travail mérite le respect, dont la première expression consisterait à ne pas les obliger à se déjuger.

L'évolution du dollar en 2001 a provoqué une perte au change estimée à 0,75 % par rapport au budget initial. Or les crédits de fonctionnement et d'intervention ne font pas l'objet d'une compensation, ce qui est scandaleux. Aussi demandons-nous la compensation intégrale de l'effet de change sur la totalité des crédits du ministère des affaires étrangères.

Nous avons constaté que la protection consulaire que nous offrons à nos compatriotes à l'étranger était bien plus importante que celle de nos partenaires. Il en découle pour nos agents une forte charge de travail, comme nous l'avons observé à Vilnius et Riga. Les services proposés dans nos consulats sont parfois plus importants que ceux délivrés par la mairie d'une petite commune de France. Il faut tenir compte de ce choix ambitieux.

Cependant la fermeture de certains consulats peut être envisagée, essentiellement dans l'Union européenne. Une réflexion est en cours sur des mécanismes de coopération consulaire entre les Etats de l'Union pour leurs ressortissants. Nous y sommes très favorables.

Il nous a été signalé une multiplication des questionnaires destinés à obtenir des réponses qui sont déjà connues des services centraux. Voilà qui alourdit inutilement la charge de travail de nos postes.

Sur les moyens d'action, je renvoie à l'intervention de M. Yves Tavernier.

En conclusion, les priorités dégagées dans ce budget sont de nature à renforcer les instruments d'influence de la France dans le monde. C'est en quoi ce budget est bon. Le ministère a réussi à mener à bien une importante réforme. Aujourd'hui, ce dont il a le plus besoin, c'est de continuité. Je regrette d'autant plus que l'on n'ait pas jugé utile de dégager les 200 millions nécessaires. Mais je connais la difficulté des arbitrages budgétaires.

M. Maurice Adevah-Poeuf, Rapporteur spécial de la Commission des finances pour la coopération - Ce budget est très mauvais... mais c'est le moins mauvais depuis dix ans (Sourires). Certes, il stagne, mais il permet de satisfaire des demandes très anciennes. Pour reprendre l'image de Christian Sautter de l'édredon qu'il faut faire entrer dans la valise, nous regrettons que la partie qui y tient demeure insuffisante.

La coopération est maintenant dans sa troisième année de réforme et le nouveau chapitre 42-15 rend les actions du ministère plus efficaces et plus rapides. Cela va dans le bon sens, même si l'édredon y laisse quelques plumes au passage. Cette réforme traduit le passage progressif d'une culture de la culpabilité-complicité de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies à une culture de la co-responsabilité entre le nord et le sud. Je souscris à cette orientation, même si elle comporte quelques risques de dilution des interventions françaises dans un cadre multilatéral de plus en plus libéral et si elle entraîne une érosion de la valeur ajoutée France dans les politiques de coopération.

La culpabilité-complicité n'a toutefois pas fini de produire ses effets. Ainsi, l'aide française est de 400 dollars par habitant au Congo et à Djibouti et de 26 dollars seulement au Bénin et au Mali, Etats pourtant convenablement démocratiques et dépourvus de ressources naturelles. Je souhaite donc que la réorientation aille un peu plus vite.

Il convient par ailleurs de saisir l'occasion de redéployer nos moyens en faveur d'un véritable développement, c'est-à-dire un développement économique et non une simple lutte contre la pauvreté, qui marque d'ailleurs une reconnaissance des échecs des politiques passées.

L'initiative en faveur des pays pauvres très endettés est une chance pour la coopération française et pour ses partenaires locaux. On peut toutefois se demander qui va la mettre en _uvre. Ainsi, le Cameroun va recevoir 600 millions de francs en 4 ans pour l'éducation, la culture et la santé, mais on peut s'interroger sur sa capacité à les mobiliser dans la mesure où il ne parvient à engager que 20 % de son propre budget.

La valeur ajoutée de la France, c'est d'abord ses personnels. Or l'assistance technique est en érosion constante et le service national a disparu par anticipation. C'est une bonne chose pour nos jeunes, mais une catastrophe pour la politique de développement, le volontariat civil n'étant nullement en mesure de se substituer aux VSNA. Les Volontaires du progrès sont aussi en grande difficulté et il faudrait trouver au plus vite un accord avec l'association.

On compte 5 850 recrutés locaux. La France a les moyens de les augmenter, mais elle n'a aucune politique de rémunération. Par ailleurs, il n'y a plus assez de fonctionnaires capables de travailler avec nous dans les pays où nous intervenons. Si l'on appliquait à la France les ratios que le FMI et la Banque mondiale imposent aux pays en développement, il n'y aurait chez nous que 300 000 fonctionnaires, fort mal payés, et non 3 millions, bien rémunérés. Avec quels partenaires publics allons-nous monter les contrats de désendettement-développement s'il n'y a plus assez de fonctionnaires locaux, si nous les débauchons et s'ils sont si mal payés que cela peut conduire certains à des pratiques condamnables ?

Il y a aussi quelque difficulté à faire cohabiter des expatriés, payés selon leur statut, des résidents, payés aussi selon leur statut, et des recrutés locaux, qui gagnent parfois trois fois plus qu'un directeur d'administration centrale dans leur pays, mais trois fois moins que la secrétaire résidente qui travaille à leurs côtés. Nous avons donc bien créé un désordre et provoqué un vide chez nos partenaires, il convient d'y remédier par une vraie politique de rémunérations.

La Commission des finances a adopté hier matin, sur ma proposition et à l'unanimité, l'ensemble des crédits de la coopération tout en souhaitant qu'ils soient revalorisés, compte tenu de la modicité des enveloppes en cause.

M. Bernard Cazeneuve, Rapporteur pour avis de la Commission de la défense pour les affaires étrangères et la coopération - Trois aspects de ce budget intéressent plus particulièrement la Commission de la défense : l'ONU et les opérations de maintien de la paix, la coopération militaire et de défense, l'Europe de la défense. La Commission de la défense n'examinera ce budget que dans deux semaines, je ne puis donc en rapporter ici l'avis, mais je me réjouis de pouvoir poser quelques questions aux ministres.

Après plusieurs années de crise, la réorganisation du département des opérations de maintien de la paix et une meilleure définition des conditions d'engagement des forces ont permis une reprise des opérations conduites par l'ONU. En Sierra Leone, au Congo, en Ethiopie et en Erythrée, au Kosovo, les opérations menées, dans des conditions parfois très difficiles, connaissent de réelles réussites. Cela entraîne une augmentation considérable des dépenses de l'ONU, les appels de cotisations étant passés, pour la France, de 54 millions de dollars en 1998 à 230 millions en 2001.

En 2000, l'appel initial avait été de 80 millions de dollars. Pour honorer l'appel final, de 167 millions, il avait fallu une provision complémentaire en loi de finances rectificative et la France s'était ainsi trouvée en retard de cotisations, contribuant ainsi, malgré elle, aux difficultés financières de l'ONU. L'activité de maintien de la paix apparaissant stable, on peut se demander si l'appel initial pour 2002, de 165,7 millions de dollars, sera suffisant. Si tel n'est pas le cas, le ministère a-t-il prévu les moyens d'éviter des retards dans ses règlements ?

On peut se demander par ailleurs si le règlement annoncé par les Etats-Unis de leur arriéré de cotisations à la suite de la diminution de leur quote-part pourrait aboutir à une remise en cause de la reprise des opérations de maintien de la paix et à un blocage de certaines opérations sensibles.

Ma deuxième question concerne la contribution de votre département à la coopération militaire. Les actions conduites par l'ancienne mission militaire de coopération ont été transférées au ministère des affaires étrangères. En 1998, il a été décidé de redéployer 10 % des crédits vers les pays autres que les pays traditionnels dits « du champ ». Pendant trois ans, la mise en _uvre a été correcte. Cependant, pour 2002, on note une diminution de 5,6 % des crédits de coopération militaire. S'agit-il d'une diminution conjoncturelle ou d'une nouvelle orientation ? Dans ce dernier cas, le soutien militaire aux armées africaines, qui paraît essentiel pour le maintien de la paix en Afrique, ne sera-t-il pas remis en cause ? Enfin, la coopération militaire bilatérale ne mériterait-elle pas plus de soutien ?

Ma dernière question concerne la création d'une identité européenne de sécurité et de défense. Pouvez-vous faire le point sur le caractère opérationnel des instances de décision ? Merci de vos réponses sur des sujets qui nourriront utilement le rapport pour avis que je présenterai devant la Commission de la défense.

M. Jean-Yves Gateaud, Rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères pour la cooopération - Il faut toujours replacer l'action de coopération dans le contexte de la mondialisation. Ceux qui l'ignorent ou qui veulent passer outre viennent de se voir opposer un démenti brutal par la réalité. Le nord concentre la richesse du monde, les pays les plus pauvres du sud ne rassemblent que 1 % de la richesse mondiale. Ce n'est certes pas ce qui motive les actions de Ben Laden, mais notre politique de la coopération ne peut pas en faire abstraction. Le long terme doit toujours primer sur le conjoncturel. En d'autres termes, l'aune électorale n'est pas adaptée. Nos rapports avec les pays du sud exigent du temps, et le budget de la coopération doit suivre.

En ce qui concerne les crédits de la coopération et de l'aide au développement, l'essentiel est sauvé. Ce qui ne veut pas dire que nous y trouvions les améliorations attendues. Seule la progression de ces crédits jusqu'à 0,7 % du PIB nous donneront les moyens de nos ambitions. Le budget de la coopération ne fait pas partie des priorités du Gouvernement mais il n'en a heureusement pas souffert. Les crédits d'intervention, ceux de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, du Fonds de solidarité prioritaire, et de l'Agence française de développement augmentent. Si l'on considère la modification de l'inscription des crédits, le budget pour 2002 est quasiment stable. Le pire a donc été évité, mais on est loin du mieux. On peut donc se féliciter que dans un cadre aussi strict, des mesures nouvelles aient été prises et qu'elles répondent aux recommandations des rapports parlementaires. Ainsi, suite au rapport décapant concernant les centres culturels français à l'étranger, des crédits sont attribués aux établissements culturels et de recherche. Un effort particulier sera consenti pour l'accueil des étudiants étrangers en France et pour diffuser les publications auprès des universitaires et chercheurs francophones.

D'autres crédits permettront à TV5 d'élargir son audience notamment sur le continent américain. Il suffit de se rendre en Tunisie, où France 2 a été supprimée, pour voir que notre couverture audiovisuelle a encore beaucoup de progrès à accomplir. La création d'une ligne pour les opérations de sortie de crise se fait par redéploiement. De même, la fusion des chapitres de coopération et de développement est une innovation qui favorise la cohérence de notre politique. Un appui accru aux activités extérieures de la société civile et le maintien des moyens d'assistance technique viennent compléter ces mesures nouvelles. Les marges de man_uvre sont modestes mais la lisibilité de notre politique de coopération s'en trouve cependant renforcée.

Si l'inscription de notre contribution au Fonds européen de développement dans le budget des affaires étrangères permet de valoriser notre effort, les crédits ne sont pas augmentés, notamment ceux de l'aide publique au développement. C'est là le point le plus faible du budget. Avec une part de l'aide publique de 0,34 % du PIB en 2001, contre 0,32 % en 2000 et 0,39 % en 1999, nous sommes encore très loin du niveau du milieu des années 90. La remontée amorcée en 2002 reste insuffisante par rapport à l'objectif de 0,7 %. Nous ne pouvons nous en satisfaire, même si nous restons nettement devant les grands pays développés en pourcentage : en volume, nous ne sommes déjà plus qu'au cinquième rang.

Une volonté politique forte place la France au premier rang des politiques multilatérales. Ainsi, nous contribuons à l'allègement de la dette des pays les plus surendettés au-delà de nos engagements internationaux, notamment au moyen des contrats de développement et de désendettement, moyen original qui permet de réinvestir sur place les sommes remboursées. J'aimerais à ce propos savoir sur un plan strictement technique comment ces sommes sont comptabilisées. La France est également au premier rang dans la lutte contre le sida. La prise de conscience internationale a enfin eu lieu, mais la France a agi plus vite - dès 1985 - et plus fort. En 1997, elle a créé le Fonds de solidarité thérapeutique international et va accroître sa contribution financière de façon considérable. Nos budgets de la coopération et de l'aide publique doivent être mis au diapason de ces deux actions exemplaires.

La réforme de nos politiques plaide pour un tel accroissement des moyens. La fusion des deux administrations a été réussie. Des inquiétudes concernaient la baisse du nombre des postes, qui a été de 75 % entre 1991 et 2001. Toutefois, une ligne a été ouverte en 2002 pour des créations de postes et semble montrer votre volonté de ne pas descendre plus bas. Une autre priorité est d'élargir notre offre d'enseignement. La tendance à la baisse du nombre des étudiants étrangers en France est enrayée. Il était d'ailleurs temps de réagir dans le domaine des bourses. Le nombre des mensualités avait dramatiquement baissé et montrait la dégradation du système. Cette tendance est inversée depuis deux ans avec une augmentation de la durée des bourses et la création de programmes particuliers. Il reste à confirmer ce mouvement. L'avenir de la coopération passe aussi par une meilleure conditionnalité des aides issue de la volonté de voir respecter les règles de la bonne gouvernance et les droits des personnes. Le Haut conseil de la coopération internationale en a recensé plusieurs centaines. C'est dire la difficulté de les rendre efficaces. Tout aussi inefficaces sont les politiques de sanction. Le Haut conseil plaide donc pour une approche contractuelle et pour des règles plus souples.

En tout cas, la définition par la France de cette conditionnalité des aides est toujours très attendue, par exemple en Côte d'Ivoire et en Tunisie. Elle devra forcément passer par les droits de l'homme et surtout de la femme : le développement n'est pas possible sans l'éducation des jeunes et l'émancipation des femmes. Sur ce dernier point, l'action des ONG et de l'Europe progresse très rapidement, selon notamment ce que les anglo-saxons appellent « la santé de la reproduction » qui recouvre la lutte contre le sida et celle contre les mutilations génitales féminines. Le Parlement européen a adopté une résolution sur ce sujet et notre pays ne peut pas s'abstenir d'aborder le sujet. Dans certains pays africains, 90 % des femmes sont mutilées et certains vont jusqu'à plaider pour la médicalisation de ces pratiques. Ils placent le problème sur le seul terrain de la santé publique et non de l'intégrité des personnes. Agir sur la conditionnalité sera aussi utile qu'agir par des moyens financiers. Mais nous aurons aussi besoin de partenaires . En effet, l'avenir de la coopération passe par les ONG. Aujourd'hui, 1 % de notre aide publique au développement est géré par elles, contre 5 % pour les pays nordiques. Pourtant, elles savent agir au plus près des populations concernées. Les programmes interassociatifs et le regroupement des organisations de solidarité internationale en coordination répondent à l'éparpillement des acteurs et des projets. Les ONG sont en tout cas devenues les partenaires indispensables de la coopération d'Etat.

Après les attentats du 11 septembre, les problèmes demeurent, mais la nécessité de les régler est devenue plus évidente. Dans ce contexte, la poursuite de notre politique de coopération et d'aide au développement est plus indispensable que jamais. Le budget 2002 est relativement stable ; notre pays devra donc se donner les moyens financiers de ses ambitions, mais ce sera l'affaire de la prochaine législature. Commençons par voter ce projet : c'est ce que je suggère à la Commission.

M. Patrick Bloche, Rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Certes, l'examen des crédits qui nous sont soumis peut conduire à exprimer des insatisfactions. On constate cependant que les priorités seront poursuivies en 2002. Il en est ainsi du réseau des établissements culturels à l'étranger, à propos desquels les recommandations de notre collègue Dauge ont commencé d'être appliquées. Leur carte et leurs missions ont été révisées, ce que l'on ne peut qu'approuver, même si les délégations parlementaires en visite à l'étranger doivent, à cause de cela, essuyer quelques critiques... Le projet prévoit d'autre part un effort particulier en faveur de l'enseignement du français à l'étranger, ce qui est bien. On constate également le retournement d'une funeste tendance, avec l'accroissement des crédits consacrés à l'accueil des étudiants étrangers en France, dont 22 000 bénéficient de bourses du ministère. L'audiovisuel extérieur bénéficie d'un appui accru, et la réforme de TV5-Amérique est en voie d'achèvement. L'occasion m'est donnée de saluer le travail remarquable accompli par Jean Stock à la tête de cette chaîne de télévision.

S'agissant de la francophonie multilatérale, dont le budget s'élève à 1,2 milliard de francs - et auquel la France contribue pour les deux tiers - on se félicitera du regroupement et de la contractualisation engagés.

J'exprimerai cependant le regret que les crédits aient été gelés en 2001, ce qui a conduit à l'annulation des nombreuses manifestations artistiques dans les antennes culturelles françaises à l'étranger. A cet égard, je souhaite que les crédits de l'AFAA fassent l'objet d'une attention particulière.

Nul n'ignore que Mme Yvette Roudy a traité de la Francophonie et des droits de l'Homme. Je vous renvoie, à ce sujet, au rapport complémentaire que j'ai soumis à la Commission des affaires culturelles, et qui récapitule les instruments dont dispose la francophonie multilatérale pour contribuer à la promotion des valeurs démocratiques. Sous l'influence de M. Boutros Boutros-Ghali, la francophonie institutionnelle s'est dotée d'instances spécifiques, telles que la Délégation aux droits de l'homme ou l'Observatoire de la démocratie et des droits de l'homme, et elle participe à l'observation d'élections dans certains pays francophones, en y déléguant des missions. On sait les limites de telles interventions, mais au moins ont-elles le mérite d'exister. De même, les instances francophones dépêchent des « facilitateurs » dans les zones de conflits qui relèvent de son influence culturelle. La francophonie institutionnelle bénéficie d'atouts incontestables, dont le moindre n'est pas son fonctionnement égalitaire, et les débats qui se déroulent en son sein ignorent la langue de bois. On se félicitera de l'existence de ce forum, même si des efforts doivent encore être accomplis pour concilier au mieux raison d'Etat et valeurs démocratiques. A cette fin, la Déclaration de Bamako, qui instaure un système de sanctions, devrait être appliquée avec davantage de vigueur. De même, la francophonie institutionnelle est apparue bien timorée à propos des graves sujets que sont l'esclavage des enfants ou le statut des femmes.

Plus largement encore, la Francophonie devrait intensifier ses efforts en faveur de la scolarisation. A dire vrai, ce devrait être la priorité absolue des instances francophones, qui ne peuvent se satisfaire que le Sénégal, la Guinée, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, tous pays de la sphère francophone, soient ceux où le taux de scolarisation est le plus faible du monde. Nul doute que la lutte contre l'intégrisme et l'apprentissage des valeurs démocratiques passent par l'éducation. La scolarisation est donc un facteur de démocratisation.

M. Georges Hage, Rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Ce monde est inhumain, et la recherche du profit maximal fait qu'il marche à l'envers : tout, y compris la personne, est devenu valeur marchande. Mais cela ne doit pas empêcher de rêver les yeux ouverts et de penser pouvoir réintroduire le merveilleux si la pensée unique est refusée, si la lucidité l'emporte, si aucune voix ne reste silencieuse et si le droit des peuples à s'enrichir par de multiples échanges est respecté.

La présidente de la Commission de la culture et des médias du Bundestag le soulignait avec raison : la mondialisation engendre de nombreux effets d'ordre culturel ; le ciment traditionnel des Etats nationaux se délite, et le dialogue interculturel n'en est donc que plus important aujourd'hui. C'est pourquoi, tout en condamnant le néolibéralisme dominant, j'appelle de mes v_ux le libre échange des richesses spirituelles, qui seules se multiplient en se partageant, comme le révélait une parabole célèbre.

Je pense donc qu'un sursaut de l'action culturelle extérieure de la France, malmenée par la mondialisation, s'impose. S'il est connu au moins depuis Karl Marx que l'impérialisme dominant tend à imposer sa langue, et s'il est vrai qu'un immense ressentiment existe en ce bas monde à l'encontre du fait politique dominant qu'est l'impérialisme américain, ce qui n'est pas étranger au terrorisme, il ne s'agit pas de faire de l'anti-américanisme primaire. Mais il faut souligner que d'autres puissances, comme la France, la Russie, la Chine ou l'Inde, ont les moyens de répondre, notamment sur le terrain de la langue et de l'influence culturelle. La langue, premier vecteur de la civilisation et de la culture, est le premier acte de la résistance. Défendre notre langue est vital pour notre identité, et relève de la responsabilité de chacun, à commencer par ceux qui agissent sur la scène internationale. Plus largement, il faut encourager la préservation des identités culturelles et linguistiques du monde entier.

Cela requiert un effort budgétaire en faveur de la coopération culturelle. Cet effort surgit enfin, après plusieurs années de sacrifices, puisque le Ministre des affaires étrangères annonce 14,7 millions d'euros de mesures nouvelles. Elles concernent l'AEFE, les établissements culturels et de recherche à l'étranger, les bourses d'excellence majors, la diffusion de la pensée française et l'audiovisuel extérieur, essentiellement TV5 Amérique. Même s'il reste des efforts à faire, le ministère semble avoir pris la mesure de sa faiblesse, en partie avec l'aide des parlementaires, et s'être donné les moyens de ses priorités. Plus globalement, il a enfin réussi à préserver les moyens de la direction générale de la coopération internationale et du développement, qui servaient jusqu'à présent de variable d'ajustement. C'est pourquoi je recommande l'adoption des crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie, pour encourager le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.

Le Président François Loncle - Nous passons maintenant à l'expression des groupes.

M. Jean-Bernard Raimond - Le budget du ministère des Affaires étrangères, qui s'élève à 3,63 millions d'euros, présente toujours la même difficulté : il est trop faible, bien qu'il représente 1,36 % du budget général. Compte tenu de la diversité de ses missions, les orientations que vous avez retenues, Messieurs les ministres, ne sont pas critiquables en elles-mêmes, mais au regard des objectifs. L'augmentation des crédits sera de 1,3 % en 2001, ce qui est plus faible que l'an dernier. Vous avez privilégié le rayonnement de la France et de la francophonie, et notamment les établissements culturels et l'audiovisuel : c'est une activité qui pouvait bien justifier une augmentation des crédits.

Je me limiterai à ce qui m'apparaît comme le c_ur même de l'action du ministère. Les événements du 11 septembre imposeraient une augmentation des moyens des services. Il est vrai que vous avez insisté sur la modernisation du ministère, qui est indispensable, et que depuis quelques années vous avez donné un coup d'arrêt à la diminution des emplois. Mais une mission essentielle, que le ministère des affaires étrangères est presque seul à remplir, est l'information sur les pays étrangers et l'analyse de leur vie politique. Les renseignements que recueillent les agents du ministère et leurs jugements sur les tendances politiques des différents pays sont aussi importants que le travail des services des renseignements.

De plus, à la suite des attentats du 11 septembre, la situation internationale joue désormais un rôle central dans la politique générale des Etats, comme l'a bien souligné M. Tavernier. Je crois donc utile d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'excessive faiblesse des crédits des affaires étrangères, malgré les demandes justifiées du Ministre.

Les événements du 11 septembre présentent une telle gravité que nous avons l'impression d'avoir changé de siècle et de monde. En réalité la date historique demeure 1989, avec l'effondrement du totalitarisme soviétique et la fin de la guerre froide. Avec la crise actuelle, c'est l'avenir immédiat qui devient indiscernable. Il ne s'agit pas d'une guerre de religion de l'islam contre la chrétienté : le terrorisme a une couverture religieuse, mais il n'a que des objectifs politiques. Et il ne vise pas les seuls Etats-Unis, ni même l'Occident, mais tous les peuples, y compris le monde arabo-musulman. Dans l'hypothèse la moins pessimiste, il s'agit d'une alerte : nous n'avons pas su définir une stratégie rationnelle pour l'après-guerre froide. Si les actes du 11 septembre n'étaient pas imaginables, la menace en revanche était prévisible. Le 28 mai, devant la Commission de la défense, le Secrétaire général de la défense nationale, M. Jean-Claude Mallet appelait notre attention sur la situation en Afghanistan et au Pakistan. Il est de l'intérêt commun, disait-il, des Européens, des Américains et des Russes de surveiller ce double foyer de guerre et de propagation du terrorisme. Il ajoutait que des réseaux terroristes établis au Maghreb, en Asie centrale et en Europe, trouvaient des soutiens dans ces deux pays. La situation internationale, concluait-il, s'éloigne de plus en plus des termes de référence de la guerre froide.

Les événements du 11 septembre soulignent combien la bonne politique, depuis la fin de la guerre froide, était celle de l'ingérence et de l'intervention dans les conflits. Ce n'est pas que les causes du terrorisme soient à rechercher dans un conflit donné : l'attaque contre les Etats-Unis aurait eu lieu même si un règlement était intervenu au Proche-Orient, et personne n'est dupe de l'appel de Ben Laden à défendre la Palestine. Pour ce qui concerne en revanche les conflits locaux, il est satisfaisant de voir que les Balkans ont retrouvé un calme relatif, même si des problèmes demeurent irrésolus : le Monténégro, l'avenir du Kosovo et surtout la Macédoine. L'effort de médiation des Américains, des Européens et de l'OTAN, et l'appui russe ont permis d'éviter des dérives autrefois inévitables. On ne souligne pas assez la présence militaire des Russes depuis 1995 en Bosnie et depuis 1999 au Kosovo. Le rôle de la Russie est désormais central. Si le Président Poutine a pris clairement position contre le terrorisme, ce n'était pas seulement pour saisir l'opportunité d'effacer provisoirement son échec en Tchétchénie. Peut-être même ce rapprochement lui permet-il de résoudre un problème qui n'a pas fondamentalement de rapport avec le terrorisme. Qui aurait pu penser en effet, avant le 11 septembre, que le Président Poutine favoriserait la présence en Ouzbékistan d'un important contingent militaire américain ? C'est une décision spectaculaire. L'attitude de Vladimir Poutine depuis le 11 septembre traduit l'aspiration de Moscou à se rapprocher de l'ensemble européen ; elle s'inscrit dans la ligne suivie par les dirigeants soviétiques puis russes depuis 1985.

Toutes ces convergences révélées ou renforcées par le 11 septembre permettent peut-être une nouvelle approche pour mettre fin au conflit israélo-palestinien. Bill Clinton et Ehoud Barak avaient presque abouti à un accord partiel avec Yasser Arafat, mais ils ont échoué à relancer le processus de paix. Américains et Israéliens ont longtemps écarté les Européens de la table de négociation. Pourtant, quand l'Amérique aujourd'hui reconnaît implicitement la nécessité d'un Etat palestinien, elle a été précédée depuis longtemps par l'Europe sur ce point. Les Européens ont donc vocation à participer aux négociations. On pourrait aussi y associer la Russie, qui depuis 1990 a cessé de jouer le rôle négatif qui était celui de l'URSS.

Quant à l'Union européenne elle-même, elle apparaît absente dans le contexte actuel, alors que le terrorisme la vise aussi. Sans doute la Grande-Bretagne a-t-elle participé à la première phase de l'offensive ; sans doute le Président Chirac a-t-il exprimé un engagement résolu aux côtés des Américains. Mais l'absence d'une Europe politique et d'une Europe de la défense se fait cruellement sentir. Seule la capacité militaire de l'Union européenne donnerait une crédibilité à la politique extérieure et de sécurité commune.

Cependant, il serait injuste de ne pas souligner les progrès réalisés par l'Europe de la défense depuis la rencontre franco-britannique de Saint-Malo en 1998. Les Européens disposent déjà en commun de 60 000 hommes, d'une centaine de bâtiments et de 400 avions. Les sommets de Nice et de Göteborg ont marqué à leur tour des avancées décisives. Les nouveaux organismes mis en place depuis le début de l'année assurent ainsi une bonne gestion du conflit macédonien.

Au total, il semble qu'un point final soit mis à la période de la guerre froide. Il serait hasardeux de s'attendre à un conflit nord-sud. Les options stratégiques traditionnelles des Etats-Unis et de la Russie d'un côté, des Européens de l'autre, devraient se rapprocher, au profit d'une politique d'intervention et d'ingérence collectives dans des conflits qui s'éternisent. Les Etats-Unis devraient se rallier aux propositions formulées par Jacques Chirac sur une politique de défense et de sécurité commune, comportant un partage de la décision politique.

Face à des défis inédits, s'ouvre peut-être un avenir dans lequel les Européens, les Américains, les Russes et d'autres peuples agiront ensemble pour définir un siècle nouveau.

M. René Mangin - L'actualité internationale met en évidence le rôle prépondérant de la France dans les affaires du monde. Aussi le ministère des affaires étrangères doit-il être en état d'agir. De fait, il s'est engagé depuis 1999 dans un effort de modernisation. Avec 151 postes diplomatiques et consulaires, le réseau français est l'un des plus importants et doit le demeurer. Le rapprochement des services des affaires étrangères avec leurs homologues des finances est très positif. Nous apprécions aussi l'augmentation des crédits d'action sociale.

Pour éviter que la place de la France régresse dans le monde, nous devons consolider les moyens et stabiliser les effectifs du ministère. Il convient aussi d'attirer les étudiants étrangers, et c'est pourquoi nous approuvons la création récente de bourses d'excellence dans le budget pour 2002. Il convient aussi de soutenir les actions de coopération décentralisée, de relever les moyens accordés à nos centres culturels ainsi qu'aux services des visas dans les consulats et à ceux de la sécurité.

Les crédits accordés à l'audiovisuel extérieur augmentent de 2,3 %, tant au profit des chaînes existantes, en particulier TV5, que de nouvelles chaînes se créant par exemple en Afrique. Saluons la volonté d'améliorer la procédure de traitement des demandes d'asile. 15 millions d'euros sont consacrés à l'aide alimentaire programmée et 9 millions d'euros à l'action alimentaire d'urgence. L'expertise civile et technique n'est pas oubliée. Dans ce domaine, la France figure au premier rang avec, pour le FED, 218 millions d'euros en crédits de paiement.

Tout en regrettant que le budget des affaires étrangères représente moins de 1,5 % du budget général, les commissaires socialistes approuvent ces crédits.

M. Pierre Lequiller - Le groupe DL votera contre ce budget, qu'il juge trop faible. Sans doute apprécions-nous les efforts de modernisation du ministère, ainsi que l'amélioration de la formation et celle du statut des recrutés locaux. En revanche, la situation de notre enseignement à l'étranger nous inquiète. Notre système de lycées est insuffisamment diversifié, en particulier en direction des pays émergents en Asie. De plus, il est excessivement centré sur les Français de l'étranger, au détriment des populations locales ; la francophonie y perd beaucoup.

Je me félicite du développement de TV5 aux Etats-Unis. Je souhaiterais disposer de comparaisons avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne sur notre présence audiovisuelle à l'étranger. En voyageant, nous constatons la place importante occupée dans ce domaine par nos partenaires.

Même si la crise internationale actuelle n'est pas liée au contraste opposant les pays riches et les pays sous-développés, il est indispensable à long terme d'accroître l'aide extérieure au développement. Voilà des années que l'on se gargarise du chiffre de 0,7 % ! Mais nous en sommes toujours à 0,38 %. Il est de la vocation de la France de consentir un effort particulier, à l'instar de certains pays de l'Europe du nord. S'agissant du maintien de la paix, je voudrais savoir quelles conséquences concrètes sont tirées du rapport confié à M. Brahimi par l'ONU.

Je suis du même avis que M. Jean-Bernard Raimond : l'occasion nous est donnée de relancer l'Europe de la défense et de la sécurité. On peut regretter sur ce point que la récente réunion tenue à Bruxelles au sujet du mandat d'arrêt européen n'ait pas véritablement abouti. Il est urgent de parvenir à un accord, ainsi qu'à une définition commune du terrorisme. De même, dans le domaine de la sécurité extérieure, nous avons besoin d'une agence européenne de renseignements. Même si nous apprécions vos prises de position, Monsieur le Ministre, et celles de Joschka Fischer, nous regrettons que la voix de l'Europe ne se fasse guère entendre. Chaque pays de l'Union, à commencer par la Grande-Bretagne, paraît s'exprimer pour son propre compte. L'occasion est pourtant favorable pour faire avancer ces notions de défense et de sécurité communes. Je rejoins M. Pierre Brana sur la nécessité de faire progresser l'idée de créer des consulats européens au sein de l'Union et ailleurs dans le monde.

Telles sont nos observations. Au nom de notre collègue Ehrmann, je vous demande, suite à la modernisation du ministère promise en 1997, ce qu'il en est de la mobilité des personnels et de la gestion des ressources humaines.

Mme Marie-Hélène Aubert - Je m'exprime au nom des députés Verts, d'abord pour dresser un constat généralement admis : le budget des affaires étrangères est très faible, voire « riquiqui », par rapport aux enjeux et aux défis actuels. N'est-il pas un peu irréel de discuter de crédits si médiocres alors que la situation internationale est ce qu'elle est ? Nous croyons qu'il faut aujourd'hui sortir d'une vision par trop nationale, au profit d'un débat plus ouvert sur les objectifs de la politique française en 2002.

Il faut redéfinir nos objectifs au regard de la situation internationale et des progrès d'une forme de mondialisation très contestable. Il faut aussi renouveler nos pratiques démocratiques.

Certes, la Constitution donne une forte prééminence au Président de la République, mais elle peut être révisée afin d'associer davantage la société civile à la définition de la politique étrangère. Cela passe d'abord par un renforcement du rôle des élus. Il n'est plus acceptable que nous découvrions dans les médias les décisions prises, au nom de la France, face à des situations particulièrement graves. Au-delà de l'information du Parlement, c'est une véritable codécision qu'il faut promouvoir. Par ailleurs, je me réjouis de la présence, ce matin, de membres de la Commission de la défense, mais on ne peut continuer à dissocier affaires étrangères et défense, d'autant que les crédits engagés au titre de la loi de programmation militaire sont bien supérieurs à ceux des affaires étrangères. Nous plaidons donc en faveur d'une commission commune.

Donner plus de poids à la société civile suppose aussi que l'on écoute davantage les ONG. Des progrès ont été accomplis mais beaucoup reste à faire. Les acteurs économiques jouent également un rôle considérable, notamment les grandes entreprises multinationales qui influent sur notre politique étrangère et sur l'image de la France. Il n'est plus conforme à la réalité d'affirmer que les entreprises font de l'économie et les diplomates de la politique étrangère.

Nous avons aussi besoin d'outils transversaux et non sectoriels pour traiter les grands enjeux globaux de la paix, de la lutte contre la pauvreté, du développement durable. De ce point de vue, force est de souligner la faiblesse de nos moyens. Ainsi, le Bureau de l'Assemblée a regretté hier de ne pouvoir faire face à toutes les demandes de missions. D'autres parlements, comme le Bundestag, sont bien mieux lotis.

En ce qui concerne l'aide publique au développement, et le soutien affiché par la France à l'état de droit, je pense, comme M. Jean-Yves Gateaud, qu'il faut agir dans le long terme et non seulement quand l'actualité et des événements tragiques nous y poussent. Or l'incapacité à anticiper les crises et à assurer un suivi sont des caractéristiques de la politique française.

On peut aussi s'interroger sur la faible lisibilité de notre politique à l'étranger, voire sur ses contradictions. Comment ne pas s'étonner, alors que les élections au Tchad ont été marquées par une fraude massive, que le président ait été chaleureusement félicité pour sa réélection. Pourtant, nous plaidons régulièrement pour des élections transparentes... En Bosnie, c'est la faiblesse de notre aide bilatérale qui pose problème. Je ne pense pas par ailleurs que les affaires d'Elf en Afrique appartiennent à un passé totalement révolu. Et d'autres groupes français ont des agissements contestables. Ainsi Bolloré est impliqué dans la déforestation. Nos entreprises doivent se montrer plus respectueuses des droits de l'homme et de l'environnement.

Si nous sommes tous d'accord pour renforcer les moyens de la francophonie et du rayonnement de la France, on est souvent, là aussi, fort loin du combat pour les droits de l'Homme.

Je m'interroge également sur la pertinence de nos dispositifs militaires à l'étranger.

L'aide publique au développement est beaucoup trop faible, nous le disons chaque année, mais cela devient désespérant. Certes, nous ne sommes pas les seuls à réduire cette aide au profit d'une logique économique et commerciale, mais nous devons nous interroger sur la nécessité, dans le cadre d'une mondialisation mieux maîtrisée, d'un plan d'aide massive à tous les pays, notamment en Afrique, où la pauvreté est extrême. Comment croire que le plan « tout sauf les armes » de l'Union européenne est de nature à sortir les pays en développement de leurs grandes difficultés ?

Je n'exonère nullement leurs dirigeants de leurs responsabilités, mais les grandes puissances font preuve d'un cynisme déplorable. Après les terribles attentats du 11 septembre, plus personne ne peut penser que l'extrême pauvreté et les conflits n'ont aucune répercussion dans nos pays. Nous sommes confrontés à des difficultés liées à l'immigration, au crime organisé, au terrorisme, qui nous empêchent de fermer les yeux sur la situation insupportable du Sud.

L'aide publique au développement est aussi beaucoup trop gérée par Bercy, elle doit revenir aux affaires étrangères. Il conviendrait aussi de créer un fonds d'urgence qui permettrait de répondre aux crises sans ponctionner d'autres programmes.

Sur la dette, je me demande comme M. Jean-Yves Gateaud où nous en sommes. Nous sommes comptables des situations qu'ont entraînées les politiques d'ajustements structurels dont tout le monde dénonce aujourd'hui les effets nocifs, notamment sur les services publics de la santé et de l'éducation.

Je ne peux développer, faute de temps, d'autres questions importantes : quel rôle pour l'OMC ? Quel bilan tire-t-on des accords du GATT ? Comment va-t-on renforcer la conditionnalité des aides afin de rompre avec l'indulgence envers des régimes au mieux incompétents, au pire corrompus et dictatoriaux ?

Je plaide aussi pour une politique européenne de sécurité et de défense beaucoup plus forte qui permettrait, par exemple, de mettre fin à la succession des visites de ministres de différents pays.

Ce budget trop faible est inadapté aux enjeux. Il exige un large débat démocratique. Les réformes doivent se poursuivre pour rendre l'action de la France plus lisible. Nous avions voté contre l'année dernière, cette année c'est un peu mieux ; aussi nous nous abstiendrons.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Je suis un peu inquiète de la réforme de l'Institut de recherches méditerranéennes. Vous semblez compter, Monsieur le Ministre, sur la coopération financière du ministère de l'éducation nationale, mais je n'ai trouvé aucun crédit pour cela dans le budget de ce ministère.

Je me félicite de l'excellente idée de créer un Institut de recherche au Moyen-Orient. Seule la connaissance permettra d'aller vers une paix voulue par tous ces pays qui sont à l'origine de la pensée humaine.

Je déplore, par ailleurs, la faiblesse du per diem accordé aux recrutés locaux : 110 F par jour, cela ne suffit vraiment pas pour se loger et pour se nourrir en France. Il leur faut donc trouver un hébergement bénévole, j'abrite ainsi moi-même actuellement une stagiaire à l'école des bibliothécaires.

Enfin, écoutant les excellents rapports de MM. Tavernier et Adevah-Poeuf, cette citation de Claudel me venait à l'esprit : « Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance ». Eh bien, pour ma part, j'espère que ce budget pourra être un peu amélioré. Le groupe UDF arrêtera son vote après les réponses des ministres.

Mme Yvette Roudy - Je souhaite, bien sûr, que l'on renforce le lien entre francophonie et droits de l'homme. Or à l'occasion du rapport que je viens de préparer, je me suis aperçue que la plupart des responsables francophones ne se préoccupaient nullement des droits de l'homme.

Ce n'est pas supportable alors que des pays se livrent encore à des trafics d'enfants et de femmes et il faut en faire une condition dans la répartition de nos subsides.

Je m'inquiète aussi du recul de la francophonie. J'ai communiqué aux ministres début septembre le résumé de la conférence d'une francophile américaine qui cite des chiffres très préoccupants. L'enseignement du français s'effondre aux Etats-Unis. Il n'y aura bientôt plus de professeurs. Entre autres choses, Mme Spencer ne comprend pas comment la France peut admettre que les documents financiers destinés aux épargnants n'aient plus l'obligation d'être rédigés en français. Imposer seulement l'usage d'une langue usuelle en matière financière - et ce ne sera ni le grec ni le norvégien - est incroyable.

Le Président François Loncle - Je peux vous assurer que M. Charles Josselin a lu la totalité de la communication de Mme Spencer

M. Gérard Bapt - J'ai posé une question écrite sur la Syrie et la réponse qui m'est parvenue cette nuit me satisfait. Je me félicite que le budget de la coopération bilatérale soit toujours une priorité pour le Gouvernement. Je voudrais toutefois revenir sur le concept qui autorise à séparer le terrorisme de la résistance. Au Liban et en Syrie, les événements ont prouvé que ce débat n'a rien de purement sémantique. Les pays qui sont confrontés au problème du terrorisme doivent clarifier leur position à ce sujet.

Le Président François Loncle - Terrorisme et résistance, voilà un beau sujet de thèse. La procédure des questions écrites est satisfaisante, mais les réponses ont été tardives. Il faudra améliorer les délais l'an prochain. Il faudra aussi veiller à ce que l'ensemble des députés disposent de ces réponses afin d'éviter les doublons.

M. Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères - Le Premier ministre me demande d'urgence à Matignon et je vous demanderai de m'excuser de partir avant la fin de la séance. M. Josselin répondra à toutes vos questions particulières. Je voudrais pour ma part vous livrer quelques réflexions générales.

Je voudrais d'abord remercier l'ensemble des intervenants. Même ceux qui, pour des raisons conjoncturelles, sont obligés de ne pas voter ce budget qui augmente alors qu'ils ont voté des budgets qui baissaient (Sourires), se sont exprimés avec la plus grande compréhension de la situation. La France a besoin de l'instrument de sa présence dans le monde pour défendre ses droits et promouvoir ses valeurs. Même si cet instrument se modernise, il n'a pas les moyens dont il devrait disposer et je regrette que notre échange d'arguments ait eu lieu ce matin hors de la présence de ceux qui sont toujours hostiles à notre politique. La répartition des crédits dans notre enveloppe limitée peut donner lieu à un débat légitime, mais l'objectif essentiel de l'augmentation du budget rassemble une coalition de bonnes volontés parmi les spécialistes et c'est à eux de faire prendre conscience aux autres décideurs que ce budget est un instrument fondamental, qu'on le conçoive de la façon la plus idéaliste, sur le plan des valeurs, ou de la façon la plus réaliste sur le plan de la sécurité nationale.

On ne peut pas dire que la diplomatie française a des difficultés à réagir. Il y a peu de diplomaties aussi actives, rapides et inventives - et ce n'est pas spécialement de mon fait. Nous étions déjà engagés sur tous les problèmes que les autres pays ont découverts après le 11 septembre. Nous nous préoccupions déjà de la situation au Proche Orient, du fossé entre les riches et les pauvres et de la politique occidentale de conditionnalité et nous savons combien ces problèmes sont complexes. Par exemple, la France a été la première à dire qu'il ne fallait pas raisonner uniquement du point de vue humanitaire ou militaire en Afghanistan, mais enclencher un processus politique pour que les Afghans retrouvent la maîtrise de leur destin. Depuis, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Union européenne mais aussi les Etats-Unis sont sur la même ligne. Beaucoup d'entre vous ont parlé d'un changement de siècle. Mais à force d'en parler, nous en serions déjà au vingt-cinquième ! Un changement majeur a eu lieu lors de l'effondrement de l'URSS en 1989-1991. Les événements actuels s'inscrivent dans un monde post-bipolaire. Ce qui vient de s'écrouler, c'est la bulle d'Irrealpolitik dans laquelle on s'imaginait que le monde s'acheminait avec allégresse vers la démocratie générale contre laquelle seuls les méchants Milosevic et Saddam Hussein conspiraient. Mais dès avant le 11 septembre, les débats à l'OMC et ailleurs ont montré la fausseté de cette opinion. Les événements de Gênes, ceux de Durban, qu'on ne peut limiter aux propos inadmissibles qui ont été tenus envers Israël, illustrent le désaccord qui existe sur la politique de conditionnalité. Nous sommes certes habités par la volonté de faire progresser les valeurs démocratiques, mais la façon dont nous voulons les imposer n'est pas admise. Il n'y a pas d'accord sur la répartition des richesses, sur le contenu ni le fonctionnement des institutions internationales et encore moins sur la politique de conditionnalité, considérée par les quatre cinquièmes du monde une politique occidentale.

Si au bout de quarante ans d'aide, nous en sommes encore à déclarer l'urgence de la lutte contre la pauvreté, il y a de quoi s'interroger ! Si la façon dont nous voulons faire profiter le monde de notre niveau de démocratie et de progrès est contestée majoritairement, il ne suffit pas de serrer la vis, sous peine de mener cette politique à l'américaine que nous contestons souvent. Il s'agit d'un de mes principaux sujets de réflexion et je regrette d'ailleurs que la représentation nationale ne s'y attache pas assez.

On a beaucoup parlé du choc des civilisations. Je pense qu'il ne faut pas combattre la théorie, mais le risque. Combien de pays partagent le monde entre les Occidentaux et les autres ! Un journaliste japonais, qui ne voulait aucunement polémiquer, m'a demandé récemment mon opinion sur la crise internationale et sur notre façon de répandre partout les valeurs « chrétiennes ». Cette façon de parler est largement répandue. Plus on est progressiste et ambitieux, plus on souffre de l'absence de droits, de démocratie et de progrès, plus on doit s'interroger sur cet affrontement intellectuel et conceptuel.

Et ce n'est certainement pas parce que nous vivons dans un monde globalisé que le problème serait moindre : bien au contraire, il se pose avec une force beaucoup plus grande encore ! Des hommes politiques responsables ne peuvent ignorer ce qu'ils entendent dans l'ensemble du monde, que leurs interlocuteurs soient arabes, chinois, latino-américains ou même russes. Ils le doivent d'autant moins que le choc du 11 septembre n'a aucunement eu pour conséquence le ralliement des Etats-Unis au multilatéralisme. Que font les Américains ? Ils constituent des coalitions ad hoc, et négocient, sujet par sujet, les contreparties qu'ils consentent en fonction des services qui leur sont rendus. Il n'existe vraiment aucun signe que les Etats-Unis font leur la conception européenne de la négociation multilatérale et il serait illusoire de croire à un rapprochement des points de vues, puisque ce dont il s'agit au fond est bien un affrontement de politiques et de puissances.

Qu'il soit clair que ce que je vous expose là une analyse générale, qui ne s'applique pas à l'action militaire lancée, il y a une dizaine de jours, dans le cadre de l'article 51 de la convention des Nations unies : cette réaction ciblée était logique et indispensable.

Deux mots, maintenant, à propos de l'Europe. Il n'y a pas lieu, à mon sens, de parler de « masochisme européen ». L'Europe n'a jamais eu pour objectif de constituer un corps expéditionnaire destiné à être déployé en Asie centrale ! La question pourrait se poser - et encore... - pour l'OTAN, mais pas pour une Union européenne dont, par ailleurs, les dirigeants ont fait preuve d'une harmonie immédiate. Certains s'expriment davantage que d'autres, mais qu'importe, puisqu'il n'existe aucun désaccord dans l'analyse politique de la situation actuelle et que l'accord se fait aussi sur l'avenir politique souhaitable de l'Afghanistan. En matière d'affaires intérieures et de procédure judiciaire, l'Histoire retiendra que les attentats commis le 11 septembre auront eu pour conséquence une prise de conscience salubre en Europe, ce qui permettra d'atteindre en un an ce qui, sinon, aurait demandé une décennie. Pour ma part, je considère que l'Europe n'a en rien été désavouée.

Je remercie votre Rapporteur spécial, M. Tavernier, qui a magistralement analysé la partialité et la mauvaise information qui sévissent dans quelques bureaux de la sous-direction du budget. Et c'est ainsi que certains, parce qu'ils ont de son action une vision contestable, imposent au ministère des affaires étrangères des diktats financiers qu'ils se gardent bien de s'appliquer à eux-mêmes. Il est bon que votre Rapporteur spécial ait mis en évidence la persistance de préjugés enkystés en dépit de nos efforts, reconnus, de rationalisation et de modernisation. Certes, une augmentation de 1,37 % des crédits est préférable à un accroissement de 0,9 % par exemple, mais elle n'est pas suffisante pour répondre à la force des attentes que vous avez manifestées. 200 millions de francs nous seraient nécessaires pour être plus à l'aise, et que sont 200 millions de francs dans le budget de l'Etat ? Bien des ministères les dépensent sans même que l'on en parle ! Je me félicite donc que les choses aient été dites, et je me félicite aussi de la qualité et de la bienveillance des rapports que j'ai entendus.

Le Président François Loncle - Je ne doute pas qu'au-delà des clivages politiques, chacun aura apprécié la clarté et la vivacité de vos propos au moment où l'on assiste au retour en force de la politique étrangère.

M. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Comme l'a souligné le Ministre, les signes avant-coureurs de la crise étaient flagrants. Ainsi, le désaccord entre le Nord et le Sud s'est-il exprimé bruyamment à Seattle déjà et, malgré cela, notre arrogance d'Occidentaux n'a pas fléchi. La lutte contre le terrorisme international est d'autant plus complexe que le consensus qui transparaît dans les discours officiels est souvent en décalage avec l'opinion publique. Une preuve sanglante en a été donnée au Nigeria, mais le phénomène se vérifie partout, et pas seulement à la sortie des mosquées. Il s'agit bien d'un affrontement entre les riches et les pauvres, et c'est ainsi qu'à Durban les frustrations se sont focalisées sur la Palestine.

S'agissant des crédits proprement dits, M. Tavernier s'est inquiété des effectifs. Les concours de catégorie C ouverts en 2001 et 2002 permettent d'envisager 250 recrutements, ce qui devrait répondre aux besoins. Quant à l'effet-change, le ministère des finances le compense à hauteur de 150 millions de francs pour les rémunérations ; le ministère des affaires étrangères devra financer sur ses fonds propres 125 millions d'effet-change pour ses frais de fonctionnement. De ce fait, l'augmentation nette des crédits s'établira entre 30 et 50 millions.

S'agissant des contributions volontaires, elles ont beaucoup baissé depuis 1992. Alors qu'elles s'établissaient à 652 millions de francs cette année-là, elles n'étaient plus que de 231 millions de francs en 1995. Après avoir connu une petite remontée en 1996, nous sommes parvenus à 240 millions de francs en 1998. Depuis lors nous avons entendu la plainte non seulement des parlementaires mais des organismes eux-mêmes : nous sommes remontés à 292 millions en 1999, 302 en 2000, 317 en 2001 et 320 l'an prochain. Dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement, nous fournissions 50 millions en 1997 : nous en apportons 105 aujourd'hui. Le président du PNUD est conscient de cet effort et estime que nous sommes redevenus un bon partenaire. Nous conduisons avec lui un certain nombre d'actions dites « bi-multi » sous le double drapeau de la France et du PNUD.

Les dépenses au titre des opérations de maintien de la paix ont connu une augmentation considérable, et l'on peut penser que cela continuera. Déjà l'idée d'une force internationale en Afghanistan est émise. On imagine ce que sera son coût, si l'on considère ce que coûtent déjà Timor et la Sierra Leone.

Quant au fonds européen de développement, le point de vue des Finances est que tout irait bien si nous étions à 17 %. Mais il n'y aurait plus de FED ! Si nous sommes allés à 25 %, c'est pour sauver ce fonds. On peut d'ailleurs regretter qu'il n'ait pas encore gagné en efficacité et en réactivité. Il faut encore parfois quatre à cinq ans pour mobiliser les crédits. Il a fallu trois ans après le cyclone d'Amérique centrale. La responsabilité de cette lenteur est partagée entre nos propres lourdeurs administratives européennes et le manque d'expertise des pays bénéficiaires, qui renvoie à la faiblesse de leurs fonctions publiques.

Je confirme à M. Brana que la régulation a concerné 250 millions en 2001, dont 45 déjà annulés et 205 gelés. Nous avons d'autre part engagé une réflexion sur la réduction du réseau consulaire en Europe, que permettrait une simplification des procédures avec nos partenaires européens. Il est toujours difficile politiquement de fermer un consulat, mais il faudra aller dans cette direction.

Il est clair, M. Adevah-Poeuf, que le nombre des recrutés locaux augmente : c'est la réponse inévitable à l'érosion des emplois titulaires. Nous avons mis en _uvre un plan d'amélioration de la situation des recrutés locaux qui porte à la fois sur les rémunérations, la régularisation des contrats et la protection sociale. Les crédits consacrés aux recrutés locaux connaîtront une hausse de 20 millions en 2002, après 30 millions en 2001. Il est difficile de trouver le point d'équilibre entre la rémunération des fonctionnaires locaux et celle de nos agents expatriés : nous avons en tout cas essayé de réduire le différentiel qui est de 1 à 20, ce qui est choquant.

M. Adevah-Poeuf demande qu'on passe d'une culture de culpabilité de la France à une culture de co-responsabilité nord-sud ou multilatérale, et cela me semble assez juste. Si le multilatéral s'est développé, il ne représente encore qu'un tiers de notre coopération. Mais il est appelé à continuer de s'accroître.

M. Jacques Myard - Malheureusement !

M. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie - C'est une bonne chose au contraire, à condition que nous sachions peser mieux que nous ne le faisons dans les enceintes internationales. Ici la francophonie peut nous aider, mais c'est un combat difficile. Nous nous efforçons de former des experts de pays francophones qui leur permettront de s'exprimer dans ces enceintes, mais nous rencontrons des obstacles.

Nous restons fidèles à notre engagement de mettre fin à l'érosion de l'assistance technique. Nous nous calons sur le chiffre de 2 000 assistants techniques. Le fonctionnement de cette assistance va créer un besoin d'expertise de courte et moyenne durée : cela fait l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. Mais il n'est pas question de négliger la coopération de résidence, essentielle à la présence de la France, et nécessaire à une mise en _uvre réelle des contrats de désendettement-développement.

On a relevé la grande différence entre l'aide par habitant à Djibouti et ce qu'elle est dans certains pays du Sahel. Mais Djibouti est un cas exceptionnel en raison de la présence d'une importante base militaire : cela n'est pas sans peser sur notre dialogue avec les autorités djiboutiennes concernant les crédits de coopération. Mais je n'oublie pas que les pays du Sahel comptent parmi les pays les plus pauvres, même si nous ne sommes pas les seuls à les aider : il y a, notamment au Mali et au Burkina-Faso, une coopération de l'Europe elle-même et de nombreux pays européens.

Sur la question de la dette, bien que tout ne soit pas arrêté, je peux vous dire que 40 pays sont éligibles à l'initiative PPTE ou «  pays pauvres très endettés ». Fin 2000, un peu plus de 20 pays ont atteint le « point de décision » : dès lors, sur la base d'un programme provisoire, ils commencent à bénéficier de report de dettes. C'est au « point d'achèvement », deux ou trois ans plus tard, qu'il y a vraiment effacement de la dette sur la base d'un contrat stratégique de lutte contre la pauvreté. Parmi les pays avec lesquels la France a des relations étroites, le premier à bénéficier de cette procédure sera le Cameroun : ce sont 600 millions qui constitueront pour lui une marge de man_uvre supplémentaire. Il devra en faire bon usage, et c'est toute la question des contrats désendettement-développement. L'un d'entre vous a dit que le rapport de force entre Bercy et le Quai d'Orsay était trop souvent déséquilibré en faveur du premier. Mais tout contrat de désendettement-développement s'appuie sur un contrat stratégique de lutte contre la pauvreté conduit par l'ambassadeur : c'est lui qui coordonne sur le terrain toutes les administrations, y compris celles qui relèvent du ministère des finances. En outre, l'opérateur le plus important de la coopération sur le terrain est l'agence française de développement, et nous faisons en sorte que dans cette institution les diplomates occupent toute leur place à côté des responsables du Trésor.

Concernant le volontariat, il est vrai que dès 2001, la fin du service national nous a posé des problèmes. Nous avons des difficultés pour remplacer les VSN par des volontaires civils dans les domaines médical et informatique, et la question du renouvellement des enseignants va se poser à l'automne 2002.

Pour ce qui est des fonctions publiques nationales, nous ne cessons d'insister, dons nos contacts au plan européen, sur la nécessité de consolider les Etats. Il faut certes aider les sociétés civiles du sud. Mais nous devons nous garder de situations aberrantes, où un fonctionnaire, mal payé ou pas du tout, crée une ONG, bénéficie à ce titre d'une subvention, et trouve ainsi une bonne raison pour ne plus aller à son bureau d'administration. Nous constatons ce phénomène de plus en plus, et nous le faisons savoir à nos partenaires pour qu'ils en tiennent compte. En effet, nous croyons qu'il faut se mobiliser sur une ligne simple : construire des Etats aussi, y compris des administrations. C'est pourquoi la France fait de l'appui institutionnel l'un des points forts de sa politique : construire de la justice, de la police, des finances publiques, des douanes, voilà aussi une nécessité, dont nous devons convaincre également la Banque mondiale ou le FMI.

M. Cazeneuve a attiré l'attention sur la coopération militaire, dont les crédits, c'est vrai, ont diminué ces dernières années, et continueront à le faire l'an prochain. En effet, 2001 a été la dernière année d'un mouvement de redéploiement, à raison de 10 % par an, de l'Afrique vers l'Europe centrale. L'équilibre entre ces deux pôles est désormais atteint. De plus, nous procédons à l'évaluation de notre coopération avec certains pays, comme la Guinée, le Tchad, la République centrafricaine. En revanche, nous aurons à accroître notre coopération militaire avec la Côte d'Ivoire. Tenons compte, enfin, d'une tendance croissante à la coopération multilatérale dans ce domaine, y compris au niveau des écoles.

Oui, M. Gateaud, une politique de coopération a besoin de la durée pour être efficace. S'agissant de l'APD, on déplore que nous soyons loin des 0,7 %. De fait, nous sommes descendus à 0,32 % mais à la fin de cette année nous en serons à 0,33 % ou 0,34 %, compte tenu de l'aménagement de la dette et des fonds sida et environnement. Si nous sommes toujours au premier rang du G 7 en pourcentage pour l'APD, certains pays se rapprochent, comme la Grande-Bretagne et la Belgique ; les Etats-Unis, eux, sont encore un peu loin... Au reste, ne mesurons pas l'APD seulement à son volume mais aussi à son efficacité. Des crédits sont souvent mal utilisés, et Bercy ne se fait pas faute de nous le faire remarquer. Cette situation tient à nos procédures, au principe de conditionnalité, aussi à l'état de crise dans lequel se trouvent certains pays. L'insuffisance de l'expertise nationale dans nombre de pays empêche souvent un véritable partenariat et une bonne utilisation de l'aide accordée.

Oui, M. Gateaud, l'absence de France 2 en Tunisie est regrettable. J'en ai parlé avec le Président Ben Ali. La présence française en Afrique du Nord serait effectivement renforcée par la réception de France 2. Il est dommage que certains pays s'en privent.

Pour mieux connaître l'état dans lequel se trouvent nos centres culturels, le rapport Dauge s'est révélé utile, même si M. Yves Dauge a peut-être fait preuve dans le choix des centres étudiés d'un certain a priori. Je sais des centres qui marchent bien et qui ne se plaignent pas. Pour les autres, nous apportons une réponse budgétaire. Mais le problème de la carte des centres culturels est posé : pourquoi ne pas procéder à des restructurations autour des centres les plus importants ? De plus, un centre culturel en Europe et un autre en Afrique sont à considérer tout à fait différemment.

S'agissant de la conditionnalité évoquée par M. Gateaud et Mme Aubert, la question du genre, ou pour mieux dire celle des femmes, est au c_ur de certaines de nos coopérations avec l'UNICEF : nous avons ainsi développé des programmes d'aide à l'éducation des filles et de lutte contre les mutilations sexuelles. Patrick Bloche a fait allusion à l'esclavage des enfants. Là aussi nous sommes mobilisés. Mais le concept de travail des enfants n'est pas le même en zone sahélienne d'élevage et dans les usines asiatiques. C'est vrai, certains pays francophones possèdent un trop faible taux de scolarité ; mais la situation n'est pas meilleure dans les pays anglophones. Dans les pays d'élevage, la relation des populations avec les équipements scolaires demeure nécessairement problématique. Nous étudions avec l'USN, et en particulier avec le sénateur Mc Govern, un programme tendant à assurer systématiquement le repas de midi.

Les crédits de bourses, M. Gateaud, sont toujours insuffisants ; néanmoins, ils sont passés de 618 millions en 2000 à 640 millions en 2001 et s'élèveront à 650 millions l'an prochain. Nous comptions en 2000 141 700 étrangers inscrits dans nos universités et 175 000 au total en comptant les autres établissements d'enseignement supérieur, soit 15 000 de plus qu'en 1999. Il est vrai que l'ensemble des effectifs dans l'enseignement supérieur augmente.

Dans l'important domaine de la coopération décentralisée, il convient d'éviter un foisonnement excessif sans toutefois donner l'impression de caporaliser un mouvement qui repose sur l'initiative des collectivités locales. Les troisièmes assises de la coopération décentralisée se tiendront le 26 novembre à l'Institut du monde arabe. Nous y constaterons que cette coopération est très appréciée de nos partenaires africains, en particulier parce qu'elle a l'intérêt de fabriquer de la sociabilité civile. Vis-à-vis des opinions publiques, un principe de base s'impose : la transparence des actions de coopération. Faisons connaître chez nous nos actions, et aussi et surtout chez les peuples partenaires du Sud.

La société civile devrait être informée de l'attribution de tout crédit attribué au Sud, ce qui permettrait d'exercer un meilleur contrôle et d'éviter certaines dérives. Il faut toutefois être conscient que le niveau incroyablement faible des rémunérations dans la fonction publique de ces pays, donne quelques circonstances atténuantes à certains petits détournements. D'ailleurs, nous faisons de plus en plus systématiquement figurer dans notre offre de coopération, en partenariat avec les services de M. Michel Sapin, un appui à la restructuration des fonctions publiques.

M. Patrick Bloche a évoqué TV5 Amérique. La restructuration engagée depuis deux ans a enfin abouti. Désormais l'essentiel des programmes sont confectionnés à Paris, y compris ceux qui sont destinés à l'Amérique latine et à l'Amérique du Nord, à l'exception, bien sûr, du Canada et du Québec. Il est trop tôt pour mesurer tous les effets de cette réforme, mais nous en attendons beaucoup.

M. Pierre Lequiller a comparé les moyens de l'audiovisuel extérieur français avec ceux d'autres pays. En effet, nos moyens ne représentent que 38 % de ceux engagés par la Grande-Bretagne et 33 % de ceux de l'Allemagne, même s'il faut tenir compte de notre participation dans ARTE. On peut aussi comparer les 90 millions d'euros du budget de TV5 pour le monde entier avec les 213 millions de RFO pour les seuls DOM TOM. De fait, l'écart entre ces derniers et leurs voisins ne cesse de se creuser, ce qui risque d'accroître les tensions. On peut ainsi imaginer les réactions aux Comores quand de nouveaux programmes sont annoncés à Mayotte. Il est vrai que nous avons besoin de 200 millions, eh bien je sais où l'on pourrait les trouver...

Des discussions sont engagées avec le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en vue de bâtir un certain nombre de programmes communs. Cela apparaît particulièrement nécessaire quand on voit, par exemple, des femmes venir accoucher à Saint-Laurent-du-Maroni, faute d'hôpital de l'autre côté de la frontière, et même des enfants venir étudier dans nos écoles.

M. Patrick Bloche a aussi parlé des missions politiques de la francophonie. La déclaration de Bamako prévoit des programmes très importants. Le sommet de Beyrouth en a pris acte et la conférence ministérielle de la fin de l'année organisera leur mise en _uvre. Ils portent notamment sur l'information, la formation, les médias, pour lesquels la francophonie peut jouer un rôle important.

M. Georges Hage a lui aussi insisté, comme à son habitude, sur la francophonie. Nous lui consacrons environ 800 millions, ce qui ne tient pas compte des programmes bilatéraux, par exemple en faveur de l'éducation en Afrique. Nous couvrons ainsi entre 60 et 70 % de l'ensemble des moyens. La réforme des opérateurs a été engagée. Elle a déjà été menée à bien pour l'Agence universitaire, que dirige désormais Mme Gendreau-Massaloux. L'évaluation de l'Agence technique et de l'Université Senghor d'Alexandrie est engagée.

Mme Yvette Roudy s'est fait l'écho de la plainte d'une amie professeur de français aux Etats-Unis. Il est vrai que le français a reculé par rapport à l'espagnol qui a fait d'énormes progrès dans le paysage culturel et linguistique américain. Néanmoins, le Congrès des professeurs de français qui a réuni l'an dernier 3 000 participants à Paris a témoigné de la vitalité encore forte de la langue française. Certes, nous reculons ici, mais nous avançons ailleurs. De ce point de vue aussi, la question de l'audiovisuel est déterminante et l'augmentation, dans le budget 2002, des moyens destinés à TV5 répond à une nécessité. La réflexion sur le rôle international des autres chaînes françaises est aussi ouverte.

Je remercie M. Jean-Bernard Raimond d'une intervention qui s'inscrivait essentiellement dans le champ diplomatique.

Mme Marie-Hélène Aubert a souhaité que l'on articule mieux notre stratégie politique et celle des entreprises. Le Secrétaire général des Nations unies a pris l'initiative de réunir un forum des entreprises en ce sens. Nous entretenons des contacts réguliers avec les entreprises. J'ai ainsi réuni il y a peu des patrons de firmes installées dans des pays où sévit le sida pour voir avec eux comment la question était traitée, en ce qui concerne aussi bien la prévention, la prise en charge et le traitement de la maladie que l'élaboration d'un code de déontologie pour éviter les discriminations. J'ai trouvé auprès d'eux un écho très favorable car ils paient un lourd tribut au sida, qui touche surtout les catégories les plus actives.

Oui, il faut tenir compte de l'état de droit pour l'aide publique au développement. Mme Aubert a parlé du Tchad, je rappelle que la Commission européenne, le Parlement européen et nous-mêmes avons dit notre insatisfaction au lendemain des élections présidentielles. Nous comptons mettre sous surveillance étroite les législatives qui se préparent. Pour autant, des sanctions pénaliseraient d'abord la population civile qui n'y est pour rien : refuse-t-on un enfant à l'école au motif que son père le bat ? Les victimes ont d'abord besoin de notre appui et il faut donc faire le tri entre les différentes sanctions, en arrêtant par exemple la coopération militaire, mais en essayant de préserver tout ce qui concourt à la lutte contre la pauvreté.

Je veux insister sur l'importance de la nouvelle initiative africaine lancée par plusieurs chefs d'Etat à l'occasion du sommet du millenium et qui a fusionné avec le plan OMEGA du président Wade. Ce dernier a présenté cette initiative au G8 de Gênes, qui a pour la première fois consacré une part importante de ses travaux à la question du développement. Une réunion des bailleurs de fonds aura lieu en janvier pour envisager le financement de cette initiative. Une importante réunion sur le financement du développement est également prévue à Monterrey en mars prochain. Il faut s'attendre à une forte poussée de la demande de remise de dette, de la part non seulement des pays les moins avancés, mais aussi des pays intermédiaires.

Enfin, l'aide au développement a son rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme. De nombreux pays africains sont en effet conscients de leur fragilité en matière de capitaux sales. Nous leur soumettons une offre spécifique d'expertise bancaire, financière et policière pour les aider dans la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de l'argent. Ces éléments devront être pris en compte pour la définition du périmètre prioritaire de l'aide et les recommandations du GAFI en la matière devront utilement être prises en considération. Le dernier comité interministériel pour la coopération internationale et le développement, qui devait réfléchir à la définition de la zone de solidarité, n'a pas eu lieu compte tenu des événements récents. Nous cherchons une date pour qu'il puisse se tenir le plus vite possible.

Le Président François Loncle - Merci, Monsieur le Ministre, d'avoir répondu si complètement. La séance qui vient de se tenir a été de grande qualité.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits des Affaires étrangères pour 2002.

ANNEXE 1
Evolution de la part relative du budget depuis 1981

(source: ministère des affaires étrangères)

ANNEXE 2
Barême des indemnités de résidence du groupe 1
versées aux ambassadeurs

______________

N° 3322-II.- Avis de M. Pierre Brana (commission des affaires étrangères) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Affaires étrangères.


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© Assemblée nationale

Bertrand Badie, Libération, 15 et 16 septembre.

Hubert Védrine, Les cartes de la France à l'heure de la mondialisation, Fayard, 2000, p.74

Lois Helms-Burton et d'Amato qui menacent de sanctions les entreprises commerçant avec Cuba, l'Iran et la Libye

Pierre Conesa, La revue internationale et stratégique, n°43, automne 2001, p. 21.

La revue internationale et stratégique, n°41, printemps 2001, p. 24 et 25.

Bertrand Badie, Libération, 15 et 16 septembre 2001.

Par ailleurs, une réforme de ces institutions - afin de les rendre plus représentatives - serait également bienvenue.

La revue internationale et stratégique, n°41, printemps 2001.