PAR M. JÉRÔME LAMBERT,

Député.

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La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LE DÉBAT INSTITUTIONNEL DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET LES COLLECTIVITÉS À STATUT PARTICULIER 7

A. LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D'AMÉRIQUE À LA VEILLE D'UNE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE ? 7

B. L'ATTACHEMENT DE LA RÉUNION AU STATUT DE DÉPARTEMENT D'OUTRE-MER 11

C. L'ANCRAGE DE MAYOTTE DANS LA RÉPUBLIQUE 12

II. - L'EMBELLIE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER 14

A. LES BONS CHIFFRES DE L'EMPLOI 14

B. UN CLIMAT SOCIAL APAISÉ 16

C. LA MARCHE VERS L'ÉGALITÉ SOCIALE 18

III. - DES DÉSÉQUILIBRES PERSISTANTS DANS UN ENVIRONNEMENT RÉGIONAL DIFFICILE 18

A. LA FAIBLE CAPACITÉ D'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES 18

B. L'IMMIGRATION, TRADUCTION CONCRÈTE DES DÉSÉQUILIBRES RÉGIONAUX 24

C. LA NÉCESSAIRE INTÉGRATION DES DOM DANS LEUR ENVIRONNEMENT RÉGIONAL 28

IV. - LES CHOIX BUDGÉTAIRES OPÉRÉS POUR 2002 À L'APPUI D'UNE POLITIQUE TOURNÉE VERS L'EMPLOI ET LA SOLIDARITÉ 32

A. LA FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS DESTINÉS À L'OUTRE-MER DEPUIS 1997 32

B. LE BUDGET DU SECRÉTARIAT D'ETAT À L'OUTRE-MER : PRIORITÉ À L'EMPLOI ET L'INSERTION SOCIALE 33

AUDITION de M. Christian PAUL, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, et
EXAMEN EN COMMISSION
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MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi de finances pour 2002 fixe, pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, un montant des crédits budgétaires de plus de 1 079 millions d'euros, représentant ainsi une croissance de 3,8 % des dépenses ordinaires et crédits de paiement et de 29 % des autorisations de programme.

Ainsi, pour la première fois, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dépasse 7 milliards de francs. Ce chiffre est l'aboutissement d'un effort mené depuis cinq années pour donner au secrétariat d'Etat à l'outre-mer les moyens de soutenir l'activité et l'emploi outre-mer ; ainsi, depuis 1997, les crédits inscrits au secrétariat d'Etat ont connu, en raisonnant en structure constante, une progression de plus de 27 %.

Cet effort sans précédent dans l'histoire de l'outre-mer français traduit très concrètement la volonté du Gouvernement, durant toute la législature, de renforcer le soutien de la République à l'outre-mer, et plus particulièrement aux départements d'outre-mer et collectivités territoriales à statut particulier.

Le bilan qui peut en être fait aujourd'hui, dans le cadre du dernier budget de la législature, est à la hauteur des ambitions affichées : la vitalité des économies ultramarines, qui connaissent des taux de croissance supérieurs à la métropole, a permis cette année d'inverser les tendances du chômage à la baisse, et de permettre une décrue de 10,5 % du nombre de demandeurs d'emploi, ce chiffre atteignant même 21 % dans le cas des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans. La réforme du dispositif fiscal à l'investissement, ainsi que les nombreuses mesures d'aides à l'emploi mises en place dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 ont très fortement contribué à parvenir à ce résultat.

La sérénité retrouvée du climat social dans les départements d'outre-mer, comme l'attestent la diminution sensible des jours de grève décomptés, ne doit pas pour autant faire oublier les graves problèmes auxquels se heurtent les départements d'outre-mer. Une mission dans les départements français d'Amérique, conduite par M. Bernard Roman, Président de la Commission, à laquelle participait également le rapporteur (), a ainsi permis de constater sur place les défis que relèvent quotidiennement les collectivités locales pour faire face, avec des ressources fiscales faibles, à une croissance démographique exceptionnelle et un flux d'immigration important.

Au-delà de ces questions ponctuelles, la mission parlementaire a également pu se rendre compte de la prégnance des questions institutionnelles dans les départements d'outre-mer ; en instaurant le congrès, réunion de concertation entre le conseil régional et le conseil général, la loi d'orientation pour l'outre-mer a permis de doter les départements d'outre-mer d'un outil adéquat pour mener à bien le débat institutionnel réclamé par les élus locaux.

I. - LE DÉBAT INSTITUTIONNEL DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET LES COLLECTIVITÉS À STATUT PARTICULIER

Les limites de la loi de départementalisation du 19 mars 1946 ont très rapidement conduit les élus de l'outre-mer à réfléchir à une nouvelle forme d'organisation institutionnelle ; le principe d'adaptation dégagé par la loi de 1946, repris à l'article 73 de la Constitution de la Ve République, est en effet apparu comme un carcan juridique trop rigide, car ne permettant pas suffisamment de prendre en compte les spécificités des départements d'outre-mer. Cette contrainte est apparue d'autant plus forte qu'elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel comme n'autorisant aux départements d'outre-mer que des adaptations mineures par rapport au droit commun ().

Sur le plan institutionnel, le Conseil constitutionnel ayant censuré le principe d'une assemblée unique, il en est résulté une coexistence sur des territoires de petite taille et d'importance démographique réduite, d'une collectivité régionale et d'une collectivité départementale. Les inconvénients de ces régions monodépartementales sont nombreux ; le rapport des parlementaires Claude Lise et Michel Tamaya, remis au Premier ministre en juin 1999, les résumait en ces termes : « Cette organisation ôte à la région toute la dimension interdépartementale de son action. Il ne lui appartient pas, de fait, d'aménager un territoire en tentant de gommer telle ou telle différence entre départements, ou en valorisant l'un d'eux dans un domaine particulier. Au contraire, cette unité de lieu renforce le face-à-face permanent de deux niveaux de collectivités. Elle incite chacune à se positionner en fonction des choix de l'autre. »

Le refus d'ouvrir le débat institutionnel a longtemps été justifié par la place incertaine des départements d'outre-mer au sein de l'Union européenne et la crainte qu'une modification du statut de département d'outre-mer ne vienne remettre en cause les acquis communautaires obtenus par ces départements, au titre de leur éloignement et de leur insularité.

Sans que cette hypothèque ne puisse être considérée comme définitivement levée, la reconnaissance explicite, en 1997, à l'article 299 § 2 du Traité d'Amsterdam, des spécificités des quatre départements d'outre-mer nommément cités comme régions ultrapériphériques, permet désormais d'envisager de dissocier la question de l'évolution institutionnelle au sein de la République française de celle du maintien des DOM dans l'Union européenne.

En octobre 1998, lors de la discussion budgétaire, l'ensemble des députés de l'outre-mer réclame un grand débat sur l'avenir de l'outre-mer français. Le Gouvernement s'engage alors à ouvrir, sur la durée de la législature, un vaste chantier de réformes qui concerneraient toutes les collectivités d'outre-mer. Il confie dans cet objectif à MM. Lise et Tamaya une mission relative à l'approfondissement de la décentralisation dans les DOM. Le rapport issu de cette mission () va servir de point de départ à l'élaboration du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. En matière institutionnelle notamment, les deux parlementaires proposent l'institution d'un congrès, réunion du conseil général et du conseil régional, compétent pour régler les conflits de compétence entre les deux collectivités et proposer des évolutions institutionnelles.

Cette proposition est fidèlement reprise dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, définitivement adoptée le 13 décembre 2000 ; l'article 62 offre ainsi aux régions d'outre-mer ne comprenant qu'un seul département la possibilité, au sein d'une instance dénommée « congrès des élus départementaux et régionaux », de délibérer de toutes propositions relatives à l'évolution institutionnelle, à de nouveaux transferts de compétences et à la répartition des compétences au niveau local.

Le congrès des élus départementaux et régionaux est la réunion des membres du conseil général et du conseil régional. Il est présidé alternativement, par semestre, par le président du conseil régional et par le président du conseil général. Les propositions qu'il émet sont transmises au Premier ministre ainsi qu'aux deux assemblées locales, qui doivent à leur tour en délibérer. Au vu des propositions du congrès et des délibérations des assemblées locales, le gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation d'organiser une consultation des populations intéressées.

De la sorte, les perspectives d'évolutions institutionnelles ne sont pas imposées par l'Etat mais doivent émaner des collectivités elles-mêmes. En outre, ces évolutions doivent s'appuyer sur un large consensus puisque le gouvernement peut organiser la consultation des populations intéressées.

S'agissant de l'instauration du congrès, les requérants auteurs de la saisine considéraient qu'une telle innovation allait au-delà des prescriptions constitutionnelles, et notamment de celles de l'article 73 de la Constitution, qui ne reconnaît au législateur que le pouvoir d'adapter le droit commun aux départements d'outre-mer, et non de leur conférer une organisation particulière, réservée aux seuls territoires d'outre-mer.

Le Conseil constitutionnel n'a pas retenu ce grief, en considérant que le congrès ne pouvait être défini comme une troisième assemblée. Le congrès n'est, en effet, pas maître de son ordre du jour ou de ses réunions ; il ne peut faire que des propositions et n'est, en définitive, qu'une instance de concertation entre le conseil régional et le conseil général. De l'ensemble du dispositif, le Conseil constitutionnel n'a finalement censuré qu'une disposition mineure, qui obligeait le Premier ministre à fixer un délai pour sa réponse aux propositions émises par le congrès.

Les initiatives prises en matière institutionnelle dans les départements d'outre-mer ont pu être antérieures ou concomitantes aux propositions émises dans la loi d'orientation pour l'outre-mer.

La Guyane, la première, a mis en avant la nécessité de réfléchir à une évolution des institutions. A la suite des émeutes de novembre 1996, une réflexion associant un grand nombre d'élus locaux et de représentants consulaires a abouti, en 1999, à la publication d'un document appelé « pacte d'orientation pour le développement durable en Guyane », revendiquant l'instauration d'une assemblée unique et d'un pouvoir normatif.

Même si ce document n'a pas fait l'unanimité, notamment auprès des deux députés du département, il a inspiré des initiatives ultérieures, telles que la déclaration de Basse-Terre, qui a réuni le 1er décembre 1999 les trois présidents des conseils régionaux des départements français d'Amérique pour demander un régime d'autonomie interne, avec assemblée unique et pouvoir législatif dans des domaines de compétence étendus.

A la suite du pacte de développement, les parlementaires et les principales forces politiques guyanaises ont été réunis à Paris, le 18 décembre 2000, pour une « table ronde » afin d'examiner avec le Gouvernement leurs propositions en vue d'une évolution des institutions guyanaises. Seuls les indépendantistes du MDES (mouvement démocratique d'émancipation sociale), et les membres du Komité pou nou demarré la Guyan, (KPNDLG), n'ont pas voulu participer aux travaux.

A l'issue de cette table ronde, un consensus s'est dégagé parmi les élus présents pour définir un calendrier et une méthode de poursuite des discussions. Un relevé de conclusions a également précisé que le processus d'évolution serait déterminé dans le cadre de la loi d'orientation l'outre-mer et des institutions de la République.

Au plan local, les élus engagés dans le processus de la table ronde se sont réunis à plusieurs reprises depuis le 27 janvier 2001 afin de finaliser un « avant-projet d'accord relatif à l'avenir de la Guyane ». Les élus du PSG (parti socialiste guyanais), du FDG (Forces démocratiques guyanaises), du MDES, du RPR et le Komité pou nou demarré la Guyan (KPNDLG) ont participé à ces discussions. Seul le parti Walwari de Madame Taubira-Delannon, députée, est resté en retrait de ce processus en réclamant un approfondissement préalable du bilan de la décentralisation.

Après les élections de mars 2001, les élus locaux se sont réunis pour un second séminaire à Montsinéry le 28 avril 2001. Celui-ci a abouti à un avant-projet portant sur l'organisation administrative et les compétences de la « collectivité territoriale de la Guyane ». Un large consensus s'est dégagé, même s'il faut préciser que le parti Walwari n'était représenté que par un observateur. L'avant-projet finalement retenu s'inspire très largement du pacte de développement de février 1999 : le département et la région seraient supprimés au profit d'une nouvelle « collectivité territoriale de Guyane », composée d'une assemblée et d'un conseil exécutif. Quatre districts seraient de plus créés sur le territoire de la Guyane. L'avant-projet propose également un transfert significatif de compétences et confère à l'assemblée de la collectivité un pouvoir d'initiative pour l'adaptation ou la modification de textes à caractère législatif ou réglementaire afin de tenir compte des spécificités locales. Enfin, s'inspirant des institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'avant-projet prévoit également la possibilité pour l'assemblée territoriale d'adopter des lois de pays.

Le 9 juin 2001, sur l'invitation des présidents du conseil régional et du conseil général, MM. Karam et Ho Ten You, toutes les forces politiques engagées dans le processus de la table ronde se sont réunis et ont adopté le document définitif de l'avant-projet d'accord relatif à la Guyane. Ce document a été transmis aux exécutifs départementaux et régionaux dans la perspective de la réunion du congrès des élus départementaux et régionaux.

La première réunion du congrès s'est tenue le 29 juin 2001 sous la présidence de M. Joseph Ho Ten You, président du conseil général. Lors de son allocution d'ouverture, ce dernier a rappelé que l'avant projet proposé se situait « dans le cadre de la République française et de l'Union européenne ». Le congrès a adopté à une très large majorité (38 voix sur 50, aucune voix contre) le texte d'avant-projet relatif à l'avenir de la Guyane modifié par quelques amendements.

Le texte adopté a ensuite été transmis au conseil général et au conseil régional, afin que ceux-ci délibèrent, conformément à la procédure introduite par la loi d'orientation pour l'outre-mer. Le conseil régional a tenu sa séance le 20 juillet 2001. Le texte de l'avant-projet de statut a été adopté avec 25 voix favorables, 1 abstention, deux élus ne participant pas au vote. L'adoption par le conseil général de l'avant-projet a eu lieu le 30 juillet, par 13 voix sur 19.

Le texte de l'avant-projet relatif à l'avenir de la Guyane a été remis en septembre au Gouvernement.

Bien qu'il ait été lancé avant l'adoption définitive de la loi d'orientation pour l'outre-mer, le projet d'évolution institutionnelle guyanais s'est ainsi parfaitement adapté à l'outil de concertation proposé dans le cadre de la loi. La mise en place, avant l'heure, dès 1999, d'une instance de réflexion commune au conseil régional et au conseil général explique très certainement la réussite du dispositif.

Néanmoins, si un consensus a pu émerger chez une très grande majorité d'élus guyanais pour faire aboutir cette réflexion institutionnelle, force est désormais de constater que les opinions divergent sur la procédure à suivre pour concrétiser le projet. Outre le parti Walwari, qui a, depuis le début, fait montre d'un attentisme réservé, en exprimant sa préférence pour des mesures de développement économique plutôt qu'une réforme institutionnelle, le RPR souhaite désormais insister sur la nécessité de ne pas faire preuve d'un excès de précipitation dans les réformes et opte pour la mise en place d'une longue période de transition. Le MDES, au contraire, a réaffirmé sa volonté de voir aboutir le processus très rapidement.

En Guadeloupe, le congrès des élus départementaux et régionaux s'est réuni le 18 juin 2001 et l'ensemble des conseillers s'est félicité des points de convergence sur une évolution du statut de la Guadeloupe. Conformément à l'ordre du jour, le conseil général et le conseil régional ont, chacun, présenté un projet d'évolution statutaire. Une résolution adoptée par 73 élus « prend acte des points de convergence » et se prononce pour la création d'une « nouvelle collectivité de Guadeloupe, dans le cadre de la République française et de l'Union européenne ».

Cette résolution préconise l'attribution de « compétences élargies, un pouvoir local effectif, renforcé notamment par la capacité de légiférer dans ses domaines de compétences et instaurant de nouveaux rapports avec l'Union européenne ».

Une « commission de synthèse pour un projet guadeloupéen » composée de 22 membres issus des deux assemblées locales a été chargée d'élaborer un projet définitif à soumettre au congrès, puis à chacune des deux assemblées, avant la fin de l'année 2001.

En Martinique, la première réunion du congrès s'est tenue le 12 juin 2001, sous la présidence de M. Claude Lise, président du Conseil général. Le congrès a voté le principe de la création d'une commission ad hoc composée de 20 membres (10 conseillers généraux et 10 conseillers régionaux), élargie aux parlementaires et chargée de l'élaboration du projet de statut.

A la mi-juillet 2001, la commission ad hoc issue du congrès s'est réunie trois fois. Lors de la troisième réunion, le 13 juillet, présidée par M. Alfred Marie-Jeanne, aucun consensus n'a pu être trouvé.

Les débats sur la loi d'orientation pour l'outre-mer ont confirmé ce que les missions parlementaires menées en juin et septembre 1999 () dans les quatre départements d'outre-mer avaient déjà pu constater sur le terrain, à savoir que le débat institutionnel se posait dans des termes très différents dans les départements français d'Amérique et à la Réunion. Alors que, pour les premiers, la question de l'évolution vers une assemblée territoriale unique, dotée de compétences accrues est prégnante, les Réunionnais semblent, pour leur part, profondément attachés au statut de département d'outre-mer.

La loi d'orientation pour l'outre-mer a d'ailleurs très logiquement consacré cette divergence d'approche, en reconnaissant, dans son article premier, « l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun » et, à l'inverse, la capacité, pour les départements français d'Amérique « de proposer des évolutions statutaires ».

Il faut rappeler cependant que le débat institutionnel, lors de l'examen de la loi d'orientation, n'était pas totalement absent des préoccupations des élus réunionnais, mais se concentrait essentiellement sur l'opportunité de scinder la Réunion en deux départements. L'article sur la bidépartementalisation ayant été finalement retiré du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, la Réunion était de facto maintenue dans le champ des régions monodépartementales d'outre-mer et, à ce titre, aux termes de la rédaction initiale de l'article L. 5915-1 du code général des collectivités territoriales, dotée d'un congrès.

L'attachement au statut départemental de droit commun est apparu toutefois si puissant que même l'institution de ce congrès, simple émanation de la région et du département, dépourvu de tout pouvoir décisionnel autonome, fut vécue par de nombreux élus réunionnais comme l'amorce d'un découplage avec les institutions métropolitaines. Afin de bien marquer le refus, présenté comme unanime, de la population et des élus devant toute évolution statutaire et la volonté de maintenir la Réunion dans le droit commun du code général des collectivités territoriales, le sénateur Edmond Lauret présenta en mai 2001, lors de la présentation au Sénat d'un projet de loi d'habilitation concernant l'outre-mer (), un amendement revenant sur la loi d'orientation pour l'outre-mer afin de limiter l'institution du congrès aux seules régions françaises d'Amérique.

L'Assemblée nationale ayant adopté sans modification cette rédaction, la Réunion se trouve désormais être le seul département d'outre-mer dépourvu de congrès.

La loi adoptée définitivement par le Parlement en juin 2001 marque l'aboutissement d'un long processus juridique pour faire reconnaître la place de Mayotte au sein de la République.

Depuis 1974, Mayotte, archipel de l'océan Indien, restait en attente d'un statut définitif. Par deux consultations en date du 22 décembre 1974 et 8 février 1976, les Mahorais ont pourtant clairement signifié leur volonté de rester dans l'ensemble français. Néanmoins, cette volonté a toujours été niée par la République fédérale islamique des Comores, ancienne colonie française qui a accédé à l'indépendance en 1975, qui revendique l'archipel mahorais au nom des principes de l'intégrité de son territoire et de l'intangibilité des frontières issues de la décolonisation. La République des Comores est également parvenue, au nom de ces principes reconnus du droit international public, à faire condamner la position de la France par les instances internationales, et notamment l'Assemblée générale des Nations Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine.

Compte tenu de ce contexte international difficile, le statut juridique de Mayotte a longtemps été marqué par l'incertitude et la précarité ; la loi du 24 décembre 1976 a fait de Mayotte une collectivité territoriale à statut particulier pour une durée de trois ans ; à l'issue de ce délai, une consultation de la population devait être organisée pour l'adoption d'un statut définitif. Cette période de transition, qui devait être courte, a en fait perduré jusqu'en 2001 : la loi du 22 décembre 1979 a reconduit les termes du statut provisoire de 1976 pour un nouveau délai de cinq ans ; en 1984, à l'issue de la période présentée comme provisoire, aucune consultation n'a été organisée et Mayotte est restée soumise de facto à ce statut hybride de collectivité territoriale à statut particulier.

La signature, le 27 janvier 2000, d'un « accord sur l'avenir de Mayotte », négocié avec toutes les forces politiques de l'île, a mis fin aux atermoiements juridiques en proposant les contours d'un nouveau statut. La consultation de la population mahoraise qui s'en est suivie le 2 juillet 2000, initiée par la loi du 9 mai 2000, approuvant à une majorité de 73 % les termes de cet accord du 27 janvier, a démontré clairement le souhait des Mahorais de parvenir à la stabilité juridique.

Définitivement adoptée par le Parlement en juin 2001 (), la loi relative à Mayotte s'est attachée à répondre à cette attente en reprenant l'essentiel des termes de l'accord du 27 janvier 2000. Elle reconnaît, dans son article premier, que Mayotte fait partie de la République et ne peut cesser d'y appartenir sans le consentement de sa population. Le même article précise que Mayotte est désormais une collectivité départementale, collectivité territoriale à statut particulier dont la création relève du domaine de la loi en application de l'article 72 de la Constitution.

L'objectif poursuivi par la loi est de normaliser, autant que possible, la situation juridique de Mayotte, tout en tenant compte des spécificités très fortes de l'archipel. Ainsi, la collectivité départementale et les communes de Mayotte se trouvent désormais soumises en très grande partie aux dispositions du code général des collectivités territoriales, mais cette application ne se fera que progressivement : à compter du renouvellement du conseil général en 2004, l'exécutif de la collectivité départementale sera transférée au président du conseil général tandis que les actes de la collectivité départementale deviendront exécutoires dans les conditions de droit commun en 2007.

La loi prévoit une ultime étape en 2010, avec la possibilité conférée au conseil général de la collectivité, à la majorité des deux tiers, d'adopter une résolution portant sur la modification du statut de Mayotte. Cette résolution, transmise au Premier ministre dans les six mois qui suivent son adoption, devra faire l'objet d'un projet de loi déposé au Parlement.

La normalisation du statut de Mayotte, ou du moins son assimilation à l'organisation administrative métropolitaine, s'accompagne d'une normalisation sur le plan normatif : le principe de spécialité législative, qui exige que toute loi applicable à Mayotte en fasse la mention expresse, se trouve ainsi fortement atténué par l'introduction, dans plusieurs domaines importants, du principe d'identité législative : les lois, ordonnances et décrets portant sur la nationalité, l'état des personnes, le droit patrimonial de la famille, le droit pénal et la procédure pénale, la procédure administrative, le droit électoral, les postes et télécommunications, ou certaines dispositions du code de commerce sont désormais applicables de plein droit ; à partir de 2007 seront également directement applicables à Mayotte les textes portant sur l'organisation et l'administration des conseils généraux et les règles relatives aux juridictions financières.

Parallèlement à cette normalisation législative, le statut de droit local a été modifié afin de préciser notamment le droit des femmes à exercer une profession, les conditions de renonciation au statut de droit local ou les règles relatives aux compétences du droit commun en matière de droit local.

La volonté d'ancrer définitivement Mayotte à la métropole ne saurait se limiter à une réforme d'ordre strictement statutaire ; le développement économique de l'archipel est ainsi apparu dans les débats parlementaires comme une condition sine qua non de la réussite de cette évolution vers une normalisation. Dans cette optique, un fonds mahorais de développement, ainsi que des dotations exceptionnelles destinées aux communes ont été créés par la loi.

II. - L'EMBELLIE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Le taux de chômage est structurellement plus élevé dans les départements d'outre-mer qu'en métropole, atteignant, pour la Réunion, le chiffre le plus élevé de tous les départements français avec 32,4 %.

Néanmoins, si le niveau de chômage reste toujours à des taux préoccupants, l'étude de l'évolution du nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois pour tous les départements d'outre-mer laisse présager une amélioration durable des chiffres de l'emploi :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DEMANDEURS D'EMPLOIS

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Décembre 1993

40 997

35 835

8 115

80 200

Décembre 1994

41 743

43 197

8 882

85 623

Décembre 1995

44 387

43 145

8 243

87 107

Décembre 1996

47 056

44 541

10 782

94 072

Décembre 1997

49 765

44 919

12 555

100 055

Décembre 1998

52 425

49 993

13 073

95 769

Décembre 1999

54 255

48 667

12 791

94 921

Décembre 2000

47 842

43 521

11 695

91 999

Source : ANPE

Après une phase d'amélioration entre 1987 et 1990, due principalement aux effets bénéfiques du dispositif de défiscalisation, l'augmentation du nombre de chômeurs a repris sur la période comprise entre 1991 et 1997. A partir du mois d'août 1999, la tendance s'inverse puisque le nombre de demandeurs d'emploi est en baisse continue dans tous les départements d'outre-mer ; cette baisse s'est amplifiée en 2000 et au cours des premiers mois de l'année 2001, de sorte qu'au 31 mars 2001, le nombre de demandeurs d'emploi sur un an a diminué de 5,9 %.

Cette amélioration, constatée dans tous les départements d'outre-mer, a toutefois connu des évolutions distinctes selon les départements :

A la Réunion, l'année 2000 se caractérise par une accélération de la réduction du chômage, cette évolution bénéficiant davantage aux femmes qu'aux hommes (- 3,4 % pour les femmes contre - 2,8 % pour les hommes). Le chômage des jeunes de moins de 25 ans a également sensiblement décru, avec une baisse atteignant 3,6 % ; il convient néanmoins de souligner qu'avec 22 % du total des demandeurs d'emploi, le taux d'inactivité de cette catégorie de la population reste extrêmement préoccupant comparé à celui de 16 % observé en métropole.

En dépit de ce chiffre qui reste structurellement élevé, l'amélioration à la Réunion du marché de l'emploi en 2000, et notamment celui des jeunes, paraît cette année davantage liée à la conjoncture économique qu'à la mise en place de nouveaux contrats aidés. En 1999, le rapporteur le soulignait l'année dernière, c'est grâce au traitement social du chômage, et notamment au recours massif aux emplois-jeunes, que le nombre de demandeurs d'emploi avait réussi à baisser de 0,9 % ; en 2000 en revanche, les principaux contrats aidés ont enregistré un net recul, de l'ordre de 10,5 %, dû essentiellement à la baisse des contrats aidés dans le secteur non-marchand. Parmi ces contrats aidés, le nombre des nouveaux contrats emploi-jeune a été divisé de moitié entre 1999 et 2000, passant ainsi de 2 620 contrats signés en 1999 à 1 375 en 2000. On constate donc une reprise du recrutement dans le secteur concurrentiel, lié indubitablement aux bons chiffres de l'économie réunionnaise, qui constitue un motif d'espoir pour l'avenir.

En Guadeloupe, l'amélioration sensible du niveau de chômage constaté l'année dernière s'est poursuivie cette année, avec une baisse de 4,6 % ; le taux de chômage global se situe à 24,9 %, soit un taux inférieur à celui de la Martinique et de la Réunion. Même s'il apparaît que ce taux ne traduit qu'imparfaitement la réalité guadeloupéenne, compte tenu du poids vraisemblable des activités non déclarées, l'amélioration de la situation de l'emploi illustre clairement la reprise économique qui se dessine dans ce département.

En Martinique, malgré un indicateur de chômage qui reste élevé, de l'ordre de 26 % de la population active, la tendance à la baisse s'est également amplifiée au cours de l'année 2000. Cette réduction a essentiellement profité aux chômeurs de moins de 25 ans, qui ont connu une baisse d'effectifs de l'ordre de 1 500 personnes en un an, ainsi qu'aux chômeurs de longue durée, dont l'effectif diminue de 7 133 personnes sur la même période. Ces deux catégories de chômeurs sont particulièrement privilégiées par les mesures d'aide à l'emploi mises en place dans les départements d'outre-mer ; l'impact de ces mesures, davantage que la reprise économique, semble expliquer la baisse constatée du niveau de chômage en Martinique. Selon la Direction départementale du Travail et de l'Emploi, près de 55 % des 11 726 offres d'emploi enregistrées à l'ANPE étaient des contrats aidés.

En Guyane également, l'année 2000 se caractérise par la poursuite de la décrue du chômage (- 8,6 %) ; toutes les catégories de chômeurs sont concernées, avec une réduction portant toutefois davantage sur les jeunes de moins de 25 ans et les chômeurs de longue durée. Au total, le taux de chômage s'établit à 18,7 %, soit une réduction de 1,7 % sur un an. Il semble que ce bon résultat soit, là encore, davantage lié à l'impact de la politique active menée en faveur du traitement social du chômage que la traduction d'une amélioration économique.

Les inquiétudes sur la reprise économique pèsent essentiellement sur l'avenir du secteur touristique. Ce secteur, qui paraît, pour l'ensemble des départements d'outre-mer, le plus prometteur en terme d'emplois, est confronté, depuis le début de l'année 2001 à la question délicate des dessertes aériennes : la restructuration des liaisons opérées par le groupe AOM-Air liberté, effectuée à la fin de l'année 2000, suivie le 15 juin 2001 par l'annonce du dépôt de bilan du groupe, suscite des inquiétudes légitimes chez les professionnels du tourisme. Il s'en est suivi sur les Antilles et la Réunion une diminution de l'offre des sièges, assurée désormais par Air France, et un renchérissement du coût des vols.

Malgré l'engagement d'Air France d'affréter des avions supplémentaires (à raison de onze rotations vers les Antilles durant l'été, une croissance de l'offre de sièges sur la Réunion pour la saison d'hiver 2001-2002 et la mise en service d'un Boeing 747 sur Cayenne), les incertitudes sur les répercussions économiques du dépôt de bilan d'AOM-Air Liberté demeurent ; les ministres chargés du tourisme, des transports et de l'outre-mer devraient faire état, à l'automne 2001, des différentes propositions permettant de garantir dans la durée, et de façon stable, une offre satisfaisante des sièges entre les départements d'outre-mer et la métropole.

Les conditions du dialogue social dans les départements d'outre-mer sont très spécifiques ; cela tient d'abord à la configuration géographique de ces départements : territoires insulaires exigus pour la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe, territoire immense mais totalement dépendant des rares axes de circulation pour la Guyane, les départements d'outre-mer peuvent facilement être paralysés par une grève bloquant une seule route ou une installation portuaire. Cette configuration explique très certainement pourquoi les mouvements sociaux prennent rapidement une ampleur inconnue en métropole, les moyens de pression à la disposition des grévistes paraissant démultipliés.

Le climat politique de ces mouvements est également particulier, dans la mesure où certains syndicats, parmi les plus représentatifs, accompagnent leurs revendications de revendications indépendantistes. Compte tenu de ce contexte politique, les motifs de conflits sociaux sont plus nombreux qu'en métropole et peuvent très rapidement se généraliser.

Dès lors, dans ce climat de grèves parfois très longues et très dures, le dialogue social est souvent apparu particulièrement difficile à rétablir ; la paralysie de l'économie qu'elles ont pu provoquer oblige fréquemment le représentant de l'Etat à intervenir et le place, par la même occasion, en première ligne.

Le gouvernement de M. Lionel Jospin s'est attaché à renouer les conditions de ce dialogue social ; par une ordonnance du 24 juin 1998 a été instauré dans chaque département d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon une commission de conciliation compétente pour les conflits collectifs du travail ; par ailleurs, une action menée en direction de la Martinique par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer en collaboration avec l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a abouti, à la fin de l'année 2000, à une résolution pour la modernisation de dialogue et des pratiques sociales à la Martinique, signée par les principaux leaders syndicaux et patronaux.

Cette politique fondée sur la concertation, liée à l'embellie économique qui caractérise aujourd'hui les départements d'outre-mer, a très certainement contribué à apaiser durablement le climat social :

· En Martinique, l'année sociale est ainsi apparue beaucoup plus calme que la précédente ; avec onze conflits sociaux en 2000, le nombre de journées non travaillées a fortement diminué, la direction départementale du travail et de l'emploi n'en recensant que 1 849 en 2000 contre 13 200 en 1999.

· En Guadeloupe, le climat social s'est également amélioré, avec 1 119 journées de grève en l'an 2000 contre 6 784 l'année précédente ; néanmoins, il faut reconnaître que la nature des conflits a changé, dans la mesure où ils se sont installés dans la durée. Les tensions sociales les plus marquantes ont concerné les transporteurs de personnes ; les grèves ont duré deux mois et ont contribué à peser fortement sur les résultats de l'économie guadeloupéenne, et notamment sur le chiffre d'affaires des petits commerçants.

· En Guyane, contrairement aux autres départements français d'Amérique, une nette dégradation du climat social a été observée en fin d'année, notamment dans le secteur public ; 6 700 journées de grève ont été décomptées en 2000, contre 2 923 l'année précédente.

· La Réunion a également connu une année relativement sereine sur le plan social ; seuls 15 conflits ont été recensés dans le secteur privé, contre 28 en 1999. Le nombre de journées individuelles non travaillées confirme cette tendance, passant ainsi de 15 607 en 1999 à 5 223 en 2000.

La relative sérénité du climat social illustre incontestablement le retour à la croissance économique. Il faut reconnaître, néanmoins, que le nombre de jours de grève n'est qu'une mesure incomplète de la cohésion sociale ; les sociétés des départements d'outre-mer restent toujours marquées par des statistiques très élevées en matière de crimes et délits. La violence que connaissent quotidiennement les habitants de ces départements traduit indubitablement un malaise profond, qui dépasse la simple contestation sociale.

Dans ce contexte perturbé, il importe de faire preuve de la plus grande solidarité avec les départements d'outre-mer. Le gouvernement de M. Lionel Jospin s'est employé, depuis juin 1997, à renforcer les dispositifs en faveur des plus démunis, en mettant fin notamment aux disparités qui subsistaient, au détriment de l'outre-mer, en matière de prestations sociales.

Corollaire pourtant logique des lois de départementalisation de 1946, l'égalité sociale des départements d'outre-mer avec la métropole ne s'est faite que lentement. Au milieu des années quatre-vingt, des inégalités flagrantes subsistent en matière de salaires, de prestations familiales ou de logement. La loi d'orientation pour l'outre-mer a permis de supprimer la dernière survivance de ce système inégalitaire : le RMI, dont le niveau dans les DOM subissait une réfaction de 20 %, est désormais aligné sur le niveau métropolitain. Cet alignement, prévu à l'origine sur 5 ans, puis sur 3 ans par la loi d'orientation pour l'outre-mer, sera finalement, sur décision de M. Lionel Jospin, définitif dès le 1er janvier 2002.

III. - DES DÉSÉQUILIBRES PERSISTANTS DANS UN ENVIRONNEMENT RÉGIONAL DIFFICILE

· La faiblesse des ressources

Dans son rapport annuel de 1994, la Cour des Comptes relevait l'importance du contrôle budgétaire effectué sur les collectivités locales des départements d'outre-mer, et notait que la chambre régionale des comptes Guadeloupe-Martinique-Guyane représentait plus de 17 % du total des avis émis par l'ensemble des chambres régionales des comptes, alors que le nombre de comptabilités relevant de sa compétence ne représentait que 0,68 % du total. La Cour des comptes notait également que les contrôles étaient non seulement nombreux mais révélaient également des situations financières graves.

Cette surreprésentation des collectivités locales d'outre-mer dans le nombre d'avis des chambres régionales des comptes est toujours d'actualité ; la gravité de la situation financière des collectivités locales tient, en premier lieu, à la structure très particulière des ressources de ces collectivités : les recettes de fiscalité indirecte représentent environ 80 % des recettes fiscales totales, contre 20 % seulement pour les communes de métropole. Encore convient-il de préciser que le produit de cette fiscalité indirecte est très spécifique puisqu'elle dépend en grande partie de l'octroi de mer. Taxe sur les marchandises importées, le produit de l'octroi de mer est fortement soumis aux aléas de la conjoncture économique et peu influencé par les décisions politiques. Les collectivités n'ont ainsi que peu de prises sur la répartition du produit et ne peuvent utiliser la fiscalité indirecte comme un instrument de gestion.

Les collectivités locales ont davantage de prise sur la fiscalité locale directe ; néanmoins, là encore, les marges de man_uvre apparaissent plus réduites qu'en métropole en raison notamment de la faiblesse des revenus de la population des départements d'outre-mer () et du régime d'exonérations particulier qui caractérise ces départements () ; un autre problème spécifique en matière d'impôt local est la difficulté, pour les collectivités, de recenser, compte tenu de l'insuffisance du cadastre et du volume d'habitations construites sans permis, le nombre de foyers imposables.

· Le poids des dépenses en personnel

A la faiblesse quasi structurelle de l'autofinancement par l'impôt vient s'ajouter une croissance inquiétante des dépenses de fonctionnement des collectivités d'outre-mer ; en effet, en application de la loi du 3 avril 1950, les fonctionnaires territoriaux des collectivités locales d'outre-mer reçoivent, au même titre que les fonctionnaires de l'Etat servant outre-mer, une majoration de traitement de l'ordre de 40 % pour les départements français d'Amérique et de 53 % pour la Réunion. Ce dispositif, extrêmement onéreux pour les collectivités, incite ces collectivités à recourir de façon massive à des agents non titulaires ne relevant pas du traitement majoré. La part du personnel non titulaire dans les DOM s'élève ainsi à plus de 60 % contre 25 % en métropole.

Le recours à ces agents non titulaires présente de nombreux inconvénients : la précarité du statut de ces agents est génératrice de tensions sociales, accrues encore par les disparités existant avec les agents titulaires bénéficiant d'une majoration de 40 % ; l'ampleur du phénomène nuit à une bonne gestion des collectivités, dans la mesure où le personnel ainsi recruté relève essentiellement de la catégorie C ; le sous-encadrement des administrations locales est patent, alors même que le taux d'administration locale est plus élevé dans les DOM qu'en métropole ; enfin, l'existence d'un nombre important de non titulaires fait peser sur les comptes des collectivités un risque financier élevé, lié à la perspective de titularisation avec une surrémunération de 40 à 53 % selon les départements.

· La dégradation de la situation financière

Faiblesse des recettes fiscales, importance des dépenses de fonctionnement, les collectivités locales se retrouvent très fréquemment dans des situations financières précaires. Les quelques exemples qui suivent illustrent cette situation :

· En Guyane, le conseil régional a connu une forte dégradation de ses comptes au début des années 90 et a été contraint de signer un protocole de restructuration financière l'obligeant à bloquer ses dépenses de fonctionnement, à stabiliser ses dépenses d'investissement et à accepter de lourdes annuités pour le règlement de sa dette courant jusqu'en 2002.

Le conseil général de Guyane se trouve également dans une situation financière précaire, liée notamment à des dépenses de personnel importantes, ces dernières s'élevant ainsi à 43 % du budget de fonctionnement, contre 16,2 % en métropole et 23 % en moyenne dans l'ensemble des DOM, ainsi qu'à une dette importante, de l'ordre de 24,70 millions d'euros (162 millions de francs) sur 7 ans, à l'égard du centre hospitalier de Cayenne au titre des dépenses médicales.

La situation particulièrement délicate de la commune de Cayenne a nécessité, de manière très exceptionnelle, l'octroi d'une subvention de l'Etat à hauteur de 4,57 millions d'euros (30 millions de francs) sur trois ans, en échange de l'acceptation d'un protocole d'accord visant à stabiliser les dépenses de fonctionnement, à renforcer le personnel d'encadrement, à limiter les dépenses d'investissement et à rechercher des ressources nouvelles. D'après un contrôle de gestion effectué en 2000 par la chambre régionale des comptes sur la période 1991-1999, le plan de redressement n'aurait permis de stabiliser la situation financière de la commune que grâce à l'arrêt complet des investissements. La dérive des dépenses de personnel aurait dans le même temps perduré.

· En Martinique, la situation financière du département est très tendue, la marge d'autofinancement s'étant dégradée pour devenir négative ; le département se trouve donc dans l'impossibilité de rembourser sa dette sur ses recettes propres et ne dégage pas les ressources nécessaires au financement de ses investissements.

La commune de Fort-de-France connaît également depuis 10 ans une dégradation de sa situation financière, qui l'a conduite à signer des protocoles d'accords successifs avec les organismes bancaires ; depuis 1993, la ville fait également l'objet d'un suivi dans le cadre d'un réseau d'alerte mis en place par la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des collectivités locales. Un plan de titularisation du personnel mis en _uvre dès 1995 concernant plus de 1 200 agents a provoqué une progression sensible de la masse salariale ; la situation financière a cependant connu une amélioration, du fait de la compression des dépenses d'investissement.

Il s'agit là, bien évidemment, des situations les plus critiques ; elles reflètent mal les efforts immenses opérés ces dernières années par toutes les collectivités locales d'outre-mer pour assainir leurs comptes.

Néanmoins, cette démarche d'assainissement s'est, le plus souvent, faite par une compression des dépenses d'investissement, alors même que les collectivités territoriales d'outre-mer doivent pourtant assumer des charges spécifiques.

· La spécificité du cadre d'intervention des collectivités d'outre-mer

Il convient, en premier lieu, d'insister sur le retard de développement et la faiblesse des infrastructures que connaissent encore actuellement les DOM par rapport à la métropole. Les collectivités locales ont dû, depuis la décentralisation, assumer des charges considérables en matière de routes, de réseaux publics, d'infrastructures scolaires ou de résorption de l'habitat insalubre.

Au-delà de ce retard, force est également de constater que les collectivités locales d'outre-mer interviennent dans un contexte très particulier par rapport aux collectivités métropolitaines.

Les spécificités des départements d'outre-mer tiennent d'abord à la croissance démographique qui les caractérisent ; les taux de natalité y sont nettement supérieurs à la métropole (), et la pyramide des âges révèle une population très jeune.

Le cas de la Guyane est à cet égard le plus marquant : la croissance démographique y est exceptionnellement forte, à raison d'une progression de 3,4 % par an ; une petite moitié de la population guyanaise a moins de 20 ans et un guyanais sur trois a moins de 15 ans (contre 10 % en métropole) ; il en résulte pour ce département des besoins très spécifiques en équipement, notamment en matière de constructions d'établissements d'enseignements et d'infrastructures sportives. Le conseil général de Guyane doit ainsi faire face au financement de la construction d'un à deux collèges par an. Il est bien évident qu'un tel défi ne peut être relevé par une collectivité sans l'affirmation d'une solidarité nationale par le biais d'un soutien massif de l'Etat.

Le contexte d'intervention des collectivités locales d'outre-mer paraît également très spécifique en raison des conditions géographiques et climatiques qui caractérisent les départements d'outre-mer ; la Réunion et les départements français d'Amérique subissent fréquemment cyclones et ouragans dévastateurs ; il en résulte des charges exceptionnelles pour les collectivités, dues à la fois aux dépenses de reconstructions suite à ces cyclones, ainsi qu'au surcoût des matériaux de construction utilisés pour faire face à ces menaces climatiques.

Le cas de la Guyane est encore différent ; situé hors de la zone climatique où sévissent cyclones et ouragans, la Guyane doit néanmoins faire face à des conditions climatiques équatoriales qui provoquent l'érosion des bâtiments et nécessitent un entretien et un rythme de renouvellement plus soutenus qu'en métropole. Les travaux d'entretien des voiries par le département constituent ainsi pour le conseil général une charge très importante.

La Guyane se caractérise également, par rapport aux autres départements d'outre-mer, par sa taille, présentant une superficie grande comme trois fois la Belgique ; néanmoins, sur ce vaste territoire, la densité n'est que de 2 habitants au km², comparée à une densité de 248 habitants au km² en Guadeloupe, 339 en Martinique et 108 en métropole. 10 % des habitants du département vivent dans des communes inaccessibles par la route. Compte tenu de la superficie du département, les communes sont également très étendues : Maripasoula est ainsi la plus grande commune de France. Très faible densité de population, très grande taille des communes, isolement et difficultés de communication : les collectivités guyanaises subissent un certain nombre de handicaps inconnus des collectivités métropolitaines, alors même que leurs ressources fiscales sont faibles et qu'elles manquent de personnel qualifié dans les services publics.

La mission parlementaire a ainsi pu constater sur place les innombrables difficultés auxquelles sont confrontées les communes de l'intérieur de la Guyane : infrastructures déficientes, voire inexistantes, cheminement difficile et irrégulier des marchandises et matières premières, renchérissement des coûts dus aux transports intérieurs. L'isolement des communes est également perceptible en matière de télécommunications, les liaisons téléphoniques étant très difficiles à établir. Il en résulte, de façon bien compréhensible, une certaine amertume pour ces habitants qui vivent dans le même département que Kourou, base de lancement des satellites de télécommunication les plus perfectionnés.

Certaines communes, comme Saül, ne peuvent être desservies que par l'avion ; l'incertitude qui pèse sur l'avenir de la compagnie Air Guyane est, là encore, source d'inquiétude. En effet, cette compagnie, chargée d'assurer les liaisons intérieures du département, a passé avec l'Etat et la région des conventions de service public.

Une mission d'inspection, envoyée à l'initiative du Gouvernement a fait ressortir une situation déséquilibrée avec un déficit d'exploitation de 3,811 millions d'euros (25 millions de francs) au 31 décembre 2000 et des dettes immédiatement exigibles de plus de 6 millions d'euros (39,36 millions de francs). Cette situation a conduit à la signature d'un avenant à la convention, afin de permettre la poursuite des vols et de définir les voies et moyens devant permettre la signature d'une nouvelle convention à l'issue de ce délai, la Région ayant déclaré officiellement infructueux l'appel d'offres lancé en 2000 le 9 février 2000. Les négociations n'ayant pas abouti, il s'en est suivi un arrêt des activités de la société le 16 février 2001, suivi de sa mise en liquidation judiciaire.

L'Etat, devant cette défaillance, a du recourir provisoirement à des avions militaires, pour assurer le maintien d'une desserte aérienne minimale vers les communes de l'intérieur guyanais. Les négociations entre-temps se sont poursuivies et ont permis d'aboutir le 13 avril 2001 à la signature d'un protocole d'accord entre l'Etat, la Région et l'administrateur judiciaire, et un nouvel avenant courant jusqu'au 31 décembre 2001. La compagnie a ainsi repris ses vols le 31 mai 2001. En parallèle, la procédure d'appel d'offres pour une nouvelle convention a été lancée par le conseil régional à la fin de juin 2001.

Souffrant de handicaps structurels, les collectivités locales d'outre-mer ont également dû faire face à des difficultés d'ordre conjoncturel. La faiblesse du niveau de vie et le taux élevé de chômage pèsent sur les finances des collectivités à un double titre:  le chômage a en premier lieu souvent conduit les collectivités à employer un nombre trop élevé d'agents. Les effectifs des communes sont ainsi devenus pléthoriques, grevant lourdement, on l'a vu, leur section de fonctionnement. Ensuite, la faiblesse du niveau de vie exige une implication accrue des collectivités locales, notamment en matière de dépenses d'aide sociale. Celles-ci sont ainsi deux fois plus élevées dans les départements d'outre-mer qu'en métropole : 362,22 euros (2 376 francs) par habitant contre 200,78 euros (1 317 francs) en métropole ().

· L'affirmation de la solidarité nationale au travers des subventions de l'Etat

Toutes dotations confondues, le montant du soutien de l'Etat par habitant aux collectivités d'outre-mer est un peu plus du double de celui consenti aux collectivités de métropole.

En euros par habitant (en francs)

Moyenne pour
les quatre DOM

Moyenne pour
la métropole

    · Dotations et subventions de fonctionnement

   

    - aux communes de - de 10 000 ha

201,69 € (1 323 F)

194,07 € (1 273 F)

    - aux communes

231,87 € ( 1 521 F)

    248,80 € (1 632 F)

    - aux départements

366,79 € (2 406 F)

68,14 € (447 F)

    - aux régions

71,04 € (466 F)

35,98 € (236 F)

    · Dotations et subventions d'investissement

   

    - aux communes de - de 10 000 ha

229,59 € (1 506 F)

87,66 € (575 F)

    - aux communes de + de 10 000 ha

132,94 € (872 F)

68,14 € (447 F)

    - aux départements (1)

96,65 € (634 F)

32,32 € (212 F)

    - aux régions

73,94 € (485 F)

11,43 € (75 F)

(1) Les subventions d'investissement et les participations reçues par les départements ne concernent pas seulement celles perçues de l'Etat, mais recensent toutes les dotations (y compris CEE et autres collectivités).

Source : budgets primitifs 1998 - DGCL. Chiffres reproduits du rapport Lise-Tamaya

S'agissant de la dotation globale de fonctionnement, les communes d'outre-mer la perçoivent dans des conditions de répartition très favorables à leur égard. La dotation forfaitaire, qui compose la première part de la dotation globale de fonctionnement des communes, a ainsi vu son montant attribué à l'ensemble des communes d'outre-mer majoré en 1994 de 4,57 millions d'euros (30 millions de francs). Cette augmentation a été consolidée dans la base de calcul à partir de 1996.

Les communes des départements d'outre-mer ont également bénéficié, en application des articles 54 et 63 de la loi d'orientation pour l'outre-mer d'une majoration de dotation forfaitaire pour un montant de 6,10 millions d'euros (40 millions de francs).

En outre, le montant de la dotation d'aménagement des communes, qui constitue la deuxième part de la DGF communale, obéit également pour les communes d'outre-mer à des critères de répartition spécifiques ; ainsi, la dotation d'aménagement pour l'outre-mer ne prend pas en compte la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale ; elle résulte d'une quote-part prélevée sur la masse globale de la dotation d'aménagement, après déduction de la dotation pour groupements, mais avant prélèvement des dotations de solidarité urbaine et rurale. Cette quote-part est ensuite répartie entre les départements, les territoires et les collectivités territoriales d'outre-mer au prorata de leur population, puis entre les communes en fonction de leur population et de critères variables tenant à la superficie, à l'éloignement du chef-lieu ou à la capacité financière de la commune. Les critères retenus n'intègrent ainsi nullement les considérations économiques et sociales sur lesquelles reposent les critères de la répartition de la DSU et de la DSR. Ils se révèlent très favorables dans leur évolution aux communes d'outre-mer.

Les ressources de compensation et de péréquation, ainsi que les subventions d'investissement obéissent, sans qu'il soit besoin de les décrire dans le détail, aux mêmes spécificités pour ce qui est de leur attribution à l'outre-mer.

Ces spécificités traduisent le consensus national qui s'est établi pour aider les collectivités d'outre-mer à surmonter les difficultés que connaissent les collectivités d'outre-mer.

Malgré les difficultés que connaissent les collectivités locales, les départements d'outre-mer jouissent d'un niveau de vie bien supérieur à leurs voisins les plus proches. Ainsi, la comparaison du PIB par habitant dans les quatre départements d'outre-mer avec les pays de leur environnement régional fait apparaître dans chaque cas un écart nettement favorable aux départements français :

ANTILLES FRANÇAISES ET PAYS VOISINS EN 1997

 

Population

Superficie
(km2)

Hab/km2

PIB
(millions $)

PIB/hab
($/hab)

Guadeloupe

415 000

1 780

233

5 179

12 480

Martinique

377 000

1 128

334

5 411

14 352

Dominique

73 640

751

98

238

3 232

Barbade

264 300

430

615

1 110

4 200

Sainte-Lucie

151 000

616

245

575

3 808

Porto-Rico

3 783 000

8 959

422

35 834

9 472

Cuba

11 019 000

110 860

99

8 120

737

Haïti

7 336 000

27 750

264

3 097

422

Jamaïque

2 546 620

10 991

232

4 790

1 881

GUYANE ET PAYS VOISINS EN 1997

 

Population

Superficie
(km2)

Hab/km2

PIB
(millions $)

PIB/hab
($/hab)

Guyane

147 000

86 504

2

1 979

13 465

Guyana

775 000

215 083

4

743

959

Surinam

415 000

163 820

3

470

1 133

RÉUNION ET PAYS VOISINS EN 1997

 

Population

Superficie
(km2)

Hab/km2

PIB
(millions $)

PIB/hab
($/hab)

Réunion

685 000

2 512

273

7 824

11 421

Maurice

1 134 000

2 040

556

4 180

3 686

Seychelles

76 670

454

169

520

6 782

Comores

504 680

1 862

271

20

40

Madagascar

13 704 620

587 041

23

3 450

252

Afrique du Sud

37 643 000

1 223 200

31

128 230

3 406

Ainsi, dans la Caraïbe, le PIB par habitant de Porto-Rico, territoire le plus développé de l'environnement des DOM antillais, représente seulement les deux-tiers du PIB par habitant de la Martinique et les trois-quarts de celui de la Guadeloupe.

De même, le PIB par habitant de la Guyane est douze fois supérieur à celui du Surinam voisin.

Dans l'Océan indien, le PIB par habitant de la Réunion est trois fois plus élevé que celui de l'île Maurice, pourtant souvent donné comme un exemple de réussite économique.

Le différentiel de niveau de vie entre les départements d'outre-mer et leurs voisins les plus proches génère des flux importants d'immigration clandestine. Ce phénomène est surtout marquant dans les départements français d'Amérique, la Réunion se distinguant au contraire comme une des régions françaises dont le taux d'immigration est le plus bas.

La Martinique et surtout la Guadeloupe subissent une forte immigration clandestine. Cette immigration utilise essentiellement la voie maritime, par nature difficilement contrôlable compte tenu de son étendue et du relief des côtes.

En Martinique, la population étrangère est de 6 500 personnes. S'y ajoutent entre 300 et 500 étrangers en situation irrégulière. 170 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées en 2000, contre 224 en 1999.

En Guadeloupe, la population étrangère est de plus de 23 000 personnes (10 596 en 1996). La régularisation des étrangers, intervenue depuis trois ans en application des réformes sur l'entrée et le séjour des étrangers, a permis de diminuer de moitié la population clandestine, évaluée à moins de 10 000 personnes dès 1999. En 2000, 826 mesures de reconduite à la frontière ont été exécutées.

La lutte contre l'immigration clandestine, outre les contrôles d'entrée dans les ports et dans les aéroports, s'organise avec une surveillance permanente de la brigade frontalière mobile de la police des frontières et une surveillance des côtes par les vedettes des douanes et de la gendarmerie.

Dans le domaine de l'emploi, les contrats sont soumis à la direction départementale du travail et de l'emploi qui effectue un contrôle approfondi.

La Guadeloupe est, en outre, confrontée au problème délicat de l'île Saint-Martin. Cette île, partagée entre une partie néerlandaise et une partie française, est particulièrement sujette à l'immigration clandestine, compte tenu de la localisation de l'aéroport international dans la zone hollandaise et de l'absence totale de contrôle à la frontière entre les deux parties de l'île.

Pour une population totale de 35 000 habitants, la commune de Saint-Martin compte 8 000 étrangers. A ce chiffre, s'ajoutent plus de 2 000 étrangers en situation irrégulière. La population étrangère est composée à 60 % de Haïtiens et à 20 % de Dominicains.

La présence de nombreux immigrés clandestins ne manque pas de poser de sérieuses difficultés à la commune au point de vue social et économique. En effet, les infrastructures de santé, de scolarité et de logement sont sous dimensionnées par rapport à la demande, en général non solvable. A cela s'ajoutent les problèmes d'insécurité, de trafic de drogue, de bidonvilles et zones d'habitats insalubres.

La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile prévoit de maintenir, pour la commune de Saint-Martin, le dispositif dérogatoire relatif au caractère non-suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière, précédemment en vigueur pour une période de cinq ans dans les départements d'outre-mer. Les commissions du titre de séjour ont été rétablies en métropole par la loi du 11 mai 1998 précitée. A titre dérogatoire, cette disposition n'est pas applicable, pendant une durée de cinq ans, dans la commune de Saint-Martin.

L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle conjoint dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la France le 20 juillet 1995, doit faciliter l'éloignement des étrangers non admis ou trouvés en situation irrégulière. Il permettra, en outre, l'arrestation provisoire des personnes appréhendées aux fins d'extradition. Ce protocole n'est, toutefois, pas encore entré en application, les Pays Bas ne l'ayant pas ratifié à ce jour.

La Guyane connaît également le problème lancinant de l'immigration clandestine : frontalière du Surinam et du Brésil (avec une frontière longue de près de 3 000 km, dont la plus grande partie en forêt dense), située à proximité immédiate de pays sud-américains confrontés aux problèmes du développement, la Guyane apparaît pour nombre de ressortissants de ces pays comme un espace de liberté et de richesse. C'est ce qui explique la forte immigration en provenance du Brésil, de Guyana, du Surinam et de Haïti.

Pour une population estimée à 157 274 habitants, on dénombre 18 674 étrangers en situation régulière (6 291 Haïtiens, 3 827 Surinamiens, 3 787 Brésiliens, 1 538 Guyaniens, 777 Chinois et 361 Saint-Luciens).

A cette population émigrée s'ajoutent au moins 30 000 à 35 000 individus en situation irrégulière.

La lutte contre l'immigration clandestine est une priorité de l'action de l'Etat en Guyane. Les interrogations sur l'assimilation de ces populations dans un contexte économique particulièrement difficile sont, en effet, revenues comme un leitmotiv dans les auditions menées par la mission parlementaire. L'immigration clandestine est ainsi perçue comme un facteur majeur d'insécurité, notamment à Cayenne, et également comme un obstacle à la reprise de l'emploi, compte tenu du marché soutenu de travail clandestin. Le phénomène de l'immigration clandestine pèse, en outre, sur les dépenses publiques, en particulier dans les domaines sanitaire et social.

La lutte contre l'immigration clandestine s'organise autour de trois axes : le contrôle des frontières, la lutte contre l'emploi clandestin et la coopération avec les pays voisins.

Le contrôle des frontières se heurte aux conditions naturelles et climatiques, la forêt amazonienne qui caractérise une grande partie du territoire guyanais rendant difficile le contrôle de l'accès du territoire français par les forces de police ou de gendarmerie. La mission parlementaire a de plus pu constater la facilité avec laquelle il est possible de passer d'une rive à l'autre du fleuve Maroni et combien il est inapproprié de parler, à propos de ce fleuve comme de l'Oyapock à l'est de la Guyane, de frontière.

Les représentants des forces de l'ordre en Guyane sont au nombre de 382 gendarmes et de 448 policiers. Trois escadrons de gendarmerie sont déplacés en permanence en Guyane pour des missions d'ordre public et de renfort à Cayenne, à Kourou et à Saint-Laurent du Maroni. Depuis janvier 2001, un escadron supplémentaire est affecté à Maripasoula, notamment pour la surveillance et le contrôle des sites d'orpaillage. Le poste de la police aux frontières de Saint-Laurent du Maroni a été restructuré en 1993, son effectif passant à 35 policiers. L'effectif total de la police aux frontières est actuellement de 138 agents dont 45 à Saint-Laurent du Maroni.

Lors de sa visite en Guyane en septembre dernier, le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer a, de plus, confirmé sa volonté d'intensifier la lutte contre l'immigration clandestine, en annonçant notamment le recrutement de 30 gardiens de la paix supplémentaire, le maintien de l'escadron de gendarmerie à Maripasoula et la création, dans un délai de 18 mois, d'un peloton de surveillance et d'intervention en forêt, constitué de soixante hommes.

Dans le cadre de ce contrôle des frontières, un dispositif de surveillance et de contrôle particulier a été mis en place avec les plans « Alizé-bis » et « Galerne » sur les fleuves Maroni et Oyapock (patrouilles sur les fleuves, surveillance sur les rives), le renforcement du contrôle à l'aéroport, au bac international et au poste d'Iracoubo (point de passage obligé en arrière du Maroni). De plus, un centre de rétention, destiné à faciliter la gestion des reconduites à la frontière (50 % du total des reconduites aux frontières françaises), a été construit en 1996 près de l'aéroport de Rochambeau à Cayenne. En 2000, 7 171 mesures de reconduite à la frontière (6 967 en 1999) ont été exécutées.

Par ailleurs, la législation a été aménagée afin de tenir compte des spécificités de la Guyane : l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, introduit par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997, a autorisé les contrôles d'identité et les contrôles sommaires des véhicules, autres qu'individuels, sur une zone s'étendant à 20 km au-delà des frontières terrestres. Cette mesure, associée au dispositif de surveillance et de contrôle décrit ci-dessus, contribue à réguler plus efficacement les flux migratoires. Au cours de l'année 2000, 70 518 contrôles ont été effectués dans le cadre de ce dispositif spécifique au département de la Guyane. La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 a également prévu des dispositions dérogatoires pour la Guyane, identiques à celles prévues pour la commune de Saint-Martin, concernant l'absence de recours suspensif contre les arrêtés de reconduite à la frontière et, pour une période de cinq ans, la non-application des mesures relatives à l'institution de commissions du titre de séjour.

S'agissant de la lutte contre le travail clandestin, l'Etat a mis en place en 1990 une antenne de l'Office des migrations internationales à Cayenne. En outre, une étroite concertation entre l'Etat, les élus locaux et les socioprofessionnels, notamment dans le secteur du BTP, a permis d'_uvrer pour un meilleur contrôle des flux migratoires.

L'effort a également porté sur la mise en place d'une politique active de coopération régionale. La coopération entre les services de police, de gendarmerie et des douanes avec leurs homologues brésiliens, guyaniens et surinamais doit être développée, et prévoir notamment des échanges de personnels et la désignation d'interlocuteurs privilégiés.

Des échanges entre l'ambassadeur de France à Paramaribo et les autorités de Georgetown ont permis d'aborder le problème des flux migratoires entre le Guyana et la Guyane, notamment les difficultés rencontrées lors de la reconduite à la fontière de Guyaniens en situation irrégulière sur le territoire français, le Guyana n'acceptant plus les intéressés lorsqu'ils sont dépourvus de papiers d'identité.

Des projets d'accord de réadmission sont en cours de transmission aux autorités du Guyana, mais aussi du Surinam, pour lever les difficultés et faciliter, d'une manière générale, les procédures de reconduite à la frontière. Ces textes s'inspirent de l'accord franco-brésilien qui est entré en vigueur le 24 août 2001.

Par ailleurs, une réflexion est engagée en vue de l'implantation d'un consulat du Guyana à Cayenne.

Enfin, un projet d'accord est en discussion avec les autorités du Surinam, pour la mise en _uvre de patrouilles conjointes de surveillance sur le fleuve Maroni.

L'étude de l'immigration clandestine dans les départements d'outre-mer démontre la nécessité de travailler à une meilleure coopération des départements avec leurs pays voisins ; il s'agit non seulement de renforcer les dispositifs policiers de surveillance des frontières, mais surtout de favoriser les conditions de développement de ces pays voisins, afin que, à terme, leurs ressortissants ne soient plus poussés à chercher ailleurs les conditions de leur survie.

L'intégration des DOM dans un ensemble régional répond, en premier lieu, à une exigence humanitaire et politique ; l'immigration clandestine, manifestation de la pauvreté des pays voisins, perturbe sensiblement, on l'a vu, un équilibre social déjà fragile.

La coopération régionale doit également répondre à des considérations d'ordre économique : les échanges commerciaux avec les pays voisins se trouvent encore extrêmement limités, dans la mesure où les économies de ces pays, notamment dans les secteurs d'activité traditionnels tels que la banane, la canne à sucre et le tourisme, sont concurrentes des productions des départements d'outre-mer. Les DOM souffrent de plus, dans ces secteurs, d'un coût de production plus élevé lié à la structure des salaires et au niveau des charges sociales.

Ainsi, les échanges de la Martinique et de la Guadeloupe avec la zone Caraïbe ne représentent respectivement que 2,7 % et 7,1 % de leurs échanges commerciaux ; la zone Caraïbe et l'Amérique du Sud ne fournissent également que 4,4 % des débouchés extérieurs de la Guyane. Seule la Réunion paraît avoir davantage intégré la composante régionale dans son économie, puisque les échanges avec la zone de l'Océan indien et de l'Afrique du Sud s'élèvent à 24 % de ses échanges commerciaux.

Il est pourtant primordial de développer davantage ces échanges, dans la mesure où les marchés intérieurs des DOM n'atteignent pas une taille critique qui leur permettrait de trouver des débouchés internes.

La coopération régionale s'efforce ainsi de développer les échanges commerciaux, politiques, mais également culturels, entre les départements d'outre-mer et les pays voisins. Conscient des enjeux qu'elle représentait pour le développement des départements d'outre-mer, le législateur a considérablement renforcé les dispositifs existants.

La loi d'orientation pour l'outre-mer a ainsi créé dans cette optique quatre fonds de coopération régionale, un pour chaque département d'outre-mer, qui succèdent au Fonds interministériel de Coopération (FIC) destiné aux seules Antilles-Guyane. Ces fonds sont alimentés par des crédits de l'Etat et peuvent recevoir des dotations du département, de la région ou de toute autre collectivité. Chaque fonds est géré par un comité paritaire comprenant des représentants de l'Etat et des collectivités.

Les projets que ces fonds ont vocation à soutenir sont ceux qui comportent, dans tous les secteurs d'activité, des implications pour les économies en cause ou qui facilitent les échanges économiques et humains entre les collectivités d'outre-mer et leurs voisins.

La loi d'orientation pour l'outre-mer institue également une instance de concertation, dénommée conférence de coopération régionale Antilles-Guyane, chargée de coordonner les politiques conduites par l'Etat et les collectivités territoriales dans la zone de la Caraïbe et dans les régions limitrophes des Etats frontaliers de la Guyane. A l'identique de cette instance a été créée, par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, la conférence de coopération régionale dans l'Océan indien.

La loi d'orientation pour l'outre-mer s'est également attachée à déconcentrer davantage les décisions en matière de coopération : ainsi, dans les domaines de la compétence de l'Etat, les présidents des conseils généraux et régionaux auront la possibilité de négocier et signer les accords internationaux ; lorsqu'il n'est pas fait application de cette procédure, les exécutifs locaux peuvent néanmoins être associés ou participer aux négociations au sein de la délégation française. Dans les domaines de compétence des départements et des régions, les conseils généraux et régionaux peuvent demander aux autorités de la République d'autoriser leurs présidents à négocier et à signer des accords internationaux, qui sont ensuite soumis à la délibération des assemblées concernées. Enfin, pour les accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'Etat, des départements ou des régions, les exécutifs départementaux et régionaux peuvent, lorsqu'ils n'ont pas reçu mandat pour négocier et signer de tels accords, participer au sein de la délégation française, à la négociation de ces accords.

En outre, si les statuts des organisations régionales le permettent, les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent participer à ces organisations en qualité de membres associés ou d'observateurs.

Le dossier de la coopération régionale semble particulièrement avancé en Guyane, où ont pu être mises en place à un échelon déconcentré des relations suivies entre le département français et le Brésil ou le Surinam.

Avec le Brésil, et plus particulièrement l'Etat fédéré d'Amapa, frontalier de la Guyane, ont notamment été développées des actions portant sur le développement des liaisons aériennes et des infrastructures routières, avec une route reliant Cayenne à Macapa, capitale de l'Amapa. Des contacts ont également été pris pour développer les échanges commerciaux et financiers, en particulier en faveur des PME, dans les secteurs de la pêche et de l'industrie agro-alimentaire. Un projet est à l'étude afin de développer le tourisme durable tout en préservant l'environnement. Une autre série d'actions concerne l'environnement et la recherche, l'éducation, la culture et le sport.

Avec le Surinam, les actions de coopération ont essentiellement porté sur la lutte contre l'immigration, avec la mise en place d'un programme de coopération entre les polices, les douanes et la justice des deux pays. Une action a également été développée en matière sanitaire, avec un programme d'un montant de plus de 0,46 millions d'euros (3 millions de francs) pour aider le Surinam à lutter contre les maladies transmissibles telles que paludisme ou dengue ; ce programme contribuera également à réhabiliter le centre sanitaire d'Albina afin de limiter la forte attraction qu'exercent les installations sanitaires de Saint-Laurent pour les populations surinamiennes.

En effet, l'hôpital de Saint-Laurent compte 83 lits, un plateau technique de qualité et 250 agents dont une trentaine de médecins et une quinzaine de sage-femmes. En face, de l'autre côté du fleuve, l'hôpital d'Albina dispose de 9 lits et 21 agents, dont un seul médecin et une sage-femme. Compte tenu de la perméabilité de la frontière, les ressortissants surinamiens représentent environ 50 % du centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Marani (soit 2 000 à 3 000 naissances, sur les 5 à 6 000 qu'assure annuellement le centre). Il en résulte, pour l'hôpital, des problèmes de trésorerie récurrents, dus à l'insolvabilité de ces patients.

La Réunion et Mayotte ont pu, grâce à la Commission de l'Océan indien (COI), développer des relations suivies avec les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles. Dans la perspective de développer les échanges commerciaux intra-régionaux et avec les pays tiers, la COI a mis en place un programme intégré de développement des échanges, avec, à terme, la création d'une zone de libre-échange. Le programme porte essentiellement sur l'accélération du développement du tourisme, l'harmonisation des programmes de pêche, la protection de l'environnement, et notamment des massifs coralliens, le renforcement des échanges culturels, par le biais de l'Université de l'Océan indien, et, enfin, l'appronfondissement du dialogue politique avec une réflexion portant sur les institutions de la COI.

Les départements français d'Amérique ont axé leurs efforts principalement sur le développement de l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC). Créée par la convention de Carthagène en juillet 1994, en réaction au projet américain de créer une vaste zone de libre-échange allant du Canada à la Terre de Feu, cette association regroupe la totalité des Etats insulaires et continentaux riverains du bassin caraïbe, à l'exception notable des Etats-Unis, soit un ensemble de 25 pays, dont le Mexique, la Colombie ou le Venezuela, et trois membres associés, dont la France au titre des départements français d'Amérique.

En tant que membre associé, la France participe aux réunions du Conseil des ministres « dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les Etats membres pour les questions qui la concernent directement ». La rédaction de l'accord place donc la France dans une position qui lui permet de participer très largement à la prise de décision au sein de l'Association.

Des difficultés ont pu toutefois naître au sujet de la qualité des personnes habilitées à représenter la France au sein de cette association : lors du deuxième sommet de Saint-Domingue, tenu en avril 1999, le président du conseil régional de la Guyane, représentant la France, ne fut pas autorisé à signer la déclaration finale qui portait notamment sur le développement d'un tourisme durable et la protection de la mer des Caraïbes. Un vif ressentiment et une exaspération croissante des élus locaux de ces départements face à l'impossibilité juridique de leur voir reconnaître un rôle dans le domaine de la coopération régionale est né de cet incident.

La loi d'orientation pour l'outre-mer, en reconnaissant aux conseils régionaux et généraux la possibilité de participer aux organisations régionales en tant que membres associés ou observateurs a permis de répondre pertinemment aux attentes des élus locaux en ce domaine.

Cependant, la difficulté actuellement ne semble plus être d'ordre juridique mais politique : le Président de la République a refusé, en juillet 2001, au nom de l'unité de la République, de voir chacun des départements français d'Amérique adhérer à l'AEC en tant que membre associé. M. Jacques Chirac a justifié son refus en affirmant que les élus d'outre-mer devaient pouvoir s'exprimer au nom de la France, prendre des engagements en son nom, et non siéger en dehors de la République, comme s'ils constituaient des territoires indépendants.

Revendication pourtant très forte des élus locaux, la déconcentration de la décision en matière de coopération régionale a - semble-t-il - encore un long chemin à faire, avant que les départements ne jouissent, en ce domaine, d'une réelle marge de man_uvre.

IV. - LES CHOIX BUDGÉTAIRES OPÉRÉS POUR 2002 À L'APPUI D'UNE POLITIQUE TOURNÉE VERS L'EMPLOI ET LA SOLIDARITÉ

Entre 1997 et 2001, les dépenses budgétaires de l'Etat consacrées à l'outre-mer sont passées de 6,91 milliards d'euros (45,3 milliards de francs) à plus de 9,30 milliards d'euros (61 milliards de francs), soit une progression des crédits de 35 % contre 8,9 % pour l'ensemble du budget de l'Etat sur la même période. Au total, la part de l'outre-mer, tous ministères confondus, a été porté de moins de 3 % du total à plus de 3,6 % des dépenses publiques.

L'ensemble des dotations destinées à l'outre-mer est récapitulé dans un jaune annexé à la loi de finances ; trois ministères, l'éducation nationale, l'emploi et la solidarité et l'intérieur, contribuent à eux seuls pour plus de 60 % à l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer.

Le ministère de l'éducation nationale, dont les dépenses en direction de l'outre-mer s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2002, à 2,90 milliards d'euros (19 milliards de francs), est le premier ministère contributeur. L'importance de ce chiffre traduit les contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face les départements, territoires et collectivités d'outre-mer en matière d'enseignement, qui résultent principalement de la conjonction d'une forte progression démographique et des retards de scolarisation encore très prononcés par rapport à la métropole. Un effort particulier est mené en direction des moyens en emploi d'enseignants, de personnels de direction, d'encadrement et de personnels techniques, afin de parvenir à des taux d'encadrement équivalents de ceux métropolitains. En matière de constructions scolaires, l'effort a porté plus spécifiquement sur les besoins de la Guyane, où les effectifs du premier degré continuent d'augmenter d'une façon sensible en raison d'une très forte croissance démographique et d'une immigration clandestine. Ainsi, pour répondre aux besoins croissants de scolarisation, l'Etat a participé au financement des constructions scolaires du premier degré.

Les dotations du ministère de l'intérieur en direction de l'outre-mer s'élèvent à près de 1,52 milliards d'euros (10 milliards de francs). Il s'agit à la fois des dépenses de personnel et de fonctionnement des services déconcentrés, que ce soit dans l'administration préfectorale ou dans la police, ainsi que des dotations de fonctionnement et d'investissement aux collectivités locales.

Le ministère de l'emploi et de la solidarité contribue pour près de 1,30 milliards d'euros (8,5 milliards de francs) à l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer : cet effort a connu l'année précédente une progression de 30 % par rapport à 2000, qui traduit l'accompagnement budgétaire de la loi d'orientation pour l'outre-mer ; c'est en effet le ministère de l'emploi et de la solidarité qui a pris en charge le coût des exonérations sociales instaurées par la loi d'orientation pour les entreprises et travailleurs indépendants (soit un total de 534 millions d'euros [3 502,81 millions de francs]), ainsi que les dépenses liées au plan d'apurement des dettes fiscales et sociales, la création d'un revenu de solidarité pour les bénéficiaires de RMI de plus de 50 ans, et l'alignement de son montant sur celui de la métropole sur une période de deux ans. En revanche, la totalité des dispositifs d'aide directe à l'emploi sont désormais financés, depuis 1999, par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, à travers la dotation du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM).

Les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 11 % de l'effort de la Nation en direction de l'outre-mer ; néanmoins, en terme de structures de crédits, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'analyse avant tout comme un budget d'intervention, destiné à soutenir une politique dynamique de soutien de l'activité et d'emploi. Le secrétariat d'Etat concentre, en effet, la totalité des crédits destinés à l'emploi, la formation, la coopération régionale et l'amélioration du logement.

Le projet de loi de finances pour 2002 accorde au secrétariat d'Etat à l'outre-mer un montant de crédits budgétaires de plus de 1 079 millions d'euros, soit, pour la première fois, plus de 7 milliards de francs ; à structure constante, l'augmentation en dépenses ordinaires et crédits de paiement est de 3,8 % et de près de 29 % en autorisations de programme.

Le montant total des crédits destinés au secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'élève à 1 079 millions d'euros, soit près de 7 milliards de francs. Sur l'ensemble de ces crédits, près de 80 % sont consacrés aux départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme les années précédentes, les choix budgétaires ont mis l'accent prioritairement sur l'emploi ; avec plus de 505 millions d'euros (3 312,58 millions de francs), le fonds pour l'emploi dans les DOM représente un peu moins de la moitié du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Contrairement aux années précédentes, la présentation des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2002 ne se fait plus par agrégats ; dans la perspective de la mise en _uvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, l'ensemble est désormais regroupé sous un seul agrégat dénommé « Action en faveur de l'outre-mer ».

Il est néanmoins possible d'établir une présentation reprenant les principales formes d'intervention du secrétariat d'Etat, que constituent les actions en faveur de l'emploi et de l'insertion sociale, les actions en faveur du développement économique et social et, enfin, l'ensemble des crédits destinés à l'administration générale.

Figurent essentiellement dans cette rubrique les crédits destinés au FEDOM, le chapitre budgétaire 46-94, qui regroupe l'action sociale, culturelle et de coopération régionale, et les crédits destinés au service militaire adapté.

La croissance des crédits qu'a connue le FEDOM depuis 1997 traduit la priorité que le gouvernement de M. Lionel Jospin accorde à la lutte contre le chômage. Le FEDOM a ainsi vu ses crédits progresser de plus de 25 % par rapport à l'an dernier et plus que doubler depuis 1997.

Les résultats obtenus témoignent de l'ampleur de cette politique : le nombre de demandeurs d'emploi a régressé de 10,5 % par rapport à l'an dernier, le chômage des jeunes connaissant, quant à lui, une décrue de 21 %.

L'augmentation des crédits permet d'envisager, pour l'année 2002, le financement de 86 500 solutions d'insertion, que ce soit par l'intermédiaire de dispositifs « classiques », tels que les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi-consolidé, les contrats d'insertion par l'activité, les contrats de retour à l'emploi ou les contrats d'accès à l'emploi, ou par celui de solutions spécifiques à l'outre-mer et introduites dans la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui sont : le projet initiative jeune, qui se présente comme une aide au projet professionnel à destination des jeunes de moins de 30 ans ; le congé solidarité, qui encourage les départs en préretraite pour les personnes de plus de 55 ans en contrepartie de l'embauche, à hauteur égale, de jeunes ; l'allocation de retour à l'activité, qui permet de lutter contre l'exclusion en favorisant l'accès à l'emploi des bénéficiaires du RMI ou autres publics fragilisés ; les primes à la création d'emploi, enfin, qui s'adressent aux entreprises diversifiant leurs débouchés commerciaux hors du département.

Au total, le nombre de mesures classiques prévu par le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 61 800 contre 60 800 l'année précédente, tandis que le nombre de mesures proposées dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer atteint 24 700 contre 24 200 pour 2001.

A l'ensemble de ces mesures, il convient d'ajouter les crédits destinés au financement des emplois jeunes, qui connaissent une augmentation des dotations de 19 millions d'euros (124,63 millions de francs). Ces crédits ne représentent toutefois qu'une partie du financement des emplois jeunes, la rémunération des aides éducateurs et des adjoints de sécurité étant prise en charge par le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'intérieur.

Le budget du FEDOM regroupe cette année, pour la première fois, le financement des solutions d'emploi et d'insertion destinées à Mayotte, qui figurait auparavant dans le chapitre 46-94 consacré à l'action sociale, culturelle et de coopération régionale. Les 4 765 contrats emploi-consolidé et contrats emploi-solidarité seront reconduits dans des termes presque identiques ; viendront s'y ajouter 7 450 mesures nouvelles, inspirées des dispositifs de la loi d'orientation pour l'outre-mer, étendus à Mayotte par une ordonnance en cours de préparation.

Chapitre 44-03

LFI 2001

PLF 2002

Nbre de
mesures

Dotation budgétaire
(en euros)

Nbre de
mesures

Dotation budgétaire
(en euros)

Art. 11 : CES

35 000

96 042 881

39 000

104 046 454

Art. 12 : CEC

2 800

51 222 870

2 800

53 357 156

Art. 20 : CIA

15 000

28 812 864

15 000

31 633 717

Art. 30 : CAE

7 500

53 052 258

4 500

37 197 560

Art. 40 : Primes

1 700

3 048 980

2 200

5 793 062

Art. 50 : Créance

 

7 622 451

 

31 252 049

Art. 60 : CRE

 

1 067 143

 

609 796

Art. 70 : Etudes

 

152 449

 

152 449

Art. 81 : Emplois-jeunes

3 000

126 380 235

1 000

145 436 364

Art. 82 : Projet initiative
jeunes

10 000

15 244 902

10 000

36 282 866

Art. 83 : Congé solidarité

3 000

6 097 961

3 000

15 244 902

Art. 84 : Allocation retour à
l'activité

10 000

13 720 412

10 000

25 916 333

Art. 86 : CES CEC Mayotte

   

4 765

7 904 482

Art. 90 : Mesures en faveur
de l'emploi à Mayotte :

       

- CIA

   

5 450

7 622 451

- Créations d'emplois

   

1 000

762 245

- PIJ

   

1 000

1 829 388

TOTAL

88 000

402 465 406

99 715

505 040 728

A l'ensemble de ces dotations vient s'ajouter, à hauteur de plus de 31 millions d'euros (203,35 millions de francs), la part de la créance de proratisation, destinée à l'insertion ; le montant de cette créance était auparavant calculée comme le différentiel existant entre le montant du RMI en métropole et celui, de niveau inférieur, servi dans les DOM. Le total de la somme constituée était inscrit dans un article dénommé « crédit à répartir », qui était effectivement réparti, pour environ un tiers, au FEDOM, et, plus particulièrement aux agences départementales d'insertion, et pour le reste, à l'aide au logement.

Le RMI ultra-marin devant être définitivement aligné sur celui métropolitain au 1er janvier 2002, la créance de proratisation, telle qu'elle est retracée au chapitre 46-01, est effectivement destinée à disparaître. Néanmoins, conformément aux engagements du Gouvernement de maintenir l'intégralité des financements aux agences départementales d'insertion et à l'aide au logement, les crédits équivalant auparavant au tiers du différentiel des RMI métropolitain et ultramarin figurent désormais directement dans la dotation du FEDOM sous la dénomination « créance de proratisation » ; les moyens de fonctionnement des agences départementales d'insertion sont donc maintenus à hauteur de 31,25 millions d'euros, soit 205 millions de francs.

-  L'action sociale, culturelle et de coopération régionale (chapitre 46-94)

Le chapitre consacré à l'action sociale culturelle et de coopération régionale connaît une réduction de ces crédits de l'ordre de 1,7 millions d'euros (11,15 millions de francs) ; cette baisse est la conséquence logique du transfert d'une partie des crédits consacrés à l'emploi et l'insertion à Mayotte dans la dotation du FEDOM.

S'agissant des DOM et des collectivités à statut particulier, l'effort budgétaire porte essentiellement sur le soutien aux initiatives en faveur de la jeunesse ou l'appui aux actions sportives culturelles et sociales, les dotations aux fonds de coopération régionale et, enfin, la formation, l'insertion et les actions de santé à Mayotte.

L'article 10, intitulé « activités sportives, culturelles, sociales et de la jeunesse en faveur de l'outre-mer » récapitule les dotations du fonds d'échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer et du fonds d'échange à but éducatif, culturel et sportif ; le premier fonds est géré en partenariat avec le ministère de la culture et a pour objet de soutenir les projets d'action culturelle menés dans l'ensemble de l'outre-mer français et en métropole. Doté, en 2001, d'un budget de 0,91 millions d'euros (6 millions de francs) (avec une participation de 0,46 millions d'euros [3 millions de francs] pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer), il est reconduit pour les mêmes montants en 2002.

Le fonds d'échange à but éducatif, culturel et sportif a été créé par la loi d'orientation pour l'outre-mer ; doté, en 2001, d'un budget de 1,83 millions d'euros (12 millions de francs), il est géré directement au niveau des préfectures et destiné à favoriser les déplacements des jeunes en métropole ou dans l'environnement régional, permettant ainsi de rompre l'isolement dont peuvent souffrir les départements d'outre-mer ou Saint-Pierre-et-Miquelon. Compte tenu de la très bonne consommation des crédits, il est prévu un renforcement notable des moyens impartis au fonds.

L'article 20, intitulé « migrants originaires des DOM » regroupe les crédits destinés au financement de l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) ; d'un montant de 8,78 millions d'euros (57,59 millions de francs) dans le projet de loi de finances pour 2002, ces crédits ont connu une progression de 2,13 millions d'euros (13,97 millions de francs) destinés notamment à la mise en place du projet initiative jeune, institué par la loi d'orientation pour l'outre-mer. L'ANT a également pour mission traditionnelle de soutenir les actions en faveur des originaires des DOM dans les domaines de la mobilité et de l'insertion professionnelle. En 2000, l'action de l'ANT aura permis à 4 727 ressortissants des DOM de suivre une formation ou un stage qualifiant en métropole.

Le développement de la formation dans le cadre d'une mobilité est également l'objectif poursuivi par les crédits inscrits à l'article 31 sous le titre de la « préformation et formation professionnelle des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales » ; il s'agit notamment de financer la « formation individualisée mobilité (FIM) », dispositif permettant à de jeunes domiens de suivre une formation qualifiante de niveau V. Les crédits relatifs à la FIM sont reconduits, à hauteur de 4,25 millions d'euros (27,9 millions de francs), au même niveau que par rapport à l'année précédente.

Bien qu'une partie des crédits du chapitre 46-94 destinés à Mayotte aient été transférés en dotation du FEDOM, Mayotte reste néanmoins concernée par les actions sociales culturelles et de coopération régionale, au titre de l'article 32 relatif aux bourses en faveur des étudiants mahorais et de l'article 70 regroupant les actions en matière d'emploi, de formation, d'insertion et d'actions de santé à Mayotte.

La dotation relative aux bourses en faveur des étudiants mahorais permet aux jeunes Mahorais titulaires d'un baccalauréat et désireux de poursuivre leurs études universitaires d'étudier à la Réunion ou en métropole. Les crédits prévus en loi de finances pour 2002, identiques à ceux de l'année précédente, sont de 0,13 millions d'euros (0,821 millions de francs). Les actions en matière d'emploi, de formation, d'insertion et d'actions de santé à Mayotte regroupent les dotations aux chantiers de développement local, la formation des cadres mahorais et les subventions aux actions en faveur de l'emploi, de l'insertion et de la formation inscrites dans le contrat de plan Etat-Mayotte 2000/2004 ; la totalité des subventions s'élève à plus de 3 millions d'euros (19,68 millions de francs).

L'article 35 regroupe les crédits des fonds de coopération régionale ; créés, à raison d'un fonds par département d'outre-mer, par la loi d'orientation pour l'outre-mer, ces fonds ont pour objet de faciliter l'insertion des départements d'outre-mer dans leur région géographique, par le biais de projets de coopération avec des pays voisins. La dotation prévue pour 2002 connaît une augmentation de 457 000 euros (2,997 millions de francs), et s'élève au total à plus de 3,5 millions d'euros (22,96 millions de francs).

Deux actions nouvelles sont prévues aux articles 33 et 36 ; il s'agit d'une dotation de 190 500 euros (1,249 millions de francs) pour aider à la négociation et à la participation au dialogue social, destinée à permettre la tenue d'une ou deux sessions en l'année 2002, et d'une dotation de 750 000 euros (4,919 millions de francs) pour la création d'un fonds de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

-  Le service militaire adapté

Le service militaire adapté (SMA) désigne une forme spécifique de service militaire destiné aux jeunes des départements, territoires et collectivités d'outre-mer ; ce service a pour mission de faciliter l'insertion des jeunes dans la vie active par une formation professionnelle dispensée dans le cadre militaire ; il a également pour objectif de participer au développement des collectivités d'outre-mer et de fournir une aide aux plans de secours en cas de catastrophes naturelles.

Dans le cadre de la loi du 28 octobre 1997 relative à la professionnalisation des armées, il est procédé depuis 1999 à un remplacement progressif des appelés par des volontaires. Pour 2002, ce sont 500 postes budgétaires de volontaires supplémentaires qui seront créés et 65 postes supprimés. Depuis 1999, le SMA aura ainsi ouvert 2 500 postes de volontaires. L'objectif est de parvenir à la formation de 3 000 jeunes volontaires formés dans le cadre du service militaire adapté, chiffre équivalent au nombre d'appelés avant la suppression du service militaire obligatoire.

Au total, dans le projet de loi de finances pour 2002, les crédits destinés au service militaire adapté représentent, pour les seuls départements d'outre-mer, un total de 58 millions d'euros (380,46 millions de francs).

Il s'agit de retracer ici l'ensemble des crédits destinés au développement économique et social, à savoir essentiellement l'aide au logement, le soutien aux collectivités locales et établissements publics et le fonds d'investissement pour les départements d'outre-mer.

-  L'aide au logement

L'aide au logement, deuxième poste budgétaire du Secrétariat d'Etat à l'outre-mer, constitue une priorité du gouvernement, tant les besoins dans les DOM et collectivités à statut particulier sont immenses. L'importante croissance démographique, la précarité des situations sociales, la faiblesse du soutien des collectivités locales et la rareté des ressources foncières concourent en effet à faire du logement une préoccupation majeure outre-mer. Le Secrétariat d'Etat à l'outre-mer estimait ainsi, en 1999, les besoins de constructions de logements sociaux pour l'ensemble des DOM et Mayotte à 14 000 par an. Le nombre d'habitations insalubres est estimé à 54 000 pour l'ensemble des départements d'outre-mer, et pour Mayotte, c'est l'ensemble du parc traditionnel, soit 15 000 logements qui fait l'objet d'un diagnostic d'insalubrité.

La question du logement prend un aspect particulier en Guyane, où 90 % de la superficie du département relève du domaine privé de l'Etat.

L'action de l'Etat doit être à la mesure de l'urgence ; les crédits destinés à l'aide au logement sont essentiellement regroupés dans le chapitre 65-01, avec, à l'article 10, dénommé « ligne budgétaire unique », les crédits destinés à l'aide au logement dans les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'article 20, les crédits relatifs à la résorption de l'habitat insalubre, et à l'article 30, les aides prévues dans le cadre du rachat de logements situés dans la zone dite des cinquante pas géométriques.

L'ensemble de ces crédits connaît, dans la loi de finances pour 2002, une hausse de 39,7 % par rapport à l'année précédente. Cette hausse est conforme aux engagements du gouvernement de compenser la disparition de la créance de proratisation ; en effet, le montant de la LBU s'établissait dans la loi de finances initiale pour 2001 à 205,81 millions d'euros (1 350 millions de francs), complétés en cours d'année par 75,76 millions d'euros (496,95 millions de francs) au titre de la part logement de la créance de proratisation. En établissant, dès le projet de loi de finances, un montant de LBU égal à 287,52 millions d'euros (1 886,01 millions de francs), le budget pour 2002 va donc au-delà de la simple compensation de la créance de proratisation.

La ligne budgétaire unique rassemble la totalité des aides à la pierre ; elle permet la construction de logements sociaux, l'amélioration des logements existants et l'accession à la propriété. La gestion de ces fonds est très souple puisqu'elle se caractérise par la totale fongibilité des crédits.

Pour 2002, le montant des crédits de la ligne budgétaire unique s'élève, en autorisations de programme, à 250 millions d'euros (1 639,89 millions de francs) et, en crédits de paiement, à 148 millions d'euros (970,82 millions de francs). Les autorisations de programme inscrites sur la ligne budgétaire unique sont traditionnellement engagées en totalité dans l'année, ce qui démontre l'importance des besoins des départements d'outre-mer.

Les moyens mis en place cette année par la ligne budgétaire unique devraient permettre de financer la réhabilitation de 6 000 logements du parc locatif social ou du parc privé, ainsi que la construction de 10 700 logements sociaux en location ou en accession, soit 16 700 logements au total.

L'article 20 est consacré aux actions de résorption de l'habitat insalubre ; représentant un total de plus de 27 millions d'euros (177,11 millions de francs) en crédits de paiement, il devrait permettre à plus de 2 400 ménages de bénéficier d'aides spécifiques.

Enfin, l'article 30, abondé à hauteur de 4,5 millions d'euros (29,52 millions de francs), permet la mise en _uvre de la loi du 30 décembre 1996 relative à la zone des cinquante pas géométriques. Cette loi a, en effet, prévu une aide spécifique pour les habitants de la bande littorale dénommée « zone des cinquante pas géométriques » et relevant historiquement du domaine public, contraints de racheter les parcelles de leur habitation. Cette aide permettrait ainsi à 7 500 ménages de régulariser leur situation.

Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer n'intervient en matière de subventions aux collectivités locales que de façon marginale, l'ensemble des dotations de droit commun relevant en effet du ministère de l'intérieur. Les dotations complémentaires attribuées par le secrétariat d'Etat sont justifiées par les grandes difficultés financières que connaissent les collectivités outre-mer.

Le chapitre 41-51 a ainsi pour vocation de compenser aux collectivités d'outre-mer les exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties, prévues à l'article L. 2335-3 du code général des collectivités territoriales. La dotation prévue pour 2002, qui s'élève à plus de 3,8 millions d'euros (24,93 millions de francs), est identique à celle de l'année précédente.

Le chapitre 41-91 est plus disparate ; retraçant les subventions de caractère facultatif, il permet de financer des projets particuliers ou des opérations exceptionnelles ou d'aider des collectivités en très grandes difficultés.

Les subventions accordées dans ce cadre permettent ainsi de financer notamment la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de contribuer à l'apurement de la dette de cette même collectivité.

Le chapitre permet également de financer, à hauteur de 548 000 euros (3 594 644,36 francs) la mise en _uvre du contrat de développement entre la collectivité territoriale de Mayotte et l'Etat. La justification de cette dotation tient au fait que la collectivité mahoraise assume des compétences dévolues en métropole à l'Etat. Le nouveau statut, mis en place par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, harmonisant à compter de 2004 l'organisation administrative de Mayotte sur celle de droit commun, devrait amener à terme la suppression de cette dotation. C'est également dans ce même chapitre que sont inscrits des crédits destinés au fonds mahorais de développement et à la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte. Ces deux nouveaux fonds, abondés respectivement à hauteur de 530 000 euros (3 476 572,10 francs) et 990 000 euros (6 493 974,30 francs) ont été créés par la loi du 11 juillet 2001.

Ce chapitre comprend également, comme l'année précédente, un article relatif aux Offices de l'eau dans les départements d'outre-mer ; ces établissements publics ont été créés par la loi d'orientation pour l'outre-mer et sont chargés de faciliter les actions d'intérêt commun dans le domaine de la gestion de l'eau. La dotation prévue pour 2002 a été doublée par rapport à l'année précédente et atteint désormais 914 000 euros (5 995 446,98 francs).

Le chapitre 58-01 est entièrement consacré à la Guyane ; il permet de compléter, pour un montant prévu en 2002 de 1,2 millions d'euros (7,87 millions de francs) en crédits de paiement, les dotations du fonds d'investissement des routes et transports.

Enfin, le chapitre 67-51, dénommé « travaux divers d'intérêt local », regroupe des subventions ponctuelles aux collectivités locales ; le montant de la dotation demandée pour 2002 s'élève à 229 000 euros (1,502 millions de francs) en crédits de paiement et 762 000 euros (4 998 millions de francs) en autorisations de programme.

Le FIDOM est destiné à concourir au développement économique et à l'aménagement du territoire par l'octroi d'aides bénéficiant à des programmes de subventions et d'investissements. Le FIDOM comprend deux volets, le premier, dénommé « FIDOM général », inscrit au chapitre 68-01, regroupant les interventions de l'Etat, le second figurant au chapitre 68-03, dénommé « FIDOM décentralisé », regroupant les interventions relevant de la compétence des régions et départements. Depuis 1997, cependant, ce dernier volet n'est plus doté en autorisations de programme.

Le FIDOM général sert à la fois de financement pour les contrats de plan et de dotations destinées à la réalisation d'opérations diverses et non contractualisées.

Le montant de la subvention attribuée au FIDOM général pour 2002 est pratiquement reconduit par rapport à la loi de finances pour 2001 (51,4 millions d'euros en autorisations de programme contre 51,9 millions en 2001). S'agissant des contrats de plan, dont le financement est prévu à hauteur de 46,4 millions d'euros, les départements d'outre-mer ont bénéficié, par rapport au XIe contrat de plan, d'une croissance des dotations des tranches annuelles supérieures à 25 % ; la Guyane se trouve ainsi être la première région bénéficiaire, avec un ratio de 5 607 F par habitant, la Guadeloupe se situe au second rang, avec 2 687 F, la Martinique au quatrième, avec 2 545 F et la Réunion au sixième, avec 2 185 F. Les contrats de plan permettent ainsi d'accompagner l'exceptionnelle croissance démographique qui caractérisent les départements d'outre-mer.

Les crédits destinés aux opérations non contractualisées représentent une part moins importante du FIDOM, puisqu'ils s'élèveraient pour l'année 2002, comme l'année précédente, à 4,9 millions d'euros. Le comité du FIDOM n'a pas encore procédé à la répartition de l'enveloppe budgétaire allouée en 2001 ; l'année précédente, le FIDOM avait permis notamment de financer un programme de constructions scolaires en Guyane, un programme de traitement des déchets industriels à la Guadeloupe, le réaménagement du port de Miquelon et une aide à l'industrialisation à Mayotte.

Cette année, les dotations prévues au chapitre 68-01 pour le FIDOM sont complétées par deux nouveaux articles relatifs à Mayotte ; l'article 30, intitulé « fonds mahorais de développement » et l'article 40  « dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte ». Ces fonds, abondés respectivement en crédits de paiement à hauteur de 305 000 euros et 2,7 millions d'euros, viennent compléter les dotations du chapitre 41-91 dénommé « subventions de caractère facultatif aux collectivités locales » ; instauré par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, le fonds mahorais de développement a pour vocation d'assurer le financement, par l'octroi de subventions, de projets publics ou privés d'aménagement et d'équipement du territoire, de projets de développement des entreprises ; la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte permettra, quant à elle, de financer divers projets d'éclairage public ou de voirie pour les communes de Mayotte.

Ils représentent au total moins de 10 % de l'ensemble des dotations destinées au secrétariat d'Etat à l'outre-mer ; la modestie de ce chiffre traduit de manière significative le fait que le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est un budget d'intervention, d'appui aux initiatives davantage qu'un budget de fonctionnement.

Sur ces crédits de l'administration centrale, 2,613 millions d'euros (17,141 millions de francs) sont prévus en projet de loi de finances pour 2002 pour revaloriser les rémunérations ; en outre, une mesure de 0,859 millions d'euros (5,640 millions de francs) contribue à l'amélioration du régime indemnitaire et à l'accompagnement de la mise en _uvre des 35 heures en administration centrale et outre-mer.

Il est prévu également, pour les services de l'administration centrale, une mesure améliorant les perspectives de carrières des agents par la transformation de 14 postes.

S'agissant des départements d'outre-mer, l'administration se renforce avec un effort particulier portant sur l'encadrement, notamment en Guyane et à la Réunion, avec la création de 8 emplois (4 postes de catégorie A, 2 postes de catégorie B et 2 postes de catégorie C). Il est également créé un poste d'attaché analyste à Saint-Pierre et Miquelon.

Les carrières sont améliorées pour 49 agents dans les DOM par diverses mesures de transformations de postes.

Enfin, dans le cadre de la mise en _uvre de l'article 34 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, 69 emplois sont créés pour les préfectures des DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de régulariser la situation des agents de catégorie C relevant de la jurisprudence Berkani.

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* *

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l'audition de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

Le ministre a souligné que le projet de budget de son secrétariat d'Etat reflétait les orientations et les engagements du Gouvernement vis-à-vis de l'outre-mer et la force du nouveau pacte républicain voulu pour ces départements, territoires et collectivités. Rappelant que ses crédits étaient passés de 4,8 milliards de francs en 1997 à plus de 7 milliards en 2002, soit une progression de 46 %, ou de 27 % à structure constante, il a observé qu'une évolution identique pouvait être constatée en prenant en compte l'ensemble des dépenses publiques dédiées à l'outre-mer dans les différents ministères, qui sont passées, sur la même période, de 45,3 milliards de francs à plus de 62 milliards de francs, soit une progression de 35 %. Il a précisé que cet effort traduisait la mise en place d'outils nouveaux et d'orientations fortes, se référant, notamment, à l'application de l'accord de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, à la nouvelle génération des contrats de plan et de développement, au principe d'égalité sociale désormais acquis, au renouvellement du dispositif de soutien fiscal à l'investissement, à l'évolution statutaire de Mayotte et à la loi d'orientation pour l'outre-mer. Puis il a constaté que, en 2002, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer progresserait de 3,8 %, soit davantage que la moyenne des dépenses publiques, et dépasserait, pour la première fois, la barre des 7 milliards de francs. Précisant que le montant des crédits budgétaires atteignait, en effet, 1 079 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et près de 443 millions d'euros en autorisation de programme, il a jugé que ces moyens permettraient de poursuivre une politique dont les dimensions institutionnelles, économiques et sociales ne sont pas dissociables, observant que ce budget volontariste témoignait d'une confiance forte dans le potentiel de l'outre-mer.

Le ministre a ensuite présenté les quatre axes de la politique qu'il a souhaité pour l'outre-mer.

Il a souligné, en premier lieu, que le soutien à l'emploi et à l'activité économique, qui est une priorité du Gouvernement pour la France dans son ensemble, était d'autant plus nécessaire outre-mer que le niveau du chômage y est trois fois plus élevé que la moyenne nationale, ajoutant que, si le nombre de demandeurs d'emploi y a fortement diminué, en particulier parmi les jeunes, cette évolution demeurait cependant insuffisante. Il a donc justifié l'augmentation de plus de 25 % des moyens alloués au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), considérant que cette progression permettrait de renforcer le dispositif d'insertion traditionnel, d'accompagner la montée en puissance des mesures prévues par la loi d'orientation et de consentir un effort sans précédent au bénéfice de Mayotte. Il a indiqué que la politique d'appui au développement économique et de soutien à la croissance serait également renforcée par la prise en compte, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre mer, de la part des financements qui lui incombent dans le cadre des contrats de plan et des contrats de développement.

Le ministre a ensuite justifié le choix du logement comme second axe de la politique mise en _uvre pour l'outre-mer, se référant, notamment, à l'accroissement rapide de la démographie, au niveau peu élevé du revenu moyen, à la question foncière, à la fragilité de la situation financière des collectivités et au nombre trop important de logements insalubres. Il s'est félicité que, avec plus de 287 millions d'euros en autorisations de programme et 161 millions d'euros en crédits de paiement, ce projet de loi de finances permette de réaliser environ 10 700 nouveaux logements et d'en améliorer 6 000. Il a constaté que l'Etat tenait ainsi ses engagements et amplifiait son effort, qui va au-delà de la simple compensation de la créance de proratisation.

Après avoir indiqué que le soutien aux collectivités territoriales constituait le troisième axe de sa politique, le ministre a observé que les subventions de fonctionnement et les dotations qui leurs sont allouées progressaient, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, de plus de 13 %, atteignant ainsi, pour 2002, 94,5 millions d'euros. Il a souligné, toutefois, que l'essentiel des dotations figuraient au budget du ministère de l'intérieur et représentaient, en 2001, un montant supérieur à 1,5 milliard d'euros. Il a ajouté que le Gouvernement avait également engagé des actions décisives, telles que le règlement des dettes dues au titre du FIDOM décentralisé, la contribution au FIP de Polynésie et, plus globalement, les dispositions législatives prises pour assurer le renforcement des moyens financiers propres aux collectivités.

Le ministre a jugé essentiel, enfin, que le budget de son secrétariat d'Etat puisse accompagner les différentes collectivités d'outre-mer dans la valorisation de leurs atouts, de leurs liens avec la République et de leur insertion dans le XXIe siècle. A cet égard, il a observé que l'effort consacré à la culture, à l'action sociale et à la coopération régionale se poursuivait, ce qui devrait permettre de soutenir davantage les activités associatives et culturelles, d'encourager la mobilité des jeunes porteurs de projets, ainsi que l'ouverture des départements d'outre-mer sur leur environnement. Il a également souhaité l'engagement de deux actions nouvelles concernant la mise en place d'une dotation destinée à l'organisation de séminaires d'aide à la négociation et à la participation au dialogue social et celle d'un fonds de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En conclusion, le ministre s'est félicité que l'ensemble de ces chantiers ait été abordé. Il a fait part à la Commission de sa fierté de présenter un budget qui traduit la vitalité des liens unissant l'outre-mer à la République et la capacité de l'Etat à mieux agir avec chacun des départements, territoires et collectivités concernés.

Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus.

Le rapporteur pour avis des crédits des départements d'outre-mer a souligné que le projet de budget pour 2002 se situait dans le droit fil des lois de finances précédentes, traduisant les efforts constants du Gouvernement en faveur de l'outre-mer. Après avoir considéré que ces efforts étaient largement justifiés par la situation difficile de ces territoires et départements, il a observé que les textes votés récemment par le Parlement, que ce soit le nouveau de statut de Mayotte ou la loi d'orientation pour l'outre-mer, permettraient de disposer de nouveaux outils efficaces pour mieux utiliser l'argent public. Il a ensuite exprimé la crainte que la réduction d'activité de la compagnie aérienne Air Outre-Mer (AOM) ne se traduise par une augmentation des tarifs pratiqués par la compagnie Air France, désormais en situation de quasi-monopole. Evoquant son séjour en Guyane avec une délégation de la commission des Lois conduite par son président, il a constaté que la suppression de la prime d'éloignement décidée dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer semblait y soulever de nombreuses difficultés et a donc jugé souhaitable de réfléchir à la mise en place de mesures d'adaptation.

Après avoir souligné que les dotations destinées aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie correspondaient aux engagements pris par les pouvoirs publics et tenaient compte de l'évolution économique et sociale de ces collectivités, M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis des crédits des territoires d'outre-mer, a regretté l'impossibilité pour les parlementaires d'avoir, pour chaque territoire, une vision synthétique d'ensemble de l'effort financier de l'Etat et de l'Europe, estimant que la globalisation présentée dans les documents transmis au Parlement n'était pas pertinente. Après avoir évoqué, comme son prédécesseur, le problème de la desserte aérienne, notamment en Nouvelle-Calédonie, il a exprimé sa confiance dans l'avenir de ces territoires et dans le maintien de liens étroits avec la République, soulignant la cohérence de la politique budgétaire, économique et institutionnelle menée par le Gouvernement.

M. André Lajoinie, président, suppléant M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la Production, empêché, s'est fait l'écho des questions que celui-ci entendait poser au ministre. Souhaitant connaître les mesures spécifiques mises en place pour préparer l'arrivée de l'euro outre-mer, il s'est demandé si le passage à l'euro aurait des incidences économiques pour les territoires d'outre-mer dans lesquels le franc CFP continuera à garder cours légal. Concernant l'intégration européenne des DOM, il a interrogé le ministre sur l'avancée des négociations avec les instances européennes au sujet du statut fiscal dérogatoire des DOM, et plus particulièrement sur la reconduite de l'octroi de mer. S'agissant des transports, il a d'abord tenu à faire part des préoccupations des populations de l'outre-mer quant aux dessertes aériennes, dont le coût a beaucoup augmenté du fait des difficultés des compagnies aériennes et plus particulièrement d'Air Liberté. Il a également souhaité avoir des précisions sur les transports interurbains, qui connaissent des difficultés d'organisation, notamment en Guadeloupe et en Martinique, et a demandé si les taxis collectifs et les collectivités locales avaient pu parvenir à un accord pour aménager les procédures de passation des concessions de lignes de transport. Il a enfin interrogé le ministre sur les mesures spécifiques envisagées pour faire face aux besoins croissants des DOM en matière d'équipement scolaire et limiter le nombre de postes vacants d'enseignants.

Intervenant au titre de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Alain Calmat s'est félicité du rôle joué par la Nouvelle-Calédonie au sein de la région Pacifique et a souligné l'action positive de la France dans ce domaine. Après avoir évoqué l'excellent niveau des sportifs de ce territoire, qu'ils soient valides ou handicapés, il a fait part de leur sentiment d'abandon, dû notamment aux difficultés de transport vers la métropole. Il a ainsi regretté que la loi d'orientation pour l'outre-mer exclue la Nouvelle-Calédonie du bénéfice du fonds de transport, alors même que le coût annuel des 500 voyages des sportifs vers la métropole est évalué à 40 millions de francs CFP, et proposé que ce territoire puisse bénéficier, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, d'une dérogation pour accéder à ce fonds.

Rappelant que l'accord de Nouméa avait prévu le transfert d'un certain nombre de compétences de l'Etat au profit de la Nouvelle-Calédonie à compter du 1er janvier 2000, M. Didier Quentin a observé que les lois de finances pour 2000 et 2001 n'avaient prévu qu'une compensation partielle des charges transférées et souligné que le retard dans la mise en place de la commission d'évaluation des charges avait eu pour conséquence de bloquer le versement de ces dotations de compensation. Il a demandé si le Gouvernement envisageait d'intégrer les crédits destinés à la formation des maîtres de Nouvelle-Calédonie dans la dotation de compensation prévue au budget 2002 et souhaité savoir dans quel délai la compensation pour 2001, qui n'a pu être attribuée, en raison de l'absence de convention agréée entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, pourra être versée. Il a également tenu à attirer l'attention du ministre sur les difficultés de la collectivité départementale de Mayotte en matière d'éducation, rappelant que l'Etat n'avait financé le programme de développement de l'enseignement, mis en place dans le cadre de l'accord signé le 27 janvier 2000, qu'à hauteur de 100 millions de francs pour les deux exercices précédents, une dotation de même montant étant inscrite au budget 2002, alors même que le plan de financement prévoyait des crédits annuels de 330 millions de francs et que les besoins de formation sur ce territoire sont considérables.

Après avoir interrogé le ministre sur l'avenir de la prison de Saint-Denis de la Réunion, il a appelé son attention sur les conditions de détention extrêmement difficiles du centre pénitentiaire de Nuutania. Evoquant son voyage en Guyane avec la délégation de la commission des Lois, il s'est inquiété des problèmes de plus en plus prégnants d'insécurité et a souhaité connaître les mesures envisagées pour renforcer les effectifs de police et de gendarmerie et améliorer le fonctionnement de la justice. Il s'est ensuite enquis des aides apportées au lendemain de la sécheresse qui a sévi aux Antilles, faisant état de l'impossibilité pour de nombreuses victimes d'obtenir une indemnisation du Gouvernement, et a constaté que les dégâts provoqués par les cyclones de 1996 et 1997 n'avaient toujours pas été remboursés. Il s'est interrogé sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour soutenir la filière agricole fortement sinistrée de ces départements d'outre-mer. Après avoir évoqué rapidement le problème de la desserte aérienne de l'outre-mer, il a abordé le problème du prix unique du livre, observant que le Gouvernement prévoyait une compensation du coût de transport de 29 millions de francs, alors que les besoins sont estimés à près de 45 millions de francs.

M. Henry Jean-Baptiste s'est interrogé sur ce qui constituait un bon budget, considérant qu'il était essentiel de disposer de mécanismes permettant d'évaluer réellement les résultats des mesures adoptées. Cette année encore, il a regretté l'éclatement des crédits consacrés à l'outre-mer, rappelant que les dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 10 % de l'effort financier de la France vis-à-vis de ces départements et territoires. Déplorant qu'actuellement il soit impossible de déterminer ce que coûte l'outre-mer dans son ensemble, il a jugé nécessaire que, dans le cadre des nouvelles modalités de présentation des lois de finances résultant de la loi organique du 1er août 2001, qui modifie l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, une réflexion soit menée pour présenter les crédits consacrés à l'outre-mer par mission et programme thématique, afin de disposer d'une vision plus claire de l'effort financier de la Nation. Il a également regretté que le projet de budget ne reflète pas la réorientation économique de l'outre-mer. Soulignant que les productions traditionnelles de l'outre-mer sont handicapées par des coûts trop élevés au regard des pays concurrents, il a insisté sur les résultats néanmoins très positifs de certains départements d'outre-mer, notamment en matière d'énergies renouvelables, ainsi que sur ceux de Mayotte pour les exportations de produits d'aquaculture.

Evoquant les problèmes sociaux qui existent à Mayotte, il a déploré que les ordonnances sociales ne soient toujours pas publiées, observant que, malgré les assurances données à la collectivité départementale sur une mise en _uvre au 1er janvier 2001, les procédures de consultation ne devraient commencer qu'à la fin de l'année. Puis, il a indiqué qu'il partageait pleinement les préoccupations exprimées par M. Didier Quentin sur le problème de l'enseignement, ajoutant que des crédits d'équipement supplémentaires étaient absolument nécessaires. En conclusion il a émis le souhait qu'Air France puisse faire de nouvelles propositions au Conseil supérieur de l'aviation marchande afin de trouver des solutions pérennes pour le désenclavement aérien de Mayotte.

M. Ernest Moutoussamy s'est tout d'abord réjoui de ce projet de budget, jugeant qu'il devrait permettre de conforter le pacte républicain, auquel la loi d'orientation pour l'outre-mer fait référence, et d'envisager l'avenir avec sérénité. Toutefois il a fait part de ses préoccupations concernant les difficultés de mise en place du congé-solidarité, observant que la population fondait sur cette mesure de grands espoirs pour faire reculer le chômage.

Concernant l'économie des DOM, il a fait part de sa préoccupation à l'égard de la campagne sucrière de l'année prochaine, exprimant la crainte que ses résultats ne soient très mauvais en raison de la sécheresse qui a fortement atteint la Guadeloupe. Il a demandé au ministre si des mesures de soutien étaient envisagées, compte tenu de l'importance de la filière sucrière en Guadeloupe. Il s'est également inquiété de la fragilité de l'économie du tourisme ; soulignant que le rapport qualité-prix des produits touristiques n'était pas bon, il a jugé nécessaire de redéfinir les prestations, tout en améliorant la sécurité et la qualité de l'accueil, pour permettre à la Guadeloupe de rester une destination touristique au sein de la Caraïbe. S'agissant du secteur du logement, il s'est réjoui des possibilités d'accession différée à la propriété et a estimé important de renforcer l'effort financier en la matière. Par ailleurs, il a souhaité une majoration des crédits consacrés au service militaire adapté (SMA), observant qu'il avait fait la preuve de son efficacité pour l'insertion sociale des jeunes et pour leur formation.

M. Ernest Moutoussamy a ensuite déploré que les départements français de la Caraïbe ne puissent adhérer directement à l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC), rappelant qu'il s'agissait d'un organisme de coopération régionale qui _uvre en faveur du développement. Il a jugé que le veto opposé par le Président de la République à cette participation était en contradiction avec les termes mêmes de la loi d'orientation, qui comporte plusieurs dispositions tendant à faciliter l'insertion régionale des départements d'outre-mer. Il a, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions sur le calendrier prévisionnel des discussions relatives à l'évolution institutionnelle des DOM. Puis, il a demandé au ministre si le Gouvernement envisageait de s'associer aux commémorations des événements de 1802, date essentielle dans la lutte contre l'esclavage, qui permettront de rappeler le rôle joué par le colonel Delgrès. Il a conclu en insistant sur le problème de la sécurité et en demandant instamment au ministre de débloquer les crédits nécessaires pour permettre la reconstruction de la gendarmerie de Saint-François, détruite lors du passage du cyclone Hugo.

Mme Christiane Taubira-Delannon a tenu à insister sur le problème du prix unique du livre outre-mer. Rappelant qu'une mission interministérielle s'était rendue sur place, elle a fait état de l'inquiétude des professionnels et souligné que la Guyane restait très en deçà des ratios d'accès aux produits éducatifs. Evoquant ensuite le congé solidarité, elle a mentionné à la fois les difficultés qu'il suscitait pour les collectivités territoriales et la contestation des entreprises sur son mode de calcul et a souhaité savoir si une conciliation était envisageable. Elle a enfin demandé au ministre des précisions sur le programme de développement agricole pour la Guyane.

Evoquant la question de la production bananière, M. Léo Andy a fait part de l'inquiétude que suscitait, dans les départements d'outre-mer, l'accord entre l'Union européenne et les pays moins avancés (PMA), qui devrait leur permettre d'exporter, sans quota, leur production de riz, de sucre ou de bananes. Tout en reconnaissant la nécessité d'aider les PMA, il a insisté sur les dangers de cet accord pour les départements d'outre-mer et souhaité savoir si des mesures étaient envisagées pour soutenir leur économie.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les éléments d'information suivants :

·  Sur les questions communes à l'ensemble de l'outre-mer

-  La lisibilité du budget pour l'outre-mer pourrait encore être améliorée, malgré les efforts déjà accomplis en ce sens, mais cet exercice est compliqué par le fait que de nombreuses actions engagées outre-mer relèvent du budget d'autres ministères que celui du secrétariat d'Etat.

-  Les difficultés rencontrées par la compagnie aérienne AOM-Air liberté suscitent effectivement des inquiétudes sur le maintien de la desserte aérienne qu'elle assurait en direction de l'outre-mer. Outre les négociations menées pour sauvegarder les emplois, M. Jean-Claude Gayssot, ministre en charge des transports, a également pour objectif de maintenir cette desserte, afin de préserver un contexte concurrentiel, favorable à une politique de prix bas, et une offre suffisante de sièges. Il faut espérer que les événements internationaux intervenus depuis le 11 septembre ne remettront pas en cause les résultats obtenus à la suite du redressement de la compagnie. S'agissant de la Guyane, le problème est antérieur au redressement judiciaire d'AOM-Air liberté, puisque la compagnie avait décidé, dès la fin de l'année 2000, d'abandonner cette destination. Le changement opéré par Air France de la classe d'appareil desservant la Guyane a, néanmoins, permis de compenser cet abandon en accroissant les capacités en nombre de sièges.

Un rapport demandé conjointement par les ministres des transports, du tourisme et de l'outre-mer sur la question de la desserte aérienne, devrait être prochainement remis aux exécutifs locaux. L'attention devra être portée particulièrement sur la politique de prix menée par les compagnies aériennes ; une initiative visant à créer un observatoire des prix pourrait contribuer à accroître la transparence et l'information des consommateurs en ce domaine. En outre, il faut ajouter que l'effort budgétaire décidé par l'Union européenne en matière de transports aériens permettra de compenser les surcoûts prévisibles dus aux difficultés de la compagnie AOM.

-  La suppression de la prime d'éloignement versée aux fonctionnaires servant outre-mer résulte d'une initiative parlementaire prise dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Le Gouvernement n'entend pas, bien entendu, revenir sur cette suppression mais souhaite, avant la mise en _uvre de la mesure, engager une vaste concertation. Cette réflexion, qui rejoint d'ailleurs celle plus globale conduite sur la fonction publique outre-mer, pourrait aboutir à ce que des aménagements, éventuellement transitoires, soient prévus afin que les départements ou territoires d'outre-mer offrant un contexte de travail objectivement difficile ne soient pas pénalisés de manière excessive. Un décret, aménageant le dispositif pour les îles du nord de la Guadeloupe, la Guyane ou Saint-Pierre-et-Miquelon, pourrait ainsi être pris prochainement. Le souci est, bien évidemment, que l'ensemble des postes de fonctionnaires affectés à l'outre-mer restent pourvus.

Ces aménagements ne doivent évidemment pas occulter l'objectif de promotion des recrutements locaux poursuivi par les parlementaires lors de la suppression de la prime d'éloignement : des actions spécifiques ont d'ores et déjà été menées sur ce thème en Guyane, dans les secteurs de l'enseignement et de la police. Ces actions devraient également porter sur l'accroissement de l'offre de formations locales, seules à même de réduire les inégalités en matière d'accès à la fonction publique.

·  S'agissant des départements d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier :

-  Si les territoires d'outre-mer ne sont pas concernés par l'introduction de l'euro, dans les départements d'outre-mer, la visite conduite conjointement avec le ministre de l'économie et des finances en Guadeloupe a permis de se rendre compte sur place de l'ampleur et de la pertinence des campagnes de communication menées sur le passage à l'euro, en direction notamment des publics défavorisés. La prochaine visite à la Réunion et à Mayotte devrait permettre d'apprécier la situation dans l'océan Indien.

-  La situation fiscale spécifique de l'outre-mer, avec l'existence d'un droit de douane particulier dénommé octroi de mer, devrait être prochainement examinée par les autorités communautaires, l'exception accordée aux départements d'outre-mer en la matière arrivant à échéance à la fin de l'année 2002. Néanmoins le long travail de concertation mené avec les exécutifs locaux auprès de Bruxelles a permis de faire comprendre à la Commission européenne les contraintes spécifiques rencontrées par ces départements. Une réunion prévue en novembre avec les élus locaux d'outre-mer aura pour objet de finaliser la demande présentée à l'Union européenne.

-  L'enseignement outre-mer constitue une priorité du Gouvernement. Depuis 1997, 6 700 postes ont été créés dans ce domaine, traduisant concrètement la volonté d'offrir à tous l'égalité des droits à l'éducation. La Guyane et Mayotte sont particulièrement touchés par le retard en matière de constructions scolaires. Un effort historique a néanmoins été accompli avec le déblocage de 1,180 milliard de francs en direction de la collectivité départementale de Mayotte, permettant ainsi de doubler le nombre de collèges et de lycées. Les résultats de cette politique devraient être visibles très prochainement, même s'ils restent, pour le moment, subordonnés à la conclusion d'études préalables et à la résolution des questions foncières. De même en Guyane, le plan pour le renouveau de l'enseignement scolaire devrait permettre un doublement du nombre d'écoles par rapport à ce qui était déjà programmé dans le contrat de plan Etat-région. Cet effort de construction scolaire, à Mayotte comme en Guyane, s'accompagnera, bien entendu, de l'affectation des postes d'enseignants correspondants.

-  La loi d'habilitation du 12 juin 2001 a prévu l'adoption d'une ordonnance sur les transports intérieurs dans les départements d'outre-mer. La concertation avec les professionnels se poursuit et l'ordonnance, en cours de rédaction actuellement, devrait paraître avant le mois de mars 2002.

-  La période de sécheresse, qui a affecté la Guadeloupe et, dans une moindre mesure, la Martinique, a justifié un effort de solidarité sans précédent. 55 millions de francs ont ainsi pu être débloqués pour indemniser les producteurs agricoles guadeloupéens. La déconcentration des procédures d'indemnisation, par le biais notamment des chambres d'agriculture, explique peut-être les retards de remboursement dont souffrent les agriculteurs. Aucune demande locale forte n'a cependant encore été formulée pour la prise en charge des périodes de chômage partiel. S'agissant des producteurs de bananes et de canne à sucre, les procédures d'indemnisation n'ont pu être mises en _uvre avant l'achèvement des cycles agricoles, préalable nécessaire à l'évaluation des sinistres.

-  Les chiffres de la délinquance outre-mer ne connaissent pas de progression notable ; néanmoins, il est vrai que des faits graves ont pu se produire, en Guadeloupe et en Guyane notamment. La progression des moyens accordés à la police et à la gendarmerie pour lutter contre cette délinquance a été très considérable depuis 1997. Un effort supplémentaire a, de plus, été engagé en Guyane depuis septembre dernier, afin de développer la police de proximité. Il est absolument indispensable que cet effort de l'Etat soit relayé au niveau local, par le biais notamment d'une redynamisation des contrats locaux de sécurité.

-  L'objectif poursuivi par la mise en place d'un prix unique du livre dans les départements d'outre-mer, décidée dans le cadre de la loi d'orientation, est de promouvoir l'accès de tous à la culture. Le prix du livre outre-mer est, en effet, 30 % plus cher qu'en métropole. A l'initiative du ministère de la culture et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer a été mise en place une mission interministérielle destinée à évaluer le coût pour l'Etat de la compensation qui doit être accordée aux libraires. Le calendrier prévu devrait permettre d'aligner, dès le 1er janvier 2002, le prix des livres scolaires sur celui applicable en métropole et de baisser de 10 % le prix des ouvrages généraux. Au 1er janvier 2003, l'alignement pourrait être achevé. Le coût de cette compensation devra être pris en charge par le ministère de la culture.

L'accès à la culture est en effet une priorité du Gouvernement comme en témoigne également la création d'un fonds destiné à promouvoir les nouvelles technologies outre-mer.

-  Les engagements du Gouvernement concernant Mayotte seront tenus avant la fin de l'année 2002 : dès ce mois-ci, la hausse des allocations familiales s'appliquera à la collectivité départementale. Il en ira de même pour l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation pour adulte handicapé et l'aide aux personnes âgées les plus démunies, dès la fin de l'année 2001. L'ordonnance relative à l'emploi à Mayotte, qui devrait prévoir, notamment, l'extension du dispositif emploi jeunes et du projet initiative jeunes, ainsi que l'ordonnance créant une protection sociale à Mayotte devraient être soumises très prochainement au conseil général de la collectivité départementale.

-  Le congé-solidarité mis en place dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer prévoit, dans les entreprises des départements d'outre-mer, l'embauche d'un jeune contre un départ en retraite. Il est prévu que l'Etat finance le dispositif à hauteur de 60 %, le solde devant être apporté par les collectivités locales et les entreprises. Les négociations sur le montant de cette contrepartie sont inégalement avancées selon les départements d'outre-mer ; elles devraient être prochainement achevées à la Réunion. Il faut reconnaître que la situation financière dégradée des collectivités locales rend difficile la prise en charge de ce solde. Néanmoins, tout recul sur ce dispositif serait mal compris de la population.

-  La possibilité reconnue aux régions d'outre-mer, par la loi d'orientation pour l'outre-mer, d'adhérer à des organisations internationales n'a pu être mise en _uvre, malgré la volonté exprimée par la Guyane et la Martinique d'intégrer l'association des Etats de la Caraïbe (AEC) ; alors même que cette disposition permet de renforcer le poids de la France dans cette instance, il n'a pas été possible de l'appliquer, du fait des contraintes inhérentes à la cohabitation ; seule une concertation au plus haut niveau de l'exécutif peut laisser espérer des avancées en la matière.

-  Les inquiétudes sur l'avenir du tourisme dans les départements d'outre-mer sont bien évidemment liées aux difficultés des compagnies aériennes, mais également à la concurrence d'autres destinations pouvant offrir un meilleur rapport qualité-prix. Une initiative conjointe avec le ministère du tourisme a été prise pour faire des Antilles une grande destination touristique.

-  Des crédits spécifiques sont prévus dans le projet de loi de finances pour la commémoration de l'éruption de la Montagne pelée. Cette initiative devrait ouvrir la voie à d'autres commémorations, liées notamment à l'abolition de l'esclavage. Il faut rappeler, à cet égard, l'importance, pour le devoir de mémoire, de la proposition de loi adoptée sur le sujet à l'initiative de Mme Christiane Taubira-Delannon.

-  Les accords communautaires en direction des pays les moins avancés (PMA) devraient faire l'objet d'une évaluation en 2005. Il sera alors possible de connaître l'impact de ces accords sur les productions ultra-marines, notamment pour l'industrie sucrière et la banane aux Antilles.

-  Le Gouvernement a fourni depuis 1997 un effort considérable en direction de la justice. Cet effort s'est traduit concrètement outre-mer par la décision de reconstruire l'établissement pénitentiaire de Saint-Denis. Les retards qui ont pu être constatés sur ce projet sont imputables à des difficultés d'ordre foncier, qui devraient cependant être résolues prochainement. En Guyane, il est instamment prévu de pourvoir les postes vacants à la chambre détachée de la cour d'appel de Cayenne.

-  S'agissant du service militaire adapté (SMA), qui permet d'offrir aux jeunes un véritable itinéraire de formation, l'objectif du Gouvernement est de maintenir les effectifs, malgré la fin de la conscription. Aux 3 000 appelés succéderont donc 3 000 volontaires, ce qui représente un effort financier considérable.

· S'agissant de la Nouvelle-Calédonie et des territoires d'outre-mer :

-  La desserte aérienne entre la Nouvelle Calédonie et Tokyo a fait l'objet d'un plan de soutien fiscal, mis en _uvre par le Gouvernement à hauteur de 450 millions de francs, afin de permettre à la compagnie Air Calédonie international de se substituer progressivement à Air France ; des discussions sont, par ailleurs, en cours pour consolider la desserte de la Polynésie française.

-  Il est regrettable que la réforme statutaire de la Polynésie française soit bloquée du fait de l'ajournement de la convocation du Congrès ; des réformes institutionnelles importantes ont, néanmoins, été engagées dans ce territoire, puisque la représentation des différents archipels au sein de l'assemblée territoriale a été rééquilibrée et qu'un amendement au projet de loi relatif à la démocratie de proximité devrait permettre aux minorités d'être représentées dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, à compter des prochaines élections municipales.

-  Le Gouvernement n'est pas opposé à une extension à la Nouvelle Calédonie du régime de financement des échanges sportifs en vigueur dans les départements d'outre-mer ; une telle réforme nécessite, en tout état de cause, l'instauration d'un partenariat avec le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

-  Les sommes consacrées à la formation des maîtres ne sont pas intégrées a la dotation globale de compensation versée chaque année à la Nouvelle-Calédonie, car elles continuent à relever du budget de l'éducation nationale, cette compétence n'ayant pas été transférée à la collectivité territoriale.

-  S'agissant du problème plus général de la compensation des charges transférées à la Nouvelle-Calédonie, en application des deux lois du 19 mars 1999, la commission d'évaluation des charges s'est réunie pour la première fois le 6 février 2001 ; des échanges réguliers entre le haut commissaire et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont eu lieu et des conventions devraient prochainement être signées pour définir le montant des compensations correspondant aux charges transférées.

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Après le départ du ministre, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de l'outre-mer pour 2002.

Intervenant après l'exposé du rapporteur, M. Ernest Moutoussamy a fait observer que le budget de l'outre-mer était l'un des budgets qui connaissait la plus forte progression. Il a néanmoins souligné que les charges pesant sur les collectivités d'outre-mer étaient plus fortes que celles auxquelles doivent faire face les collectivités métropolitaines. Il a cité, à titre d'exemple, le coût de la sur-rémunération des fonctionnaires territoriaux, le niveau des prix et les contraintes spécifiques pesant sur la construction des bâtiments, du fait des risques naturels. Regrettant que les dotations attribuées aux collectivités locales d'outre-mer demeurent insuffisantes par rapport au niveau de leurs charges, il a estimé qu'il convenait, pour cette raison, de relativiser la portée de l'effort budgétaire accompli par le Gouvernement.

Intervenant au titre de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Philippe Chaulet a déploré le peu de temps consacré à l'examen des crédits de l'outre-mer, soulignant que le budget constituait l'unique occasion pour les députés concernés de s'exprimer sur les problèmes spécifiques de leur département. Il a ensuite regretté que la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités d'outre-mer ne tienne pas compte du coût de la vie et des charges spécifiques pesant sur ces collectivités. Il a également considéré que la mise en place de la couverture maladie universelle avait pénalisé certaines communes de Guadeloupe, et souhaité qu'une réponse soit apportée à cette situation par l'adoption d'un dispositif spécifique. S'agissant de la desserte aérienne, il a déploré la surcharge des avions et le niveau élevé des prix. Observant que la conjoncture internationale actuelle pourrait avoir pour conséquence d'augmenter fortement la demande touristique pour la Martinique et la Guadeloupe, il a cependant fait remarquer que les compagnies aériennes américaines desservant Saint-Barthélémy et Saint-Martin avaient demandé une participation financière pour maintenir ces lignes en fonctionnement. Il a ensuite souhaité que le dispositif exonérant certaines entreprises des charges sociales, qui s'applique aux établissements hôteliers, soit étendu aux sociétés de gardiennage, dès lors que celles-ci interviennent dans ces établissements. Après avoir regretté que les décrets d'application des dispositifs de défiscalisation prévus par cette loi ne soient toujours pas en vigueur, il a fait part de son souhait que le ministère de la jeunesse et des sports prenne en charge les frais de déplacement des athlètes résidant dans les DOM, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une sélection nationale.

Evoquant l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, M. Henry Jean-Baptiste a émis le souhait que les nouvelles procédures budgétaires puissent se traduire par une amélioration de la lisibilité et de la transparence des actions menées outre-mer. Indiquant que seules ces nouvelles procédures permettraient une juste évaluation des dispositifs en direction de l'outre-mer, il a suggéré que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer se consacre davantage à un rôle de coordination des actions qu'à un rôle de soutien aux initiatives, comme il le fait actuellement.

A la suite de l'intervention de M. Philippe Chaulet, M. Bernard Roman, président, s'est étonné que le transport en métropole des athlètes de haut niveau ne soit pas pris en charge par le ministère de la jeunesse et des sports, considérant qu'il n'appartenait pas aux communes d'origine d'assumer de telles dépenses.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a reconnu que les collectivités locales d'outre-mer étaient confrontées à des contraintes particulières. Il a, néanmoins, précisé que les dotations de l'Etat tenaient compte de ces contraintes, puisque leur montant était double de celui alloué aux collectivités de métropole. S'agissant des difficultés évoquées par M. Philippe Chaulet sur l'application des exonérations de charges sociales pour les sociétés de sécurité travaillant pour le compte des hôtels, il a invité le député à proposer un amendement modifiant en ce sens la loi d'orientation pour l'outre-mer dans le cadre de l'examen de la loi de finances.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002 : départements d'outre-mer.

N° 3324-VII.- Avis de M. Jérôme Lambert (commission des lois) sur le projet de loi de finances pour 2002 - Outre-mer, Départements d'outre-mer.


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© Assemblée nationale

() Mission composée également de MM. Léon Bertrand, Jacques Brunhes et Didier Quentin. Cette mission s'est rendue en Guyane du 8 au 13 septembre 2001 ; elle devait également se rendre en Martinique et en Guadeloupe mais les événements du 11 septembre l'ont contrainte à revenir en métropole.

() Décision n° 82-147 du 2 décembre 1982 : « [les mesures d'adaptation] ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une organisation particulière, prévue à l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer ».

() « Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité » : rapport de MM. Claude Lise et Michel
Tamaya remis à M. le Premier ministre en juin 1999.

() Missions parlementaires conduites à la Réunion par Mme Catherine Tasca, présidente de la Commission des lois du 12 au 22 septembre 1999, et dans les départements français d'Amérique, par le rapporteur, du 29 juin au 10 juillet 1999.

() Loi n° 2001-503 du 12 juin 2001 portant habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

() Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

() En décembre 2000, les DOM comptaient 131 671 bénéficiaires du RMI, soit plus de 17,1 % de la population.

() Un abattement général de 40 % est pratiqué sur les bases d'imposition de la taxe d'habitation, qui peut, sur décision de la collectivité locale, être porté à 50 %.

() Métropole : 12,8 0/00 ; Guadeloupe : 18 0/00 ; Martinique : 16 0/00 ; Réunion : 21 0/00 ; Guyane : 31,8 0/00.

() Chiffres issus du rapport remis en 1999 par les parlementaires Claude Lise et Michel Tamaya, op. cit.