N° 1112

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n°1078)

TOME III
CULTURE ET COMMUNICATION
CULTURE

PAR M. Patrice MARTIN-LALANDE,

Député.

___

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe n° 17).

Lois de finances

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE LA CULTURE POUR 1999 : UN BUDGET DE “ CONFIRMATION DES RÉFORMES ” ? 9

A. L’EXÉCUTION DU BUDGET 1998 : UN NET PROGRÈS DANS LE RESPECT DE LA LOI DE FINANCES INITIALE 9

B. LES ERREMENTS DE LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE 10

C. LE BUDGET DE LA CULTURE POUR 1999 : CONCILIER CRÉATION ET DÉMOCRATISATION 12

1. Les moyens des services : une gestion au plus serré 12

2. Les subventions aux établissements publics : un financement centré sur les priorités 15

3. Les crédits d’intervention : entre création et démocratisation, un équilibre difficile 18

4. Les crédits du patrimoine : une pause après le rattrapage 25

5. L’éducation artistique et la formation : un net ralentissement de l’effort 26

6. L’équilibre des crédits entre Paris et la Province 30

II.- LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION : UNE CHANCE POUR LA POLITIQUE CULTURELLE 33

A. L’ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : UNE AVANCE À CONFORTER 35

1. Moderniser les services 35

2. Faciliter l’accès des citoyens à l’administration 37

B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION : POUR UNE RÉNOVATION DE LA POLITIQUE CULTURELLE 39

1. Soutenir la création de contenus et de services multimédias 39

2. Numériser le patrimoine culturel français et assurer sa diffusion en ligne 42

3. Favoriser la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication par les citoyens 47

4. Donner une nouvelle dimension au rayonnement international de la France et de la francophonie 50

III.- UN MINISTÈRE DE LA CULTURE, POUR QUOI FAIRE ? 53

A. POURQUOI UN MINISTÈRE DE LA CULTURE ? 53

1. L’héritage d’une longue tradition 53

2. Supprimer le ministère de la culture ? 55

3. Une spécificité à préserver 58

B. REDÉFINIR LE MINISTÈRE POUR REFONDER LA POLITIQUE CULTURELLE 59

1. Rompre avec une logique jacobine 60

2. Restructurer les services centraux 62

3. Étendre le champ d’action du ministère ? 64

C. RENFORCER LA DIMENSION CULTURELLE DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE 67

TRAVAUX DE LA COMMISSION 69

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 69

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 93

INTRODUCTION

En 1999, le budget du ministère de la culture s’élèvera à 15,669 milliards de francs (en dépenses ordinaires et crédits de paiement) soit une hausse de 525 millions de francs (+ 3,5 %) par rapport à 1998.

Compte tenu de la prévision de hausse des prix retenue pour l’élaboration du projet de loi de finances (+ 1,2 % en 1999), l’augmentation du budget de la culture, en francs constants, est donc de 2,2 %, soit environ 333 millions de francs.

Sans encore atteindre le niveau de 1 % du budget de l’Etat que le Premier ministre s’est engagé à réaliser d’ici la fin de la onzième législature, ce budget, de par son taux d’accroissement nettement supérieur au rythme de progression moyen des dépenses de l’Etat (+ 2,2  %), figure parmi les priorités budgétaires retenues par le Gouvernement.

L’effort budgétaire est équitablement réparti entre les différents types de dépenses puisque les dépenses ordinaires (qui réunissent les crédits de fonctionnement de l’administration de la culture et des établissements publics – titre III – et les crédits d’intervention – titre IV –) s’accroissent de 3,4 % alors que, dans le même temps, les crédits d’investissement (titres V et VI) connaissent une augmentation de 3,6 %.

Seules les autorisations de programme, qui préfigurent la capacité d’investissement à moyen terme du ministère, sont en régression de 4,9 % par rapport à 1998, année qui avait été marquée par un effort considérable en la matière (+ 20 %) en raison de la nécessité de rattraper, pour le patrimoine monumental, la baisse des dotations en capital constatée en 1996 et les annulations de crédits du deuxième semestre 1997.

Le projet de loi de finances pour 1999 n’assure donc pas le prolongement de l’effort de l’an passé pour ce qui concerne la programmation des subventions d’investissement accordées par l’Etat, ce qui peut être surprenant pour un budget présenté comme une consolidation des acquis de 1998.

- Évolution du budget de la culture entre 1998 et 1999 -

en millions de francs

 

1998

LFI

1999

PLF

Variation

/ LFI 98

- Personnel

- Matériel et fonctionnement

- Entretien et réparations

- Établissements publics

- Dépenses diverses

3 032,67

553,37

77,93

3 397,28

45,63

3 178,5

557,68

79

3 481,84

45,63

4,8 %

0,8 %

1,4 %

2,5 %

0,0 %

Total titre III

7 106,48

7 342,65

3,3 %

- Interventions politiques et administratives (DGD* bibliothèques)

915,74

941,19

2,8 %

- Interventions culturelles

dont - actions nationales

- actions déconcentrées

3 447,6

1 646,22

1 801,38

3 585,84

1 473,31

2 112,53

4,0 %

- 10,5 %

17,3 %

- Commandes et achats d’œuvres d’art

255,2

256,76

0,6 %

Total titre IV

4 618,54

4 783,8

3,6 %

Total dépenses ordinaires (DO)

11 725,02

12 126,45

3,4 %

Titre V (investissements Etat)

1 519,78

1 567,30

3,1 %

Titre VI (subventions d’investissement)

1 900,77

1 976,02

4,0 %

TOTAL AP

3 704,13

3 522,36

- 4,9 %

Total dépenses en capital (CP)

3 420,55

3 543,32

3,6 %

TOTAL DO + CP

15 145,57

15 669,78

3,5 %

DGD : dotation générale de décentralisation

Au-delà du classique examen des crédits, auquel le rapporteur s’est attaché à procéder sans parti pris, il lui est apparu nécessaire de s’arrêter un moment sur l’indispensable modernisation du ministère de la culture et de la politique qu’il conduit à travers deux axes de réflexion complémentaires.

Le premier, d’inspiration thématique, vise à faire le point sur l’impact des nouvelles technologies de l’information sur l’action culturelle et l’organisation interne du ministère de la culture. Le second, plus structurel, a pour objectif de contribuer à une réflexion sur la spécificité et la pérennité de ce même ministère au sein de l’appareil gouvernemental en posant, sans a priori, la question de l’utilité du ministère de la culture.

Le rapporteur souhaite que cet avis, aussi bref soit-il, contribue à la modernisation de l’action culturelle et à la “ refondation d’un grand service public de la culture ” que la ministre a aussi appelé de ses voeux lors de son audition devant la commission, le 16 septembre dernier.

Avis du rapporteur : synthèse

1.- Le budget de la culture pour 1999 présente une augmentation satisfaisante des crédits et un objectif ambitieux étayé par l’affichage de mesures phares incontestables

® Un budget globalement satisfaisant : après le “ rattrapage ” de 1998 (+ 3,8 %) d’autant plus justifié que 756 MF avaient été annulés fin 1997, le projet de budget pour 1999 donne 550 MF de moyens nouveaux au ministère de la culture, soit une augmentation de 3,5 % en francs courants (et de 2,3 % en francs constants), l’augmentation moyenne des dépenses de l’Etat étant limitée à 2,2 %.

® Un objectif ambitieux... : le budget de la culture pour 1999 a pour ambition de “ concilier création et démocratisation ” et sa présentation affiche la volonté de rendre mieux perceptible la fonction primordiale jouée par l’Etat en matière de développement culturel.

® ... servi par des mesures phares a priori incontestables :

· 110 MF supplémentaires pour la nouvelle direction du spectacle vivant, prioritairement consacrés aux pratiques culturelles innovantes comme les musiques actuelles et les arts de la rue, aux pratiques en amateur et aux institutions culturelles appliquant la Charte de service public et favorisant le soutien aux créateurs et les politiques en faveur des publics

· Déconcentation accrue des crédits d’intervention (+ 17,3 %)

· 110 MF supplémentaires pour les équipements culturels en région à travers les crédits d’investissement destinés aux opérations sous maîtrise d’ouvrage des collectivités locales

· Ouverture de nouvelles institutions culturelles mises au service des professionnels et du public comme le Centre national de la danse, la Cité de l’architecture et du patrimoine ou la Maison du cinéma

· Renforcement de l’effort en faveur du multimédia et de l’appropriation des technologies culturelles de l’information par tous les citoyens

2.- Un flou budgétaire certain ne permet cependant pas d’identifier clairement le financement des mesures annoncées et ne parvient pas à dissimuler de graves faiblesses venant contredire les objectifs affichés

® Un flou budgétaire certain : l’opacité croissante des documents budgétaires présentés et le retard inacceptable mis dans la fourniture de réponses claires aux questionnaires budgétaires ne permettent pas une estimation satisfaisante des moyens véritablement mis au service des actions annoncées. Faut-il se résoudre à croire Mme la ministre sur parole et renoncer à un véritable contrôle parlemementaire ?

® Des faiblesses graves qui viennent contredire l’affichage général :

· Des crédits d’acquisition en pratique inexistants : malgré 10 MF de mesures nouvelles, les crédits d’acquisition sont totalement absorbés par la constitution des collections du Musée des arts et civilisations, qui aurait dû faire l’objet d’un financement séparé ; comment, dans ce contexte, soutenir véritablement la création et conserver en France nos “ trésors nationaux ” ?

· Un budget global des enseignements artistiques en quasi stagnation : 38 MF supplémentaires (soit + 2,7 %) sur l’ensemble du budget et à peine + 1 % pour les crédits d’intervention, est-ce suffisant pour un budget qui fait de la démocratisation sa priorité ?

· Un relâchement de l’effort sur le patrimoine : après le rattrapage opéré en 1998, les subventions d’investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques s’effondrent (- 24,5 %), l’essentiel de l’effort budgétaire étant limité aux travaux effectués par l’Etat sur ses propres monuments. Face à ce système de vases communicants, comment réagiront les propriétaires qui, par leur effort quotidien de conservation, participent à la préservation du patrimoine national ?

· Une absence totale de moyens supplémentaires pour les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), malgré les nouvelles compétences qui leurs sont attribuées du fait de la déconcentration accrue.

Compte-tenu de ce qui précède, le rapporteur donne un avis défavorable à l’adoption des crédits 1999.

I.- LES CRÉDITS DE LA CULTURE POUR 1999 : UN BUDGET DE “ CONFIRMATION DES RÉFORMES ” ?

A. L’EXÉCUTION DU BUDGET 1998 : UN NET PROGRÈS DANS LE RESPECT DE LA LOI DE FINANCES INITIALE

- Annulations de crédits 1997 et 1998 -

en millions de francs

 

Annulations 1997

% LFI 1997

Annulations 1998*

% LFI 1998

Titre III

281,5

7,2

0

0

Titre IV

219,5

4,3

44,8

1,0

Total dépenses ordinaires(1)

501,0

4,2

44,8

0,4

Titre V

176,8

13,0

4,9

0,3

Titre VI

78,2

4,3

11,0

0,6

Total dépenses en capital (CP)

255,0

8,0

15,5

0,4

TOTAL DO + CP

756,0

5,2

60,3

0,4

* Au 15 septembre 1998, arrêté d’annulation du 16 janvier 1998

Le budget de la culture pour 1997, pourtant sévèrement jugé lors de son adoption par la précédente majorité en novembre 1996, a été soumis, entre juillet et décembre 1997, à une série de coupes franches sur tous les types de crédits. Ainsi réduit de plus de 5 % de son montant, ce budget ne semblait donc vraiment pas être considéré, en pratique, comme une priorité politique, et ce malgré les engagements pris durant la campagne électorale par le futur Premier ministre.

Le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le budget 1998 avait fait part de sa perplexité et avait instamment demandé que les crédits présentés au Parlement reflètent véritablement les moyens d’actions accordés pour l’année au ministère de la culture. Il en allait de la crédibilité de l’Etat et, surtout, de la survie d’une bonne partie des institutions culturelles de notre pays pour lesquelles une annulation même partielle de subvention en cours d’année est totalement catastrophique.

Ce souhait semble pour le moment avoir été entendu puisque, au 15 septembre 1998 (dernière date connue), le budget de la culture n’a fait l’objet “ que ” de 60 millions de francs d’annulation, soit environ 0,4 % des crédits de loi de finances initiale.

Décidée dès le 16 janvier 1998, cette mesure de régulation était destinée à contribuer au financement du plan d’urgence d’aide aux chômeurs. En dépenses ordinaires, 45 millions de francs ont été prélevés sur les crédits du titre IV (dont 20,5 millions de francs sur les opérations d’intérêt national et 21,15 millions de francs sur les crédits déconcentrés) ; pour ce qui concerne les dépenses en capital, 15,5 millions de francs ont été annulés, dont 5 millions de francs sur les crédits de paiement destinés à la restauration des monuments historiques.

Le rapporteur se félicite de cette quasi préservation du budget de la culture pour 1998, et souhaite que la ministre tienne bon jusqu’à la fin de l’année, puisque, en 1997 à la même époque, seuls 621 millions de francs avaient été annulés... soit 80 % de la régulation totale.

B. LES ERREMENTS DE LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

Avant d’en venir à l’analyse des crédits, le rapporteur souhaite une nouvelle fois cette année, à la suite de ses prédécesseurs, protester contre les changements constants de nomenclature budgétaire qui transforment la lecture du “ bleu ” en parcours du combattant et rendent impossible tout exercice de comparaison des crédits sur trois ou quatre ans. Comment effectuer une quelconque mise en perspective si, non seulement le périmètre du budget se modifie (par des transferts ou des retraits de compétences), mais également si les modalités de répartition des crédits entre chapitres et articles budgétaires sont, chaque année, révisées ?

Dans le projet de budget pour 1999, la présentation des crédits d’intervention du titre IV est à nouveau modifiée. Certes, l’évolution de la nomenclature répond au souci de mieux identifier les interventions subventionnées sur crédits centraux et celles financées sur crédits déconcentrés. Mais, la tendance, déjà dénoncée l’an passé, de réunir dans de vastes chapitres de synthèse des actions qui bénéficiaient auparavant de lignes distinctes, est encore aggravée en 1999, rendant de plus en plus délicate l’identification des crédits y afférents.

Cette année, c’est donc au tour de l’article 43-20-30, relatif au développement culturel, d’être absorbé par les articles 43-20-20 (pour les interventions d’intérêt national en matière de spectacles) et 43-30-20 (pour les interventions déconcentrées dans ce même domaine). Ceux-ci s’intitulent donc désormais “ développement culturel et spectacles ” et réunissent quelques 2,19 milliards de francs (855,5 millions de francs pour les interventions d’intérêt national et 1,332 milliards de francs pour les interventions déconcentrées), destinés à financer des actions aussi différentes que les subventions de fonctionnement aux orchestres régionaux, aux théâtres lyriques et aux scènes nationales, les commandes artistiques, l’aide à l’innovation musicale, les dépenses pour l’élargissement des publics, la lutte contre l’exclusion, la participation à la politique de la ville, ou encore les dépenses liées à l’action internationale du ministère de la culture et à l’emploi de la langue française...

De façon identique, la présentation des crédits d’enseignement et de formation fait à nouveau l’objet de bouleversements puisque, après les regroupements effectués en 1998, la nomenclature fait cette année machine arrière en identifiant à nouveau les crédits déconcentrés destinés aux enseignements spécialisés et aux formations et en individualisant les bourses d’études d’enseignement supérieur...

Ce n’est pas acceptable. Si le ministère de la culture considère que la nouvelle nomenclature permet d’assurer un suivi des grands domaines d’intervention du ministère, le rapporteur y voit pour sa part une très regrettable volonté d’opacifier la présentation des crédits d’intervention qui, largement fondus dans un tronc commun, rendent l’identification comptable des différentes actions, et plus encore leur étude à moyen terme, extrêmement difficile. Sur ce sujet, il serait d’ailleurs tout à fait souhaitable que les parlementaires puissent disposer des résultats des évaluations effectuées par le ministère sur ses propres actions ou encore d’études d’impact qui seraient réalisées sur les propositions ou les politiques nouvelles.

Vu la grande opacité du document budgétaire, le rapporteur tient d’autant plus à souligner l’inexactitude du document de synthèse distribué par le ministère au moment de la présentation du budget à la presse et surtout la très grande difficulté qu’il a rencontré à obtenir les réponses à son questionnaire budgétaire. Une semaine avant l’examen en commission, il n’avait reçu que 14 réponses pour environ 110 questions, pourtant adressées début juillet à Mme la ministre.

Comment les parlementaires, démunis de documents précis ou de réponses, parfois hypothétiques, à un questionnaire budgétaire en tout état de cause réservé aux seuls rapporteurs, pourraient-ils être à même de se former une opinion sur la réelle traduction comptable des annonces budgétaires du Gouvernement ? Cette régression de la transparence budgétaire est extrêmement regrettable et dommageable pour le bon exercice de la mission de contrôle dont est investi le Parlement.

C. LE BUDGET DE LA CULTURE POUR 1999 : CONCILIER CRÉATION ET DÉMOCRATISATION

1. Les moyens des services : une gestion au plus serré

· Les crédits de personnel : un solde négatif de 19 emplois et une revalorisation des situations

Les crédits correspondant aux rémunérations et charges sociales des personnels du ministère de la culture s’élèveront à 3 178,5 millions de francs en 1999, soit une hausse de 4,8 % par rapport à 1998 (+ 145,8 millions de francs).

Les effectifs globaux du ministère de la culture, tous services et toutes catégories d’emplois confondus, observeront une légère diminution en 1999, avec 19 emplois de moins qu’en 1998. Les créations d’emplois, plus que compensées numériquement par des suppressions de postes, seront donc extrêmement limitées, la principale mesure concernant la création de 69 postes d’accueil, de surveillance et de sécurité dans les musées nationaux, ce dont on doit se féliciter à la suite des vols et des déprédations constatés cette année dans plusieurs établissements.

L’accroissement des crédits de personnel résultera donc essentiellement de l’application des accords salariaux sur la revalorisation des rémunérations publiques et les bas salaires, ainsi que des mesures de repyramidage et de résorption de l’emploi précaire. Ainsi, les conditions sociales de gestion des ressources humaines au sein du ministère seront améliorées puisque 450 agents vacataires des établissements publics culturels se verront proposer, dès cet automne, un contrat à durée indéterminée. Le rapporteur se félicite de cette volonté de résorption de l’emploi précaire mais s’interroge sur le temps et les crédits qui seront nécessaires pour parvenir au terme de cette tâche.

La poursuite du processus de déconcentration des crédits devrait par aillleurs logiquement s’accompagner d’un renforcement des moyens en personnel des directions régionales des affaires culturelles, en cohérence avec la redéfinition de la répartition des rôles entre l’administration centrale et les services déconcentrés. Suivant les indications fournies par Mme la ministre lors de son audition par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, un mouvement de transfert de personnel des services centraux vers les services extérieurs est prévu pour cet automne et devrait être pris en compte dans la loi de finances rectificative pour 1998. Ce transfert sera-t-il suffisant ? Vu l’absence totale de créations de postes en 1999, le rapporteur s’inquiète de la réalité des moyens dont disposeront les DRAC pour assumer correctement les nouvelles responsabilités qui leur incombent.

·  Les moyens de fonctionnement : un Etat modeste !

Les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement courant, qui regroupent les moyens de l’administration centrale, des directions régionales des affaires culturelles, des services départementaux, ainsi que les crédits informatiques, de formation et de frais de justice s’élèveront à 603,3 millions de francs en 1999, soit une très faible augmentation de 0,7  % (et donc une baisse des moyens en francs constants).

Les 28,5 millions de francs de mesures nouvelles sont principalement destinés à l’amélioration de l’équipement informatique et télématique des services centraux (+ 17,4 millions de francs) et des moyens de fonctionnement des services déconcentrés (+ 4 millions de francs pour les DRAC, +  3,15 millions de francs pour les musées).

On reste cependant perplexe quant à “ l’augmentation ” du budget informatique puisque, en contrepartie des mesures nouvelles, celui-ci se voit réduit de 24,2 millions de francs au titre des mesures acquises... Au total donc, le chapitre 34-95 qui retrace les “ dépenses d’informatique et de télématique ” passe de 75,51 millions de francs à 68,73 millions de francs, soit une diminution de près de 9 %.

Compte tenu de l’importance croissante que vont prendre les budgets informatiques avec l’entrée dans la société de l’information et la restructuration des services du ministère de la culture (cf. la deuxième partie de cet avis), le rapporteur considère que cette réduction de crédits est relativement irresponsable, et témoigne d’une absence de vision prospective et cohérente de l’action culturelle.

Quant aux moyens de fonctionnement des DRAC, on peut légitimement se demander si les 4 millions de francs de mesures nouvelles dont elles bénéficient seront suffisants pour répondre à leurs nouvelles compétences.

·  Les dépenses d’équipement

Une seule opération nouvelle d’équipement sera engagée par l’administration de la culture en 1999 : elle concerne la transformation des anciens locaux de la Bibliothèque nationale en Institut national d’histoire de l’art. Directement rattaché aux services centraux du ministère, cet organisme, issu d’un travail commun avec le ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, permettra le croisement des activités d’enseignement, de recherche, de conservation et de diffusion. 40 millions de francs d’autorisations de programme sont prévus sur les crédits d’équipement de l’administration générale, au titre des opérations réalisées sous convention de mandat.

Au total, 249,8 millions de francs d’autorisations de programme sont demandées pour 1999, principalement donc pour prolonger ou mener à bien les opérations engagées l’an passé :

- le regroupement des services centraux du ministère, actuellement éparpillés sur une quinzaine de sites parisiens, dans l’immeuble de la rue des Bons-enfants. Une enveloppe de 119,4 millions de francs est prévue pour mener les travaux à leur terme, le déménagement devant avoir lieu en 2001 ;

- la réhabilitation des locaux des DRAC et des services départementaux de l’architecture et du patrimoine, pour un total de 85,5 millions de francs, soit 18,5 millions de francs de plus qu’en 1998 ;

- le plan de numérisation des fonds et des collections du patrimoine artistique et culturel appartenant à l’Etat et situés en région, qui voit ses autorisations de programme augmentées de 25 % par rapport à l’an passé, pour atteindre 5 millions de francs. Compte tenu de l’importance de cette action (cf. la deuxième partie de cet avis), le rapporteur aurait souhaité que l’effort soit un peu plus soutenu, même si il semblerait que ce soit plus les postes de techniciens qualifiés en la matière que les crédits qui fassent actuellement défaut pour pouvoir accélérer ce plan.

Au total, les crédits de paiement dégagés en 1999 pour l’ensemble de ces actions s’élèvent à 123,1 millions de francs, soit 3 millions de francs de moins qu’en 1998, ce qui, compte tenu de l’ampleur du chantier de la rue de Richelieu, risque de brider quelque peu la conduite des autres projets.

2. Les subventions aux établissements publics : un financement centré sur les priorités

Les crédits destinés au fonctionnement des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture s’élèveront à 3,482 milliards de francs en 1999, soit une hausse de 2,5 % (+ 84,5 millions de francs).

Comme en 1998, les mesures nouvelles sont concentrées sur quelques priorités :

Le Centre national de la danse se voit doté du statut d’établissement public et bénéficie, à ce titre, d’une subvention de fonctionnement de 26,45 millions de francs, dont 3 millions de francs de mesures nouvelles destinés au développement de ses missions et à la création de trois emplois.

Ces crédits ne constituent pas des dépenses nouvelles puisqu’ils proviennent en grande partie (à hauteur de 22 millions de francs) d’un transfert du titre IV. En effet, le Centre national de la danse regroupe des missions confiées jusque là à plusieurs organismes de droit privé institués à l’initiative du ministère de la culture. Au service des professionnels et du grand public, cet établissement est chargé de favoriser le développement de l’art et de la culture chorégraphiques à travers l’exécution de différentes missions : formation et reconversion professionnelles, soutien à la création et à la diffusion, observatoire des métiers de la danse, information, documentation, recherche, conservation et enrichissement du patrimoine chorégraphique.

- Créé en 1998, l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EPMOTC) est issu de la fusion de l’Etablissement public du Grand Louvre et de la Mission interministérielle des grands travaux. Il a pour mission d’assurer, à la demande et pour le compte de l’Etat, la maîtrise d’ouvrage des opérations de construction, d’aménagement, de réhabilitation, de restauration, de gros entretien ou de réutilisation d’immeubles appartenant à l’Etat et présentant un intérêt culturel. Il peut également assurer des missions identiques auprès de collectivités locales et de leurs établissements publics. Pour son fonctionnement, l’EPMOTC dispose d’une subvention d’un montant de 40,97 millions de francs et de 55 emplois permanents inscrits à son budget propre.

Cet établissement sera chargé de la maîtrise d’ouvrage des opérations qui lui seront confiées par l’Etat et de celles ayant trait aux travaux programmés dans des immeubles remis en dotation à des établissements publics. Le montant des crédits correspondant aux opérations susceptibles de lui être confiées en 1999 s’élève à 456,52 millions de francs et concerne notamment la restauration du Grand Palais (217 millions de francs), la restructuration du musée d’Orsay et divers travaux dans les musées nationaux (23 millions de francs), le regroupement des services centraux du ministère dans l’immeuble de la rue des Bons-enfants (84,6 millions de francs), l’installation de l’Institut national de l’histoire de l’art dans les locaux de la Bibliothèque nationale rue de Richelieu (40 millions de francs), l’achèvement du Grand Louvre (35,9 millions de francs) et l’aménagement du musée de l’Orangerie (28 millions de francs). Il est en outre prévu que l’EPMOTC soit chargé des travaux du programme d’aménagement du musée du domaine de Versailles (voir ci-après).

A ces opérations s’ajoutent les opérations de rénovation du Collège de France et la poursuite de la restructuration du Musée national des techniques (CNAM), qui sont financées à partir de crédits transférés du budget du ministère de l’éducation nationale.

- Dans le prolongement de l’action menée en 1998, les écoles d’architecture bénéficieront à nouveau de moyens supplémentaires (+ 5 millions de francs pour les crédits de fonctionnement et 13,75 millions de francs pour les crédits d’équipement) afin d’assurer la mise en oeuvre de la réforme des enseignements dans de bonne conditions.

- Le domaine national de Versailles va faire l’objet d’un plan pluriannuel de traitement des problème de sécurité et d’accueil du public qui bénéficiera, pour 1999, d’une mesure nouvelle de 34 millions de francs sur les crédits d’équipement.

- Le musée du Louvre, dont les réaménagements ont coûté 5,8 millions de francs et prendront fin en 1999, verra ses crédits de fonctionnement et de personnel accrus de 3,5 millions de francs, afin notamment d’assurer la création de cinq emplois de surveillance. Ses crédits d’équipement, gérés, comme on l’a vu, au titre du chantier du Grand Louvre, par l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, connaîtront un accroissement de 36 millions de francs en autorisations de programme.

- Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou poursuivra en 1999 ses travaux de réaménagement intérieur en vue de sa réouverture au public pour le passage à l’an 2000. 7,9 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires sont prévus, afin notamment d’assurer la création de 50 emplois de surveillance et de sécurité, ainsi que 39,9 millions de francs de mesures nouvelles en crédits d’investissement (75,5 millions de francs en autorisations de programme).

- La Bibliothèque nationale de France, dont la création a coûté 7,96 millions de francs, a ouvert les salles réservées aux chercheurs (niveau “ rez-de-jardin ”) et l’INAthèque de France (archives de la radio et de la télévision publiques) le 9 octobre dernier. 1999 sera donc la première année de pleine activité du site “ Tolbiac-François Mitterrand ”. Les quatorze salles de recherche offriront 2 000 places de lecture (trois fois plus que dans les anciennes salles de la rue de Richelieu) pour la consultation de 11 millions de documents imprimés, audiovisuels et multimédias. L’extension des horaires et les nouveaux services offerts par le système d’information perfectionné concourront également à améliorer les conditions de travail des chercheurs.

Le budget de fonctionnement de l’établissement s’élèvera en 1999 à 602,3 millions de francs (+ 0,3 %) et les crédits d’équipement à 62 millions de francs (+ 32 %), notamment pour assurer le développement du catalogue collectif de France et des pôles associés.

- Enfin, le chantier du “ musée des Arts et des Civilisations ”, dont la création a été souhaitée par le Président de la République, sera entamé en 1999, sur les terrains actuellement vacants du quai Branly. Cet établissement public, financé paritairement par le ministère de la culture et le ministère de l’éducation nationale bénéficiera, sur le budget de la culture, de 7,5 millions de francs de crédits de fonctionnement (transférés du titre IV), de 25 millions de francs de crédits d’acquisition et de 15,5 millions de francs de crédits d’équipement (pour 62 millions de francs d’autorisations de programme).

Le coût total de l’opération est actuellement évalué, hors acquisitions, à environ un milliard de francs. Le rapporteur regrette que ce projet ne bénéficie pas d’une implusion et d’une volonté politique comparable à celle qui a prévalu pour le Grand Louvre ou la Bibliothèque nationale de france, par exemple, alors même que son ampleur financière ne leur est en rien comparable. Il aurait été normal que le projet de Musée des arts et des civilisations fasse l’objet, comme les autres “ grands travaux ” décidés dans les années 80 – qui ont bénéficié de l’augmentation considérable du budget de la culture durant cette décennie 1–, d’une enveloppe budgétaire spécifique financée par des mesures nouvelles, et non pas par des redéploiements.

3. Les crédits d’intervention : entre création et démocratisation, un équilibre difficile

Les crédits du titre IV sont traditionnellement considérés comme le reflet du dynamisme de la politique d’intervention culturelle menée par le ministère. Leur niveau et leur répartition expriment les choix et les orientations culturelles qui sont arrêtés par le ministre. Essentielles au travail – voire à la survie – des établissements culturels, les subventions du titre IV, souvent victimes de régulations en cours d’année, sont traditionnellement l’élément le plus sensible et le plus médiatisé du budget de la culture.

En 1999, l’ensemble des crédits du titre IV augmentera de près de 165,3 millions de francs (+ 3,6  %), pour atteindre 4 783,8 millions de francs. Les crédits d’intervention proprement dits, c’est à dire hors dotation générale de décentralisation (destinée aux bibliothèques) et crédits d’acquisition, s’élèveront à 3,585 milliards de francs, soit une hausse de près de 138 millions de francs (+ 4,0 %).

A structure constante cependant, c’est à dire en réintégrant dans le titre IV les 33 millions de francs de crédits transférés sur le titre III au profit notamment du Centre national de la danse (21,4 millions de francs) et du musée des Arts et des civilisations (7,5 millions de francs), transformés en établissements public, les crédits d’intervention du ministère augmenteront de 4,3 %.

En raison de la réorganisation interne du ministère qui a donné aux directions régionales de l’action culturelle de nouvelles compétences et des responsabilités accrues, le budget de la culture pour 1999 est marqué par un fort accroissement des moyens d’action déconcentrés. Comme le retrace le tableau ci-dessous, des transferts de crédits ont été opérés entre le chapitre relatif aux actions d’intérêt national (en baisse de 10,5 %) et le chapitre retraçant les crédits destinés aux actions déconcentrées (en hausse de 17,3 %) :

en millions de francs

Chapitres

LFI 98

part du total

PLF 99

part du total

99/98

43-20 : interventions culturelles d’intérêt national

1 646,2

47,8 %

1 473,3

41,1 %

- 10,5 %

43-30 : interventions culturelles déconcentrées

1 801,4

52,2 %

2 112,5

58,9 %

+ 17,3 %

Total interventions

3 447,6

100 %

3 585,8

100 %

+ 4,0 %

Les mesures nouvelles s’élèvent sur le titre IV à 229,4 millions de francs, dont 25,45 millions de francs pour la dotation générale de décentralisation et 10 millions de francs pour les crédits de commande artistique et d’achat d’oeuvres d’art. Ces crédits supplémentaires sont destinés à répondre à l’ambition affichée par le ministère de la culture pour 1999 : réconcilier création et démocratisation.

L’accroissement des moyens d’action est cependant variable selon les directions et les délégations, et donc selon les secteurs d’action du ministère, comme le retrace le tableau ci-dessous :

- Répartition des crédits d’intervention (titre IV)-

par direction et délégation

en millions de francs

 

LFI 1998

PLF 1999

99/98

Patrimoine et architecture

223,62

244,92

9,5 %

Spectacle vivant

2 000,67

2 091,96

4,5 %

Musées

252,01

277,76

10,2 %

Arts plastiques

315,29

336,67

6,8 %

Livre et lecture

1 052,07

1 084,59

3,1 %

Archives

15,09

16,24

7,6 %

Développement et aménagement du territoire

440,92

430,71

- 2,3 %

Langue française

7,54

9,54

26,5 %

Affaires internationales

45,67

47,61

4,2 %

Centre national de la cinématographie (CNC)

209,66

214,16

2,1 %

· La nouvelle direction du spectacle vivant se voit attribuer près de la moitié de ces moyens supplémentaires, avec 110 millions de francs de mesures nouvelles, dont 40,17 millions de francs sur crédits centraux et 69,83 millions de francs sur crédits déconcentrés. Gérés dans une perspective d’action plus globale – grâce au regroupement des directions du théâtre et des spectacles et de la musique et de la danse – et plus proche des différents acteurs – grâce à la déconcentration accrue des crédits –, ces moyens nouveaux permettront de mieux concentrer l’effort sur la démocratisation des pratiques culturelles par l’éducation artistique, le développement de la pratique en amateur et le soutien accru à la création de formes artistiques nouvelles, qui favorisent l’élargissement et le renouvellement des publics.

Le rapporteur reviendra plus loin sur l’éducation artistique, mais il souhaite souligner, pour s’en féliciter, l’effort fait en faveur du développement des pratiques en amateur et des musiques actuelles.

En ce qui concerne les pratiques en amateur, il s’agit d’encourager l’exercice des arts vivants (théâtre, musique, danse, etc...) en permettant à chacun de trouver, dans son département, un lieu généraliste ou plusieurs lieux spécialisés dispensant de l’information personnalisée et de la documentation générale sur les formations, les ressources existantes en termes d’équipements artistiques amateurs et les lieux de répétition et de pratique disponibles. La mise en place de cette politique s’inscrira dans un partenariat étroit avec le ministère de la jeunesse et des sports et les collectivités territoriales, puisque de telles fonctions pourront être assurées par une association départementale de développement musical et chorégraphique, par une MJC, mais aussi par une école nationale de musique ou de danse ou encore un réseau d’écoles municipales d’enseignement artistique spécialisé.

Le ministère souhaite par ailleurs consacrer les musiques actuelles et les danses urbaines comme des leviers de développement artistique, économique et social. Il accompagnera donc le mouvement de reconnaissance ou de création, par les collectivités locales, de lieux de diffusion dédiés aux musiques actuelles, en cadrant au plus près leur activité au moyen de convention d’objectifs valant cahier des charges précis et labellisation en “ scènes de musiques actuelles ”. En complément, des actions spécifiques seront menées en faveur du jazz et de la chanson française qui pourront également trouver leur place dans ce nouveau réseau de lieux de diffusion.

En ce qui concerne l’industrie du disque, le rapporteur souhaiterait ici se faire l’expression de plusieurs inquiétudes des professionnels de ce secteur :

- une partie des producteurs s’interroge sur les critères qui ont prévalu pour le choix des participants à la commission de réflexion sur les musiques actuelles, celle-ci n’ayant notamment fait appel qu’à des producteurs indépendants, ce qui ne correspond qu’à 10 % des ventes de disques et de chansons françaises,

- si l’on doit se féliciter du succès du dispositif du quota de 40 % de chansons françaises, il est regrettable que le CSA n’ait pas toujours les moyens de faire respecter cette obligation,

- la réduction de la part de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3 risque de priver l’industrie du disque d’un moyen important pour assurer une visibilité à leur productions, alors même que ces chaînes n’ont pas de programmes consacrés à la variété,

- l’extension de l’actuel système de licence légale appliqué en radio aux diffusions musicales sur les services en ligne serait extrêmement dommageable car ce type de diffusion impliquera des coûts supplémentaires de mise en image et un risque de reproduction à l’identique qui modifient totalement l’économie du système,

- enfin, la tendance des diffuseurs télévisuels à systématiquement privilégier sur leur antenne les disques dont il sont producteurs est inquiétante.

Les moyens nouveaux accordés à la nouvelle direction du spectacle vivant permettront d’autre part de faciliter la mise en oeuvre de la charte des missions de service public, qui a déjà reçu un large assentiment de la part du secteur du spectacle vivant et met l’accent sur les responsabilités des équipes et des structures subventionnées dès lors qu’elles sont bénéficiaires de fonds publics. Un aide prioritaire sera accordée aux structures impliquées dans le soutien à la création et développant des initiatives en matière de renouvellement des publics et d’ouverture aux pratiques amateurs.

· La nouvelle direction de l’architecture et le patrimoine bénéficie pour sa part de 13,5 millions de francs (pour l’architecture) et 10 millions de francs (pour le patrimoine, cf. le paragraphe suivant) de mesures nouvelles.

En ce qui concerne l’architecture, les crédits de promotion bénéficieront d’une majoration exceptionnelle de 43,6 % qui permettra de développer les actions dans les domaines de la diffusion de la culture architecturale, de la ville et de l’exportation de l’architecture française, grâce d’une part à des actions ciblées (grands prix, manifestations à l’étranger) qui sont nécessaires à la réputation internationale de nos architectes et, d’autre part, à des mesures de soutien financier aux architectes intervenant à l’étranger.

Outre le soutien à l’institut français d’architecture (IFA), chargé de la promotion de l’architecture française, ces crédits permettront également de renforcer la présence des architectes dans la construction et l’aménagement de l’espace. Par ailleurs, les actions de sensibilisation à l’architecture en milieu scolaire seront renforcées.

· La direction des musées de France voit ses crédits d’intervention accrus de 25,7 millions de francs par rapport au niveau inscrit en 1998, soit une augmentation de près de 10%.

Cette majoration des crédits d’intervention permettra notamment un renforcement de l’aide accordée par la direction des musées de France aux musées des collectivités territoriales pour leurs actions de formation, de diffusion, d’animation culturelle et de restauration. Parallèlement, un fonds d'aide aux expositions d'intérêt national en région, doté d'un montant de 2,5 millions de francs, sera créé à titre expérimental. Les crédits supplémentaires permettront également d’améliorer le soutien apporté à certaines grandes institutions à vocation nationale comme l’Union centrale des arts décoratifs, le musée d’art et d’histoire du judaïsme et le musée Condé de Chantilly.

Le rapporteur souhaiterait pour sa part, dans le prolongement de l’objectif de démocratisation fixé au budget pour 1999, que le “ service au public ” devienne une préoccupation plus constante pour l’ensemble des musées de France. Au delà de la conservation et de la valorisation des oeuvres et des artistes, les musées ont en effet une mission essentielle de médiatisation et se doivent d’offrir au public, à tous les publics, des moyens renouvelés pour accompagner et enrichir les visites.

· La délégation aux arts plastiques, avec un budget de 607 millions de francs, verra ses moyens augmenter de 14,9 %. Pour ce qui concerne les seuls crédits d’intervention, elle bénéficie de 18 millions de francs de mesures nouvelles destinés à renforcer le soutien à la création contemporaine et à son enseignement.

· La grande faiblesse du budget d’acquisition et de commande publiques

Si le niveau global et le taux d’accroissement des crédits d’intervention est satisfaisant et leur déconcentration accrue permettra une dépense plus efficace et mieux ajustée aux besoins des artistes et des publics, il est difficile d’être autant satisfait des crédits de commandes artistiques et d’achats d’oeuvres d’art. Le chapitre 43-92 qui les retrace s’élève à 256,76 millions de francs et connaît donc une augmentation limitée à 0,6 % (soit une baisse en francs constants). Il bénéficie d’une mesure nouvelle de 10 millions de francs partiellement gagée par une non-reconduction de crédits (à hauteur de 8,4 millions de francs).

- Evolution des crédits d’acquisition et de commande publiques -

par directions et délégations du ministère

en millions de francs

 

LFI 1998

PLF 1999

99/98

Patrimoine et architecture

3,4

3,4

0 %

Spectacle vivant

15,8

7,3

- 54 %

Musées

129,1

136,9

+ 6 %

Arts plastiques

68,3

68,3

0 %

Livre et lecture

6,7

6,7

0 %

Archives

4,1

4,1

0 %

Centre Pompidou

27,7

30,0

+ 8,3 %

TOTAL

255,1

256,7

+ 0,6 %

La plupart des directions voient leurs crédits maintenus au niveau de 1998. Ainsi, les moyens d’acquisition et de commande d’oeuvres de la direction des arts plastiques sont simplement reconduits à leur niveau de l’an passé. Ils permettront notamment de poursuivre ou d’engager d’importantes opérations en matière de commande publique comme pour les sculptures du jardin des Tuileries ou le jardin Ti-Jean à La Réunion. En 1998, une hausse de 9,8 % de ces crédits avait permis de partiellement compenser l’annulation drastique des dotations en cours d’année 1997 (38 % de la dotation initiale). Il reste que dans le contexte actuel du marché de l’art, ces crédits sont essentiels si l’Etat souhaite continuer à jouer son rôle auprès des créateurs.

La nouvelle direction du spectacle vivant voit quant à elle ses crédits d’acquisition réduits de plus de la moitié, ce qui est un symbole bien négatif des moyens qui lui seront donnés pour soutenir les artistes dans leur effort de création. Sur ce problème, le rapporteur ne résiste pas à la tentation de citer la réponse pudique qui lui a été apportée par le questionnaire budgétaire : “ Pour 1999, dans le cadre de la nouvelle direction (...), une relance de la politique d’aide aux auteurs devrait intervenir dans la limite des moyens budgétaires accordés ” !

Seuls en fait, le Centre Georges Pompidou et la direction des musées de France bénéficieront de moyens supplémentaires.

Pour le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, 2,24 millions de francs supplémentaires ont été dégagés pour accompagner la réouverture du Centre et du musée national d’art moderne en l’an 2000.

Les crédits d’acquisitions de la direction des musées de France qui permettent tant aux musées nationaux qu’aux musées des collectivités territoriales d’enrichir leurs collections, atteindront quant à eux 136,9 millions de francs, une partie des dotations étant transférée sur un nouvel article destiné à alimenter les fonds régionaux d’acquisition pour les musées.

Cette hausse est en fait uniquement liée à la majoration de 7,76 millions de francs des crédits du Fonds du patrimoine (montant total : 105,25 millions de francs) et est destinée à faciliter l’acquisition de “ trésors nationaux ” dont le refus de certificat d’exportation viendra à expiration en 1999. Une décision définitive devra ainsi être prise pour un manuscrit autographe de Vol de Nuit de Saint-Exupéry, un tableau de Degas et un autre de Cézanne.

Le rapporteur voudrait cependant souligner ici le caractère artificiel de cette présentation puisque le budget d’acquisition de la direction des musées de France devra supporter, en 1999, une charge lourde et nouvelle, à savoir la constitution des collections du Musée des arts et des civilisations. Pour le budget de la culture, 25 millions de francs sont prévus à ce titre en 1999, contre 6 millions de francs en 1998. Où va-t-on trouver les crédits nécessaires ? Comment se feront les arbitrages ?

Il n’est pas ici question de remettre en cause la légitimité et l’intérêt de ce nouveau projet, mais de regretter sincèrement que les moyens nécessaires à son développement n’aient pas été dégagés en supplément de l’enveloppe courante, et que celui-ci vienne entamer des crédits déjà limités. Voudrait-on signifier une réticence à répondre à la demande du Président de la République que l’on ne s’y prendrait pas autrement...

4. Les crédits du patrimoine : une pause après le rattrapage

En 1998, le patrimoine monumental a fait l’objet d’un effort budgétaire notable, essentiellement, cependant, en autorisations de programme. En 1999, cet effort est consolidé sans pour autant être amplifié, comme l’indique le tableau ci-après.

- Crédits du patrimoine -

Evolution entre 1997 et 1999 (DO + CP)

en millions de francs

   

en MF

Variation en %

Article

Interventions

LFI 97

LFI 98

PLF 99

98/97

99/98

99/97

35-20/20

Entretien MH* Etat

63,18

63,18

63,18

constant

constant

constant

43-10/70

puis 43-50/90

puis 43-30/40

Entretien MH* non Etat

51,06

59,06

69,06

+ 15,6

+ 16,9

+ 35,2

TOTAL ENTRETIEN (DO)

114,24

122,24

132,24

+ 7,0

+ 8,2

+ 15,7

Maîtrise d’ouvrage par l’Etat :

           

56-20/50

Travaux MH* Etat

480,7

574,9

707,3

+ 19,6

+ 23,0

+ 47,1

56-20/60

Travaux MH* non Etat

335,4

346,5

350,5

+ 3,3

+ 1,1

+ 4,5

Maîtrise d’ouvrage par propriétaire :

           

66-20/90 et

Travaux MH* non Etat

346,6

365,9

276,1

+ 5,5

- 24,5

- 20,3

66-20/60

- dont crédits déconcentrés

0,1

49,2

107,4

-

+ 492

+ 118

66-20/20

Travaux sur monuments non protégés (non Etat)

45,0

34,3

34,1

- 23,8

- 0,05

- 24,2

TOTAL TRAVAUX (CP)

1 207,7

1 321,6

1 368,0

+ 9,4

+ 3,5

+ 13,9

TOTAL (DO + CP)

1 321,9

1 443,8

1 500,2

+ 9,2

+ 3,9

+ 13,5

* MH : monument historique (monuments protégés, c’est à dire classés ou inscrits)

Les crédits d’entretien enregistreront une hausse globale de 10 millions de francs, uniquement due à l’augmentation des crédits d’entretien des monuments n’appartenant pas à l’Etat. Il faut à nouveau insister ici sur l’importance de ces crédits qui permettent bien souvent, lorsqu’ils sont utilisés à bon escient, d’éviter par la suite des travaux de grosses réparations à réaliser en urgence, ce qui se révèle toujours beaucoup plus coûteux. Il est donc regrettable que, pour la troisième année consécutive, les crédits d’entretien des monuments historiques appartenant à l’Etat n’augmentent pas d’un centime : cela reflète un manque de vision à moyen terme de la conservation de ces monuments, pour lesquels il semble nécessaire d’attendre un état de décrépitude avancée avant que de pouvoir réaliser des travaux de restauration, d’une ampleur forcément plus importante que des simples, mais réguliers, entretiens.

En ce qui concerne les dépenses d’équipement, le budget 1999 de la loi de programme sur le patrimoine monumental augmentera de 3,5  % par rapport à celui de 1998, pour atteindre 1,36 milliards de francs en crédits de paiement (et 1,56 milliards de francs en autorisations de programme).

Ce relèvement ne concerne en fait que les travaux de restauration exécutés directement par l’Etat (crédits du titre V, + 14,8 %) puisque les crédits prévus pour subventionner les travaux dont l’Etat n’a pas la maîtrise d’ouvrage seront en fait réduits de près d’un quart (Titre VI - 22,5 % en crédit de paiement). Aucune explication n’a été présentée au rapporteur pour justifier cet effondrement des subventions d’investissement, masqué par la hausse globale des crédits d’équipement. Faut-il y voir la conséquence de l’effort effectué par ailleurs pour solder les retards de paiements accumulés par le ministère ? Il y a, en tout cas, lieu de s’interroger...

Parmi les actions annoncées comme prioritaires dans l’affectation des crédits du patrimoine, on retiendra la restauration des cathédrales (Amiens, Chartres, Rouen, Strasbourg, Paris et Saint-Denis de La Réunion), la poursuite des travaux sur les bâtiments du Parlement de Bretagne, l’accent mis sur la préservation et la valorisation du patrimoine du XXème siècle (restauration de la villa Noailles de Mallet-Stevens par exemple), le renforcement de la politique d’inventaire et de protection du patrimoine industriel ainsi que l’ouverture des tranches de travaux pour la consolidation des fondations et des structures du Grand Palais et la restauration de la façade et de la statuaire de l’Opéra Garnier.

5. L’éducation artistique et la formation : un net ralentissement de l’effort

Le montant total des crédits consacrés aux enseignements artistiques (hors dépenses de personnel et de fonctionnement des services du ministère y afférents) s’élève à 1,33 milliards de francs en dépenses ordinaires (+ 2,4 % par rapport à 1998) et à 146,8 millions de francs en autorisations de programme (+ 6,7 %). L’effort est donc beaucoup moins marqué que dans le budget pour 1998, qui prévoyait une augmentation de 6,9 % des dépenses ordinaires et de 40,3 % des autorisations de programme. Cela s’expliquait-il par le fait que le rattrapage, nécessaire en 1998, soit désormais réalisé ? Le rapporteur veut bien le croire, mais ne peut cependant que regretter la modestie du budget proposé pour 1999, totalement contradictoire avec les ambitions de démocratisation affichées et réaffirmées.

- Enseignements artistiques -

Crédits 1998 et 1999

en millions de francs

Chapitre et article

LFI 98

PLF 99

99/98

36-60 Subventions aux établissements publics*

505,7

512,3

+ 1,3 %

43-20 Interventions d’intérêt national

- 40 : Enseignements et formations

- 50 : Bourses d’études

- 60 : Bourses d’enseignement sup.

236,7

228,56

8,18

-

263

200,25

6,8

55,9**

+ 11 %

- 12,4 %

- 16,9 %

43-30 Interventions déconcentrées

541,7

524,1

- 3,2 %

Total interventions Titre IV

778,4

787,1

+ 1,1 %

Total dépenses ordinaires

1 284,1

1 299,4

+ 1,2 %

56-91 Investissement (AP)

66-91 Subvention d’équipement

137,6

16,4

146,8

31,4

+ 6,6 %

+ 91,4 %

Total dépenses en capital

154,0

178,2

+ 15,7 %

TOTAL (DO + AP)

1 438,1

1 477,6

+ 2,7 %

* Ecole nationale du patrimoine (art. 34), Ecole du Louvre (art. 36), Ecole nationale supérieure des beaux-arts (art. 37), Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (art. 38), Académie de France à Rome (art. 39), Conservatoire national supérieur d’art dramatique (art. 46), Conservatoire national supérieur de musique de Paris (art. 52), Conservatoire national supérieur de musique de Lyon (art. 53), Ecole de danse de Nanterre (art. 55), Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son (art. 57), Ecoles d’architecture (art. 58), Ecoles d’art du CNAP (art. 71), Ecole nationale supérieure de création industrielle (art. 72), recherche (art. 95)

**Transfert du chapitre 36-60 pour 3,4 millions de francs et du chapitre 43-30 pour 45 millions de francs

· En ce qui concerne les subventions de fonctionnement des écoles ayant statut d’établissement public, l’effort budgétaire s’élève à 512,3 millions de francs, soit une hausse de 5,6 millions de francs (+ 1,3 %), essentiellement consacrée aux écoles d’architecture (+ 5 millions de francs) et à l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son (+ 2,3 millions de francs). L’Ecole nationale supérieure des beaux-arts voit par contre sa dotation de fonctionnement réduite de 1,45 million de francs.

· Les crédits d’intervention du titre IV financent les subventions de fonctionnement des écoles n’ayant pas le statut d’établissement public, les actions en milieu scolaire et les bourses d’études. Ils sont à nouveau cette année extrêmement difficiles à déchiffrer et à mettre en perspective à partir du seul “ bleu ” budgétaire, en raison des nouvelles modifications apportées à la nomenclature et des transferts effectués depuis le titre III pour les bourses d’enseignement supérieur. Au total, 787,1 millions de francs seront consacrés à ces interventions en 1999, soit à peine 8,7 millions de francs de plus (+ 1,1 %) qu’en 1998... C’est bien peu !

- Evolution des crédits d’intervention en faveur des enseignements artistiques -

par directions et délégations du ministère 2

en millions de francs

 

LFI 1998

PLF 1999

99/98

Patrimoine et architecture

71

75

+ 5,6 %

Spectacle vivant

373,7

368,8

- 1,3 %

Musées

5,5

5,3

- 3,6 %

Arts plastiques

135,8

152,8

+ 12,5 %

Livre et lecture

10

9,5

- 5 %

Archives

0,6

0,9

+ 50 %

Centre national du cinéma

31

29

- 6,4 %

développement culturel

150,8

145

- 3,8 %

TOTAL

778,4

786,4

+ 1 %

Si l’on examine l’évolution des crédits par direction et délégation, on constate que les moyens supplémentaires sont concentrés sur la direction des arts plastiques (+ 17 millions de francs), ce qui va lui permettre d’aligner le barème de ses bourses sur celui de l’éducation nationale et d’accroître sa participation au fonctionnement des écoles d’art municipales et régionales, et sur la direction de l’architecture et du patrimoine (+ 4 millions de francs), afin de renforcer les actions de sensibilisation à l’architecture en milieu scolaire.

Les crédits d’intervention en faveur des enseignements artistiques des directions du livre et de la lecture, des musées de France, du spectacle vivant et du Centre national du cinéma sont par contre en stagnation ou en légère régression, celle-ci étant surtout étonnante pour la Délégation au développement culturel et à l’action territoriale (- 4,2 millions de francs soit une réduction de 3,8 %) puisque cette délégation est chargée, selon le dossier de présentation du budget pour 1999, de mettre “ l’éducation artistique au service de la démocratisation de la culture ”.

C’est notamment sur ces crédits que sont financées les actions menées en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, comme par exemple la formation artistique du personnel enseignant, les rapprochements entre écoles de musique et écoles primaires, les interventions d’artistes dans les lycées, la création de services culturels dans les universités, les jumelages entre établissements scolaires et établissements culturels et les pratiques d’ateliers artistiques, le développement des sites d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant, les programmes spécifiques menés dans le cadre de la politique de la ville, etc...

Toutes ces actions, et tout particulièrement l’aménagement des rythmes scolaires, sont pourtant essentielles si l’on souhaite garantir une véritable démocratisation de l’accès à la culture et permettre à tous les jeunes, quelles que soient leurs conditions de vie personnelle, d’accéder à une éducation artistique et à des activités culturelles dans de bonnes conditions. Le rapporteur ne peut donc que souligner, pour mieux le condamner, ce point noir du budget 1999, qui vient profondément contredire l’effet d’affichage de ses priorités.

· Les dépenses en capital sont en revanche marquées par un fort accroissement, puisque les autorisations de programme observent une hausse de 15,7 %. Elles permettront, d’une part, une augmentation marquée des subventions d’équipement accordées aux écoles d’art plastique, aux conservatoires nationaux supérieurs de musique de Paris et de Lyon et à l’Ecole nationale supérieure de l’image et du son (qui voit ses autorisations de programme augmenter de 300 % pour atteindre 8 millions de francs) et d’autre part d’entamer ou de poursuivre différents plans de travaux et d’aménagement d’établissements d’enseignement, comme par exemple la modernisation et la mise en sécurité des écoles d’architecture ou la rénovation de 11 écoles municipales et régionales d’art, de la Villa Arson (centre, école d’art et résidence d’artistes à Nice) et de l’Ecole nationale supérieure des beaux arts.

6. L’équilibre des crédits entre Paris et la Province

Compte tenu de la réponse qui lui a été fournie sur cette question et de son insuffisance notoire par rapport aux éléments d’information communiqués pour 1998, le rapporteur n’est pas en mesure de traiter correctement cet aspect pourtant essentiel du budget de la culture.

Il se contentera donc de rappeler qu’en 1998, 53,8 % des crédits de la loi de finances initiale étaient consacrés à Paris, contre 4,5 % à l’Ile de France et 41,7 % à la province. Pour mémoire, en 1993, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 53 %, 9 % et 38 %. C’est donc plus l’Ile de France que la capitale qui a été touchée par l’évolution. Quant à la répartition pour 1999... Madame la ministre la communiquera très certainement à l’Assemblée nationale en séance publique !

En ce qui concerne les grands projets en régions lancés par M. Jacques Toubon en 1995, la dotation prévue pour 1999 s’élève à 75,9 millions de francs. Le tableau ci-après détaille la répartition des crédits votés depuis 1995 ainsi que les prévisions pour 1999.

Les crédits dégagés en 1999 permettront notamment de financer les aménagements intérieurs du Centre des costumes de scène à Moulins, le démarrage du projet de développement des capacités de la Villa Arson, l’aménagement des abords du Centre d’art contemporain de Toulouse et Midi-Pyrénées et la poursuite des travaux de restructuration du Cargo à Grenoble (les études préalables ont été financées à hauteur de 5 millions de francs en 1996 et 1997 ; 1999 verra le démarrage de la première tranche de travaux, qui sera suivie d’une deuxième tranche de travaux soldant l’opération en 2000 pour un montant de crédits sensiblement équivalent).

En ce qui concerne le Centre de la mémoire contemporaine de Reims, le rapporteur s’étonne de l’importance des annulations de crédits opérées (144 millions de francs en 1997 et 4 millions de francs en 1998) et regrette le désengagement du ministère de la défense qui remet en cause l’équilibre de financement du projet. La réponse à une question budgétaire portant sur cette question précise qu’une mission d’études a été confiée par le ministère de la culture au directeur des archives en vue d’examiner l’intérêt de ce projet dans le cadre plus général des besoins fonctionnels des archives nationales. Le rapporteur en prend acte mais constate que, pour 1999, le projet est purement et simplement suspendu puisqu’aucun crédit n’est prévu à ce titre.

- Grands projets en région -

Crédits 1995-1999

en millions de francs

OPERATION

1995

1996

1997

1998

1999

Total

Titre v

- Centre des costumes de scène (Moulins)

1

6,4

10

14

16

47,4

- Projet multimédia (Jouy et Sophia Antipolis)

0

1

2,6

4

5

12,6

S/S Total Titre V

1

7,4

12,6

18

21

60

Titre VI

- Villa Arson (Nice)

0

0

0

0

5

5

- Centre de la mémoire contemporaine (Reims) (1)

6

30

0

144

0

180

- Institut Louis Lumière (Lyon)

1,5

0,5

0

0

0

2 (2)

- Auditorium (Dijon)

15

25

20

0

0

60 (2)

- Centre d’art contemporain (Toulouse)

0

20

25

0

1

46 (2)

- Le Cargo (Grenoble)

0

0

1,5

3,5

45

50

- Centre culturel (St Laurent du Maroni - Guyane)

1

2

0

0

3,9

6,9

S/S Total Titre VI

23,5

77,5

46,5

147,5

54,9

349,9

TOTAL

24,5

84,9

59,1

165,5

75,9

409,9

(1) Hors participation du ministère de la défense

(2) Opération terminée

Le rapporteur note que l’effort en faveur des grands projets régionaux est nettement moins marqué en 1999 que l’an passé. Certes, un certain nombre de chantiers sont arrivés à terme, mais seul un projet nouveau a été décidé (la Villa Arson à Nice) alors que tant reste à faire pour rééquilibrer l’équipement culturel du territoire. Faut-il, en parallèle, rappeler que 456 millions de francs seront cette année confiés à l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels pour des chantiers qui seront tous situés dans la capitale ?... Sans faire de raisonnement simpliste, le rapprochement est cependant intéressant.

II.- LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION : UNE CHANCE POUR LA POLITIQUE CULTURELLE

Les fantastiques opportunités nouvelles de communication et d’interactivité offertes par les nouvelles technologies, et tout particulièrement par l’internet, sont tout à la fois une chance et un défi pour la politique culturelle française et l’un de ses principaux vecteurs, le ministère de la culture.

Certes, en eux-mêmes, le multimédia et les réseaux ne font pas la culture, pas plus que les autres vecteurs, livre ou disque inclus. Mais, pour toute politique culturelle qui cherche à concilier création et démocratisation, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), qu’il s’agisse de l’internet ou des autres outils multimédias, sont des moyens qui permettent, de façon concomitante, un élargissement considérable du champ d’action et des publics et une individualisation des apprentissages et des échanges inimaginable auparavant.

Les NTIC renouvellent profondément la problématique du “ musée imaginaire ” et, contrairement à certaines craintes, l’internet et le cédérom se révèlent être des incitations à se rendre dans les musées et les bibliothèques. Le monde virtuel conduit au monde réel.

La puissance publique, et tout particulièrement le ministère de la culture, doivent résolument et lucidement s’engager dans le développement de la société de l’information en France, en jouant un rôle moteur et fédérateur.

Ces idées ont conduit le rapporteur à proposer en avril 1997, comme parlementaire en mission, dans son rapport au Premier ministre “ l’internet, un vrai défi pour la France ”, une série de mesures dans le domaine culturel qui peuvent être ainsi résumées :

- amplifier le plan de numérisation des données patrimoniales de l’Etat et des collectivités locales,

- développer des partenariats pour la numérisation de ces données avec le tourisme, les collectivités locales, les éditeurs de programmes et la presse,

- créer un fond de soutien à la production multimédia,

- abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les produits et services multimédias,

- adapter la loi Toubon pour la présentation des prestations sur l’internet,

- soutenir la création de produits et de logiciels multilingues, notamment de serveurs de recherche en français,

- mettre en ligne systématiquement, et dans la mesure du possible gratuitement, les données publiques.

Ces propositions ont reçu un accueil favorable et se retrouvent pour l’essentiel dans le Programme d’action gouvernemental pour l’entrée dans la société de l’information (PAGSI) décidé en janvier 1998.

1998 constitue une année importante pour le développement du multimédia en France. Le taux d’équipement des ménages en micro-ordinateurs devrait avoisiner les 25 % en fin d’année. Le retard par rapport à nos principaux voisins (Allemagne, Grande-Bretagne) est sur le point d’être comblé.

De même, près d’un million d’abonnés au réseau internet sont actuellement recensés sur notre territoire. Le nombre d’internautes, c’est-à-dire d’utilisateurs du réseau, est pour sa part estimé à environ 1,8 million. Enfin, les ventes de cédéroms continuent à progresser fortement d’une année à l’autre. Près de 2,5 millions d’unités devraient être vendues en 1998. La part des cédéroms à contenu culturel représente environ 15 % des ventes, soit le triple de la proportion observée chez nos voisins. Les titres éducatifs représentent une proportion comparable.

En parallèle à ces progrès des NTIC dans le grand public, 1998 a donc également été la première année d’entrée en application du PAGSI. Dix mois après sa présentation par le Premier ministre, un premier bilan, encourageant, peut être dressé, même si beaucoup reste à faire et si le projet de budget pour 1999 ne dégage pas des marges des manoeuvres considérables pour relever ce grand défi.

A. L’ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION : UNE AVANCE À CONFORTER

Dans son rapport au Premier ministre, le rapporteur avait souligné l’importance de deux objectifs qui ont également été retenus par le plan gouvernemental :

- “ Les NTIC ne doivent pas être une simple mesure d’accompagnement mais le pivot de la modernisation de l’Etat pour que le service public travaille mieux, coûte moins et apporte un plus grand service pratique aux citoyens ” ;

- “ L’Etat doit mettre en réseau l’administration, c’est-à-dire passer d’une informatique de gestion à une informatique de communication3 ”.

Un groupe de travail réunissant les principaux services du ministère concernés a été mis en place dès le début de l’année 1998 pour suivre la mise en œuvre du PAGSI au sein des services et établissements sous tutelle. La délégation au multimédia du ministère, mise en place fin 1996 et rattachée à la direction générale du Centre national de la cinématographie, assure le secrétariat de ce groupe de travail.

1. Moderniser les services

En matière d’utilisation interne des technologies de l’information, le ministère de la culture bénéficiait d’une certaine avance qui lui a été précieuse pour intégrer les objectifs fixés par le PAGSI dans ses modalités de fonctionnement.

Depuis 1992 en effet, un programme d’interconnexion de l’ensemble des services du ministère, destiné à créer un réseau unique entre les services centraux, les directions régionales de l’action culturelles (DRAC) et les services départementaux, a été développé en faisant appel aux standards de l’internet. Dès cette époque, les agents du ministère ont donc pu se familiariser avec la technologie de l’internet et l’utilisation quotidienne de la messagerie électronique. Cette dernière pratique a été plébiscitée par l’ensemble des utilisateurs, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, et a permis d’accroître l’efficacité du travail (par des gains de temps et une meilleure circulation de l’information) ainsi qu’une réduction des coûts (frais de timbre, de fax, de photocopie, diminution du nombre de publications papier des différents services).

Cet intranet assure donc aujourd’hui la mise en réseau de 4500 postes : les services centraux sont tous équipés ainsi que 23 DRAC sur 25, soit, au total, 70 sites. La Réunion et la Nouvelle Calédonie seront connectées avant la fin de l’année 1998, ainsi que 30 services départementaux de l’architecture et du patrimoine chaque année pendant trois ans.

Tous les agents disposant d’un accès au réseau ont également accès à la messagerie électronique et sont dotés d’une adresse électronique. Sur les 4000 agents concernés, 3000 l’utilisent. 12000 messages sont envoyés chaque jour. Un système d’authentification des signatures électroniques a été récemment mis en place et permet désormais le transfert des documents officiels.

La participation à des forums de discussion, comme par exemple à l’occasion de la préparation de la fusion des deux directions en charge du spectacle vivant, n’a par contre pas obtenu de succès, les agents du ministère étant manifestement réticents à l’idée d’exprimer leurs opinions personnelles sur le réseau interne.

Le rapporteur se félicite d’autre part que le ministère de la culture ait pris l’initiative d’équiper une centaine de postes de travail avec le logiciel libre LINUX ce qui permet, outre la réduction considérable des coûts d’équipement, de proposer une alternative au système d’exploitation de Microsoft.

Beaucoup reste cependant encore à faire, notamment pour les agents des DRAC, qui ne sont pas encore ni suffisamment formés, ni suffisamment équipés. De même, le développement du télétravail demeure encore à l’état de projet et nécessiterait tout à la fois des moyens matériels et une volonté des responsables du personnel beaucoup plus marqués. Le budget informatique du ministère, dont le rapporteur a souligné la modestie en première partie de cet avis, ne permettra certainement pas des avancées spectaculaires en la matière puisqu’il observe globalement une baisse de 9 % (68,7 millions de francs contre 75,5 millions de francs en 1998), ce qui n’est pas cohérent avec les objectifs affichés.

Enfin, les systèmes informatiques de l’Etat doivent faire l’objet d’une nouvelle approche, moins administrative et strictement budgétaire que prospective et fonctionnelle. Aujourd’hui, le budget informatique est bien trop souvent considéré par les responsables administratifs comme sans intérêt ou source de dépenses inconsidérées qu’il convient de limiter au maximum. Cette courte vue budgétaire est souvent couplée à une absence totale de vision d’ensemble des besoins du service à moyen terme, ce qui interdit toute gestion prospective des systèmes d’information. Il conviendrait donc, dans l’idéal, de mettre en place une programmation pluriannuelle des budgets informatiques des administrations publiques, ou tout au moins de les “ sanctuariser ”, et de prendre en compte l’importance croissante et l’évolution continue des techniques bureautiques et informatiques dans les schémas d’organisation des services et des personnels.

Les systèmes doivent également être plus ouverts aux technologies nouvelles et aux systèmes d’informations de leurs partenaires, plus adaptables aux évolutions des modes de gestion, plus décentralisés et plus efficaces pour éclairer les décisions publiques. Pour ce faire, les prises de décisions en matière d’achat de matériels et les modalités de passation des marchés doivent être allégées et simplifiées, la lourdeur des processus actuels étant totalement inadaptée à la rapidité d’évolution des technologies et des produits.

2. Faciliter l’accès des citoyens à l’administration

Les nouvelles technologies de l’information permettent de développer de nouvelles modalités de mise à disposition, sous forme numérique et donc à moindre coût, des informations utiles au public. Elles offrent en outre la possibilité d’effectuer des démarches administratives à distance, ce qui permet de s’affranchir des contraintes d’horaires d’ouverture de services publics ou d’éloignement géographique.

Le ministre de la culture M. Jacques Toubon a été le premier à ouvrir, en 1994, un site ministériel sur l’internet. Celui-ci connaît une fréquentation importante avec environ 300 000 visiteurs par mois.

La décision a été prise début 1998 de développer une nouvelle ligne graphique du site, d’enrichir le contenu de certaines de ses rubriques (actualités notamment) et d’améliorer le système de navigation. La nouvelle ligne graphique a été mise en ligne à l’occasion de la Fête de l’internet, le 20 mars dernier.

Le rapporteur estime que toutes les données publiques détenues par l’administration devront être, à terme, accessibles en ligne et, dans la mesure du possible, gratuitement. Les téléprocédures devront par ailleurs être développées car elles constituent un service indispensable très attendu par les consommateurs.

Des progrès ont été réalisés ou sont en train de l’être puisque plusieurs applications sont en cours de préparation :

- un serveur de “ littérature grise ”, (c’est-à-dire les documents non publiés tels que rapports, études etc.) dont un prototype fonctionne actuellement sur l’intranet. Il sera ensuite rendu accessible sur l’internet ;

- l’indexation par mots-clés des revues disponibles sur le site ;

- la mise en ligne des textes publiés au bulletin officiel du ministère ;

- la diffusion sur l’internet d’un organigramme et d’un annuaire téléphonique et électronique des services du ministère ;

- la migration sur l’internet de la base de données “ Arts ”, actuellement proposée sur Minitel et consacrée à la programmation des spectacles et expositions sur l’ensemble du territoire.

Une description des aides financières gérées par les différents services du ministère et ses établissements publics sera par ailleurs mise en ligne en 1999 et une étude va être engagée afin de mettre en ligne les procédures de demandes d’aides. Le recensement des divers formulaires administratifs utilisés au sein du ministère est en cours, dans le but de développer les téléprocédures.

La délégation au Multimédia du ministère est souvent intervenue, pour expertise et conseil, lors de la mise en place de sites internet émanant de directions régionales des affaires culturelles ou d’établissements publics et associations sous tutelle du ministère. Elle a également accueilli et orienté vers les services ou établissements susceptibles de répondre à leur demande de nombreux interlocuteurs, publics ou privés, désireux de bénéficier d’un soutien de la part du ministère pour la mise en œuvre de projets multimédia.

Le rapporteur souhaite que ce soutien soit renforcé en ce qui concerne les DRAC car seules deux d’entre elles disposent pour le moment d’un véritable site Web, alors qu’en matière d’action culturelle, la proximité est un atout majeur. La remarque faite précédemment en ce qui concerne le budget informatique du ministère joue également ici : ce n’est pas avec un budget globalement en baisse et des moyens ridicules concédés aux DRAC (l’article 50 “ architecture et services déconcentrés ” du chapitre 34-95 relatif aux dépenses informatiques et télématiques s ’élève à 3,14 millions de francs), sans parler des insuffisances de moyens humains vécues par la plupart des DRAC, que des progrès rapides pourront être réalisés.

B. LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION : POUR UNE RÉNOVATION DE LA POLITIQUE CULTURELLE

Comme le rappelait fort justement Mme la ministre de la culture au congrès de l’Internet Society à Genève en juillet dernier, “ les technologies de l’information sont des technologies culturelles. Elles assistent d’une manière nouvelle les grandes fonctions intellectuelles de l’homme : la perception, la mémoire, l’imagination, le raisonnement. Elles créent une nouvelle forme d’écriture et de lecture, un autre mode de traitement de l’image et du son, une autre communication. Elles ne modifient pas seulement la recherche de l’information, mais notre activité cognitive. ”

Loin de constituer une menace pour la culture, l’internet et le multimédia sont des vecteurs ouverts qui offrent à chacun, pour peu que l’utilisation en soit maîtrisée, de nouvelles possibilités de s’instruire, de se distraire, de se cultiver, de découvrir et de créer. Ils font de chacun des usagers un acteur à part entière du développement culturel, notamment parce que, grâce au mode particulier de fonctionnement des réseaux, ce sont les demandes et les attentes exprimées directement qui génèrent une offre nouvelle et adaptée.

Le PAGSI, qui a mis au premier plan de ses préoccupations la définition d’“ une politique culturelle ambitieuse pour les nouveaux réseaux ”, a retenu quatre objectifs qui recoupent très largement les propositions formulées par le rapporteur dans son rapport au Premier ministre.

1. Soutenir la création de contenus et de services multimédias

Si l’on souhaite éviter que l’axiome, énoncé par le cinéaste américain Georges Lucas : “ à l’avenir, il n’y aura de place que pour une culture... et celle-ci sera américaine ” ne devienne une réalité, la France doit sans tarder développer une offre culturelle en ligne alternative. Il ne s’agit pas de se replier sur une défensive identitaire fermée aux influences extérieures, mais de préserver, par l’apport de notre propre richesse culturelle, ce qui fait l’attrait de la société de l’information : la liberté de choix et le pluralisme des offres.

·  Le rapporteur avait proposé que l’Etat étende la portée des dispositifs existant d’aide à la création de contenus (principalement gérés par le Centre national de la cinématographie - CNC - et l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles -IFCIC -) vers la production multimédia et les services en ligne, voire qu’une troisième section soit créée au sein du COSIP (compte de soutien aux industries de programmes) au profit des productions multimédias4. Cette section pourrait notamment être alimentée par une taxe parafiscale à taux modéré (2 %) assise sur la vente des jeux vidéo et des produits multimédias.

De même, dans la logique des aides apportées par l’IFCIC, un fonds de garantie pour le capital-développement dans les entreprises de production et d’édition de produits multimédias pourrait être mis en place afin de soutenir des entreprises, souvent encore aujourd’hui de petite taille et sous-capitalisées.

En fait, l’essentiel du financement public pour l’incitation à la création ou à l’édition multimédia en ligne et hors ligne s’est concentré en 1998 sur les dispositifs gérés par le CNC et l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).

A la date de publication de cet avis, le fonds d’aide à l’édition multimédia du CNC et du ministère de l’industrie a soutenu 63 projets pour un montant total de 18,8 millions de francs. Ce fonds finance jusqu’à 30 % du coût de production par le biais d’avances remboursables. Au total, sur 1998, l’aide du CNC devrait s’accroître de plus de 70 % par rapport à 1997.

Le fonds presse et multimédia de l’IFCIC concerne la presse dans son ensemble et est destiné à aider, toujours par des avances remboursables, les développements de produits multimédias en ligne et hors ligne. Abondé de 15 millions de francs en 1998, ce fonds, au 30 juin, avait aidé 15 projets pour un montant total de 8,67 millions de francs. Les conditions d’aide aux services en lignes ont récemment été améliorées afin de favoriser ce type de produits. Au total, l’aide accordée devrait doubler en 1998 par rapport à l’an passé.

Il reste que ces aides ont été définies à partir d’un cadre préexistant et si le système de l’avance sur recettes convient assez bien pour le soutien à la production de cédéroms, il n’est par contre pas adapté pour l’aide au développement de services en ligne qui sont aujourd’hui créés par des entreprises, soit trop petites pour pouvoir présenter une économie de projet véritable, soit trop importante pour avoir besoin d’une aide de ce type.

Plus largement, le système d’aide à l’industrie de produits multimédias souffre actuellement d’une grande complexité et opacité et les démarches à effectuer pour parvenir à obtenir un soutien relèvent véritablement du parcours du combattant. Une sorte de guichet unique de l’aide aux entreprises devrait donc être mis en place, pourquoi pas par le CNC, afin d’offrir renseignements, orientations et assistance à toutes les PME intervenant dans la création de contenus.

Dernier élément, et non des moindres, de ce système d’aides aux entreprises multimédias : l’Etat doit respecter ses engagements de financement, notamment pour ce qui concerne le calendrier des versements... Pour des entreprises qui, comme on l’a dit, sont jeunes et sous-capitalisées, un retard de six mois dans le versement d’une aide de un ou deux millions de francs peut générer des problèmes de trésorerie considérables. A l’Etat donc, de garantir ses engagements et d’honorer, dans les temps, sa signature...

·  Le rapporteur demandait par ailleurs la baisse de la fiscalité des produits culturels, c’est-à-dire principalement de la TVA applicable sur les cédéroms, les autres supports de contenus interactifs (DVD-Rom), les accès et abonnements à l’internet et les services en ligne. Toujours bloquée au taux normal de 20,6 %, cette taxation limite les possibilités de baisse des prix et complique terriblement la commercialisation de produits “ mixtes ”, couplant par exemple un livre d’art et un cédérom.

Aucune amélioration sur ce point n’a, pour le moment, été obtenue.

· En ce qui concerne par ailleurs la réflexion à entamer en matière de protection de la propriété intellectuelle, le rapporteur souhaiterait souligner ici que toutes les parties concernées, auteurs comme éditeurs, doivent prendre conscience du fait que les NTIC et la mondialisation sont tout à la fois une chance et une contrainte supplémentaires pour la diffusion des oeuvres de l’esprit. Une chance, car elles offrent un potentiel de diffusion inégalé auparavant, et une contrainte car elle introduisent une nouvelle exigence de compétitivité dans le systèmes nationaux de protection des droits. La problématique en effet est assez simple : si les droits à acquitter sur les oeuvres d’un certain pays se révèlent trop élevés, ces oeuvres seront soit piratées, soit laissées de côté.

Les rapports entre les auteurs et les éditeurs vont forcément devoir évoluer avec le développement de plus en plus rapide de la diffusion voire de l’édition électronique. Une réflexion doit donc être menée sans attendre par les différents organismes de gestion de droits à partir du rapport du Conseil d’Etat5 adopté en juillet dernier et être complétée par une action déterminée de l’Etat au niveau européen, afin d’obtenir la définition de règles communes en la matière.

Une double réflexion doit donc être menée pour assurer l’adaptation du dispositif législatif et conventionnel de protection des œuvres au contexte numérique et aux nouvelles possibilités de reproduction, et, en même temps, lever le problème des droits excessifs pesant sur les productions multimédias.

2. Numériser le patrimoine culturel français et assurer sa diffusion en ligne

Les richesses artistiques et culturelles françaises, particulièrement diversifiées, appartiennent au patrimoine de l’humanité. Les NTIC sont aujourd’hui un extraordinaire moyen de diffusion et de rayonnement pour ce patrimoine. Il serait donc fort regrettable de s’en priver ou de laisser à d’autres le soin de les présenter au public dans des conditions qui ne seraient par forcément soucieuses de service public, de qualité artistique ou de valorisation pour l’économie de notre pays.

Parce qu’il dispose tout à la fois d’une vue d’ensemble et de sources patrimoniales d’une portée et d’une qualité sans égal, l’Etat doit donc prendre la tête d’un mouvement de grande ampleur de numérisation des données patrimoniales publiques et de valorisation du patrimoine artistique sous forme de bases de données en ligne et de programmes multimédias. Sont donc concernés par ce programme les fonds détenus par les services dépendant du ministère de la culture (archives, monuments historiques), mais aussi par les collectivités locales (archives de l’état civil et du cadastre) et les établissements publics culturels (Bibliothèque nationale de France, Musée du Louvre, Réunion des musées nationaux, INA, etc...).

Ces bases de données et ces produits multimédias devraient d’ailleurs être enrichis par un partenariat avec les collectivités locales et les secteurs du tourisme et de l’artisanat. Ainsi, une présentation en ligne du château de Chambord doit s’accompagner d’informations valorisant les capacités touristiques (moyens d’accès, accueil, produits touristiques disponibles selon les publics, réservation, etc...) et les productions locales.

Avec sa mise en ligne, notre patrimoine culturel et mondialement apprécié a une nouvelle chance d’être le pivot de synergies locales bénéfiques au développement économique et à l’emploi.

Le ministère de la culture et de la communication conduit, depuis déjà plusieurs années, une politique active de numérisation des fonds patrimoniaux. Il a entrepris également de rationaliser l’offre publique de contenus culturels sur les réseaux afin de mieux l’adapter aux besoins des différents publics.

·  La numérisation des fonds

Cela fait déjà plus de vingt ans que le ministère de la culture a pris l’initiative de constituer un ensemble de bases de données (constituées de notices et de documents photographiques) sur le patrimoine français. Le développement de l’imagerie numérique et des réseaux a donné une nouvelle dimension à ces centres de ressources, en les rendant plus ergonomiques et plus facile d’accès pour le non initié. L’ouverture d’une base “ oeuvres d’art ” sur Minitel a constitué une première étape en permettant de toucher un public nouveau, allant de l’étudiant au commissaire priseur et de l’éditeur à l’office du tourisme. Les réseaux en ligne permettent désormais, en associant les images et les sons aux textes, d’effectuer un nouveau saut qualitatif. Pour que celui-ci devienne réalité, il faut cependant donner une forme électronique à l’ensemble des documents et donc conduire un plan intensif de numérisation des données patrimoniales.

Initié en 1994, celui-ci dispose, depuis 1996, d’une ligne budgétaire identifiée. 4 millions de francs ont été dégagés en 1998 ; 5 millions de francs sont prévus pour 1999. Ces crédits permettent la numérisation de 200 000 à 250 000 documents couleurs et de 500 000 pages de documents écrits par an.

Pour compléter les actions directement menées par l’administration centrale, le ministère a lancé en début d’année un appel à projets de numérisation des fonds patrimoniaux, iconographiques et sonores en région. 23 projets ont été retenus, qui concernent les services régionaux de l’inventaire, de l’archéologie, des monuments historiques, de l’architecture, les archives départementales et les bibliothèques municipales.

L’objectif du ministère de la culture est désormais d’une part d’assurer l’interopérabilité de ces bases de données (il participe pour cela au programme européen “ Aquarelle ” qui vise à harmoniser les bases de données culturelles publiques de différents pays membres) et d’autre part d’aller au delà des produits actuels en constituant, en ligne, une véritable documentation mettant à disposition les dossiers tels qu’il existent dans les bibliothèques ou les centres de documentation.

En parallèle à l’action de l’administration du ministère, un certain nombre d’établissements culturels ont également mis en place des programmes de numérisation de leurs ressources artistiques et patrimoniales.

Ainsi, la Bibliothèque nationale de France a achevé en 1997 la numérisation d’un fonds de 86 000 documents imprimés (monographies et périodiques) correspondant à 26 millions de pages, la constitution d’un fonds de 250 000 images fixes étant en cours. Ces fonds seront accessibles aux chercheurs sur les sites de Tolbiac et Richelieu à partir de 115 postes spécialisés.

Pour exploiter la part de ces fonds numérisés protégée par les droits d’auteur (35%), la Bibliothèque nationale de France a signé le 11 mars 1997 une convention cadre avec le Syndicat national de l’édition limitée à la consultation des oeuvres concernées dans les locaux de la bibliothèque. Cet accord prévoit le versement d’une rémunération globale et forfaitaire par la Bibliothèque nationale de France à un organisme de gestion collective mandaté pour gérer la répartition des rémunérations entre ayants droit ; le montant de cette rémunération a été fixé à 400 000 francs par an pendant les deux premières années de fonctionnement des postes de lecture (1999-2000), et sera révisé par la suite en fonction des usages réels.

Cet accord, qui porte uniquement sur la rémunération pour consultation des œuvres numérisées, n’exonère cependant pas la Bibliothèque nationale de France de l’obligation d’obtenir de l’éditeur, titre par titre, les autorisations de numérisation, de déchargement sur disquette et, éventuellement, de reproduction des oeuvres.

En outre, depuis octobre 1997, la Bibliothèque nationale de France présente à titre expérimental sur un serveur Web spécifique une bibliothèque électronique de 5 000 titres (soit 2 millions de pages) et 20 000 images fixes issus du fonds numérisé et libres de droits, intitulée Gallica : “ Images et textes du 19ème siècle francophone ” (http ://www.gallica.bnf.fr). Cette collection sera progressivement enrichie à partir de documents déjà numérisés, afin notamment d’augmenter l’offre d’oeuvres classiques de la littérature francophone, conformément aux grandes orientations du PAGSI. Dans le courant de l’année 1999, la totalité des documents libres de droit issus du fonds numérisé de la Bibliothèque nationale de France devrait ainsi être mise à disposition du grand public sur l’internet, soit 50 000 ouvrages et 100 000 images accompagnés de présentations pédagogiques. Par la suite, sur la base de la convention cadre établie avec le Syndicat national de l’édition, la Bibliothèque nationale de France devrait engager de nouvelles discussions avec les éditeurs en vue de la diffusion en ligne de tout ou partie des documents protégés par le droit d’auteur.

Ce site Web, qui reçoit entre 10 000 et 15 000 visiteurs par mois, est tout particulièrement apprécié par le réseau des Centres culturels français et par les départements de français des universités étrangères.

La Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou transférera en 1998 25 000 images numérisées, qui viendront s’ajouter aux 20 000 images déjà disponibles sur vidéodisques.

L’extension du champ d’application de la deuxième part du concours particulier destiné aux bibliothèques municipales au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) permettra d’aider financièrement les villes dans leurs projets de numérisation des collections de leurs bibliothèques.

La Banque de programmes et de services (BPS) de la Cinquième est un service en ligne de distribution électronique à hauts débits qui offre un catalogue de programmes audiovisuels et multimédias dans les domaines de l’éducation, de l’action sociale et de la culture en proposant un mode d’acquisition “ à la demande ”. La BPS joue un rôle d’intermédiaire entre les producteurs et éditeurs de programmes et les institutions éducatives, sociales et culturelles. Elle prend en charge les opérations de numérisation et de mise en ligne.

Outre les programmes de la Cinquième, la BPS examine actuellement la possibilité de disposer et d’assurer la diffusion de programmes issus de grands établissements culturels. Des discussions ont notamment été engagées avec la Cité des sciences et de l’industrie et la Bibliothèque nationale de France

Au total, le budget de numérisation du patrimoine artistique s’est élevé, en 1998, à 12 millions de francs.

·  La rationalisation de la politique de l’offre culturelle publique

L’offre culturelle publique sur les réseaux est actuellement fort dispersée, et le plus souvent réalisée dans une logique de valorisation du patrimoine. Afin de mieux structurer cette offre et de mieux répondre à l’objectif central que constitue la conquête de nouveaux publics, différents de ceux habituellement présents dans les lieux traditionnels de diffusion, le ministère a encouragé un certain nombre d’initiatives favorisant une meilleure coordination des initiatives. Il s’agit notamment :

- de la mise en place, avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur, du Catalogue collectif de France, outil de localisation et d’accès aux grandes ressources documentaires françaises (catalogues des imprimés et documents audiovisuels de la Bibliothèque nationale de France, catalogues des fonds anciens et spécialisés des grandes bibliothèques municipales, catalogues des bibliothèques universitaires et de recherche). Il devrait être accessible au grand public en octobre 1998 ;

- de l’extension du rôle de la BPS : le ministère de la culture étudie la possibilité de faire jouer à la BPS un rôle de distributeur numérique universel des contenus culturels d’origine publique ;

- du lancement d’une mission de réflexion sur le “ livre numérique ” présidée par M. Alain Cordier, président du directoire de Bayard Presse, qui analysera les conséquences de la numérisation et de l’utilisation de l’internet dans les domaines du livre et de la lecture.

Sur ce dernier sujet, le rapporteur souhaite souligner tous les bouleversements que les technologies du numérique et du multimédia vont introduire, à tous les niveaux, depuis l’auteur jusqu’au “ consommateur ”, dans l’économie du livre et de la lecture publique. L’extraordinaire multiplication des possibilités de consultation, de choix et de diffusion des ouvrages et des imprimés (comme des disques d’ailleurs) grâce aux réseaux va inévitablement remettre en cause le principe législatif du prix unique, l’organisation actuelle de perception des droits, le fonctionnement et l’organisation des bibliothèques, le rôle et le métier de libraire, etc... Les auteurs et les éditeurs doivent être bien conscients que ces évolutions auront lieu quoiqu’ils fassent, et qu’à tout prendre, il sera préférable de s’accorder avec des institutions françaises dignes de confiance et respectueuses des droits de chacun comme la Bibliothèque nationale de France.

Un frein plus général pour le développement de la diffusion en ligne du patrimoine numérisé doit enfin être clairement appréhendé par les pouvoirs publics. Les capacités des réseaux sont clairement insuffisantes en France pour pouvoir absorber les débits nécessaires à la transmission de documents aussi importants. Les pouvoirs publics doivent donc tout mettre en oeuvre pour assurer le développement d’un réseau national à large bande capable d’assurer la transmission des informations culturelles.

3. Favoriser la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication par les citoyens

“ L’appropriation des technologies de l’information et de la communication par le citoyen constitue en soi un objectif culturel. Afin de prévenir l’apparition d’une société de l’information à deux vitesses, l’Etat doit encourager la sensibilisation du public à ces nouveaux moyens d’expression et d’accès à la culture et au savoir ”6.

Il convient de donner à tous les Français les moyens d’accéder à ces nouvelles technologies et à leurs applications spécifiques en matière culturelle en leur offrant une éducation et une animation multimédias.

Le ministère a activement participé, aux côtés des associations organisatrices, à la préparation de la première Fête de l’internet7 qui s’est tenue les 20 et 21 mars derniers. Plusieurs sites Web mis en place par des services du ministère ou des établissements sous sa tutelle ont été présentés à cette occasion. La nuit du Web et de la francophonie (du 20 au 21 mars) a permis de donner un prolongement international à cette manifestation. Le ministère de la culture et de la communication s’est vu confier la responsabilité de coordonner, avec le Service d’information du Gouvernement, la participation gouvernementale aux prochaines éditions de cette fête et un million de francs est dégagé à cet effet sur le budget 1999 de la culture.

Mais l’effort de démocratisation va bien évidemment beaucoup plus loin que la simple participation à une manifestation grand public et concerne bien des secteurs de la politique culturelle.

C’est pourquoi le rapporteur avait proposé8 que les réseaux de diffusion culturelle existants (écoles d’enseignements artistiques spécialisés, maisons de la culture, bibliothèques et médiathèques, musées) soient systématiquement équipés de points d’information multimédias et d’accès aux données en ligne. Leurs missions de service public et leurs contrats d’objectifs doivent être complétés afin d’intégrer les NTIC et d’inclure celles-ci dans leur démarche pédagogique. Là réside le véritable vecteur moderne de la démocratisation culturelle.

·  La création d’Espaces culture multimédia

D’ici la fin de l’année 1998, le ministère soutiendra la mise en place d’une centaine d’Espaces culture multimédia au sein d’organismes existants (bibliothèques, médiathèques, structures culturelles ou socio-culturelles). Ces espaces constitueront des lieux permanents d’accès et de formation au multimédia en ligne et hors ligne. La sélection a démarré en juin et a permis de retenir au début de l’été les dix premiers dossiers parmi lesquels la friche La Belle de Mai à Marseille, l’Espace Mendès-France de Poitiers, les médiathèques de Gravelines et de Parthenay, le Florida à Agen, l’Espace Croisé à Lille, la bibliothèque de Lamentin et le musée d’Art Contemporain de Lyon. Une cinquantaine de sites devrait au total être sélectionnée en début d’automne. 10 millions de francs sont consacrés à cette action en 1998 ; ces crédits seront reconduits en 1999.

·  Les bibliothèques

Les bibliothèques, grâce à leur répartition sur l’ensemble du territoire et aux formidables possibilités d’interconnexion qu’offrent désormais les réseaux seront un outil privilégié de cette appropriation des technologies de l’information par le public. Leur équipement multimédia et le développement des catalogues en ligne doivent donc être intensifiés.

Pour ce faire, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) et le ministère de la culture et de la communication ont lancé en avril 1998 un appel à projets destiné à favoriser l’équipement informatique et la connexion à l’internet des relais livres en campagne et des bibliothèques de moins de 5000 habitants. 5 millions de francs sont consacrés à cet appel en 1998. La DATAR et le ministère de la culture et de la communication souhaitent renouveler cette opération en 1999, en tenant compte des résultats de ce premier appel.

·  Le réseau des écoles d’art

Les écoles d’art sont appelées à jouer un rôle particulier dans la formation aux nouveaux métiers créatifs nécessaires au développement d’une industrie de contenus multimédias. De nouvelles formations, pluridisciplinaires, aux techniques et aux “ arts ” du multimédia devront être créées, en privilégiant les confluences entre l’art, la science et la technologie. Or la connexion à l’internet de ces écoles s’est jusqu’à présent majoritairement limitée à un usage de consultation de banques de données et d’images sans réellement investir les pratiques de la création “ en ligne ” et profiter des possibilités d’échanges induites par ces techniques.

Aussi, le ministère prépare-t-il la mise en place d’un réseau d’interconnexions entre toutes les écoles agréées. Dans chaque école, cinquante utilisateurs disposeront d’un adressage nominatif permettant la consultation, la création, la formation, la définition de thématiques de recherches et de créations partagées par plusieurs étudiants ou équipes et la présentation des réalisations originales des enseignants et étudiants.

·  La Commission “ arts-sciences-technologies ”

Cette commission de réflexion a été créée conjointement par le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l’enseignement, de la recherche et de la technologie afin de travailler sur l’organisation d’une recherche d’un nouveau type, au confluent de la création artistique et des NTIC. Les manques sont en effet flagrants dans ce domaine, tout particulièrement en ce qui concerne les recherches sur les arts plastiques ou de la scène.

·  Quelques pistes d’action supplémentaires...

Le rapporteur est persuadé que les nouvelles technologies de l’information sont aujourd’hui un outil formidable pour venir en aide à celui qui n’a pas le bagage culturel nécessaire pour accéder à une oeuvre ou pour spontanément fréquenter des lieux de diffusion culturelle. Elles offrent en effet des possibilités d’innovations pédagogiques considérables non seulement aux professeurs chargés de sensibiliser à l’art des publics parfois difficiles, mais également aux institutions culturelles qui souhaitent accompagner leurs visiteurs dans leur découverte et aiguiser leur curiosité et leur capacité créative.

Dans le domaine des musées notamment, exemple pourrait être pris des “ ateliers ” installés dans la National Gallery à Londres ou dans le nouveau musée Getty de Los Angeles qui proposent aux enfants et aux adultes, au long des différentes salles et départements, d’utiliser des consoles interactives de mise en perpective et d’approfondissement des oeuvres présentées, d’expérimenter les différentes techniques artistiques rencontrées durant la visite et de bénéficier, s’ils le souhaitent, des explications et des éclairages de spécialistes de l’histoire de l’art présents dans les salles. Ici, les NTIC ne se substituent donc pas à l’échange et aux rapports humains, mais leur apportent un supplément d’efficacité et de liberté dans une démarche de découverte.

Il serait donc idéal de parvenir à identifier les besoins, les attentes des publics les plus potentiellement “ en demande ” – ce qui passe indiscutablement par des relations beaucoup plus étroite avec l’Education nationale – ainsi que les “ manques ” de l’offre publique en technologies culturelles et de rapprocher les différents pôles d’action et de décision publique intervenant dans le domaine culturel (administrations, grands établissements) afin de fédérer les idées et les moyens.

4. Donner une nouvelle dimension au rayonnement international de la France et de la francophonie

Comme le rappelait le rapporteur dans son rapport au Premier ministre : “ l’offre de contenu français à vocation exportatrice constituerait une démarche alternative à la standardisation croissante de la culture mondiale ”. L’internet est aujourd’hui un réseau anglophone à 90 %. Jouer le français contre l’anglais est donc un combat d’ores et déjà perdu. Par contre, œuvrer pour faire évoluer le réseau mondial vers le multilinguisme et, au sein de ce multilinguisme, faire du français et de la francophonie un pôle dynamique et attractif de savoir et de culture et un espace de création et de coopération n’est pas une utopie.

Pour cela, la francophonie doit exister au sein des instances internationales de normalisation afin que les nouvelles normes qui s’élaborent permettent le multilinguisme9, et un encouragement fort doit être donné au développement des autoroutes francophones de l’information, dans le prolongement des décisions prises au sommet de Hanoï en septembre 1997.

L’accès international aux ressources multimédias et aux sites français devra être facilité par une systématisation du plurilinguisme, une aide renforcée à la “ localisation ” des produits et le développement de moteurs de recherche et d’indexation spécialisés dans les recherches en français. Certains sites devront être spécifiquement pensés et préparés à l’attention de publics étrangers et aisément identifiables à ce titre.

L’utilisation des réseaux d’information par les missions diplomatiques françaises à l’étranger doit d’autre part être fortement encouragée, afin notamment d’effectuer le lien entre les demandes locales et les créations disponibles en France (tant pour les services en lignes que pour les produits multimédias).

Enfin, les technologies de l’information doivent être mises au service du développement de la solidarité entre pays francophones.

Le ministère de la culture et de la communication a pris en 1998 différentes initiatives pour renforcer la présence du français sur les sites de l’internet des organisations internationales, marqués jusqu’à une date récente par la présence quasi exclusive de l’anglais. La France a ainsi obtenu la présence des langues officielles de l’Union européenne sur le site Europa de la Commission de Bruxelles et le français progresse sur les sites des Nations Unies.

Il a également contribué au développement du plurilinguisme sur les sites de l’administration française. Ainsi, sur 35 sites du domaine gouvernemental “ gouv.fr ”, 17 proposaient en juin 1998 des traductions en deux, voire trois langues étrangères.

D’autre part, afin de créer et promouvoir les termes francophones de l’internet, la commission de terminologie et de néologie va fournir prochainement, à la demande de la ministre de la culture et de la communication, un lexique des termes de l’internet. De plus, pour faciliter le traitement automatisé du français sur les services en ligne, un comité d’experts a été constitué par la Délégation générale à la langue française, en liaison étroite avec l’Institut national de la langue française et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique. Il est chargé de travailler à la création d’un corpus écrit et oral du français contemporain, destiné à favoriser une bonne présence du français sur les réseaux.

La délégation au multimédia du ministère a par ailleurs assuré la présidence, pour la partie française, de deux groupes de travail constitués avec, d’une part, le Canada et, d’autre part, le Québec pour mener des actions de coopération bilatérale dans le domaine des contenus culturels multimédias. Ces groupes de travail, mis en place au printemps 1997, se réunissent deux fois par an depuis cette date.

Enfin, M. Patrick Bloche, co-président du groupe d’études parlementaire sur les nouvelles technologies de l’information et rapporteur pour avis du budget de l’action culturelle internationale pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a été chargé en avril 1998 par le Gouvernement d’une mission sur la contribution des technologies de l’information et de la communication, en particulier de l’internet, au renforcement de la présence internationale de la France et à l’action en faveur de la francophonie.

III.- UN MINISTÈRE DE LA CULTURE, POUR QUOI FAIRE ?

De la part d’un rapporteur pour avis sur le budget de la culture, poser une telle question peut, a priori, paraître iconoclaste voire, pourquoi pas, provocateur.

Pourtant, des évolutions considérables ont marqué le ministère de la culture depuis sa création et, plus largement, les modalités d’action publique en matière artistique et culturelle, ce qui n’est d’ailleurs pas tout à fait la même chose.

Si l’accord est toujours assez large en France sur la nécessité d’une politique culturelle de l’Etat, il est moins assuré que cette mission soit aujourd’hui remplie de manière optimale par le ministère de la culture, avec ses compétences et ses structures actuelles.

Le rapporteur souhaite donc ici apporter sa contribution - forcément succincte vu la nécessaire brièveté de son avis - à une mise en perspective du ministère de la culture et de son action tels qu’ils existent aujourd’hui, et tels, peut-être, qu’ils pourraient évoluer demain.

A. POURQUOI UN MINISTÈRE DE LA CULTURE ?

1. L’héritage d’une longue tradition

En 1959, la création du ministère des affaires culturelles par le général de Gaulle est présentée comme une rupture par rapport au modèle traditionnel d’action publique en faveur des beaux arts. Pourtant, on peut également la regarder comme la consécration et le parachèvement d’une longue tradition d’implication de l’Etat et de la puissance publique dans la vie artistique et culturelle de la France.

De la création de l’Académie française par Richelieu en 1635 à celle du musée du Louvre en 1793, en passant par l’ouverture de la Manufacture des Gobelins par Colbert en 1662, des pires salons académiques du Second empire à la création du Centre national de la cinématographie en 1946, l’Etat, du fait d’abord de la volonté du prince, puis à travers un certain nombre d’institutions culturelles qui, pour nombre d’entre elles, survivront aux révolutions et aux changements de régimes, a, depuis plusieurs siècles, accordé son soutien aux artistes et à ce que l’on appelle aujourd’hui la vie culturelle.

La création de la Ve République s’accompagne donc de la naissance d’un ministère des “ affaires culturelles ” confié à André Malraux, l’écrivain étant censé, selon la formule du général de Gaulle, “ donner du relief ” au gouvernement de Michel Debré. Construit plus au gré des circonstances qu’à la suite d’une réflexion approfondie sur les structures et les modalités d’action de l’Etat en matière culturelle, le nouveau ministère doit bien évidemment beaucoup aux personnalités qui se sont succédées à sa tête. Pourtant, avec près de quarante ans de recul, on s’aperçoit que les actions menées pour accomplir le triptyque désormais traditionnel de la politique culturelle, “ conservation, création, diffusion ” et proposer aux citoyens une nouvelle articulation entre l’offre et la demande culturelles se sont pleinement inscrites dans la longue tradition précédemment décrite et ont, de ce fait, assuré une véritable continuité à la politique culturelle française.

Le bilan de celle-ci est positif à bien des égards, et notamment en ce qui concerne la multiplication et la diversification de l’offre culturelle, la réhabilitation des créateurs et le soutien qui leur est apporté, la revitalisation du patrimoine national faisant désormais partie intégrante de la mémoire et du rayonnement de la France.

Pourtant, des ombres existent également. La démocratisation culturelle est encore aujourd’hui un “ projet politique ”, comme en témoigne la présentation du budget pour 1999. Le ministère de la culture, victime de son succès, est peu à peu devenu prisonnier de visions sectorielles voire corporatistes ne laissant que peu de place à une approche globale et donc véritablement politique de l’action culturelle. Le budget de la culture, avec le temps de la rigueur budgétaire, est devenu une “ danseuse ” rarement prise au sérieux lors des arbitrages budgétaires et régulièrement malmenée au gré des régulations. Les services centraux du ministère et les grandes institutions culturelles se sont “ quelque peu ankylosés ”, selon l’expression de M. Jacques Rigaud10 et, retournant à l’immobilisme et au manque d’inspiration qui avaient caractérisé et finalement condamné l’administration des Beaux Arts héritée de la IIIe République, se sont installés dans une résistance au changement qui n’a pas permis à la politique culturelle de se renouveler et au ministère de s’adapter aux nouveaux défis politiques, économiques et culturels de cette fin de siècle.

Face à l’évolution de la société française et, en son sein, des pouvoirs et des enjeux économiques et sociaux, face à l’internationalisation croissante des échanges d’informations, il est en effet légitime de s’interroger sur le devenir et même sur la pérennité d’un ministère réputé pour sa lourdeur et sa complexité. Est-il notamment le mieux à même de relever ces nouveaux défis que sont pour la politique culturelle, non seulement, comme on l’a vu plus haut, l’entrée dans la société de l’information et la diffusion des nouvelles technologies de communication, avec toutes les conséquences que ce phénomène peut avoir sur les modalités de rayonnement politique et culturel de la France dans le monde, mais également la nécessité politique de lutter contre toutes les formes d’exclusions en assurant la cohésion sociale et la définition d’un nouvel équilibre territorial de l’action culturelle, dans un contexte de montée en puissance concomitante des collectivités locales et de l’Europe ?

Certains, qu’ils aient été déçus par “ la Comédie de la culture ”11 caractérisant selon eux la politique du ministère Lang, ou qu’ils souhaitent, comme Marc Fumaroli, le repli de l’Etat sur ses missions traditionnelles de gestion neutre de grandes institutions, répondent par la négative à cette question.

2. Supprimer le ministère de la culture ?

Pour pallier les dérives du ministère de la rue de Valois et répondre aux nouveaux enjeux, mieux vaut faire table rase et confier l’action culturelle à d’autres acteurs, plus légitimes, ou plus compétents : ainsi pourrait-on rapidement résumer la position des tenants d’une suppression du ministère.

Deux approches peuvent en fait être distinguées.

La logique que l’on pourrait qualifier de fédéraliste tire jusqu’à son terme le processus de décentralisation initié en 1982 en choisissant de confier aux collectivités locales la responsabilité de l’action culturelle, de la gestion des institutions et de la préservation du patrimoine. Le modèle retenu est alors plus ou moins celui de l’Allemagne, où la politique culturelle relève des Länder. Il impliquerait cependant un transfert budgétaire considérable vers les collectivités locales afin de compenser le transfert de compétences.

La logique d’inspiration libérale choisit quant à elle de s’en remettre à l’initiative et au financement privés pour la quasi totalité des actions culturelles, qu’il s’agisse de la préservation du patrimoine (à l’image du National Trust anglais), du financement de grandes institutions culturelles comme les musées ou les salles de spectacles (gérées aux Etats-Unis par des “ trustees ” de mécènes), voire même des enseignements artistiques spécialisés. Les quelques activités dont l’Etat ne saurait complètement se débarrasser (comme l’entretien des monuments historiques dont il est propriétaire, la gestion des institutions culturelles d’ampleur nationale dont il ne pourrait se défaire ou encore l’action culturelle internationale) seraient alors réparties entre différents ministères.

Ces deux logiques de suppression semblent cependant assez rapidement rencontrer leurs limites. La logique fédéraliste ne peut être satisfaisante que si, outre les moyens financiers correspondant à leurs nouvelles missions, les collectivités locales disposent de l’ambition et des capacités pour définir et mener à bien une politique culturelle équilibrée et cohérente. Certes, aujourd’hui, la dépense culturelle des collectivités locales représente déjà 50 % du financement public de la culture en France (30 milliards de francs pour les communes, 5,4 milliards de francs pour les départements et 1,5 milliard de francs pour les régions), alors que le ministère de la culture n’en assure qu’environ 20 %12, mais celle-ci demeure relativement inégale selon les villes et les types d’activités et surtout ne permet pas de garantir la conduite d’une politique culturelle globale sur l’ensemble du territoire.

Si l’on souhaite faire de l’action culturelle un outil de renforcement de la cohésion sociale et du rayonnement international de la France, force est de constater que l’éparpillement territorial des initiatives et des financements, et l’absence d’orientations et d’impulsions globales à l’échelle nationale ne sont pas des solutions satisfaisantes. Ce constat est d’ailleurs en train de se généraliser en Europe puisque des pays comme l’Allemagne ou l’Italie, fortement marqués par le fédéralisme ou le régionalisme, ont recréé (pour l’Italie) ou vont mettre en place (pour l’Allemagne) un ministère de la culture plus ou moins inspiré du modèle français et chargé d’assurer la cohésion et le dynamisme des initiatives locales ou régionales.

Quant à l’optique résolument libérale, il semblerait qu’il soit en fin de compte difficile de dissoudre, soit dans la sphère privée, soit dans le reste de la structure gouvernementale, l’ensemble des compétences actuelles du ministère de la culture, sans pour autant atteindre l’efficacité des interventions et la cohérence de la politique culturelle.

On brandit, bien souvent à tort, le modèle américain comme celui d’un parangon de libéralisme en matière culturelle car, s’il est vrai que l’immense majorité des institutions culturelles ne fonctionne et n’existe que grâce à des fonds privés, le règne des lois du marché trouve néanmoins sa limite lorsqu’il s’agit pour l’Etat fédéral de défendre, par exemple, son industrie de programmes.

Comme le constate Jacques Rigaud dans un article récent sur l’exception culturelle : “ Sous couvert d’un libéralisme intransigeant, les Etats-Unis s’entendent fort bien, en pourfendant le protectionnisme chez les autres tout en l’organisant subtilement chez eux, à mettre tout leur poids politique au service de l’idée qu’ils se font de la culture. ”13

Si l’on reconnaît à la culture un rôle d’outil politique – ce qui ressort assez clairement des enjeux qui ont été évoqués plus haut – alors il convient que la puissance publique soit à même de dessiner et de maîtriser cet outil. Or, la dissémination des différentes compétences du ministère de la culture entre plusieurs départements ministériels ne semble pas pouvoir garantir à l’Etat et au Gouvernement cette maîtrise.

Certes, la culture, en tant que responsabilité publique, est tout à la fois un secteur (qui réunit un certain nombre de compétences) et une dimension de l’action politique (ce qui implique une approche gouvernementale de la question). La dimension interministérielle doit donc être encouragée, mais cela ne vaut que si le Premier ministre dispose d’un ministre de la culture pour s’assurer d’un appui suffisamment fort et parvient à passer au-delà des rivalités ministérielles en imposant la dimension culturelle comme partie intégrante de son projet de société.

Faut-il, à la suite de Jacques Rigaud, rappeler que “ les activités de l’esprit et tout ce qui a trait à la création artistique, sont par nature fragiles ”14 ?

Dans un temps de rigueur budgétaire, le budget de la culture est traditionnellement l’un des premiers à faire l’objet d’annulations de crédits. La difficulté récurrente à atteindre le seuil de 1 % du budget de l’Etat, quels que soient le ministre et la majorité, illustre bien cette vulnérabilité.

Disséminées dans différents départements ministériels, les actions culturelles risqueraient d’être bien vite noyées et sacrifiées au profit d’enjeux économiques et sectoriels jugés plus importants. Le sort pitoyable réservé à l’architecture par le ministère de l’équipement durant vingt ans, qui a motivé le retour de cette direction au ministère de la culture en 1996, ou encore la triste gestion des musées confiés au ministère de l’éducation nationale, qui attribue prioritairement ses crédits aux activités de recherche, semblent plaider pour une relative prudence quant à l’éclatement des compétences culturelles au sein de la structure gouvernementale.

3. Une spécificité à préserver

Il semblerait donc que l’existence d’un ministère de la culture, malgré toutes les critiques énoncées plus haut, continue à se justifier pour assurer l’exercice d’un certain nombre de tâches comme l’entretien et la préservation du patrimoine et des trésors nationaux, le financement des grandes institutions culturelles de dimension internationale, l’encouragement à la création par le maintien d’un soutien neutre aux artistes, le développement cohérent et équilibré des moyens d’accès à la culture et la conduite d’une politique internationale de rayonnement culturel.

La mission du ministère de la culture va donc en réalité bien au-delà de la gestion (d’un patrimoine, d’institutions) et de l’administration d’un certain académisme. Il s’agit d’être un vecteur d’impulsion et de diffusion, un pôle tout à la fois dynamique et résistant au sein de l’action gouvernementale, un outil d’expertise et de mémoire, un réservoir de savoir-faire pour tout ce qui concerne les arts, les œuvres de l’esprit et les relations avec les artistes.

Le service des Domaines du ministère de l’économie et des finances est très certainement compétent pour la gestion financière et fiscale des grandes cathédrales... Mais aurait-il les moyens, l’expérience, le savoir-faire nécessaire à leur restauration, au choix des artisans, aux arbitrages esthétiques et architecturaux ? L’administration de la culture est également précieuse et originale par ses métiers et par son histoire. La supprimer conduirait donc plus certainement à un appauvrissement de l’action publique qu’à une amélioration de son efficacité.

En conclusion d’un article intitulé “ A quoi sert un ministère de la culture ? ”, Augustin Girard affirme que “ un ministère de plein exercice paraît tout à fait nécessaire dans une période où l’action culturelle est encore largement sous-développée. Une action délibérée de la part des pouvoirs publics est, pour de nombreuses années encore, de première importance quand on constate la forte croissance de la demande de loisirs culturels dans toutes les couches de la population. Cette croissance est due entre autres à une réduction du temps de travail, qui ne va que s’accélérer d’ici l’an 2000 : diminution de l’horaire hebdomadaire de travail, et surtout du nombre des emplois dans le secteur productif, ainsi que de la période d’activité par rapport à la durée de la vie. Les défis mondiaux de la fin du siècle ne seront pas relevés par nos sociétés si des loisirs accrus conduisent seulement à des divertissements de pure évasion ou pis encore avilissants pour la personnalité. Une politique culturelle délibérée et ferme est seule capable de faire face à ces défis et, pour cela, rien ne remplace l’impulsion stratégique du gouvernement et donc d’un ministre. ”15

Cette approche plaide de façon assez convaincante pour le maintien d’un ministère de la culture de plein exercice. Cependant, maintenir n’est pas figer et pour répondre aux défis qui lui sont posés, le ministère de la culture doit aujourd’hui être prêt à faire sa révolution...

B. REDÉFINIR LE MINISTÈRE POUR REFONDER LA POLITIQUE CULTURELLE

Depuis le début des années 90, il n’y a pas eu de véritable repositionnement de la politique culturelle, alors que le contexte politique, économique et social, qu’il soit national ou mondial, a profondément changé et, avec lui, les demandes et les attentes de la population.

Comme le constate Jacques Rigaud : “ Si l’on reconnaît généralement que le modèle de politique culturelle pratiqué en France depuis les années soixante est en crise, par usure et manque de renouvellement, et souffre de l’insuffisance croissante des moyens financiers mis à sa disposition, chacun voit bien que la culture est plus que jamais au cœur du problème et des enjeux de notre société en cette fin de siècle. Par les valeurs, les repères, la mémoire qu’elle façonne ou révèle, la culture est un facteur essentiel du lien social. ”16

Le ministère doit se restructurer et transformer profondément ses modalités d’action afin de pouvoir ouvrir l’accès à la culture aux populations les plus en difficulté et jouer un rôle de socialisation que l’école ne parvient plus à remplir.

1. Rompre avec une logique jacobine

Malgré la création des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) en 1977 et la mise en œuvre de la décentralisation à partir de 1982 (qui, il est vrai, n’a formalisé que très peu de transferts de compétences dans le domaine culturel), le ministère de la culture a, jusqu’à une période récente, continué à tout régir et tout contrôler depuis les services centraux de la rue de Valois, les établissements publics et les services déconcentrés étant réduits à une fonction purement exécutoire.

Si la décentralisation et la déconcentration – qu’elle soit territoriale, avec les DRAC, ou fonctionnelle, avec les établissements publics – font progressivement leur chemin dans les esprits et si l’idée d’une nécessaire clarification des responsabilités se répand de plus en plus, l’administration centrale du ministère doit encore faire un certain nombre d’efforts pour prendre la pleine mesure du caractère désormais multipolaire de la vie culturelle. Les collectivités territoriales, les industries culturelles, le secteur associatif, le mécénat d’entreprise et le citoyen même, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, grâce aux nouvelles technologies de l’information, sont désormais des acteurs à part entière, qu’il ne s’agit plus seulement de tolérer, mais de reconnaître et d’associer.

L’Etat doit donc changer sa méthode d’action culturelle, sans pour autant réduire son champ d’intervention, et passer d’une administration de gestion à une administration d’impulsion et d’expertise.

·  A l’administration centrale donc, de savoir rompre avec la gestion directe et de remplir désormais une triple fonction d’orientation (par la formulation des objectifs globaux de la politique culturelle), d’incitation (par l’information, le conseil technique, la formation) et d’évaluation (par l’acquisition d’une nouvelle capacité d’expertise).

Ce dernier point implique que l’administration centrale traduise les choix politiques du ministre par des objectifs clairs fixés aux actions et aux acteurs publics. Seule une véritable formalisation des ambitions et des moyens mis en œuvre permettra en effet une évaluation satisfaisante des résultats obtenus et donc de l’efficacité de l’action menée. La charte de service public élaborée à la demande de Mme Catherine Trautmann et proposée aux établissements publics de spectacles vivants, tout comme le développement de la signature de contrats d’objectifs avec les établissements culturels participent de cette logique et vont donc clairement dans le bon sens.

Toujours en ce qui concerne sa capacité d’expertise, le ministère doit également être capable de développer une réflexion propre sur des questions dépassant ses compétences traditionnelles et pour lesquelles il s’en remet encore trop facilement à d’autres ministères dont les arbitrages, on l’a vu précédemment, ne prennent pas toujours suffisamment en considération la dimension culturelle des problèmes. On citera tout particulièrement ici les débats actuels sur le régime des intermittents du spectacle, la fiscalité des œuvres d’art ou des associations culturelles, le statut juridique des établissements publics culturels locaux, l’aménagement culturel du territoire ou encore la réforme des rythmes scolaires pour permettre un véritable éveil culturel.

·  Aux DRAC et aux établissements publics de prendre en charge les décisions de gestion et de mise en œuvre ainsi que les contacts avec les usagers et les acteurs culturels locaux. Pour que ce transfert de responsabilités s’inscrive cependant vraiment dans la réalité, les moyens donnés aux services extérieurs devront être à la hauteur des ambitions affichées. Or, si un vrai progrès peut être constaté pour ce qui est de la déconcentration des crédits (le taux de crédits déconcentrés est ainsi passé de 28 % en 1990 à 51 % en 199717), les moyens en personnels laissent encore nettement à désirer. Plus que la nécessaire augmentation des effectifs, c’est en fait surtout une revalorisation des fonctions et des qualifications des personnels déconcentrés qui doit être recherchée. Une professionnalisation accrue des conseillers techniques doit être encouragée et les directeurs régionaux doivent cesser d’être considérés comme un “ sous-préfet culturel dont la mobilité obéit à des critères qui échappent parfois très largement à la culture ”18.

Dans le cadre plus général de la restructuration de l’administration centrale du ministère de la culture, c’est en fait l’ensemble des personnels qui va devoir évoluer afin de reconquérir un esprit d’ouverture et d’innovation. Les passerelles entre les différents niveaux d’administration devront être activées, afin de rendre les agents plus mobiles et plus en phase avec la réalité territoriale.

2. Restructurer les services centraux

Pour jouer son nouveau rôle d’impulsion et d’expertise, l’administration centrale doit rompre avec ses habitudes de travail trop cloisonnées.

·  La création de structures transversales, internes au ministère, puis le déclenchement d’un processus de regroupement des directions témoignent de la prise de conscience croissante de cette nécessité.

Ainsi, depuis le début des années 90, différentes structures transversales ont vu le jour au ministère de la culture afin d’assurer un rapprochement des différentes logiques et une coordination des actions menées par les départements. Il s’agit notamment du conseil ministériel de la recherche, qui est chargé d’assurer l’articulation et la cohérence des différents programmes de recherche, du comité ministériel d’évaluation, qui a pour mission d’évaluer l’impact des politiques mises en œuvre par le ministère, l’efficacité des services publics culturels et la pertinence de l’organisation et du mode de fonctionnement du ministère et du conseil ministériel des systèmes d’informations, chargé d’assurer la coordination des actions dans le domaine de l’informatique et de la bureautique.

Un pas supplémentaire a cependant été fait en choisissant en 1997, dans le prolongement des recommandations émises par M. Jacques Rigaud dans son rapport sur la refondation de la politique culturelle commandé par M. Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la culture19, de s’engager dans une réflexion sur une restructuration des directions du ministère, afin de répondre aux nouvelles exigences de globalité, d’expertise et d’évaluation.

Le rapprochement des directions de l’architecture et du patrimoine (décret n° 98-840 du 21 septembre 1998) devrait ainsi parachever le processus engagé avec le retour de l’architecture au sein du ministère de la culture. M. François Barré, directeur de la nouvelle entité, définit ainsi les cinq principes directeurs qui ont guidé et justifié cette fusion20 : mettre en relation mémoire et projet “ car nous avons vécu dans une culture de la séparation entre mémoire et création ”, passer de l’objet à l’espace en donnant toute son importance à la relation entre les différents éléments du paysage, clarifier et rééquilibrer l’amont (c’est-à-dire la recherche) et l’aval (la diffusion auprès du grand public, aujourd’hui beaucoup plus faible) de la politique patrimoniale et architecturale, intégrer la dimension et le potentiel économiques du patrimoine et de l’architecture, et enfin faciliter le travail en réseau afin d’assurer une approche globale des politiques de la ville et du paysage.

Intégration, clarification, mise en réseau : autant d’orientations qui correspondent bien aux nouvelles missions de l’Etat telles qu’elles ont été évoquées plus haut, et que l’on retrouve dans les ambitions de la nouvelle direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (décret n° 98-841 du 21 septembre 1998).

La fusion des deux directions responsables du spectacle vivant a été préparée dans le respect des différences entre les disciplines artistiques, mais avec le souci de dépasser la logique de division ayant prévalu jusqu’alors afin de répondre au besoin croissant de réponses et de traitements communs pour les préoccupations de plus en plus convergentes du secteur. Le constat de départ était clair : les enjeux qui sous-tendent l’action de l’Etat dans ce domaine sont la plupart du temps communs, qu’il s’agisse de la création ou de la recherche, de la production et de la diffusion du spectacle vivant, de la formation et de l’insertion professionnelle, de l’enseignement et des pratiques des amateurs ou des questions juridiques et économiques. L’émergence constante de formes artistiques neuves, y compris pluridisciplinaires, appelait également un rapprochement. Une politique de l’Etat à la fois mobilisatrice et claire vis-à-vis de ses partenaires, notamment les collectivités territoriales, supposait par ailleurs l’homogénéité des traitements administratifs. C’est pourquoi le choix a été fait d’une organisation générale résolument transversale aux différentes disciplines, tout en garantissant la nécessaire cohérence de l’action de l’Etat au regard des différents champs esthétiques.

Cette nouvelle organisation, conçue à effectifs constants, devrait être de nature à renforcer, fonction par fonction, l’efficacité de l’action administrative par une plus grande proximité des agents assurant des fonctions voisines, une meilleure mise en réseau des structures aidées par l’Etat et une rationalisation des relations entre administration centrale et services déconcentrés.

M. Dominique Wallon, directeur de cette nouvelle entité, a affirmé sa volonté d’inscrire son action dans une logique renforcée de déconcentration et de mettre en œuvre une activité réelle d’évaluation qui constitue désormais “ une des missions les plus importantes et pérennes de l’administration centrale. (...) L’idée est de constituer une force collective capable d’avoir une vision d’ensemble sur la vie artistique en France mais aussi à l’étranger. Outre des activités classiques de contrôle exercées auprès du secteur institutionnel pour apprécier la réalité des engagements contractuels pris envers l’Etat, il s’agit donc (...) de disposer d’une instance qui ait une capacité d’évaluation et de vision prospective de la vie artistique, de nos relations avec nos partenaires et de notre mode de dialogue avec les DRAC21. ”

·  Ce mouvement pourrait-il aller plus loin ?

En ce qui concerne les rapprochements de directions, si une réflexion sur la réunion des directions du livre et de la lecture d’une part, des archives d’autre part et de la délégation à la langue française a finalement conclu à l’inefficacité d’un tel rapprochement en raison de trop grandes divergences de missions et d’objectifs, il pourrait être intéressant de travailler sur une synergie entre la direction des musées de France et la délégation aux arts plastiques, dont les activités ne sont pas sans parenté. Ces structures sont en effet impliquées dans un même processus artistique qui va de la création d’une œuvre d’art à sa conservation, en passant par sa valorisation auprès du public.

On pourrait de même réfléchir à la constitution d’une direction des enseignements artistiques spécialisés, actuellement éclatés par spécialité ou, tout au moins, à la création d’une structure de coordination ministérielle en la matière. Ici aussi, en effet, les problèmes et les enjeux sont relativement voisins, qu’il s’agisse de l’enseignement de la musique et de la danse, des beaux arts ou de l’architecture.

Dans la même logique, la création d’un conseil ministériel pour les politiques patrimoniales permettrait de conforter la volonté de travail en réseau manifestée par M. François Barré, et de confronter des approches qui, si elles ne sont pas totalement identiques, pourraient s’enrichir les unes les autres.

3. Étendre le champ d’action du ministère ?

Jusqu’ici, le rapporteur a tenu à limiter sa réflexion aux compétences actuelles du ministère de la culture, afin de tenter de démontrer les possibilités de réforme de l’existant.

Il ne s’interdit cependant pas, pour terminer, d’ouvrir quelques pistes de réflexion vers des dimensions nouvelles pour l’administration de la culture, qui lui permettraient, peut-être, d’être encore mieux armée pour répondre aux nouveaux enjeux de l’action culturelle.

·  Les dossiers audiovisuels et, plus largement, de la communication, font d’ores et déjà l’objet d’un rattachement politique au ministère de la culture puisque, après différentes tentatives de regroupement et de séparation, Mme Catherine Trautmann est “ ministre de la culture et de la communication ”. Pourquoi alors, ne pas aller jusqu’au bout de ce rattachement et accorder au ministère de la culture la tutelle du “ service juridique et technique de l’information et de la communication ” (SJTIC), encore rattaché aux services du Premier ministre, comme au temps de l’ORTF et du secrétariat d’Etat à l’information, simple appendice de Matignon ?...

Le ministère de la culture pourrait ainsi se doter d’une direction des médias et de la communication qui lui permettrait de mieux appréhender les enjeux économiques, technologiques et culturels des NTIC et de la convergence.

On pourrait même envisager de réunir dans une vaste direction de l’écrit et de la communication, le SJTIC, la direction du livre et le CNC, afin de définir enfin une politique globale des industries culturelles et de mieux prendre en compte les enjeux économiques et juridiques du secteur (protection des droits, diversification des supports, exception culturelle, exportation des contenus, etc...).

·  L’action culturelle extérieure est également un secteur qui, tout en faisant théoriquement l’objet d’un partage entre les ministères de la culture, des affaires étrangères et de la coopération, échappe en fait assez largement à la rue de Valois.

Faut-il revenir sur cet état de fait et favoriser les capacités d’action artistique internationale du ministère qui entretient les rapports les plus directs avec les créateurs et les acteurs culturels de notre pays ? Faut-il aller au-delà de l’actuel département des affaires internationales du ministère de la culture, qui joue notamment un rôle important dans la diffusion de l’expertise culturelle française, et de l’implication du ministère de la culture dans la gestion de l’Association française d’action artistique (AFAA) et réclamer un véritable transfert de compétences ?

L’ensemble des personnes rencontrées par le rapporteur lors de la préparation de cet avis s’est plutôt montré défavorable à cette suggestion, en considérant, à la suite, d’ailleurs, du rapport Rigaud, que l’action extérieure de la France impliquait une unité de contrôle et qu’il semblait difficile d’isoler les échanges culturels et artistiques des autres formes de relations bilatérales, qu’il s’agisse de l’enseignement du français ou de la coopération scientifique et technique.

Si la prééminence de la dimension diplomatique des relations culturelles extérieures semble donc devoir être préservée, ceci n’interdit cependant pas un renforcement de la coopération entre les différents départements compétents et, pourquoi pas, une intensification des échanges de personnels entre les différents réseaux.

·  Les enseignements artistiques et l’encouragement des pratiques en amateur sont également aujourd’hui partagés entre le ministère de la culture (pour les enseignements artistiques spécialisés), l’éducation nationale (pour l’éducation artistique en milieu scolaire et la recherche universitaire) et le ministère de la jeunesse et des sports (pour le soutien au secteur associatif et à l’éducation populaire). Le rattachement intégral de tout ce bloc de compétences au seul ministère de la culture permettrait-il d’obtenir l’efficacité et le dynamisme qui font aujourd’hui cruellement défaut dans ce domaine ?

L’expérience – assez largement décevante, du moins sur ce plan là – du grand “ ministère de l’intelligence ” confié à M. Jack Lang en 1990 et réunissant l’éducation nationale et la culture ne permettant pas de tirer des enseignements concluants, le rapporteur en restera ici au stade de l’interrogation...

·  Il fera de même pour la suggestion qui lui a été faite de constituer un grand ministère de la culture et des loisirs, qui inclurait les compétences actuellement dévolues au département de la jeunesse et des sports et à celui du tourisme (à l’exception des activités d’ordre purement économique qui reviendraient au ministère de l’industrie). Cette sorte de “ ministère du temps libre ” nouvelle manière permettrait de gérer de façon commune des activités relativement connexes comme la vie associative, les loisirs et l’animation socio-culturelle, le tourisme, tout en assurant une meilleure prise en compte de l’aspect culturel dans des activités souvent dominées par une logique économique. La question est donc ouverte, même si, comme cela a été souligné plus haut, tous les “ métiers ” administratifs ne peuvent pas être confondus...

C. RENFORCER LA DIMENSION CULTURELLE DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE

Afin de préserver et de valoriser l’aspect politique de l’action culturelle, cette “ révolution culturelle ” du ministère de la culture doit s’accompagner de la mise en place d’une structure interministérielle chargée de faciliter la prise en compte de la dimension culturelle dans la définition de la politique gouvernementale.

En effet, aussi conforté qu’il soit par une administration culturelle réorganisée et restructurée, un ministre de la culture ne pourra jamais, à lui tout seul, infléchir la politique gouvernementale pour y instiller, à tous les niveaux, ce “ supplément d’âme ” qu’est la préoccupation culturelle.

Cela est tout particulièrement vrai dans le domaine de la politique de la ville et de la lutte contre les exclusions qui revêt, lui aussi, une dimension véritablement intergouvernementale. Dans une société où les repères éclatent sous la pression du chômage et où la relégation économique s’accompagne presque mécaniquement d’une relégation culturelle et s’approfondit avec elle, l’action culturelle doit être étroitement associée à la politique d’insertion économique et sociale ; elle peut, on le sait, apporter des réponses concrètes au mal-vivre et à la perte d’identité. L’action culturelle et l’art ont en effet cette capacité d’offrir des espaces d’expression et de contribuer à redonner force et confiance. Ils ont ce pouvoir de faire en sorte que les manières d’être de chacun soient prises en compte comme ressources d’un patrimoine commun, et peuvent contribuer ainsi à la construction d’une histoire collective.

A l’échelle européenne et internationale enfin, la dimension culturelle est en voie d’acquérir une portée stratégique avec la volonté affichée par la France, et plusieurs autres de ses partenaires européens, de préserver, sous le vocable un peu réducteur de “ l’exception culturelle ”, un pluralisme des cultures et des modèles de sociétés. Hier avec l’Uruguay Round, aujourd’hui avec l’AMI, le combat pour l’affirmation de l’identité culturelle européenne est peut-être la seule façon d’éviter que la mondialisation de l’économie ne se résume à une américanisation du monde.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur souhaiterait que soit mise en oeuvre la suggestion faite par M. Jacques Rigaud dans son rapport précité sur la refondation de la politique culturelle, c’est à dire que soit créé un comité interministériel des affaires culturelles de l’Etat, présidé par le Premier ministre et réunissant l’ensemble des ministres dont l’activité a à voir avec la culture et que soit mis en place un fonds d’innovation culturelle, placé sous la responsabilité du ministre de la culture et destiné à apporter un complément de financement à des projets bénéficiant de crédits ministériels, locaux ou privés. Cette structure souple pourrait ainsi jouer un rôle de catalyseur pour le développement d’actions culturelles innovantes, dans tous les secteurs de la vie économique et sociale.

*

Ainsi redéfini et mieux orienté, le ministère de la culture, tout à la fois plus fort parce que mieux équilibré, plus ouvert parce que plus proche et donc plus apte à répondre aux défis du XXIe siècle, sera véritablement à même de servir un projet politique qui ferait de la culture un vecteur majeur de démocratie et d’intégration sociale. Là est sa véritable utilité, et donc son ambition essentielle.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La commission a entendu Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits de la culture pour 1999 au cours de sa séance du 16 septembre 1998.

Mme Catherine Trautmann a tout d’abord rappelé que la culture est aujourd’hui au cœur des évolutions économiques, sociales et politiques en France et dans le monde : la mondialisation des échanges, les nouvelles technologies de communication, la primauté de l’audiovisuel et les grandes potentialités qu’offre la construction européenne transforment l’environnement de la production artistique et les conditions d’accès à la culture. De même, la mise en cause croissante, sans discernement, du principe d’un financement public de certaines activités, la remise en cause brutale des valeurs d’universalité et de pluralisme placent l’art et la culture au cœur du débat et des choix politiques, mais aussi économiques et industriels.

Si le gouvernement a mis au cœur de son programme, aux côtés de la bataille décisive pour l’emploi et la justice sociale, le principe d’une intervention résolue de l’Etat en faveur de la culture, ce n’est pas pour défendre frileusement le modèle national mais bien pour affirmer que ce qui se joue dans ce domaine est le choix d’un modèle d’organisation des rapports économiques et sociaux. S’il fallait nous en convaincre, les négociations internationales en cours, en vue d’un Accord multilatéral d’investissement (AMI) en constituent la preuve la plus évidente.

Parce que la culture a vocation à investir toujours davantage le champ social et parce qu’elle est au cœur du pacte républicain, le ministère de la culture poursuit désormais trois objectifs fondamentaux : refonder un grand service public de la culture, soutenir et encourager davantage l’acte de culture dans sa double dimension de création et d’accès aux pratiques culturelles et, enfin, favoriser l’appropriation citoyenne de notre patrimoine.

La politique culturelle doit tout d’abord pouvoir s’appuyer sur un service public fort et efficace.

Le budget 1998 a été celui de la reconstruction. Il convenait de retrouver des marges de manœuvre budgétaires, de disposer d’une administration modernisée et en état de marche et de remotiver ses agents. En un mot, il fallait restaurer la crédibilité de ce département ministériel vis à vis de ses partenaires institutionnels et associatifs.

Cette réorganisation s’achève. La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même direction, comme celle du patrimoine et de l’architecture, a été guidée par un seul et même souci : bâtir un ensemble performant au service de nos partenaires et des professionnels, en faisant fi des cloisonnements artificiels qui servaient peut-être des clientèles particulières, mais qui ne répondaient plus aux exigences d’une politique performante. De même, une nouvelle délégation au développement et à l’action territoriale a été mise en place afin de garantir la cohérence des actions sectorielles du ministère en faveur de la démocratisation et de l’aménagement du territoire.

Mais il ne suffit pas de mobiliser les administrations centrales sur leur fonction d’impulsion et d’évaluation, si dans le même temps les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), sous l’autorité des préfets, ne sont pas reconnues en tant qu’échelon décisionnel pour l’ensemble des actions régionales. Voilà pourquoi le mouvement de déconcentration des crédits du ministère a été amplifié. En effet, un Etat plus présent est un Etat plus proche des réalités du terrain où il exerce ses missions.

La déconcentration des crédits sera poursuivie en 1999 en ayant le souci de l’efficacité et de la bonne administration, c’est-à-dire en renforçant les moyens en personnel des DRAC. Un plan de redéploiement des personnels, afin d’obtenir un meilleur fonctionnement des services, est d’ailleurs prévu dès cet automne.

Ce rééquilibrage entre les niveaux de la décision ne corrige cependant pas structurellement la répartition des financements publics dans le rapport entre Paris et les régions qui sera modifiée progressivement à travers une programmation maîtrisée des interventions financières du ministère. En effet, les grands équipements culturels parisiens risquent d’absorber une part excessive de nos capacités de financement si les efforts à consentir ne sont pas inscrits dans un plan décennal. En procédant ainsi, les marges de manœuvres pour un rééquilibrage en faveur des régions pourront être dégagées. Les contrats plan Etat-régions, pour la période 2000/2006 seront l’un des instruments de ce rééquilibrage, même si celui-ci est déjà notable dans le budget pour 1999. Ainsi, dès 1999, les crédits de soutien aux opérations d’équipements des collectivités territoriales seront accrus de 38 %.

L’action de l’Etat devra également être plus lisible, plus équilibrée et plus fiable. Pour cela, il est nécessaire de définir les principes de son intervention et les responsabilités des structures bénéficiant d’un financement public. C’est dans cet esprit que le ministère a proposé une charte des missions de service public pour les conventions avec les institutions culturelles de spectacle vivant bénéficiant de financements de l’Etat. Cette démarche sera progressivement étendue à tous les secteurs d’intervention du ministère. Le fonctionnement des services publics de la culture, soutenu le plus souvent dans le cadre d’un large partenariat, sera ainsi établi sur une base contractuelle claire, tant au niveau des collectivités locales que dans les conventions avec les institutions culturelles, afin qu’il puisse être objectivement et correctement évalué.

C’est aussi pour honorer la parole de l’Etat qu’en 1998 le ministère a assuré le déblocage de certains grands projets, comme la Maison du cinéma, qu’il a commencé à solder la lourde dette (300 millions de francs) en matière de crédits de paiement et que le budget du patrimoine a été augmenté de près de 40 % sur deux ans afin de revenir au niveau des financements prévus dans la loi de programme.

Conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, le budget de la culture pour 1999 est à nouveau en forte expansion. Il progresse de 3,5 %, soit 525 millions de mesures nouvelles, quand les dépenses de l’Etat n’augmentent en moyenne que de 2.2 %. Ces chiffrent montrent que la culture est, plus que jamais, une priorité de ce gouvernement.

Le budget 1999 marquera d’autre part concrètement la volonté de concilier le soutien à la création et le développement d’une politique ambitieuse de démocratisation des pratiques culturelles.

Le temps de la création et le temps de la diffusion sont deux temps différents. Le ministère de la culture doit pourtant les prendre l’un et l’autre en compte. Il respecte et doit faire respecter le temps qu’il faut pour que la création et particulièrement celle qui rompt avec les conventions trouve son public. Mais il faut sortir de l’opposition stérile entre création et démocratisation en mettant en évidence le fait que l’une renforce l’autre. Les créations doivent être vues et entendues par le plus grand nombre dans l’objectif d’offrir la plus grande qualité artistique à tous nos concitoyens.

Le service public de la culture est aujourd’hui constitué d’un vaste ensemble de structures. Il doit impérativement assumer deux missions en parallèle : garantir et encourager la liberté de création, favoriser la diffusion la plus large du patrimoine vivant ainsi constitué.

Cela emporte deux conséquences politiques majeures. D’une part, la création n’ayant pas vocation à répondre mécaniquement à la demande sociale, les collectivités publiques, quel que soit leur niveau d’intervention, ne doivent pas relâcher leurs efforts dans le soutien qu’elles lui apportent. D’autre part, l’égalité d’accès aux biens culturels et aux pratiques artistiques étant un principe de valeur constitutionnelle, ainsi que la loi de lutte contre les exclusions l’a rappelée, elle doit être mise en œuvre par tous les moyens de diffusion dont nous disposons, qu’il s’agisse des institutions culturelles et artistiques désormais réparties sur la majeure partie de notre territoire, des médias audiovisuels ou des structures d’enseignement et d’éducation.

Si le spectacle vivant constitue l’une des priorités du budget pour 1999, les disciplines ou équipes artistiques ayant été particulièrement touchées pendant les années de régression budgétaire seront soutenues en priorité. Plus précisément, il s’agira, d’une part, des compagnies de danse, de théâtre, de l’écriture musicale ou dramatique sans lesquelles il est vain de parler d’effort en direction de la création contemporaine et d’autre part des musiques actuelles qui ont toujours été l’objet de discours généreux, mais pour lesquelles le ministère n’a jamais mis en pratique ses propres intentions. A ce sujet, la commission nationale des musiques actuelles vient de rendre son rapport ; les mesures retenues seront rendues publiques à la mi-octobre.

Avec ce secteur des musiques actuelles, nous sommes bien à l’intersection de l’innovation parfois la plus avant-gardiste et de l’adhésion la plus large des publics. Elles intéressent, en effet, des générations entières en tant qu’auditeurs, spectateurs ou amateurs mais elles forment aussi un fantastique espace de création, de renouvellement des pratiques, d’interpénétration des disciplines. Lorsque l’on sait que les pratiques audiovisuelles de nos concitoyens sont consacrées à 50 % aux musiques actuelles, que les élus locaux sont de plus en plus confrontés à la demande des publics, on mesure combien il est urgent de concevoir des dispositifs institutionnels qui soient enfin à la hauteur des attentes.

Une autre des priorités dans le domaine du spectacle vivant concerne les arts de la rue qui associent, également, succès public et créativité artistique. Cela passera par un accompagnement de la professionnalisation des troupes, une aide à la diffusion des spectacles et le conventionnement des compagnies les plus structurées.

Au total, les mesures nouvelles en faveur de toutes les disciplines du spectacle vivant s’élèveront à 110 millions de francs. Pour les structures permanentes, l’entrée en application effective de la charte de service public privilégiera celles qui assument pleinement le soutien à la création et leurs responsabilités en matière de renouvellement des publics ou d’ouverture aux pratiques amateurs.

Cette dynamique parfaitement cohérente entre le soutien à la création et la démocratisation des pratiques guidera toutes les interventions financières du ministère. Ainsi, dans le domaine des arts plastiques, le niveau des crédits destinés aux commandes publiques est reconduit et, dans le même temps, les bourses des étudiants en écoles d’art seront substantiellement augmentées. Les crédits de la délégation aux arts plastiques progresseront ainsi de près de 15 %.

Les moyens consacrés aux enseignements et à l’éducation visent aussi ce double objectif : la formation de nouveaux créateurs et, plus largement, la diffusion des savoirs et des connaissances. Le ministère consacrera en 1999, près de 1,5 milliard de francs à l’éducation et aux enseignements artistiques. Cet effort sera prolongé dans le cadre des contrats de plan afin de le développer sur l’ensemble du territoire. Enfin, dans le domaine de la création comme dans celui de la diffusion, le secteur des nouvelles technologies et plus particulièrement du multimédia sera systématiquement privilégié.

Ainsi, en 1999, le programme de soutien à la création et au développement d’espaces culture-multimédia sera amplifié. Une centaine de projets sont déjà en cours de réalisation. Dans le même temps le Centre national du cinéma (CNC) renforcera son action en direction des projets de création multimédia. Dans ce secteur encore émergent, nous vivons un étrange paradoxe. La France a pris un certain retard dans la pénétration économique et sociale des nouvelles technologies alors que, dans le même temps, l’industrie américaine vient massivement recruter dans nos écoles d’art, réputées dispenser les meilleures formations artistiques, notamment dans le domaine de l’illustration ou de l’animation. Face à cette situation, le ministère souhaite engager résolument ce département ministériel dans la bataille du développement des nouvelles technologies, tout en permettant aux jeunes qui se lancent de bénéficier d’un appui logistique et financier. L’usage de ces outils par les professionnels de la culture sera également favorisé.

Nous sommes entrés dans une société où les images, en nombre infini et fragmentées, transforment nos représentations du monde et démultiplient nos perceptions du réel. Sans maîtrise de ce nouvel environnement, le risque est grand de reproduire une césure entre ceux qui disposent des outils conceptuels et ceux qui consomment les produits. Pour cette raison, l’éducation à l’image et aux nouvelles technologies devient une priorité. Pour la mettre en œuvre, il a été demandé aux DRAC de favoriser les actions partenariales avec l’éducation nationale, les structures d’éducation populaire ou les institutions audiovisuelles.

Enfin, si elles ne constituent en aucun cas le moyen unique d’une politique de démocratisation, les politiques tarifaires ne peuvent être sous-estimées. Il est souhaitable que tous les institutions culturelles soutenues par l’Etat simplifient leur système de tarification, adoptent le principe d’un tarif périodiquement le plus bas possible, voire celui d’un accès gratuit. A titre d’exemple, la gratuité un dimanche par mois, mise en œuvre au Louvre, doit être progressivement étendue à l’ensemble des musées nationaux.

Le troisième axe majeur de l’action du ministère de la culture en 1999 consistera à donner à la politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant l’appropriation citoyenne de l’héritage culturel national.

Il convient en effet de veiller à la préservation et à l’appropriation par tous nos concitoyens du patrimoine monumental, écrit et audiovisuel qui forme notre mémoire collective. Le renouvellement des formes et des représentations ne doit pas reléguer au second plan les efforts en faveur de la mise en commun de l’héritage culturel et artistique. Dès 1998, les crédits du patrimoine ont été reconstitués grâce à une augmentation de 39 %. En 1999, la progression intervenue l’an dernier est consolidée puisque ces crédits augmentent de 2,7 %

Les musées et les monuments historiques sont traditionnellement les éléments de visibilité de la politique des collectivités publiques en faveur du patrimoine. Mais le travail et le devoir de mémoire sont constitutifs de toutes les activités artistiques et culturelles. Une politique patrimoniale ambitieuse n’est pas forcément marquée du sceau du conservatisme. En réalité, il est aujourd’hui indispensable que nos concitoyens, parfois désorientés par la rapidité des changements que connaît notre société, retrouvent, grâce à la préservation et à la connaissance de leur patrimoine, certains repères de leur identité individuelle et collective.

Première illustration de cette volonté : cette année, l’effort portera sur le patrimoine du XXème siècle, encore trop négligé. Dans cet ensemble, la politique d’inventaire et de protection du patrimoine industriel sera renforcée, comme par exemple les sites et villages miniers du nord de la France. Cette dimension fondamentale de l’histoire sociale de notre pays sera mise en avant. L’évolution de l’économie a bouleversé le paysage industriel et la mémoire de millions d’hommes et de femmes ainsi que leurs savoir-faire sont aujourd’hui laissés à l’abandon à l’image des sites désertés. Pourtant, derrière la dénomination, peut-être trop floue, “ d’écomusée ”, ce patrimoine vivant dépasse le simple cadre socio-économique local et intéresse la nation toute entière. Il sera donc valorisé, tant par devoir de mémoire que pour témoigner de la reconnaissance nationale.

Il en va de même pour le patrimoine écrit. Dans le souci de valoriser et de mettre ce patrimoine à la disposition du plus grand nombre, la Bibliothèque nationale de France, dont 1999 constituera la première année de fonctionnement à plein régime, développera son objectif de mise en réseau avec les bibliothèques municipales à vocation régionale.

Cette même année, la restructuration des archives nationales sera engagée dans le cadre d’une redéfinition de leurs missions et de leurs moyens au profit des chercheurs mais aussi du grand public. Un projet de loi qui affirmera le principe d’ouverture des archives publiques sera présenté au Conseil des ministres, afin de renforcer le rôle des archives de France comme instrument de diffusion de la mémoire nationale.

Rendre plus accessible à l’ensemble de nos concitoyens les différents supports de la mémoire conduira aussi à mener un certain nombre d’actions en faveur du patrimoine cinématographique et audiovisuel. La Maison du cinéma constituera l’élément central d’une mise en réseau de la diffusion du patrimoine cinématographique sur l’ensemble du territoire. S’agissant de l’INA, sa mission de protection du patrimoine audiovisuel sera au cœur de la redéfinition du projet stratégique de cette entreprise.

La fréquentation du patrimoine, au sens classique du terme, est la première pratique culturelle des français après les pratiques audiovisuelles. Il ne s’agit pourtant pas de tout “ patrimonialiser ”, dans un mouvement illusoire qui reviendrait à vouloir arrêter le temps, à fixer un état donné de notre histoire. Il s’agit bien au contraire d’offrir à tous la possibilité d’accéder aux données de la connaissance, de les relier entre elles, ce que les techniques de l’information permettent désormais, tout en mettant à disposition de nos concitoyens et en transmettant aux générations futures ce qui fonde matériellement ce savoir, ce qui en constitue la trace : archives, livres, œuvres d’art, objets, films, monuments, témoins matériels de la diversité culturelle.

C’est dans cet esprit que seront privilégiés les projets qui visent à faire coopérer des institutions et des logiques professionnelles différentes, que ce soit au travers de l’Institut national d’histoire de l’art, poursuivi avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou au travers de la Cité de l’architecture et du patrimoine, destinée à devenir une tête de réseau, un outil de confrontation d’approches trop souvent disjointes. Beaucoup est également attendu du futur Musée des arts et des civilisations comme lieu de transmission de nouveaux repères, pour tous, sur l’histoire, ancienne et plus récente, des sociétés africaines, précolombiennes et océaniennes, de leurs cultures et de leurs influences.

Conserver et restaurer ne constituent pas les seuls actes par lesquels l’Etat peut préserver les richesses artistiques. C’est pourquoi les moyens consacrés aux acquisitions d’oeuvres d’art seront accrus. De même, à la suite du rapport de M. André Chandernagor et à la demande du Premier ministre, le ministère du budget et celui de la culture étudient actuellement un ensemble de mesures, notamment de nature fiscale, visant à dynamiser le marché de l’art français dans un contexte de vive concurrence internationale.

En conclusion, Mme Catherine Trautmann a rappelé que la culture pèse pour près de 400 000 emplois dans l’ensemble de l’activité économique nationale. La demande qui s’est exprimée autour des emploi-jeunes donne la mesure des potentialités de développement dans ce secteur.

La culture est souvent au centre des négociations internationales et elle demeure un enjeu politique permanent au cœur des changements économiques et sociaux. Avec la multiplication des supports de diffusion, qu’ils concernent l’audiovisuel ou le multimédia, la France se trouve face à un nouveau défi. Les responsabilités conjointes de ministre de la communication et de la culture doivent être utilisées comme une opportunité pour le relever. Le projet de loi sur l’audiovisuel public, qui réaffirmera l’identité du service public de la télévision, confortera celle-ci comme instrument essentiel de création et de diffusion culturelle.

Après l’exposé de la ministre, le président Jean Le Garrec a tout d’abord relevé, dans sa présentation du budget 1999, trois éléments particulièrement intéressants :

- la création d’une “ Maison du cinéma ”, appréciable pour tous les cinéphiles ;

- la notion évoquée par la ministre d’“ appropriation citoyenne ” de la mémoire, et notamment de la mémoire du geste ouvrier, la culture constituant du reste dans certaines régions un élément de reconquête économique non négligeable ;

- la déconcentration des crédits du ministère, qui, à l’instar des négociations prochaines en vue de la signature des contrats de plan entre l’Etat et les régions, représentent un enjeu essentiel.

Le président Jean Le Garrec a ensuite évoqué trois questions appelant vraisemblablement des réponses de nature législative :

- la protection des biens mobiliers et des œuvres d’art ;

- la modernisation des conditions de réalisation des activités d’archéologie préventive ;

- le problème de la définition du statut des établissements publics locaux à vocation culturelle, qui a d’ailleurs fait récemment l’objet d’une proposition de loi de la part du sénateur Ivan Renar.

Enfin, il a souhaité que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mette en place un groupe de travail sur la question des musées. En effet, le statut des musées, qui date de 1945, doit être rénové afin notamment de mieux prendre en compte la notion d’“ appropriation collective du patrimoine ” à laquelle la ministre a fait référence au cours de son intervention.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis sur les crédits de la culture, a tout d’abord rappelé qu’avec l’accord du président Le Garrec et celui du président de l’Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, un forum sur le budget de la culture avait été ouvert sur le site Internet de l’Assemblée durant l’été 1998.

Il a ensuite posé des questions sur :

- l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de la loi sur l’enseignement artistique spécialisé, annoncée depuis longtemps ;

- le calendrier de dépôt du texte visant à actualiser la loi du 3 janvier 1979 sur les archives ;

- l’éventuelle présentation d’une nouvelle loi de programmation sur le patrimoine, la loi actuelle, votée en 1993, devant en effet bientôt venir à échéance ;

- le but de la restructuration du ministère, et notamment du rapprochement entre plusieurs directions. S’agit-il d’une modification traduisant une approche différente de la politique culturelle ou, simplement, d’un moyen d’accroître l’efficacité de gestion des services du ministère ?

- le renforcement des compétences dévolues aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ;

- la répartition des crédits culturels entre Paris, l’Ile-de-France et la province ainsi que l’état d’avancement des grands projets lancés dans les régions par un précédent ministre de la culture, M. Jacques Toubon, en 1995.

- les actions prévues pour soutenir le développement des nouvelles technologies de l’information, qui représentent un double enjeu, tant comme moyen d’accès à la culture que comme vecteur d’innovation et en particulier les crédits prévus pour 1999 dans ce domaine et les perspectives de baisse du taux de TVA appliqué aux produits multimédia et à l’ensemble des supports préenregistrés.

- l’organisation et le financement par le ministère de la culture de manifestations pour le passage à l’an 2000 ;

- les différences d’augmentation des crédits de certains chapitres budgétaires selon que l’on prend en considération le budget à structure constante ou dans sa présentation définitive. Ainsi, en 1999, les crédits inscrits au titre IV augmentent de 4,3 % dans le budget à structure constante et seulement de 3,6 % dans sa version définitive ;

- l’adaptation de notre système de protection des œuvres aux nouveaux modes de consultation en ligne. Le système français du droit d’auteur est particulièrement protecteur et engendre donc des coûts relativement élevés. Cependant, avec le développement de la société de l’information, dans un contexte de marché dépassant les frontières nationales, ce système est dans bien des cas contourné ou encore mis en compétition avec d’autres modes de rémunération.

En réponse au président et au rapporteur pour avis, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a tout d’abord rappelé qu’un grand nombre de textes législatifs restait en suspens pour l’ensemble des ministères. En effet, quatre-vingt projets de lois sont en phase d’élaboration ou d’achèvement. A ceux-ci s’ajoutent environ trente propositions de lois émanant de députés ou de sénateurs. Le Conseil des ministres a d’ailleurs récemment abordé cette question et a tenté de planifier l’ordre d’examen de ces textes et, notamment, des plus importants d’entre eux.

Elle a ensuite donné les éléments de réponse suivants :

- En ce qui concerne le domaine culturel, les textes en préparation sont nombreux. L’un d’eux concerne le régime d’exportation des biens culturels ainsi que la protection des objets ou ensembles mobiliers présentant un intérêt historique ou artistique. Ce projet, qui fait aujourd’hui l’objet d’un examen interministériel, doit être déposé devant le Parlement au cours du premier semestre 1999. Il permettra de concilier la protection des trésors nationaux et le développement du marché de l’art.

- Une nouvelle législation devra en outre permettre de rénover et de mieux organiser les conditions de réalisation de l’archéologie préventive qui restent régies par la loi du 27 septembre 1941. Ce dossier très épineux a été récemment évoqué – par l’Inspection générale des finances qui a établi un rapport en 1997 et par le Conseil de la concurrence qui a donné un avis à ce propos le 19 mai 1998 – sans être traité sur le fond. Les fouilles d’urgence sont actuellement réalisées par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) dont le statut est demeuré relativement flou depuis la mise en place plus ou moins empiriques de ses modalités d’action. Un projet de loi devrait être présenté au printemps 1999 afin d’élaborer un système plus précis et plus conforme au droit positif, mais le soutien de la commission sera le bienvenu pour assurer son inscription à l’ordre du jour des assemblées.

- Le problème des institutions culturelles locales et de l’absence d’un statut adapté est particulièrement urgent et génère, légitimement, de nombreuses interpellations de la part des acteurs culturels et des élus locaux. Il faut absolument trouver une solution qui, tout en assurant la sécurité juridique des élus, sera bien adaptée à la gestion d’activités culturelles. La question se pose actuellement de savoir si ce statut doit être défini par la loi ou par la voie réglementaire. Mme Schiffert, inspectrice générale de l’administration, s’est vu confier le soin d’établir un rapport sur les avantages et les inconvénients respectifs de la solution réglementaire et de la voie législative. Une note d’étape doit être remise à la fin de cette semaine, le rapport définitif devant être achevé au cours du mois de novembre. Il sera bien entendu transmis à la commission des affaires culturelles.

- Une nouvelle loi sur les musées s’avère effectivement indispensable. Au cours des dernières décennies, la fréquentation des musées nationaux ou autres a connu une augmentation très importante liée aux modifications des pratiques culturelles des Français. Ainsi, en trente ans, le nombre de personnes ayant fréquenté ces établissements a triplé. Actuellement, c’est l’ordonnance provisoire du 13 juillet 1945 qui continue de régir leur organisation, alors qu’elle n’était pas destinée à organiser l’ensemble de ce secteur et qu’elle s’est vidée de sa substance au cours du temps. Il convient de donner aux musées une base légale rénovée afin d’améliorer et d’unifier les régimes juridiques de protection applicables à leurs collections, de permettre une meilleure circulation de ces collections entre les musées et de faciliter leur transmission aux générations futures. Un projet de loi sur cette question d’intérêt public doit être préparé par le ministère dans le courant de 1999.

- Suite au rapport Braibant, une loi sur les archives est en cours de préparation. Elle devra redéfinir le statut des archives nationales et les délais de consultation. De plus, M. Belaval rendra en octobre des propositions sur les sites accueillant les archives nationales. En effet, comme l’a montré le débat autour du site de Reims, la conservation et le stockage des archives sont hors normes et les sites saturés. Le budget pour 1999 ne présente cependant pas de mesures nouvelles pour le centre d’archives de Reims car les crédits dégagés en 1998 n’ont pas été consommés et ont pu être provisionnés.

- Les enseignements artistiques spécialisés concernent actuellement 36 établissements et 10 000 étudiants. Le ministère de la culture a demandé à M. Imbert de réfléchir au statut de ces établissements, à leur mise en réseau et aux modalités d’augmentation des subventions accordées par l’Etat. Ce rapport débouchera sur un plan de concertation et de réformes et, si nécessaire, sur un projet de loi.

- Le patrimoine demeure une priorité importante du ministère de la culture. En 1998, il s’est attaché à reconstituer des crédits qui avaient été réduits de plus du tiers par les budgets 1996 et 1997. Plus qu’une loi-programme qui peut – comme on l’a vu – être contournée, seuls de véritables engagements pluriannuels et la vigilance des parlementaires sont à même de garantir le bon niveau des crédits.

- La déconcentration doit être le mode normal d’exercice des prérogatives du ministère de la culture en région. Elle permet une réponse plus efficace et plus crédible aux demandes locales. La déconcentration des crédits doit être accompagnée d’un redéploiement des effectifs. Toujours dans ce souci de déconcentration, le ministère de la culture s’est attaché à soutenir dans les prochains contrats de plan Etat-régions les régions les moins aidées et les DRAC les moins dotées par le passé.

Déconcentrer les crédits implique cependant que les DRAC soient en mesure de les gérer. Cela n’a pas toujours été le cas en ce début d’année, notamment pour la DRAC Ile-de-France. Des améliorations peuvent cependant d’ores et déjà être constatées et un mouvement de transfert de personnel de l’administration centrale vers les services déconcentrés est prévu pour cet automne afin de conforter ces derniers.

Enfin, il est faux de voir dans la déconcentration la disparition d’une politique culturelle nationale ; les services centraux, par l’exercice de leurs missions d’orientation, de fixation des objectifs et d’évaluation, continueront de garantir la présence d’un Etat fort et efficace.

- Le ministère de la culture ne fait quasiment pas l’objet de créations d’emplois dans le budget pour 1999. Les effectifs sont constants, à deux exceptions : la création de 80 emplois de sécurité dans les musées nationaux et la transformation de 450 postes de vacataires en bénéficiaires de contrats à durée indéterminée. Dans les mesures nouvelles, l’action culturelle a donc pris le pas sur les moyens. Cependant, le personnel du ministère a bénéficié à hauteur de 27 millions de francs de mesures de reclassement et le bâtiment de la rue des Bons Enfants sera entièrement rénové en 2001, ce qui permettra la réunion de l’ensemble des services actuellement éclatés dans la capitale.

- Le ministère de la culture s’est totalement engagé dans le développement des nouvelles technologies de l’information. Les dotations concernant ce domaine ont été reconduites, notamment pour les sites multimédia. Ainsi, 10 millions de francs sont consacrés par le ministère au développement de 100 projets multimédia. L’effort d’équipement dans les bibliothèques, les médiathèques se poursuit. A ce titre, la troisième tranche de travaux pour la construction des bibliothèques municipales à vocation régionale a été prolongée. Sont également soutenus les produits multimédia comme les CD-Rom en partenariat avec la CNC. Enfin, le processus de numérisation est définitivement engagé que ce soit pour les livres, l’audiovisuel ou les archives. Le budget du ministère de la culture s’est donc principalement consacré aux actions de soutien aux créations de contenus, alors que celui du ministère de l’industrie permettra de favoriser les entreprises s’engageant dans ces nouveaux domaines par le biais du capital-risque.

- Le prix du disque et du livre préoccupe également le ministère de la culture. L’importance toujours plus grande des grandes surfaces fausse la concurrence, d’autant que celles-ci ont tendance à utiliser les biens culturels comme des produits d’appel. Le ministère de la culture négocie de façon permanente avec la Commission européenne sur les dossiers de la TVA sur les biens culturels et de l’extension du prix unique du livre.

- Les manifestations de l’an 2000 seront mises en place dans le cadre d’une mission interministérielle. Celle-ci doit d’abord élaborer un document récapitulant les différents projets. En ce qui concerne le financement, celui-ci sera clairement identifié et ne sera pas prélevé sur le budget courant du ministère. Il est prévu dans un premier temps de débloquer en loi de finances rectificative pour 1998 des crédits à hauteur de 187 millions de francs.

M. Marcel Rogemont a formulé les observations et posé les questions suivantes :

- l’évolution des crédits budgétaires sur les dernières années marque bien la priorité accordée à la culture par le gouvernement de M. Lionel Jospin ; en effet, après une diminution des crédits de 575 millions de francs en 1997, ceux-ci ont augmenté de 550 millions de francs en 1998 et augmenteront encore l’année prochaine de 525 millions de francs ;

- la politique culturelle ne peut dépendre de la seule loi du marché ; la mise en place d’une charte du service public de la culture est indispensable pour fixer des objectifs d’intérêt général aux institutions culturelles et assurer la mise en commun des moyens publics et privés ;

- il est en effet tout à fait judicieux de développer la politique de protection et de mise en valeur du patrimoine industriel ;

- en ce qui concerne l’art dramatique, il serait opportun de mettre en place un système de soutien aux auteurs sous la forme de conventions d’aides pluriannuelles, de préciser le rôle de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon et de faciliter les rapprochements entre théâtre amateur et théâtre professionnel ;

- la politique de déconcentration en matière culturelle doit être soutenue, mais il convient toutefois de prendre en compte les inquiétudes justifiées de certains grands établissements culturels implantés dans les régions qui craignent que le changement de tutelle ne conduise à une réévaluation des critères de subvention ;

- il serait souhaitable de préciser les orientations concernant l’évolution du statut des intermittents du spectacle, au-delà des dispositions transitoires applicables jusqu’à la fin de l’année.

M. Edouard Landrain, après avoir souligné le caractère incantatoire des intentions affichées par la ministre, a formulé les observations suivantes :

- c’est une bonne chose de développer la déconcentration en matière culturelle ;

- il conviendrait d’apporter des précisions en ce qui concerne la politique de la musique et de l’enseignement musical menée par le ministère en relation avec le ministère de l’éducation nationale et l’avenir des associations départementales de développement de la musique (ADDM) ;

- la ministre ayant annoncé la mise en place d’une nouvelle délégation au développement et à l’action territoriale, il serait intéressant de savoir si cela aura des conséquences sur les modalités du soutien apporté par l’Etat aux collectivités territoriales lors de la mise en place de nouveaux équipements culturels ;

- au-delà des mesures annoncées pour les Archives nationales, des aides doivent être apportées aux conseils généraux pour pallier la “ grande misère ” des archives départementales ;

- à l’instar du soutien au patrimoine industriel minier, le patrimoine maritime pourrait également bénéficier d’un plan de mise en valeur ;

M. Edouard Landrain s’est ensuite interrogé sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l’introduction des œuvres d’art dans l’assiette de calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Paul Bret a posé des questions concernant :

- la politique en matière de “ musiques actuelles ”, dans l’attente de la remise au Gouvernement d’un rapport sur ce sujet ;

- les moyens d’assurer un meilleur statut pour les lieux d’“ émergence culturelle ” comme les cafés-musique qui sont souvent dans des situations très précaires ;

- l’élaboration d’un projet de loi sur les bibliothèques municipales et le droit de prêt à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix ;

- les risques induits par la déconcentration des crédits pour les grands établissements culturels à vocation nationale implantés en régions.

En réponse aux intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- En ce qui concerne les bibliothèques municipales et le droit au prêt, une concertation a été engagée avec les professionnels à la suite de la remise du rapport de M. Borzeix, de manière à aboutir à la présentation d’un projet de loi à la fin de l’année 1999. Celui-ci traitera notamment de la mise en réseau des ressources documentaires, du pluralisme des collections, de la professionnalisation des bibliothécaires, de la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques et de l’instauration d’un droit modique au prêt avec des possibilités d’exonération visant à protéger le droit des auteurs qui connaît des évolutions, notamment dans le cadre européen.

- La politique de rééquilibrage en matière culturelle entre Paris et la province trouve sa concrétisation dans l’évolution des crédits : en 1998, hors grands établissements culturels nationaux 54 % des crédits du ministère ont été affectés à Paris et 46 % aux régions ; en 1999, 45 % des crédits seront affectés à Paris et 55 % aux régions.

- La priorité donnée à la démocratisation de l’accès à la culture et des pratiques culturelles se traduit, en premier lieu, par une forte augmentation des crédits affectés au soutien des pratiques culturelles amateurs, en coordination avec le ministère de la jeunesse et des sports, en deuxième lieu par la mise en place dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-Régions de centres de ressources des spectacles vivants (danse, musique, théâtre) et des arts plastiques, et en troisième lieu par un soutien spécial aux ADDM et au théâtre en milieu rural.

- Le soutien à l’écriture dramatique passe plus par la commande d’oeuvres et l’aide à l’édition et à la diffusion que par la conclusion de conventions individuelles avec des auteurs. En ce qui concerne le cas particulier du Centre d’écritures de Villeneuve-lez-Avignon, il convient de rappeler qu’il appartient à un centre culturel de rencontre et qu’il sera soutenu dans ce contexte, étant observé que le ministère de la culture et de la communication s’efforce de consolider ses relations partenariales avec les centres de ce type.

- La prorogation du régime des intermittents du spectacle arrive à échéance à la fin de 1998. Sur ce dossier particulièrement sensible, un certain nombre d’avancées doivent être soulignées : l’ordonnance relative à la licence d’entrepreneur de spectacles a été modifiée par un projet de loi en cours d’examen, des guichets uniques ont été mis en place pour améliorer le recouvrement des cotisations dues par les employeurs occasionnels et la lutte contre le travail clandestin a été amplifiée en collaboration avec le ministère de l’emploi et de la solidarité. Par ailleurs, une commission paritaire travaille depuis le mois de mai pour élaborer des propositions concernant l’avenir du régime d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Cette commission ne saurait cependant se substituer au conseil d’administration de l’UNEDIC, qui, en la matière, reste seul investi du pouvoir de décision. Si un accord sur la réforme du régime ne peut être trouvé d’ici la fin de l’année, il faudra envisager de proroger le régime actuel jusqu’à la conclusion d’un tel accord.

Il est en tout état de cause préoccupant de constater que, pour les spectacles organisés en France, certaines activités, comme l’enregistrement sonore ou audiovisuel des représentations, sont de plus en plus souvent exercées par des professionnels de nationalité étrangère moins protégés, mais aussi moins coûteux. Il importe donc tout à la fois de lutter contre les excès du recours à des intermittents du spectacle, dont témoigne l’existence en France d’un fort taux de précarité pour des niveaux de qualification élevée et de maintenir le principe d’un régime d’indemnisation spécifique pour les intermittents, régime qu’un certain nombre de pays étrangers envisagent de transposer dans leur législation nationale.

Par ailleurs, si on peut espérer créer des emplois dans le secteur culturel, il faut d’abord se préoccuper de maintenir ceux qui existent. A cet effet, les projets de contrat de plan Etat-région qui prévoient la création d’emplois durables dans le secteur culturel seront favorisés.

- En ce qui concerne l’enseignement de la musique et des arts, le rapprochement du ministère de la culture et de la communication avec ceux de la jeunesse et des sports et de l’éducation nationale est bien avancé et se traduit par l’organisation de réunions conjointes des différents responsables locaux pour examiner les moyens de développer l’éducation artistique et musicale et en particulier de favoriser l’accès à la pratique instrumentale ou artistique dès le stade de l’enseignement primaire. L’accent doit également être mis sur la formation des enseignants, ainsi que sur le développement des interventions d’artistes dans les classes. Dans le même but, le développement d’espaces d’exposition et de lieux de répétition sera poursuivi.

- S’agissant de l’éventuelle inclusion des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, il convient de souligner que la simple détention d’une collection d’œuvres d’art n’est pas, en elle-même, une source de revenu. La taxation d’œuvres d’art dans le cadre de l’ISF paraît en outre contradictoire avec la mise en place d’une taxe sur les transactions dont le taux sera compris entre 4 et 7 %. Il paraît en effet plus logique de taxer l’œuvre d’art au moment où elle est susceptible de dégager une plus-value c’est-à-dire au moment de sa vente. Par ailleurs, la juste appréciation de la valeur des œuvres de toutes natures détenues par les particuliers poserait des problèmes très complexes. Enfin, l’extension de l’ISF aux œuvres d’art risquerait de compromettre la procédure des dations c’est-à-dire le paiement des droits de succession en œuvres d’art, procédure qui a permis d’enrichir considérablement le patrimoine national en y faisant entrer des œuvres de très grande importance. L’ensemble de ces arguments a conduit le Gouvernement à ne pas inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF.

- Le développement des archives départementales doit effectivement être encouragé.

Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné la pertinence de l’argument relatif aux dations dans le cadre du débat sur l’ISF, a indiqué que Mme Odette Grzegrzulka, qui n’avait pu assister à la réunion, souhaitait interroger la ministre sur la gestion de l’ADAMI.

M. Pascal Terrasse a posé des questions sur :

- les modalités de la déconcentration des crédits, qui ne doit pas s’arrêter au niveau des grandes métropoles régionales, comme on pourrait le craindre en constatant qu’un million de francs seulement a été consacré au développement artistique en Ardèche ;

- l’avenir de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), dont le rôle en matière d’archéologie d’urgence doit être précisé ;

- les conséquences que le ministère entend tirer de la mise en examen de trois de ses fonctionnaires dans l’affaire de la grotte Chauvet et les conditions dans lesquelles l’Etat se propose de reconnaître enfin le rôle des découvreurs de cette grotte, étant rappelé que la découverte de la grotte Cosquer avait en son temps donné lieu à une indemnisation convenable. Il serait souhaitable de surmonter les blocages existants, par exemple en nommant un médiateur.

M. Serge Janquin a présenté les observations suivantes :

- La progression des crédits du ministère peut être perçue comme la traduction d’une volonté politique forte qui permettrait de redessiner le paysage culturel français.

- Le nécessaire dialogue entre la création artistique et la démocratisation de l’œuvre d’art doit être poursuivi et amplifié.

- L’appropriation citoyenne du patrimoine est une notion importante dont l’application au bassin minier du Nord-Pas de Calais doit être saluée. On peut en effet regretter que d’importants éléments du patrimoine de ce bassin, à qui il faut rendre sa fierté culturelle, aient été perdus par négligence.

- Il serait souhaitable d’avoir des précisions sur le rythme du rééquilibrage de la répartition des crédits entre Paris et la province et de définir le niveau auquel ce rééquilibrage pourrait être considéré comme réalisé.

- le ministère de la culture devrait accroître sa participation à la politique de la ville, car les responsabilités des villes dans la création culturelle, autrefois très importantes, ont été diluées, notamment du fait du développement de l’intercommunalité. Dans un contexte culturel marqué par la prédominance croissante d’un modèle d’origine extérieure, il convient en effet d’aider les citoyens à retrouver leurs repères.

M. Jean-Pierre Baeumler a posé deux questions portant l’une sur les équipements culturels d’intérêt régional et les possibilités d’ouverture de chantiers dans un avenir proche, l’autre sur l’entretien du patrimoine monumental et la part financière respective des communes et de l’Etat en la matière, étant observé que ces parts varient beaucoup d’un monument à l’autre et que de nombreuses communes n’ont pas les moyens d’assurer convenablement la conservation du patrimoine situé sur son territoire.

M. Marcel Dehoux a souhaité connaître les moyens budgétaires qui seraient dégagés en faveur de la culture scientifique et technique.

Mme Hélène Mignon a insisté sur l’importance de la culture pour l’accès à la citoyenneté. Le développement d’une culture de proximité est en effet un puissant vecteur de lutte contre l’exclusion. On doit se féliciter que le budget pour 1999 mette l’accent sur un certain nombre d’actions allant dans ce sens (démocratisation, appropriation citoyenne du patrimoine) mais il conviendra de veiller, au moment de l’exécution du budget, à ce que les DRAC soient bien conscientes de ces nouvelles orientations et en tiennent compte.

M. Gérard Lindeperg, après avoir souhaité que le budget atteigne en l’an 2000 le seuil symbolique d’1 % des dépenses de l’Etat, a suggéré que la mise en valeur du patrimoine industriel et ouvrier soit couplé avec un fort développement des technologies nouvelles et que la complémentarité et la mise en réseau des équipements culturels, notamment muséographiques, entre les villes, soient encouragés dans le cadre des contrats de plan. Trop souvent en effet, des villes voisines sont en situation de concurrence alors qu’une complémentarité serait souhaitable.

Mme Catherine Génisson, après s’être interrogée sur les moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à une meilleure diffusion de l’écrit, qui n’implique pas uniquement une aide aux écrivains, a souligné que de son point de vue, les grosses structures culturelles ne devaient pas être traitées différemment des autres pour ce qui concerne les critères de subvention.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis, a posé des questions sur :

- les conséquences que le ministère entend tirer des critiques formulées par la Cour des Comptes, dans son rapport 1997, sur la gestion du Centre national des arts plastiques, du Fonds national d’art contemporain et du Mobilier national,

- les mesures destinées à encourager la chanson française et les musiques actuelles,

- les cinémas multiplexes, dont le développement aux périphéries urbaines peut poser des problèmes aux cinémas des centres-villes.

En réponse, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- En ce qui concerne l’effort en faveur des musiques actuelles, le développement des cafés-musique – qui constituent des lieux bien adaptés à la diffusion des pratiques amateurs – doit s’insérer dans un projet d’ensemble, qui harmonisera l’intervention des pouvoirs publics sans pour autant empêcher la création de projets originaux, comme cela s’est passé pour le spectacle vivant. Le développement des musiques techno doit par ailleurs faire l’objet d’une circulaire en cours de signature, étant entendu que la réflexion d’ensemble que le ministère mène sur les musiques actuelles sera étendue aux musiciens eux-mêmes.

- Un réaménagement du régime juridique des sociétés d’auteurs est en cours ; il vise notamment à harmoniser les documents financiers et à mieux assurer la transparence du fonctionnement de ces sociétés, qu’il s’agisse de l’information des associés ou de la répartition des droits.

- L’AFAN pourrait être restructurée sous forme d’un établissement public doté d’un cahier des charges, de manière à ce que les règles de concurrence et de marchés publics soient mieux appliquées.

- S’agissant de la grotte Chauvet, il n’appartient pas au ministre de se prononcer sur les procédures judiciaires en cours. Les fonctionnaires mis en cause doivent disposer des moyens de se défendre et les différents interlocuteurs ont été reçus au ministère. Personne ne doit avoir le sentiment d’avoir été lésé.

- Le budget de la culture est passé de 0,935 % du budget général en 1997 à 0,952 % en 1998 et s’élèvera à 0,967 % en 1999, ce qui approche du seuil symbolique de 1 %, que le Premier ministre s’est engagé à atteindre d’ici la fin de la législature.

- Pour les travaux d’entretien du patrimoine monumental, le taux maximum de prise en charge par l’Etat est en principe de 40 % du coût total du chantier, mais des dérogations sont possibles selon la nature des monuments et lorsque les collectivités locales ne peuvent pas financer la part résiduelle.

- S’agissant du Mobilier national, sa réinstallation dans ses locaux s’accompagnera d’une réévaluation de ses fonctions par un mode de gestion adapté, et d’une revalorisation de son patrimoine aussi riche que peu accessible. Le savoir-faire et la qualité du travail de ses personnels tant en réparation qu’en fabrication doivent être mieux appréciés. Le Fonds national d’art contemporain verra par ailleurs ses responsabilités redéfinies, ainsi que sa relation avec la Délégation aux arts plastiques. Le travail efficace effectué par la mission de récolement des dépôts de meubles et d’œuvres d’art des collections nationales dans les administrations devraient contribuer à la remise à niveau de la gestion des oeuvres. Les moyens nécessaires au bon fonctionnement de cette mission sont assurés dans le budget pour 1999.

Toujours en ce qui concerne les arts décoratifs, l’année 1999 verra l’engagement de travaux à la manufacture de Sèvres visant à lui rendre des conditions de fonctionnement satisfaisantes.

- La loi du 5 juillet 1996 traitant des équipements cinématographiques et des conditions d’implantation des salles “ multiplexes ” a des mérites, mais aussi des limites, les seuils fixés étant contournés trop facilement. Au 1er juillet 1998, on comptait 37 multiplexes réalisant 20 % des entrées et des recettes cinématographiques sur le territoire français. Bien que le rythme d’ouverture de tels complexes soit en train de ralentir, il convient effectivement de réexaminer les procédures de saisine des commissions départementales et de la commission nationale d’équipement cinématographique. Il reste que les communes sont aussi responsables, et il est regrettable qu’elles n’apprécient pas toutes de la même façon les conséquences économiques, artistiques et culturelles d’éventuelles nouvelles implantations.

- Le rééquilibrage des actions et des crédits du ministère entre Paris et la province fait l’objet d’un plan décennal qui sera poursuivi. L’élaboration des contrats de plan Etat-région devrait également fortement y contribuer.

Par ailleurs, il serait souhaitable que la Ville de Paris, progressivement, s’investisse davantage dans la prise en charge des équipements culturels situés sur son territoire, afin de permettre une répartition plus équitable des actions de soutien à la création, non seulement entre Paris et la province, mais aussi avec les petite et grande couronnes parisiennes, elles aussi défavorisées.

- En ce qui concerne la décentralisation, il faut savoir que le taux d’exécution des contrats de plan entre le ministère de la culture et les régions, situé autour de 50 %, est à l’heure actuelle le plus faible de tous les départements ministériels. Depuis plus d’un an maintenant, le ministère s’est attaché à résorber la dette de 300 millions de francs en crédits de paiements qu’il avait contracté envers les collectivités locales ; ce sera chose faite début 1999. Pour les nouveaux contrats, le ministère sera tout à la fois plus sélectif sur les projets retenus et plus clair sur ses propres engagements, ce qui est la condition même de la crédibilité de son action. Les projets à caractère régional seront privilégiées, tout en préservant l’équilibre entre les villes centres et les zones rurales et en évitant les doublons.

- La participation du ministère de la culture à la politique de la ville et de la lutte contre les exclusions sera poursuivie en 1999 avec des dotations respectives de 60 et de 93 millions de francs. Sera privilégiée la continuité des actions. Il importe, en effet, que les situations précaires ne s’accompagnent pas, en outre, d’un accès intermittent à la culture.

En conclusion, le président a constaté que l’ampleur des questions soulevées rendait souhaitable l’organisation d’un débat en séance publique sur la politique culturelle.

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrice Martin-Lalande, les crédits de la culture pour 1999, au cours de sa séance du 14 octobre 1998.

A l’issue de son exposé, au vu des aspects positifs et négatifs du projet de budget pour 1999 et tout en appréciant les efforts effectués sur certains points, le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la culture pour 1999.

M. Marcel Rogemont, après s’être félicité des propos pondérés tenus par le rapporteur pour avis, a fait les remarques suivantes :

- Le simple constat comptable des crédits affectés au ministère de la culture doit déjà inciter à leur adoption. Cependant, il est tout à fait sûr que la politique culturelle dépasse le ministère de la culture pour s’inscrire dans un ensemble d’actions gouvernementales.

- L’intérêt majeur du projet de budget pour 1999 est de réintroduire une dimension politique dans l’action culturelle en marquant la volonté de reconstruire une relation, jamais terminée, entre public et culture. Une telle approche entraine bien évidemment une restructuration et une réorganisation des services ainsi qu’une forte déconcentration et rend donc parfois difficile les comparaisons budgétaires avec les années antérieures.

- L’établissement de conventions écrites entre l’Etat et les artistes ou les collectivités locales, à travers notamment la charte de service public, relève d’une pratique saine qui a le mérite de définir clairement les obligations de chacun et permet une évaluation des réalisations.

- La volonté de développer la pratique artistique fait l’objet d’objectifs ambitieux comme le montre l’action menée pour les musiques actuelles. Elle relève d’une nouvelle approche de l’art correspondant aux besoins des jeunes qui n’auraient pas pu bénéficier d’un enseignement classique trop élitiste.

- Après avoir subi des coupes claires sous le précédent Gouvernement, les crédits du patrimoine sont en augmentation de 42,5 % sur deux ans : il semble donc difficile de faire des réserves sur ce sujet.

- L’archéologie préventive, dont la nécessaire réorganisation demande une attention toute particulière, fait actuellement l’objet d’une étude conduite par trois personnalités, ce qui a justifié le report de la présentation d’un projet de loi.

- Parallèlement à l’augmentation de 26 % des crédits destinés au soutien de la langue française, il est prévu un accompagnement de l’enseignement des langues régionales.

M. Bernard Perrut a rappelé qu’un budget peut être examiné autrement que par un simple constat de l’augmentation des crédits et notamment par l’analyse des choix.

Il a ensuite fait des observations sur :

- les collectivités locales qui éprouvent des difficultés importantes pour obtenir des aides de l’Etat, en particulier via les DRAC, ou pour établir des conventions avec l’Etat ;

- les crédits prévus dans le budget pour 1999 pour le développement des théâtres missionnés et des écoles de musique ;

- la nécessité de soutenir davantage les bibliothèques notamment pour les acquisitions qui relèvent d’un volet social comme par exemple les éditions en Braille.

Le rapporteur pour avis a apporté les réponses suivantes :

- Une relation plus étroite entre public et culture passe par un renforcement de l’effort en faveur des enseignements artistiques et une coopération accrue des ministères de la culture, de l’éducation nationale et de la jeunesse et des sports. A cet égard, une véritable politique d’ensemble et des moyens suffisants font défaut.

- Les nouvelles technologies de l’information proposent un outil de diffusion interactif qui amènera à la culture un public nouveau.

- En 1997, le nouveau Gouvernement avait procédé à une annulation de 756 millions de francs sur les crédits culture, soit près de 5 % du budget adopté par la précédente majorité et critiqué comme insuffisant. Il serait souhaitable à l’avenir d’éviter de procéder à ce type de régulation.

Puis, contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la culture pour 1999.

1 De 2 977 milliards de francs en 1981, le budget de la culture est passé à 5 994 millions de francs en 1982 et 12 105 millions de francs en 1991

2 Ces données, qui proviennent de la réponse à la question budgétaire sur les enseignements artistiques, ne correspondent pas totalement à celles du “ bleu ” ayant été utilisées pour le tableau de la page précédente...

3 Rapport au Premier ministre de M. Patrice Martin-Lalande “ L’internet, un vrai défi pour la France ” - La documentation française, avril 1997.

Acessible sur : http://www.telecom.gouv.fr/francais/activ/techno/rapportpm100.asp

4 Rapport précité - proposition n° 84.

5 “ Internet et les réseaux numériques ”, rapport demandé au Conseil d’Etat par le Premier ministre en septembre 1997, établi nous la conduite de Mme Falque-Pierrotin et adopté le 2 juillet 1998.

6 Programme d’action gouvernemental pour l’entrée dans la société de l’information, p. 23.

7 Proposition n° 13 du rapport précité.

8 Proposition n° 35 du rapport précité.

9 Rapport Martin-Lalande précité, proposition n° 88.

10 “ L’exception culturelle : singularité française ou modèle européen ” Revue Études, juillet 1997.

11 Michel Schneider - Seuil 1993.

12 Chiffres-clés de la culture 1997 - Ministère de la Culture - Documentation française.

13 Revue Études - op. cité

14 Revue Études - op. cité

15 “ A quoi sert le ministère de la Culture - Le cas français ”. Revue “ Questions de Culture ”. Québec. 1984.

16 Revue Études - op. cité

17 Taux de déconcentration par rapport aux crédits déconcentrables, c’est-à-dire non compris les crédits de personnel, les subventions aux établissements publics et les moyens de fonctionnement de l’administration centrale.

18 Fred Thorel, débat sur “ le rôle des collectivités locales ” – Revue d’administration publique, n° 65 (janvier mars 1993) intitulé “ Administrer la culture ? ”.

19 “ Pour une refondation de la politique culturelle ”, rapport au ministre de la culture, La documentation Française, octobre 1996

20 Le Figaro du 28 mai 1998

21 Dominique Wallon - entretien avec la revue Cultures n° 63 - mai 1998.

- Cliquer ici pour retourner au sommaire général.

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis



© Assemblée nationale