N° 1114

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078).

TOME VIII
DÉFENSE
CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

PAR M. Jean MICHEL,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros : 1111 (annexe n° 40)

Lois de finances

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE PREMIER

LE CONTEXTE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT :

DES CONTRAINTES QUI POURRAIENT REMETTRE EN CAUSE

LA PROGRAMMATION MILITAIRE INITIALE

I. —  LA TENDANCE À LA RÉDUCTION DURABLE DES CRÉDITS

D’ÉQUIPEMENT 9

A. —  UNE DIMINUTION SENSIBLE DES DOTATIONS 9

1. — Une stabilisation après un mouvement continu de baisse 9

2. — Un déséquilibre relatif au sein du budget de la Défense 14

3. — Une évolution différenciée des crédits d’équipement 16

B. —  UNE RÉGULATION BUDGÉTAIRE EXCESSIVE AU COURS DES

EXERCICES PRÉCÉDENTS 19

1. — L’importance des annulations et des gels de crédits 19

2. — Les reports de charges et de crédits 21

II. —  DE L’AMÉLIORATION DE LA GESTION À LA RÉVISION DE LA

PROGRAMMATION 24

A. —  L’ÉVOLUTION DES MÉTHODES DE GESTION 24

1. — Les axes majeurs d’une remise en ordre 25

a) Les opérations budgétaires d’investissement 25

b) La mise en oeuvre de la comptabilité spéciale des investisse-

ments 26

c) La réforme de la nomenclature budgétaire 27

2. — Des améliorations encore nécessaires 28

a) L’adéquation entre autorisations de programme et crédits de

paiement 28

b) L’ampleur des charges mal programmées : l’exemple des

dépenses liées aux opérations extérieures 29

B. —  LE DÉCALAGE PAR RAPPORT À LA PROGRAMMATION 31

1. — L’encoche : un phénomène exceptionnel aux conséquences

durables 31

2. — La revue de programmes : une inflexion réaliste et néces-

saire de la programmation 32

CHAPITRE II

L’ADÉQUATION INCOMPLÈTE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT AUX OBJECTIFS DE LA PROGRAMATION

I. —  L’ANALYSE PAR OBJECTIFS DES PROGRAMMES MAJEURS 37

A. —  LE REDIMENSIONNEMENT DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE 38

1. — Une inflexion durable des crédits 38

2. — La confirmation du choix de deux composantes 39

a) La force océanique stratégique FOST 39

b) La composante aéroportée 40

B. —  LA PROJECTION DES FORCES ARMÉES 41

1. — Le renouvellement des flottes d’avion de combat et de

transport au coeur des préoccupations de l’Armée de l’air 41

a) Le remplacement des Jaguar par des Mirage 2000 D 41

b) Le programme Rafale 42

c) La flotte de transport futur 43

2. — Des capacités accrues de combat terrestre 44

a) La poursuite du programme de chars Leclerc 45

b) Les hélicoptères de combat 46

3. — Les programmes d’équipement de la Marine dominés par le

groupe aéronaval 47

a) La constitution d’un groupe aéronaval 48

b) L’aéronautique embarquée 49

c) La flotte de surface 50

C. —  LA PRÉVENTION DES CRISES ET LA PROTECTION 52

1. — Le ralentissement des programmes spatiaux 52

a) Les programmes d’observation optique Hélios 1 et 2 53

b) Les satellites de télécommunications Syracuse 54

2. — Le budget de la Gendarmerie 54

II. —  LA PRÉPARATION INCERTAINE DE L’AVENIR 56

A. —  LA DIMINUTION TENDANCIELLE DES CRÉDITS DE RECHERCHE

DÉVELOPPEMENT 56

1. — Une érosion décennale des crédits de recherche 56

2. — Un enjeu stratégique majeur 57

B. —  LES ALÉAS DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE 58

1. — La difficile recherche de partenaires pour les programmes

spatiaux 59

a) La nouvelle génération de satellite d’observation 59

b) L’exemple du système spatial radar 60

c) Les communications satellitaires 61

2. — Les remises en cause du programme de frégates Horizon 61

CONCLUSION 63

TRAVAUX EN COMMISSION 65

I. —  AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 65

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF

D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 80

III. —  AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL

POUR L’ARMEMENT 89

IV. —  EXAMEN DE L’AVIS 99

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois, la Commission de la Défense nationale a décidé d’établir un avis budgétaire sur les crédits d’équipement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1999. Elle marque ainsi son attachement à la politique d’acquisition de matériels militaires qu’elle étudiait seulement jusqu’à présent au moment des débats sur les lois de programmation militaire. Il est en effet apparu important d’effectuer une analyse transversale des dotations en capital et d’avoir une vision globale des grands programmes d’équipement qu’elles financent.

*

L’équipement des forces armées s’inscrit toujours dans le cadre de la programmation militaire pour la période 1997-2002, révisé par la revue de programmes du printemps 1998. A partir des capacités-clés à obtenir dans les domaines du renseignement, des informations et de la projection des forces, les orientations fixées prennent en compte la professionnalisation des forces et la réduction du format.

Les crédits d’équipement ont été marqués en 1998 par une importante réduction de 10 % par rapport aux dotations prévues pour l’exercice 1997 et par rapport à la deuxième annuité de programmation. Ce décalage -baptisé encoche- était nécessaire en raison de la conjoncture financière. Il poursuivait les mouvements d’annulations de crédits qui, en 1993 puis en 1995 et en 1997, ont profondément perturbé le déroulement des programmes majeurs remettant en cause leur ampleur comme leur calendrier.

Le projet de budget d’équipement pour 1999 semble marquer une rupture puisqu’il rétablit les dotations en capital à hauteur de 86 milliards de francs (valeur 1998). Ce niveau ne correspond pas à celui de l’annuité de programmation (86 milliards de francs valeur 1995, soit 89,7 milliards de francs valeur 1998). Mais il respecte l’engagement financier pris au niveau de la revue de programmes.

L’analyse plus approfondie du projet de titre V montre que sa préparation n’est pas exempte de tout défaut. Sans parler de turpitudes, il faut bien reconnaître qu’un certain nombre d’opérations, en particulier des modifications de structure budgétaire, affectent le montant symbolique de 86 milliards de francs.

Devant la Commission de la Défense, le Chef d’Etat-major des Armées a estimé que les dotations en capital étaient amputées en fait de près de 1 400 millions de francs et que ce manque introduisait dès le départ un déficit structurel de crédits.

*

Le cadre fixé par la revue des programmes et la mise en place de nouvelles méthodes de gestion devraient optimiser la répartition des dotations et leur exécution. Mais, malgré toutes les raisons avancées, les changements de périmètre et de nomenclature du titre V ne facilitent que pour partie la lecture de l’effort budgétaire.

CHAPITRE PREMIER

LE CONTEXTE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT :

DES CONTRAINTES QUI POURRAIENT REMETTRE EN CAUSE LA PROGRAMMATION MILITAIRE INITIALE

I. —  LA TENDANCE À LA RÉDUCTION DURABLE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT

L’analyse du projet de budget pour 1999 ne peut s’extraire du contexte des exercices budgétaires précédents et en particulier des contraintes qu’ils ont subies depuis plusieurs années.

Deux types de contraintes agissent sur l’évolution des crédits militaires :

— d’une part, la politique budgétaire de laquelle le budget de la défense ne peut s’extraire ;

— d’autre part, les difficultés de trésorerie entraînées par les gestions successives.

L’exécution des budgets de 1995 à 1997 a revêtu un caractère exceptionnel par l’importance des mouvements enregistrés et les pratiques, parfois officieuses, de régulation.

A. —  UNE DIMINUTION SENSIBLE DES DOTATIONS

1. — Une stabilisation après un mouvement continu de baisse

·  Hors charges de pensions, les crédits de paiement s’élèvent à 184,72 milliards de francs dans le budget voté de 1998 dont 103,72 milliards de francs pour le fonctionnement et 81 milliards de francs pour l’équipement.

La présentation officielle de l’écart par rapport à la programmation militaire a pris le terme “ d’encoche ”. Il est vrai que l’écart du budget en cours d’exécution atteint au minimum 8,3 milliards de francs par rapport au niveau de l’annuité de la programmation et sans tenir compte des modifications de structures. Cette théorie sous-entendait le caractère provisoire et exceptionnel du décalage entre prévisions et réalités, les budgets postérieurs permettant de revenir au niveau de la programmation.

En ce qui concerne les crédits d’équipement, la réduction a connu de 1997 à 1998 une ampleur particulière. En francs courants et en crédits de paiement, elle s’est élevée à 8,1 %. L’écart est encore plus important à structure budgétaire constante. Trois mouvements ont affecté la présentation des crédits pour 1998 :

— 500 millions de francs, liés aux dépenses de la partie étatique de la DCN, ont été transférés au titre III ;

— 1,1 milliard de francs de charges d’entretien programmé des matériels, précédemment affectés aux dépenses de fonctionnement, ont été transférés au titre V ;

— le budget de 1998 a inclus une dotation de 500 millions de francs relative à la recherche duale, alors que la loi de programmation militaire prévoyait expressément qu’il serait mis fin à la pratique des transferts de crédits à partir du budget du ministère de la Défense.

Au total, la Commission des Finances de notre Assemblée a eu raison de considérer qu’en raison des crédits transférés, des transferts de charges et de l’imputation de crédits duaux, les dotations d’équipement pour 1998 atteignaient seulement 79,9 milliards de francs à structures constantes. L’écart par rapport à l’annuité de programmation a donc atteint près de 9,8 milliards de francs (soit environ 10,4 %).

·  Le projet de budget pour 1999 prévoit de porter les dotations à 190 milliards de francs dont 104,7 milliards de francs pour le titre III et 86 milliards de francs pour les titres V et VI.

Après la réduction de 3,25 % en francs courants de 1997 à 1998, la dotation annuelle sera donc en augmentation globale de 2,9 % en francs courants ou 1,7 % en francs constants. La remontée à 86 milliards de francs correspond donc bien à une rupture du mouvement continu de baisse.

La loi de programmation militaire 1997-2002 ayant prévu une dotation annuelle constante de 193 milliards de francs (valeur 1998), le projet de budget reste encore inférieur de 3 milliards de francs par rapport à la référence.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS MILITAIRES EN LOI DE FINANCES INITIALE (HORS PENSIONS)

A. —  PAR ARMÉE

(crédits de paiement en milliards de francs)

   

Air

Terre

Marine

Gendarmerie

Services communs

Total

 

Titre III

15,28

29,60

13,21

19,15

24,95

102,22

1997

Titres V et VI

21,62

19,45

22,31

2,16

23,16

88,7

 

Total

36,9

49,05

35,53

21,32

48,12

190,92

 

Titre III

15,71

30,59

13,08

19,97

24,36

103,72

1998

Titres V et VI

19,16

17,35

19,55

2,09

22,83

81,0

 

Total

34,87

47,94

32,64

22,07

47,19

184,72

 

Evolution 1998/1997 en %

- 5,6 %

- 2,3 %

- 8,2 %

+ 3,4 %

- 2 %

- 3,25 %

Projet de

Titre III

15,56

30,7

12,91

20,5

24,3

103,96

budget

Titres V et VI

20,24

18,49

21,026

2,16

24,08

86

pour 1999

Total

35,80

49,19

33,936

22,66

48,38

190

 

Evolution 1999/1998 en %

+ 2,67 %

+ 2,54 %

+ 3,95 %

+ 2,67 %

+ 2,52 %

+ 2,9 %

B. —  PAR CHAPITRE

Parties et chapitres (1)

1996
Dépenses réelles

1997

Loi de finances

initiale

1998

Loi de finances

initiale

Evolution
1998/1997

1999
Projet de budget

Evolution
1999/1998

51-60 Espace

3,563

3,298

3,112

- 12,7 %

2,618

- 15,9 %

51-70 Nucléaire

12,131

11,948

10,944

- 9,8 %

11,502

+ 5,9 %

51-80 Autres études

12,055

13,605

11,020

- 8,6 %

12,543

+ 13,8 %

52-70 Investissements

techniques et industriels

1,321

1,335

1,329

+ 0,6 %

1,2

- 9,7 %

53-70 Fabrications

Services communs,

Gendarmerie

2,278

3,136

3,004

+ 31,8 %

3,257

+ 8,4 %

53-80 Fabrications Air,

Terre, Mer

43,658

47,628

43,679

- 8,3 %

45,827

+ 4,9 %

Infrastructures

6,68

6,552

6,031

- 9,8 %

6,533

+ 8,3 %

Sous-total titre V

81,686

88,699

79,122

- 3,2 %

83,48

+ 5,5 %

Titre VI

0,798

1,194

1,879

+ 57,4 %

2,52

+ 34,11 %

Total équipement

82,484

88,705

81

- 8,6 %

86

+ 6,2 %

(1) Ancienne nomenclature

·

·  La présentation du projet de budget pour 1999 est affectée de mouvements de structure qui le rendent extérieurement conforme mais intérieurement en décalage avec la référence de la revue de programmes. Ces mouvements portent, en crédits de paiement, sur les montants suivants :

— le transfert de 400 millions de francs d’entretien programmé des matériels du titre III vers le titre V oblige à comprimer d’un montant égal les dotations en capital ;

— malgré les décisions prises lors du vote de la loi de programmation militaire, les crédits d’études incluent 900 millions de francs de dotations destinées au BCRD et qui seront donc transférées sur des ministères civils sans que le ministère de la défense ait l’assurance qu’elles soient destinées à des recherches duales ;

— des opérations mineures de changement de périmètre portent également sur près de 100 millions de francs.

C’est donc au total près de 1 400 millions de francs qui doivent être compensées sur le titre V. Les conséquences de ce changement de périmètre sont d’autant plus importantes qu’il sera reconduit sur le restant de la programmation et qu’il constitue donc bien un ajustement budgétaire supplémentaire. Ainsi, de 1999 à 2002, environ 1 600 millions de francs au titre de l’entretien programmé des matériels seront imputés sur le budget d’équipement.

(Crédits de paiement en milliards de francs)

 

1998

1999

Budget d’équipement initial

(évolution / exercice précédent)

81

(- 8,1 %)

86

(+ 8,17 %)

A soustraire

— recherche duale

— transferts du titre III au titre V

· EPM

· autres

0,5

1,1

0,9

0,4

0,1

A ajouter

— transferts du titre V au titre III

· au titre de la DCN étatique

+ 0,5

0

Budget à structure constante

(évolution / exercice précédent)

79,9

-

84,6

5,88 %

Référence de l’annuité de la programmation

89,7

89,7

Ecart en valeur absolue

en valeur relative

9,8

(10,4 %)

5,1

(5,7 %)

Par ailleurs, les dotations en capital subissent une perte nette de contenu physique en raison de l’augmentation de 14 à 25 % de la part patronale de cotisations au fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’Etat (FSPOE). Cette augmentation transite par le compte de commerce de la DCN et est répercutée sur les coûts de production.

2. — Un déséquilibre relatif au sein du budget de la Défense

L’une des premières conséquences macrobudgétaires de la diminution sensible des dotations d’équipement sur moyenne période est l’évolution des parts des titres III, V et VI dans le budget de la défense.

Des logiques divergentes d’évolution affectent les dépenses ordinaires et les dépenses en capital.

·  Ainsi, alors que les dotations initiales de fonctionnement sont globalement préservées, l’effort de réduction des crédits militaires est supporté de manière prépondérante depuis quelques années par les dépenses d’équipement.  De même, alors que les dépenses effectives du titre III connaissent une augmentation régulière et progressive, les dépenses en capital des titres V et VI s’érodent graduellement.

Depuis le début des années 1990, la part des dépenses en capital dans le budget de la Défense s’est réduite. En 1990, elle représentait 53,89 % du budget initial hors pensions ; elle est passée à 46,91 % en 1996, 46,45 % en 1997 et 43,85 % en 1998. Le projet de budget pour 1999 permet aux crédits d’équipement de remonter à 45,27 %.

Cette évolution est encore plus visible pour les dépenses effectives. La part des dépenses en capital ne représentait plus que 42,06 % du budget exécuté en 1996 et 41 % en 1997, même si ces deux exercices ont marqué une légère inflexion dans leur évolution.

Une telle rupture d’équilibre entre fonctionnement et équipement traduit autant la rigueur budgétaire que la professionnalisation des armées. Celle-ci a pour conséquence de tendre les chapitres relatifs aux rémunérations et charges sociales des personnels et, à l’intérieur d’une enveloppe budgétaire globale, de peser sur les chapitres d’équipement.

·  Il est vrai qu’il est difficile d’effectuer les comparaisons d’une année à l’autre comme de comparer les titres entre eux en raison des continuelles modifications de structures et des transferts opérés entre titres.

C’est ainsi que dans la loi de finances initiale pour 1998, 500 millions de francs de crédits de paiement précédemment imputés au budget de la Marine pour la partie étatique de la DCN ont été transférés du titre V (réduit donc artificiellement) au titre III (augmenté de même nature). De même, une dotation de 503 millions de francs a été inscrite au budget de fonctionnement de la Gendarmerie pour compenser les fonds de concours versés par les sociétés concessionnaires d’autoroute. A structure constante, le titre III de la Défense est donc apparu majoré de près de 1 milliard de francs.

·  L’analyse sur longue période est intéressante comme le montre l’évolution du PIB et des titres III et V de la Défense depuis 1962. Le titre III a globalement conservé son niveau depuis vingt ans (indice 113 en 1999 pour une base 100 en 1962). Par contre, les titres V et VI ont suivi une histoire mouvementée :

— une croissance exceptionnelle dans les années 60 (indice 184 en 1968) ;

— une lente dégradation de la fin des années 60 au milieu des années 70 (indice 152 en 1976) ;

— une nouvelle croissance forte jusqu’en 1982 (indice 223) suivie d’un alignement sur l’évolution du PIB pendant une dizaine d’années ;

— une réduction importante qui se manifeste par un décrochage par rapport à la croissance du PIB depuis le début des années 90 (indice 186 en 1998).

ÉVOLUTIONS COMPARÉES

DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DES DÉPENSES EN CAPITAL

(en pourcentage)

(Courbes établies à partir des lois de finances initiales et du projet de loi de finances pour 1999)

3. — Une évolution différenciée des dépenses d’équipement

·  La baisse des dotations prévues en loi de finances initiale n’est pas uniforme. Elle a concerné de manière prioritaire les dépenses nucléaires par rapport aux dépenses d’armement classique et affecte les programmes de cohérence et de soutien (munitions, entretien programmé des personnels et des matériels) ainsi que la préparation de l’avenir.

Ainsi, dans le budget 1998, la diminution globale de 8,6 % recouvre celle plus importante des crédits d’études (- 12,7 % pour les études espace ou - 9,8 % pour les études nucléaires), une stabilisation des investissements et une forte réduction des fabrications (- 8,1 %) et des crédits d’infrastructures (- 9,8 %).

·  De même, la croissance globale de 5,5 % dans le projet de budget pour 1999 recouvre une évolution différenciée, que le changement de nomenclature rend difficile à saisir. Le tableau suivant retrace la comparaison entre les budgets 1998 et 1999 selon les deux nomenclatures. Dans la nomenclature 1999, les principales évolutions sont les suivantes :

— l’augmentation la plus sensible concerne les chapitres 53-71 (équipements communs, interarmées et de la Gendarmerie) et 55-91 (Soutien des forces) ;

— les études relatives à l’espace ou aux systèmes d’information et de communication (+ 4,65 %), les crédits en faveur des forces nucléaires (+ 4,66 %) ou des infrastructures (+ 4,5 %) connaissent une évolution légèrement inférieure à la moyenne (+ 5,5 %) ;

— les dotations relatives à l’équipement des armées (chapitre 53-81) restent stables en francs constants ;

— les autres études subissent une diminution de 5,5 % sur lequel votre rapporteur reviendra.

TITRE V

BUDGETS 1998 ET 1999 SELON LES DEUX NOMENCLATURES

(crédits de paiement en millions de francs)

Nomenclature 1998

 

Nomenclature 1999

Chapitres

LFI 1998

PLF 1999

 

Chapitres

LFI 1998

PLF 1999

Evolution

51-60 Espace

3 112

2 618

 

51-61 Espace - Systèmes d’information et de communication

6 881

7 201

+ 4,65 %

51-70 Nucléaire

10 944

11 502

 

51-71 Forces nucléaires

15 364

16 080

+ 4,66 %

51-80 Etudes et développements

11 020

12 543

 

52-81 Etudes

3 418

3 230

- 5,50 %

52-70 Investissements DGA

1 330

1 200

         

53-70 Fabrication services communs

3 004

3 257

 

53-71 Equipements communs, interarmées et de la Gendarmerie

9 394

10 658

+ 13,45 %

53-80 Fabrications, Air, Terre, Marine

43 679

45 827

 

53-81 Equipement des armées

21 429

21 787

+ 1,67 %

54-40 Infrastructure

6 033

6 533

 

54-41 Infrastructure

7 312

7 641

+ 4,5 %

       

55-11 Soutien des forces

5 179

5 992

+ 15,7 %

       

55-21 Entretien programmé des matériels

10 145

10 891

+ 7,35 %

Total

79 122

83 480

 

Total

79 122

83 480

+ 5,50 %

·

B. —  UNE RÉGULATION BUDGÉTAIRE EXCESSIVE AU COURS DES
EXERCICES PRÉCÉDENTS

Sur les trois derniers exercices, de 1995 à 1997, les modalités de régulation budgétaire, qui ne sont pas propres au budget de la Défense mais s’imposent aussi à lui, ont conduit à une large remise en cause des dotations initialement votées, notamment par le biais des annulations de crédits, de la difficulté d’engager et de consommer les crédits ou par le jeu des reports en fin d’exercice.

Le budget de la défense en exécution n’a plus qu’un assez lointain rapport avec les dotations initiales. Il a été imaginé, dans le passé, de présenter les dotations en termes de moyens disponibles. La Commission de la Défense nationale a de nombreuses fois dénoncé le caractère fictif de cette notion et ses conséquences néfastes sur la lisibilité du budget. Elle s’est donc félicitée de son abandon en 1996.

1. — L’importance des annulations et des gels de crédits

La pratique des annulations de crédits, prévue par l’article 13 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, découle plus de la constatation qu’un crédit “ devient sans objet en cours d’année ”, comme le prévoit la lettre de la loi, mais est devenue un mode de régulation budgétaire. Le caractère systématique et massif des annulations de crédits militaires a entraîné des conséquences préoccupantes.

Le tableau suivant montre que les crédits d’équipement ont été les seuls du budget de la Défense à être touchés par les annulations. Celles-ci doivent être considérées comme les gages des ouvertures de crédit autorisées sur les dépenses de fonctionnement.

A hauteur de 21,632 milliards de francs pour les autorisations de programme et 11,765 milliards de francs pour les crédits de paiement en 1995, les annulations de crédits ont porté encore sur 8,507 milliards de francs en autorisations de programme comme en crédits de paiement en 1996. Elles se sont élevées à 10,010 milliards de francs en autorisations de programme et 5,010 milliards de francs en crédits de paiement en 1997. Ces mouvements ont représenté près de 9,56 % des crédits votés et 10,91 % des dépenses nettes de l’exercice en 1996, environ 2,14 % des crédits votés en 1997.

Les annulations visent les armées de manière à peu près homogène et ont fait l’objet, en 1996 comme en 1997, d’un calcul au prorata des ressources initiales (et non au prorata des crédits non encore dépensés).

En huit ans, de 1990 à 1997, près de 40 milliards de francs de crédits de paiement du titre V ont été annulés en exécution budgétaire. Si on considère avec la Commission des Finances de notre assemblée que seuls 6,7 milliards de francs (2,5 milliards de francs de 1990 à 1995 et 4,2 milliards de francs en 1996) de crédits de report ont pu être réellement consommés au cours de la même période, on mesure l’ampleur de l’écart entre les ressources prévues initialement et les crédits réellement alloués.

Une comparaison entre ministères fait apparaître la part prépondérante du budget de la défense dans la régulation budgétaire globale. Alors que les crédits militaires représentent environ 10 % du budget de l’Etat, les annulations de crédits sur le budget de la défense ont représenté le tiers de l’ensemble des annulations du budget général en 1993 et plus de 40 % en 1995 comme en 1996.

Rappelons qu’en 1996, les annulations ont été jugées nécessaires pour couvrir les dépenses liées à une première recapitalisation de GIAT-Industries à hauteur de 3,71 milliards de francs et pour gager les ouvertures de crédits sur les chapitres de fonctionnement en liaison avec les opérations extérieures.

ANNULATIONS DE CRÉDITS
AU COURS DES DERNIERS EXERCICES

 

1995

1996

1997

Autorisations de programme

     

en milliards de francs

21,792

8,506

10,010

en % des crédits votés

22,95 %

9,56 %

5,65

en % des dépenses nettes

     

Crédits de paiement

     

en milliards de francs

11,892

8,506

5,010

en % des crédits votés

12,53 %

9,56 %

2,14

en % des dépenses nettes

15,91 %

10,91 %

 

2. — Les reports de charges et de crédits

Bien que de nature différente, ces deux catégories de reports sont liées.

·  Même si les crédits d’équipement sont reportables de droit, le ministère de la Défense est contraint à la fois par l’autorisation tardive de consommer les reports de l’année précédente et par les reports qui lui sont imposés à la fin de l’exercice en cours en raison de gels de crédits en cours d’année qui interdisent de fait leur consommation.

Les reports de crédits budgétaires, qui avaient atteint 11,37 milliards de francs de 1994 à 1995 et 11,09 milliards de francs de 1995 à 1996, sont revenus à un niveau moindre -quoique encore élevé- : 5,273 milliards de francs de 1996 à 1997 et 6,77 milliards de francs de 1997 à 1998.

Les arrêtés de report autorisant la consommation des crédits de reports avant la fin de l’exercice ont longtemps été pris tardivement dans l’année (en novembre 1995 par exemple pour ceux de l’exercice 1994), ce qui empêchait en pratique cette consommation et contraignait à de nouveaux reports.

·  Les reports de charges, qui n’ont pas de fondement juridique mais correspondent à une nécessité technique, peuvent être définis comme l’ensemble des dettes impayées à la fin d’un exercice et qui seront imputées sur l’exercice suivant. Ils correspondent soit à des retards effectifs de paiement (pour des raisons matérielles ou financières), soit à des factures en attente normale de paiement.

Du point de vue technique, un minimum de reports de charges est inévitable compte tenu des masses financières en jeu. A titre d’exemple, une semaine d’engagement de crédits en capital correspond à environ 2 milliards de francs.

Le gonflement spectaculaire des reports de charges (3,2 milliards de francs à la fin de 1994, 11,9 milliards de francs à la fin de 1995) s’explique par l’importance des annulations de crédits durant ce même exercice qui n’ont pas pu être compensées par une réduction comparable des engagements de dépenses. L’autorisation de consommer près de 3,7 milliards de francs de crédits de report a permis de ramener le montant des reports de charges à 5,56 milliards de francs à la fin de l’exercice 1996.

Equivalents à 11,9 milliards de francs de 1995 à 1996 et 5,56 milliards de francs de 1996 à 1997, les reports de charge sont du même niveau que le montant des reports de crédits. Mais l’aggravation de la pratique des reports de charges qui reflète les conditions difficiles d’exécution du budget a non seulement une conséquence sur la gestion suivante mais se traduit par l’augmentation des intérêts moratoires. Ceux-ci sont versés aux entreprises en compensation des retards de paiement mais ils ne pallient pas toujours, surtout pour les PME, l’absence ou le différé des commandes.

Le ministère de la Défense aura versé 316 millions de francs en 1995, 757 millions de francs en 1996 et 231 millions de francs en 1997 au titre des intérêts moratoires. Pour 1996, 223 millions de francs d’intérêts moratoires étaient dus au titre des retards constatés en 1995 et le reste était lié à la gestion de 1996. Un recensement systématique, effectué fin 1996 par une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Contrôle Général des armées a évalué à 11 milliards de francs le montant des factures impayées dont 6,2 milliards de francs de créances sur douze grands groupes industriels français pouvant donner lieu à intérêts moratoires.

La Commission de la Défense a effectué une analyse de ce phénomène dans les avis qu’elle a présentés sur les projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 et 1996.

L’effet le plus pervers de l’ensemble de ces mesures de régulation et de gestion repose dans la distorsion entre les évolutions de crédits qui sont affichées et les évolutions réelles. L’exemple le plus étonnant concerne l’exercice 1996 par exemple. Alors que la loi de finances initiale prévoyait une diminution de 6,3 % des crédits, en exécution, les dépenses nettes se sont révélées supérieures de 4,4 % par rapport à 1995.

DES DOTATIONS INITIALES EN CAPITAL AUX DÉPENSES NETTES

(crédits de paiement en millions de francs)

   

1995

 

1996

 

1997

Crédits votés en loi de finances initiale

 

94 939,0

 

88 947,6

 

88 699,0

Crédits annulés en cours d’exercice

 

- 11 892,0

 

- 8 507,1

 

- 5 214,6

Crédits votés

(après loi de finances rectificative)

 

83 047,0

 

80 440,5

 

83 484,4

Mouvements de crédits en cours d’exercice

           

- Reports de l’exercice précédent

- Fonds de concours

- Transferts et répartitions

 

+ 11 370,0

+ 1 554,0

- 9 901,0

 

+ 11 089,7

+ 1 607,8

- 9 866,7

 

+ 5 273,0

Solde des crédits ouverts

 

86 069,0

 

83 271,3

 

83 760

Reports à la gestion suivante

 

- 11 340,0

 

- 5 273,4

 

- 7 770

Situation avant loi de règlement

 

74 729,0

 

77 997,9

 

75 990

Ajustement du projet de loi de règlement

 

 

 

(s.o.)

DÉPENSES NETTES

 

74 729,0

 

77 997,9

 

75 990

ÉVOLUTION DES DÉPENSES MILITAIRES EFFECTIVES
(au sens de la loi de règlement)

(en milliards de francs courants)

 

Dépenses ordinaires

Dépenses en capital

Total

 

Montant

Évolution

Montant

Évolution

Montant

Évolution

1991

95,490

+ 5,35 %

93,39

- 2,2 %

188,88

+ 1,5 %

1992

95,946

+ 0,48 %

93,885

+ 0,5 %

189,831

+ 0,5 %

1993

100,401

+ 4,6 %

88,666

- 5,6 %

189,067

- 0,4 %

1994

103,705

+ 3,29 %

88,476

- 0,2 %

192,181

+ 1,6 %

1995

105,236

+ 1,5 %

74,729

- 15,5 %

179,965

- 6,4 %

1996

107,455

+ 2,1 %

77,997

+ 4,4 %

185,452

+ 3,0 %

1997

   

75,99

- 2,5 %

   

Hors pensions
‚ Estimation

L’amélioration des modalités d’exécution budgétaire en 1997 a permis de limiter le montant des reports, ce qui a contribué à une nette réduction du montant des intérêts moratoires. Mais, plusieurs autres phénomènes ont participé à cette amélioration.

D’une part, les conditions encadrant les intérêts moratoires ont été modifiées : suppression de la TVA sur les intérêts moratoires, modification du taux des intérêts moratoires applicable aux marchés passés antérieurement au 19 décembre 1993, baisse du taux d’intérêt légal (de 6,65 % en 1996 à 3,87 % en 1997).

D’autre part, un paragraphe dédié à l’imputation des intérêts moratoires a pu être créé sur les principaux chapitres concernés (chapitres du titre V et chapitre 34-20 du titre III). Le recensement comptable des intérêts moratoires a non seulement permis de remédier aux défauts d’un recensement extracomptable, en assurant la fiabilité des données collectées et une plus grande rapidité de leur exploitation, mais aussi de mettre fin aux divergences d’estimation en nomenclature budgétaire, entre la direction des services financiers et l’Agence comptable des services industriels de l’armement (ACSIA).

*

Les contraintes qui pèsent sur les crédits d’équipement nécessitent l’amélioration des méthodes de gestion. Mais elles remettent également en cause le contenu et les objectifs de la programmation militaire.

II. —  DE L’AMÉLIORATION DE LA GESTION À LA RÉVISION DE LA PROGRAMMATION

A. —  L’ÉVOLUTION DES MÉTHODES DE GESTION

Les dépenses en capital du ministère de la défense représentent à elles seules près de 55 % de l’effort d’investissement de l’Etat. La gestion de sommes aussi importantes, qui implique plus de 10 000 fournisseurs et donne lieu à plus de 70 000 marchés ou contrats, nécessite des procédures à la fois transparentes et efficaces.

La réforme des méthodes de gestion vise aussi bien les crédits que le déroulement des programmes.

·  La DGA a amélioré le processus d’acquisition des matériels en introduisant en amont une étape de préparation des programmes qui fait référence à la notion de système de forces et met en place des équipes intégrées et pluridisciplinaires. Une démarche de contrôle de gestion fondée sur des objectifs de réduction de coûts (30 % pour ceux débutant la phase de faisabilité et 10 % pour ceux entrant en phase de production) s’appuie sur la mise en place des commandes pluriannuelles, la mise en concurrence ou l’organisation du programme. Même si de nombreux exemples peuvent être cités par la DGA comme ceux du Rafale, du Tigre, des missiles Mica ou du radar Cobra, les résultats ne semblent pas à la hauteur des enjeux.

·  Plusieurs objectifs ont été parallèlement assignés à la gestion des crédits d’équipement :

— améliorer l’efficacité des procédures financières ;

— assurer un suivi comptable plus transparent et plus rigoureux ;

— réformer la conduite des programmes.

1. — Les axes majeurs d’une remise en ordre

La réforme des procédures de gestion, commencée en 1994, s’est poursuivie au cours du dernier exercice. Le 24 avril 1997, les ministères de la Défense, de l’Economie et des Finances, et de l’Industrie ont signé une instruction interministérielle sur la gestion des crédits d’équipement du ministère de la Défense, véritable protocole qui a renouvelé la gestion des crédits militaires et a mis fin à un long particularisme de ce ministère.

a) Les opérations budgétaires d’investissement

Avant 1997, 9 chapitres et 300 articles constituaient le cadre d’exécution des crédits de paiement et près de 7 000 opérations budgétaires retraçaient l’exécution des autorisations de programme.

Un nouveau concept, celui d’opération budgétaire d’investissement OBI a été mis en place au début de la gestion 1998. Il a permis de disposer d’un référentiel unique de gestion et de comptabilité pour tous les crédits d’équipement militaire. Un peu moins d’un millier d’opérations structurent désormais l’exécution des autorisations de programme comme des crédits de paiement. Ce référentiel unique de gestion et de comptabilité participe au resserrement du lien entre autorisations de programme et crédits de paiement.

Un catalogue des opérations budgétaires devrait être établi. Même s’il est conçu au départ comme un instrument de gestion interne au ministère de la défense et si son niveau de détail descend en dessous de l’article, il ne serait pas inutile qu’il soit porté à la connaissance des commissions permanentes compétentes car la simple lecture des chapitres et des articles ne suffit pas toujours à une juste appréciation des crédits.

Un système informatique global, budgétaire et comptable, laissera à chaque service gestionnaire la possibilité de suivre le rythme de consommation des crédits.

b) La mise en oeuvre de la comptabilité spéciale des investissements

La comptabilité spéciale des investissements (CSI) est une procédure appliquée depuis longtemps dans les administrations civiles et qui retrace les différentes phases de l’utilisation des autorisations de programme.

L’intérêt d’une telle procédure réside dans sa déconcentration et son caractère contradictoire, le préfet et le comptable public assurant un double contrôle qui va du suivi des procédures de marchés aux paiements. La CSI doit cependant être adaptée aux particularités de l’organisation territoriale de l’administration de la défense à l’égard de laquelle le rôle du préfet est limité. Définies par une circulaire interministérielle du 28 décembre 1995, ces adaptations concernent depuis 1996 l’ensemble des services et ont été étendues aux établissements de la DGA en 1998.

Dans la logique de la mise en place de la CSI, un contrôle financier local a été instauré, en accompagnement des mesures de déconcentration de l’action de l’Etat. L’organisation territoriale spécifique du ministère de la Défense comme la nature des dépenses militaires ont imposé des adaptations particulières, notamment l’aménagement d’un lien entre la CSI et le contrôle financier déconcentré ; la révision des circuits financiers de manière à les adapter aux compétences respectives des contrôles financiers central et déconcentré ; l’élaboration de modalités propres pour les services gérés par un compte de commerce.

L’ensemble du dispositif, piloté par un comité mixte “ Economie et Finances-Défense ”, a été étendu en 1997 à tous les ordonnateurs de la défense.

c) La réforme de la nomenclature budgétaire

Ce troisième volet du protocole interministériel de 1997 n’a pu être mis en oeuvre que dans la préparation du budget pour 1999. Il avait été annoncé par le Ministre de la défense, M. Alain Richard, lors du débat budgétaire en novembre 1998.

La précédente réforme de la nomenclature avait eu lieu en 1993. A la suite de la suppression des sections budgétaires, le nombre de chapitres était passé de seize à sept. Le plus important d’entre eux regroupait plus de la moitié des crédits du Titre V.

Trois axes ont guidé cette nouvelle réforme :

— une répartition plus homogène des crédits entre les chapitres  ;

— le regroupement des ressources d’un même programme, les crédits concernant le développement et la fabrication n’étant plus dissociés ;

— une meilleure identification des programmes majeurs d’équipement dont le financement est clairement présenté dans un article spécifique.

Les conséquences de la nouvelle nomenclature sur la gestion des crédits sont multiples. A court terme, il est à craindre que le changement de comptabilité n’entraîne d’importants mouvements de reprises en début d’exercice. Ceux-ci risquent de conduire à des retards et de provoquer des reports de crédits à la fin de l’exercice. A plus long terme, la multiplication des chapitres budgétaires et la diminution de leur volume individuel limiteront les mouvements de crédits entre les articles d’un même chapitre en cours de gestion. De ce fait le redéploiement des dotations vers les programmes les plus consommateurs de crédits sera rendu plus difficile.

La contrepartie de la transparence et de la clarté est une certaine rigidité dans la gestion des crédits. La réforme actuelle semble cependant fondée sur un bon équilibre entre transparence et rigidité.

2. — Des améliorations encore nécessaires

a) L’adéquation entre autorisations de programme et crédits de paiement

·  Dans son rapport sur l’exécution du budget pour 1996, la Cour des comptes attribue l’importance des intérêts moratoires versés par le ministère de la Défense au décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement correspondants. De même, le rapport particulier de la Cour des comptes “ sur la gestion budgétaire et la programmation au ministère de la Défense ” comme le rapport d’enquête de l’Inspection des finances et du Contrôle général des armées, ont souligné la difficulté de gestion des autorisations de programme.

L’annulation de 21,8 milliards de francs d’autorisations de programme au cours de la gestion 1995 a montré le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement, c’est-à-dire entre les engagements de dépenses dans la durée et les dotations annuelles pour couvrir ces engagements. Le suivi comptable et la nomenclature étant différents, la divergence entre autorisations de programme et crédits de paiement s’est accentuée avec le temps au point que, sur un montant total d’autorisations de programme en compte s’élevant à 1 156 milliards de francs en 1996 et 1 076 milliards de francs en 1997, la masse des dotations disponibles non affectées à des engagements précis atteindrait 35 milliards de francs pour la Cour des comptes, 120 milliards de francs pour l’Inspection générale des finances et le Contrôle Général des Armées.

Il est vrai que, d’une part, la réduction de cible des programmes a laissé une part d’autorisations de programme inemployées et que, d’autre part, s’est constitué au fil des exercices budgétaires un excédent structurel d’autorisations de programme, véritable fonds de roulement. Or, selon l’article 12 de l’ordonnance organique de 1959, les autorisations de programme “ demeurent valables sans limitation de durée, jusqu’à ce qu’il soit procédé à leur annulation ”.

·  Le souci de renforcer le lien entre autorisations de programme et crédits de paiement s’appuie tout autant sur la réforme de la nomenclature que sur le renouveau du suivi comptable. Il vise à conforter la fonction initiale des autorisations de programme qui est, aux termes de l’article 12 de l’ordonnance organique de 1959, de “ couvrir une tranche d’opération en capital constituant une unité individualisée formant un ensemble cohérent et de nature à être mis en service sans adjonction ” et à éviter que le volume des dotations disponibles soit supérieur aux capacités de financement.

Le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement est l’un des facteurs les plus préoccupants de dérèglement de la gestion financière qui pèse lourdement sur l’exécution budgétaire.

Votre rapporteur ne peut que plaider à nouveau afin de remettre à plat l’ensemble des autorisations de programme existantes. Ce nouvel outil permettrait au Gouvernement d’ajouter les autorisations de programme militaires aux autorisations de programme civiles qui sont seules à figurer dans le rapport annuel sur la gestion des autorisations de programme, présenté dans le cadre de l’examen du projet de budget depuis 1981.

b) L’ampleur des charges mal programmées : l’exemple des dépenses liées aux opérations extérieures

La part des opérations extérieures (OPEX) est prépondérante pour justifier les ouvertures de crédits de fonctionnement en cours d’exécution budgétaire. En effet, la multiplication des OPEX depuis 1992 a entraîné un surcroît de dépenses. Or seuls les surcoûts liés au fonctionnement ont été compensés, les dépenses d’équipement n’ayant jamais fait l’objet d’un apurement puisqu’il était difficile de déterminer exactement le montant imputable aux opérations extérieures. On peut en effet considérer que ces charges nouvelles se substituent à celles qui auraient pu être constatées (au cours des entraînements, par accident ou par obsolescence) et n’ont pas à être compensées.

Par ailleurs, à l’exception de l’exercice 1996, l’ouverture de crédits de fonctionnement dans le cadre de la loi de finances rectificative a été gagée par des annulations de crédits d’équipement.

Une grande partie des dépenses liées aux engagements internationaux des forces armées ne peut être prévue lors du vote de la loi de finances initiale et l’abondement en collectif budgétaire des chapitres concernés a toujours constitué un palliatif. Mais certains engagements revêtent un caractère permanent qui rend leur coût prévisible, justifiant ainsi l’ouverture de crédits dans les dotations initiales. Depuis cinq ans, la Commission de la Défense nationale et des Forces armées a souhaité de manière répétée que le projet de budget inclue des crédits destinés aux OPEX et a vivement regretté que la loi de programmation militaire 1997-2002 n’ait pas permis de progrès en ce sens.

A la suite des travaux de la programmation militaire 1997-2002, le Conseil de défense de mars 1997 a classé les OPEX en deux catégories, relevant de modalités différentes de financement : les opérations extérieures courantes, prises en charge par le budget de la défense en construction budgétaire, et les opérations extérieures à caractère exceptionnel qui font l’objet d’un financement extérieur au budget de la défense. Le partage est effectué au cas par cas par le Gouvernement avec l’accord du Président de la République.

Cette première réforme restait insuffisante dans la mesure où aucun critère objectif n’a été dégagé pour distinguer les deux catégories. Une autre étape a été franchie dans le projet de budget pour 1998. Une dotation de 260 millions de francs a été inscrite pour couvrir les dépenses supplémentaires versées aux personnels militaires, notamment pour les troupes basées au Tchad ou en République Centrafricaine.

DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
ET CRÉDITS SUPPLÉMENTAIRES OBTENUS

(crédits de paiement en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Total Titre III

4 427

4 057

3 060

3 933

2 545

EPM

301

348

361

239

134

Fabrications

566

533

406

610

360

Munitions

744

672

289

190

139

Infrastructures

36

25

29

172

131

Total Titre V

1 647

1 579

1 119

1 213

764

Total surcoûts

6 074

5 636

4 179

5 146

3 309

Ouverture de crédits

         

au Titre III

3 973

2 736

2 948

3 238

1 300

au Titre V

0

0

0

0

0

Total

3 973

2 736

2 948

3 238

1 300

·  Il convient de rappeler que le meilleur moyen de pallier les surcoûts liés aux opérations extérieures consiste à réduire les dépenses induites. C’est ainsi qu’une réforme entreprise depuis 1997 permet de jouer sur les deux variables des rémunérations et des effectifs des personnels militaires engagés dans ces opérations. Un décret du 1er octobre 1997 a révisé le régime des soldes à l’étranger. De plus, le dispositif des forces françaises prépositionnées en Afrique a été réduit, les effectifs stationnés passant de 8 000 à 5 500 hommes environ en 1997.

Certains chefs d’état-major expriment la crainte que la détermination en loi de finances initiale de crédits à caractère prévisionnel pour les opérations extérieures :

— soit effectuée au détriment des autres dotations de fonctionnement, l’enveloppe globale du titre III ne progressant pas ;

— empêche une régularisation a posteriori en cours d’exercice, le budget de la défense devant alors supporter les écarts par rapport à la prévision.

B. —  LE DÉCALAGE PAR RAPPORT À LA PROGRAMMATION

1. — L’encoche : un phénomène exceptionnel aux conséquences durables

L’analyse de l’exécution des lois de programmation militaire depuis une dizaine d’années montre que la situation créée par la baisse tendancielle des crédits d’équipement n’est pas une exception. Certes “ l’encoche ” réalisée en 1998 dans les dotations militaires en capital à hauteur de 8,9 milliards de francs revêt avant tout un caractère exceptionnel et provisoire. Mais elle s’inscrit dans un mouvement de longue date dont les conséquences doivent être bien comprises, sinon admises.

En réalité, l’hypothèse d’une encoche pérenne est irréaliste. Certains Chefs d’état-major préfèrent d’ailleurs utiliser le terme “ d’entaille ” pour marquer à la fois l’ampleur du phénomène et son caractère définitif.

En effet, la réduction des menaces majeures que toutes les analyses confirment, la nécessaire satisfaction des priorités budgétaires dans les domaines sociaux et éducatifs, comme la permanence des contraintes qui conduisent à contenir le déficit des finances publiques, ne permettront pas d’accroître le volume des dépenses militaires et par conséquent de rétablir le niveau programmé antérieurement.

L’ampleur de l’écart entre les objectifs affichés par les lois de programmation militaire successives et la réalité des dotations en lois de finances ne peut trouver de solution dans une nouvelle hausse des dépenses en loi de finances initiale.

La rupture est néanmoins réelle par rapport aux objectifs des programmations, en dépit de leur révision périodique.

Pour renouveler les anciennes générations d’avions de combat, de frégates et de porte-avions, de chars et de missiles, les états-majors et la Délégation générale pour l’armement ont conçu des programmes majeurs d’équipement que le contexte géostratégique justifiait à une certaine époque. Leur réalisation, non seulement est devenue incompatible avec le niveau souhaitable des dépenses publiques, mais l’accumulation des engagements non respectés a généré “ une bulle financière ” qui a été repoussée d’un exercice à l’autre et qui ne pourra être résorbée par les lois de finances à venir au cours de la période de programmation.

Pour autant, il est nécessaire de garantir à la Défense un niveau de ressources budgétaires :

— cohérent pour garantir la crédibilité des modèles d’armées ;

— suffisant pour maintenir toutes les options possibles ;

— s’inscrivant dans la continuité des choix fondamentaux.

Dans ce contexte, on aurait pu imaginer une révision de la loi de programmation militaire 1997-2002 qui sert encore de support mais ne constitue plus la référence. L’article 3, deuxième alinéa, de cette loi prévoit d’ailleurs une révision possible à mi-parcours, c’est-à-dire en 1999. Le Gouvernement a préféré infléchir la programmation par la revue de programmes.

2. — La revue de programmes : une inflexion réaliste et nécessaire de la programmation

La revue de programmes, menée pendant six mois d’octobre 1997 à avril 1998, s’est révélée un exercice de cadrage et a participé au processus d’adaptation et de modernisation de la Défense. Elle a conduit à une clarification des objectifs d’équipement militaire.

Dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale le 19 juin 1997, le Premier Ministre, M. Lionel Jospin, avait indiqué que le Gouvernement “ n’entendait pas remettre en cause la professionnalisation des armées ni le cadre général de la programmation militaire ” -et on pourrait ajouter, ni la référence du modèle d’armée 2015. Mais, en accord avec le Président de la République, il avait souhaité qu’un “ exercice interministériel vérifie la pertinence du contenu de la programmation ”, en préservant les priorités déjà retenues dans la modernisation des forces.

Trois phases ont rythmé les travaux. Pendant deux mois, d’octobre à décembre 1997, quatre réflexions ont été menées : examen des principaux programmes et analyse des conséquences opérationnelles de leur modification ; actualisation des hypothèses stratégiques ; évaluation prospective de l’environnement économique ; clarification du contexte financier. Une seconde phase d’approfondissement et de préparation des orientations s’est déroulée de janvier à mars 1998. Des consultations interministérielles ont validé le montant des économies envisagées avant que les propositions ne soient présentées fin mars en Conseil de défense.

·  Les décisions annoncées dans le cadre de la revue de programmes et prises en Conseil de défense correspondent tout autant à une confirmation des choix fondamentaux qu’à une inflexion de la programmation elle même.

En effet, le Gouvernement a repris à son compte les principes directeurs sur lesquels s’appuyait la loi de programmation militaire :

— l’autonomie stratégique ;

— la capacité d’action à distance du territoire national ;

— l’équilibre global avec nos principaux partenaires ;

— la construction de l’Europe de la défense ;

— la stabilisation du cadre budgétaire.

Afin d’inscrire dans la durée l’évolution de la politique de défense, le Gouvernement a retenu une double orientation, d’abord la stabilisation des crédits d’équipement à 85 milliards de francs (valeur 1998) pour chaque annuité de la programmation restant à courir, ensuite la recherche d’environ 19,3 milliards de francs d’économies compatibles avec le cadre actuel de la programmation. La revue de programmes a pris en compte l’impossibilité de financer le niveau prévu par la programmation et a permis de revenir à un niveau réaliste de dépenses.

·  Mais les conséquences de l’exercice ne sont pas uniquement financières. Elles sont également opérationnelles. Même si les mesures d’attente ont évité les décisions irrévocables, les principales mesures physiques, qui figurent dans le tableau de synthèse ci-joint, induisent une réorientation des priorités et l’acceptation d’un autre niveau d’équipement. Votre rapporteur les analysera plus complètement par grande fonction assignée aux forces armées. De manière globale, la revue de programmes s’est traduite par une réduction des capacités opérationnelles en cohérence avec les missions et par un impact industriel réduit.

Programmes inchangés

Programmes aménagés

Programmes arrêtés ou dont la France se retire

— Satellite Hélios II

— ASMP A

— Prolongation du satellite Syracuse II et aménagement du calendrier du satellite Syracuse III

— Abandon du satellite radar Horus

— Pause dans la réalisation du Système de surveillance

— Char Leclerc

— Décalage de six mois du SNLE-NG n° 3

de l’espace (SSE)

— Hélicoptère Tigre

— Hélicoptère NH 90

— Construction du SNLE-NG n°4 au standard M 51 et accélération du programme M 51

— Retrait à l’issue du développement du missile antichar AC3G-LP

— Véhicule blindé de combat d’infanterie

— Système de commandement et de conduite des

— Retrait anticipé du système ASTARTE

— Renoncement définitif à la mine antichar MACPED

— Abandon du missile de croisière Apache-IZ

opérations aériennes

— diminution des études nucléaire de 20 %

(interdiction de zone)

— Sous-marin nucléaire d’attaque futur

— Retrait anticipé du porte-avions Foch

— Abandon du missile porte-torpille MILAS

— Système de protection sol-air SAMP/T

— Avion de guet Hawkeye

— Abandon du développement de la future torpille

— Frégate Horizon

— Missile MICA

— Définition d’un coût-objectif pour le Nouveau transport de chalands de débarquement (NTCD)

lourde

— Missile de croisière Scalp-EG

— Décalage dans la livraison des Rafale

 

— Missile de croisière Apache-AP

— Retrait anticipé des deux escadrons Jaguar

 
 

— Diminution de la cible des missiles Mistral

 
 

— Modification du nombre d’engins porte-blindés

 
 

— Diminution des études amont

 
 

— Réduction des financements dévolus aux programmes d’entretien des matériels et aux opérations d’infrastructures

 

*

Conclusion provisoire : plaidoyer pour une nouvelle programmation.

Le niveau des dotations nouvellement affichées dans la revue de programmes et figurant dans le projet de budget comme l’aménagement des programmes conduisent votre rapporteur à plaider pour une véritable révision de la programmation.

Les constats précédents témoignent non seulement de la difficulté de la prévision budgétaire mais aussi de la complexité des procédures de gestion. Ils conduisent à s’interroger sur la pertinence du principe de l’annualité budgétaire sur des programmes portant sur le long terme et confirment l’intérêt financier comme industriel des commandes pluriannuelles. Bien plus, ils soulèvent de nombreuses interrogations quant à la réalité de l’autorisation parlementaire.

Mais la question essentielle relative aux crédits d’équipement reste celle de la réalité -ou du réalisme- de la programmation militaire. La gestion perturbée des derniers exercices et l’évolution contrastée des dépenses effectives ne permettent plus de déceler la logique d’ensemble.

On pourrait regretter que la revue de programmes ne se soit pas accompagnée d’une véritable réflexion sur le contexte géostratégique. Les principaux événements qui se sont déroulés dans le monde depuis 1994 confirment que, dans l’actuelle période de transition stratégique, les incertitudes sont plus fortes que les mutations. Le rôle de la France consiste à la fois à “ prévenir les risques qui mettent directement en cause notre sécurité, mais aussi, en raison de notre rôle international, à favoriser l’apaisement des tensions régionales ”, selon les propos du Premier Ministre, M. Lionel Jospin.

Ces mutations justifient que le Livre blanc sur la défense soit actualisé, ne serait-ce qu’en raison de la modification essentielle qu’apportent la suspension du service national et la professionnalisation des armées.

CHAPITRE DEUX

L’ADÉQUATION INCOMPLÈTE DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT AUX OBJECTIFS DE LA PROGRAMMATION

I. —  L’ANALYSE PAR OBJECTIFS DES PROGRAMMES MAJEURS

Dans la lignée du Livre Blanc sur la défense de 1994, la loi de programmation militaire était fondée sur une analyse des grandes fonctions opérationnelles assignées aux forces armées : stratégies de dissuasion et de projection, capacité de projection, permanence de la protection du territoire. Elle prenait également acte de la décision de professionnaliser les armées et de la nécessité de poursuivre, dans le cadre d’une planification à l’horizon de 2015, les grands programmes de renouvellement des matériels qui structurent les budgets d’équipement.

Les développements qui suivent analysent les crédits de paiement demandés pour 1999 par fonction. Le tableau ci-après récapitule leur évolution par armée.

ÉVOLUTIONS DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES DES ARMÉES
PRÉVUES PAR LE PROJET DE BUDGET

(crédits de paiement en millions de francs)

 

Air

Terre

Marine

Gendarmerie

Titre III 1999

15,6

30,7

12,9

20,49

Evolution 1998/1999 en %

- 1 %

+ 0,36 %

- 1,36 %

+ 2,6 %

Evolution à structure constante

+ 0,4 %

+ 0,9 %

1,5 %

-

Titres V et VI 1999

20,2

18,5

21,02

2,2

Evolution 1998/1999 en %

+ 5,6 %

+ 6,5 %

+ 7,5 %

+ 3 %

Evolution à structure constante

-

-

+ 5,24 %

-

Total des crédits 1999

35,8

49,2

33,9

22,69

Evolution 1998/1999 en %

+ 2,6 %

+ 2,6 %

+ 4 %

+ 2,63 %

% du budget de la Défense

18,9 %

25,9 %

17,85 %

12,26

A. —  LE REDIMENSIONNEMENT DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

La loi de programmation militaire place la dissuasion en tête des quatre grandes fonctions opérationnelles des forces armées dans le cadre du modèle d’armées 2015. Mais c’est certainement la composante qui a été le plus bouleversée depuis dix ans. En effet, sans qu’il y ait de remise à jour du concept de dissuasion, ni dans le Livre blanc sur la défense, ni dans la préparation de la programmation, le dispositif est entré dans une longue phase de transition au cours de laquelle il doit garder crédibilité et fiabilité.

Plusieurs décisions majeures ont été prises et doivent être rappelées :

— le démantèlement du plateau d’Albion achevé cette année et le retrait des missiles Hadès (également achevé) après celui des missiles Pluton consacrent le maintien d’une dissuasion à deux composantes ;

— l’arrêt définitif des essais nucléaires après la dernière campagne de 1995 a entraîné le démantèlement du site de tir en Polynésie française et donné toute son importance au programme de simulation nucléaire. Celui-ci qui constitue un enjeu considérable bénéficiera du quart de la subvention accordée au CEA soit près de 1 730 millions de francs ;

— le démantèlement de l’usine de Marcoule (production de plutonium de qualité militaire) se déroulera de 1998 à 2001, celui de l’usine de Pierrelatte (uranium très enrichi), décidé en février 1996, durera jusqu’en 2004. Ces deux opérations nécessitent d’importants crédits comme en témoigne l’inscription de près de 754 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.

1. — Une inflexion durable des crédits

La réorientation de la politique de dissuasion explique la réduction drastique de l’effort dans le domaine nucléaire. Le niveau de ressources prévu en programmation 1997-2002 est de 20 % inférieur à celui de la précédente période de programmation (1995-2000). En fait les crédits des forces nucléaires ont amorcé un déclin rapide depuis le début de la décennie et ont été divisés par deux en francs constants de 1990 à 1998. La diminution de 17 % des autorisations de programme et de 13 % des crédits de paiement entre 1997 et 1998 a prolongé cette tendance.

Sur le nouvel article 51-71 “ Forces nucléaires ”, le projet de budget prévoit une dotation de 12,915 millions de francs d’autorisations de programme et 16,030 millions de francs de crédits de paiement qui permettront la modernisation des deux composantes sous-marine et aéroportée selon des calendriers optimisés.

2. — La confirmation du choix de deux composantes

a) La force océanique stratégique FOST

Les crédits affectés par le projet de budget 1999 à la force océanique stratégique FOST s’élèvent à 3 251 millions de francs en autorisations de programme et 4 124 millions de francs en crédits de paiement. La réduction de 3,7 % en volume fait suite à celle constatée en 1998 (25,6 % par rapport à l’exercice précédent). La part de la FOST dans les dépenses d’équipement continue à se réduire et ne représente plus que 19,6 % de l’ensemble des dotations en capital en crédits de paiement.

·  Le programme de SNLE-NG, lancé en 1987, se poursuit sur la base d’une cible de quatre sous-marins dans le cycle opérationnel, c’est-à-dire d’une capacité de maintenir un et, si nécessaire, deux SNLE en permanence à la mer. Le Triomphant, commandé en 1987, a été admis au service actif le 21 mars 1997 et est équipé des missiles M 45. Le Téméraire, commandé en octobre 1989, a débuté ses essais officiels en août dernier et son admission au service actif est prévue à l’été 1999.

La revue de programmes a entraîné le retard de six mois de l’admission au service actif du Vigilant (ce qui suppose la prolongation du maintien en service d’un SNLE de la génération précédente), l’accélération de l’adaptation des SNLE-NG au missile M 51 et la livraison du dernier de la série en 2008, directement dans la version M 51.

CALENDRIER DES COMMANDES ET DES LIVRAISONS

SNLE-NG

Commande

Essais

Service actif

Le Triomphant

18 juin 1987

1er juillet 1994

21 mars 1997

Le Téméraire

18 octobre 1989

1er août 1998

1er août 1999

Le Vigilant

25 mai 1993

1er juillet 2003

1er juillet 2004

N° 4

2000

1er juillet 2007

1er juillet 2008

Le projet de budget pour 1999 inscrit 1,079 milliards de francs d’autorisations de programme et 2,158 milliards de francs de crédits de paiement pour les dépenses liées au programme SNLE-NG.

·  Le programme de modernisation des missiles balistiques vise à équiper les SNLE-NG de la version M 45 dès leur entrée en service. Les M 45 diffèrent du M 4 par les aides à la pénétration et par la nature de la tête nucléaire (TN 75) dont la furtivité est meilleure. La nécessité de remplacer les M 45 pour crédibiliser la FOST a conduit en 1992 à lancer le développement d’un nouveau missile, le M 5 qui a été réorienté vers une version M 51.

Le coût total du développement du programme pour trois dotations de seize missiles est estimé à près de 30 milliards de francs (valeur 1998), y compris les dépenses déjà effectuées au titre du programme M 5. Une baisse de près de 22 % par rapport au coût envisagé pour le développement du M 5 a été obtenue grâce à une simplification de la logique de développement et à un engagement des principaux industriels (Aérospatiale et SNPE). Le développement du programme est doté de 1 450 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.

b) La composante aéroportée

La composante aéroportée repose sur les Super Etendard du groupe aéronaval et sur les deux escadrons de Mirage 2000 N de l’Armée de l’Air qui sont équipés de missiles ASMP.

·  Le programme de missile supersonique à statoréacteur ASMPA est destiné à assurer la continuité du missile ASMP qui devrait arriver en fin de vie opérationnelle vers 2007. La phase de définition préliminaire s’achèvera en 1999 et le développement commencera en 2000. Le missile sera disponible à partir de 2008 et équipera les Rafale et les Mirage 2000 N.

Le projet de budget pour 1999 a inscrit 138 millions de francs de crédits de paiement pour la poursuite du projet et 251 millions de francs de crédits de paiement dans le cadre d’un pré-développement de la formule aéropropulsive commune à l’ASMPA et à l’ANF (antinavires futur) dans le cadre du projet VESTA.

B. —  LA PROJECTION DES FORCES ARMÉES

La loi de programmation militaire a accordé une très grande priorité à la fonction de projection des forces armées sur les théâtres extérieurs. Cette priorité explique l’importance des flux financiers envisagés par le projet de budget pour 1999 afin que les programmes d’équipement prennent en compte les impératifs de projection.

1. — Le renouvellement des flottes d’avions de combat et de transport au coeur des préoccupations de l’Armée de l’Air

La participation de l’Armée de l’Air à la projection de puissance et de force s’appuie autant sur les avions de combat que sur la flotte de transport.

a) Le remplacement des Jaguar par des Mirage 2000 D

·  Pour remédier aux limites du système d’armes des avions tactiques Jaguar, le programme Mirage 2000 D, lancé en décembre 1988, arrive à maturité pendant la période de programmation qui a fixé la cible à 86 appareils. La cadence annuelle de livraison de 12 avions a été réduite à six de 1996 à 1998, ce qui devrait entraîner un retrait plus tardif des Jaguar. Mais, la revue de programmes a prévu le retrait anticipé de deux escadrons Jaguar. A la fin de l’année, 53 appareils auront été livrés. Ce programme bénéficiera de 708 millions de francs d’autorisations de programme et de 1 218 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de budget pour 1999.

·  Plusieurs catégories de missiles tactiques sont prévues pour équiper les Mirage 2000 D et les Rafale par la suite.

Les missiles de croisière à turboréacteur Apache sont conçus en deux versions :

— la version antipiste a bénéficié d’une commande pluriannuelle de 100 exemplaires en 1997 mais les livraisons n’interviendront qu’entre 2001 et 2003. Le projet de budget prévoit 326 millions de francs de crédits de paiement dont 108 millions de francs pour le développement et 218 millions de francs pour la fabrication au chapitre 53-81, article 21 ;

— la version d’interdiction de zone, pourtant complémentaire de la première, a été abandonnée par la revue de programmes.

Dérivé de l’Apache, le missile SCALP est destiné à la destruction des infrastructures à distance de sécurité. Le programme, lancé en mai 1997, prévoit l’acquisition de près de 450 exemplaires et des premières livraisons de série en 2003. La convergence de besoins et de conception entre les armées françaises et britanniques (qui ont choisi en juillet 1996 le missile Storm Shadow) devrait aboutir à un programme commun SCALP/EG (emploi général) dont la maîtrise d’oeuvre est assurée par Matra Bae Dynamics.

Sur un coût total de programme voisin de 5,42 milliards de francs, le projet de budget pour 1999 prévoit 112 millions de francs d’autorisations de programme et 368 millions de francs de crédits de paiement pour le développement sur l’article 16 du chapitre 53-71.

b) Le programme Rafale

·  Le programme d’avion polyvalent Rafale est certainement l’un des plus importants au point de vue financier et industriel. Le coût global pour 294 avions (dont 234 pour l’Armée de l’Air et 60 pour la Marine) est estimé à plus de 200 milliards de francs. Près de 30 milliards de francs ont déjà été engagés par l’Armée de l’Air pour le développement du programme. Trois exemplaires ont été commandées mais aucun n’a été livré.

ARMEMENTS ET SYSTÈMES D’ARMES DU RAFALE

Armements

Systèmes d’armes

missiles air-sol et air surface

· Apache antipiste

· SCALP-EG

· AASM

· système de contre-mesures SPECTRA

missiles air-air

· MICA

· Magic 2

· radar à balayage électronique RBE2

missiles nucléaires

· ASMP-A

· capteur optronique frontal OSF

De multiples décalages ont retardé le programme de plusieurs années. La mise en place du premier escadron au standard F 2 (défense aérienne) est prévue pour fin 2005, ce qui signifie que les avions devront être “ rétrofités ” pour devenir polyvalents. Le premier vol de l’avion de série interviendra en début d’année prochaine. Les essais d’équipement, notamment de tirs de missiles Mica et Apache, se sont déroulés normalement.

Sur le chapitre 53-71, article 15, le projet de budget pour 1999 prévoit 3 750 millions de francs de crédits de paiement dont 1 199 millions de francs pour le développement et 2 551 millions de francs pour la production.

Le principe d’une commande pluriannuelle a été retenu. D’abord fixée à 48 appareils (dont 15 Rafale Marine), elle a été ramenée par la revue de programmes à 28 appareils en commande ferme (dont 7 Rafale Marine) et 20 autres en option (dont 8 Rafale Marine). La décision n’a pas encore été notifiée par le Ministre de la Défense. Son plus grand mérite est de confirmer un programme sur lequel l’Etat a déjà engagé des sommes importantes et d’obtenir de meilleures conditions de prix de la part de Dassault Aviation.

·  Le missile d’interception, de combat et d’autodéfense Mica est destiné à équiper les avions de défense aérienne Mirage 2000-5 et les Rafale, en remplacement de deux types de missiles qui ne sont plus ni fabriqués ni livrés, le Super 530D pour l’interception et le Magic 2 pour le combat aérien rapproché. Lancé en 1987, le programme Mica a été retardé de deux ans par la loi de programmation militaire et la cible initiale réduite à 1 000 exemplaires. Les premiers missiles devraient être livrés en 1999 à l’Armée de l’Air et en 2002 à la Marine.

La loi de finances initiale prévoit 250 millions de francs autorisations de programme et 459 millions de francs de crédits de paiement (dont 138 millions de francs pour le développement et 321 millions de francs pour la fabrication). Le programme est individualisé sur l’article 13 du chapitre 53-71.

c) La flotte de transport future

Pour assurer ses missions de transport, de liaison et d’entraînement, l’Armée de l’Air dispose actuellement de 67 Transall C 160, de 14 Hercules C 130 et de 8 CASA CN 235. Une rénovation du système de navigation des C 160 a été entreprise depuis 1991 et se termine avec la livraison des derniers exemplaires modernisés. Les capacités limitées d’emport et la faiblesse des rayons d’action ne sont plus adaptées aux nouvelles missions de projection des forces en dehors du théâtre européen. C’est pourquoi, à plusieurs reprises dans le cadre d’opérations extérieures, la France a eu recours à la location d’avions russes ou ukrainiens.

Pour répondre aux besoins exprimés et assurer à longue distance des flux importants de déploiement de forces et de ravitaillement, trois hypothèses sont analysées :

— soit l’achat sur étagère d’avions américains C 130 J et C 17 ;

— soit une coopération autour d’un avion russo-ukrainien Antonov 70 “ occidentalisé ” ;

— soit le lancement d’un programme d’avion de transport futur ATF en coopération européenne. Les partenaires de huit pays ont accepté en juillet 1997 une fiche commune de caractéristiques militaires (notamment pour déterminer les capacités d’emport de matériels terrestres et aériens) et ont fixé une cible d’environ 300 appareils, dont une cinquantaine pour la France à livrer de 2005 à 2015.

L’état-major de l’Armée de l’air est sceptique sur la réussite de l’hypothèse Antonov, pourtant privilégiée par l’Allemagne, en raison d’incertitudes persistantes sur l’intégration d’une avionique moderne, la tenue des prix et le service après-vente sur une période de plus de trente ans.

Le coût du programme ATF pour la France est estimé à plus de 30 milliards de francs comme l’a confirmé le rapport Lelong. La loi de programmation militaire n’a inscrit aucun financement, mais le projet de budget a prévu 44 millions de francs de crédits de paiement. Le développement doit donc être assuré sur fonds propres par l’industriel, en l’occurrence une filiale d’Airbus Industries. Les retombées sociales, industrielles, technologiques et financières du choix d’un Airbus militarisé comme avion de transport futur méritent d’être soulignées.

2. — Des capacités accrues de combat terrestre

La loi de programmation militaire a, en particulier, orienté la restructuration de l’Armée de Terre vers la constitution d’une capacité de projeter, soit une force de 50 000 hommes pour une courte période dans le cadre d’un engagement majeur au sein d’une alliance, soit une force de 30 000 hommes pendant un an conjointement avec l’envoi de 5 000 hommes pour une seconde mission d’intervention, ce qui correspond à une potentialité renouvelable de 15 000 hommes avec les relèves.

L’accroissement des capacités opérationnelles est conditionné par le remplacement de matériels obsolètes par des systèmes d’armes modernes dans une logique de moyens. La mise en oeuvre du concept de modularité des forces conduit par ailleurs à considérer les matériels en dotations comme des stocks susceptibles d’équiper des forces selon les besoins et les missions.

ÉQUIPEMENT DE L’ARMÉE DE TERRE

 

Situation en 1995

Horizon 2015

Personnels militaires

239 100

136 000

Personnels civils

32 400

34 000

Total

271 500

170 000

Organisation

9 divisions

4 forces

 

129 régiments

85 régiments

Equipements

   

Chars lourds

927

420

Chars légers

350

350

Hélicoptères

340

180

Engins porte-blindés

220

200

a) La poursuite du programme de chars Leclerc

Le programme de chars Leclerc constitue un projet structurant. Décidé à la fin des années 70, c’est à dire avant la chute du mur de Berlin et la modification du contexte stratégique et tactique en Europe, il a subi plusieurs modifications de cible et de calendrier au long des années 90. La cible initiale de 1 400 a été réduite à 650 puis à 406 exemplaires par la loi de programmation militaire 1997-2002 afin d’être en cohérence avec le nouveau format de l’Armée de Terre en 2015.

Ses caractéristiques techniques en font le char le plus moderne de sa génération, capable notamment de détruire en marche des chars adverses jusqu’à 1 800 mètres. 172 exemplaires auront été livrés d’ici la fin de l’année. Le projet de budget, qui inscrit 2 231 millions de francs de crédits de paiement, prévoit un niveau de commandes de 44 et de livraisons de 33.

Le programme a donné un nouveau souffle au maître d’oeuvre Giat-Industries qui a vu, depuis une dizaine d’années, se réduire le marché des armements terrestres. Il lui a permis d’acquérir des compétences qui le placent parmi le peloton de tête des constructeurs européens. Mais il l’a également fragilisé car il a retardé la phase de restructuration du groupe. De plus le contrat à l’exportation de 390 chars et de 46 dépanneurs aux Emirats arabes unis a des conséquences financières désastreuses.

L’avenir de Giat-Industries passe par des alliances européennes dans les deux domaines des munitions et des blindés. Le statut d’entreprise nationale est une tentation facile pour exclure le groupe français des consortiums en création. Il est vrai qu’il introduit des rigidités et interdit de fusionner des actifs. Les efforts de réduction des effectifs et des frais de fonctionnement restent insuffisants pour améliorer la compétitivité et doivent être prolongés. C’est l’ambition du nouveau plan économique et social qui succédera au plan de retour à l’équilibre de 1996. Mais les besoins en recapitalisation sont déraisonnables.

b) Les hélicoptères de combat

·  Le programme Tigre en coopération franco-allemande concerne deux versions, l’une destinée à la lutte antichars (HAC), l’autre de lutte contre les hélicoptères (HAP). Cette deuxième version est devenue prioritaire compte tenu de l’évolution de la menace. La France a retenu une cible de 215 appareils dont 115 en version HAP et 100 en version HAC. L’Allemagne avait confirmé une cible de 212 hélicoptères en version multirôle mais le changement de Gouvernement dans ce pays pourrait modifier les décisions précédentes.

Le contrat d’industrialisation a été signé par les deux partenaires le 20 juin 1997 et l’arrangement pour le lancement de la production le 20 mai dernier. Les premières livraisons pour la France interviendront en 2003 pour la version HAP avec deux ans de retard par rapport au calendrier prévu en 1994 et en 2011 pour la version HAC.

Sur un coût total de près de 45 milliards de francs (soit un coût unitaire compris entre 103 et 120 millions de francs selon le niveau des commandes), le projet de budget affecte à ce programme 660 millions de francs d’autorisations de programme et 889 millions de francs de crédits de paiement (dont 488 millions de francs pour les fabrications et 401 millions de francs pour le développement). La réduction souhaitée des coûts a conduit à réviser les spécifications et à ne pas retenir certains équipements. Une commande groupée de 80 appareils devrait intervenir avant la fin de cette année.

·  Le même industriel Eurocopter assure la maîtrise d’oeuvre du programme d’hélicoptère NH 90. Ce programme réalisé en coopération concerne sept armées de quatre pays. Mais les besoins calendaires diffèrent pour les armées françaises, les premières livraisons à la Marine intervenant près de dix ans avant celles de l’Armée de Terre. Ce décalage oblige à financer très en amont des développements, la part de l’Armée de Terre représentant 60 % du coût d’industrialisation pour la France. La loi de programmation militaire a ramené la cible initiale de 160 à 133 pour l’Armée de terre.

Sur l’article 21 du chapitre 53-71, le projet de budget prévoit d’affecter 474,4 millions de francs d’autorisations de programme et 347,1 millions de francs de crédits de paiement pour la poursuite du développement.

3. — Les programmes d’équipement de la Marine dominés par le groupe aéronaval

·  En raison de la diminution des menaces, notamment en Atlantique Nord, et de la maîtrise des mers par les flottes de l’OTAN, la loi de programmation militaire a réduit le format de la Marine de 20 % en matière d’effectifs, de navires et de dotations d’équipement. Les décisions prises à l’occasion de la revue de programmes se traduisent par une économie de 3,898 milliards de francs sur le titre V de la Marine de 1999 à 2002. Les mesures essentielles sont rappelées dans le tableau suivant.

Le format de la Marine est modifié car sa réalisation est décalée et les capacités apparaissent modulées. L’Etat-major a accepté de perdre des compétences de manière temporaire. Mais les concepts, les missions et l’équilibre général n’ont pas été remis en cause et conservent leur cohérence.

PRINCIPALES ÉCONOMIES RÉALISÉES SUR LES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENT DE LA MARINE DANS LE CADRE DE LA REVUE
DE PROGRAMMES

(en millions de francs)

Programmes concernés

Economies réalisées

Aménagement du calendrier des programmes de la FOST

653

Retrait définitif de service du Foch dès 1999

 

Désarmement de la flottille Alizé

235

Aménagement du programme Hawkeye

194

Nouvelle politique d’acquisition du NTCD

616

Retrait du programme Milas à l’issue de son développement

214

Abandon du développement de la future torpille lourde

228

Retard du programme BHO

71

Retard de la livraison du standard F2 du Rafale

369

Réduction des crédits d’EPM et d’infrastructures de l’ordre de 5 %

1 317

Dans l’ancienne nomenclature budgétaire, la diminution globale de l’agrégat “ Fabrications classiques ” de 7,5 % correspond à l’arrivée en fin de production de deux programmes (frégate La Fayette n °5, TCD Sirocco) alors que le financement des programmes suivants n’a pas atteint un rythme optimal. De même, les fabrications aéronautiques connaissent une réduction de 11,4 % en relation avec la décroissance des programmes d’hélicoptères Panther et d’avions de patrouille maritime Atlantique 2, et au décalage du Rafale. En réalité, dans la nouvelle nomenclature, les crédits de l’article 53-81 (Equipements Marine) semblent progresser de 6,2 % des crédits de paiement.

a) La constitution d’un nouveau groupe aéronaval

Le groupe aéronaval constitue l’élément majeur de la capacité de projection et d’action de la Marine.

·  L’une des décisions les plus importantes de la loi de programmation militaire 1997-2002 puis de la revue de programmes a été de confirmer la mise en service opérationnel du Charles-de-Gaulle au plus tard le 31 décembre 1999. Pourtant quarante-cinq mois de décalage successifs ont été enregistrés depuis le début de la construction.

Sur un coût total estimé à près de 19,5 milliards de francs valeur 1998 (développement et industrialisation compris), plus de 16,5 milliards de francs de crédits de paiement ont déjà été consommés. Hors développement, le Charles-de-Gaulle aura coûté 13 milliards de francs.

Le projet de budget pour 1999 a inscrit 496,8 millions de francs d’autorisations de programme et 1 312,9 millions de francs de crédits de paiement (chapitre 53-81, article 71) pour l’achèvement du programme.

·  Le modèle retenu comporte deux porte-avions. Comme les réductions budgétaires de 1996 et de 1997 ont contraint à retirer le Clemenceau du service actif et que les retards dans la construction du Charles-de-Gaulle ont prolongé le Foch jusqu’en 2000, la Marine avait envisagé de mettre le Foch “ en veilleuse ”, ce qui supposait un entretien constant et la présence d’un équipage à bord, et de le réactiver pour la première indisponibilité de longue durée du porte-avions nucléaire en 2004 ou 2005. La revue de programmes a renoncé à l’option de deux porte-avions : la prolongation de la durée de service du Foch a été annulée et les économies ainsi réalisées s’élèvent à près de 400 millions de francs sur la fin de la période de programmation.

L’existence d’un seul porte-avions en service va réduire pour longtemps la disponibilité du groupe aéronaval. A deux reprises, les IPER majeures rendront le porte-avions nucléaire indisponible de dix-huit mois à deux ans, une première fois vers 2004-2005, une deuxième fois vers 2010-2011.

b) L’aéronautique embarquée

·  L’une des innovations les plus marquantes de l’aéronautique a consisté à équiper d’hélicoptères tous les bâtiments de surface de nouvelle génération afin d’assurer des missions diverses : lutte anti-sous-marins et anti-navires à partir de frégates, transport, soutien à la mer, liaisons logistiques, service public et formation. Les besoins actuels en équipement sont estimés à environ 99 hélicoptères :

— le besoin de 27 appareils de la classe 9 tonnes, dont 14 de la classe de 9 tonnes pour la lutte anti-sous-marine et 13 équipés pour le transport et le sauvetage, a justifié le programme NH 90 qui intéresse sept armées de quatre pays (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas).

Le premier prototype de ce nouvel hélicoptère poursuit ses essais débutés en décembre 1995. Le deuxième prototype a effectué son premier vol en mars 1997. Le troisième prototype commencera ses essais à la fin de l’année. Les retards liés à la sélection des équipements ont décalé la phase de développement jusqu’en 2002. La loi de programmation militaire a prévu la poursuite du développement des versions Terre et Marine. Le contrat d’industrialisation sera notifié début 1999 et une première commande de 11 appareils sera confirmée d’ici 2002. Les livraisons interviendront de 2005 à 2011 au rythme de 4 appareils par an ;

— le besoin en hélicoptères de combat de classe 4 tonnes (24 exemplaires) a été satisfait par l’acquisition de 15 Panther entre 1993 et 1997. Au cours de la prochaine décennie, neuf autres appareils seront commandés pour équiper les navires qui remplaceront les avisos et les frégates antimissiles de classe Suffren.

·  Le programme Rafale vise à remplacer trois types d’avions en service (Crusader, Super-Etendard et Etendard IV PM). En raison de son coût, il a été particulièrement touché par la programmation militaire qui a abaissé la cible de 86 à 60 exemplaires et par la revue de programmes qui a revu la politique d’industrialisation et a lissé le calendrier. Le premier appareil sera livré à la Marine en 2001 et la première flottille de 10 appareils en standard F1 (antiaérien) sera constituée fin 2002, deux autres appareils étant différés mais livrés directement au standard F2 (antiaérien et air-sol en partie).

Sur la base de 60 appareils, le prix unitaire est évalué à 450 millions de francs en intégrant les dépenses de développement ou 328 millions de francs en les excluant. Le projet de budget pour 1999 a inscrit au bénéfice de ce programme 1 107 millions de francs d’autorisations de programme et 2 191 millions de francs de crédits de paiement (dont 1 872,8 millions de francs (au chapitre 53-71, article 31).

c) La flotte de surface

Après la fin du programme de six frégates légères Floréal et la livraison en 1998 du TCD Sirocco, les derniers programmes importants permettant de renouveler la flotte de surface concernent les frégates de souveraineté La Fayette et le programme de frégates antiaériennes Horizon.

·  Dans le domaine de la prévention et du contrôle des crises, l’effort de renouvellement des capacités s’appuie sur le programme de frégates légères type La Fayette. Le premier bâtiment a été admis en 1996 au service actif ; le Surcouf et le Courbet ont rallié les forces en 1997 ; la frégate Aconit sera admise au service actif en 1999. La frégate n° 5 ne sera admise au service actif qu’en 2002 c’est à dire avec deux ans de retard sur le calendrier initial.

Le projet de loi de finances initiale pour 1999 prévoit 367,1 millions de francs d’autorisations de programme et 663,7 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme (chapitre 53-81, article 69).

·  Le programme Horizon, réalisé en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, vise à remplacer les frégates antimissiles Suffren et Duquesne, et à équiper la Marine d’unités modernes de défense antiaérienne, en particulier au sein du groupe aéronaval. Il s’agit de bâtiments de combat de plus de 6 000 tonnes qui mettront en oeuvre un hélicoptère NH 90 et seront équipés du système d’armes PAAMS assurant l’autodéfense antimissiles et la défense moyenne portée.

Le développement et la réalisation des deux frégates pour la France seront lancés au début de 1999.

Sur un coût global de 12,4 milliards de francs pour la part française, la programmation militaire a prévu 5,235 milliards de francs pour le programme pendant la période 1997-2002, ce qui ne permettra la commande que de deux exemplaires et la livraison du premier en 2005. Dans le projet de budget pour 1999, sont inscrits 4 106,5 millions de francs d’autorisations de programme et 510,4 millions de francs de crédits de paiement sur l’article individualisé 68 du chapitre 53-81 ;

·  Le programme PAAMS est dérivé du système de défense de zone SAMP/N (sol-air moyenne portée/version navale) initialement compris dans le programme franco-italien FSAF (Famille sol-air futur). Il est destiné aux frégates Horizon mais pourrait également équiper les frégates antiaériennes de précédente génération.

Le système repose sur un radar multifonctions Arabel, des lanceurs verticaux et des missiles Aster 15 et 30 développés en coopération par Aérospatiale, Thomson-CSF et Alenia. Doté des solutions technologiques les plus avancées, il constitue un programme structurant pour les industries européennes. La France et l’Italie ont choisi le radar EMPAR, le Royaume-Uni a souhaité développer un radar SAMPSON.

Le projet de budget pour 1999 a inscrit au bénéfice de ce programme 476 millions de francs d’autorisations de programme et 356 millions de francs de crédits de paiement pour la phase de développement (chapitre 53-81, article 72).

C. —  LA PRÉVENTION DES CRISES ET LA PROTECTION

·  Les programmes liés à la prévention des crises concernent de manière majoritaire les domaines du renseignement (système héliporté Horizon, système d’écoute électomagnétique sur navire Minrem, Sarigue, F1CR, avions de patrouille maritime,...), des communications et de la gestion de l’information (SIC des forces). La revue de programmes leur a accordé une certaine priorité mais force est de reconnaître qu’un ralentissement se manifeste, notamment pour les programmes spatiaux en coopération avec des partenaires européens.

·  La protection du territoire est une mission conçue en fonction de menaces dont la nature et l’ampleur ont changé car de nouvelles formes d’agression apparaissent ou sont susceptibles de se développer. Elle concerne par nature toutes les armées.

En effet, l’Armée de l’Air participe à la défense du territoire dans sa conception même et il est difficile, par exemple si on considère la défense aérienne (Mirage 2000 DA ou 2000-5 et leurs armements) ou le système de commandement et de conduite des opérations aériennes SCCOA, de séparer ce qui relève des actions de projection et de protection. De même, la participation de la Marine à la protection des espaces maritimes avec les bâtiments de souveraineté, les frégates antiaériennes ou la lutte anti-sous-marine n’est pas exclusive. Sur le territoire, elle est confiée de manière essentielle, mais non exclusive, à la Gendarmerie nationale. Par ailleurs le concept de défense du territoire associe les unités de l’Armée de Terre.

1. — Le ralentissement des programmes spatiaux

La politique spatiale s’appuie sur le plan pluriannuel spatial militaire PPSM sur quinze ans dont la version la plus récente de 1996 a orienté la loi de programmation militaire 1997-2002. A ce titre, quatre objectifs prioritaires avaient été fixés : continuité des services de télécommunications Syracuse II et d’observation optique Hélios 1 ; accession à une capacité d’observation tout temps ; recherche de solutions en coopération européenne ; réduction du coût des programmes.

La programmation prévoyait d’affecter près de 25,8 milliards de francs (valeur 1998) aux programmes spatiaux majeurs pendant la période 1997-2002, soit environ 4 % des crédits d’équipement militaire. Cependant, la révision opérée par la revue de programmes au printemps dernier comme les difficultés de la coopération européenne ont redimensionné l’effort consacré aux applications spatiales.

a) Les programmes d’observation optique Hélios 1 et 2

·  Le programme trinational Hélios 1 (France, Italie, Espagne) prévoit la réalisation de deux satellites d’observation et des installations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception et un centre de traitement des images. Le satellite Hélios 1A, mis en orbite le 7 juillet 1995, est entré en phase opérationnelle depuis octobre 1995. Les images reçues sont d’une excellente qualité et donnent satisfaction aux différents services de renseignement. Le partage entre les trois pays des temps d’utilisation en fonction des financements initiaux (14 % pour l’Italie et 7 % pour l’Espagne) est satisfaisant et est respecté de manière statistique dans la durée. Il ne paraît pas devoir poser de problème majeur en cas de crise.

Le deuxième satellite Hélios 1B a été mis en condition de stockage et sera mis en orbite au cours du dernier trimestre de 1999 pour assurer le relais avec le satellite Hélios 1A dont la durée de vie a été fixée de manière contractuelle à cinq ans.

Sur le coût total incluant la réalisation du système, les améliorations, les charges additionnelles et le maintien en condition opérationnelle, la part du programme Hélios 1 à la charge de notre pays est estimée à 9,8 milliards de francs (1997). Alors que le montant des dépenses réalisées de 1985 à 1996 atteint 9,1 milliards de francs, le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 546 millions de francs de crédits de paiement.

Dans sa définition actuelle, le satellite Hélios 1 emporte une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Il comprend aussi un système d’écoute électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. Les capacités techniques et opérationnelles garantissent l’observation d’un site donné tous les deux jours mais sont limitées à l’observation de jour et par temps clair. De plus, le satellite ne repasse exactement à la verticale d’un point donné que tous les vingt-six jours.

La nécessité de relever sur orbite le satellite Hélios 1 (dont l’espérance de vie ne peut dépasser 2002-2003) et d’améliorer les capacités techniques du système a conduit à définir dès 1994 la seconde génération Hélios 2. Celle-ci doit valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant les investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prise de vues, de la réduction des délais d’accès aux informations recueillies et de la résolution des images. La phase de définition a été prolongée jusqu’en mars 1997 et la phase de développement a été lancée en 1997.

Le coût total du programme Hélios 2 pour notre pays a été estimé à 11 milliards de francs (valeur 1996) pour deux satellites ainsi que pour l’adaptation nécessaire des installations au sol. Près de 3,1 milliards de francs ont déjà été dépensés. L’absence de cofinancement allemand a obligé la France à financer l’intégralité du programme dans une première étape. Le projet de budget pour 1999 prévoit 1 417 millions de francs de crédits de paiement en faveur d’Hélios 2 dont 1 254 millions de francs sur l’article 69 du chapitre 51-61.

b) Les satellites de télécommunications Syracuse

Les communications spatiales militaires reposent, depuis le milieu des années 80, sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires. La première génération Syracuse I a compris trois satellites : Télécom 1A lancé en août 1984, Télécom 1B en mai 1985 et Télécom 1C en mars 1988. La deuxième génération Télécom 2-Syracuse II a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom 2A), en avril 1992 (Télécom 2B), en décembre 1995 (Télécom 2C) et le 8 août 1996 (Télécom 2D).

Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre l’écoute, l’intrusion et les brouillages. Elles permettent également d’étendre les capacités du système par la réalisation d’un ensemble complet de stations, terrestres ou navales.

Sur un coût total du programme Syracuse II estimé en 1996 à 13,9 milliards de francs -y compris les améliorations et les compléments-, près de 10 milliards de francs ont déjà été consommés. La loi de programmation militaire 1997-2002 a inscrit 2,254 milliards de francs de crédits de paiement pour prolonger la durée de vie de la composante spatiale jusqu’en 2005 et améliorer l’interopérabilité avec les autres systèmes de télécommunications.

Les crédits affectés à ce programme et à ses compléments pour 1999 s’élèvent à 318 millions de francs en crédits de paiement.

·  La prochaine génération doit permettre une meilleure interopérabilité avec les alliés. Aussi, la loi de programmation militaire a-t-elle inscrit 3,976 milliards de francs de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites dont le premier exemplaire devrait être commandé avant 2002 et lancé en 2005, en fonction de la solution retenue.

Dans l’attente d’une décision commune sur la solution technique, 318 millions de francs ont été inscrits dans le projet de budget pour 1999 afin que se poursuivent les études de faisabilité.

2. — Le budget de la Gendarmerie

·  Le projet de budget accorde à la Gendarmerie nationale les moyens strictement nécessaires à son action. Pour le prochain exercice, les abattements par rapport à la loi de programmation militaire ont été limités à 20 millions de francs auxquels il convient d’ajouter 64 millions de francs de réduction en application de la revue de programmes.

En 1999, l’augmentation de 0,7 % des autorisations de programme et de 3 % des crédits de paiement permettra de :

— poursuivre le programme de communications Rubis afin que l’ensemble du programme soit opérationnel en 2000. Les dotations permettront le déploiement du système dans 19 nouveaux départements en 1999, ce qui portera à 85 le nombre de ceux qui en seront équipés. Parallèlement, les équipements nécessaires aux douze derniers groupements métropolitains seront commandés au cours du prochain exercice ;

— renouveler les hélicoptères de sauvetage et d’intervention grâce à la commande d’un troisième appareil biturbine qui sera livré en 2000. Le rythme de renouvellement reste cependant inférieur à l’expression du besoin en matière de sécurité ;

— livrer diverses catégories de matériels nécessaires au service quotidien des unités, comme 1 744 véhicules de brigades, 275 motocyclettes, 20 canots rigides et près de 1 700 ordinateurs. Mais le renouvellement des matériels consacrés au service courant sera préservé de manière strictement suffisante, ce qui signifie d’inévitables tensions. En particulier ne sera pas assurée la remise à niveau du parc de 12 500 ordinateurs portables qui avaient été acquis grâce aux crédits libres des unités voire directement par les personnels eux-mêmes.

Les dépenses d’équipement per capita ont diminué de plus de 29 000 francs en 1993 à 25 000 francs en 1999. C’est pourquoi, comme l’a souligné le Directeur général de la Gendarmerie nationale lors de son audition devant la Commission de la Défense nationale, le contexte budgétaire suppose la poursuite des réformes liées à l’organisation de l’arme et au redéploiement de ses effectifs.

Enfin, il est à souligner que la fin du programme Rubis en 2000 permettra à la fois de desserrer la contrainte financière sur le titre V de la Gendarmerie et de commencer le programme de remplacement des engins blindés.

II. —  LA PRÉPARATION INCERTAINE DE L’AVENIR

A. —  LA DIMINUTION TENDANCIELLE DE L’EFFORT DE RECHERCHE DÉVELOPPEMENT

1. — Une érosion décennale des crédits de recherche

En retenant le concept le plus étendu, les crédits de paiement inscrits aux chapitres d’études, recherches et prototypes ont diminué de près de 30 % de 1990 à 1998. Dans l’ancienne nomenclature, les chapitres 51-60 Espace, 51-70 Nucléaire et 51-80 Autres études ont regroupé 25,075 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1998 (en diminution de 13 % par rapport à 1997).

La Commission des finances retient depuis plusieurs années un agrégat plus étroit “ Recherche, développement, Etudes ” (RDE), consacré aux seules études amont et aux développements, dans la mesure où l’ensemble des dotations inscrites sur les chapitres d’études comprend également des dépenses de fabrication voire d’entretien programmé, notamment pour les équipements nucléaires et spatiaux.

Cet agrégat progressera de 19,583 milliards de francs en 1998 à 21,09 milliards de francs en 1999 soit une augmentation de 7,7 %. Mais il ne retrouvera pas le niveau du début des années 90. C’est ainsi que de 1990 à 1997, les dépenses de RDE ont diminué de près de 37 % en France.

Sur la même période, malgré la difficulté des comparaisons internationales, les budgets de recherche et développement régressaient de 18% aux Etats-Unis, de 21 % en Grande Bretagne et de 34 % en Allemagne. Les projections sur les deux prochaines années montrent une stabilisation de ces crédits dans les trois pays. Parallèlement, les crédits d’équipement militaire diminuaient de 40 % aux Etats-Unis, de 21 % en Grande Bretagne et de 45 % en Allemagne. Un effort a donc été consenti pour maintenir le niveau des crédits d’études dans les dépenses d’équipement et pour préserver les études amont.

La réduction des dotations budgétaires est encore plus sensible si on exclut les crédits de recherche duale. En dépit de l’assurance inscrite dans la loi de programmation militaire de ne pas prévoir de contribution du ministère de la Défense au titre des crédits du BCRD, les transferts qui ont atteint environ 1 milliard de francs en 1996 se sont maintenus en 1997 (au titre des reports) et ont été prévus à hauteur de 500 millions de francs en 1998. Le projet de budget pour 1999 envisage un transfert de 900 millions de francs en autorisations de programmes et crédits de paiement destiné essentiellement aux recherches dans le domaine spatial et affecté au budget du CNES.

Les transferts de crédits militaires vers les programmes civils peuvent être acceptés s’ils sont effectivement affectés à des études amont qui concernent les programmes militaires. Mais la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente en fait un simple abondement du budget du CNES ; de plus il est impossible de connaître leur utilisation précise.

2. — Un enjeu stratégique majeur

S’il est logique que les crédits d’études nucléaires suive l’évolution à la baisse de la dissuasion nucléaire (- 12,7 % de 1997 à 1998 par exemple), il est inquiétant de constater que l’effort en matière d’études amont classiques soit aussi contraint. Sur la décennie 90, les études amont ont été réduites de 42 %. Elles subiront une nouvelle réduction de 11,3 % en 1999, ce qui explique que leur part dans les crédits d’équipement s’affaiblisse à 6 %.

Il est vrai que l’une des décisions de la revue de programmes a conduit à diminuer les crédits d’études de 10 % de 1999 à 2002 pour un montant de 1,2 milliard de francs. Cette démarche a pris en compte trois facteurs qui affectent l’équipement des forces : la contraction des besoins au moment de la réduction des formats, les perspectives européennes et la dualité des technologies.

L’attention doit être appelée sur chacun de ses aspects. S’il est légitime de chercher à réduire les coûts, d’éviter les doublons dans les études amont et de concentrer l’effort sur des domaines privilégiés de recherche, au risque d’abandonner certaines compétences, de nombreux écueils doivent être évités :

— la préparation de l’avenir ne mérite pas d’être sacrifiée à une recherche de court terme d’économies budgétaires. Les difficultés d’engager les crédits de paiement en 1998 sont patentes et près de 500 millions de francs ne pourront être notifiés aux industriels sur l’exercice en cours d’exécution. Un désengagement continu fragilisera certains secteurs de compétences, au risque de laisser les compétiteurs américains remporter peu à peu les marchés, privant ainsi les industriels français de références dans les armées, dans le cadre des marchés à l’exportation ;

— il est nécessaire de bien apprécier la notion de technologies duales. Les armées ont intérêt à bénéficier du progrès rapide et immédiat des technologies civiles dans un triple objectif d’abaissement des coûts et de réduction des délais de développement et d’acquisition des technologies les plus modernes. Le développement de technologies militaires propres ne se conçoit que s’il est impératif de conserver une compétence ou d’assurer un approvisionnement sur le long terme. De plus, l’intégration de technologies civiles peut s’opérer à divers stades même s’il est plus fréquent que les technologies soient duales très en amont des processus. Le plus important reste de garder les compétences de maîtrise d’oeuvre des systèmes.

B. —  LES ALÉAS DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE

La coopération avec des partenaires européens n’a jamais été érigée en dogme mais elle constitue un objectif majeur pour le ministère de la défense. Pourtant, ni la loi de programmation militaire 1997-2002, ni la revue de programmes n’ont hésité à sacrifier des programmes en coopération (abandon du drône Brevel, absence de financement de l’industrialisation du missile antichar AC3G-LP, non-achat des mines antichar MACPED).

Le projet de budget consacre plus de 8 milliards de francs à des programmes majeurs conduits en coopération et intéressant toutes les armées : hélicoptères Tigre et NH 90, radar COBRA, munition intelligente Bonus, système antiaérien PAAMS, roquette LRM NG.

Les avantages et les inconvénients de la coopération sont bien connus. Les réductions de coûts et l’amélioration de l’interopérabilité recherchées à moyen terme sont souvent masquées à court terme par les difficultés : définition d’un même besoin militaire et recherche de spécifications techniques communes ; négociations avec des consortiums industriels ; partage des recherches, du développement et de la fabrication ; augmentation des coûts induite par la duplication des recherches et des chaînes de montage etc.

Deux exemples illustrent, dans le projet de loi de finances initiale pour 1999, le décalage entre l’ambition et les aléas de la coopération.

1. — La difficile recherche de partenaires pour les programmes spatiaux

L’importance de la charge de financement des systèmes spatiaux a incité à la recherche de partenaires européens depuis le début de leur phase de définition.

a) La nouvelle génération de satellite d’observation

·  En ce qui concerne Hélios 2, l’Italie a seulement exprimé le souhait de s’associer au programme mais n’a pas fait connaître sa décision définitive. Par contre, des discussions ont eu lieu avec la Belgique qui a fait part de son intérêt et avec l’Espagne qui a confirmé sa participation à un niveau de 3 %. Un accord technique et administratif franco-espagnol a été signé à l’été 1998. Les négociations avec la Belgique semblent avoir échoué car la participation financière demandée a été jugée excessive par le ministère belge de la Défense. Des dispositions sont prises pour que les pays intéressés puissent rejoindre le programme en cours de développement.

L’intérêt britannique et allemand pour les satellites d’observation militaire est moindre car ces deux pays s’estiment satisfaits de la coopération avec les Etats-Unis même aux dépens de leur indépendance de décision. La fourniture d’images satellitaires est jugée suffisante par les états-majors et elle est surtout jugée moins coûteuse par les ministères des finances.

A la suite des conseils franco-allemands de Baden-Baden en décembre 1995 et de Dijon en juin 1996, la participation de l’Allemagne semblait acquise malgré les difficultés budgétaires du ministère de la défense de ce pays. Une participation à Hélios 2 supposait un apport financier initial de l’Allemagne d’au moins 10 % pour compenser les investissements déjà réalisés par les autres pays et un partage opérationnel dès la mise en oeuvre du premier satellite. Les sommets de Nuremberg en décembre 1996 et de Poitiers en juin 1997 ont réaffirmé l’engagement politique des deux pays. Mais l’Allemagne a différé son entrée dans les programmes spatiaux et le changement de Gouvernement dans ce pays pourrait entraîner une modification des décisions prises.

Ce retrait provisoire de l’Allemagne explique donc le niveau des dotations prévues pour Hélios 2 dans les budgets 1998 (1 420 millions de francs de crédits de paiement) et 1999 (1 417 millions de francs de crédits de paiement) ainsi que la réduction de celles inscrites pour le satellite radar (30 millions de francs de crédits de paiement).

b) L’exemple du système spatial radar

·  Le coût d’un système radar est élevé. Les estimations prévisionnelles pour un système comprenant trois satellites et une composante sol s’élevaient à 6,5 milliards de francs (valeur 1996) dans l’hypothèse d’une participation française au programme d’environ un tiers et d’une participation italienne de l’ordre de 20 % ou à près de 8 milliards de francs après le sommet de Baden-Baden qui a fixé la participation française à 40 %.

En raison de l’impossibilité pour un seul pays d’en assurer le financement, l’accès à la filière “ tout temps ” a été envisagé dans un cadre multinational réunissant l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie. La préférence allemande pour un système d’observation radar a lié durant deux ans les négociations sur les deux catégories de satellites d’observation. Le Chef d’Etat-major des armées, le Général Kelche, estime que le système d’observation radar est complémentaire des systèmes optiques car il offre la capacité de surveiller de larges zones par tout temps, même en cas de couverture nuageuse, de jour comme de nuit, les trois moyens (optique visible, optique infrarouge et radar) assurant ainsi un ensemble d’observation cohérent.

Le cumul des crédits de paiement prévus dans la loi de programmation militaire 1997-2002 s’élevait à 2,476 milliards de francs (1996). Des crédits budgétaires d’un montant total de 296 millions de francs ont déjà été consommés depuis 1992 pour le projet initial français baptisé Osiris et devenu Horus lorsque la participation allemande semblait acquise. Les industriels ont eux-mêmes engagé des sommes importantes pour les études préparatoires. L’incertitude sur la poursuite du programme même sous une forme atténuée laisse à penser qu’une meilleure utilisation de ces dotations aurait été possible.

La persistance des incertitudes allemandes a conduit le Gouvernement, dans le cadre de la revue de programmes, à arrêter le projet Horus sans pour autant renoncer à l’acquisition d’une capacité d’observation sur la période du plan pluriannuel spatial militaire. C’est pourquoi des crédits ont été maintenus dans le projet de budget pour 1999.

c) Les communications satellitaires

·  La recherche d’une coopération européenne pour les communications satellitaires se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service, britannique Skynet 4 et français Syracuse II, et par la convergence des besoins opérationnels avec l’Allemagne. Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom). Une solution regroupant d’autres pays européens est toujours apparue peu probable (Eumilsatcom) en raison de l’insuffisance des études préparatoires et de la complexité d’un tel système.

L’annonce le 12 août dernier que la Grande Bretagne ne prendrait pas part à la phase de définition du programme en coopération montre qu’une solution nationale a été privilégiée par le Royaume Uni en raison de différences d’approche et d’une entente probable avec les Etats-Unis. Même si officiellement une compétition a été lancée entre Matra Marconi Space et Lockheed Martin pour la définition du futur système de télécommunications, la Grande Bretagne a fait le pari de l’échec de la coopération européenne et de l’achat “ sur étagère ” d’un satellite américain, du moins de techniques de nouvelle génération.

2. — Les remises en cause du programme de frégates Horizon

·  Le programme Horizon souffre de multiples incertitudes qui rendent quelquefois peu optimiste :

— le premier MOU (memorandum of understanding) a été signé il y a déjà quatre ans, le 11 juillet 1994, par les Ministres de la Défense de trois pays intéressés (France, Grande Bretagne et Italie). Il prévoyait que le développement commencerait dix-huit mois plus tard. Or, deux ans après ce délai, les Britanniques, exigeants sur les performances et les critères de défense antiaérienne, n’étaient toujours pas d’accord sur les spécifications retenues par les deux autres partenaires. Le 21 mars 1996, les Ministres de la Défense ont signé un supplément au MOU permettant de lancer la phase de définition qui durera vingt-sept mois.

Si l’accord sur la configuration du système n’est pas modifié et si aucun partenaire du projet ne modifie ses besoins militaires, un second arrangement technique sera signé à la fin de l’année pour lancer le développement et la construction des premiers de série ;

— la stratégie d’acquisition repose sur la volonté de s’engager sur le long terme et de faciliter la restructuration du secteur industriel. L’équipe intégrée de management, le JPO (Joint Project Office), dispose d’une réelle délégation d’autorité et cherche à utiliser les solutions techniques existantes avant de développer des innovations coûteuses ;

— seuls deux exemplaires ont été inscrits pour la France dans la loi de programmation militaire au lieu des quatre constituant le besoin initial. Or le partage industriel est lié au nombre de navires envisagés. Il est certain que les Britanniques ne pourront pas acquérir 12 bâtiments comme ils en affichent l’intention. D’ailleurs, ils n’envisagent que 4 frégates à l’horizon 2007. De même l’Italie, après avoir évoqué une commande de 6 exemplaires, n’a programmé financièrement qu’une seule frégate pour 2005. Pourtant l’effet d’annonce est primordial car il conditionne le partage industriel entre les pays.

Le Chef d’Etat-major de la Marine, l’Amiral Jean-Charles Lefebvre, a fait part de son enthousiasme à l’égard de ce programme majeur pour le renouvellement de la flotte de surface mais aussi de ses préoccupations suite aux atermoiements successifs.

CONCLUSION

En conclusion, votre rapporteur souhaiterait souligner que, lorsqu’un Livre Blanc sur la Défense a été débattu et a précisé les objectifs fondamentaux de la Défense nationale, lorsqu’une loi de programmation militaire a été votée puis révisée pour tenir compte des circonstances, il apparaîtrait normal que les dotations budgétaires correspondent à la réalité des choix et des arbitrages rendus par le Président de la République et le Premier Ministre. Or c’est le contraire qui est constaté. Les crédits d’équipement, pour être extérieurement conformes à la revue de programmes, n’en sont pas moins en décalage avec elle puisqu’on impute à tort sur les dotations en capital au moins 1,4 milliard de francs de dépenses non prévues dans le périmètre initial des dotations.

On est alors à se demander s’il existe un ministère qui n’entend pas mettre en oeuvre la programmation révisée, librement déterminée par le Président de la République, le Chef du Gouvernement et le ministre de la défense. La revue de programmes qui est intervenue au printemps dernier était indispensable compte tenu du caractère imprécis des chiffrages précédemment effectués. Même si la Commission de la Défense ne dispose pas de tous les éléments d’appréciation pour se prononcer en toute objectivité, elle est amenée à considérer, soit que la détermination initiale des besoins financiers était erronée, soit que le recadrage opéré par la revue de programmes est peu réaliste si les mêmes objectifs et les mêmes missions sont maintenus. Dans l’un ou l’autre cas, le Parlement n’a pas disposé des informations souhaitables.

Par ailleurs, les dotations en capital sont contraintes par l’évolution des crédits de fonctionnement. Les coûts de la professionnalisation n’ont pas été correctement évalués alors que les éléments ont pourtant été fournis par les Chefs d’état-major des armées et par le Chef d’état-major des armées qui ont émis un avis et des propositions. Ce décalage entre les prévisions et les besoins réels entraîne de réelles difficultés de mise en oeuvre pendant la période intermédiaire, au risque d’obérer les capacités des forces armées jusqu’à la fin de la période de professionnalisation, en particulier du fait du manque d’entraînement des personnels et d’entretien des matériels.

S’il est vrai que, dans la période actuelle, aucun grand conflit n’est prévisible qui nécessiterait le caractère pleinement opérationnel des armées, on ne peut pas dire pour autant que la réduction des dépenses de fonctionnement -qui sont par ailleurs compensées sur les crédits d’équipement-, par la simple application du principe que tous les services et toutes les armées doivent contribuer à un effort de maîtrise des dépenses, soit sans conséquence. Il faut alors regretter certains dysfonctionnements, par exemple dans les forces militaires en charge de la sécurité publique et qui ont recours à des expédients pour assurer le fonctionnement courant de leurs unités territoriales.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La Commission de la Défense a entendu, le 9 septembre 1998, M. Alain Richard, Ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 1999.

Accueillant le Ministre de la Défense, le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense était particulièrement attentive aux conditions de la professionnalisation, au retour des crédits d’équipement à un niveau permettant de mener à bien le programme de modernisation des forces ainsi qu’à l’amélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense, en loi de finances initiale comme en exécution.

Le Ministre de la Défense a présenté les principales orientations du budget de la Défense contenues dans le projet de loi de finances pour 1999, adopté le 9 septembre 1998 par le Conseil des Ministres. Il a rappelé que le budget de l’exercice précédent avait fait de la poursuite de la réforme des armées et de la professionnalisation sa priorité et s’était traduit, d’une part, par une conformité du titre III aux objectifs fixés dans la loi de programmation et, d’autre part, par une réduction temporaire des crédits d’équipement par rapport à cette même loi, en raison des contraintes de l’assainissement des finances publiques.

Il a relevé que les difficultés entraînées par cette réduction des ressources disponibles pour l’équipement des armées ne pouvaient être surmontées qu’à la condition d’un réexamen d’ensemble de la cohérence des choix financiers de la loi de programmation militaire, constat qui avait présidé à la revue de programmes et donné lieu, en conséquence, à un ajustement des flux financiers prévus. Il a d’ailleurs souligné que le projet de loi de finances pour 1999 appliquait les conclusions de la revue de programmes concernant les crédits d’équipement, tout en répondant à une vision à long terme des besoins de la défense. Il s’est également félicité des conditions d’élaboration du budget de la Défense, qui n’avait pas nécessité le recours à l’arbitrage du Premier Ministre, en ajoutant que la nouvelle présentation des crédits portait la marque d’un effort de clarification comptable répondant notamment aux souhaits réitérés de la Commission de la Défense.

M. Alain Richard a ensuite présenté les principaux chiffres du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le titre III, d’un montant de 104 milliards de francs, progressait de 240 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, concédant que ce montant aurait été plus élevé si l’on avait appliqué les règles générales d’indexation mais soulignant qu’il restait conforme aux objectifs de la programmation. Quant aux crédits des titres V et VI, il a déclaré qu’ils s’établiraient à 86 milliards de francs, ce qui, par rapport aux 81 milliards de francs du budget voté de 1998, représentait une augmentation d’autant plus forte en termes réels que la valeur des achats d’équipements militaires avait tendance à suivre l’évolution de l’indice des prix industriels, nettement inférieure à celle de l’indice des prix. Il a indiqué qu’au total, les crédits militaires hors pensions progresseraient de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

Le Ministre de la Défense a souligné que le projet de budget permettait de poursuivre la professionnalisation des forces, qui perdraient en 1999 un peu plus de 30 000 appelés et 2 690 sous-officiers, le nombre d’officiers demeurant globalement stable, alors que seraient créés environ 16 000 emplois, soit, notamment, 8 400 militaires du rang, 4 750 volontaires, dont 3 000 dans la Gendarmerie, et 1 900 emplois civils. Il a fait observer que la baisse de 9 % des crédits de fonctionnement, corrélée à l’évolution des effectifs, n’amputait pas le pouvoir d’achat du titre III, des économies non pénalisantes ayant été rendues possibles en 1999, notamment par l’évolution du prix du pétrole ou par l’augmentation des ressources extrabudgétaires du Service de santé des armées.

S’agissant des crédits d’équipement du budget de la Défense, le Ministre de la Défense a souligné que leur évolution marquait un rattrapage par rapport à la précédente loi de finances et traduisait les conclusions tirées de la revue de programmes. Il a fait observer que les ressources affectées à la dissuasion se trouvaient confortées, le programme de SNLE de nouvelle génération se poursuivant normalement, avec l’admission au service actif du deuxième SNLE-Ng en juillet 1999 et un objectif de mise en service du dernier SNLE-Ng en 2008. Evoquant les crédits consacrés à l’espace, il a rappelé le caractère prioritaire du programme Hélios II et indiqué, s’agissant du programme Trimilsatcom, que la décision de retrait britannique du 12 août 1998 n’entravait pas la coopération entre la France et l’Allemagne dans ce domaine, les deux partenaires ayant décidé de modifier, en les simplifiant, certaines spécifications du programme.

En ce qui concerne les armements conventionnels, il a indiqué que l’année 1999 verrait la poursuite des livraisons de chars Leclerc, à raison de 33 exemplaires, le lancement du programme VBCI réalisé en collaboration avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne, l’entrée dans la phase de fabrication du programme Tigre, la livraison du premier Rafale Marine, du deuxième Hawkeye, le lancement du programme de TCD de nouvelle génération et la poursuite du programme d’hélicoptère NH-90. Il a également fait valoir que, pour la Gendarmerie, les délais d’équipement du programme Rubis seraient respectés puisque, fin 1999, 85 départements seraient équipés, ce qui permettait d’être désormais sûr de l’achèvement du programme à la fin de l’année 2000.

M. Alain Richard a également fait remarquer que l’effort du ministère de la Défense en matière de recherche et développement dépasserait 21 milliards de francs en 1999 contre 19,6 dans la loi de finances initiale pour 1998.

Il a indiqué par ailleurs que près d’un milliard de francs seraient consacrés à l’accompagnement économique des restructurations sous la forme de dotations du Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) et du Fonds d’adaptation industrielle (FAI), destinées à financer l’accompagnement économique et social des restructurations, tandis que les aides au départ et à la mobilité, accordées dans le cadre de la professionnalisation, représenteraient plus de 1,8 milliard de francs. Sur ce dernier point, il a fait observer que, conformément à la loi de programmation, les crédits relatifs aux pécules connaîtraient leur première baisse puisqu’ils se monteraient à 810 millions de francs au lieu de 900 en 1998. Il a ajouté qu’après la réalisation complète des prévisions de départ pour 1998, ce montant devrait assurer le départ aidé de 900 officiers et 2 000 sous-officiers en 1999.

Evoquant les restructurations industrielles, le Ministre a indiqué que les efforts de la DGA produisaient désormais leurs fruits en matière de coûts et de délais et mis l’accent sur le dialogue mené avec les industriels de la défense. Sur le point plus précis des relations de la DGA avec les PME-PMI, il a fait observer que, désormais, de nouveaux moyens, notamment en personnel, seraient affectés spécifiquement à cette tâche.

Le Ministre de la Défense a alors analysé la participation du budget de son département à la politique générale du Gouvernement en faveur de l’emploi, de la sécurité intérieure et de la construction européenne.

S’agissant de la politique de l’emploi, il a souligné à nouveau que le ministère allait ouvrir en 1999 de l’ordre de 16 000 recrutements dont plus de 13 000 de militaires du rang et de volontaires, c’est-à-dire des emplois destinés à des jeunes de qualification moyenne et faible. Il a ajouté que 15 millions de francs seraient consacrés à l’accompagnement social des jeunes sans emploi en fin de contrat et rappelé que le ministère prenait sa part des efforts de relèvement des rémunérations les plus basses, qu’il s’agisse de celles des militaires ou de celles des personnels civils.

S’agissant de l’effort en matière de sécurité intérieure, il a précisé qu’en relève des appelés, 3 000 volontaires allaient être recrutés par la Gendarmerie en 1999 en complément des 800 recrutés par anticipation dans les prochaines semaines. Il a toutefois fait observer que l’effort en faveur des effectifs de la Gendarmerie engendrerait en contrepartie un alourdissement des charges de formation, consécutif, notamment, à l’accroissement du nombre de départs à la retraite dans les prochaines années, de 2 000 à 4 000 par an. Il a ajouté que le renforcement des effectifs de la Gendarmerie d’autoroute serait néanmoins poursuivi pour tenir compte de l’accroissement du kilométrage autoroutier et annoncé que, dans le cadre du programme de renouvellement des hélicoptères Alouette III, la première commande d’hélicoptères biturbines allait être passée.

M. Alain Richard a alors décrit la part prise par le ministère de la Défense à la politique européenne du Gouvernement. Il a fait ressortir la participation accrue de la France au développement d’une industrie de défense européenne compétitive et attiré l’attention sur la signature du traité instituant l’OCCAR. Sur ce point, il a fait remarquer la forte volonté des signataires de déléguer à l’OCCAR la gestion de nouveaux programmes, indiquant que les Britanniques avaient fait part de leur intention de porter à 40 % la part des programmes européens dans leurs acquisitions.

Il a également souligné que la France faisait pleinement appel aux crédits de reconversion de l’Union européenne (fonds KONVER et Objectif 2).

En conclusion, il a indiqué que le projet de budget pour 1999 marquait une nouvelle étape dans la modernisation et l’adaptation de nos capacités de défense tout en contribuant efficacement à la mise en oeuvre des grands objectifs du Gouvernement. Il a également mis l’accent sur l’efficacité des armées dans l’accomplissement de leurs missions extérieures, puisque l’année 1998 avait vu, outre la conduite d’opérations sur divers théâtres, la mise en oeuvre de plusieurs interventions d’évacuation de nos ressortissants, tout en rendant hommage aux qualités dont elles faisaient preuve dans l’exercice de leurs missions intérieures. Evoquant la participation du ministère de la Défense à la sécurité de la Coupe du Monde de football, il a à ce propos tenu à rendre hommage au gendarme Nivel, symbole du dévouement et de l’efficacité des armées dans l’ensemble de leurs missions.

Rappelant que l’arrêté d’annulation et le décret d’avance du 21 août 1998 avaient réduit de 3,8 milliards de francs les crédits d’équipement de l’exercice 1998 et ouvert sur le même exercice un crédit de 3,8 milliards de francs en vue de couvrir des charges de personnel, notamment au titre des opérations extérieures, le Président Paul Quilès s’est demandé si, dans la mesure où une bonne partie de ces opérations pouvait être prévue en début d’exercice, une provision ne pourrait pas être instituée en loi de finances initiale pour faire face aux charges qu’elles entraînent, ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle parlementaire.

Remarquant également qu’une partie des crédits ouverts par le décret d’avance semblait destinée à remédier à l’insuffisance des dotations initiales pour la rémunération des VSL (volontaires service long), il s’est demandé si cet ajustement ne traduisait pas certaines dérives en matière de rémunérations et s’est interrogé sur leur perpétuation en 1999.

Abordant alors la réforme destinée à rapprocher la comptabilité des investissements du ministère de la Défense de celle des ministères civils, il a souhaité savoir si l’on pouvait en attendre une plus grande conformité des autorisations de programme du budget de la Défense à la définition qui en est faite par l’ordonnance de 1959 relative aux lois de finances, soulignant qu’une telle amélioration faciliterait le contrôle parlementaire des dépenses en capital, grâce notamment à l’inscription dans le fascicule budgétaire de la Défense d’échéanciers véritablement significatifs des crédits de paiement. Il a également demandé dans quelles conditions le montant en autorisations de programme des nouvelles opérations budgétaires d’investissement ainsi que leur échéancier en crédits de paiement seraient portés à la connaissance des rapporteurs budgétaires.

Enfin, s’agissant des commandes groupées, il a souhaité savoir si leur montant en était connu et si elles feraient l’objet d’une individualisation au sein du fascicule budgétaire de la Défense.

M. Alain Richard a apporté les éléments d’information suivants :

— le décret d’avance qui porte sur 3,8 milliards de francs couvre en partie (1 milliard de francs) les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il ouvre également des dotations supplémentaires pour assainir la situation des chapitres de rémunérations, afin d’éviter des tensions de trésorerie avant le collectif budgétaire prévu en novembre prochain ;

— environ 300 millions de francs de crédits provisionnels avaient été inscrits pour la première fois dans le projet de budget pour 1998 pour couvrir une part des surcoûts entraînés par les opérations extérieures. D’une part, il est difficile d’évaluer à l’avance l’ampleur de ces surcoûts. D’autre part, cette provision, souhaitée par le Ministre de la Défense, doit rester modérée et ne saurait dépasser à terme un milliard de francs ;

— le débat politique avec le Parlement sur les opérations extérieures se déroule habituellement au moment de l’examen de la loi de finances rectificative de fin d’année mais il serait souhaitable que le Ministre de la Défense vienne, dès le printemps, présenter les principales dépenses liées à ces opérations ;

— les VSL permettent d’accompagner la professionnalisation. Parce qu’il n’a pas été possible d’inscrire en 1998 des postes de volontaires pour pallier la disparition des appelés, les armées ont été autorisées à recourir à des VSL en anticipation de l’arrivée des volontaires ;

— la couverture du décret d’avance repose sur des annulations de crédits d’équipement. Mais ces annulations seront compensées par une autorisation de consommer un montant équivalent de crédits de report de l’exercice 1997 sur l’exercice 1998 afin de garantir la capacité de dépenses du ministère de la Défense pour l’exercice en cours ;

— la mise en oeuvre au sein du ministère de la Défense de la nouvelle comptabilité spéciale des investissements (CSI) s’est traduite par des retards de paiement au détriment des fournisseurs, en particulier des PME, et l’application de la réforme de la nomenclature budgétaire prévue par le projet de loi de finances pour 1999 risque d’entraîner des conséquences de même nature. Les retards provoqués par l’introduction de la CSI devraient toutefois être rattrapés d’ici quelques mois afin que la consommation des crédits approche, à la fin de l’exercice 1998, les montants inscrits en loi de finances initiale ;

— la présentation du budget pour 1999 se place dans la cohérence des demandes des commissions parlementaires. Elle fait passer de 7 à 8 le nombre de chapitres du ministère de la Défense et permet, notamment, de détailler, dans le chapitre des fabrications, 25 articles, correspondant chacun à un grand programme ;

— cinq commandes groupées de matériels pour un montant d’engagements d’environ 11 milliards de francs ont été lancées en 1997 et deux nouvelles commandes de ce type seront sans doute attribuées en 1999. Le Gouvernement ne pourra confirmer publiquement la commande groupée des 48 Rafale qu’en 1999 car, si l’essentiel de la négociation est effectué, il reste certaines questions à régler avant la signature définitive du contrat.

Après s’être félicité de l’augmentation des titres V et VI en loi de finances initiale et des efforts effectués dans certains domaines, en particulier dans l’adéquation des autorisations de programme et des crédits de paiement, M. Arthur Paecht a émis la crainte que la loi de finances rectificative pour 1998 ne vienne à nouveau amputer les crédits d’équipement pour abonder les dépenses liées aux opérations extérieures. Ayant estimé ambitieux l’objectif de fabriquer en coopération européenne près de 40 % des programmes en valeur, il s’est interrogé sur la nature de l’identité européenne de défense qui soutiendra le développement de l’OCCAR. Enfin, il a évoqué l’élaboration du nouveau concept stratégique de l’Alliance atlantique et a souhaité obtenir des informations complémentaires sur la participation de la France aux structures intégrées alliées.

M. Jean-Yves Le Drian s’est étonné que le projet de budget pour 1999 prévoie le lancement du développement de deux frégates Horizon dans la mesure où il n’avait pas eu connaissance que des progrès significatifs avaient été récemment accomplis dans la définition des spécifications de ce programme en coopération trilatérale. Evoquant la réforme de la DCN, il a souhaité avoir des précisions sur la méthode et le calendrier retenus par le ministère de la Défense.

Estimant qu’il ressortait des propos du Ministre de la Défense que l’augmentation du titre III ne correspondait pas à celle du coût de la vie, M. Michel Voisin a souhaité que l’effort entrepris en faveur de la professionnalisation ne soit pas terni par une altération de la qualité de vie des personnels militaires. Notant qu’une dotation supplémentaire de 40 millions de francs était affectée aux réserves, il a demandé quel était l’état d’avancement des travaux d’élaboration du projet de loi les concernant. S’agissant de la réorganisation des services de police et de Gendarmerie, il a indiqué que la réforme annoncée avait soulevé, notamment dans la zone périurbaine de Lyon, de vives protestations de la part des élus locaux et des populations qui craignent qu’il s’ensuive une altération des conditions de sécurité et a regretté qu’elle n’ait été précédée d’aucune véritable consultation préalable. Evoquant l’annonce de la double commande de 80 hélicoptères Tigre faite à la suite de la rencontre des Ministres de la Défense à Berlin, il a souhaité savoir si ces commandes avaient été notifiées à l’industriel. Enfin, il s’est inquiété du maintien des effectifs et des spécificités de la Légion étrangère ainsi que des troupes de marine.

M. René Galy-Dejean a fait part de sa satisfaction au regard d’un budget qu’il a considéré comme une assez bonne surprise, après les résultats de la revue de programmes, et indiqué qu’il portait des appréciations également positives sur la politique suivie en matière de restructuration industrielle. Il a toutefois regretté que les négociations avec le ministère du Budget n’aient pu permettre d’obtenir une augmentation du montant des crédits militaires et en particulier de ceux du titre III, en rapport avec l’amélioration sensible des recettes fiscales. Rappelant que le contexte international avait sensiblement évolué dans le domaine de la prolifération nucléaire et balistique depuis l’élaboration du précédent budget, il a souhaité savoir si cette situation avait été prise en compte dans la fixation des orientations budgétaires concernant la dissuasion et si le Ministre avait pu constater l’émergence d’une prise de conscience européenne en ce domaine.

Après avoir fait valoir que l’augmentation des crédits de la Défense pour 1999 était conforme aux engagements précédents du Gouvernement et que le projet de budget reflétait la priorité accordée à l’emploi, M. Yann Galut a fait part de ses préoccupations quant à l’avenir de GIAT-Industries, en ce qui concerne notamment le secteur armes et munitions, la nature de la participation française au VBCI, et plusieurs incertitudes relatives à la revalorisation des matériels d’artillerie de type 155 AUF 1 ou aux commandes portant sur le système Minotaur et les tourelles d’hélicoptères. Il a noté avec satisfaction l’accroissement des crédits de recherche-développement, qui lui a paru témoigner du souci de préserver l’avenir des industries françaises de défense et a souhaité savoir quels moyens pouvaient être accordés, dans le cadre de cet effort, à des programmes tels que le VEXTRA, l’artillerie future des chars de combat et les munitions intelligentes. S’agissant des aides à la diversification des entreprises de défense, il a souhaité savoir quelle avait été l’affectation des crédits inscrits à ce titre dans le budget pour 1998. Il s’est enfin félicité de l’annonce de la prochaine commande pluriannuelle de 48 Rafale et des engagements pris en faveur du programme ATF, tout en indiquant que parmi les trois options évoquées par le Ministre, il souhaitait que celle proposée par Airbus Industrie soit privilégiée.

M. Georges Lemoine s’est félicité que le projet de budget de la Défense pour 1999 vienne atténuer certaines inquiétudes concernant les moyens alloués à la Gendarmerie, notamment en matière de volontariat. Se déclarant satisfait à cet égard de l’ouverture, par anticipation, de 800 postes de volontaires en 1998 et des objectifs de recrutement fixés pour 1999, il a toutefois fait état des difficultés que pourrait soulever, dans les brigades, la durée de formation de ces personnels, nettement supérieure à celle des actuels gendarmes auxiliaires. Il a ensuite évoqué les nombreuses inquiétudes suscitées, chez les élus, par le rapport de MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest. Il a plaidé en faveur d’une information accrue des élus locaux sur les propositions énoncées dans ce rapport, dont il a souligné qu’il avait été peu lu et estimé que l’intervention du Directeur général de la Gendarmerie nationale devant le congrès des maires de France, au mois de novembre, pourrait participer de cette meilleure information. Après s’être félicité des perspectives d’achèvement du programme Rubis, il a soulevé la question des conditions de vie et des casernements, qui risquait d’être rendue plus difficile par l’arrivée des volontaires. Il a enfin interrogé le Ministre sur la contribution des sociétés autoroutières au financement des pelotons de gendarmerie d’autoroute.

M. Jean-Claude Sandrier s’est déclaré gêné pour approuver le projet de budget, de la même façon que les membres de l’opposition s’étaient trouvés gênés pour le critiquer. Il a précisé que son analyse concernant la loi de programmation militaire était inchangée et a exprimé son désaccord avec une politique de défense principalement fondée sur des objectifs de projection. Il a souligné en revanche que le concept de défense nationale gardait toute sa validité et que sa mise en oeuvre supposait de revaloriser les forces et équipements classiques. Il a estimé en outre que la journée d’appel de préparation à la défense ne suffirait pas à insuffler aux jeunes l’esprit de défense. Il a ensuite interrogé le Ministre sur les résultats de la campagne de recrutement de l’Armée de terre et, s’agissant des crédits d’équipement, sur leur taux de consommation en 1998. Après avoir demandé au Ministre de faire le point sur les nouvelles infrastructures, il s’est interrogé sur l’état actuel de la coopération européenne pour la réalisation du programme Hélios II. Il s’est également déclaré inquiet de la politique industrielle suivie dans le secteur de la défense, relevant qu’elle était largement inspirée par le souci d’instaurer une défense européenne. Il s’est à ce propos interrogé sur l’évolution de la politique de coopération suivie par nos partenaires britanniques et allemands en matière de défense, notamment à l’égard des Etats-Unis. Il s’est enfin demandé s’il était prudent de programmer la fin du système armes et munitions de GIAT-Industries, avant de demander que le plan de restructuration de cette entreprise soit revu en fonction d’autres objectifs que ceux qui ont été retenus par le Gouvernement.

Remarquant que plusieurs des questions posées avaient trait aux orientations de la politique générale de défense de la France, M. Alain Richard a proposé que leur examen ait lieu en séance publique, à l’occasion du débat sur les crédits militaires, de sorte qu’ils puissent faire l’objet d’une discussion plus approfondie.

Il a également suggéré que la Commission de la Défense tienne un débat spécifique sur la politique industrielle dans le secteur de la défense et s’est déclaré disposé à y contribuer.

Il a en outre apporté les éléments de réponse suivants :

— les dépenses liées aux opérations extérieures sont, par nature, affectées d’un fort coefficient d’incertitude en début d’exercice ; en 1999, elles seront sans doute en réduction par rapport à 1998 du fait, notamment, de la fermeture des bases françaises en République centrafricaine ;

— le programme Horizon sera bien lancé en 1999 ; en effet, la définition de ses besoins par la Grande-Bretagne, principal acheteur, a beaucoup évolué et s’est considérablement rapprochée de celle de la France ;

— la réforme de la DCN est une réforme en profondeur qui doit donc être conduite sur le long terme. La DCN doit conserver une place éminente au sein de l’industrie de défense européenne de demain. Pour cela, il a été demandé à sa direction de recueillir des avis diversifiés avant de formuler ses propositions en vue d’une réforme et d’un plan d’entreprise. Cette réflexion prend nécessairement du temps. Le plan d’entreprise qu’elle élaborera devra permettre à la DCN de répondre aux demandes de la Marine et de trouver des marchés, dans des conditions économiques saines ;

— la hausse des rémunérations et charges sociales, au sein du titre III, est de 2,9 %. Elle inclut donc des accroissements de pouvoir d’achat. Mais elle pèse indéniablement sur les moyens de fonctionnement. Les tensions sur les crédits de fonctionnement n’affecteraient la qualité de vie que des personnels logés. Or, sur ce point, sans doute du fait de l’ingéniosité des chefs de corps, il n’apparaît pas qu’on aille vers une situation réellement difficile. De plus, les jeunes engagés sont tous en début de contrat et il n’est pas certain qu’ils souhaiteront, à l’avenir, continuer à être logés à la caserne ; il convient donc d’être prudent dans la construction des casernements de manière à éviter les surcapacités ;

— le ministère de la Défense a bénéficié d’une amélioration spécifique de ses crédits de fonctionnement, due notamment à la réforme du financement du fonds de pension des ouvriers d’Etat. Celui-ci connaissait un déficit structurel apuré a posteriori par une subvention. A la suite d’une proposition du ministère des Finances, ce déficit sera désormais financé par les cotisations des employeurs. Cette réforme, appliquée de façon plafonnée, aboutit à transférer 300 millions de francs de cotisations du titre III vers les établissements employeurs des ouvriers d’Etat, notamment la DCN ;

— en ce qui concerne les modifications du partage de compétence territoriale entre la Police et la Gendarmerie, les propositions envoyées aux préfets feront l’objet de négociations et ne présagent pas des décisions finales ;

— les besoins, plus importants en zones urbaines périphériques, sont mieux satisfaits par un travail collectif des brigades ;

— le reversement des sociétés concessionnaires d’autoroutes à la Gendarmerie par la procédure du fonds de concours a été déclaré non conforme à l’ordonnance organique relative aux lois de finances. Pour compenser ce fonds de concours, un peu plus de 500 millions de francs ont été inscrits en crédits budgétaires dans la loi de finances initiale pour 1998. Le projet de budget pour 1999 fait l’objet d’une procédure analogue ;

— la consommation de l’ensemble des crédits d’équipement devrait dépasser 95 % des dotations initiales pour l’exercice en cours ;

— la commande des 80 hélicoptères Tigre sera notifiée à l’industriel avant la fin de l’année ;

— il est de l’intérêt de GIAT-Industries de participer au programme VBCI qui concerne près de 2 000 commandes à terme et dont la France pourrait recevoir près de 30 % de part industrielle, même si les négociations de prix ne sont pas terminées. Au contraire, pour l’instant aucun marché assuré n’existe à l’exportation pour le programme VEXTRA dans la situation économique très difficile que connaît l’armement terrestre. Quant à l’artillerie future des chars de combat, il s’agit d’un domaine auquel des crédits de recherche seront affectés ;

— les crédits du FRED et du FAI dont la consommation est satisfaisante permettent une bonne mise en place des programmes de diversification économique et d’accompagnement social ;

— les partenaires du consortium Airbus doivent faire une proposition crédible et compétitive en termes de prix pour remporter le marché de l’avion de transport militaire européen. S’il est nécessaire de tenir compte des intérêts économiques et industriels européens dans le choix des coopérations, il n’est pas non plus politiquement souhaitable de fermer a priori la porte à toute coopération avec Antonov ;

— la réponse favorable de l’Espagne au programme Hélios II, dont le calendrier de réalisation est maintenu, permet de le poursuivre dans un cadre de coopération européenne. L’Italie qui effectue d’importants efforts d’économie budgétaire n’a pas encore fourni de réponse. D’autres partenaires sont par ailleurs envisageables. Les pays intéressés pourront s’abonner au programme en cours de réalisation ;

— les recrutements d’engagés de l’Armée de terre se déroulent dans de bonnes conditions, grâce à l’amélioration des conditions de rémunération des personnels et à l’image positive que donne cette armée dans sa démarche de professionnalisation, notamment en matière de formation et d’intégration sociale ;

— la professionnalisation des armées suppose la remise en cause des spécificités de certaines armes de l’Armée de terre et il apparaît nécessaire de faire comprendre tant à la Légion étrangère qu’aux Troupes de Marine que l’accroissement global des capacités opérationnelles des forces constitue une garantie importante pour la Nation.

M. Bernard Grasset a souligné le courage dont avait fait preuve le Gouvernement en modifiant la carte de répartition des zones de Police et de Gendarmerie, apportant ainsi une réponse à une question très ancienne que les gouvernements précédents avaient toujours hésité à aborder. Il a fait part du trouble suscité chez un certain nombre de maires de sa circonscription par les confidences du Directeur général de la Gendarmerie, concernant l’emploi de ses personnels, parues dans un supplément d’un grand journal parisien. Il s’est félicité du dépôt prochain d’un projet de loi sur les réserves, qui constituent un élément essentiel du lien entre la Nation et ses Armées et a souhaité qu’à l’avenir le recrutement dans les sessions régionales de l’IHEDN soit moins élitiste. Après avoir estimé que les spécificités de certaines armes telles que les troupes de Marine devaient être préservées, il s’est prononcé en faveur du maintien du Service militaire adapté, dont il a souligné qu’il apportait, dans les DOM-TOM, une contribution essentielle au resserrement des liens entre les Armées et la population. Relevant la diminution de 16 % des crédits de paiement consacrés à l’Espace, dont il a déclaré comprendre les raisons, il a insisté sur la nécessité de préserver l’avenir en accordant une priorité au programme de satellite radar Horus.

M. Pierre Lellouche a tout d’abord convenu que le projet de budget apparaissait optiquement meilleur que celui de l’année en cours, estimé que les restructurations industrielles engagées pouvaient être considérées comme satisfaisantes et jugé courageuse la politique menée par le Ministre de la Défense pour restructurer les arsenaux. Il a résumé son appréciation en déclarant que le libéral qu’il était se réjouissait de ces orientations. Il a également insisté sur la nécessité d’instituer un mode approprié de financement des opérations extérieures, excluant toute ponction sur les crédits d’équipement pénalisant, en cours d’exercice, la politique d’équipement des forces armées. Soulignant l’intérêt du volontariat du service national en entreprise, il a souhaité savoir si le Gouvernement entendait proposer au Parlement son maintien. Il s’est par ailleurs inquiété de la répartition des officiers, sous-officiers et militaires du rang au sein des armées, notant que la professionnalisation avait pour effet de créer un déséquilibre important en faveur des gradés par rapport aux hommes du rang. Enfin, rappelant qu’il avait saisi la présidence de l’Assemblée nationale de la nécessité d’une réflexion parlementaire sur la pertinence du concept de dissuasion au regard de l’évolution géostratégique liée aux essais nucléaires indiens et pakistanais, il a fait part de sa stupéfaction quant au manque d’intérêt suscité par sa demande. Il s’est enfin interrogé sur la cohérence des choix financiers effectués, dans le projet de budget pour 1999, en faveur des différents systèmes de forces face à une menace aujourd’hui très évolutive et s’est demandé si une réflexion suffisante avait été conduite sur le modèle d’armée dont la France avait à présent besoin.

Le Président Paul Quilès a indiqué que le bureau de la Commission, dont M. Pierre Lellouche est membre, devait se réunir la semaine prochaine pour examiner notamment sa proposition. Il a par ailleurs rappelé les propos de M. Arthur Paecht et ceux du Ministre, évoquant les travaux de l’OTAN relatifs au nouveau concept stratégique de cette organisation, et souligné que les conclusions de ces travaux ne seront pas sans incidences sur nos propres réflexions nationales en matière de politique de défense. Enfin, il a observé que l’analyse des menaces et des besoins militaires de la France était déjà contenue dans le Livre Blanc et la loi de programmation militaire, qu’une majorité de membres de la Commission, dont certains appartenaient à l’opposition, n’avaient pas souhaité remettre en cause.

M. Guy-Michel Chauveau s’est félicité du projet de budget, qu’il a considéré comme le meilleur depuis plusieurs années. Il a plaidé en faveur d’une maîtrise des dépenses du titre III, condition nécessaire à la préservation des crédits de recherche et développement. Il a également souhaité savoir s’il avait été procédé à une réorganisation des dispositifs de formation, pour mieux les adapter aux spécificités des personnels engagés. Il a également demandé quelles étaient les mesures de reconversion des engagés prévues. S’agissant de la politique industrielle menée par le Gouvernement, il s’est déclaré pleinement satisfait des décisions prises depuis quinze mois, souhaitant que toutes les grandes entreprises du secteur y participent. Se félicitant de la nomination d’un coordinateur des restructurations au niveau national, il a souligné la nécessité d’une évaluation de leur impact, site par site.

M. Jean-Noël Kerdraon, rappelant que la revue des programmes avait fixé à l’an 2000 le lancement du programme de nouveau transport de chaland de débarquement (TCD), a demandé au Ministre de la Défense de confirmer qu’il était avancé d’un an. S’agissant des programmes en coopération, il a évoqué les divergences entre la France et l’Italie dans le choix du sonar destiné à équiper le NH 90, non sans estimer que celui proposé par Thomson-Marconi semblait de meilleure qualité. De même, il a souhaité que le choix du sonar du chasseur de mines tripartite s’oriente vers le produit proposé par cette même société, dont 300 emplois étaient en jeu sur un effectif de 400.

Félicitant le Ministre, non pour son budget, qu’il a estimé critiquable mais pour l’habileté avec laquelle il l’avait présenté, M. Yves Fromion, usant de la faculté que l’article 38 du Règlement confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a indiqué que, pour sa part, il avait toujours estimé qu’il fallait maintenir l’actuelle loi de programmation militaire, fruit d’un débat approfondi. Il a même regretté que la loi de programmation militaire initiale n’ait pas été appliquée plus fidèlement encore, évoquant notamment le retard que la France risquait de prendre dans le domaine de l’aéromobilité avec un parc d’hélicoptères qui allait passer de 600 environ à 350 ou 370 en 2010. Il a également demandé au Ministre des informations sur l’abandon du département munitions de GIAT-Industries et sur les perspectives d’exportation du char Leclerc. Il l’a enfin interrogé sur l’appel de préparation à la défense.

Le Ministre de la Défense a apporté les éléments de réponse suivants :

— il a convenu que l’accès à l’IHEDN, notamment à ses sessions régionales, devait être élargi ;

— le SMA (service militaire adapté) fonctionne de manière satisfaisante. Le souhait de la Polynésie française de se voir attribuer directement les crédits correspondants pour organiser elle-même la formation des jeunes pourrait cependant créer une disparité de situation entre les différents départements et territoires, qui rendrait le dispositif plus difficile à maintenir ;

— l’objectif de construction d’un satellite d’observation radar n’est pas abandonné mais il est sans doute opportun d’attendre que les évolutions technologiques en cours permettent de l’atteindre à moindre coût ;

— la dissuasion a, jusqu’ici, été surtout l’affaire du Chef de l’Etat ; c’est sans doute la raison pour laquelle la nécessité d’un débat parlementaire n’est pas apparue pressante ;

— le taux d’encadrement d’une armée professionnelle est toujours supérieur à celui d’une armée de conscription. Par ailleurs, l’analyse des taux d’encadrement doit tenir compte de la structure des grades de la Gendarmerie, puisque les gendarmes sont tous sous-officiers ;

— la professionnalisation va indiscutablement engendrer des tensions sur la part relative des crédits du titre III et du titre V, d’ici à la fin de la programmation ; un risque de glissement existe. Ce sera l’un des points à évoquer lors de la préparation de la prochaine loi de programmation;

— il y a des gains d’efficacité à faire en matière de formation. Ils passent notamment par des regroupements d’écoles. S’agissant du recrutement, l’une des clefs du succès sera effectivement la réussite de la reconversion des engagés et sa perception correcte par le public ;

— en matière d’industrie aéronautique, le pas essentiel est la fusion entre les sociétés Aérospatiale et Matra : en revanche, s’agissant de la position de la société Dassault au sein de l’industrie européenne, il est encore possible de se laisser un temps de réflexion ;

— le souci de préserver le plus grand nombre de sites et de maintenir une activité industrielle dans les bassins d’emploi a joué un rôle essentiel dans l’élaboration du plan de restructuration de GIAT-Industries ;

— en ce qui concerne le TCD, le besoin est avéré : il s’agit d’un outil de projection précieux qu’il ne faut pas trop tarder à réaliser. Des négociations devront toutefois s’engager avec la DCN en vue de sa construction, notamment sur la question des prix ;

— dans les mois qui viennent, il faudra résoudre les divergences entre l’Italie et la France à propos du sonar Thomson-Marconi ;

— dès lors qu’on est en accord avec les objectifs fixés par la loi de programmation militaire, il convient de se tenir à celle-ci ;

— la réduction en cours du nombre d’hélicoptères laissera à la France un nombre d’appareils dont les capacités seront toutefois hors de comparaison avec celles des matériels qu’ils remplaceront ; l’aéromobilité reste un concept essentiel dans la doctrine d’emploi de l’Armée de terre ;

— le plan de réduction des capacités du secteur des munitions de GIAT-Industries répond aux besoins d’adaptation de l’entreprise qui ne peut produire que ce qu’elle est en mesure de vendre dans des conditions économiques normales. S’agissant de l’achat de chars Leclerc par l’Arabie Saoudite, le Gouvernement ne s’en désintéresse pas ; il est cependant trop tôt pour formuler des commentaires à ce sujet ;

— s’agissant de l’appel de préparation à la défense, il est organisé avec rigueur. De plus, aujourd’hui, la vision qu’ont les jeunes de la Défense est positive. Ces éléments permettent de penser que la nouvelle formule sera un succès ;

— en ce qui concerne les réserves, la concertation est en bonne voie et le Premier Ministre a annoncé devant l’IHEDN que le projet de loi les concernant serait déposé sur le bureau d’une des Assemblées avant la fin de l’année ;

— pour réformer le partage de compétence entre Police et Gendarmerie, il fallait bien partir d’un point de départ, susceptible de constituer une base de discussion. Des instructions ont été envoyées aux préfets pour rappeler que c’est là précisément la fonction du rapport Carraz-Hyest qui n’a donc pas vocation à être transposé sur le terrain dans son intégralité.

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

Accueillant le Général Jean-Pierre Kelche, M. Didier Boulaud, Président, a souligné que celui-ci exerçait sa mission dans des conditions particulièrement délicates puisqu’il devait veiller aux capacités opérationnelles de forces qui se trouvaient elles-mêmes en profonde restructuration dans le cadre de la professionnalisation. Il a cependant remarqué que le contexte budgétaire semblait cette année favorable puisque le titre III était de nature à garantir dans de bonnes conditions la professionnalisation et que les crédits d’équipement paraissaient apporter les ressources nécessaires à une exécution satisfaisante de la loi de programmation, compte tenu des ajustements opérés par la revue des programmes, qui avait eu le mérite d’établir un cadre clair pour la politique d’équipement militaire.

Présentant le projet de budget pour 1999, le Général Jean-Pierre Kelche a d’abord rappelé que les crédits d’équipement n’étaient désormais plus construits en référence à la programmation mais à la revue des programmes qui en avait sensiblement modifié le contenu. S’agissant du titre III, il a indiqué que son appréciation porterait sur les crédits de fonctionnement au sens strict, qui conditionnent en particulier l’activité des forces ; il a ajouté qu’il tenterait également de formuler un jugement sur l’outil de défense et ses capacités opérationnelles actuelles.

Soulignant que le projet de loi de finances pour 1999 était le troisième budget d’exécution de la loi de programmation, il s’est demandé dans quelle mesure les crédits d’équipement inscrits dans ce budget permettaient de concrétiser les évolutions prévues vers le modèle d’armée 2015. Il a d’abord remarqué que, si l’on recherchait les finalités de la revue des programmes, on pouvait constater qu’elle répondait au premier chef à une contrainte d’ordre financier : il s’agissait de faire moins avec moins. Avant même la revue des programmes, l’exécution des crédits d’équipement avait été marquée, au cours de l’année 1997, par 3,9 milliards de francs d’annulations de crédits et au cours de l’année 1998 par l’“ encoche ” de 8,9 milliards de francs, ce qui représentait au total un déficit de 12,8 milliards de francs par rapport à l’enveloppe de la loi de programmation. Il a toutefois fait valoir que, si l’objectif de la revue des programmes avait été également de rechercher des économies, ces économies avaient fait l’objet de choix cohérents ne remettant pas en cause la capacité des armées à répondre à leurs missions. Toutefois, la revue des programmes ayant dégagé 19,2 milliards de francs d’économies sur la période 1999-2002, c’est au total 32 milliards de francs qui manquent sur l’ensemble de la durée d’exécution de la programmation, soit un déficit de 6 % par rapport aux crédits initialement prévus.

Il a souligné que les économies réalisées constituaient la résultante de trois types de mesures. D’abord, une réduction des coûts des programmes, sur l’ensemble de leur durée, au-delà même de l’horizon de la programmation. Ensuite, un effort de compression des dépenses dites de flux, qui ont été réduites de 5 à 10 % en 1997 et 1998. Il a fait remarquer cependant que cette démarche avait ses limites que l’on pouvait constater dans le cas des crédits de munitions, diminués de moitié en dix ans.

Enfin, il a insisté sur le fait que la revue des programmes avait eu le souci de réduire les coûts, non seulement sur la durée de la programmation, mais aussi au-delà, au contraire de politiques antérieures qui se sont contentées de repousser la “ bosse de financement ”, créant ainsi des situations qui imposaient l’arrêt de certains programmes. Cette nouvelle approche s’est certes traduite par des dégradations de capacités, mais dans le cadre d’un maintien de leur cohérence. Ainsi, le report du programme Horus à l’échéance d’une dizaine d’années dans l’anticipation du développement de nouvelles technologies a-t-il été jugé tolérable eu égard à l’existence du satellite Hélios I et à la poursuite du programme Hélios II.

Le Général Jean-Pierre Kelche a observé que, par rapport à la nouvelle référence issue de la revue des programmes, le budget de 1999 s’avérait à première lecture presque conforme. Il faut cependant tenir compte d’une modification du périmètre des dépenses d’équipement, puisque du fait des contraintes pesant sur le titre III, 400 millions de francs d’entretien programmé du matériel ont été transférés sur le titre V, et que 900 millions de francs de crédits de recherche dite duale, mais à ce jour sans contenu réel pour la Défense, ont également été inscrits au budget d’équipement des armées. Compte tenu d’autres dépenses intégrées dans les crédits d’équipement, on peut considérer que l’enveloppe définie par la revue des programmes a été écornée de 1,4 milliard de francs. Comparé aux 86 milliards de francs des titres V et VI, ce montant ne représente cependant pas une rupture par rapport aux prévisions.

Le Chef d’état-major des armées a cependant invité les membres de la Commission à la vigilance dans la mesure où l’adéquation des ressources financières au contenu physique de la programmation était très tendue dans les prévisions initiales, cette caractéristique ayant été maintenue par la revue des programmes.

Il a noté que l’année 1999 serait marquée par des rendez-vous importants concernant plusieurs programmes majeurs : l’admission au service actif du deuxième SNLE de nouvelle génération, le Téméraire, et celle du porte-avions Charles de Gaulle, la livraison de leurs premiers Rafale à la Marine et à l’Armée de l’air, 33 livraisons et 44 commandes de chars Leclerc, la livraison de 12 avions Mirage 2000D et 22 Mirage 2000-5.

A mi-chemin de la loi de programmation, les armées disposeront de 205 chars Leclerc sur les 307 chars qui devront être en leur possession en 2002, de 225 avions de combat modernes (Mirage 2000) sur les 355 de tous types que devra aligner l’Armée de l’air à la même date, de 4 des 5 frégates furtives Lafayette inscrites en programmation. Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu que, sans qu’on en soit encore au bout du chemin, on se devait de constater la poursuite du renforcement des capacités opérationnelles des forces.

Il a ensuite évoqué la coopération européenne indiquant qu’à l’heure actuelle, elle concernait 28 programmes. Pour l’année 1999, les 17 d’entre eux qui revêtent le plus d’importance absorbent 7 milliards de francs de crédits, soit 8 % des dépenses d’équipement. Sur l’ensemble de la période de la programmation, ils mobiliseront 30 milliards de francs, soit plus de 9 % des crédits de paiement prévus pour l’équipement des armées. Ces programmes sont d’une visibilité forte et d’une grande importance opérationnelle : il s’agit des programmes d’hélicoptères Tigre et NH90, du programme de missiles FSAF, de la frégate Horizon, des satellites Hélios I et II. Cependant, en matière spatiale, le retrait de la RFA du programme Horus dont elle était le maître d’oeuvre potentiel a contribué à la décision de l’interrompre, tandis que le Royaume-Uni a abandonné le programme Trimilsatcom, sans doute au profit d’une solution nationale dérivée de Skynet. La France n’en reste pas moins un acteur majeur du domaine spatial, qui représente, avec 2,6 milliards de francs, 3 % des crédits d’équipement, dans le projet de budget pour 1999.

Abordant l’examen du titre III, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que, malgré une augmentation apparente, il n’atteignait pas tout à fait l’annuité 1999 de la loi de programmation du fait d’une modification de périmètre.

Relevant que les contraintes pesant sur le titre III avaient conduit au transfert qu’il avait déjà évoqué de 400 millions de francs d’entretien programmé du matériel sur le titre V, il a insisté sur la situation des crédits de fonctionnement. Il a remarqué qu’entre 1997 et 2002 les crédits de fonctionnement devaient, selon la loi de programmation, diminuer de 20 %. Or, si la construction des budgets repose sur l’hypothèse d’une corrélation stricte entre l’évolution des dépenses de fonctionnement et celle des effectifs, la relation entre ces deux évolutions n’est pas mécanique. La réduction des effectifs dans un organisme n’entraîne pas une réduction proportionnelle des crédits de fonctionnement, certains coûts restant même constants (entretien des bâtiments, chauffage etc.). Il n’y a que dans le cas d’une dissolution que, par hypothèse, les coûts de fonctionnement disparaissent, mais à terme seulement car, dans un premier temps, une dissolution génère des surcoûts liés notamment à la surmobilité des cadres qu’elle entraîne. C’est pourquoi on peut estimer qu’il manque pour chaque année de la programmation 1 milliard de francs de crédits de fonctionnement environ ; de ce fait, en 1999, la Marine devra diminuer l’entretien de ses bâtiments et l’Armée de terre sera contrainte de réduire son activité, qui passera de 78 jours à 68 jours par an. Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé que la poursuite, sur le long terme, d’une telle réduction des dépenses de fonctionnement irait à l’encontre de la logique de la professionnalisation, sous-tendue par la perspective de constitution de forces projetables et donc entraînées de manière adéquate.

Il a ajouté que la poursuite de la compression des crédits de fonctionnement risquerait de remettre en cause le recours à la sous-traitance qui est pourtant à la base des prévisions de réduction d’effectifs. Des crédits de sous-traitance insuffisants obligeraient à conserver des effectifs plus nombreux dans les secteurs du soutien, affectant ainsi les capacités opérationnelles.

Le Général Jean-Pierre Kelche a estimé qu’il fallait tirer le signal d’alarme en ce qui concerne les crédits de fonctionnement. Il a rattaché à cette préoccupation le fait que les lois de finances initiales n’assurent pas le financement des opérations extérieures et indiqué qu’il manquerait ainsi à ce titre environ 1 milliard de francs pour l’année 1998.

Abordant la mise en œuvre de la professionnalisation, le Général Jean-Pierre Kelche s’est félicité de l’évolution, en qualité et en volume, des effectifs, qui correspond à celle fixée par la loi de programmation militaire et reste conforme au plan triennal 1997-1999 de déflation. La situation de l’emploi et la possibilité de recruter parmi les jeunes qui effectuent actuellement leur service militaire facilitent la professionnalisation. Par ailleurs, une attrition brutale des ressources d’appelés ne saurait être supportée dans la période actuelle. Mais le comportement des appelés reste remarquable, l’impact des reports pour contrats de travail reste maîtrisable et les armées bénéficient actuellement d’une ressource en hommes proche de leurs besoins.

Il a cependant estimé que les 6 500 vacances de postes civils constituaient une difficulté majeure. La professionnalisation suppose en effet un recours accru aux personnels civils dont la part dans l’ensemble des effectifs doit croître de 12 % en 1997 à 18 % en 1998. Il a indiqué que l’une des raisons des vacances actuelles provenait de la difficulté à transférer les excédents d’ouvriers de la DGA dans les armées compte tenu des qualifications requises et de la mobilité géographique demandée. L’intégration des personnels civils s’est effectuée dans des conditions satisfaisantes en 1997, surtout dans la Marine. Des déséquilibres sont constatés tant entre les différentes régions qu’entre les armées. Un niveau d’étiage est même atteint dans le Service de santé des armées. L’autorisation d’embaucher 500 personnes sous statut d’ouvrier de l’Etat répond donc à l’urgence et de nouveaux recrutements devront à l’avenir être rendus possibles, sous peine d’un grave déficit.

M. René Galy-Dejean a fait observer que l’exposé du Chef d’Etat-major des Armées lui donnait l’impression que la loi de finances initiale restait génératrice de difficultés pour les armées. Il a regretté que l’augmentation des crédits d’équipement à 86 milliards de francs soit obérée partiellement par des changements de périmètre à hauteur de 1,4 milliard de francs portant notamment sur un transfert de charges d’entretien programmé des matériels et sur le financement, par la Défense, de dépenses de recherche considérées comme de nature duale. Il a alors souhaité avoir des précisions sur la croissance des dépenses liées à la professionnalisation des armées et s’est demandé si l’une des causes de cette croissance ne relevait pas d’une réduction du format moins rapide que prévu. Il a émis la crainte que la baisse des dépenses de maintien en condition opérationnelle des forces ne perdure et a interrogé le Chef d’Etat-major des Armées sur les mesures à prendre pour éviter que des charges indues ne soient imputées sur le budget de la Défense dans les lois de finances à venir et dans la future loi de programmation militaire.

Après avoir demandé pour quelles raisons les coûts de la professionnalisation semblaient avoir été sous-estimés, M. Guy-Michel Chauveau a insisté sur la nécessité, compte tenu de l’expérience de l’évolution des dépenses de fonctionnement militaires dans les Etats où les armées sont professionnelles, de maîtriser les crédits du titre III de la Défense.

Il s’est étonné que le ministère de la Défense intente des recours contre les décisions de report prises par les commissions régionales de dispenses.

Evoquant les inquiétudes formulées par les représentants des syndicats de personnels civils, lors de leur audition devant la Commission de la Défense nationale, M. Didier Boulaud s’est demandé si l’intégration de ces personnels se déroulait dans de bonnes conditions et si leur accueil par les personnels militaires, lorsqu’ils occupaient des emplois de substitution, pouvait expliquer les difficultés constatées dans leur recrutement.

Rappelant que le financement des opérations extérieures n’était assuré qu’a posteriori dans les lois de finances rectificatives et au détriment des crédits d’équipement, M. Charles Cova a considéré qu’il fallait soit inscrire, à titre provisionnel, des dotations spécifiques en lois de finances initiales pour couvrir le coût de ces opérations, soit avoir le courage politique d’y renoncer.

Le Président Paul Quilès a souligné que la professionnalisation décidée par le Président de la République avait comme objectif d’offrir de meilleures possibilités de projection des forces et donc de permettre la réalisation, dans de meilleures conditions, des opérations extérieures qui s’avéreraient nécessaires. Il a rappelé que la Commission de la Défense nationale examinait les modalités selon lesquelles le Parlement devait être associé aux décisions politiques relatives à ces opérations, avant, pendant et après leur déclenchement. S’agissant de la crise du Kosovo, force est de constater que le Président des Etats-Unis apparaît publiquement comme le responsable politique occidental qui en contrôle la gestion, sans que l’Europe se manifeste en tant que telle.

Il a interrogé le Chef d’état-major des armées sur les conditions dans lesquelles les forces françaises ont été associées aux différentes étapes de mise en place des forces intégrées de l’OTAN dans le cadre de la gestion de la crise du Kosovo et quelles ont été les procédures suivies à cet effet. Il lui a également demandé dans quelles conditions les forces françaises seraient mises en oeuvre après l’ordre d’action donné par le Conseil atlantique. Rappelant que la mise en place d’une force terrestre multinationale avait été examinée, il s’est enquis des modalités d’une éventuelle participation française à une telle force.

Enfin, regrettant que l’engagement dans des opérations extérieures aboutisse à faire supporter les surcoûts par les crédits d’équipement, il a demandé des précisions sur les aspects financiers d’une éventuelle intervention militaire au Kosovo.

Le Général Jean-Pierre Kelche a tenu à préciser qu’il serait erroné de considérer que la professionnalisation des armées avait un coût supérieur aux estimations initiales, dans la mesure où le dérapage du titre III par rapport aux échéances de la loi de programmation s’expliquait par une modification du périmètre budgétaire. En effet, le budget du fonctionnement doit intégrer des dépenses nouvelles qui présentent un effet cumulatif dans le temps : tel est notamment le cas des dépenses couvrant les cotisations patronales des personnels ouvriers titulaires de l’Etat (706,6 millions de francs en 1997), de la charge résultant de l’inscription au budget des dépenses autrefois couvertes par le fonds de concours autoroutier (484 millions de francs), du transfert au budget général de la part étatique de la DCN (500 millions de francs) et de l’augmentation en 1999 du taux des cotisations sociales des personnels ouvriers (684 millions de francs). La modification de la structure du titre III, non entièrement compensée, contraint à réaliser des transferts de charges sur le titre V et des économies sur le fonctionnement des forces et, par voie de conséquence, sur leurs activités, tendance qui, si elle devait perdurer, pourrait conduire à une remise en cause de la crédibilité de leur aptitude opérationnelle.

Le déficit de 6 500 emplois civils au sein des forces n’est pas imputable à l’inaptitude des armées à agréger et à intégrer des personnels civils en leur sein, mais trouve plus justement son explication dans une interruption des recrutements décidée en compensation des sureffectifs au sein de la DGA. Le Général Jean-Pierre Kelche a précisé qu’à sa connaissance l’amalgame des personnels civils et des personnels militaires au sein des unités se réalisait globalement dans de bonnes conditions.

La question du financement des opérations extérieures par une dotation inscrite à titre provisionnel en loi de finances initiale n’est pas nouvelle. Cette solution pourrait présenter des inconvénients pour le ministère de la Défense dans la mesure où, en cas de non-consommation, la dotation provisionnelle serait annulée alors qu’au moment de la construction de la loi de finances initiale elle aurait grevé son budget. Depuis 1997, il est d’usage de distinguer deux catégories d’opérations extérieures, l’une dite normale, financée en construction budgétaire par le Ministère de la Défense à partir des ressources de fonds de concours domaniaux qui peuvent s’élever à 700 millions de francs, et l’autre, dite exceptionnelle, dont la charge est supportée par l’ensemble du budget de l’Etat.

S’agissant des aspects militaires de la gestion de la crise du Kosovo, le Chef d’état-major des armées a précisé que les autorités françaises avaient été associées et consultées en permanence tout au long du processus de préparation et de planification des différentes opérations envisagées et qu’elles avaient eu l’occasion d’infléchir certains concepts, notamment ce qui concerne les zones interdites de survol. Il a indiqué qu’à l’issue de la phase de planification, l’Alliance atlantique consultait chacun des Etats-membres sur le niveau auquel il entendait fixer sa participation à chacun des plans d’opérations. C’est dans le cadre de cette procédure que la France a pris la décision d’engager dix appareils dans une éventuelle opération de frappe aérienne limitée et trente sept dans des opérations aériennes phasées. Au terme de cette phase de constitution des forces; le Conseil atlantique prend une décision d’avertissement d’action (actwarn) signifiant que l’organisation est prête à agir. Dans le cas où l’ordre d’action (actord) est donné, les moyens nationaux passent sous contrôle opérationnel de l’Alliance, la France en conservant toutefois le commandement opérationnel. Pour l’instant, l’ordre d’action correspondant à une frappe aérienne limitée et à des opérations aériennes phasées a été donné mais avec un délai d’exécution suspensif de 96 heures.

Le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que le contrôle politique des actions de l’Alliance atlantique s’effectuait phase après phase dans le processus qu’il avait décrit précédemment. Il a précisé qu’une gamme d’actions terrestres large avait été étudiée. Elle couvrait un éventail d’opérations allant de la garantie d’un cessez-le-feu ou d’un accord de paix à l’imposition d’un cessez-le-feu ou de la paix et, selon l’hypothèse choisie, le nombre de militaires à mobiliser variait de quelques milliers à quelques centaines de milliers d’hommes. Selon les dernières informations qu’il avait reçues, la communauté internationale s’acheminait vers l’instauration d’une mission d’observation d’environ 2 000 observateurs civils pour lesquels se pose désormais la question de la protection et des moyens à mettre en œuvre à leur profit, notamment dans le domaine de la surveillance aérienne.

Au Président Paul Quilès qui s’étonnait que ces derniers problèmes n’aient pas été intégrés d’emblée dans la planification de l’Alliance, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué qu’il était particulièrement difficile de procéder à une planification générique face à une situation mouvante, entourée d’incertitudes et de contraintes de tous ordres et dépendant d’options politiques délicates à déterminer.

Après avoir souligné qu’il ne partageait pas la même analyse que le Président Paul Quilès sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures mais qu’il convenait que l’examen de ces opérations dans le seul cadre de la loi de finances rectificative constituait une situation anormale, M. René Galy-Dejean a fait observer que les explications données par le Général Jean-Pierre Kelche sur les procédures de mise à disposition et d’emploi des forces françaises dans le cadre de l’Alliance atlantique démontraient que les décisions ne pouvaient revenir en pareil cas qu’au pouvoir exécutif, sans intervention possible du Parlement compte tenu, notamment, des contraintes opérationnelles et de l’urgence.

Le Président Paul Quilès a estimé que les procédures décrites par le Général Jean-Pierre Kelche n’empêchaient pas le Parlement de donner son avis. Il a rappelé que le pouvoir politique n’était pas seulement constitué de l’exécutif mais aussi du Parlement. Il a, à cet égard, rappelé le vote de l’Assemblée nationale, qui, en janvier 1991, a autorisé la participation de la France à la guerre du Golfe. Il a fait valoir que les armées se trouveraient en cas d’opération extérieure dans une situation plus consensuelle si elles avaient le soutien explicite du Parlement, c’est-à-dire de la Nation.

S’agissant de l’éventualité d’un renforcement du contrôle du Parlement sur les opérations extérieures, le Général Jean-Pierre Kelche a fait part de deux préoccupations. Il a en effet jugé fondamental que, quel que soit le mécanisme d’information envisagé, les décisions puissent être prises dans les délais requis par la situation sans être retardées et que le secret des conditions d’engagement soit impérativement respecté.

A M. Didier Boulaud qui s’interrogeait sur les conditions dans lesquelles la protection des 2 000 observateurs de l’OSCE susceptibles d’être envoyés au Kosovo pourrait être assurée et qui se demandait si les moyens de surveillance déployés en Bosnie ne pourraient pas être utilisés dans ce nouveau contexte, le Général Jean-Pierre Kelche a rappelé les dispositions des accords de Dayton concernant notamment le respect de la souveraineté de la Yougoslavie.

Après que M. Arthur Paecht eut fait observer que le drône américain Predator passait au-dessus des frontières, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que les capacités d’acquisition du renseignement au dessus du Kosovo avaient toujours existé mais a fait remarquer qu’elles n’étaient pas adaptées à l’identification de certaines activités comme celles de guérilla et qu’en outre les conditions météorologiques à l’approche de l’hiver rendaient les observations difficiles. En réponse au Président Paul Quilès qui souhaitait un complément d’information sur les coûts d’une opération au Kosovo en fonction de sa durée, il a indiqué qu’il ne pourrait fournir de précisions tant que l’importance de la participation de la France ne serait pas arrêtée.

Soulignant que, si l’engagement des forces militaires supposait une volonté politique, il dépendait également de la mobilisation de moyens humains, matériels et financiers, le Président Paul Quilès a souhaité que le Parlement soit mieux informé sur le coût des différents scénarios d’intervention militaire envisagés.

A une question de M. Arthur Paecht sur le partage des coûts des opérations militaires entre les pays de l’Alliance atlantique, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué que, lorsque la faisabilité de ces opérations était établie, il n’existait pas de clé de répartition des charges de l’intervention entre les pays, dans la mesure où chacun d’entre eux maîtrisait sa participation opérationnelle et financière.

III. —  AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La Commission de la Défense a entendu, le 7 octobre 1998, M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 1999.

Le Président Paul Quilès a accueilli M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l’armement, en indiquant que son audition se situait dans un contexte budgétaire favorable, avec un volume global de crédits d’équipement répondant aux nécessités d’une exécution satisfaisante de la loi de programmation. Il a souligné que les modalités d’exécution de l’exercice 1998 ayant été profondément modifiées, les nouvelles techniques de gestion budgétaire devaient être à même d’assurer plus de transparence et d’efficacité à la dépense dans un contexte financier désormais contraint. Enfin, il a rappelé le rôle tenu par la DGA dans la recomposition de l’industrie française de Défense et dans sa participation aux regroupements européens en cours.

M. Jean-Yves Helmer a tout d’abord tenu à rappeler que la gestion des crédits d’équipement par la DGA avait produit de bons résultats en 1997: assainissement de la situation financière avec un retour à la normale du report de charge sur l’exercice suivant (3 milliards de francs contre 10,2 milliards de francs en 1996), une forte réduction des intérêts moratoires (295 millions de francs contre 700 millions de francs l’année précédente), une exécution satisfaisante des paiements et un niveau d’engagement de commandes à hauteur de 65 milliards de francs, du fait notamment de la passation de cinq commandes pluriannuelles globales en 1997 (MICA, Apache, Scalp/emploi général, MU 90 et démonstrateur Vesta).

Il a indiqué qu’en raison de la réforme de la gestion budgétaire des crédits du ministère de la Défense (mise en place de la comptabilité spéciale des investissements, découpage des articles en opérations budgétaires d’investissement, déconcentration du contrôle financier, adaptation de la nomenclature budgétaire), le début de l’exercice 1998 s’était avéré difficile. Toutefois, les prévisions de réalisation de l’exercice en cours se présentaient désormais sous un jour meilleur, bien que la reprise comptable ne fût intervenue qu’en avril, alors que le montant total des factures à payer atteignait 15 milliards de francs. Les retards de paiement ont été résorbés fin juin. L’ensemble des crédits gérés par la DGA devrait, normalement, être consommé en fin d’exercice avec un niveau de commandes équivalent à celui de l’exercice précédent. Les reports de charge devraient se situer également à un niveau proche de celui de 1997. Des commandes globales ont déjà été notifiées (modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, dépanneurs Leclerc, développement du missile PAAMS équipant la frégate Horizon et deux années d’activités de développement du missile M51).

La DGA a consacré un effort important à la préparation du futur en établissant un plan prospectif à trente ans, document qui, à partir de la mise en perspective formalisée des hypothèses de plans d’équipement des forces jusqu’en 2025, a pour vocation de dégager les priorités en matière d’études amont. Ces priorités se traduisent par le choix de grands axes de recherche qui rassemblent l’ensemble des programmes d’études amont (ramenés d’un nombre de plus de 1 000 à environ 300) dans des projets fédérateurs, orientés vers la mise au point de démonstrateurs, ou des plans structurants. La gestion des crédits de recherche est donc, davantage que par le passé, tirée par les besoins de préparation des programmes, en évitant la dispersion. Si le plan prospectif à trente ans constitue désormais l’outil de dialogue qui manquait en matière de prospective à l’intérieur du ministère, notamment avec les états-majors, il autorise également l’instauration d’un véritable partenariat stratégique avec l’industrie, dont les relations avec la DGA ne se situent plus exclusivement dans le contexte habituel des échanges entre client et fournisseurs.

La DGA participe par ailleurs à la construction de l’Europe de l’armement en agissant, en premier lieu, sur la demande, par le développement de la coopération pour la réalisation de programmes d’équipement communs. La signature le 9 septembre dernier par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie de la convention accordant une personnalité juridique à l’OCCAR, représente un progrès majeur en ce domaine. La construction de l’Europe de l’armement passe aussi par une action sur l’offre qui consiste à favoriser la consolidation de l’industrie de défense à l’échelle européenne. M. Jean-Yves Helmer a souligné à ce propos que le rapprochement en cours entre Matra Hautes Technologies et Aérospatiale était de nature à lever certains préalables posés par nos partenaires à la constitution de la grande société aéronautique européenne civile et militaire, mais qu’il restait des problèmes à résoudre tant en ce qui concerne les équilibres de pouvoir que la valorisation des actifs ou la nature de l’actionnariat.

Enfin, la DGA s’efforce d’accompagner également les industriels dans leurs activités exportatrices. Toutefois, les marchés d’exportation deviennent plus difficiles, en raison notamment de la baisse du cours du pétrole et de la crise asiatique.

S’agissant des programmes, le Délégué général a indiqué que leur état d’avancement était conforme aux prévisions et a, à ce propos, mentionné le déroulement des programmes relatifs au porte-avions Charles de Gaulle, à l’hélicoptère Tigre ou à l’avion Rafale. Il s’est félicité de la signature, au mois d’août, du contrat de poursuite du développement du missile balistique M 51, du lancement récent de la conception du sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération, ainsi que de la poursuite des programmes de systèmes d’information et de commandement qui bénéficient d’une grande priorité.

S’agissant de l’objectif de la DGA tendant à réaliser 100 milliards de francs d’économies sur 81 programmes, représentant en septembre 1996 un total de crédits restant à engager de 537 milliards de francs, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que des réductions de coût de 43,5 milliards de francs avaient d’ores et déjà été obtenues.

Il a également souligné le caractère prioritaire que revêtait à ses yeux la diminution du coût d’intervention de la DGA, en commentant la réduction de plus de 10 % obtenue en 1997 par rapport à 1996.

S’agissant des activités industrielles de la DGA, M. Jean-Yves Helmer a indiqué que la mise en oeuvre du plan DCN 2000 se poursuivrait. Il a mentionné en particulier, parmi les actions menées dans ce cadre, le redéploiement des activités dans les domaines de l’exportation et de la diversification, 8,9 milliards de francs de commandes ayant été passées à ce titre en 1997 dont 7,5 milliards de francs pour les exportations, l’année 1998 se révélant moins favorable en raison du marché. Il a noté que l’adaptation des effectifs au plan de charge se poursuivait et qu’était mené un travail de rénovation des outils et des méthodes de gestion visant à rapprocher le fonctionnement de la DCN de celui d’une entreprise. Il a fait remarquer à ce propos que la DCN avait pu absorber le coût de sa sous-activité sans alourdir les devis de fabrication des bâtiments destinés à la Marine. Il a annoncé que le plan d’entreprise de la DCN, qui vise à aller plus loin encore dans l’amélioration de la compétitivité de cet organisme, serait très prochainement soumis au Ministre de la Défense. Quant au Service de maintenance aéronautique (SMA), il a réalisé en 1997 un chiffre d’affaires de 1,7 milliards de francs, dont 120 millions de francs de prise de commandes à l’exportation.

M. Jean-Yves Helmer a ensuite décrit les perspectives ouvertes par le projet de budget pour 1999.

S’agissant de l’évolution globale des titres V et VI, il a noté que leur progression de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale précédente était à saluer puisqu’une telle hausse ne s’était pas produite depuis une décennie. Il a rappelé que le projet de budget était conforme aux décisions prises à l’issue de la revue de programmes. Il a évoqué le changement de nomenclature budgétaire, qui consiste à rassembler dans un seul chapitre l’ensemble des crédits d’études amont, à regrouper dans les mêmes chapitres les crédits de développement et de fabrication, et à mieux suivre l’évolution de 25 programmes, objets d’articles spécifiques. Il a souligné que cette nouvelle présentation contribuait à l’amélioration de la transparence et de la lisibilité du budget de la Défense. Il a toutefois fait observer qu’elle risquait de perturber à nouveau la gestion financière dans le premier trimestre de l’année 1999, compte tenu de la poursuite de la mise en oeuvre de nouvelles procédures.

Présentant les principales tendances du projet de budget de la défense pour 1999, il a fait observer que si l’on constatait une légère baisse des crédits destinés aux études, on observait en revanche une forte augmentation des crédits de développement.

Il a ensuite présenté la liste des principales commandes et livraisons prévues en 1999. En ce qui concerne la dissuasion, il faut notamment retenir l’admission au service actif du deuxième SNLE-Ng prévue en juillet 1999 . Dans le domaine des communications et du renseignement, la redéfinition du programme successeur de Syracuse II est en cours, menée conjointement avec l’Allemagne. S’agissant de la mobilité stratégique et tactique, l’année 1999 verra le lancement du NTCD, le lancement de la coopération sur l’avion de transport futur et la notification de l’industrialisation du NH 90. Pour ce qui est de la frappe dans la profondeur dans le domaine naval, il convient de retenir que le porte-avions Charles de Gaulle devrait être admis au service actif à la fin de l’année 1999, que la réalisation du programme de frégate Horizon, mené en coopération avec la Grande-Bretagne et l’Italie, devrait également être lancée l’année prochaine.

S’agissant du titre III, le Délégué général pour l’Armement a relevé que s’il augmentait globalement, la diminution de l’ensemble des crédits de fonctionnement du ministère de la Défense atteignait 9,1 % en francs courants. La DGA participe de cet effort avec un budget de fonctionnement pour 1999 en baisse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Sachant que ce budget comprend, à hauteur d’environ 40 %, des dépenses sur lesquelles il existe peu de marge de manoeuvre (subventions à des établissements publics), la baisse du coût de fonctionnement de la DGA de 1998 à 1999 s’établira à 11 %, soit une contraction de 26 % depuis 1996. Quant aux effectifs budgétaires, ils diminueront de 5,6 %, soit, depuis 1996, une réduction de 14,5 %.

En conclusion, M. Jean-Yves Helmer a présenté les priorités de la DGA pour 1999. Il s’agira d’abord de la préparation du futur avec la mise à jour annuelle du plan prospectif à 30 ans. La DGA accordera également une attention particulière au lancement des activités de l’OCCAR dont le premier contrat pourrait être conclu avant la fin de l’année 1999. Elle continuera d’accompagner les restructurations industrielles, dans une perspective de consolidation européenne. Elle favorisera le développement de la coopération interétatique en amont, au niveau des études et de la recherche et s’efforcera de participer à l’harmonisation des besoins des différentes forces européennes. La DGA poursuivra par ailleurs son plan d’économie sur les programmes et sur son propre coût d’intervention. Enfin, le plan d’entreprise de la DCN qui sera approuvé par le Ministre de la Défense à la fin de l’année 1998 constituera un axe majeur de l’action de la DGA au cours de l’année 1999.

M. Michel Meylan a souhaité avoir des précisions sur le coût d’intervention de la DGA, notion qu’il a jugée particulièrement difficile à définir, sur les résultats obtenus en ce domaine en 1998 et sur les objectifs retenus pour 1999.

Il a également interrogé M. Jean-Yves Helmer sur l’évolution de la Direction des centres d’essais (DCE), qui participent pour une part importante au coût de fonctionnement de la DGA. Evoquant la rationalisation en cours de cette direction, il a souhaité savoir comment il serait remédié aux inconvénients de la dispersion géographique des centres et si la part étatique de l’activité de la DCE serait isolée de sa part commerciale.

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— le coût d’intervention de la DGA s’est établi à 7,4 milliards de francs en 1996 et à 6,6 milliards de francs en 1997. Il devrait être stable en 1998, l’année 1997 ayant été caractérisée par un très faible niveau d’investissement. Pour 1999, l’objectif n’a pas encore été fixé. Il pourrait se situer entre 6,2 et 6,3 milliards de francs ;

— la réduction du coût d’intervention sera notamment obtenue par la poursuite de la réduction des effectifs. Ainsi, les rémunérations et charges sociales devraient passer de 4,64 milliards de francs en 1998 à 4,17 milliards de francs en 1999. Des économies seront également obtenues sur le fonctionnement ;

— un plan stratégique de la DCE a été établi qui procède d’une analyse centre par centre en essayant de dégager pour chacun les pôles d’excellence qui lui sont propres. Des choix ont été ainsi opérés, après une large concertation, ce qui a permis l’établissement d’une fourchette cible d’effectifs en 2002 pour chacun des sites ;

— un seul centre, le centre d’essais en vol de Brétigny, voit la plus grande partie de ses activités transférées. Elles seront réparties entre les centres d’essais en vol d’Istres et de Cazaux. Même s’il est vrai que la dispersion géographique des centres a des conséquences en termes de coût, il n’est pas prévu de fermetures, étant donné l’importance des investissements réalisés et les enjeux sociaux et régionaux qui y sont attachés ;

— la DCE fait partie de la DGA étatique, au sein de laquelle elle assure, d’une part, une mission de prestation de services au profit des autres directions de la DGA, et d’autre part, une activité commerciale d’expertise en faveur de clients étrangers. Il convient d’ailleurs de développer cette branche d’activité. Il n’est pas prévu de séparer fonctionnellement ces deux types d’activité. Toutefois, la création d’un compte de commerce, qui retracerait l’ensemble des activités de la DCE, est à l’étude. Dans l’immédiat, Une démarche de contractualisation interne a été adoptée.

Après avoir estimé que l’enveloppe globale des crédits d’équipement fixée pour 1999 paraissait inespérée lorsqu’ont été connus les résultats de la revue de programmes, M. René Galy-Dejean, a émis la crainte que les dotations du Titre III soient en revanche insuffisantes en raison de l’importance des coûts induits par la professionnalisation des armées et ne permettent pas d’assurer dans de bonnes conditions le maintien en condition opérationnelle des forces. Il s’est donc inquiété de l’éventualité d’un transfert d’une fraction des dotations en capital vers des dépenses de fonctionnement, au regard de ses conséquences sur l’entretien programmé des matériels. Il a ensuite fait observer une contradiction entre la réduction des crédits d’études amont et la vision de long terme qui, selon la présentation du Délégué général, devait désormais orienter, davantage que par le passé, la gestion des programmes et souligné qu’actuellement, les Etats-Unis augmentent les crédits militaires consacrés aux études et aux prototypes. Tout en se félicitant de la décision d’avancer la date de mise en service du missile M 51 de 2010 à 2008, il s’est demandé si cette mesure n’avait pas comme corollaire un retard dans l’admission au service actif du quatrième SNLE-NG qui en sera directement doté. Il a souhaité savoir par ailleurs si l’assemblage du missile aurait bien lieu à Brest et non plus à l’établissement de l’Aérospatiale à Bordeaux et quelle était la rationalité industrielle d’un tel transfert.

M. Bernard Grasset s’est interrogé sur les raisons ayant conduit la Grande-Bretagne à se retirer du programme devant assurer, pour la France, la succession de Syracuse II et sur les délais nécessaires pour élaborer un nouveau programme de satellites de télécommunications avec l’Allemagne.

M. Jean-Noël Kerdraon a expliqué la démobilisation des personnels de la DCN par l’absence de perspectives concernant l’entreprise et estimé que le plan d’entreprise devrait être l’occasion de lui rendre un nouveau dynamisme s’il était précédé d’une bonne concertation avec les syndicats. Il a également souligné que la réduction des effectifs de la DCN contribuait à la démobilisation des personnels qui avaient le sentiment d’une perte de compétences et souhaité que l’entreprise procède à des recrutements non seulement pour maintenir ces compétences mais aussi pour rajeunir la pyramide des âges. Il a indiqué que le lancement d’une activité de construction de plates-formes offshore montrait que les personnels du bassin d’emploi de Brest étaient capables de se mobiliser pour relever des défis industriels. Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur l’application du concept de coût objectif dans le cas du NTCD.

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— aucun transfert du titre V vers le titre III n’a été envisagé dans l’élaboration du projet de loi de finances pour 1999. Concernant l’entretien programmé des matériels, il existe un gisement d’amélioration de l’efficacité dans ce domaine d’activités et de réduction des coûts de maintenance. Des groupes de travail ont d’ailleurs entamé une réflexion sur la possibilité d’améliorer l’organisation existante entre les états-majors et la DGA en vue d’une meilleure maîtrise du coût de l’entretien programmé ;

— les études amont ont pour premier objet de préparer les programmes futurs. La diminution des crédits qui leur sont consacrés conduit la DGA à être plus sélective qu’auparavant sur les projets de recherches. Quant aux développements, ils entretiennent pour une large part, comme les études amont, les compétences des bureaux d’études. Il est donc légitime d’analyser de manière globale l’évolution des ressources disponibles pour les crédits d’études amont et de développement. Il convient enfin de relever qu’en conclusion de la revue des programmes, il a été décidé d’assurer une stabilité jusqu’en 2002 des crédits d’études amont ;

— une économie de 5,5 milliards de francs sur les programmes concourant à la force océanique stratégique (missile M 51, SNLE-Ng) a été réalisée au cours de l’opération MINOS qui a rassemblé les équipes de la DGA, les états-majors et les industriels. Les décisions qui ont suivi cette réflexion ont notamment permis de préparer le contrat de deux années de développement du missile M 51 notifié à l’été. Le maintien de la seule composante sous-marine de missiles nucléaires ne justifie plus que soient réalisées des opérations de montage et de démontage au centre d’achèvement et d’essais des propulseurs et engins (CAEPE) près de Bordeaux, avant le montage et la vérification finale à Brest. Cette disposition s’appliquera à partir du lancement de la production des missiles M 51 qui doit intervenir après 2005. Quant à la fixation de l’année 2008 pour l’admission au service actif du quatrième SNLE-Ng, elle n’entraîne pas de retard significatif et garantit pleinement la posture nucléaire décidée par le Président de la République ;

— le Royaume-Uni a justifié son retrait du programme Trimilsatcom par son inquiétude sur le respect du calendrier du programme, les besoins de remplacement du système britannique actuel de télécommunications Skynet 4 étant impératifs ;

— la France a engagé des discussions avec l’Allemagne en vue de poursuivre une coopération sur le programme successeur de Syracuse II. En cas de besoin, ou de retard de ce programme, il serait possible de recourir à une solution intermédiaire pour assurer une continuité de service avec Syracuse I ;

— on ne peut parler de démobilisation mais plutôt d’inquiétudes à la DCN. Ces inquiétudes sont légitimes. Pour les apaiser, les perspectives doivent être éclaircies. C’est le rôle du plan d’entreprise qui devra aborder tous les problèmes posés par la gestion du personnel, en particulier ceux ayant trait au maintien des compétences ;

— pour le programme NTCD, sera appliquée la démarche comparative, qui consiste à fixer un coût objectif après analyse des prix pratiqués sur le marché pour des bâtiments de ce type, puis à demander à la DCN de proposer une organisation industrielle permettant d’atteindre ce coût, en conservant en interne les activités qui correspondent à ses pôles d’excellence et en faisant appel à des sociétés extérieures, lorsqu’elle est moins compétitive.

M. Robert Poujade s’est inquiété de l’évolution du titre III du budget de la Défense, citant notamment l’exemple de la Gendarmerie. A cet égard, il a relevé le paradoxe entre les efforts demandés au titre III et l’exigence de sécurité exprimée par la société. Il a demandé à M. Jean-Yves Helmer de faire le point sur le programme de VBCI et sur le nombre de frégates antiaériennes susceptibles d’être modernisées.

M. Alain Moyne-Bressand a relevé que la DGA s’efforçait d’évoluer mais qu’il existait d’importantes lourdeurs au sein de cette institution. Il s’est demandé par quels moyens elle pourrait mieux s’adapter et quels en étaient les points forts et les points faibles. S’agissant de la DCN, il s’est interrogé sur la nécessaire évolution de son statut, qui lui permettrait de fonctionner comme une entreprise, de baisser ses coûts et de gagner des marchés. Il a par ailleurs souhaité que soit organisée une visite par la Commission de la Défense du porte-avions Charles de Gaulle.

M. Didier Boulaud, Président, a fait observer qu’une telle visite avait déjà eu lieu il y a environ un an mais qu’il n’était pas impossible d’en organiser une nouvelle en 1999.

M. Jean-Claude Sandrier a regretté que l’objectif des réformes actuelles soit de piloter la Défense selon une logique d’entreprise. Il s’est inquiété, notamment pour des raisons de souveraineté nationale, du développement des études dans des cadres européens et d’un risque d’abandon de compétences techniques au niveau national. Relevant que l’échelon central de l’OCCAR était à Bonn, il s’est interrogé sur le choix de conduire les études relatives au VBCI dans le cadre d’un programme européen. Il a estimé que les choix de programmes d’armement devaient faire l’objet de débats en amont au plan local et national et qu’il fallait traiter au fond des problèmes posés par ces choix en n’hésitant pas à aborder la question de la souveraineté.

M. Didier Boulaud, Président, a interrogé le Délégué général pour l’Armement sur les conditions juridiques de passation des commandes globales et s’est demandé s’il était envisageable d’assurer l’information du Parlement sur leur conclusion, leur montant et leur contenu.

Il a ensuite souhaité savoir quelles conclusions M. Jean-Yves Helmer tirait de l’avis du Conseil d’Etat sur la valeur des droits de vote doubles détenus par l’Etat dans Dassault Aviation et s’il estimait que cette situation juridique clarifiée ouvrait de nouvelles perspectives pour la politique industrielle.

Il lui a ensuite demandé comment il envisageait le partage des activités de Matra-Aérospatiale et de Thomson-CSF dans le domaine des satellites et quel était le statut juridique de la clause de non rétablissement d’activités dans le secteur des satellites acceptée par l’Aérospatiale lors de l’apport de ses activités satellitaires à Thomson-CSF.

Enfin, il a voulu savoir comment il voyait le progrès des négociations industrielles et gouvernementales pour la création de la nouvelle société européenne aérospatiale civile et militaire.

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

— le programme VBCI, conduit en coopération avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, est en phase de négociation active avec l’industrie. Cette négociation a notamment pour but d’obtenir la garantie que les spécificités du besoin opérationnel français seront satisfaites par le consortium industriel retenu ;

— la distinction entre l’activité industrielle et l’activité étatique de la DGA constitue son premier atout. Au sein même de la DGA étatique, l’adoption d’un mode de fonctionnement transversal est également un gage d’efficacité, dans le contexte d’administration qui est celui de la délégation. Une large marge de manoeuvre existe toutefois, en particulier en matière de “ management ” et de gestion des ressources humaines, que la DGA s’efforce d’exploiter. Une gestion motivante a également été introduite, les responsables de programme recevant la mission d’atteindre un certain nombre d’objectifs et disposant d’une marge étendue d’initiative mais devant rendre compte régulièrement de leurs résultats ;

— s’agissant de la DCN, des orientations politiques très claires, définies par le Gouvernement, prévoient le maintien du statut actuel ;

— la préservation des capacités de défense de la France passe par la construction d’une Europe de l’armement. Si le siège de l’OCCAR se situe certes à Bonn, les bureaux de programme sont quant à eux répartis dans les quatre pays signataires, une majorité d’entre eux étant implantés en France ;

— des informations sur les commandes globales, qui sont des contrats de marchés publics, avec des dispositions spécifiques, mais sans particularité juridique, pourront être apportées au Parlement, en réponse aux demandes de la Commission de la Défense ;

— les avis du Conseil d’Etat sont secrets tant que le Gouvernement ne les a pas rendus publics, il n’est donc pas possible pour le Délégué général de les commenter ;

— les industriels concernés ont une interprétation différente de la clause de non-rétablissement d’activités dans le secteur des satellites. Il leur a été demandé de se rapprocher en vue de trouver un accord. Le Délégué général pour l’Armement et le Directeur du Trésor sont chargés de suivre ce dossier et d’en rendre compte au Gouvernement 

— s’agissant de la constitution de la future société européenne d’aéronautique civile et militaire, le rapprochement entre Aérospatiale et Matra Hautes Technologies constitue un progrès notable puisqu’il lève certains obstacles opposés par nos partenaires, notamment en ce qui concerne la participation de l’Etat, et qu’il favorise la rationalisation nécessaire de l’outil industriel français.

IV. —  EXAMEN DE L’AVIS

La Commission de la Défense s’est réunie le 27 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les titres V et VI des crédits du ministère de la Défense pour 1999, sur le rapport M. Jean Michel, rapporteur pour avis.

M. Jean Michel a rappelé que la Commission de la défense avait pris la décision de présenter, pour la première fois, un avis budgétaire sur les crédits d’équipement militaire dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1999 en s’affranchissant des contraintes d’une analyse par armée, issue de l’ancienne présentation du budget par section afin d’effectuer une analyse transversale et interarmées des dotations en capital. Il a souligné qu’il s’agissait d’une approche complémentaire qui devait permettre d’illustrer les choix majeurs d’équipement militaire sans se substituer aux analyses des avis relatifs aux dotations des différentes armées et de la Gendarmerie.

Présentant l’évolution globale des crédits d’équipement militaire, il a considéré, d’une part, que l’encoche réalisée en 1998 n’était que partiellement résorbée par le projet de budget puisque les dotations des titres V et VI resteront inférieures de plus de 3 milliards de francs à la référence de la programmation militaire initiale, d’autre part, que, s’il fallait se féliciter de la hausse globale de 7,5 % du titre V, il convenait également de porter attention à la modification de la structure du budget qui le rendait extérieurement conforme aux décisions de la revue de programmes mais en réalité en décalage avec elle. C’est ainsi que près de 1 400 millions de francs, dont 400 millions de francs au titre de l’entretien programmé des matériels (EPM) et 900 millions de francs destinés aux crédits duaux, c’est-à-dire au CNES, ont été intégrés à l’enveloppe des crédits d’équipement.

Le rapporteur pour avis a souligné que les conséquences de ce changement de structure étaient d’autant plus importantes qu’il sera reconduit sur le restant de la programmation et a observé qu’il constituait un ajustement financier supplémentaire.

Abordant la réforme des méthodes de gestion des crédits et des programmes, il a souligné qu’elle visait à plus de transparence et de rigueur, mais a indiqué que les reports de crédits, qui avaient diminué à 6,7 milliards de francs en fin d’exercice 1997, risquaient de s’établir à plus de 12 milliards de francs à la fin de la gestion 1998 en raison de la difficulté d’engager les crédits de paiement résultant des modifications apportées à la comptabilité des investissements. Il a indiqué à ce propos que les premiers engagements de dépenses sur les crédits votés de 1998 n’avaient pu avoir lieu qu’en mai.

Après avoir fait observer que l’amélioration des méthodes de gestion visait aussi bien les crédits que le déroulement des programmes, il a précisé que les axes majeurs de la réforme entreprise par la DGA portaient sur les notions d’opération budgétaire d’investissement (OBI) et de comptabilité spéciale des investissements (CSI). Il a considéré que le changement de nomenclature budgétaire avait le mérite d’améliorer la transparence et la clarté de la présentation des crédits budgétaires et d’individualiser une vingtaine de programmes sur des articles spécifiques. Il a cependant relativisé l’importance du passage de 8 à 9 du nombre des chapitres budgétaires, insistant sur le fait que tous les crédits consacrés à un programme ne figuraient pas dans l’article spécifique qui lui est consacré.

Examinant l’adéquation des crédits d’équipement aux objectifs de la programmation, M. Jean Michel a remarqué tout d’abord que l’analyse par objectif des programmes majeurs d’équipement montrait que les grandes fonctions opérationnelles des forces armées étaient respectées par la revue de programmes au prix d’inflexions dans les calendriers et l’architecture de certains programmes. Il a alors souhaité formuler quelques remarques dans une approche globale et interarmées :

— le redimensionnement de la dissuasion nucléaire est acquis avec l’inflexion durable des crédits et la confirmation du choix de deux composantes. L’aménagement majeur de la revue de programmes consiste à aligner les calendriers du quatrième SNLE-NG et du missile M 51. Le point le plus important reste la commande en 2000 de ce quatrième sous-marin qui permettra de maintenir la capacité opérationnelle de la force océanique stratégique ;

— le renforcement des capacités de projection des forces armées constitue l’un des objectifs principaux de la programmation et s’appuie sur le renouvellement d’équipements majeurs (Rafale, Tigre, porte-avions nucléaire, missiles, etc.). Le renforcement de la cohérence des forces de projection suppose toutefois que soient menés à terme des programmes qui souffrent d’incertitudes techniques ou financières. C’est le cas des hélicoptères NH 90, des frégates antiaériennes Horizon, du nouveau transport de chaland de débarquement (NTCD) ou de la flotte d’avions de transport futurs ATF.

M. Jean Michel a estimé que des décisions fondamentales devront être bientôt prises pour assurer le développement de l’ATF, améliorer le taux de disponibilité du groupe aéronaval par la commande d’un second porte-avions et achever les programmes de missiles SCALP, Magic 2 et MICA.

Enfin, il fait part de quelques interrogations sur les aléas de la coopération européenne. Citant en premier lieu les programmes spatiaux pourtant au coeur de la fonction de prévention des crises, il a souligné que la difficile recherche de partenaires européens avait tendance à retarder le renouvellement d’équipements (satellite d’observation optique Hélios I et système de communication Syracuse), dont la durée de vie est strictement limitée. La conséquence immédiate est que la France doit assumer seule le financement des systèmes dans l’attente de partenaires. Puis il a regretté les difficultés de la coopération européenne qu’illustrent les exemples des hélicoptères Tigre ou NH 90, des frégates Horizon, de l’ATF ou du VBCI, les qualifiant de paradoxales au moment où se rapprochent les échéances des restructurations industrielles.

En conclusion, M. Jean Michel a rappelé que la revue de programmes avait recalé la programmation sur une base réaliste et compatible avec les missions des armées et souligné que l’équilibre des programmes d’équipement tenait à la régularité des flux financiers qui leur sont affectés et aux prévisions que les industriels pouvaient faire sur leur déroulement. Il a invité la Commission de la Défense à suivre attentivement l’exécution des crédits d’équipement de façon à veiller à ce que la régulation budgétaire ne perturbe pas l’exécution de la première politique d’investissement de l’Etat.

Le Président Paul Quilès a souligné l’intérêt pour la Commission de la Défense de disposer d’une vision interarmées du budget d’équipement militaire.

Félicitant le rapporteur pour son travail, M. Arthur Paecht a considéré que cette analyse transversale permettrait d’accroître la transparence du budget d’équipement du ministère de la Défense et d’en avoir une meilleure lisibilité. Il a toutefois fait observer que sa présentation en soulignait d’autant plus les insuffisances, évoquant notamment l’écart de 3 milliards de francs par rapport à la loi de programmation initiale et de 1,4 milliard de francs par rapport aux décisions prises à l’issue de la revue de programmes. Il a jugé en conséquence que celle-ci n’avait pas permis d’assainir totalement la situation et avait seulement repoussé certaines échéances au-delà de 2002. Il a regretté qu’elle ne soit pas allée jusqu’au bout de la logique qui avait présidé à sa mise en œuvre et a estimé qu’il aurait été nécessaire de réfléchir à la pertinence du maintien de certains grands programmes.

Faisant référence aux indications du rapporteur concernant les difficultés de consommation des crédits, il a craint qu’elles n’accroissent l’écart entre les crédits d’équipement votés et les dépenses effectivement réalisées.

Il a ensuite relevé qu’au contraire de la coopération européenne classique, souvent laborieuse, coûteuse et largement symbolique en ce qu’elle ne permettait pas d’économies d’échelle, il semblait qu’avec l’OCCAR, on s’orientait vers une méthode plus efficace de cogestion des programmes. Il a souhaité savoir si les économies rendues possibles par cette nouvelle méthode de coopération avaient été mesurées. Il s’est toutefois interrogé sur le processus politique de prise de décision en matière de coopération, soulignant que cette question appelait un débat approfondi. Evoquant plus précisément les coopérations entreprises avec l’Allemagne dans le domaine des satellites et des missiles, il a regretté qu’alors que des accords avaient été conclus entre Aérospatiale et Dasa, la France ait formulé des exigences très lourdes à l’égard de son partenaire allemand, parfois fondées d’ailleurs, mais qui avaient pu être considérées comme une remise en cause des engagements pris. Evoquant l’éventualité de rapprochements entre les industries allemande et britannique, il a exprimé la crainte que les attitudes prises par la France dans le domaine de la coopération européenne aient pu contribuer à son isolement.

M. Bernard Grasset a estimé que la France était confrontée à des échéances précises concernant ses programmes de satellites et qu’elle n’était pas totalement responsable de l’évolution actuelle, les torts étant largement partagés. Il a fait état d’autres facteurs ayant pu contribuer à l’échec des coopérations européennes dans le domaine spatial comme les hésitations italiennes et espagnoles ou les propositions d’achats sur étagère faites par les Etats-Unis.

Le rapporteur pour avis a apporté les éléments d’information suivants :

— il a rappelé que la première cause de non-consommation des crédits votés est liée aux annulations, massives dans les années récentes. Quant aux crédits votés non consommés en fin d’exécution, ils peuvent être reportés et faire l’objet d’une décision d’engagement l’année suivante, sous réserve de l’accord du ministère du Budget. S’agissant du premier budget d’investissement de la Nation (55 % de l’investissement public total), la question de la consommation des crédits d’équipement militaire est effectivement fondamentale ;

— les décisions prises à l’issue de la revue de programmes ont veillé à préserver autant que possible les programmes en coopération, leur montant s’élevant actuellement à 8,5 milliards de francs. Quant à la coopération au sein de l’OCCAR, elle est encore trop récente pour pouvoir faire l’objet d’une analyse précise ;

— la coopération dans le domaine des satellites se fait principalement avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Le désengagement de l’Allemagne du programme Hélios 2 est tardif, puisqu’elle avait jusqu’alors réaffirmé sa volonté d’y participer, que ce soit au Sommet de Nuremberg en 1996 ou de Poitiers en 1997. La réunification a contraint l’Allemagne à une remise en question de ses choix budgétaires. Ses décisions ne sont peut-être cependant pas irrémédiables, plus encore après les évolutions politiques internes survenues récemment. Quant à l’influence américaine, si elle est réelle à l’égard de la Grande-Bretagne, elle peut être moins forte sur l’Allemagne ou d’autres pays européens.

Estimant que l’opinion du rapporteur venait appuyer son raisonnement, M. Arthur Paecht a jugé que, face aux difficultés financières de l’Allemagne consécutives à sa réunification, la France aurait dû abaisser son niveau d’exigence concernant, notamment, la question des droits d’entrée dans le programme de satellite de deuxième génération, d’autant plus que les Etats-Unis proposaient des produits sur étagère.

M. Jean Michel a fait observer que l’Allemagne s’était retirée du programme Horus alors que la question d’un droit d’entrée ne se posait pas.

M. Michel Voisin, faisant référence au rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire, et relevant que ce document mentionnait les programmes abandonnés à l’issue de la revue de programmes, s’est demandé si l’ensemble des sommes dépensées sur ces programmes avait fait l’objet d’une évaluation.

M. Jean Michel a estimé que les choix faits à l’issue de la revue de programmes représentaient une adaptation réaliste de la loi de programmation militaire aux facultés financières de la France et qu’ils permettaient de clarifier les perspectives d’activité des industriels. Il a estimé qu’il était impossible de continuer, comme c’était le cas auparavant, de voter des crédits budgétaires qui ne correspondaient pas à la réalité des dépenses effectivement réalisées, rappelant que les annulations de crédits avaient représenté, en 1995, 15 % et, en 1996, 11 % des dépenses nettes. Il a souligné les difficultés que de telles modifications des dotations en gestion avaient créées pour le contrôle parlementaire.

Il a fait observer que certains programmes, comme les programmes de satellite Horus, de torpille lourde, de missile AC3G-LP et de missile porte-torpilles Milas, avaient été abandonnés seulement à l’issue de la période de développement, la décision d’acquisition de ces systèmes ou d’autres systèmes équivalents ayant été repoussée à une date ultérieure.

M. Michel Voisin s’étant interrogé sur le cas de la torpille Murène, dont les études avaient coûté 1,9 milliard de francs, M. Jean Michel a répondu que le programme de torpille MU90 reprenait largement les études et le développement déjà effectués pour la torpille Murène.

Le Président Paul Quilès a souligné la nécessité de poser avec précision la question du coût des programmes abandonnés. Il a toutefois rappelé que chacun avait reconnu le caractère salutaire de la revue de programmes et que les pertes constatées aujourd’hui pourraient en réalité être autant d’économies pour l’avenir sur des dépenses consacrées à des équipements qui ne répondaient plus à nos besoins.

*

La Commission de la Défense s’est réunie à nouveau le 28 octobre 1998, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour procéder au vote sur l’ensemble des crédits de la Défense pour 1999.

Elle a tout d’abord adopté à l’unanimité deux observations, l’une présentée par M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits de la Marine, relative à la gestion et à la politique d’embauche de la DCN, l’autre, par M. Charles Cova relative à la situation des sous-lieutenants retraités et des veuves allocataires.

M. Michel Voisin a souligné que, si le projet de budget de la Défense pour 1999 avait d’abord paru favorable, une analyse approfondie des dotations montrait qu’il était présenté en trompe l’oeil. Il a alors indiqué que le groupe UDF réservait son vote sur ces crédits.

M. Guy-Michel Chauveau a estimé qu’il convenait de se féliciter du niveau des dotations budgétaires compte tenu de la situation de l’exercice 1998 et des circonstances économiques et financières. Il a indiqué que le groupe socialiste voterait les crédits de la Défense.

Après avoir considéré que le projet de budget pour 1999 se caractérisait par de fortes contraintes soulignées par la plupart des Chefs d’état-major, M. Charles Cova a fait observer que la hausse de 6,2 % des crédits d’équipement n’était pas à la hauteur des ambitions de la loi de programmation militaire. Il a émis le voeu que l’exécution budgétaire soit conforme aux dotations initiales, notamment pour les 25 programmes d’armement dont les dotations sont individualisées. Il a rappelé que le Général Philippe Mercier, Chef d’état-major de l’Armée de terre, avait estimé que les crédits d’équipement ne pouvaient plus être entamés qu’à la marge sauf à créer de véritables ruptures capacitaires, et que, si le Chef d’état-major de l’Armée de l’air avait fait preuve d’un optimisme réconfortant sur le niveau des crédits de fonctionnement, les Chefs d’état-major des deux autres armées avaient “ tiré le signal d’alarme ”. Le Chef d’état-major de la Marine avait évoqué avec inquiétude la réduction d’activité générale, fait état d’un risque de “ casser l’outil ” et souligné que la Marine était à la limite de la rupture de capacité alors que ses missions ne sont pas diminuées, et qu’il est impossible de prévoir les nécessités opérationnelles qui pourraient surgir. M. Charles Cova a également rappelé que le Chef d’état-major de l’Armée de terre avait mis l’accent sur la réduction sévère des crédits de fonctionnement dont il a souligné qu’elle entraînerait une baisse draconienne des objectifs de soutien et d’activité, même s’il a jugé par ailleurs que le projet de budget lui permettait de poursuivre la refondation de son armée. Enfin, il a rappelé l’inquiétude exprimée par le rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie nationale, M. Georges Lemoine, à l’égard de la faiblesse du titre III.

M. Charles Cova a alors estimé que, si le projet de budget pour 1999 témoignait d’un léger redressement par rapport à 1998, l’extrême contrainte financière qu’il établissait entraînerait une réduction des objectifs de soutien et d’activité et ramènerait au concept de disponibilité différée pour certaines unités. Il a indiqué que le groupe RPR s’abstiendrait sur les crédits de la Défense.

Se déclarant en accord avec les propos tenus par M. Charles Cova, M. Guy Teissier a souligné les difficultés que soulevaient certaines réductions de dotations, notamment liées au fonctionnement courant, et a estimé que le budget de la Défense, outil opérationnel, risquait de devenir un outil opératoire. Il a indiqué que le groupe DL voterait contre les crédits de la Défense.

La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Défense pour 1999, les commissaires appartenant au groupe DL votant contre, ceux du groupe RPR s’abstenant et ceux du groupe UDF ne prenant pas part au vote.

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