N° 1114

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078).

TOME XI

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

PAR M. Loïc BOUVARD,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros : 1111 (annexe n° 43)

Lois de finances

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Michel Voisin, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Philippe de Villiers, Jean-Claude Viollet, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  UNE NOTION COMPLEXE QUI RECOUVRE DES RÉALITÉS

DIVERSES 7

A. —  DEUX TYPES DE COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR PARTICIPENT

À LA DÉPENSE DE DÉFENSE 7

1. — Les quatre comptes de commerce du ministère de la Défense 8

2. — Le compte d’affectation spéciale 902-24 « Compte d’affec-

tation des produits de cession de titres, parts et droits de sociétés »

du ministère de l’Economie et des Finances 12

3. — Ces comptes retracent des réalités très diverses 13

B. —  LE COMPTE DE COMMERCE EST-IL UNE FORMULE D’AVENIR POUR

LES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES DE LA DÉFENSE ? 15

1. — Le nombre des comptes de commerce du ministère de la

Défense diminue 15

2. — La Direction des centres d’expertise et d’essais de la DGA

doit-elle être gérée en compte de commerce ou devenir une

entreprise publique ? 15

II. —  COMPTE DE COMMERCE ET MODERNISATION DE LA GESTION :

L’ALLIANCE DES CONTRAIRES ? 19

A. —  LE GIAT A ABANDONNÉ SON STATUT DE COMPTE DE COMMERCE

POUR DEVENIR LA SOCIÉTÉ NATIONALE GIAT INDUSTRIES 19

1. — Pourquoi avoir choisi le statut de société nationale ? 19

2. — Le bilan est peu probant 21

B. —  LE COMPTE DE COMMERCE N’EST PAS REMIS EN CAUSE PAR

LA RÉFORME DE LA DCN 23

1. — Le mode de gestion actuel de la DCN souffre de dysfonc-

tionnements 23

a) Le compte de commerce 904-05 « Constructions navales de la

marine militaire » ne répond pas aux critères définis par le droit

budgétaire 24

b) Son mode de fonctionnement est incompatible avec les ambitions

de la DCN 26

2. — Le plan d’entreprise vise à moderniser la DCN à statut constant27

III. —  QUEL CADRE D’ÉVOLUTION CHOISIR POUR LES SERVICES INDUSTRIELS DE L’ÉTAT ? 29

A. —  IL Y A PLUSIEURS MODÈLES D’ÉVOLUTION DES SERVICES

INDUSTRIELS DE L’ÉTAT 29

1. — Les difficultés de Giat Industries révèlent la délicate transition

de l’Etat gestionnaire vers l’Etat actionnaire 29

2. — Le compte de commerce est handicapé par des défauts

rédhibitoires 31

B. —  LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS INTERNATIO-

NALES POSE LA QUESTION DU STATUT 35

1. — Coopérer et exporter sont des enjeux vitaux 35

2. — Des obstacles d’ordre statutaire s’opposent à terme au

développement des activités internationales 36

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE I : DÉPENSES, RECETTES ET SOLDE DES COMPTES DE

COMMERCE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE EN 1997 51

ANNEXE II : BUDGET VOTÉ ET RÉALISATIONS DES COMPTES DE

COMMERCE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (1993-1997) 53

Mesdames, Messieurs,

La présentation, pour la première fois, d’un avis sur les comptes spéciaux du Trésor par la commission de la Défense met fin à une lacune. Si la commission de la Défense porte, en effet, de longue date un intérêt soutenu aux services industriels et commerciaux du ministère de la Défense ou aux entreprises d’armement, elle ne s’est encore jamais, à ce jour, penchée sur les mécanismes financiers qui régissent ces services ni sur les procédures qui conduisent les crédits votés par le Parlement à devenir des ressources de comptes de commerce ou des apports en capital.

Votre rapporteur se félicite de mettre fin, par le présent avis, à cette situation paradoxale. Il tient, toutefois, à souligner la difficulté de l’exercice, liée en grande partie au caractère très lacunaire des documents budgétaires dans ce domaine ainsi qu’à la nature largement dérogatoire des règles de fonctionnement qui régissent les comptes spéciaux du Trésor par rapport aux principes budgétaires classiques.

En effet, conformément aux articles 23 à 29 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, ces comptes, qui dérogent, par leur existence même, au principe d’unité budgétaire, permettent également d’échapper à la règle de l’universalité, en rapprochant certaines recettes de certaines dépenses, de façon à mieux suivre le déroulement d’opérations précises. Ils contournent enfin en grande partie le principe d’annualité budgétaire en ce que leur solde peut être reporté d’année en année.

*

Deux types de comptes spéciaux du Trésor intéressent, à des titres divers, le ministère de la Défense.

Si les quatre comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense —comptes 904-1 « Subsistances militaires », 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’Etat », 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » et 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers »— constituent l’axe principal de cet avis, il convient de ne pas adopter une vision trop restrictive des comptes du Trésor, afin d’appréhender au plus près la notion générale de dépense de défense. A cet égard, les mouvements de crédits en faveur des entreprises d’armement, retracés par le compte d’affectation spéciale 902-24 « Compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés », géré par le ministère de l’Economie et des Finances, méritent une analyse précise. Votre rapporteur la fera notamment porter sur les dotations en faveur de Giat Industries.

Même si le champ ainsi défini peut sembler modeste au regard des quelque 41 comptes spéciaux du Trésor existant en 1998, force est de reconnaître l’extrême diversité et le caractère complexe de ces comptes, qu’il s’agisse des activités qu’ils retracent, des modalités de leur fonctionnement ou des masses financières qu’ils mettent en jeu. Malgré cette diversité, les comptes de commerce de la Défense n’en sont pas moins soumis à une interrogation commune relative à l’adaptation de cette structure à la nécessaire modernisation et à l’indispensable internationalisation des activités qu’ils retracent. Cette question n’est pas nouvelle : la Cour des comptes, dans le référé qu’elle avait rendu le 17 octobre 1990 sur les comptes de commerce de la Défense, avait estimé que le compte de commerce « n’est pas adapté à la gestion d’activités industrielles de grande ampleur qui ont besoin d’une réelle autonomie que seule la personnalité juridique peut leur donner ». Aujourd’hui, la direction des constructions navales, le service de maintenance aéronautique, gérés respectivement par les comptes 904-03 et 904-05, peuvent-ils s’adapter aux nouvelles contraintes stratégiques et budgétaires à statut constant ? La question mérite à nouveau d’être posée tant elle a pu recevoir des réponses extrêmement contrastées, comme l’illustrent les choix totalement divergents faits pour le GIAT, devenu la société nationale Giat Industries en 1989 et pour la DCN, que le Gouvernement a décidé de réformer à statut constant.

*

Après avoir présenté les différents comptes du Trésor intervenant dans le champ de la défense, votre rapporteur se propose d’analyser les réponses apportées à la question complexe et délicate de l’adéquation entre la gestion en compte de commerce et la modernisation des services industriels de l’Etat en matière de défense. Il s’interrogera enfin sur les perspectives d’évolution de ces services dans un environnement international toujours plus concurrentiel.

I. —  UNE NOTION COMPLEXE QUI RECOUVRE DES RÉALITES DIVERSES

Aux termes de l’ordonnance organique du   janvier 1959, il existe six catégories de comptes spéciaux du Trésor, dont les définitions et les règles de fonctionnement sont décrits en ses articles 23 à 29 :

— les comptes d’affectation spéciale, les comptes d’avances, les comptes de prêts, qui présentent la caractéristique commune d’être dotés de crédits ayant un caractère limitatif ;

— les comptes de commerce, les comptes de règlement avec les gouvernements étrangers et les comptes d’opérations monétaires, qui peuvent être dotés de découverts et pour lesquels les prévisions de dépenses ont un caractère évaluatif.

LE RÉGIME JURIDIQUE DES COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

Règles communes à tous les types de comptes spéciaux du Trésor, y compris aux comptes de commerce

 

Règles supplémentaires spécifiques
aux comptes de commerce

— Affectation des recettes aux dépenses

 

— Conduite d’opérations industrielles et commerciales effectuées à titre accessoire par des services publics de l’Etat

— Report du solde d’année en année

 

— Interdiction d’exécuter des opérations d’investissement financier, de prêts ou d’avances ainsi que des opérations d’emprunts

— Interdiction d’imputer directement à un compte spécial du Trésor les dépenses résultant du paiement des traitements ou indemnités à des agents de l’Etat ou à des agents des collectivités, établissements ou entreprises publics

 

— Etablissement des résultats annuels selon les règles du plan comptable général, en plus de la tenue d’une comptabilité administrative

A. —  DEUX TYPES DE COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR PARTICIPENT À LA DÉPENSE DE DÉFENSE

Si les quatre comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense constituent le coeur du présent rapport, il convient également de prendre en compte les apports en capital en faveur des entreprises publiques d’armement, retracés par le compte d’affectation spéciale 902-24 géré par le ministère de l’Economie et des Finances.

1. — Les quatre comptes de commerce du ministère de la Défense

Aux termes de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, l’objet des comptes de commerce est de retracer « des opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par les services publics de l’Etat. » Il s’agit, à travers l’utilisation de ce mode de gestion particulier, de permettre à des services non dotés d’une personnalité juridique propre d’exercer des activités pour lesquelles les règles habituelles du droit budgétaire et de la comptabilité publique ne sont pas adaptées.

·  Le régime juridique de ces comptes donne d’ailleurs la mesure des dérogations apportées aux principes classiques qui régissent les finances publiques.

Tout d’abord, ils peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés par le Parlement, présenter un découvert en fin d’exercice. En 1998, les comptes 904-01 « Subsistances militaires » et 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » ont ainsi reçu une autorisation de découvert de 50 millions de francs, pour le premier, et de 300 millions de francs, pour le second.

En deuxième lieu, ils dérogent au principe d’annualité budgétaire en ce que leur solde, positif ou négatif, peut être reporté à l’exercice suivant.

En troisième lieu, c’est le principe de l’unité de compte, et non la règle de spécialité des crédits, qui s’applique, le compte étant alimenté indistinctement par les différents chapitres budgétaires.

Enfin, il est fait obligation à ces comptes, par l’article 26 de l’ordonnance précitée, d’établir des résultats annuels selon les règles du plan comptable général. Loin de n’être qu’une mesure de bonne de gestion, cette disposition vise avant tout à permettre aux instances de contrôle d’exercer leur mission, qu’il s’agisse du ministère gestionnaire ou, surtout, du Parlement.

Au total, il convient de souligner l’importante souplesse, notamment au regard des règles du droit budgétaire, que confère le compte de commerce aux opérations qu’il retrace. S’agit-il de la raison majeure qui a conduit le ministère de la Défense à privilégier ce mode de gestion ? La Cour des comptes avait souligné, en 1990, que le ministère de la Défense utilisait la structure du compte de commerce non tant pour gérer des activités industrielles et commerciales, comme le prévoit l’ordonnance organique de 1959, que pour échapper aux règles contraignantes du droit budgétaire. On peut penser que la redéfinition du périmètre du compte de commerce 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » opérée en 1998 a contribué, partiellement sans doute, à assainir la situation, les activités étatiques de la DCN étant désormais gérées en zone budgétaire, conformément à l’ordonnance organique.

D’autres facteurs ont également favorisé le recours au compte de commerce. Le caractère stratégique des opérations menées a sans aucun doute joué un rôle important dans le choix de cette structure : il fallait en effet trouver une formule juridique qui permette de concilier le caractère étatique de ces services, garantie d’un contrôle étroit par la puissance publique, avec un mode de fonctionnement de type industriel. Faut-il enfin préciser que la formule du compte de commerce garantissait une certaine discrétion des opérations menées, notamment grâce au principe de l’unité de compte qui permet de contourner la règle de spécialité des crédits ? C’est sans doute pourquoi le ministère de la Défense a toujours été, en comparaison avec les autres ministères, le principal utilisateur de cette formule. En 1998, il gérait en effet quatre des dix comptes de commerce existant.

·  En 1998, les comptes de commerce du ministère de la Défense ont représenté un montant de dépenses de 21,07 milliards de francs en 1997, soit 11,56 % des dépenses nettes du ministère de la Défense.

— Le compte de commerce 904-01 « Subsistances militaires »1

Créé par la loi du 26 août 1943, ce compte, géré par le Commissariat de l’Armée de terre, a pour objet de retracer l’achat, le conditionnement, le stockage et la cession aux corps de troupe et aux autres parties prenantes relevant du département de la Défense et des départements approvisionnés par celui-ci, de toutes les denrées ou matières nécessaires au service des vivres, au service des fourrages et au service du chauffage et de l’éclairage.

Il supporte, en dépense, le prix d’achat des denrées et matières précitées, le remboursement au budget général des dépenses de personnel et les frais généraux du service. Il reçoit, en recettes, le produit des cessions effectuées aux divers corps de troupe ou organismes consommateurs.

En 1998, les prévisions de dépenses de ce compte ont été évaluées à 710 millions de francs et le découvert autorisé s’est élevé à 50 millions de francs. Le projet de budget pour 1999 les estime à 670 millions de francs, soit une baisse de 5,6 % due à la diminution des effectifs de l’Armée de terre.

— Le compte de commerce 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’Etat »2

Ce compte de commerce, créé par la loi du 30 décembre 1952, a pour objet de retracer les recettes et les dépenses afférentes aux réparations, modifications, fabrications et prestations diverses effectuées sur des matériels aériens par les ateliers industriels de l’aéronautique de l’Etat ainsi que le produit des aliénations et transferts d’affectation de biens immobiliers et les aliénations et cessions de biens mobiliers affectés à l’exploitation de ces ateliers.

En loi de finances initiale pour 1998, les prévisions de dépenses de ce compte ont été évaluées à 1,71 milliard de francs. Elles s’établissent à 1,74 milliard de francs dans le projet de budget pour 1999, soit une hausse de 1,75 %. Cette augmentation est imputable en totalité à l’accroissement des charges de personnel (+ 7 % par rapport à 1998) dû au relèvement de la cotisation de l’Etat (10 à 24 %) au fonds spécial de retraite des ouvriers de l’Etat. On peut remarquer qu’au total, cette hausse conduit à diminuer les crédits du titre V et à augmenter d’autant ceux du titre III.

— Le compte de commerce 904-05 « Constructions navales de la marine militaire »3

Le compte de commerce « Constructions navales de la marine militaire », créé en 1968, a vu son périmètre réduit depuis la loi de finances initiale pour 1998, du fait de la séparation des activités étatiques (planification, expertise et suivi des programmes) et des activités industrielles de la DCN.

Ce compte de commerce supporte, en dépenses, le coût des achats de matières premières, outillages et matériels consommables ou utilisables, le règlement des commandes de fabrications, de constructions et de réparations navales placées dans l’industrie, le coût de renouvellement des immobilisations, les frais de fonctionnement du service, le versement au budget général au titre des activités d’exportation prévu par l’article 62 de la loi de finances pour 1979 et le remboursement des dépenses de personnel au budget général. Les dépenses ont été évaluées, en loi de finances initiale pour 1998, à 11,1 milliards de francs, en baisse de 6,994 milliards de francs par rapport à 1997. Comme l’indique le tableau ci-dessous, cette diminution est essentiellement due à la réduction des crédits d’équipement militaires en 1998, à la réduction du plan de charges de la DCN et à la budgétisation de la partie étatique de la DCN.

LE BUDGET DE LA DCN A FORTEMENT DIMINUÉ EN 1998

(en milliards de francs)

Facteurs de diminution

Montant de la réduction
des crédits budgétaires

Surestimation des charges dans le budget 1997

0,3

Réduction des crédits d’équipement militaires en 1998

1,5

Baisse du plan de charges de la DCN

1,1

Budgétisation de la partie industrielle
de la DCN

0,9

Budgétisation des charges supportées par
la partie étatique de la DCN

2,4

Diminution des exportations1

0,7

Total des réductions de crédits

6,9

1 Cette baisse ne s’est finalement pas produite grâce au contrat Sawari II

En recettes, le compte est crédité du produit des cessions de matériels et constructions navales aux ministères et services clients, du montant des réparations, prestations de services, études et recherches effectuées pour leur compte ainsi que du produit des aliénations de biens immobiliers et mobiliers affectés à l’exploitation du service des constructions navales. Ces recettes s’élèvent, telles qu’évaluées par la loi de finances initiale pour 1998, à 11,1 milliards de francs.

Pour 1999, recettes et dépenses augmentent de 4,72 %, de 11,1 milliards de francs à 11,624 milliards de francs. La hausse des recettes est essentiellement imputable aux exportations et à la diversification, l’augmentation des recettes liées à l’entretien de la flotte et des navires et matériels militaires provenant d’une sous-estimation du flux d’entretien pour 1998. Quant à l’augmentation des dépenses, elle est due, là encore, à la forte croissance des charges de personnels, en hausse de 10 % malgré la réduction des effectifs autorisés de 10,4 % en 1998. Ce phénomène trouve son origine dans l’augmentation des cotisations de l’Etat au fonds spécial de retraite des ouvriers de l’Etat et dans la sous-estimation des charges de personnel en 1998.

— Le compte de commerce 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers »4

Créé par la loi du 20 décembre 1984, ce compte de commerce vise à retracer :

— en recettes, les cessions de produits pétroliers, les revenus de l’exploitation de l’oléoduc Donges-Metz, et les recettes diverses ;

— en dépenses, l’achat des produits pétroliers, le remboursement au budget de la défense des frais engagés pour des cessions à des gouvernements étrangers, et les charges d’exploitation de l’oléoduc Donges-Metz.

Ces recettes et dépenses ont été évaluées chacune à 2,35 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1998, soit au même niveau qu’en 1997. Elles sont estimées à 2,2 milliards de francs en 1999, en baisse de 6,4 %. Le découvert autorisé s’élève à 300 millions de francs.

2. — Le compte d’affectation spéciale 902-24 « Compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés » du ministère de l’Economie et des Finances

·  Contrairement au compte de commerce qui vise à permettre l’affectation des recettes aux dépenses et la compensation entre les différents chapitres, le compte d’affectation spéciale a pour seul objet de déroger au principe de non-affectation des recettes aux dépenses. Il est donc doté de crédits limitatifs et ne dispose pas d’une autorisation de découvert, même s’il existe, il est vrai, quelques comptes d’affectation spéciale qui retracent des opérations à caractère temporaire.

Créé par la loi de finances pour 1993, le compte 902-24 a hérité depuis la loi de finances pour 1997 des opérations autrefois imputées au compte 904-09 « Gestion de titres du secteur public et apports et avances aux entreprises publiques ».

Géré par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, il retrace :

— en recettes, le produit des ventes par l’Etat de titres, de parts ou de droits de sociétés ;

— en dépenses, les dépenses afférentes aux ventes de titres, de parts, ou de droits de sociétés, les dotations en capital, avances d’actionnaires et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics.

Dans le budget voté en 1997, les recettes et les dépenses étaient évaluées à 27 milliards de francs ; elles atteignent 28 milliards de francs en 1998.

Le ministère de la Défense n’est concerné que de manière indirecte par ce compte qu’il ne gère pas. Cependant, les dépenses qui y sont inscrites en faveur des entreprises publiques d’armement (dotations en capital, notamment) participent bien de la dépense de défense. Ainsi, sur les 11,75 milliards de francs que Giat Industries a reçus en dotation en capital depuis 1996, 8,03 milliards de francs sont issus du compte 902-24, le reste, soit 3,716 milliards de francs venant du budget des charges communes. De même, 11 milliards de francs ont été versés à Thomson à partir de ce compte en 1997, qui ont permis de faciliter la privatisation de Thomson-CSF. En effet, de toutes les entreprises publiques du secteur de l’armement, seule Thomson-CSF a fait l’objet d’une évolution significative de son actionnariat, la part du secteur public étant passée en 1998, de 58 % à 43,9 % (40 % détenus par Thomson SA et 3,9 % détenus par Aérospatiale), à l’occasion de l’apport d’actifs industriels des groupes privés Alcatel et Dassault Industries, devenus respectivement actionnaires à hauteur de 15,8 % et 5,8 % de Thomson-CSF.

S’agissant d’Aérospatiale, le Gouvernement a annoncé le 14 mai 1998 que l’Etat lui apporterait les titres (45,76 % du capital) de Dassault Aviation qu’il détient directement et indirectement. Le 23 juillet dernier, le Gouvernement a annoncé l’apport de Matra Hautes Technologies à Aérospatiale (en échange d’une prise de participation à hauteur de 30 % à 33 % du groupe Lagardère), suivi de la privatisation et de la cotation de cette dernière. Il semble, au vu des évolutions les plus récentes, que l’on s’achemine vers une réduction accrue de la part de l’Etat dans Aérospatiale. Ces différentes opérations, dont les modalités sont encore floues, ne devraient pas être finalisées avant la fin du premier semestre 1999.

3. — Ces comptes retracent des réalités très diverses

Au-delà de la diversité de leur régime juridique, les comptes spéciaux du Trésor qui participent à la dépense de défense forment un ensemble très hétérogène, tant au regard des masses financières qu’ils représentent que des activités qu’ils retracent.

·  Des masses financières hétérogènes

Si le périmètre financier des comptes de commerce a connu une importante réduction avec la budgétisation de la partie étatique de la DCN, l’hétérogénéité des masses financières en jeu reste très importante. L’écart est particulièrement grand entre le compte 904-01 « Subsistances militaires » et le compte 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », notamment.

·  Des activités diverses et non homogènes

Si, par nature, les activités retracées par un compte d’affectation spéciale diffèrent de celles opérées par un compte de commerce, il convient néanmoins de remarquer l’extrême diversité des opérations retracées au sein des comptes relevant de cette seconde catégorie.

Ainsi, l’activité des deux comptes 904-01 « Subsistances militaires » et 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » s’analyse davantage comme un mode d’approvisionnement spécifique des armées et comme un regroupement d’achats que comme une activité proprement industrielle et commerciale, la revente à des tiers autres que le ministère de la Défense apparaissant secondaire. Tout au contraire, les comptes gérés par le Service de maintenance aéronautique et la Direction des constructions navales retracent des opérations industrielles.

Les opérations retracées au sein d’un même compte de commerce peuvent également relever de logiques très différentes. Lors du contrôle des comptes de commerce du ministère de la Défense qu’elle avait mené en 1990, la Cour des comptes avait ainsi relevé le caractère non homogène des opérations retracées par le compte 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers », observation qui demeure valable aujourd’hui. En effet, les opérations d’achat et de vente de produits pétroliers par le service des essences des armées en vue de l’approvisionnement des forces sont de nature commerciale, tandis que les opérations concernant l’oléoduc Donges-Metz s’apparentent à des activités d’exploitation d’une infrastructure lourde. Au vu de ce constat, la Cour avait jugé que l’agrégation, dans un même compte, des résultats liés à ces deux types d’activités enlevait tout sens au résultat lui-même, alors même que les résultats de la comptabilité administrative, comme de la comptabilité analytique, ont pour objet de fournir un critère d’appréciation des performances du service sur ces deux types d’activité.

B. —  LE COMPTE DE COMMERCE EST-IL UNE FORMULE D’AVENIR POUR LES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES DE LA DÉFENSE ?

1. — Le nombre des comptes de commerce du ministère de la Défense diminue

Le nombre de comptes spéciaux du Trésor a fortement diminué sous la Vème République, largement par réaction à la situation qui avait prévalu durant les décennies précédentes, période qui avait vu se développer cette pratique de manière excessive. Dans les années récentes, leur nombre a oscillé entre quarante et cinquante, contre plus de soixante-dix dans les années 1960 et 1970.

Le ministère de la Défense n’a pas échappé à ce mouvement général : depuis 1990, le nombre de comptes de commerce gérés par ce ministère est en effet passé de six à quatre, du fait de la suppression des comptes 904-02 « Fabrications d’armement » par les lois de finances pour 1992 et 1993 et 904-04 « Coopération internationale-entretien et réparation de matériels aériens », par la loi de finances pour 1991.

Si la cause directe de la fermeture du compte 904-02 « Fabrications d’armement » tient à la création de la société nationale Giat Industries, la clôture du compte 904-04 « Coopération internationale-entretien et réparation de matériels aériens » est liée à sa non-conformité patente aux règles fixées par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, relevée à maintes reprises par la Cour des comptes. Ce compte retraçait, en effet, les opérations de maintenance des Bréguet Atlantic des marines française, allemande, hollandaise et italienne, qui n’étaient pas « effectuées à titre accessoire par des services publics de l’Etat », comme l’exige l’ordonnance précitée, mais par des industriels français, seules la gestion des contrats et la facturation des coûts étant réalisées par les services de l’Etat.

La réduction du nombre de comptes de commerce s’inscrit également dans une perspective plus large de redéfinition des activités industrielles et commerciales de l’Etat, et de recentrage de celui-ci sur ses activités régaliennes.

2. — La Direction des centres d’expertise et d’essais de la DGA doit-elle être gérée en compte de commerce ou devenir une entreprise publique ?

Créée depuis février 1997, la direction des centres d’expertise et d’essais (DCE) a pour fonction d’effectuer des études, des simulations, des essais et des évaluations de système, couvrant la quasi-totalité des domaines du secteur de l’armement. 23 centres5 travaillent ainsi au profit des services de programme de la DGA, mais aussi au profit de clients extérieurs (5 % de l’activité en 1997). En 1997, les prestations effectuées par la DCE, qui comptait à sa création plus de 12 200 personnes, ont représenté une valeur d’environ 5 milliards de francs. Une analyse prévisionnelle de l’activité de la DCE, conduite sur la période 1997-2002, montre que l’activité globale de ce service menée pour les besoins de la défense française diminuera d’environ 20 %, le domaine le plus touché étant l’aéronautique qui verra la baisse d’activité s’établir à 30 %.

La DCE est à la fois un service étatique, puisqu’elle dispose des moyens que seule une entité publique peut apporter et remplit des missions fondamentales au regard de l’indépendance de la politique de défense, et un prestataire industriel qui recherche l’efficacité par une politique de contractualisation et par l’adoption d’un mode de gestion analogue à celui d’une entreprise. La DGA souhaiterait à ce titre pouvoir gérer la DCE en compte de commerce, ce qui permettrait, à ses yeux, de concilier le statut de régie avec un mode de gestion d’entreprise. Le projet est actuellement à l’étude au sein des deux ministères de la Défense et de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Votre rapporteur ne dispose pas des études réalisées par la DGA visant à étayer sa demande. On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence d’une telle proposition, au regard notamment des évolutions de long terme, qui vont précisément à l’encontre de la création de nouveaux comptes de commerce. Quelles pourraient être, dans ces conditions, les voies alternatives ?

Il existe, en réalité, peu de choix : soit la DCE est gérée en régie directe par un compte de commerce, soit elle devient une entreprise publique, c’est-à-dire qu’elle acquiert une personnalité juridique distincte de l’Etat.

RÉGIE, ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ET SOCIÉTÉ NATIONALE

Les supports juridiques de l’entreprise publique sont essentiellement de trois types :

— l’établissement public industriel et commercial (EPIC) ;

— la société nationale ;

— la société d’économie mixte.

Sans aller jusqu’à parler d’un effet de mode, il convient de noter que chacun de ces trois types porte la marque d’une époque. Ainsi, longtemps support juridique classique de l’entreprise publique, le recours à l’EPIC ne fait plus recette aujourd’hui, au contraire des deux autres statuts qui ont connu une grande notoriété dans les années quatre-vingts.

Dans le cas de la DCE, deux statuts -EPIC ou société nationale- peuvent être envisagés, la société d’économie mixte faisant intervenir des capitaux privés et n’étant, de ce fait, pas adaptée.

L’avantage de l’EPIC par rapport à la régie est triple : il tient à l’existence d’une personnalité juridique propre, d’une autonomie financière et d’un patrimoine propre. Il s’accompagne en outre généralement d’une mise à l’écart des règles de la comptabilité publique.

La société nationale est une société anonyme dont l’Etat est l’unique actionnaire. Moyen d’adaptation du secteur public, elle permet aux organismes qui choisissent ce statut d’être dotés d’un capital social, au contraire de l’EPIC.

L’ampleur des activités de la DCE, notamment en termes financiers, conduit à douter de la pertinence du recours au compte de commerce. Faut-il rappeler, comme l’avait fait la Cour des comptes dans son référé du 17 octobre 1990 que toutes les activités industrielles et commerciales de l’Etat ne sont pas adaptées à cette structure ? Il est vrai toutefois que le statut d’entreprise publique ne suffit pas à insuffler l’esprit et la culture d’entreprise, nécessaires au succès d’une telle réforme.

II. —  COMPTE DE COMMERCE ET MODERNISATION DE LA GESTION : L’ALLIANCE DES CONTRAIRES ?

Créés, pour la plupart d’entre eux, depuis plus de trente ans, les comptes de commerce sont-ils adaptés à un contexte stratégique, budgétaire et commercial totalement renouvelé ? Cette question mérite tout particulièrement d’être posée à l’heure où il a été décidé de faire évoluer la Direction des constructions navales à statut constant, alors qu’une réponse totalement opposée avait été apportée en 1989, le choix ayant été fait à l’époque, avec la création de Giat Industries, de transférer à une société nationale des activités jusqu’alors gérées en compte de commerce.

A. —  LE GIAT A ABANDONNÉ SON STATUT DE COMPTE DE COMMERCE POUR DEVENIR LA SOCIÉTÉ NATIONALE GIAT INDUSTRIES

« S’il veut faire valoir ses atouts, s’intégrer dans la compétition internationale et, avant toute chose, conserver la place prédominante qu’il occupe sur le marché français, le GIAT doit évoluer, se débarrasser de son statut actuel, inscrire son activité dans un statut adapté. Il doit se libérer du véritable carcan qui l’enserre et qui l’a empêché d’évoluer comme il aurait fallu pour devenir une entreprise performante sur tous les plans. »6

S’exprimant sur le projet qui devait devenir la loi n°89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du GIAT, le rapporteur de l’époque ne faisait que présenter un constat unanimement partagé lorsqu’il stigmatisait les contraintes que représentait pour le GIAT sa gestion en compte de commerce.

1. — Pourquoi avoir choisi le statut de société nationale ?

La transformation d’une régie industrielle et commerciale, gérée depuis 1952 par un compte de commerce, en société nationale possédée à 100 % par l’Etat est née d’un constat d’échec. Confronté à une contraction importante du marché international et de ses débouchés à l’exportation, ainsi qu’à une diminution progressive des commandes de l’armée de terre, le groupement industriel des armements terrestres (GIAT) a vu sa situation s’affaiblir considérablement dans les années 1980.

De manière unanime, tous les observateurs mirent en cause les faiblesses de la gestion en régie directe et en compte de commerce : absence d’autonomie de gestion et, plus encore, contraintes de gestion imposées par la tenue d’une comptabilité administrative dont l’utilité pour un service industriel est quasiment nulle ; absence de personnalité juridique et donc d’autonomie contractuelle qui l’empêchait de développer une politique de coopération et lui interdisait toute prise de participation en France ou à l’étranger ; marge de gestion des personnels nulle.

Le choix de faire de ce service une société nationale n’allait pas de soi : l’hypothèse d’une transformation en établissement public industriel et commercial (EPIC) a été notamment évoquée, d’autant qu’elle correspondait à un statut intermédiaire généralement utilisé dans de tels cas de figure, pour faciliter la transition. Le professeur Jean-Philippe Colson note ainsi que « bon nombre d’éléments d’actifs du secteur public industriel (...) ont subi des transformations juridiques les faisant successivement passer du statut de régie à celui d’établissement public, puis de société anonyme ».7 Il cite notamment le cas de la Régie des tabacs et allumettes, devenue établissement industriel et commercial en 1959, puis société nationale sous le nom de SEITA avec les lois du 2 juillet 1980 et du 13 juillet 1984, avant d’être privatisée en application de la loi du  27 décembre 1994. Dans le cas du GIAT, il n’y a pas eu d’étape intermédiaire entre la régie et la société nationale. En effet, si l’EPIC possède la personnalité juridique, il ne dispose pas cependant de capital social ; le GIAT n’aurait donc pas pu développer ses coopérations dans ce cadre, alors que tel était pourtant l’objectif majeur de sa réforme.

Au contraire, le statut de société nationale permettait d’inscrire le GIAT dans une logique économique, tout en respectant la logique sociale d’un organisme public. Deux séries d’arguments furent avancés :

— la reconnaissance de la personnalité juridique garantit une autonomie tant administrative que de gestion à l’égard de l’Etat et devrait lui permettre de rompre son isolement industriel ;

— l’abandon du système du compte de commerce et la constitution d’un capital social contraignent mécaniquement la société nationale à suivre les usages commerciaux, sous réserve que la dotation en capital soit suffisante.

2. — Le bilan est peu probant

Plus de huit ans après le transfert des activités du GIAT vers la société nationale Giat Industries, force est de reconnaître que les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des espoirs qui avaient été placés dans le changement du statut. Plusieurs éléments constituent même les symptômes d’une situation extrêmement délicate pour l’industriel d’armement terrestre.

Dotée initialement à hauteur de 3 milliards de francs, dont 2 milliards de francs d’apports en nature, la société Giat Industries affiche des résultats préoccupants. Ainsi, pour 1997, la perte nette enregistrée par Giat Industries s’élève à 2,85 milliards de francs, à la suite d’un calcul prenant en compte les quelque 3 milliards de francs de provisions destinés à couvrir le plan stratégique économique et social qui devrait être mis en oeuvre à partir de 1999. Hors provisions, la perte nette s’élevait, comme l’avait annoncé l’industriel en avril dernier, à 463 millions de francs, pour un chiffre d’affaires de 6,7 milliards de francs. D’après les données fournies par le ministère de l’Economie et des Finances, l’entreprise a vu sa marge brute se dégrader de - 7,7 % en 1996 à - 9,4 % en 1997.

Les tableaux ci-après permettent de cerner l’ampleur des difficultés de Giat Industries par rapport aux autres entreprises publiques du secteur de l’armement.

ÉVOLUTION DES CAPITAUX PROPRES DES ENTREPRISES PUBLIQUES
D’ARMEMENT 1990-1997*

(en millions de francs)

 

Thomson
CSF

Aérospatiale

Snecma

SNPE

Giat
Industries

1990

21 524

5 103

4 628

1 228

2 652

1991

21 609

6 814

4 681

1 106

2 219

1992

22 083

5 827

4 038

1 125

1 675

1993

14 544

6 160

4 087

1 125

547

1994

13 836

5 610

1 332

1 186

- 2 436

1995

13 147

4 176

51

1 212

- 12 790

1996

14 341

4 894

442

1 244

- 10 995

1997

16 254

6 387

686

1 300

- 10 075*

* Estimation provisoire dans l’attente de l’approbation des comptes 1997

RENTABILITÉ DES ENTREPRISES PUBLIQUES D’ARMEMENT EN 1997*

 

Thomson
CSF

Aérospatiale

Snecma

SNPE

Giat
Industries

Résultat net/chiffre d’affaires

5,4 %

2,5 %

3,25 %

1 %

- 46 %*

* Sur la base des comptes provisoires de Giat Industries, les comptes 1997 n’ayant pas été définitivement arrêtés

Quant au montant total des recapitalisations opérées en faveur de Giat Industries depuis sa création, il s’élève, à ce jour, à 11,75 milliards de francs :

— en 1996, les dotations se sont élevées à 3,753 milliards de francs, soit 37,5 millions de francs inscrits en dépense du compte d’affectation spéciale 902-24 « Compte d’affectation des produits de titres, parts et droits de société » et 3,716 milliards de francs provenant du chapitre 54-90 du budget des charges communes ;

— en 1997, les dotations ont également atteint 3,7 milliards de francs, inscrits en dépense du compte 902-24 ;

— en 1998, ce même compte a enregistré un mouvement de 4,3 milliards de francs, à titre d’avance d’actionnaire, somme qui devrait être incorporée très prochainement au capital social.

En dépit d’un effort financier d’une ampleur considérable en faveur de Giat Industries, l’Etat va devoir poursuivre les recapitalisations dans les années à venir. Les besoins en capital prévisibles atteindront environ 7 milliards de francs. Ils peuvent être mécaniquement déduits du montant des provisions inscrites dans les comptes de Giat Industries, la loi faisant obligation à l’actionnaire de reconstituer la moitié du capital social dans les deux ans après la prise de connaissance des pertes. Actuellement, les provisions représentent 14 milliards de francs au total, soit :

— 8 milliards de francs pour couvrir les pertes sur les contrats émirati (7 milliards de francs) et turc (700 millions de francs) ;

— 3 milliards de francs au titre du plan de retour à l’équilibre ;

— 3 milliards de francs au titre du plan stratégique économique et social.

L’ensemble de ces indicateurs reflète un bilan peu probant de la réforme de 1989.

B. —  LE COMPTE DE COMMERCE N’EST PAS REMIS EN CAUSE PAR LA RÉFORME DE LA DCN

La création du compte de commerce « Constructions navales de la marine militaire » par la loi de finances pour 1968 répondait au souci d’assurer à la direction des constructions navales une souplesse de gestion conforme à ses activités industrielles. Or, il apparaît que le compte 904-05 ne joue pas ce rôle. En effet, non seulement il ne répond plus à l’objectif économique qui lui avait été assigné, mais, qui plus est, il est source d’aléas financiers incompatibles avec les contraintes budgétaires qui pèsent aujourd’hui sur la DCN.

C’est pour cette raison que la DCN a élaboré le projet de gestion DCN 2000 qui vise, toujours dans le cadre du compte de commerce, selon le choix politique qui a été fait, à donner à la Direction des constructions navales des moyens de gestion semblables à ceux d’une entreprise.

1. — Le mode de gestion actuel de la DCN souffre de dysfonctionnements

Avec un budget voté de 11,1 milliards de francs en 1998 et un projet de budget de 11,62 milliards de francs pour 1999, le compte de commerce 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », qui retrace les activités industrielles de la DCN est, de loin, le principal compte de commerce de l’Etat et représente un enjeu stratégique, social et économique de premier ordre. Aussi ses dysfonctionnements notoires sont-ils un sujet de préoccupation majeure. Deux problèmes doivent être notamment soulignés. En premier lieu, certes, la budgétisation du Service de programmes navals (SPN)8 représente un progrès ; mais le recours à la structure du compte de commerce reste peu justifié au regard des règles fixées par l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le second problème concerne le fonctionnement même du compte de commerce, dont chacun s’accorde à reconnaître qu’il ne permet pas une gestion optimale des deniers publics.

a) Le compte de commerce 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » ne répond pas aux critères définis par le droit budgétaire

·  L’article 26 de la loi organique dispose que « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par les services publics de l’Etat ». Bien que cette rédaction puisse donner lieu à des interprétations diverses, il faut reconnaître que le compte de la DCN ne respecte pas cette définition : loin de n’être qu’une activité accessoire, la conduite d’opérations à caractère industriel constitue, tout au contraire, la raison d’être de la DCN. La budgétisation de la partie étatique de ce service l’a montré : celle-ci n’entrait que pour 887 millions de francs dans le budget de la DCN, à comparer aux 11,1 milliards de francs destinés au compte de commerce de la partie industrielle en 1998.

·  En deuxième lieu, et malgré la budgétisation du SPN, le périmètre du compte 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » ne respecte pas les principes du droit budgétaire, en ce qu’il renferme des activités qui devraient faire l’objet d’une imputation au budget général. Ainsi, ce compte retrace les opérations de quatre centres de la DCE9 (Centre technique des systèmes navals, bassin d’essai des carènes, GESMA à Brest et GERBAM à Lorient), qui regroupent environ 950 personnes. De même, trois autres organismes sont gérés en compte de commerce pour la partie de leur activité qui concerne la DCN : il s’agit du commissariat de l’armée de l’air à Djibouti, du service interarmées de liquidation des transports de Denain et de la base de transit de la Rochelle. La DCN souhaite que ces organismes quittent le compte 904-05 d’ici au 1er janvier 2000, proposition que votre rapporteur ne peut qu’appuyer.

·  La lourdeur du fonctionnement actuel de la DCN a reçu une démonstration éclatante, mais tout autant préoccupante, en 1998. Le tableau suivant montre en effet que le budget de la DCN pour 1998 a fait l’objet d’une sous-estimation notoire, qui devrait se traduire par des reports de charges (plus d’un milliard de francs) en fin d’année, le compte ne pouvant juridiquement afficher un solde négatif. Si l’importante réforme que traduit la budgétisation du SPN a pu perturber la préparation du budget pour 1998, il semble cependant que la cause principale tienne au fait que la DCN a élaboré son projet de budget sans disposer de tous les éléments permettant d’affiner ses prévisions.

LES CHARGES DE LA DCN ONT ÉTÉ SOUS-ESTIMÉES
DANS LE BUDGET VOTÉ EN 1998

(en millions de francs)

 

Budget voté
1998

Réalisations
au 30.06.98

Projection en
année pleine (1)

Evaluation des recettes

11 100

6 284

11 997

Ligne n° 1 : constructions neuves de la flotte

6 540

3 538

5 777

Ligne n° 2 : constructions aéronautiques

30

0

20

Ligne n° 3 : constructions d’ouvrages divers

60

0

0

Ligne n° 4 : confections de munitions

300

60

126

Ligne n° 5 : études diverses

470

120

456

Ligne n° 6 : équipement militaire

150

70

96

Ligne n° 7 : entretien des navires et matériels militaires

50

0

90

Ligne n° 8 : entretien de la flotte

1 700

1 180

2 111

Ligne n° 9 : entretien des matériels aériens

0

0

0

Ligne n° 10 : entretien des munitions

140

100

216

Ligne n° 11 : cessions aux administrations

400

130

600

Ligne n° 12 : cessions extérieures aux administrations

     

— à clients étrangers

1 050

1 005

1 955

— à clients français

200

62

500

Ligne n° 13 : recettes diverses ou accidentelles

10

19

50

Evaluation des dépenses

11 100

5 815

13 100

Chapitre 01 Achats de matières et prestations de services directes

5 500

2 800

6 800

Chapitre 02 Charges de personnels

4 450

2 530

4 820

Chapitre 03 Impôts, taxes et versements assimilés

180

5

410

Chapitre 04 Autres charges externes

700

349

700

Chapitre 05 Autres charges de gestion courante

Chapitre 06 Frais de gestion

Chapitre 07 Renouvellement des immobilisations

270

131

370

Chapitre 08 Versement au budget au titre des activités d’exportation

Chapitre 09 Dépenses diverses ou accidentelles

(1) A partir des réalisations observées au 30 juin 1998

b) Son mode de fonctionnement est incompatible avec les ambitions de la DCN

·  La logique du compte de commerce étant une logique de résultat, la création du compte 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » visait à permettre à la DCN de développer un mode de fonctionnement proche de celui d’une entreprise. Le compte de résultat devait être le critère d’appréciation de la qualité économique du fonctionnement de la DCN.

Cependant, la DCN, opérateur industriel, est également un service de l’Etat soumis, à ce titre, aux dispositions régissant les finances publiques. Or, c’est cette logique étatique qui a prévalu, au détriment de toute approche économique, comme le reflète d’ailleurs le fonctionnement du système comptable. En effet, la loi organique soumet les comptes de commerce à une double comptabilité : une comptabilité administrative, d’un côté, enregistrant les mouvements financiers entre le comptable et les ordonnateurs secondaires, c’est-à-dire les entrées et les sorties de caisse ; une comptabilité générale, de l’autre côté, tenue selon les règles du plan comptable général retraçant les charges et les produits. Dans les faits, la comptabilité générale est la clé de voûte du système car elle est seule à même de permettre d’évaluer la qualité de la gestion. Les crédits du compte de commerce étant évaluatifs, la tenue de la comptabilité administrative n’a en effet pour seul but que de calculer le solde de trésorerie, qui doit être positif ou nul. Rappelons en effet que le compte 904-05 n’a pas d’autorisation de découvert.

Or, le fonctionnement du compte de commerce de la DCN a conduit à une inversion de la logique définie par l’ordonnance organique. Obligatoire, mais pourtant peu opératoire en termes de gestion, la comptabilité administrative est devenue le centre des préoccupations des gestionnaires, le solde de trésorerie devenant l’ultima ratio des décisions prises. Tout au contraire, la comptabilité générale, obligatoire et fondamentale, est devenue un document formel sans aucune valeur économique.

Chacun reconnaît aujourd’hui que le compte de résultat de la DCN n’a aucune pertinence économique. En effet, dans une entreprise normale, les résultats d’exploitation fournis par la comptabilité générale donnent des indications sur la rentabilité de l’entreprise et représentent un outil fondamental d’aide à la décision. Tel n’est pas le cas à la DCN où les commandes passées par l’état-major sont facturées à leur coût de revient, constaté a posteriori, et non à un prix contractuel fixé par avance entre le client (l’état-major ou, plus précisément, le SPN) et son fournisseur (la DCN). Comme l’a souligné la Cour des comptes dans un référé du 17 octobre 1990 portant sur l’ensemble des comptes de commerce de la défense, « par construction donc, le résultat d’exploitation de la DCN (...) est nul. Lorsque, faute d’ajustement pour des raisons conjoncturelles, ce résultat devient positif ou négatif, la différence est résorbée lors des exercices suivants. Ainsi, même les fluctuations de ce résultat ne constituent pas des indicateurs de gestion ».

Si la DCN a respecté la lettre de l’ordonnance organique en fournissant un compte d’exploitation, elle n’en a pas respecté l’esprit puisque ce compte ne permet en rien de juger de la performance économique de ce service.

·  Dans ces conditions, le seul critère de jugement sur la DCN n’a pu être que d’ordre technique ; de ce point de vue, la DCN a parfaitement rempli sa mission. Pourtant, le haut niveau technique atteint par la DCN ne peut plus constituer le seul critère d’évaluation dans un contexte caractérisé par la réduction des commandes de l’Etat et par la nécessité de trouver des débouchés à l’exportation. Dans ce domaine, la technique du coût constaté est difficilement compatible avec la nature contractuelle des relations avec le client et conduit à un risque financier important. La situation déficitaire d’un certain nombre de contrats à l’exportation de la DCN illustre parfaitement l’inadéquation du système de coût actuel. Faute d’indicateurs de gestion pertinent, les dirigeants de la DCN ne disposent d’aucun outil d’aide à la décision permettant d’évaluer a priori les coûts. La DCN ne peut ainsi entrer dans la logique d’opérateur industriel, pourtant seule compatible avec sa modernisation.

2. — Le plan d’entreprise vise à moderniser la DCN à statut constant

Soucieuse de pallier les carences de son système de gestion et de son organisation comptable, la DCN a mis en place un programme de réforme très ambitieux dont l’objectif est de compléter le critère de l’excellence technique par un critère d’appréciation économique.

Le plan d’entreprise DCN 2000 ne remet pas en cause le fonctionnement en compte de commerce. Au contraire, il vise à revenir à une utilisation de cet outil conforme aux principes juridiques qui le régissent.

·  L’objectif majeur assigné à la DCN suppose la mise en place d’un nouveau mode de gestion dont l’axe principal est le principe de contractualisation.

Actuellement, le lien entre le client budgétaire, qui fournit les ressources, et le compte de commerce est matérialisé par la commande, le coût de cette commande étant un coût constaté ex post, qui couvre les frais variables liés à la commande et une partie des coûts fixes, y compris les charges qui ne sont pas celles d’un industriel normal, telles que celles liées aux sureffectifs, à la sous-utilisation des matériels. Or, le mode de fonctionnement actuel, outre qu’il ne permet pas un contrôle fin de la dépense, la favorise. En effet, si les achats directs liés à une commande (par exemple, une chaudière nucléaire pour un porte-avions) sont facilement imputables à une autorisation d’engagement clairement identifiée, il n’en est pas de même des achats indirects (tôle par exemple), qui ne correspondent pas à une autorisation d’engagement précise. Il est donc possible d’engager des crédits de façon illimitée et incontrôlée, sans rattacher cette opération à une enveloppe déterminée, le total constaté des sommes engagées étant a posteriori imputé à une autorisation d’engagement. Dans un tel système, on ne peut que constater le résultat, qu’il s’agisse d’une perte ou d’un bénéfice. En outre, les autorisations d’engagement n’étant pas globales, mais cloisonnées, il n’existe pas de dispositif de compensation d’une affaire à l’autre.

·  Dans le nouveau système que la DCN souhaite voir mettre en oeuvre, le point de passage entre budget et compte de commerce n’est plus la commande mais le contrat. Cette nouvelle approche implique donc que la DCN passe d’un système de coût constaté à un dispositif de coût contractuel, bâti à partir d’un devis fiable. Il lui faut pour cela disposer d’outils d’information pertinents. Tel est l’objet de la mise en place d’un nouveau système de gestion, menée avec l’appui du cabinet de consultants Arthur Andersen Management, maître d’oeuvre sur ce projet selon le contrat qui lui a été notifié le 2 février dernier.

Dans le cadre de ce nouveau système, la DCN souhaiterait également que les autorisations d’engagement dont elle dispose soient globalisées, et non plus cloisonnées. Elle considère en effet cette condition comme le corollaire naturel de la revalorisation de son rôle d’industriel, puisque, dans un système d’enveloppe globale, elle pourrait lisser ses activités sans que des acteurs extérieurs interfèrent. Pour l’instant, cette proposition est encore à l’étude.

III. —  QUEL CADRE D’ÉVOLUTION CHOISIR POUR LES SERVICES INDUSTRIELS DE L’ÉTAT ?

L’analyse qui précède conduit à s’interroger sur les voies d’évolution des services industriels de l’Etat. Elle montre en effet qu’il n’existe pas de modèle d’évolution des comptes de commerce. Si Giat Industries connaît une situation difficile, c’est pour des raisons de plan de charges, certes, mais aussi du fait des modalités de mise en oeuvre du changement de statut. L’exemple de cette société montre en outre qu’au-delà des questions de statut, l’enjeu de la réforme des services traditionnellement gérés en régie directe est l’acquisition d’une réelle culture d’entreprise.

A. —  IL Y A PLUSIEURS MODÈLES D’ÉVOLUTION DES SERVICES INDUSTRIELS DE L’ÉTAT

1. — Les difficultés de Giat Industries révèlent la délicate transition de l’Etat gestionnaire vers l’Etat actionnaire

Comment, alors que l’abandon du compte de commerce et du système de régie avait été présenté comme une nécessité pour permettre à Giat Industries de faire face aux difficultés qu’il devait affronter, en est-on arrivé à la situation extrêmement délicate que traverse aujourd’hui l’industriel d’armement terrestre ? Cette question n’a nullement pour objet de relancer un débat stérile sur les responsabilités de tel ou tel ; elle s’inscrit tout au contraire dans une démarche d’avenir, la connaissance des causes permettant de prévenir les difficultés afin d’éviter qu’elles se renouvellent. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler qu’à l’occasion de ses travaux sur l’avenir de la DCN, le groupe de travail mené par M. Henri Conze en 1996, avait introduit dans sa réflexion l’expérience de l’évolution du statut du GIAT.

Faut-il imputer à l’évolution du plan de charges la totalité des responsabilités de la dégradation des résultats de Giat Industries ? Sans doute la baisse des commandes publiques et le rétrécissement des marchés à l’exportation expliquent-ils en grande partie les résultats actuels. Pour autant, il serait peu judicieux d’incriminer le non-respect, par l’Etat, des commandes qu’il s’était engagé à passer, notamment en matière de munitions : les commandes étatiques évoluent en fonction des besoins des armées et non afin de soutenir les plans de charge des industriels. On peut, en revanche, regretter, que la tutelle de Giat Industries parle « d’échec », s’agissant du plan de retour à l’équilibre mis en oeuvre à partir de 1996 et qui avait été bâti sur des hypothèses de commandes qui n’ont pas été respectées. En dépit de cet aléa majeur, Giat Industries a atteint certains des objectifs qui avaient été fixés par le plan de retour à l’équilibre. Ainsi que l’a souligné M. Jacques Loppion, Président-Directeur Général de Giat Industries, lors de son audition par la Commission de la Défense le 9 juillet 1998 comme lors de l’entretien qu’il a eu avec votre rapporteur, les objectifs fixés en matière de gestion des effectifs, de rapatriement de la sous-traitance et d’économies de fonctionnement ont été atteints, les dépenses annuelles dites externes ayant été réduites de 1,5 à 1,1 milliard de francs et la productivité ayant progressé de 40 % en trois ans.

Faut-il dès lors mettre en cause les choix faits par la société elle-même, ce qui revient là encore à incriminer l’Etat, actionnaire cette fois, en ce qu’il n’a pas mis en oeuvre le pouvoir de contrôle que la loi lui confie pourtant ? Il est certain que les contrats que Giat Industries a dû conclure à perte, tels que le contrat Leclerc avec les Emirats Arabes Unis, ont contribué à affaiblir la société.

Faut-il, enfin, incriminer le statut même de société nationale ? Votre rapporteur ne le pense pas. En revanche, il convient de s’interroger sur les modalités de création de la société Giat Industries, qui, à l’évidence, ne lui ont pas permis d’utiliser toutes les potentialités de son nouveau statut.

En premier lieu, lors du débat sur la loi modifiant le statut du GIAT devant le Parlement, l’ensemble des orateurs avaient insisté sur la nécessité de doter la nouvelle société d’un capital susceptible de lui permettre de fonctionner comme une véritable entreprise. Le rapporteur avait ainsi noté qu’en sa qualité, l’Etat actionnaire devrait « assurer la tutelle de la nouvelle société, c’est-à-dire accompagner son passage vers ce nouveau statut. Cette mission implique un effort financier important pour asseoir la nouvelle société sur des bases financières solides »10. Tel n’a pas été le cas : sur les trois milliards de francs que représentait le capital initial de Giat Industries lors de sa création, il apparaît aujourd’hui que deux milliards de francs, constitués d’apports en nature, ont été largement surévalués à l’époque. Giat Industries se trouve ainsi dans l’impossibilité de revendre certains biens immobiliers, à Saint-Étienne par exemple, sous peine de subir de grosses pertes.

En second lieu, on doit s’interroger sur les critères qui conduisent aujourd’hui la tutelle à imputer les provisions destinées à couvrir les charges liées au plan stratégique économique et social (PSES) sur les comptes pour 1997. Outre que cela retarde la clôture des comptes, pourtant approuvés par la tutelle au mois d’avril dernier, une telle décision peut conduire à accélérer le calendrier des recapitalisations. En effet, si les dotations en capital sont financées sur le budget de la défense, cela réduira les commandes à due concurrence, ce qui conduira à la situation paradoxale d’une entreprise au niveau de trésorerie énorme, mais avec un carnet de commandes réduit. Le comportement de l’actionnaire public pose, à l’évidence, un problème, dont les conséquences sur l’état d’esprit du personnel sont importantes.

Enfin —et là réside sans doute l’une des clés d’explication de la situation actuelle—, Giat Industries, bien que société nationale depuis neuf ans, n’a ni la culture, ni les modes de fonctionnement d’une entreprise. Pour prendre le seul exemple de la politique commerciale, une entité gérée en régie, étrangère à la notion même de client, a dû, sans expérience préalable, venir se positionner sur un marché déclinant et très concurrentiel. Giat Industries poursuit, à l’heure actuelle, la mise en place des outils comptables et des procédures de gestion susceptibles d’aider au mieux à la prise de décision et au suivi des affaires en cours.

2. — Le compte de commerce est handicapé par des défauts rédhibitoires

La réforme de la DCN dans le cadre du compte de commerce est-elle crédible ? Cette question en appelle une autre : les contraintes de fonctionnement ressenties aujourd’hui par la DCN sont-elles liées aux limites intrinsèques du compte de commerce ou tiennent-elles à une utilisation dévoyée de cette structure ? Pour répondre à ces questions, il peut être intéressant de confronter le fonctionnement du compte 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » avec celui du compte 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’Etat », géré par une autre direction industrielle de la DGA, le Service de maintenance aéronautique (SMA). Dans la typologie des comptes de commerce du ministère de la Défense, ces deux comptes entretiennent des liens étroits car ils retracent des activités exclusivement industrielles. La comparaison entre ces deux comptes de commerce est également intéressante du fait que les services qui en ont la charge ont une perception tout à fait différente de cette structure.

·  Comment expliquer qu’une logique de fonctionnement étatique se soit substituée à la logique industrielle attendue de la création du compte de commerce en 1968 ? La DCN estime que la contradiction entre les différentes normes juridiques qui la régissent peut contribuer à expliquer ce phénomène. Ainsi, elle n’aurait pas pu exploiter les ressources de la forme du compte de commerce du fait de l’application de la loi du 12 avril 1922 régissant les cessions de matériels militaires, qui a été interprétée comme l’obligeant à vendre chacun de ses produits à leur prix de revient, sans que les résultats des différentes commandes puissent être compensés entre eux. D’où une contradiction entre un statut qui lui permettait de s’affranchir partiellement des règles contraignantes du droit budgétaire et l’application d’un régime très strict et antiéconomique.

S’il est certain que l’interprétation qui a été donnée de la loi de 1922 a pu introduire des rigidités considérables dans le fonctionnement du compte de commerce, il faut rappeler que la souplesse du compte de commerce n’est réelle que par rapport aux principes très stricts du droit budgétaire. Si l’on compare en revanche le régime du compte de commerce avec celui des entreprises publiques, les très fortes rigidités de cette structure sont flagrantes :

— le service géré ne dispose pas de la personnalité juridique propre ;

— il est interdit d’imputer directement au compte de commerce les dépenses résultant du paiement des traitements ou indemnités aux agents de l’Etat. Dans la pratique, les crédits d’équipement du titre V du budget de la Défense qui concernent la marine sont virés sur le compte de commerce qui, par rétablissement de crédit, rembourse le titre III du même budget. Ainsi, en pratique, la DCN ne peut gérer les ressources humaines comme peut le faire tout opérateur industriel. Ce phénomène est accentué par la culture d’autonomie très forte propre aux établissements de la DCN et par la multiplicité des statuts existant (quinze au total) ;

— il est interdit d’exécuter des opérations d’investissement financier, de prêts ou d’avances, et d’emprunt. La DCN ne peut donc pas développer de véritable politique financière puisqu’il lui est impossible de faire appel au marché financier ou à des actionnaires. Outre ses conséquences sur la gestion de la trésorerie, cette caractéristique constitue une limite au développement des partenariats.

·  Du fait de ses limites intrinsèques, le compte de commerce n’est donc pas adapté à tous les services industriels et commerciaux de l’Etat. Au regard de la situation respective du compte 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’Etat » et du compte 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », on peut identifier deux critères permettant d’apprécier la pertinence d’une gestion en compte de commerce.

La nature et le volume des activités représentent un premier critère. Comme l’avait souligné la Cour des comptes dans son référé du 17 octobre 1990, le compte de commerce « n’est pas adapté à la gestion d’activités industrielles de grande ampleur qui ont besoin d’une réelle autonomie que seule la personnalité juridique peut leur donner et qui leur permet, notamment, de faire appel au marché financier ». La construction navale, activité génératrice d’un fort besoin en fonds de roulement dont le compte de commerce ne permet pas de disposer, entre tout à fait dans ce cas de figure. Or, le compte de commerce empêche de satisfaire ce type de besoins. Tout au contraire, la maintenance aéronautique ne suscite pas de tels besoins.

L’environnement budgétaire et concurrentiel fournit un second critère d’appréciation. Si la DCN et le SMA sont tous deux confrontés à une réduction tendancielle de leur plan de charges et de leur chiffre d’affaires, le problème se pose néanmoins en des termes différents pour chacun.

LE PLAN DE CHARGE PRÉVISIONNEL DE LA DCN
SUR LA PÉRIODE 1993-2000 DIMINUE

(en millions d’heures)

Activité

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Etudes et constructions neuves

12,6

11,4

10,9

10,3

9,5

6,7

4,7

4

Entretien

9

8,7

8,5

8,8

8,6

6,3

6,8

6,5

Export et divers

3,8

4,7

4,5

4,9

4

5,8

5,5

3,9

Total

25,4

24,8

23,9

24

22,1

18,8

17

14,4

LE PLAN DE CHARGE DU SERVICE DE MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE SUR LA PÉRIODE 1996-2000 RESTE STABLE

(en millions d’heures)

 

1996
(réalisé)

1997
(réalisé)

1998
(estimé)

1999
(prévu)

AIA Bordeaux

0,982

0,947

0,932

0,962

AIA Clermont-Ferrand

1,224

1,155

1,170

1,161

AIA Cuers Pierrefeu

0,916

0,947

0,955

0,963

Total

3,122

3,049

3,057

3,086

Même si, comme la DCN, le SMA doit gérer la difficile question du maintien des compétences, il n’est pas confronté à un problème de sureffectif, le plan de charges diminuant moins vite que l’évolution naturelle des effectifs.

D’autre part, le SMA, contrairement à la DCN, évolue dans un environnement concurrentiel. Deux types d’acteurs interviennent en effet sur le marché de la maintenance aéronautique en France : des industriels privés -Aérospatiale, Air France, Turboméca, Snecma...-, d’une part, et des établissements du ministère de la Défense -SMA, ateliers de réparation de l’armée de l’air et de l’aéronautique navale- d’autre part. La part du SMA dans les différentes activités militaires de la maintenance aéronautique industrielle varie de 20 %, dans le domaine des équipements, à 60 % pour les moteurs, le SMA occupant 40 % du marché de la maintenance des cellules d’aéronefs. Dans ce contexte, le SMA est soumis à une contrainte de compétitivité-prix très importante, qui lui impose un suivi étroit de sa gestion. Au-delà de cette compétitivité-prix, les facteurs de compétitivité hors prix du SMA sont  :

— le volume de la commande. La continuité du prestataire est souvent retenue pour les petites affaires ;

— les compétences technologiques ;

— l’ancienneté technologique. Le SMA conserve en général davantage que les industriels privés les compétences nécessaires à l’entretien des technologies d’ancienne génération.

Jouent en revanche un rôle négatif dans le choix du SMA le délai de la prestation -l’industriel privé étant souvent mieux à même de s’adapter aux exigences du client- ainsi que l’absence de possibilité de synergies avec des activités civiles.

Au total, hors rechanges prélevés sur le stock-Etat, le chiffre d’affaires du SMA s’est établi en 1997 à 1,7 milliard de francs.

Tout autre était, jusqu’à une date récente du moins, la situation de la DCN qui, même si certains chantiers civils participent à la réalisation ou à l’entretien des bâtiments de la Marine, jouissait, tant en raison de la spécificité de ses compétences que du niveau très élevé des droits d’entrée sur le marché de la construction navale, d’un quasi-monopole. La récente affaire du Var, qui a vu le ministère de la Défense confier à des chantiers civils la réparation de ce pétrolier ravitailleur de la Marine nationale, souligne toutefois les évolutions qui se font jour dans ce domaine. Même si, comme l’avait rappelé le Délégué général pour l’Armement, cette décision ne préfigure pas d’une mise en concurrence systématique, elle témoigne d’une nouvelle approche comparative, tout à fait semblable à la technique anglo-saxonne de benchmarking, par laquelle une organisation positionne ses performances, non en termes absolus, mais dans une démarche comparative visant à identifier les meilleures pratiques dans son métier et à valoriser ses pôles d’excellence.

B. —  LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS INTERNATIONALES POSE LA QUESTION DU STATUT

« Les exportations d’armement sont parfois encore vues comme des occasions à saisir et non comme un élément constitutif d’une stratégie politique et industrielle ». Ce constat établi en 1996 dans le rapport remis par M. Bruno Durieux au Premier Ministre, relatif à la politique d’exportation des équipements de défense, résume l’évolution intervenue dans les années récentes. Corollaire du développement des exportations, la conclusion d’alliances et de partenariats est devenue tout autant nécessaire.

Giat Industries et la DCN n’échappent pas à ces constats qui concernent l’ensemble des industriels de l’armement, à des degrés divers il est vrai, la situation dans l’industrie de l’armement terrestre étant particulièrement préoccupante. Il convient dès lors d’examiner la compatibilité entre le développement de coopérations, voire de partenariats structurants, et les statuts de ces deux industriels.

1. — Coopérer et exporter sont des enjeux vitaux

·  En 199611, le chiffre d’affaires de Giat Industries représentait environ 9 % du chiffre d’affaires total du secteur français de l’armement ; la société exportait 31 % de son chiffre d’affaires, contre 17 % en moyenne dans le secteur. En 1997, la part du chiffre d’affaires exportée de GIAT Industries s’est même élevée à 50 % du chiffre d’affaires total. Ces chiffres peuvent paraître paradoxaux dans la mesure où la compétitivité de Giat Industries, calculée en mesurant le chiffre d’affaires par effectif, n’était que de 500 000 francs par personne en 1996, soit le plus faible de tout le secteur de l’armement, dont la moyenne était de 870 000 francs par personne (contre 920 000 francs par personne aux Etats-Unis). Même si ce ratio s’est amélioré en 1997 (650 000 francs par effectif), Giat Industries se trouve dans une situation inconfortable : bien que faiblement compétitive, elle doit exporter pour survivre.

Malgré les efforts accomplis dans le cadre du plan de retour à l’équilibre, la situation de cette entreprise reste très délicate, le rétrécissement des marchés, déjà très fort (- 70 % en France et - 50 % à l’export), devant se poursuivre dans le domaine des armes et des munitions. Dans le secteur des blindés, les perspectives d’évolution du chiffre d’affaires de Giat Industries sont liées à l’achèvement du contrat de 390 chars Leclerc avec les Emirats Arabes Unis, aux prévisions de livraison de ces chars à l’état-major de l’armée de terre et à l’évolution du projet de commandes de chars Leclerc par l’Arabie Saoudite. Au total, si l’on prend en compte l’ensemble des activités de Giat Industries, le chiffre d’affaires consolidé de l’entreprise devrait passer de 7 milliards de francs en 1998 à 5,4 milliards de francs en 2001. Son évolution en 2002 est liée au contrat avec l’Arabie Saoudite.

Si c’est essentiellement grâce à l’effort d’investissement très important consenti par la nation pour le programme Leclerc que Giat Industries a pu acquérir un potentiel technologique et industriel de premier niveau, il est toutefois certain que le contexte budgétaire ne permettra plus, à l’avenir, de mener de tels investissements au seul niveau national. Lié au développement des exportations, l’avenir de Giat Industries suppose donc également des rapprochements au niveau européen.

·  L’importance de l’enjeu que représente le développement de l’activité à l’exportation a été perçue très tôt par la DCN. Dès 1991 en effet a été créée DCN International, société de droit privé possédée à 100 % par l’Etat et qui joue le rôle d’agent commercial de la DCN.

En 1997, les prises de commandes à l’exportation se sont élevées, pour la DCN, à 7,5 milliards de francs de contrats, soit l’équivalent de 60 % de son chiffre d’affaires. Sur le segment des bâtiments de surface, la DCN a conforté ses positions avec la décision de l’Arabie Saoudite de commander une troisième frégate et un système de combat pour les trois frégates dans le cadre du contrat Sawari 2, et avec la vente à la Turquie de cinq chasseurs de mines d’occasion. Sur le segment des sous-marins, le contrat chilien est le seul enregistré dans le monde pour ce type de navire. En outre, le contrat pour la modernisation du système de combat de frégates brésiliennes et le contrat des 14 patrouilleurs de la marine norvégienne marquent l’entrée de la DCN sur le segment des systèmes de combat. Enfin, les marchés en cours de négociation concernent l’Afrique du Sud (quatre frégates), les Emirats Arabes Unis (dix patrouilleurs), la Turquie (six frégates antiaériennes, dix vedettes et un sous-marin), le Portugal (trois sous-marins) et la Malaisie (un sous-marin). Ces succès ne sauraient toutefois compenser la baisse globale du plan de charges ni gommer les obstacles structurels au développement des exportations et des alliances. Il faut rappeler en effet que de 1999 à 2000, le plan de charges prévisionnel de la DCN à l’exportation et en diversification devrait baisser de 29 %.

2. — Des obstacles d’ordre statutaire s’opposent à terme au développement des activités internationales

·  Le plan stratégique économique et social de Giat Industries décidé durant l’été 1998, qui devrait être mis en oeuvre dès 1999 et repose sur la restructuration de l’outil industriel ainsi que sur l’amélioration des processus internes, s’inscrit dans sa stratégie de développement international et de conclusion de partenariats structurants.

L’INDUSTRIE D’ARMEMENT TERRESTRE EN EUROPE, ENCORE MORCELÉE, S’ENGAGE DANS DES RESTRUCTURATIONS

A la différence des Etats-Unis, dont l’homogénéité du marché a permis très tôt une rationalisation des acteurs industriels de l’armement terrestre, l’Europe présente un paysage industriel très morcelé.

Dans le domaine des blindés, aux Etats-Unis, deux industriels, General Dynamics et United Defense, réalisent un chiffre d’affaires de plus de 11 milliards de francs, tandis que l’Europe compte une dizaine d’intervenants dont les chiffres d’affaires dans le secteur de l’armement terrestre varient de 6,7 milliards de francs pour le premier (Giat Industries) à environ 500 millions de francs pour les plus petits (le suisse Mowag et l’autrichien Steyr).

Dans le secteur des munitions, les Etats-Unis ont également deux grands industriels, Alliant et Primex, avec chacun une activité d’environ deux milliards de francs dans le domaine. L’Europe compte encore une vingtaine d’acteurs dont les chiffres d’affaires vont de 2 milliards de francs pour le plus grand (Royal Ordnance) à quelques centaines de millions de francs pour les plus petits.

Des rapprochements sont cependant en cours :

— dans le domaine des blindés, il est vraisemblable que les deux principaux constructeurs allemands, Krauss-Maffei et Wegmann s’allieront. Quant aux trois compétiteurs britanniques, Vickers Defense System, GKN Defence et Alvis, ils seront probablement seulement deux dans les années à venir ;

— sur le marché des munitions, le morcellement excessif entre Giat Industries, Rheinmetall et Royal Ordnance conduira nécessairement à un partenariat qui pourrait prendre la forme d’un groupement d’intérêt économique dans les domaines de la recherche et développement, de la maîtrise d’oeuvre et de la commercialisation.

Cette stratégie pose toutefois la question de la structure de l’actionnariat de Giat Industries. Il est en effet nécessaire que la société Giat Industries dispose de fonds propres, notamment pour financer les dépenses de recherche et de développement, sous peine de voir le fossé technologique avec ses principaux concurrents se creuser à son détriment. En effet, l’avance technologique de Giat Industries en matière de chars risque de disparaître avec la prochaine génération de chars ; dans le domaine de l’artillerie, il conviendra de veiller au maintien de l’acquis technologique de Giat Industries.

·  Dans le cas de la DCN, le développement des exportations se heurte à trois obstacles :

— l’importance des sureffectifs ;

— la faiblesse des fonds propres de DCN International ;

— la lourdeur de la procédure à l’exportation.

(1) La DCN doit faire face à un problème grave de sureffectif

L’accès au marché international contraint le secteur de la construction navale à des gains de productivité drastiques, obérés, à la DCN, par des problèmes de sureffectif. Un indicateur apparaît particulièrement préoccupant à cet égard. En 1996, le groupe de travail sur l’avenir de la DCN avait relevé la part croissante des dépenses de personnel dans le total des dépenses du compte de commerce, hors consolidation avec DCN International : de 24,4 % en 1989, cette part était passée à 29,4 % en 1995. Ce ratio n’a fait que se dégrader depuis, s’établissant à 33 % en 1996, même s’il a baissé à 31,3 % en 1997. Il devrait connaître une forte augmentation en 1998, à près de 40 % et peut être évalué à 42 % en 1999, dans le projet de budget. La déflation des effectifs est pourtant impressionnante depuis 1993, la seule partie industrielle de la DCN ayant perdu 30 % de ses effectifs depuis cette date. La réduction du plan de charge et la concurrence internationale contraignent cependant la DCN à poursuivre cet effort. Le décret n° 96-394 du 7 mai 1996 a autorisé le départ des ouvriers d’Etat dès l’âge de 55 ans. Insuffisant pour répondre aux défis de la DCN, il a été complété par le décret n° 98-358 du 12 mai 1998 qui autorise le dégagement des cadres de personnels à statut ouvrier âgés de 52 à 55 ans, jusqu’en 2000.

Le Délégué général pour l’armement a récemment souligné que les contrats à l’exportation de la DCN dégageaient globalement une marge positive de plus de 200 millions de francs12, chacun d’entre eux couvrant non seulement ses propres coûts de production mais apportant également une contribution à la couverture des frais fixes. On peut cependant noter les pertes très importantes sur le contrat Mouette avec l’Arabie Saoudite, représentant 38 % de sa facturation. Il faut regretter l’absence de toute possibilité de compensation entre contrats et, a fortiori, entre contrats et commandes budgétaires ou études préparatoires, qui constitue un handicap sérieux pour le développement des activités internationales de la DCN. Votre rapporteur ne peut que rappeler l’observation adoptée à l’unanimité par la Commission de la Défense lors du vote sur les crédits de la défense, dans laquelle elle regrettait « que les bénéfices réalisés par la société DCN International sur les contrats à l’exportation ne puissent ni être utilisés pour des études préparatoires ni compenser les pertes sur d’autres contrats ».

Les deux obstacles suivants tiennent à l’inadaptation des outils disponibles et des procédures utilisées dans le domaine des exportations.

(2) Les fonds propres de DCN International sont insuffisants

La faiblesse des fonds propres de DCN International (400 millions de francs) constitue un obstacle pour un développement efficace de cette société, dont le capital social, initialement de 8 millions de francs, a été porté à 102,8 millions de francs par l’acquisition de 7 % du capital de la SOFRESA. Le soutien financier de l’Etat est donc essentiel, notamment pour les cautions de restitution.

(3) La procédure à l’exportation est trop lourde

Le développement des exportations se heurte à la lourdeur de la procédure suivie, qui prend au minimum deux mois : mise en place des autorisations d’engagement, obtention de la garantie de l’Etat, intervention de la SOFRANTEM (organisation financière qui canalise les flux soumis à garantie), visa du contrôleur financier. Une telle lourdeur semble tout à fait inadaptée à un environnement de plus en plus concurrentiel. Votre rapporteur soutient donc tout à fait la proposition faite par la DCN d’un lien automatique entre la conclusion du contrat et le déblocage des autorisations d’engagement.

*

Si la DCN a conclu -ou est sur le point de conclure- un certain nombre de coopérations ponctuelles, comme dans le cas du Scorpène avec Bazan, la conclusion d’alliances structurantes se heurte, toutefois, à son absence de personnalité juridique, comme le soulignait là encore la Cour des comptes en 1990. A l’avenir, si la DCN veut, ou doit, aller plus loin dans la coopération, il faudra donc poser la question du statut, le système des groupements d’intérêt économique n’étant pas adapté à des coopérations lourdes. Il est à noter enfin que la multiplication de systèmes de compensations dans les contrats à l’exportation nécessite de disposer de capacités financières importantes. La réforme de DCN International annoncée par le ministre de la Défense dispense-t-elle d’un débat sur le système de gestion de la DCN ? Votre rapporteur ne le pense pas, car s’il est vrai que cette réforme est nécessaire pour favoriser les exportations, elle ne résout pas pour autant la question des coopérations structurantes qui ne manquera pas pourtant de se poser. On peut penser notamment au programme de frégates Horizon et à l’éventuel porte-avions franco-britannique.

Faut-il pour autant plaider pour l’abandon du compte de commerce au profit d’une structure d’entreprise publique ? La réponse à une telle question doit être nuancée. A terme, votre rapporteur estime qu’il conviendra sans doute de faire évoluer le statut de la DCN, notamment pour les raisons qu’il vient d’exposer. La plus grande prudence est toutefois nécessaire. A cet égard, votre rapporteur ne peut que souscrire aux conclusions du rapport Conze de 1996, qui, analysant l’évolution de Giat Industries, avait défini cinq conditions de réussite pour la transformation d’un service industriel de l’Etat en entreprise publique :

— la situation prévisionnelle doit faire l’objet d’un diagnostic précis, comme l’a montré a contrario le cas de Giat Industries pour laquelle avaient été retenues des prévisions de prises de commandes et de chiffre d’affaires trop optimistes ;

— il faut réunir les conditions d’une résorption concertée des sureffectifs ;

— le management ne doit pas être affaibli par une multiplicité excessive des statuts des personnels ;

— il est nécessaire de respecter l’autonomie de décision et de gestion de l’opérateur industriel ;

— il n’existe pas d’automaticité entre le changement du statut et l’introduction d’un esprit et d’une culture d’entreprise, facteurs de réussite déterminants.

CONCLUSION

Cette première analyse des comptes spéciaux du Trésor touchant le domaine de la défense conduit votre rapporteur à relever un paradoxe : alors qu’une part notable de la dépense de défense passe par les comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense et par le compte d’affectation spéciale 902-24 relatif à la gestion des parts de l’Etat dans l’industrie d’armement, la mise en oeuvre du contrôle parlementaire sur ce domaine est difficile, notamment du fait du fonctionnement extrêmement complexe des comptes de commerce en particulier et du caractère très lacunaire des documents budgétaires.

S’il est délicat de porter un jugement d’ensemble sur les comptes spéciaux du Trésor intéressant la dépense de défense, qui, malgré les choix opérés par votre rapporteur, recouvrent un champ très vaste, des interrogations communes aux comptes de commerce se posent toutefois. Il convient notamment de se demander si le maintien de ce mode de gestion est adapté au nouveau contexte budgétaire national et à l’évolution de la situation internationale.

Les réponses sont diverses, et plus ou moins cruciales, selon les services. A l’évidence, c’est d’abord la Direction des constructions navales qui est concernée par cette question, tant par son poids financier que par les enjeux sociaux qui sont posés. Le choix d’une réforme à statut constant, destinée à mieux utiliser la structure du compte de commerce, ne doit pas faire oublier les faiblesses intrinsèques de ce mode de gestion. Si ce dernier est adapté dans d’autres contextes, comme l’illustre le cas du compte géré par le service de maintenance aéronautique, il ne peut que révéler ses limites quand il s’agit d’affronter la concurrence internationale notamment.

Les questions statutaires ne doivent donc pas faire obstacle aux redéploiements nécessaires pour améliorer la rentabilité de ces entreprises. Il convient pour autant de ne pas faire du problème de statut l’ultima ratio des débats. La situation de la société Giat Industries montre, a contrario, en effet que la réussite de toute réforme est, avant tout, conditionnée par l’acquisition d’un véritable esprit d’entreprise. Cette remarque vaut tout autant pour la DCN : s’il est vrai que la gestion de ce service en compte de commerce est source de rigidités, nul doute que la principale faiblesse de ce service tient d’abord à l’absence d’une culture d’entreprise. La réforme actuelle devra, en conséquence, être évaluée en fonction de ce critère qui doit venir s’ajouter, et non se substituer, à l’actuel critère de l’excellence technique, nécessaire, mais non suffisant.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission de la Défense s’est réunie le 4 novembre 1998 sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, pour examiner les articles 54 à 57 du projet de loi de finances pour 1999 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor pour 1999, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis.

Le Président Paul Quilès a rappelé que la Commission de la Défense avait décidé de rendre un nouvel avis sur les comptes spéciaux du Trésor pour deux raisons. D’une part, plusieurs comptes de commerce intéressent directement la Défense, tout particulièrement celui géré par la Direction des constructions navales (DCN), qu’il peut être utile d’examiner au moment où cette entreprise se transforme et s’adapte. D’autre part, la Commission de la Défense a souhaité se prononcer sur l’évolution du compte d’affectation spéciale qui retrace la gestion des participations de l’Etat lorsqu’elle donne lieu à l’affectation des produits de leur cession, notamment à des dotations en capital. Le Président Paul Quilès a évoqué à ce sujet les opérations de recapitalisation dont avait bénéficié Giat Industries.

M. Loïc Bouvard a estimé que les comptes spéciaux du Trésor, qui constituaient un sujet sans aucun doute aride et technique, n’en touchaient pas moins des domaines très concrets et très actuels, tels que la réforme de la DCN et l’avenir de Giat Industries. Il a ensuite rappelé que ces comptes étaient régis par des règles quelque peu dérogatoires aux principes classiques du droit budgétaire. D’une part, les comptes spéciaux du Trésor dérogent au principe d’unité puisqu’ils ne font pas partie du budget général, ce qui rend d’ailleurs leur contrôle malaisé, les documents budgétaires dont dispose le Parlement étant peu explicites. D’autre part, le principe de non-affectation des recettes aux dépenses ne s’applique pas à ces comptes qui ont précisément pour but de rapprocher des recettes de certaines dépenses, de façon à suivre certaines opérations pendant tout leur déroulement. C’est d’ailleurs pourquoi le résultat annuel d’exécution de ces comptes est reporté d’année en année.

Le rapporteur pour avis, s’attachant ensuite à définir le champ de son rapport, a estimé qu’existaient deux manières de le concevoir. Il a jugé qu’une conception étroite aurait conduit à n’envisager que les quatre comptes de commerce gérés par le ministère de la Défense, dont l’objet est de retracer les opérations industrielles et commerciales des services de l’Etat et qui représentent, à ce titre, un compromis entre une gestion de type administratif et un mode de fonctionnement proche de celui d’une entreprise. Il a rappelé qu’en 1998, le ministère de la Défense gérait quatre comptes :

— le compte n° 904-01 « Subsistances militaires », géré par le commissariat à l’armée de terre, qui assure les opérations d’achat de vivres et de matériaux nécessaires au chauffage ou à l’éclairage des armées ;

— le compte n° 904-03 « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’Etat », géré par le Service de maintenance aéronautique, l’une des trois directions industrielles de la DGA ;

— le compte n° 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », qui gère les opérations industrielles dont la Direction des constructions navales (DCN) assume la charge ;

— et enfin, le compte n° 904-20 « Approvisionnement des armées en produits pétroliers », géré par le Service des essences.

Il a fait observer que les comptes de commerce du ministère de la Défense constituaient le coeur de son rapport pour avis, certains d’ailleurs plus que d’autres, notamment du fait des enjeux financiers, industriels et sociaux de leur gestion. Il a cité à cet égard le compte géré par la DCN qui s’élève dans le projet de loi de finances pour 1999 à 11,6 milliards de francs, à comparer par exemple aux 670 millions de francs du compte « subsistances militaires ».

Il a fait valoir qu’il avait toutefois opté pour une définition plus large du champ de son rapport pour avis, de façon à prendre en compte la réalité de la dépense de défense. Il a en effet jugé nécessaire d’inclure dans sa réflexion les opérations retracées par le compte d’affectation spéciale n° 902-24 du ministère des Finances, qui gère les participations de l’Etat dans le secteur public. Observant que c’est par ce compte que transitaient les dotations en capital en faveur des entreprises publiques d’armement, il a rappelé que 8 des 12 milliards de francs que Giat Industries avait reçus de son actionnaire depuis 1996 en étaient issus, de même que les 11 milliards de francs en faveur du groupe Thomson S.A., destinés à Thomson Multimédia, en vue de simplifier le processus de privatisation de l’ensemble du groupe, tel qu’il était prévu dans son premier schéma.

Il a estimé que, si le champ de ce rapport pour avis, ainsi délimité, était vaste, une question commune à l’ensemble des comptes examinés se posait pourtant : dans quelle mesure et sous quelles conditions la modernisation du secteur public de l’armement est-elle compatible avec sa gestion, soit en compte de commerce, soit en société à capitaux d’Etat ? Il a ajouté qu’il lui avait paru important de poser cette question, alors que le Gouvernement a apporté, en choisissant de réformer la DCN à statut constant, une réponse totalement opposée à celle qui avait été apportée en 1989 pour le GIAT. Il a rappelé qu’à l’époque, la quasi-unanimité s’était faite pour constater l’incompatibilité entre la gestion du GIAT en compte de commerce et son nécessaire redéploiement international, ce qui avait conduit à la création, par la loi du 23 décembre 1989, de Giat Industries, société nationale possédée à 100 % par l’Etat.

Il a estimé qu’à l’heure où l’avenir de la DCN était en jeu et dans la mesure où les mécanismes du compte de commerce ne permettaient pas d’assurer le fonctionnement optimal de cette entreprise, comme il avait pu le constater à la suite d’un entretien avec son Directeur, il était nécessaire de tirer les enseignements de l’expérience de Giat Industries. Il a précisé qu’une telle démarche devait notamment permettre de répondre à deux questions :

— le mauvais fonctionnement du compte retraçant les opérations de la DCN est-il dû aux limites inhérentes à la nature même d’un compte de commerce ou existe-t-il une incompatibilité entre les activités de la DCN et le compte de commerce ?

— quelles peuvent être, dans ces conditions, les voies alternatives ?

Evoquant tout d’abord les dysfonctionnements du compte de commerce des constructions navales de la marine militaire, il a attiré l’attention des membres de la Commission sur trois points. Il a constaté, en premier lieu, que, le système actuel reposant sur le principe du coût constaté, la DCN ne disposait pas des outils aptes à lui permettre d’évaluer a priori, sur la base d’un devis, le coût total d’une commande. Il a fait observer, en deuxième lieu, que les mécanismes du compte de commerce favorisaient même l’augmentation des coûts, les dépenses n’étant pas toutes rattachées de façon précise à une autorisation d’engagement selon qu’elles correspondent à des achats directs ou indirects. Il a enfin indiqué que, dans un tel système, le compte de résultat de la DCN, que la loi organique lui fait obligation de tenir, n’avait aucune signification économique. Il a rappelé que la Cour des comptes avait déjà relevé cette situation en 1990.

Il a ensuite présenté le plan DCN 2000 qui vise à permettre à la DCN de fonctionner réellement comme une entreprise. Il a indiqué que ce plan prévoyait, outre la mise en place d’outils de gestion fiables, un recours au principe de contractualisation, la DCN établissant des devis, à partir d’une évaluation a priori des coûts, et fonctionnant de ce fait sous enveloppe globale pour chaque commande.

M. Loïc Bouvard a jugé que, si cette réforme allait dans la bonne direction, elle ne répondait pas, toutefois, à la question des limites inhérentes aux règles budgétaires du compte de commerce et à l’inadaptation des activités de la DCN à ce mode de gestion.

S’agissant des limites inhérentes aux règles régissant les comptes de commerce, il a fait observer, d’une part, que la DCN n’avait pas de personnalité juridique propre, et ne disposait de ce fait que d’une très faible autonomie de gestion, et, d’autre part, qu’elle ne pouvait ni emprunter, ni exécuter des opérations d’investissement financier, ce qui, pour une activité génératrice d’un fort besoin en fonds de roulement comme la construction navale, était pour le moins paradoxal. Il a souligné que la souplesse du compte de commerce était donc toute relative et que, comparé à un régime d’entreprise publique, le compte de commerce était au contraire une source de rigidités très lourdes.

Reconnaissant que d’autres comptes de commerce, comme celui qui retrace les opérations de maintenance aéronautique, fonctionnent bien, il a rappelé que là où le Service de maintenance aéronautique (SMA) gérait une activité dont le budget s’élevait à 1,7 milliard de francs, avec des effectifs limités à 3 400 personnes, et dans un environnement national fortement concurrentiel qui le contraignait à s’adapter, la DCN, quant à elle, devait gérer plus de 11 milliards de francs et plus de 17 000 personnes régies par 25 statuts, dans un environnement qui n’avait jusqu’alors pas favorisé les adaptations. Il a conclu, faisant écho au constat fait par la Cour des comptes dès 1990, que la gestion en compte de commerce n’était pas adaptée à tous les services industriels de l’Etat.

Il s’est demandé s’il fallait, pour autant, faire évoluer rapidement le statut de la DCN et a jugé utile, pour répondre à cette question, de faire le bilan de l’expérience de Giat Industries, démarche comparative qu’avait d’ailleurs adoptée le groupe de travail dirigé par M. Henri Conze sur l’avenir de la DCN en 1996. Il a estimé que cette comparaison incitait à la prudence, étant donné la situation préoccupante de la société Giat Industries. A cet égard, il a jugé qu’il ne fallait pas incriminer le statut de société nationale choisi en 1989, mais qu’en revanche, les modalités de mise en place de cette société avaient créé, d’entrée de jeu, des handicaps dont elle ressentait tout le poids aujourd’hui.

Il a souligné tout d’abord l’insuffisante capitalisation initiale de Giat Industries, qui s’élevait à trois milliards de francs, dont 2 milliards de francs en nature sous la forme d’actifs d’une valeur largement surévaluée qui rendait aujourd’hui leur cession très difficile, sous peine de faire apparaître des pertes importantes. Il a relevé ensuite que la complexité de la gestion des ressources humaines, due à la multiplicité des statuts du personnel, constituait un deuxième handicap. Enfin, il a jugé que l’absence persistante d’une véritable culture d’entreprise constituait la principale entrave à l’adaptation de l’entreprise dans un environnement international extrêmement concurrentiel.

Il a expliqué que cette analyse le conduisait à porter un jugement prudent sur la question du statut de la DCN, même si l’on pouvait craindre qu’elle ne soit posée à nouveau, à plus ou moins long terme, par la nécessité de son redéploiement international. Il a jugé qu’il était visible que la procédure d’exportation des matériels navals souffrait de handicaps majeurs et qu’il était révélateur qu’on ait ressenti le besoin de créer DCN International, en 1991, société de droit privé possédée à 100 % par l’Etat et chargée de commercialiser à l’étranger les produits de la DCN. S’agissant enfin des partenariats, il a fait valoir que, même si la DCN réalisait des opérations de coopération ponctuelles, elle n’était pas en mesure pour autant de participer à des rapprochements « structurants », alors que cette possibilité est déterminante pour son avenir. Il a cité, à ce propos, le programme Horizon ainsi que l’éventuel porte-avions franco-britannique.

Concluant son intervention, il a estimé que ce premier rapport pour avis de la Commission de la Défense sur les comptes spéciaux du Trésor mettait fin à une lacune et permettait d’aborder, sous un nouvel angle, des questions déterminantes pour la réforme du secteur public de l’armement. Il a indiqué que, sur le fond, il était conduit à formuler un jugement nuancé, tant sur la pertinence de certains de ces comptes que sur les modalités de leur fonctionnement. S’agissant des comptes de commerce, et plus particulièrement du principal d’entre eux, celui des constructions navales de la marine militaire, il a douté que la réforme actuelle soit suffisante, tout en estimant que, si elle conduisait la DCN à acquérir un véritable esprit d’entreprise, un certain progrès aurait toutefois été accompli. S’agissant enfin du compte d’affectation spéciale qui retrace notamment l’affectation du produit des cessions des participations financières de l’Etat à des dotations en capital en faveur d’entreprises du secteur public, il a noté, pour prendre le seul cas de Giat Industries, qu’il était nécessaire de lui accorder l’autonomie dont il avait besoin, en faisant observer que, s’il était normal que l’Etat actionnaire exerce son pouvoir de contrôle, ses interférences, parfois arbitraires, dans le fonctionnement de la société lui paraissaient à la fois inefficaces et contraires aux principes de la réforme opérée en 1989.

Au vu de ces observations, il a invité la commission de la Défense à donner un avis défavorable à l’adoption des comptes spéciaux du Trésor.

Rappelant que la DCN n’avait pas actuellement la capacité d’établir des devis cohérents et évoquant la réforme en cours de cette entreprise, M. Didier Boulaud a demandé s’il ne serait pas possible d’affecter dans ses services de comptabilité et de gestion des personnels qualifiés et spécialisés, issus d’horizons divers, qui permettraient d’améliorer ses méthodes.

M. Guy-Michel Chauveau, après s’être félicité de la décision de la Commission de se saisir pour avis des articles du projet de loi de finances relatifs aux comptes spéciaux du Trésor intéressant la défense, a regretté que la DCN ne dispose pas actuellement des moyens adaptés à ses missions et a souhaité que des mesures soient prises pour corriger les insuffisances de sa gestion. Il a remarqué que l’une des causes majeures de ses dysfonctionnements provenait de la réunion, dans un même service de l’Etat, des fonctions de maître d’œuvre et de maître d’ouvrage. Reconnaissant que certaines réserves du rapporteur pour avis pouvaient être admises, il a fait valoir cependant que les services industriels de la DGA disposeraient globalement, avec la réforme de la DCN, de réels moyens d’adaptation. Il a alors indiqué que le groupe socialiste se prononcerait en faveur des articles 54 à 57 du projet de loi de finances relatifs aux comptes spéciaux du Trésor.

M. André Vauchez a souligné l’intérêt du rapport pour avis qui permettait d’analyser les dysfonctionnements des activités industrielles du ministère de la Défense et a approuvé la démarche dont procédait l’actuelle réforme de la gestion de la DCN. Il a fait remarquer que, si dans le passé l’Etat était le principal, voire l’unique client de la DCN, la réforme en cours devait à présent prendre en compte la nécessité d’alliances industrielles dans le domaine des constructions navales. Il a alors demandé quelles étaient les possibilités de renforcer l’action commerciale de la DCN, qu’il s’agisse de sa présence au sein de partenariats industriels ou du renforcement de la compétence de ses personnels. Il a indiqué qu’il était nécessaire de donner un avis favorable à l’adoption du compte de commerce géré par la DCN pour encourager les réformes entreprises.

M. Loïc Bouvard a apporté les éléments de réponse suivants :

— l’excellence technique est longtemps restée le seul critère de gestion de la DCN. S’il a permis d’atteindre des résultats qui font à juste titre l’orgueil des services industriels de la DGA, les critères de rentabilité financière ont été négligés ;

— le plan DCN 2000, élaboré avec la collaboration d'un consultant extérieur, vise à donner à la DCN les moyens d’une réelle gestion d’entreprise et prévoit la formation de 6 000 personnels à ce type de gestion. Cette formation a été jugée prioritaire mais elle ne sera pas suffisante car la contrainte majeure provient de l’impossibilité de rapprochements « structurants » avec d’autres sociétés européennes de construction ou de réparation navales ;

— les règles de fonctionnement du compte de commerce interdisant de lui imputer directement les dépenses résultant du paiement des traitements ou indemnités des agents de l’Etat, la DCN ne peut gérer ses ressources humaines dans les mêmes conditions que tout opérateur industriel. Dans la pratique, en effet, les crédits d’équipement du titre V du budget de la Défense qui concernent les activités de la DCN sont virés sur le compte de commerce qui, par rétablissements de crédit, rembourse le titre III de ce même budget. Ces difficultés de gestion du personnel sont accentuées par la culture d’autonomie propre aux établissements de la DCN et par la multiplicité des statuts existants ;

— la réforme de la DCN n’est pas assez ambitieuse puisqu’aucune disposition ne modifie son statut, qui constitue pourtant une entrave au développement, vital pour l’avenir de l’entreprise, des partenariats industriels et des exportations d’armements navals. L’action de la société DCN International, qui joue le rôle d’une direction commerciale, est limitée par la faiblesse de ses fonds propres, d’un montant de 400 millions de francs, et la difficulté de passer des contrats à l’exportation d’un montant élevé ;

— il est nécessaire d’accompagner les réformes en cours car, si les contraintes de gestion ne sont pas levées, la DCN sera exclue des rapprochements industriels en cours au niveau européen.

Le Président Paul Quilès a souligné que le débat sur les comptes spéciaux du Trésor permettait d’engager utilement une réflexion sur la situation de la DCN et d’insister auprès du Ministre de la Défense pour qu’il provoque un réel changement d’approche dans les modes de gestion de cette entreprise. Il a fait cependant observer que les réformes de gestion nécessitaient des délais et qu’il fallait tenir en compte, non seulement des traditions des services industriels de la DGA qui pouvaient rendre leur application difficile, mais aussi de leurs conséquences sur la situation des personnels. Il a estimé que ce premier avis de la Commission de la Défense permettrait d’illustrer de manière concrète les difficultés de l’adaptation d’une entreprise telle que la DCN et de prendre date pour apprécier l’amélioration de sa situation.

La Commission de la Défense a alors donné un avis favorable à l’adoption des articles 54 à 57 du projet de loi de finances pour 1999 relatifs aux comptes spéciaux du Trésor, le groupe DL votant contre.

ANNEXE I

DÉPENSES, RECETTES ET SOLDE DES COMPTES DE COMMERCE
DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE EN 1997

(en millions de francs)

 

Solde de trésorerie
au 01/01/1997

Dépenses
nettes

Evolution
1997/1996
(en %)

Recettes
nettes

Evolution 1997/1996
(en %)

Solde de trésorerie
au 31/12/97

Compte 904-01
Subsistances militaires

207,56

753,34

- 20,15

753,89

- 17,9

217,7

Compte 904-03
Exploitation industrielle des ateliers aéronautiques de l’Etat

125,24

1 623,09

- 1,6

1 901,67

+ 21,62

403,82

Compte 904-05
Construction navale de la Marine militaire

213

16 480

+ 1,2

16 667

+ 4,4

400

Compte 904-20
Approvisionnement des armées en produits pétroliers

- 256,32

2 216,88

- 0,94

2 384,13

+ 7,33

- 89

Total

289,48

21 073,31

- 0,22

21 706,69

- 5,02

932,52

ANNEXE II

BUDGET VOTÉ ET RÉALISATIONS DES COMPTES DE COMMERCE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (1993-1997)

Les tableaux ci-après retracent les budgets votés et les réalisations des comptes de commerce de la Défense de 1993 à 1997.

COMPTE N° 904-01
SUBSISTANCES MILITAIRES

(en francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations*

Recettes

725 000 000

839 890 865

725 000 000

839 787 238

785 000 000

918 101 372

800 000 000

753 887 551

710 000 000

424 966 851

Ligne n° 1 : vivres

720 300 000

834 682 728

719 800 000

834 832 979

780 350 000

914 734 632

795 900 000

751 365 006

707 900 000

423 754 983

Ligne n° 2 : fourrages

4 500 000

4 391 746

5 000 000

3 671 639

4 500 000

3 073 873

4 000 000

2 092 936

2 000 000

1 091 366

Ligne n° 3 : combustibles

100 000

36 106

100 000

30 553

50 000

27 251

30 000

9 298

30 000

631

Ligne n° 4 : exploitations

100 000

780 284

100 000

1 252 068

100 000

265 616

70 000

420 311

70 000

119 871

Dépenses

725 000 000

830 788 359

725 000 000

817 106 278

785 000 000

948 298 017

800 000 000

753 342 453

710 000 000

294 166 526

Chapitre 01 : vivres

678 100 000

785 141 506

676 900 000

766 390 863

780 350 000

902 583 438

750 760 000

713 507 599

668 960 000

285 368 519

Chapitres 02 : fourrages

4 300 000

4 394 887

5 000 000

4 337 893

4 500 000

2 028 872

4 200 000

1 561 747

2 000 000

1 140 126

Chapitre 03 : combustibles

100 000

0

100 000

0

50 000

0

40 000

0

40 000

0

Chapitre 05 : exploitations

42 500 000

41 251 966

43 000 000

46 377 522

100 000

43 685 708

45 000 000

38 273 107

39 000 000

7 657 882

                     

Découvert autorisé

100 000 000

 

100 000 000

 

100 000 000

 

50 000 000

 

50 000 000

 

Solde au 31.12.N

 

215 002 881

 

237 703 708

 

207 559 315

 

217 696 641

 

ND

* Au 31 juillet 1998

COMPTE N° 904-03
EXPLOITATIONS INDUSTRIELLES DES ATELIERS AÉRONAUTIQUES

(en francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations*

Recettes

1 786 000 000

1 849 224 353

1 880 000 000

1 616 530 499

1 880 000 000

1 563 551 399

1 880 000 000

1 901 674 363

1 710 000 000

613 258 661

Ligne n° 1 : Cessions à l’Armée de l’air

1 002 000 000

836 148 651

1 090 000 000

1 033 844 192

1 100 000 000

983 029 769

1 100 000 000

989 216 748

1 010 000 000

258 047 949

Ligne n° 2 : Cessions à l’aéronavale

560 000 000

699 425 996

550 000 000

383 676 488

550 000 000

446 290 236

550 000 000

654 114 869

510 000 000

265 047 349

Ligne n° 3 :Cessions à l’ALAT

47 000 000

35 953 018

50 000 000

44 030 528

50 000 000

34 911 252

50 000 000

77 425 667

45 000 000

14 000 000

Ligne n° 4 : Cessions à la DGA

102 000 000

68 986 907

115 000 000

61 734 841

110 000 000

53 531 861

110 000 000

81 456 116

50 000 000

20 974 087

Ligne n°5 : Cessions à d’autres directions ou services du ministère de la défense

0

216 000

0

523 000

0

98 000

 

472 000

1 000 000

0

Ligne n° 6 : Cession à des départements ministériels hors ministère de la défense

0

1 701 592

0

1 845 000

0

1 669 000

 

2 165 000

2 000 000

520 000

Ligne n° 7: Ventes à des clients français hors départements ministériels

65 000 000

28 988 144

65 000 000

35 962 390

60 000 000

38 528 120

60 000 000

61 129 486

30 000 000

45 562 627

Ligne n° 8 : Ventes à des clients étrangers

1 000 000

5 630

1 000 000

99 884

1 000 000

33 940

1 000 000

6 678 447

55 000 000

3 365 565

Ligne n° 9: Recettes diverses ou exceptionnelles

9 000 000

177 798 415

9 000 000

54 814 176

9 000 000

5 459 221

9 000 000

29 016 030

7 000 000

5 765 087

Dépenses

1 786 000 000

1 802 132 982

1 880 000 000

1 677 720 938

1 880 000 000

1 649 338 145

1 880 000 000

1 623 088 975

1 710 000 000

962 248 810

Chapitre 01 : Achats de matières premières et fournitures, rechange et sous-traitance

683 000 000

689 616 070

711 000 000

550 217 405

716 000 000

518 699 679

716 000 000

519 397 352

563 000 000

307 813 619

Chapitre 02 : Services extérieurs

115 000 000

108 742 730

118 000 000

106 644 508

116 000 000

107 646 289

116 000 000

99 662 500

121 000 000

65 226 938

Chapitre 03 : Autres services extérieurs

49 000 000

52 920 768

55 000 000

52 319 038

56 000 000

48 825 299

56 000 000

40 909 433

55 000 000

37 810 901

Chapitre 04 : Impôts et taxes

62 000 000

43 111 188

45 000 000

53 916 846

50 000 000

64 091 611

50 000 000

49 866 043

65 000 000

34 400 000

Chapitre 05 : Personnel

743 000 000

776 105 774

770 000 000

780 495 068

755 000 000

778 121 552

755 000 000

808 217 070

784 000 000

463 897 352

Chapitre 06 : Autres dépenses de gestion courante

6 000 000

4 561 127

5 000 000

868 136

5 000 000

0

5 000 000

 

0

500 000

Chapitre 07 : Intérêts moratoires et différences de change

1 000 000

3 515 485

1 000 000

1 104 529

2 000 000

1 036 304

2 000 000

1 603 615

1 000 000

900 000

Chapitre 08 : Dépenses exceptionnelles

 

1 287 570

0

570 907

 

276 135

 

2 782 462

1 000 000

1 000 000

Chapitre 09 : Renouvellement des immobilisations

127 000 000

122 272 270

175 000 000

131 584 501

180 000 000

130 641 276

180 000 000

100 650 500

120 000 000

50 700 000

Découvert autorisé

0

 

0

 

0

 

0

 

0

 

Solde au 31.12.N

 

272 217 428

 

211 026 989

 

125 240 243

 

403 825 631

 

ND

Au 31 juillet 1998

COMPTE N° 904-05

CONSTRUCTIONS NAVALES DE LA MARINE MILITAIRE

(en millions de francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations*

Recettes

21 345

16 401

18 980

17 274

18 534

15 965

18 094

16 667

11 100

6 284

Ligne n° 1 : Constructions neuves de la flotte

13 241

9 683

10 778

9 259

10 850

8 552

10 824

8 953

6 540

3 539

Ligne n° 2 : Constructions aéronautiques

34

14

33

33

33

15

30

30

30

0

Ligne n° 3 :Constructions d’ouvrages divers

100

62

96

124

50

43

65

29

60

0

Ligne n° 4 : Confections de munitions

550

460

497

411

510

288

401

385

300

60

Ligne n°5 : Etudes diverses

1 499

1 306

1 345

1 485

1 550

1 030

1 160

1 143

470

120

Ligne n° 6 : Equipement militaire

261

230

229

245

241

166

192

208

150

70

Ligne n° 7 : Entretien des navires et matériels militaires

125

85

93

82

70

94

70

48

50

0

Ligne n° 8 : Entretien de la flotte

3 085

2 914

3 113

3 027

3 050

3 030

3 022

2 936

1 700

1 180

Ligne n° 9 : Entretien des matériels aériens

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Ligne n° 10 : Entretien des munitions

300

299

276

296

280

276

280

255

140

100

Ligne n° 11 : Cessions aux administrations

350

284

580

417

400

360

400

556

400

130

Ligne n° 12 : Cessions extérieures aux administrations :

                   

- à clients étrangers

1 290

721

1 370

1 516

850

1 452

1 150

1 793

1 050

1 005

- à clients français

440

165

420

330

500

568

350

278

200

62

Ligne n° 13 : Recettes diverses ou accidentelles

70

178

150

49

150

91

150

53

10

19

Dépenses

21 345

18 589

18 980

16 818

18 534

16 285

18 094

16 480

11 100

5 815

Chapitre 01 : Achats de matières et prestations de services directes

12 304

9 569

11 030

8 651

10 700

7 881

10 573

9 728

5 500

2 800

Chapitre 02 : Charges de personnel

5 383

5 285

5 150

5 034

5 120

5 268

5 070

5 228

4 450

2 530

Chapitre 03 : Impôts, taxes et versements assimilés

179

201

180

240

180

13

180

227

180

5

Chapitre 04 : Autres charges externes

2 681

2 753

1 892

2 083

1 769

2 404

1 606

900

700

349

Chapitre 05 : Autres charges de gestion courante

14

11

14

11

       

0

0

Chapitre 06 : Frais de gestion

               

0

0

Chapitre 07 : Renouvellement des immobilisations

770

609

700

783

750

649

650

344

270

131

Chapitre 08 : Versement au budget général au titre des activités d’exportation

               

0

0

Chapitre 09 : Dépenses diverses ou accidentelles

14

161

14

16

15

70

15

53

0

0

Découvert autorisé

0

 

0

 

0

 

0

 

0

 

Solde au 31.12.N

 

77

 

533

 

213

 

400

 

400

Au 30 juin 1998

COMPTE N° 904-20

APPROVISIONNEMENT DES ARMÉES EN PRODUITS PÉTROLIERS

(en francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

 

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations

Budget voté

Réalisations*

Recettes

3 009 200 000

2 361 086 650

2 780 000 000

2 266 833 792

2 450 000 000

2 221 134 725

2 350 000 000

2 384 129 162

2 350 000 000

1 625 615 772

Ligne n° 1 : Cessions de produits pétroliers aux clients relevant du ministère
de la défense

2 705 000 000

2 123 247 230

2 580 000 000

1 898 511 418

2 280 000 000

2 075 658 057

2 180 000 000

2 247 678 510

2 180 000 000

1 545 203 948

Ligne n° 2 : Cessions de produits aux autres clients

150 700 000

113 698 028

150 000 000

136 709 118

120 000 000

124 560 164

120 000 000

112 013 729

120 000 000

68 438 264

Ligne n° 3 : Versement du Trésor américain
(exploitation du système d’oléoducs DONGES-METZ)


0


21 849 868

 


31 108 315

 


883 537

   


0

 

Ligne n° 4 : Produits de l’exploitation civile de l’oléoduc DONGES-METZ

 

79 585 323

 

70 367 340

 

7 160 108

 

7 027 718

0

4 405 344

Ligne n°5 : Recettes diverses

153 500 000

22 706 201

50 000 000

130 137 601

50 000 000

12 872 859

50 000 000

17 409 205

50 000 000

7 568 216

Dépenses

3 009 200 000

2 502 699 885

2 780 000 000

2 223 965 991

2 450 000 000

2 237 893 613

2 350 000 000

2 216 876 981

2 350 000 000

1 311 140 241

CHAPITRE 60 : Approvisionnement de produits pétroliers

     

           

Art.10 : Produits pétroliers distribués par le SEA

2 554 200 000

1 604 447 894

2 230 000 000

1 652 423 937

1 850 000 000

1 757 971 017

1 750 000 000

1 728 673 494

1 750 000 000

981 269 213

Art. 20 : Produits pétroliers distribués par le secteur civil

410 000 000

553 847 889

500 000 000

463 550 328

550 000 000

430 107 220

550 000 000

439 961 045

550 000 000

231 497 869

CHAPITRE 61 : Utilisation du système d’oléoduc DONGES-METZ
(dépenses ordinaires)

                   

Art. 10 :Opérations intéressant la France

 

104 046 901

 

53 250 053

 

6 715 699

 

8 011 656

 

5 149 910

Art. 20 : Opérations intéressant les Etats-Unis d’Amérique

 

12 260 398

 

1 856 583

 

378 090

       

CHAPITRE 62 : Remboursement au budget général de la défense de certaines
dépenses liées à la livraison de produits pétroliers

45 000 000

53 088 340

50 000 000

52 885 090

50 000 000

42 714 512

50 000 000

 

50 000 000

43 223 249

CHAPITRE 68 : Utilisation du système d’oléoducs DONGES-METZ
(dépenses en capital)

                   

Art. 10 : Opérations intéressant la France

 

175 008 463

     

7 075

 

110

 

0

Art. 20 : Opérations intéressant les Etats-Unis d’Amérique

                   

Découvert autorisé

300 000 000

 

300 000 000

 

300 000 000

 

300 000 000

 

300 000 000

 

Solde au 31.12.N

 

- 282 435 175

 

- 239 567 374

 

- 256 326 262

 

- 89 074 081

 

ND

* Au 31 juillet 1998

1 Voir annexe II p. 54

2 Voir annexe II p. 55

3 Voir annexe II p. 56

4 Voir annexe II p. 57

5 Y compris le centre de Brétigny qui devrait fermer très prochainement ses portes.

6 JO débats, Assemblée nationale, 2ème séance du 8 décembre 1989, p. 6189.

7 Jean-Philippe COLSON, Droit public économique, LGDJ, 1995.

8 Le SPN correspondait à la partie étatique de la DCN et n’avait, de ce fait, pas à être géré en compte de commerce.

9 La DCE est la direction des centres d’expertise et d’essais de la Délégation générale pour l’Armement.

10 JO débats, Assemblée nationale, 2ème séance du 8 décembre 1989, p. 6192.

11 Ces données sont extraites du rapport précité.

12 Ce chiffre est fondé sur une évaluation des contrats selon la méthode du coût complet.

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