N° 1115

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME V
JUSTICE
ADMINISTRATION CENTRALE
ET SERVICES JUDICIAIRES

PAR M. JACQUES FLOCH,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe 35).

Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, LES CRÉDITS DE LA JUSTICE SONT EN NETTE PROGRESSION 7

A. L’ADMINISTRATION CENTRALE 7

B. LES SERVICES JUDICIAIRES 7

C. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 10

II. — LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS 11

A. L’ACTIVITE DES JURIDICTIONS 11

1 L’activité judiciaire civile 11

2. L’activité judiciaire pénale 15

3. L’activité des juridictions administratives 18

B. LES PERSONNELS 22

1. Les services judiciaires 22

2. Les juridictions administratives 25

III. — LES RÉFORMES CONDUITES PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE 27

A. LES ASSISTANTS DE JUSTICE ET LES ASSISTANTS SPECIALISES 27

1. Les assistants de justice apportent un concours précieux aux magistrats 27

2. Les assistants spécialisés vont renforcer les moyens des pôles économiques et financiers 29

B. LA REORGANISATION DU RESEAU DES JURIDICTIONS 30

1. Les audiences foraines et les chambres détachées se sont développées 30

2. La réforme de la carte judiciaire commencera d’être mise en œuvre dès 1999 31

C. LA DELIVRANCE DES CERTIFICATS DE NATIONALITE FRANÇAISE 32

1. Le nombre de certificats de nationalité a augmenté de 20 % en six ans 32

2. Des mesures vont être prises pour réduire les difficultés rencontrées lors de la délivrance d’un certificat de nationalité française 33

AUDITION de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les crédits de son ministère 36

ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR 45

MESDAMES, MESSIEURS,

La priorité donnée au budget de la justice en 1998 sera confirmée en 1999, conformément aux engagement pris par le Gouvernement de dégager les moyens nécessaires pour améliorer le fonctionnement du service public de la justice.

Le budget de la justice pour 1999 s’élève à 26,258 milliards de francs, soit une hausse de 5,58 % par rapport à l’année 1998 déjà marquée par une progression de 4 %, et les crédits de la justice progressent plus que le budget général (2,3 %). Avec 930 postes budgétaires supplémentaires, le ministère de la justice bénéficiera de la plus importante création d’emplois.

L’année 1998 avait renoué avec les objectifs de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice et l’année 1999 confirme cette orientation ; néanmoins, compte tenu du retard pris en 1997, l’exécution de la loi de programme exigera une année supplémentaire et s’étendra donc jusqu’en l’an 2000. L’augmentation des crédits de la justice s’insère également dans la réforme de la justice présentée au Parlement, en janvier dernier, par la ministre de la justice : composition et compétences du Conseil supérieur de la magistrature, accès au droit, procédure pénale, traitement de la délinquance des mineurs, etc.

ÉVOLUTION DE 1990 À 1999 DU MONTANT DES CRÉDITS
ET DE LA PART DU BUDGET DE LA JUSTICE DANS LE BUDGET DE L’ETAT

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

P.L.F.

1999

Budget général

en milliards de francs

1.220,4

1.280,2

1.321,8

1.369,9

1.429,6

1.494,3

1.558,2

1.582,0

1.600,5

1.685,2

Budget de la justice

en millions de francs

16.881,0

18.177,0

19.047,0

20.393,0

21.265,7

22.131,3

23.476,9

23.903,5

24.868,6

26.258,0

Part justice / Etat

1,38 %

1,42 %

1,44 %

1,49 %

1,46 %

1,49 %

1,51 %

1,51 %

1,55 %

1,56 %

N.B. : Les chiffres portés pour le budget de l’Etat sont ceux qui figurent en lois de finances initiales publiées au Journal officiel (tableau d’équilibre général) à la ligne dépenses nettes (en dette brute).

A l’exception de l’Association professionnelle des magistrats (A.P.M.) et de l’Union syndicale autonome justice (U.S.A.J.), les organisations syndicales consultées par votre rapporteur ont estimé que le budget de la justice pour 1999 était un bon budget, même si elles ont souligné qu’il ne permettrait pas de remédier à tous les dysfonctionnements du service public de la justice. Tout en faisant part de leurs inquiétudes, toutes les organisations syndicales se sont déclarées favorables à un réexamen de la carte judiciaire et ont insisté sur la nécessité d’accompagner les réformes par des créations de postes appropriées.

EMPLOIS BUDGÉTAIRES DE LA JUSTICE

AGRÉGAT

Créations

Administration centrale (1)
(magistrats inspecteurs)

5

Magistrats des juridictions judiciaires
Fonctionnaires

Total services judiciaires

140
230

370

Personnel de surveillance (2)
Personnel d’insertion et de probation
Autres

Total services pénitentiaires

220
67
57

344

Personnel éducatif
Autres

Total protection judiciaire de la jeunesse

121
29

150

TOTAL CHANCELLERIE

869

Magistrats des juridictions administratives (3)
Fonctionnaires

Total juridictions administratives

21
40

61

Commission nationale de l’informatique et des libertés (1)

0

TOTAL BUDGET JUSTICE

930

(1) L’administration centrale et la C.N.I.L. sont des composantes de l’agrégat 01, qui comprend par ailleurs la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, les ordres de la Légion d’Honneur et de la Libération, la recherche.

(2) A ces créations s’ajoute le maintien de l’autorisation de paiement en surnombre de 150 surveillants, obtenue en 1993.

(3) A ces créations s’ajoute l’autorisation de recrutement de 15 magistrats en surnombre temporaire dans les juridictions administratives, en application de la loi de programme relative à la justice, portant leur nombre total à 71.

I. — POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, LES CRÉDITS DE LA JUSTICE SONT EN NETTE PROGRESSION

A. L’ADMINISTRATION CENTRALE

L’administration centrale représente 3,4 milliards de francs en crédits de paiement, 1.770 agents et 13 % du budget de la justice pour 1999.

En 1999, 5 emplois d’inspecteurs des services judiciaires seront créés afin de mettre en place une véritable inspection ministérielle. Par ailleurs, 75 emplois seront repyramidés en application de mesures statutaires et pour les besoins du service.

S’agissant des mesures indemnitaires, une enveloppe de 3 millions de francs est prévue pour relever les primes des agents de catégorie A, afin de réduire l’écart avec les autres ministères et d’attirer des compétences nouvelles.

En crédits d’équipement, il est inscrit 5 millions de francs d’autorisation de programme et 9 millions de francs de crédits de paiement affectés :

—  à des travaux liés à l’hygiène et à la sécurité (sécurité incendie, amélioration des conditions de travail, restructuration de locaux en sous-sol, poursuite de la rénovation des sanitaires, etc.) ;

—  à des restructurations et travaux divers (aménagement, rénovations, travaux de couverture et de ravalement) ;

—  à la poursuite de l’équipement des bureaux en câblages informatiques.

B. LES SERVICES JUDICIAIRES

Les services judiciaires représentent 11,7 milliards de francs en crédits de paiement, 25.916 agents et 44,4 % des crédits du budget de la justice : les crédits progressent de 5,70 % après une augmentation de 4,71 % en 1998 et de 4,52 % en 1997.

S’agissant des effectifs, 370 emplois seront créés : 140 emplois de magistrats, soit le double de l’année dernière et la hausse la plus importante depuis quinze ans, au titre des réformes engagées et pour l’amélioration de la justice au quotidien ; 230 emplois de fonctionnaires et contractuels, soit 10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 agents de catégorie C, 35 techniciens informatiques et 1 technicien spécialisé en équipement immobilier.

Par ailleurs, 16 magistrats à titre temporaire équivalent temps plein (+ 10,08 millions de francs) seront recrutés ainsi que 400 assistants de justice supplémentaires (+ 15,61 millions de francs), ce qui portera leur nombre à près de 1.000. Enfin, 43 emplois budgétaires seront transformés pour répondre aux besoins des services.

Concernant la situation des personnels, une provision de 18 millions de francs est inscrite au titre de la réforme du statut de la magistrature, destinée à accroître les garanties d’indépendance, à améliorer le déroulement de carrière et à favoriser une plus grande mobilité des magistrats. Par ailleurs, les indemnités des greffiers en chef et greffiers sont majorées (+ 9,58 millions de francs).

Dans le domaine des moyens matériels, 64,4 millions de francs supplémentaires sont inscrits, soit une hausse de 5,2 %, pour financer principalement :

—  le développement des conseils départementaux d’aide juridique et la poursuite du programme des maisons de justice et du droit (6 millions de francs) ;

—  la modernisation des juridictions et la mise en service des nouveaux bâtiments (32,1 millions de francs) ;

—  la consolidation des pôles de lutte contre la délinquance financière à Paris, en Corse, à Marseille et Lyon (15,7 millions de francs) ;

—  l’accompagnement des premières réformes de la carte judiciaire (5 millions de francs).

Le chapitre des frais de justice sera majoré d’un crédit de 120,5 millions de francs. La subvention à l’E.N.M. s’élèvera à 172 millions de francs, soit une progression de 15,4 millions de francs, pour financer les ajustements salariaux, l’augmentation de 40 postes d’auditeurs (les promotions passeront de 145 à 185 auditeurs) et diverses mesures de fonctionnement.

Concernant les crédits d’intervention, une mesure de 12,7 millions de francs permettra d’abonder les crédits des associations œuvrant dans les domaines de la médiation familiale, de l’aide à l’accès au droit, de l’aide aux victimes, du contrôle judiciaire et du droit en général ; en outre, la subvention pour la formation des avocats sera majorée de 2 millions de francs. D’autre part, la dotation d’aide juridique augmentera de 215,4 millions de francs, répartis entre :

—  un ajustement de 149 millions de francs correspondant à la variation constatée du rythme des admissions ;

—  une mesure d’économie de 31 millions de francs concernant le fonctionnement des bureaux d’aide juridictionnelle et la maîtrise des coûts des expertises civiles, des enquêtes sociales et des missions de médiation ;

—  un abondement de 97,4 millions de francs pour la mise en oeuvre du plan de réforme de la justice (réforme de la saisie immobilière, lutte contre les exclusions, présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue, ...)

Enfin, en matière d’équipement, 678 millions de francs d’autorisations de programme (dont 5 millions de francs pour l’administration centrale) sont demandés dans le projet de loi de finances pour 1999, contre 572 millions de francs en 1998. Elles permettront :

—  de lancer la construction des palais de justice de Toulouse et de Besançon ;

—  de poursuivre les travaux de sécurité et d’aménagement du palais de justice de Paris et les opérations de sécurité à Roanne, Versailles, Lisieux, Nanterre, Saint-Etienne, Rouen, Belfort et Rodez ;

—  d’affecter une enveloppe de 126 millions de francs pour les travaux de rénovation et de gros entretien déconcentrés.

Les crédits de paiement d’un montant de 970,6 millions de francs, dont 9 millions de francs pour l’administration centrale couvriront le paiement des grands chantiers lancés antérieurement. Plusieurs de ces chantiers seront achevés en 1999, tels la reconstruction du Parlement de Rennes et la rénovation des palais de justice de Grasse et de Nantes, ainsi que celle du tribunal de commerce de Nice.

C. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Les juridictions administratives représentent 0,8 milliard de francs en crédits de paiement, 2.184 agents et 3 % des crédits du budget de la justice pour 1999.

Les crédits du Conseil d’Etat, des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs progressent de 9,21 % après une forte progression en 1998 (7,8 %) et en 1997 (8,12 %) : à structure constante, cette augmentation est portée à 4,8 %. Les crédits de paiement pour investissement augmentent de 15,91 % et les autorisations de programme passent à 51 millions de francs contre 44 millions dans la loi de finances initiale pour 1998.

Il est prévu de créer 61 emplois, soit 21 magistrats pour les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs, et 40 fonctionnaires, dont 8 pour le Conseil d’Etat. A ces créations, s’ajoute une autorisation de recrutement en surnombre temporaire de 15 magistrats, conformément aux dispositions de la loi de programme relative à la justice.

Concernant les mesures intéressant la situation des personnels, 32 millions de francs sont inscrits au titre du transfert sur le budget de la justice des indemnités versées par le ministère des finances aux membres du Conseil d’Etat.

Les crédits de fonctionnement des cours administratives d’appel et tribunaux administratifs seront abondés de 0,5 million de francs. Dans le domaine informatique, une mesure de 13,3 millions de francs est destinée, pour l’essentiel à l’informatisation des juridictions administratives (opération Skipper).

Les 51 millions de francs en autorisations de programme permettront de financer les travaux de modernisation et de restauration du Palais royal, la création de la cour administrative d’appel de Douai et les travaux dans les tribunaux administratifs de Lille, Rennes et Melun.

Les 51 millions de francs de crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances pour 1999 se répartissent entre 11 millions de francs de services votés et 40 millions de francs de mesures nouvelles.

II. —  LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

Après avoir analysé l’activité des juridictions (A), votre Rapporteur examinera la situation des personnels (B).

A. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

Le rapport annexé à la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice a fixé pour objectif de réduire, en cinq ans, les délais de jugement à trois mois devant les tribunaux d’instance, six mois devant les tribunaux de grande instance et douze mois devant les cours d’appel. Au fil des années, cet objectif paraît de plus en plus difficile à atteindre.

1. L’activité judiciaire civile

Sur les 1.125.000 décisions civiles, commerciales et prud’homales prononcées au fond en 1996, 155.000 ont fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel, soit 13,8 %.

Le taux d’appel du conseil de prud’hommes arrive largement en tête : plus d’un tiers des décisions de cette juridiction sont frappées d’appel (37,9 %) ; si l’on ne considère que les décisions prononcées en premier ressort ce taux atteint alors plus de 50 %. Viennent ensuite avec des taux proches, le tribunal de grande instance (14,4 %) et le tribunal de commerce (14,6 %) ; pour cette juridiction l’écart entre le taux d’appel brut et celui calculé sur les seules décisions susceptibles d’appel est faible, 17,7 % contre 14,6 %. Ce sont les décisions du tribunal d’instance qui font le moins souvent l’objet d’un recours, le taux d’appel brut est de 6,2 %, sans doute parce qu’une partie non négligeable d’entre elles ne sont pas susceptibles d’appel.

La proportion des affaires jugées au fond portées devant la cour d’appel varie notablement en fonction de la nature de l’affaire.

Le taux d’appel brut des tribunaux de grande instance est de 14,4 % ; hors affaires gracieuses, qui ne font presque jamais l’objet d’un appel, le taux d’appel atteint 16,2 %.

Les décisions se rapportant aux affaires engageant des intérêts financiers sont plus fréquemment frappées d’appel, avec un taux d’appel supérieur à 37 %. Ainsi en matière de droit des affaires, le taux d’appel tourne autour de 50 % dans le secteur des baux commerciaux et de la concurrence. Il est de même niveau en matière de baux d’habitation et professionnels, dans les demandes relatives à des contrats de construction ou d’aménagement d’immeubles et en matière de possession de biens immobiliers.

A l’opposé le taux d’appel est très faible en matière de droit des personnes (4,5 %) et de droit de la famille (8,6 %), pour lesquels les demandes sont souvent gracieuses. Le taux d’appel hors gracieux triple en droit des personnes (13,7 %) et s’accroît plus modestement en droit de la famille (10,1 %) ; toutefois, le taux d’appel est élevé dans les demandes contentieuses de l’après-divorce relatives aux révisions de prestations compensatoires et liquidations du régime matrimonial (taux d’appel respectifs de 52 % et de 37 %). Le taux d’appel se situe autour de 11 % dans le domaine des entreprises en difficulté, et de 14 % en matière de droit fiscal.

En 1996, 6,2 % seulement des décisions au fond prononcées par les tribunaux d’instance ont fait l’objet d’un appel. Ce taux s’établit à 8,2 % si on exclut les affaires gracieuses. Comme pour les tribunaux de grande instance, on observe que le taux moyen cache des disparités selon la nature de l’affaire.

Les taux d’appel sont d’autant plus élevé que les intérêts financiers sont présents. Il en est ainsi du droit des affaires, qui présente un taux d’appel supérieur à 17 % (ce taux peut même atteindre 70 % dans le domaine des baux commerciaux ou de la concurrence). Dans le secteur de l’immobilier, contrats de construction et demandes en matière de biens immobiliers, une décision sur quatre est frappée d’appel. A l’opposé le taux d’appel est quasiment nul en matière de droit des personnes, qui représente tout de même plus de 10 % des affaires traitées par les tribunaux d’instance. Dans ce domaine, les affaires gracieuses font l’essentiel des demandes. Le caractère conflictuel des demandes traitées par les tribunaux d’instance en matière de droit de la famille (demandes en matière d’obligation alimentaire) explique le taux d’appel relativement élevé dans ce domaine, 17,2 %).

La Cour de cassation

Le nombre d’affaires nouvelles (moins de 20.000) est en baisse par rapport à 1996 (– 1,5 %), retrouvant ainsi son niveau de 1995. Le nombre d’affaires terminées est un peu plus élevé mais reste inférieur à celui enregistré l’année précédente (– 1,6 %). Comme en 1995 et en 1996, cette situation fait apparaître une légère baisse du stock.

Les cours d’appel

Le nombre d’affaires nouvelles enregistré en 1997, soit près de 214.000, est en baisse de 2,5 % par rapport à 1996. Cela confirme le ralentissement observé des 1996, qui faisait suite à une croissance ininterrompue des affaires nouvelles depuis dix ans.

Le nombre d’affaires terminées (jugements et autres fins), soit plus de 205.000, a continué de croître en 1997 mais à un rythme plus lent (+ 0,8 %) que les cinq dernières années. Ce volume reste toutefois inférieur au nombre des affaires nouvelles, et ne suffit pas à empêcher une nouvelle augmentation du stock d’affaires en cours au 31 décembre.

La durée moyenne des affaires terminées augmente d’un demi-mois en 1997 et s’établit à 16,3 mois. Ce chiffre, en augmentation par rapport aux années précédentes, s’éloigne de l’objectif fixé par le programme pluriannuel pour la justice (12 mois). Il faut remonter à 1988 pour trouver un délai aussi élevé de règlement des affaires.

Les tribunaux de grande instance

Au civil, le nombre d’affaires nouvelles,dont ont été saisis les tribunaux de grande instance, a connu une hausse ininterrompue de 1986 à 1996. Cette croissance s’est accélérée en 1993 et en 1994 à la suite, d’une part, de la réforme du juge aux affaires familiales qui a transféré une masse importante de contentieux familiaux des tribunaux d’instance vers les tribunaux de grande instance et, d’autre part, de la création du juge de l’exécution qui a généré de nouveaux contentieux.

Le nombre d’affaires nouvelles enregistrées en 1997, soit près de 645.000, marque une rupture dans cette évolution. Pour la première fois depuis dix ans, le volume d’activité des tribunaux de grande instance affiche une baisse de 4,6 %. La progression des affaires nouvelles s’est interrompue pour s’établir à un niveau inférieur à celui de 1994. La diminution de 39 % des procédures contentieuses de l’exécution est en grande partie responsable de cette évolution.

Le contentieux du juge aux affaires familiales se stabilise en 1996 : si le nombre de demandes de rupture d’union confirme la baisse amorcée en 1996, le contentieux de l’autorité parentale pour les enfants naturels, continue à augmenter très significativement (+ 5.000).

Le nombre d’affaires terminées (jugements et autres fins) par les tribunaux de grande instance s’élève à un peu plus de 640.000 en 1997. La baisse de 2,8 % est inférieure à celle des affaires nouvelles (– 4,6 %). Cette évolution marque là aussi une rupture même si elle s’inscrit dans une tendance à la décélération observée depuis 1995. Comme pour les affaires nouvelles, le contentieux de l’exécution explique en grande partie cette évolution puisqu’il enregistre une baisse de plus de 20 % en 1997.

La durée moyenne des affaires terminées en 1997 s’établit à 9,1 mois, soit légèrement supérieure à celle observée sur les trois dernières années. Elle s’éloigne de l’objectif de 6 mois fixé par le programme pluriannuel pour la justice.

Le stock d’affaires en cours au 31 décembre 1997 augmente de moins de 1 %, mais il atteint son niveau le plus élevé depuis dix ans.

Enfin le nombre d’ordonnances de référé (122.000) diminue sensiblement (– 4 %).

Les tribunaux d’instance

Le nombre d’affaires nouvelles devant les tribunaux d’instance est en baisse continue depuis 1993. Cette baisse, modérée en 1996, se prolonge de façon plus marquée en 1997 (– 2,9 %). La diminution du nombre d’affaires nouvelles s’explique en grande partie par l’achèvement du transfert du contentieux du surendettement des particuliers vers les commissions de surendettement.

Le nombre d’affaires terminées par les tribunaux d’instance en 1997 ressort à environ 450.000, soit une baisse de 2,3 % par rapport à 1996. Cette diminution est également due aux transferts en matière de surendettement des particuliers.

Le nombre d’affaires terminées en 1997 étant inférieur à celui des affaires nouvelles, il en résulte une nouvelle augmentation (+ 6,2 %) du stock d’affaires en cours, qui atteint en fin d’année son niveau le plus élevé depuis dix ans.

La durée moyenne des affaires terminées en 1997 par les tribunaux d’instance se maintient à 5 mois, dans la continuité de l’année précédente. L’objectif de 3 mois fixé par le programme pluriannuel de la justice reste encore très éloigné.

Le nombre d’ordonnances de référé (81.000) a baissé de près de 2 % par rapport à 1996. Cela traduit une réduction d’activité cohérente avec ce qui est constaté pour les instances au fond.

2. L’activité judiciaire pénale

La durée moyenne des procédures est obtenue à partir de l’exploitation statistique du casier judiciaire. Elle est obtenue par différence entre la date des faits et la date de la condamnation définitive. Cette durée moyenne est en nette diminution sur l’ensemble de la période : atteignant près de 15 mois en 1986, le délai de réponse pénale n’est plus que de 9,5 mois en 1996. Si les données disponibles ne permettent pas une analyse par juridiction, on peut relever que cette moyenne générale cache d’importantes disparités en fonction des catégories d’infractions sanctionnées.

Ainsi, la durée de traitement des affaires criminelles est en constante augmentation : elle atteint presque 45 mois en 1996. A l’inverse, en matière délictuelle, le jugement intervient de plus en plus rapidement : en 1996, il s’écoule moins de dix mois entre la commission d’un délit et le prononcé d’une décision définitive. Cette accélération des réponses judiciaires est notamment due à l’utilisation croissante de procédures rapides (convocation par officier de police judiciaire et comparution immédiate). La seule catégorie de délits à connaître une évolution inverse est celle des infractions à la législation sur les stupéfiants. Cette matière donne souvent lieu à ouverture d’information, dans des procédures pouvant impliquer de nombreuses personnes et induisant un allongement des délais de jugement.

DÉLAI DE RÉPONSE PÉNALE (en mois) *

ÉVOLUTION 1986 – 1996

 

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996
(p)

Toutes condamnations

14,6

12,4

10

10,9

11,3

11,4

11,5

11,1

10,3

9,5

Crimes

32

32,9

34,6

36,4

38,7

39

39,1

41,5

42,6

44,8

Délits

15,5

12,8

10,4

11,2

11,6

11,6

11,8

11,3

10,3

9,7

Contraventions
de 5ème classe

10

7,5

7,1

9

9,6

9,8

9,5

9,2

7,5

7,2

Source : Casier judiciaire national.

*  calculée par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits. (p) : donnée provisoire.

La Cour de cassation

La tendance à l’augmentation du nombre des affaires reçuespar la Chambre criminelle de la Cour de cassation, observée depuis 1994, semble s’interrompre en 1997 avec un nombre d’affaires nouvelles sensiblement équivalent à celui de 1996.

En revanche, le nombre d’affaires terminées (6.700) est en forte augmentation (+ 20 %) après une année 1996 qui présentait le niveau le plus faible jamais atteint. On peut noter la forte hausse du nombre de rejets de pourvoi : plus de 4.200, soit le niveau le plus élevé depuis 1991.

Les cours d’appel

Les chambres d’accusation ont rendu un peu plus de 32.400 arrêts, soit sensiblement autant qu’en 1996, ce qui est peut-être le signe d’un ralentissement de la croissance continue de l’activité de ces chambres. Cette stagnation est essentiellement due à la baisse des arrêts statuant sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire, qui représentent moins de 68 % des arrêts en 1997.

Les chambres des appels correctionnels ont été saisies en 1997 de 48.260 affaires, soit un peu plus qu’en 1996 : ce niveau est le plus élevé atteint depuis 1987.

Les tribunaux de grande instance

En 1997, 4.941.000 plaintes, dénonciations et procès-verbaux sont parvenus aux parquets, soit près de 5 % de mois qu’en 1996. Sur ce nombre, environ 3.100.000 (soit 62,5 %) concernent des auteurs inconnus. La croissance continue du poids de ces procédures contre auteur inconnu (42 % en 1990, 55 % en 1992), un moment interrompue en 1993, a donc repris pour atteindre en 1997 son niveau le plus élevé.

Le nombre de procédures classées sans suite (3.900.000) est en légère baisse par rapport à 1996 (– 3 %). La diminution des classements sans suite, un peu moins rapide que celle de l’ensemble des procédures reçues, conduit à un taux global de classement sans suite en légère augmentation par rapport à 1996 : 79 % (entre 77 et 79 % depuis 1992). S’agissant des seules procédures contre auteur connu, le taux de classement se maintient à un niveau proche de 45 %. Dans ce calcul, les procédures alternatives aux poursuites (plus de 100.000 en 1997) ont été exclues : de fait, elles constituent une véritable réponse apportée par les parquets à un acte de délinquance, et peuvent donc être considérées comme des orientations au même titre que les saisines plus classiques. La part des classements avec auteur connu dans l’ensemble des classements sans suite continue à baisser : elle est deux fois moins importante en 1997 qu’il y a dix ans.

En ce qui concerne l’orientation des affaires poursuivies par les parquets, l’unité de compte n’est plus la procédure, mais l’affaire. Le nombre total d’affaires poursuivies en 1997 (603.000) a progressé de 2,3 % par rapport à 1996. Mise en regard de la baisse du nombre total de plaintes et procès-verbaux, de l’augmentation relative du nombre de procédures contre auteur inconnu et de l’augmentation des procédures alternatives aux poursuites, cet accroissement du nombre des poursuites traduit une sévérité accrue des parquets :

—  près de 44.000 affaires ont fait l’objet d’une ouverture d’information devant un juge d’instruction soit presque autant qu’en 1996. Après la baisse continue observée depuis 10 ans, le nombre d’ouvertures d’information semble ainsi se stabiliser ;

—  près de 45.000 affaires ont été transmises par les parquets aux juges des enfants en 1997, soit 2 % de plus qu’en 1996 ;

—  plus de 378.000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux correctionnels, soit 1,7 % de pus qu’en 1996. Cette évolution contraste avec la tendance à la baisse observée depuis 10 ans, accentuée certaines années par les déqualifications et dépénalisations de certains délits de masse, et interrompue une seule fois en 1994 ;

—  enfin, près de 136.000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police. Ce nombre est en augmentation de 5 % par rapport à 1996.

Concernant l’activité des tribunaux correctionnels, les modes de comparution rapide sont en constante augmentation. Les affaires faisant l’objet d’une procédure de convocation par officier de police judiciaire sont devenues nettement majoritaires : 200.000 en 1997, soit 53 % du total. La procédure de comparution immédiate (36.000 en 1997) voit sa part légèrement diminuer avec moins de 10 % de l’ensemble des poursuites correctionnelles. L’accroissement des procédures rapides se fait au détriment de la citation directe qui continue à perdre du terrain : elle ne représente plus que 35,5 % des affaires poursuivies devant les tribunaux correctionnels, contre 90 % en 1986 et 49 % en 1994.

L’augmentation des poursuites devant les tribunaux correctionnels s’accompagne d’une légère hausse du nombre de jugements prononcés par ces tribunaux (1 %).

Les officiers du ministère public et les tribunaux de police

Près de 14.000.000 de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public en 1997, soit une augmentation d’un peu moins de 10 % par rapport à 1996. Les amendes forfaitaires impayées constituent l’essentiel de ces procédures : elles ont augmenté de 11 % et se situent au niveau de 1994 et 1995. Les décisions de poursuite devant le tribunal de police (626.000) ont continué à baisser mais à un rythme plus lent qu’en 1996
(– 6 %) ce qui ne fait que prolonger la diminution régulière constatée depuis douze ans. C’est la procédure de l’ordonnance pénale qui supporte la baisse, tandis que les citations directes sont en légère augmentation (+ 2,3 %).

Les affaires devant le tribunal de police ont diminué de 4,3 %. Cette baisse est exclusivement due à la baisse des saisines de l’officier du ministère public (– 6 %), les procédures en provenance du parquet ayant progressé de plus de 5 %.

3. L’activité des juridictions administratives

Au cours des années écoulées, le délai théorique d’élimination du stock d’affaires en cours a été ramené à moins de deux ans dans les tribunaux administratifs, tandis qu’il est d’environ un an au Conseil d’Etat. La situation des cours administratives d’appel, qui subissent de plein fouet les transferts de compétences, s’est en revanche dégradée avec des délais de jugement moyens qui approchent trois ans. La création des deux nouvelles cours et le renforcement des effectifs devraient permettre de réduire sensiblement ce délai.

Conformément à la loi de programme relative à la justice, l’objectif est de ramener à un an le délai de jugement à chaque niveau de juridiction. Ce délai, qui semble raisonnable en termes de moyenne, doit évidemment être adapté à la nature de l’affaire. Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sur le caractère raisonnable du délai sont d’ailleurs prises en considération du “ cas d’espèce ” : la nature de l’affaire, sa complexité, le déroulement de la procédure.

C’est pourquoi les différents niveaux de juridictions s’attachent actuellement à améliorer la gestion du stock d’affaires en instance et le suivi de certaines procédures d’urgence (sursis, référés ...) ou contentieux sensibles (étrangers, urbanisme ...), ainsi que des affaires auxquelles il est le plus urgent d’apporter une solution.

Le Conseil d’Etat

Après une forte progression des affaires enregistrées en 1995, le Conseil d’Etat connaît un fléchissement des entrées en 1996 (– 18 %) et, dans une moindre mesure, en 1997 (– 4 %) : cette évolution est à mettre en parallèle avec la progression des enregistrements dans les cours administratives d’appel après l’achèvement des transferts de compétences au 1er octobre 1995.

AFFAIRES NOUVELLES

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

8.069

9.843

10.705

10.335

8.743

9.162

7.527

7.193

Après avoir réussi en 1994 à augmenter le nombre d’affaires jugées de 28 % en deux ans et à réduire le délai de jugement à dix-huit mois, le Conseil d’Etat s’attache maintenant à régler les dossiers les plus anciens et les plus complexes. Le nombre annuel d’affaires jugées reste donc stable.

AFFAIRES JUGEES

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

9.269

9.907

9.976

10.395

11.314

10.598

11.684

11.228

La réforme de l’organisation du traitement des dossiers au Conseil d’Etat et le transfert de compétences aux cours administratives d’appel ont permis de réduire progressivement le stock, qui atteignait 23.350 dossiers en données brutes en 1993. Ce chiffre s’établit en 1997 à moins de 13.000 affaires en données brutes et 10.385 affaires en données nettes, soit un délai théorique d’élimination d’environ un an.

AFFAIRES EN STOCK

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

21.489

21.425

22.342

22.388

19.403

18.016

13.756

10.385

Les cours administratives d’appel

Depuis 1992, les cours administratives d’appel ont connu, du fait du transfert échelonné de l’appel des recours pour excès de pouvoir, qui s’est achevé en 1995, une progression des affaires nouvelles sans précédent : le nombre annuel d’affaires enregistrées a triplé en données brutes entre 1991 et 1996.

AFFAIRES NOUVELLES

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Données brutes

4.271

5.069

6.555

7.553

9.435

12.121

15.553

14.350

Données nettes

n.d

n.d.

5.570

6.794

7.804

9.057

12.168

12.477

n.d. : non disponibles.

Les effets mécaniques des derniers transferts semblent achevés, avec un accroissement du nombre annuel d’entrées limité à 3 % en 1997 en données nettes contre 34 % en 1996.

En données nettes, le nombre d’affaires traitées a augmenté de 18 % en 1997 (soit 30 % en trois ans).

AFFAIRES TRAITEES

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Données brutes

4.753

5.711

5.839

6.871

6.715

8.918

7.483

8.690

Données nettes

n.d.

n.d.

5.447

6.129

5.786

6.110

6.317

7.461

n.d. : non disponibles.

Le rapport affaires traitées/affaires enregistrées, qui était de 112 % en 1991, est devenu inférieur à 100 % à partir de 1992 et a baissé régulièrement, pour arriver en 1996 à 48 % en données brutes et 52 % en données nettes. En 1997, la situation a commencé à se redresser avec un ratio de 62 %. Cette légère amélioration récente est due en grande partie aux efforts de productivité, le nombre d’affaires traitées par magistrat ayant augmenté de 41 % en données nettes de 1992 à 1997. Deux circonstances devraient permettre une nouvelle amélioration à partir de 1998 :

—  la création de deux nouvelles cours administratives d’appel, celle de Marseille en septembre 1997 et celle de Douai prévue pour 1999 ;

—  l’assouplissement, par la loi n° 97-276 du 25 mars 1997, des conditions exigées pour les nominations des magistrats en cour d’appel. La condition de grade, conseiller de première classe au minimum, est supprimée et la condition d’ancienneté dans le corps est réduite de six à quatre ans.

Le stock d’affaires en instance a été multiplié par trois depuis 1992. Le délai théorique d’élimination de ce stock, qui dépassait à peine un an en 1991, est actuellement de trois ans.

AFFAIRES EN STOCK

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Données brutes

7.242

6.837

7.739

8.249

10.963

14.128

22.307

28.758

Données nettes

n.d.

n.d.

6.697

7.605

9.392

12.269

18.383

24.016

n.d. : non disponibles.

Les tribunaux administratifs

En sept ans, le nombre annuel d’affaires nouvelles enregistrées a augmenté de plus de 45 % en données nettes (53 % en données brutes), soit une moyenne de 6 % par an. De 1996 à 1997, l’augmentation est de 7 % (5 % en données brutes).

AFFAIRES NOUVELLES

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

69.853

73.922

84.082

87.632

88.949

97.025

95.246

101.590

Sur la même période, on observe une augmentation de 65 % du nombre annuel d’affaires traitées en données nettes (74 % en données brutes), soit + 9 % par an.

Jusqu’en 1993, cette augmentation de la capacité de jugement est due pour l’essentiel aux efforts de productivité des magistrats : celle-ci, après avoir considérablement augmenté ces dernières années (+ 43 % de 1987 à 1993), semble avoir aujourd’hui atteint un pallier ; le renforcement des effectifs, tant en magistrats qu’en agents de greffes, a donc pris le relais, en particulier à partir de 1995 dans le cadre de la loi de programme pour la justice.

AFFAIRES TRAITEES

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

58.302

65.484

72.176

78.217

82.854

90.103

91.371

96.367

On peut observer que l’augmentation du nombre d’affaires traitées est plus forte que celle du nombre d’entrées et que l’écart entre les deux chiffres se réduit : le rapport affaires traitées sur affaires enregistrées est ainsi passé de 89 % en 1991 à 93 % en 1995. En 1997, il atteint 95 % en données nettes et en données brutes.

Le rapport affaires traitées/affaires enregistrées n’ayant jamais atteint 100 %, les stocks ont continué d’augmenter de 1991 à 1997. Le rythme d’augmentation a néanmoins diminué et se situe actuellement entre 2 et 3 % par an.

AFFAIRES EN STOCK

Données nettes, corrigées des séries

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

146.914

148.243

156.554

165.895

171.311

179.874

183.641

199.024

Le délai moyen de jugement, qui était de deux ans et demi en 1991, s’est réduit progressivement : il est actuellement un peu inférieur à deux ans.

B. LES PERSONNELS

1. Les services judiciaires

Les services judiciaires, qui comprennent 25.916 agents, représentent 44,4 % des crédits du budget de la justice pour 1999. Il est prévu de créer 370 emplois : 140 emplois de magistrats, soit la hausse la plus importante depuis quinze ans et le double des emplois créés en 1997, pour les réformes en cours et pour l’amélioration de la justice au quotidien ; 230 emplois de fonctionnaires et contractuels, soit 10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 agents de catégorie C, 35 techniciens informatiques et 1 technicien spécialisé en équipement immobilier.

De plus, sont inscrits les crédits pour recruter 16 magistrats à titre temporaire, équivalent temps plein, et 400 assistants de justice supplémentaires, ce qui portera leur nombre à près de 1.000. Par ailleurs, 43 emplois budgétaires sont transformés pour répondre aux besoins des services.

Enfin, le projet de loi de finances prévoit une revalorisation des indemnités versées aux greffiers en chef et aux greffiers, qui s’élèverait de un point grâce à une mesure nouvelle de 9,58 millions de francs.

Les magistrats

A partir de la loi de finances pour 1995, l’application de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice a permis de localiser 184 emplois budgétaires de magistrats (49 en 1995, 53 en 1996, 82 en 1998) ainsi que 31 emplois de conseillers en service extraordinaire (dont 1 à la Cour de cassation ne résultant pas de la loi de programme) sur un total prévu de 300, dont 30 de conseillers en service extraordinaire, à l’échéance de ce plan.

Par ailleurs, afin de tenir compte des écarts de charge de travail relevés entre les juridictions, ou au sein des diverses fonctions d’une même juridiction, la chancellerie prend, depuis plusieurs années, des mesures de redéploiement et de transformation d’emplois. C’est ainsi que 27 mesures de ce type ont été réalisées depuis 1995. Pour l’année 1997, 30 emplois de magistrats ont été créés, mais ceux-ci n’ont fait l’objet d’une localisation qu’en 1998.

Au 1er juillet 1998, 6.172 emplois de magistrats, dont 30 emplois de conseillers en service extraordinaire, étaient répartis dans l’ensemble des juridictions de métropole et d’outre-mer, selon le tableau suivant :

EMPLOIS BUDGETAIRES DE MAGISTRATS

JURIDICTIONS

SIÈGE

PARQUET

AUTRE

TOTAL

Magistrat de la Cour de cassation

135

24

 

159

Magistrat au service de documentation et d’études

   

18

18

Secrétaire général

   

2

2

TOTALITÉ DES EMPLOIS DE LA COUR DE CASSATION

135

24

20

179

Magistrat des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel

918

248

 

1.166

Conseiller en service extraordinaire

30

   

30

Secrétaire général (cours d’appel de Paris et de Versailles : 2+2)

   

4

4

Magistrat placé

94

45

 

139

TOTALITÉ DES EMPLOIS DES COURS D’APPEL ET T.S.A.

1.042

293

4

1.339

Magistrat du siège non-spécialisé

2.469

   

2.469

dont emplois de magistrat chargé du service de l’instance

853

     

Juge du livre foncier

36

   

36

Juge d’instruction

571

   

571

Juge des enfants

329

   

329

Juge de l’application des peines

177

   

177

Magistrat du parquet

 

1.070

 

1.070

Emplois de secrétaire général (tribunal de grande instance de Paris)

   

2

2

TOTALITÉ DES EMPLOIS DES T.G.I. ET T.P.I.

3.582

1.070

2

4.654

ENSEMBLE DES EMPLOIS EN JURIDICTIONS

4.759

1.387

26

6.172

Hors les six emplois du Conseil supérieur de la magistrature, les deux emplois de l’Ecole nationale des greffes et les sept emplois non localisés.

Le projet de loi de finances pour 1999 marque une étape, sans précédent durant les quinze dernières années, par l’ampleur du renforcement des moyens en personnels des juridictions. Les 140 créations d’emplois doivent permettre de répondre à deux objectifs majeurs : la mise en œuvre des réformes (maisons de justice, politique de la ville et justice des mineurs, lutte contre le crime organisé, contentieux de la détention provisoire) ; l’amélioration du fonctionnement des juridictions (résorption des stocks, accélération des procédures pénales avec le traitement en temps réel, la transaction et le parquet des mineurs.

Les fonctionnaires des greffes

En 1998, un plan exceptionnel de recrutement a été mis en place. Ainsi, plus de 800 fonctionnaires seront recrutés d’ici le 31 décembre 1998, dont plus de la moitié aura pris ses fonctions à cette date, soit :

—  44 greffiers en chef,

—  240 greffiers, dont 100 postes offerts dans le cadre de concours régionalisés dans les cours d’appel de Douai, Paris et Versailles et 140 postes offerts dans le cadre d’un concours national ;

—  475 personnels de bureau et 70 fonctionnaires des filières techniques.

Ce recrutement va permettre de combler les vacances d’emploi existant au 31 décembre 1997, mais également de pourvoir les 230 emplois budgétaires créés par la loi de finances de 1998 (10 greffiers en chef, 90 greffiers, 130 personnels de bureau).

Ces emplois ont été localisés dans les juridictions selon les priorités suivantes : accompagnement d’emplois de magistrats, renforcement des services administratifs régionaux (S.A.R.), création de personnels placés près des chefs de cour, renforcement des effectifs des juridictions en fonction de l’évolution de la charge de travail. Ces mesures vont permettre de contribuer à résorber le stock des affaires en instance.

Par ailleurs, la création de 116 emplois de personnels de bureau placés constitue un outil de gestion des ressources humaines particulièrement adapté, qui permettra aux chefs de cour de suppléer aux absences liées aux congés de maladie, aux congés de maternité ou de formation.

Le maintien d’un flux constant de recrutement, permettant de stabiliser le taux de vacances autour de 2 % (2,72 % au 1er juin 1998), doit se concilier avec les impératifs de gestion des personnels qui supposent un volume minimum de vacances d’emplois, notamment pour favoriser la mobilité des agents et permettre la réintégration des fonctionnaires placés dans une autre position administrative que celle de l’activité.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour l’année 1999, la création de 230 emplois de fonctionnaires a été prévue. Ces emplois sont répartis à raison de 10 emplois de catégorie A, 112 emplois de catégorie B, 72 emplois de catégorie C, 35 techniciens spécialité informatique, un technicien spécialité équipement. Le solde net d’emplois créés pour les services judiciaires s’élève à 186, 44 emplois de catégorie C devant être transférés à l’administration pénitentiaire dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme des services d’insertion et de probation (S.I.P.).

Depuis 1989, les ratios magistrats/fonctionnaires sont les suivants :

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Magistrats

5.847

5.850

5.901

5.903

5.928

5.974

6.029

6.087

6.117

6.187

Fonctionnaires

16.41 6

16.46 7

16.83 9

16.29 8

16.91 6

16.90 3

16.92 6

17.39 2

17.46 0

17.68 6

Ratio

2,81

2,81

2,85

2,87

2,85

2,83

2,81

2,86

2,85

2,86

Le nombre de fonctionnaires retenu concerne uniquement les greffiers en chef, les greffiers, les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l’exclusion des agents de catégorie C-technique.

Par ailleurs, la réflexion sur l’évolution des métiers de greffes, l’extension des cas de délégation aux greffiers des attributions dévolues aux greffiers en chef et le guichet unique des greffes se poursuit.

2. Les juridictions administratives

Les magistrats

Avec 217 postes budgétaires depuis 1994, le nombre des membres du Conseil d’Etat a peu varié (– 3 depuis 1990).

Concernant les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, 115 emplois ont été créés de 1990 à 1994 pour tenir compte notamment de la création des cours administratives d’appel et de l’extension progressive de leurs compétences. En application de la loi de programme relative à la justice, 79 emplois de magistrats ont été créés de 1995 à 1998 et 56 recrutements temporaires ont été permis.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la création de 21 nouveaux emplois et 15 recrutements temporaires supplémentaires sont également prévus, ce qui portera à 71 le nombre total de recrutements temporaires.

Les agents du Conseil d’Etat et les agents des greffes

L’effectif budgétaire des agents du Conseil d’Etat a augmenté de 14 postes en 1991, en raison de la prise en charge de la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par le Conseil d’Etat. Cependant, il faut noter que l’effectif total du service chargé de cette gestion et du service des ordonnancements, créé depuis que le vice-président est devenu ordonnateur principal (décret du 22 février 1991), représente actuellement une trentaine de personnes et que le gel des emplois a pesé lourdement sur les effectifs réels jusqu’en 1994.

Le nombre de personnes affectées aux activités propres du Conseil d’Etat a donc, en réalité, diminué de 1990 à 1994 et les progrès accomplis pendant cette période, notamment l’augmentation significative du nombre des affaires jugées, proviennent uniquement des efforts de productivité et de la réorganisation du travail. Avec la loi de programme relative à la justice, 30 emplois ont été créés de 1995 à 1998, 8 nouvelles créations sont prévues au projet de loi de finances 1999, ce qui portera les effectifs budgétaires des agents à 325.

Les créations d’emplois d’agents de greffe, qui ont accompagné les créations d’emplois de magistrats, ont permis d’améliorer légèrement le ratio agent par magistrat, qui était particulièrement faible dans les juridictions administratives (1,15 en 1990).

De 1995 à 1998, 152 emplois de greffe ont été créés, auxquels s’est ajouté le transfert de 10 emplois, en provenance du ministère de l’intérieur, pour accompagner le transfert de charges résultant de la modification des modalités de taxation des commissaires enquêteurs, ce qui a porté les effectifs des greffes à 927 en 1998, soit un ratio de 1,4 agents par magistrat (si l’on ne prend pas en compte les magistrats recrutés à titre temporaire). Dans le projet de loi de finances, 32 créations d’emplois sont prévues : elles permettront de conserver ce ratio de 1,4 agent par magistrat.

III. — LES RÉFORMES CONDUITES PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Cette année, votre rapporteur s’intéressera plus particulièrement aux assistants de justice et aux assistants spécialisés (A), à la réorganisation du réseau des juridictions (B) et à la délivrance des certificats de nationalité (C).

A. LES ASSISTANTS DE JUSTICE ET LES ASSISTANTS SPÉCIALISÉS

Les assistants de justice (1) et les assistants spécialisés (2) permettent aux magistrats de se recentrer sur leurs fonctions juridictionnelles.

1. Les assistants de justice apportent un concours précieux aux magistrats

L’institution des assistants de justice se justifie par le souci de donner aux juges les moyens de se consacrer aux tâches essentielles qui ressortissent directement à leur compétence en leur apportant le concours de collaborateurs de haut niveau, afin d’accroître la qualité et l’efficacité de l’activité judiciaire.

L’article 20 de la loi no 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, prévoit la possibilité de recruter des assistants auprès des magistrats des tribunaux d’instance, des tribunaux de grande instance et des cours d’appel. Les assistants de justice sont recrutés, pour une durée de deux ans renouvelable une fois, parmi les personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant quatre années d’études supérieures en matière juridique et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions.

Le décret no 96-513 du 7 juin 1996 relatif aux assistants de justice prévoit, sous réserve de certaines incompatibilités, qu’ils apportent leur concours aux travaux préparatoires réalisés par les magistrats du siège et du parquet. La circulaire no SJ.96-AB1 du 18 juin 1996 précise ainsi qu’ils peuvent, notamment, être chargés d’effectuer des recherches documentaires et des analyses juridiques ou de rédiger des notes de jurisprudence, des notes de synthèse des dossiers et des projets de décisions sur les instructions, selon les indications des magistrats.

Les assistants de justice, dont le recrutement et la gestion sont déconcentrés au niveau des cours d’appel, sont indemnisés par l’allocation de vacations horaires dont le nombre ne peut excéder 80 par mois et 720 par an.

En 1996, 203 assistants de justice ont été recrutés, une dotation globale de 7.215.000 francs ayant été affectée à cet effet.

Compte tenu de l’intérêt présenté par ces fonctions, qui permettent un traitement plus rapide et plus efficace des contentieux et favorisent une interpénétration de l’institution judiciaire avec les universités, tout en offrant aux assistants de justice la possibilité d’effectuer une activité intéressante et variée, 100 assistants de justice supplémentaires ont été recrutés pour l’ensemble des cours d’appel au cours de l’année 1997, une dotation de 8.680.674 francs ayant été affectée à cet effet. Avec une dotation de 8.439.440 francs en mesure nouvelle, la loi de finances pour 1998 devrait permettre d’assurer un nouveau recrutement de 220 assistants de justice.

Pour l’année 1999, le projet de loi de finances prévoit un effort particulier pour le recrutement de 400 assistants de justice supplémentaires, grâce à une dotation de 15,6 millions de francs.

L’analyse des rapports transmis par les cours d’appel relatifs à l’activité des assistants de justice conforte totalement les tendances qui ressortaient déjà du bilan pour 1996. Il est ainsi confirmé que le concours apporté par ces collaborateurs a donné entière satisfaction et répondu à un besoin fortement exprimé par les magistrats ainsi déchargés de certaines tâches répétitives ou de recherches longues. Dans leur majorité, les magistrats des juridictions qui ont bénéficié d’assistants de justice s’attachent à souligner la qualité des travaux qu’ils ont exécutés sous leur autorité.

On relève que les tâches qui leur ont été confiées correspondent à celles prévues et décrites dans la circulaire du 18 juin 1996 : recherche de documentation et de jurisprudence, rédaction de notes de synthèse des dossiers et rédaction de projets de décisions ou de réquisitoires sur les instructions des magistrats auprès desquels ils sont affectés.

Par ailleurs, il est fréquent que les travaux suivants soient également confiés aux assistants de justice :

—  pré-traitement du courrier pénal général (recherches de précédents, avis de classement, suivi administratif des actes d’enquête en cours et des expertises parquet…), tri des dossiers audiencés après la loi d’amnistie, proposition de recours aux procédures de médiation-réparation ;

—  gestion de la médiation pénale (traitement des procédures à leur retour, relances des associations) ;

—  réalisation de bibles des doctrines ou des jurisprudences au niveau de la juridiction ou de la cour ;

—  tenue de statistiques diverses ;

—  assistance du président et du procureur dans leur mission de correspondant départemental pour la justice à la politique de la ville ;

—  tenue et gestion des bibliothèques et des fonds documentaires.

Si les assistants de justice ont trouvé utilement leur place dans les services auxquels ils ont été affectés (différentes chambres de la cour, services du parquet ou du siège), il est apparu en revanche que la présence d’assistants de justice n’est pas adaptée au service de l’instruction en raison notamment de la spécificité de la procédure.

Les demandes d’assistants de justice par les juridictions sont en forte augmentation. Il convient de souligner l’important “ turn-over ” des assistants, qui abandonnent cette fonction dès qu’ils trouvent un emploi stable.

2. Les assistants spécialisés vont renforcer les moyens des pôles économiques et financiers

L’article 91 de la loi no 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier a créé les fonctions d’assistant spécialisé. Le renfort de ces personnes sera particulièrement précieux pour les plus importantes des juridictions spécialisées en matière économique et financière. Le décret d’application qui est en cours d’élaboration sera soumis au Conseil d’Etat dans les semaines à venir.

Il est envisagé dans un premier temps de recourir aux services de fonctionnaires mis à disposition par le ministère de l’économie et des finances et par la Banque de France. D’ores et déjà, des contacts ont été établis entre la chancellerie et les directions générales des impôts, des douanes et droits indirects, de la comptabilité publique, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi qu’avec la Banque de France : des appels à candidatures accompagnés de profils de postes ont été diffusés dans les services.

Le ministère de la justice a demandé la mise à disposition de 25 fonctionnaires par an pendant trois ans en vue de leur affectation en priorité dans les tribunaux de Paris, Bastia et Nanterre, puis dans ceux de Bordeaux, Lyon, Fort-de-france et Marseille. Les possibilités de recrutement de personnes en provenance du secteur privé, permis par la loi, sont par ailleurs étudiées au regard, notamment, des contraintes budgétaires.

La constitution de véritables pôles économiques et financiers est en cours. Le dispositif pourra être progressivement étendu à d’autres juridictions au vu de l’expérience acquise. Ce renforcement des moyens des juridictions spécialisées devrait permettre de favoriser leur saisine pour toutes les affaires complexes qui leur échappent actuellement.

B. LA RÉORGANISATION DU RÉSEAU DES JURIDICTIONS

La réorganisation du réseau des juridictions passe par le développement des audiences foraines et l’institution de chambres détachées (1) ainsi que par la refonte de la carte judiciaire (2).

1. Les audiences foraines et les chambres détachées se sont développées

Dans la perspective d’une meilleure adaptation de la carte judiciaire aux besoins des justiciables, la loi no 95-125 du 8 février 1995 a prévu la mise en place de mécanismes d’organisation permettant de dégager des solutions locales souples de nature à répondre aux situations diverses sur le terrain et propres à maintenir une justice de proximité.

En application de cette loi, le décret no 96-157 du 27 février 1996 modifiant le code de l’organisation judiciaire a précisé les modalités d’organisation et de fonctionnement des audiences foraines et des chambres détachées des tribunaux de grande instance.

Emanation du tribunal de grande instance, la chambre détachée, dont le siège et le ressort seront fixés par décret en Conseil d’Etat, a pour vocation de juger les affaires civiles et pénales de son ressort, à l’exclusion de tout exercice propre de l’action publique.

Elle n’est pas dotée d’un effectif propre, les magistrats appelés à y exercer leurs fonctions étant nommés au tribunal de grande instance dont elle relève. En conséquence, les magistrats chargés de la présidence et du service de la chambre détachée peuvent être appelés à participer à l’activité du tribunal de grande instance, dont ils sont membres de l’assemblée générale. De la même façon, les fonctions du ministère public sont assurées par les magistrats du parquet du tribunal de grande instance.

Pour ce qui concerne la généralisation à l’ensemble des juridictions de l’ordre judiciaire de la possibilité de tenir des audiences foraines, la loi du 8 février 1995 introduit une grande souplesse dans la localisation des audiences et permet d’assurer une présence judiciaire ponctuelle dans les lieux où le besoin de justice de proximité est avéré.

Ainsi, le décret du 27 février 1996 précité confie au premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, le soin d’apprécier, en fonction des nécessités et des contingences locales, le lieu, le jour et la nature des audiences foraines que peuvent tenir les juridictions du ressort.

Un premier bilan établi avec la collaboration des juridictions fait état de l’organisation pour l’année 1996, dans 121 juridictions du premier degré, de 183 services d’audiences foraines avec des périodicités variant d’une audience par semaine à une audience par mois. Ces services d’audiences concernent pour 88 d’entre eux la justice des mineurs. Il convient de relever que la moitié de ces audiences foraines était déjà organisée sur la base des anciens textes, en matière d’assistance éducative, de tutelles aux prestations sociales et d’affaires civiles du tribunal d’instance.

2. La réforme de la carte judiciaire commencera d’être mise en œuvre dès 1999

La révision de la carte judiciaire constitue un sujet difficile sur lequel de nombreux travaux ont déjà été effectués et qui se heurte à des obstacles importants : poids de l’histoire et des habitudes, intérêts de certaines professions au statu quo, résistances locales sous couvert de justice de proximité. Ces réticences, parfois légitimes, ne peuvent conduire à différer encore un travail qui s’inscrit pleinement dans le cadre de la réforme de l’Etat et dans la politique de la ville, et qui constitue parfois un préalable à la réforme du fonctionnement même de la justice.

C’est en raison de ces exigences qu’un délégué à la réforme de la carte judiciaire a été nommé le 24 mars 1998. Placé auprès du directeur des services judiciaires, afin d’assurer une parfaite cohérence entre les découpages géographiques et l’évolution de l’organisation judiciaire, il dispose d’une équipe d’experts (statisticien, informaticien, démographe, géographe-cartographe) désormais en fonctions. Il s’agit en effet de recueillir un nombre d’indicateurs significatifs sur les juridictions et leur environnement, afin que les mesures à prendre soient objectivement fondées.

La mission prioritaire concerne la rationalisation de la carte des tribunaux de commerce, domaine où le fonctionnement des juridictions appelle une action urgente. Le rapport récent de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale et celui des inspections générales des finances et des services judiciaires donnent plus d’acuité encore à l’urgence d’une intervention en ce domaine. Constatant que la moitié des juridictions consulaires les moins actives se situent dans les ressorts de quelques cours d’appel, des investigations approfondies y ont été engagées ; le cas échéant, la situation d’autres tribunaux situés dans les ressorts de ces cours d’appel est également examinée. Une concertation avec toutes les parties directement concernées a lieu depuis le mois de septembre, permettant de prendre les premières décisions dès la fin de 1998. La situation de juridictions situées dans d’autres ressorts pourra faire l’objet de décisions ponctuelles, en fonction de contingences locales.

L’année 1999 sera consacrée à parachever sur le reste de la France ce travail d’investigation, de dialogue et de décision, essentiellement en matière commerciale. Les prochaines mesures tiendront compte des spécificités culturelles et géographiques locales ; elles n’obéiront pas à des principes qui ignoreraient la diversité du territoire. Elles auront pour objet de donner au pays des juridictions conformes à ses besoins actuels : les juges et les tribunaux doivent être proches des lieux où se réalise l’activité économique et où se concentre la population.

C. LA DÉLIVRANCE DES CERTIFICATS DE NATIONALITÉ FRANÇAISE

Le nombre des certificats de nationalité délivrés n’a cessé d’augmenter (1) et il est urgent de prendre des mesures pour réduire les difficultés rencontrées (2).

1. Le nombre de certificats de nationalité a augmenté de 20 % en six ans

Le certificat de nationalité française depuis 1945 est la seule preuve juridique de la nationalité française : il fait foi jusqu’à preuve du contraire.

Le nombre de certificats de nationalité française délivrés progresse depuis plusieurs années : de 194.353 en 1990, il est passé à 233.209 en 1996, soit une progression de 20 % en six ans. A la fin de l’année 1996, le stock des demandes en cours de traitement s’élevait à 168.263 contre 98.199 fin 1995. Le taux global de refus se situe aux environs de 1 % ; en 1996, les refus ont représenté 1,6 % des dossiers traités.

Sur sept ans, l’augmentation de la charge des services de la nationalité des tribunaux d’instance a été de l’ordre de 27 %, mais le nombre des demandes comptabilisées est sous-estimé par rapport à la réalité car seules sont enregistrées les demandes accompagnées ou complétées de l’ensemble des pièces nécessaires à l’examen de la situation de l’intéressé.

Par ailleurs, les recours gracieux contre le refus de délivrance des certificats traités par le bureau de la nationalité au ministère de la justice sont passés d’un peu plus d’une centaine en 1994, à 201 en 1995 et à 465 en 1996. En ce qui concerne le contentieux soumis aux juridictions de l’ordre judiciaire, il a cru dans des proportions équivalentes, avec environ 400 procédures nouvelles en 1990, 1.346 en 1994, 1.144 en 1995 et 1.248 en 1996. On a donc assisté à un triplement des recours gracieux soumis au ministère de la justice et à un quadruplement des procédures engagées devant les juridictions de l’ordre judiciaire.

Pour l’établissement du certificat de nationalité française, le délai moyen est de trois mois mais il peut dépasser deux ans pour les situations les plus complexes. L’augmentation du nombre des demandes peut s’expliquer principalement par la mise en place généralisée de la carte d’identité sécurisée et par la volonté des personnes originaires des anciens territoires ou départements d’outre-mer de s’assurer de leur nationalité française.

2. Des mesures vont être prises pour réduire les difficultés rencontrées lors de la délivrance d’un certificat de nationalité française

Les principales difficultés résident dans l’éclatement des circuits de délivrance des certificats de nationalité, la multiplicité des acteurs, une informatisation inégale, l’absence d’un fichier central et l’accueil des usagers.

L’éclatement des circuits de délivrance des certificats de nationalité française

La compétence en matière de délivrance des certificats de nationalité française est actuellement éclatée entre les 225 tribunaux d’instance spécialisés en la matière, compétents en raison du domicile du demandeur. Le service de la nationalité du tribunal d’instance du 1er arrondissement de Paris est compétent pour les personnes nées et résidant à l’étranger et les services de la nationalité des tribunaux d’instance de Bordeaux, Marseille, Montpellier, Nîmes et Saint-Denis-de-la-Réunion sont compétents pour les personnes nées et résidant au Maroc, en Algérie, en Tunisie et à Madagascar.

La multiplicité des acteurs

Une préfecture peut préférer exiger la présentation d’un certificat de nationalité française plutôt que d’apprécier la situation du demandeur au regard du droit de la nationalité française. Le greffier en chef sollicité pour la délivrance d’un certificat de nationalité française pourra lui-même être amené à consulter le ministère de l’emploi et de la solidarité afin de vérifier qu’une faculté de répudiation de la nationalité française n’a pas été exercée ou encore le ministère des affaires étrangères afin d’obtenir la délivrance d’un acte d’état civil. Cette multiplicité d’intervenants génère donc une lenteur dans le traitement du dossier préjudiciable à l’usager et un travail accru pour les administrations concernées.

Une informatisation inégale

Certaines juridictions ne sont pas encore informatisées, tandis que d’autres utilisent des logiciels spécifiques mis au point par des sociétés de services. L’installation progressive des tribunaux d’instance compétents du logiciel NATI, élaboré par le bureau de la nationalité, doit permettre de réduire le délai de traitement des dossiers et d’harmoniser le traitement des dossiers.

L’absence d’un fichier central

L’établissement des certificats de nationalité souffre de l’absence d’un fichier central unique, consultable à distance et regroupant toutes les décisions rendues en matière de nationalité aussi bien pour les acquisitions ou pertes de la nationalité française que pour la délivrance antérieure des certificats de nationalité française.

L’accueil et l’information de l’usager

Des améliorations sont nécessaires afin de ne réclamer à l’usager que les pièces strictement utiles à l’examen de sa demande et de lui expliquer le sens et le bien fondé des pièces réclamées.

Ces difficultés ont conduit M. Jean-Pierre Brard à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de délivrance de certificats de nationalité française. Examinée le 2 juillet dernier par la commission des lois, son auteur a finalement accepté de la retirer provisoirement, dans l’attente de mesures annoncées par la ministre de la justice.

Une circulaire sur l’amélioration des conditions de délivrance des certificats de nationalité est sur le point d’être diffusée auprès des juridictions. Elle devrait inciter les greffiers en chef à prendre l’habitude, alors que cette démarche n’est pas encore suffisamment répandue, de privilégier le raisonnement qui pourra aboutir le plus efficacement, et avec le moins de contraintes pour l’usager, à la satisfaction de sa demande.

Ainsi est-il préférable d’appliquer, lorsque cela est possible, les dispositions légales fondées sur le droit du sol, qui ne nécessitent la production que de quelques pièces souvent faciles à obtenir, aux lieu et place des dispositions fondées sur la filiation, qui entraînent nécessairement une instruction plus longue et plus complexe du dossier. De même, lorsque la nationalité française de l’intéressé ne peut avoir sa source que dans la filiation, il est souvent plus facile pour le requérant et l’un de ses parents de rassembler des éléments de possession d’état que de remonter la chaîne des filiations et de rechercher les actes d’état civil correspondants.

Par ailleurs, un effort tout particulier devrait être réalisé dans les modalités d’accueil des personnes concernées afin d’éviter que celles-ci aient le sentiment de faire l’objet de tracasseries administratives inutiles et attentatoires à leur vie privée. C’est pourquoi une structure permettant un accueil personnalisé va être mise en place et la pratique d’un entretien individuel, accompagné d’explications sur la situation de l’intéressé au regard du droit de la nationalité et sur la pertinence des pièces demandées, va être développée de manière systématique.

Enfin, le bureau de la nationalité de la direction des affaires civiles et du sceau, conjointement avec le bureau des services informatiques de la direction de l’administration générale et de l’équipement, a élaboré le logiciel NATI, comprenant un programme d’aide à l’instruction des demandes de certificats de nationalité française avec des modèles et une importante partie documentaire : référence aux textes applicables, commentaires juridiques et pratiques des principales difficultés. A partir de novembre 1998, la direction des services judiciaires va procéder à l’installation progressive de ce logiciel dans les tribunaux d’instance compétents en matière de nationalité.

Enfin, la création de dix emplois de greffier en chef prévue par la loi de finances pour 1999 devrait contribuer à améliorer la situation.

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Avant d’émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l’audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame Elisabeth Guigou, garde des sceaux, s’est réjouie du fait que son ministère bénéficie, dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement de mener une réforme d’ensemble de la justice, d’une progression encore plus marquée pour 1999 que pour l’année précédente. Après avoir souligné que les crédits totaux de la Justice augmenteraient en 1999 de 1 milliard 400 millions, soit une progression de 5,6 % dans un contexte de progression du budget général de l’Etat de 2,3 %, elle a ajouté que la Justice bénéficierait de la plus forte création d’emplois parmi tous les ministères, 930 créations d’emplois contre 752 en 1998. Elle a indiqué que les mesures nouvelles affectées au fonctionnement des services s’élevaient à 394 millions, soit 75 millions de plus qu’au budget 1998, précisant qu’en matière d’équipements, la Justice se situait au premier rang après le secteur des transports pour les investissements civils directs de l’Etat, avec 1,7 milliard d’autorisations de programmes nouvelles et une augmentation des crédits de paiement de l’ordre de 13 %. Elle a enfin annoncé que des mesures substantielles avaient été prévues en faveur des personnels, avec plus de 70 millions de crédits indemnitaires et statutaires prévus pour 1999.

S’agissant des services judiciaires, elle a déclaré que les moyens nouveaux dégagés devraient permettre à la fois de financer les réformes de la justice soumises au Parlement et de remettre à niveau le fonctionnement des juridictions, faisant observer que le rythme de ces réformes était soutenu puisque l’Assemblée a été saisie du projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale et du projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et des droits des victimes tandis que le Sénat a déjà examiné le projet relatif à la simplification des procédures pénales. Elle a ainsi annoncé que la possibilité pour les personnes placées en garde à vue de bénéficier d’un avocat dès la première heure serait financée au titre de l’aide juridictionnelle par une mesure nouvelle de 20 millions de francs, et a ajouté que la création de la fonction de juge de la détention serait mise en œuvre par l’affectation de la moitié des postes de magistrats nouvellement créés. En matière d’amélioration du fonctionnement des juridictions, elle a fait remarquer que le projet de loi de finances pour 1999 accentuait l’effort entrepris de renforcement des moyens en personnel avec la création de 140 emplois de magistrats, soit le nombre le plus élevé des quinze dernières années et un doublement de l’effort réalisé en 1998. A cet égard, elle a précisé que les recrutements seraient accélérés grâce à l’organisation de deux concours exceptionnels en 1998 et 1999, tandis que 185 postes seraient offerts au concours d’entrée à l’E.N.M. pour 1999. Elle a par ailleurs annoncé que ces créations d’emplois seraient accompagnées de 230 nouveaux emplois de fonctionnaires, dont 122 greffiers et greffiers en chef et 35 techniciens informatiques, et que les effectifs des juridictions se verraient renforcés par 400 assistants de justice supplémentaires, ce qui portera leur nombre à 950. Elle a par ailleurs précisé qu’une enveloppe de 18 millions de francs avait été dégagée pour financer la réforme du statut de la magistrature destinée à améliorer le déroulement de carrière et la mobilité des magistrats, alors même que cette réforme initiée par son prédécesseur n’avait pas reçu les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Elle a en outre évoqué l’augmentation de 64,4 millions de francs de la dotation de fonctionnement des juridictions, ainsi que la hausse de l’effort d’investissement en autorisation de programmes avec 673 millions de francs contre 567 en 1998 et la stabilisation des crédits de paiement avec 961 millions de francs contre 976 en 1998. En matière de construction et de mise en sécurité des juridictions, elle a fait part du lancement de la construction des palais de justice de Toulouse, Besançon et Rodez, de l’achèvement des chantiers de Rennes, Grasse, Nantes et Nice et d’une dotation de 80 millions de francs pour la poursuite du programme de sécurité au palais de justice de Paris.

La ministre de la justice a ensuite détaillé les conditions de mise en œuvre des politiques judiciaires. Elle a ainsi expliqué que la plupart des mesures innovantes en matière pénale serait financée au titre du chapitre des frais de justice, dont les crédits se montent à 1 milliard 776 millions de francs pour 1999, soit une hausse de 121 millions de francs et une mesure nouvelle de 42 millions de francs. Elle a fait observer que cette hausse devrait permettre l’amélioration du contrôle judiciaire socio-éducatif, des enquêtes sociales ou de personnalités, le développement des alternatives aux poursuites avec la médiation pénale et les classements sous condition ainsi que la relance de la politique pénale d’aide aux victimes prévue par une circulaire du 13 juillet 1998. En matière civile, elle a annoncé que le chapitre de l’aide juridictionnelle en hausse de 215 millions de francs bénéficiait d’une mesure nouvelle de plus de 97 millions de francs destinée à la mise en œuvre des réformes législatives en cours ou récemment adoptées, telles que la réforme de l’accès au droit ou la loi relative à la lutte contre les exclusions. Elle a, par ailleurs, rappelé qu’un décret relatif à la procédure civile serait prochainement publié en vue de remédier à l’engorgement des cours et tribunaux, notamment en redéfinissant les compétences matérielles des juridictions et en transférant une partie du contentieux des tribunaux de grande instance vers les tribunaux d’instance. Elle a également fait état du développement des modes alternatifs de règlement des conflits en citant successivement l’augmentation notable des crédits consacrés à la médiation familiale, qui passent de 1,75 millions de francs en 1998 à 3,45 millions pour 1999, et la création de huit nouveaux conseils départementaux d’aide juridique dont le rôle sera renforcé par le projet de loi relatif à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits en cours d’examen par le Parlement. Enfin, elle a annoncé que l’inspection générale des services judiciaires recevrait cinq postes supplémentaires et que le budget des juridictions administratives devrait permettre la création de vingt et un emplois de magistrats, de quarante emplois d’agents de greffe, le financement du recrutement à titre temporaire de quinze magistrats, la création au titre des crédits d’investissements de la nouvelle cour administrative d’appel de Douai ainsi que l’installation définitive du tribunal administratif de Melun.

Tout en saluant l’augmentation du budget de la justice pour 1999, le rapporteur pour avis a rappelé le souhait de la majorité de voir porter ce même budget à environ 30 milliards de francs pour la fin de la législature. Il a insisté sur la nécessité d’ouvrir les moyens financiers permettant la mise en place effective des réformes engagées, regrettant qu’un tel principe n’ait pas été respecté pour la réforme de la cour d’assises, sous la précédente législature. Rappelant le nombre de décisions de justice rendues annuellement, il a considéré que la majeure partie de la population était essentiellement concernée par les deux millions de décisions de nature civile. Après avoir émis le vœu de recevoir dès que possible les réponses manquantes au questionnaire budgétaire, le rapporteur a, tout d’abord, interrogé le ministre sur la gestion des personnels, s’étonnant en particulier des différences de traitement constatées au détriment des magistrats affectés en administration centrale par rapport aux personnels administratifs occupant des postes similaires. Il a ensuite attiré l’attention de la ministre sur le recrutement croissant de vacataires du service public de la justice, regrettant que, dans certains cas, ceux-ci accomplissent des tâches qui excèdent leur vocation, telle que la rédaction des arrêts. Il a de surcroît fait observer que, à terme, cette situation pourrait susciter des demandes tendant à la création de corps permanents composés de ces vacataires ou contractuels.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a rappelé que l’opposition, tout en plaidant pour une stabilisation en francs constants des dépenses publiques, estimait néanmoins que les grandes fonctions régaliennes constituaient une priorité. A cet égard, il s’est interrogé sur l’opportunité de proposer au Parlement une programmation pluriannuelle afin de mesurer les besoins et de planifier les moyens budgétaires correspondant. Reconnaissant que les lois de programmation faisaient l’objet d’une application souvent aléatoire, il a cependant fait valoir que celles-ci constituaient un instrument utile pour les ministères dépensiers au moment des arbitrages budgétaires.

Après s’être félicité de l’augmentation du budget de la justice qui permet de combler une partie du retard accumulé ces dernières années, M. Louis Mermaz s’est interrogé sur l’évolution de la carte judiciaire. Il a souhaité savoir quels seraient les moyens consacrés aux juges de la détention provisoire afin qu’ils puissent étudier de manière approfondie les dossiers.

Se déclarant sceptique sur l’efficacité du budget proposé, M. Jean-Luc Warsmann s’est interrogé sur le caractère suffisant du nombre de postes pour les juges de la détention provisoire. Il a estimé nécessaire d’améliorer la visibilité de la politique judiciaire et d’anticiper les besoins financiers, comme par exemple pour la réforme des tribunaux de commerce. Evoquant le nombre de mineurs interpellés, il s’est demandé si les mesures prévues étaient à la hauteur des difficultés que connaissent certains quartiers. Il a ensuite souhaité connaître le nombre de magistrats en fonction et celui de postes non pourvus.

Après s’être félicité de l’augmentation du budget de la justice, M. Alain Tourret a souhaité que des moyens soient débloqués pour le développement de la vidéo-conférence dans les tribunaux. Faisant valoir que la justice devait participer à l’aménagement du territoire, il s’est inquiété du fait que les pouvoirs publics envisagent de supprimer des tribunaux et des postes de police ou de gendarmerie dans sa circonscription.

Considérant que le budget présenté cette année était le meilleur budget depuis longtemps, M. Gérard Gouzes a souhaité savoir s’il existait un plan de développement informatique, indispensable pour moderniser l’administration judiciaire, et des moyens pour former les personnels. Il s’est interrogé sur le statut des 400 assistants de justice et a demandé des précisions sur la réforme des tribunaux de commerce. Il a enfin souhaité savoir où en était la réforme des cours d’assises.

Après avoir souligné que le budget de la justice progressait de manière significative, même si cette progression était inférieure à celle du budget de l’environnement, d’un volume certes plus réduit, M. Pascal Clément a regretté que les créations d’emplois concernent principalement les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse, les magistrats étant comme d’habitude les moins bien traités. Il a souhaité savoir si la réforme, qui a permis de passer de quatre à deux grades dans la magistrature, était considérée au sein de ce corps comme un élément d’amélioration de la carrière. Faisant valoir que les meilleurs magistrats étaient à Paris, il a souhaité savoir si l’E.N.M., école d’application, resterait définitivement à Bordeaux. Après avoir évoqué le problème des tribunaux de grande instance de son département, il a demandé si la réforme des cours d’assises avait été abandonnée pour des motifs financiers ou en raison d’un désaccord de fond.

Après avoir fait part de sa satisfaction de voir le budget de la justice augmenter, M. Jacky Darne a néanmoins remarqué que quelques points faibles demeuraient concernant en particulier le suivi des décisions de justice. Il a ensuite soulevé la question du partage des financements entre les communes et le ministère de la justice à propos de la création des maisons de justice, dont la charge essentielle échoit aux budgets municipaux. Enfin, il a souhaité que soit simplifié le mode de répartition des compétences entre les différents ministères qui interviennent pour la délivrance de pièces d’identité, la complexité actuelle des procédures administratives qui associent plusieurs ministères, suscitant des difficultés, notamment pour les ressortissants algériens.

M. Emile Blessig a constaté que le montant du budget affecté à l’aide juridictionnelle était important puisqu’il atteignait 1,44 milliard, marquant une augmentation de 215 millions. Il s’est cependant interrogé sur les conséquences budgétaires que pourrait avoir la réforme relative à la présomption d’innocence se demandant en particulier sur quelles bases statistiques avait été calculé le coût de l’intervention de l’avocat lors de la première heure de la garde à vue, évalué à 20 millions de francs.

Mme Christine Lazerges a exprimé tout d’abord sa satisfaction de voir que, dans la circulaire du 15 juillet 1998, un grand nombre de ses propositions avaient été reprises. Elle a jugé que la création de 200 postes de délégués du Procureur était suffisante pour une première année, soulignant qu’il convenait d’organiser sérieusement leur recrutement et leur formation. Enfin, elle a souhaité savoir si les 3 millions de francs affectés à la médiation familiale permettraient la mise en place de nouvelles associations orientées vers la médiation ou favorisant la réparation.

M. Philippe Houillon s’est tout d’abord félicité de la progression du budget de la justice. Il s’est néanmoins interrogé sur l’affectation des 140 nouveaux magistrats, se demandant en particulier s’ils allaient constituer un renfort ou plutôt être employés à de nouvelles tâches. Il a souhaité connaître les conséquences de la réforme annoncée des tribunaux de commerce sur ces affectations. Il a conclu en faisant état des sous-effectifs dont le tribunal de grande instance de Pontoise souffrait.

M. Jérôme Lambert a jugé nécessaire de développer une vision à long terme de l’évolution du ministère de la justice qui constitue un pilier de notre régime démocratique. Concernant la réforme visant à instaurer une procédure d’appel des jugements des cours d’assises, il s’est demandé si un assouplissement de la procédure de révision ne pourrait pas constituer une solution simple et pragmatique à cette question. Il a également souhaité avoir des précisions sur la réforme de la profession des commissaires-priseurs.

Rappelant les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’emploi des fonds publics en Corse, M. Christian Paul a souligné que depuis une année des moyens nouveaux avaient été mis en œuvre. Il a souhaité connaître quelles étaient, en la matière, les intentions du ministre pour 1999, en particulier en ce qui concerne les moyens en personnel, la situation de l’immobilier et la sécurité des magistrats en Corse.

Mme Catherine Tasca, Présidente, s’est réjouie que les commissaires aient pu poser un grand nombre de questions de fond à la ministre. Elle a considéré que cela témoignait du grand intérêt que la commission des Lois attachait au budget du ministère de la justice. Elle a souhaité savoir si une réflexion était en cours sur l’évolution de la politique globale de formation des métiers de la justice, prenant l’exemple de la réforme des tribunaux de commerce ou de la création de postes de délégués du procureur de la République qui nécessitent des formations spécifiques.

En réponse aux questions des commissaires, la ministre de la justice a apporté les précisions suivantes :

—  La comparaison entre le budget de la justice et celui de l’Etat n’est pas vraiment pertinente. Ce dont la justice a le plus besoin c’est de créations d’emplois pour les services judiciaires, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse ; or, ce n’est pas ce qui coûte le plus cher.

—  Les emplois d’assistant de justice sont exclusivement confiés à des étudiants en D.E.A. ou en thèse qui ont vocation à poursuivre leurs études ou à passer le concours externe de magistrat mais en aucun cas à intégrer le corps judiciaire par la voie interne.

—  Toutes les réformes en cours et à venir seront accompagnées des moyens nécessaires à leur bonne application.

—  Des efforts restent à faire pour harmoniser le statut des fonctionnaires, originaires de différents corps, qui travaillent à l’administration centrale et pour rendre plus attractives les primes perçues par les administrateurs civils et les attachés d’administration centrale, d’autant plus que de nombreux magistrats sont sollicités pour travailler dans des organismes extérieurs au corps judiciaire.

—  Les lois de programmation pluriannuelles donnent plus souvent lieu à des effets d’annonce qu’à des résultats effectifs. Il est préférable de faire preuve d’une volonté politique confirmée année après année par l’obtention de moyens supplémentaires que de définir des objectifs chiffrés pour les cinq années à venir sans assurance qu’ils seront respectés.

—  La réforme de la carte judiciaire repose sur une méthode nouvelle tenant à l’analyse précise des données géographiques, démographiques et économiques et non sur un a priori de départementalisation. Elle s’inscrit dans une démarche interministérielle car il doit être tenu compte des autres réformes en cours ayant des incidences au plan local.

—  La révision de la carte judiciaire des tribunaux de commerce devrait être terminée dès la fin de l’année 1999. Quant à la réforme des tribunaux eux-mêmes, un projet de loi devrait être prêt à la fin du premier semestre de cette même année. Compte tenu de la nécessité de revoir le statut des professions judiciaires impliquées dans le fonctionnement de ces tribunaux, l’ensemble de la réforme devrait pouvoir entrer en vigueur au début de l’an 2000. Le ministère des finances a d’ores et déjà donné son accord pour la création de 350 emplois de magistrats professionnels supplémentaires et l’Ecole nationale de la magistrature va organiser une formation spécifique.

—  Le taux de vacances est actuellement d’environ 3 %, mais il devrait être inférieur en 1999 compte tenu du recrutement de 265 magistrats (dont 100 par concours exceptionnels et 145 par la voie de l’E.N.M.) pour seulement 70 départs à la retraite. Les créations de postes de magistrats se sont élevées à 60 en 1995 et 1996, 30 en 1997, 70 en 1998 et 140 en 1999.

—  La visio-conférence est certainement une méthode de travail qui mériterait d’être développée.

—  Le plan d’informatisation est poursuivi ; en 1998, 500 magistrats ont été équipés d’ordinateurs.

—  Une circulaire sur l’état civil a été envoyée dans les services concernés mais sans doute conviendrait-il de rechercher encore des améliorations.

—  Dans le Val d’Oise, les postes vacants de magistrats seront proposés au prochain mouvement de janvier 1999 et les postes vacants de greffiers à la commission administrative paritaire de décembre prochain. A Bastia, tous les postes de magistrats viennent d’être pourvus et les assistants spécialisés affectés au pôle économique et financier vont arriver sous peu. Seuls les travaux de rénovation du palais de justice ont pris du retard, la procédure d’appel d’offres devant être réengagée.

—  Les critères objectifs de répartition des magistrats par juridictions seront rendus publics par circulaire.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la justice pour 1999 concernant l’administration centrale et les services judiciaires.

ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

REÇUES PAR LE RAPPORTEUR

—  Association des greffiers en chef des tribunaux d’instance

—  Association professionnelle des magistrats

—  Fédération générale de l’administration de l’Etat - F.O.

—  Syndicat C.G.T. des chancelleries et des services judiciaires

—  Syndicat des greffiers de France

—  Syndicat de la juridiction administrative

—  Syndicat de la magistrature

—  Union syndicale autonome justice (U.S.A.J.)

—  Union syndicale des magistrats

—  Union syndicale des magistrats administratifs

Les représentants de la Fédération justice C.F.D.T. ont été dans l’impossibilité de se déplacer.

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