N° 1115

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME VII
OUTRE-MER
DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

PAR M. JÉRÔME LAMBERT,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1111 (annexe 36).

Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — L’ÉVOLUTION DES D.O.M. DEPUIS LES LOIS DE DÉCENTRALISATION 6

A. UN FORT RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE, ASSURANT UN BON NIVEAU DE REVENUS 6

1. Une croissance forte, quoique devenue moins régulière 7

2. Un niveau de vie supérieur à celui de l’environnement 9

3. Une structure économique qui se rapproche de celle de la métropole 12

4. Une croissance soutenue par des transferts publics réguliers 13

B. DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES DÉBOUCHANT SUR DES TENSIONS SOCIALES 15

1. Une capacité encore insuffisante de l’appareil productif 15

2. Le dynamisme démographique 16

3. Un niveau élevé de chômage structurel 19

4. Du chômage à la précarité 20

C. LE DÉBAT INSTITUTIONNEL ET L’ALIGNEMENT JURIDIQUE 22

1. La décentralisation : prévalence du principe d’assimilation et difficultés financières 22

2. L’application du droit communautaire : consolidation progressive du principe d’adaptation 27

3. La réalisation progressive de l’égalité sociale 31

4. La poursuite de l’alignement juridique 32

II. — LE RÔLE DU SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’OUTRE-MER : L’ÉVOLUTION DE SON RÔLE, LA CROISSANCE DE SON BUDGET, SES CHANTIERS POUR 1999 34

A. LE SECRÉTARIAT À L’OUTRE-MER : UN RÔLE RECENTRÉ SUR L’ACTION BUDGÉTAIRE 35

1. Une mission de souveraineté : assurer la présence de la République et le respect de la loi outre-mer 36

2. Une mission de développement économique et social outre-mer 38

B. UN BUDGET RENFORCÉ POUR 1999 39

1. Des évolutions d’ensemble très dynamiques 39

2. Les principales dotations relatives aux D.O.M. 46

C. L’ÉVOLUTION DU STATUT DE MAYOTTE ET LES RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES DANS LES D.O.M. 53

1. Mayotte : une société et une économie en développement rapide 53

2. La nécessité d’une réforme prochaine du statut de Mayotte 58

3. La question de la “ bidépartementalisation ” à la Réunion 60

EXAMEN EN COMMISSION 62

MESDAMES, MESSIEURS,

Le secrétariat d’Etat à l’outre-mer est traditionnellement un organe de coordination, d’élaboration juridique et d’impulsion interministérielle. Il est aussi, et de plus en plus, un organe d’intervention économique. Son budget d’intervention et d’investissement est devenu significatif et dispose d’un atout : sa concentration sur un nombre limité d’objectifs prioritaires, tenant compte de la situation particulière de l’outre-mer français. Ses points forts sont les aides à l’emploi, l’insertion et le logement social.

Or ces priorités rejoignent celles que le Gouvernement a assignées au budget de la Nation : croissance, emploi, justice sociale. C’est pourquoi, pour la deuxième année consécutive, les crédits que le secrétariat d’Etat prévoit de consacrer aux départements et collectivités territoriales d’outre-mer connaissent une impressionnante progression. Ils atteignent 4,56 milliards de francs, en croissance de 10 % sur un an et de presque 30 % par rapport à 1997.

Cette année, le budget de l’outre-mer ne faisant l’objet d’aucun changement de périmètre, cette évolution correspond à un renforcement effectif des moyens.

De même, la part relative aux D.O.M. sera l’élément dynamique de l’effort budgétaire global en faveur de l’outre-mer : 40,4 milliards de francs, en augmentation de 3,6 %, sur un total de 51,2 milliards de francs.

Les priorités retenues avec constance dans le projet de budget pour 1999 trouvent leur pleine légitimité si l’on replace l’évolution des départements d’outre-mer dans une perspective de long terme, comme y invite le grand débat organisé à l’Assemblée nationale le 23 octobre prochain.

I. — L’ÉVOLUTION DES D.O.M. DEPUIS LES LOIS DE DÉCENTRALISATION

Pour comprendre la situation actuelle des quatre départements et des deux collectivités territoriales d’outre-mer, pour porter un jugement sur les politiques publiques qui y sont conduites, une remise en perspective à long terme s’impose. Mais jusqu’où remonter dans le temps pour trouver un point de comparaison pertinent ? Choisir 1946, année de la départementalisation, ou les dernières des “ trente glorieuses ”, au début des années soixante-dix, aurait conduit à sous-estimer les fluctuations les plus récentes et les problèmes d’aujourd’hui.

L’année 1982 paraît le point de départ le plus significatif. Les conséquences des grandes lois de décentralisation de 1982-1983 sont au cœur de la problématique institutionnelle de l’outre-mer, même à Mayotte qui vit encore sous le régime antérieur à la décentralisation. 1982, c’est aussi l’année où se retournent les flux migratoires entre les D.O.M. et l’extérieur, aggravant la croissance démographique de ces derniers. Avec l’arrivée à l’âge actif des classes d’âges nées depuis 1960, le dynamisme démographique, d’atout économique, est devenu un défi sur le plan social. Enfin, 1982 marque pour l’économie des D.O.M. la sortie du choc pétrolier des années 1979-1981. Prendre comme base de comparaison les performances économiques de 1980, par exemple, année très médiocre, aurait probablement faussé l’analyse, en surestimant le chemin parcouru.

A. UN FORT RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE, ASSURANT UN BON NIVEAU DE REVENUS

Les tensions sociales et des déséquilibres économiques persistants font parfois oublier les performances économiques remarquables, depuis la départementalisation, et même depuis la décentralisation. Une approche à long terme est désormais possible sur des bases solides, depuis qu’en 1997, l’I.N.S.E.E. a publié “ 25 ans de comptes économiques des départements d’outre-mer. 1970-1994 ”(1). Pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, en revanche, il n’existe pas de données économiques harmonisées, surtout pour le long terme.

1. Une croissance forte, quoique devenue moins régulière

a) Croissance et turbulences

De la départementalisation à la fin des années soixante-dix, la croissance économique des D.O.M. a été remarquablement soutenue. Ce n’est qu’avec le deuxième choc pétrolier que s’ouvre une période plus erratique. Les économies “ domiennes ”, très ouvertes, ont été touchées brutalement par le ralentissement économique mondial, avant de connaître un redressement bien plus vif qu’en métropole.

L’année 1980 ayant été marquée par une baisse de 2 % en volume du produit intérieur brut (P.I.B.) des quatre D.O.M., 1982 est une année de rattrapage : + 7,2 %. S’ouvre alors un cycle au profil très accusé, la croissance s’accélérant à la faveur du contre-choc pétrolier et des mesures de défiscalisation des investissements, jusqu’à un point haut en 1987 (+ 10,7 %). Durant cette période, la croissance a été en moyenne de 5,9 % l’an. Elle s’est ensuite essoufflée progressivement, jusqu’à une récession en 1996 (- 1,6 %). Les années les plus récentes sont celles d’un redressement progressif, mais lent.

b) Croissance plus forte qu’en métropole

Or la soumission plus marquée aux cycles économiques mondiaux n’empêche pas le maintien d’un dynamisme économique des D.O.M. supérieur à celui de la métropole. 1993 excepté, leur croissance globale à prix constant est demeurée supérieure à celle du territoire métropolitain. C’est pourquoi le P.I.B. des D.O.M., qui équivalait à 0,84 % du P.I.B. de la métropole en 1982, s’est accru progressivement jusqu’à en représenter 1,19 % douze ans plus tard, en 1994. Les indicateurs économiques disponibles sur les années les plus récentes laissent à penser que le rattrapage se poursuit.

c) Décalages conjoncturels

Le niveau de développement de l’outre-mer français est relativement homogène, sous réserve des particularités locales, qui expliquent des profils de croissance différents.

C’est la Guyane, partie du niveau le plus bas, qui a connu à la fois le profil d’activité le plus heurté et la croissance la plus vigoureuse, tirée par le centre spatial guyanais. En l’absence d’un tissu économique solide et diversifié, elle a connu des à-coups brutaux : – 15,2 % pour le P.I.B. en volume en 1986, + 29,9 % en 1988. Mais sa part dans le P.I.B. total des D.O.M. est montée de 6 % en 1982 à 9,4 % en 1994.

A la Réunion, l’expansion a été la moins irrégulière et la plus équilibrée des D.O.M., de sorte que l’économie réunionnaise a maintenu au-dessus de 40 % son poids dans le total du P.I.B. des D.O.M.

En revanche, Guadeloupe et Martinique, affrontées à la concurrence des producteurs de banane de la zone dollar pratiquant le “ dumping social ”, ont connu plusieurs années de croissance faible ou négative, et leur part relative dans l’économie des D.O.M. s’est érodée.

ÉVOLUTION DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DES D.O.M.

(en milliards de francs)

 

1982

1994

Guadeloupe

7,52

19,75

Martinique

8,85

24,51

Guyane

1,83

8,23

Réunion

12,29

35,27

Total des D.O.M.

30,48

87,75

Métropole

3626

7389,65

PIB des D.O.M./PIB métropole

0,84 %

1,19 %

Source : INSEE

S’agissant des collectivités territoriales, le décalage est très grand avec Mayotte, sur laquelle des statistiques harmonisées ne sont pas disponibles. Le niveau de vie, estimé au voisinage de 10.000 F par habitant et par an en fin de période, est plus proche de celui de l’Ile Maurice que de la Réunion. Son évolution est commentée ci-après, en pages 53 et suivantes.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, au contraire, le niveau de vie est supérieur à celui des D.O.M., et approche celui du voisin canadien. La croissance de l’économie locale, qui reposait en quasi-totalité sur la pêche à la morue, a subi un coup d’arrêt brutal, avec la décision arbitrale internationale de New-York du 10 juin 1992 réduisant la zone de la pêche hauturière. La recherche d’activités de remplacement a connu bien des mécomptes, dont en 1997 l’échec d’une unité de pêche aux pétoncles. Mais la pêche, à la fois artisanale, qui s’est diversifiée, et industrielle se redresse progressivement. Le tourisme se développe, et le bâtiment et les travaux publics représentent désormais une part considérable de l’économie de l’archipel.

2. Un niveau de vie supérieur à celui de l’environnement

Malgré le dynamisme démographique, le processus de développement a assuré une hausse significative du revenu par habitant. Outre son évolution, il convient d’insister sur son niveau élevé.

a) Rattrapage progressif du niveau de revenu de métropole

Le revenu disponible brut des ménages par habitant des départements d’outre-mer représentait encore 37,1 % de celui de la métropole en 1970. En 1982, il était de 22.800 F, soit 47 % de celui de la métropole (46.800 F). Dès 1993, il atteignait 57 % du revenu moyen de métropole (49.400 F contre 86.600 F) (2). Le rattrapage est donc rapide, même en fin de période, en dépit d’une croissance économique ralentie.

Le revenu moyen dans les D.O.M., à peine supérieur au tiers de ce qu’il était en métropole en 1970, en a dépassé la moitié en 1987. Si le rythme de la dernière décennie se maintient, il représentera les deux-tiers du revenu de métropole vers 2003-2004.

REVENU DISPONIBLE BRUT DES MÉNAGES
DES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(Valeur par habitant, en francs)

 

1982

1993

Guadeloupe

21.759

46.693

Martinique

24.645

55.301

Guyane

21.477

44.992

Réunion

22.566

48.641

D.O.M.

22.833

49.417

Métropole

48.602

86.648

R.D.B. par habitant des D.O.M/R.D.B. par habitant de métropole

47 %

57 %

Source : INSEE.

b) Développement de l’épargne

Ce rattrapage s’accompagne, depuis le début des années quatre-vingt-dix, d’une mutation dans l’affectation, par les ménages, de leur revenu. Le taux d’épargne des ménages (3) est longtemps demeuré deux fois plus faible dans les D.O.M. qu’en métropole : en 1982, ce taux était de 6,8 % dans les D.O.M. et de 17,3 % en métropole. La montée du niveau de revenu outre-mer, jointe à un certain attentisme des agents économiques, tandis que l’épargne fléchissait en métropole, ont conduit en 1993 à un même niveau d’épargne : 14, 3 % dans les D.O.M., contre 14,1 % en France métropolitaine.

Ce phénomène, s’il se maintenait durablement, serait le signe très encourageant de l’émergence d’une capacité de financement des investissements interne aux D.O.M.

c) Un niveau de revenu comparativement enviable

Par rapport aux pays environnants, la comparaison est flatteuse. Partis d’un niveau supérieur, les D.O.M. ont souvent su assurer une meilleure évolution de leur revenu par habitant depuis 1982. Le tableau ci-après tente d’en donner un aperçu, par-delà les incertitudes statistiques et la diversité des situations économiques et démographiques.

L’homogénéité des résultats des quatre D.O.M. est d’abord manifeste. Le P.N.B. de la Guadeloupe est à peine inférieur d’un quart à celui de la Martinique qui a bénéficié d’une moindre croissance démographique (+ 16 % en douze ans, contre + 25 % pour la Guadeloupe et la Réunion).

Le niveau de revenu est nettement supérieur à celui de tous les voisins et concurrents, à l’exception des Bahamas, qui bénéficient d’une sorte de rente de situation, grâce au voisinage des Etats-Unis, dont profitent leurs installations touristiques et leurs établissements bancaires.

La comparaison de la situation des D.O.M. avec celle de grands Etats comme le Brésil ou le Venezuela serait encore plus flatteuse. Le contraste le plus violent et le plus dramatique apparaît entre Madagascar et la Réunion.

POPULATION ET P.N.B. PAR HABITANT :

COMPARAISON DES D.O.M. ET DES PAYS ENVIRONNANTS

     
 

Population moyenne
(en milliers de personnes)

Produit national brut par habitant
(en dollars)

 

1982

1994

1982

1994

Taux de croissance moyen (en %)

Amérique latine et Caraïbes :

Guadeloupe

331

414

3.387

8.356

+ 7,8

Guyane

75

144

3.804

9.402

+ 7,8

Martinique

328

381

4.051

11.108

+ 8,8

Bahamas

218

272

3.838

11.790

+ 9,8

Barbade

251

261

3.830

6.530

+ 4,5

Dominique

80

71

940

2.830

+ 9,6

République dominicaine

5.744

7.684

1.340

1.320

– 0,1

Grenade

113

92

940

2.620

+ 8,9

Guyana

798

825

590

530

– 0,9

Jamaïque

2.246

2.496

1.240

1.420

+ 1,1

Porto Rico

3.259

3.645

3.720

7.534

+ 6,1

Sainte-Lucie

123

145

1.040

3.450

+ 10,5

Saint-Vincent

101

111

770

2.120

+ 8,8

Océan indien :

Réunion

518

648

3.607

9.597

+ 8,5

Madagascar

9.200

13.101

320

230

– 2,7

Maurice

985

1.104

1.230

3.180

+ 8,2

Seychelles

64

73

2.370

6.210

+ 8,4

Source : D’après INSEE.

Quant à l’évolution du revenu par habitant, elle est également très homogène dans les D.O.M. sur la période récente, comme elle l’était depuis 1970, Guyane exceptée. Son taux de croissance annuel moyen entre 1982 et 1994 est voisin de 8 %, les meilleures performances étant à mettre au crédit de la Martinique et de la Réunion.

Quelques concurrents réussissent cependant de meilleures performances. Ce sont généralement des pays moins peuplés, où la croissance démographique est inversée (Dominique, Grenade) ou au moins maîtrisée. Ce sont aussi des Etats qui savent valoriser leur potentiel touristique (Seychelles, Ile Maurice, Bahamas).

3. Une structure économique qui se rapproche de celle de la métropole

a) Renforcement des branches marchandes

Le poids de l’économie marchande se renforce dans les D.O.M. depuis le milieu des années quatre-vingts.

Au sein du produit intérieur brut total, la part de la valeur ajoutée non marchande est un bon indicateur du poids des administrations publiques. Il est traditionnellement très élevé dans les pays et les zones ayant peu de capacité autonome de développement. Au début des années 1970, il était deux fois et demie supérieur dans les D.O.M. à son niveau de métropole. Deux périodes nettement tranchées apparaissent depuis lors. La part relative de la valeur ajoutée non marchande s’est progressivement accrue jusqu’au début des années 1980, aussi bien en métropole que dans les D.O.M.

Mais, depuis 1981, et plus nettement à partir de 1985, elle connaît une décrue outre-mer, revenant de 36 % de la valeur ajoutée totale à moins de 30 %. La part de la sphère publique des D.O.M. s’atténue donc et se rapproche de celle de métropole, où la valeur ajoutée non-marchande est proche de 18,5 % du total.

Le rôle des administrations publiques demeure cependant très important : elles distribuent encore près de 40 % des rémunérations des ménages. Quant à Mayotte, le poids de l’administration et de la commande publique dans l’activité économique sont prépondérants. A Saint-Pierre-et-Miquelon, il s’est sensiblement renforcé depuis 1993.

b) Transition vers une économie de services

Au sein des branches marchandes, le recul de l’agriculture et la progression des services sont également un signe de développement très positif.

· Encore prédominante à la Guadeloupe et à la Martinique dans les années soixante-dix, l’agriculture a fortement reculé, en-deçà de 5 % de la valeur ajoutée marchande à partir de 1993. Sa part est traditionnellement plus faible à la Réunion ; elle est à peine supérieure à celle constatée en métropole : 3,2 % en 1993 contre 2,5 % en métropole.

· L’industrie, d’une part, et le bâtiment et les travaux publics (B.T.P.), d’autre part, régressaient en valeur relative depuis 1970. Après 1982, leur part dans la valeur ajoutée des branches marchandes s’est redressée, jusqu’à dépasser globalement le niveau de 1970. La part de l’industrie (y compris agro-alimentaire et énergie) est passée de 8,4 % en 1982 à 11,7 % en 1993, celle du B.T.P. de 5,3 % à 6,3 %, en dépit d’un léger fléchissement entre 1991 et 1993.

· Davantage encore que l’évolution du secteur secondaire, la montée du tertiaire est la plus significative : elle montre l’émergence d’une économie de services, comme en métropole. Comme on vient de le souligner, que ce soit aux Antilles ou dans l’Océan Indien, les bonnes performances économiques sont le fait de pays ayant mis en valeur leurs atouts touristiques.

Si le commerce a maintenu sa place autour de 16 % de la valeur ajoutée des D.O.M., les services marchands se sont encore renforcés. Entre 1970 et 1982, leur part avait crû de près de 10 points, pour dépasser 34 %. En 1993, elle approchait 38 %, soit seulement 4 à 5 points de moins qu’en métropole, où la part des services marchands est inférieure à 43 % du total de la valeur ajoutée.

c) Fort investissement privé

La rentabilité des entreprises, mesurée par le taux de marge des sociétés non financières, est désormais assez proche de celle constatée en métropole, mais a beaucoup fluctué au cours de la période, ce qui contribue à expliquer le nombre élevé des défaillances d’entreprises.

Cette volatilité s’est en partie reflétée dans les variations de l’investissement des entreprises privées “ domiennes ”, qui a oscillé depuis 1982, selon les années, entre le quart et le tiers de leur valeur ajoutée. Pourtant, ces entreprises ont toujours maintenu un niveau d’investissement très supérieur à celui de leurs homologues métropolitains, lequel, compris entre 19 % et 16 %, tendait d’ailleurs à fléchir malgré une très bonne santé financière. Ce taux élevé de l’investissement privé dans les quatre D.O.M. est un gage pour l’avenir.

4. Une croissance soutenue par des transferts publics réguliers

Les transferts publics de l’Etat n’ont pas sensiblement varié au cours de la période au profit des D.O.M. On ne peut donc pas dire que leurs bons résultats économiques aient été obtenus artificiellement par un effort accru de la métropole.

Si, comme le fait l’I.N.S.E.E., l’on mesure les transferts de la métropole vers les D.O.M. par la différence entre les dépenses et les recettes enregistrées localement par les administrations d’Etat et de sécurité sociale, on constate une stabilité d’ensemble. Les dépenses sont supérieures de 40 % environ aux recettes prélevées. Compte tenu d’une baisse tendancielle assez forte en Guyane, le taux a baissé jusqu’à un point bas en 1988, avant de se relever, pour dépasser 41 % en 1993, du fait de l’évolution des transferts en Guyane et à la Réunion.

Le niveau des transferts est structurellement supérieur dans ces deux départements, au-dessus de 40 %. En 1993, des taux très élevés, révélateurs de difficultés sociales, ont été constatés : 43 % en Guyane et 48,3 % à la Réunion. Aux Antilles, le taux de transfert est plus proche de 35 %. Au cours des années récentes, il a eu tendance à fléchir à la Martinique, pour s’établir à 30,7 % en 1994, et à se redresser à la Guadeloupe : 38,5 % la même année.

En valeur, les transferts publics représentaient en 1993 près de 35 milliards de francs injectés dans l’économie des quatre départements d’outre-mer. Ce montant peut être comparé à leur produit intérieur brut, qui totalise la valeur ajoutée de l’ensemble des agents économiques, évalué à 84 milliards de francs pour la même année. Les transferts, on l’aura bien noté, correspondent à la fois à des dépenses et à de moindres prélèvements. C’est ainsi que les prélèvements obligatoires sont plus faibles de 8 à 10 points dans les D.O.M. qu’en métropole. Une fiscalité spécifique et divers mécanismes d’allégements de charges sociales y contribuent.

A qui bénéficient ces transferts ? D’abord aux ménages, sous forme de rémunérations de la fonction publique et de prestations sociales. Celles-ci représentent désormais plus de 35 % du revenu disponible brut des ménages “ domiens ” (36,6 % en 1993), alors qu’elles oscillent entre 30 % et 32 % en métropole. C’est à la Réunion, où le poids du R.M.I. est considérable, que les prestations sociales représentent la part la plus élevée du revenu des ménages : 42,1 % en 1993.

Les transferts publics bénéficient également aux entreprises locales par les subventions et les commandes publiques, tout particulièrement dans le bâtiment et les travaux publics. Mais ce canal traditionnel n’est pas le plus satisfaisant économiquement. L’effet indirect par la consommation des ménages n’est pas moins bénéfique, et favorise les effets d’entraînement structurant l’appareil de production.

Il reste que l’économie “ domienne ” est très dépendante de l’aide de la métropole et de la Communauté européenne.

B. DES DÉSÉQUILIBRES ÉCONOMIQUES DÉBOUCHANT SUR DES TENSIONS SOCIALES

1. Une capacité encore insuffisante de l’appareil productif

Malgré les acquis incontestables de l’économie des D.O.M. avec l’aide de la métropole, cette économie fonctionne encore en déséquilibre structurel.

a) Une économie de consommation

La consommation des ménages, stimulée par le bon niveau des revenus, et l’investissement, aussi bien public que privé, sont plus élevés que les richesses produites. Seul un niveau très élevé d’importations peut donc assurer le “ bouclage ” du circuit économique. La situation a très peu évolué, comme le montre le tableau ci-après.

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT,
CONSOMMATION ET INVESTISSEMENT DANS LES D.O.M.

(en milliards de francs)

 

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Réunion

 

1982

1994

1982

1994

1982

1994

1982

1994

PIB

7,52

19,75

1,83

8,23

8,85

24,51

12,29

35,27

Consommation finale
dont : ménages

Investissement

9,47
6,88

1,68

22,50
16,64

5,22

2,44
1,53

0,83

7,87
4,77

2,83

11,05
7,98

1,69

27,10
20,07

5,10

14,35
10,30

2,50

37,70
n.d.

9,92

Source : INSEE.

b) Un déficit commercial induit

Le déficit du commerce extérieur des D.O.M. est donc le corollaire du profond déséquilibre des ressources et des emplois, d’autant que les exportations demeurent faibles, Guyane exceptée. Dans les trois autres départements, les importations représentent un appoint de l’ordre de 50 % du P.I.B., contre 20 % en métropole. En revanche, les exportations, qui atteignent 18 % du total des emplois finals en métropole, n’en représentent que 3 % dans les trois départements de Guadeloupe, Martinique et Réunion.

Le taux de couverture des échanges extérieurs des D.O.M. est un bon indicateur de l’insuffisance de capacité d’offre de leur économie. Ce taux de couverture, qui était de l’ordre de 15 % hors Guyane, en 1982, s’est dégradé, pour s’établir au voisinage de 10 % en 1994 : 15,7 % en Martinique, 10,1 % en Guadeloupe et 7,6 % seulement à la Réunion. Pour la métropole, il était supérieur à 110 % la même année ; le contraste est éloquent.

Le taux de couverture global des échanges extérieurs des D.O.M. n’est de l’ordre de 22 % que grâce à l’appoint de la Guyane, dont le taux est demeuré proche de 70 % sur la période 1991-1994. Les importations et exportations guyanaises traduisent en effet directement l’activité du centre spatial guyanais et d’Arianespace.

2. Le dynamisme démographique

La population des départements d’outre-mer était estimée à 1,7 million d’habitants fin 1997. Celle de Mayotte dépassait 130.000 habitants, celle de Saint-Pierre-et-Miquelon étant stable à 6.700 habitants.

Entre 1975 et 1995, la population des D.O.M. s’est accrue de 25 %, contre 10 % en métropole. Depuis 1982, son taux de croissance annuel a été de 2 % au lieu de 0,5 % en métropole.

PRINCIPALES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES, DOM ET MÉTROPOLE

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Métropole

Superficie (en milliers de km2)

1,7

1,1

83,5

2,5

543,9

Population en 1974 (a)

Population en 1982

Population en 1990

(recensement, en milliers)

Population au 1.01.1995

(estimation, en milliers)

324,5

328,4

387,0

417

324,8

328,6

359,6

384

55,1

73,0

114,7

146

476,7

515,8

597,8

654

52.592,0

54.334,9

56.615,1

58.020

Densité 1995 (habitants/km2)

245

340

2

260

107

Moins de 15 ans, 1995 (en %)

65 ans ou plus, 1995 (en %)

26

9

24

11

36

4

30

6

19

15

Taux de natalité, 1994

(en p.1000)

17,5

15,0 (b)

29,6

20,6

12,3

Taux de mortalité, 1994

(en p.1000)

5,6

5,8 (b)

4,2

4,8

9,0

Taux annuel d’accroisse-ment naturel (en p.1000) :

1974-1982

1982-1990

1990-1994

11,9

12,9

12,6

11,4

11,2

10,6

18,7

23,4

25,9

19,6

17,9

16,8

4,0

4,1

3,7

Taux annuel d’accroisse-ment total (en p.1000) :

1974-1982

1982-1990

1,6

20,7

1,5

11,3

38,7

57,9

10,7

18,6

4,6 (c)

5,1

Indice synthétique de fécondité, 1995 (naissances par femme)

2,00

1,7 (d)

3,69 (d)

2,28

1,70

Espérance de vie à la naissance, 1992-1994 (en années)

Hommes

Femmes

72,6
80,4

74,9
81,8

70,5
76,9

69,6
78,8

73,4
81,6

Taux de mortalité infantile 1994 (en p.1000)

7,9

5,8 (b)

14,3

9,0

5,9

(a) 1975 pour la métropole — (b) 1993 — (c) 1975-1982 — (d) 1994.

Source : INED, Population et sociétés n° 329, novembre 1997, Jean-Louis Rallu : Population, migration et emploi dans les départements d’outre-mer.

a) Une transition démographique inachevée

Ce dynamisme doit de moins en moins à l’accroissement naturel. La fécondité a rapidement baissé entre 1970 et 1980. Toutefois, la transition démographique est décalée d’un département à l’autre.

La fécondité est tombée à deux enfants par femme en 1990 à la Martinique et en 1994 à la Guadeloupe. Elle est globalement proche aux Antilles de celle de métropole, et n’assure plus le renouvellement des générations. En revanche, comme le montre le tableau ci-après, le processus est inachevé à la Réunion. A la Guyane, le taux de fécondité se redresse depuis 1989, du fait de l’afflux de populations immigrées plus fécondes.

La mortalité a chuté en-dessous du niveau de métropole, même si la tendance est plus prononcée aux Antilles. Il est à noter que le taux de prévalence du sida est très supérieur à celui de métropole, particulièrement en Guyane, mais qu’il reste nettement inférieur à celui des pays de la zone Caraïbe. L’avantage relatif des D.O.M. par rapport à leurs voisins ne s’exprime pas seulement en termes monétaires mais aussi sanitaires. Il correspond à un autre stade de développement.

Globalement, l’accroissement naturel reste élevé, mais sans être explosif. En ordres de grandeur, l’accroissement naturel est deux fois plus élevé qu’en métropole à la Martinique, trois fois plus à la Guadeloupe, quatre fois plus à la Réunion et six fois plus en Guyane. Il s’explique surtout par la jeunesse de la population, qui assure une croissance naturelle positive durant les décennies à venir, même aux Antilles. La fraction de la population âgée de moins de vingt ans, qui représente 25,8 % en métropole, atteint 29 % à la Martinique, 33 % à la Guadeloupe, 38 % à la Réunion et pas moins de 44 % en Guyane.

b) Le renversement du courant migratoire depuis 1982

Le déséquilibre démographique des années récentes est surtout lié à l’inversion des flux migratoires à partir de 1982.

Depuis les années 1960, un fort mouvement d’émigration vers la métropole atténuait l’effet de l’accroissement naturel. Entre les recensements de 1974 et 1982, le solde migratoire avec la métropole le compensait totalement aux Antilles et pour moitié à la Réunion, facilitant ainsi le processus de développement économique.

Le recensement de 1982 a révélé une rupture lourde de conséquences, avec le retournement de ces flux. Les départs de jeunes de moins de trente ans restent nombreux, mais les retours à partir de la trentaine deviennent considérables, et ils sont renforcés par des entrées de métropolitains et surtout d’étrangers, parfois clandestins. Les phénomènes sont différenciés d’un département à l’autre. Le solde migratoire est presque à l’équilibre en Martinique, légèrement excédentaire à la Réunion, mais très élevé à la Guadeloupe et surtout à la Guyane, du fait de l’afflux d’immigrants du Brésil et du Surinam. Le taux de croissance démographique actuel en Guyane, proche de 6 %, correspondrait à un doublement en douze ans. La population de Mayotte connaîtrait une évolution presque aussi forte, liée à l’immigration clandestine issue des Comores.

3. Un niveau élevé de chômage structurel

a) Un chômage plus de deux fois supérieur à la métropole

Depuis 1993, les économies des D.O.M. ont cessé d’être créatrices d’emplois nets. En 1997, les créations nettes d’emplois salariés dans les quatre D.O.M. se sont limitées à 400. Si un total net de 2.107 emplois salariés ont été créés à la Réunion, 832 l’ont été à la Guadeloupe, tandis que l’emploi salarié se réduisait de 86 unités à la Guyane et de 2.449 à la Martinique.

L’arrivée massive sur le marché du travail des classes d’âges nées depuis les années 1960 et la montée de l’immigration ont déterminé depuis le début de la décennie 1980 une forte aggravation du chômage.

Le niveau de chômage dans les D.O.M. est durablement deux à trois fois supérieur à ce qu’il est en métropole. 200.000 demandes d’emploi en fin de mois ont été enregistrées fin 1997. A l’échelle de la population totale de métropole, le chômage des D.O.M. équivaudrait à 6,9 millions de chômeurs, au lieu des 3,1 millions effectivement enregistrés.

Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (B.I.T.), qui était l’an dernier de 12,3 % en métropole, s’établissait à 25,6 % en Guyane, 28,8 % en Martinique, 29,5 % à la Guadeloupe, et atteignait 37,2 % à la Réunion. A Mayotte, ce taux atteignait 42 %. Le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes dans tous les départements. La différence, plus accentuée qu’en métropole, traduit, surtout aux Antilles et en Guyane, un fort potentiel d’activité féminin.

Le niveau insuffisant de la qualification de la main-d’œuvre contribue à expliquer la gravité du chômage : malgré les progrès, le niveau de diplôme est très en-deçà de la métropole. Mais le dualisme du marché du travail tend à engendrer un phénomène cumulatif : à qualification identique, les “ domiens ” connaissent des taux de chômage supérieurs aux métropolitains, et les métropolitains occupent en moyenne dans les D.O.M. des positions professionnelles plus favorables. Dans le même temps, en métropole, les “ domiens ” n’ont un taux d’activité élevé qu’en acceptant des emplois inférieurs à leur qualification. Ce double mouvement tend à aggraver la pression migratoire en direction des D.O.M., au détriment de l’emploi local.

b) Un jeune sur deux au chômage

Le chômage des jeunes est très élevé, au-delà de leur part dans la population active. Aux Antilles et à la Réunion, entre 20 et 29 ans, 40 % des hommes et plus de 50 % des femmes sont au chômage, niveaux doubles de ceux de métropole. Plus d’un demandeur d’emploi sur cinq a moins de vingt-cinq ans dans les D.O.M., et un sur quatre à la Réunion. Encore ces statistiques sous-estiment-elles de moitié le phénomène, car les jeunes n’ayant droit à aucune indemnisation ne jugent pas utile de s’inscrire. Le chômage au sens du B.I.T., qui les prend en compte, fait apparaître une nette progression récente.

TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES AU SENS DU B.I.T.

(en pourcentage)

 

1996

1997

GUADELOUPE

54,1

54,4

GUYANE

36,5

51,2

MARTINIQUE

52,4

63,12

RÉUNION

NC

NC(a)

MÉTROPOLE

26,4

28,1

(a)  En 1997, les jeunes de moins de 25 ans représentaient 24,2 % des demandeurs d’emploi en fin de mois à la Réunion, contre 20 % à la Guadeloupe et 16,3 % à la Martinique.

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

Leur situation est d’autant plus préoccupante que la moitié des chômeurs sont de longue durée dans les D.O.M. : 48,1 % contre 37 % en métropole en 1997 sont inscrits depuis un an ou plus.

4. Du chômage à la précarité

a) Poids élevé des revenus de remplacement

Le sous-emploi structurel et la longue durée du chômage expliquent la part que tiennent dans les revenus des D.O.M. – tout particulièrement à la Réunion – les revenus de remplacement et de subsistance. Le revenu minimum d’insertion est au premier rang d’entre eux, depuis sa création. Dès 1989, il concernait plus de 70.000 allocataires. Les effectifs ont monté progressivement jusqu’à 111.000 en décembre 1997, après trois années de stabilité, suivie d’une augmentation assez vive en 1997 (+ 4,3 %). Par comparaison, près de 957.000 allocataires étaient enregistrés en métropole.

Les “ Rmistes ” représentent donc 6,5 % de la population dans les D.O.M. et 1,6 % des métropolitains. Le taux du R.M.I. est inférieur de 20 % à celui de la métropole, pour tenir compte des disparités de pouvoir d’achat. La différence, dite “ créance de proratisation ”, est inscrite au budget de l’outre-mer, pour un montant de 815 millions de francs en 1999. Elle est destinée pour les trois quarts à des actions d’insertion. En dépit de ce taux réduit, 10 % du R.M.I. est versé dans les D.O.M., où la population équivaut à 3 % de celle de métropole.

Le poids social du revenu minimum d’insertion est inégal. A la Réunion, qui connaît le taux de chômage le plus élevé de tous les départements français, une famille sur cinq vit du R.M.I. : l’île compte 54.000 allocataires, soit près de la moitié de l’effectif total des D.O.M.

EFFECTIFS DES ALLOCATAIRES DU R.M.I.

DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

 

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Réunion

TOTAL

Décembre 1996

23.892

7.674

24.226

50.876

106.668

Décembre 1997

24.278

7.910

24.991

54.126

111.305 (a)

Pour mémoire :
population totale au 31 décembre 1997 (b)

434.130

170.992

396.623

690.000 (c)

(a) Métropole : 956.596

(b) Métropole : 58.722.571 habitants

(c) Juin 1997

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

b) Menaces pour la cohésion sociale

Le nombre des titulaires du R.M.I. est d’autant plus significatif dans un département jeune comme la Réunion, où une part considérable de la population d’âge actif a moins de 25 ans, et n’a donc pas droit au R.M.I.

Les solutions d’insertion financées par le secrétariat d’Etat à l’outre-mer sont quasiment la seule issue pour ces jeunes au chômage, peu ou pas qualifiés et dépourvus de droit à un revenu de subsistance. L’exode vers la métropole ne peut être une réponse pour tous. Ceci crée les conditions de mouvements sociaux débouchant sur des violences urbaines, comme, à la Réunion, les événements du Chaudron, ou le mouvement social de mars 1996 en réaction au projet gouvernemental de réforme du régime de rémunération des fonctionnaires. Aux Antilles, les mouvements sociaux les plus récents sont nés dans le secteur de la banane, ainsi que dans les transports (transports publics en Martinique, grève des dockers à la Guadeloupe). En Guyane, le mouvement des lycéens de 1997 a mis en évidence les insuffisances du système éducatif, avant que se développent, ces jours derniers, des manifestations lycéennes en Guyane et aux Antilles.

*

* *

Cette situation appelle d’abord des réponses de fond pour soutenir l’investissement et l’activité économique dans les départements d’outre-mer. La loi de finances pour 1998 a recentré le régime de défiscalisation sur les opérations les plus porteuses d’emploi, mais elle en a restreint la taille de l’outil, ce qui est dommage. Votre rapporteur pour avis est attaché à ce que la réflexion se poursuive pour mettre en place un dispositif qui soit à la hauteur du problème et apparaisse comme un outil de politique économique, non comme une “ niche ” fiscale.

Dans l’immédiat, des solutions d’urgence doivent être mises en place. Le budget du secrétariat d’Etat à l’outre-mer en est le principal instrument. Il apporte en priorité des réponses immédiates aux jeunes sans emploi, par une gamme de solutions d’insertion, en réponse à leur inactivité et à leur manque de qualification. Toujours pour favoriser l’insertion, il dispose de moyens considérables au service du logement, dont le parc connaît de graves carences outre-mer, aggravant les situations de précarité.

C. LE DÉBAT INSTITUTIONNEL ET L’ALIGNEMENT JURIDIQUE

1. La décentralisation : prévalence du principe d’assimilation et difficultés financières

a) Années 1980 : mise en place d’un régime de décentralisation de droit commun

La mise en application des lois de décentralisation dans les D.O.M. en 1982 et 1983 y a bien sûr sensiblement modifié l’exercice du pouvoir. Il convient de rappeler aussi qu’elle s’est accompagnée d’un “ cadrage ” des perspectives institutionnelles dans ces départements. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 147 DC du 2 décembre 1982, a en effet entendu faire prévaloir dans toute sa rigueur le principe d’assimilation qui implique un régime institutionnel de droit commun dans les D.O.M.

·  La première loi portant adaptation de la loi du 2 mars 1982 aux D.O.M. – adaptation permise par l’article 73 de la Constitution – laissait coexister un département et une région dans chaque D.O.M., mais les dotait d’une assemblée unique, élue à la représentation proportionnelle, le conseil général et régional, et d’un seul exécutif, le président de ce conseil. Le Conseil constitutionnel a annulé cette loi.

Il a considéré que les départements d’outre-mer devaient être dotés de l’organisation propre aux départements, qui repose essentiellement sur le conseil général. Celui-ci étant une assemblée assurant la représentation des composantes territoriales du département, c’est-à-dire les cantons, doter les D.O.M. d’une assemblée n’assurant pas cette représentation leur conférait une organisation autre que celle d’un département. Le conseil a conclu en constatant que la Constitution n’avait pas autorisé le législateur à opérer, pour les D.O.M., une telle différenciation, qui n’était possible que pour les T.O.M.

En conséquence, la loi du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion a transposé l’organisation régionale de métropole. Les régions ont commencé à fonctionner après les élections régionales du printemps 1983. Ce sont certes des régions monodépartementales, mais chaque collectivité, dans le même ressort géographique, dispose de sa propre assemblée délibérante et de ses propres pouvoirs.

·  Une clarification des compétences s’étant révélée nécessaire, la loi du 2 août 1984 relative aux compétences de ces régions a procédé à une mise au net relative aux domaines du développement économique, de l’éducation et de la culture, ainsi que de la qualité de la vie.

Dans sa décision 174 DC du 25 juillet 1984, le Conseil constitutionnel, saisi de cette loi, a apporté des précisions sur la notion d’adaptation. Il a ainsi admis le transfert du département à la région d’attributions relatives à l’octroi de mer, qui sont propres aux D.O.M. et ne figurent pas parmi les compétences des départements de métropole. Il a également jugé constitutionnelles les extensions de compétence régionale n’empiétant pas sur les compétences des départements. En revanche, le Conseil a censuré le dessaisissement du département, au profit de la région, de l’essentiel de ses attributions en matière d’habitat et de transport.

·  Ainsi, encourt la censure du Conseil constitutionnel toute dérogation aux règles institutionnelles prévalant en métropole pour les départements et les régions, si elle n’est pas “ nécessitée par la situation particulière visée à l’article 73 ” de la Constitution, ou si elle dépasse l’adaptation pour entrer dans le domaine de l’“ organisation particulière ”.

En revanche, le Conseil n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur le changement de catégorie d’une collectivité d’outre-mer. Il n’a en effet pas été saisi à propos :

—  de la loi du 19 juillet 1976 qui a transformé Saint-Pierre-et-Miquelon, de territoire en département d’outre-mer ;

—  ni de la loi du 11 juin 1985 qui a ensuite fait de l’archipel une “ autre collectivité territoriale créée par la loi ”.

Cette jurisprudence restreint singulièrement les possibilités d’évolution de l’organisation administrative dans les D.O.M. La présence de deux collectivités territoriales dans un même espace géographique a été maintes fois critiquée comme une source de surcoûts de fonctionnement, de complexité des circuits de décisions, et parfois de conflits de compétences et de contrariété des politiques suivies, notamment lorsque les deux échelons ne sont pas de la même sensibilité politique.

Pour revenir sur ce dédoublement, il faut réformer la Constitution ou tenter d’élaborer un dispositif centré sur le conseil général (voir pages 58 et suivantes ci-après, les perspectives institutionnelles à Mayotte).

b) Années 1990 : crise financière grave des collectivités locales

·  La décentralisation n’est pas l’unique cause de la crise apparue à partir de 1991 dans les D.O.M. des Antilles et de Guyane, mais elle y a sans nul doute contribué.

L’impératif de développement économique et le volume des budgets locaux incitaient à engager des politiques ambitieuses d’investissement public d’inspiration keynésienne. En outre, les recrutements de personnel ont été considérables. Ces politiques ont dépassé les capacités financières des collectivités locales, débouchant sur un endettement démesuré. Or les procédures de contrôle financier ne permettaient pas de remettre en cause les décisions politiques conduisant au surinvestissement ; elles prévoient tout au plus des réactions lorsque certains indicateurs révèlent l’ouverture d’une crise.

Cette révélation a tardé, mais elle a été brutale. Les budgets des régions Guadeloupe, Martinique et Guyane ont dû être placés sous contrôle de la chambre régionale des comptes. Les départements et de nombreuses communes connaissaient également de graves difficultés. En outre, le non-respect des procédures d’attribution des marchés publics déclenchait dans certains cas l’engagement de poursuites judiciaires.

·  La crise a conduit à rechercher, dès la loi de finances pour 1994, les recettes fiscales supplémentaires nécessaires au redressement financier des régions. Trois facultés leur ont été ouvertes :

—  porter le taux du droit additionnel régional de l’octroi de mer de 1 % à 2,5 % ;

—  désaffecter partiellement la part de la taxe spéciale sur les carburants revenant au F.I.R. au profit de leur redressement financier ;

—  pendant une période de trois ans, instituer une taxe d’embarquement sur les billets de transports aériens et maritimes.

Les régions concernées ont en même temps entrepris un important effort de retour vers l’équilibre.

Après quelques années, leur situation financière demeure précaire aux Antilles et en Guyane, et ces recettes leur sont indispensables pour rembourser les emprunts de rééquilibrage qu’elles ont souscrits. Aussi, la reconduction jusqu’en 2001 de la taxe sur les billets d’avions a-t-elle été prévue par la loi de finances pour 1997. Par ailleurs, les deux autres mesures sont maintenues. Les régions peuvent donc y recourir en tant que de besoin. C’est ainsi que la région Réunion n’a pas institué de taxe sur les transports aériens et maritimes. En revanche, les trois taxes doivent procurer en 1998 un total de 617 millions de francs de recettes à la région Martinique, soit la moitié de son budget primitif.

L’amélioration des comptes des départements et des communes, s’il se poursuit également, ne doit pas cacher les difficultés persistantes :

—  en 1998, 10 communes de Guadeloupe sur 34 sont placées sous surveillance de la chambre régionale des comptes ;

—  11 communes de Guyane sur 22 connaissent des difficultés les plaçant dans l’impossibilité de recourir à l’emprunt. La commune de Cayenne, qui a bénéficié d’une subvention d’équilibre de l’Etat de 30 millions de francs sur trois ans (1996-1998), a ramené son déficit prévisionnel pour 1998 à 28 millions de francs, au lieu de 44 millions de francs en 1997 et pas moins de 248 millions de francs en 1996 ;

—  en Martinique, l’amélioration est plus marquée, mais 7 communes sur 34 ont présenté un déficit de clôture en 1996, dont 2 justifiant l’intervention de la chambre régionale des comptes.

En 1997, sur 1.385 actes budgétaires transmis aux préfectures des D.O.M., 85 actes, soit 6 %, ont fait l’objet d’une saisine de la chambre régionale des comptes. Pour la France entière, le pourcentage est de 0,19 %.

Les tableaux ci-après témoignent de l’amélioration encore insuffisante des situations d’endettement des départements et des communes.

DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D’OUTRE MER :

ANNUITÉ DE LA DETTE RAPPORTÉE AUX RECETTES DE FONCTIONNEMENT

 

RÉGIONS

DÉPARTEMENTS

 

Budget primitif 1997

Budget primitif 1998

Budget primitif 1997

Budget primitif 1998

Guadeloupe

20,5 %

13,3 %

18,7 %

16 %

Guyane

48,5 %

28,9 %

9 %

8,7 %

Martinique

22 %

17,4 %

11,8 %

11,3 %

Réunion

18 %

8,4 %

18 %

16,3 %

Métropole

5,5 %

12,9 % (a)

(a) Métropole hors Paris

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer

DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D’OUTRE MER :

MONTANT DE LA DETTE AU 1er JANVIER 1998

(en millions de francs)

 

Régions

Variation 1998/1997

Départements

Variation 1998/1997

Guadeloupe

1.171,3

+ 2,5 %

1.417,8

- 3,7 %

Guyane

594,5

- 10,7 %

352,2

- 6,2 %

Martinique

1.023,7

- 10,4 %

924,3

+ 10,3 %

Réunion

1.263,7

- 15,2 %

2 703,6

- 2,5 %

Métropole

61.510

+ 5,5 %

141.555,8 (a)

1,1 % (a)

(a) Métropole hors Paris

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer

Le processus de rétablissement des comptes, s’il prépare l’avenir, aura été réalisé au prix d’un coup d’arrêt des programmes d’investissement et d’une forte majoration de la fiscalité, alors même que la loi du 25 juillet 1994 relevait de deux points le taux de T.V.A. La croissance des D.O.M. ne peut que pâtir de ces mesures pourtant indispensables.

2. L’application du droit communautaire : consolidation progressive du principe d’adaptation

Comme en droit interne, l’application du droit communautaire dans les départements d’outre-mer français se fonde sur l’application des deux principes d’assimilation et d’adaptation, et c’est l’application du second qui a suscité les principales controverses juridiques depuis deux décennies. Mais, à la différence du droit interne, les vrais enjeux relatifs à l’adaptation du droit communautaire sont financiers et économiques avant d’être institutionnels.

a) Consécration des principes d’applicabilité et d’adaptation aux D.O.M.

·  Quant au principe de pleine applicabilité du droit communautaire dans les D.O.M., faute d’être inscrit dans le texte du traité de Rome, il doit être déduit de son article 227 § 1, qui prévoit que le traité s’applique “ à la République française ”. Il a été établi par une décision de principe de la Cour de justice des Communautés européennes, l’arrêt “ Hansen ” du 10 octobre 1978, qui a pris acte de ce qu’aux termes de la Constitution, “ les D.O.M. font partie intégrante de la République ”.

·  Le même arrêt a apporté des précisions sur le principe d’adaptation. Celui-ci était implicite dans l’article 227 § 2 du traité de Rome relatif aux départements français d’outre-mer, lequel distinguait deux catégories de dispositions :

— les unes (énumérées dans l’alinéa 1), applicables dès l’entrée en vigueur du traité, parmi lesquelles les règles portant sur l’agriculture et la libre circulation des marchandises ;

— les autres (alinéa 2), applicables dans les deux ans, après détermination de leurs conditions d’application par le Conseil statuant à l’unanimité.

Allant plus loin, la Cour, dans l’arrêt “ Hansen ”, a considéré que, le traité de Rome “ ménageant les plus larges possibilités de prévoir des dispositions particulières adaptés ” à la “ situation géographique, économique et sociale particulière ” des D.O.M., “ il reste toujours possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires ”.

La Cour consacrait ainsi le principe d’adaptation du droit communautaire, en une avancée significative.

b) Une politique de développement économique et social : P.O.S.E.I.D.O.M.

·  Il est apparu nécessaire d’aller plus loin et de mettre en place une véritable politique commune de développement des D.O.M. Cet objectif figurait déjà dans le troisième alinéa de l’article 227 § 2 du traité de Rome, qui disposait : “ les institutions veilleront, dans le cadre des procédures prévues par le présent traité et notamment de l’article 226, à permettre le développement économique et social de ces régions ”. Mais le traité n’avait prévu aucune compétence particulière permettant la mise en oeuvre de la politique correspondante. A la suite de la remise par le Gouvernement français d’un mémorandum sur l’insertion des D.O.M. dans la Communauté, il a été décidé de lancer cette politique sur le fondement de l’article 235 du traité. Celui-ci prévoit que “ si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l’un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées ”.

·  La politique d’adaptation des D.O.M. en vue de faciliter leur adaptation au marché commun a été engagée le 22 décembre 1989 par le Conseil, dans ses décisions sur l’octroi de mer, et surtout sur le programme P.O.S.E.I.D.O.M. (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité des D.O.M.). Celui-ci, premier des programmes communautaires relatifs aux régions dites “ ultrapériphériques ”, visait à prendre en compte les contraintes spécifiques des D.O.M. : éloignement du reste du territoire communautaire, insularité, étroitesse de leur marché et proximité des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (A.C.P.), bénéficiaires de la convention de Lomé. Il comportait d’abord un volet financier, prévu par le considérant n° 19, relatif aux subventions de la Communauté. Son volet juridique prévoyait des aménagements réglementaires, même dans des domaines que l’alinéa 1 de l’article 227 § 2 soumettait sans condition d’application au droit communautaire, comme la politique agricole commune. En d’autres termes, P.O.S.E.I.D.O.M. reposait, pour son aspect réglementaire, sur un principe d’adaptation générale.

c) La consolidation du régime des régions ultrapériphériques : Amsterdam

Le programme s’est révélé un puissant instrument de développement, dont certaines actions très importantes, notamment en matière agricole, pouvaient être maintenues au-delà de la date limite du 31 décembre 1992. C’est alors que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés l’a placé dans une situation d’insécurité juridique. Par ses arrêts “ Legros ” du 16 juillet 1992 et surtout “ Lancry ” du 9 août 1994, la Cour a contesté l’utilisation de l’article 235 du traité de Rome pour la mise en oeuvre d’un principe d’adaptation générale, en méconnaissance de la distinction établie par l’article 227 § 2. Elle faisait ainsi prévaloir un régime d’adaptation spécifique et non plus générale.

En guise de réponse à la double remise en cause du fondement juridique du programme P.O.S.E.I.D.O.M et de la dérogation temporaire en faveur de l’octroi de mer, le traité de Maastricht sur l’Union européenne comportait seulement une déclaration annexe relative aux régions ultrapériphériques (déclaration n° 26), qui ne suffisait pas à leur redonner un fondement juridique sûr.

La solution ne pouvait venir que de la révision de l’article 227 § 2, dans le cadre de la conférence intergouvernementale pour la révision du traité de Maastricht, ouverte en mars 1996. Le traité d’Amsterdam des 17 et 18 juin 1997 qui en est l’aboutissement, modifié par le traité modificatif du 2 octobre 1997, comporte un article 299 § 2 relatif aux régions ultrapériphériques. Cet article, qui succède à l’article 227 § 2 du traité de Rome, est de nature à apaiser les inquiétudes des populations des D.O.M. Il assure des bases solides au principe d’adaptation générale, et restaure donc la base juridique des décisions du Conseil de 1989 sur l’octroi de mer et P.O.S.E.I.D.O.M. Il est à noter que, les D.O.M. français n’étant pas limitativement énumérés, si Mayotte devait accéder au statut de D.O.M., elle bénéficierait du régime des régions ultrapériphériques, tout en perdant celui, plus favorable, de pays ou territoire d’outre-mer associé.

Ces dispositions entreront en vigueur au terme de la dernière procédure nationale de ratification du traité d’Amsterdam, probablement en 1999.

Le texte de l’article 299 § 2 du traité d’Amsterdam est le suivant :

ARTICLE 299 § 2 DU TRAITÉ D’AMSTERDAM
SUR LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES

2. Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d’outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.

Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d’outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes.

Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’Etat, et les conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.

Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes.

Afin de situer les enjeux financiers de la sauvegarde du statut de région ultrapériphérique des D.O.M., le tableau ci-après récapitule, pour 1998, les dotations communautaires dans le cadre des fonds structurels, pour chaque département. Les montants résultent de l’indexation des dotations initiales fixées en 1994 pour la période 1994-1999.

INTERVENTIONS COMMUNAUTAIRES DANS LE CADRE
DES FONDS STRUCTURELS EN 1998

(en millions de francs)

 

Dotation initiale 1994

Dotation indexée 1998

Guyane

1.071,902

1.128,831

Martinique

2.143,96

2.257,662

Guadeloupe

2.241,2

2.360,279

Réunion

4.288,05

4.515,324

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer

3. La réalisation progressive de l’égalité sociale

Se fondant sur le constat que l’égalité des droits institutionnels dans les D.O.M. ne s’était pas accompagnée de l’égalité des droits sociaux, la “ lettre à tous les français ” de 1988 a fixé l’objectif de l’égalité sociale, à réaliser par étapes. Cette politique a permis l’alignement de nombreuses prestations sociales, tout en maintenant les dispositifs spécifiques aux D.O.M.

a) Les principales étapes de l’alignement des droits sociaux

Cette politique a été mise en œuvre principalement entre 1991 et 1996, année de l’alignement du S.M.I.C. sur la métropole, dans les D.O.M. et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le coût global des mesures prises peut être évalué à 600 millions de francs.

·  La loi du 31 juillet 1991 a prévu l’alignement des allocations familiales des D.O.M. sur la métropole, mais a maintenu les allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations pour âge correspondantes. L’alignement est effectif depuis le 1er juillet 1993.

·  La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille a étendu aux D.O.M. l’allocation pour garde d’enfants à domicile (A.G.E.D.) avec application au 1er janvier 1995. S’agissant de l’allocation parentale d’éducation, elle a jugé préférable de ne pas l’étendre et de mettre en réserve la somme qui aurait été versée dans les D.O.M., si l’A.P.E. avait été étendue, pour l’utiliser en vue d’actions en faveur des familles. Les décrets n° 95-1202 et n° 95-1203 du 6 novembre 1995 ont aligné l’allocation de soutien familial (A.S.F.) et de la prime de déménagement sur les montants métropolitains à compter du 1er septembre 1995.

·  La dernière étape en matière de prestations a été réalisée par l’article 61 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l’outre-mer, applicable rétroactivement au 1er janvier 1996. Celui-ci rapproche encore davantage les prestations familiales servies dans les D.O.M. de celles de la métropole :

—  l’allocation pour jeune enfant (A.P.J.E.) est étendue dans les D.O.M. dans les mêmes conditions qu’en métropole. Cette extension entraîne des modifications des prestations spécifiques aux D.O.M. qui font double emploi avec l’A.P.J.E. : la prime à la protection de la maternité qui est supprimée, et le complément familial servi dans les D.O.M. ainsi que l’allocation au premier enfant qui ne sont pas cumulables avec l’A.P.J.E. ;

—  l’allocation parentale d’éducation est étendue aux D.O.M. à compter du 1er janvier 1996. En conséquence, la quote-part A.P.E. prévue par la loi du 25 juillet 1994 est supprimée. Son montant constitué depuis le 1er juillet 1994 jusqu’au 31 décembre 1995 est de 260 millions de francs. Les mesures déjà gagées en faveur du logement sont maintenues (80 millions de francs). Le solde de la quote-part a été réparti entre les caisses d’allocations familiales des D.O.M. qui doivent utiliser ces montants pour mener des actions en faveur du logement des familles et de la restauration scolaire.

b) Le maintien de prestations spécifiques aux D.O.M.

L’alignement n’est pas intégral : l’aide personnalisée au logement n’a pas été étendue aux D.O.M., et certaines prestations sont d’un montant inférieur à celui de la métropole : complément familial (507 F au lieu de 888 F) et allocation de parent isolé (1.797 F au lieu de 3.198 F).

En revanche, les allocations familiales sont maintenues pour un seul enfant jusqu’à disparition des dispositions particulières en matière de prestations familiales (article 10 de la loi du 31 décembre 1991). Leur montant est de 125 F. La prestation spécifique de restauration scolaire dans les D.O.M. a également été maintenue.

4. La poursuite de l’alignement juridique

La transposition rapide des nombreuses législations n’ayant pas fait l’objet d’une adaptation tenant compte de leur situation particulière constitue un dernier chantier juridique encore largement ouvert. Or cette mise à niveau revêt dans certains cas un caractère d’urgence, car elle constitue le préalable de politiques de développement économique et social. La modernisation est particulièrement importante à Mayotte.

Afin de progresser rapidement, pour répondre à une forte demande des populations concernées, les gouvernements successifs procèdent le plus souvent depuis 1989 par voie d’ordonnances. Se sont succédées les lois d’habilitation du 23 décembre 1989, du 28 décembre 1991 et du 2 janvier 1996. La procédure de la loi ordinaire n’a pourtant pas été abandonnée en la matière : peuvent ainsi être citées des dispositions de la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, ou de la loi du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d’identité, ainsi que la grande loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l’outre-mer. Le Gouvernement actuel a renoué avec le recours à une loi d’habilitation, pour légiférer dans dix-sept domaines d’intervention. Le Parlement lui en a donné habilitation par la loi du 6 mars 1998.

Vingt ordonnances ont été prises dans le cadre défini par cette loi. Leur publication s’est échelonnée entre le 27 juin et le 4 septembre dernier, soit avant l’expiration du délai fixée au 15 septembre par l’article 2 de la loi d’habilitation. Le tableau ci-après récapitule ces ordonnances, leur date de publication au Journal officiel, et précise le domaine visé dans l’habilitation.

LOI N° 98-145 DU 6 MARS 1998 PORTANT HABILITATION DU GOUVERNEMENT

A PRENDRE, PAR ORDONNANCES, LES MESURES LÉGISLATIVES NÉCESSAIRES

A L’ACTUALISATION ET A L’ADAPTATION DU DROIT APPLICABLE OUTRE-MER

ORDONNANCES

PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL

HABILITATION

Ordonnance n° 98-520 du 24 juin 1998 relative à l’action foncière, aux offices d’intervention économique dans le secteur de l’agriculture et de la pêche et à l’aide au logement dans la collectivité territoriale de Mayotte.

27 juin 1998

15°

Ordonnance n° 98-521 du 24 juin 1998 portant extension et adaptation de règles acoustiques et thermiques en matière de construction dans les départements d’outre-mer, de règles de sécurité et d’accessibilité des bâtiments dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et du régime de l’épargne logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et modifiant le code de la construction et de l’habitation.

27 juin 1998

Ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998 portant actualisation et adaptation du droit du travail dans les territoires, collectivités et départements d’outre-mer.

27 juin 1998

Ordonnance n° 98-523 du 24 juin 1998 relative au régime de la pêche maritime dans le territoire des terres australes et antarctiques françaises.

27 juin 1998

12°

Ordonnance n° 98-524 du 24 juin 1998 portant dispositions relatives à la déclaration périodique entre les départements de la Guadeloupe et de la Martinique.

27 juin 1998

Ordonnance n° 98-525 du 24 juin 1998 relative à la modernisation des codes des douanes et au contrôle des transferts financiers avec l’étranger dans les territoires d’outre-mer et les collectivités locales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

27 juin 1998

Ordonnance n° 98-526 du 24 juin 1998 réglementant l’urbanisme commercial dans la collectivité territoriale de Mayotte.

27 juin 1998

17°

Ordonnance n° 98-580 du 8 juillet 1998 relative au délai de déclaration des naissances en Guyane.

11 juillet 1998

Ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d’impôts en Polynésie française.

11 juillet 1998

14°

Ordonnance n°98-582 du 8 juillet 1998 relative au régime de l’enseignement supérieur dans les territoires d’outre-mer du Pacifique.

11 juillet 1998

13°

   

.../...

Ordonnance n° 98-728 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

22 août 1998

10°

Ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998 relative à l’organisation juridictionnelle dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

22 août 1998

Ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable dans les territoires d’outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.

22 août 1998

11°

Ordonnance n° 98-731 du 20 août 1998 portant adaptation aux départements d’outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales

22 août 1998

Ordonnance n° 98-732 du 20 août 1998 relative à l’application de l’article 21-13 du code civil à Mayotte.

22 août 1998

Ordonnance n° 98-773 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation en Nouvelle-Calédonie du titre III intitulé “ Des organes, tissus, cellules et produits du corps humain ” du livre IV du code de la santé publique.

4 septembre 1998

Ordonnance n° 98-774 du 2 septembre 1998 portant extension et adaptation aux départements d’outre-mer, collectivités territoriales et territoires d’outre-mer de dispositions concernant le droit civil, le droit commercial et certaines activités libérales.

4 septembre 1998

Ordonnance n° 98-775 du 2 septembre 1998 relative au régime des activités financières dans les territoires d’outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

4 septembre 1998

Ordonnance n° 98-776 du 2 septembre 1998 relative à l’adhésion des chambres d’agriculture de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française à l’assemblée permanente des chambres d’agriculture et modifiant le code rural.

4 septembre 1998

16°

Ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 portant dispositions particulières aux cessions à titre gratuit des terres appartenant au domaine privé de l’Etat en Guyane et modifiant le code du domaine de l’Etat (partie législative).

4 septembre 1998

     

II. — LE RÔLE DU SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’OUTRE-MER : L’ÉVOLUTION DE SON RÔLE, LA CROISSANCE DE SON BUDGET, SES CHANTIERS POUR 1999

A. LE SECRÉTARIAT À L’OUTRE-MER : UN RÔLE RECENTRÉ SUR L’ACTION BUDGÉTAIRE

Les missions du secrétariat d’Etat à l’outre-mer procèdent du statut de l’outre-mer français tel qu’il est décrit dans la Constitution, et en particulier ses articles 72 à 75. C’est ainsi qu’elles sont constantes depuis sa création en 1959, quelles que soient les variations de l’organisation gouvernementale :

—  exercice de l’entière autorité gouvernementale civile dans les territoires d’outre-mer ;

—  exercice dans les départements d’outre-mer des attributions qui sont en métropole celles du ministère de l’intérieur ;

—  coordination de l’action gouvernementale en matière législative et administrative dans les départements d’outre-mer ;

—  coordination de l’action gouvernementale en matière de développement économique et social dans les départements d’outre-mer.

Vis-à-vis des autres départements ministériels, il assume principalement un rôle d’impulsion, d’animation et de suivi. Il veille à ce que les départements, territoires et collectivités d’outre-mer soient pris en compte, dans leurs particularismes, dès la conception et jusqu’à la mise en application des politiques publiques de l’Etat. En bref, il coordonne la mise en oeuvre des principes constitutionnels d’adaptation pour les D.O.M. et de spécialité législative dans les T.O.M.

Il est d’autre part seul responsable du statut constitutionnel de l’outre-mer et du droit qui lui est propre, en vertu des mêmes principes.

Ses missions sont donc d’une double nature, et son organisation en est le reflet.

1. Une mission de souveraineté : assurer la présence de la République et le respect de la loi outre-mer

a) Organisation institutionnelle

Au titre des évolutions institutionnelles, l’année 1998 est marquée par la Nouvelle-Calédonie et la réforme de l’institution communale en Polynésie française. En 1999, s’ajoutera la question de l’évolution du statut de Mayotte.

b) Adaptation législative

En deuxième lieu, le secrétariat d’Etat à l’outre-mer veille à adapter et à moderniser les règles du droit national aux spécificités des départements, des collectivités territoriales et des territoires d’outre-mer.

•  Conformément à la circulaire du Premier ministre du 15 juin 1990 relative à l’application des textes législatifs et réglementaires outre-mer, son association au travail gouvernemental est assurée lors de la préparation des textes réglementaires et législatifs.

La circulaire du 26 janvier 1998, relative aux fiches d’impact qui accompagnent tout projet de loi, prévoit que doivent être précisées les raisons pour lesquelles le texte est ou n’est pas rendu applicable à l’outre-mer et, s’il est applicable, les conditions de cette extension. Le secrétariat général du gouvernement est attentif à ce que le secrétariat d’Etat à l’outre-mer soit destinataire des projets de loi et des décrets. En effet, avant examen devant le Conseil d’Etat, ces textes doivent, conformément aux textes statutaires, être transmis pour avis aux assemblées locales.

•  En outre, la présence du secrétariat d’Etat à l’outre-mer, en qualité de membre titulaire, au sein de la commission supérieure de codification, lui permet d’être informé de tout projet de code susceptible de concerner l’outre-mer. La circulaire du 12 septembre 1989, relative à la composition et au fonctionnement de la commission, prévoit d’ailleurs les conditions dans lesquelles le secrétariat d’Etat à l’outre-mer est associé au travail de codification.

c) Coordination en matière de fonction publique

•  En ce qui concerne les fonctionnaires de l’Etat, le secrétariat d’Etat à l’outre-mer joue un rôle de coordination générale des administrations de l’Etat en matière de personnel. Il procède notamment à l’agrément des fonctionnaires de catégorie A ou de direction des services civils de l’Etat proposés pour une nomination outre-mer dans toutes les administrations, aussi bien dans les départements que dans les territoires et collectivités à statut spécial. Il procède également à cet agrément pour les directeurs d’établissements publics, de sociétés d’Etat ou d’économie mixte.

•  Il a en charge, sur le plan budgétaire, les 1.180 emplois du cadre national des préfectures, qu’il administre conjointement avec le ministère de l’Intérieur. Il dispose également des emplois nécessaires au fonctionnement des hauts commissariats de Nouméa et de Papeete, ainsi que de ceux de l’administration supérieure de Wallis-et-Futuna, emplois qui relèvent de sa compétence propre.

•  De plus, le secrétariat d’Etat élabore le droit statutaire spécial applicable aux fonctionnaires en service outre-mer. Il a ainsi été amené à réformer, en ce qui concerne les territoires d’outre-mer, la réglementation de 1910 et à instaurer une rotation obligatoire des personnels (décrets des 26 et 27 novembre 1996). Cette réforme s’achèvera en 1998 par la rénovation complète du système de prise en charge des frais de déplacement des fonctionnaires et agents publics, encore régi par le texte original de 1897.

•  Le secrétariat d’Etat à l’outre-mer collabore systématiquement avec les autres départements ministériels à l’élaboration ou à la modification des textes statutaires, lorsque celles-ci peuvent entraîner un effet particulier – volontaire ou incident — outre-mer.

Il veille enfin à ce que les dispositions spéciales visant les agents de toutes les fonctions publiques en service outre-mer, ou originaires de l’outre-mer, soient appliquées de manière uniforme (congés bonifiés pour les départements d’outre-mer).

d) Gestion de crise

Enfin, il est à noter que la mission de souveraineté implique des actions de gestion de crises d’une dimension particulière outre-mer, qu’il s’agisse des conséquences des cyclones ou des phénomènes d’immigration clandestine, particulièrement à Mayotte et en Guyane. En 1995, 15.000 reconduites à la frontière ont été effectuées dans ce dernier département, soit davantage qu’en métropole.

Au service de cette mission, l’administration centrale du secrétariat d’Etat comporte 149 agents au sein de la direction des affaires politiques, administratives et financières.

2. Une mission de développement économique et social outre-mer

La seconde branche de l’administration centrale est la direction des affaires économiques, sociales et culturelles, disposant de 97 agents, et chargée d’une mission en plein développement.

•  Elle suppose une animation et une coordination interministérielles larges et permanentes, parce que l’avenir de l’outre-mer se prépare par des processus globaux abordant les domaines politiques, économiques, sociaux ou démographiques.

•  Au-delà de ce rôle classique, une nouveauté de grande portée s’est produite au cours des quatre années passées. Le secrétariat d’Etat s’est vu confier la responsabilité budgétaire de crédits nécessaires à la mise en oeuvre des politiques d’emploi et d’insertion sociale, dont il avait élaboré les dispositifs législatifs dans le cadre de la loi du 25 juillet 1994. La quasi-totalité des crédits relatifs à l’emploi et au logement dans les D.O.M. lui ont progressivement été transférés. Ils sont regroupés respectivement sur le fonds pour l’emploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M.) et la ligne budgétaire unique relative au logement, dont les crédits sont complétés par la “ créance de proratisation ” du revenu minimum d’insertion. Les transferts les plus récents ont été opérés en loi de finances pour 1998. Ils ont porté sur les crédits relatifs aux emplois-jeunes (300 millions de francs transférés du budget de l’emploi) et à la résorption de l’habitat insalubre (96 millions de francs issus du budget du logement). Ces mouvements concernent principalement les crédits destinés aux D.O.M.

Dès lors, le budget du secrétariat d’Etat a changé de dimensions : fixé à 2,27 milliards de francs en 1994, il s’établirait à 5,59 milliards de francs en 1999. Cette multiplication par deux et demi a affecté la nature même du secrétariat d’Etat, devenu une administration, non seulement de coordination, mais aussi de gestion.

Or, votre rapporteur pour avis constate qu’elle paraît avoir fait la preuve de son efficacité dans l’exercice de ce rôle gestionnaire. A titre d’illustration, si les crédits de paiement demandés sur la ligne budgétaire unique correspondent à une augmentation spectaculaire, c’est du fait de l’accélération des procédures obtenue par le secrétariat d’Etat. La mise en oeuvre plus rapide des réalisations de logements impliquait un rattrapage énergique de l’enveloppe de crédits de paiement, qui serait engagé par le présent projet.

Cet exemple est révélateur de l’expertise dont dispose le secrétariat d’Etat sur la spécificité de l’outre-mer, et de la volonté politique dont il sait faire preuve. Celles-ci lui donnent légitimité, non seulement pour adapter des législations, mais aussi pour mettre en œuvre des politiques financières globales d’intervention et d’investissement. Dans ces conditions, il conviendra de mener à son terme le processus de regroupement sur son budget des crédits relatifs à l’emploi dans les D.O.M.

B. UN BUDGET RENFORCÉ POUR 1999

1. Des évolutions d’ensemble très dynamiques

a) Croissance de l’effort budgétaire global pour l’outre-mer

L’ensemble des crédits demandés par les différents ministères et destinés à l’outre-mer représentent près de 51,2 milliards de francs en 1999, soit un peu plus de 3 % du budget général, fixé à 1.685,2 milliards de francs.

Leur progression de 2,9 % est supérieure à la norme globale de 2,3 % assignée à l’ensemble des ministères. Elle correspond à un supplément de crédits de 1,45 milliard de francs. Elle reflète la priorité du Gouvernement à l’emploi et à la solidarité, qui s’exerce notamment envers l’outre-mer français.

Une parenthèse d’ordre méthodologique s’impose.

Ces informations sont le résultat de la compilation figurant chaque année dans les deux annexes “ jaunes ” au projet de loi de finances, en vertu de l’article 85 modifié de la loi de finances pour 1969. L’une est relative aux départements et collectivités territoriales d’outre-mer, l’autre aux territoires d’outre-mer. Leur transmission au Parlement donnait lieu à un paradoxe. Ces annexes, destinées à une bonne et complète information du Parlement, avaient pour effet de priver les rapporteurs de l’Assemblée nationale de toute information de synthèse sur l’outre-mer, en-dehors du contenu du “ bleu ” du secrétariat d’Etat. En effet, ces documents, longs à établir car ils supposent la collaboration de chaque ministère, sont habituellement mis en distribution à la veille du débat en séance publique. Toutes les demandes visant à obtenir par avance des informations portant sur leur contenu se heurtaient à une fin de non-recevoir. Dès lors, l’existence des “ jaunes ” faisait écran à l’information de l’Assemblée nationale.

Votre rapporteur pour avis ayant attiré l’attention du Gouvernement sur cette situation, les rapporteurs ont pu disposer d’épreuves de ces documents “ en temps voulu pour la discussion budgétaire ”, selon les termes enfin respectés de l’article 85 précité de la loi de finances pour 1969. Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de cette manifestation d’efficacité et de respect du Parlement.

EFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER (a)

(crédits de paiement, en millions de francs)

 

L.F.I. 1998

P.L.F. 1999

Evolution en %

DOM et collectivités territoriales

TOM

38.998

10.716

40.411

10.753

+ 3,6 %

+ 0,35 %

TOTAL

49.714

51.164

+ 2,9 %

dont budget du secrétariat d’Etat à l’outre-mer

5.230

5.594

+ 7 %

(a) Y compris prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales d’outre-mer, mais non compris charges des comptes spéciaux du Trésor : compte d’affectation des bénéfices de l’I.E.D.O.M. et de l’I.E.O.M., comptes d’avances et de prêts.

Au sein de l’enveloppe relative à l’outre-mer, le budget propre du secrétariat d’Etat connaît une augmentation de 7 %. Par conséquent, non seulement l’effort global s’accroît, mais le poids du secrétariat d’Etat se renforce, améliorant sa capacité d’impulsion.

b) 40,4 milliards de francs de crédits totaux pour les D.O.M.

L’effort budgétaire global en direction des départements et collectivités territoriales d’outre-mer représenterait les quatre cinquièmes du total, soit 40,4 milliards de francs.

Ce montant inclut les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales d’outre-mer, mais ne comprend pas les opérations des comptes spéciaux du Trésor. Au sein de leurs opérations à caractère définitif, le compte spécial relatif aux “ actions en faveur du développement des départements, des territoires et des collectivités territoriales d’outre-mer ” a pour objet l’affectation des bénéfices des instituts d’émissions (I.E.D.O.M. et I.E.O.M.) à des subventions dans les domaines agricole, immobilier et social outre-mer. Au total, ses crédits s’élèvent à 42 millions de francs en loi de finances pour 1998, et à 58 millions de francs dans le présent projet de loi de finances, dont respectivement 14 millions de francs et 25 millions de francs pour les D.O.M. et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cependant, les dépenses effectives sur ce compte (13 millions de francs en 1997) sont souvent en-deçà des crédits votés.

DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)

(en millions de francs)

 

TOTAL DU BUDGET GÉNÉRAL (a)

DONT BUDGET DU SECRÉTARIAT D’ETAT À L’OUTRE-MER

 

Loi de finances 1998

Prévisions
1999

Loi de finances 1998

Prévisions
1999

Guyane

4.499

4.636

459

480

Réunion

15.543

15.911

1.705

1.821

Martinique

7.619

7.939

800

903

Guadeloupe

7.233

7.510

811

960

Mayotte

1.273

1.306

164

182

Saint-Pierre-et-Miquelon

383

438

49

53

Non répartis

2.348

2.572

105

105

Coût de la gestion des services métropolitains

100

100

53

54

TOTAL

38.998

40.411

4.147

4.559

(a) Y compris prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales d’outre-mer, mais hors opérations des comptes spéciaux du Trésor.

Source : D’après annexe “ jaune ” départements et collectivités territoriales d’outre-mer, PLF 1999.

Avec 4,56 milliards de francs destinés aux D.O.M., le budget du secrétariat d’Etat ne vient qu’en troisième position, après les budgets de l’enseignement scolaire et de l’intérieur, qui assument plus de la moitié de l’effort.

•  Les crédits demandés au budget de l’enseignement scolaire représentent à eux seuls 11,7 milliards de francs. Sur ce montant, 5 milliards de francs sont destinés à la Réunion, en raison de sa démographie.

La dotation tient compte d’un effort particulier pour répondre aux retards de scolarisation constatés. Elle comprend les moyens nécessaires à un objectif de création de 3.500 emplois jeunes dans les quatre D.O.M.

Dans le premier degré, priorité est donnée à la Guyane, pour répondre aux carences dues à l’explosion démographique, que ce soit en matière de fonctionnement (revalorisation de l’indemnité d’isolement) ou d’investissement (participation aux constructions scolaires). Dans le second degré, c’est Mayotte qui fait l’objet d’un effort de rattrapage particulier, dans le prolongement du contrat de plan 1994-1998.

•  Les crédits gérés par le ministère de l’intérieur et destinés aux D.O.M. sont évalués à 9 milliards de francs en 1999. Il s’agit, outre du coût de fonctionnement des services qui y sont implantés, de dotations aux collectivités locales :

—  figurant au budget du ministère : dotation générale de décentralisation, dotation régionale d’équipement scolaire, dotation départementale d’équipement des collèges, crédits destinés, en Guyane, au programme exceptionnel de 1997 de mise en sécurité et construction d’établissements scolaires du premier degré (28 millions de francs en crédits de paiement) ;

—  ou transitant directement par des prélèvements sur recettes, dont principalement la dotation globale de fonctionnement et le fonds de compensation de la T.V.A., au titre des investissements locaux.

•  Sur le budget des charges communes, 3,2 milliards de francs correspondent essentiellement :

—  à la prise en charge des exonérations de cotisations sociales patronales prévues par la loi du 25 juillet 1994 en contrepartie du relèvement de deux points de la T.V.A. dans les D.O.M. ;

—  aux pensions des agents de l’Etat prenant leur retraite dans les D.O.M.

•  2,1 milliards de francs de crédits au budget de la défense sont relatifs aux forces prépositionnées dans les D.O.M., à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Les crédits du service militaire adapté figurent, eux, au budget de l’outre-mer.

La professionnalisation des armées conduira, dès 1999, à une diminution des effectifs, sauf en Guyane, où crédits et personnels augmentent.

c) Le projet de budget du secrétariat d’Etat

Le projet de budget du secrétariat à l’outre-mer s’élève au total à 5,59 milliards de francs, en augmentation de 329 millions de francs, soit 7 %, sur la loi de finances. Les autorisations de programme sont en léger recul, de 1,90 à 1,87 milliard de francs. L’arrivée à son terme de l’engagement de garantie de l’Etat dans le cadre du “ plan vert ” de la Guyane suffit à expliquer la différence.

Il se caractérise de plus en plus comme un budget d’intervention, en faveur du développement social et économique.

La part des crédits destinés aux D.O.M. s’y renforce. Portés de 4,15 milliards de francs à 4,56 milliards de francs entre 1998 et 1999, ils représentent respectivement 79,3 %, puis 81,5 %, des dotations du fascicule budgétaire.

BUDGET DE L’OUTRE-MER : VENTILATION PAR AGRÉGAT

(en millions de francs)

 

L.F.I. 1997

L.F.I. 1998

P.L.F. 1999

Administration générale

1.006

1.035

1.068

Collectivités locales

189

191

100

Développement social et économique

3.671

4.004

4.426

Total

4.866

5.230

5.594

Source : annexes budgétaires.

•  L’administration générale : + 33 millions de francs

La progression de 3,2 % de l’agrégat relatif à l’administration générale est principalement due à la mise en œuvre de l’accord salarial conclu dans la fonction publique. Ainsi, une mesure de 8,3 millions de francs inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 permettra, notamment, le relèvement de la grille indiciaire au niveau du S.M.I.C. pour les plus bas salaires et l’amélioration des perspectives de carrière des agents, tout en maintenant une stabilité des effectifs.

L’ensemble des mesures relatives aux rémunérations et charges sociales conduisent à une majoration nette des crédits de 41 millions de francs. Cette variation se décompose en six facteurs principaux :

— revalorisation des rémunérations publiques : 8,1 millions de francs ;

—  application de l’accord salarial : 8,35 millions de francs ;

—  indemnité exceptionnelle destinée à compenser les effets du basculement des cotisations sociales sur la C.S.G. : 10,98 millions de francs ;

—  création de cinq emplois en Nouvelle-Calédonie : 1,85 million de francs ;

—  surcoût lié à la professionnalisation des armées : 8,95 millions de francs (compensé en quasi totalité par les économies faites sur l’alimentation) ;

—  mesures diverses, notamment en faveur de la revalorisation des rémunérations des personnels ouvriers : 2,77 millions de francs.

Les effectifs prévisionnels s’établissent à 2.195 emplois civils, quasiment stables (une seule suppression) et à 3.352 emplois militaires, en baisse de 531 unités, dans le cadre de la réforme du service national. Les mesures sont récapitulées dans le tableau ci-après.

BUDGET DE L’OUTRE-MER : ÉVOLUTION DES EMPLOIS

EFFECTIFS TOTAUX

6.079 (dont 2.968 appelés)

EN 1998

suppressions

créations

Amélioration des perspectives de carrières des fonctionnaires de catégorie C par transformation d’emplois, 4 en administration centrale et 24 outre-mer

– 4
– 24

+ 4
+ 24

Restructuration du service des transmissions à la Réunion permettant par transformation d’emplois le bénéfice des primes de sujétions spéciales accordées aux agents de transmission

– 6

+ 5

Résorption de l’emploi précaire et des surnombres dans les D.O.M. et les T.O.M.

– 11

+ 6

Réforme du service national : mise en place du volontariat (suppression de 1.000 postes d’appelés et de 31 postes militaires d’encadrement, création de 500 emplois de volontaires)

– 1.031

+ 500

Création de 5 emplois d’attachés en Nouvelle-Calédonie, liée à la mise en oeuvre de l’accord de Nouméa, destinés à des néocalédoniens pour préparer les prochains transferts de compétence

 

+ 5

TOTAL

- 1.076

+ 544

SOLDE

- 532 (- 32 hors appelés et volontaires)

EFFECTIFS TOTAUX EN P.L.F. 1999

5.547 (dont 1.968 appelés et
500 volontaires)

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

 

Par ailleurs, une politique de modernisation des structures et des outils de l’administration justifie une dotation supplémentaire de crédits informatiques de l’administration centrale d’une part, et de crédits d’équipements administratifs d’autre part, pour la réorganisation des services de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur ce point, votre rapporteur pour avis a reçu les précisions ci-après.

OPÉRATION DE CONSTRUCTION D’UN BÂTIMENT
POUR LA PRÉFECTURE DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

L’actuelle préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon est située en front de boulevard, le long du port de Saint-Pierre. Elle occupe un bâtiment de 514 m2 en L sur deux niveaux avec une partie en caves d’environ 200 m2 et une cour intérieure peu accessible. Les niveaux 1 et 2 du bâtiment sont occupés par des bureaux. Par ailleurs, en raison de l’exiguïté des locaux, la préfecture loue dans un immeuble en centre-ville un local de 99 m2 où est abrité le service des finances et du budget de l’Etat. Un espace de parking pour une quinzaine de véhicules est aménagé devant la préfecture. Les voitures peuvent aussi stationner le long du boulevard maritime.

Du fait de la dévolution des biens entre l’Etat et le conseil général, l’Etat est depuis peu propriétaire du bâtiment dit du ravitaillement, limitrophe de l’actuelle préfecture, d’une superficie de 460 m2 sur trois niveaux, dont deux seulement sont réellement utilisables pour des bureaux. Le bâtiment est dans un état médiocre.

La réhabilitation de ce bâtiment permettrait le regroupement en un même site des services de la préfecture, et générerait une économie annuelle de l’ordre de 106.000 F (coût de la location de bureaux dans le centre-ville). Cette opération permettra de repenser entièrement l’aménagement des services préfectoraux, de remédier à leur exiguïté, de rationaliser leur fonctionnement et de sécuriser les locaux.

Le coût total du projet est évalué à 5,65 millions de francs par les services de la direction de l’équipement pour la rénovation du bâtiment (démolition complète des planchers, plafonds et cloisons en bois, mise en conformité sécurité incendie et isolation thermique, aménagement d’un espace de raccordement entre les deux bâtiments).

Les travaux devraient se réaliser en deux tranches entre 1999 et 2000.

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

•  L’agrégat “ collectivités locales ” : 91 millions de francs

Le deuxième agrégat qui concerne les collectivités locales est en diminution de 48 %. Cette réduction des crédits est d’abord le fait d’ajustements conventionnels. La convention de Mayotte sera soldée en 1999 avec la tranche annuelle de 3,6 millions de francs, alors qu’en 1998 la participation de l’Etat était doublée pour mettre en oeuvre le rattrapage d’une année. La convention avec la commune de Cayenne au titre de la subvention d’équilibre (10 millions de francs pour le projet de loi de finances 1998) ayant pris fin en 1998, les crédits correspondants ne sont pas reconduits.

En outre, cette diminution de 91 millions de francs est due pour 52 millions de francs à la non reconduction de la dotation versée par l’Etat au fonds intercommunal de péréquation pour la Polynésie française en 1999, dans l’attente d’une loi qui prendra le relais de celle du 2 février 1994.

En définitive, la baisse de l’agrégat est limitée à 17,6 millions de francs pour les dotations propres aux collectivité locales des D.O.M., dont 10 millions de francs au titre des subventions de caractère facultatif.

•  Le développement économique et social : + 422 millions de francs

Le troisième agrégat retrace à lui seul 79 % des crédits demandés pour le secrétariat d’Etat. Il connaît pourtant une augmentation considérable : + 10,5 %, soit pas moins de 422 millions de francs. Ce montant est le solde de 40 millions de francs de redéploiements et d’économies, et de 462 millions de francs de suppléments de crédits sur les principales enveloppes, toutes trois relatives aux D.O.M. :

—  le fonds pour l’emploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M.) : sa majoration de 108 millions de francs doit permettre le financement de 8.000 nouvelles solutions d’insertion ;

—  l’aide au logement dans les D.O.M. (“ ligne budgétaire unique ”), relevée de 329 millions de francs, soit plus de moitié, pour tenter de suivre l’accélération constatée des réalisations ;

—  les actions d’insertion en faveur des bénéficiaires du R.M.I. (“ créance de proratisation ”), augmentée de 25 millions de francs.

2. Les principales dotations relatives aux D.O.M.

a) Le fonds pour l’emploi dans les départements d’outre-mer

Le fonds pour l’emploi dans les D.O.M. (F.E.D.O.M., chapitre 44-03) fait l’objet d’une demande de 108 millions de francs supplémentaires. Il atteint 1.808 millions de dotation, et représente à lui seul 40 % des crédits relatifs aux D.O.M.

Pour bien comprendre l’écart entre le budget voté de 1998 et les crédits demandées pour 1999, un retour en arrière est nécessaire.

•  En loi de finances pour 1998, le montant total des crédits inscrits au chapitre 44-03 s’élevait à 1.700 millions de francs, dont 1.400 millions de francs pour assurer le financement des mesures d’insertion et 300 millions de francs, transférés du budget de l’emploi, pour celui des emplois-jeunes créés par la loi du 16 octobre 1997.

Les interventions du F.E.D.O.M. pour 1998 ont été définies par le comité directeur du 13 janvier 1998 puis complétées par le comité permanent du 12 juin 1998. Lors de la réunion du 13 janvier, tenant compte notamment des débats parlementaires, il a été décidé de mettre l’accent sur les tâches d’utilité collective, avec l’ouverture de 33.900 contrats emploi-solidarité, tout en soulignant la nécessité de respecter une grande rigueur dans la gestion budgétaire.

Le nombre de contrats d’insertion par l’activité a été maintenu à 15.000 tandis que le nombre de contrats d’accès à l’emploi (C.A.E.), compte tenu de leur coût, a d’abord été ramené à 5.000 nouveaux contrats puis complété en cours d’année par une dotation complémentaire de 2.000 contrats. Toutefois, au vu des reports engendrés par ce dispositif d’insertion, il convient de prendre en compte 16.750 contrats encore en cours mais conclus au titre des exercices 1996 et 1997.

La diminution de l’enveloppe de C.A.E. a été accompagnée du recentrage de ce dispositif en faveur des publics prioritaires, à savoir les demandeurs d’emploi de longue durée, mais également les jeunes de moins de 26 ans et les allocataires du R.M.I., dont la proportion de bénéficiaires de cette mesure avait baissé de façon significative entre 1996 et 1997. L’inconvénient de ce dispositif est de requérir des contrôles auprès des entreprises, pour vérifier sa bonne application et limiter les effets d’aubaine.

Par ailleurs, une modification du principe de versement de la prime à la création d’emploi a été adoptée dans le cadre de la loi contre l’exclusion. Son versement sera désormais aligné sur celui des contrats initiative-emploi.

La part de la créance de proratisation à verser aux agences d’insertion au titre de l’insertion est venue compléter cette dotation à hauteur de 196,79 millions de francs.

Sur l’exercice 1998, les prévisions en matière d’exécution s’inscrivent dans le tableau ci-après.

F.E.D.O.M. : PRÉVISIONS POUR 1998 ET 1999

 

L.F.I. 1998

PRÉVISIONS 1998

P.L.F. 1999

 

Dotation
budgétaire

(en millions de francs)

Nombre de
solutions

Dotation budgétaire
(en millions de francs)

Nombre de
solutions

Dotation budgétaire
(en millions de francs)

Nombre de
solutions

Contrats emploi solidarité (C.E.S.)

429,90

25.000

529,15

33.900

662,2

34.000

Contrats d’insertion par l’activité (C.I.A.)

175,85

15.000

179,10

15.000

179,4

15.000

Contrats d’accès à l’emploi (C.A.E.)

762,70

8.000

668,40

7.000

495,8

7.000

Primes à la création d’emploi

21,55

500

8,82

364

14,6

500

Contrat de retour à l’emploi (C.R.E.)

10

 

10

 

10

 

Études

   

0,63

 

1

 

Emplois-jeunes

300

4.000

200,00

4.000

445

3.500

TOTAL

1.700

52.500

1.596,10

60.264

1.808

60.000

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer

•  Pour 1999, les dotations budgétaires demandées définissent un crédit apparemment assez différent de la loi de finances pour 1998, mais très proche dans sa ventilation, de la prévision révisée le 13 janvier.

Le principal écart résulte du renforcement de la dotation relative aux emplois-jeunes, portée à 445 millions de francs (4). Elle permettra le financement d’un total de 7.000 emplois-jeunes, depuis leur création dès 1997, jusqu’à la fin de 1999. Selon un décompte arrêté au 31 juillet dernier, les conventions déjà signées avec le secteur local et associatif conduisaient à un total cumulé de 5.500 emplois-jeunes, dont plus de 2.880 financés sur le budget de l’outre-mer. La prévision pour 1998 s’établit entre 3.500 et 4.000 de ces emplois. Un prélèvement sur le crédit global de la créance de proratisation sera possible en cours d’exercice.

Quant aux autres crédits, ils permettent le financement de 56.500 solutions d’insertion, dont :

—  49.000 dans le secteur de l’utilité collective, notamment dans l’environnement, soit 34.000 nouveaux contrats emploi-solidarité et 15.000 contrats d’insertion par l’activité ;

—  7.500 dans le secteur marchand : 7.000 contrats d’accès à l’emploi et 500 primes versées aux employeurs.

La part de la créance de proratisation à verser, au titre de l’insertion, aux agences d’insertion viendra compléter cette dotation en cours d’exercice budgétaire. Le budget prévisionnel de ces agences, qui sont désormais des établissements publics départementaux, est supérieur à 800 millions de francs en 1999.

D’autre part, 350 millions de francs demeurent sur le budget de l’emploi au titre du financement à 80 % par l’Etat de 4.000 emplois consolidés dans les D.O.M. L’inscription de ces crédits sur le budget de l’outre-mer paraîtrait justifiée.

b) L’aide au logement dans les départements et collectivités territoriales d’outre-mer

Le problème du logement social dans les départements d’outre-mer à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon se pose encore aujourd’hui en termes de pénurie, d’insalubrité et de précarité. Le parc de logements est très insuffisant et surpeuplé, avec un nombre moyen de personnes par logement de 4,35 (au lieu de 2,57 en métropole). 30 % des logements sont précaires ou dépourvus d’éléments de confort. Il faut tenir compte enfin de la forte croissance démographique. La pénurie se traduit par une cherté excessive des loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du foncier.

Dans ces conditions, les objectifs prioritaires de la politique du logement outre-mer sont notamment :

—  de loger le plus grand nombre de ménages en augmentant l’efficacité des aides de l’Etat et d’oeuvrer en particulier pour le logement des personnes les plus défavorisées ;

—  de reloger les ménages occupant les zones d’habitat insalubre ;

—  de contribuer à un aménagement équilibré du territoire.

NOMBRE DE LOGEMENTS NEUFS FINANCÉS GRACE À L’AIDE DE L’ÉTAT

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998 (a)

Guadeloupe

2.203

2.736

2.671

2.898

2.765

2.406

2.329

Martinique

2.022

2.509

2.140

2.344

2.082

2.346

2.105

Guyane

1.256

1.293

865

815

875

1.120

983

Réunion

3.970

4.772

5.229

4.532

4.742

4.100

4.870

Mayotte

441

606

1.006

993

908

1.020

1.200

TOTAL

9.892

11.916

11.911

11.582

11.372

10.992

11.487

(a) Prévisions indicatives

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

L’aide au logement sur la ligne budgétaire unique (chapitre 65-01) est la principale source de progression du budget des D.O.M. en 1999. Ses crédits de paiement sont accrus de 329 millions de francs, pour atteindre près de 897,4 millions de francs. C’est la conséquence d’un effort d’accélération des réalisations de programmes, conduit par le secrétariat d’Etat depuis un an. La dotation d’autorisations de programme est maintenue : 1 milliard de francs pour la gamme diversifiée d’aides de l’Etat, et 96 millions de francs pour la résorption de l’habitat insalubre (R.H.I.), comme en 1998. Les crédits correspondants sont fixés à 38,4 millions de francs. Parallèlement, le secrétariat d’Etat, désormais responsable, remanie les procédures de mise en œuvre de la R.H.I. dans les D.O.M. et à Mayotte pour les adapter aux situations locales.

Ces montants seront complétés à hauteur d’au moins 540 millions de francs à partir de la “ créance de proratisation du R.M.I. ” (chapitre 46-01), selon la clé de répartition usuelle.

c) La “ créance de proratisation du R.M.I. ”

En complément, la créance de proratisation du R.M.I., destinée aux actions d’insertion en faveur des titulaires du R.M.I., serait majorée de 25 millions de francs, à 815 millions de francs (chapitre 46-01). Elle sera répartie à raison des trois quarts vers le logement, sur la ligne budgétaire unique, et d’un quart vers des actions d’insertion et d’emploi. Ce dernier quart, soit une prévision de 192 millions de francs, sera principalement versé aux quatre agences départementales d’insertion.

Au sein des actions en faveur du logement, il est prévu de consacrer 70 millions de francs à la résorption de l’habitat insalubre, dont la dotation globale serait donc maintenue à son niveau élevé de 1998. Elle doit permettre des opérations portant sur 7.300 logements.

d) Le fonds d’investissement des départements d’outre-mer

La subvention au F.I.D.O.M. général (chapitre 68-01) doit bénéficier d’une enveloppe de 205 millions de francs en autorisations de programme et de 198,750 millions de francs en crédits de paiement pour 1999.

A titre indicatif, les perspectives de répartition de la dotation se présentent de la façon suivante (en millions de francs), sous réserve de l’approbation du Comité du F.I.D.O.M. :

—  contrats de plan153,80 ;

—  convention de développement à Mayotte15,94 ;

—  plan social dockers à la Réunion0,33 ;

—  contrats de plan50,75 ;

—  remboursement prêts S.I.D.O.M.0,01 ;

—  constructions scolaires15,00 ;

—  dotation non affectée19,91.

· Il est à noter que les opérations ne relevant pas des contrats de plan feront l’objet d’une enveloppe globale en recul, principalement du fait de l’arrivée à expiration d’opérations soldées en 1998. Tel est le cas en particulier du financement de la garantie donnée par l’Etat à la société financière de développement économique de la Guyane (S.O.F.I.D.E.G.) en 1975, dans le cadre du “ plan vert ” (5), qui représentait 32 millions de francs d’autorisations de programme et de crédits de paiement en 1998.

· D’un point de vue technique, depuis plusieurs années, afin de remédier au décalage entre les autorisations de programme (A.P.) et les crédits de paiement (C.P.) sur les dotations des sections générale et décentralisée du F.I.D.O.M., une priorité a été donnée aux crédits de paiement en les faisant progresser plus rapidement que les autorisations de programme.

Ainsi, en 1995, 1996 et 1997, le montant des C.P. a été nettement supérieur à celui des A.P. L’effort de rattrapage a été poursuivi dans le projet de loi de finances 1998 en inscrivant une dotation en C.P. de 232,50 millions de francs supérieure à la dotation en A.P. (225 millions de francs).

Il est vrai que le calcul théorique du décalage cumulé depuis 1990 devrait faire apparaître un montant de 730 millions de francs, mais que par réalisme, nombre de projets ont été reportés. C’est pourquoi cette politique a permis depuis 1996 de satisfaire la totalité des besoins exprimés par les préfets sur le F.I.D.O.M. général.

· Le risque de décalage entre A.P. et C.P. sur le F.I.D.O.M. appellent une remarque. Le “ F.I.D.O.M. décentralisé ” fonctionnait comme un complément de D.G.E. pour les départements et régions des D.O.M. Or, nous constatons sa mise en extinction, engagée par les deux précédents secrétaires d’Etat à l’outre-mer sans qu’aucune explication sérieuse n’ait, à l’époque, été apportée pour la justifier.

La dotation 1998 correspondait à la couverture en crédits de paiement d’opérations antérieures. Pour 1999, sur la base des autorisations de programme qui ont été déléguées, aucune dotation n’est plus prévue. Mais il conviendrait d’être assuré qu’en termes de crédits de paiement, certaines collectivités n’auraient pas encore des créances à faire valoir auprès de l’Etat.

Votre rapporteur pour avis souhaite donc interroger le Gouvernement sur l’éventualité d’un décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement sur le chapitre 68-03, relatif au F.I.D.O.M. décentralisé, afin de garantir que tous les versements de l’Etat à ce titre sont bien soldés.

e) Le service militaire adapté

Le service militaire adapté (S.M.A.) appelle une dernière observation. Son enveloppe pour 1999 est en légère augmentation. Mais celle-ci ne fait que traduire l’application des mesures relatives aux rémunérations militaires. Le S.M.A. est un excellent outil d’insertion au service des D.O.M. Toutefois, dans l’immédiat, l’impact de la réforme du service national prévue par la loi du 28 octobre 1997 crée beaucoup d’incertitudes, quant au rythme de la transition vers le volontariat. La prévision retenue pour 1999 repose sur le schéma suivant :

—  création de 500 emplois de volontaires ;

—  suppression de 1.000 postes d’appelés, avec 31 postes de cadres associés.

En 1999, 60 % des volontaires seraient des stagiaires, avec une rémunération de l’ordre de 2.000 F/mois. Les 40 % restants, dits “ volontaires techniciens ”, seraient chargés de les encadrer ; leur rémunération mensuelle serait de l’ordre de 4.000 F. A effectifs constants, les rémunérations des volontaires impliquent des charges sociales accrues.

Le dispositif retenu, compte tenu des économies sur l’alimentation liée à la baisse globale des effectifs, serait mis en place à coût inchangé en 1999. Votre rapporteur pour avis ne peut que souhaiter le relèvement des effectifs du S.M.A., au moins après la phase de transition vers le volontariat.

C. L’ÉVOLUTION DU STATUT DE MAYOTTE ET LES RÉFLEXIONS INSTITUTIONNELLES DANS LES D.O.M.

Interrogé par votre rapporteur pour avis, le Gouvernement a indiqué qu’il n’excluait pas “ une évolution de la décentralisation outre-mer dans le cadre de l’article 73 de la Constitution. Il souhaite se prononcer sur des propositions précises et n’est pas opposé à une évolution différenciée de chacun des départements ”. L’article 73 est relatif au principe d’adaptation, alors que la décentralisation a été mise en oeuvre en 1982-1984 dans une perspective d’assimilation, résultant de l’article 72. La question institutionnelle sera nécessairement posée prochainement à propos de la consultation de la population de Mayotte, dans un cadre qui relève de la compétence du législateur.

1. Mayotte : une société et une économie en développement rapide

Devenue collectivité territoriale d’outre-mer en décembre 1976, après l’accession à l’indépendance des trois îles composant la République islamique des Comores, Mayotte a connu depuis vingt ans un développement économique d’autant plus rapide que les retards à rattraper étaient importants et considérables.

A “ la mise à niveau juridique ” par le recours à la procédure des ordonnances, pour étendre à Mayotte des pans entiers de législation (voir ci-avant page 32), s’est ajoutée une politique de rattrapage des équipements administratifs et des infrastructures économiques de base qui a conduit à compléter les dispositions du “ contrat de plan ” par une “ convention de développement ” comportant des mesures de développement n’entrant pas dans le champ d’application du contrat de plan.

Les retombées bénéfiques d’une telle politique, jointes aux difficultés économiques des îles voisines des Comores, ont attiré à Mayotte un flux croissant de ressortissants comoriens qui, à la faveur de la proximité géographique, des liens de parenté et des facilités d’entrée, se sont massivement implantés à Mayotte et ont alimenté l’explosion démographique de ces dernières années.

Aujourd’hui, l’économie de Mayotte poursuit son processus de développement économique et social sous l’impulsion des transferts publics qui augmentent à un rythme soutenu (1.087 millions de francs en 1996, soit + 14 %), en raison des rattrapages importants en cours, notamment en matière de scolarisation ou de protection sanitaire et sociale.

Une partie importante des concours de l’Etat en faveur du développement de Mayotte est issue, d’une part du contrat de plan 1994-1998 (135 millions de francs engagés en 1996 sur un total d’environ un milliard pour la durée du plan) et, d’autre part, de la convention de développement économique et social 1995-1999 (450 millions de francs engagés en 1996 sur un total de deux milliards pour la durée de la convention).

a) L’essoufflement des productions traditionnelles d’exportation

Les spécialités agricoles de l’île sont des plantes à parfum, cultures de rente soumises à un marché spéculatif et très concurrentiel. Leurs exportations ont même reculé en 1996. L’évolution récente des exportations de vanille et d’ylang-ylang, les deux plus importantes, a été la suivante :

MAYOTTE : EXPORTATIONS DE PRODUCTIONS TRADITIONNELLES

(en millions de francs)

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Ylang-ylang

10,5

9,4

9,3

10

7

5,3

5,6

Vanille

2,3

5,1

2

2,1

1

0,85

0,76

Source : Secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

La production d’ylang-ylang a souffert de la morosité du marché et de la concurrence des produits de synthèse.

La coopérative de vanilles de Mayotte a connu de graves difficultés financières à la suite de la mise en liquidation de son principal client réunionnais, ce qui a conduit l’O.D.E.A.D.O.M. et la collectivité territoriale à lui venir en aide. Elle s’oriente aujourd’hui vers la production de “ vanille biologique ” pour laquelle les cours sont plus attractifs.

L’agriculture tend à se diversifier pour répondre à ces contre-performances.

b) Les progrès du développement

L’Etat ne prélevant aucune recette au sein de la collectivité territoriale, ses dépenses représentent en totalité des transferts publics dont le montant ne cesse de croître :

(en millions de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Dépenses de l’Etat

596

702

859

955

1.087

1.097

Source : Secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

Les indicateurs de niveau de vie témoignent de la rapidité du développement. Sous l’effet de l’augmentation des revenus, on peut ainsi relever une croissance soutenue de la consommation d’énergie et une diffusion rapide des consommations.

MAYOTTE : INDICATEURS DE NIVEAU DE VIE

 

1993

1997

1. Energie électrique :

   

–  nombre d’abonnés

10.334

18.151

–  consommation (1.000 kwh)

21.937

49.001

–  consommation par abonné (kwh)

2.129

2.700

2. Hydrocarbures (a) :

   

–  total des ventes (hectolitres)

175.300

276.790

3. Desserte en eau :

   

–  nombre d’abonnés

9.272

17.589

4. Télécommunications :

   

–  nombre d’abonnés

4.018

9.314

(a) : Le parc automobile est passé de 1.878 unités en 1990 à 10.434 en 1997.

Source : secrétariat d’Etat à l’outre-mer

c) Les défis du développement

·   L’explosion démographique est un premier défi : la population de l’île évolue sur une pente de doublement en douze ans.

La natalité est encore mal maîtrisée avec un taux très élevé de 4 %, en dépit de la sensibilisation de la population et du recul de la polygamie. L’immigration clandestine connaît une recrudescence depuis les événements de 1997 aux Comores.

ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE À MAYOTTE

 

1966

1978

1985

1991

1997 (a)

Population résidente

32.607

47.246

67.167

94.410

131.320

Étrangers

2.678

12.959

Taux d’accroissement intercensitaire

44,9 %

42,2 %

40,6 %

39,1 %

Accroissement annuel moyen

3,1 %

5,2 %

5,8 %

5,7 %

(a)  Résultats provisoires.

Source : INSEE, in Rapport IEOM 1997.

A ce rythme, l’île comptera 150.000 habitants en l’an 2000 et plus de 250.000 en 2010. Les conséquences en sont multiples : c’est ainsi que le schéma de formation prévoit pour les dix ans à venir un accroissement de 50 % des effectifs à scolariser dans l’enseignement primaire, un triplement des élèves en collège et une multiplication par 10 des élèves en lycée.

·   La maîtrise de l’évolution des prix et des salaires devra être poursuivie.

Se situant à des niveaux extrêmement bas il y a vingt ans, les salaires à Mayotte avaient connu une évolution très rapide pendant une première période de la collectivité territoriale, risquant de compromettre les possibilités de développement des activités économiques locales.

Aujourd’hui, une meilleure maîtrise de l’évolution des salaires est rendue possible par un indice des prix refondu en 1996, dont la fiabilité est reconnue. Cet indice fait apparaître une inflation de 2,9 % en 1996. Au cours des dernières années, le salaire minimum interprofessionnel garanti de Mayotte a évolué selon le tableau suivant.

ÉVOLUTION DU S.M.I.G. DE MAYOTTE

 

1985

1990

1995

1996

1997

En F/heure au 1er janvier

5,60

9,07

13,94

15,00

15,45

Variation annuelle (%)

+ 30,2

+ 8

+ 7,6

+7,6

+ 3

On peut noter qu’en dépit des rattrapages réalisés, le S.M.I.G. à Mayotte, 15 fois supérieur à celui de Madagascar, reste inférieur de près de 60 % à celui des D.O.M. ou de la métropole.

·   Le rééquilibrage des échanges est conditionné par la diversification économique.

Le taux de couverture de l’ordre de 4 % donne la mesure de la dépendance de l’économie de Mayotte par rapport aux transferts publics qui financent le déficit des échanges.

COMMERCE EXTÉRIEUR DE MAYOTTE

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Importations

527

540

648

738

825

Exportations

12

21

18

34

20

Solde commercial.

- 515

- 518

- 630

- 704

- 805

Taux de couverture

2 %

4 %

3 %

5 %

2 %

Source : Secrétariat d’Etat à l’outre-mer.

Les secteurs non agricoles peinent à prendre le relais du bâtiment-travaux publics, et des services publics. Le tourisme est handicapé par le coût de la desserte aérienne et la faiblesse des équipements. Le développement des activités de transformation, en dépit des aides à l’investissement, est bridé par l’incertitude sur l’avenir institutionnel de Mayotte, par l’étroitesse du marché et par le manque de qualification de la main-d’œuvre.

2. La nécessité d’une réforme prochaine du statut de Mayotte

Le statut de collectivité territoriale de Mayotte issu de la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 avait été conçu comme transitoire.

La population mahoraise, qui a exprimé par trois fois de façon claire et massive sa volonté de rester au sein de la République, paraît majoritairement désireuse d’obtenir la transition vers un statut de département d’outre-mer. Cependant, cette préférence paraît en partie fondée sur un malentendu : alors que nul ne songe à remettre en cause l’appartenance de l’île à la République, le statut de D.O.M. est interprété par la population comme le gage de la pérennité de cette appartenance. Or, les particularismes sociaux et juridiques de Mayotte sont très forts, et partiellement incompatibles avec le statut de département.

Afin de sortir d’un régime provisoire, source d’insécurité juridique et que n’accepte plus la population mahoraise, le Président de la République s’est engagé à ce qu’elle soit consultée sur l’évolution de son statut avant la fin de la décennie. En novembre 1997, le secrétaire d’Etat à l’outre-mer a confirmé que cette consultation devrait pouvoir se tenir d’ici à l’an 2000. Un groupe de réflexion sur l’avenir institutionnel de Mayotte, conduit par M. le préfet François Bonnelle, a été constitué au mois de septembre 1996. Après un travail approfondi mené en liaison avec un groupe complémentaire assurant, à Mayotte, la participation la plus large des personnalités locales, il a remis son rapport en janvier 1998.

Dans ce rapport, le groupe de réflexion propose cinq solutions possibles, toutes selon un mode évolutif, afin de tenir compte des réalités économiques, sociales et culturelles de l’île, ainsi que des contraintes constitutionnelles et juridiques.

Il convient de rappeler en effet que la société mahoraise est fortement marquée par l’islam, que le français n’est parlé que par une minorité de la population, dont la grande majorité continue par ailleurs à relever du statut personnel, comme l’admet l’article 75 de la Constitution. Le groupe de réflexion a donc insisté sur la nécessité de réformes en matière d’état-civil, de justice cadiale, de régime foncier, de fiscalité, de décentralisation et de protection sociale. Les évolutions envisageables du statut seraient les suivantes.

a) Un statut nouveau de collectivité territoriale à vocation départementale

Ce statut sui generis permettrait “ des adaptations très fines pour tenir compte des réalités locales ”. “ Ainsi, la spécialité législative pourrait être conservée le temps nécessaire à l’application du principe de l’assimilation législative ”. Cette application suppose la mise en œuvre préalable des nombreuses réformes précitées.

b) Les variantes du statut de département d’outre-mer

·   Les différentes solutions possibles dans un cadre départemental auraient en commun l’abandon du principe de spécialité : “ l’accession au statut de département d’outre-mer conduirait donc à faire rentrer Mayotte dans le régime de l’assimilation législative ”. Cette suppression ne pourrait se faire sans transition.

A titre d’exemple, l’accession au statut de D.O.M. entraînerait le retrait de l’île de la liste européenne de pays et territoires d’outre-mer associés à la Communauté. Le bénéfice du régime spécial d’association permet en particulier d’échapper à la réciprocité commerciale. Il en résulterait une remise en cause de la taxe à la consommation, ressource prépondérante du conseil général. La départementalisation suppose donc en préalable une réforme fiscale complète.

·  Le groupe propose trois variantes du statut de D.O.M., adaptées au cas de Mayotte :

—  la création de deux collectivités avec une assemblée unique élue selon le modèle départemental. Il considère en effet que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 décembre 1982, a censuré le schéma inverse : confier à une assemblée unique, conçue sur le modèle du conseil régional, les compétences du conseil général. Ce choix, qui introduit une hétérogénéité au sein de la catégorie des D.O.M., comporte néanmoins une marge d’incertitude quant à sa constitutionnalité ; elle serait d’autant plus réduite que l’assemblée unique assurerait la représentation des composantes territoriales du département ;

—  la dévolution au conseil général des compétences régionales. Un D.O.M. serait créé à Mayotte, mais pas de région. Là encore, la constitutionnalité du système n’est pas assurée ;

—  un statut de D.O.M. avec maintien de la collectivité territoriale sui generis, dotés d’institutions communes. L’assemblée de la collectivité territoriale exercerait les compétences actuelles du conseil général ne relevant pas de la compétence départementale, ainsi que les compétences régionales.

c) Un statut de territoire d’outre-mer

Ce statut devrait être établi par une loi organique, après consultation de l’assemblée territoriale. Pleinement compatible avec le droit existant, cette solution, qui n’est apparemment pas souhaitée par la population, a l’inconvénient d’être peu évolutive : “ Il ne serait guère possible, dans une telle hypothèse, d’affirmer la vocation départementale de Mayotte ”.

Au terme de ses réflexions, le groupe conclut : “ Le choix reviendra à la population mahoraise et au législateur. En tout état de cause, il sera éclairé par l’aspiration répétée des Mahorais à demeurer au sein de la République ”.

Pour sa part, le Gouvernement, souhaitant mener sa réflexion sur les solutions proposées, “ entend organiser une vaste concertation autour de ces différentes options de manière à dégager une solution qui soit à la fois consensuelle et conforme aux intérêts particuliers des Mahorais ”. Cette concertation sera l’un des grands dossiers du secrétariat d’Etat dans les mois à venir.

3. La question de la “ bidépartementalisation ” à la Réunion

A l’opposé du regroupement vertical des institutions départementale et régionale, qui ne paraît plus de la compétence législative (voir pages 22 et 23 ci-avant), une réforme envisageable conduirait à scinder les départements.

La question concerne surtout le plus peuplé des départements d’outre-mer : la Réunion. Relançant un débat ancien, nos collègues Elie Hoarau, Huguette Bello et Claude Hoarau viennent de déposer des propositions de loi relatives à la réorganisation administrative de la Réunion en deux départements (propositions nos 1090, 1091 et 1098 des 22 et 24 septembre 1998). Au nom de la démographie, de l’aménagement du territoire et de l’histoire, la “ zone du vent ” et la “ zone sous le vent ” seraient le support géographique de deux départements, dénommés La Réunion Orientale et La Réunion Australe, comprenant respectivement 28 et 44 cantons.

Il convient de noter que cette proposition ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les élus de l’île.

Elle mérite cependant d’être une nouvelle fois examinée. La “ bidépartementalisation ” permettrait de répondre à l’actuelle concentration des pouvoirs de décision autour de Saint-Denis, en créant à Saint-Pierre et sur la côte sous le vent un pôle d’attraction, disposant d’un noyau d’équipements publics et d’emplois tertiaires. Toutefois, sur le plan administratif, il conviendra de mesurer le risque d’un nouvel alourdissement des processus de décision. Sur le plan économique, le poids de la sphère publique, déjà élevé dans les D.O.M., en serait accru. La question est de savoir si cet accroissement sera gage d’efficacité.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur sa position, le Gouvernement a indiqué que “ l’hypothèse de la bidépartementalisation n’est pas écartée a priori ; elle doit être considérée au regard de l’évolution démographique et en termes d’aménagement global de l’île ”.

Il a précisé qu’à côté de ses avantages, “ la bidépartementalisation apparaît comme une solution financièrement non neutre. Elle supposerait la création de 475 emplois environ, soit 85 millions de francs de salaires annuels, près de 150 millions de francs de frais d’investissement initiaux, pour l’immobilier essentiellement et près de 20 millions de francs par an de dépenses additionnelles de fonctionnement ”.

Sans préjuger de l’issue du débat de fond sur les institutions, le Gouvernement souligne l’intérêt de réponses pragmatiques aux problèmes d’aménagement du territoire que connaît la Réunion.

“ Le rééquilibrage des régions du sud de l’île par la création d’antennes des principales administrations constitue une solution plus immédiate. L’Etat s’est déjà engagé sur cette voie :

—  une meilleure implantation des services de l’Etat dans le sud (direction du travail et de l’emploi, direction de l’agriculture et de la forêt, police nationale, France-Télécom, La Poste, direction départementale de l’action sanitaire et sociale, Office national des forêts, direction générale des douanes ...) ;

—  dans le domaine de l’enseignement, l’effort d’équipement a été conduit au même rythme sur l’ensemble du département. Dans un contexte de développement de l’université implantée à Saint-Denis, un I.U.T. est déjà installé à Saint-Pierre et il est prévu de mettre en place une section de l’I.U.F.M. au Tampon.

Le centre administratif départemental de Saint-Pierre, dont la deuxième tranche a été inaugurée en juin 1998, permettra aux usagers d’effectuer certaines démarches administratives dans un site unique et déconcentré.

Parallèlement, la modernisation de l’équipement hospitalier engagée en 1980 s’est effectuée de façon équilibrée. D’autres organismes, comme le conseil général et la chambre de commerce et d’industrie, ont également développé leurs implantations dans le sud de l’île ”.

*

* *

A l’issue de la présentation des crédits par le rapporteur pour avis, M. Ernest Moutoussamy s’est réjoui de leur progression de 7 % pour les départements d’outre-mer et de l’organisation d’un grand débat sur l’outre-mer le 23 octobre. Il a déploré qu’aucune réflexion ne soit menée dans le domaine des institutions pour les départements d’outre-mer, cette question ne pouvant être dissociée de la réalité économique sur place.

Rappelant que la France était le seul Etat européen à avoir une dimension mondiale grâce à ses départements et territoires d’outre-mer et évoquant l’article 227, paragraphe 2, du traité d’Amsterdam qui a eu le mérite de prendre en compte la spécificité de ces départements français, il a souligné que les perspectives tracées par le traité étaient plus intéressantes que celles offertes par le cadre français actuel.

Evoquant le taux élevé de chômage dans les départements d’outre-mer, il a fait valoir que celui-ci ne s’expliquait pas seulement par le facteur de la croissance démographique, mais également par les effets du nombre considérable de faillites d’entreprises. Observant que les rapports sur l’emploi depuis plusieurs décennies montraient que le seul secteur marchand ne pouvait absorber le chômage, il a estimé qu’il convenait de s’appuyer sur le secteur non marchand pour venir à bout de ce problème, les agences départementales d’insertion constituant à cet égard un précieux outil de réflexion. Constatant en outre que la croissance était insuffisante pour créer des emplois, il a plaidé pour la définition d’un nouveau schéma de développement et s’est félicité de la très forte hausse des crédits de paiement qui devrait permettre une relance de la politique du logement. Il a regretté qu’en quatorze ans, les mesures fiscales prises en faveur de l’outre-mer ne soient à mettre au bénéfice que des seuls ministres de l’actuelle opposition.

M. Dominique Bussereau s’est réjoui également de la tenue d’un grand débat sur l’outre-mer le 23 octobre en séance. Il a fait valoir qu’au regard de leur évolution, il serait difficile d’échapper à une réflexion sur le statut des départements d’outre-mer et en particulier sur le maintien de leur double statut régional et départemental, qui constitue une source de gaspillage financier.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

—  Le Gouvernement manifeste une certaine ouverture sur la question d’une évolution institutionnelle différenciée des départements d’outre-mer. Dans le cas de la collectivité territoriale de Mayotte, il a d’ailleurs tenu à ce que le rapport remis cet été par M. le préfet Bonnelle envisage en détail les différentes évolutions institutionnelles possibles.

—  La nécessité d’un effort particulier en matière de développement des emplois non marchands s’impose à l’évidence. Mais il importe de signaler que le budget de l’Etat prévoit, cette année encore, des moyens considérables à cet effet, et il convient de faire appel à la mobilisation et à l’imagination des collectivités locales d’outre-mer pour la mise en place à grande échelle de dispositifs correspondant à une véritable utilité sociale.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du secrétariat d’Etat à l’outre-mer pour 1999 : départements d’outre-mer.

1 ) Par Danielle Besson et Jean-Pierre Dablin, en deux tomes, collection Insee résultats, économie générale nos 153-154-155.

2 ) Pour 1994, les résultats de la Réunion ne sont pas disponibles. Il en est de même pour d’autres indicateurs.

3 ) Epargne brute rapportée au revenu disponible des ménages.

4 ) Y compris le financement du dispositif nouveaux services - nouveaux emplois, prévu par décret du 29 décembre 1997.

5 ) On observera que les crédits au titre des dépenses d’infrastructure de Guyane (chapitre 58-01) seraient relevés de 2,4 millions de francs à 18,3 millions de francs.

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