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le 12 novembre 1998

N° 1111

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR
LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n°1078),

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur Général,

Député.

--

ANNEXE N° 35
JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Patrick DEVEDJIAN

Député

____

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Lois de finances.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Éric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 7

CHAPITRE PREMIER : ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET INFORMATIQUE 13

I.- L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE 13

A.- LE MAINTIEN DES MOYENS 13

B.- DES FONCTIONS DE GESTION DISPERSÉES 14

II.- L'INFORMATIQUE 15

A.- LES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE DE LA JUSTICE 15

B.- UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DOTATIONS 17

CHAPITRE II :  LES SERVICES JUDICIAIRES 19

I.- LES RESSOURCES HUMAINES 20

A.- LES EFFECTIFS 20

1.- Les magistrats 20

2.- Le personnel des greffes judiciaires 25

B.- LES RÉMUNÉRATIONS 25

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT 26

A.- L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE EN 1997 26

B.- LE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL DES SERVICES JUDICIAIRES 27

1.- La réforme de la gestion 27

2.- Une progression des moyens 30

C.- LES CHAPITRES ÉVALUATIFS DES FRAIS DE JUSTICE ET DES RÉPARATIONS CIVILES  :  UN ACCROISSEMENT SUBSTANTIEL DES CRÉDITS 32

D.- L'AIDE JURIDIQUE : UNE DOTATION TOUJOURS REVALORISÉE 33

III.- L'ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE 35

A.- LE PROGRAMME PLURIANNUEL D'ÉQUIPEMENT 37

B.- LE PROGRAMME DÉCONCENTRÉ 38

IV.- LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE 40

CHAPITRE III :  L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 43

I.- LA PRISE EN CHARGE DE LA POPULATION PÉNALE 44

A.- L'INFLATION CARCÉRALE 44

B.- UN RECOURS PLUS FRÉQUENT AUX MESURES ALTERNATIVES
À L'INCARCÉRATION 49

II.- LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES 51

A.- L'AUGMENTATION DES MOYENS 51

1.- Les objectifs de la loi de programme 53

2.- Le personnel de surveillance 54

a) Les effectifs 54

b) Les rémunérations et avantages statutaires 55

3.- Les autres catégories de personnel 57

a) Les personnels de direction et personnels administratifs 57

b) Les personnels d'insertion et de probation 59

B.- UNE RÉORGANISATION DE LA GESTION DES PERSONNELS 60

III.- LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 61

A.- L'ÉQUIPEMENT PÉNITENTIAIRE 61

B.- LA MAINTENANCE ET LA GESTION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES 64

1.- La maintenance du parc classique 64

2.- La maintenance du " parc 13.000 " 66

CHAPITRE IV : LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 67

I.- LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES 73

A.- LA POPULATION PRISE EN CHARGE 73

1.- Les mineurs incarcérés 73

2.- Les mineurs en difficulté 73

B.- LES MODES D'ACTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 74

1.- Les mesures d'investigation 74

2.- Les modalités de la prise en charge des jeunes en difficulté 75

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT 77

A.- LES MOYENS HUMAINS 77

1.- Les effectifs 77

2.- Les mesures indemnitaires et statutaires 78

B.- LES MOYENS MATÉRIELS DE FONCTIONNEMENT 78

III.- LES INVESTISSEMENTS 78

CHAPITRE V : LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 80

I.- UNE ACTIVITÉ EN AUGMENTATION CONSTANTE 85

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 85

B.- LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL 86

C.- LE CONSEIL D'ÉTAT 87

II.- DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT RENFORCÉS 87

A.- LES RESSOURCES HUMAINES : DES EFFECTIFS EN PROGRESSION RÉGULIÈRE 87

1.- Les effectifs 87

a) Les magistrats 87

b) Le personnel des greffes 90

2.- Statut et rémunérations 91

a) La réforme du statut des magistrats 91

b) Les rémunérations 95

B.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL 96

III.- LES INVESTISSEMENTS 97

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL 97

B.- LE CONSEIL D'ÉTAT 99

EXAMEN EN COMMISSION 99

INTRODUCTION

Le budget de la Justice est en augmentation constante depuis plus de dix ans. Les crédits gérés par le ministère exprimés en francs courants ont ainsi progressé de plus de 77 % entre la loi de finances initiale pour 1988 et le projet de loi de finances pour 1999 (de 14,8 milliards de francs à 26,3 milliards de francs). Une part non négligeable de cette hausse est imputable aux évolutions " naturelles " des dépenses légales à la charge du budget de la Justice : dépenses de personnel, frais de justice, prise en charge des détenus, etc.

Cette tendance de moyen terme se poursuivra avec le projet de loi de finances pour 1999, qui marquera un effort particulier, au regard notamment des objectifs de la loi de programme du 6 janvier 1995.

- Un budget traditionnellement contraint

Dominé par les dépenses de fonctionnement, le budget de la Justice est un budget traditionnellement contraint. Il est soumis aux exigences de prise en charge de la population carcérale et des mineurs en difficulté. Il doit répondre aux variations du contentieux, qui ne cesse de croître. L'exemple de l'augmentation continue des dépenses liées aux frais de justice et à l'aide juridique en témoigne.

Les besoins en personnel sont considérables. Ainsi, la part prise par les crédits du titre III consacrés aux dépenses de personnel ne cesse de croître pour atteindre en 1997 plus de 57 % des crédits ouverts.

Le renouvellement et l'extension des équipements judiciaires et pénitentiaires se sont avérés plus que nécessaires. Ces opérations nécessitent l'ouverture de masses importantes de crédits.

- Un effort appréciable en 1999 qui demande à être poursuivi dans les prochaines années

Les crédits de la Justice exprimés en dépenses ordinaires-crédits de paiement atteindront, en 1999, 26.258 millions de francs. Ils augmentent de 5,29 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, après une progression de 4,04 % en 1998, de 1,84 % en 1997 et de 6,06 % en 1996. Ils représentaient 1,55 % du budget général de l'État en 1997, 1,56 % en 1998 et en représenteront 1,61 % en 1998. Les autorisations de programme s'accroissent de 0,29 % à 1.725 millions de francs.

Votre Rapporteur prend acte de l'effort budgétaire réalisé pour 1999 en faveur de la justice. Il se situe dans la tendance à l'augmentation des crédits de la Justice constatée ces dernières années, dans un contexte marqué par l'adoption en 1995 d'une loi de programme relative à la justice.

Mais il faut noter que ces crédits constituent encore une part très faible, trop faible, du budget de l'État, eu égard à la mission régalienne dévolue à la justice, mission qui tend à prendre de plus en plus d'importance dans la régulation sociale. En outre, cette progression obtenue en 1999 a été, en partie, commandée par les circonstances et non par une vision globale et de long terme. En effet, nombre des mesures nouvelles ont été décidées à la suite de mouvements de grève, que ce soit chez les magistrats ou les avocats, tandis qu'une partie non négligeable de l'augmentation résulte de mesures d'ajustement.

Les variations sur le budget de la Justice ne doivent pas être seulement la traduction d'une partition écrite au gré des " manifestations de colère ou d'éc_urement dans les prétoires " (1). Elles doivent permettre d'assurer : le rendu d'une justice rapide et égale pour tous, des conditions de détention humainement acceptables tant pour les personnes placées en détention provisoire que pour les condamnés, une prise en charge des mineurs qui leur offre toutes les chances d'insertion dans la société.

De nombreux problèmes ne trouvent pas aujourd'hui de solution satisfaisante : la surpopulation carcérale, le sous-dimensionnement chronique des services de la protection judiciaire de la jeunesse, les délais toujours trop importants devant les juridictions judiciaires et les juridictions administratives. La loi de programme de 1995 arrive à son terme. C'est l'occasion de préparer une nouvelle programmation qui remette à niveau l'ensemble du secteur. Ce projet ne devra pas seulement inclure une augmentation des moyens, mais également leur réorganisation générale, et cela passe inévitablement par un topique : la réforme de la carte judiciaire, mais également par la réforme de la gestion du ministère.

Cette réforme de la gestion des grandes directions du ministère de la Justice a commencé de se traduire, dans le budget, par une simplification régulière de la nomenclature. Les changements importants de nomenclature intervenus dans la loi de finances pour 1998 auraient rendu étonnante toute modification en 1999. De fait, le projet de loi de finances pour 1999 ne modifie pas la nomenclature des crédits de la Justice. Cependant, certaines imputations budgétaires peuvent être contestées, ainsi que la Cour des comptes l'a relevé dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997. Ainsi, " le titre III comporte toujours des parties au contenu peu cohérent : la 7e partie Dépenses diverses, qui regroupe des chapitres dotés de crédits évaluatifs (...), mais aussi des chapitres globalisés par services du ministère (...), voire des services simplement rattachés comme la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (...) est totalement hétérogène. Ces chapitres devraient soit réintégrer la 4e partie du titre III (...), soit réintégrer la première partie du titre III dès lors qu'ils regroupent des crédits affectés aux rémunérations " (2).

La globalisation des crédits tend pourtant à mettre de plus en plus en évidence la cohérence des grandes actions du ministère (services judiciaires, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, juridictions administratives).

- L'application de la loi de programme de 1995

Il convient de relever les avancées réalisées ces dernières années. Une loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la Justice a été adoptée, les investissements demeurent importants, l'aide juridique nouvelle continue son développement, la prise en charge sanitaire des détenus a été réformée, les effectifs de magistrats ont été renforcés. Le renforcement du milieu ouvert doit se poursuivre. Toute peine alternative à l'incarcération, lorsqu'il s'agit de délits mineurs, doit être encouragée. La création, cette année, de plus d'une centaine d'emplois pour la diversification des prises en charge et le suivi médico-social des mineurs en danger va dans le bon sens.

L'exécution de la loi de programme a été repoussée d'un an dans la loi de finances initiale pour 1997 et s'achèvera donc en 2000.

Le retard pris en 1997 dans la réalisation des objectifs ne sera pas totalement comblé cette année, en particulier s'agissant du volet emploi de la loi de programme.

APPLICATION DE LA LOI DE PROGRAMME RELATIVE À LA JUSTICE
EMPLOIS NETS (1995-1999)
(1)

 

Total loi de programme

1995

1996

1997

1998

1999

Services judiciaires

1.400

284

544

108

316

132

(dont créations budgétaires)

(1.135)

(83)

(528)

(108)

(300)

(116)

- magistrats (créations budgétaires)

300

60

60

30

70

80

- fonctionnaires (créations budgétaires)

850

23

468

78

230

36

- fonctionnaires (levée de gel)

185

185

-

-

-

-

- magistrats temporaires

80

16

16

-

16

16

Administration pénitentiaire

3.920

550

494

114

300

344

Protection judiciaire de la jeunesse

400

90

107

35

100

68

Juridictions administratives

380

82

70

57

76

76

(dont créations budgétaires)

(305)

(67)

(55)

(46)

(61)

(61)

- magistrats

105

22

20

16

21

21

- magistrats temporaires

75

15

15

11

15

15

- fonctionnaires

200

45

35

30

40

40

Total

6.100

1.006

1.215

314

792

620

(dont créations budgétaires)

(5.760)

(790)

(1.184)

(303)

(761)

(589)

Taux de réalisation (en %)

(dont créations budgétaires)

-

-

16,5

(13,7)

36,4

(34,3)

41,6

(39,5)

54,5

(52,7)

64,7

(63) (2)

Taux de réalisation théorique (en %) (3)

-

16,7

33,3

50

66,7

83,3

(1) Les créations inscrites de 1995 à 1999 correspondent aux créations brutes obtenues au titre du programme pluriannuel pour la justice, plus les 300 emplois de catégorie C de 1996 dans les services judiciaires et les 34 emplois inscrits en 1997 pour les unités à encadrement éducatif renforcé et déduction faite des emplois supprimés au titre des économies (145 entre 1995 et 1999).

(2) Ce taux s'élève à 88,7 % hors les futurs établissements pénitentiaires et les centres de semi-liberté : la loi de programme prévoit pour ces futures constructions 1.750 emplois qu'il n'y avait pas lieu pour l'essentiel d'inscrire dès les lois de finances initiales 1995 à 1999 puisque les bâtiments ne sont pas encore en service.

(3) compte tenu du report de l'échéance du programme jusqu'en 2000.

Source : ministère de la Justice.

APPLICATION DE LA LOI DE PROGRAMME
AUTORISATIONS DE PROGRAMME
(1995-1999)

(en millions de francs)

 

Total
Loi de
programme


1995


1996


1997


1998


1999

Services judiciaires

4.500

1.192

1.154

904

572

678

Administration pénitentiaire (titre V)

3.000

270

317

325

1.024

912

Protection judiciaire de la jeunesse

400

80

80

80

76

84

Juridictions administratives

200

40

40

42

40

51

Total

8.100

1.582

1.591

1.351

1.712

1.725

Taux de réalisation (en %)

-

19,4

39,15

55,9

 

98,3

Taux de réalisation théorique (en %) (1)

-

16,7

33,3

50

66,7

83,3

(1) compte tenu du report de l'échéance du programme jusqu'en 2000.

Source : d'après ministère de la Justice.

ÉVOLUTION ET PART RELATIVE DES CRÉDITS DE PAIEMENT PAR SERVICE DEPUIS 1996

(en millions de francs)

 

Crédits de
paiement

LFI 1996

Part

relative

(en %)

Variation

1996/1995

(en %)

Crédits de

paiement

LFI 1997

Part relative

(en %)

Variation

1997/1996

(en %)

Crédits de

paiement

LFI 1998

Part relative

(en %)

Variation

1998/1997

(en %)

Crédits de

paiement

PLF 1999

Part relative

(en %)

Variation

1999/1998

(en %)

Services judiciaires

10.086,3

42,97

4,57

10.542,4

44,10

4,52

11.038,8

44,39

4,71

11.667,9

44,44

5,70

Services pénitentiaires

6.903,2

29,41

9,02

6.777,2

28,35

- 1,83

7.015,5

28,21

3,52

7.421,9

28,27

5,79

Administration centrale et services communs

3.228,1

13,75

5,65

3.239,3

13,55

0,35

3.320,8

13,35

2,52

3.439,4

13,10

3,57

Protection judiciaire de la jeunesse

2.464,1

10,5

5,5

2.500,2

10,46

1,47

2.603,8

10,47

4,14

2.770,9

10,55

6,42

Conseil d'État et juridictions administratives

627,3

2,67

3,87

682,1

2,85

8,73

735,3

2,96

7,80

803,0

3,06

9,21

Autres (1)

163,1

0,69

2,97

162,3

0,68

- 0,55

154,4

0,62

- 4,87

154,6

0,59

0,13

Total Justice

23.472,1

100

6,06

23.903,5

100

1,79

24.868,6

100

4,03

26.257,7

100

5,59

(1) Ordre de la Libération, Ordre de la Légion d'honneur, Commission nationale de l'informatique et des libertés, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Budget civil de recherche et développement.

Source : ministère de la Justice.

LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMÉROTATION.

Chapitre PREMIER :

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET INFORMATIQUE

Pour 1999, l'administration générale et l'informatique (3) représentent 13,69 % du budget du ministère au lieu de 13,97 % du budget voté en 1998 et 14,23 % dans le budget voté pour 1997. Les crédits consacrés à ces actions s'élèveront ainsi à 3.594 millions de francs.

I.- L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

A.- LE MAINTIEN DES MOYENS

L'administration générale intègre également les moyens de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dont le budget devrait s'élever à 30,2 millions de francs pour 1999 (+ 0,45 % par rapport à 1998) et de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dont le budget devrait atteindre 9,55 millions de francs (- 29,5 % par rapport à 1998). Les crédits de recherche (4,6 millions de francs) ainsi que la participation aux charges de pension font partie de cet ensemble.

Ces crédits d'administration générale s'élèvent à 3,6 milliards de francs pour 1999 au lieu de 3,5 milliards de francs inscrits dans la loi de finances initiale pour 1998, soit une très légère progression de 2,85 %.

Au 31 décembre 1997, les effectifs réels en fonction à l'administration centrale et répartis dans les différentes directions de la Chancellerie s'élevaient à 2.271 agents, dont 477 agents de services déconcentrés en poste à l'administration centrale. Les effectifs budgétaires sont fixés dans le projet de loi de finances pour 1999 à 1.770 agents, soit une légère augmentation des emplois par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Sont créés notamment 5 emplois de magistrats inspecteurs pour l'Inspection générale des services judiciaires. 2 emplois de professeurs techniques de la protection judiciaire de la jeunesse sont transférés à l'administration centrale. Par ailleurs, 8 emplois d'adjoints administratifs d'administration centrale sont transformés en 8 emplois d'adjoints administratifs principaux d'administration centrale. 76 autres emplois sont transformés au titre des pyramidages statutaires et de l'évolution des besoins des services.

B.- DES FONCTIONS DE GESTION DISPERSÉES

Votre Rapporteur souhaite rappeler que l'organisation de l'administration centrale se caractérise par une relative dispersion des responsabilités de gestion, résultat d'un héritage historique basé sur une séparation entre les services judiciaires d'un côté, l'administration pénitentiaire de l'autre, et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ex-éducation surveillée. Ainsi, chacune des directions dites " opérationnelles " dispose de fonctions de gestion. Par ailleurs, le budget, l'informatique et l'équipement relèvent de la direction de l'administration générale et de l'équipement.

En 1994, à la suite des recommandations du rapport (4) de M. Jean-François Carrez, magistrat à la Cour des comptes, était intervenu un transfert intégral à la direction des services judiciaires des compétences de gestion des crédits de fonctionnement des juridictions, antérieurement partagées entre la direction de l'administration générale et de l'équipement et la direction des services judiciaires. La même année était créée le service de l'information et de la communication, tandis que la direction des affaires criminelles et des grâces et la direction des affaires civiles et du Sceau étaient réorganisées. 

En 1996, c'était au tour du service des affaires européennes et internationales d'être réorganisé. Un bureau de l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale était créé au sein de la direction des affaires civiles et du Sceau.

En 1997 se poursuivait la déconcentration de la gestion des personnels de l'administration pénitentiaire, la direction de l'administration pénitentiaire étant elle-même réorganisée en 1998.

II.- L'INFORMATIQUE

Les crédits informatiques tels qu'inscrits dans le chapitre 34-05 ne concernent que l'administration centrale, les services judiciaires, les services pénitentiaires, la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions administratives. Le présent rapport réservera à l'informatique de ces dernières un traitement particulier dans le Chapitre V. Les crédits informatiques déconcentrés des juridictions ont été inscrits dans le chapitre 37-92 - Fonctionnement des juridictions. La même opération a eu lieu, en 1998, pour les crédits déconcentrés de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

A.- LES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE DE LA JUSTICE

En mars 1993, la Chancellerie a décidé l'abandon pur et simple du schéma directeur informatique 1990-1994 du ministère de la Justice, à la suite de dérapages financiers et de comportements dont il avait déjà été fait écho dans la presse, dans le rapport budgétaire d'octobre 1993 et plus récemment dans le rapport 1994 de la Cour des comptes.

La préparation des applications au passage à la monnaie unique et l'adaptation des systèmes à l'an 2000 prennent progressivement une importance croissante dans les enjeux des prochains mois. Enfin, les travaux engagés depuis près d'un an sur le futur schéma directeur informatique du ministère devraient s'inscrire dans la réalisation d'un plan quinquennal 1998-2002.

Cinq orientations guident la politique informatique de l'administration centrale  : l'application de gestion des personnels du ministère adaptée à la mise en oeuvre de la déconcentration, l'achèvement pour fin 1998 de l'informatisation du bureau de l'entraide répressive internationale et des conventions pénales, la gestion du parc informatique du ministère, le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le casier judiciaire national pour lequel sont développés des dispositifs de télétransmission des demandes de bulletins formulées par les administrations et les particuliers.

L'informatique pénale est encore fragmentaire. En effet, trois systèmes informatiques sont en service dans les juridictions : la nouvelle chaîne pénale en région parisienne, la chaîne micro-pénale et la chaîne mini-pénale en province selon la dimension des tribunaux de grande instance. Un renouvellement régulier des équipements est en cours. Au plan fonctionnel, le logiciel développé par un éditeur privé pour le suivi de l'exécution des peines a été acquis par le ministère et commence à être déployé dans les premiers tribunaux de grande instance. Il en est de même pour le logiciel de traitement des ordonnances pénales déjà utilisé par 200 tribunaux de police, qui fait l'objet d'une part d'une évolution permettant de dématérialiser les échanges d'informations avec les services de la comptabilité publique, d'autre part d'une extension de son implantation dans les tribunaux non encore équipés. Le logiciel d'instruction assistée par ordinateur, qui repose sur des techniques de numérisation des documents papier et qui est expérimenté avec succès par quelques magistrats en charge de dossiers sensibles ou volumineux, est mis à la disposition des nouveaux magistrats parisiens. Ce logiciel constituera un des principaux outils informatiques mis en place dans le futur pôle financier du tribunal de grande instance de Paris.

L'informatique civile est en retard. Le secteur civil des cours d'appel, tribunaux de grande instance et des conseils de prud'hommes relevait jusqu'au début de 1998 de l'informatique d'initiative locale. L'appel d'offre lancé en 1997 en vue de l'acquisition de logiciels destinés à ce secteur a abouti en avril 1998. Le programme d'implantation des logiciels retenus privilégie les juridictions en difficulté du fait de la défaillance de certains éditeurs de logiciels. Les logiciels acquis par le ministère sont désormais pris en charge au plan central pour ce qui concerne la maintenance et le développement des nouvelles fonctionnalités.

Le projet majeur du ministère de gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) fonctionne dans son intégralité depuis le début de 1998 sur les sites pilotes de Fresnes et de Rouen de manière satisfaisante. Son extension à deux nouveaux centres, Val-de-Reuil et Bapaume, est prévue à la rentrée. Un audit conjoint du ministère de la Justice et du ministère de l'Économie a eu lieu au cours du premier semestre 1998. Ses conclusions ont été très satisfaisantes, ce qui a permis de décider le démarrage du déploiement de ce système à partir du début de 1999. Les services concernés de la direction de l'administration pénitentiaire et de la direction de l'administration générale et de l'équipement mettent actuellement en place les structures nécessaires à la montée en charge et à la gestion de ce nouveau système.

B.- UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DOTATIONS

Entre 1993 et 1997, les dotations consacrées aux opérations informatiques du ministère (hors juridictions administratives) n'ont cessé de diminué, passant de 484,1 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1993 à 313 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1997.

Cette baisse résultait en grande partie de l'achèvement du plan intérimaire de 1992 et impliquait le recentrage sur un seul grand projet, le projet de gestion informatique des détenus en établissement (GIDE).

S'agissant de la loi de finances pour 1998, trois mesures de redéploiement avec d'autres chapitres budgétaires du ministère ont été opérées. La première a concerné le transfert de 7 millions de francs du chapitre 37-92 - Services judiciaires- Moyens de fonctionnement sur le chapitre 34-05. Ce transfert traduisait la prise en charge par l'administration centrale des applications civiles d'initiative locale des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et des conseils de prud'hommes. Les deux autres ont été le résultat du regroupement des crédits informatiques déconcentrés sur des chapitres budgétaires spécifiques. Elles concernaient, d'une part, les services pénitentiaires (transfert de 22,03 millions de francs sur le chapitre 37-98), d'autre part, la protection judiciaire de la jeunesse (transfert de 8,4 millions de francs sur le chapitre 34-34).

En 1999 comme en 1998, les dotations informatiques sont en augmentation sensible, atteignant 358,9 millions de francs au lieu de 337,5 millions de francs l'an passé. Si les dotations déconcentrées de la protection judiciaire de la jeunesse et des services judiciaires restent stables, en revanche, l'informatique centralisée et l'informatique déconcentrée des services pénitentiaires bénéficient de hausses appréciables.

ÉVOLUTION DES BUDGETS INFORMATIQUES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

(hors Conseil d'État et commission nationale des comptes de campagne)

(en millions de francs)

Chapitres

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 (1)

34-05 - Chancellerie

377,2

318,5

316

277,1

260

236

250,4

37-92 - Services judiciaires

106,9

143,7

119,2

98,3

118

70,5

70,5

37-98 - Services pénitentiaires

-

-

-

-

-

22,6

29,6

34-34 - Protection de la jeunesse

-

-

-

-

-

8,4

8,4

Total

484,1

462,2

435,2

375,4

313

337,5

358,9

(1) présentation dans le projet de loi de finances.

Source : ministère de la Justice.

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CHAPITRE II : 

LES SERVICES JUDICIAIRES

Les crédits des services judiciaires financent le fonctionnement et l'équipement de près de 1.200 juridictions, du Conseil supérieur de la magistrature, des écoles nationales de la magistrature et des greffes. Ils couvrent les frais de justice et le financement de l'aide juridique.

Pour 1999, les crédits des services judiciaires devraient atteindre 11.667,9 millions de francs. Ils sont en progression de 5,7 % après une progression de 4,71 % entre 1997 et 1998. Ils représentent 44,4 % des crédits du ministère en 1999. En outre, les services judiciaires disposeront en 1999 de 25.916 postes budgétaires, soit 41,9 % de l'effectif théorique total du ministère. Les parts de l'aide juridique, qui mobilise 1.443,7 millions de francs, et des frais de justice qui atteignent 1.776,5 millions de francs, restent élevées puisqu'elles constituent près de 12,3 % des crédits du ministère et 27,6 % des crédits des services judiciaires.

EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMME

SERVICES JUDICIAIRES

 

Mesures prévues

Loi de finances initiale 1995

Loi de finances initiale 1996

Loi de finances initiale 1997

Loi de finances initiale 1998

Projet de loi de finances 1999

Total sur 5 ans

Mesures relatives aux emplois

             

- magistrats

300

60

60

30

70

80

300

- fonctionnaires

             

· créations budgétaires (1)

835

23

468

78

230

36

835

· levée de gel

185

185

-

-

-

-

185

- magistrats à titre temporaire

80

16

16

-

16

16

64

Total emplois

1.400

284

544

108

316

132

1.384

(dont créations budgétaires nettes)

(1.135)

(83)

(528)

(108)

(300)

(116)

(1.135)

Taux de réalisation (en %)

100

20,29

59,14

66,86

89,43

98,86

98,86

Autorisations de programme
(en millions de francs) (2)

4.500

1.192

1.154

904

572

678

4.500

Taux de réalisation (en %)

100

26,49

52,13

72,22

84,93

100

100

(1) en net des 101 suppressions d'emplois de fonctionnaires inscrites au titre des économies par révision des services votés en 1995 (- 10), 1996 (- 22) et 1997 (- 69).

(2) autorisations de programmes inscrites en lois de finances initiales au titre de la loi de programme ; services judiciaires et administration centrale, traditionnellement inscrits au même chapitre.

Source : ministère de la Justice.

I.- LES RESSOURCES HUMAINES

La loi de programme n° 96-9 du 6 janvier 1995 avait prévu d'augmenter les effectifs disponibles de 300 magistrats, de 80 magistrats exerçant à titre temporaire (en équivalent temps plein) et de 1.020 fonctionnaires dont 185 par levée de mise en réserve.

Les recrutements inscrits dans la loi de finances depuis 1995 doivent être ainsi appréciés dans le cadre de l'exécution de la loi de programme en tenant compte des gels d'emplois budgétaires.

A.- LES EFFECTIFS

1.- Les magistrats

La loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice avait prévu d'augmenter les effectifs disponibles de 300 magistrats et de 80 magistrats exerçant à titre temporaire (en équivalent temps plein).

Sur la période 1995-1999, le renforcement des effectifs de magistrats devait s'effectuer de façon régulière avec un effort plus soutenu sur la première année. L'objectif annoncé était de renforcer les effectifs des cours d'appel pour leur permettre d'absorber leur retard, de créer des emplois de magistrats du parquet afin de faire face à de nouvelles activités ou à de nouvelles procédures, telles la médiation et la transaction, de créer des emplois de juge de l'application des peines afin de limiter la récidive, de favoriser les mesures alternatives à l'incarcération et de créer des emplois de juge des enfants pour augmenter le nombre des mesures préventives d'assistance éducative et mieux suivre l'évolution des jeunes délinquants.

60 postes de magistrats ont été créés en 1995 et 1996, puis 30 en 1997 et 70 en 1998. Pour 1999, ce sont près de 80 postes qui seront créés, soit sur cinq ans la création de 300 emplois budgétaires de magistrats, ce qui correspond exactement aux dispositions de la loi de programme. Au-delà de la loi de programme, 36 autres postes de magistrats seront créés en 1999.

S'agissant des postes de magistrats temporaires, seuls 64 ont été créés sur les 80 prévus initialement.

La loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire a autorisé le recrutement supplémentaire de 100 magistrats supplémentaires, dans la limite de 50 postes en 1998 et de 50 postes en 1999. Le recrutement exceptionnel de 90 magistrats exerçant les fonctions de conseiller de cour d'appel a été autorisé en 1998 et, pour le même nombre, en 1999.

ÉTAT PRÉVISIONNEL DES ENTRÉES ET SORTIES DU CORPS DES MAGISTRATS

Années

Sorties prévisibles

Entrées prévisibles

1997

75

123

1998

63

185

1999

67

337 (1)

2000

61

300

(1) dont 100 par concours exceptionnel, 37 conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, 25 détachements judiciaires et 30 recrutements latéraux

Si la progression du nombre des postes budgétaires est satisfaisante, il convient de la mettre en rapport avec les effectifs réels de magistrats et préciser que, si des efforts plus significatifs ne sont pas réalisés dans les années à venir, l'évolution défavorable de la pyramide des âges ne sera pas inversée.

ÉTAT DES EFFECTIFS DE MAGISTRATS

(au 1er septembre 1998)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

A. Magistrats occupant un poste budgétaire :

6.296

6.383

6.414

6.423

6.441

6.510

B - Magistrats en détachement

188

224

231

223

240

232

C - Magistrats en congé de longue durée

6

7

18

9

4

7

D - Magistrats en congé parental

25

24

19

23

25

22

E - Magistrats en disponibilité

68

70

71

73

80

70

F - Magistrats en activité

6.009

6.058

6.075

6.095

6.062

6.179

G. Magistrats maintenus en activité en surnombre

116

139

110

91

110

92

H. Effectifs réels des magistrats en activité (F+G)

6.125

6.197

6.185

6.186

6.202

6.271

Effectifs budgétaires

6.098

6.138

6.198

6.258

6.287

6.357

Postes vacants (1)

89

80

133

187

195

215

(1) postes vacants = effectifs budgétaires - magistrats en activité + ajustements liés aux emplois à temps partiel.

Source : d'après ministère de la Justice.

Votre Rapporteur est favorable à l'augmentation du recours au recrutement latéral avec intégration directe (cf. encadré ci-après) afin de conforter les effectifs de magistrats et d'ouvrir cette profession sur la diversité sociale.

LES MODES DE RECRUTEMENT DANS LA MAGISTRATURE

L'École nationale de la magistrature (ENM) constitue la voie principale de recrutement des magistrats. Plusieurs modes de sélections sur titres permettent cependant un accès direct à la magistrature. Certaines voies donnent accès à l'exercice permanent des fonctions de magistrat, d'autres à leur exercice temporaire.

·  Recruter des magistrats à titre permanent

- L'École nationale de la magistrature

Le recrutement à l'ENM s'effectue principalement par voie de concours. Le premier est ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise et âgés de moins de 27 ans. Le deuxième est réservé aux fonctionnaires âgés de moins de 40 ans et justifiant de 4 ans de services. Le troisième est ouvert aux personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaires et justifiant 8 années d'exercice professionnel (article 16 et 17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958). En outre, un recrutement sur titre est ouvert aux titulaires d'une maîtrise en droit, âgés de 27 à 40 ans, que quatre années d'activités dans le domaine juridique, économique ou social qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires (articles 18-1 et 18-2 de l'ordonnance précitée).

- L'intégration directe

Les articles 22, 23, 24 et 40 de l'ordonnance précitée ouvrent la possibilité d'une intégration directe dans les fonctions des différents niveaux hiérarchiques du corps judiciaire aux personnes titulaires d'un diplôme du niveau de la maîtrise et justifiant d'une certaine durée d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions de magistrats. Ces nominations interviennent après avis conforme de la commission d'avancement et si celle-ci le décide après accomplissement d'un stage probatoire.

- Les concours exceptionnels

Ils sont autorisés par loi spéciale à l'exemple de la loi n° 98-105 du 24 février 1998 qui autorise pour chacune des années 1998 et 1999 le recrutement exceptionnel de 100 magistrats.

·  Recruter des magistrats à titre temporaire

- Le détachement judiciaire

Les articles 41 à 41-9 de l'ordonnance précitée permettent d'obtenir un détachement judiciaire pour exercer des fonctions des premiers ou second grade aux membres des corps recrutés par la voie de l'École nationale d'administration et aux professeurs et maîtres de conférence des universités, justifiant selon le niveau hiérarchique de détachement de 4, 10, ou 12 ans de services en cette qualité. Ce détachement est prononcé après avis conforme de la commission d'avancement, pour une durée de 5 ans non renouvelable. Préalablement à leur prise de fonctions, les détachés judiciaires accomplissent un stage de formation d'une durée de 6 mois. La loi organique détermine également les conditions dans lesquelles les détachés judiciaires, à l'issue de leur détachement, soit réintègrent leur corps d'origine, soit peuvent solliciter leur intégration dans la magistrature.

- Les conseillers de cour d'appel en service extraordinaire

La loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiée prévoit la possibilité, jusqu'au 31 décembre 1999, de recruter pour exercer en service extraordinaire les fonctions de conseiller de cour d'appel, des personnes âgées de 50 à 60 ans, titulaires d'un diplôme de niveau maîtrise, justifiant d'au moins 15 ans d'activité professionnelle les qualifiant pour exercer ces fonctions. Ils sont nommés après avis conforme de la commission d'avancement, pour une durée de 10 ans non renouvelable.

- Les magistrats exerçant à titre temporaire

La loi organique précitée a introduit des dispositions permettant le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire (article 41-10 à 41-16 de l'ordonnance précitée). Ce mode de recrutement a été instauré pour favoriser l'exercice de certaines fonctions judiciaires par des magistrats non professionnels, sans notion de carrière, afin de rapprocher la justice du citoyen, participant ainsi du fonctionnement de l'institution judiciaire. Ces magistrats, qui peuvent exercer les fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, présentent la particularité de pouvoir continuer l'exercice d'une activité professionnelle concomitamment à l'exercice de fonctions judiciaires. Ce recrutement s'adresse aux personnes âgées de moins de 65 ans révolus, justifiant de 7 années au moins d'expérience professionnelle les qualifiant pour exercer des fonctions judiciaires. Les magistrats recrutés dans ce cadre sont nommés pour une durée de 7 ans non renouvelable. Ces magistrats n'occupent pas un poste budgétaire, ils sont rémunérés sur la base de vacations.

Cette politique de recrutements accrus doit s'accompagner d'une amélioration de la gestion des effectifs.

La mise en place de magistrats placés auprès des chefs de cour, depuis 1987, pour remédier aux vacances d'emplois et aux divers congés, est un autre moyen de donner de la souplesse dans les affectations de magistrats, entre les juridictions en fonction de leur charge de travail réelle. Leur nombre passé de 109 en 1995 en 139 en 1998 s'ajoute à celui des magistrats maintenus en activité, en surnombre.

La mise en place des magistrats exerçant à titre temporaire prévue par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 relative au statut de la magistrature et la loi de programme n° 95-6 du 6 janvier 1995, est également destinée à assouplir la gestion des effectifs de magistrats. Entre 1995 et 1998, 48 postes de magistrats à titre temporaire ont été ouverts par les lois de finances. 16 nouveaux postes sont ouverts par le projet de loi de finances pour 1999. 4 candidats sont en cours de nomination, tandis que 24 autres dossiers sont en cours d'instruction.

Par ailleurs, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions, en son article 20, avait prévu le recrutement d'assistants de justice afin de donner aux juges les moyens de se consacrer aux tâches essentielles qui ressortissent directement de leur compétence, en leur apportant le concours de collaborateurs de haut niveau pour assurer les travaux préparatoires à la décision, effectuer des recherches et rédiger des notes juridiques dans les tribunaux d'instance, les tribunaux de grande instance et les cours d'appel.

203 assistants de justice ont été recrutés pour 7,2 millions de francs en 1996. 100 assistants supplémentaires ont été engagés en 1997 et 220 en 1998. Pour 1999, le projet de loi de finances prévoit un effort particulier pour le recrutement de 400 assistants de justice supplémentaires (15,6 millions de francs). Les fonctions des assistants se sont diversifiées : recherche de documentation et de jurisprudence, rédaction de notes de synthèse des dossiers, rédaction de projets de décisions ou de réquisitoires, prétraitement du courrier pénal général, tri des dossiers audiencés après loi d'amnistie, proposition de recours aux procédures de médiation-réparation, gestion de la médiation pénale, réalisation des bibles de doctrines ou des jurisprudences, tenue de statistiques, tenue et gestion des bibliothèques et des fonds documentaires... Si votre Rapporteur se félicite de l'assistance apportée par ce nouveau type d'emploi au service public de la justice, il s'interroge sur les garanties qu'il présente au regard de la réalisation de certains actes. En effet, ces emplois ne sont pas permanents et pourraient apparaître comme un " pis-aller budgétaire " au regard du travail accompli en principe par les agents de greffe.

2.- Le personnel des greffes judiciaires

L'effectif du personnel des greffes judiciaires s'élevait en 1998 à 19.403 personnes, soit 32 % du total des effectifs du ministère comme en 1997.

Une bonne administration de la justice exige un renforcement des effectifs des greffes judiciaires. La pénurie des moyens de secrétariat et de documentation aboutit à des situations humiliantes et appauvrit la motivation des jugements, ce qui a souvent pour conséquence la multiplication des pourvois en cassation. Le recours aux assistants de justice ne saurait suffire.

La loi de programme avait prévu la création de 835 emplois de fonctionnaires auxquels devait s'ajouter la levée de mise en réserve de 185 emplois de personnels de greffe.

Entre 1995 et 1998, 185 emplois soumis à un gel ont été " réactivés ", et 799 postes ont été créés, dont 300 emplois de catégorie C en 1996 ouverts sans avoir été prévus dans la loi de programme. Pour 1999, 36 nouveaux postes sont créés, ce qui portera le total sur cinq ans à 835 postes.

Au-delà de la loi de programme, 194 autres postes seront ouverts en 1999. Ces ouvertures font suite au plan exceptionnel de recrutement mis en place en 1998 et qui portait sur 44 emplois de greffiers en chef, 240 greffiers, 475 personnels de bureau et 70 fonctionnaires es filières techniques.

De la même façon que pour les magistrats, quand bien même les effectifs budgétaires de greffe progressent, il conviendrait de réduire le taux de vacance des emplois. En effet, si le nombre de postes budgétaires ouverts en 1998 se montait à 19.403, les effectifs réels atteignaient 18.882 personnes.

B.- LES RÉMUNÉRATIONS

Les créations d'emplois en 1999 entraîneront une ouverture de crédits nouveaux à hauteur de 89,2 millions de francs. Par ailleurs, plus de 116,8 millions de francs correspondront au coût en 1999 de l'accord salarial conclu dans la fonction publique sur les bas salaires, sur la revalorisation du point Fonction publique et sur des mesures de pyramidages statutaires.

Une provision de 18 millions de francs est inscrite au titre de la réforme du statut de la magistrature. Les travaux interministériels se poursuivent sur cette réforme destinée à accroître les garanties d'indépendance, améliorer le déroulement de carrière et permettre une plus grande mobilité des magistrats. Par ailleurs, une mesure de 9,6 millions de francs est destinée à majorer les indemnités des greffiers et greffiers en chef.

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

Les services judiciaires continuent de connaître un nombre d'affaires nouvelles important. L'activité des juridictions civiles comme des juridictions pénales est maintenue à un niveau élevé compte tenu des affaires restant à juger, ce qui exige des moyens de fonctionnement importants.

A.- L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE EN 1997

 - Les juridictions civiles

Le nombre d'affaires nouvelles civiles portées devant la Cour de cassation est en baisse par rapport à 1996, retrouvant ainsi son niveau de 1995 (environ 20.000). La même évolution doit être constatée pour les cours d'appel devant lesquelles le nombre d'affaires nouvelles (214.000) régresse en 1997 comme en 1998. La situation devant les tribunaux de grande instance est inédite : le nombre d'affaires nouvelles (645.000) diminue pour la première fois depuis 1986. Cette situation résulte en grande partie de la réduction de 39 % des procédures contentieuses de l'exécution. Il est à noter que le contentieux de l'autorité parentale pour les enfants naturels continue quant à lui d'augmenter très significativement, contrairement au nombre de demandes de rupture d'union devant le juge aux affaires familiales.

Si le nombre d'affaires nouvelles baisse, en revanche, les durées moyennes des affaires terminées en 1997 augmentent par rapport à 1996. Les délais de solution passent à 16,3 mois devant les cours d'appel et à 9,1 mois devant les tribunaux de grande instance, alors même que le programme pluriannuel pour la justice avait fixé des objectifs, respectivement, de 12 et de 6 mois. Le même décalage entre les objectifs (3 mois) et la réalité (5 mois) doit être constaté pour les affaires traitées devant les tribunaux d'instance.

 - Les juridictions pénales

S'agissant des juridictions pénales, le nombre d'affaires nouvelles transmises (6.700) à la Cour de cassation a diminué en 1997 pour la première fois depuis 1994. Un ralentissement de la croissance continue de l'activité (32.400 arrêts) des chambres d'accusation près les cours d'appel doit être constaté en 1997.

Le nombre de plaintes, dénonciations et procès-verbaux (4,9 millions) parvenus aux parquets des tribunaux de grande instance a baissé de 5 % par rapport à 1996. La même tendance marque le nombre de procédures classées sans suite (3,9 millions) avec une diminution de 3 % par rapport à 1996, tandis que le nombre d'affaires poursuivies (603.000) était en légère progression de 2,3 %. 44.000 affaires ont fait l'objet d'une ouverture d'information devant un juge d'instruction. Plus de 378.000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux correctionnels, soit 1,7 % de plus qu'en 1996. Enfin, près de 136.000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police.

B.- LE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL DES SERVICES JUDICIAIRES

La loi de finances initiale pour 1998 a regroupé sur le seul chapitre 37-92 les dotations des chapitres 35-10 - Travaux d'entretien immobilier ancien et 37-92 - Fonctionnement des juridictions.

1.- La réforme de la gestion

Engagée dès 1987, la réforme de la gestion des moyens des services judiciaires a connu une phase expérimentale entre 1992 et 1994, avant de se stabiliser autour de l'échelon fonctionnel de la cour d'appel.

Le développement de l'échelon d'administration implanté dans les cours d'appel a été accompagné par les créations successives de fonctions spécialisées : délégué à la gestion budgétaire, délégué à la formation informatique, formateur régional, magistrat chargé de la formation ou délégué à l'équipement, relevant parfois auparavant d'autorités différentes ou concurrentes. L'accroissement des tâches d'administration, l'augmentation des volumes délégués, et le nombre de personnels à gérer nécessitent que les chefs de cour bénéficient de renforts en personnel et en moyens, et que soient réorganisées les diverses structures existantes.

Ce dispositif de gestion a été mis en place à partir de 1995. Les services de gestion chargés d'assister les chefs de cour d'appel ont été réorganisés (création d'un service administratif régional, le SAR, dirigé par un coordonnateur). Dans ce cadre, les juridictions ont été invitées à présenter leurs demandes budgétaires dans une optique de budget zéro (élaboration d'un budget de base et d'un budget de programme).

Cette réorganisation de l'échelon déconcentré s'est traduite par la création à la direction des services judiciaires d'une mission de contrôle de l'exécution des budgets, qui est opérationnelle depuis la fin de l'année 1996. Elle est dirigée par un magistrat, assisté de greffiers en chef et ponctuellement d'un administrateur civil. Elle a vocation à intervenir dans l'ensemble des 1.200 juridictions, réparties sur 900 sites immobiliers dans 600 communes. Elle établira une typologie des juridictions en fonction de la nature et de l'évolution de leurs charges, organisera un contrôle de gestion et fournira une assistance technique aux gestionnaires des cours d'appel.

Par ailleurs, en 1997, a été mis en place un dispositif de contrôle de gestion ayant pour finalité d'aider les chefs de cours d'appel dans leurs arbitrages budgétaires tant au niveau de l'élaboration des demandes que de la répartition entre les juridictions du premier degré de la ressource notifiée en permettant un meilleur suivi des dépenses de fonctionnement des juridictions.

Les circuits financiers régissant les services judiciaires demeurent, malgré ces réformes, complexes. La lettre de l'arrêté du 31 décembre 1993 modifié portant règlement de comptabilité pour la désignation des ordonnateurs secondaires du budget du ministère de la Justice et de leurs délégués est, à cet égard, éloquente.

Ainsi le préfet du département siège de la cour d'appel est ordonnateur secondaire des dépenses relatives à l'activité des services judiciaires en matière de dépenses informatiques gérées par les cours d'appel, en matière de rémunérations des personnels titulaires et des agents non titulaires de droit public et en matière de subventions aux organismes privés ou publics contribuant au contrôle judiciaire. Le préfet de région est, quant à lui, ordonnateur secondaire du budget du ministère concernant les recettes et les dépenses relatives à l'activité de la cour d'appel de Paris. Le système de délégation rend le système encore plus complexe, puisque le préfet du département peut donner délégation de signature à un magistrat ou à un fonctionnaire de catégorie A délégué auprès des chefs de la cour d'appel de Paris pour l'exécution des recettes et dépenses relatives à l'activité des juridictions du premier degré de ce département.

Dans tous les cas, une juridiction du premier degré ne peut avoir d'autonomie comptable et en aucun cas un chef de juridiction ne peut se voir déléguer la compétence d'ordonnateur secondaire, délégué ou subdélégué, pour les dépenses d'équipement, alors que les directeurs régionaux de l'administration pénitentiaires peuvent être ordonnateurs délégués, y compris pour les dépenses d'investissement, et subdéléguer leur compétence aux chefs d'établissements pénitentiaires dotés de l'autonomie comptable en application de l'article 9 du décret n° 57-1409 du 31 décembre 1957 portant organisation comptable des établissements pénitentiaires.

Face à cette complexité, une réforme de la procédure d'exécution a été initiée par la Chancellerie à titre expérimental dans les ressorts des cours d'appel d'Amiens et de Rouen, poursuivie en 1998 dans les cours d'appel d'Angers, Bordeaux, Bourges et Nîmes, ainsi que dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny dans un objectif de généralisation du dispositif à l'ensemble des cours d'appel d'ici le 1er janvier 2000. Cette réforme vise à permettre aux chefs de cours d'exercer pleinement leurs responsabilités tant en termes de conduite d'une politique dynamique de l'achat public qu'en termes de contrôle de gestion. Les circuits actuels de la dépense seront modifiés : seront centralisées au niveau de la cour d'appel les informations concernant les dépenses de l'ensemble des juridictions du ressort, dont jusque là seuls étaient destinataires les ordonnateurs secondaires pour les juridictions de leur département.

Dans ce schéma, le service administratif régional constitue l'unique interlocuteur des préfets, ordonnateurs secondaires, en matière d'engagement comptable et de mandatement des dépenses des juridictions des départements composant le ressort de la cour d'appel. L'ensemble des juridictions du premier degré du ressort d'un tribunal de grande instance (arrondissement judiciaire) est fédéré en centre dépensier disposant d'une cellule de gestion budgétaire, laquelle est chargée de tenir la comptabilité des juridictions du premier degré relevant du centre dépensier et constitue l'unique interlocuteur du SAR.

Les juridictions conservent l'initiative de leurs dépenses de fonctionnement, sous réserve de la politique d'achat commune déterminée, après concertation, par les chefs de cours.

Chaque niveau - administration centrale, service administratif régional, cellule de gestion - dispose d'un outil informatique de gestion. Cette réforme en cours de validation sur les 7 sites expérimentaux, sera étendue courant 1998 à une dizaine d'autres cours d'appel et aux autres cours en 1999.

Votre Rapporteur souhaite appeler votre attention sur l'importance qu'il convient d'accorder à la formation des magistrats à la gestion, tant que les chefs de juridiction seront chargés de l'organisation et du fonctionnement courant, humain et matériel des tribunaux.

2.- Une progression des moyens

Cette déconcentration raisonnée s'est accompagnée d'un mouvement constant de globalisation se traduisant par des modifications substantielles de la nomenclature budgétaire, et en particulier par le regroupement progressif des crédits de fonctionnement au sein du chapitre 37-92.

MOYENS MATÉRIELS DES JURIDICTIONS

(en millions de francs)

 

Loi de finances 1997

Loi de finances 1998

Projet de loi de finances 1999

Variation 1999/1998
(en %)

Chapitre 35-10 : Travaux d'entretien immobilier

72,12

-

-

-

Chapitre 37-92 : Fonctionnement des juridictions

1.097,51

1.244,57

1.308,98

5,17

Total

1.169,63

1.244,57

1.308,98

5,17

Source : ministère de la Justice.

La progression des moyens des juridictions est en constante augmentation. Ils atteignaient 1.106,18 millions de francs en 1994, ils atteindront 1.308,98 millions de francs pour 1999, soit une augmentation de 18,33 %. Par rapport à la loi de finances initiale, la croissance atteint 5,17 %.

Les mesures nouvelles proposées pour 1999 permettront d'assurer :

le développement des conseils départementaux d'aide juridique et la poursuite du programme de maisons de justice et du droit (6 millions de francs) ;

la modernisation des juridictions et la mise en service des nouveaux bâtiments (32,1 millions de francs) ;

la consolidation des pôles de lutte contre la délinquance financière à Paris, en Corse, à Marseille et à Lyon pour 15,7 millions de francs (cf. encadré infra) ;

et l'accompagnement des premières réformes de la carte judiciaire (5 millions de francs).

·

LA CRÉATION D'UN PÔLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER À PARIS

Depuis plusieurs années, le manque de moyens des juges chargés des dossiers économiques et financiers a été dénoncé, notamment par les magistrats eux-mêmes, comme en témoigne la lettre adressée au Garde des Sceaux par le procureur général et le président du tribunal de grande instance de Paris en octobre 1997.

Annoncée dans son principe en décembre 1997, la création d'un pôle de magistrats économiques et financiers installé hors du palais de justice de Paris, a été confirmée par le Garde des Sceaux, le 25 mai 1998. Au total, près de 300 personnes, dont 60 magistrats (pour moitié des magistrats du parquet et pour moitié des magistrats d'instruction) vont être regroupés dans les mêmes locaux, boulevard des Italiens. La section du parquet chargée du contentieux des moyens de paiement, souvent lié aux flagrants délits, restera au Palais.

Aucune audience ne se déroulera boulevard des Italiens. Un vice-président exercera également les fonctions de juge délégué chargé de désigner les juges d'instruction. Il sera habilité à recevoir les plaintes avec constitution de partie civile, ainsi que les consignations. Une régie sera instituée dans les nouveaux locaux. Il faut signaler qu'en matière économique et financière, près des trois quarts des dossiers sont déclenchés sur plainte avec constitution de partie civile, le solde étant engagé sur la demande du parquet, d'où l'intérêt pour le justiciable de pouvoir s'adresser indifféremment au Palais ou au pôle des Italiens.

Les différentes sections du parquet et de l'instruction se verront adjoindre des " assistants spécialisés " dont le statut a été précisé par l'article 91 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier modifiant le code de procédure pénale.

Les assistants spécialisés, fonctionnaires détachés ou mis à disposition contre remboursement par leur administration (douanes, impôts, concurrence et répression des fraudes...), assisteront les magistrats sans pouvoir cependant effectuer le moindre acte de procédure. Ils seront soumis au secret professionnel. Ce principe devra être appliqué avec rigueur : il conviendra de s'assurer qu'il s'impose lors du retour de l'assistant spécialisé dans son administration d'origine. Se pose la question du statut des travaux qu'ils remettront aux magistrats. Devront-ils être communiqués aux parties ? Ou bien resteront-ils dans le dossier personnel du magistrat instructeur ? A priori, ces interventions ne devraient pas être communicables et devraient être assimilés aux notes personnelles du magistrat.

Afin de valoriser la fonction d'assistants spécialisés et d'attirer les compétences, il serait peut-être souhaitable de prévoir des voies d'intégration à terme de ces agents dans la magistrature.

Selon la Chancellerie, la présence des assistants spécialisés permettra aux magistrats de moins déléguer à la police judiciaire et, donc, de ne confier des investigations mieux cadrées.

Le coût de la nouvelle installation peut être estimé à environ 22 millions de francs annuels, dont 17 millions de francs de loyer pour 6.700 mètres carrés et entre 4 et 5 millions de francs de fonctionnement.

Une liaison informatique permettra de pallier certains inconvénients de la disjonction des locaux du pôle d'avec le palais de justice.

Cette rationalisation et ce renforcement des moyens devraient permettre des gains de productivité qui limiteront les risques d'une " justice au carbone 14 ".

Trois autres pôles seront créés à Bastia, à Marseille et à Lyon. En outre, les tribunaux de Nanterre, Bordeaux et Fort-de-France, qui ne bénéficient pas de l'ensemble des mesures qui caractérisent la constitution des pôles économiques et financiers proprement dits, bénéficieront de l'affectation en 1999 d'assistants spécialisés.

C.- LES CHAPITRES ÉVALUATIFS DES FRAIS DE JUSTICE ET DES RÉPARATIONS CIVILES : UN ACCROISSEMENT SUBSTANTIEL DES CRÉDITS

Les chapitres 37-11 - Frais de justice et 37-91 - Réparations civiles sont évaluatifs au sens de l'article 9 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Les derniers exercices avaient témoigné d'une aggravation des taux de dépassement des crédits ouverts dans les lois de finances.

CHAPITRE 37-11 - FRAIS DE JUSTICE

(sauf article 40 - Frais de justice administrative)

(dépenses constatées)

(en millions de francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998 (1)

1998 (2)

A - Dotation en Loide finances initiale

1.179,7

1.304,8

1.404,8

1.498,5

1.627,5

1.748,5

B - Consommation

1.237,5

1.306,2

1.420,2

1.536,9

1.643

-

Rapport B/A - Taux de dépassement (en %)

104,9

100,1

101,2

102,6

3.270,5

-

(1) prévisions au 30 juin 1998.

(2) projet de loi de finances.

Source : ministère de la Justice.

La situation du chapitre 37-11 sur lequel s'imputent les frais de justice semble connaître une nouvelle croissance des dépenses. Le taux de croissance de la dépense pour 1998 et 1999 est de 6,9 %. Le montant de l'ajustement du projet de loi de finances pour 1999 correspondant à cette évolution est de 129,5 millions de francs. Les mesures de maîtrise de la dépense, d'économies et de transfert engagées en 1998 et poursuivies en 1999 se traduiront, pour 1999, par une mesure négative de 50,4 millions de francs. 42 millions de francs seront consacrés à la mise en oeuvre du plan de réforme de la justice et de la loi relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.

Le chapitre a été régulièrement abondé en cours d'année : 20 millions de francs en 1992, 140 millions en 1993, 50 millions en 1994, 75 millions en 1995, et 63,6 millions de francs en 1996 (après un transfert de 63,6 millions francs au titre de la suppression de la franchise postale). Un abondement sera sans doute nécessaire en 1998, compte tenu des prévisions de dépenses (1.643 millions de francs).

Les frais de justice pénale représentent 70 % de la dotation, les frais de justice civile 17,4 % et les frais de justice commerciale 10,9 %.

Le chapitre 37-91 a connu en 1997 une hausse substantielle de 51,1 %. Cette progression a été rendue nécessaire par le dépassement systématique des dotations inscrites dans les lois de finances initiale. La situation au 31 août 1996 montrait déjà des signes de tension forts qu'il convenait d'absorber en 1997. La sincérité des dotations budgétaires est, depuis, améliorée. En 1998 et pour 1999, la dotation est stabilisée à 20,7 millions de francs et devrait permettre d'éviter des dépassements trop importants.

CHAPITRE 37-91 - RÉPARATIONS CIVILES

(en millions de francs)

 

1994

1995

1996

1997 (1)

1998

1999 (2)

A.- Dotation en LFI

7,7

13,7

13,7

20,7

20,7

20,7

B.- Consommation

27,4

26,5

19

7,7

-

-

Rapport B/A - Taux de dépassement (en %)

355,7

193,4

138,7

37,2

-

-

(1) au 31 août 1997.

(2) projet de loi de finances.

Source : ministère de la Justice.

D.- L'AIDE JURIDIQUE : UNE DOTATION TOUJOURS REVALORISÉE

Les crédits de l'aide juridique sont des crédits évaluatifs. En 1997, ils ont été transférés du titre III vers le titre IV (chapitre 46-12 nouveau). L'aide juridique constitue bien, en effet, une dépense d'intervention : l'État se substitue aux justiciables ayant des revenus modestes pour régler les honoraires des auxiliaires de justice, au premier rang desquels figurent les avocats.

Le dispositif de l'aide juridique comprend trois volets :

_ l'aide juridictionnelle est mise en _uvre par les bureaux d'aide juridictionnelle qui octroient cette aide aux personnes qui la demandent, par les greffes qui attestent de l'exécution des missions effectuées par les avocats, par les Caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) qui gèrent la rétribution des avocats et par le Trésor public qui assure directement, sans ordonnancement, la rétribution des autres auxiliaires de justice (avoués, huissiers) ;

_ l'aide à l'accès au droit peut intervenir en dehors de tout procès pour faciliter l'information juridique des plus démunis et organiser l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles. Cette aide relève de la compétence des conseils départementaux de l'aide juridique ;

· l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, distincte de l'aide juridictionnelle, est cependant imputée sur le chapitre 46-12 - Aide juridique.

Réformée par la loi n° 91-637 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, l'aide juridique a vu ses dépenses tripler depuis lors : elle représentait 1.201 millions de francs en 1997 au lieu de 401 millions de francs en 1991. La rémunération des avocats représente près de 85 % du total.

Le bilan de la réforme réalisé en 1995 a conduit à déposer devant les assemblées un projet de loi relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits. Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 29 juin 1998, le projet tend à accorder l'aide juridictionnelle pour favoriser la transaction avant même la saisine d'une juridiction. Il doit réorganiser et améliorer le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle (accroissement des pouvoirs du président).

La dotation budgétaire de l'aide juridique passera de 1.228,5 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 1998 à 1.443,72 millions de francs dans le présent projet de loi de finances, soit une progression de 17,5 %. Un ajustement de 149 millions de francs tient compte de l'augmentation du volume des admissions. Une mesure d'économies de 31 millions de francs correspond à l'impact des mesures de contrôle de la dépense et d'amélioration du recouvrement des rétributions par l'État. 97,4 millions de francs permettront la mise en oeuvre du plan de la réforme de la justice.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES ET DES DÉPENSES CONSTATÉES DE 1993 À 1999

(Chapitre 37-12 ancien, Chapitre 46-12 nouveau)

(en millions de francs)

Année

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Dotations Loi de finances initiale

             

Ancien régime (loi de 1972)

175

60

250

(ns)

(ns)

(ns)

(ns)

Nouveau régime (loi de 1991)

1.022,64

1.037,67

1.060,27

1.085,31

1.216,3

1228,5

1.443,7

Total

1.197,65

1.097,67

1.085,28

1.085,31

1.216,3

1228,5

1.443,7

Dépenses constatées

             

Ancien régime (loi de 1972)

160,87

61,86

23,98

10,61

6,2

(nd)

(ns)

Nouveau régime (loi de 1991)

886,31

663,76

840,68

1.061,51

1.201,8

(nd)

(ns)

Total

1.047,19

725,63

864,66

1.072.12

-1.208,1

(nd)

(ns)

Source : ministère de la Justice.

Le principal poste de dépense est constitué par la rétribution des avocats : 1.027 millions de francs en 1997. Le budget de l'accès au droit destiné à financer les conseils départementaux d'aide juridique s'est élevé à 6,2 millions de francs en 1997, le ministère de la Justice fournissant une dotation de 1,5 million de francs.

III.- L'ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE

L'équipement judiciaire fait l'objet de dotations budgétaires importantes (plus de 970 millions de francs de crédits de paiement pour 1999). Ces dotations budgétaires sont destinées à deux actions principales : 

· le programme pluriannuel d'équipement qui a intégré, pour une part, les objectifs de la loi de programme et qui absorbe la grande majorité des crédits ;

· le programme déconcentré réservé aux opérations de moindre ampleur.

L'analyse des crédits d'équipement judiciaire doit prendre en compte la succession de trois programmations correspondant à des dotations distinctes de crédits pour des travaux immobiliers de même nature, dotations imputées sur un même chapitre en 1996 (57-11 ancien), mais transféré pour 1997 aux articles 20 et 30 du chapitre 57-60 - Équipement :

·

lancement en 1992 d'un programme pluriannuel d'équipement des juridictions (PPE) ;

· dans le cadre du Plan de relance pour la Ville de 1993, transfert par répartition à partir du budget des charges communes d'autorisations de programme et de crédits de paiements ;

· intégration de l'équipement judiciaire dans le cadre de la loi de programme du 6 janvier 1995, prévoyant 4.500 millions de francs d'autorisations de programme jusqu'en 2000.

Compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi de programme en 1995, les autorisations de programme ont augmenté fortement à cette période, avant de décroître significativement en 1997 en raison de la décision d'étalement de l'application de la programmation sur une année supplémentaire. Les crédits de paiement ont suivi la même évolution avec un certain décalage qui s'explique à la fois par un retard dans la programmation et par le mouvement naturel qui lie l'ouverture des autorisations de programme et les crédits de paiement.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DES SERVICES JUDICIAIRES
(Chapitres 57-11 ancien et 57-60 nouveau, articles 20 et 30)
(1)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Crédits de paiement

613,1

659,6

731,1

754

901,3

976

961

Autorisations de programme

800,9

796,5

1.192

1.154

889

567

673

(1) budget voté, sauf 1999 (projet de loi de finances).

Source : d'après ministère de la Justice.

S'agissant du programme pluriannuel d'équipement des services judiciaires, la consommation des autorisations, qui connaissait des problèmes importants avec des taux d'utilisation inférieurs à 60 % avant 1995, a connu une lente amélioration, alors même que le montant des autorisations de programme affectées ou notifiées augmentait de façon importante : ainsi le taux d'utilisation des autorisations de programme atteignait 64 % en 1995, 70 % en 1996 et 82 % en 1997.

Cette amélioration s'imposait compte tenu de la cible privilégiée que constituaient les autorisations de programme et les crédits de paiement non consommés. Cette situation qui témoignait du retard pris dans le montage des différentes opérations se concluait, notamment, par le report pur et simple de la construction de nouveaux palais de justice. Les progrès entrepris à partir de 1998 seront poursuivis en 1999, de telle sorte que les engagements pris dans la loi de programme seront remplis l'an prochain en termes d'autorisations de programme, alors même qu'un report d'application avait été décidé en 1997. 678 millions de francs d'autorisations de programme seront ainsi ouverts au titre de la loi de programme.

A.- LE PROGRAMME PLURIANNUEL D'ÉQUIPEMENT

Le programme pluriannuel d'équipement (PPE), né en 1992 des vingt-six schémas directeurs départementaux d'opérations prioritaires, devrait s'achever en 1998. Il est théoriquement financé sur le chapitre 57-60 - Équipement, article 30 - Programme pluriannuel d'équipement. Mais les frontières sont floues. En effet, le PPE a pu fédérer des opérations en cours, financées parfois sur un autre article. De plus, l'intégralité des opérations n'est pas gérée par la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement (DGPPE). L'engagement de certaines opérations prioritaires de taille plus modeste est décidé de façon déconcentrée.

Les 20 principales opérations sont cependant gérées par la DGPPE. 9 ont été d'ores et déjà livrées : Aix, Béthune, Bordeaux, Caen, Lyon, Melun Montpellier, Nanterre, Nice.

A l'engagement de nombreux chantiers, il faut ajouter la prise en charge exceptionnelle de la reconstruction du Parlement de Bretagne à Rennes. Au total, l'opération devrait coûter 401,5 millions de francs, dont 384 millions de francs pris en charge par l'État, par le ministère de la Justice et par le ministère de la Culture. Après le financement de mesures d'urgence, l'opération de réhabilitation a été divisée en trois sous-opérations : la reconstruction du gros oeuvre pour 163 millions de francs, le réaménagement fonctionnel de l'espace pour 78 millions de francs et la restauration des décors historiques du Parlement pour 140,5 millions de francs.

En 1999, 614 millions de francs de crédits de paiement et 348 millions de francs d'autorisations de programme seront ouverts au titre du PPE. Ces crédits permettront de poursuivre et d'ouvrir certaines opérations importantes : Nice (réhabilitation), Grasse (construction), Nantes (construction), Grenoble (construction), Avignon (construction), Fort-de-France (construction). D'autres opérations ont été placées en attente, notamment en raison du réexamen de la carte judiciaire (Avesnes-sur-Helpe, Thonon-les-Bains, Bourgoin-Jallieu, Moulins). Les crédits 1999 confirment la possibilité d'engager fin 1998 les travaux pour les opérations de Toulouse et Besançon. En revanche, l'opération de Pontoise devra être reportée au-delà de l'exercice 1999.

B.- LE PROGRAMME DÉCONCENTRÉ

Aux opérations prioritaires du PPE, s'ajoutent celles du programme déconcentré d'une moindre ampleur. Elles concernent à la fois le palais de justice de Paris et des opérations initiées par les cours d'appel. Il s'agit à la fois de remise à niveau technique et de gros entretiens des bâtiments judiciaires.

Au 1er juin 1998, les autorisations de programme mises en place auprès du service immobilier du palais de justice de Paris s'élèvent à 80,8 millions de francs sur un total annuel programmé de 94 millions de francs. Ces crédits sont destinés d'une part à compléter le financement des travaux de mise en sécurité d'urgence, de la rénovation des installations de chauffage et de la réfection entreprise au tribunal de commerce. Ils ont permis d'autre part de lancer de nouvelles opérations aux fins de sécuriser et de restructurer des locaux.

Par son montant, l'enveloppe d'autorisations de programme inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999 correspond aux ressources obtenues en 1998. Ce maintien des dotations permettra la poursuite de la politique d'équipement mise en _uvre en 1998. Devraient être ainsi livrées en 1998 les opérations de Lille et Roubaix, et en 1999 celles de Blois, Épinal, Évreux, Marseille, Nancy, Rouen, Toulon, Versailles et Vesoul. En 1998 commencent les travaux de restructuration de Belfort et, en 1998 et 1999, les études se poursuivront pour les opérations de Laval, Béziers, Roanne, Rodez et Saint-Étienne.

Pour conclure cette section, votre Rapporteur se déclare favorable à la construction d'un nouveau palais de justice à Paris destiné à accueillir le tribunal de grande instance. La très grande majorité des magistrats ne possèdent pas de bureaux. Les salles d'audience sont souvent trop exiguës. Il existe très peu de salles de réunion et les espaces publics sont encombrés. Un audit réalisé par un organisme externe au ministère de la Justice a conclu à l'existence d'une situation déplorable. Selon les estimations, il manque aujourd'hui près de 50.000 mètres carrés au palais de la Cité. Les coûts de construction d'une nouvelle cité judiciaire sont évalués, selon les sources, entre 1 et 2 milliards de francs. La juridiction de Paris qui constitue la plus grosse juridiction européenne mériterait un tel investissement, et ce d'autant plus que la situation actuelle se caractérise par la multiplication des sites d'implantation, à l'exemple du pôle économique et financier, dont il faut assurer les loyers. Paris doit s'équiper d'un équipement judiciaire adapté à l'ampleur de ses activités.

ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE 

(Chapitre 57-11 ancien, Chapitre 57-60 nouveau, articles 20 et 30)

(en francs)

 

Autorisations de programme inscrites

Autorisations de programme consommées

Crédits de paiement inscrits

Crédits de paiement consommés

1992

       

Programme pluriannuel d'équipement

461.200.000

460.402.000

78.930.000

46.045.877

Autres opérations

391.885.938

353.187.718

690.820.150

405.203.334

Total général

853.085.938

813.589.718

769.750.150

451.249.211

1993

       

Programme pluriannuel d'équipement

459.848.000

449.126.725

208.498.873

125.782.683

Autres opérations

423.735.468

378.698.582

667.366.816

455.540.166

Total général

883.583.468

827.825.307

875.865.689

581.332.849

1994

       

Programme pluriannuel d'équipement

912.320.212

771.527.524

386.616.190

251.547.176

Autres opérations

259.241.817

253.870.412

647.873.599

537.485.847

Total général

1.171.562.029

1.025.397.936

1.034.489.789

789.033.023

1995

       

Programme pluriannuel d'équipement

1.015.542.688

982.336.705

650.087.000

424.694.572

Autres opérations

291.365.405

281.995.369

413.933.766

320.460.491

Total général

1.306.908.093

1.291.132.074

1.064.020.766

745.155.063

1996

       

Programme pluriannuel d'équipement

769.890.735

633.035.324

797.842.429

650.759.633

Autres opérations

288.990.684

263.196.135

313.161.674

237.096.393

Total général

1.058.881.419

896.231.459

1.111.004.103

887.856.026

Prévisions 1998 (1)

       

Programme pluriannuel d'équipement

       

Reliquats sur la gestion précédente

62.853.306

-

92.497.839

-

Loi de finances initiale

242.000.000

-

506.000.000

-

Plan de relance Ville

-

-

2.270.000

-

Fonds de concours

2.770.000

-

-

-

Autres mouvements

- 41.800.000

-

124.000.000

-

Total

265.823.306

-

725.267.839

-

Autres opérations

       

Reliquats sur la gestion précédente

59.661.548

-

134.922.244

-

Loi de finances initiale

330.000.000

-

474.000.000

-

Fonds de concours

650.000

-

650.000

-

Autres mouvements

20.800.000

-

- 127.860.000

-

Total

411.111.548

-

525.302.244

-

Total général

1.076.562.677

-

1.250.570.083

-

(1) prévision au 15 juin 1998.

Source : ministère de la Justice.

IV.- LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

Votre Rapporteur a tenu à faire le point sur la réforme de la carte judiciaire qui reste un problème lancinant de la modernisation de la justice, inscrit en tant qu'objectif prioritaire dans la loi de programme du 6 janvier 1995 (article 5). C'est une question fondamentale pour faire gagner la Justice en productivité, en efficacité, en reconnaissance sociale.

Les écarts entre les charges de travail individuelles des magistrats demeurent frappants : de 1993 à 1996, le nombre d'affaires civiles et pénales par magistrat varie de 229 à 396 dans les cours d'appel pour une moyenne nationale de 307 ; le nombre d'affaires pénales par magistrat dans les parquets généraux des cours d'appel varie de 201 à 527, pour une moyenne nationale de 335 ; la variation est de 353 à 1.264 affaires civiles et pénales nouvelles par magistrat dans les sièges non spécialisés des tribunaux de grande instance, pour une moyenne nationale de 676 ; pour les parquets, le nombre de procès-verbal poursuivi varie de 816 à 5.300 pour une moyenne nationale de 2.040.

Depuis 1994, plusieurs décrets sont intervenus pour modifier ponctuellement la carte judiciaire (5). Par ailleurs, en application de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, le décret n° 96-157 du 27 février 1996 est intervenu pour préciser les modalités d'organisation des audiences foraines et des chambres détachées des tribunaux de grande instance.

Dans la ligne des orientations fixées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, le Garde des Sceaux a fait connaître son intention de moderniser le fonctionnement du service public de la Justice, dont l'évolution de la carte judiciaire constitue un élément essentiel.

Dans cet esprit, par circulaire en date du 1er juillet 1997, il a été demandé aux chefs de cour et aux préfets de poursuivre la consultation sur la carte judiciaire qui avait été initiée par le précédent Garde des Sceaux puis suspendue pendant la période électorale, et d'ajouter aux interlocuteurs déjà rencontrés les représentants des associations directement concernées par le fonctionnement de la Justice.

Dans le même esprit, une " mission carte judiciaire " chargée de conduire des réflexions sur la réorganisation du réseau des juridictions dans le cadre des orientations définies par le Garde des Sceaux. Installée en avril 1998, cette mission, composée de cinq fonctionnaires dirigés par un membre de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), a commencé de fonctionner pleinement à partir de septembre 1998. Elle a établi une méthodologie basée sur des études de terrain et a mis en oeuvre des outils cartographiques élaborés. Le programme s'étalera sur cinq ans.

Une priorité a été accordée à la carte des tribunaux de commerce, les premières mesures devant être annoncées avant la fin de l'année. Elles devraient porter sur quelques dizaines de sites dans les six cours d'appel qui comptent le plus de juridictions consulaires (Caen, Rouen, Dijon, Montpellier, Poitiers et Riom). Des consultations avec les élus des régions concernées ont été d'ores et déjà lancées. Seront notamment pris en compte les bassins d'emploi, le cadre de vie et l'importance des réseaux de communications. Le programme de réorganisation des tribunaux de commerce se poursuivra en 1999. Quelques tribunaux d'instance pourraient être redéployés à cette occasion. 5 millions de francs sont provisionnés dans le budget 1999 pour financer les premières mesures.

Votre Rapporteur se déclare favorable à une méthode souple, agissant au cas par cas, progressivement, ressort de cour d'appel par ressort de cour d'appel, sous peine de perdre cette réforme, si nécessaire, dans les sables de l'institution judiciaire et des inerties locales, et de coaguler les conservatismes de tout bord.

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CHAPITRE III : 

L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Les crédits de l'administration pénitentiaire financent le fonctionnement et l'équipement de plus de 180 établissements accueillant près de 60.000 détenus. Ils assurent également la prise en charge des condamnés en milieu ouvert. Les crédits des services pénitentiaires devraient dépasser 7,421 milliards de francs en 1999, soit 28,3 % du budget du ministère. Ils sont en progression de 5,79 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, après une hausse de 3,52 % l'an passé. Les dépenses de personnel et de fonctionnement continuent de croître de 3,6 %.

Les autorisations de programme baissent de 11,63 %, après un triplement entre 1997 et 1998. La tendance est inverse pour les crédits de paiement destinés à couvrir les dépenses en capital, puisqu'ils augmentent de 54,23 %. L'administration pénitentiaire disposera, par ailleurs, de 25.474 postes budgétaires en 1999.

EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMME

SERVICES PÉNITENTIAIRES

 

Mesures prévues

Loi de finances initiale 1995

Loi de finances initiale 1996

Loi de finances initiale 1997

Loi de finances initiale 1998

Projet de loi de finances 1999

Total sur 5 ans

Mesures relatives aux emplois (1)

             

- ouverture de Remiré-Montjoly

-

-

-

61

-

-

61

- encadrement des détenus dans le parc actuel

1.400

420

364

3

88

208

1.120

- " 4.000 " places nouvelles et 2 MPCE s'ajoutant aux emplois nécessaires pour l'ouverture de 800 places nouvelles nettes outre-mer

1.450

-

-

-

12

58

70 (1)

- 1.200 places nouvelles en CSL

300

-

-

-

-

-

(1)

- doublement des effectifs en milieu ouvert

770

130

130

50

200

38

589

Total emplois (2)

3.920

550

494

114

300

344

1.802

Taux de réalisation (en %)

100

14,03

26,63

29,54

37,19

45,96

45,96

Autorisations de programme
(en millions de francs)

             

- rénovation du parc actuel

900

189

189

167

194

200

939

- programme spécial de construction (" 4.000 " places)

2.100

76

118

129

810

696

1.829

- construction et aménagement de 1.200 places en CSL

 

5

10

29

20

16

80

Total autorisations de programme (3)

3.000

270

317

325

1.024

912

2.848

Taux de réalisation (en %)

100

9

19,57

30,40

64,53

94,93

94,93

(1)  Les emplois correspondant à ces deux rubriques ne seront pas, pour l'essentiel, créés avant 2000/2001, puisque conditionnés à l'ouverture des établissements.

(2)  en net des 37 suppressions d'emplois inscrites au titre des économies en LFI 1996 et LFI 1997.

(3) Les autorisations de programme affectées aux grandes constructions pénitentiaires en Antilles/Guyane ne sont pas comptées dans les autorisations de programme de la loi de programme, non plus que les crédits du titre VI.

Source : ministère de la Justice.

Le taux d'exécution du programme pluriannuel pour la justice, s'agissant des services pénitentiaires, est relativement faible en termes d'emplois, même si l'on tient compte du report d'un an de l'échéance du programme et des efforts réalisés dans le projet de loi de finances pour 1999.

I.- LA PRISE EN CHARGE DE LA POPULATION PÉNALE

A.- L'INFLATION CARCÉRALE

Après une augmentation continue du nombre de détenus interrompue seulement entre 1988 et 1990, le nombre de personnes incarcérées diminue pour la deuxième fois en 1997 après la première baisse enregistrée en 1996.

Mais la tendance générale à la hausse constatée sur la dernière décennie s'est traduite par une surpopulation carcérale, qui reste inquiétante, et ce d'autant plus qu'elle se double d'un taux de prévenus important.

Si le taux moyen d'occupation est de 114,8 % sur l'ensemble des établissements, nombre d'entre eux connaissent des taux d'occupation alarmants(6) : 276 % pour la maison d'arrêt de Meaux, 234 % pour la maison d'arrêt de Béziers, plus de 222 % pour les maisons d'arrêt de Laval et du Mans, 207,3 % pour la maison d'arrêt de la Roche-sur-Yon, 206,9 % pour la maison d'arrêt de Bayonne, 206,3 % pour la maison d'arrêt de Loos, 203,7 % pour la maison d'arrêt de Lyon Montluc, 200 % pour la maison d'arrêt de Foix, 197,1 % pour la maison d'arrêt de Tarbes, 187,5 % pour la maison d'arrêt de Guéret, 187,1 % pour la maison d'arrêt de Nice, 186,7 % pour la maison d'arrêt de Béthune. S'agissant des établissements pour peine, on enregistre des taux d'occupation également préoccupants : 116,7 % pour le centre de détention de Perpignan, 110 % pour le centre de détention de Lorient, 105,5 % pour le centre de détention de Liancourt, 103 % pour le centre de détention de Draguignan, et 102,5 % pour le centre de détention de Bédenac.

En outre-mer, les chiffres dépassent largement ceux enregistrés en métropole : 228,1 % pour la maison d'arrêt de Basse-Terre, 222,7 % pour celle de Saint-Pierre, 195,7 % pour la maison d'arrêt de Saint-Denis. Les établissements pour peine connaissent la même surpopulation avec des taux d'occupation de 280 % pour la maison central de Nouméa, de 174,1 % pour la maison centrale du Port, de 136,9 % pour le centre de détention de Faa'a et de 127,4 % pour le centre de détention de Ducos. Le taux moyen d'occupation atteint 126,4 % dans les départements d'outre-mer et 148,9 % dans les territoires d'outre-mer.

Ce dernier constat traduit bien, malgré les efforts d'équipement réalisés ces dernières années en outre-mer, l'évolution constante du nombre de personnes incarcérées hors de métropole : l'augmentation est particulièrement importante en 1997, avec une progression supérieure à 18 %.

Les explications de ce phénomène sont connues : importance croissante de population pénale, durée des procédures, aggravation des peines prononcées par les juridictions (développement de certaines infractions, notamment celles liées aux stupéfiants), allongement des peines, recours fréquent à la détention provisoire.

ÉVOLUTION DE LA POPULATION INCARCÉRÉE EN FRANCE

 


Métropole

Taux de variation (en %)


DOM

Taux de variation (en %)


France

Taux de variation (en %)

Janvier 1987

47.698

11,9

1.418

0,4

49.116

11,6

Janvier 1988

49.330

3,4

1.547

9,1

50.877

3,6

Janvier 1989

44.997

- 8,8

1.534

- 0,8

46.531

- 8,5

Janvier 1990

43.912

- 2,4

1.507

- 1,8

45.419

- 2,4

Janvier 1991

47.175

7,4

1.930

28,1

49.105

8,1

Janvier 1992

48.119

2

2.003

3,8

50.122

2,1

Janvier 1993

48.166

0,1

2.186

9,1

50.352

0,5

Janvier 1994

50.240

4,3

2.311

5,7

52.551

4,3

Janvier 1995

51.263

2,8

2.312

0

53.935

2,6

Janvier 1996

52.658

2

2.404

4

55.062

2,1

Janvier 1997

51.640

- 1,9

2.629

9,4

54.269

- 1,5

Janvier 1998

50.738

- 1,7

3.106

18,1

53.845

- 0,8

Source : administration pénitentiaire, rapports annuels d'activité.

77,6 % des condamnés (31.984) sont incarcérés pour accomplir une peine d'emprisonnement correctionnelle. Cette proportion a peu évolué depuis 1980. 3,5 % de cette population est condamnée à une peine criminelle d'une durée comprise entre 5 et 10 ans, tandis que 17,2 % subissent une peine criminelle d'une durée de 10 à 30 ans. 1,7 % de la population condamnée effectue une peine à perpétuité.

Le classement des infractions par ordre décroissant donne en premier le viol et autres agressions sexuelles (18,9 %), en deuxième les infractions liées aux stupéfiants (18,4 %), en troisième le vol simple (15,8 %), puis le vol qualifié (12,2 %). Ces postes regroupent à eux seuls plus de 65 % des condamnations.

Le taux de prévenu se maintient à un taux trop élevé, compris depuis une décennie entre 40 et 45 %. Le nombre de prévenus s'est stabilisé autour de 20.000 personnes. Si le " stock " de prévenus au 1er janvier 1998 s'établissait à 21.591 personnes, il convient de souligner que sur l'année 1997, 18.025 prévenus ont bénéficié d'une mise en liberté, 588 ont fait l'objet d'un non-lieu ou d'une main-levée et 481 ont été acquittés ou relaxés.

Le taux de mise en détention provisoire des mineurs est particulièrement important. Il atteint 80 % des mineurs incarcérés (63,9 % en 1990). Il faut noter que 90 % des mineurs sont incarcérés au titre d'une détention provisoire (80 % pour l'ensemble de la population détenue) et 70 % sont libérés suite à une ordonnance de mise en liberté (23 % dans l'ensemble de la population détenue). En outre, lors de la condamnation ultérieure à l'ordonnance de mise en liberté, on constate que plus de la moitié des mineurs n'ont soit pas été condamnés (pas d'inscription au casier judiciaire), soit ont fait l'objet d'une condamnation sans emprisonnement (mesure éducative, peine de substitution...). Moins de la moitié des mineurs sont condamnés à une peine d'emprisonnement ferme et, lorsque l'emprisonnement ferme intervient, la peine ferme prononcée est le plus souvent couverte par la détention provisoire.

La diminution manifeste de la part des prévenus dans l'ensemble de la population pénale, 49,4 % en 1985 et 40,1 % en 1998, ne s'explique pas par une baisse du nombre des prévenus, mais par une forte augmentation du nombre total des détenus.

La loi n° 96-1235 du 31 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme a assoupli les conditions d'indemnisation, puisqu'il n'est plus exigé que la détention ait causé un préjudice " manifestement anormal et d'une particulière gravité " pour donner droit à indemnisation et la simple démonstration d'un préjudice est suffisante.

La loi du 30 décembre 1996 est entrée en vigueur le 31 mars 1997 et certaines de ses dispositions visant à limiter la durée de la détention en matière correctionnelle ne s'appliquent que depuis le 1er juillet de cette année. L'objectif de la loi est de limiter le recours à la détention provisoire en réduisant le nombre des placements et en diminuant la durée des détentions.

Le juge d'instruction ne peut placer une personne en détention provisoire que lorsque cette mesure est l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant de l'ordre public causé par l'infraction ; auparavant, le juge d'instruction pouvait placer une personne sous mandat de dépôt pour préserver l'ordre public.

D'autre part, la loi tend à améliorer l'efficacité de la procédure de référé-liberté. Le président de la chambre d'accusation peut désormais examiner juridiquement l'appel et non plus seulement le déclarer suspensif. Par ailleurs, il exerce maintenant un contrôle au fond portant sur le respect des conditions prévues par la loi et non plus seulement sur leur méconnaissance manifeste. Ainsi, si le président de la chambre d'accusation infirme l'ordonnance du juge d'instruction, il peut ordonner la remise en liberté de la personne et éventuellement la placer sous contrôle judiciaire.

Enfin, la loi introduit dans le code de procédure pénale la notion de délai raisonnable en obligeant le juge d'instruction à justifier, au-delà d'un délai de huit mois en matière correctionnelle et d'un an en matière criminelle, les raisons pour lesquelles son instruction est toujours en cours alors que l'intéressé demeure détenu et à indiquer le délai prévisible d'achèvement de la procédure. Enfin, la loi institue de nouveaux délais maximum de détention provisoire : un an pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, lorsque la personne a déjà été condamnée, alors qu'auparavant cette durée était de deux ans, et deux ans pour les délits punis de plus de cinq ans mais de moins de dix ans, alors qu'il n'existait jusqu'alors aucun délai butoir dans cette hypothèse.

Malgré la mise en _uvre de cette réforme introduite par la loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme, il ne semble pas que la durée moyenne de détention provisoire diminue, au contraire : de 4,1 mois en 1995, elle atteignait 4,4 mois en 1997. Il reste que le nombre de prévenus a baissé de 4,1 % entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 1998. Une enquête relative à la mise en _uvre de la loi précitée est actuellement en cours de réalisation auprès des directions régionales de l'administration pénitentiaire.

Compte tenu du caractère massif et quasi culturel du placement en détention provisoire, votre Rapporteur s'interroge sur l'efficacité réelle sur le nombre et la durée des détentions provisoires des dispositions présentées par le Gouvernement dans son projet de loi renforçant la présomption d'innocence et le droit des victimes tendant à créer un juge de la détention provisoire et à limiter les conditions de placement en détention provisoire. La trop longue durée des procédures est sans doute une des causes importantes du nombre de personnes détenues de manière provisoire.

Enfin, on peut relever que l'encombrement dont souffrent régulièrement un grand nombre de maisons d'arrêt ne permet pas de respecter systématiquement les dispositions légales relatives à la séparation des prévenus et des condamnés, et a fortiori celles concernant la protection des détenus primaires du contact avec les récidivistes.

B.- UN RECOURS PLUS FRÉQUENT AUX MESURES ALTERNATIVES À L'INCARCÉRATION

Sous la pression de l'inflation carcérale et sous l'influence des travaux de recherche relatifs à la réinsertion des personnes détenues, les autorités judiciaires ont développé des peines alternatives à l'enfermement total pour les personnes passibles de courtes peines, en recourant soit aux mesures de milieu ouvert, soit à la semi-liberté. L'augmentation du nombre de prévenus confirme le caractère nécessaire de cette orientation. Votre Rapporteur s'était, l'an passé, prononcé pour une accélération des réformes dans ce domaine. C'est pourquoi il se félicite de la volonté, exprimée par le Garde des Sceaux à l'occasion du Conseil des ministres du 8 avril 1998, de mettre en _uvre une politique globale d'amélioration des décisions de justice et d'inciter l'administration pénitentiaire à mieux adapter ses réponses pour favoriser les alternatives à la détention.

Ont ainsi été préconisées la création d'emplois et la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation, la prise en charge spécifique de la population toxicomane, les actions en faveur des plus démunis avec un renforcement des mesures d'insertion professionnelle, la prise en charge des auteurs de délits à caractère sexuel, la création de centres pour peines aménagées (CPA) et la relance des mesures de libérations conditionnelles. Toutes ces mesures impliquent un élargissement et approfondissement du recours au milieu ouvert.

La population pénale prise en charge en milieu ouvert a constamment augmenté ces dernières années.

S'agissant des seules personnes condamnées, le milieu ouvert couvre principalement les régimes du sursis à l'emprisonnement, du sursis avec mise à l'épreuve, du travail d'intérêt général (TIG) ou de la libération conditionnelle. Le milieu ouvert où interviennent les comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL) et associations habilitées, sous la responsabilité du juge de l'application des peines et d'un chef de service éducatif, est aussi chargé de la surveillance des mesures de contrôle judiciaire et des enquêtes rapides concernant les prévenus.

104.482 sursis avec mise à l'épreuve (SME) étaient décidés au 1er janvier 1998 au lieu de 94.933 cinq ans plus tôt. Les SME représentent 75,4 % des peines alternatives prises en charge par les CPAL. La même évolution peut être constatée pour les TIG (12.996 mesures en 1993, 23.763 en 1998) et les mesures de libération conditionnelle prises par le juge de l'application des peines ou par le Garde des Sceaux (4.591 décisions en 1993, 4.775 en 1998).

Quant aux mesures de semi-liberté, elles sont passées de 6.045 au 1er janvier 1994 à 6.288 au 1er janvier 1998. Si les projets de semi-liberté sont encore peu nombreux, il faut souligner que l'utilisation de cette mesure nécessite des structures pénitentiaires indépendantes (les centres de semi-liberté) ou des quartiers spécifiques des maisons d'arrêt et des centres de détention qui ne disposent pas toujours de l'encadrement nécessaire pour prendre en charge le public concerné.

La montée en charge des mesures de milieu ouvert a nécessité une réforme des CPAL, réforme engagée dès 1986. L'objectif était de mutualiser l'action des différents comités sur un plan départemental. Il s'agissait de rapprocher de façon significative, et ce jusqu'à la fusion des structures, des services socio-éducatifs du milieu ouvert et ceux du milieu fermé. La mise en _uvre de ce vaste mouvement débutera avant la fin de l'année 1998 et s'étendra progressivement à l'ensemble du territoire.

Cette réforme a dû s'accompagner d'un renforcement des moyens. Or, si le nombre de peines globales prises en charge par les CPAL est passé de 109.303 en 1994 à 130.345 en 1997, les crédits du chapitre 46-01 alimentant ces structures et les associations agissant dans ce secteur ont été réduits sur la même période : ils atteignaient 15,3 millions de francs en 1994 et seulement 13,4 millions de francs en 1997.

L'année 1998 qui a vu, véritablement, le lancement de la réforme a été marquée par le recrutement de 200 travailleurs sociaux supplémentaires et par un renforcement des moyens de fonctionnement des CPAL, tandis que les crédits du chapitre 46-01 destinés à accompagner cette action connaissaient une progression de 24,2 % par rapport à 1997 (16,7 millions de francs).

Par ailleurs, une réflexion a été engagée sur la mise en place de CPA, structure pénitentiaire dont la mission principale serait le traitement de la petite et de la moyenne délinquance en donnant la priorité à l'insertion, afin d'éviter l'incarcération pour courtes peines en maison d'arrêt, dont le régime et la prise en charge sont souvent inadaptés. Les CPA constitueront un lieu de détention pour les condamnés faisant l'objet d'un placement extérieur ou d'une semi-liberté, mais aussi des condamnés avec une peine ou un reliquat de peine de moins d'un an provenant de liberté ou de maison d'arrêt, volontaires mais qui n'ont pas de projet d'insertion immédiat leur permettant de bénéficier des mesures d'aménagement de peine. Dès 1999, deux centres pour peines aménagées seront créés à Metz-Barrès et à Marseille dans des structures existantes. 16 millions de francs financeront cette action.

Le projet de loi de finances pour 1999 poursuivra les efforts réalisés en matière de personnels d'insertion et de probation et d'assistants sociaux. Les effectifs consacrés au milieu ouvert sont passés de 1.481 personnes en 1993 à 1.670 personnes en 1998, soit une progression de 12,7 %.

II.- LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES

L'augmentation des moyens mis à la disposition de l'administration pénitentiaire, sous peine de ne pas produire son plein effet et de ne pas être à la mesure de l'accroissement des charges qu'elle supporte, doit s'accompagner d'une réforme de l'organisation de ses ressources humaines.

A.- L'AUGMENTATION DES MOYENS

Au 1er mai 1998, l'administration pénitentiaire employait en effectifs réels 24.606 personnes, dont 19.675 au titre de la surveillance des établissements, pour un nombre de postes vacants de 480 (275 parmi le personnel socio-éducatif).

EFFECTIFS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

 

1996

1997 (1)

1998 (2)

1999 (3)

Emplois budgétaires

       

- Total

24.619

24.786

25.086

25.474

- dont personnel de surveillance

19.622

19.727

19.771

19.991

Emplois réels

       

- Total

24.219

24.554

24.606

-

- dont personnel de surveillance

19.511

19.729

19.675

-

(1) au 1er juillet 1997.

(2) au 1er mai 1998.

(3) projet de loi de finances.

Source : administration pénitentiaire.

En 1998, les effectifs budgétaires de l'administration pénitentiaire s'élevaient à 25.086 personnes, soit 41,2 % de l'effectif total du ministère, au lieu de 40,9 % en 1995. La progression est de 16,4 % depuis 1990.

ÉVOLUTION DES CRÉATIONS NETTES D'EMPLOIS DANS L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

(1989-1999)

Années

Personnels

de

direction

Personnels

de

surveillance

Personnels d'insertion et de probation

Corps communs

(1)

Assistants sociaux

Infirmiers

Contractuels

Autres fonctionnaires

Total

Effectifs 1988

273

14.837

816

690

-

-

1.992

114

18.722

Créations nettes 1989

33

476

35

12

-

-

89

- 1

644

Effectifs 1989

306

15.313

851

702

-

-

2.081

113

19.366

Créations nettes 1990

- 2

1.652

23

30

-

-

332

- 6

2.029

Effectifs 1990

304

16.965

874

732

-

-

2.413

107

21.395

Créations nettes 1991

4

826

29

-

-

-

110

- 1

968

Effectifs 1991

308

17.791

903

732

-

-

2.523

106

22.363

Créations nettes 1992

 

344

- 4

22

-

-

- 33

- 11

318

Effectifs 1992

308

18.135

899

754

-

-

2.490

95

22.681

Créations nettes 1993

 

335

65

- 754

532

170

39

3

390

Effectifs 1993

308

18.470

964

0

532

170

2.529

98

23.071

Créations nettes 1994

- 2

325

-

-

-

- 46

123

5

405

Effectifs 1994

306

18.795

964

-

532

124

2.652

103

23.476

Créations nettes 1995

 

351

100

-

30

- 124

69

- 3

423

Effectifs 1995

306

19.146

1.064

-

562

-

2.721

100

23.899

Créations nettes 1996

5

476

135

-

- 4

-

99

9

720

Effectifs 1996

311

19.622

1.199

-

558

-

2.820

109

24.619

créations nettes 1997

3

105

40

-

-

-

19

-

167

Effectifs 1997

314

19.727

1.239

-

558

-

2.839

109

24.786

Créations nettes 1998

16

44

236

-

- 24

-

33

- 5

300

Effectifs 1998

330

19.771

1.475

-

534

-

2.872

104

25.086

Créations nettes 1999

12

216

67

-

10

-

70

13

388

Effectifs 1999

342

19.987

1.542

-

544

-

2.942

117

25.474

(1) (1) Les " corps communs " d'infirmiers et d'assistants sociaux ont été transférés à l'AP en 1993 . les emplois d'infirmier ont été supprimés en 1994 (46) et 1995 (124), dans le cadre de la réforme hospitalière.

Source : ministère de la Justice - DAGE - bureau du budget.

Entre 1990 et 1999, les effectifs de l'administration pénitentiaire ont progressé de près de 19 %, alors que dans le même temps, l'évolution de la population pénale atteignait plus de 18 %. Le présent projet de loi de finances propose la création de 344 emplois : 78 emplois pour la réforme des services d'insertion et de probation, 58 pour l'ouverture de nouveaux établissements, 180 pour l'amélioration de la prise en charge des détenus, 28 pour la restructuration des métiers de la formation. Il prévoit également la transformation de 18 emplois pour les besoins du service.

Sous peine de ne pas produire leur plein effet, ces évolutions quantitatives ont dû s'accompagner d'une réforme de l'organisation des ressources humaines au sein de l'administration pénitentiaire.

1.- Les objectifs de la loi de programme

La loi de programme du 6 janvier 1995 avait prévu la création de 3.920 emplois au sein de l'administration pénitentiaire, dont 770 en milieu ouvert, 1.750 pour les constructions nouvelles et 1.400 emplois d'encadrement des détenus dans les structures existantes.

Les 1.400 emplois d'encadrement des détenus devaient être répartis de la façon suivante :

· 160 emplois pour les maisons d'arrêt régionales ;

· 75 emplois pour les services médico-psychologiques régionaux ;

· 1.165 emplois au titre de la résorption des déficits d'emplois.

Les échéanciers prévisibles étaient les suivants :

· 32 emplois par an sur les cinq années du plan seraient créés dans les maisons d'arrêt régionales ;

· 75 emplois étaient à créer sur les trois premières années du plan pour tenir compte des dispositions de la loi du 1er février 1994 dans les services médico-psychologiques régionaux.

La résorption des déficits d'emplois devait être favorisée par la création de 350 emplois en 1995, 408 en 1996 et 407 en 1997.

2.- Le personnel de surveillance

a) Les effectifs

Les surveillants constituent la très grande majorité du personnel employé par l'administration pénitentiaire. Leurs effectifs augmentent régulièrement (+ 16 % depuis 1990).

Il y avait 19.771 postes budgétaires de surveillants en 1998, soit une augmentation de 5,2 % depuis 1994. Ils représentent 32,5 % des effectifs du ministère.

La loi de finances pour 1995 a créé 351 emplois de surveillance (301 surveillants, 38 premiers surveillants, 12 chefs de service pénitentiaire). Cette mesure a permis de renforcer l'encadrement des quartiers mineurs, des unités de consultations et soins ambulatoires, des services médico-psychologiques régionaux, des quartiers et centres de semi-liberté, ainsi que de poursuivre la généralisation du service de nuit à trois agents dans les petits établissements.

Dans le cadre du programme pluriannuel, la loi de finances pour 1996 a ouvert les crédits nécessaires pour le recrutement de 334 personnels de surveillance (268 surveillants, 40 surveillants spécialisés, 26 chefs de service pénitentiaire). Par ailleurs, hors loi de programme, 142 emplois de surveillants ont été créés en surnombre, conformément au protocole d'accord du 18 janvier 1995 et afin de mettre en service les centres pénitentiaires de Ducos (Martinique) et de Baie-Mahault (Guadeloupe).

La loi de finances pour 1997 a prévu la création nette de 167 emplois. 127 d'entre eux ont permis d'ouvrir le centre pénitentiaire de Remiré-Montjoly en Guyane. 105 de ces emplois étaient des emplois de surveillants. 3 autres emplois de surveillants ont été créés pour renforcer les effectifs d'autres établissements. Par ailleurs, le ministère de la Justice a continué de bénéficier d'une autorisation de recrutements en surnombre de 150 emplois de surveillants qui, si elle est utile, est du point de vue légal hautement contestable.

La loi de finances pour 1998 a créé 88 personnels de surveillance dont 50 pour les quartiers de mineurs détenus et les autres pour l'extension du projet d'exécution de peine, le renforcement administratif des directions régionales et la mise en place de la déconcentration. En outre, les services pénitentiaires devaient garder l'autorisation d'un surnombre de 150 emplois de personnels de surveillance qu'ils ont depuis 1994.

Une autorisation supplémentaire de recrutement en surnombre d'environ 360 élèves surveillants, transmise par lettre du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie en date du 18 février 1998, a permis, par ailleurs, de réduire les vacances d'emplois et de rendre plus dynamique la gestion des effectifs. Ce surnombre autorisé complémentaire permet d'anticiper sur les départs à la retraite liés à l'abaissement de la limite d'âge pour les surveillants.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit la création de 220 postes de surveillance. Ces emplois serviront à l'ouverture de nouveaux établissements et à l'amélioration de la prise en charge des détenus par un encadrement renforcé.

Le taux d'encadrement était en 1998 de 34,4 gardiens pour 100 détenus, soit l'un des plus bas d'Europe malgré une légère amélioration. Ce taux avait récemment baissé du fait de l'augmentation du nombre de détenus. Il a cependant légèrement augmenté en 1996 et en 1997.

Au 1er juin 1998, 461 places n'étaient pas opérationnelles. Cet état de fait résulte en partie du manque d'effectifs réels. Ainsi, la maison d'arrêt de Borgo, dont 218 des 268 places étaient en fonction à cette date, n'a pu fonctionner à plein qu'au mois d'octobre 1998, compte tenu de la dernière affectation de l'ensemble des personnels de surveillance. Nous rappellerons que l'ensemble des places de cette maison d'arrêt auraient dû être mises en service en octobre 1996.

b) Les rémunérations et avantages statutaires

Les personnels de surveillance des prisons bénéficient de revalorisations indemnitaires et statutaires considérables depuis de nombreuses années, la manne tombant plus fortement après les mouvements sociaux qui agitent cette profession.

La loi de finances pour 1996 avait traduit la suite de la transposition financière du protocole du 18 janvier 1995 après une inscription de 26,92 millions de francs au cours du collectif de printemps. A l'intérieur des 284,81 millions de francs de mesures nouvelles pour les dépenses ordinaires, on répertoriait :

· 5,53 millions de francs au titre de l'application aux surveillants de la septième tranche du protocole sur la rénovation de la fonction publique ;

· 38,59 millions de francs au titre de l'application du protocole du 18 janvier 1995 avec, notamment, la création de l'indemnité pour charges pénitentiaires ;

· 0,35 million de francs pour la revalorisation de la prime de surveillance.

Le protocole du 18 janvier 1995 comporte les mesures suivantes :

· la nouvelle indemnité pour charges pénitentiaires (26 millions de francs) se substitue à l'ancienne indemnité pour charge de détention, avec un régime d'attribution élargie ;

· l'indemnité forfaitaire créée pour le personnel d'insertion et de probation (6,9 millions de francs) assure l'équité de traitement avec les autres personnels sociaux de l'administration pénitentiaire ;

· l'indemnité de responsabilité des chefs d'établissement et l'indemnité horaire pour travail du dimanche et jours fériés ont été revalorisées respectivement de 25 % (+ 1,2 million de francs) et de 15 % (+ 4,4 millions de francs).

En outre, les gradés et surveillants ont bénéficié à compter du 1er août 1996 de la dernière revalorisation indiciaire prévue par le protocole d'accord du 9 février 1990 dont l'application se déroulait sur sept ans (1990-1996). De plus, un arrêté du 13 mars 1996 a revalorisé la prime de surveillance de nuit allouée aux surveillants à compter du 1er janvier 1996 (47,75 francs par nuit et par agent). Enfin la Chancellerie avait insisté particulièrement sur l'amélioration du régime de pension des surveillants, annoncée dans le courant du mois de septembre, en même temps que le budget du ministère. La " bonification du cinquième " était attendue par le personnel de surveillance depuis la loi n° 57-44 du 8 avril 1957, date à partir de laquelle les fonctionnaires de la police nationale ont bénéficié de cette amélioration de leur régime de retraite.

Cette mesure a été adoptée dans le cadre de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statuaire, article 24.

Elle s'articule en trois volets :

· la limite d'âge des fonctionnaires appartenant aux corps du personnel de surveillance est ramenée de 60 à 55 ans. Ces fonctionnaires voient leur régime de retraite aligné sur celui des policiers en service actif par l'obtention de la bonification dite " du cinquième ". Celle-ci est égale à un cinquième de la durée accomplie en position d'activité, dans la limite de cinq annuités.

· l'amélioration du montant de la pension qui en résulte est complétée par un abaissement de l'âge minimal de départ en retraite. Les fonctionnaires des corps de surveillance admis à la retraite sur leur demande pourront prétendre à la jouissance immédiate de leur pension à condition de justifier de 25 années de services effectifs et de se trouver à moins de cinq ans de la limite d'âge de 55 ans.

· pour tenir compte des difficultés qu'aurait entraînées un abaissement brutal de 60 à 55 ans de la limite d'âge, un système transitoire a été mis en place : la limite d'âge sera abaissée d'une année par an à compter du 1er janvier 1996 jusqu'en 2000 ; sur cette période, le nombre maximal d'annuités gratuites susceptibles d'être attribuées au titre de la bonification sera porté, au même rythme, de un à cinq. En définitive, et de manière pratique, cela permettra aux surveillants ayant vingt-cinq ans d'activité de partir à la retraite à partir de cinquante ans.

Sur l'ensemble de la période transitoire 1996-1999, le coût total de la mesure prévue devrait atteindre près de 85 millions de francs, dont 62 millions de francs au titre du seul effet de l'abaissement de la limite d'âge et 23 millions de francs au titre de l'amélioration du montant des pensions liée à la bonification.

Le coût de ce dispositif pour 1996 a été inscrit dans la loi de finances initiale, article 10 du chapitre 32-97, pour un montant de 2 millions de francs. En 1997, le coût est de 11 millions de francs, en 1998 de 19 millions de francs, en 1999 de 22,2 millions de francs et de 27,5 millions de francs en l'an 2000.

Pour 1999, une mesure nouvelle de 0,5 million de francs permettra une revalorisation de l'indemnité de surveillance de nuit, tandis que la revalorisation de l'indemnité pour charge pénitentiaire nécessitera l'ouverture de 3,4 millions de francs.

3.- Les autres catégories de personnel

Il convient de relever que les conseillers d'insertion et de probation, les personnels administratifs ont supporté des mesures de gel d'emplois auxquels les surveillants échappent traditionnellement.

a) Les personnels de direction et personnels administratifs

Les personnels travaillant dans les greffes pénitentiaires ont des statuts très divers.

Si des personnels administratifs y exercent leurs fonctions, on y rencontre également des personnels de surveillance, suivant l'importance de l'établissement et son organisation.

Il n'y a pas, en effet, d'organigramme-type pour le fonctionnement des greffes. Certains établissements de petite capacité n'ont pas de personnel administratif et emploient partiellement à ces tâches du personnel de surveillance. D'autres établissements plus importants ont des personnels administratifs, auxquels s'ajoutent des personnels de surveillance appelés notamment à travailler en dehors des heures habituelles.

La loi de finances pour 1995 a permis la création de 40 personnels techniques (chefs de travaux, professionnels techniques) et de 29 postes administratifs (secrétaires administratifs, attachés d'administration et d'intendance). La Chancellerie estime à environ 715 le nombre d'agents exerçant dans les greffes des établissements pénitentiaires dont 417 surveillants, premiers surveillants ou chefs de services pénitentiaires.

La loi de finances pour 1996 a créé 2 emplois de sous-directeurs, 25 emplois de secrétaires administratifs et a permis le recrutement de 9 contractuels (psychologues). En même temps, 2 emplois de chefs de travaux et 4 emplois d'agents administratifs étaient supprimés.

La loi de finances pour 1997 avait prévu la création de 13 emplois administratifs et de 3 emplois de direction.

Dans la loi de finances pour 1998 était prévue la création de 12 emplois de directeurs des services pénitentiaires permettant de former l'encadrement des trois premiers établissements du " programme 4.000 " à la fin de 1998. 1998 a également l'année de la réforme statutaire du personnel de direction, comprenant la création d'un statut d'emploi de directeur régional (14 emplois y compris ceux imputés sur l'administration centrale) et la transformation de 307 emplois de directeur de l'ancien en nouveau grade pour un coût de 5,1 millions de francs (cf. décret n° 98-655 du 29 juillet 1998 relatif au statut particulier du corps des directeurs). Par ailleurs, la loi de finances incluait une provision de 5 millions de francs pour la réforme des personnels techniques et de l'enseignement professionnel. Les pyramidages statutaires ont touché 106 emplois dont des emplois de surveillants et d'insertion et de probation. Enfin, la revalorisation indemnitaire du personnel administratif soumis au statut spécial était prévue pour un montant de 7,46 millions de francs.

Le projet de loi de finances pour 1999 propose la création de 28 emplois nouveaux pour la restructuration des métiers de la formation, ainsi que la création de 4 directeurs et de 11 personnels administratifs pour la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Deux provisions sont, par ailleurs, inscrites pour la réforme des personnels techniques (3 millions de francs).

b) Les personnels d'insertion et de probation

Le développement des peines alternatives à l'incarcération et l'extension du milieu ouvert nécessitent une progression des personnels d'insertion et de probation.

Depuis 1988, les effectifs des corps relevant des fonctions d'insertion et de probation ont augmenté de plus de 20 %. Cette évolution masque une longue période de stagnation, voire de réduction des effectifs (entre 1991 et 1995). L'adoption de la loi de programme en 1995 a de nouveau mis l'accent sur la progression des effectifs des CPAL.

La réalisation du programme pluriannuel pour la justice a ainsi conduit à la création de 297 postes de conseillers d'insertion et de probation (130 en 1995, 130 en 1996 et 37 en 1997). La scolarité des conseillers ayant une durée de deux ans, ils entrent en fonction en n+2. C'est pourquoi la mise en _uvre de la loi de programme n'a fait sentir ses effets dans les services de milieu ouvert que depuis 1997.

On peut rappeler qu'une indemnité forfaitaire a été créée au profit des personnels d'insertion et de probation (décret du 3 janvier 1996). Cette mesure faisait partie des dispositions du protocole du 18 janvier 1995. En 1996, cette indemnité annuelle était de 11.025 francs pour les chefs de service et variait entre 5.500 et 8.200 francs pour les conseillers.

La loi de finances pour 1998, outre la création de 40 emplois de chefs de service d'insertion et de probation et de 160 emplois de conseillers d'insertion et de probation, avait prévu une provision de 0,5 million de francs pour la création de l'emploi fonctionnel de chef de service d'insertion et de probation.

Une provision est également inscrite dans le présent projet de loi de finances pour la création de l'emploi fonctionnel de chef de service d'insertion et de probation (2 millions de francs). Le projet de budget 1999 prévoit également la création 10 postes de chefs de services et de 43 conseillers.

B.- UNE RÉORGANISATION DE LA GESTION DES PERSONNELS

Les mesures du plan pluriannuel pour la justice s'inscrivent pour partie dans le prolongement de décisions antérieures. Deux axes ont été privilégiés : la déconcentration et la gestion prévisionnelle des emplois.

La déconcentration a d'abord touché le domaine de la formation, avec la création de comités régionaux de formation. En 1992, des comités techniques paritaires déconcentrés et quatre comités d'hygiène et de sécurité locaux ont été mis en place.

En 1995, la déconcentration a été étendue à la répartition des créations d'emplois de surveillants. Dans ce cadre, les directions régionales ont proposé une ventilation des créations d'emplois fondée sur les critères de répartition préalablement établis. Ces critères ont été fixés de manière à mettre en _uvre les politiques sectorielles prévues par la loi de programme du 6 janvier 1995 : projets de service relatif au projet d'exécution de peine dans dix établissements pilotes, renforcement de l'encadrement des services médico-psychologiques régionaux, des unités de consultations et de soins ambulatoires, des personnes détenues mineures par les personnels de surveillance.

Le décret n° 97-3 du 7 janvier 1997 portant déconcentration a donné un cadre juridique à la déconcentration des actes de gestion individuelle, en particulier ceux concernant les corps de catégorie C. La création des commissions administratives paritaires régionales en métropole pour le corps des gradés et surveillants par arrêté du 17 décembre 1996 va permettre de doter les régions de compétences qui seront progressivement élargies.

La question de la gestion prévisionnelle des emplois prend un nouveau relief avec la mise en _uvre de la " bonification du cinquième ". En effet, dans les cinq ans à venir le personnel de surveillance va être renouvelé à près de 20 % des effectifs actuels.

L'ensemble de ces évolutions a trouvé sa traduction au niveau central par la réorganisation de la direction de l'administration pénitentiaire organisée par les arrêtés parus au Journal officiel du 28 juin 1998. Cette réorganisation était destinée à clarifier et à simplifier l'organigramme de la direction, de permettre à celle-ci de mettre en _uvre les politiques et les moyens prévus par la communication du Garde des Sceaux en Conseil des ministres du 8 avril 1998 et d'améliorer les compétences dans le domaine social et de mieux piloter les services déconcentrés. Les quatre anciennes sous-directions ont été remplacées par trois sous-directions : la sous-direction des personnes placées sous main de justice, la sous-direction de l'organisation et du fonctionnement des services déconcentrés et la sous-direction des ressources humaines et des relations sociales.

III.- LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

A.- L'ÉQUIPEMENT PÉNITENTIAIRE

Au 1er juin 1998, le parc pénitentiaire comprenait 187 établissements, pour 50.093 places. Ce chiffre doit être cependant corrigé par celui de la capacité opérationnelle qui était de 49.632 places à la même date pour 56.957 détenus, soit un taux moyen d'occupation de 114,8 %.

Comme nous l'avons rappelé plus haut, 461 places ne sont opérationnelles, compte tenu des sous-effectifs à la maison d'arrêt de Borgo, des travaux importants de restructuration de la maison centrale de Poissy, de la fermeture de cellules à la maison centrale de Saint-Maur, et de la limitation pour des raisons de sécurité du nombre des détenus dans les maisons centrales de Moulins, Arles et Lannemezan.

Près de 39 établissements ont été mis en service depuis 1987 : les 25 établissements du " programme 13.000 ", 6 établissements en métropole (Lannemezan, Épinal, Strasbourg, Val-de-Reuil et Borgo) et 4 établissements outre-mer (La-Plaine-des-Galets à La Réunion, Ducos en Martinique, Baie-Mahault en Guadeloupe, Remiré-Montjoly en Guyane), tandis que 3 établissements ont été réouverts après leur complète restructuration et leur mise aux normes (maisons d'arrêt de Nantes et d'Arras, maison centrale de Riom). Enfin, un établissement a été créé dans une ancienne caserne entièrement réhabilitée (centre de détention de Montmédy). Pendant la même période, 30 établissements vétustes ou inadaptés ont été fermés.

Il reste que, selon le ministère de la Justice, la situation des 148 autres établissements est caractérisée par : la vétusté(7), la dégradation et l'inadaptation fonctionnelle.

Dans la suite du " programme 13.000 " (1987-1991), le programme pluriannuel fixé par la loi n° 95-9 du 6 janvier 1995 comportait trois volets pour un investissement prévu de 3.000 millions de francs :

· il s'agit d'abord de la construction de deux maisons centrales à effectif réduit (120 places), d'un coût total d'environ 220 millions de francs, qui devaient être réalisées selon le calendrier prévisionnel suivant : études en 1995, engagement des travaux en 1996 et mise en service en 1998. Ces MCER répondent aux difficultés posées par la population pénale des condamnés à de très longues peines. Ces détenus ne peuvent plus être gérés convenablement dans les seules cinq maisons centrales à haut niveau de sécurité (Clairvaux, Moulins, Lannemezan, Saint-Maur et Arles) qui ont connu des mutineries dangereuses pour l'ordre public et coûteuses pour les finances publiques (225 millions de francs). Il est probable que leur mise en service effective sera repoussée à l'an 2000 ;

· la construction de 4.000 places de détention (1.630 millions de francs) correspond à celle de huit établissements répartis comme suit :

-  1 maison centrale de 200 places ;

-  5 maisons d'arrêt représentant au total 2.000 places ;

-  3 centres pénitentiaires représentant au total 1.800 places.

Le lancement des études prévu pour 1997 devait être précédé d'une phase de recherche foncière et de définition des programmes pendant les années 1995 et 1996. Compte tenu de la durée des travaux, la livraison des établissements était envisagée à partir de 1999 pour s'achever en l'an 2000 ;

· il s'agit enfin de la construction de 1.200 places de centre de semi-liberté, de petites dimensions, sur 40 sites à l'intérieur d'agglomérations urbaines. Ce programme augmenterait le parc actuel de places en semi-liberté de 80 %. D'un coût total de 200 millions de francs, cette réalisation devrait s'échelonner entre 1998 et 2000 à un rythme dépendant de celui des acquisitions des terrains ou des immeubles nécessaires à leur création.

Le projet de loi de finances propose d'ouvrir 912 millions de francs d'autorisations de programme, après 1.024 millions de francs en 1998. Au total, sur cinq ans, ce seront 2.848 millions de francs d'autorisations de programme qui auront été inscrites dans le budget, soit près de 95 % de réalisation des objectifs fixés par la loi de programme.

200 millions de francs seront consacrés, en 1999, à la rénovation du parc actuel, 696 millions de francs sont destinés au programme spécial de construction " 4.000 places " et 16 millions de francs financeront la création de centres pour peines aménagées (CPA).

Les constructions nouvelles et la transformation des établissements sont assurées principalement sur le chapitre 57-20 du budget du ministère, devenu chapitre 57-60, articles 40 et 50, dans la loi de finances pour 1997.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DES SERVICES PÉNITENTIAIRES

(ANCIEN CHAPITRE 57-20, NOUVEAU CHAPITRE 57-60, ARTICLES 40 ET 50)

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998 (2)

1999

Crédits de paiement

Loi de finances initiale (1) Disponibles

Consommation

319,7

531,3

382,1

374,2

618,8

537,2

350

548

496,5

516

573

243,9

289

413

365,1

278

362,2

123,4

438

-

-

Autorisations de programme

Loi de finances initiale Disponibles

Consommation

319

473,9

464,3

348

493,5

484

310

330,7

280,7

340

375,1

293,4

329

426,6

214,3

1.024

1.293,5

80,1

912

-

-

(1) budget voté, sauf 1999 (projet de loi de finances).

(2)  au 31 mai 1998.

Source : ministère de la Justice.

Les perspectives sont fondées sur la mise au point d'un programme portant sur la construction, pour 4.000 places, de 7 établissements pénitentiaires, dont 6 ont été retenus à ce jour (Lille, Meaux, Toulouse, Toulon, Avignon et Liancourt). La construction d'un centre pénitentiaire à Avignon et de deux maisons d'arrêt à Lille et Toulouse est ainsi programmée pour l'an 2000. La création du septième établissement constitue encore, à ce jour, une option.

S'agissant des centres de semi-liberté, il est prévu une expérimentation sur trois immeubles existants, dont deux sont connus à ce jour, l'ancien centre pénitentiaire de Metz-Barrès, et le bâtiment désaffecté de l'ancien hôpital de Marseille-Baumettes. Par ailleurs, les travaux d'aménagement du CSL de Montpellier (23 places) se poursuivent en vue d'un aménagement avant la fin de 1998.

Par ailleurs, le programme de rénovation concerne, à hauteur de 50 millions de francs pour des études de diagnostic et la programmation, cinq grands établissements : maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes, Paris-La Santé, Marseille-Les Baumettes, et maison d'arrêt et centre de détention de Loos-les-Lille.

Votre Rapporteur s'était rendu, l'an passé, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, dont il avait pu constater les importantes difficultés. Bien que construits à une date relativement récente (1968), les bâtiments présentent des dégradations importantes qui résultent non seulement de la surpopulation permanente qui accentue le vieillissement des installations techniques, mais également et surtout du défaut de gros entretien immobilier. Le total du programme de rénovation de la maison d'arrêt se monte à 400 millions de francs, soit 200 millions de francs pour le clos et le couvert (étanchéité, rénovation des façades...), 75 millions de francs pour les installations techniques (installation électrique, groupes électrogènes, chaufferie, etc.), 80 millions de francs pour la remise en état des locaux (rénovation complète des cellules) et 45 millions pour diverses opérations, dont le remplacement des portes d'entrée. Or, depuis 1991, 139,3 millions de francs d'autorisation de programme ont été ouvertes, dont près de 70 millions pour le seul désamiantage. Les efforts à entreprendre sont encore considérables.

B.- LA MAINTENANCE ET LA GESTION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

1.- La maintenance du parc classique

Comme l'a souligné la Cour des comptes, l'insuffisance de la maintenance liée au faible niveau des dotations du titre III réservé à ces dépenses est l'une des causes majeures de la dégradation rapide des structures et des installations. Il en résulte la nécessité de réaliser à une fréquence anormalement élevée de gros travaux d'entretien dont les dépenses sont supportées sur le titre V.

Sur le titre III, les dépenses générales d'entretien immobilier du parc classique se sont élevées à 110,05 millions de francs en 1997, soit une augmentation de 19 % par rapport à l'exercice 1996 et de 4 % par rapport à l'année 1995. On constate que les travaux d'agencement et d'installation et la maintenance directe qui avaient connu une importante diminution en 1996, ont respectivement augmenté de 12,3 millions de francs et de 4,9 millions de francs en 1997. Le coût moyen est de 54 francs par mètre carré pour l'année 1997, soit une augmentation de 7 francs par mètre carré par rapport à 1996. La part moyenne consacrée aux contrats de maintenance s'élève à 24 %.

Toujours sur le titre III, sont assurées les dépenses générales d'entretien immobilier des quatre établissements du " programme 13.000 " qui ont été repris en gestion publique (Laon, Arles, Saint-Quentin-Fallavier, Châteauroux). Le montant des dépenses en 1997 est au même niveau qu'en 1996 (8,2 millions de francs), ce qui porte le coût moyen par mètre carré à 110 francs.

En ce qui concerne les dépenses assurées sur le titre V, il convient de noter qu'elles sont passées de 62,21 millions de francs en 1991 (28 % du budget d'équipement) à 112 millions de francs en 1997 (26 % du budget d'équipement). En moyenne, 25 à 30 % des investissements pénitentiaires sont consacrés à la maintenance immobilière, ce qui obère d'autant la réalisation de travaux de modernisation du parc. En 1998, le taux devrait cependant atteindre seulement 8 % (100 millions de francs), ce qui est dû à l'importance de l'augmentation très forte des crédits affectés au programme de constructions neuves. Les résultats sur les trois derniers exercices mettent en évidence que les dépenses de mise aux normes des installations sont cinq fois plus importantes que les dépenses relatives au clos et au couvert. La plupart des interventions concernent les installations électriques et la mise en conformité des cuisines avec les règlements d'hygiène, ce que votre Rapporteur a pu constater lors de sa visite à Fleury-Mérogis.

COÛT DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES DU SECTEUR CLASSIQUE

(1988-1997)

Années

Fonctionnement
(en milliers de francs)(1)

Nombre de journées de détention

Coût net moyen total de la journée de détention
(en francs courants)

1988

3.325.045

18.354.825

181

1989

3.585.841

17.205.947

208

1990

3.631.746

18.232.669

199

1991

3.708.564

17.306.919

220

1992

3.720.189

16.276.913

229

1993

3.789.605

15.583.953

243

1994

4.179.205

16.672.439

251

1995

4.326.209

16.542.227

262

1996

4.661.393

16.639.810

280

1997

4.679.863

16.379.939

285

(1) hors personnel des établissements du " programme 13.000 ", CPAL et centres de rétention.

Source : ministère de la Justice.

2.- La maintenance du " parc 13.000 "

La mise en service des vingt-cinq établissements du " programme 13.000 " a bouleversé les critères habituels de gestion des établissements pénitentiaires. Vingt-et-un d'entre eux ont fait l'objet en 1989 de quatre marchés de fonctionnement, tandis que quatre autres étaient repris en gestion publique et organisés de manière à faciliter l'évaluation du niveau de performance des groupements privés par comparaison des différentes fonctions assurées dans les deux secteurs.

La baisse constante jusqu'en 1996 du coût de la journée de détention dans les établissements du " programme 13.000 " s'explique par l'accroissement de la population pénale et par une meilleure répartition des frais fixes, lesquels sont rapportés à un nombre plus élevé de journées de détention. Cette baisse a atteint son terme en 1996 avec la mise à pleine capacité de l'ensemble des établissements du " programme 13.000 ". La variation du coût de journée ne dépendra plus, pour l'essentiel, que du rythme de l'inflation.

COÛT DE FONCTIONNEMENT - " PROGRAMME 13.000 "

(1990-1997)

(en francs)

 

Coût marché

Crédits d'accompagnement (1)

Nombre de journées de détention

Coût moyen d'un détenu par jour

(en francs courants)

1990

136.782.533

215.069.725

476.566

738

1991

407.145.022

351.609.165

1.674.212

453

1992

541.903.069

405.935.535

2.618.968

362

1993

610.459.286

470.172.446

3.297.205

328

1994

655.480.254

549.264.080

3.555.131

333

1995

667.888.468

600.664.168

3.871.426

328

1996

689.214.882

649.899.056

4.018.571

330

1997

692.594.343

683.333.653

3.969.972

346

(1) fonctions non déléguées, dépenses de santé non déléguées à partir de 1995, frais de personnel.

Source : ministère de la Justice.

Les coûts du marché des " établissements 13.000 " ne sauraient être comparés au coût de fonctionnement hors personnels des établissements classiques, puisqu'ils incluent les coûts du personnel privé exerçant les fonctions constitutives des marchés de fonctionnement (maintenance et transport, hôtellerie, santé, travail et formation professionnelle).

CHAPITRE IV :
LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse permettent de financer la prise en charge des mineurs en danger et des mineurs délinquants, que ce soit au travers du réseau public d'établissements ou bien au travers du secteur habilité.

Le Garde des Sceaux avait indiqué, le 25 août 1997, lors de la visite d'un centre d'action éducative à Paris que la protection judiciaire de la jeunesse serait " la grande priorité " de son budget. Cette déclaration s'est traduite non seulement par une augmentation des moyens des services de la protection judiciaire de la jeunesse, ex-services de l'Éducation surveillée de 4,14 % dans la loi de finances initiale pour 1998 par rapport à celle pour 1997, mais également par la mise en place d'une mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs dirigée par deux parlementaires en mission, Mme Christine Lazerges et M. Jean- Pierre Balduyck.

Cette mission qui a rendu son rapport en avril 1998 a fait plusieurs séries de propositions, concernant notamment la justice (cf. encadré infra). Sont soulignés à la fois la nécessité d'améliorer les moyens mis au service de la justice des mineurs et de renforcer les structures existantes, le besoin de disposer d'un personnel motivé et formé spécialement aux affaires de mineurs, mais aussi l'impératif d'amélioration des rapports entre les personnels de la justice et ceux des forces de sécurité. La multiplication des peines alternatives à l'emprisonnement apparaît également dans ce domaine précis comme particulièrement utile.

Le 8 juin 1998, le conseil de sécurité intérieure, sous la présidence du Premier ministre, a arrêté un plan de lutte gouvernemental contre la délinquance des mineurs. Le présent projet de budget tient en partie compte des mesures décidées dans le cadre de ce plan.

LES MESURES DU RAPPORT LAZERGES - BALDUYCK
POUR LA JUSTICE (*)

1.- Doter le budget du ministère de la justice de crédits budgétaires bien supérieurs.

2.- Réformer la carte judiciaire.

3.- Doter le ministère de la justice d'un outil statistique permettant une évaluation complète de l'activité des juridictions pour mineurs.

4.- Valoriser la justice des mineurs par une dissociation accrue du grade et de la fonction.

5.- Faire informer les enfants dès l'école élémentaire, par des assistants de justice, des principes de base de l'ordonnance du 2 février 1945 concernant la responsabilité pénale des mineurs.

6.- Effectuer un bilan de l'application de la loi du 1er juillet 1996 dans le cadre d'une évaluation globale du traitement des procédures en temps réel concernant les mineurs.

7.- Étendre le domaine d'indemnisation des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions pénales aux destructions, dégradations ou détériorations de véhicules.

8.- Remplacer le terme de " classement sans suite " par celui de " suspension des poursuites sous conditions " dès lors qu'une réponse est apportée par le parquet à un acte de délinquance commis par un mineur ; procéder à un comptage statistique distinct.

9.- Coordonner les interventions des magistrats du siège et du parquet en ce qui concerne l'audiencement des affaires ; diminuer les délais d'audiencement.

10 - Renforcer, après évaluation des besoins, certains parquets des mineurs ; se doter à cet effet d'éléments de mesure de leur activité ; répondre rapidement aux vacances de postes de substituts des mineurs.

11.- Généraliser les " délégués du procureur " qui doivent être mieux recrutés et formés et dont les conditions de rémunération doivent être précisées.

12.- Généraliser les conventions entre les parquets, qui du fait de l'absence d'un tribunal pour enfants dans leur ressort, n'ont pas compétence pour les affaires des mineurs et ceux qui ont une compétence exclusive.

------------------------------

(*) Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck, Rapport au Premier ministre de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs, Réponses à la délinquance des mineurs, avril 1998.

13.- Constituer des parquets de mineurs dans toutes les juridictions dans un délai de 18 mois.

14.- Mettre en cohérence l'action des parquets d'un même ressort au niveau du parquet général.

15.- Mettre en place une permanence de jour spécialisée pour les mineurs pour chaque parquet.

16.- Désigner les magistrats du parquet spécialement chargés des mineurs compte tenu de l'intérêt qu'ils portent aux questions de l'enfance et de leurs aptitudes.

17.- Répondre à tous les actes de délinquance commis par des mineurs portés à la connaissance des parquets.

18.- Recourir plus largement aux mesures de médiation et de réparation pénales.

19.- Mettre en _uvre une politique volontariste d'habilitation d'associations dont l'un des objets serait d'exécuter des mesures de réparation.

20 - Ouvrir aux mineurs délinquants la faculté d'être assistés par un conseil lors d'une action préjuridictionnelle ; faciliter la conclusion de conventions entre les ordres d'avocats et les juridictions sur ce point.

21.- Ouvrir parallèlement le bénéfice de l'aide juridictionnelle dès l'intervention des parquets.

22.- Encourager la création de maisons de la justice et du droit dans les quartiers en difficulté pour en tripler le nombre dans un délai de trois ans.

23.- Favoriser les échanges avec les partenaires des parquets pour que ceux-ci soient sensibilisés à leurs priorités et afin que ces derniers ne soient sollicités qu'à bon escient.

24.- Maintenir un équilibre entre les missions du siège et du parquet et institutionnaliser au sein de chaque tribunal pour enfants un organe de concertation pour veiller au maintien de cet équilibre, organiser l'audiencement, évaluer les flux et communiquer sur le fonctionnement de la justice pénale des mineurs.

25.- Expliquer aux forces de l'ordre les décisions prises par les juges des enfants particulièrement lorsqu'un mineur revient dans son quartier après avoir fait l'objet d'un défèrement  ; inciter les juges des enfants à se rendre dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie pour expliquer leur activité ; mettre au point des formations communes entre les magistrats du siège et les agents des forces de sécurité.

26.- Augmenter sensiblement le nombre de juges des enfants et de greffiers.

 

27.- Réexaminer la carte des tribunaux pour enfants dans le sens de leur regroupement.

28.- Rendre obligatoire pour les juges des enfants la tenue d'audiences civiles et pénales dans les tribunaux d'instance du ressort et dégager les moyens à cette fin.

29.- Revoir les conditions de nomination des juges des enfants afin que ne puissent être nommés à ces fonctions que des magistrats particulièrement compétents et motivés et que la rotation des postes permette une durée d'exercice professionnel raisonnable.

30.- Désigner le juge d'instruction chargé des affaires de mineurs compte tenu de l'intérêt qu'il porte aux questions de l'enfance et de ses aptitudes ; éviter les rotations trop rapides.

31.- Nommer des vice-présidents chargés des fonctions de juge des enfants qui aient exercé auparavant les fonctions de juge des enfants.

32.- Désigner le magistrat délégué à la protection de l'enfance compte tenu de l'intérêt qu'il porte aux questions de l'enfance et de ses aptitudes.

33.- Affecter dans les juridictions pour mineurs des assistants de justice.

34.- Affecter dans les juridictions pour mineurs des emplois-jeunes, ces derniers devant être financés à 100 % par l'État ; généraliser les conventions entre l'Éducation nationale et la justice pour mettre à la disposition des juridictions pour mineurs des emplois-jeunes.

35.- Inciter la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur privé habilité à proposer un plus grand nombre de mesures de réparation, ces dernières devant être requises par les parquets.

36.- Inciter les juges des enfants à trouver des postes de travail d'intérêt général qui rendent plus visible l'action de la justice des mineurs et envisager que des peines de travail d'intérêt général soient exécutées au sein de l'institution policière.

37.- Proposer des formations regroupant magistrats du siège, du parquet, gendarmes et policiers spécialisés, travailleurs sociaux ; diffuser un guide méthodologique des potentialités offertes par les textes à tous les magistrats du siège spécialisés.

38.- Établir des conventions entre les juridictions pour mineurs et les services éducatifs concernant les conditions précises dans lesquelles les mesures décidées par les juges sont prises en charge : présence des services éducatifs à l'audience, délais de mise en _uvre de la mesure, compte rendu au juge.

39.- Réactiver l'institution des " délégués bénévoles à la liberté surveillée ".

40.- Généraliser à toutes les juridictions pour mineurs l'institution d'un " tableau de bord " dans chaque cabinet de juge des enfants.

41.- Institutionnaliser le rôle de coordination et de représentation d'un magistrat dans chaque tribunal pour enfants.

42.- Inscrire dans le code de l'organisation judiciaire l'obligation pour chaque tribunal pour enfants d'établir un rapport annuel sur son activité.

43.- Conférer au magistrat délégué à la protection de l'enfance à la cour d'appel un rôle de coordination et de contrôle dans le fonctionnement des juridictions pour mineurs.

44.- Décharger la protection judiciaire de la jeunesse de l'exécution des décisions des juges des enfants prises au titre de l'assistance éducative pour les mineurs de moins de 13.ans.

45.- Élargir la gamme des réponses éducatives par la mise en _uvre d'un dispositif départemental Protection judiciaire de la jeunesse/secteur privé habilité.

46.- Proposer dans chaque département des mesures de réparation qui pourront être mises en _uvre tant par la Protection judiciaire de la jeunesse que par le secteur privé habilité.

47.- Créer à l'initiative de la Protection judiciaire de la jeunesse des " classes ouvertes " dans chaque département.

48.- Mettre en place un dispositif départemental d'accueil d'urgence.

49.- Créer au plan national une vingtaine d'internats, gérés soit par la protection judiciaire de la jeunesse, soit par le secteur privé habilité, et implantés par priorité dans les départements les plus sensibles.

50.- Maintenir les foyers d'hébergement, mais les renforcer dans le sens d'une présence éducative soutenue auprès des jeunes.

51.- Développer les solutions d'éloignement et de rupture : unités à encadrement éducatif renforcé, familles d'accueil et lieux de vie.

52.- Augmenter d'une manière très significative les crédits et les postes budgétaires de la protection judiciaire de la jeunesse.

53.- Déconcentrer la gestion des personnels.

54.- Donner plus de souplesse dans la gestion et le recrutement des personnels ; encourager l'affectation des agents par fiche de poste ; recherche la mixité des équipes ; promouvoir le recours à des contractuels ; aménager des passerelles entre la protection judiciaire de la jeunesse et d'autres administrations, pour favoriser la mobilité des éducateurs ; créer des équipes " d'éducateurs placés " au sein des directions régionales de la protection judiciaire de la jeunesse.

55.- Réserver le recrutement des personnels éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse aux détenteurs d'un diplôme de travail social.

56.- Refondre profondément la carte pénitentiaire  ; installer progressivement et systématiquement dans chaque maison d'arrêt, des petits quartiers de 20 à 25 places, réservés au mineurs et aux jeunes majeurs ayant commencé l'exécution de leur peine pendant leur minorité.

57.- Adapter dans les quartiers de mineurs le régime de détention et les règles relatives à l'individualisation des peines ; intégrer des quartiers de mineurs dans tous les établissements du programme " 4.000 ".

58.- Fermer le centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis aux mineurs et le transformer en établissement exclusivement réservé aux jeunes majeurs de 18 à 21 ans ; interdire immédiatement le recours au quartier disciplinaire des adultes pour l'exécution des sanctions des mineurs et jeunes majeurs.

59.- Développer le régime de la semi-liberté.

60.- Expérimenter le recours à l'exécution de la peine sous le régime du placement sous surveillance électronique.

61.- Modifier le code de procédure pénale pour que le juge des enfants soit saisi pour avis pour l'exécution d'une peine n'excédant pas un an, dès lors qu'elle est prononcée par une juridiction spéciale pour mineurs.

62.- Donner la possibilité au juge de l'application des peines de saisir le service éducatif auprès du tribunal pour assurer le suivi d'un mineur dans le cadre de la libération conditionnelle.

63.- Affecter sur des postes fixes au sein des quartiers des mineurs des surveillants volontaires, motivés, ayant reçu une formation complémentaire.

64.- Concrétiser la mission globale de réinsertion de l'administration pénitentiaire en prévoyant de nouveaux postes d'enseignants, en développant des activités physiques et sportives, avec la possibilité de stages sportifs en extérieur, et en renforçant l'intervention de l'inter-secteur de psychiatrie.

Pour 1999, les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse progresseront de 6,42 % pour s'établir à 2.770,9 millions de francs, soit 10,55 % des crédits du ministère. Il s'agit du secteur qui bénéficie, hors des juridictions administratives, de la plus forte progression relative. La protection judiciaire de la jeunesse disposera d'un effectif théorique pour 1999 de 6.393 agents.

Les données de la loi de programme du 6 janvier 1995 sont respectées tant en termes d'emplois qu'en termes d'autorisation de programme. Il convient cependant de noter que le nombre d'emplois créés prend en compte la création de 34 emplois inscrits en 1997 pour les unités à encadrement éducatif renforcé (UEER).

EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

 
 

Mesures prévues

Loi de finances

initiale

1995

Loi de finances

initiale

1996

Loi de finances

initiale

1997

Loi de finances

initiale

1998

Projet de loi de

finances

1999

Total obtenu sur 5 ans

Emplois nets

400

90

107

35

100

68

400

Équipement (en millions de francs)

400

80

80

80

76

84

400

Source : ministère de la Justice.

I.- LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES

A.- LA POPULATION PRISE EN CHARGE

La population de jeunes en difficulté est répartie entre les mineurs incarcérés et les mineurs en difficulté pris en charge par le secteur public ou le secteur associatif en vue de leur réinsertion.

1.- Les mineurs incarcérés

Depuis 1945, la justice des mineurs repose sur l'ordonnance de 1945 qui affirmait le primat de l'éducation su la répression. La loi du 1er juillet 1996 sur les mineurs délinquants a introduit des nouveautés, telles que le principe de comparutions à délai rapproché. Depuis dix ans, l'incarcération des mineurs a été peu à peu limitée. Elle est aujourd'hui proscrite pour les mineurs de moins de treize ans, et limitée aux crimes pour les adolescents de treize à seize ans. La détention provisoire est plafonnée à deux ans en cas de crime, pour les jeunes de seize à dix-huit ans.

Le nombre de mineurs incarcérés en métropole est passé de 757 au 1er janvier 1980 à 622 au 1er janvier 1998, soit une baisse de 17,8 %. Après s'être stabilisé autour de 800 dans les années 1980, ce nombre est brusquement passé à environ 600. Les mineurs qui représentaient 2 % de la population totale carcérale, n'en constituent plus aujourd'hui que 1 %. Les textes législatifs intervenus à partir de 1985 sont directement la cause de cet infléchissement. On observe néanmoins une légère remontée depuis 1997. Les prévenus représentent 80 % des mineurs incarcérés.

2.- Les mineurs en difficulté

Ces mineurs ne font pas l'objet de mise en détention mais sont soumis à des mesures d'investigations, des mesures de placement ou d'actions éducatives en milieu ouvert.

Tous secteurs confondus, environ 140.000 jeunes sont pris en charge en permanence dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif assurant près des deux tiers des prises en charge et 90 % des mesures de placement. En outre, près de 75.000 jeunes ou familles font l'objet d'une investigation. Compte tenu des mouvements intervenus en cours d'année (entrées et sorties) plus de 240.000 jeunes ont été suivis au cours de l'année par ces services.

On peut constater qu'il existe, entre les deux secteurs chargés de la protection judiciaire de la jeunesse, de fortes différences tant au niveau des publics pris en charge que dans les prestations éducatives. Le secteur public intervient prioritairement pour les jeunes délinquants et pour les " grands adolescents ". Il en résulte une plus forte proportion de garçons. Les jeunes majeurs sont également relativement nombreux dans le secteur public au titre le plus souvent d'une poursuite de prise en charge. Le secteur associatif réalise l'essentiel de son activité en assistance éducative, les délinquants ne pouvant pas être suivis en milieu ouvert hors du secteur public.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE JEUNES PRIS EN CHARGE HORS INVESTIGATION

(au 31 décembre)

 

1989

1993

1994

1995

1996

Secteur public

32.250

30.459

30.430

32.325

35.968

Secteur habilité

92.989

99.405

100.656

103.450

105.787

Total

128.239

129.864

131.086

135.775

140.320

Source : ministère de la Justice.

B.- LES MODES D'ACTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les mesures d'investigation sont les premières qui sont prises pour cerner les difficultés auxquelles sont soumis les mineurs pris en charge. Cette première phase peut être suivie d'une seconde consistant en des mesures exigeant un investissement des services de la protection judiciaire de la jeunesse plus important.

1.- Les mesures d'investigation

L'investigation est un terme générique qui désigne l'ensemble des mesures d'enquête ordonnées par le juge des enfants avant qu'il ne prenne sa décision. Elle doit être exécutée dans le délai de six mois et ne peut être prorogée qu'une fois. Depuis la décision du comité technique paritaire national du 27 septembre 1996, les catégories de mesures d'investigation sont au nombre de trois.

· L'enquête sociale est réalisée par des assistants sociaux et peut concerner un ou plusieurs jeunes dans le cadre d'une même famille. Il y a entre 16.000 et 18.000 enquêtes sociales diligentées par an. En 1997, le secteur associatif a réalisé 78 % de ces enquêtes.

· L'investigation du SEAT regroupe les recueils de renseignements sociaux qui se sont substitués aux enquêtes rapides, réalisées à la demande du juge des enfants. Elles sont obligatoires si le juge envisage l'incarcération d'un mineur. Ces enquêtes peuvent être spontanées ou réalisées à la demande d'un magistrat. Le nombre d'enquêtes rapides varie aux alentours de 35.000 par an (37.000 en 1997).

· Les mesures d'investigation et d'orientation éducative (IOE) désignent l'ensemble des investigations autres que l'enquête sociale. Elles regroupent à la fois la consultation d'orientation éducative (COE) et l'observation en milieu ouvert (OMO). La consultation est pluridisciplinaire. Elle est obligatoirement réalisée par un éducateur et un psychologue auxquels peuvent s'adjoindre un psychiatre, un médecin généraliste ou tout autre professionnel. L'OMO est exclusivement réalisée par un éducateur et peut durer jusqu'à six mois. Le secteur public et le secteur associatif réalisent pour moitié chacun environ 25.000 investigations et orientations éducatives.

2.- Les modalités de la prise en charge des jeunes en difficulté

Outre l'action de l'administration pénitentiaire en direction des mineurs faisant l'objet d'une mesure de mise en détention provisoire ou de mesure d'incarcération à la suite d'une condamnation, la prise en charge des jeunes en difficulté est assurée soit par le secteur public, soit par le secteur associatif, dit " secteur habilité ".

Elle peut se faire selon quatre modes, qui peuvent se cumuler : 

· l'hébergement permet de prendre en charge les jeunes, le soir et la nuit, parfois le week-end. Ces jeunes peuvent recevoir une formation de jour, suivre une activité dans l'établissement qui assure l'hébergement ou dans un autre établissement. On peut distinguer trois types d'hébergement :

- l'hébergement peut être collectif : il est alors assuré dans des établissements d'une capacité moyenne de douze lits ;

- il peut être assuré dans des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) chargées d'accueillir des délinquants multi-récidivistes ou des mineurs en situation de grande marginalisation. 17 UEER ont été ouvertes entre septembre 1996 et septembre 1997. L'actuel Garde des Sceaux a suspendu les ouvertures d'UEER qui devaient intervenir en septembre 1997, ayant décidé de confier une mission d'évaluation de ces structures. Les structures ainsi évaluées par un cabinet d'ingénierie et par les inspections générales de l'administration, des affaires sanitaires et sociales, et des services judiciaires semblent être caractérisées par des difficultés financières, mais aussi par des difficultés liées à des projets pédagogiques insuffisamment élaborés et des équipes éducatives mal préparées. Une forme renouvelée de dispositifs éducatifs renforcés sera mise en place. 8 de ces structures seront ouvertes d'ici la fin 1999 ;

- l'hébergement peut être individualisé : il s'agit de places dans des foyers de jeunes travailleurs ou dans des cités universitaires, ou parfois de chambres en ville, sous-louées aux jeunes par la structure ou mises gratuitement à disposition.

· les centres de jour (secteur public uniquement) ont vocation à recevoir en priorité des jeunes sous protection judiciaire. Ils bénéficient soit d'une formation ou d'un apprentissage élémentaire en vue d'une réintégration dans les dispositifs de droit commun (Éducation nationale ou autre), soit d'une formation professionnelle directement dispensée au sein de l'établissement ou sur un chantier. L'établissement d'accueil peut être une entreprise d'insertion, géré par la protection judiciaire de la jeunesse. Dans ce cas, le jeune a le statut de salarié et bénéficie d'un contrat de travail. Les centres de jour sont amenés, dans le cadre du partenariat avec le ministère du Travail à accueillir des jeunes issus du dispositif de droit commun hors mandat judiciaire (missions locales, permanences d'accueil, d'information et d'orientation, etc.) ;

· le milieu ouvert regroupe les mesures de suivi du jeune dans son milieu naturel (ou " actuel " selon les termes juridiques), c'est-à-dire dans sa famille. Cette modalité de prise en charge peut être associée à une mesure de placement familial ou avec un suivi en centre de jour. Il peut s'appliquer à de jeunes délinquants suivis au titre d'une mesure provisoire (contrôle judiciaire, liberté surveillée préjudicielle) ou définitive (sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général, liberté surveillée...). Ce suivi pénal en milieu ouvert ne peut être assuré que par un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Il peut également concerner des mineurs en danger ou des jeunes majeurs, on parle alors d'action éducative en milieu ouvert ;

· le placement familial concerne les jeunes confiés à une famille de manière permanente et durable. Il est suivi principalement le secteur habilité et toujours accompagné d'une mesure de milieu ouvert.

Au 1er janvier 1998, les jeunes relevant du secteur public étaient répartis entre 39 foyers d'action éducative (FAE) assurant une fonction unique d'hébergement collectif, et 239 centres d'action éducative (CAE) exerçant des fonctions multiples (hébergement et/ou actions de formation, investigations, milieu ouvert). S'ajoutent à ces structures 76 annexes de protection judiciaire de la jeunesse dans les quartiers éloignés des grands centres urbains et proches des milieux de vie des jeunes.

Il convient d'évoquer également l'action des SEAT qui assurent, en amont de la décision judiciaire, une permanence éducative chargée d'éclairer le magistrat sur la situation personnelle et familiale du mineur. Ils assurent également, en aval de la décision judiciaire, le suivi éducatif d'un certain nombre de mineurs dans le cadre pénal. Les missions des éducateurs du SEAT ont été élargies par la loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945, puisqu'ils doivent désormais donner leur avis dans le cadre de nouvelles procédures. Au 1er janvier 1998, il y avait 98 SEAT.

Enfin, même si elles ne constituent pas à proprement parler des mesures de prise en charge, les mesures d'investigation sont des interventions éducatives ou de spécialistes destinées à dresser un bilan de situation du jeune qui permettra d'éclairer la décision du magistrat. Entrent dans cette catégorie les consultations d'orientation éducative, les enquêtes sociales, les mesures d'observation en milieu ouvert, les enquêtes rapides du SEAT.

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

A.- LES MOYENS HUMAINS

1.- Les effectifs

La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiait de 6.245 emplois budgétaires en 1998, soit 10,26 % des effectifs du ministère, au lieu de 6.145 emplois budgétaires en 1997.

La loi de programme avait prévu la création de 400 emplois budgétaires à répartir sur les cinq années de son application, soit en moyenne 80 emplois par an. Ces objectifs seront remplis en 1999 avec la création de 68 emplois au titre de la loi de programme. Au total ce sont 150 emplois qui seront créés au bénéfice de la protection judiciaire de la jeunesse, 142 étant liés au renforcement de la mesure de réparation, des prises en charge diversifiées et du suivi médico-social et 8 au titre de l'adaptation de la gestion des ressources humaines pour accroître l'efficacité des services. Au total, le secteur bénéficiera de 6.393 postes budgétaires en 1999.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit, en outre, l'achèvement de mesures prises antérieurement (réforme du corps des professeurs techniques et des directeurs), le repyramidage de certains corps (0,6 million de francs) et la transformation d'emplois compte tenu des besoins des services (0,91 million de francs).

Le taux d'encadrement tend régulièrement à s'améliorer depuis 1990. Il y avait 16,4 jeunes pour un éducateur en 1990, le nombre est passé à 14,9 jeunes pour un éducateur en 1997.

2.- Les mesures indemnitaires et statutaires

Au-delà de la poursuite des revalorisations indemnitaires demandées et accordées en partie en 1998, le projet de loi de finances pour 1999 propose la revalorisation de certaines indemnités et la mise en place d'une provision pour le régime indemnitaire des directeurs. Ainsi, seront revalorisés le taux de l'indemnité horaire pour travaux du dimanche et des jours fériés allouée aux personnels des services déconcentrés et le taux de l'indemnité de surveillance de nuit allouée aux agents techniques d'éducation. Par ailleurs, le régime indemnitaire des éducateurs et chefs de service éducatif sera amélioré (3,7 millions de francs).

B.- LES MOYENS MATÉRIELS DE FONCTIONNEMENT

L'ensemble des crédits de fonctionnement et d'intervention ouverts dans la loi de finances initiale pour 1998 au profit de la protection judiciaire de la jeunesse se sont élevés à 2.532,8 millions de francs. Pour 1999, ce montant s'élèvera à 2.673,9, soit une variation positive de 5,57 %.

Ces crédits recouvraient, outre les dépenses en personnel, l'entretien et la rééducation des mineurs (chapitre 34-33), les moyens de fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34), les dépenses informatiques (chapitre 34-35, article 50), le matériel et fonctionnement courant de la formation (chapitre 34-98), ainsi que des subventions et interventions diverses (chapitre 46-01) qui bénéficient également de crédits du Fonds social européen (FSE).

La progression enregistrée en 1999 résulte, notamment, de l'augmentation de 60,8 millions de francs des crédits destinés à la rémunération des prestations du secteur associatif habilité (58 millions de francs en mesures d'ajustement, 2,8 millions de francs au titre de la mesure de réparation) et de l'abondement à hauteur de 15 millions de francs pour le renforcement des prises en charge par le secteur public. Quant aux crédits du Centre national de formation et d'études de la protection judiciaire de la jeunesse, ils seront majorés de 3 millions de francs. Le développement de la politique de soutien aux associations _uvrant dans les activités de jour sera soutenu par une augmentation de 1,3 million de francs de la dotation inscrite sur le chapitre 46-01.

III.- LES INVESTISSEMENTS

Depuis 1980, l'évolution des méthodes pédagogiques a nécessité une transformation du patrimoine immobilier affecté à la protection judiciaire de la jeunesse. Les gros internats, dont les coûts d'entretien et de fonctionnement élevés ne se justifiaient plus, ont été progressivement remplacés par des structures de petites ou moyennes dimensions, insérées en milieu urbain et assurant le plus souvent une fonction unique (hébergement, milieu ouvert, formation professionnelle). A partir de 1989, après un inventaire des opérations d'équipement en cours ou projetées, des études ont été menées. Leurs résultats ont permis de planifier dans un cadre pluriannuel les nouvelles implantations du secteur public. Le redéploiement des activités des établissements inadaptés a contribué, depuis 1991, à recentrer progressivement les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse à proximité des secteurs urbains où sont présents les jeunes les plus en difficulté.

Depuis 1995, les opérations d'équipement se situent dans le cadre fixé par la loi de programme relative à la justice qui a prévu d'affecter 400 millions de francs d'autorisations de programme à la protection judiciaire de la jeunesse pour l'ouverture de 500 places d'hébergement, une partie de ce montant devant servir, à hauteur d'une centaine de places, à l'achèvement des programmes déjà en cours. Le Gouvernement souhaitait également renforcer les possibilités de prise en charge des mineurs délinquants par les services de milieu ouvert et les centres de jours situés dans ou à proximité des quartiers les plus difficiles. C'est à ce deuxième objectif que devait être consacré le solde de ces dotations.

Les crédits ouverts pour 1999 permettront de réaliser la totalité des ouvertures d'autorisations de programme fixée par la loi du 6 janvier 1995.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit l'ouverture de 84 millions de francs en autorisations de programme et de 97 millions de francs en crédits de paiement.

Seront construits 2 nouveaux foyers (Melun-Sénart et Mulhouse) de 18 places, tandis que plusieurs établissements anciens à Paris, dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Bouches-du-Rhône et du Rhône bénéficieront d'opérations de rénovation et de réhabilitation. Les créations de places d'hébergement seront poursuives.

CHAPITRE V :

LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Les crédits du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs progressent de 9,21 % entre 1998 et 1999 (+ 7,8 % entre 1997 et 1998, + 8,12 % entre 1996 et 1997, + 3,87 % entre 1995 et 1996), pour atteindre 803 millions de francs dans le présent projet de loi de finances. Cette progression concerne aussi bien les dépenses ordinaires (+ 8,78 %) que les crédits de paiement pour investissement (+ 16 %). Les ouvertures d'autorisations de programme progressent également avec un taux de croissance de 27,5 %. Les juridictions administratives disposeront de 2.184 postes budgétaires en 1999, dont 900 magistrats, au lieu de 2.123 dont 879 magistrats en 1998.

A structure constante, c'est-à-dire exception faite du transfert à partir du budget des services communs du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie de 32 millions de francs d'indemnités auparavant rattachés par voie de fonds de concours au budget de la Justice, les crédits des juridictions administratives progressent seulement de 4,86 %.

L'exécution de la loi de programme est satisfaisante tant au niveau des emplois créés qu'en matière d'autorisations de programme, puisque les taux de réalisation atteignent respectivement 87 % et 106,5 % des mesures prévues, alors même que l'échéance de la loi de programme avait été reportée d'une année en 1997.

EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

 

Mesures prévues

Loi de finances initiale 1995

Loi de finances initiale 1996

Loi de finances initiale 1997

Loi de finances initiale 1998

Projet de loi de finances 1999

Total obtenu sur 5 ans

Emplois nets

380

82

70

57

61

61

331

Équipement (en millions de francs)

200

40

40

42

40

51

213

Source : ministère de la Justice.

LA RÉFORME DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Cette année, votre Rapporteur s'est attaché à examiner le fonctionnement des juridictions administratives, par le biais notamment de plusieurs visites sur place, y compris au Conseil d'État.

Accusant pendant longtemps un certain retard par rapport aux juridictions judiciaires, les juridictions administratives ont fait l'objet depuis une dizaine d'années d'importantes réformes. Ces évolutions ont concerné aussi bien la répartition des compétences et le déroulement des procédures que le statut du juge administratif et les moyens mis à leur disposition pour faire face à une montée continue du volume et à la complexité croissante des contentieux.

· L'institution d'un nouveau degré de juridictions et le développement
de nouvelles procédures

La réforme de 1953 avait érigé les tribunaux administratifs en juridictions de droit commun du contentieux administratif. La demande de plus en plus forte émanant des justiciables, le caractère de plus en plus compliqué des affaires, l'irruption du droit européen et l'approfondissement de la décentralisation, la diversification des modes d'intervention des personnes publiques ont conduit à une augmentation forte du volume du contentieux et ont renforcé les difficultés du travail des juges.

Pour résoudre ce problème, après la multiplication des chambres et des formations de jugement dans les juridictions et après l'échec de deux projets de loi au début des années quatre-vingts, le législateur a créé par la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 des cours administratives d'appel. Six cours d'appel ont été effectivement créées (1). Une septième est en cours de création.

Le transfert de la plupart des compétences d'appel du Conseil d'État vers les cours administratives s'est déroulé de façon progressive. Depuis le 1er janvier 1989, les cours d'appel ont compétence pour tous les litiges de plein contentieux. En matière d'excès de pouvoir, leurs attributions ont été étendues aux contentieux de l'urbanisme et de l'expropriation, le 1er septembre 1992, et à l'ensemble du contentieux de la fonction publique, le 1er janvier 1994. Le transfert aux cours, le 1er octobre 1995, des appels formés contre les jugements statuant sur des actes réglementaires opéré par la loi du 8 février 1995 constitue la dernière étape de ce procès. L'appréciation de légalité et le contentieux des élections municipales et cantonales restent seuls réservés, en appel, au Conseil d'État.

Ce redéploiement des compétences s'est accompagné de nombreuses réformes de procédure destinées pour la plupart à rendre la justice administrative plus efficace, plus productive.

L'introduction d'un nouveau degré de juridiction a conduit à préciser le rôle de juge de cassation joué par le Conseil d'État. La création de la possibilité pour chaque tribunal de demander l'avis du Conseil d'État sur une question nouvelle a répondu à la même nécessité. L'enrichissement des procédures de référé et de sursis, l'apparition du juge unique pour certains contentieux, la dévolution aux juridictions de pouvoirs en vue d'assurer l'exécution de leurs décisions, la reconnaissance d'un pouvoir d'injonction sont autant d'évolutions procédurales qui viennent renforcer la célérité et l'efficacité des décisions rendues par le juge administratif.

_____________

(1) Paris, Bordeaux, Lyon, Nantes, Nancy et plus récemment Marseille.

Le processus d'enrichissement des procédures s'est déroulé de façon cumulative et fragmentée selon les types de contentieux, ce qui a conduit à juxtaposer les catégories de procédures et à rendre leur utilisation malaisée. C'est pourquoi la réunion autour du président de la section du contentieux du Conseil d'État d'un groupe de travail sur la rationalisation des procédures d'urgence est pleinement justifiée. A ce titre, l'introduction d'une mesure d'urgence unifiée pour régler les litiges dont la solution n'emporte pas de contestation sérieuse ne paraît pas devoir être rejetée sans un examen attentif. Il convient de poursuivre dans la voie ouverte par la loi du 8 février 1995 précitée qui avait élargi aux tribunaux administratifs les procédures de juge unique, les pouvoirs d'injonction et d'astreinte.

· La réforme des moyens : nouvelle gestion, nouveau statut

La création des cours administratives d'appel s'est accompagnée du transfert de la gestion des tribunaux et des cours du ministère de l'Intérieur au Conseil d'État, en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1987 précitée.

Sous l'autorité du vice-président du Conseil, cette gestion est assurée dans les faits par le secrétaire général du Conseil, auprès de qui sont placés un secrétaire général adjoint chargé des tribunaux et cours et le service des tribunaux et des cours administratives d'appel (STACAA). Par ailleurs, la mission permanente d'inspection des juridictions administratives qui s'occupait auparavant des magistrats a repris les attributions que l'inspection générale de l'administration exerçait à l'égard des greffes ainsi que de la gestion budgétaire et immobilière des juridictions. Il faut souligner que la gestion de la carrière des greffiers, issus du ministère de l'Intérieur, relève largement de ce dernier. Cette situation crée des lourdeurs inutiles.

Le vice-président du Conseil est ordonnateur principal des crédits de l'ensemble des juridictions administratives. Il a délégué aux chefs de juridiction les responsabilités d'ordonnateur secondaire pour les dépenses de fonctionnement. Pour des raisons d'économies d'échelle, la gestion des investissements immobiliers et des équipements mobiliers lourds des juridictions, tout comme celle de l'informatique, est centralisée par le Conseil d'État.

En matière de gestion du personnel, la loi du 6 janvier 1986 a confié un rôle central au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dont le secrétariat est assuré par un membre des tribunaux administratifs (cf. encadré suivant).

Par la multiplication des voies d'accès (cf. infra II.A.1) et du recours à des recrutements exceptionnels, les effectifs des juridictions administratives ont été profondément renouvelés. Ce renouvellement a dû être accompagné d'une réforme du statut inscrite dans la récente loi du 25 mars 1997 (cf. infra II.A.2).

Le recrutement du Conseil d'État reste relativement étroit. Outre la voie " normale " de l'École nationale d'administration, un tour extérieur, limité à un conseiller d'État sur six et à un maître des requêtes sur quatre, permet de combler les manques de magistrats, alors même qu'un tiers des membres du Conseil est en position de détachement.

Il convient de noter que le décret n° 92-104 du 30 janvier 1992 relatif à l'organisation des juridictions administratives ouvre le tour extérieur aux membres des tribunaux administratifs pour deux postes de maîtres des requêtes s'il existe des emplois vacants qui ne peuvent être pourvus par des auditeurs de première classe. Enfin, la présidence des cours administratives peut être confiée à un conseiller d'État qui peut aussi bien venir du Conseil d'État qu'être un président de tribunal nommé conseiller d'État. Il reste que moins de 10 % des maîtres des requêtes et des conseillers d'État sont issus des tribunaux. L'" oxygénation " du Conseil paraît de ce point de vue insuffisante.

Des efforts de productivité, par le biais notamment de la généralisation de l'outil informatique (tous les magistrats ne travaillent pas sur micro-ordinateurs), sont encore possibles.

· La permanence de certains problèmes : lisibilité de la justice et respect du principe du contradictoire

La persistance de deux ordres de juridiction, malgré plusieurs réformes simplifiant la répartition de certains contentieux très spécialisés (1), rend difficile pour nos concitoyens la lecture de notre système juridique et juridictionnel.

Légitimée par l'existence d'un régime juridique exorbitant propre aux collectivités publiques, l'existence d'un ordre juridictionnel administratif pourrait être remise en cause si l'application des règles du régime de droit commun tendait à s'étendre. Or, dans de nombreux secteurs de l'activité des collectivités publiques, au fur et à mesure que celle-ci se diversifie, ce régime commun tend à devenir prépondérant, sous l'influence notamment du droit européen (droit de la concurrence, droit des sociétés, etc.).

La lisibilité des institutions constitue aujourd'hui une exigence démocratique forte. Or, nos concitoyens restent plus réticents à l'égard de la justice administrative qu'à l'égard du juge judiciaire, en raison, sans nul doute, de la qualité même de la puissance publique, mais également à cause du caractère parfois " ésotérique " de la répartition des compétences entre les deux ordres juridictionnels, judiciaire et administratif. Moins visible, la juridiction administrative est moins lisible.

Le caractère public des audiences, l'expression orale des parties ne constituent pas la règle. Devant les juridictions administratives, l'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales trouve ses limites. Pourtant, certains domaines du contentieux respectent le principe de la procédure contradictoire tel qu'il est entendu traditionnellement. Ainsi dans le domaine des contrats et marchés publics, le juge doit adopter une méthode inquisitoriale et est amené à fixer lui-même les délais (cf. articles L. 22 et L. 23 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel).

_________________

(1) Voir, par exemple, la loi du 31 décembre 1987 sur la réparation des dommages causés par les véhicules, celle du 1er juillet 1964 sur la réparation des dommages causés par les vaccinations obligatoires, celle du 30 octobre 1968 sur la responsabilité civile dans le domaine nucléaire, celle du 6 juillet 1987 sur les recours formés contre les décisions du Conseil de la concurrence ou encore celle du 23 janvier 1990 sur l'indemnisation des préjudices résultant de recherches biomédicales.

I.- UNE ACTIVITÉ EN AUGMENTATION CONSTANTE

Comme les années précédentes, le nombre d'affaires enregistrées en 1997 continue d'augmenter pour les cours administratives d'appel. Sur trois ans, l'accroissement du volume des entrées est de 14 % pour les seuls tribunaux administratifs. Seul le Conseil d'État échappe à ce phénomène, ce qui tend à indiquer que la réforme de 1987, qui est entrée en vigueur complètement en 1995, a eu pour effet essentiel de libérer momentanément et partiellement le Conseil d'État en transférant une partie de la charge sur les cours administratives d'appel.

AFFAIRES ENREGISTRÉES, RÉGLÉES ET EN INSTANCE À LA FIN DE LA PÉRIODE CONSIDÉRÉE (1)
(Conseil d'État, cours administratives d'appel et tribunaux administratifs)

 

Conseil
d'État

Cours administratives d'appel

Tribunaux
administratifs

 

1996

1997

1996

1997

1996

1997

Affaires enregistrées

7.527

(8.091)

7.193

(8.314)

12.168
(15.553)

12.477

(14.350)

95.246

(101.575)

101.590

(106.985)

Affaires réglées (2)

11.620

(11.714)

11.173

(11.173)

6.317

(7.483)

7.461

(8.690)

91.371

(9.566)

96.367

(101.456)

Affaires restant en instance (3)

13.756

(15.883)

10.385

(12.997)

18.383

(22.307)

24.016

(28.758)

183.641

(193.457)

188.653

(199.024)

(1) Les chiffres donnés entre parenthèses incluent les séries.

(2) Pour le Conseil d'État et les cours administratives d'appel, les affaires réglées ne comprennent ni les décisions rendues sur les demandes de sursis à exécution, ni les décisions avant-dire-droit, ni les décisions renvoyant l'affaire au tribunal des conflits ou aux tribunaux judiciaires. Pour les tribunaux administratifs, les affaires réglées comprennent les décisions rendues sur les demandes de sursis à exécution et les décisions renvoyant l'affaire au tribunal des conflits et aux tribunaux judiciaires, mais ne comprennent pas les décisions avant-dire-droit.

(3) Le stock est donné à titre indicatif par comparaison entre le stock antérieur, les entrées et les sorties, mais il ne résulte pas d'un inventaire direct.

Source : rapport public du Conseil d'État, 1997.

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Le phénomène de pause dans l'accroissement du contentieux observé en 1993 (+ 4 %) et en 1994 (+ 1,5 % par rapport à 1993) s'était interrompu en 1995. Corrigées des séries, les entrées nettes augmentent de 9 % en 1995 (+ 12 % en données brutes). Mais après des années de progression interrompue (+ 72 % de 1987 à 1995), le nombre annuel d'affaires enregistrées a légèrement diminué en 1996 de 2 % en données nettes. Cette " accalmie " ne s'est pas confirmée en 1997, puisque cette année a enregistré un bon de 6,66 % du nombre des affaires nouvelles. Sur trois ans, l'accroissement du volume annuel des entrées atteint 14,2 %.

Il ne semble pas que l'institution d'un droit de timbre instauré par l'article 44 de la loi de finances pour 1994 ait pu permettre d'avoir un effet dissuasif important sur les flux de contentieux répétitifs (les " recours-pétitions "). Le nombre de séries, qui avait baissé en 1996, a repris une pente ascendante en 1997. Le maintien du droit de timbre ne suffit pas à enrayer les phénomènes cycliques de croissance du contentieux. Cependant, sa suppression risquerait d'entraîner une augmentation marginale importante du contentieux, notamment devant les cours administratives d'appel. Une augmentation de son niveau pourrait être envisagée.

En 1997, les affaires jugées ont crû de 5,5 %, ce qui porte à 16 % le taux de croissance des affaires jugées depuis 1994. Cette augmentation est due pour l'essentiel au renforcement des effectifs tant en magistrats qu'en agents des greffes, car la productivité des magistrats qui avait fortement augmenté (+ 43 % de 1987 à 1993) semble avoir aujourd'hui atteint un palier.

L'augmentation du nombre d'affaires traitées est plus forte que celle du nombre d'entrées et l'écart entre les deux chiffres se réduit ; le rapport affaires traitées sur affaires enregistrées est passé de 89 % en 1991 à 95 % en 1997. L'objectif des créations d'emplois de la loi de programme est d'arriver à un rapport de 100 % afin de ne plus augmenter les " stocks ". Les recrutements temporaires doivent quant à eux permettre de parvenir à un rapport supérieur à 100 % pendant le temps nécessaire à la résorption des stocks.

La nouvelle accélération de la montée du contentieux a eu pour conséquence d'accroître les affaires en stock (188.653 en 1997 au lieu 171.311 en 1994). En 1997 est d'un an et onze mois en 1997 au lieu de deux ans et trois mois en 1991.

L'augmentation sensible du nombre d'affaires traitées liée en partie à la création de postes prévue par la loi de programme ne suffit pas à inverser la tendance à la constitution de stocks de plus en plus importants. Certains tribunaux, ainsi que votre Rapporteur a pu le constater à Paris, s'attachent en priorité à traiter les affaires les plus anciennes, qui remontent dans quelques cas à plus de dix ans.

La situation de certains tribunaux reste particulièrement préoccupante, à l'exemple de celui de Paris ou celui de Versailles. La création du tribunal administratif de Melun dans un premier temps, et d'un autre tribunal dans la région parisienne à moyen terme, devrait permettre de résorber certaines difficultés.

B.- LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

Depuis 1992, les cours administratives d'appel connaissent, en raison du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, qui s'est achevé en 1995, une progression des entrées sans précédent : + 29 % en 1992, + 15 % en 1993, + 25 % en 1994, + 28 % en 1995, + 34,33 % en 1996. Le nombre d'affaires a triplé en cinq ans. En 1997, la progression a été limitée à 2,56 % ce qui semble indiquer que les effets mécaniques des derniers transferts sont achevés.

Le nombre d'affaires traitées augmente régulièrement. Cependant, le rapport affaires traitées/affaires enregistrées qui était de 112 % en 1991 est passé à 48 % en données brutes en 1996. En 1997, la situation s'est redressée avec un taux de 62 %. Le nombre d'affaires traitées par magistrat a augmenté de 41 % en données nettes de 1992 à 1997.

Le stock d'affaires en instance n'a cessé de croître. Il a été multiplié par 2,5 en données nettes depuis 1994. Le délai théorique d'élimination de ce stock est actuellement de trois ans.

En 1998 et en 1999, la situation devrait se redresser de façon significative, compte tenu de l'ouverture de la cour d'appel de Marseille (septembre 1997) et de celle de Douai en 1999 et grâce à la réforme statutaire introduite par la loi du 25 mars 1997qui va permettre d'accélérer les carrières.

C.- LE CONSEIL D'ÉTAT

Le nombre d'affaires enregistrées au Conseil d'État continue de diminuer (8.743 en 1994 et 7.193 en 1997). Le nombre d'affaires jugées tend à rester stable (11.314 en 1994 et 11.228 en 1997), le Conseil s'attachant à régler les dossiers les plus anciens et les plus complexes. Le stock de dossiers diminue régulièrement grâce à la réorganisation du traitement des dossiers et le transfert de compétences aux cours administratives d'appel : il était de 19.304 en 1994 et de 10.385 en 1997. Le délai de jugement théorique atteint un an, au lieu de quatorze mois en 1996.

Votre Rapporteur voudrait de nouveau cette année porter l'attention sur un phénomène important dont on mesure mal l'ampleur. L'importance du contentieux relatif aux permis de construire qui représente plus de 60 % du contentieux de l'urbanisme (7.294 affaires en instance au 1er janvier 1998, 4.996 entrées et 5.133 affaires jugées en 1997) constitue un facteur d'inertie de l'investissement dans le secteur du bâtiment, notamment en Île-de-France. Les ventes en l'état futur étant bloquées par l'engagement de contentieux, qui durent souvent plusieurs années, les chantiers sont interrompus, et les investissements sont gelés, causant un préjudice non négligeable au secteur de la construction et aux secteurs sous-traitants.

II.- DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT RENFORCÉS

A.- LES RESSOURCES HUMAINES : DES EFFECTIFS EN PROGRESSION RÉGULIÈRE

1.- Les effectifs

a) Les magistrats

- Les voies de recrutement

Les magistrats des juridictions administratives sont recrutés de trois manières différentes : par le biais de l'École nationale d'administration, par le tour extérieur et par un concours complémentaire. Par ailleurs, un recrutement particulier destiné à pourvoir les cours administratives d'appel lors de leur constitution avait été organisé.

La loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, dans son article 7, prévoit expressément que les magistrats administratifs sont recrutés parmi les anciens élèves de l'ENA. Cette voie concerne moins du tiers des membres des tribunaux et cours administratifs.

Depuis 1986, un tour extérieur est prévu pour les conseillers de deuxième et de première classe. Il est ouvert à raison d'un poste sur trois pour les conseillers de deuxième classe et d'un poste sur sept pour les conseillers de première classe aux fonctionnaires de l'État et de la fonction publique territoriale appartenant à un corps de catégorie A justifiant de dix ans de service public et aux magistrats de l'ordre judiciaire. De nombreux fonctionnaires en détachement (une trentaine) sont venus, en outre, renforcer les effectifs des juridictions administratives.

Le législateur a régulièrement autorisé des recrutements exceptionnels afin de faire face à la croissance régulière du contentieux : loi n° 77-1356 du 10 décembre 1977, loi n° 80-511 du 7 juillet 1980 prorogée par l'article 9 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986, puis par l'article 7 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. La loi n° 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a adapté ces dispositions à la réforme du statut des magistrats des tribunaux et cours.

40 % des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont issus de ce recrutement extérieur.

A titre de rappel, nous signalerons le recrutement exceptionnel prévu par l'article 6 du 31 décembre 1987 destiné à pourvoir aux postes ouverts dans les nouvelles cours d'appel. Les candidats étaient sélectionnés par une commission composée de membres du Conseil d'État.

Enfin, signalons la possibilité d'accès des militaires à des emplois de magistrats administratifs en vertu de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 qui concerne l'ensemble de la fonction publique.

- L'évolution des effectifs

La loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 prévoyait d'une part, la création de 105 emplois budgétaires de magistrats administratifs et d'autre part, le recrutement de 75 magistrats temporaires. Dans l'hypothèse où seraient créées quatre juridictions, 40 magistrats pourraient y être affectés. Le solde des créations d'emplois serait réparti dans les cours et tribunaux déjà en place. A titre de comparaison 134 emplois de conseillers avaient été créés entre 1989 et 1993.

Le recrutement de 75 magistrats temporaires se fait parmi les professeurs et maîtres de conférences détachés dans le corps des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Ce renfort utile est appréciable même s'il met à mal le principe selon lequel les conseillers sont recrutés par le biais de l'École nationale d'administration. Mais à l'heure actuelle, ces postes de magistrats temporaires sont principalement occupés par des administrateurs civils, des sous-préfets, des administrateurs de la Ville de Paris et des magistrats de l'ordre judiciaire.

Les recrutements prévus par la loi de finances initiale pour 1995 et la loi de finances initiale pour 1996 sont conformes aux dispositions de la loi de programme.

22 emplois de magistrats avaient été créés dans la loi de finances pour 1995, première année d'application de la loi de programme ; la loi de finances pour 1996 avait créé 20 nouveaux emplois de magistrats. Cette mesure s'est accompagnée d'un repyramidage du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, nécessaire pour rééquilibrer la répartition des emplois entre les différents grades du corps. Elle présente également l'intérêt d'ouvrir la possibilité de nominations plus nombreuses dans les cours administratives d'appel qui ne comprennent pas d'emploi de conseillers de deuxième classe. En 1995, comme en 1996, des crédits avaient été prévus pour le recrutement de quinze magistrats temporaires. Les crédits correspondants n'ont pas été individualisés dans le " bleu " budgétaire.

En 1996, les effectifs budgétaires étaient de 625. Au 31 décembre 1996, les effectifs réels étaient portés à 624, grâce à l'autorisation de 30 recrutements temporaires mais compte tenu du gel de plusieurs emplois.

16 nouveaux emplois de magistrats étaient prévus par la loi de finances pour 1997, ainsi que le recrutement de 11 magistrats temporaires. Au 31 décembre 1997, l'effectif réel devait atteindre 669 magistrats, compte tenu du nombre de magistrats temporaires et de la levée du gel en juillet 1997. La loi de finances pour 1998 avait prévu la création de 21 emplois de magistrats (5 présidents, 12 premiers conseillers, 4 conseillers) et autorise un recrutement en surnombre temporaire de 15 nouveaux magistrats, conformément aux dispositions de la loi de programme pour la justice. Ces emplois qui ont été progressivement constitués durant les cinq ans initiaux de la loi quinquennale (1995-1999) seront résorbés dans les cinq années suivantes (2000-2004).

La loi de finances initiale pour 1998 a prévu la création de 21 emplois de magistrats, ce qui correspond aux dispositions de la loi de programme appliquée sur six ans. S'y ajoutait le recrutement de 56 magistrats recrutés de manière temporaire.

Pour 1999, il est prévu de créer 21 nouveaux postes budgétaires de magistrats dans les cours et tribunaux.

On peut observer qu'au 1er juillet 1998, près de 107 conseillers du corps des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel étaient en situation de détachement, soit plus de 16 % des effectifs réels. S'agissant du Conseil d'État, le nombre de magistrats en détachement atteint au 13 juillet 1998 le nombre de 62, soit plus de 28 % de l'effectif budgétaire.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS

(1991-1999)

 

Tribunaux administratifs et
cours administratives d'appel

Conseil d'État

 

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels
(1)

Effectifs
budgétaires
(2)

1991

549

504

218

1992

561

528

218

193

571

528

218

1994

583

566

218

1995

605

597

217

1996

625

624

217

1997

641

651

217

1998 (3)

662

716

217

PLF 1999

683

-

217

(1) Les effectifs réels prennent en compte à partir de 1995 les autorisations de recrutement de magistrats temporaires en surnombre (loi de programme).

(2) Les effectifs budgétaires prennent en compte les conseillers d'État maintenus en activité au-delà de l'âge de la retraite (article 8 du décret n° 63-667 du 30 juillet 1963).

(3) prévisions.

Source : Conseil d'État.

Pour être pleinement efficace, l'accroissement du nombre de magistrats doit être accompagné d'un renforcement des greffes et des moyens de fonctionnement.

b) Le personnel des greffes

En 1995, le ratio personnels de greffe/magistrat était de 1,3. Il est de 2,1 pour les chambres régionales des comptes et de 3 pour les juridictions judiciaires. La loi de programme de 1995 prévoyait de porter ce ratio à 1,5. Elle avait fixé à 200 les emplois supplémentaires d'agents de greffe dont la répartition était de 105 emplois dans les cours et tribunaux déjà en place, 55 dans les nouvelles juridictions et 40 au Conseil d'État.

En 1991 et 1992, les effectifs budgétaires et réels d'agents de greffe résultaient du transfert d'agents avec les emplois correspondants, du ministère de l'Intérieur au ministère de la Justice, ce qui explique l'égalité entre effectifs budgétaires et effectifs réels. A partir de 1993, une partie de l'augmentation des effectifs budgétaires résultant de créations d'emploi, on observe un décalage, dû aux délais nécessaires à l'organisation de concours.

- Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

En 1995, les effectifs budgétaires d'agents de greffe ont été portés à 843 (36 créations d'emplois et 10 emplois transférés par le ministère de l'Intérieur pour accompagner le transfert des compétences en matière de taxation des commissaires enquêteurs). La loi de finances pour 1996 avait créé 28 emplois budgétaires d'agents de greffe pour les tribunaux et cours administratives d'appel. En 1997, 24 nouveaux emplois étaient prévus dans la loi de finances. Le ratio agents de greffe/magistrats, qui était passé à 1,4 en 1995, s'est maintenu en effectifs budgétaires, mais était un peu plus faible en effectifs réels, compte tenu des recrutements temporaires de magistrats. La loi de finances initiale pour 1998 a prévu la création de 32 nouveaux emplois (3 attachés de préfecture, 5 secrétaires administratifs, 10 adjoints administratifs, 11 agents administratifs, 2 conducteurs d'automobile, 1 agent des services techniques).

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit, comme en 1998, la création de 32 agents de greffe dans les cours et tribunaux.

- Conseil d'État

S'agissant du Conseil d'État, on observe qu'en 1986 et en 1994, année qui précède l'entrée en vigueur de la loi de programme relative à la justice, les effectifs budgétaires se retrouvent à un niveau à peu près identique. Par ailleurs, le gel des emplois a affecté les effectifs réels, qui ont diminué de 7 agents sur la même période. Ce gel a été supprimé en 1994, mais en raison du décalage dû à l'organisation des recrutements, les effets de cette levée de mise en réserve ne se sont fait sentir qu'à partir de 1995.

En application de la loi de programme, ont été créés 9 postes en 1995 et 7 emplois en 1996 pour le Conseil d'État. Ces emplois, comme ceux prévus par la loi de finances pour 1997 au nombre de 6, permettent de poursuivre les efforts entrepris et de mettre à profit la stabilisation probable des entrées, afin de réduire davantage le stock et ramener le délai de jugement au niveau fixé par la loi de programme, c'est-à-dire un an. 8 nouveaux emplois étaient inscrits dans la loi de loi de finances pour 1998 (1 attaché d'administration centrale, 1 secrétaire administratif, 1 secrétaire
de documentation, 1 bibliothécaire adjoint, 1 ouvrier professionnel, 1 conducteur d'automobile, 2 agents des services techniques).

Le projet de loi pour 1999 prévoit, comme en 1998, la création de 8 agents de greffe au Conseil d'État.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES GREFFES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

 

Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Conseil d'État

 

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels

1991

630

630

289

268

1992

696

696

286

258

1993

759

709

286

256

1994

797

760

287

253

1995

843

824,5

296

270

1996

871

829

303

285

1997

895

853

309

289

1998 (1)

927

880

317

304

1999 (PLF)

959

-

325

-

(1) prévisions.

Source : Conseil d'État.

2.- Statut et rémunérations

a) La réforme du statut des magistrats

Outre deux mesures, l'une qui complète le régime des incompatibilités et l'autre qui adapte les conditions de l'accès des magistrats aux cours administratives d'appel, la loi du 25 mars 1997 comporte pour l'essentiel des mesures statutaires qui modifient les règles de la loi du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

La juridiction administrative, comme on l'a vu supra, s'est profondément transformée à un triple titre : création des cours administratives d'appel, réformes de procédure (extension du domaine des ordonnances, juge statuant seul), attributions nouvelles (injonctions adressées à l'administration, exécution des jugements).

La loi du 6 janvier 1986 a renforcé les garanties d'indépendance des magistrats administratifs, avec en particulier l'institution d'un Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA), mais le statut des magistrats est resté, dans ses grandes lignes, même si l'expression en a été rénovée à l'occasion des décrets des 13 mars 1975 et 28 septembre 1988, celui des membres des tribunaux administratifs de 1953.

Le déroulement des carrières prenait un net retard (atteignant parfois cinq ans selon le Conseil d'État) par rapport aux autres corps de même niveau de recrutement. C'est en grande partie la complexité de la structure des grades actuelle qui est à l'origine de cette situation ; elle a, en effet, été un obstacle au pyramidage régulier des emplois créés.

La loi du 25 mars 1997, entrée en application au 1er janvier 1998, a constitué une étape importante dans l'amélioration du statut des magistrats. Ses dispositions ont été complétées par une série de textes réglementaires :

· décret n° 97-859 du 18 septembre 1997 portant statut particulier des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-860 du 18 septembre 1997 relatif au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-910 du 6 octobre 1997 portant reclassement des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-1035 du 14 novembre 1997 portant modification du classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'État relevant du régime général de retraite ;

· les arrêtés du 14 novembre 1997 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux membres du corps des tribunaux administratifs et es cours administratives d'appel.

La loi du 25 mars 1997 institue une succession de grades plus simple, en rapport avec l'organisation des juridictions et avec les activités d'un corps moins hiérarchisé que celui des administrateurs civils et qui s'apparente davantage aux corps d 'inspection et de contrôle. Le nombre de grades a ainsi été ramené de sept à trois : conseiller, premier conseiller, président.

Les fonctions de rapporteur et commissaire du gouvernement sont confiées aux magistrats des grades de conseiller et premier conseiller. Les fonctions d'encadrement sont regroupées dans un grade unique celui du président. Des échelons fonctionnels permettent, à l'intérieur de ce grade, de tenir compte de la variété et des caractères spécifiques des diverses responsabilités que l'on trouve à ce niveau. L'accès à certaines de ces fonctions est subordonné à l'inscription sur des listes d'aptitudes annuelles établies sur proposition du CSTACAA.

La loi fait également évoluer les conditions du recrutement au tour extérieur. Si ce recrutement est maintenu dans sa forme actuelle pour l'accès au grade de conseiller et s'adresse toujours, à ce stade, aux fonctionnaires du niveau attaché ou équivalent, il sera ouvert, pour l'accès au grade de premier conseiller, à des fonctionnaires appartenant déjà à un corps recruté par la voix de l'École nationale d'administration ou assimilé (magistrats judiciaires). Ce type de recrutement sera, de plus, désormais accessible aux professeurs et maîtres de conférence titulaires des universités.

LE CONSEIL SUPÉRIEUR DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIF
ET DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

A l'occasion de ses déplacements dans les juridictions administratives, votre Rapporteur a eu l'occasion de noter l'importance jouée par cet organe dans la conduite de la carrière des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appels.

Les entretiens qu'il a eus avec le secrétaire du Conseil supérieur ainsi qu'avec le Secrétaire général du Conseil d'État, Mme Martine de Boisdeffre, membre de droit du Conseil supérieur, ont confirmé cette opinion et ont révélé l'influence exercée par le Conseil d'État dans les décisions prises.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CSTACAA), contrairement au Conseil supérieur de la magistrature, n'a pas un statut constitutionnel. Il a été créé par la loi du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Sa composition et l'étendue de ses attributions ont pu cependant inspirer la récente réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Présidé par le vice-président du Conseil d'État, le Conseil supérieur comprend :

· quatre fonctionnaires désignés en raison des fonctions qu'ils exercent :

- le secrétaire général du Conseil d'État ;

- le chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives (1) ;

- le directeur de la fonction publique ;

- le directeur des services judiciaires du ministère de la Justice.

· cinq représentants élus des magistrats ;

· trois personnalités indépendantes nommées par le président de la République et par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

_____________

(1) Cet organisme, créé en 1945, composé de six membres du Conseil d'État et présidé par un conseiller d'État, est investi d'une mission de contrôle des juridictions de premier et second ressort. Ce contrôle porte à la fois sur l'organisation et le fonctionnement des juridictions inspectées et sur leur activité juridictionnelle, dans une perspective d'évaluation visant à améliorer leur efficience.

Selon M. Bernard Stirn, ancien secrétaire général du Conseil d'État, le Conseil supérieur dépasse " du fait même de sa composition, les préoccupations qui s'expriment dans les organismes paritaires habituels de la fonction publique : il est l'image, le symbole, l'instrument de l'indépendance du corps des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ".

Réuni une fois par mois, le Conseil supérieur est investi d'un pouvoir de proposition auprès du Président de la République pour les nominations des présidents de juridiction, les avancements et les mesures disciplinaires touchant les membres du corps. Il donne son avis sur les mutations, le détachement, l'intégration après le détachement et enfin, connaît de toute question, notamment de tout projet de loi ou de décret intéressant le corps. Ses pouvoirs sont tantôt de décision, tantôt de proposition, tantôt d'avis.

Le Conseil supérieur dispose d'un secrétariat général confié à un membre du corps des tribunaux et des cours administratives d'appel (1) désigné pour une durée qui ne peut excéder cinq ans par décret du Premier ministre sur proposition du Conseil supérieur.

Le secrétaire général prépare la convocation du Conseil et propose au vice-président du Conseil d'État l'ordre du jour de ses séances ; il établit après chacune d'elles un procès-verbal et informe le Conseil supérieur de la suite réservée à ses avis et propositions. Il a également des responsabilités à l'égard des agents de greffe. Il définit les actions de formation à entreprendre au profit des personnels et en suit la mise en oeuvre. Il préside les comités techniques paritaires propres aux agents de greffe et siège aux commissions administratives paritaires et aux comités techniques paritaires du ministère de l'Intérieur.

Il recense enfin les besoins des juridictions en matériel, en moyens techniques et en documentation et réalise à la demande du Conseil supérieur ou de son président, toutes études relatives à l'organisation et au fonctionnement des juridictions administratives.

_____________

(1) Actuellement, M. Bernard Foucher.

b) Les rémunérations

La question des rémunérations des membres des juridictions administratives est délicate, car le principe de parité avec les magistrats judiciaires semble acquis.

Pour les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, un nouveau régime d'attribution des indemnités a été mis en place depuis le 1er janvier 1998. Les indemnités se décomposent désormais en deux parts : une part fixe forfaitaire calculée en fonction de l'indice réel du magistrat et non plus de l'indice moyen du grade comme auparavant, et une part modulable dont l'attribution est décidée par le chef de juridiction.

Les membres de ce corps perçoivent par ailleurs des indemnités de caractère fonctionnel. C'est ainsi qu'en qualité de commissaire du Gouvernement, ils perçoivent une indemnité de 6.400 francs. En outre, les magistrats du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, chargés de la présidence des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (article 1651 du code général des impôts) sont rémunérés en fonction de la durée des audiences, selon des modalités d'indemnisation en vigueur depuis le 1er janvier 1994.

Les membres du corps bénéficient également d'une indemnité modulée en fonction des grades, qui se montait depuis 1992 à 10.000 francs annuels pour les conseillers de 2e et de 1ère classe et à 20.000 francs pour les magistrats des grades supérieurs. Les montants de cette indemnité, versée jusqu'ici par les Services financiers (chapitre 31-94), rattachée par voie de fonds de concours au budget de la Justice, et liée à la prévention du contentieux fiscal qui représente 25 à 30 % du contentieux administratif, s'élèvent actuellement à 10.170 francs pour les conseillers et 21.420 francs pour les premiers conseillers et les présidents.

Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit l'inscription des crédits correspondant à cette dernière indemnité sur le budget du ministère de la Justice, pour un montant de 13,92 millions de francs.

Le cumul des indemnités forfaitaires et modulables et des indemnités liées à la prévention du contentieux fiscal porte le taux moyen indemnitaire des magistrats concernés à 37 % en 1998. Il était d'environ 25 % en 1991.

S'agissant du Conseil d'État, il convient de souligner que les rémunérations de ses membres n'ont pas été modifiées depuis 1988.

L'indemnité particulière versée aux membres du Conseil d'État à partir du chapitre 31-92 des crédits des Services financiers repose sur des décisions ministérielles anciennes. Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit l'inscription de ces crédits sur le budget du ministère de la Justice pour un montant de 18,1 millions de francs.

Selon la Cour des comptes (8) le coût moyen d'un agent des juridictions administratives s'élevait en 1995 à 230.000 francs, alors que le coût moyen d'un agent des juridictions judiciaires atteignait 193.000 francs. Cette différence tient plus à la composition de chaque catégorie de personnel qu'aux principes de rémunération. En effet, le personnel des juridictions administratives est beaucoup moins nombreux et composé d'une forte proportion d'agents de catégorie A.

B.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL

Les crédits de fonctionnement ont dû être réajustés à la hausse à partir de 1996 pour faire face à l'augmentation des effectifs prévue par la loi de programme relative à la justice et à la création de deux nouvelles juridictions (tribunal administratif de Melun en 1996 et cour administrative d'appel de Marseille en septembre 1997, cour d'appel de Douai en 1999). Cette tendance ne se confirme pas en 1999.

MOYENS MATÉRIELS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

(Lois de finances) (1)

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

PLF 1999

Informatique

Chapitre. 34-05, art. 31

29,16

32,72

29,37

29,70

26,97

Fonctionnement

Chapitre. 34-51

79,84

80,52

81,70

83,20

83,70

Total

109

113,58

111,07

112,90

110,67

(1) hors Commission pour la transparence financière de la vie politique et transfert consécutif à la suppression de la franchise postale.

Source : Conseil d'État.

Les moyens informatiques prévus par le projet de loi de finances pour 1999 sont de 26,97 millions de francs soit une réduction d'environ 9,3 %. Plus des deux tiers de crédits demandés (21,48 millions de francs), et plus de 90 % des mesures nouvelles inscrites (14 millions de francs) sont consacrés au développement du projet SKIPPER, destiné à remplacer le système GUSTAVE.

Le système GUSTAVE de gestion informatisée des pourvois dans les tribunaux administratifs avait été installé et piloté par le ministère de l'Intérieur, dont dépendaient ces juridictions jusqu'en 1990.

Ce système n'avait pas été installé dans les tribunaux administratifs de Paris, Besançon, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse. Les études et audits techniques effectués sur l'environnement matériel de cette application ont mis en évidence les dysfonctionnements liés au manque de puissance des processeurs, à l'insuffisance des capacités de stockage et à l'obsolescence du matériel.

En 1993 et 1994, l'installation de SKIPPER s'est poursuivie avec, dans un premier temps, le remplacement des matériels, inauguré à la fin de 1994 par le tribunal administratif d'Orléans, puis celui de l'application GUSTAVE par SKIPPER. L'installation du site pilote (Versailles) a eu lieu en août 1996. Les travaux préparatoires à l'installation à Paris ont commencé en décembre 1996 et se sont achevés en mars 1997. Le déploiement dans les autres tribunaux a donc pu commencer. Les crédits demandés pour 1997 ont permis de déployer l'application SKIPPER dans quatorze tribunaux.

L'objectif pour 1999 est de terminer l'opération de mise en place de SKIPPER dans les tribunaux : un tribunal métropolitain, les tribunaux des Antilles et les tribunaux de Nouméa et de Papeete restent à équiper. La version de SKIPPER pour les cours administratives d'appel devrait être expérimentée avant la fin de l'année. Au Conseil d'État, l'application devrait être mise en place avant la fin de 1998.

III.- LES INVESTISSEMENTS

La loi de programme relative à la justice avait prévu l'ouverture de 200 millions de francs d'autorisations de programme pour les juridictions administratives entre 1995 et 1999 avec la mise en place de quatre nouvelles juridictions.

La loi de finances pour 1995 a procédé à une ouverture de 40 millions de francs en autorisations de programme et 37 millions de francs en crédit de paiement ce qui est conforme à l'ordre de grandeur fixé par la loi de programme. En 1996, 40 millions de francs d'autorisation de programme et 25 millions de crédits de paiement ont été ouverts pour les juridictions administratives. Ces montants respectent également les dispositions de la loi de programme. Pour 1997, 42 millions de francs d'autorisation de programme et 43 millions de francs de crédits de paiement étaient prévus par le projet de loi de finances. En 1998, la loi de finances initiale a inscrit au chapitre 57-51 40 millions de francs d'autorisation de programme et 44 millions de francs de crédits de paiement.

Le projet de loi de finances pour 1999 ouvre 51 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement. Entre 1995 et 1999, ce sont 213 millions de francs d'autorisations de programme qui auront été ouvertes, soit un taux de réalisation de la loi de programme de 106,5 %.

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

En 1995, les moyens dégagés ont représenté 26 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement. Les dotations en autorisations de programme ont été portées à 49 millions de francs et les crédits de paiement à 41 millions de francs. L'augmentation très nette des crédits disponibles n'a pas empêché l'amélioration du taux de consommation, qui se situait à un niveau faible en 1994.

En 1996, les dotations, plus faibles notamment pour les crédits de paiement, n'ont pas subi d'importantes baisses compte tenu de l'importance des reports de crédits, et ce malgré des mesures de régulation budgétaire qui ont atteint près de 25 % de la dotation initiale (au 1er août 1996). Le taux de consommation prévisible des crédits de paiement disponibles a très fortement augmenté. Les opérations principales concernaient les aménagements nécessaires à l'installation du tribunal administratif de l'Est parisien à Melun, ainsi que des travaux pour le tribunal administratif de Lille et l'acquisition d'un immeuble afin de reloger le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

En 1997, les dotations initiales réservées par la loi de finances aux tribunaux administratifs et cours administratives d'appel se sont révélées plus importantes, puisque les autorisations de programme augmentaient de 52 % et les crédits de paiement progressaient de 300 %, notamment grâce à une diminution des crédits d'équipement attribués au Conseil d'État. Les reports d'autorisation de programme à hauteur de 24,8 millions de francs ont permis de la maintenir la dotation en crédits d'engagement à un niveau d'environ 67 millions de francs. Les principales opérations ont porté sur l'achat et l'aménagement de l'immeuble pour la cour administrative d'appel de Marseille et sur la deuxième tranche des travaux de réaménagement du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel de Lyon. Le tribunal administratif de Lille, celui d'Amiens ont connu également des travaux d'aménagement.

En 1998, la loi de finances avait prévu une dotation initiale de 32 millions de francs d'autorisation de programme et de 39 millions de crédits de paiement. Ces fonds ont permis de poursuivre les travaux d'aménagement du tribunal administratif de Lille, d'acquérir l'Hôtel de Bizien pour le relogement du tribunal administratif de Rennes, de financer les travaux de relogement du tribunal de Clermont-Ferrand, d'achever les travaux de la cour administrative d'appel de Lyon, d'entreprendre les études de maîtrise d'_uvre pour la cour administrative d'appel de Douai, de rénover le tribunal administratif de Limoges et de financer la poursuite l'installation de la cour administrative d'appel de Marseille.

Pour 1999, les 36,7 millions de francs d'autorisations de programme et les 37,7 millions de francs de crédits de paiement (dont 27,7 millions de mesures nouvelles) financeront comme en 1998 les travaux d'aménagement au tribunal administratif de Lille, la réalisation des travaux nécessaires dans l'Hôtel de Bizien qui abritera le tribunal administratif de Rennes, et l'installation définitive du tribunal administratif de Melun dans l'ancien palais de justice. Enfin, dans cette enveloppe, 15,2 millions de francs seront réservés à l'installation de la nouvelle cour administrative d'appel de Douai dans l'Hôtel d'Aoust.

B.- LE CONSEIL D'ÉTAT

Le Conseil d'État a bénéficié en 1995 de dotations s'élevant à 14 millions de francs en autorisations de programme et de 11 millions de francs en crédits de paiement. La régulation budgétaire avait ponctionné une partie importante de ces crédits initiaux.

Le volume des autorisations de programme et crédits de paiement voté pour 1996 était sensiblement le même qu'en 1995. Ces crédits devaient permettre le creusement de la cour de l'Horloge, afin d'aménager sur deux niveaux en sous-sol des salles d'archives et de réunions, ainsi que des ateliers.

La baisse sensible des autorisations de programme (4 millions de francs) et des crédits de paiement (3 millions de francs) pour 1997 n'a permis que de mener à bien quelques travaux de réaménagement. Le projet important de creusement de la cour de l'Horloge est par conséquent abandonné.

Pour 1998, les crédits demandés, en augmentation de 100 % pour les autorisations de programme (8 millions de francs) et de 67 % (5 millions de francs) pour les crédits de paiement, ont permis de restaurer et de moderniser le Palais Royal.

En 1999, la progression des crédits (14,3 millions de francs d'autorisations de programme et 13,3 millions de francs de crédits de paiement) autoriseront d'importants travaux d'infrastructures techniques et, à l'occasion de la célébration du deuxième centenaire du Conseil d'État, des travaux de rénovation de salles d'audiences ainsi que des voies d'accès à ces salles.

ÉQUIPEMENT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

(Chapitre 57-51)

(en millions de francs)

 

1996

1997

1998 (1)

1999 (2)

 

AP

CP

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Tribunaux et cours d'appel

               

- Loi de finances initiale

25

15

38

40

32

39

36,70

37,70

- Crédits disponibles

46,63

34,80

79,04

73,24

33,25

58,24

-

-

- Consommation

23,94
(51 %)

28,41
(82 %)

34,31
(43 %)

31,95
(44 %)

23,86

(72 %)

16,63

(29 %)

-

-

Conseil d'État

               

- Loi de finances initiale

15

10

4

3

8

5

14,30

13,30

- Crédits disponibles

20,64

11,20

10,17

14,03

12,27

10,42

-

-

- Consommation

15,47
(75 %)

11,18
(100 %)

7,9
(78 %)

8,01
(264 %)

6,74

(55 %)

5,92

(57 %)

-

-

(1) au 15 septembre 1998.

(2) projet de loi de finances.

Source : Conseil d'État.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans sa séance du 1er octobre 1998, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, les crédits de la Justice.

M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, a tout d'abord observé que le budget de la Justice pour 1999, soit 26,3 millions de francs, était en progression de 5,59 % qui faisait suite à une augmentation de 4,03 % en 1998. Malgré cette progression et la création de 930 emplois, il a estimé que la question essentielle était moins le montant absolu des crédits alloués à la Justice que la réorganisation de ses structures et la nécessité de rechercher des gains de productivité.

Après avoir souligné que les autorisations de programme seraient stables en 1999 après une augmentation de plus de 26 % l'an passé, il a ajouté que les crédits des services judiciaires augmenteraient de 5,7 % (11,7 milliards de francs) et permettraient de créer 140 postes de magistrats. Il a vivement regretté que les crédits consacrés à l'informatique ne permettent pas de rattraper les retards considérables constatés dans ce domaine, notamment dans la mise en place de la chaîne civile, alors même que l'informatisation avait permis des progrès considérables dans la justice administrative. Il s'est dit favorable à une rationalisation des procédures judiciaires en matière de délinquance économique et financière, aujourd'hui trop longues, à l'heure où étaient mis en place des pôles économiques et financiers assistés de fonctionnaires mis à disposition par le ministère de l'Économie et des Finances. Il a, par ailleurs, estimé que la réforme de la présomption d'innocence nécessiterait des créations de postes de magistrats au-delà même de celles prévues dans le budget pour 1999. Il a considéré que les efforts financiers consentis pour la réforme de la carte judiciaire étaient insuffisants.

S'agissant des crédits de l'administration pénitentiaire, le Rapporteur spécial a noté qu'ils progressaient de 5,8 % (7,4 milliards de francs) permettant la création de 344 emplois. Il a mentionné l'augmentation de 6,4 % des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, mettant l'accent sur les nécessaires réformes à réaliser dans ce domaine. Enfin, il a souligné que les juridictions administratives verraient leurs crédits progresser de 9,2 %, compte tenu de transferts en provenance du budget du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Il a conclu son exposé en recommandant l'abstention lors du vote sur les crédits.

M. Yves Tavernier a mis l'accent sur les disparités de moyens entre les juridictions, notamment entre les tribunaux de Paris et ceux des départements périphériques qui connaissaient, pour certains d'entre eux, une importante progression démographique. En outre, il a déploré l'écart qui existait, dans de nombreux tribunaux, entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels.

M. Pierre Méhaignerie a estimé que l'augmentation des moyens du ministère de la Justice passait davantage par une réorganisation de ses méthodes de travail que par une croissance de ses crédits budgétaires. Il a estimé que des efforts importants devaient être réalisés en ce sens, notamment dans les domaines de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire. Il a observé que, dans ce dernier secteur, l'abaissement de l'âge de la retraite à cinquante ans pour les gardiens surveillants qui avaient effectué vingt-cinq ans de service allait entraîner de fait une diminution des effectifs disponibles. Il s'est prononcé pour la réalisation d'audits dont les conclusions permettraient certainement d'accroître l'efficacité de l'action de l'État et de réaliser d'importants gains de productivité. Il a fait remarquer que la réforme de la carte judiciaire, si elle recueillait un assentiment de principe du Parlement dans son ensemble, se heurtait sur le terrain à la résistance de nombreux élus. Il a considéré qu'elle ne pourrait se faire qu'au prix d'une large concertation avec les communes concernées et moyennant des compensations financières pour les collectivités locales. Enfin, au regard du faible recours à la procédure dite du " référé-liberté ", il a émis des doutes sur l'efficacité de la mise en place de juges de la détention provisoire.

Mme Nicole Bricq s'est déclaré très attentive à l'évolution de la carte judiciaire et a souligné qu'elle partageait l'avis du Rapporteur spécial sur cette question, insistant sur la nécessité d'assurer la transparence de ces opérations. Puis, elle s'est prononcé en faveur de l'introduction de magistrats professionnels aux côtés des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.

Après avoir relevé la contradiction qu'il y aurait à envisager des augmentations d'effectifs dans chaque budget et, parallèlement, à refuser tout alourdissement de la fiscalité, M. Gérard Saumade a souligné que l'informatisation permettrait de manière effective des gains de productivité au-delà même des seules créations d'emplois.

Répondant aux intervenants, M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, s'est déclaré favorable à une réforme progressive de la carte judiciaire, alors même que la méthode employée par le Garde des Sceaux semblait être globale et rapide au risque de se heurter à de nombreuses résistances, tant de la part des élus que des professionnels. Il a jugé nécessaire de réduire le nombre des tribunaux de commerce et d'assurer une présence permanente du Parquet auprès d'eux.

Puis la Commission a adopté les crédits de la Justice, et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.

1 1) Jacques Robert, " La bonne administration de la justice ", in L'actualité juridique - Droit administratif, 20 juin 1995.

2 1) Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1997, page 366.

3 1) Hors services judiciaires, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse et juridictions administratives.

4 1) Rapport du comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la Justice, février 1994.

5 1) Décret n° 94-259 du 25 mars 1994, décret n° 94-730 du 6 mai 1994, décret n° 94-378 du 9 mai 1994, décret n° 95-582 du 5 mai 1995, décret n° 96-1019 du 26 novembre 1996, décrets n° 97-96, 9797 et 9798 du 5 février 1997, décret n° 97-123 du 6 février 1997.

6 1) Rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places de détention mises en service au 1er juin 1998.

7 1) 92 établissements sont installés dans des immeubles construits depuis un siècle ou plus et dont certains sont des anciens biens d'Église transformés en prison pendant la période révolutionnaire.

8 1) Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 1995, page 492.

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