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le 10 novembre 1998

N° 1111

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR
LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n°1078),

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur Général,

Député.

--

ANNEXE N° 42
PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

Rapporteur spécial : M. Charles de Courson

Député

____

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Lois de finances.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Éric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 5

I.- LE BAPSA PROPOSÉ POUR 1999 7

A.- LES RECETTES DU BUDGET ANNEXE 7

1.- Les cotisations sociales des non salariés agricoles 8

a) Les cotisations retracées dans le BAPSA 8

b) L'effort contributif des agriculteurs 10

c) Le bilan du basculement cotisations maladie/CSG 10

2.- Le dynamisme des impositions affectées 12

a) Le retour de la C3S : une clarification et une pérennisation nécessaires 13

b) La suppression de l'imposition additionnelle à l'impôt foncier non bâti 16

3.- Les transferts des autres régimes de sécurité sociale 16

4.- Les contributions de l'État 18

B.- LES DÉPENSES DU BUDGET ANNEXE 19

1.- Les charges d'intérêts 19

2.- Le transfert au budget général des charges de fonctionnement 20

3.- L'étalement et la prise en charge des cotisations des agriculteurs
 en difficulté 22

4.- Les dépenses de maladie 22

5.- L'allocation de remplacement 23

6.- Les dépenses de prestations familiales 23

7.- Les retraites agricoles en 1999 24

a) Les crédits prévus pour 1999 24

b) La mesure de revalorisation proposée pour 1999 25

c) Une mesure qui s'inscrit dans la continuité des années précédentes 27

II.- L'ÉVOLUTION DE LA PROTECTION SOCIALE DES NON SALARIÉS AGRICOLES 29

A.- CONTINUER DANS L'AMÉLIORATION DES RETRAITES AGRICOLES 29

1.- L'objectif  : 75 % du SMIC net 29

2.- La nécessité de " cibler " les mesures 30

3.- Les coûts 31

4.- Le financement 32

5.- La mensualisation des pensions 34

B.- LE DÉBAT SUR L'EXISTENCE DU BUDGET ANNEXE 34

C.- LE SUIVI DU REDRESSEMENT DE LA CAISSE CENTRALE DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 36

D.- LE CAS LIMITE DE LA CAISSE DE CORSE 40

1.- Le diagnostic 40

2.- Les propositions de votre Rapporteur 42

3.- Une décision importante de votre Assemblée : le rétablissement
des sanctions de droit pour non déclaration des successions 44

4.- Les décisions du Gouvernement vis-à-vis de la Caisse de mutualité sociale agricole de Corse 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 51

INTRODUCTION

Le budget annexe des Prestations sociales agricoles (BAPSA) proposé pour 1999 est stable en francs constants : les effets du déclin démographique du régime agricole suffisent désormais à financer des mesures comme la revalorisation des petites retraites prévue.

L'élément le plus significatif de ce budget est, en effet, la poursuite de l'effort pour les retraités agricoles : 1,2 milliard de francs sont inscrits à ce titre, et votre Rapporteur ne peut que s'en féliciter. On observera simplement que cet effort est dans l'exacte continuité de celui engagé depuis 1994 à hauteur, en moyenne, d'un milliard de francs supplémentaire par an, et devra donc être poursuivi, afin de satisfaire à terme la revendication de porter à 75 % du SMIC net toutes les retraites de chefs d'exploitation et au niveau du minimum vieillesse celles des autres catégories, dès lors que leurs bénéficiaires ne perçoivent pas, par ailleurs, de substantiels avantages vieillesse venant d'autres régimes.

Le financement de la mesure de retraites 1999 est assuré par l'attribution au BAPSA d'un milliard de francs sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, le budget annexe étant en revanche définitivement écarté à partir de l'an 2000 du produit de cette contribution par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette option suscite deux questions graves : est-il légitime de priver le régime agricole, à l'avenir, d'une ressource qui, depuis 1985, provient partiellement du monde agricole ? Est-il cohérent de financer une mesure dont le coût est par définition pérenne par une recette exceptionnelle non reconductible ?

La cohérence du ce projet de BAPSA peut d'ailleurs être contestée sur d'autres points : il apparaît ainsi que les crédits proposés ne tiennent pas compte de toutes les mesures inscrites dans le projet de loi d'orientation ou dans le projet de loi de financement (en matière d'allocation de remplacement ou de prestations familiales notamment) et que l'évaluation du rendement de la fraction de TVA affectée au régime agricole n'est pas exactement calée sur l'évaluation du rendement global de la TVA en 1999 dans le projet de loi de finances, évaluation elle-même discutable car fondée sur une prévision de croissance malheureusement de moins en moins réaliste. De même peut-on s'étonner que la mesure législative instituant la revalorisation annoncée des retraites ne soit pas prévue dans le projet de loi de finances distribué (elle doit être l'objet d'un amendement gouvernemental), alors que celui-ci comporte partiellement la provision pour la financer (800 millions de francs, portés à 1.200 millions de francs par un autre amendement...).

L'avenir du régime de protection sociale agricole ne peut être envisagé sous le seul angle de l'analyse du BAPSA, c'est-à-dire des prestations sociales agricoles et de leur financement. Les conditions de la gestion de ce régime, assurée par la Mutualité sociale agricole, sont également très importantes. Votre Rapporteur a pu constater, en Corse, la dérive spécifique mais très grave de la caisse interdépartementale ; la caisse centrale a également connu quelques déboires... Au-delà des errements que l'on peut déceler ici ou là, l'amélioration de la gestion de l'ensemble des caisse doit être poursuivie et passe inévitablement par un encouragement au regroupement des moyens. Votre Rapporteur regrette vivement, à cet égard, que cet objectif ne paraisse pas partagé par le Gouvernement, qui a, au contraire, fait adopter un amendement au projet de loi d'orientation agricole instituant une nouvelle limitation au mouvement de regroupement des caisses départementales.

I.- LE BAPSA PROPOSÉ POUR 1999

Le projet de BAPSA pour 1999 s'élève (net des restitutions sur la TVA) à 88.762 millions de francs. Il a été porté, par voie d'amendement gouvernemental, à 89.162 millions de francs (+ 400 millions de francs), les derniers arbitrages rendus ayant accentué la mesure de revalorisation des retraites pour laquelle 800 millions de francs sont inscrits dans le " bleu ". Le BAPSA 1999 serait alors en augmentation de 1,11 % par rapport au BAPSA 1998 initial.

Les dépenses du budget annexe sont constituées presqu'exclusivement de prestations sociales légales et ses recettes sont par construction ajustées à ces dépenses. La stabilité en francs constants du montant du BAPSA traduit donc le déclin des effectifs des ayants droit du régime non salarié agricole : le fascicule budgétaire évalue à 1.219 millions de francs les économies résultant de la diminution du nombre des bénéficiaires du régime (et ce sans même prendre en compte cet effet démographique sur la branche maladie), ce qui équivaut, on le voit, au surplus de charges résultant de la mesure de revalorisation des retraites décidée (1.200 millions de francs) ; il est dès lors naturel que les charges du budget annexe connaissent une évolution proche de l'inflation anticipée, donc des prévisions de revalorisation indiciaire des prestations.

A.- LES RECETTES DU BUDGET ANNEXE

Les années 1997 et 1998 auront été marquées par une modification significative de la structure du financement du BAPSA : plus de 4 milliards de francs de reversement de CSG et de droits sur les alcools auront été substitués à un montant équivalent de cotisations sociales agricoles d'assurance maladie. L'année 1999 ne devrait pas voir de changements aussi importants ; on notera cependant la décision de supprimer la cotisation additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la réapparition d'une ressource qui ne figurait que pour ordre (ligne non dotée) depuis 1994 : la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Le retour de la C3S et l'évaluation généreuse du rendement de la fraction d'assiette de TVA affectée au budget annexe permettent une diminution de la subvention d'équilibre du budget général.

1.- Les cotisations sociales des non salariés agricoles

Le BAPSA ne retrace pas véritablement la contribution des non salariés agricoles au financement de leur régime : d'une part n'y sont prises en compte que leurs cotisations sociales " techniques ", destinées au financement des prestations sociales légales, et pas leurs cotisations " complémentaires " au titre de la gestion et de l'action sanitaire et sociale des caisses de Mutualité sociale agricole (MSA). D'autre part, le montant présenté à la ligne 70-57 des recettes ne correspond pas à la CSG prélevée sur les revenus et retraites agricoles : il s'agit des reversements par l'ACOSS au régime agricole sur le montant global de la fraction de CSG et de droits sur les alcools affectée à la branche maladie ; ces versements sont égaux au produit théorique des cotisations maladie perdu du fait de la baisse des taux en 1997 et 1998 (le régime agricole n'a pas eu de fait accès, en 1997 et 1998, à la répartition de l'excédent de CSG maladie par rapport à ce produit théorique, répartition qui privilégie le régime général ; pour 1999, il en est explicitement écarté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale).

a) Les cotisations retracées dans le BAPSA

La sommation des lignes 70-31 à 70-38 (cotisations sociales agricoles) et 70-57 (pertes de cotisations maladie compensées) permet de suivre l'évolution du produit théorique des cotisations sociales agricoles techniques (produit effectif + compensation par la CSG du manque à gagner de 1997 et 1998).

LES COTISATIONS SOCIALES AGRICOLES TECHNIQUES

(en millions de francs)

 

1997
recettes effectives

1998
loi de finances initiale

1998
révisé

1999
projet de loi de finances

1998 révisé/1997



(en %)

1999/1998
loi de finances initiale

(en %)

1999/1998
révisé



(en %)

Cotisations PFA

1.957

1.981

2.039

2.071

4,21

4,54

1,57

Cotisations AVA

3.852

3.928

4.012

4.283

4,14

9,04

6,75

Cotisations AVI

1.641

1.663

1.673

1.666

1,95

0,18

- 0,42

Cotisations AVA + AVI

5.494

5.591

5.685

5.949

3,49

6,40

4,64

Cotisations AMEXA 

7.145

4.112

4.089

4.182

- 42,77

1,70

2,27

Cotisations assurance veuvage

48

46

46

47

- 3,52

2,17

2,17

Cotisations assurance volontaire et personnelle

1

1

1

1

(ns)

-

-

Cotisations de solidarité

255

257

257

264

0,71

2,72

2,72

Sous-total cotisations métropole

14.899

11.988

12.117

12.514

-18,67

4,39

3,28

Pertes de cotisations maladie compensées

839

4.275

4.370

4.428

420,74

3,58

1,33

Cotisations des DOM

29

13

13

13

- 55,22

-

-

Total

15.767

16.276

16.500

16.955

4,65

4,17

2,76

Source : ministère de l'Agriculture

Il est prévu en 1999 un ralentissement de la croissance du produit des cotisations (compensation du basculement sur la CSG comprise) : celle-ci passerait de 4,65 % en 1998 (après révision des estimations) à 2,76 % en 1999 (par rapport à 1998 révisé). Cette évolution résulte de la moindre augmentation du revenu agricole en 1996 et 1997 qu'en 1994 et 1995 (l'incidence sur l'assiette sociale des variations du revenu agricole est lissée et décalée dans le temps du fait du calcul de cette assiette, sauf option, sur une moyenne triennale) :

ÉVOLUTION DU REVENU AGRICOLE

 

Revenu brut agricole par exploitation
(en %)

Nombre d'exploitations
(en %)

1994/1993

12,6

- 4,3

1995/1994

10,4

- 3,9

1996/1995

1,6

-3,7

1997/1996

5,8

- 3,7

Source : ministère de l'Agriculture

La diminution prévue du rendement des cotisations AVI (assurance vieillesse individuelle) résulte de la diminution rapide (de l'ordre de 10 % par an) des effectifs de conjoints non coexploitants et d'aides familiaux, qui sont redevables de cotisations AVI pour leur retraite forfaitaire mais ne cotisent pas (ou peu) pour la retraite proportionnelle.

A contrario, la forte croissance prévue du rendement des cotisations AVA (assurance vieillesse agricole) provient de la prise en compte anticipée d'une mesure du projet de loi d'orientation agricole (articles 20 et 21 de ce projet) : l'institution d'un droit à la retraite proportionnelle pour les conjoints choisissant le nouveau statut de conjoint collaborateur, accompagnée de l'instauration corrélative d'une cotisation fixée forfaitairement à 12,515 % de 400 fois le SMIC horaire, soit environ 2.000 francs par an (pour acquérir 16 points). Le nombre de personnes concernées est évalué à 103.000, ce qui engendrerait 207 millions de francs de cotisations supplémentaires, pour autant que tous optent et ce dès 1999, ce que pense le ministère de l'Agriculture (le taux de rendement proposé -rapport pension acquise/cotisation - est effectivement avantageux : 16,5 %). Par ailleurs, une possibilité de rachat des annuités antérieures à 1999 est offerte aux futurs conjoints collaborateurs pour compléter leurs droits à la retraite proportionnelle ; ses éventuelles incidences ne sont pas évaluées dans le projet de BAPSA pour 1999.

b) L'effort contributif des agriculteurs

Si l'on cherche maintenant à analyser l'évolution de l'effort contributif des non salariés agricoles, en tenant compte également de leurs cotisations " complémentaires " et de la CSG-CRDS prélevées effectivement sur leurs revenus, on s'aperçoit qu'il ressortirait en nette hausse en 1999, passant de 23,1 % à 23,6 % : le produit des prélèvements sociaux continue à augmenter, tandis que les charges se stabilisent.

L'EFFORT CONTRIBUTIF DES NON SALARIÉS AGRICOLES

(en millions de francs)

 

1996

1997

1998

1999

1998/1997 (en %)

1999/1998 (en %)

Prélèvements sur les actifs :

           

- cotisations techniques

14.233

14.045

11.813

11.995

- 15,89

1,54

- cotisations complémentaires

2.918

2.923

3.050

3.110

4,35

1,96

- ensemble des cotisations

17.152

16.968

14.863

15.105

- 12,40

1,63

- CSG + CRDS

1.554

2.186

4.974

5.054

126,53

1,51

Total

18.706

19.153

19.837

20.159

3,52

1,62

Prélèvements sur les retraités :

           

- cotisations techniques

783

551

-

-

-

-

- cotisations complémentaires

283

301

-

-

-

-

- ensemble des cotisations

1.066

852

-

-

-

-

- CSG + CRDS

408

645

1.002

1.139

55,27

13,73

Total

1.474

1.497

1.002

1.139

- 33,09

13,73

Total général (actifs + retraités + cotisations de solidarité et d'assurance veuvage)

20.544

21.015

21.193

21.661

0,85

2,21

Dépenses du régime agricole (BAPSA + bonifications pour enfants + gestion et action sanitaire et sociale de la MSA)

89.751

90.982

91.569

91.947

0,64

0,41

Effort contributif (en %)

22,9

23,1

23,1

23,6

   

Source : ministère de l'Agriculture

c) Le bilan du basculement cotisations maladie/CSG

Le tableau ci-avant permet également de constater qu'en termes de masses prélevées, la substitution en deux temps (1997 et 1998) de 5,1 points de CSG affectée à la branche maladie à 6,8 points de cotisations sociales maladie, pour les actifs, de 3,8 points de CSG à 3,8 points de cotisations, pour les retraités, a été globalement plutôt favorable aux cotisants du régime agricole :

- pour les retraités, le prélèvement social global aura diminué d'un tiers, passant de 1,5 milliard de francs à 1 milliard de francs de 1996 à 1998 (soit un gain de pouvoir d'achat global de l'ordre de 1 % sur le revenu net de prélèvements sociaux) ;

- pour les actifs, on peut comparer le montant de CSG maladie au taux de 5,1 % qui devrait être perçue sur leurs revenus en 1998, soit 3.157 millions de francs, à la perte théorique de cotisations sur ces mêmes revenus (compensée par une attribution sur le produit global de la CSG maladie), soit 3.439 millions de francs ; l'écart, soit 282 millions de francs, représenterait un gain de pouvoir d'achat global sur le revenu net de prélèvements sociaux de l'ordre de 0,65 % (contre environ 1,5 % pour les salariés).

On sait que la CSG sur les revenus agricoles est assise sur l'assiette des cotisations majorée notamment du montant de ces mêmes cotisations, donc par ce seul fait de 32 %, alors même que l'assiette de la CSG sur les salaires est constituée par le salaire brut (assiette des cotisations) diminué de 5 %. Pour cette raison, lors du second basculement cotisations maladie/CSG, en 1998, où le " taux de change " points de cotisations/points de CSG était moins favorable pour les salariés que lors du premier basculement (1997), une diminution plus importante du taux des cotisations maladie a été accordée dans le régime agricole que dans le régime général : contre 5,1 points de CSG, les salariés du régime général auront vu en 1997 et 1998 leurs cotisations baisser de 6,05 points, les exploitants agricoles de 6,8 points. Cependant, compte tenu de la différence d'assiette, le gain des seconds en pouvoir d'achat reste moindre.

Si on analyse de manière plus fine l'opération pour différentes catégories d'actifs et de retraités agricoles, on observe que :

- sont " gagnants " d'une part les retraités agricoles non imposables (non assujettis à la CSG alors qu'ils l'étaient aux cotisations maladie), d'autre part les actifs agricoles au revenu fiscal modeste (moins de 30.000 francs environ : ils substituent une CSG proportionnelle au revenu à des cotisations maladie assises sur une assiette forfaitaire supérieure) ;

- l'opération est neutre (ou presque neutre) pour de nombreux exploitants " moyens ", des retraités imposables (qui échangent 3,8 points de CSG contre 3,8 points de cotisations) et les bénéficiaires du minimum vieillesse (exonérés de CSG comme ils l'étaient de cotisations) ;

- sont " perdants ", d'une part les exploitants peu nombreux dont le revenu fiscal dépasse six fois le plafond de la sécurité sociale, soit environ un million de francs (l'assiette des cotisations maladie étant plafonnée à ce niveau, ils échangent une CSG proportionnelle au revenu contre des cotisations nulles au-delà du plafond), d'autre part, de nombreuses catégories de titulaires de revenus qui bénéficiaient d'exonérations ou d'abattements sur les cotisations qu'ils ne retrouvent pas pour la CSG : jeunes agriculteurs, pluriactifs, veuves et veufs ou divorcés reprenant l'exploitation de l'ex-conjoint, préretraités, titulaires de pensions de retraite de plusieurs régimes (" polypensionnés ") et des majorations de pension pour avoir élevé trois enfants ... peut-être un million de personnes en tout.

Les difficultés rencontrées pour adapter le basculement cotisations/CSG au régime agricole sans désavantager trop ses ressortissants, ce qui n'empêche pas qu'ils bénéficient d'un gain de pouvoir d'achat inférieur à celui des salariés et que certains y sont clairement perdants, traduisent l'absence d'harmonisation entre les assiettes de cotisations et de CSG du régime agricole. Plus généralement, la question de la poursuite de la réforme de l'assiette des cotisations, qui doit mieux distinguer la rémunération du travail de celle du capital, reste ouverte ; le refus d'avancer sur ce problème ne peut conduire qu'à la multiplication de " montages " sociétaires complexes dont l'objet réel est d'exonérer de cotisations tout ou partie des revenus. Le système de déduction du loyer " implicite " du foncier exploité en faire-valoir direct, établi en 1995, sera rendu plus favorable et plus équitable par l'entrée en vigueur, en principe à compter du 1er janvier 2000, des nouvelles bases cadastrales (puisque c'est à partir du revenu cadastral qu'est calculée la déduction). A défaut de pouvoir mesurer objectivement la rémunération légitime du reste du capital d'exploitation, l'exonération de cotisations des sommes mises en réserve pour la constitution de ce capital constituerait une solution.

2.- Le dynamisme des impositions affectées

Le rendement des impositions ou fractions d'imposition affectées au BAPSA est prévu en vive augmentation en 1999 (+ 9,4 % par rapport au BAPSA initial 1998).

LES IMPOSITIONS AFFECTÉES AU BAPSA

(en millions de francs

 

1998
Loi de finances initiale

1999
Projet de loi de finances


%

Imposition additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

48

-

-

Taxe sur les farines

340

341

0,29

Taxe sur les tabacs

438

479

9,36

Taxe sur les corps gras

621

659

6,12

Prélèvement sur les droits sur les alcools

117

117

-

Cotisation sur les polices d'assurance automobile

394

376

- 4,57

Fraction de TVA (nette des restitutions)

24.216

25.614

5,77

Répartition de la C3S

-

1.000 (1)

-

Répartition de la contribution des grossistes répartiteurs (2)

-

50

-

Total

26.174

28.636

9,41

(1) Il s'agit du montant inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le fascicule budgétaire, publié avant les arbitrages définitifs, ne prévoyant que 600 millions de francs.

(2) Le BAPSA, en tant que régime participant au financement des régimes d'assurance maladie des médecins, perçoit une fraction de la contribution sur les grossistes répartiteurs, qui, en l'absence de ligne de recettes spécifique, est inscrite sur la ligne 70-61 - recettes diverses. Cette ligne, jusque là non dotée en loi de finances initiale, l'est à hauteur de 50 millions de francs dans le projet de loi de finances au titre de cette contribution (cette recette s'est élevée à 65 millions de francs en 1997).

Source : ministère de l'Agriculture

La forte augmentation du produit des taxes affectées attendue en 1999 résulte en premier lieu d'une prévision optimiste sur la fraction d'assiette de la TVA destinée au BAPSA ; cette prévision est permise par la réévaluation du rendement attendu sur cette ligne en 1998, désormais estimé à 24,7 milliards de francs (contre 24,2 milliards de francs en loi de finances initiale). Cependant, si l'on compare les prévisions de recettes pour 1999 aux réalisations pour 1997, on constate que le produit de la fraction de TVA BAPSA aura, en théorie, progressé de 11,8 % (25.614 millions de francs prévus en 1999, contre 22.913 millions de francs effectivement perçus en 1997), alors que, dans le même temps, le produit global de la TVA affecté au budget général n'aura augmenté que de 8,5 % (et ce en réintégrant les allégements proposés pour 1999) ; on s'explique mal cet écart. On peut observer qu'au cours des dernières années, cette ressource du budget annexe a toujours été surestimée, l'écart négatif entre prévisions et réalisations ayant atteint 775 millions de francs en 1995, 943 en 1996 et 1.197 en 1997... En outre, on sait que la validité des prévisions sur la TVA dépend de la validité de celles sur la croissance économique, qui paraît de plus en plus incertaine au regard de la très grande instabilité de la conjoncture internationale. La prévision pour 1999 paraît donc quelque peu " volontariste ".

L'autre raison du dynamisme du rendement des impositions affectées réside dans la réapparition de la ressource C3S, qui mérite un développement particulier. Dans l'autre sens, la suppression de l'imposition additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne prive le budget annexe que d'une ressource marginale (48 millions de francs).

a) Le retour de la C3S : une clarification et une pérennisation nécessaires

On se souvient que la loi de finances pour 1992 comportait un tour de passe-passe budgétaire que l'opposition avait dénoncé : il avait été décidé de fusionner la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) destinée à compléter le financement des régimes sociaux des non salariés non agricoles et la cotisation similaire existant au profit du BAPSA sur les sociétés " agricoles ", le BAPSA devenant l'un des attributaires de la nouvelle contribution unique. Alors que la cotisation sur les sociétés agricoles avait auparavant un rendement de seulement quelques millions de francs par an, cette opération a permis au BAPSA de ponctionner 11.584 millions de francs durant les exercices 1992 et 1993 ; le taux de la fraction de TVA prélevée au profit du budget annexe ayant été réduit à due concurrence, les recettes du budget général ont été majorées et le déficit budgétaire diminué d'autant.

Effectué au delà des disponibilités annuelles de C3S, ce prélèvement a en fait porté sur les réserves qui avaient été constituées grâce à l'excédent de cet impôt et qui devaient permettre aux régimes des indépendants, menacés par une évolution démographique très défavorable, de faire face à leurs échéances à moyen terme. Préférant la logique du court terme, le Gouvernement d'alors a épuisé en deux ans les réserves pour réduire la participation de l'État au financement du régime agricole.

Une fois vidées les réserves, le BAPSA, bien que restant de droit attributaire, a cessé de percevoir une fraction de la C3S : de 1994 à 1998, la ligne de recettes, maintenue pour ordre, n'a été dotée ni en loi de finances, ni en gestion. Il est vrai qu'entre temps des dispositions législatives nouvelles, allant au rebours de la loi de finances pour 1992, ont tendu à écarter le BAPSA de la répartition de la C3S, sans l'en exclure définitivement, tout en rendant cette répartition de plus en plus complexe et obscure. Le dispositif légal en vigueur aujourd'hui, qui résulte des lois de financement de la sécurité sociale pour 1997 et 1998, pose le principe d'une double répartition de la C3S : une première répartition a lieu entre la CANAM (assurance maladie des non salariés non agricoles), la CANCAVA et l'ORGANIC (assurances vieillesse des artisans et commerçants) dans la limite de leurs déficits ; le solde éventuel est ensuite réparti entre les autres régimes attributaires, c'est-à-dire, outre le régime agricole, ceux des professions libérales, du barreau et des cultes, en fonction des montants de compensation démographique vieillesse qu'ils reçoivent, ce qui devrait revenir à en attribuer la presque totalité au régime agricole ; cependant, à titre exceptionnel, cette seconde répartition, qui aurait porté en 1998 sur 2,8 milliards de francs (solde de la première répartition relative à l'exercice 1997), a été supprimée pour cet exercice (afin de financer le régime général des salariés, le surplus de ressources résultant de ce dispositif pour la CANAM, la CANCAVA et l'ORGANIC leur étant par ailleurs repris au profit du régime général).

Le BAPSA n'a donc pu accéder en 1998 à la ressource C3S, alors même que celle-ci tend de nouveau à être excédentaire (par rapport aux besoins immédiats des régimes premiers attributaires), et ce de plus en plus, du fait notamment de l'élargissement de son assiette et de l'augmentation de son taux en 1995 : en 1999, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998, l'excédent de la gestion de l'année après la première répartition aurait dû atteindre 5,6 milliards de francs, en l'absence des mesures du projet de loi de financement. Cet excédent aurait dans le droit en vigueur profité essentiellement au BAPSA.

Pour 1999, le projet de loi de financement prévoit bien d'affecter à ce dernier un milliard de francs sur la ressource C3S (600 millions de francs dans le fascicule " bleu ", mais un milliard dans le projet de loi de financement, l'écart de 400 millions de francs correspondant au financement complémentaire de la mesure de revalorisation des retraites en 1999), mais il s'agit d'une sorte de versement pour solde de tout compte, puisque, par ailleurs, il est proposé de supprimer la seconde répartition de la C3S portant sur l'excédent après versement à la CANAM, l'ORGANIC et la CANCAVA : les quatre régimes concernés (agriculteurs, professions libérales, barreau, cultes) cesseraient donc définitivement d'être attributaires éventuels de la C3S, l'excédent éventuel étant désormais versé au Fonds de solidarité vieillesse, notamment pour doter le fonds de réserve pour les retraites qu'il gérera. En 1999, l'excédent de C3S servira également au financement de la validation pour l'assurance vieillesse des périodes de chômage (au seul bénéfice des salariés), cette dépense augmentant fortement, en particulier du fait d'une régularisation pour les DOM. Par ailleurs, ce versement d'un milliard de francs apparaît un peu comme la contrepartie de la décision d'écarter en 1999 le BAPSA de la répartition de l'excédent de CSG maladie (cf. p. 8).

Une fois de plus donc, le mécanisme de répartition de la C3S est modifié. Une fois de plus, on recourt à un prélèvement exceptionnel et forfaitaire sur la C3S, pour réduire la subvention du budget général au BAPSA, tout en finançant la revalorisation des retraites agricoles ; mais comment la financera-t-on au cours des exercices ultérieurs ? Il n'est pas de bonne gestion de financer une dépense pérenne par une recette non reconductible. Pour l'avenir, le BAPSA est en effet définitivement écarté de la ressource C3S, puisqu'il ne pourra même pas bénéficier du nouveau fonds de réserve des retraites, uniquement destiné aux régimes des salariés, des artisans et des commerçants, au détriment de ceux des agriculteurs, des professions libérales, du barreau et des cultes. Or, la problématique n'est plus la même qu'en 1992, lorsque les excédents de la C3S avaient été détournés au profit du BAPSA : depuis l'élargissement en 1995 de l'assiette de cette imposition, qui a fait entrer dans son champ le monde coopératif et mutualiste, la C3S compte de nombreux redevables dont les salariés relèvent du régime agricole (coopératives agricoles, Crédit agricole ...) ; il serait donc légitime que le budget annexe perçoive une fraction de C3S pérenne et au moins équivalente à la C3S due par ces redevables, soit plus de 500 millions de francs.

b) La suppression de l'imposition additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties

La réforme des cotisations sociales agricoles engagée en 1990 s'est accompagnée du démantèlement des taxes spécifiques qui pesaient antérieurement sur les agriculteurs : dès lors qu'il s'agissait de cotiser sur un revenu réel comparable au revenu cotisable des autres catégories socio-professionnelles, et ce à des taux supposés assurer la parité de traitement, les prélèvements sociaux spécifiques au régime agricole devaient disparaître. Parmi ceux-ci, il existait une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui fut donc supprimée dès 1990 pour les terrains susceptibles de porter une activité agricole soumise par ailleurs à cotisation (terrains des 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° catégories) ; cependant, la taxe était maintenue pour les terrains " non agricoles ", avec un rendement naturellement très réduit : 479 millions de francs en 1987, 48 millions de francs en 1997.

La ressource est donc devenue marginale pour le budget annexe (0,05 %) de son montant global). Par ailleurs, si le démantèlement de la partie de la taxe prélevée sur les terrains " agricoles " s'inscrivait dans la logique de la réforme des cotisations, le maintien d'un prélèvement spécifique sur des terrains " non agricoles " pour financer le régime social des agriculteurs présente une légitimité discutable. Dans ces conditions, l'abrogation de cette taxe par l'article 33 du projet de loi de finances constitue une initiative bienvenue.

3.- Les transferts des autres régimes de sécurité sociale

Les transferts en provenance des autres régimes de sécurité sociale devraient connaître une progression modérée en 1999, chacun de ces transferts évoluant dans la continuité des exercices précédents.

LES TRANSFERTS EN PROVENANCE DES AUTRES RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

(en millions de francs)

 

1998
loi de finances initiale

1999
projet de loi de finances


%

Compensation démographique

32.467

34.001

4,72

Versement de la Caisse nationale des allocations familiales

1.565

1.400

- 10,54

Versement du Fonds de solidarité vieillesse

3.266

2.704

- 17,21

Total

37.298

38.105

2,16

Source : ministère de l'Agriculture

Les ressources de compensation démographique continuent à progresser. Elles devraient en 1998 être supérieures aux prévisions initiales (33.040 millions de francs contre 32.467 millions de francs prévus à l'origine) ; la prévision pour 1999, soit 34.001 millions de francs, représente une augmentation de 2,9 % par rapport à celle pour 1998 révisée. Le montant des versements de compensation rend compte de l'évolution comparative, dans les différents régimes, du rapport cotisants/bénéficiaires. On peut cependant également s'interroger sur l'incidence sur ces transferts des mesures de revalorisation des retraites agricoles, dans la mesure où, s'agissant de la compensation vieillesse, la prestation de référence prise en considération est la prestation vieillesse moyenne du régime agricole, que ces mesures de revalorisation affectent. Les différents dispositifs adoptés ces dernières années ont toujours été officiellement financés par l'État (majorations de la subvention d'équilibre) ; en pratique, ils ont toutefois interféré sur les transferts de compensation et conduit à accroître les sommes perçues par le budget annexe.

La contribution de la Caisse nationale des allocations familiales est prévue en baisse de plus de 10 % à 1.400 millions de francs ; depuis 1995, où elle s'est élevée à 2.350 millions de francs, elle aura donc diminué de 40 %, du fait de la diminution des dépenses de prestations et de l'augmentation des recettes de cotisations famille. Cette contribution est en effet la traduction de l'intégration financière de la branche famille, en vertu de laquelle la CNAF doit assurer l'équilibre du régime des prestations familiales des agriculteurs ; elle couvre donc l'écart entre les cotisations techniques famille des exploitants et les prestations qui leur sont versées, hors celles qui sont financées par l'État, comme l'allocation aux adultes handicapés et les bourses. A cet égard, on notera que le transfert à l'État de la charge de l'allocation de parent isolé (par l'article 82 du projet de loi de finances) ne se traduit pas dans les comptes du BAPSA par la création d'une ligne " remboursement par l'État de l'allocation de parent isolé " (comme il en existe une pour l'allocation aux adultes handicapés) et la diminution à due concurrence du versement de la CNAF : il est fait comme si le remboursement de l'API désormais à la charge de l'État devait transiter par la CNAF même pour sa fraction " régime agricole " (soit, il est vrai, 12 millions de francs seulement en 1999).

Le versement du Fonds de solidarité vieillesse présenté dans le BAPSA, estimé à 2.704 millions de francs en 1999, correspond pour l'essentiel au remboursement par le FSV des dépenses engagées au titre du minimum vieillesse dans le régime agricole (2.652 millions de francs sur 2.704). En cinq ans, le montant versé par le FSV aura été presque divisé par deux, puisqu'il dépassait encore 5 milliards de francs en 1994 (et 6,4 milliards de francs en 1990) : à ceux de l'amélioration spontanée des retraites " contributives " (les " jeunes " retraités ont acquis plus de points de retraite que leurs aînés), se sont ajoutés les effets des mesures de revalorisation prises depuis 1994. Encore la prévision pour 1999 ne tient-elle apparemment pas compte des mesures décidées pour l'année prochaine ; elle sera donc vraisemblablement supérieure aux réalisations (ou donnera lieu ultérieurement à un versement de régularisation de la part du BAPSA). On rappellera, par ailleurs, que le FSV rembourse également au régime agricole, hors comptes du BAPSA, les bonifications de retraite pour enfants : cette dépense atteindrait 2.172 millions de francs en 1999 (contre 2.090 millions de francs en 1998).

4.- Les contributions de l'État

Il s'agit d'une part des remboursements au titre de l'allocation aux adultes handicapés et du fonds spécial d'invalidité, d'autre part de la subvention de " solde " assurant l'équilibre du budget annexe. La ressource procurée par la TVA, constituée par un prélèvement sur les recettes du budget général, s'assimile également à une contribution de celui-ci.

CONTRIBUTIONS DE L'ÉTAT AU BAPSA

(en millions de francs)

 

1998
Projet de loi de finances

1999
Loi de finances initiale

(en %)

Remboursement de l'allocation aux adultes handicapés

518

456

- 11,97

Versements du fonds spécial d'invalidité

108

107

- 0,93

Subvention d'équilibre

7.806

4.903

- 37,19

Total

8.432

5.466

- 35,18

Fraction de TVA (nette)

24.216

25.614

5,77

Total général

32.648

31.080

- 4,80

Source : ministère de l'Agriculture

     

Le recul des remboursements au titre de l'allocation aux adultes handicapés rend bien sûr compte du déclin du nombre de bénéficiaires dans le régime agricole, aucune ligne de crédits spécifique n'étant par ailleurs créée, comme on l'a vu, pour le remboursement de l'allocation de parent isolé.

La subvention d'équilibre ressort en forte baisse, ce qui relativise quelque peu l'effort budgétaire consenti pour les retraités agricoles (800 millions de francs déjà inscrits dans le " bleu " plus 400 millions de francs, soit 1.200 millions de francs). La diminution de la subvention d'équilibre est permise par la stabilisation des dépenses et le dynamisme de certaines lignes de recettes : le retour de la ressource C3S et l'optimisme de la prévision sur la TVA viennent alléger la contribution du budget général.

B.- LES DÉPENSES DU BUDGET ANNEXE

Dans un contexte de grande stabilité des dépenses, le déclin des effectifs compensant les revalorisations habituelles des prestations, la mesure décidée en matière de retraites constitue l'élément le plus significatif. Par ailleurs, la loi d'orientation agricole devrait avoir une incidence non seulement sur les retraites, mais aussi sur l'allocation de remplacement des femmes enceintes, ce que le projet de BAPSA ne prend pas en compte. Il est contradictoire d'avoir intégré au projet de BAPSA certaines des incidences budgétaires du projet de loi d'orientation mais pas toutes. Enfin, on note une modification de structure du budget annexe : la disparition de dépenses de fonctionnement, " rapatriées " sur le budget du ministère.

1.- Les charges d'intérêts

Les crédits proposés pour 1999 s'élèvent à 173 millions de francs, contre 220 millions de francs inscrits en loi de finances pour 1998. La dépense s'est élevée à 185 millions de francs en 1997 et est évaluée actuellement à 165 millions de francs pour 1998. La diminution des dépenses en 1998 s'expliquerait par la réduction de l'encours moyen d'emprunts de trésorerie (5,8 milliards de francs sur les huit premiers mois de 1997 ; 5,1 milliards de francs sur la même période en 1998) et les meilleures conditions offertes par la nouvelle convention passée avec le Crédit agricole.

On sait que la Cour des comptes avait critiqué en 1996 les conditions de la gestion du découvert du budget annexe pour deux raisons : la Cour, rappelant que le budget annexe n'a pas la personnalité morale, considérait que la gestion de ses besoins de trésorerie devait nécessairement s'inscrire dans la gestion de la dette publique par le Trésor (alors qu'elle est déléguée à la MSA qui contracte avec un établissement bancaire) ; la Cour critiquait également l'absence de mise en concurrence dans la passation de la convention, ce qui aurait entraîné un surcoût de l'ordre de 100 millions de francs sur les deux exercices 1992 et 1993.

Si la Cour n'a toujours pas été entendue sur le principe de l'unité de caisse, elle l'a été sur la mise en concurrence, ce qui a permis une amélioration des conditions de financement du budget annexe, quoique l'établissement financier sollicité n'ait pas changé.

Pour 1999, on peut cependant s'interroger sur le niveau modéré de dépenses prévu (173 millions de francs, en hausse de 5 % sur la prévision révisée pour 1998), quand le Gouvernement propose par ailleurs, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de porter à 10,5 milliards de francs le plafond de découvert de trésorerie du régime agricole (+ 23,5 % par rapport à 1998), ce qui laisse présager la prévision d'une dégradation de la trésorerie ; en effet, la diminution de la subvention d'équilibre, dont le versement en début d'année assure traditionnellement l'équilibre de trésorerie, nécessiterait ce relèvement du plafond, qui reste d'ailleurs inférieur à la diminution de la subvention (le plafond serait relevé de 2 milliards de francs quand la subvention serait diminuée de 2,9 milliards de francs).

2.- Le transfert au budget général des charges de fonctionnement

Jusqu'à l'année en cours, le BAPSA présente dans ses comptes plusieurs lignes de dépenses de fonctionnement, pour un montant total modeste, puisqu'il atteint 91 millions de francs en 1998, soit 0,1 % des charges totales : il s'agit des frais de gestion du budget annexe lui-même et non du régime agricole dans son ensemble, géré par la MSA.

En 1998, ces frais de gestion se décomposent comme suit :

- 2,9 millions de francs permettant la rémunération de sept agents contractuels de la Direction des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi (DEPSE) au ministère de l'Agriculture (supposés se consacrer exclusivement à la gestion du budget annexe) ;

- 5,1 millions de francs de dépenses de fonctionnement (section de vérification comptable, Commission supérieure des prestations sociales agricoles, etc.) ;

- 21,6 millions de francs correspondant au remboursement à la MSA des frais de personnels qu'elle met à la disposition des services de l'Inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles (ITEPSA). Ce remboursement a été institué par la loi de finances pour 1996, afin de défrayer les caisses de MSA pour les 114 agents alors mis à disposition des Comités départementaux des prestations sociales agricoles (CDPSA), dont ils assuraient le secrétariat. La disparition du rôle traditionnel des CDPSA dans la fixation des cotisations à l'échelon départemental, du fait de la réforme de celles-ci, conduisait en effet à un redéploiement de l'activité de ces agents vers des tâches relevant des services extérieurs du ministère de l'Agriculture ; du moins est-ce le motif qui fut allégué pour instituer ce remboursement ;

- 61,4 millions de francs couvrant le remboursement au budget général, dans la limite des deux tiers, des dépenses de fonctionnement des services de l'administration de l'Agriculture compétents en matière de protection sociale agricole (ITEPSA).

Il est proposé, pour 1999, de supprimer le remboursement au budget général et de transférer au budget du ministère de l'Agriculture les sept emplois ainsi que la charge du remboursement à la MSA des frais de personnels mis à disposition cités supra.

Cette mesure, qui apparaît dans le fascicule " bleu " BAPSA, appelle deux commentaires : sur la forme, il apparaît qu'elle devrait s'accompagner d'une modification législative, pour l'heure non prévue, de l'article 1003-4 du code rural, qui définit les charges du budget annexe et vise en particulier celles qui sont susmentionnées. Votre commission des Finances a adopté un amendement en ce sens.

Sur le fond, la sincérité des comptes est la justification avancée : le " rapatriement " sur le budget du ministère de l'Agriculture de dépenses de personnel et de fonctionnement afférentes à des services de ce ministère permet effectivement d'en avoir une meilleure vue d'ensemble, tandis que le budget annexe, qui ne retraçait déjà pas les frais de gestion du régime agricole par la MSA, est recentré sur le seul financement des prestations légales de ce régime.

Cependant, on observe que le remboursement annuel de plus de 60 millions de francs au titre des dépenses de fonctionnement des ITEPSA, qui disparaît, ne trouvera pas sa contrepartie dans une majoration des crédits du ministère ; bien sûr, cela ne changera rien à la réalité des moyens de celui-ci, car ce remboursement était opéré au profit non de ce budget, mais d'un compte de trésorerie ; par ailleurs, il était quelque peu absurde que le budget annexe opérât un remboursement au budget général, alors qu'il est attributaire d'une subvention d'équilibre de celui-ci. Pour autant, cette opération de contraction de crédits, qui fait disparaître une dépense budgétaire et une ressource de trésorerie équivalente, représente une petite " débudgétisation " : les charges de l'État retracées dans les documents budgétaires diminuent de 60 millions de francs sans que ceci corresponde à une moindre dépense effective.

3.- L'étalement et la prise en charge des cotisations des agriculteurs en difficulté

Les crédits prévus en 1999 s'élèvent à 100 millions de francs, contre 110 millions de francs en 1998. Malgré cette diminution, ils devraient cependant permettre de répondre aux besoins conjoncturels liés aux crises sectorielles (porc, cognac ... le report de charges sociales décidé dernièrement au profit des éleveurs de porcs représenterait un coût de l'ordre de 8 millions de francs, financé en 1998 par la mobilisation de crédits non utilisés l'an dernier), d'autant qu'arrivera à échéance en 1999 le report (à hauteur de 50% de leur montant) des cotisations 1996 des éleveurs spécialisés en viande bovine, qui avaient bénéficié de cette mesure lors de la " crise de la vache folle " : ce dispositif aura représenté en 1998 un coût de portage de 20 millions de francs environ pour le budget annexe.

4.- Les dépenses de maladie

Les dépenses de maladie-maternité du BAPSA s'élèveraient à 33.286 millions de francs en 1999, dont 32.619 millions de francs en métropole. La dotation 1999 est donc quasiment identique à celle inscrite en loi de finances initiale pour 1998 et en progression de 1,7 % par rapport à la prévision révisée pour 1998.

DÉPENSES DE MALADIE MATERNITÉ EN MÉTROPOLE

(en millions de francs)

 

Loi de finances initiale 1998

1998
révisé

Projet de loi de finances 1999

1999/loi de finances initiale 1998
(en %)

1999/1998 révisé

(en %)

Dépenses de maladie maternité

32.575

32.074

32.619

0,14

1,70

Source : ministère de l'Agriculture

La sous-consommation de la dotation 1998, estimée à 501 millions de francs, est liée notamment, d'une part à des régularisations plus importantes que prévu, au profit du BAPSA, sur sa participation au budget global hospitalier (le gain serait de 253 millions de francs), d'autre part à un " effet base " dans la mesure où les crédits 1998 avaient eux-mêmes été calculés par rapport à une dotation 1997 surestimée (les réalisations 1997 étant inférieures de 189 millions de francs aux prévisions initiales).

La progression prévue en 1999 par rapport à 1998 révisé (+ 545 millions de francs, soit + 1,7 %) s'explique principalement par le moindre niveau des régularisations au profit du BAPSA attendues au titre du budget global hospitalier : ces régularisations s'élèveraient à 258 millions de francs en 1999, contre 658 millions de francs en 1998. En neutralisant cet effet, le taux d'évolution des dépenses de maladie du BAPSA serait ramené à 0,4 % en 1999. Ce taux est-il cohérent avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, soit + 2,6 % par rapport à l'objectif fixé pour 1998 ? Sur les exercices précédents (1995 à 1997), pour d'évidentes raisons démographiques, la progression des dépenses de maladie du régime agricole a été inférieure, selon les années, de 1,7 à 2,3 points à celle des dépenses du régime général ; une progression de 0,4% est donc compatible avec un objectif national de 2,6%. Le problème est que si l'on compare cet objectif national, qui est un montant, avec des prévisions de réalisations en net dépassement pour 1998, il apparaît que la progression nationale des dépenses d'assurance maladie autorisée en 1999 pourrait être en fait sensiblement inférieure à ces 2,6 % et plus proche de 1,5 % ; dans ces conditions, la prévision de dépense maladie sur le BAPSA pourrait se révéler un peu trop " généreuse ".

5.- L'allocation de remplacement

L'allocation de remplacement versée en cas de maternité constitue une dépense marginale du BAPSA (58 millions de francs dans le BAPSA 1998). Elle mérite toutefois un commentaire particulier cette année compte tenu de l'amélioration proposée par le projet de loi d'orientation : la prise en charge des frais de remplacement, actuellement partielle (90 %), deviendrait intégrale. Le coût de cette mesure est au minimum de 6 millions de francs ; il pourrait être supérieur si elle avait un effet (ce qui est le but) sur le comportement des agricultrices, dont pour le moment une sur trois seulement se fait remplacer en cas de maternité. Si (cas limite invraisemblable) toutes recouraient au dispositif, la dépense pourrait tripler, le surcoût étant alors de 120 millions de francs.

Le projet de BAPSA pour 1999 prévoit une baisse de 5 % de la dotation, à 55 millions de francs : il n'est pas tenu compte du projet de loi d'orientation.

6.- Les dépenses de prestations familiales

Les dépenses de prestations familiales du régime agricole sont évaluées à 3.948 millions de francs en 1999, en diminution de 3,35 % sur le BAPSA 1998. Cette évolution tient compte d'une part de la poursuite de la baisse des effectifs de bénéficiaires (de - 3 % à - 8 % selon les prestations), d'autre part de perspectives de revalorisation des prestations évaluées, s'agissant de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), à 1,2 %, ce qui ne correspond pas au taux de revalorisation retenu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est de 0,7 % pour la BMAF. Il y a là un premier problème de cohérence entre le BAPSA et la loi de financement.

Par ailleurs, comme les années précédentes, la perspective vraisemblable d'un maintien de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, pour un coût de l'ordre de 150 millions de francs, n'est pas prise en considération. L'incidence de la mise sous condition de ressources des allocations familiales en 1998, que le BAPSA pour cet exercice ne prenait pas en compte, apparaît modérée dans le régime agricole : l'économie serait de 35 millions de francs. Le projet de BAPSA 1999 est également construit sans tenir compte de cette mesure, et qui devrait donc correspondre à la législation si la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 supprimait effectivement la mesure de 1998. Enfin, les effets (limités) des autres dispositions concernant les prestations familiales inscrites dans le projet de loi de financement (ou annoncées dans ce cadre si elles sont réglementaires) ne sont pas traduits dans les crédits proposés dans le BAPSA (versement des allocations familiales jusqu'à 20 ans aux non étudiants, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles ayant un enfant, retardement des majorations d'âge...).

7.- Les retraites agricoles en 1999

Les retraites représentent plus de la moitié des dépenses du budget annexe. L'année 1999 sera marquée par la revalorisation substantielle décidée par le Gouvernement, qui s'ajoute aux autres mesures prises depuis 1993, dont le coût brut annuel cumulé sera proche de 5 milliards de francs en 1999.

a) Les crédits prévus pour 1999

La dotation inscrite au titre des prestations vieillesse pour 1999, majorée de 400 millions de francs par l'amendement gouvernemental annoncé, s'élèverait donc à 50.285 millions de francs, en augmentation de 1.244 millions de francs, soit 2,54 %, sur la dotation initiale 1998.

Cette progression résulte de facteurs contrastés :

· La diminution des effectifs entraînerait une moindre dépense de 931 millions de francs.

· La revalorisation indiciaire des pensions, qui devrait être de 1,2 %, a un coût évalué à 536 millions de francs.

· Les dispositifs de revalorisation des retraites décidés les années antérieures continuent à monter en puissance, soit qu'ils aient prévu des majorations forfaitaires étalées sur plusieurs années (c'est le cas de la mesure de la loi de finances pour 1997), soit du fait du paiement des pensions à trimestre échu, qui décale de fait de trois mois les dépenses supplémentaires décidées au 1er janvier d'une année. Le surcoût en 1999 du reliquat de ces mesures serait de 318 millions de francs par rapport à 1998.

· Il est tenu compte, avec l'inscription de 121 millions de francs, de la majoration proposée par l'article 22 du projet de loi d'orientation au profit des conjoints et aides familiaux prenant leur retraite après le 31 décembre 1997 (il s'agit, dans l'attente de la montée en puissance du nouveau statut de conjoint collaborateur, d'assurer aux petites retraites liquidées après 1997 les mêmes majorations forfaitaires que celles accordées aux retraités antérieurs par les mesures " Vasseur " et " Le Pensec " des lois de finances pour 1997 et 1998) ; 31.000 personnes seraient concernées dès 1999.

· Enfin, 1.200 millions de francs sont prévus au titre de la mesure décidée cette année pour les petites retraites (800 millions de francs inscrits dans le " bleu ", auxquels un amendement gouvernemental a ajouté 400 millions de francs). Ce montant est inférieur à la dépense en année pleine du fait du paiement des pensions à trimestre échu, ce qui décale de trois mois, en trésorerie, la charge des majorations décidées ; la dépense serait donc, en année pleine, de 1,6 milliard de francs ; cependant, il s'agit d'un coût " brut " dont il conviendrait de défalquer les économies réalisées sur le minimum vieillesse par le FSV.

b) La mesure de revalorisation proposée pour 1999

Le Gouvernement a indiqué qu'il proposerait, par voie d'amendement à la loi de finances, une nouvelle amélioration forfaitaire des petites retraites agricoles, réservée aux personnes retraitées avant 1998 ayant eu une carrière longue en agriculture (plus de 32,5 années de cotisations). Il s'agirait de porter ces retraites à des planchers minimum, différents selon les catégories concernées.

Un amendement présenté par le Gouvernement à l'article 22 du projet de loi d'orientation, et adopté par votre Assemblée, a prévu une mesure similaire pour les conjoints, " carrières mixtes " et aides familiaux retraités à partir de 1998 (les chefs d'exploitation et les veuves et veufs retraités à partir d'aujourd'hui ayant, sauf exception, une retraite supérieure, après une carrière longue, aux planchers visés). Le choix, plutôt curieux, de disjoindre le traitement législatif des retraites selon qu'elles sont liquidées avant ou après le 1er janvier 1998 est la conséquence du choix identique fait pour les précédentes mesures de revalorisation.

Le tableau ci-après présente le détail de la mesure (concernant le " stock " de retraités avant 1998), dont le dispositif législatif de support doit être proposé par amendement à la loi de finances.

LA REVALORISATION DES PETITES RETRAITES EN 1999

(Mesure loi de finances)

 

Pension initiale

Pension après revalorisation

Gain annuel

Effectifs
bénéficiaires

Coût brut en année pleine

Coût brut
en 1999 (décalage
de 3 mois)

 

(en francs)

(en francs)

(en francs)

(en milliers)

(en millions

(en millions

 

annuelle

mensuelle

annuelle

   

de francs)

de francs)

Conjoints
(et carrières mixtes)

24.144

2.200

26.400

2.256

191

348

261

Aides familiaux
(et carrières mixtes)

24.144

2.500

30.000

5.856

24

103

77

Chefs d'exploitation

33.017

3.000

36.000

2.984

218

421

316

Veuves (avant le 01/01/1995)

29.733

2.800

33.600

3.867

174

673

505

Total

       

607

1.545

1.159

Source : ministère de l'Agriculture

Ce dispositif, qui touche 600.000 retraités, serait complété par une mesure d'harmonisation destinée à compenser des situations inéquitables apparues lors des mesures précédentes de revalorisation : 20.000 retraités seraient concernés pour un coût brut en année pleine de 37 millions de francs (28 millions de francs en 1999, compte tenu du décalage de trois mois).

Par ailleurs, la mesure " flux " concernant les retraités à partir de 1998, inscrite dans la loi d'orientation par voie d'amendement, concernerait en 1999 31.500 personnes pour un coût brut de 46 millions de francs en année pleine (32 millions de francs en 1999).

Le coût brut cumulé des trois dispositifs décrits ci-avant serait donc en 1999 de 1.219 millions de francs, légèrement supérieur à la " provision " de 1.200 millions de francs prévue (l'écart pourrait être couvert par les rachats de points prévus par la loi d'orientation).

c) Une mesure qui s'inscrit dans la continuité des années précédentes

Les mesures proposées dans le cadre de la loi d'orientation et de la loi de finances apportent des améliorations incontestables aux retraites agricoles. Il convient toutefois de rappeler que le mouvement de revalorisation de celles-ci a été enclenché en 1994 et poursuivi régulièrement sous les Gouvernements de MM. Balladur, Juppé et Jospin. Le surcoût annuel brut (augmentation des prestations contributives) cumulé de ces mesures représentera en 1999 près de 5 milliards de francs, auxquels s'ajouteront les 1,2 milliard de francs de la revalorisation 1999 (1,6 milliard de francs en coût annuel à partir de 2000) et les 130 millions de francs finançant la mesure de la loi d'orientation.

La commission des comptes de la sécurité sociale rappelle dans son rapport de septembre 1998 ce train de revalorisations :

· La loi du 18 janvier 1994 a permis la prise en compte, pour le calcul de la retraite proportionnelle des chefs d'exploitation, de tout ou partie des années pendant lesquelles ils ont été aides familiaux, ces années donnant lieu à l'attribution de points de retraite gratuits. Pour les exploitants déjà retraités avant 1994, la carrière a été reconstituée fictivement ; pour ceux retraités à compter de 1994, le nombre de points gratuits est calculé en fonction de leur carrière réelle. Pour en bénéficier, l'intéressé doit justifier d'un minimum de 17,5 années en tant que chef d'exploitation et de 32,5 années en tant que non salarié agricole.

· La loi de modernisation agricole du 1er février 1995 a rendu possible le cumul des droits propres et des droits dérivés pour les veuves et les veufs. L'interdiction de cumul a été levée par tiers sur trois ans, de 1995 à 1997 : la retraite personnelle peut ainsi être cumulée avec une pension de réversion correspondant à 54 % de la retraite proportionnelle du décédé et d'un tiers de la retraite forfaitaire dudit décédé en 1995, des deux tiers en 1996, et de la totalité à partir du 1997. Quant aux veuves et veufs déjà titulaires d'une pension de réversion avant 1995 et s'étant acquis des droits à une retraite personnelle, ils ont bénéficié d'une majoration forfaitaire de 6.000 francs mise en place par tiers sur trois ans de 1995 à 1997.

· La loi de finances pour 1997 a instauré un ensemble de mesures concernant les chefs d'exploitation et les autres actifs, conjoints et aides familiaux. Une majoration forfaitaire de 1.000 francs en 1997 et de 1.500 francs à compter de 1998 a été accordée aux conjoints, aides familiaux et chefs d'exploitation ayant une carrière courte (moins de 17,5 ans), à condition qu'ils aient liquidé leur retraite avant 1998 et justifient d'un minimum de 32,5 années en tant que non salariés agricoles. Pour les chefs d'exploitation à carrière longue, retraités avant 1997, des majorations de points ont été accordées pour les bénéficiaires justifiant d'au moins 32,5 années d'activité non salariée agricole, dont au moins 17,5 années en tant que chef d'exploitation. Pour les chefs d'exploitation retraités à partir de 1997, des majorations de points de retraite ont été attribuées aux intéressés justifiant de 37,5 années d'activité, dont 17,5 années au moins en tant que chef d'exploitation ou assimilé.

· La loi de finances pour 1998 a complété les dispositifs précédents en relevant la retraite des conjoints, aides familiaux et " carrières mixtes ", ayant liquidé leur retraite avant 1998 et justifiant d'un minimum de 32,5 années en tant que non salarié agricole. La majoration pour les conjoints et aides familiaux a été fixée à 5.100 francs par an.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES MESURES PRISES DE 1994 À 1998

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

 

Coût brut (1)

Économie sur FSV (2)

Coût net

Coût brut (1)

Économie sur FSV (2)

Coût net

Coût brut (1)

Économie sur FSV (2)

Coût net

Loi du 18 janvier 1994

473

- 142

331

461

- 138

323

445

- 134

311

Loi de modernisation (1995)

2.358

- 580

1.778

2.619

- 690

1.929

2.668

- 667

2.001

Loi de finances 1997

316

- 45

271

602

- 117

485

780

- 159

621

Loi de finances 1998

     

760

- 80

680

1.022

- 160

862

Total

3.147

- 767

2.380

4.442

- 1.025

3.417

4.915

- 1.120

3.795

(1 Montant des majorations de prestations " contributives ").

(2) Économies réalisées par le FSV grâce à la moindre dépense de minimum vieillesse.

Source : ministère de l'Agriculture.

II.- L'ÉVOLUTION DE LA PROTECTION SOCIALE
DES NON SALARIÉS AGRICOLES

Votre Rapporteur souhaite relever, au-delà de la simple analyse des crédits budgétaires, quelques perspectives importantes pour l'avenir de la protection sociale des agriculteurs : il y a notamment la poursuite de la revalorisation des retraites, car la faiblesse de leur niveau moyen et la force des engagements pris par les pouvoirs publics ne peuvent que conduire à la légitime continuation du mouvement engagé depuis 1994. Il y a aussi les questions institutionnelles, l'organisation du régime : ouvert par la Cour des comptes, le débat sur l'opportunité de continuer à retracer ce régime dans un budget annexe ne peut être écarté ; l'amélioration de la gestion de la Mutualité sociale agricole (MSA) et le regroupement de ses caisses
- élément essentiel de cette amélioration, vu le déclin des effectifs d'affiliés du régime - doivent enfin être poursuivis : la crise grave qu'a traversée la caisse centrale en 1997 et le cas limite de la caisse de Corse illustrent cette nécessité.

A.- CONTINUER DANS L'AMÉLIORATION DES RETRAITES  AGRICOLES

L'effort engagé depuis cinq ans au profit des retraités agricoles doit être poursuivi, en s'inscrivant dans une perspective pluriannuelle claire, à hauteur d'au moins un milliard de francs supplémentaire par an (le coût brut annuel cumulé des mesures adoptées de 1994 à la présente loi de finances comprise dépassera 6 milliards de francs en 1999, soit, en moyenne, plus d'un milliard par an). La coordination des mesures proposées, des dispositifs existants, des différents régimes est à améliorer : c'est le seul moyen d'assurer à tous une retraite équitable sans favoriser excessivement certains ; il serait notamment souhaitable de prendre en compte les avantages de retraite non agricoles dont bénéficient les " polypensionnés " pour apprécier leur revenu au regard des planchers à atteindre ; il s'agit enfin de faire la part de ce que doit financer la solidarité nationale et de ce que peuvent financer les agriculteurs eux-mêmes.

1.- L'objectif : 75 % du SMIC net

L'objectif a été clairement fixé pour les anciens chefs d'exploitation : 75 % du SMIC net. Pour les autres retraités (veuves et veufs, anciens conjoints ou aides familiaux), comme une différenciation doit être maintenue, le minimum vieillesse constitue un objectif raisonnable. Il n'en reste pas moins que ces objectifs restent ambitieux par rapport aux planchers de retraites agricoles atteints, même après la revalorisation prévue en loi de finances pour 1999 : actuellement (sur la base du SMIC au 1er juillet 1998), 75 % du SMIC net, c'est plus de 4.000 francs par mois, à comparer aux 3.000 francs qui seront atteints, pour les chefs d'exploitation, grâce à la mesure 1999 ; quant au minimum vieillesse, il est en 1998 de 3.470 francs par mois pour une personne seule et 6.230 francs pour un couple, montants à rapprocher des 2.200 à 2.800 francs minimum dont bénéficieront les non chefs d'exploitation.

L'analyse des précédentes mesures de revalorisation montre par ailleurs l'existence de situations vécues comme injustes qui pourraient faire, dans un premier temps, l'objet de corrections au coût budgétaire relativement modéré : ainsi d'évidentes contingences financières ont-elles conduit, lorsque l'interdiction du cumul des avantages propres et avantages de réversion a été levée pour les futures veuves retraitées (" flux "), à n'accorder au " stock " qu'une majoration forfaitaire moins intéressante ; il en a été de même lors du relèvement en 1997 des retraites proportionnelles minimales des chefs d'exploitation, celles des futurs retraités ne pouvant être inférieures à 1.010 points, mais celles des retraités en place n'étant alors relevées qu'à 750 points. Sans revenir sur le principe selon lequel on ne saurait recalculer a posteriori une pension liquidée, des majorations à caractère forfaitaire pourraient rapprocher la situation financière du " stock " de chefs d'exploitation et de veuves et veufs de celle du " flux ".

Il conviendra enfin de corriger, lors de toutes les revalorisations (y compris celles déjà engagées ou prévues), les effets anti-redistributifs qui peuvent en résulter pour des bénéficiaires du minimum vieillesse qui perdraient cet avantage du fait de l'augmentation de leur retraite " contributive " : cette augmentation n'entraîne pas de gain de pouvoir d'achat (l'allocation différentielle de minimum vieillesse diminuant puis disparaissant à due concurrence des majorations de l'avantage " contributif "), mais elle provoque la perte des avantages sociaux liés à la qualité d'attributaire du minimum vieillesse.

2.- La nécessité de " cibler " les mesures

Sur 2.115.000 bénéficiaires de prestations vieillesse du régime agricole en 1997, 622.000 avaient validé 150 trimestres ou plus en tant que non salariés agricoles et 265.000 de 130 (32,5 ans) à 149 trimestres. Sur ces mêmes 2 millions, 366.000 percevaient des prestations agricoles annuelles inférieures à 4.000 francs. La population des retraités agricoles est donc très diverse et comprend, à côté de 900.000 personnes ayant eu une carrière longue en tant que non salariés, des gens qui n'ont manifestement été assujettis au régime que marginalement et brièvement. Plus de la moitié des retraités agricoles sont des " polypensionnés " (bénéficiant de pensions provenant de plusieurs régimes) et un polypensionné du régime agricole ne reçoit de ce régime, en moyenne, selon l'échantillon interrégimes du ministère des Affaires sociales (1997), que 29 % du montant global de ses avantages vieillesse : pour les polypensionnés, la retraite agricole n'est pas, en général, l'élément principal du revenu.

Le plus grand nombre des mesures de revalorisation prises depuis cinq ans, de même que celles prévues pour 1999, sont réservées aux retraités ayant eu une carrière longue de non salarié agricole : les majorations sont accordées au taux plein lorsque 37,5 années ont été validées, à taux dégressif entre 32,5 et 37,5 années, pas en dessous ; n'en bénéficient donc potentiellement qu'environ 900.000 personnes.

Cependant, le ciblage sur les carrières longues, s'il permet d'éviter que des pluriactifs ayant exercé plusieurs métiers successivement n'ajoutent des majorations de retraites agricoles à des droits parfois élevés acquis dans d'autres régimes, n'empêche pas que des pluriactifs ayant exercé simultanément plusieurs activités ne bénéficient en revanche d'effets d'aubaine. Dans l'autre sens, ce ciblage peut conduire à exclure des personnes qui ont travaillé toute leur vie et exclusivement dans l'agriculture, mais n'ont commencé à cotiser que tardivement, ne serait-ce qu'en raison des dates à laquelle certaines cotisations ont été créées : il en est ainsi, aujourd'hui, des veuves et conjointes les plus âgées. Votre Rapporteur estime donc que les mesures de revalorisation des retraites agricoles devraient prendre en compte les avantages vieillesse personnels acquis dans d'autres régimes, afin de concentrer l'effort sur ceux dont l'ensemble des pensions sont effectivement très faibles. Le coût budgétaire considérable des mesures en matière de retraites agricoles exige, si l'on veut aller plus vite et plus loin pour les plus modestes, cet affinement du ciblage ; en outre, une telle mesure, en écartant les polypensionnés (relativement) aisés, permettrait en contrepartie d'atténuer les conditions de durée de cotisations au régime agricole (32,5 et 37,5 ans) qui conduisent à des injustices et ne sont actuellement justifiées que par la volonté d'écarter le plus grand nombre de polypensionnés.

3.- Les coûts

Sur la base du ciblage actuel des mesures (prise en compte des seules carrières longues, mais sans moduler les majorations selon les éventuels avantages vieillesse en provenance d'autres régimes), les coûts bruts approximatifs afférents aux mesures envisagées sont considérables : le coût brut du passage au minimum vieillesse de toutes les retraites pourrait ainsi être de l'ordre de 3,5 milliards de francs (en sus de la revalorisation prévue pour 1999) ; le passage à 75 % du SMIC net pour les anciens chefs d'exploitation nécessiterait 2 milliards de francs supplémentaires. Des mesures plus ciblées, comme celle consistant à porter à 1.010 points la retraite proportionnelle minimale après une carrière pleine de chef d'exploitation ou à accorder aux veuves d'avant 1995 une nouvelle majoration leur donnant approximativement une retraite équivalente au cumul d'une retraite forfaitaire et d'une réversion de retraite minimale de chef d'exploitation, coûteraient, l'une et l'autre, (toujours en sus de la revalorisation prévue pour 1999) de l'ordre de 0,5 milliard de francs.

Bien sûr, tous ces coûts bruts seraient atténués par des économies du FSV sur le minimum vieillesse (en 1999, il est encore prévu plus de 2,6 milliards de dépenses à ce titre dans le régime agricole) et seraient également réduits significativement en cas de limitation des majorations éventuelles pour les polypensionnés titulaires d'autres avantages vieillesse substantiels. Il n'en reste pas moins que les dépenses prévisibles restent lourdes.

4.- Le financement

Quelles sont, en face de ces coûts, les marges de financement que l'on peut mobiliser ? En premier lieu, comme il a été indiqué supra, il apparaît que le déclin démographique du régime agricole, dont même les effectifs de retraités sont en recul, permet de moindres dépenses de constatation qui ne sont pas négligeables, puisqu'en 1999 l'économie spontanée liée à l'évolution du nombre de retraités agricoles est évaluée à plus de 900 millions de francs dans le fascicule " bleu " BAPSA.

En second lieu, l'amélioration rapide des prestations " contributives " de retraites agricoles entraîne, on l'a vu, de grandes économies sur le minimum vieillesse à la charge du FSV : en 1999, l'économie annuelle pour le fonds résultant de l'application des mesures de revalorisation de 1994-1998 se chiffrerait à 1,1 milliard de francs.

Or, par ailleurs, on a vu que le projet de loi de financement organisait le détournement vers le FSV des excédents de C3S, alors que cette contribution est depuis 1995 largement assise sur des redevables agricoles ; plus généralement, le FSV est financé par des fractions de la CSG et des droits sur les alcools et boissons qui pèsent sur l'ensemble des revenus et de la consommation des Français, agriculteurs compris, et plus spécifiquement sur les producteurs viticoles. Pourtant, dans le même temps, les dépenses du FSV sont de plus en plus orientées vers les seuls régimes de salariés aux dépens, notamment, du régime agricole : le recul des dépenses de minimum vieillesse, qui peuvent concerner toutes les catégories de retraités, est absorbé régulièrement par l'augmentation de la prise en charge des annuités (cotisations) de retraite des chômeurs, au seul profit des régimes de salariés.

Dans ces conditions, il serait peut-être normal que le FSV participe d'une manière ou d'une autre au financement de l'amélioration des retraites agricoles, ou du moins qu'il n'absorbe pas la totalité des excédents de C3S. Du moins doit-on raisonner en " coût net " et non en " coût brut ", les économies sur le minimum vieillesse dues aux mesures de revalorisation devant donner lieu à un apport compensatoire du FSV ou de C3S. Au regard des économies de constatation liées à l'évolution démographique, un effort " net " d'au moins un milliard de francs par an devrait être réalisable sans que cela pèse trop sur le budget de l'État. Un effort peut-être un peu plus important en 2000 (le coût brut supérieur à 3 milliards de francs étant très largement atténué par la quasi-disparition des dépenses de minimum vieillesse dans le régime agricole) permettrait d'atteindre dès cette échéance le minimum vieillesse pour tous (à défaut, cet objectif devra impérativement être atteint en 2001) et deux ans plus tard les 75 % du SMIC pour les chefs d'exploitation.

La poursuite de l'amélioration des prestations de base ne saurait en outre exclure, à l'occasion du débat qui va s'ouvrir sur les retraites par capitalisation, la consolidation du dispositif existant de déductions fiscale et sociale des cotisations aux régimes complémentaires facultatifs par capitalisation qui ont succédé à COREVA : d'une part, les montants déductibles, actuellement limités, devront être alignés sur ce qui sera fait pour les autres catégories professionnelles ; d'autre part, il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité d'écarter définitivement la MSA de la distribution de ce type de produits (sans aller, bien évidemment, jusqu'à rétablir le monopole antérieur à 1996).

Entre la retraite de base et ce " troisième étage " que constitue la capitalisation facultative, certains envisagent l'instauration d'un régime complémentaire obligatoire reposant sur la répartition. Votre Rapporteur souhaite toutefois appeler à une certaine prudence sur ce sujet : d'une part, il paraît audacieux de lancer un nouveau régime par répartition pour une profession qui est en déclin démographique ; d'autre part et surtout, est-il opportun d'accroître encore les prélèvements sociaux sur le revenu agricole, qui ponctionnent déjà plus de 40 % de celui-ci ? Des mécanismes facultatifs seraient donc préférables ; on peut penser, par exemple, que la majoration, jusqu'à 75 % du SMIC net, des pensions des chefs d'exploitation non encore retraités pourrait reposer, au moins pour la validation des annuités futures, sur un tel mécanisme.

5.- La mensualisation des pensions

Votre Rapporteur souhaite enfin évoquer la nécessaire mensualisation des pensions agricoles, actuellement trimestrielles, compte tenu des difficultés de trésorerie rencontrées par de nombreux retraités modestes. Une telle mesure entraînerait cependant des coûts de gestion importants, qui risqueraient de se reporter sur les cotisations complémentaires des actifs agricoles à la MSA. Pour limiter ces coûts, elle ne devrait donc concerner que les pensions d'un certain niveau, et non les nombreux polypensionnés titulaires de très faibles pensions agricoles ; un seuil équivalent à 1.000 francs par mois réduirait déjà de 2.115.000 (en 1997) à 1.458.000 le nombre de pensionnés agricoles bénéficiaires de la mensualisation.

B.- LE DÉBAT SUR L'EXISTENCE DU BUDGET ANNEXE

Votre Rapporteur reste convaincu de la nécessité d'ouvrir le débat sur l'opportunité d'une suppression du BAPSA, au regard des multiples arguments qui plaident en ce sens.

Tant que la loi de financement de la sécurité sociale n'avait pas été instituée, l'existence du budget annexe permettait au Parlement de bénéficier d'une information détaillée et de se prononcer par un vote sur les comptes prévisionnels d'au moins un régime de sécurité sociale. Mais, depuis 1996, la coexistence du budget annexe et de la loi de financement engendre au minimum des redondances, sans parler des risques d'incohérence entre les données chiffrées et les dispositions des deux textes (ainsi le projet de BAPSA initial pour 1998 ne tenait-il pas compte du basculement de 4 milliards de cotisations maladie des exploitants sur la CSG). Et s'il est vrai que le fascicule " bleu " consacré au BAPSA présente une information plus riche que les annexes du projet de loi de financement sur le régime agricole, il n'en reste pas moins incomplet, puisqu'il ne couvre que les prestations légales de ce régime et leur financement (et encore une petite fraction de ces prestations, à savoir les majorations des retraites pour enfants, échappe-t-elle au budget annexe), et pas ses frais de gestion et d'action sanitaire et sociale.

Un autre argument traditionnel pour défendre l'existence du BAPSA tenait à la nature des cotisations sociales agricoles jusqu'à la réforme engagée en 1990 : il s'agissait d'une sorte d'impôt de répartition dont le montant était fixé par le ministère de l'Agriculture après concertation, puis réparti entre les départements. Le BAPSA offrait des éléments de référence pour la fixation de ce montant, puisqu'il permettait de mesurer l'effort contributif de la profession. Avec le passage aux cotisations " de parité " assises sur le revenu professionnel avec des taux alignés en grande partie sur ceux du régime général des salariés, cet argument est également tombé.

Or, par ailleurs, il est clair que l'existence du budget annexe pose de réels problèmes juridiques, que votre Rapporteur avait développés dans son rapport de l'an passé. En particulier, il est clair que la gestion, par des personnes morales de droit privé (les caisses de MSA), d'un régime de sécurité sociale ne saurait s'assimiler à la présentation des opérations financières de services de l'État vendant des biens ou des services, qui constitue en principe l'unique objet de la procédure du budget annexe selon l'ordonnance organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959.

D'un point de vue institutionnel, les hauts fonctionnaires chargés de la gestion du budget annexe font observer que son existence permet un exercice plus efficace de la tutelle sur le régime agricole. Il n'est pas contestable que les services du ministère de l'Agriculture ont effectivement une connaissance détaillée des éléments retracés dans le budget annexe, comme les cotisations sociales agricoles. Toutefois, là aussi, le caractère incomplet de celui-ci limite la portée de l'argument : le BAPSA ne couvre pas la gestion et l'action sociale des caisses de MSA ; or, c'est peut-être dans ce domaine que peuvent survenir les plus graves dérives, comme le montre l'exemple des fautes commises par la précédente équipe de direction de la caisse centrale ; ces fautes, la tutelle n'a pas su les maîtriser à temps et n'a pu que les sanctionner a posteriori.

Reste le point de vue des agriculteurs. Ceux-ci sont traditionnellement attachés à l'existence du budget annexe pour deux raisons : la spécificité du régime agricole ; la garantie de financement par l'État qu'apporterait le statut de budget annexe. L'analyse de ces deux arguments conduit pourtant à les mettre en doute.

La spécificité du régime agricole repose, d'une part sur l'existence d'une réglementation particulière des cotisations et des prestations pour tenir compte des spécificités de l'activité agricole, d'autre part sur sa gestion par un réseau propre de caisses de sécurité sociale ; quant au budget annexe, il n'est en présentation qu'un habillage budgétaire des comptes et en gestion qu'une sorte de compte de trésorerie où transitent les financements de solidarité nationale pour être reversés aux caisses de MSA à due concurrence de l'écart entre les cotisations techniques et les prestations ; sa suppression n'attenterait donc pas aux éléments essentiels de la spécificité du régime agricole.

Quant à l'obligation d'équilibre, elle semble bien inhérente, au moins en présentation sinon en exécution, aux budgets annexes, ce qui garantit le cas échéant l'existence d'une subvention d'équilibre. Mais cette obligation d'équilibre est également posée par le code de la sécurité sociale pour de nombreux régimes qui ne sont pas retracés par un budget annexe (même si elle n'est pas toujours respectée) ; elle l'est peut-être même dans la Constitution, puisque les lois de financement de la sécurité sociale ont pour objet la détermination des " conditions générales de son équilibre financier ", ce qui a amené le Conseil constitutionnel à invoquer l' " exigence constitutionnelle qui s'attache " à cet équilibre (pour justifier, dans sa décision n° 97-393 du 18 décembre 1997 sur la loi de financement pour 1998, la validation rétroactive de la base mensuelle des allocations familiales de 1996, cette mesure évitant à la CNAF des dépenses qui auraient dégradé ses comptes). D'un point de vue pragmatique, on imagine mal un Gouvernement qui ne veillerait pas, le cas échéant par une subvention d'équilibre, au versement régulier des prestations sociales des régimes de base ; d'ores et déjà, l'État verse d'abondantes subventions aux principaux régimes sociaux structurellement déficitaires, qu'ils soient ou non retracés dans un budget annexe : agriculteurs, cheminots, mineurs, marins ...

L'existence du BAPSA peut donc être contestée pour bien des raisons. C'est pourquoi l'ouverture d'une concertation sur cet instrument, et plus généralement sur les conditions de la pérennité du régime agricole, serait souhaitable.

C.- LE SUIVI DU REDRESSEMENT DE LA CAISSE CENTRALE DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

On sait que la découverte par la Cour des comptes d'irrégularités extrêmement graves dans la gestion de la caisse centrale de Mutualité sociale agricole (CCMSA) avait amené le ministre de l'Agriculture à suspendre, le 7 juillet 1997, le précédent conseil d'administration et à nommer un administrateur provisoire pour six mois. Le directeur général et son adjoint ont été remplacés et un nouveau conseil d'administration élu en décembre.

Les critiques de la Cour portaient notamment sur :

- le train de vie luxueux de la Caisse centrale et, en particulier, les rémunérations très élevées des principaux cadres, qui cumulaient des salaires versés par la MSA, mais aussi Groupama ou l'UCCMA (Union centrale des caisses de mutualité agricole) ;

- le non respect du code des marchés, grâce au fractionnement artificiel de ceux-ci ou au recours à l'écran fourni par l'UCCMA, qui n'y est pas tenue (et plusieurs marchés analysés par la Cour sont manifestement douteux) ;

- la politique de diversification, menée notamment au nom de " l'action sanitaire et sociale " et gérée principalement par le directeur général adjoint d'alors sans véritable contrôle de la tutelle ni du conseil d'administration : les structures se sont multipliées ; les déboires financiers ont été massifs ; l'argent public a été détourné de son objet puisque les dépenses engagées pour le développement de produits d'assurance complémentaire facultative (COREVA, MUTUALIA) ont été financées sur les ressources du régime agricole obligatoire de base et qu'un certain nombre de dépenses dites d'action sanitaire et sociale ne paraissaient profiter que marginalement aux ressortissants du régime agricole ;

- le fonctionnement du conseil d'administration de la Caisse : ordres du jour modifiés au dernier moment, notes distribuées en séances, procès-verbaux incomplets... ;

- la défaillance des contrôles et de la tutelle.

Dans le référé adressé le 5 novembre 1997 au ministre de l'Agriculture, la Cour a fait le point sur les insuffisances de la tutelle qu'il a exercée sur la CCMSA : d'une part, les textes réglementaires d'application après les modifications, en 1994, de la législation applicable aux marchés des organismes de sécurité sociale et du statut de la Caisse centrale n'ont pas été pris ; d'autre part, la tutelle n'a pas opéré un " examen attentif " des opérations de diversification, en l'absence, il est vrai, de commissaire du Gouvernement auprès de la Caisse centrale.

En réponse, le ministre de l'Agriculture a pris certains engagements, dont beaucoup sont déjà traduits dans les faits en matière réglementaire ou conventionnelle :

- les règles de passation des marchés devraient faire prochainement l'objet d'un arrêté interministériel, comme le prévoit expressément l'article L.124-4 du code de la sécurité sociale (cette disposition remontant à la loi du 25 juillet 1994, il est effectivement temps d'en arrêter les mesures d'application) ; l'UCCMA appliquerait d'ores et déjà le code des marchés, selon les responsables du ministère ;

- un décret du 6 mars 1998 a étendu le champ du contrôle économique et financier de l'État aux organismes issus du démembrement de la Caisse centrale ; par ailleurs, plusieurs catégories de dépenses, notamment celles de rémunération des cadres de la Caisse, sont désormais soumises au visa préalable du contrôleur d'État ;

- le récent règlement intérieur de la Caisse centrale renforce le contrôle du conseil d'administration sur la rémunération des agents de direction ; l'avenant n° 1 à la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse centrale, conclu le 5 décembre 1997, prévoit pour l'avenir, en la matière, un cadre conventionnel soumis à l'agrément de la tutelle ;

- l'avenant n° 1 à la convention d'objectifs a également prévu un retour en trois ans à l'équilibre financier de la Caisse centrale et le plafonnement des frais de gestion ;

- afin d'améliorer le fonctionnement du conseil d'administration, des dossiers préparatoires devront être transmis à ses membres et à la tutelle ; par ailleurs, des rencontres régulières seront organisées entre les représentants de la Caisse et du ministère de l'Agriculture.

- il a été décidé de réintégrer, au moins partiellement, au sein de la Caisse centrale, les activités de l'union d'économie sociale CERIS, qui avait été créée pour coiffer les activités de diversification, et de l'UCCMA.

Pour ce qui est des mesures à caractère législatif, votre Assemblée a adopté lors de la première lecture du projet de loi d'orientation agricole cinq amendements du Gouvernement visant à :

- renforcer la tutelle de l'État sur les caisses de MSA et les structures qui gravitent autour d'elles, à travers l'institution d'un commissaire du Gouvernement auprès de la Caisse centrale et l'extension du contrôle de l'État aux décisions des assemblées générales des caisses (ce contrôle valant actuellement pour les seules délibérations des conseils d'administration), aux instances des associations et groupements d'intérêt économique qu'elles peuvent constituer et aux budgets et comptes de tous organismes détenus ou financés majoritairement (directement ou indirectement) par la MSA ;

- à préciser la disposition légale relative à la suspension ou à la dissolution d'un conseil d'administration de caisse et à prévoir la sanction applicable aux administrateurs qui ne sont pas à jour de leurs cotisations ;

- à prévoir la mise en _uvre de la convention d'objectifs et de gestion État-Caisse centrale à travers des contrats pluriannuels de gestion entre la Caisse centrale et les caisses départementales ou pluridépartementales, ainsi qu'à donner un cadre légal aux conventions de gestion passées avec des tiers ;

- à limiter (sauf dérogations possibles) aux régions administratives les possibilités de fusion ou de regroupements de moyens entre des caisses départementales.

Sur ces modifications législatives, qu'on permette d'abord à votre Rapporteur une interrogation de méthode : l'" affaire " de la Caisse centrale a éclaté au printemps 1997 et la Cour des comptes a rendu ses communications (rapport et référés) à l'automne de la même année. Les dispositions précitées, qui répondent effectivement aux observations de la Cour, auraient donc matériellement pu être concertées avec les responsables de la MSA et intégrées au projet de loi d'orientation élaboré au printemps 1998 : pourquoi les introduire par la voie d'amendements tardifs que la commission compétente de votre Assemblée n'a pu examiner dans ses réunions antérieures à la présentation de son rapport ?

Sur le fond, le renforcement de la tutelle est certainement utile mais doit être concilié avec le respect de l'autonomie de la MSA. La vérification de cet équilibre aurait été plus aisée si votre Assemblée avait eu un délai raisonnable pour examiner la question. Deux des mesures adoptées appellent des interrogations immédiates : la déclinaison prévue de la convention nationale d'objectifs et de gestion à travers des contrats pluriannuels Caisse centrale-caisses départementales ou pluridépartementales constitue un premier élément de renforcement de l'articulation entre l'échelon national et l'échelon local, mais n'aurait-on pu aller plus loin ? Quant à la limitation aux régions administratives des possibilités de fusion entre caisses départementales ou de regroupements de moyens, n'est-elle pas un obstacle supplémentaire à un mouvement de regroupement à peine enclenché et pourtant nécessaire ? Votre Rapporteur souhaite l'abandon de cette mesure ou, à défaut, la confirmation solennelle que la dérogation sera de droit pour les caisses pluridépartementales ou les regroupements déjà constitués.

D.- LE CAS LIMITE DE LA CAISSE DE CORSE

Votre Rapporteur s'est rendu en Corse du 17 au 19 juin afin d'y opérer un contrôle sur place de la Caisse de Mutualité sociale agricole régionale. Ce déplacement avait été précédé de l'envoi d'un questionnaire détaillé, dont les réponses écrites souvent incomplètes ont fourni un bon point de départ pour le contrôle sur pièces et sur place et les entretiens avec le président, le directeur et les cadres de la Caisse. Par ailleurs, une mission commune des inspections générales de l'Agriculture, des Affaires sociales et des Finances a également été conduite au mois de juillet.

Lors de sa visite, votre Rapporteur a constaté que la Caisse de Mutualité sociale agricole (MSA) corse paraît présenter à leur paroxysme un certain nombre de " spécificités " corses plus ou moins anciennes : flou juridique des règles d'affiliation, du fait, notamment, de l'" arrêté Miot " ; non-recouvrement généralisé des cotisations sociales faute de recouvrement forcé efficace ; attribution plus que généreuse de certaines prestations ; laxisme de la gestion... Ces constatations ont été présentées dans un rapport d'information (n° 1056). On peut cependant en effectuer un rappel succinct.

1.- Le diagnostic

· La qualité d'exploitant agricole reconnue aux affiliés de la MSA ouvre non seulement des droits à prestations sociales mais permet également de bénéficier d'aides économiques à l'agriculture. L'affiliation à la MSA est conditionnée à l'exploitation agricole d'une superficie d'au moins la moitié de la SMI (" surface minimum d'installation "). Or, il apparaît que jusqu'en 1993, la Caisse a continué d'immatriculer des " agriculteurs " sur la base d'une pseudo-équivalence entre des têtes de bétail (dont l'existence était attestée par des certificats de vaccination) et la SMI, qui était contraire à la réglementation en vigueur ; le contrôle de ces " éleveurs sans titres fonciers " a conduit à plus de 300 radiations depuis 1993 (sur 3.500 affiliés à la Caisse). Plus généralement, la consultation de quelques dossiers d'affiliation montre qu'une remise en ordre générale est nécessaire : les pièces fournies pour attester de l'exploitation agricole apparaissent disparates et étrangères aux formes les plus élémentaires du droit rural ; le cadastre, en l'absence de déclaration obligatoire des successions (" arrêté Miot "), est de toute façon peu fiable.

· L'assiette des cotisations des exploitants est manifestement inférieure à la réalité des revenus comme le montrent plusieurs indicateurs ; par exemple, on observe que le ratio assiette sociale/revenu brut d'exploitation (issu des comptes de l'agriculture) est inférieur de 40 % en Corse à la moyenne nationale. Dans la mesure où près de 95 % des exploitants corses sont soumis au régime du forfait, ce phénomène peut être rattaché en partie à la forme d'évasion fiscale " légale " qui est inhérente à ce régime. Cependant, la comparaison des surfaces agricoles déclarées pour l'impôt et estimées statistiquement laisse présager une fraude importante sur les surfaces. Enfin, l'absence quasi-totale de redevables des cotisations de solidarité est pour le moins surprenante.

· Le taux de recouvrement des cotisations est absolument désastreux, même dans le contexte " corse " : le taux de recouvrement des cotisations agricoles (exploitants et salariés) durant l'exercice d'émission a été de 38 % en 1997, alors qu'il dépassait la même année 90 % pour les cotisations du régime général (URSSAF) et 70 % pour les impôts directs. Le non paiement des cotisations concerne en premier chef les " institutionnels " du monde agricole : fin 1997, la Chambre d'agriculture de Haute-Corse devait ainsi près de 9 millions de francs à la MSA, le Centre d'économie rurale de Corse-du-Sud plus de 7, le Crédit agricole plus de 4, la FDSEA de Haute-Corse et la SAFER plus de 3, etc. Quant au recouvrement forcé, il n'existe pas : l'" huissier coordonnateur " a recouvré moins de 3 % du montant des créances qui lui ont été transmises de 1993 à 1998 et les procédures d'exécution forcée se comptent sur les doigts des deux mains.

· Ceci a naturellement conduit à l'accumulation d'une dette sociale agricole gigantesque, qui dépasserait aujourd'hui 900 millions de francs, soit trois fois le revenu brut agricole de l'île ! Cette dette apparaît assez concentrée, puisque le tiers repose sur les 100 plus gros comptes débiteurs, qui correspondraient à un nombre bien moindre de personnes ou d'organismes. Les plans gouvernementaux qui se sont succédés depuis dix ans pour régler ce problème ont échoué successivement ; environ un millier, soit plus du quart des effectifs, d'exploitants corses sont en permanence déchus de l'assurance maladie (en l'absence de recouvrement forcé, la déchéance de l'AMEXA constitue la seule sanction du non paiement des cotisations).

· L'analyse statistique des prestations montre la dérive de certaines : dans le régime des non salariés agricoles, les pensions d'invalidité et les allocations aux adultes handicapés sont ainsi trois à quatre fois plus fréquentes en Corse que dans la moyenne nationale ; les dépenses moyennes d'accidents du travail (régime des salariés agricoles) sont deux fois plus importantes ; l'incidence des " polypathologies " donnant droit à l'exonération du ticket modérateur est six à huit fois plus importante... Le médecin conseil de la Caisse, malgré vingt-quatre ans d'exercice, n'a pu fournir que des explications à la pertinence incertaine (l'incidence médicale du " stress " qui serait dû à l'insularité...) ou qui n'étant pas propres à la Corse, ne sauraient justifier l'écart statistique (le vieillissement de la population...). Quant au contrôle technique des prestations, il a fallu attendre 1997 pour qu'un croisement de fichiers avec l'INSEE permette de déceler 20 personnes décédées, parfois depuis quatre ans, auxquelles des retraites continuaient à être versées.

· La Caisse elle-même apparaît totalement désorganisée, ce que confirme la mission des Inspections générales, qui a constaté la très mauvaise tenue des dossiers individuels des affiliés, laquelle empêcherait de dresser un état exact fiable des dettes sociales de chacun. Elle arrive en termes de ratios de gestion au dernier rang des caisses de MSA et les taux d'absentéisme du personnel sont incroyables. L'équilibre financier des charges de gestion n'a été assuré jusqu'à présent que grâce à la compensation financière entre les caisses, les généreuses allocations du fonds d'adaptation qui a accompagné la réforme de cette compensation et un régime comptable dérogatoire qui dispensait la Caisse d'avoir à assumer le coût de trésorerie du non recouvrement (massif) des cotisations. La fin du régime de l'allocation d'adaptation et l'abrogation de la dérogation comptable placent virtuellement la Caisse en faillite.

2.- Les propositions de votre Rapporteur

Elles sont présentées en conclusion du rapport d'information précité :

· L'immatriculation et le calcul de l'assiette doivent être effectués avec rigueur :

- Les preuves de la réalité de l'exploitation et du respect du critère de demie SMI doivent être apportées dans le dossier d'affiliation ; en particulier, les contrats entre propriétaires et exploitants doivent respecter les formes du code rural ; en cas de propriété indivise, la totalité des indivisaires doivent être signataires des actes. L'abrogation de la partie de l'arrêté Miot dispensant de sanctions financières l'absence de déclaration des successions dans les six mois serait utile, compte tenu des multiples difficultés qui résultent du régime en vigueur bien au-delà de la question de l'affiliation à la MSA.

- Des recoupements systématiques avec l'administration fiscale et celle de l'agriculture doivent permettre de redresser les sous-déclarations de surface.

· L'amélioration du recouvrement et le paiement de la dette doivent s'inscrire dans un plan plus large :

- Des mesures spécifiques doivent permettre le développement des filières agricoles prometteuses : viticulture de qualité, élevage (lait et viande) destiné à des productions certifiées.

- Un plan social (comportant des préretraites, des aides à la conversion, etc.) doit permettre la cessation des exploitations non viables, dont le nombre varie selon les interlocuteurs de 250 à 800, soit de 7 à 25 % des exploitations corses.

- Après cessation des plus gros débiteurs, le reste de la dette sociale peut être rééchelonné, mais sans aucune mesure de remise de dette, car le renouvellement des mesures de remise de la dette bancaire a conduit apparemment à des fraudes caractéristiques (accumulation d'impayés à seule fin d'obtenir une prise en charge).

- A l'avenir, le paiement des encours de cotisations, qui n'est pas disproportionné aux encaissements déjà constatés, et le respect des plans de règlement de la dette doivent être exigés avec la plus grande rigueur ; les procédures de recouvrement forcé doivent être effectivement appliquées à tous les retards de paiement.

- Le recouvrement pourrait être facilité si les procédures permettant la saisie des aides versées par les organismes publics étaient allégées.

· Les prestations doivent être accordées dans le respect de la réglementation :

- Les recoupements de fichiers entre organismes de sécurité sociale et administrations doivent permettre un meilleur contrôle des conditions de ressources exigées pour certaines prestations, voire de la condition de vie.

- Une rotation régulière des médecins assurant le contrôle médical doit être instituée et leur recrutement être géographiquement diversifié.

- La prise en compte des revenus réels pour l'attribution du RMI aux exploitants agricoles et à leurs ayants droit pourrait être envisagée.

· La gestion de la caisse de Corse doit être fortement améliorée :

- La Caisse de Corse est confrontée, comme l'ensemble des caisses de MSA, au déclin de ses effectifs d'affiliés. S'y ajoutent d'une part les effets de la mauvaise gestion (faible productivité, absentéisme, non recouvrement), d'autre part les graves incertitudes sur l'avenir économique de l'agriculture corse et donc les ressources de gestion (cotisations complémentaires) de la Caisse. C'est pourquoi la Caisse de Corse est particulièrement désignée pour s'inscrire au plus vite dans le vaste mouvement de regroupement des caisses de MSA qui est nécessaire.

- De plus, des économies à hauteur d'au moins 20 % en trois à quatre ans doivent être réalisées.

3.- Une décision importante de votre Assemblée : le rétablissement des sanctions de droit pour non déclaration des successions

L'arrêté pris le 21 prairial an IX par l'administrateur Miot dispose notamment que reste abrogée en Corse la sanction pour défaut de déclaration de succession dans les six mois du décès. La conséquence fiscale d'une telle disposition, dont profitent aussi bien les plus grosses fortunes insulaires que les " continentaux " propriétaires de biens dans l'île n'échappe à personne... Mais la non-déclaration des successions a aussi des incidences très significatives dans d'autres domaines, dont celui d'investigation de votre Rapporteur : l'indivision généralisée des terres est une des causes essentielles de la non fiabilité du cadastre et de l'incertitude des affiliations au régime social agricole, la MSA de Corse n'ayant eu le choix qu'entre l'illégalité qu'elle a pratiquée (affilier des agriculteurs sans titres fonciers) et un respect des règles qui aurait conduit au refus d'affiliation de " vrais " agriculteurs. Toujours en matière sociale, il est clair que l'absence de déclarations de succession rend inopérantes les règles de récupération sur succession après versement du minimum vieillesse.

Notre Assemblée a donc eu raison, lors du débat sur la première partie de la loi de finances, d'adopter le rétablissement des sanctions pour non-déclaration des successions dans les six mois du décès en Corse.

Au demeurant, n'est pas modifié à cette occasion le mode de calcul spécifique des droits de succession sur les biens immobiliers en Corse. Quand bien même l'on reviendrait pour ce calcul au droit commun, les abattements à la base existant pour les droits de succession et le régime de faveur consenti aux terres agricoles données en bail à long terme limiteraient certainement les droits qui pourraient être assis sur la propriété rurale corse ; l'exonération aux trois quarts de la valeur des biens donnés en bail à long terme constituerait par ailleurs un encouragement au retour, dans les relations entre propriétaires et exploitants, aux formes normales du droit rural.

Il appartiendra au Gouvernement de proposer une réforme du statut fiscal de la Corse qui réglera cette question du calcul des droits sur les biens immobiliers et plus généralement s'attachera à proportionner les dérogations fiscales accordées à l'île aux objectifs poursuivis en matière de développement économique et de compensation des coûts liés à l'insularité.

4.- Les décisions du Gouvernement vis-à-vis de la Caisse de mutualité sociale agricole de Corse

Le ministre de l'Agriculture a pris vis-à-vis des instances de la Caisse de Corse les mesures immédiates qui s'imposaient :

- un arrêté du 30 septembre 1998 a suspendu son conseil d'administration et a nommé un administrateur provisoire (M. Georges Dorion, inspecteur général des affaires sociales) ;

- un arrêté du 16 octobre a retiré l'agrément au directeur de la Caisse.

La motivation de ces deux sanctions, dans leur dispositif même, est exceptionnellement détaillée : la suspension du conseil est ainsi justifiée par " la dégradation chronique du recouvrement (...), la défaillance persistante quant au recouvrement des créances auprès des bénéficiaires de prestations indues (...), la politique menée de manière constante par le conseil d'administration en appelant au gel des procédures de recouvrement des cotisations (...), le laxisme en matière de recouvrement en accordant un nombre important d'échéanciers de paiement en méconnaissant la situation financière de l'organisme (...), l'application irrégulière des textes législatifs et réglementaires relatifs à l'assujettissement (...) " ; l'insuffisance des mesures de redressement envisagées après la mise en demeure ministérielle du 25 mai 1998 et l'annulation du budget de 1998 par la tutelle (le 15 juin) est également soulignée.

L'arrêté supprimant l'agrément du directeur actuel de la caisse est encore plus précisément motivé ; sont ainsi soulignées :

" - l'absence délibérée de transmission à l'huissier coordonnateur de contraintes établies antérieurement à 1998 et relatives soit à des majorations de retard dues sur cotisations impayées, soit à des cotisations dues par des débiteurs ayant demandé un plan de règlement échelonné de leur dette, soit à des cotisations dues par certains débiteurs importants ;

" - l'annulation de cotisations dues par des adhérents radiés pratiquée sur simple déclaration et l'annulation de majorations de retard dues sur cotisations-sanctions impayées opérées par les services de la caisse sans que soient respectées les procédures législatives et réglementaires ;

" - l'absence de véritable contrôle sur les revenus d'activités agricoles ainsi que sur les ressources des bénéficiaires de prestations et la dissémination des dossiers administratifs dans les services de la caisse, mettant en évidence une désorganisation de l'organisme. "

Il est également indiqué que le non-respect des procédures réglementaires de recouvrement " a pour conséquence la prescription possible des créances " et que " les défaillances et négligences constatées dans le contrôle de l'affiliation de certains adhérents, malgré les observations réitérées de l'autorité de tutelle régionale, ont permis aux intéressés de bénéficier d'aides économiques indues. "

Au-delà des sanctions nécessaires (qui doivent également concerner à court terme l'agent comptable et les administrateurs non à jour de leurs cotisations), se pose la question du redressement : l'application du droit commun en matière de recouvrement et l'examen au cas par cas des dossiers des personnes endettées (en prenant en compte l'ensemble de leurs dettes) semblent être les orientations du Gouvernement, à l'exclusion de toute mesure générale de remise de dettes. Votre Rapporteur s'en félicite.

S'agissant de la Caisse elle-même, il est vrai que le travail nécessaire de reconstitution des dossiers individuels des affiliés peut occuper un certain temps le personnel actuellement en sureffectif (pour peu que l'absentéisme injustifié soit maîtrisé) ; cependant, pourra-t-on exclure durablement la réduction des effectifs, le sureffectif étant structurel et le nombre d'affiliés en recul ? L'option d'un regroupement de la Caisse de Corse avec une ou des caisses continentales ne peut être écartée par principe.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans sa séance du jeudi 1er octobre 1998, la Commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de M. Charles de Courson, rapporteur spécial, les crédits du budget annexe des Prestations sociales agricoles (BAPSA).

M. Charles de Courson a, en premier lieu, évoqué la stabilité globale du BAPSA, qui n'augmenterait, en 1999, que de 1,1 %. Il a précisé que les économies résultant du recul du nombre d'ayants droit du régime social des non salariés agricoles, supérieures à 1,2 milliard de francs, suffisaient en effet à compenser le coût de la poursuite de la revalorisation des petites retraites à l'initiative du Gouvernement.

S'agissant des recettes, il a noté le ralentissement de la croissance du produit des cotisations sociales, du fait du ralentissement de l'évolution du revenu agricole, et salué la mesure de simplification que constitue la suppression de l'imposition additionnelle à l'impôt foncier non bâti. Puis il a émis des doutes sur les prévisions effectuées sur le rendement de la fraction d'assiette de TVA affectée au BAPSA : d'une part, il a observé que la dégradation de la conjoncture internationale rendait incertaine la prévision de croissance économique du Gouvernement ; d'autre part, il s'est étonné de l'écart existant entre l'évolution prévue du produit global de la TVA de 1997 (réalisations) à 1999, soit + 8,5 %, et l'évolution du produit de la fraction affectée au BAPSA sur la même période, soit + 11,8 %. Il a également insisté sur la dotation d'un milliard de francs qui serait prévue au profit du budget annexe sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Considérant que ce prélèvement servait à financer la revalorisation des retraites, il en a critiqué le caractère non reconductible, puisqu'une dépense pérenne devrait être financée par une recette pérenne ; observant, en outre, que la C3S était désormais, depuis l'élargissement de son assiette en 1995, à la charge de nombreux redevables du monde agricole (coopératives et Crédit agricole notamment), il a souhaité une pérennisation du financement du BAPSA par une fraction de C3S au moins égale à la contribution due par ces redevables.

Traitant ensuite des dépenses, le Rapporteur spécial s'est tout d'abord étonné du niveau assez faible de dépenses d'intérêts prévu (173 millions de francs en 1999 contre 165 millions de francs en gestion 1998), contradictoire avec le relèvement de 8,5 à 10,5 milliards de francs du plafond de découvert de trésorerie qu'entraînerait apparemment la réduction de la subvention d'équilibre. Il a ensuite approuvé la mesure de clarification que constitue la réintégration au budget général des dépenses de fonctionnement du budget annexe, mais regretté que les crédits inscrits au titre de l'allocation de remplacement pour les femmes enceintes ne tiennent pas compte de l'amélioration proposée par le projet de loi d'orientation agricole en cours de discussion, alors que les autres dispositions de celui-ci (accès à la retraite proportionnelle pour les conjoints, majoration forfaitaire des retraites des conjoints et aides familiaux retraités après le 31 décembre 1997) sont d'ores et déjà prises en compte dans le BAPSA. Il a enfin analysé la revalorisation des retraites agricoles proposées par le Gouvernement, dont le coût annuel brut, 1,6 milliard de francs, s'ajouterait à celui des autres mesures adoptées depuis 1993, soit 5 milliards de francs.

Le Rapporteur spécial a, par ailleurs, indiqué qu'il reviendrait, dans son rapport écrit, sur le débat relatif à l'opportunité de conserver un budget annexe pour le régime social agricole compte tenu des lois de financements de la sécurité sociale, ainsi que sur la gestion de la Mutualité sociale agricole. Il a en particulier souligné les mesures qu'appelait la situation de la Caisse de Corse.

Considérant que le caractère non pérenne du financement par la C3S de la revalorisation des retraites constituait un grave problème, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il s'abstiendrait sur le vote du budget annexe.

M. Charles de Courson a ensuite présenté un amendement proposant de réduire les crédits afférents à l'allocation de remplacement des femmes enceintes, afin d'amener le Gouvernement à ajuster ces crédits en fonction du projet de loi d'orientation.

Après que le Président Augustin Bonrepaux eut souligné que le BAPSA 1999 comportait une importante mesure pour les retraités, la Commission a rejeté cet amendement, puis adopté les crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles. Elle vous demande d'émettre un vote favorable à l'adoption des crédits du budget annexe des Prestations sociales agricoles.

*

* *

Après l'adoption des crédits, le Rapporteur spécial a présenté un amendement, portant article additionnel, tirant les conséquences, dans le code rural, de la réintégration au budget général des crédits de fonctionnement du budget annexe. La Commission a adopté cet amendement.

Puis, le Rapporteur spécial a présenté un second amendement, portant article additionnel, visant à garantir l'attribution pérenne au budget annexe d'une fraction de la C3S au moins égale à la part de la contribution qui est assise sur les redevables agricoles. Il a indiqué qu'il s'agissait de préserver le financement des revalorisations des retraites agricoles, et ce dans la logique propre à la C3S, qui est de faire contribuer les sociétés aux régimes de sécurité sociale des professions indépendantes de leur secteur.

Mme Béatrice Marre a estimé qu'il était nécessaire de distinguer la question de la revalorisation des retraites agricoles, qui constituait un engagement fort du Gouvernement, et serait donc financée de toute façon, de la question de la répartition du produit de la C3S, qui devrait être débattue dans un autre cadre.

Après que le Président Augustin Bonrepaux eut indiqué que la loi de financement de la sécurité sociale, qui comporterait des dispositions relatives à la C3S, pourrait naturellement être ce cadre, la Commission a rejeté cet amendement.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Amendement de M. Charles de Courson, rapporteur spécial

Article additionnel avant l'article 75

Insérer les dispositions suivantes :

" Agriculture et pêche "

" Art.75 A - Les 13ème, 14ème, 15ème, 16ème et 17ème alinéas (b), c) et d) du 2°) de l'article 1003-4 du code rural sont abrogés. "

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