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Commission des affaires économiques

Mercredi 26 juin 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 97

Présidence de M. François Brottes Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition ouverte à la presse, de Mme Elisabeth Ayrault, dont la nomination en qualité de présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône est envisagée par le Président de la République puis vote sur cette nomination

– Examen pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 1120) (M. Yves Blein, rapporteur pour avis)

La commission a auditionné, en application de l’article 13 de la Constitution, Mme Elisabeth Ayrault, dont la nomination en qualité de présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône est envisagée par le Président de la République.

M. le président François Brottes. Ainsi qu’il a été demandé par le Président de l’Assemblée nationale dans un courrier du 13 juin dernier, la commission des affaires économiques doit, en application de l’article 13 de la Constitution, rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Parmi les 51 personnalités listées par la loi organique, 13 doivent faire l’objet d’un avis de notre commission, ce qui la place au deuxième rang des commissions les plus sollicitées sur le fondement de l’article 13 de la Constitution. Conformément au dernier alinéa de cet article, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Nous auditionnons aujourd’hui Mme Élisabeth Ayrault, personnalité pressentie pour occuper les fonctions de présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). On se souvient que la nomination de son prédécesseur, M. Yves de Gaulle, avait donné lieu à des débats houleux sur la question de savoir si la CNR basculerait totalement dans GDF Suez ou si elle resterait une entreprise publique.

Quant au déroulement de la procédure, si cette audition est publique, le scrutin est secret, doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée et ne peut donner lieu à délégation de vote. Il sera effectué par appel public et des bulletins seront distribués à cet effet. Enfin, le dépouillement du scrutin qui sera effectué par deux scrutateurs, aura lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l’article 5 modifié de l’ordonnance du 17 novembre 1958. La commission des affaires économiques du Sénat ayant auditionné Mme Ayrault le 19 juin dernier, le dépouillement du scrutin aura lieu immédiatement après le vote, nos collègues sénateurs étant alertés pour procéder simultanément à la même opération. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée nationale, puis de vous en informer lors de la prochaine réunion de notre commission.

Avant que Mme Élisabeth Ayrault ne se présente, je précise qu’elle n’a strictement aucun lien de parenté avec notre Premier ministre.

Mme Élisabeth Ayrault. Mon exposé comportera trois parties : je commencerai par mon parcours professionnel, puis j’exposerai la situation actuelle de la CNR et enfin son avenir.

Quant à mon parcours professionnel, tout d’abord : architecte de formation, j’ai complété mon parcours universitaire par un diplôme supérieur post-universitaire à l’Institut agronomique méditerranéen, un diplôme d’études approfondies (DEA) de géographie urbaine et un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de l’Institut d’administration des entreprises. Puis j’ai débuté ma vie professionnelle dans les Pyrénées-orientales, où j’ai créé un cabinet d’urbanisme et d’architecture.

Pendant sept ans, j’ai travaillé aux côtés des élus, à l’époque où nous développions en France les plans d’occupation des sols et les zones d’aménagement concerté (ZAC). C’est à cette occasion que j’ai participé au montage de la première ZAC sans expropriation de France, avec plus de 700 propriétaires fonciers, ce qui m’a permis d’acquérir une certaine expérience des débats publics et de la recherche d’un consensus entre les élus locaux, l’État et les propriétaires fonciers. J’ai ensuite poursuivi ma carrière à la SAE, où j’ai travaillé au montage de projets immobiliers. Puis j’ai pris la direction régionale de Dumez Immobilier Promotion, où j’ai eu l’occasion de diriger des projets importants dans le sud de la France, dans le contexte particulièrement difficile de la crise immobilière des années 90.

En 1998, j’ai intégré Elyo, société spécialisée dans l’efficacité énergétique : j’y ai successivement occupé les postes de direction des grands comptes, de directeur commercial pour l’Europe, puis de directeur de la région Île-de-France. J’ai alors beaucoup travaillé sur l’ouverture du marché de l’électricité dont l’impact sur les métiers d’Elyo fut très important, sur les réseaux de chaleur urbains et sur le facility management. J’ai aussi contribué au début de réflexion du groupe Suez sur l’aménagement urbain durable.

En 2009, j’ai intégré le secteur de la gestion des déchets puisque j’ai été nommée directeur général de Sita pour la région Île-de-France. J’ai alors dû assurer la gestion d’enjeux sociaux complexes, compte tenu de la très grande diversité de nos équipes où 33 nationalités sont représentées parmi les 3 200 personnes de la filiale. Enfin, depuis 2011, je suis directeur général délégué de Sita France, société de 20 000 personnes. Les principaux enjeux actuels qu’a à traiter l’entreprise sont la mutation des modes de traitement des déchets en France et la rupture de business model qui les accompagne. Cette mutation contraint ainsi nos directions générales à œuvrer à la transformation des entreprises.

Mon parcours professionnel a donc été guidé par l’intérêt que j’ai toujours porté au fait de participer au développement des entreprises et à la gestion d’équipes – et ce, quels que soient les métiers que j’ai exercés.

S’agissant à présent de la CNR, créée en 1933, elle s’est vu confier par l’État la concession du Rhône depuis le lac Léman jusqu’à la Méditerranée, en vue d’exercer trois missions complémentaires : grâce aux revenus générés par la production d’hydroélectricité, elle avait pour tâche d’améliorer la navigation ainsi que l’irrigation de la vallée et autres usages agricoles. Dans ce cadre, la CNR a édifié sur le fleuve des centrales hydroélectriques, des barrages, des écluses, des sites industriels et portuaires et des ports de plaisance sur le Rhône. En 1946, la compagnie est restée indépendante et publique. L’exploitation des ouvrages construits fut alors assurée par EDF pour le compte de celle-ci.

Dans les années 2000, le capital et la gestion de la CNR, de même que sa façon d’exercer son métier d’aménageur et d’optimisateur des potentiels du Rhône, ont connu des évolutions importantes du fait de celle des marchés de l’électricité. En effet, en 2001, saisissant l’opportunité de la libéralisation des marchés de l’énergie, et la fin du monopole de production d’EDF, la CNR est devenue producteur et gestionnaire autonome d’électricité de plein exercice, ce qu’elle était avant 1946. Jusqu’en 2006, elle s’est encore appuyée sur les ressources d’EDF pour exploiter les ouvrages hydrauliques dans le cadre d’un contrat global d’exploitation. En 2006, elle a décidé de ne pas renouveler ce contrat et a intégré 307 agents d’EDF. Cette innovation organisationnelle – une première dans le secteur des industries électriques et gazières – a ainsi permis à la Compagnie d’opérer une mutation complète et réussie.

Aujourd’hui, la CNR est une société à capital majoritairement public, reposant sur trois grands types d’actionnaires : le groupe GDF Suez, la Caisse des dépôts et consignations et des collectivités locales.

La première mission de la CNR étant l’aménagement du Rhône en vue de produire de l’électricité, la Compagnie est désormais le premier producteur français d’électricité d’origine exclusivement renouvelable, et le deuxième producteur d’électricité en France. La CNR a ainsi produit 15,7 térawattheures en 2012, dont 93 % sont issus de la production hydraulique, 7 % de l’éolien et 0,3 % de l’énergie photovoltaïque. La Compagnie exploite un patrimoine de 19 centrales hydroélectriques, 9 petites centrales et 8 mini-centrales, mais aussi de 26 parcs éoliens et 5 centrales photovoltaïques.

Pour faire face au caractère fluctuant d’une production soumise aux aléas climatiques ainsi qu’aux importantes variations de la demande d’électricité, la CNR a su développer un savoir-faire dans la gestion des énergies intermittentes, qui fait son originalité. Il repose sur une organisation et des outils lui permettant d’anticiper les conditions hydrométéorologiques, d’adapter la production aux besoins du marché en modulant la production hydraulique, et de piloter en temps réel l’ensemble du parc en limitant le coût des écarts entre prévisions et production réelle. La CNR dispose ainsi d’équipes dédiées à la gestion et la commercialisation de l’énergie qui travaillent dans un espace commun. Cette démarche intégrée permet d’optimiser la valeur de la production du Rhône, mais aussi de développer de nouveaux actifs, grâce à une vision de producteur tenant compte de toute la chaîne de valeur, depuis la prospection jusqu’à l’exploitation et la valorisation.

La deuxième mission de la Compagnie consiste à développer la navigation sur le Rhône. Elle est ainsi le promoteur d’une voie navigable à grand gabarit longue de 330 kilomètres et reliant Lyon à la Méditerranée. Depuis mars 2012, le Centre de gestion de la navigation développé par la Compagnie est totalement opérationnel : les 14 écluses à grand gabarit de Lyon à la mer sont commandées à distance 24 heures sur 24 et en toute sécurité. Ce centre gère ainsi le trafic fluvial grâce à une vision globale de la circulation. Le transport fluvial est un mode de transport sûr, peu polluant et économique, qui s’est développé au cours de ces dernières années : en 2012, plus de 5 millions de tonnes de marchandises ont été transportées et plus de 165 000 passagers ont emprunté le Rhône. Pour mémoire, un convoi poussé de 4 400 tonnes équivaut à 110 wagons de 40 tonnes, soit 3 ou 4 trains. Et ce sont aussi 200 camions évités sur les routes de la vallée du Rhône ! En outre, le transport fluvial permet d’éviter deux tiers des émissions de CO2 émises pour le même volume transporté par la route.

Enfin, la CNR a aménagé 18 plates-formes industrielles le long du Rhône, reliées à la voie d’eau, avec pour tête de pont, le Port de Lyon Edouard-Herriot : ces aménagements favorisent le développement d’activités industrielles tout au long de la vallée.

L’un des aspects méconnus de la Compagnie est son savoir-faire en matière d’ingénierie fluviale et hydroélectrique. Capitalisant sur son expertise d’aménageur et d’exploitant, la CNR a en effet développé dans ce secteur des prestations reconnues partout dans le monde : l’activité de ce bureau d’études intégré se répartit entre deux tiers de missions internes et un tiers de contrats pour compte de tiers, en France et à l’étranger. En 2011, CNR Ingénierie a ainsi reçu le Grand prix national de l’énergie pour son travail réalisé dans le cadre du projet de doublement des écluses du Canal de Panama.

Quant au modèle que représente la CNR, si les recettes issues de la vente de son électricité sur le marché européen permettent à la Compagnie d’assurer ses trois missions de concessionnaire, celle-ci y a volontairement adjoint une mission complémentaire en 2003, en élaborant des plans de missions d’intérêt général (MIG) en faveur de la communauté rhodanienne – soit une novation majeure dans la vie de la CNR et de ses partenaires. Ces missions d’intérêt général sont formalisées dans des programmes quinquennaux auxquels s’engage le concessionnaire d’ici à 2023. Proposés et mis au point avec les représentants de l’État concédant, ces engagements sont ensuite validés par le conseil de surveillance. Ils sont le fruit d’une réflexion menée avec la communauté rhodanienne, les collectivités territoriales, les usagers du fleuve et les populations riveraines.

Le deuxième plan MIG arrivant à échéance à la fin de l’année, le troisième plan sera présenté au conseil de surveillance de la Compagnie le 5 juillet prochain : il s’inscrira dans la lignée des deux plans précédents avec, comme fil conducteur, le développement durable. L’ensemble de ces plans porte en effet sur quatre grands domaines : la navigation et le développement de la voie navigable – par exemple, avec le développement de nouveaux services aux usagers de la voie d’eau qui ne figuraient pas dans le cahier des charges d’origine de la concession –, la production d’hydroélectricité – notamment avec la valorisation énergétique des débits réservés –, l’environnement – avec la gestion environnementale des zones d’activité – et l’ancrage local – en particulier par le biais de partenariats avec les fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique.

Ces missions d’intérêt général ont été intégrées au Plan Rhône, marquant ainsi l’aboutissement d’un travail de définition des grandes orientations stratégiques autour de ce fleuve et confirmant l’engagement financier de chacun. Un tel modèle économique est singulier – et même unique en France : en effet, la CNR inscrit ses actions dans une perspective à long terme combinant l’efficacité économique, l’équité sociale, l’intérêt collectif et le respect de l’environnement. Ce « modèle CNR » a ainsi fait de la Compagnie un concessionnaire exemplaire, leader du développement durable, qui redistribue une grande partie de la valeur créée. À titre d’exemple, en 2012, la CNR a versé 185 millions d’euros à l’État au titre de la redevance hydroélectrique – et 1,5 milliard d’euros sur 10 ans –, 374 millions d’euros d’impôts d’État, sans oublier les recettes issues de l’exercice de ses missions d’intérêt général qui ont permis à la CNR de verser 30 millions d’euros au cours du dernier plan quinquennal et de poursuivre la construction d’une partie des pistes cyclables de la ViaRhôna, destinée à relier le Lac Léman à la Méditerranée, de restaurer les lônes et de remettre en navigabilité une partie importante du haut-Rhône.

En résumé, la CNR crée de la valeur en gérant, en développant ou en faisant l’acquisition de nouveaux actifs de production, en vallée et hors vallée, dans les secteurs hydraulique, éolien et photovoltaïque – répondant ainsi aux objectifs de la politique énergétique française – tout en redistribuant cette valeur à l’État, à ses actionnaires, aux collectivités parties prenantes et aux salariés.

Avant d’évoquer l’avenir de la CNR, je souhaiterais rendre hommage à Michel Margne et Yves de Gaulle : le premier, ici présent, est d’ailleurs resté président du conseil de surveillance de la CNR, assurant ainsi le lien avec l’histoire de la Compagnie. Grâce à leurs efforts, la CNR a poursuivi son développement tout en respectant les missions qui lui ont été confiées par l’État.

S’agissant de mes ambitions pour la CNR, dans l’hypothèse où vous confirmez que ma candidature est recevable, je souhaiterais m’inscrire dans la continuité en m’appuyant sur le plan stratégique d’entreprise 2012-2017, qui a été élaboré par mes prédécesseurs et les équipes de la CNR. La Compagnie tire en effet sa richesse de l’eau, du vent et du soleil. Elle a ainsi acquis dans ces domaines une expertise précieuse, que je souhaite renforcer pour poursuivre son expansion. La CNR étant un acteur reconnu de l’énergie hydroélectrique et, depuis quelques années, des énergies photovoltaïque et éolienne, je compte renforcer cette position en continuant à développer l’hydroélectricité dans la vallée du Rhône, ou hors vallée lorsque cela sera possible. Je m’emploierai ainsi à réaliser les projets de petites centrales que la CNR a prévu d’installer sur le Rhône. De même, la CNR se positionnera sur de nouvelles concessions, lorsque les conditions le permettront. Quant à l’éolien et au photovoltaïque, la CNR poursuivra leur développement en rachetant des parcs existants, ou en développant de nouveaux projets.

Les objectifs définis par le plan stratégique d’entreprise de la CNR sont ambitieux puisque, à l’horizon 2017, la CNR souhaite augmenter sa capacité hydraulique installée de 1 000 à 1 500 mégawatts, sachant que 3 000 mégawatts sont actuellement installés, de doubler sa capacité dans le secteur éolien, qui s’élève aujourd’hui à 290 mégawatts installés, et enfin de porter sa production photovoltaïque de près de 15 à 100 mégawatts-crête. Or, ces développements ambitieux supposent que le marché de l’énergie – européen désormais – le permette, mais aussi que la réglementation française, souvent trop changeante pour un industriel, se stabilise, et que la présence de nos actionnaires nous permette de nous appuyer sur une expertise plus large que celle de la CNR – notamment en faveur du développement de l’énergie hydrolienne, domaine encore balbutiant mais prometteur. Au-delà du développement d’énergies renouvelables, dans la vallée ou hors vallée, le fleuve Rhône présente encore un potentiel de développement dans le transport fluvial et la valorisation des patrimoines fonciers de la CNR, qui peuvent accueillir de nouvelles zones de développement économique, ou des projets d’installations photovoltaïques ou d’éoliennes.

Cette stratégie de développement s’appuiera sur trois piliers indispensables :

- le maintien du modèle CNR, tout d’abord, associant le fait de puiser dans les territoires ses sources d’énergie – le vent, l’eau, le soleil – à une politique de redistribution locale, tout en conservant un équilibre dans le partage de la valeur entre l’État, les actionnaires, les collaborateurs et les collectivités locales ;

- l’innovation, ensuite, qui doit imprégner toute l’entreprise et lui permettre d’inventer des offres à forte valeur ajoutée, comme celle de Move in Pure, concept de recharge intelligente pour véhicules électriques, et d’améliorer nos processus de pilotage et de maintenance de nos installations ;

- enfin, l’excellence industrielle, indispensable à la vie de toute entreprise, mais particulièrement aux missions de la CNR qui doit assurer la sûreté et la sécurité des ouvrages qu’elle exploite, en respectant les exigences environnementales, et en assurant une maintenance exemplaire d’outils industriels qui ne lui appartiennent pas mais dont elle assure l’exploitation dans le cadre de la concession qui lui a été confiée.

Mme Marie-Noëlle Battistel. La CNR a réalisé l’an dernier son meilleur chiffre d’affaires depuis dix ans. À ce titre, elle suscite bien des appétits. Son modèle social exemplaire en fait par ailleurs un bel outil de redistribution des richesses. Votre prédécesseur, M. Yves de Gaulle, avait indiqué qu’il ne disposait d’aucun mandat pour œuvrer à la modification de l’actionnariat de la CNR. Même si toute modification de la structure du capital suppose l’adoption d’un texte législatif, quel est votre avis sur un sujet qui suscite l’inquiétude des syndicats ? GDF Suez tentera-t-il de mettre la main sur l’or du Rhône, comme l’écrivait récemment Lyon Capitale ?

M. le président François Brottes. Je rappelle en effet que GDF Suez détient 49,97 % du capital de la CNR …

Mme Marie-Noëlle Battistel. Concernant l’énergie, la CNR s’est fixé des objectifs ambitieux de développement actif, en particulier dans les secteurs hydraulique, photovoltaïque et éolien. Comment envisagez-vous le développement de l’offre énergétique de la CNR en complément de l’hydroélectricité ? Quel rôle concret entendez-vous jouer en matière de recherche et d’innovation dans le cadre de la transition énergétique ?

La CNR étant une compagnie mi-publique mi-privée, elle dispose d’un statut particulier de société anonyme d’intérêt général dont l’actionnariat, majoritairement détenu par le secteur public, est réparti entre la Caisse des dépôts et consignations, les collectivités locales et le groupe GDF Suez. Quelles sont, selon vous, les forces et faiblesses de ce mode de fonctionnement, notamment dans le cadre du modèle économique et des missions d’intérêt général de la Compagnie ? Quel rôle les collectivités locales peuvent-elles jouer demain dans le secteur hydraulique, notamment par le biais des sociétés d’économie mixte ?

Quels atouts le groupe GDF Suez peut-il apporter au développement de la CNR ? Est-il possible de mieux impliquer le tissu industriel français dans les projets de développement de la CNR, notamment l’écosystème des industriels de l’hydroélectricité ? Avez-vous des clients électro-intensifs ou revendez-vous toute votre production d’électricité sur le marché ? Si oui, selon quelles modalités ? Sinon, pourquoi ?

Compte tenu de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, et notamment de la loi NOME, l’exploitation des barrages hydroélectriques risque d’être privatisée. Dans le cadre de la mission que je conduis actuellement avec M. Éric Straumann, nous avons relevé des difficultés importantes à cet égard : ainsi le cahier des charges de la Compagnie demeure-t-il trop flou à ce stade. En outre, la réciprocité est loin de constituer un principe évident : j’ignore en tout cas si la CNR a tenté de s’implanter à l’étranger autrement qu’en acquérant des actions. L’incohérence du découpage dans certaines vallées pourrait à terme désoptimiser la production, sans parler des incertitudes afférentes au statut des salariés – notamment de ceux qui ne sont pas directement affectés à des ouvrages – ni des interrogations pesant sur l’entretien et la sécurité des ouvrages, la gestion de la ressource en eau à long terme et la gestion des différents usages de l’eau. En un mot, les conséquences de cette privatisation pourraient être considérables et la tentation de spéculer sur la production d’électricité est réelle.

Dans ce contexte, comment envisagez-vous de préparer la CNR au renouvellement de la concession qui arrive à échéance en 2023 ? Quels atouts comptez-vous mettre en avant et quelles compétences avez-vous l’intention de développer ? Un tel choix sera opéré en fonction des investissements que les différents candidats s’engageront à réaliser. Vos concurrents – qu’il s’agisse d’EDF, des Espagnols, des Norvégiens, des Suédois, des Suisses ou d’autres – seront candidats sur vos barrages. Il vous faudra donc convaincre tous vos actionnaires de s’engager à investir : les collectivités locales pourront-elles suivre ? GDF Suez sera-t-il seul pour répondre à l’appel d’offre ?

Enfin, concernant les transports, la CNR est responsable du transport fluvial dans le cadre de sa concession sur le Rhône : quelles sont les grandes lignes de la politique que vous entendez conduire d’ici à la fin de la concession en 2023 pour développer ce mode de transport ? Dans le cadre du cahier des charges de la concession, quelles priorités la CNR se fixe-t-elle dans ce secteur et quelles sont les difficultés à surmonter ? Le transport fluvial mérite d’être encouragé mais le projet de canal Rhin-Rhône dont la CNR était le principal financeur dans les années 2000 est à l’arrêt : comptez-vous le relancer ?

M. Antoine Herth. Comment concevez-vous l’articulation entre la CNR et Voies navigables de France quant à l’organisation de la navigation – et en particulier en ce qui concerne le développement du fret fluvial en France ?

D’autre part, le projet de liaison entre le Rhin et le Rhône par le biais d’un canal à gabarit raisonnable apparaît aux Alsaciens comme une sorte, non pas de serpent de mer, mais de « serpent de fleuve » : s’il patine actuellement, il risque fort d’être « touché-coulé » lorsque Philippe Duron rendra les conclusions de son rapport. Quoi qu’il en soit, on relève pour le moins un manque de volontarisme de la part de Lyon et de l’aval du Rhône sur ce sujet. Ce projet s’intitule d’ailleurs « Saône-Moselle Saône-Rhin » pour éviter d’évoquer le Rhône alors même que d’un point de vue stratégique, il serait intéressant de relier le port de Marseille à l’économie du Nord de l’Europe.

Dans le domaine agricole, le développement de l’irrigation dans le bas-Rhône a permis de résoudre une crise viticole majeure, en offrant notamment aux agriculteurs l’opportunité de se reconvertir dans la production fruitière grâce à la disponibilité de l’eau. Mais parallèlement, un projet d’approvisionnement de la Catalogne a également vu le jour : vous paraît-il écologiquement raisonnable de soustraire autant d’eau de ce fleuve que nous apprécions tant ? D’autres exemples sur la planète illustrent en effet à quel point, à force d’utiliser l’eau des cours d’eau pour l’irrigation, il n’en reste plus guère pour leur permettre d’assurer leurs fonctions naturelles.

Enfin, quant à l’articulation entre la CNR et EDF, la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim sera bientôt fermée si l’on en croit les annonces du Président de la République. Or, l’un des arguments avancés pour justifier cette fermeture consiste à souligner qu’en cas de tremblement de terre, il pourrait y avoir une rupture de l’alimentation de la centrale en eau depuis le Rhin – eau pourtant nécessaire à son refroidissement. Dans la mesure où la CNR assure la gestion de l’eau et EDF, celle des centrales, en cas de crise, comment pourrez-vous conjointement garantir qu’à tout moment, les centrales nucléaires seront alimentées en eau et éviter ainsi l’accident advenu récemment à Fukushima ?

Mme Jeanine Dubié. Votre CV, qui présente en détail votre parcours professionnel brillant, témoigne de vos compétences et de vos qualités pour peut-être assurer demain ce nouveau poste. J’en retiens votre travail ancré dans nos territoires, qui correspond bien au modèle de la CNR. La Compagnie a en effet une histoire bien particulière : créée en 1933, elle s’est vu confier la concession du Rhône en 1934 afin d’aménager et d’exploiter celui des fleuves français qui a le plus de capacité en termes d’hydroélectricité, depuis le lac Léman jusqu'à la Méditerranée.

Si les récentes évolutions du capital de la CNR ont suscité des remous, les débats relatifs à la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) en 2010 ont montré que ces évolutions correspondaient à des sujets politiquement sensibles. Aujourd’hui, le capital de la CNR est majoritairement détenu par des personnes publiques – la Caisse des dépôts et consignations et les collectivités territoriales – mais les velléités de GDF Suez sur cet actionnariat sont connues. Quelle est votre vision de son évolution dans les prochaines années ? La privatisation est-elle une perspective souhaitable pour la Compagnie ?

D’autre part, le savoir-faire de la CNR est unanimement reconnu, non seulement dans le secteur hydraulique mais plus généralement dans la gestion des énergies intermittentes. Or, notre débat sur la transition énergétique a justement mis en lumière toute l’importance de cette gestion pour parvenir à intégrer au mieux les énergies renouvelables dans notre bouquet énergétique. Dans cette perspective, on peut donc légitimement affirmer que la CNR maîtrise des techniques promises à un grand avenir. Cependant, la transition énergétique ne pourra être assurée sans une adaptation – en temps réel – de la production aux besoins du marché avec un pilotage fin afin de limiter les pertes entre les prévisions et la production : dans quelle mesure la CNR peut-elle contribuer à cette transition ? Le peut-elle notamment en diffusant ce savoir-faire spécifique au niveau national au profit des autres énergies renouvelables ?

Quant à la concession, elle sera nécessairement remise sur le marché à son terme, soit en 2023. La concurrence risque par conséquent d’être rude entre les différents acteurs énergétiques qui devront investir dans l’entretien et la modernisation des barrages. D’ici là, comptez-vous convaincre vos actionnaires de le faire ?

M. Franck Reynier. La CNR exerce de nombreuses missions, toutes fondées sur la production d’hydroélectricité. Vous avez en outre mentionné sa mission d’amélioration de la navigation, d’irrigation et autres usages agricoles. La CNR constitue une entreprise rentable et efficace dont le capital est détenu à près de 50 % par GDF Suez, à plus de 33 % par la Caisse des dépôts et consignations et à plus de 16 % par les collectivités territoriales et consulaires. Que vous souhaitiez pérenniser ce modèle, comme vous l’avez affirmé dans votre présentation, rassurera celles des collectivités qui s’inquiétaient des évolutions possibles. Pourriez-vous le confirmer à nouveau ?

Quant au volet innovation, la CNR a développé de nombreux projets dans le domaine des énergies renouvelables éolienne et photovoltaïque. Or, nous sommes tous confrontés sur nos territoires à la difficulté de faire accepter de tels projets par nos administrés. Dans la mesure où vous disposez d’une ressource foncière abondante, les collectivités territoriales pourraient-elles envisager des partenariats avec la CNR en faveur du développement des énergies renouvelables ?

Quant au transport fluvial et aux plates-formes portuaires, la multimodalité constitue désormais un enjeu important dans la vallée du Rhône. Des projets de développement ou d’extension de plates-formes portuaires sont-ils prévus ?

Enfin, quel est le positionnement stratégique de la CNR vis-à-vis de l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques sur le Rhône ?

M. Éric Straumann. La CNR constitue un partenaire important pour les collectivités territoriales. Elle leur reverse en effet une redevance de 12  %, soit près de 200 millions d’euros, somme conséquente au regard de la conjoncture actuelle. En revanche, sur le Rhin, EDF ne reverse quasiment rien aux collectivités locales alors même que cette entreprise exploite dans les mêmes conditions le fleuve séparant la France de l’Allemagne. L’Alsace serait donc heureuse de pouvoir bénéficier, elle aussi, d’une redevance. Cette donnée historique s’explique par le fait que les élus de l’époque avaient mieux négocié les conditions d’exploitation du Rhône que du Rhin.

S’agissant de l’abandon du projet de canal censé relier le Rhône au Rhin, ce fut une erreur économique majeure que de ne pas vouloir relier Marseille à Rotterdam pour donner un gage aux écologistes, tout comme on commet aujourd’hui l’erreur de vouloir fermer la centrale de Fessenheim.

Quant à votre nomination, quelles perspectives de développement souhaitez-vous fixer à la Compagnie ? Pensez-vous créer de nouveaux ouvrages et valoriser les équipements existants ?

Enfin, s’il existe de nombreux opérateurs étrangers en France, souhaitez-vous développer la Compagnie sur les marchés étrangers ?

M. Dino Cinieri. Grâce au conseil régional Rhône-Alpes, à la CNR et à Rhône-Alpes Tourisme, la ViaRhôna, voie verte et piste cyclable reliant le Lac Léman à la Méditerranée le long du Rhône, est déjà à moitié construite en Rhône-Alpes. Il ne reste donc plus qu’à en édifier 215 kilomètres, dont le point noir est le couloir de la chimie, situé au sud de Lyon. Pour la région Rhône-Alpes et les professionnels du tourisme, une fois terminée, la ViaRhôna devrait jouer un rôle d’attraction touristique majeure suscitant la création de nombreuses entreprises le long de son tracé : la date-limite fixée en 2015 sera-t-elle tenue ? Les obstacles du couloir de la chimie sont-ils surmontables ?

M. Alain Marc. Je serais pour ma part très heureux qu’une femme au parcours remarquable, qui plus est sans être issue de nos grandes écoles nationales – l’ENA ou Polytechnique – accède à ce poste.

Comment pensez-vous développer des projets hydroélectriques au niveau national compte tenu des réticences des pêcheurs et des écologistes ? Serait-il nécessaire de modifier la loi pour faciliter et accélérer les procédures ?

M. Lionel Tardy. Le périmètre de la CNR est-il appelé à s’étendre ? Car, à part un projet de centrale hydroélectrique en Albanie, je ne vois rien venir.

Nous serons attentifs aux conditions de mise en concurrence des concessions hydrauliques, notamment dans certaines vallées alpines.

Nous avons également compris que vous comptiez vous déployez dans le secteur des éoliennes, notamment dans le nord-ouest de la France. Nous en reparlerons …

Mme Élisabeth Ayrault. J’affirme solennellement que je n’ai reçu aucun mandat pour faire évoluer l’actionnariat de la CNR. Cela n’entre d’ailleurs pas dans le rôle de président du directoire que le conseil de surveillance de la société a bien voulu, à l’unanimité de ses membres, me proposer, et non à l’initiative de GDF Suez. Ma mission consistera à diriger l’entreprise selon son intérêt social, sans confondre celui-ci avec celui de tel ou tel actionnaire.

Il m’appartiendra toutefois, en tant que présidente du directoire, d’entretenir un étroit dialogue avec les actionnaires de l’entreprise. Si la CNR veut aborder sereinement le renouvellement de sa concession en 2023 et se développer, notamment à l’étranger, il me faudra rechercher ce que chacun de ses trois grands actionnaires peut apporter dans ce but. C‘est ainsi que je compte trouver chez GDF Suez une expertise industrielle complémentaire de celle que détient aujourd’hui la CNR ainsi que des retours d’expérience nous assurant une certaine sécurité dans notre développement. J’attends de la Caisse des dépôts et des consignations, comme des collectivités locales, qu’elles m’apportent une connaissance approfondie des territoires et favorisent notre développement économique le long du fleuve.

Compte tenu de ma carrière de manager, je dirigerai la CNR dans la continuité du plan stratégique d’entreprise arrêté par mes prédécesseurs et, je le répète encore, sans chercher à en faire évoluer l’actionnariat.

Dans la balance des forces et des faiblesses de la CNR, je ne vois en vérité que des forces. Nous ne sommes plus en 1933 et il serait difficile de rebâtir un modèle comparable. Mais je regrette qu’on ne puisse le dupliquer dans d’autres secteurs que l’énergie tant ses vertus sont grandes, permettant notamment d’associer toutes les parties prenantes, y compris les salariés, à la création de richesses par la compagnie. Cela compta d’ailleurs beaucoup dans ma décision d’accepter la candidature que l’on me proposait.

Les difficultés éprouvées dans le développement de nouveaux outils industriels, même bien acceptés collectivement comme les énergies renouvelables, sont cependant bien réelles, particulièrement dans les domaines des éoliennes, du photovoltaïque ou des nouveaux barrages hydroélectriques, et cela partout en France. Le modèle de la CNR devrait faciliter les choses car il permet de réunir autour d’une table l’ensemble des parties prenantes. Avantage dont ne disposent évidemment pas d’autres sociétés intervenant dans les mêmes secteurs. Il permet aussi de mieux impliquer le tissu industriel.

La CNR vend aujourd’hui son électricité sur le marché, répondant pour cela, dans un contexte concurrentiel, à des appels d’offres de la part des électro-intensifs. Elle ne passe pas, hors de cette procédure transparente, de marchés de gré à gré.

L’avenir de la compagnie est lié à deux grandes questions. Comment développera-t-elle ses activités jusqu’en 2023, notamment avec les collectivités locales, pour l’implantation de sources d’énergies renouvelables le long du Rhône ?

Mais s’il apparaît prématuré de discuter du contenu de la nouvelle concession, le modèle offert par la CNR durant une période exemplaire, constituera, le moment venu, son meilleur argument de négociation avec l’État. Le futur cahier des charges devrait en tenir compte.

Les réseaux de chaleur appartiennent à la collectivité, même si leur exploitation peut être confiée à des entreprises comptant des capitaux privés. C’est ainsi que la CNR n’est pas propriétaire des barrages et des autres installations de production d’énergie qu’elle exploite : ils lui sont seulement confiés pendant une durée déterminée et donc révocable. L’entreprise doit donc constamment fournir la preuve de ses compétences en matière de maintenance et d’innovation. En 2023, elle devra remettre l’ensemble de ses installations, notamment les barrages, en parfait état de marche. Pour solliciter, dans les meilleures conditions possibles, un renouvellement de sa concession, le concessionnaire doit s’être montré irréprochable.

Comment concilier la production hydro-électrique et la navigation sur le Rhône ? Les inévitables contraintes techniques de la première n’ont pas empêché le développement de la seconde au cours des dernières années : entre 2001 et 2012, le transport fluvial a progressé de plus de 60%. La CNR étant à la fois chargée de la navigabilité du fleuve et de la production d’électricité hydraulique, elle dispose d’une vision globale facilitant la gestion des différentes contraintes.

Je crois beaucoup, dans notre cas, à la prise en compte des divers équilibres qui conditionnent la situation globale d’une entreprise en évitant de « siloter » ses activités et de jouer au contraire des synergies rendues possibles par une concession intégrale du fleuve. La CNR en remplit d’autant mieux ses trois grandes missions : la production électrique, la navigabilité, l’irrigation et l’aménagement des berges.

La CNR participe évidemment et activement au débat national sur la transition énergétique, non seulement parce qu’elle produit des énergies renouvelables mais aussi parce qu’elle a développé sa capacité à gérer des énergies dites intermittentes, associant à la fois l’éolien, le photovoltaïque et l’hydraulique, lequel intervient pour ajuster l’injection électrique dans les réseaux.

Le débat sur la transition énergétique montre qu’il nous faut encore développer en France les énergies renouvelables, dont la CNR est reconnue comme une spécialiste. Elle doit donc continuer dans cette voie.

Le renouvellement de futurs appels d’offres éventuels pour le renouvellement des concessions interviendra après la parution de votre rapport, dont je ne saurais présumer des conclusions. Le Gouvernement devra ensuite se prononcer sur vos préconisations. S’il en ressort la décision d’une ouverture à la concurrence, je souhaite que celle-ci s’opère dans des conditions équitables et que la CNR n’en soit pas écartée.

Notre développement à l’étranger reste encore modeste puisque notre entreprise avait pour mission de se concentrer sur la vallée du Rhône. Elle a pu s’en extraire un peu en produisant des énergies photovoltaïque et éolienne. Mais notre seule implantation à l’étranger porte sur un barrage en Albanie. Je voudrais donc, avant toute chose, analyser le potentiel offert par l’étranger. Si celui-ci existe, il faudra cibler nos investissements et bien étudier leurs conditions de réalisation, notamment en termes d’actionnariat.

Je ne peux non plus me hasarder aujourd’hui à des prévisions précises sur l’exploitation de l’énergie tirée des courants marins, dans laquelle la CNR aurait probablement un rôle important à tenir. Son bureau d’ingénierie intégré travaillant sur de grands projets internationaux, l’entreprise pourrait, dans le cadre de sa R & D, faire avancer les projets de captation de l’énergie marine au large de certaines de nos côtes. J’en ai la conviction et en ferais volontiers un de mes thèmes privilégiés.

La ViaRhôna mobilise en effet beaucoup les élus riverains. Oui, il y a un couloir chimique et des solutions doivent être trouvées. Dans le cadre du plan d’intérêt général pour les cinq années à venir, présenté le 5 juillet prochain, nous accomplirons tous les efforts possibles pour que le calendrier puisse être tenu. Nous ferons tout pour permettre à la ViaRhôna d’aller du lac Léman à la Méditerranée.Voilà un bel exemple de collaboration entre les collectivités locales et la CNR.

S’agissant du canal Rhin-Rhône, ou des canaux Saône-Moselle ou Saône-Rhin, je n’ai pas connaissance que de tels travaux soient envisagés pour relier l’Alsace à la Méditerranée.

Je n’ai pas d’opinion particulière sur le projet récurrent de canal de Catalogne, notamment sur ses incidences environnementales. En outre, ce n’est pas la CNR qui fut sollicitée pour le faire creuser mais la Compagnie du Bas-Rhône Languedoc.

L’amélioration de l’irrigation fait partie des activités de la CNR. Nous travaillons en collaboration avec la Chambre régionale d’agriculture pour rendre les cultures moins consommatrices d’eau.

Les quatre centrales nucléaires implantées le long du fleuve justifient de réguliers contacts entre EDF et la CNR, celle-ci devant fournir en permanence assez d’eau pour refroidir les réacteurs. Apparemment, la compagnie dispose des moyens suffisants pour remplir convenablement cette mission en cas de difficultés.

Si vous approuvez ma candidature, je prendrai mes fonctions mes fonctions début juillet et je viendrai volontiers vous apporter davantage de précisions.

M. Le président François Brottes. Merci de la spontanéité et de la franchise de vos propos.

La Commission passe au vote sur la candidature de Mme Élisabeth Ayrault à la présidence du directoire de la CNR, dont le résultat est rendu public après le dépouillement du vote du Sénat.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Suffrages exprimés


Pour


Contre


Abstention

*

* *

Puis la commission a examiné pour avis projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 1120) sur le rapport de M. Yves Blein.

M. le président Brottes. Mes chers collègues, par deux courriers en date des 10 et 17 juin 2013, j'ai indiqué au président Claude Bartolone la décision de la commission des affaires économiques de se saisir pour avis des articles 3, 12, 13, 20, 30, 31, 42 et 45 du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

S'est rajouté à cette liste un article additionnel adopté par le Sénat et se rattachant au champ de notre saisine, l’article 13 bis.

Par ailleurs, le Sénat a supprimé les articles 12, 13 et 45 ; il appartiendra à notre rapporteur pour avis de nous donner son point de vue sur ces suppressions.

Enfin, je vous indique que la commission n'examinera pas quatre amendements portant sur des articles qui se situent en dehors de son champ de saisine : un amendement de M. Tetart à l'article 4 ; deux amendements de Mme Marcel aux articles 32 bis et 45 quater ; et un amendement de M. Baupin portant article additionnel après l'article 36.

M. Yves Blein, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles est le premier texte mettant en œuvre la réforme de la décentralisation et de l'action publique engagée par le Gouvernement. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait annoncé que la démocratie locale serait renforcée grâce à un nouvel acte de la décentralisation qui ferait l'objet d'une large consultation. Des États généraux de la démocratie territoriale ont été organisés par le Sénat en octobre 2012.

Deux autres projets de loi ont été déposés au Sénat le 10 avril dernier : le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires ; le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Notre commission a souhaité se saisir pour avis des dispositions relatives aux compétences pour lesquelles les collectivités chefs de file exercent une mission de coordination (article 3) ; des dispositions relatives aux compétences des métropoles, notamment en matière d'énergie, de développement économique et de logement (articles 20, 30 et 31) ; de l'article 13 bis, introduit par le Sénat, qui prévoit la fusion des quatre établissements publics fonciers de l'État en Île-de-France ; des dispositions relatives aux compétences obligatoires des communautés urbaines (article 42).

L'objectif principal du projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique est l'affirmation des métropoles, par une évolution de leur statut et l'introduction de dispositions particulières pour les métropoles de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence.

Je rappelle que la possibilité pour les communes de se regrouper sous le statut de métropole existait déjà. La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait en effet institué la métropole en tant que nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Celui-ci visait à apporter une réponse plus adaptée aux réalités que les communautés urbaines créées par la loi du 31 décembre 1966. Instituées sur une base volontaire, les métropoles au sens de la loi de 2010 visent à regrouper les communes membres d'un ensemble d'un seul tenant et comptant plus de 500 000 habitants. Elles disposent de larges compétences en matière d'infrastructures, de voirie, de développement économique.

Je tiens à souligner à ce stade l'importance de la reconnaissance du rôle moteur joué par les grandes métropoles françaises au plan économique, ainsi que de la prise en compte des spécificités de certaines d'entre elles.

L'article 3 rétablit la notion de chef de file, supprimée en 2010, lorsque la mise en œuvre de compétences nécessite l'intervention de collectivités territoriales de différents niveaux. Le Sénat a notamment élargi les compétences pour lesquelles la région exerce le rôle de chef de file à la transition énergétique et à l'internationalisation des entreprises et a précisé que la région serait chef de file en matière de complémentarité des modes de transport.

Concernant Paris, le projet de loi initial prévoyait la création obligatoire à compter du 1er janvier 2016 de la Métropole de Paris, établissement public ad hoc regroupant la ville de Paris et les EPCI à fiscalité propre de l'unité urbaine de Paris (au sens de l'INSEE). Comme vous le savez, le Sénat a rejeté les articles 10 à 13 relatifs à l'achèvement de la carte intercommunale, à la création de la métropole de Paris et à l'établissement d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement en Île-de-France.

J'ai procédé à plusieurs auditions sur la situation en Île-de-France. Je considère cependant qu'il ne nous appartient pas aujourd'hui de rétablir les articles supprimés au Sénat car leur champ dépasse largement celui de notre saisine pour avis. Des amendements de rétablissement seront probablement examinés en commission des lois à partir du 1er juillet. Je me limiterai donc à quelques commentaires sur les dispositions du projet de loi initial.

Celui-ci prévoyait que la Métropole de Paris disposerait des compétences suivantes : élaboration d'un projet métropolitain comprenant notamment un plan climat énergie métropolitain ; soutien à la mise en œuvre de programmes d'aménagement et de logements ; soutien des programmes d'action des collectivités locales et de leurs groupements en faveur de la transition énergétique ; mise en place de programmes d'action pour mieux répondre aux urgences sociales sur son territoire. La Métropole pourrait également décider de mettre en œuvre des opérations d'aménagement d'intérêt métropolitain.

Concernant le logement, l'article 12 prévoyait que la Métropole de Paris aurait à élaborer, dans un délai d'un an après sa création, un plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement. Ce plan devait être compatible avec les dispositions du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) et prendre en compte les orientations du schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) créé par l'article 13. Les programmes locaux de l'habitat (PLH), les contrats de développement territorial (CDT), les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d'urbanisme (PLU), les cartes communales ou les documents en tenant lieu devaient être compatibles avec ce plan.

L'article 12 disposait par ailleurs que la Métropole de Paris pouvait recevoir de l'État délégation de certaines compétences dans le domaine du logement. Ces compétences concernaient : l'attribution d'aides à la pierre ; la gestion de tout ou partie des réservations de logements dont l'État bénéficie pour le logement des personnes prioritaires ; la gestion de la garantie du droit à un logement décent et indépendant – droit reconnu par la loi DALO ; la mise en œuvre des procédures de réquisition ; la gestion de la veille sociale, de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement au logement.

L'article 13 prévoyait que le conseil régional de la région Île-de-France devrait élaborer le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) dans un délai de dix-huit mois après son renouvellement. Ce schéma devait traduire les orientations du SDRIF dans les domaines de l'urbanisme et du logement.

Je souligne en premier lieu l'importance de l'achèvement de la carte intercommunale en petite couronne car la future métropole doit pouvoir s'appuyer sur des intercommunalités couvrant tout le territoire. Le seuil de 300 000 habitants qui avait été proposé par le Gouvernement pour la création des EPCI dans les trois départements concernés – Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne – me paraît propre à assurer la mixité nécessaire entre les communes.

Je souhaite en deuxième lieu insister sur l'enjeu du renforcement de la gouvernance du logement car il est nécessaire de répondre à la grave crise du logement en Île-de-France. La loi sur le Grand Paris fixe un objectif de construction de 70 000 logements par an, ce qui suppose un quasi-doublement du rythme de construction, tandis que le SDRIF définit un objectif de 30 % de logement social à l'horizon 2030. Actuellement, le nombre de demandes de logement social s'élève à 500 000 par an pour seulement 80 000 attributions.

Les dispositions du projet de loi initial représentaient une première avancée, même si plusieurs questions pouvaient se poser : l'articulation entre le plan métropolitain et le schéma régional de l'habitat et de l'hébergement ; la portée de ces documents, du fait de l'absence de caractère contraignant ; la compétence déléguée de l'État en matière d'hébergement et de droit au logement opposable, qui a fait l'objet de débats au Sénat, la commission des lois ayant souhaité supprimer cette possibilité considérant que l'État ne devait pas se défausser de ses responsabilités en la matière.

Concernant les outils de la politique du logement, le Sénat a introduit un article 13 bis, par la voie d'un amendement proposé par M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, amendement tendant à fusionner les quatre établissements publics fonciers de l'État en Île-de-France au sein de celui ayant le périmètre d'action le plus large, c'est-à-dire l'EPF Île-de-France. Les trois autres EPF existants ont une compétence départementale.

Je suis favorable à ce regroupement : l'échelon régional est en effet le plus approprié en matière de logement et d'aménagement, et le regroupement des EPF devrait permettre une plus grande cohérence et une plus grande efficacité des actions.

J'en viens maintenant à la Métropole de Lyon, dont la création est prévue à l'article 20, sous la forme d'une nouvelle catégorie de collectivités territoriales à partir du 1er avril 2015.

La Métropole de Lyon remplacera la communauté urbaine de Lyon. Elle exercera de plein droit les compétences des communes situées dans son territoire en matière d'aménagement économique, social et culturel, d'aménagement de l'espace métropolitain, de politique locale de l'habitat, de politique de la ville, de gestion des services d'intérêt collectif, et de protection et de mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie. Elle exercera également l'ensemble des compétences du département du Rhône au sein de l'aire métropolitaine. Cette avancée institutionnelle majeure, qui va dans le sens de l’allégement du millefeuille territorial, témoigne de l’audace et du courage des acteurs locaux : espérons que cet exemple ouvrira la voie à de nombreux autres.

La création de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a suscité de fortes oppositions sur le terrain, puisque 109 maires sur 119 la contestent. Les raisons de cette opposition devraient à mon sens être analysées, car ce texte reste à l’évidence fondamentalement bon, et les acteurs locaux pourraient se l’approprier progressivement. En effet, j’estime que cette initiative relève de l'intérêt général car elle repose sur la volonté de porter le développement social et économique de l'agglomération en remédiant au morcellement des lieux de décision, ainsi que de développer la solidarité financière dans des territoires qui connaissent de forts écarts de richesse.

La métropole d'Aix-Marseille-Provence qui serait créée au 1er janvier 2016, le Sénat ayant repoussé le délai d'un an, relèverait de la catégorie des EPCI à fiscalité propre soumis au régime des métropoles de droit commun, mais disposerait de particularités visant à prendre en compte son caractère polycentrique. La métropole serait constituée en territoires, avec des conseils composés d'élus de territoire.

Les six intercommunalités existantes seraient fusionnées et la métropole exercerait l'ensemble des compétences communales en matière de développement et d'aménagement économique, ainsi que certaines compétences départementales déléguées par convention.

Je terminerai par l'évolution du statut de métropole de droit commun. Tandis que la métropole telle qu'instituée par la loi de 2010 est créée sur une base volontaire, la métropole au sens du présent projet de loi sera créée par décret lorsque l'EPCI forme un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Ce dernier seuil était fixé à 500 000 dans le projet de loi initial ; le Sénat a adopté un amendement le portant à 650 000.

Le nouveau régime se distingue par des modifications du format des compétences métropolitaines.

D’abord, il est prévu un élargissement des compétences transférées par les communes dans le bloc de compétence « Protection et mise en valeur de l'environnement ».

Ensuite, est prévue la faculté d'avoir des compétences transférées des régions et des départements par voie conventionnelle. Pour certaines compétences départementales, un transfert obligatoire est prévu au 1er janvier 2017. En revanche, les compétences régionales ne pourront être exercées que par délégation.

Enfin, le Sénat a limité les compétences en matière de logement que l'État pourrait déléguer aux métropoles à l’attribution des aides à la pierre et à la gestion de tout ou partie des réservations de logements.

M. Dominique Potier. L’administration territoriale doit être modernisée afin de permettre l’expression des atouts de tous nos territoires. Les nouvelles métropoles de Lille, Strasbourg et Marseille pourront ainsi devenir des relais de croissance et des passerelles vers les pays européens.

Entre ce projet et les deux autres à venir, nous sommes certains qu’il y a une cohérence : nous souhaitons que le Parlement y contribue au moment de leur adoption et, pour sa part, le groupe SRC y veillera. En l’occurrence, nous tenons à saluer toutes les logiques de simplification et de lisibilité. La naissance des chefs de file nous paraît être le bon compromis en la matière.

Néanmoins, si en matière de logement et d’énergie, la notion de chefs de file devrait permettre de gagner en cohérence, les questions économiques méritent un examen attentif des compétences qui seront dévolues aux métropoles et de celles qui resteront aux régions. En effet, il nous faut prendre acte du fait métropolitain, mais sans que celui-ci ne devienne le paradigme de la modernité. Nous veillerons à ce que les métropoles, dans leur rôle de leadership économique, soient susceptibles d’irriguer le territoire. Aussi souhaitons-nous qu’un équilibre soit trouvé entre le leadership de la région et celui des métropoles. À cet égard, il nous faudra être attentifs à séparer le bon grain de l’ivraie.

Coopération et innovation sont les maîtres mots des textes de loi que nous allons examiner. Ces derniers ne sauraient faire l’impasse sur les potentiels économiques du milieu rural. En la matière, nous saluons l’ajout au Sénat et par nos collègues de la commission du développement durable de pôles d’équilibre et de développement du milieu rural, qui doivent permettre un dialogue au bon niveau avec les métropoles à dimension urbaine. Ces textes doivent surtout favoriser le maillage en matière de logement et d’énergie dans des territoires ruraux, qui ne sauraient être relégués.

Au nom de notre préoccupation commune des questions économiques, nous devons continuer à lutter pour l’emploi et la valeur ajoutée dans nos territoires sans attendre le vote de ces lois.

M. Éric Straumann. Les députés du groupe UMP seront essentiellement mobilisés en commission des lois, saisie au fond, au sein de laquelle nous avons accompli un travail important.

Le projet de loi que nous examinons ce matin a pour objet, selon le Gouvernement, de renforcer l’efficacité de la puissance publique, qu’elle soit nationale ou locale, et d’améliorer la qualité du service public en s’appuyant sur les collectivités territoriales et en clarifiant leurs compétences. En réalité, le Gouvernement poursuit son entreprise de détricotage des réformes engagées durant la précédente législature. En effet, dès l’été 2012, le conseiller territorial a été supprimé ; or à la lumière de l’échec du référendum réalisé en Alsace, beaucoup d’élus, de tout bord, pensent que cet élu aurait pu contribuer à rendre nos collectivités publiques plus efficaces.

Aujourd’hui, la majorité poursuit la même logique en rétablissant la clause générale de compétence pour toutes les collectivités, ce que la réforme des collectivités de 2010 avait entendu supprimer, hormis pour les communes à l’horizon 2015. Nous souhaitons bien entendu rationaliser l’action publique territoriale ; or ce texte ne comporte aucune mesure de clarification, notamment en matière de compétences et de financements entre collectivités. Il crée un millefeuille territorial contraire à la simplification et à la lisibilité.

En outre, nous ne voyons toujours pas où est la cohérence des multiples régimes des métropoles puisque Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille ou encore Nice n’exerceront pas les mêmes compétences. Il s’agira en quelque sorte d’un système à la carte.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

M. André Chassaigne. Vous connaissez l’opposition de mon groupe à ce texte. Je me limiterai donc à rappeler quelques points fondamentaux.

Ce projet de loi est le prolongement direct de la réforme Sarkozy, contre laquelle les élus de l’opposition s’étaient battus avec vigueur.

Premièrement, ce texte occulte le rôle de l’État en matière d’égalité des territoires, rôle auquel nous attachons une grande importance. De fait, le renforcement des métropoles témoigne de l’effacement du pouvoir de l’État.

Deuxièmement, l’organisation proposée assèche les prérogatives de nombreuses collectivités territoriales en recentrant dans les métropoles des compétences assurées auparavant par les communes, les départements, voire les régions. Il s’agit là d’une forme d’absorption des compétences par les métropoles.

Troisièmement, ce projet de loi créera des baronnies, de véritables potentats qui assureront un contre-pouvoir. Au final, c’est la démocratie locale qui en souffrira.

Les évolutions obtenues au Sénat dans un débat houleux, avec la suppression du pacte de gouvernance et des dispositions sur les conditions de mise en place des métropoles, sont loin de bouleverser le texte gouvernemental. En définitive, ce projet de loi reste dangereux et nous ne le voterons pas.

M. François Sauvadet. Au secours, Gaston Defferre revient ! Ils sont devenus fous !

Vous ne l’ignorez pas : nos collectivités sont littéralement étranglées économiquement. En tant que président de conseil général, je constate l’évolution des dépenses sociales, et j’ignore comment nous pourrons à l’avenir remplir les missions qui nous sont confiées. En outre, de nouveaux transferts sont annoncés sans le moindre dialogue – je pense aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Au surplus, des charges nouvelles nous seront imposées avec cet enchaînement de réformes.

L’acte III de la décentralisation prend donc la forme de trois textes qui s’inscrivent dans une perspective de démantèlement du territoire. Sans compter l’article lyrique sur le Pays basque !

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est extrêmement dangereux : il organise l’architecture du pays sur le fait métropolitain, alors que la France comporte un vaste territoire rural qui se sent abandonné ! Il organise la mort des conseils généraux en prévoyant le transfert de toutes leurs compétences aux métropoles. Gouvernés par le fait urbain, ces derniers constitueront une grande périphérie rurale autour des métropoles dans lesquelles j’ignore comment seront assurées les solidarités territoriales prévues par la loi. La péréquation territoriale assurée actuellement par les conseils généraux va trouver son terme avec le fait métropolitain à partir de 400 000 habitants.

En définitive, ce texte lourd de conséquences et qui s’inscrit dans le cadre de votre réforme du mode de scrutin, suscitera l’incompréhension des électeurs, en particulier dans les campagnes. Je ne me résous pas à voir les départements devenir de vastes communautés de communes rurales dans lesquelles la solidarité ne jouera plus. Voilà pourquoi le groupe UDI s’opposera à ce texte avec la plus grande fermeté.

Mme Michèle Bonneton. Je regrette le découpage de l’ensemble des dispositions en trois parties, ce qui pose un problème de cohérence en donnant la priorité à la croissance métropolitaine et en reportant le débat sur le renforcement des régions et la solidarité des territoires.

L’objectif d’un tel projet de loi doit reposer sur deux principes essentiels à nos yeux : l’affirmation de la démocratie et du lien entre les citoyens et les élus ; le renforcement de la solidarité entre les territoires afin d’impulser la transition écologique. Pour l’heure, nous ne sommes pas convaincus que ce texte poursuit ces objectifs. Plusieurs points posent problème.

D’abord, la superposition administrative ne fait pas l’objet d’une simplification ; il semble même que ce soit l’inverse. De ce fait, il restera toujours difficile pour nos concitoyens de savoir qui porte la responsabilité des politiques menées. Or la responsabilité est un élément essentiel de la démocratie.

Ensuite, le cumul des mandats demeure, ce que nous regrettons. Nous exprimons un autre regret : les élections aux intercommunalités ne se feront pas dans un cadre spécifique et au suffrage universel direct avec scrutin proportionnel.

En ce qui concerne la solidarité territoriale, nous restons convaincus de la nécessité d’une péréquation financière accrue entre les territoires au niveau national, mais aussi régional, pour réduire les inégalités. Nous sommes convaincus de la nécessité d’une réforme de la fiscalité locale intégrant une fiscalité écologique. Les territoires sont indépendants, les espaces urbains ne peuvent pas vivre sans les territoires ruraux et réciproquement, et il faut veiller à ne pas délaisser ces derniers. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous indiquer comment sera assurée cette solidarité territoriale ?

Nous souhaitons aussi que la région reste l’échelon de mise en œuvre de l’égalité et de la solidarité des territoires avec, en particulier, l’affirmation de leur rôle de chef de file sur les questions économiques et d’aménagement durable du territoire, les schémas économiques, la gestion des pôles de compétitivité, le pilotage des contrats de projet État-région, les fonds européens. Nous demandons que les métropoles ne s’exonèrent pas des schémas régionaux dans ces domaines. Connaissez-vous, monsieur le rapporteur, les engagements du Gouvernement en la matière ?

Enfin, la compétence en matière de logement, y compris d’urgence, ne doit plus être dispersée. Dans le texte actuel, la métropole pourra recevoir des compétences élargies par convention avec l’État – aide à la pierre, réservation de logements, DALO, hébergement d’urgence –, le département gérant les fonds de solidarité. Or selon les acteurs de terrain, il serait fortement souhaitable, dans un souci de lisibilité et pour faciliter les démarches de nos concitoyens, que l’ensemble des compétences relatives au logement soit regroupé sous une même autorité. Le Gouvernement entend-il déposer un amendement en ce sens ?

M. Alain Chrétien. Vous procédez à un démantèlement total de la loi du 16 décembre 2010, loi courageuse qui s’articulait autour du couple département-région, que nous avons souhaité rapprocher grâce au conseiller territorial, et du couple communes-intercommunalités, qui a permis à ces dernières d’être plus fortes, notamment en milieu rural, comme en témoigne l’adoption de la quasi-totalité des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Ainsi, entre les régions et le monde rural, les métropoles et les pôles métropolitains s’organisaient librement en fonction des contextes locaux.

Vous avez cassé cette architecture globale et visionnaire avec un premier projet de loi, un monstre juridique tel que vous avez dû le diviser en trois, ce qui n’a apporté aucune clarification. Au final, les trois projets de loi ne proposent aucune vision globale de l’organisation du territoire ni de la répartition des compétences. Celui que nous examinons aujourd’hui prépare le désordre territorial : chaque collectivité négociera ce qu’elle veut avec son autorité de tutelle, région ou département. Quoi que vous en disiez, les négociations qui s’instaureront entre les différents niveaux de collectivités seront des négociations de tutelles : le plus puissant imposera au plus faible ses volontés, et ce sera la fin de la libre administration des collectivités territoriales avec, pour reprendre l’expression de notre collègue André Chassaigne, la création de potentats locaux.

Nous sommes totalement opposés à ce désordre territorial institutionnalisé, sans compter que ce texte comporte aussi des « objets juridiques non identifiés » comme les métropoles de Paris, d’Aix-Marseille ou de Lyon ! Vous qui vous faites les chantres de la concertation et de la décentralisation, pourquoi ne donnez-vous pas la possibilité aux élus locaux de s’organiser comme ils le souhaitent ?

Mme Frédérique Massat. Ce texte attribue une partie des compétences en matière d’énergie aux régions et aux métropoles ; or nous pensons qu’il serait intéressant d’attendre l’examen de la loi sur la transition énergétique pour avoir un débat plus approfondi sur la gouvernance. En effet, si les plans climat ne posent pas de problème, le transfert de la distribution d’énergie électrique, ainsi que plusieurs autres sujets importants, peuvent faire l’objet de textes d’ici à la fin de l’année. C’est l’objet des amendements que nous avons déposés.

M. Alain Suguenot. Ce projet de loi devrait être intitulé « projet de loi visant à enterrer l’action publique et à mettre en place une nouvelle féodalité : les métropoles ».

Dans un contexte de baisse des dotations de l’État – 4,5 milliards sur les deux années à venir – et de perte d’efficacité du millefeuille administratif, la loi de 2010 avait le mérite de simplifier notre organisation territoriale. Or après l’adoption du binôme pour les élections cantonales, ce texte rétablit la clause générale de compétence, ce qui n’est pas la meilleure solution.

Au-delà des clivages politiques, la moindre des choses aurait été de trouver de vraies solutions aux difficultés de nos territoires. Pour le tourisme, par exemple, la compétence reste départementale, régionale et communale, et l’existence des comités départementaux du tourisme (CDT) et des comités régionaux du tourisme (CRT) aboutit à dépenser deux fois l’argent du contribuable. Je note en outre que personne ne parle du pays, structure qui apporte pourtant une cohérence et donne la parole aux élus locaux.

M. le rapporteur pour avis. La loi antérieure qui prévoyait la suppression des conseillers généraux et une forme de fusion non aboutie entre régions et départements avec des conseillers uniques créait des confusions importantes en mélangeant les domaines d’intervention. S’il convenait de mettre de l’ordre en matière d’attribution des compétences exercées par les uns et les autres, la solution proposée n’était pas la bonne.

Les trois textes ont précisément comme objectif de prendre acte d’un certain nombre d’évolutions territoriales. En l’occurrence, le fait métropolitain s’impose à nous, et il est important de lui donner force de loi. Les métropoles participent en effet au développement économique du territoire et doivent disposer des atouts nécessaires à leur action, de la même façon que d’autres collectivités seront amenées à exercer d’autres fonctions. Il s’agit bien d’un troisième acte de la décentralisation. Monsieur Sauvadet, nous ne pouvons que nous féliciter que les préfets n’aient plus donner d’avis a priori aux décisions prises par les élus locaux.

Monsieur Chassaigne, nous avons besoin de métropoles fortes, avec des compétences claires, afin de mettre fin à ces valses-hésitations permanentes. En tant qu’élu d’une petite commune, je sais qu’obtenir une réponse de la part du bon acteur au bon niveau relève du parcours du combattant. Il était plus que temps de faire évoluer des structures aujourd’hui inadaptées. Cela vaut tant pour la région lyonnaise que pour la région marseillaise, l’agglomération parisienne et l’Île-de-France.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE IER

CLARIFICATION DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET COORDINATION DES ACTEURS

Chapitre II - Les collectivités territoriales chefs de file, la conférence territoriale de l’action publique et le pacte de gouvernance territoriale

Section 1

Les collectivités territoriales chefs de file

Article 3

La Commission examine tout d’abord, en discussion commune, les amendements CE 17, CE 19 et CE 22 de M. François Brottes.

M. le président François Brottes. Le texte issu du Sénat peut être préjudiciable à la réussite de la transition énergétique, qui n’est pas une notion stabilisée sur le plan normatif. Cela concerne la production, la consommation, la distribution, le stockage. Ce concept vise à nous faire passer d’une grande dépendance énergétique à une production plus vertueuse et plus sobre.

En matière d’électricité, notre organisation est cohérente grâce à la péréquation nationale qui permet à chacun de nos concitoyens de payer l’unité au même prix quel que soit son lieu de consommation. Le coût du transport de l’électricité comme celui de la distribution dans les réseaux sont péréqués dans le cadre du monopole de Réseau de transport d’électricité (RTE) pour le transport haute tension, d’Électricité Réseau Distribution France (ERDF) pour la distribution, et d’Électricité de France (EDF) pour la production d’énergie nucléaire notamment. Depuis la loi de 1946, quelques régies d’électricité existent mais les concessions de distribution ne sont pas remises en cause. Dans ce contexte, si une métropole s’arrogeait le droit de devenir autorité organisatrice ou de distribution, cela signifierait la fin de notre système national de péréquation. En outre, la compétence du chef de file pourrait être problématique dans la mesure où celui-ci aurait en quelque sorte un droit de veto sur ce que peuvent faire ou ne pas faire les autres collectivités.

C’est pourquoi, dans un domaine où il est essentiel de promouvoir des initiatives visant par exemple à accélérer le déploiement de bornes pour les voitures électriques, à isoler les bâtiments, à produire de la chaleur par méthanisation ou chaufferie bois, etc., il me semble important de ne pas instaurer de tutelle. À défaut, un certain nombre de projets de communes rurales pourraient ne pas être acceptés par le chef de file.

Ainsi, ces amendements visent à retirer de ce texte tout ce qui participe d’une forme de démantèlement de notre dispositif de production et de distribution d’énergie. Cela étant, ils n’excluent pas la possibilité pour les métropoles de prendre des initiatives en matière de réseau de chaleur, qui ne porteront pas atteinte au dispositif d’ensemble. Au final, ces amendements visent à conserver notre modèle national.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Alain Chrétien. Je pense nécessaire de définir la transition énergétique. Est-elle la réduction de la consommation, la mixité des modes de production, ou les deux à la fois ?

M. David Habib. L’article 45 sexies sur le pôle d’aménagement et de coopération du Pays basque n’a pas sa place dans un tel texte. On ne peut pas consacrer un article à un demi-département ! Au demeurant, cet article est anticonstitutionnel puisqu’il prévoit de transformer une association en syndicat mixte.

Enfin, attribuer à un syndicat mixte des compétences exercées par la région, les départements, les communautés d’agglomération, est une erreur ! Cette démarche, portée par deux parlementaires seulement, ne rencontre l’adhésion ni du président du conseil général, ni celle des présidents des communautés d’agglomération, ni celle du président du conseil régional des Pyrénées-Atlantiques.

M. Éric Straumann. Ces amendements auront-ils une incidence sur le fonctionnement des entreprises locales de distribution (ELD) ?

M. le président François Brottes. À ce stade, je propose le statu quo.

M. Antoine Herth. Et s’agissant de la distribution de l’eau ?

M. François Brottes. Les amendements ne concernent que l’énergie.

Pour tout ce qui est issu de la loi de 1946 et qui concerne Strasbourg, Grenoble, Bordeaux, etc., nous proposons le statu quo.

Le Sénat a écrit que les régions devaient être chefs de file en matière de transition énergétique comme d’internationalisation des entreprises. Je pense que les régions ne peuvent pas avoir le monopole de l’internationalisation des entreprises, car je ne vois pas comment elles pourraient le faire, ni le monopole de quelque chose qui n’est pas défini, à savoir la transition énergétique, qui va de la production à la consommation. C’est pourquoi l’amendement CE 17 propose que la région « contribue à la réussite de la transition énergétique, à l’internationalisation des entreprises et à la complémentarité des modes de transports. »

M. François Sauvadet. Si je comprends bien, vous souhaitez préserver la structuration actuelle de nos syndicats territoriaux d’électricité, monsieur Brottes ! Pour une fois, je soutiens votre démarche !

La Commission adopte l’amendement CE 17.

En conséquence, les amendements CE 19 et CE 22 tombent.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

TITRE II

L’AFFIRMATION DES MÉTROPOLES

Chapitre IER - Les dispositions spécifiques à l’Île-de-France

Section 1

Achèvement de la carte intercommunale

Section 2

Grand Paris Métropole

Article 12 (Supprimé) : Création de Grand Paris Métropole

Section 3

Logement en Île-de-France

Article 13 (Supprimé) : Création du Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Ile-de-France

Article 13 bis (nouveau) : Fusion des quatre établissements publics fonciers de l’État de la région d’Ile-de-France

La Commission examine l’amendement CE 25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’article 13 bis, introduit par le Sénat, prévoit la fusion des quatre établissements publics fonciers de l’État en Île-de-France au sein de celui disposant du périmètre le plus large. Le Sénat a parallèlement supprimé l’article 45 qui prévoyait qu’il ne pourrait être créé qu’un seul établissement public foncier de l’Etat par région. L’alinéa 5 de l’article 13 bis dispose que la fusion se fera « dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi ». Je propose quant à moi de fixer une date, en l’occurrence le 31 décembre 2015, pour plus de précision et pour ne pas exclure la possibilité qu’elle s’effectue avant cette date.

M. Jean-Luc Laurent.  Je soutiens cette idée, surtout si elle est complétée par les termes « au plus tard » pour ne pas donner le sentiment d’une date butoir. Cet amendement est judicieux en raison du calendrier électoral – les assemblées territoriales seront renouvelées au printemps 2015 et il convient d’éviter de désigner deux fois les membres du conseil d’administration de l’établissement public foncier d’Île-de-France – et de la nécessité de donner un cadre pour l’ensemble des acteurs. Poser un délai permettra à ceux-ci de dialoguer avec les établissements publics fonciers départementaux existants afin de définir la bonne organisation et la nature des interventions de la future agence régionale. M. Daniel Goldberg et moi-même avons soutenu la création de celle-ci pour accroître les moyens permettant de résoudre la crise du logement en Île-de-France.

M. Daniel Goldberg. Les justifications de l’article 13 bis et de l’amendement de notre rapporteur – désormais sous-amendé – se lisent dans l’exposé des motifs des amendements CE 1, CE 2 et CE 3, qui n’ont pas été défendus, mais qui proclament que le logement « mérite une action convergente et consensuelle des puissances publiques ». Pour ce faire, il y a lieu de mutualiser l’action des quatre établissements publics fonciers d’État agissant en Île-de-France. L’amendement CE 2 prévoyait de transformer les établissements publics fonciers d’État en établissements publics fonciers locaux : ces derniers sont utiles dans une organisation départementale, mais si l’on veut que l’État puisse agir pour résorber la crise francilienne du logement, il doit disposer de ses propres outils.

M. le rapporteur pour avis. Comme me l’avait suggéré M. Jean-Luc Laurent, je vous propose de retenir la formule « au plus tard le 31 décembre 2015 ».

La Commission adopte l’amendement sous-amendé.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 bis modifié.

Chapitre II - Les dispositions spécifiques à la métropole de Lyon

Article 20 : Création de la Métropole de Lyon

La Commission étudie l’amendement CE 24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à modifier un aspect de la gouvernance de la métropole de Lyon. Celle-ci prévoit la création d’une conférence territoriale des maires au rôle consultatif ; l’article 20 du projet de loi précise qu’elle sera présidée de droit par le président de la métropole, mais il me semble plus judicieux que cette responsabilité échoie à un président désigné par les maires concernés et choisi en leur sein.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 6 de Mme Marie-Lou Marcel et CE 21 du rapporteur pour avis.

Mme Marie-Lou Marcel. Je défendrai également l’amendement CE 7 à l’article 31, car il soulève la même question.

L’amendement CE 6 porte sur la compétence de la métropole de Lyon. L’alinéa 76 de l’article 20 prévoit que celle-ci pourra prendre une participation dans le capital de sociétés. Il convient de préciser qu’en matière de financement, les entreprises ont avant tout besoin que les interventions publiques soient lisibles ; c’est dans cette optique qu’a été créée la banque publique d’investissement (BPI) et qu’elle a été organisée en entités régionales. La BPI et les régions mettent en place des plates-formes rassemblant l’ensemble de leurs dispositifs, afin de professionnaliser les équipes et de réduire les délais de décision. Or le texte du Sénat donne la possibilité à la métropole de Lyon – et aux autres métropoles, ce qui justifie le dépôt de mon amendement CE 7 – de participer au capital des sociétés d’investissement et des sociétés de financement régionales ou interrégionales, ce qui va à l’encontre des principes ayant présidé à la création de la BPI. Cet amendement propose donc de ne pas conférer cette compétence aux métropoles.

M. le rapporteur pour avis. Madame Marcel, je vous suggère que nous isolions le cas de la métropole de Lyon qui dispose d’un statut particulier, en outre, un texte ultérieur traitera de la relation entre les métropoles de droit commun et les régions. Ainsi, je vous propose que l’on retienne votre amendement CE 7 qui concerne les métropoles de droit commun, mais que vous retiriez votre amendement CE 6 au profit de mon amendement CE 21 qui permet à la métropole de Lyon d’entrer dans le capital des sociétés de développement économique de son territoire, sous réserve que sa démarche s’inscrive dans le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation des entreprises (SRDEII). Cette condition vise à ce que les métropoles s’inscrivent dans le cadre de la politique définie par la région, qui détient le rôle de chef de file dans ce domaine.

Mme Marie-Lou Marcel. Je suis disposée à retirer mon amendement, monsieur le rapporteur, mais ce que vous proposez permettrait à la métropole de Lyon de financer les entreprises.

M. le rapporteur pour avis. Oui, mais sous réserve que son action soit compatible avec le SRDEII et soit donc encadrée par le chef de file qu’est la région.

M. le président François Brottes. J’avais regretté, au moment du débat sur la création du Grand Paris, que l’on permette à des collectivités publiques d’acquérir des entreprises. Néanmoins, madame Marcel, la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a ouvert la possibilité à la Société du Grand Paris (SGP) de prendre de nombreuses initiatives qui étaient interdites à d’autres collectivités publiques. Cela m’avait choqué, car on créait ainsi un déséquilibre dans l’ensemble du territoire. Si l’on n’étend pas ces facultés aux métropoles, le Grand Paris restera le seul à disposer de ces compétences, utiles à l’aménagement du territoire. Il faut donc opérer un rééquilibrage entre métropoles, ce que permet l’amendement du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. C’est le deuxième texte de loi sur la décentralisation qui tranchera la question de la reconnaissance aux métropoles de droit commun d’un rôle dans le développement économique. La métropole de Lyon étant une collectivité de droit nouveau, nous ne pourrons pas nous pencher sur son cas lors de l’examen du prochain projet de loi, d’où le dépôt de mon amendement CE 21.

Mme Audrey Linkenheld. Il serait dommage que la métropole lyonnaise puisse accorder des aides économiques supplémentaires à celles de la région – quand bien même elle s’inscrirait dans le SRDEII, ce qui me semble bien le minimum –, mais que d’autres métropoles et agglomérations n’aient pas accès à cette faculté. Cela créerait un biais regrettable dans la concurrence que se livrent les territoires pour attirer les investisseurs et les entreprises, et donc une rupture d’égalité, préjudiciable à la solidarité nationale.

M. le rapporteur pour avis. Il ne s’agit que d’un problème de chronologie de texte ; la question de la capacité des métropoles de droit commun à entrer dans le capital des sociétés d’accélération de transfert de technologies (SATT) sera réglée par le deuxième projet de loi qui traitera des compétences des régions et de leurs associations avec certains acteurs locaux. En revanche, ce texte ne reviendra pas sur les collectivités de plein exercice, catégorie à laquelle appartient la métropole de Lyon ; il est donc important de décider maintenant des compétences de la métropole lyonnaise.

M. Alain Chrétien. La métropole de Lyon illustre bien les difficultés nées de la création de collectivités de droit spécial – ce processus aboutissant au développement d’un droit local comme en Alsace-Moselle. Il est également regrettable d’examiner une réforme découpée en trois projets de loi, car il y aura forcément des dispositions du deuxième texte qui se trouveront en contradiction avec celles adoptées dans le premier. Enfin, le SRDEII possédera une valeur normative, si bien que les tribunaux administratifs pourront annuler une disposition d’une métropole ne respectant pas le SRDEII, incarnation de la tutelle de la région.

M. le président François Brottes. La loi sur le Grand Paris a donné lieu à un découplage majeur, puisque le législateur a conféré des pouvoirs très importants à l’Île-de-France, sans se préoccuper de l’impact que ce texte aurait dans le reste du pays. Monsieur Chrétien, vous nous demandez de ne pas faire une loi spécifique pour Lyon – et je suis plutôt en accord avec votre requête –, mais le Grand Paris a constitué un précédent fâcheux. Sans ce précédent, la proposition de Mme Marcel respecterait l’égalité entre les métropoles, mais si on l’accepte, seul Paris disposera de cette compétence.

Mme Audrey Linkenheld. La réglementation actuelle oblige déjà une agglomération voulant verser une aide économique à demander l’autorisation de la région. Cette exigence ne résulte pas de la décentralisation, mais de la délégation de compétence des aides économiques. Le SRDEII n’a donc pas pour conséquence de créer une tutelle de la région sur d’autres collectivités.

M. le président François Brottes. Madame Linkenheld, le débat ne concerne pas les aides économiques, mais la participation et le rachat d’entreprises. Cette faculté existe pour le Grand Paris, mais pas pour les autres métropoles.

M. le rapporteur pour avis. Cette possibilité existe déjà pour les collectivités, mais un décret en Conseil d’État est nécessaire pour les y autoriser ; or le deuxième projet de loi confère à la région le rôle de chef de file dans le domaine du développement économique, ce qui permettra aux collectivités de décider plus rapidement d’entrer dans le capital d’une entreprise.

Mme Marie-Lou Marcel. J’accepte de retirer mon amendement CE 6, mais l’amendement du rapporteur multiplie les interventions et les interlocuteurs, alors que le législateur a souhaité donner un interlocuteur unique – la région – à la BPI. 

L’amendement CE 6 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE 21.

La Commission en vient à l’amendement CE 29 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement a pour objet de maintenir la cohérence de la distribution et du transport de l’énergie.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 29.

La Commission examine l’amendement CE 27 du président de la Commission.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme Corinne Erhel. Je ne comprends pas la cohérence entre la suppression de compétences en matière d’énergie, d’électricité et de gaz à la métropole de Lyon d’une part, et la volonté d’articuler le rôle dévolu aux métropoles et aux régions dans ces matières dans le deuxième projet de loi, d’autre part.

M. le président François Brottes. Ces deux questions n’ont rien à voir entre elles, puisque les amendements CE 29 et CE 27 visent à ne pas préempter l’organisation de la distribution et de l’irrigation de l’énergie à travers le pays, pour qu’elle puisse être arrêtée par un texte général pour l’ensemble des métropoles.

La Commission adopte l’amendement CE 27.

La Commission en vient à l’amendement CE 20 du président de la Commission.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 20.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 modifié.

Chapitre III - Les dispositions spécifiques à la métropole d’Aix-Marseille-Provence

Article 30 : Création de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence

La Commission aborde l’amendement CE 15 du président de la Commission.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 15.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.

Chapitre IV - La métropole

Article 31 : Rénovation du régime des métropoles de droit commun

La Commission étudie l’amendement CE 7 de Mme Marie-Lou Marcel. 

M. le président François Brottes. Après le retrait de votre amendement CE 6, acceptez-vous de faire de même pour celui-ci par souci de cohérence, madame Marcel ?

Mme Marie-Lou Marcel. Je maintiens cet amendement qui concerne l’ensemble des métropoles.

M. le rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable, car cette proposition entre bien dans le cadre du deuxième projet de loi, qui intéressera les métropoles de droit commun.

M. le président François Brottes. Cet amendement a pour objet de supprimer l’existence d’une compétence pour les métropoles en matière de développement économique. Devons-nous donc faire de même pour Lyon, alors que nous ne lui avons pas ôté cette faculté ?

Mme Marie-Lou Marcel. Je ne comprends en effet toujours pas pourquoi l’amendement CE 7 serait adopté, alors que l’on m’a demandé de retirer l’amendement CE 6.

M. le président François Brottes.  Moi non plus.

Mme Marie-Lou Marcel.  Les deux amendements étaient cohérents puisqu’ils visaient à ne reconnaître cette compétence ni pour Lyon ni pour l’ensemble des métropoles.

M. le rapporteur pour avis. Il existe une différence majeure entre les métropoles selon qu’elles relèvent du droit commun – et appartiennent ainsi à la catégorie des établissements publics de coopération intercommunale, dont les nouvelles compétences en matière de développement économique seront définies par le deuxième projet de loi – ou qu’elles obéissent à un statut particulier. Le prochain texte ne traitera pas des collectivités à part entière, statut sous lequel est placée la métropole ; voilà pourquoi les décisions la concernant doivent être prises maintenant.

M. Alain Chrétien. La Commission est-elle favorable à ce que les métropoles de droit commun et de Lyon puissent participer au capital des sociétés ou bien est-ce que vous souhaitez retirer cette compétence à toutes les métropoles ?

M. le rapporteur pour avis. S’agissant des métropoles de droit commun, le débat sera tranché lors de l’examen du prochain projet de loi.

M. le président François Brottes. En effet, et pour ne pas préempter cette discussion, nous refusons que ce texte-là leur accorde cette compétence. En revanche, nous reconnaissons à la métropole de Lyon cette capacité, car elle possède un statut particulier que le deuxième projet de loi ne traitera pas.

La Commission adopte l’amendement CE 7.

La Commission examine l’amendement CE 8 de Mme Marie-Lou Marcel. 

Mme Marie-Lou Marcel. Cet amendement propose de modifier la rédaction de l’alinéa 27 de l’article 31 adoptée par le Sénat et de remplacer « Le rôle de chef de file dans la gouvernance pour l’aménagement des gares d’intérêt national situées sur le territoire métropolitain » par « Le rôle de chef de file pour l’aménagement urbain autour des gares situées sur le territoire métropolitain ». Les régions doivent naturellement bénéficier des prérogatives dévolues à la collectivité chef de file pour la gouvernance et l’aménagement des gares, puisqu’elles organisent la circulation des trains express régionaux (TER) et représentent les principaux investisseurs dans les fonctions de transport et d’intermodalité opérées par les gares.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 8.

La Commission aborde l’amendement CE 16 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement étend la logique de mes amendements précédents au domaine de la transition énergétique.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 16.

La Commission en vient à l’amendement CE 30 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement épouse le même dessein que les précédents et porte sur les concessions de distribution publique.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 30.

La Commission étudie l’amendement CE 28 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Il est proposé de modifier l'alinéa relatif à l'exercice de plein droit par la métropole, en lieu et place des communes, de la compétence en matière de création et d'entretien des infrastructures de charge nécessaires à l'usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, en prévoyant que la métropole exerce cette compétence pour des activités de soutien, ce qui maintient les possibilités d'intervention d'autres collectivités territoriales dans ce domaine.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 28.

La Commission est saisie de l’amendement CE 23 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement vise également à préserver l’organisation des concessions de distribution.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 23.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 modifié.

Chapitre V - Dispositions diverses relatives à l’intégration métropolitaine et urbaine

Article 42

La Commission étudie l’amendement CE 18 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement reprend la même argumentation et l’applique à l’organisation de la transition énergétique.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 18.

La Commission examine l’amendement CE 26 du président de la Commission.

M. le président François Brottes. Cet amendement est animé de la même préoccupation.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CE 26.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 42 modifié.

Chapitre VI - (Division et intitulé supprimés)

Article 45 (Supprimé)

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

*

* *

Liste des amendements examinés

Les amendements examinés peuvent être consultés ici .

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 26 juin 2013 à 9 heures

Présents. – M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Armand Jung, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Jean-Claude Bouchet, M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Lepetit, M. Serge Letchimy, M. Yannick Moreau, M. Yves Nicolin, Mme Josette Pons, M. Patrice Prat, M. Bernard Reynès, M. Michel Sordi, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, Mme Virginie Duby-Muller