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Commission des affaires sociales

Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte (n° 432) (M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur)

– Amendements examinés par la commission

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Réjean Hébert, ministre de la santé et des services sociaux du Québec

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 23 janvier 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte (n° 432) (M. Jean-Louis Roumégas, rapporteur).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous recevrons à onze heures trente M. Réjean Hébert, ministre de la santé et des services sociaux du Québec. Notre collègue Martine Pinville l’a rencontré lorsqu’elle a accompagné Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, au cours de son déplacement au Québec. M. Hébert souhaite insister sur deux dossiers à l’ordre du jour dans nos deux pays : la dépendance et la santé mentale.

L’ordre du jour appelle l’examen, sur le rapport de M. Jean-Louis Roumegas, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, que le groupe écologiste a inscrit à l’ordre du jour de sa séance réservée le jeudi 31 janvier prochain.

Je souhaite la bienvenue à notre collègue Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

L’indépendance de l’expertise et la protection des lanceurs d’alerte sont des questions essentielles. L’enjeu est notamment de rétablir la confiance de nos concitoyens dans le traitement des risques sanitaires et environnementaux.

Nous avons déjà abordé ces questions, il y a plus d’un an, lors de l’examen de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. L’opposition d’alors, à laquelle j’appartenais, a beaucoup œuvré pour y inclure des dispositions plus ambitieuses en matière de prévention des conflits d’intérêts et, déjà, de protection des lanceurs d’alerte dans le domaine de la pharmacovigilance, tant au sein des industries pharmaceutiques qu’en dehors de ces dernières, comme nous l’avons vu avec l’affaire du Mediator.

Cette proposition de loi élargit en quelque sorte le débat entamé en 2011. Elle a fait l’objet d’un examen détaillé au Sénat, qui a profondément modifié le texte initial. La discussion s’est poursuivie à l’Assemblée et les amendements que notre rapporteur présente aujourd’hui résultent d’une étroite concertation entre les groupes de la majorité.

M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur. Je suis très honoré de présenter pour la première fois un rapport devant notre commission.

Cette proposition de loi, présentée par le groupe écologiste du Sénat et adoptée par la majorité sénatoriale, me paraît emblématique des thèmes et des solutions que notre formation souhaite promouvoir au sein de la majorité : nous voulons aborder sans tabou les problèmes auxquels notre société est confrontée et y apporter des réponses à la fois concrètes et innovantes.

La proposition de loi traite de la déontologie de l’expertise et de la prise en compte des alertes en matière de santé publique et d’environnement. Elle est le fruit d’une réflexion menée de longue date sur l’expertise scientifique et technique, non seulement sur ses principes mêmes, mais aussi sur les règles déontologiques qui doivent s’y appliquer et sur la nécessaire participation de la société civile pour les valider. Elle tire également les leçons de l’expérience des lanceurs d’alerte – chercheurs, salariés, médecins, militants associatifs –, anonymes ou médiatiques, qui ont un jour tenté d’interpeller les pouvoirs publics ou, directement, le grand public, afin que soit pris en compte un risque pour la santé publique ou l’environnement.

Nous avons tous en tête le nom de ces hommes et de ces femmes qui ont contribué à la manifestation de la vérité et l’ont souvent payé cher, en termes de réputation ou de carrière. Je ne vais pas dresser ici la liste exhaustive des scandales sanitaires qui ont ébranlé notre pays au cours des dix ou vingt dernières années, voire antérieurement, s’agissant de l’amiante. Derrière nombre d’entre eux se cachent un ou plusieurs lanceurs d’alerte dont la voix a parfois, mais pas toujours, été entendue et prise en considération.

À la suite des affaires du sang contaminé et de la vache folle, notre dispositif de sécurité sanitaire a été réformé : les agences sanitaires se sont développées sur la base du principe – sain – de séparation entre l’expertise technique et la décision politique. Néanmoins, plusieurs exemples récents – prothèses PIP, bisphénol A, Mediator, stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène, pilules de troisième et quatrième générations – révèlent que ce dispositif n’est pas exempt de failles et que certains événements échappent à la vigilance, tant pour des raisons humaines que systémiques, voire éthiques.

Avec cette proposition de loi, nous cherchons à atteindre un double objectif.

Il s’agit, d’abord, de renforcer les critères déontologiques de l’expertise grâce à la création d’une commission nationale chargée d’émettre des recommandations en la matière. Elle s’assurera que tous les organismes d’expertise et de recherche respectent le même niveau d’exigence, que tous accordent l’attention requise aux conflits d’intérêts et que la société civile est mieux associée à ces réflexions. Elle se verra en outre confier un rôle de suivi des alertes : elle veillera principalement à leur bon enregistrement et transmettra, le cas échéant, celles dont elle est saisie aux ministres compétents.

Il s’agit, ensuite, d’éviter que des alertes ne soient perdues ou ignorées. Dans cette perspective, il convient de sécuriser la phase de lancement des alertes, mais aussi celle de leur prise en compte et de leur traitement par les organismes d’expertise de l’État. À cette fin, le présent texte, d’une part, oblige ces organismes à tenir des registres et, d’autre part, crée un véritable droit d’alerte, qu’il encadre et protège.

La reconnaissance du rôle des lanceurs d’alerte et leur protection constituent un élément essentiel de l’équilibre entre science et démocratie. C’est pourquoi la proposition de loi prévoit, pour la première fois, un dispositif général de protection des lanceurs d’alerte contre les discriminations dont ils pourraient être victimes. Un premier pas en ce sens avait été fait avec la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, mais les dispositions qui y avaient été introduites à l’initiative de notre collègue Arnaud Robinet demeuraient limitées au secteur de la pharmacovigilance. Les dispositions prévues ici sont plus larges.

À ceux qui craindraient d’éventuels abus, je signale que la notion d’alerte est précisément définie dans le texte : celui qui la lance doit agir de bonne foi, sous peine des sanctions prévues par le code pénal pour dénonciation calomnieuse. De plus, la protection légale n’est accordée qu’aux lanceurs d’alerte qui respectent le circuit de l’alerte et avertissent les autorités compétentes. S’il n’est pas question, bien sûr, de limiter la liberté d’expression ni la liberté d’information, ce texte ne vise pas davantage à créer une société de l’alerte permanente et omniprésente, dont les effets seraient délétères et anxiogènes. Il s’agit d’entendre les alertes, de les répertorier et de les transmettre aux personnes compétentes, afin que les problèmes soulevés soient traités, expertisés et, si nécessaire, résolus.

L’examen en première lecture par le Sénat a permis d’améliorer le texte initial sur plusieurs points.

Un accord a tout d’abord été trouvé sur la création d’une commission nationale de la déontologie en lieu et place de la Haute autorité indépendante initialement prévue. Dans le contexte budgétaire actuel, cette première proposition n’avait pas recueilli l’assentiment général. Néanmoins, compte tenu de l’urgence et de l’absence de rationalisation de notre dispositif de sécurité sanitaire, l’idée d’une commission nationale de déontologie s’est imposée. Lors des nombreuses auditions – dix-sept à l’initiative de la commission des affaires sociales et trois à l’initiative de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire – que nous avons menées sur ce texte, personne – je le souligne – n’a remis en cause sa création. Le directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), particulièrement en pointe sur les questions de déontologie, et la directrice de l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui dispose déjà d’un dispositif d’enregistrement des alertes performant, ont l’un et l’autre jugé cette commission utile et se sont prononcés en faveur de l’harmonisation des critères de recevabilité en matière d’expertise et de traitement des alertes.

Le Sénat est parvenu à un équilibre satisfaisant sur le titre Ier de la présente proposition de loi. Je ne pense pas trahir les intentions de la majorité en le disant. Je vous soumettrai néanmoins, en accord avec Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable, avec laquelle j’ai travaillé en parfaite intelligence, plusieurs amendements de précision qui rendent le titre Ier encore plus cohérent et constructif.

En revanche, le Sénat a largement modifié le titre II : il a renoncé à la création de cellules d’alerte dans les entreprises de plus de onze salariés – prévue par le texte initial, elle a été jugée peu réaliste par les syndicats – et a choisi de confier principalement aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) la mission de gérer les alertes en entreprise.

J’ai reçu l’ensemble des partenaires sociaux – à l’exception de la CFE-CGC qui n’a pu participer aux auditions – pour examiner ces dispositions. Au terme de ces entretiens, trois éléments se dégagent.

Premièrement, il convient de tenir compte des négociations en cours entre partenaires sociaux sur les institutions représentatives du personnel. Nous nous sommes rangés à cet avis souvent exprimé au cours des auditions, notamment par le ministère du travail. Si les questions sanitaires et environnementales ne sont pas au cœur de ces négociations, il serait néanmoins prématuré de décider d’une extension des compétences des CHSCT à des matières nouvelles, actuellement en débat.

Deuxièmement, il serait très difficile aux CHSCT d’exercer de nouvelles prérogatives en l’absence de moyens supplémentaires – formations ou crédits d’heures. Ce point est ressorti clairement des auditions.

Troisièmement, surtout, l’alerte ne doit pas, selon moi, rester confinée à l’entreprise. Si le représentant du personnel au CHSCT, voire le CHSCT dans son ensemble, doivent pouvoir appuyer le salarié lanceur d’alerte, la gestion de l’alerte ne relève pas de leur responsabilité, mais avant tout de celle de l’employeur. En outre, en cas de risque nouveau, l’expertise nécessaire au traitement de l’alerte et les solutions éventuelles dépassent forcément le cadre de l’entreprise où l’alerte a été lancée. Je propose donc des amendements qui répondent à une double préoccupation : d’une part, conserver une dimension collective à l’alerte, en prévoyant une participation du représentant du personnel au CHSCT à son lancement, ainsi qu’une information du CHSCT tant sur le lancement de l’alerte que sur les suites qui lui sont données ; d’autre part, instituer – c’est là le point important – une voie de recours extérieure à l’entreprise, dans le cas où aucune suite ne serait donnée à l’alerte. Cette modification substantielle du texte adopté par le Sénat permettra de clarifier le circuit de l’alerte.

En conclusion, les principes promus dans la présente proposition de loi correspondent tout à fait aux préoccupations et aux attentes des Français. La sécurité sanitaire n’est plus une question confinée aux cercles d’initiés ou d’experts : elle est devenue un sujet de société à part entière.

Depuis plusieurs années, nos concitoyens prennent de plus en plus souvent la parole publiquement et de manière argumentée sur les enjeux scientifiques, sanitaires ou environnementaux. Nous devons tenir compte de cette mobilisation. La crise que nous traversons ne se limite pas à la sphère économique et financière : les Français ont perdu confiance dans la capacité de notre société à trouver des solutions aux problèmes du monde contemporain et dans celle de l’État à organiser cette réponse.

Dans ce contexte, nous devons repenser les mécanismes collectifs qui permettent de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens en matière sanitaire et environnementale. Nous devons traiter cette crise de confiance non seulement par des mots, mais par des actes. L’adoption de la présente proposition de loi constituerait, à cet égard, un acte fort. Je vous invite donc à la soutenir.

Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Notre collègue Jean-Louis Roumegas a dit l’essentiel. Mon intervention sera donc très brève.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a travaillé dans un objectif très précis : améliorer le dispositif de cette proposition de loi, tout en en préservant l’essence. Aux yeux des députés socialistes de la commission, l’initiative de Mme Blandin concerne une véritable question de société : l’enjeu porte, d’une part, sur la prise en compte de la parole de citoyens de bonne foi et, d’autre part, sur les garanties d’indépendance que doivent présenter les expertises auxquelles recourent les organismes publics.

La plupart des scandales sanitaires qui ont marqué notre pays depuis trente ans et que nous avons tous en mémoire auraient été de moindre ampleur, si les pouvoirs publics avaient écouté les personnes qui les avaient averties d’un danger pour la santé ou l’environnement. Ces personnes étaient, pour la plupart, des scientifiques, mais certaines d’entre elles n’avaient aucune qualification particulière : elles ont simplement suivi leur conscience et accompli un acte citoyen. Or, au lieu d’être soutenues, elles ont subi des pressions de leur hiérarchie, ont été privées de crédits de recherche ou ont été entraînées dans des procès, qu’elles ont d’ailleurs généralement gagnés. On a relevé de telles pressions tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

La commission du développement durable ne s’est pas prononcée sur le titre II de la présente proposition de loi, qui relève, selon elle, de la seule compétence de votre commission. Elle a, en revanche, donné un avis favorable à l’adoption des titres Ier et III, modifiés par quelques amendements, qui visent à reconnaître encore davantage le rôle des lanceurs d’alerte et à renforcer les mécanismes qui garantissent l’indépendance de l’expertise scientifique. Ce sont des amendements d’ordre technique, à l’exception de l’amendement portant article additionnel avant l’article 1er, qui précise la notion de lanceur d’alerte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, du travail que vous avez réalisé sur ce sujet important.

Nier l’existence des lanceurs d’alerte ne contribuerait en rien à renforcer la crédibilité des experts. À force de nous en remettre aux experts, nous avons fini par éloigner les citoyens des décisions prises, à tel point qu’ils ont perdu confiance dans ces dernières.

D’une part, les experts doivent retrouver leur place grâce aux codes de déontologie et aux déclarations publiques d’intérêts. D’autre part, les lanceurs d’alerte, qui pour certains ont eu raison et ont mené des années de combat, doivent être écoutés. Cependant, nous devons éviter de tomber dans un travers ou une forme d’obscurantisme qui consisterait à remettre systématiquement en cause la parole des experts dès qu’une avancée scientifique voit le jour. Les experts disposent d’une véritable compétence et peuvent avoir des liens d’intérêts sans être pour autant malhonnêtes. Le présent texte préserve un équilibre entre ces différentes préoccupations.

Mme Bernadette Laclais. La présente proposition de loi permet de renforcer nos procédures de sécurité sanitaire et environnementale, tout en aidant la société civile à retrouver confiance dans notre système de veille sanitaire. Ce système s’est structuré, depuis plus de vingt ans, sous l’effet de crises sanitaires. Ainsi, des agences d’expertise scientifique ont été créées. En dépit de leur travail, généralement significatif et de qualité, de nouveaux risques et de nouvelles crises apparaissent.

Les commissions d’enquête et les missions d’information constituées après chacune de ces crises ont mis en évidence le rôle qu’ont souvent joué, en amont de ces dernières, des citoyens, des salariés, des chercheurs ou des praticiens qui avaient tiré la sonnette d’alarme bien avant que les pouvoirs publics n’agissent ou ne soient en mesure de le faire. Parfois, ces lanceurs d’alerte ont été confrontés au doute ou au déni, ont subi des intimidations ou la calomnie, voire ont été licenciés.

Cette proposition de loi présente un double intérêt : d’une part, elle définit les conditions de l’indépendance de l’expertise et de la déontologie ; d’autre part, elle protège les lanceurs d’alerte, qui peuvent disposer d’informations concernant un danger. Il est important qu’ils puissent les porter à la connaissance des autorités compétentes, mais aussi que soit assuré un suivi des alertes, une fois celles-ci lancées. Vous l’avez très bien dit, madame la présidente : ce dispositif constitue un complément utile au travail des experts et des scientifiques.

La commission du développement durable propose plusieurs amendements modifiant le texte adopté par le Sénat. Tous ses amendements vont, du point de vue du groupe socialiste, dans le bon sens : ils clarifient et complètent les missions de la commission de déontologie ; ils définissent plus précisément la notion de lanceur d’alerte ; ils visent à satisfaire l’exigence de transparence constitutive de l’indépendance.

Les amendements du rapporteur que nous soutiendrons apportent également des modifications importantes. Notre groupe proposera en outre la suppression de l’article 16 A. Le texte pourra également s’enrichir des suggestions qui seront éventuellement formulées au cours de la discussion.

Grâce à la collaboration entre les groupes de la majorité, nous allons parvenir à un texte équilibré et consensuel, qui marquera une étape importante. Au moment où de nouvelles crises voient le jour, le Parlement se devait de favoriser un tel progrès en matière de sécurité sanitaire et environnementale et de contrôle démocratique dans ces domaines. Le groupe SRC soutient la proposition de loi et s’associera aux différentes propositions qui seront faites par les rapporteurs.

M. Bernard Accoyer. Ce texte est un texte considérable. Nous en comprenons les intentions et les partageons : il vise à ce que le citoyen retrouve confiance non seulement dans son environnement, mais également dans l’expertise, indispensable dans une société moderne.

Cependant, s’il était adopté, il remettrait en cause de manière globale notre système d’évaluation, certes critiqué et perfectible, mais qui réalise un travail considérable. Nous prendrions une grande responsabilité en créant un statut spécifique pour les lanceurs d’alerte au risque d’évincer la parole des experts.

Nous devrions en débattre de manière beaucoup plus approfondie que nous ne le faisons dans le cadre de l’examen du présent texte. La procédure choisie est, en effet, problématique : le recours à une proposition de loi nous prive d’une étude d’impact. Or les dispositions envisagées auront des conséquences dans des domaines nombreux et très importants : la santé, l’environnement, la recherche, l’industrie, la compétitivité, l’emploi. Le rapport, certainement élaboré avec beaucoup de soin par notre rapporteur, ne peut pas traiter de tous ces aspects en profondeur. Il y a là, à nos yeux, une insuffisance.

Les auditions ont d’ailleurs été rapides et ciblées sur certains interlocuteurs. Ni l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ni les académies scientifiques n’ont été consultés. Quatre d’entre elles – l’académie des sciences, l’académie des sciences morales et politiques, l’académie des technologies et l’académie de médecine – sont pourtant en train d’élaborer un texte commun sur l’expertise, aspect essentiel de la vie scientifique, économique et sociale de notre pays. Nous ne pouvons pas nous permettre, dans le contexte actuel, de mettre en place, à la va-vite, de tels freins aux progrès de la connaissance.

Cette proposition de loi aurait des conséquences considérables. À titre d’exemple, les médias se sont fait l’écho, ce matin, du rapport de l’académie des sciences sur « l’enfant et les écrans ». Si, demain, le statut que vous proposez entrait en vigueur, le premier venu pourrait prétendre – certains d’entre nous peuvent le penser à bon droit, pour peu qu’ils soient mal utilisés – que les écrans représentent un grand danger pour les enfants, à divers titres.

Nous devons donc mener une réflexion approfondie sur ces questions, pour parvenir à un consensus qui transcende nos appartenances politiques. Les académies sont prêtes à travailler avec nous à cette fin. Au cours de la précédente législature, nous avions organisé à l’Assemblée un colloque intitulé « Vérités scientifiques et démocratie ». C’est bien là le cœur du débat ! Les scientifiques français de renom qui y avaient participé – parmi lesquels plusieurs lauréats de prix Nobel et Cédric Villani, titulaire de la médaille Fields – s’étaient tous inquiétés de la dérive que l’on constate actuellement en France : le principe de précaution est appliqué chez nous de manière inappropriée, au point de devenir un obstacle majeur pour la recherche, l’innovation et donc le développement économique et industriel, la compétitivité, l’emploi.

Marie-Line Reynaud a raison : c’est un problème de société. Or un problème de société ne se résout pas par une proposition de loi ! Il conviendrait, sur un thème aussi important, de réaliser un travail de fond pour créer les conditions d’un consensus, ce que ne permet pas l’examen d’une simple proposition de loi. C’est pourquoi le groupe UMP n’est pas favorable au présent texte et demande que nous remettions le sujet à l’étude pour prendre le temps de la réflexion. Nous devons éviter d’instaurer des règles dérogatoires, dont pourraient se saisir des citoyens certes parfois de bonne foi, mais parfois dépourvus des connaissances scientifiques suffisantes. Leur enthousiasme risquerait de nous mettre dans des situations très délicates.

Le titre Ier de la proposition de loi prévoit la création d’une institution redondante. Tout le monde – y compris vous, madame la présidente – en convient : les agences sont déjà trop nombreuses dans notre pays. La ministre de la santé souhaite, avec raison, y mettre bon ordre. Il nous faut mener à bien cette réforme, tout en continuant à travailler à la rédaction de chartes de l’expertise dans ces institutions, dont certaines dispositions sont déjà appliquées.

Le titre II a été violemment rejeté par les syndicats, dans la mesure où il privait les CHSCT de leur raison d’être. Ces critiques ont été entendues par le rapporteur du projet de loi au Sénat, mais vous-mêmes souhaitez vider le titre II de sa substance.

Quant au titre III, il créerait un régime dérogatoire au droit commun : si un lanceur d’alerte venait, même sans fondement, à alléguer d’un danger pour la santé publique ou l’environnement, la charge de la preuve incomberait à ses contradicteurs.

Nous ne pouvons pas adopter ce texte dans de telles conditions. Nous faisons cependant preuve d’ouverture : si vous preniez, madame la présidente, une initiative pour qu’un débat approfondi ait lieu sur ces questions que vous connaissez bien, nous vous soutiendrions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il aurait été difficile, sinon impossible, de réaliser une étude d’impact concernant des événements futurs et hypothétiques. Le texte se concentre sur les notions de statut et de protection.

Mme Véronique Massonneau. La présente proposition de loi constitue un bon texte. Issue de débats compliqués, approuvée à une très courte majorité au Sénat, elle a connu un cheminement difficile.

L’idée d’inscrire dans la loi des mécanismes garantissant l’indépendance de l’expertise et protégeant les lanceurs d’alerte est défendue depuis de nombreuses années par les réseaux associatifs, en particulier la Fondation « Sciences citoyennes ». Elle a été reprise plusieurs fois dans le cadre de travaux parlementaires. C’est finalement la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin qui a déposé cette proposition de loi le 28 août 2012 et le groupe écologiste du Sénat qui l’a inscrite à l’ordre du jour d’une de ses séances réservées le 15 octobre suivant. Rejeté par la commission du développement durable du Sénat, mais approuvé par la commission des affaires sociales, le texte a fait l’objet d’une discussion générale animée, mais n’a pas pu être voté dans sa première version. Il a fallu attendre le 21 novembre pour que les discussions se poursuivent et que la proposition de loi soit finalement adoptée, de justesse. Fort de cette victoire au Sénat, le groupe écologiste de l’Assemblée nationale a décidé de l’inscrire à son tour à l’ordre du jour d’une de ses séances réservées.

Cette proposition de loi fait suite aux scandales sanitaires qui se sont succédé dans notre pays et ont fait l’objet de commissions d’enquête parlementaires ou de missions d’information. Tous les rapports ont mis en évidence les mêmes mécanismes : d’une part, des arbitrages d’expertise publique rendus par des agences sous l’influence d’un ou plusieurs de leurs membres ayant des liens d’intérêts avec une société à l’origine de la mise sur le marché du produit ou du médicament incriminé ; d’autre part, des citoyens, des ouvriers, des chercheurs ou des praticiens qui ont tiré la sonnette d’alarme bien avant que les pouvoirs publics n’agissent. Or ces lanceurs d’alerte ont parfois été intimidés, calomniés, placardisés, voire licenciés. Je peux citer plusieurs exemples.

Ces dysfonctionnements ont causé des maladies et des décès ; ils ont provoqué une crise de confiance entre la société et le monde scientifique ; ils ont coûté plusieurs milliards d’euros au titre des réparations. La présente proposition de loi vise à bannir les conflits d’intérêts des lieux de décision, à mieux prendre en compte les alertes et à éviter que ceux qui les lancent ne soient pénalisés, sauf en cas de calomnie.

Le texte adopté par le Sénat prévoit la création d’une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement, qui aura les prérogatives suivantes : émettre et diffuser des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l’expertise ; être consultée sur les codes de déontologie mis en place dans les établissements et organismes publics relevant des domaines de la santé ou de l’environnement ; transmettre aux ministres compétents les alertes qui lui sont adressées, à charge pour les ministres d’informer la commission des suites qu’ils leur réservent ; identifier les bonnes pratiques et émettre des recommandations concernant les dispositifs de dialogue entre les organismes scientifiques et la société civile sur les procédures d’expertise et les règles de déontologie qui s’y rapportent ; établir un rapport annuel adressé au Parlement et au Gouvernement, qui évaluera les suites données aux avis qu’elle a rendus, et qui pourra comprendre des recommandations sur les réformes qu’il conviendrait d’engager en matière d’expertise scientifique et technique.

Un lanceur d’alerte n’est pas une personne identifiée qui serait investie d’une mission au sein d’un laboratoire ou d’une entreprise, mais un chercheur ou un salarié qui se trouve confronté, au hasard de sa vie professionnelle, à un risque qu’il identifie comme sérieux et qu’il ne parvient pas à faire prendre en compte. Jusqu’à l’automne 2011, aucune disposition légale ne protégeait les lanceurs d’alerte d’éventuelles mesures de rétorsion sur leur lieu de travail. À la suite de l’affaire du Mediator, une première forme de protection a été mise en place dans le cadre de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, mais elle est restée très restreinte : elle s’applique à une liste limitative de produits sanitaires définis par la loi. De plus, aucune protection des lanceurs d’alerte n’existe en matière environnementale. La présente proposition de loi vise à combler ces lacunes. Elle prévoit, en outre, les sanctions applicables lorsque le lanceur d’alerte a agi de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire.

Nous aurions évidemment préféré un vote conforme de la proposition adoptée par le Sénat pour que la loi entre en vigueur plus rapidement. Cependant, nous sommes bien conscients que des modifications sont nécessaires et faisons entière confiance au rapporteur à cet égard. Le groupe écologiste votera bien évidemment en faveur de ce texte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je précise à l’attention de Bernard Accoyer que la protection des lanceurs d’alerte est initialement une revendication de l’ordre des pharmaciens, qui a demandé que des dispositions soient incluses dans la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé pour protéger les quelque 385 pharmaciens responsables de la pharmacovigilance au sein des industries de santé. Certains d’entre eux avaient en effet été licenciés pour avoir signalé trop d’effets secondaires dans le cadre de leurs fonctions. Cette demande n’a donc rien de révolutionnaire et ne relève pas d’une chimère : elle répond à un besoin réel.

M. Jean-Pierre Door. Notre collègue Bernard Accoyer a bien exprimé notre sentiment au sujet de cette proposition de loi.

Vous partez, selon moi, d’un constat juste, que nous avons également fait dans le cadre de la mission d’information sur le Mediator. S’il convient de garantir la sécurité sanitaire, nous ne devons pas pour autant créer un dispositif inapplicable. En effet, il n’existe pas d’expertise indépendante en soi, ni de certitude en matière d’expertise. On le sait bien : une expertise chasse l’autre.

En outre, les décideurs politiques ne doivent pas s’abriter derrière les experts, d’autant que plusieurs expertises récentes – celle de M. Séralini sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), celle de M. Belpomme sur le chlorcédone – sont sujettes à caution. Nous risquons d’instaurer une dictature de l’expert !

S’agissant des lanceurs d’alerte, comment les définir ? Quel statut leur conférer ? Quels financements prévoir ? Le statut prévu par le texte est, en l’état, dépourvu de contenu réel. D’une manière générale, cette proposition de loi manque de consistance. Aucune véritable étude d’impact n’a été réalisée.

En ce qui concerne la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement, Bernard Accoyer a rappelé la prolifération des agences : on en dénombrerait pas moins de 1 245 ! Je vous renvoie au rapport de notre collègue Yves Bur sur les agences sanitaires et aux propos de la ministre de la santé : il convient de rationaliser le fonctionnement des agences existantes, d’évaluer leur action et de réfléchir aux regroupements possibles. En créant une nouvelle institution, on ne ferait qu’introduire de la confusion supplémentaire.

Enfin, vous avez pris le risque de priver les CHSCT de leurs compétences. Les entreprises n’y sont pas favorables. D’où les nombreux amendements sur le titre II.

Pour parvenir à des conclusions consensuelles sur ces sujets, nous demandons la création d’une instance de réflexion et la saisine de l’OPECST. J’ai d’ailleurs travaillé en bonne intelligence avec Mme Blandin sur plusieurs rapports dans le cadre de l’OPECST.

M. Christian Paul. Les rapporteurs et Bernadette Laclais ont souligné, à juste titre, l’opportunité de ce texte. Les interventions suivantes ont semé, au contraire, de la confusion.

Je précise, à l’attention de nos collègues de l’UMP, que notre débat n’est pas un colloque sur la place de l’expertise. Le texte que nous examinons prévoit des dispositions très précises. Dans une société hypermédiatisée comme la nôtre, où des alertes sont lancées en permanence dans l’ensemble des médias, en particulier sur les sites internet, il est important qu’un texte de loi permette de protéger les lanceurs d’alerte, mais aussi de mettre de l’ordre, en définissant un cadre et un circuit de l’alerte. Tel sera le rôle de la commission de déontologie que nous souhaitons créer. Le dispositif permettra de faire un tri entre, d’une part, les alertes utiles et, d’autre part, celles qui pourraient poser problème et préoccupent légitimement les milieux scientifiques et économiques.

Il convient d’apprécier cette proposition de loi à sa juste mesure, sans en exagérer ni en amoindrir la portée. Nous souhaitons élaborer – le rapporteur l’a dit – un texte responsable, qui confère un statut et une protection aux lanceurs d’alerte, compte tenu de l’importance des alertes dans notre société et de leur place dans le débat public. C’est, en outre, un texte important et progressiste, qui permet de répondre aux situations que nous avons rencontrées au cours des dernières années : d’une part, des lanceurs d’alerte ignorés ou soumis à des pressions parfois insupportables ; d’autre part, des alertes lancées de manière inconsidérée ou dans des conditions très spectaculaires – cette commission a d’ailleurs déploré, à cet égard, l’initiative de certains députés médecins. Le présent texte s’adresse cependant moins à ces derniers qu’aux nombreux Français qui ont rendu ou rendront à notre pays des services inestimables en lançant des alertes.

M. Élie Aboud. Nous ne contestons pas la proposition de loi sur le fond mais craignons qu’elle n’entraîne des dérives. Notre propos n’est nullement porteur de confusion mais d’interrogations. En cas de divergence avec l’employeur sur le bien-fondé d’une alerte, à qui reviendra-t-il de prendre une décision et selon quelles modalités ?

Quelle sera la différence entre alerte et diffamation ? Cette question se posera en cas de conflit au sein d’une société. Nous n’affirmons nullement que tous les lanceurs d’alerte sont potentiellement malhonnêtes. Mais l’existence de revues people pseudo-scientifiques peut tout à fait pousser des salariés dans cette direction.

Quels seront les liens entre les lanceurs d’alerte et les organisations professionnelles ? Ne risque-t-on pas un mélange des genres, en cas de problème de gouvernance au sein d’une entreprise ?

Enfin, en cas de diffamation, quelles sanctions un lanceur d’alerte encourra-t-il ?

Mme Véronique Louwagie. Nous n’avons aucune inquiétude quant au fond de cette proposition de loi qui renforce l’expertise publique. On ne peut nier le fait que plusieurs crises sanitaires majeures, telles que l’affaire du sang contaminé ou celle des hormones de croissance, ont perturbé notre pays. Il est légitime de réagir à la crise de confiance de nos concitoyens. Cependant, les moyens proposés pour ce faire sont contraignants. Or il importe que nous en revenions à un principe de réalité et que nous protégions la compétitivité de nos entreprises et de nos industries !

Premièrement, la proposition de loi crée une Commission nationale de la déontologie et des alertes alors qu’il existe déjà 1 245 agences d’État. Ainsi, au lieu de rechercher l’efficacité en rattachant cette mission à une agence ou à une commission existante, on empile les structures ! N’aurait-il pas mieux valu rationaliser le fonctionnement des agences d’expertise et évaluer l’efficacité de leur action ?

Deuxièmement, dans le cadre de la procédure d’alerte sanitaire mise en place dans l’entreprise, la notion de « lanceur d’alerte » est difficile à appréhender. Il s’agit de tout employé qui estime que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par son entreprise « font peser » – termes ambigus – des risques pour la santé publique ou l’environnement. Cette notion mérite une définition précise. Le texte alourdit les obligations des entreprises qui en réclament au contraire l’allégement et la rationalisation !

Troisièmement, dans l’hypothèse où un salarié lanceur d’alerte n’agit pas de bonne foi, la survie de l’entreprise peut être mise en jeu. Ce système d’alerte ne risque-t-il pas de nuire à son fonctionnement interne et externe, à son image de marque et à la commercialisation de ses produits ? Et puisque le Gouvernement souhaite faire du dialogue social un point fort de son action, ce dispositif aurait dû faire l’objet d’une négociation préalable.

Enfin, en dépit des difficultés invoquées par la présidente, il aurait fallu réaliser une étude d’impact de la proposition de loi.

M. Gérard Sébaoun. Le professeur Séralini a peut-être eu le défaut de médiatiser une expérience qui prête au débat mais il a eu le mérite de soulever le problème majeur des OGM et de Monsanto. Ce faisant, il a lui-même été lanceur d’alerte. Rendons-lui justice de cela ! Les agences que nous avons entendues à la suite de l’audition du professeur Seralini n’ont d’ailleurs guère critiqué que sa méthode. On ne peut accuser ici si facilement un scientifique.

Il est vrai cependant qu’il n’est pas légitime d’élargir les missions du CHSCT dans le cadre de cette proposition de la loi alors que la question n’a pas encore été tranchée par les partenaires sociaux.

Mme Isabelle Le Callennec. L’exigence de protection de l’environnement et de la santé nous réunit. Mais cette proposition de loi pose de nombreux problèmes. Je citerai un cas d’école que ce texte ne permet pas de résoudre et sur lequel j’ai interrogé les ministres à plusieurs reprises en commission. Les députés écologistes ont également posé la question plusieurs fois mais elle demeure sans réponse : elle concerne les conséquences sur la santé humaine de la présence de champs électromagnétiques. Une ligne à très haute tension est actuellement en cours de construction depuis Flamanville. De nombreuses associations demandent depuis de longs mois la réalisation d’une étude épidémiologique sur le sujet mais personne ne leur répond. D’un côté, RTE estime que cela ne présente aucun danger pour la santé. De l’autre, des associations – qui sont précisément des lanceurs d’alerte – pensent le contraire. Le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM), laboratoire situé au Mans, a réalisé des études sur ce thème et souhaiterait en réaliser une autre.

Cet exemple illustre que si l’intention des auteurs de la proposition de loi est bonne, la question des moyens de sa mise en œuvre reste posée. De quelle expertise publique parle-t-on ? Et à quel coût ? Le champ d’application de la proposition de loi est immense d’autant que des alertes sont lancées tous les jours sur une multitude de sujets. Au lieu de se disperser, mieux vaudrait se concentrer sur les enjeux les plus importants pour la santé tels que le médicament.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je signale tout de même que désormais, sur l’ensemble du territoire, tout patient déclare lui-même les effets secondaires liés aux médicaments qu’il consomme. L’information est donc traitée, en l’occurrence.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Ayant reçu récemment des citoyens et des associations lanceurs d’alerte dans le domaine environnemental, je suis très sensible aux dispositions de cette proposition de loi, tant nous avons besoin de clarifier le statut de ces lanceurs d’alerte et les procédures d’examen de celles-ci. Combien de scandales sanitaires sont-ils encore nécessaires pour que nous nous décidions à agir ? Il ne s’agit nullement de prendre pour argent comptant toutes les alertes mais de nous assurer que nous ne passerons pas à côté d’informations qui nous permettraient d’éviter un scandale sanitaire ou des dégradations environnementales irréversibles. Il ne s’agit ni de se substituer aux experts, ni de les condamner ou de les stigmatiser mais d’accepter le fait – fondamentalement démocratique – que l’expertise puisse être construite de manière collective. Il faut faire en sorte que les alertes des citoyens, des salariés et des associations soient mieux prises en compte, et pas seulement laissées au bon vouloir des médias.

En outre, la proposition de loi prévoit un encadrement des alertes et précise les sanctions applicables en cas d’alerte abusive. Le texte renforce par ailleurs l’efficacité du suivi et du traitement des alertes : ainsi les lanceurs d’alerte seront-ils informés du suivi de leur déclaration.

Mme Véronique Besse. En créant des contraintes administratives supplémentaires, cette proposition de loi compliquera la vie des entreprises. En outre, a-t-on besoin qu’une nouvelle agence soit créée alors que les 1 245 agences existantes, qui emploient plus de 442 000 agents, ont coûté 50 milliards d’euros aux contribuables en 2012 ?

M. Jean-Louis Touraine. L’actualité récente illustre l’importance du sujet dont nous débattons. Pour autant, certains se méprennent sur le sens de ces dispositions nouvelles.

Premièrement – et c’est là une singularité malheureuse –, par le passé, la France a tardé, bien davantage que d’autres pays, à recueillir les informations qui lui auraient permis de réagir opportunément aux effets adverses de certains produits. Ainsi le traitement, avec dix ans de retard, du problème du Mediator a-t-il pénalisé de nombreux patients. D’autres exemples antérieurs existent, comme celui du Distilbène dont toute une génération de femmes et leur descendance ont subi les méfaits en France, alors même que les États-Unis avaient déjà pris les mesures de limitation nécessaires. L’absence de véritable procédure d’alerte ne permet à elle seule d’expliquer le retard français. Il reste que le lancement d’alerte constitue le point de départ du processus. Or de nombreuses personnes s’autocensurent, d’une part, parce qu’elles craignent pour leur situation, et d’autre part, parce qu’il est considéré comme inopportun d’aller contre l’opinion générale. L’information, qui n’est pas censée être diffamatoire, n’est donc pas recueillie suffisamment tôt. En outre, celle-ci n’est pas destinée à la presse people mais à des professionnels responsables de son traitement, notamment chargés d’écarter les alertes farfelues.

Deuxièmement, il ne s’agit nullement de créer une agence supplémentaire mais de mettre en place une commission, ce qui est différent. On ne peut donc parler d’un empilement d’agences.

Troisièmement, le principe de précaution a certes parfois été appliqué au détriment d’un authentique progrès mais ce n’est pas nous qui l’avons inscrit dans la Constitution ! Il importe d’en contrôler les effets et d’éviter qu’il nous immobilise. En tout état de cause, ce n’est pas de son application qu’il s’agit dans cette proposition de loi mais plutôt de tracer la voie étroite entre l’excès et le manque d’information.

M. Bernard Perrut. Ce texte m’inquiète beaucoup. Tout d’abord, il crée une nouvelle commission, fait que Bernard Accoyer a bien remis en perspective tout à l’heure. Par ailleurs, son article 8 crée de nouveaux droits au profit de toute personne physique ou morale qui rend publique ou diffuse de bonne foi une information. Mais je note une contradiction et un manque de cohérence dans la mesure où celui qui diffusera devra également respecter un critère de confidentialité. Est même évoquée la saisine du Défenseur des droits. Or ces droits nouveaux complètent des dispositions qui existent déjà dans le code du travail : l’article L. 4131-1 de ce code permet en effet au salarié de dénoncer tout danger grave et imminent pour la vie et la santé. Finalement, la proposition de loi est d’un autre ordre en ouvrant la possibilité au salarié de porter un jugement sur un procédé de fabrication ou un produit sans toutefois en avoir la compétence.

M. Jean-Marc Germain. Je suis extrêmement favorable à ces dispositions et suis surpris de la confusion qui caractérise l’expression de nos collègues du groupe UMP. Il ne s’agit pas d’accorder aux salariés un pouvoir de décision mais une faculté d’alerte – comme il en existe dans tous les domaines. Par exemple, un fonctionnaire qui a connaissance d’un fait susceptible d’être délictueux est tenu de saisir le Parquet. Il revient ensuite à la justice de se prononcer. Il est donc essentiel que cette fonction existe même si un filtre est nécessaire : c’est justement le rôle qu’aura à jouer la future commission. Celle-ci sera dûment habilitée à évaluer les alertes, à les transmettre aux organismes compétents et à éviter des abus tels que les dénonciations calomnieuses. Je m’étonne que ce texte ne fasse pas l’unanimité alors qu’il répond à des inquiétudes auxquelles chacun peut être confronté dans l’exercice de sa fonction – que ce soit en matière de santé publique, de droit civil ou de droit pénal.

M. le rapporteur. Je remercie Bernadette Laclais : son intervention illustre le climat de confiance qui a régné entre nos groupes politiques ainsi qu’entre la commission du développement durable et celle des affaires sociales. Nos commissions ont travaillé dans une parfaite harmonie, en tenant compte des auditions que nous avons menées auprès de l’ensemble des parties prenantes – agences, organisations professionnelles, syndicats de salariés et organisations représentatives des employeurs – afin de renforcer l’efficacité de ce texte.

S’agissant des remarques de Bernard Accoyer et des autres intervenants du groupe UMP, je ne m’attendais pas à un clivage partisan sur un tel sujet. Le Grenelle de l’environnement – que vous aviez initié – a déjà prévu, en effet, ce type de dispositif. Notre ancien collègue Yves Bur lui-même a appelé à la création d’une commission de déontologie afin de mettre un terme à l’anarchie qui règne dans ce maquis d’agences manquant d’indépendance et de lisibilité. Bref, nous essayons de répondre à des revendications issues de tous les camps politiques. Mais ce n’est pas la première fois que l’opposition renie les décisions qu’elles avaient prises dans le cadre du Grenelle !

Certaines de vos interventions sont constructives : ainsi reconnaissez-vous l’existence du problème. Mais vous dénoncez les réponses que nous y apportons. J’ai l’impression que vous en êtes restés au texte issu du Sénat sans lire les propositions que nous avons élaborées au terme de nombreuses auditions. Ceux de vos amendements qui relaient l’avis d’organisations professionnelles seront d’ailleurs satisfaits puisque nous en avons repris l’objet dans les nôtres. Il est regrettable que vous n’ayez pas assisté à nos auditions, monsieur Accoyer !

Vous nous reprochez de ne pas avoir entendu certains organismes de recherche tels que l’Académie des sciences, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ou l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) mais je n’ai reçu vos demandes d’audition par courrier qu’il y a deux jours – autrement j’en aurais volontiers tenu compte ! Quoi qu’il en soit, les agences existantes ne se sentent nullement concurrencées par la création de cette commission nationale – qui n’est pas une agence. Elles y voient au contraire une garantie car elles ont besoin d’un regard extérieur en matière de déontologie et d’une harmonisation des règles applicables. Cette commission de sages n’aura nullement un rôle d’expertise mais sera chargée de formuler des recommandations d’ordre déontologique et de s’assurer que les alertes sont bien prises en compte par les pouvoirs publics. Vous nous reprochez de créer une usine à gaz permettant au premier venu de saisir la commission sur n’importe quel sujet : non ! C’est précisément tout le contraire que nous vous proposons. Nous souhaitons justement mettre un terme à la situation actuelle où des alertes totalement infondées peuvent apparaître sur la place publique, provoquant parfois des scandales inutiles et paralysant la vie des entreprises et les pouvoirs publics.

Voilà pourquoi nous voulons rationaliser le circuit de l’alerte. Ainsi, tout le monde ne pourra pas saisir cette commission nationale car des filtres sont prévus. Tous les parlementaires, en revanche, auront un droit de saisine. La proposition de loi garantit en outre que toute alerte sera traitée par la commission et fera l’objet d’une réponse de sa part. Cela permettra d’éviter les scandales médiatiques. Force est de constater que, dans des affaires récentes, certains lanceurs d’alerte sérieux n’ont pas été entendus, ce qui a coûté extrêmement cher et fait perdre beaucoup de temps aux entreprises et aux pouvoirs publics.

Cela étant, il est déjà arrivé, y compris aux représentants de l’État de lancer de fausses alertes, comme dans l’affaire de la grippe H1N1 qui a tout de même coûté la bagatelle d’un milliard d’euros au contribuable !

S’agissant des lanceurs d’alerte en entreprise, vous semblez ne pas avoir lu la nouvelle version que nous vous proposons : nous comptons en effet remanier le texte adopté au Sénat, non pas pour le vider de son sens mais afin de tenir compte des négociations entre les partenaires sociaux. Nous ne souhaitons nullement nous substituer à eux en accordant de nouvelles prérogatives aux organisations représentatives du personnel, en particulier au CHSCT. En outre, le texte du Sénat ne prévoyait pas les moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives. La nouvelle rédaction de l’article 9 que nous proposons par amendement garantira que ces alertes seront effectivement traitées.

Nous avons également envisagé l’hypothèse où, dans une entreprise, l’employeur et les représentants du personnel s’entendent, en raison d’un intérêt commun, pour ne pas traiter une alerte émanant d’un lanceur d’alerte isolé, en dépit de l’intérêt réel qu’elle présente pour la population et de l’impact d’un produit sur la santé publique ou l’environnement. Ce fut notamment le cas lors de l’affaire des prothèses PIP. Dans ces cas-là, nous avons souhaité que l’alerte soit traitée, mais de façon rationnelle, en faisant appel aux préfets, afin d’éviter les scandales inutiles.

Finalement, le seul point sur lequel je m’accorde avec Bernard Accoyer, c’est que ce texte est d’une importance considérable.

Je remercie Christian Paul et Gérard Sébaoun ainsi que Fanélie Carrey-Conte d’avoir montré que, loin de créer une société de l’alerte permanente, nous rationalisons au contraire le traitement des alertes tout en évitant les abus et la suspicion. L’exemple de M. Gilles-Éric Séralini est éclairant à cet égard : il importe d’être en mesure de commander des études indépendantes à des instances capables de produire des évaluations contradictoires pour en finir avec les invectives et les jugements à l’emporte-pièce dans la presse. Ce que nous souhaitons par-dessus tout, c’est qu’il n’y ait plus aucun scandale sanitaire !

Mme la rapporteure pour avis. Je me contenterai d’apporter deux précisions : ce texte ne crée pas du tout un statut des lanceurs d’alerte mais vise à les protéger tout en faisant de l’alerte un droit. Quant à la commission nationale qui sera mise en place, elle ne constitue absolument pas une nouvelle agence ! Il s’agit d’une commission administrative sans personnalité morale qui sera rattachée soit aux services du Premier ministre soit au ministère de l’environnement, sans peser le moins du monde sur les finances publiques.

En conclusion, le texte que nous examinons est très important et de grandes démocraties telles que les États-Unis ou la Grande Bretagne disposent d’ailleurs déjà d’un tel système.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE IER

LA COMMISSION NATIONALE DE LA DÉONTOLOGIE ET DES ALERTES EN MATIÈRE DE SANTÉ
ET D’ENVIRONNEMENT

Avant l’article 1er 

La Commission examine l’amendement AS 1 de la rapporteure pour avis, faisant l’objet de deux sous-amendements AS 33 et AS 32 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement AS1 déplace tout d’abord avant l’article 1er certaines dispositions de l’article 8 qui est situé dans le titre II consacré aux entreprises : les alertes ne se limitent pas en effet au monde du travail.

En outre, par rapport au texte adopté par le Sénat, nous proposons de maintenir la distinction entre l’alerte et la diffamation. L’amendement supprime en revanche la mention – inutile – du Défenseur des droits qu’un lanceur d’alerte pourra saisir dans le cadre du droit en vigueur s’il a des problèmes face à l’administration. Par ailleurs, en cas de difficulté dans son action, il pourra recourir à la commission créée par l’article 1er de la proposition de loi.

Enfin, la « bonne foi » qui figure au premier alinéa de l’amendement est au cœur de la définition du lanceur d’alerte : cette notion correspond à la conviction de se trouver dans une situation conforme au droit, avec la conscience d’agir sans léser les droits d’autrui. On la retrouve dans plusieurs articles du code civil et du code de la sécurité sociale.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement sous réserve de deux sous-amendements :

– le sous-amendement AS 33 qui replace cet article additionnel, non plus au début du titre Ier mais avant ce titre, lequel sera ainsi entièrement consacré à la Commission nationale de déontologie tandis que les dispositions actuelles de l’article 8 – qui portent sur le droit de lancer une alerte – figureront en exergue de la proposition de loi, ce qui leur conférera une portée beaucoup plus générale ;

– et le sous-amendement AS32 qui vise à harmoniser la terminologie de la proposition de loi.

En réponse à Bernard Perrut, je précise que l’amendement AS 1 supprime également la référence à l’obligation de confidentialité du lanceur d’alerte – notion qui aurait pu, en effet, paraître contradictoire avec le dispositif proposé.

Mme la rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable sur ces deux sous-amendements.

La Commission adopte les sous-amendements AS 33 et AS 32 puis l’amendement AS 1 ainsi sous-amendé.

Article 1er : Missions de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement

La Commission est saisie de l’amendement AS 12 de suppression de l’article de M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nous souhaitons lancer une alerte quant au danger que présente cette proposition de loi ! Ce texte aux conséquences incalculables n’a pas été suffisamment préparé et n’a fait l’objet d’aucun débat ni d’aucune recherche de consensus avec les scientifiques et ceux qui cherchent à faire progresser la connaissance tout en protégeant la santé publique.

Si le rapporteur et la majorité persistent à manquer d’ouverture, le groupe UMP finira par déposer une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions techniques et financières de l’étude Séralini et sur les réseaux de financement de l’alterscience, qu’évoquait récemment un grand journal du soir, qui handicape l’avenir scientifique, technologique, économique et social de notre pays.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je suis surpris que l’OPECST n’ait pas été auditionné par le rapporteur. Cet office, qui reçoit quantité de chercheurs, d’académies et d’agences, aurait attiré votre attention sur le fait qu’à force d’imposer des contraintes au secteur de la recherche, de moins en moins d’étudiants s’engagent dans la voie scientifique et de plus en plus de laboratoires se délocalisent à l’étranger. Pour les chercheurs, les conditions de travail sont devenues quasi impossibles dans ce pays !

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. Ne nous égarons pas dans des débats plus généraux ! L’article 1er a pour objet de créer une commission et n’entraîne aucune aggravation des charges publiques. Cette commission ne fera pas doublon avec les agences sanitaires car elle aura un rôle transversal de supervision de leurs règles déontologiques et non une capacité d’expertise. Supprimer cette commission équivaudrait à vider la proposition de loi de sa substance.

La Commission rejette l’amendement AS 12.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 34 à AS 40 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 2 de la rapporteure pour avis, faisant l’objet du sous-amendement de précision AS 41 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est le fruit des auditions que j’ai menées. Les agences chargées de la santé publique ou de l’alimentation disposent déjà d’un code de déontologie et de critères de recevabilité des alertes mais ces derniers varient d’une agence à l’autre. Il semble donc utile de les harmoniser. Plusieurs questions se posent en effet : les alertes par téléphone ou par courriel sont-elles recevables ? Une alerte doit-elle être assortie de preuves dès sa transmission ? Quand une agence peut-elle considérer qu’une alerte est close ou sans objet ? L’amendement AS 2 confie à la commission nationale le soin de déterminer ces critères.

M. le rapporteur. Avis favorable sous réserve du sous-amendement rédactionnel AS 41. L’amendement répond d’ailleurs à certaines critiques de l’opposition : il ne s’agit nullement d’accepter n’importe quelle alerte puisque la commission en fera le tri en se fondant sur des critères de recevabilité qu’elle aura défini.

Mme la rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable au sous-amendement du rapporteur.

La Commission adopte le sous-amendement AS 41 puis l’amendement AS 2 ainsi sous-amendé.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 42 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS 43 du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet à la fois de préciser la fin de l’alinéa 6, en définissant les agences qui sont visées, et d’améliorer la procédure de suivi des alertes : d’une part, en renforçant la supervision du traitement des alertes par la commission nationale ; d’autre part, en garantissant à la personne ou à l’organisme à l’origine de la saisine qu’elle sera tenue au courant des suites données à l’alerte.

La Commission adopte l’amendement AS 43.

Elle examine ensuite l’amendement AS 3 de la rapporteure pour avis, qui fait l’objet du sous-amendement AS 44 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, visant à une plus grande cohérence.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement de la rapporteure pour avis, mais je propose de compléter le contenu du rapport de la commission nationale en prévoyant qu’y figure également une évaluation de la mise en œuvre des procédures d’enregistrement des alertes. S’il est préférable, pour des raisons pratiques, d’avoir un registre des alertes par organisme plutôt qu’un registre unique, il convient que la commission ait une vision consolidée du dispositif d’enregistrement des alertes et de son efficacité, et que ces éléments d’appréciation figurent dans le rapport qu’elle devra établir annuellement à l’intention du Parlement et du Gouvernement.

Mme la rapporteure pour avis. Favorable au sous-amendement AS 44.

La Commission adopte le sous-amendement AS 44, puis l’amendement AS 3 ainsi sous-amendé.

Elle adopte enfin l’article 1er modifié.

Article 1er bis : Obligation pour les organismes d’expertise et de recherche de tenir un registre des alertes

La Commission est saisie de l’amendement AS 4 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Amendement rédactionnel.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 4.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 45 du rapporteur et l’amendement de précision AS 46 du même auteur.

La Commission examine l’amendement AS 5 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Amendement rédactionnel.

M. le rapporteur. Favorable.

Elle adopte l’amendement AS 45.

Puis la Commission examine l’amendement AS 47 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une précision inutile.

La Commission adopte l’amendement AS 47.

Elle adopte ensuite l’article 1er bis modifié.

Article 2 : Saisine de la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement

La Commission examine l’amendement AS 48 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une disposition redondante.

Elle adopte l’amendement AS 48.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 49 et AS 50 du rapporteur.

Elle examine ensuite les deux amendements identiques AS 14 de M. Dominique Tian et AS 31 de Mme Véronique Louwagie.

M. Jean-Pierre Door. La liste des personnes morales et organisations qui peuvent saisir la Commission nationale de déontologie et des alertes est similaire à celle des personnes morales et organisations qui peuvent saisir l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Il y manque toutefois les organisations professionnelles nationales. Notre amendement AS 14 vient combler cette lacune.

Mme Véronique Louwagie. Je m’associe aux propos de mon collègue Door, en ajoutant qu’il est important d’accorder ce droit de saisine aux nombreuses organisations professionnelles, qui sont très proches des entreprises intervenant dans le domaine de la santé et de l’environnement.

M. le rapporteur. La similitude entre l’ANSES et la commission que nous créons n’est pas du tout établie. Les organisations professionnelles disposent d’un droit de saisine de l’ANSES car elles sont représentées au sein de son conseil d’administration, mais la commission nationale de déontologie et des alertes n’est pas construite sur son modèle. Il faut distinguer les personnes qui peuvent saisir la commission et celles qui la composent. En outre, les organisations interprofessionnelles peuvent déjà saisir la commission. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes organisations. Mais rien n’empêche une organisation professionnelle de faire passer une alerte, par le biais soit d’une organisation interprofessionnelle, de l’ANSES, ou d’un parlementaire.

Cette précision nous paraît donc inutile.

La Commission rejette les amendements AS 14 et AS 31.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 51 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS 52 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à permettre la saisine de la commission nationale par un ordre professionnel. Cette faculté pourrait être utilisée par l’ordre d’une profession de santé, par exemple l’ordre des pharmaciens, sur une question de déontologie, ou par l’ordre des architectes, sur une question de salubrité.

La Commission adopte l’amendement AS 52.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 53 du rapporteur.

Elle adopte enfin l’article 2 modifié.

Article 3 : Composition de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement

La Commission examine l’amendement AS 6 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit, par cet amendement, de ne pas figer la composition de la commission nationale, afin de tenir compte de l’évolution des différents droits et des sciences.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 6.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS 54 du rapporteur, puis l’amendement rédactionnel AS 55 du même auteur.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS 56 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’améliorer la rédaction du texte et d’introduire, dans la liste des personnalités qualifiées, des experts en sciences sociales – ce sont eux qui ont fait émerger la notion même des « lanceurs d’alerte ».

La Commission adopte l’amendement AS 56.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 57 du rapporteur.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 58 du rapporteur et AS 7 de la rapporteure pour avis.

M. le rapporteur. Ces deux amendements sont très proches. Ils partent du constat commun de la nécessité de réintégrer dans l’article 3 les dispositions de l’article 4 relatives à la composition de la commission. Il est en effet préférable de renvoyer dès l’article 3 au décret précisant la composition de celle-ci et, en conséquence, de supprimer l’article 4 – ce qui fera l’objet d’un amendement ultérieur.

En revanche, ces amendements divergent sur un point de rédaction. Mon amendement fait référence à la composition de la commission équilibrée entre les femmes et les hommes. Nous n’en avons pas parlé lors de nos travaux préparatoires, mais je pense que la rapporteure pour avis ne sera pas insensible à cette précision, et qu’elle acceptera de retirer son amendement.

Mme la rapporteure pour avis. J’accepte de retirer mon amendement au profit de celui du rapporteur.

L’amendement AS 7 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS 58 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

Article 4 : Décret d’application

La Commission examine l’amendement AS 8 de la rapporteure pour avis, tendant à supprimer l’article.

Mme la rapporteure pour avis. Amendement de conséquence.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 4.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5 : Règles déontologiques applicables aux membres de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 59 à AS 63 du rapporteur, puis l’amendement de précision AS 64 du même auteur.

Elle est alors saisie de l’amendement AS 65 du même auteur.

M. le rapporteur. L’article 5 est directement inspiré des dispositions de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, récemment modifié par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

L’alinéa qu’il est proposé d’insérer figure dans l’article L. 1451-1, mais n’a pas été repris dans l’amendement ayant abouti à la rédaction de l’article 5. Il constitue pourtant un aspect essentiel de la prévention des conflits d’intérêts et figurait déjà dans les dispositions en vigueur préalablement au vote de la loi du 29 décembre 2011. Ses dispositions visent notamment à soumettre la participation effective aux travaux de l’instance à l’établissement ou à l’actualisation de la déclaration d’intérêt, à imposer à ses membres de ne pas prendre part aux travaux lorsqu’ils ont un lien d’intérêt avec le cas abordé et, enfin, à les soumettre à une obligation générale de secret et de discrétion professionnels.

La Commission adopte l’amendement AS 65.

Elle adopte ensuite l’article 5 modifié.

L’article 6 a été supprimé par le Sénat.

Article 7 : Rapport annuel de la commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement

La Commission est saisie de l’amendement AS 9 de la rapporteure pour avis, visant à supprimer l’article.

Mme la rapporteure pour avis. C’est un amendement de conséquence, dans la mesure où les dispositions sur le rapport annuel de la commission nationale ont été insérées à l’article 1er.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 9.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Après l’article 7

La Commission examine l’amendement AS 66 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tire la conséquence de la suppression de l’article 4.

La Commission adopte l’amendement AS 66.

TITRE II

EXERCICE DU DROIT D’ALERTE
EN MATIÈRE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE

Avant l’article 8

La Commission en vient à l’amendement AS 67 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de modifier l’intitulé du titre II, en précisant qu’on est dans le cadre de l’entreprise. Cela découle du transfert de l’article 8 avant le Titre Ier.

La Commission adopte l’amendement AS 67.

Article 8 : Protection du lanceur d’alerte

La Commission examine l’amendement AS 10 de la rapporteure pour avis, tendant à supprimer l’article.

Mme la rapporteure pour avis. C’est un amendement de conséquence, dans la mesure où la définition de l’alerte se trouve désormais avant le titre Ier.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 10.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 9 : Création d’un droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement dans l’entreprise

La Commission examine l’amendement AS 68 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à remanier profondément le Titre II.

Comme je l’ai rapidement évoqué dans mon propos liminaire, ce titre a déjà fait l’objet de modifications importantes au Sénat, sur lesquelles il me paraît nécessaire de revenir aujourd’hui, suite aux auditions des partenaires sociaux que j’ai menées.

J’ai ainsi acquis la conviction que le droit d’alerte en matière sanitaire et environnementale ne pouvait pas être calqué strictement sur le droit d’alerte qui est aujourd’hui accordé aux salariés dans les entreprises en cas de danger grave et imminent. En effet, ce droit d’alerte a pour corollaire un droit de retrait dont les implications sont très importantes puisque l’employeur ne peut obliger le salarié à reprendre son poste tant que la situation de danger perdure.

J’ai donc estimé préférable de ne pas mélanger, au sein d’un même article du code du travail, les deux droits d’alerte, afin d’éviter de les mettre sur le même plan, alors qu’ils n’ont ni les mêmes caractéristiques ni les mêmes effets. C’est la raison pour laquelle je propose, par le biais du présent amendement, de créer un chapitre ad hoc au sein du code du travail, pour traiter de la question des alertes en matière de santé publique et d’environnement. Je rappelle que cette source de confusion avait été soulevée, à juste titre, par les organisations patronales, les organisations de salariés et certains membres de l’opposition.

Le second objet de cet amendement est d’améliorer globalement le dispositif d’alerte prévu par le Sénat et d’en préciser, notamment, le circuit.

Une sorte de suspens est laissé, dans le texte actuel, entre le lancement d’une alerte par un salarié et l’éventuelle saisine du CHSCT prévue à l’article 11. Je considère qu’il faut prévoir non seulement une réponse de l’employeur dont c’est la responsabilité, mais également une voie de recours à l’extérieur de l’entreprise. C’est le rôle du représentant de l’État, mentionné à l’article L. 4133-3. Je reviens sur ce que je disais tout à l’heure : on peut imaginer qu’une alerte sérieuse en matière de santé publique ou d’environnement ne soit pas traitée d’un commun accord entre l’employeur et les salariés. Cela n’enlève pas pour autant son aspect sérieux à l’alerte. Il ne faut donc pas confiner celle-ci à l’intérieur de l’entreprise, dans la mesure où la société et l’environnement dans leur ensemble risquent d’être concernés.

Sur les missions du CHSCT, sur lesquelles nous aurons à revenir, je me suis déjà expliqué. Je ne souhaite pas que ses prérogatives actuelles soient modifiées et qu’on en fasse un gestionnaire de l’alerte en entreprise. Il me paraît en revanche essentiel de conserver une dimension collective à la prise en charge de l’alerte, au travers de deux dispositions que je propose dans cet article 9 : d’une part, un droit d’alerte accordé au représentant du personnel au CHSCT, disposition qui fait l’objet de l’article 10 de la proposition de loi, et qui serait réintégrée ici sous la forme d’un article nouvel L. 4133-2 du code du travail ; d’autre part, une information spécifique du CHSCT sur les alertes lancées et sur les suites qui leur sont données, mesure prévue au nouvel article L. 4133-5.

Enfin, il m’est apparu nécessaire de rappeler dans ce chapitre spécifique du code du travail les dispositions en matière de protection des lanceurs d’alerte contre les discriminations introduites par l’article 17 au sein d’un nouvel article L. 1350-1 du code de la santé publique : tel est l’objet du nouvel article L. 4133-5.

Avec l’adoption de cet amendement, se trouveraient donc désormais rassemblées à l’article 9 les dispositions des articles 9 et 10 du texte, ainsi que les dispositions relatives à l’information du CHSCT destinées à se substituer aux dispositions des articles 11, 13, 14 et 14 ter qui modifiaient ses compétences, et dont je proposerai, en conséquence, la suppression.

La Commission adopte l’amendement AS 68 du rapporteur.

En conséquence, les amendements identiques AS 15 de M. Dominique Tian et AS 25 de Mme Véronique Louwagie deviennent sans objet.

La Commission adopte ensuite l’article 9 modifié.

Article 10 : Exercice du droit d’alerte en matière de santé et d’environnement par le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

La Commission examine l’amendement AS 69 du rapporteur, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. Amendement de conséquence.

La Commission adopte l’amendement AS 69.

En conséquence, l’article 10 est supprimé et les amendements identiques AS 16 de M. Dominique Tian et AS 26 de Mme Véronique Louwagie deviennent sans objet.

Article 11 : Examen des alertes en matière de santé et d’environnement par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 70 du rapporteur, AS 17 de M. Dominique Tian et AS 28 de Mme Véronique Louwagie, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. Cet amendement est la conséquence des dispositions relatives à l’information du CHSCT, que nous venons d’introduire à l’article 9. Aller plus loin et accorder de nouvelles prérogatives au CHSCT ne semble pas opportun. Nous avons voulu tenir compte des négociations qui sont en cours et de l’absence de moyens pour exercer de manière effective ces prérogatives.

M. Jean-Pierre Door. Puisque nous avons été entendus, nous voterons la suppression de cet article.

La Commission adopte les trois amendements.

En conséquence, l’article 11 est supprimé.

Article 12 Information des travailleurs sur les risques potentiels des produits et procédés de fabrication pour la santé publique et l’environnement

La Commission examine les deux amendements identiques, AS 18 de M. Dominique Tian et AS 23 de Mme Véronique Louwagie, tendant à supprimer l’article.

M. Jean Pierre Door. L’article L. 4141-1 du code du travail a pour vocation d’informer les salariés de l’entreprise ou de l’établissement des risques éventuels qu’ils encourent eux-mêmes pour leur propre santé ou leur propre sécurité, depuis leur poste de travail.

L’employeur n’est pas là pour faire de la contre-information ou de la contre-publicité à propos de ses propres procédés de fabrication qui peuvent d’ailleurs être confidentiels, ni des produits utilisés qui peuvent rentrer dans un processus de fabrication tenu secret. Cela pourrait mettre à mal l’existence même de l’entreprise.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement que vous avez fait voter à l’article 9 crée un chapitre bien particulier sur le droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement, pour le distinguer du droit d’alerte du CHSCT relatif aux risques pour la santé dans l’entreprise. Malheureusement, cette distinction n’est pas reprise à l’article 12. D’où notre demande de suppression de l’article 12.

M. le rapporteur. Monsieur Door, vous voyez le mal partout et vous interprétez mal nos intentions. Nous souhaitons simplement que les salariés soient informés sur les risques normaux, déjà connus, des procédés ou produits utilisés. D’ailleurs, comment imaginer qu’un employeur n’informe pas ses salariés sur les risques qui pèsent sur l’environnement ou sur la santé publique ?

Notre propos est de renforcer cette obligation d’information, ce qui me semble aller dans le bon sens. Je pense même que cet article contribuera à éviter des scandales et des débats inutiles.

Les arguments de Véronique Louwagie sont un peu plus précis, mais cela ne change rien. D’abord, le secret est protégé, de toute façon, par la loi du 17 juillet 1978. Ensuite, nous ne sommes pas dans la configuration de l’alerte, mais dans celle d’une information dispensée aux salariés sur les procédés utilisés.

Avis défavorable aux deux amendements.

La Commission rejette les deux amendements AS 18 et AS 23.

Elle adopte ensuite successivement les deux amendements rédactionnels AS 71 et AS 72 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS 73 du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 2 sur l’association du CHSCT à cette information. Selon nous, cela relève de la responsabilité exclusive de l’employeur.

La Commission adopte l’amendement AS 73.

Elle adopte enfin l’article 12 modifié.

Article 13 : Consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur tout changement des produits ou procédés de fabrication susceptible de faire peser un risque sur la santé publique ou l’environnement

La Commission est saisie de l’amendement AS 74 du rapporteur, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. Cet amendement est la conséquence de la nouvelle rédaction de l’article 9. Il semble inutile d’étendre la consultation du CHSCT aux modifications susceptibles d’entraîner un risque pour la santé et l’environnement, dans la mesure où celui-ci n’est pas outillé pour expertiser la portée de ce risque.

La Commission adopte l’amendement AS 74.

En conséquence, l’article 13 est supprimé et les amendements identiques AS 19 de M. Dominique Tian et AS 30 de Mme Véronique Louwagie deviennent sans objet.

Article 14 : Droit d’enquête du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en cas d’alerte en matière de santé ou d’environnement

La Commission est saisie de trois amendements identiques, AS 75 du rapporteur, AS 20 de M. Dominique Tian et AS 27 de Mme Véronique Louwagie, tendant à supprimer l’article 14.

M. le rapporteur. Il s’agit toujours de tirer la conséquence de l’adoption de la nouvelle rédaction de l’article 9.

La Commission adopte les trois amendements.

En conséquence, l’article 14 est supprimé.

Article 14 bis : Réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en cas d’alerte en matière de santé ou d’environnement

La Commission adopte l’amendement de rédaction globale AS 76 du rapporteur.

En conséquence, l’article 14 bis est ainsi rédigé et les amendements identiques AS 21 de M. Dominique Tian et AS 24 de Mme Véronique Louwagie deviennent sans objet.

Article 14 ter : Droit du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert en cas d’alerte en matière de santé ou d’environnement

La Commission examine trois amendements identiques, AS 77 du rapporteur, AS 22 de M. Dominique Tian et AS 29 de Mme Véronique Louwagie, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. Il s’agit, là encore, de tirer les conséquences de la réécriture de l’article 9.

La Commission adopte les trois amendements.

En conséquence, l’article 14 ter est supprimé.

L’article 15 a été supprimé par le Sénat.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 16 A : Avis des institutions représentatives du personnel sur les actions mises en œuvre dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises

La Commission est saisie de l’amendement AS 11 de M. Gérard Bapt, tendant à supprimer l’article.

Mme Bernadette Laclais. Sans en mésestimer l’importance, il ne nous semble pas opportun de traiter aujourd’hui, à l’occasion de cette proposition de loi, le sujet de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui fait l’objet de plusieurs chantiers ouverts par le Gouvernement. Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article.

M. le rapporteur. J’entends les arguments. Il s’agit effectivement d’un sujet annexe par rapport à l’objet de notre proposition de loi.

Je remarque néanmoins une différence avec les dispositions sur les CHSCT, qui anticipaient sur des négociations entre partenaires sociaux. En l’occurrence, le Sénat n’a fait que réintroduire une disposition relative à la RSE, qui était déjà contenue dans la loi Grenelle 2, mais que le groupe UMP avait fait retirer en utilisant un cavalier législatif.

Je vous propose que nous en débattions en séance avec le Gouvernement. Accepteriez-vous de retirer provisoirement votre amendement, en attendant la discussion en séance publique ?

Mme Bernadette Laclais. Je suis tout à fait d’accord, monsieur le rapporteur. Nous devrions arriver à un consensus.

L’amendement AS 11 est retiré.

La Commission adopte l’article 16 A sans modification.

Article 16 : Prohibition de toute discrimination liée au lancement d’une alerte dans le monde du travail

La Commission examine l’amendement AS 78 du rapporteur, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. L’article 16 est redondant avec les dispositions de l’article 17 introduit dans le code de la santé publique, qui est beaucoup plus complet, car il ne protège pas que les salariés. Nous avons d’ailleurs prévu, à l’article 9 l’introduction d’un renvoi à cet article au sein du code du travail.

La Commission adopte l’amendement AS 78.

En conséquence, l’article 16 est supprimé.

Article 17 : Principe de non-discrimination des lanceurs d’alerte

L’amendement AS 17 de M. Bernard Accoyer n’est pas défendu.

La Commission examine l’amendement AS 79 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer une mention redondante.

La Commission adopte l’amendement AS 79, puis l’amendement de précision AS 80 du rapporteur.

Elle adopte enfin l’article 17 modifié.

L’article 18 a été supprimé par le Sénat.

Article 19 : Application des dispositions pénales relatives à la dénonciation calomnieuse

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 81 du rapporteur, puis l’amendement de précision AS 82 du même auteur.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Article 20 : Soumission du bénéfice de la cause d’exonération de responsabilité du fait des produits défectueux au respect des dispositions applicables en cas d’alerte en matière de santé ou d’environnement

La Commission adopte l’amendement de coordination AS 83 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 20 modifié.

Les articles 21 et 22 ont été supprimés par le Sénat.

Article 23 : Gage financier

La Commission examine l’amendement AS 84 du rapporteur, tendant à supprimer l’article.

M. le rapporteur. La présente proposition de loi n’entraînant ni perte de recette ni charge pour les finances publiques, un tel article est inutile et risque même de créer une certaine confusion.

La Commission adopte l’amendement AS 84.

En conséquence, l’article 23 est supprimé.

La Commission adopte enfin l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

——fpfp——

Amendements examinÉs par la Commission

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Avant l’article 1er

Insérer l’article suivant :

Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît dangereuse pour la santé ou pour l’environnement.

L’alerte qu’elle rend publique ou diffuse doit s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse.

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 5 :

« 3° Définit les critères qui fondent la recevabilité d’une alerte ainsi que les éléments portés au registre tenu par les établissements et organismes publics compétents en matière de santé ou d’environnement qui en ont l’obligation ; ».

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 9 :

« 7° Établit chaque année un rapport adressé au Parlement et au Gouvernement qui évalue les suites qui ont été données à ses avis et aux alertes dont elle a été saisie et qui comporte, en tant que de besoin, des recommandations sur les réformes qu’il conviendrait d’engager pour améliorer le fonctionnement de l’expertise scientifique et technique et la gestion des alertes. Ce rapport est rendu public et est accessible en ligne. ».

Amendement n° AS 4 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 1er bis

À l’alinéa 1, après le mot : « organismes », insérer le mot : « publics ».

Amendement n° AS 5 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 1er bis

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « de la santé, de l’agriculture et de l’environnement », les mots : « exerçant la tutelle des établissements et organismes chargés de les tenir ».

Amendement n° AS 6 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 3

Après le mot : « comprend », insérer le mot : « notamment ».

Amendement n° AS 7 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 3

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Un décret en Conseil d’État précise la durée du mandat des membres de la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement, les modalités de modification de sa composition ainsi que les modalités de son fonctionnement. ».

Amendement n° AS 8 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 9 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 7

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 10 présenté par Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 8

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 11 présenté par M. Gérard Bapt, Mme Bernadette Laclais et les membres du groupe SRC

Article 16 A

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 12 présenté par M. Bernard Accoyer

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 13 présenté par M. Bernard Accoyer

Article 17

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 14 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 2

Après l’alinéa 6, insérer l’alinéa suivant :

« – les organisations professionnelles au niveau national ; ».

Amendement n° AS 15 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut et Jean-Claude Bouchet

Article 9

À l’alinéa de 2, substituer aux mots : « de bonne foi que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par l’établissement font peser un risque », les mots : « , de bonne foi, et qu’il a un motif raisonnable de penser que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par l’établissement font peser un risque de danger grave et imminent ».

Amendement n° AS 16 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 10

Substituer aux mots : « ou un risque », les mots : « pour la vie ou la santé du travailleur ou ».

Amendement n° AS 17 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 11

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 18 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut et Jean-Claude Bouchet

Article 12

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 19 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 13

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « des produits ou des procédés de fabrication utilisés dans l’établissement susceptible de faire peser un risque », les mots : « important de produits ou de procédés de fabrication utilisés dans l’établissement susceptible de faire peser un risque grave ».

Amendement n° AS 20 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 14

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 21 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut, Jean-Claude Bouchet et Gérard Cherpion

Article 14 bis

Substituer aux mots : « , en cas d’événement », les mots : « ou en cas d’événement grave ».

Amendement n° AS 22 présenté par MM. Dominique Tian, Jean-Pierre Door, Bernard Perrut et Jean-Claude Bouchet

Article 14 ter

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 23 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 12

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 24 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 14 bis

Substituer aux mots : « , en cas d’événement », les mots : « ou en cas d’événement grave ».

Amendement n° AS 25 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 9

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « de bonne foi que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par l’établissement font peser un risque », les mots : « , de bonne foi, et qu’il y a un motif raisonnable de penser que les produits ou procédés de fabrication mis en œuvre par l’établissement font peser un risque de danger grave et imminent ».

Amendement n° AS 26 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 10

Substituer aux mots : « ou un risque », les mots : « pour la vie ou la santé du travailleur ou ».

Amendement n° AS 27 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 14

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 28 présenté par Mme Véronique Louwagie, MM. Bernard Accoyer et Rémi Delatte

Article 11

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 29 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 14 ter

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 30 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 13

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « des produits ou des procédés de fabrication utilisés dans l’établissement susceptible de faire peser un risque », les mots : « important de produits ou de procédés de fabrication utilisés dans l’établissement susceptible de faire peser un risque grave ».

Amendement n° AS 31 présenté par Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer

Article 2

Après l’alinéa 6, insérer l’alinéa suivant :

« – les organisations professionnelles au niveau national ; ».

Sous-amendement n° AS 32 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur, à l’amendement AS 1 de Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

À l’alinéa 1, après le mot : « santé », insérer le mot : « publique ».

Sous-amendement n° AS 33 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur, à l’amendement AS 1 de Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Substituer aux mots : « Avant l’article 1er », les mots : « Avant le titre Ier ».

Amendement n° AS 34 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

I. – Au début de l’alinéa 1, insérer les mots : « Il est institué ».

II. – En conséquence, au même alinéa, substituer aux mots : « a pour mission », les mots : « chargée ».

Amendement n° AS 35 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À l’alinéa 1, après la seconde occurrence du mot : « santé », insérer le mot : « publique ».

Amendement n° AS 36 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À l’alinéa 3, supprimer le mot : « publique ».

Amendement n° AS 37 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À la première phrase de l’alinéa 4, substituer aux mots : « relevant des domaines de la santé et », les mots : « ayant une activité d’expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou ».

Amendement n° AS 38 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À la première phrase de l’alinéa 4, substituer au mot : « définie », le mot : « fixée ».

Amendement n° AS 39 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À la première phrase de l’alinéa 4, substituer au mot : « fixées », le mot : « prévues ».

Amendement n° AS 40 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À la seconde phrase de l’alinéa 4, substituer aux mots : « l’établissement ou l’organisme », les mots : « ces établissements ou organismes ».

Sous-amendement n° AS 41 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur, à l’amendement AS 2 de Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Après le mot : « portés », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 :

« aux registres tenus par les établissements et organismes publics mentionnés au 2° ; ».

Amendement n° AS 42 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « qui lui sont adressées », les mots : « dont elle est saisie ».

Amendement n° AS 43 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

Après le mot : « agences », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 6 :

« sanitaires et environnementales placées sous leur autorité résultant de ces alertes. Les décisions des ministres compétents concernant la suite donnée aux alertes et les saisines éventuelles des agences sont transmises à la commission dûment motivées. La commission tient la personne ou l’organisme à l’origine de la saisine informée de ces décisions ; ».

Sous-amendement n° AS 44 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur, à l’amendement AS 3 de Mme Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

I. –  À la première phrase de l’alinéa 2, après le mot : « saisie », substituer aux mots : « et qui », les mots : « ainsi que la mise en œuvre des procédures d’enregistrement des alertes par les établissements et organismes publics mentionnés au 2°. Ce rapport ».

II. –  En conséquence, au début de la seconde phrase du même alinéa, substituer aux mots : « Ce rapport », le mot : « il ».

Amendement n° AS 45 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er

À l’alinéa 1, substituer à la deuxième occurrence du mot : « et », le mot : « ou ».

Amendement n° AS 46 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er bis

Compléter l’alinéa 2 par les mots : « ainsi que les modalités selon lesquelles sont tenus les registres ».

Amendement n° AS 47 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 1er bis

À la fin de l’alinéa 3, supprimer les mots : « , dans le cadre de ses compétences ».

Amendement n° AS 48 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

Supprimer l’alinéa 3.

Amendement n° AS 49 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

I. – Rédiger ainsi le début de l’alinéa 4 :

« – une association de défense de consommateurs agréée en application de l’article … (le reste sans changement) ».

II. – En conséquence, rédiger ainsi le début de l’alinéa 5 :

« – une association de protection de l’environnement agréée en application de l’article … (le reste sans changement) ».

Amendement n° AS 50 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 6 :

« – une association ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades agréée en application de l’article… (le reste sans changement) ».

Amendement n° AS 51 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 7 :

« – une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national ou une organisation interprofessionnelle d’employeurs ; ».

Amendement n° AS 52 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

Après l’alinéa 7, insérer l’alinéa suivant :

« – l’organe national de l’ordre d’une profession relevant des secteurs de la santé ou de l’environnement ; ».

Amendement n° AS 53 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 2

Après le mot : « établissement », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 8 :

« ou un organisme public ayant une activité d’expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou de l’environnement. ».

Amendement n° AS 54 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 3

Substituer au mot : « parlementaires », les mots : « députés et des sénateurs ».

Amendement n° AS 55 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 3

Substituer au mot : « représentants », les mots : « membres ».

Amendement n° AS 56 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 3

Substituer aux mots : « relatifs à l’évaluation des risques, l’éthique, ou la déontologie, ou en matière de droit du travail, de droit de l’environnement ou de », les mots : « dans les domaines de l’évaluation des risques, de l’éthique ou de la déontologie, des sciences sociales, du droit du travail, du droit de l’environnement et du ».

Amendement n° AS 57 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 3

Substituer aux mots : « organismes », les mots : « établissements ou des organismes publics ayant une activité d’expertise ou ».

Amendement n° AS 58 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 3

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de fonctionnement de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement ainsi que sa composition, de manière à assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. ».

Amendement n° AS 59 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer aux mots : « de souscrire », les mots : « d’établir ».

Amendement n° AS 60 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

À la première phrase de l’alinéa 2, supprimer le mot : « publique ».

Amendement n° AS 61 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

À l’alinéa 2, substituer par deux fois au mot : « fonctions », le mot : « fonction ».

Amendement n° AS 62 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

À la deuxième phrase de l’alinéa 2, substituer aux mots : « entrent dans le champ », les mots : « relèvent des secteurs ».

Amendement n° AS 63 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

À la deuxième phrase de l’alinéa 2, substituer à l’avant-dernière occurrence du mot : « les », le mot : « des ».

Amendement n° AS 64 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

Après le mot : « et », rédiger ainsi la fin de la dernière phrase de l’alinéa 2 :

« est actualisée en tant que de besoin à l’initiative de l’intéressé, et au moins annuellement. ».

Amendement n° AS 65 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 5

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les personnes mentionnées au présent article ne peuvent prendre part aux travaux, aux délibérations et aux votes au sein de la commission qu’une fois la déclaration établie ou actualisée. Elles ne peuvent, sous les peines prévues à l’article 432-12 du code pénal, prendre part ni aux travaux, ni aux délibérations, ni aux votes si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à l’affaire examinée. Elles sont tenues au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles définies à l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

Amendement n° AS 66 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Après l’article 7

Insérer l’article suivant :

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent titre.

Amendement n° AS 67 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Avant l’article 8

Après le mot : « matière », rédiger ainsi la fin de l’intitulé du titre II :

« de santé publique et d’environnement dans l’entreprise ».

Amendement n° AS 68 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 9

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 4132-5 du code du travail, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

Droit d’alerte en matière de santé publique et d’environnement

« Art. L. 4133-1. – Le travailleur alerte immédiatement l’employeur s’il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement.

« L’alerte est consignée par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

« L’employeur informe le travailleur qui lui a transmis l’alerte de la suite qu’il réserve à celle-ci.

« Art. L. 4133-2. – Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe un risque grave pour la santé publique ou l’environnement, en alerte immédiatement l’employeur.

« L’alerte est consignée par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

« L’employeur examine la situation conjointement avec le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a transmis l’alerte et l’informe de la suite qu’il réserve à celle-ci.

« Art. L. 4133-3. – En cas de divergence avec l’employeur sur le bien-fondé d’une alerte transmise en application des articles L. 4133-1 et L. 4133-2 ou en l’absence de suite dans un délai d’un mois, le travailleur ou le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut saisir le représentant de l’État dans le département.

« Art. L. 4133-4. – Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est informé des alertes transmises à l’employeur en application des articles L. 4133-1 et L. 4133-2, de leurs suites ainsi que des saisines éventuelles du représentant de l’État dans le département en application de l’article L. 4133-3.

« Art. L. 4133-5. – Le travailleur qui lance une alerte en application du présent chapitre bénéficie de la protection prévue à l’article L. 1350-1 du code de la santé publique. » ».

Amendement n° AS 69 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 10

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 70 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 11

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 71 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 12

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer aux mots : « sur les risques potentiels que font », les mots : « des travailleurs sur les risques que peuvent faire ».

Amendement n° AS 72 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 12

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer à la seconde occurrence du mot : « et », le mot : « ou ».

Amendement n° AS 73 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 12

Supprimer la seconde phrase de l’alinéa 2.

Amendement n° AS 74 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 13

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 75 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 14

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 76 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 14 bis

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 4614-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est réuni en cas d’évènement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement. » ».

Amendement n° AS 77 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 14 ter

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 78 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 16

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 79 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 17

À l’alinéa 4, supprimer la première occurrence des mots : « faire l’objet d’une mesure discriminatoire, ».

Amendement n° AS 80 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 17

À la première phrase de l’alinéa 6, après le mot : « témoigné », insérer les mots : « , de bonne foi, ».

Amendement n° AS 81 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 19

Substituer aux mots : « dénoncés », les mots : « rendus publics ou diffusés ».

Amendement n° AS 82 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 19

Après le mot : « prévues », rédiger ainsi la fin de cet article :

« au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. ».

Amendement n° AS 83 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 20

Substituer aux mots : « destinataire d’une alerte qui n’a pas respecté les règles prévues par le titre II de la présente loi perd le bénéfice de l’exonération pour risque de développement prévue au », les mots : « saisi d’une alerte en matière de santé publique ou d’environnement qui n’a pas respecté les obligations lui incombant en application des articles L. 4133-1 et L. 4133-2 du code du travail perd le bénéfice des dispositions du ».

Amendement n° AS 84 présenté par M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur

Article 23

Supprimer cet article.

——fpfp——

La Commission entend ensuite M. Réjean Hébert, ministre de la santé et des services sociaux du Québec.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons le plaisir d’accueillir au sein de la commission le docteur Réjean Hébert, ministre de la santé et des services sociaux du Québec. Je suis particulièrement heureuse de le recevoir pour ce qui est, pour notre commission, une première, puisque c’est la première fois que nous auditionnons un ministre étranger à l’occasion d’une visite officielle dans notre pays. Monsieur le ministre, vous êtes notamment accompagné par M. Michel Robitaille, délégué général du Québec à Paris.

Je tiens également à saluer la présence de notre collègue René Dosière, vice-président du groupe d’amitié France-Québec.

Monsieur le ministre, vous avez un parcours professionnel particulièrement riche, puisque vous êtes à la fois médecin, chercheur – vous avez consacré une grande partie de votre carrière à l’étude du vieillissement dans différentes instances que vous avez d’ailleurs contribué à mettre en place – et professeur – vous avez été doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de la grande Université francophone de Sherbrooke au sud du Québec. Par ailleurs, vous connaissez parfaitement notre pays, puisque vous avez obtenu un diplôme de gérontologie à l’Université des sciences sociales de Grenoble en 1981 et que, près de trente plus tard, vous êtes devenu conseiller scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), participant même à ce titre à l’un des groupes de travail mis en place en 2011 par le gouvernement précédent.

Vous avez été élu député en septembre 2012 sous l’étiquette du Parti Québécois et, celui-ci ayant remporté les élections, vous êtes depuis lors ministre de la santé et des services sociaux du Québec, tout en restant parlementaire ce qui constitue une particularité des institutions québécoises.

Nous sommes convenus que vous nous présentiez de manière synthétique les défis que rencontre le système de santé de votre province et que vous abordiez plus longuement deux questions qui nous préoccupent également, la dépendance et la santé mentale. Sur ce dernier point, je vous indique que notre commission a créé en son sein une mission d’information pour réfléchir à cette question et à l’avenir de la médecine psychiatrique en France.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Réjean Hébert, ministre de la santé et des services sociaux du Québec. C’est un honneur pour moi d’être auditionné par votre Commission. Ma relation à la France est en effet particulière, puisqu’en 1981, en tant qu’interne en médecine de famille au Québec, je suis venu me former à la gériatrie et à la gérontologie en France, discipline à l’époque inexistante au Québec ; j’ai été accueilli à Grenoble par les professeurs Michel Philibert et Robert Huguonot, qui m’ont respectivement initié à la dimension philosophique et aux aspects cliniques de la problématique de la gériatrie. Ce séjour a été déterminant dans ma carrière, puisque je me suis ensuite investi dans l’enseignement et dans les soins en gérontologie, ainsi que dans la recherche autour de la question de l’organisation des services de santé dédiés aux personnes âgées. C’est dans ce cadre que mon approche s’est davantage tournée vers la notion d’autonomie plutôt que vers celle de dépendance. Je me réjouis que votre ministre, Mme Michelle Delaunay, ait également retenu cette orientation, qui est résolument plus positive que celle de dépendance, puisqu’elle est plus stimulante pour les familles et les équipes qui les prennent en charge.

C’est dans le cadre de ce parcours que j’ai également connu mes plus grandes frustrations, confronté à l’incapacité de l’État à véritablement mettre en place des mesures adaptées au vieillissement de la population. C’est cette frustration qui a constitué le socle de mon implication politique, et qui m’a conduit à rejoindre le Parti québécois, sous la houlette de sa présidente, Mme Pauline Marois, avec laquelle nous avons engagé un travail de refondation du système de santé qui est aujourd’hui devenu nécessaire avec le vieillissement de la population. En effet, nous devons passer d’un système de santé hospitalo-centré à un système davantage tourné vers le patient et le citoyen, à partir du moment où la société est elle-même passée d’un contexte où prévalaient des maladies infectieuses à un contexte de maladies chroniques.

Ce décentrement du système de santé passe par la mise en place de quatre stratégies.

La première, très en amont, consiste à donner la priorité à une politique de prévention : avec la stagnation du tabagisme dans la population, en particulier chez les adolescents, il est par exemple nécessaire de relancer la politique de lutte contre le tabac. Nos populations sont aussi de plus en plus sédentaires : le manque d’activité physique pose les problèmes que l’on sait en termes d’obésité, mais également en termes de maladies cardiaques et autres maladies chroniques. Le même constat peut être dressé s’agissant de la nutrition, avec l’augmentation constante de la consommation de boissons sucrées. Il nous faut absolument lancer une stratégie efficace contre la malnutrition. Une politique nationale de prévention la plus large possible doit ainsi être menée en priorité au Québec. Je dis large, car cette politique de prévention va jusqu’à intégrer les facteurs environnementaux ou encore la lutte contre la pauvreté, qui jouent un rôle non négligeable. Un Livre vert est ainsi en préparation sur cette politique de prévention : il doit être présenté au printemps, pour être mis en œuvre à partir de l’automne.

La deuxième stratégie concerne la médecine de proximité, ce que nous appelons au Québec « les services de première ligne », qui doivent permettre de désengorger l’hôpital et les services d’urgence. Au Québec, nous avons cherché, il y a une trentaine d’années, à valoriser la médecine de famille  : les médecins généralistes y sont en effet responsables de la santé de toute une population, sur de nombreux volets, qu’il s’agisse de la santé mentale, de la pédiatrie, de la gynécologie ou de l’obstétrique par exemple. La médecine de famille est reconnue depuis vingt-cinq ans comme une spécialité à part entière et fait l’objet de recherches dédiées. Nous avons ainsi constitué des groupes de médecins de famille, autrement dit, des cabinets de médecins libéraux, – composés de personnels administratifs, de médecins généralistes, d’infirmiers, d’assistante sociaux, de kinésithérapeutes, de psychiatres, etc. - et qui bénéficient d’un soutien financier de l’État en contrepartie d’un certain nombre d’obligations telles que le nombre de patients pris en charge, de l’ordre de mille par médecin, ou encore en termes d’horaires d’ouverture le soir et en fin de semaine. Nous disposons aujourd’hui de 350 groupes de médecins de famille sur le territoire du Québec qui couvrent 75 % de la population, et l’objectif est de généraliser ce système dans les quatre ans à venir. Nous souhaitons également les doter de personnels supplémentaires, tel que diététiciens ou psychologues par exemple. Ce projet est complété par la généralisation du dossier médical électronique, équivalent de votre dossier médical personnel (DMP), qui doit à terme jouer un rôle d’interface entre l’hôpital et les services de première ligne, par la mise à disposition en temps réel des résultats des examens cliniques par exemple, et avec les pharmacies, par la mise à disposition des ordonnances.

La troisième stratégie consiste à mieux intégrer et coordonner les services de santé destinés aux personnes âgées. En France, le réseau des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) est inspiré du réseau québécois PRISMA – Programme de recherche sur l’intégration des services de médecins de l’autonomie -, qui permet la mise en place d’un point d’entrée unique, l’évaluation des besoins de la personne, etc. Ce dispositif concerne aujourd’hui 60 % des personnes âgées au Québec et l’ambition et de couvrir l’ensemble de cette population à terme. Il s’agit ici d’une organisation des soins en amont de l’hôpital, qui doit également permettre d’agir en aval, en libérant des places d’hébergement : on constate en effet aujourd’hui que 16 % des lits en hôpital sont occupés par des personnes âgées qui attendent une place en établissement d’hébergement, car le système de soins à domicile pour ces personnes est insuffisamment développé. La stratégie consiste donc à développer les soins à domicile, dont le budget sera accru de 25 % cette année. Ce développement doit être articulé avec la mise en place d’une assurance autonomie, à l’image de ce qui existe en France avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

C’est la quatrième stratégie. Il est en effet indispensable d’assurer aux personnes âgées un soutien financier de l’État : cela doit être l’innovation sociale du XXIème siècle, comme l’assurance maladie aura été celle du XXème siècle. Nous pouvons profiter de votre expérience en ce domaine ou des exemples d’autres pays, notamment le Japon qui a mis en place à la fois une assurance autonomie et une intégration de tous les services concernés. Nous avons également un outil d’évaluation de l’autonomie, sur lequel j’ai travaillé au début de ma carrière, qui doit permettre de déterminer les conditions d’accès des personnes âgées aux services de soins à domicile ou à une place d’hébergement. Cet outil permet de distinguer quatorze profils, auxquels sont associés une gamme de services ainsi que leur coût. Il s’agit d’un outil de gestion des cas, qui est absolument indispensable pour assurer le pilotage global de cette politique. Un Livre blanc sur ce sujet est prévu pour le printemps avec une mise en œuvre progressive de cette politique à partir de l’automne.

L’adaptation du système de santé, et de notre société en général, au vieillissement de la population constitue un défi qui est déjà présent, des deux côtés de l’Atlantique, et que nous sommes, médecins comme élus, en devoir d’affronter.

Enfin, s’agissant spécifiquement du sujet de la santé mentale, nous avons mis en place au Québec un plan d’action, dont nous avons malheureusement constaté qu’il n’a pas été suivi d’effets suffisants. De nombreuses actions de ce plan doivent être renforcées, en particulier la non-stigmatisation de ces patients et le développement d’une politique de prévention, notamment de prévention du suicide. Il convient également de décentrer l’aide dans ce domaine en créant des équipes de suivi intensif en milieu externe, et non en milieu hospitalier. Il faut, en effet, résolument s’orienter vers un accompagnement externe des malades. Il s’agit finalement d’une maladie chronique, qui exige la même stratégie de mise en place de services de proximité et pas seulement un suivi en milieu hospitalier. Ce suivi doit s’articuler avec les groupes de médecins de famille, que j’évoquais tout à l’heure, pour assurer à terme un suivi adéquat de ces patients.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci monsieur le ministre pour ce panorama qui nous montre la similitude des problématiques rencontrées, même si le vocabulaire diffère : vous parlez de livres verts ; en France ce sont des livres blancs ; vos services de première ligne sont nos soins de premier recours… Notre ministre de la santé vient de faire une communication en Conseil des ministres sur la promotion de l’activité physique et les moyens accordés aux agences régionales de santé à cette fin ; ceci rejoint la lutte que vous menez contre la sédentarité.

Je salue Annick Girardin qui assiste à cette audition ; elle est députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, pas très loin de chez vous.

Vous avez parlé du tabagisme ; la Cour des comptes, présidée par M. Didier Migaud vient de remettre un excellent rapport qui en montre les ravages également dans notre pays.

Vous avez parlé des interactions entre professionnels de santé ; nous partageons ce souci de décloisonnement, entre le monde libéral et entre le secteur public, entre les différentes professions également. Comment organisez-vous les transferts de compétence ? Les échanges entre professionnels de santé sont-ils fluides ? Les médecins acceptent-ils de donner des compétences aux services de premier recours ? Je suppose que vous faites face à des moyens de déplacement parfois sinon souvent plus compliqués qu’en France.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Merci monsieur le ministre pour votre intervention. Vous avez fait référence au professeur Michel Philibert. Il a été un pionnier en France et en particulier à Grenoble en matière d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie à une époque où personne n’y pensait. J’ai suivi ses cours qui ont, comme pour vous, largement inspiré ma pratique par la suite.

Visiblement les mêmes débats nous animent des deux côtés de l’Atlantique : il faut décentrer, décloisonner. Avez-vous été confrontés à la nécessité de repenser les formations des professionnels qui doivent approcher ces sujets d’une façon nouvelle, différemment de ce qu’ils ont pu apprendre par le passé ?

Il faut être conscient du fait que le risque de perte d’autonomie est permanent, tout au long de la vie. Il n’est pas réservé au grand âge. C’est le débat en France entre handicap et dépendance. Il faut donc modifier notre regard afin de parvenir à une acceptabilité par l’ensemble de la société. Cette question se pose dès le plus jeune âge en fonction des difficultés ou des aléas de la vie.

Enfin, pouvez-vous revenir en détail sur la façon dont vous construisez et mettez en œuvre l’assurance autonomie ?

Mme Geneviève Lévy. Merci monsieur le ministre pour nous avoir donné, en si peu de temps, une image assez complète de la politique que vous souhaitez mettre en place dans votre province en matière de santé. Nous sommes en France confrontés à des difficultés pour inciter les jeunes étudiants en médecine qui terminent leurs études à s’installer dans des régions en déficit de professionnels de santé. Je crois que le Québec est une province de grandes étendues et de charmants petits villages éloignés des grands centres, notamment hospitaliers. Avez-vous établi des politiques particulières d’incitation des jeunes médecins, ou des médecins de famille comme vous les appelez, ou de ces groupes de médecins qui, pour nous, seraient sans doute encore plus difficile à créer ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je crois que vous connaissez Martine Pinville qui vous a rencontré lors du déplacement au Québec de Mme Delaunay…

Mme Martine Pinville. Je voudrais effectivement rappeler que la ministre chargée des personnes âgées a souhaité me confier une mission de comparaison internationale et que nous sommes allés vous rencontrer chez vous au Québec. Je tiens à vous remercier de la qualité et de la richesse des échanges que nous avons eus.

La France et le Québec sont tous deux confrontés à des populations vieillissantes et il faut mettre en place des politiques efficaces en direction des aînés. Après des années de débats, il reste à mettre vraiment en œuvre ces politiques ce qui recouvre de nombreux chantiers : accueil en établissement, tarification, aide personnalisée à l’autonomie…

En matière de soins à domicile, je sais que votre pays comporte des territoires très étendus. Comment, dans ce cadre, appréhendez-vous les situations de maintien à domicile ? Comment menez-vous l’évaluation du besoin ? Comment formez-vous les personnels ? Comment accompagnez-vous les personnes ?

M. Jean-Pierre Door. Un grand merci monsieur le ministre pour cette rencontre. Je salue également le délégué général du Québec que j’ai connu dans d’autres circonstances.

Le Québec a été précurseur pour la mise en réseau des professionnels de santé et nous prenons souvent exemple sur lui.

Pouvez-vous nous dire où en est votre dossier médical électronique ? On a dit qu’il coûtait cher, que vous pourriez l’abandonner. Quelles comparaisons pouvez-vous établir avec d’autres pays, le Royaume-Uni par exemple ?

Où vous situez-vous dans le domaine de la démographie médicale ? Il y a quelques années, le Québec faisait appel à l’immigration de professionnels de santé : cet apport extérieur vous est-il toujours indispensable ?

Mme Annick Girardin. Je suis non seulement députée de Saint-Pierre-et-Miquelon mais vice-présidente du groupe d’amitié France-Québec, il fallait bien une femme aux côtés de René Dosière, parité oblige…

J’ai accompagné l’an passé un groupe de députés québécois en Guyane pour examiner l’avancée du chantier de la télémédecine, si important dans les situations d’habitat dispersé. Dans votre stratégie en matière de vieillissement et de maladies chroniques, faites-vous une place à la télémédecine ?

Je souhaite également vous interroger en tant que voisine, pour vous alerter sur l’absence de prise en charge en matière de santé que rencontrent, au Québec, les étudiants et travailleurs de Saint-Pierre-et-Miquelon, et vice-versa. Une commission permanente franco-québécoise vient de mettre ce dysfonctionnement à son ordre du jour : il provient de l’entente de sécurité sociale du 17 décembre 2003 qui concerne les Français métropolitains et les Français des départements et régions d’outre-mer mais pas les Français de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous sommes exclus de cet accord et il y a donc un problème de prise en charge sociale très dommageable.

Mme Bérangère Poletti. Je vous remercie de la qualité de votre intervention et me réjouis de cet échange. Car non seulement l’expérience québécoise est pour nous riche d’enseignements, mais votre connaissance approfondie du système français nous est utile, monsieur le ministre. Vous qui avez participé à de nombreux groupes de travail et siégé à la CNSA, vous savez que la prise en charge de la dépendance est parfois en France d’une grande complexité.

Le problème du vieillissement de la population soulève de multiples interrogations, telles que l’adéquation de la prise en charge des personnes dépendantes à leur pathologie, à leurs besoins et à leur degré de dépendance ; le développement du maintien des personnes à domicile ; la prise en charge financière des frais liés à la dépendance, et la tarification des services. Sur tous ces sujets, les réponses apportées par les pouvoirs publics demeurent trop complexes et cloisonnées.

Plus particulièrement, je souhaiterais vous interroger sur le maintien à domicile des personnes âgées, dont on sait qu’il devrait être développé, d’autant qu’il correspond à nos habitudes culturelles et au souhait des personnes concernées. Quelles solutions avez-vous trouvées pour adapter l’environnement et l’habitat de ces personnes et leur permettre de rester chez elles le plus longtemps possible ?

Par ailleurs, vous avez déclaré être intéressé par le modèle japonais. Ces derniers ont fait le choix de mettre en place un système d’assurance obligatoire privée pour couvrir les risques liés à la dépendance. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, un rapport de 2011 sur l’assurance maladie et la perte d’autonomie notait qu’une meilleure organisation des différents acteurs de la prise en charge des personnes âgées dépendantes permettrait d’économiser deux milliards d’euros par an. Quelle est votre politique en matière de coordination entre les médecins, l’hôpital, la prise en charge à domicile, mais aussi en matière de partage des données personnelles relatives au patient ? Il semble que sur ce point la France accuse un regrettable retard.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous rappelle cependant qu’un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 est consacré à l’amélioration du parcours de soins des personnes âgées.

M. Christian Paul. En vous écoutant, nous étions, sinon surpris, du moins frappés par la communauté des problématiques et des solutions mises en œuvres par la France et le Québec en matière de santé publique. Y a-t-il au contraire des domaines où il vous semble que les décisions prises par les pouvoirs publics diffèrent plus radicalement dans leur approche et leur mise en œuvre ?

Concernant le système hospitalier, j’ai pu constater, lors d’une rencontre organisée à Sherbrooke, que le personnel hospitalier, notamment les médecins, y travaillaient dans des conditions plus sereines et plus stables qu’ici. Quel est le secret de votre réussite sur ce point ?

Enfin, la commission des affaires sociales a récemment mis en place une mission d’information sur la santé mentale. Son rapporteur, notre collègue Denys Robiliard, qui ne pouvait assister à cette réunion, serait tout à fait disposé à vous rencontrer et à échanger avec vous sur cette problématique majeure qui constitue assurément l’un des enjeux de santé publique les plus importants des années à venir.

M. Gérard Sebaoun. J’aimerais à titre liminaire insister sur la différence entre les médecins de famille et nos médecins généralistes, dont la fonction et la formation ne me semblent pas totalement se recouper. Ceci étant dit, j’aimerais savoir quel est le mode de rémunération des médecins de famille. Par ailleurs, quelle est la patientèle qui leur est attribuée dans le cadre de ces groupes, que vous avez évoqués. Vous avez cité le chiffre de 1 000 patients. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point ?

M. Michel Liebgott. Nous savons que la France est en retard en termes de prise en charge et d’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Mais il faut rappeler que nous sommes partis de zéro et avons fait des progrès importants depuis quelques années. Je pense notamment à la mise en place des comités locaux de promotion de la santé. À ce titre, j’aimerais savoir comment, au Québec, vous soutenez les associations qui complètent utilement le travail des pouvoirs publics.

M. Pascal Terrasse. C’est en tant que secrétaire général de l’assemblée parlementaire de la Francophonie que j’ai souhaité assister à cette audition. La qualité des premières interventions me laisse peu de choses à ajouter. J’ai pu constater lorsque j’ai rapporté il y a quelques années la loi portant création de l’allocation personnalisée d’autonomie, la richesse de l’approche québécoise en matière de santé publique et sa capacité à se réformer. J’ai aussi le souvenir du film Les invasions barbares qui posait avec justesse la question de la prise en charge de la fin de vie.

Vous avez, comme nous aujourd’hui, été confrontés il y a dix ans à une situation de déficits budgétaires importants, nécessitant des réformes de fond et une véritable réflexion sur le financement de la protection sociale. La France doit aussi engager une telle réflexion, alors que la charge des intérêts de la dette publique nous coûte près de 50 milliards d’euros par an. Pensez-vous qu’en matière de dépendance, il faut privilégier une assurance privée ou publique, afin de rééquilibrer les comptes publics, tout en garantissant un bon niveau de protection à nos concitoyens ?

Mme Kheira Bouziane. Je vous remercie pour l’intérêt de votre intervention et j’aimerais insister sur la santé mentale. En France se mettent en place peu à peu des conseils locaux de santé mentale qui fournissent une réponse globale, et non seulement médicale, aux besoins des malades. J’aimerais savoir à ce titre quels ont été les freins à l’application du plan de décentralisation de l’aide aux malades au Québec et quelles solutions vous avez trouvé pour y répondre.

M. Jérôme Guedj. Votre intervention a retenu toute mon attention, d’autant que dans une vie antérieure, j’ai eu l’occasion de découvrir le système de santé québécois. J’aurai donc quelques questions relativement ciblées. Tout d’abord qu’en est-il du développement des centres locaux de services communautaires, dont tout l’intérêt est de fournir une prise en charge globale, et territorialisée, des patients, allant des soins de premiers recours aux consultations prénatales en passant par l’organisation du maintien à domicile des malades. Quelles stratégies avez-vous développées pour les mettre en place ? Au sein de ces centres, j’avais été impressionné par deux choses : les transferts de compétence entre professionnels de santé, et les consultations par téléphones. Quelle politique avez-vous menée pour favoriser les transferts de compétences entre médecins et auxiliaires médicaux ? Enfin, il me semble que vous aviez mis en place au début des années 2000 un système de consultations médicales par téléphone, où les professionnels jouaient un rôle de régulation et de conseil. Ce système est-il toujours efficace ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous laisse la parole, monsieur le ministre. Votre tâche est difficile. Vous avez à régler les problèmes de votre pays et nous vous demandons à présent de régler les nôtres ! Nous allons donc noter vos réponses avec application et nous mettre au travail.

M. le ministre de la santé et des services sociaux du Québec. Je vais tenter de répondre au mieux à toutes les questions.

S’agissant du transfert de compétences, il est évident que la mutation des pratiques des professionnels de santé appelle des changements culturels majeurs pour les médecins. Deux éléments sont ici fondamentaux. Tout d’abord, la révision du secret professionnel. Nous avons fait le choix de le réformer pour en faire un secret partagé pour toute l’équipe soignante, ce qui a permis de fluidifier le partage d’informations entre les professionnels et d’améliorer la prise en charge des patients.

Le deuxième problème essentiel s’agissant du transfert de compétences est le droit de prescription des professionnels. Comme le veut le dicton, « à quelque chose malheur est bon ». La pénurie de médecins dont nous avons souffert a, en effet, accéléré le mouvement de transfert de compétences aux infirmiers, qu’ils soient ou non spécialisés, ou encore aux pharmaciens, auxquels nous avons accordé un droit de prescription en matière par exemple de thérapie préventive, d’analyses médicales, d’ajustement ou de renouvellement du traitement. Mais cela n’a pas été chose facile.

Il est évident que la formation médicale doit s’ajuster et préparer d’avantage les professionnels à la pratique interdisciplinaire de leur métier.

La formation des étudiants doit s’adapter à l’interdisciplinarité afin qu’ils soient exposés très tôt à cette pratique. Nous devons également améliorer la formation des personnels assurant des soins à domicile. De ce point de vue, l’exemple français des auxiliaires de vie sociale nous intéresse.

Il y a trente ans, certaines régions souffraient d’une pénurie de médecins. Nous avons d’abord tenté d’y remédier par des mesures incitatives, que ce soit en termes de salaires ou de conditions d’exercice, mais cette stratégie a échoué. La liberté d’installation a donc été abolie – je comprends bien que je viens encore ici ébranler une des colonnes de votre temple ! Les besoins en médecins généralistes et spécialistes sont définis en accord avec les agences régionales et depuis lors, leur répartition a été nettement améliorée, la situation demeurant toutefois délicate dans la couronne de Montréal, dont la population a crû très rapidement ces dernières années.

La première étape de la mise en place du dossier médical électronique portera sur les cliniques médicales associant des médecins de famille, qui bénéficieront d’aides financières afin d’acquérir auprès des six fournisseurs agréés les matériels et logiciels requis, mais aussi sur les établissements, où l’imagerie et les examens de laboratoire seront concernés, et les pharmacies, qui seront connectées afin de développer les prescriptions électroniques. La carte « dossier santé Québec » permettra ainsi l’accès au dossier aussi bien par le médecin que par l’hôpital. Une seconde étape, déjà réalisée aux États-Unis mais à un coût élevé et après l’échec des deux premières versions, devrait offrir au patient lui-même la possibilité d’accéder à son dossier. Le dispositif s’articule avec le développement de la communication entre spécialistes et généralistes grâce à la télémédecine, ce qui se traduit par un moindre recours aux consultations ou aux hospitalisations et suppose, dès lors, un ajustement des modalités de rémunération des professions de santé.

Le numerus clausus a été excessivement restreint dans les années 1990, car les prévisions laissaient alors craindre que le nombre de médecins serait trop élevé. En fait, il s’est avéré que les médecins travaillent moins qu’auparavant, phénomène qui est lié en partie à la féminisation de la profession. De ce fait, il faut désormais trois médecins là où deux suffisaient auparavant pour effectuer le même travail. Même si le Québec se situe tout à fait dans la moyenne pour ce qui est du nombre de médecins rapporté à la population, il a donc fallu doubler le numerus clausus pendant six ans, ce qui a d’ailleurs exigé des universités un très important effort d’adaptation et les a par exemple amenées à recourir à la délocalisation et à la formation à distance. Grâce à l’effort ainsi accompli, la pénurie de spécialistes sera bientôt réglée, mais nous devons tenir compte de ce qu’entre-temps, les généralistes ont souvent été amenés à exercer leurs missions, ce qui nécessitera par conséquent des réaménagements.

En matière d’autonomie, nous considérons que l’assurance doit être universelle. De fait, les établissements et associations de personnes handicapées ont montré un fort intérêt à s’intégrer au dispositif. L’assurance autonomie est donc conçue indépendamment de l’âge. Nous estimons par ailleurs que le rôle de l’État est indispensable : le système doit être fondé exclusivement sur la solidarité, car il n’y a pas de marché pour un risque à la fois trop grave et imprévisible, d’autant que les assurés ont généralement une conscience trop tardive de sa survenue. Au demeurant, même en France, les assureurs n’assument qu’une part limitée du risque en échange du versement de primes substantielles. En même temps, nous allons passer à la tarification à l’activité pour le secteur public des soins à long terme et conclure des contrats avec les établissements relevant de l’économie sociale et du secteur privé lucratif. Nous avons en outre fait le choix de préférer une allocation aux prestataires plutôt qu’une allocation directe aux personnes, afin de limiter les risques d’abus et de « marché noir » de l’aide, comme en Italie, mais aussi afin d’éviter le risque de voir les femmes sortir du marché du travail en les confinant dans un rôle traditionnel d’aidantes.

Pour les soins à domicile, nous devons changer de paradigme et décloisonner les structures d’aides aux personnes âgées. Aujourd’hui, les personnes doivent déménager vers des structures si leur état requiert des soins ; demain, il faudra que les services s’adaptent et soient présents là où les personnes ont choisi de vivre. Le cadre réglementaire devra être élargi en conséquence et il faudra réserver l’hébergement en structure aux cas les plus lourds.

Nos choix diffèrent à plusieurs égards en matière de systèmes de santé. Premièrement, la réponse aux besoins des personnes âgées n’est pas la même : en France, les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont vocation à s’occuper de l’ensemble des personnes âgées, alors qu’au Québec, les centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) n’accueillent que les personnes dont l’état de dépendance équivaudrait, en France, à un GIR 1 ou un GIR 2. Les autres personnes relèvent de diverses catégories de résidences intermédiaires, comme les habitations coopératives bénéficiant de services de soins à domicile.

Deuxièmement, depuis trois décennies, la médecine de famille est fortement valorisée. Il s’agit en effet d’une discipline universitaire à part entière, sanctionnée par l’obtention d’un diplôme. Grâce à cette formation spécifique, le médecin de famille est mieux armé pour jouer un rôle important auprès du patient, notamment pour la coordination des soins, ce qui se révèle particulièrement utile face au vieillissement, dont l’une des caractéristiques est l’apparition de plusieurs pathologies concomitantes.

Troisièmement, nous maintenons fermement le choix d’un système essentiellement public, au point que nos collègues français nous qualifient parfois de « communistes » ou de « monopolistiques ». Nous sommes confrontés à la forte pression du secteur privé, tapi juste de l’autre côté de la frontière, et nous devons donc développer une stratégie extrêmement déterminée pour le contrer. Nous préférons sans aucun doute que les patients financent leurs soins avec leur carte d’assurance maladie plutôt qu’avec leur carte de crédit.

Enfin, depuis les années 1970, nous poussons au maximum l’intégration du social et du sanitaire dans l’ensemble du système. Ici aussi, cette démarche est bénéfique pour faire face aux problèmes posés par le vieillissement. En outre, les établissements de santé ont fusionné dans les années 2000, avec une gouvernance unique. Cette évolution n’est pas facile et n’est certes pas dépourvue d’inconvénients, comme la marginalisation financière des centres locaux de services communautaires (CLSC), du fait de la priorité accordée à l’hôpital. Mais elle permet de passer d’une approche en termes de client à une approche en termes de population et de regrouper l’éligibilité à recevoir des services et la prestation de services proprement dite, à la différence de la France où l’évaluation de la situation de la personne et les soins qui lui sont ensuite délivrés ne sont pas assurés par la même équipe.

Le système de rémunération des médecins de famille est désormais mixte, composé de tarifs à l’acte et à la capitation. Il existe un forfait par patient qui augmente de manière conséquente pour les personnes âgées, en cas de polypathologie par exemple, et pour les personnes victimes de maladies mentales, en cas de vulnérabilité particulière. Ce système incite les médecins de famille à assurer un suivi de long terme des patients, tout en ayant un impact positif sur leur productivité.

Le Québec a connu deux vagues de réformes structurelles :

– La première, dans les années 1990, avec le virage ambulatoire, qui a opéré une réduction du nombre de lits d’hôpitaux pour diminuer la durée des séjours et augmenter le volume de soins dispensés hors de l’hôpital. Elle a été mise en œuvre par M. Jean Rochon, ministre de la santé de l’époque ;

– La seconde, dans les années 2000, avec la réforme de la gouvernance, qui a consisté en une fusion des établissements.

Je pense que la priorité aujourd’hui réside dans l’amélioration du fonctionnement des structures. Certains ajustements mineurs doivent cependant encore être réalisés : les agences régionales demeurent, par exemple, trop nombreuses. Il en existe actuellement 17, soit une par région administrative.

Je pensais bien connaître l’allocation personnalisée d’autonomie, mais j’ai découvert hier des éléments que je ne connaissais pas ! La complexité de la tarification de l’APA me semble dommageable car le processus de choix perd en lisibilité. Or, l’essence de l’APA doit être de permettre aux personnes âgées soit de rester chez elles et d’y recevoir des services, soit d’être orientées vers une institution. L’APA constitue par ailleurs un levier essentiel du développement d’une assurance de long terme pour les personnes âgées, qui doit favoriser un rééquilibrage entre les institutions et le domicile dans le traitement médical. Les personnes âgées désirent bien souvent rester chez elles et cette solution s’avère moins coûteuse pour la collectivité.

Selon l’OCDE, la France et le Québec dépensent aujourd’hui 1,2 % de leur PIB pour les soins prodigués aux personnes âgées. En 2050, si aucune réforme n’est entreprise pour développer les soins à domicile, ce sont près de 3,3 % du PIB qui y seraient consacrés, contre 2,2 à 2,4 % dans le cas contraire. Cette différence de 1 % représente 3 milliards de dollars dans le cas du Québec. Il y a donc bien un enjeu fort en termes d’équité intergénérationnelle et de maîtrise des finances publiques, dans la gestion du risque de la perte d’autonomie.

S’agissant de la réforme des centres locaux de services communautaires (CLSC), elle fonctionne bien même si elle n’a pas été achevée. Il me semble aujourd’hui en particulier nécessaire d’intégrer les groupes de médecins de famille et ces centres locaux, qui demeurent une innovation très intéressante bien que la communication entre les différents acteurs doive être accrue.

Le bilan de la ligne téléphonique « info-santé », le 811, ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 apparaît également positif. Celle-ci permet d’entrer en contact avec une infirmière qui met en œuvre un protocole et informe ses interlocuteurs des gestes à accomplir avant de se rendre aux urgences hospitalières.

Enfin, je ne vous cacherai pas que le plan en faveur de la santé mentale a connu des échecs, car les financements n’ont pas toujours été au rendez-vous. Or nous devons être capables de financer la mise en place d’équipes de suivi intensif des patients en milieu ordinaire, pour éviter des hospitalisations. Grâce à la gouvernance unique, nous allons pouvoir mettre en œuvre cette réforme dans le cadre du deuxième plan de santé mentale et poursuivre la réduction du nombre d’hospitalisations indues, tout en favorisant le suivi à domicile. Quant à l’idée de créer des structures nouvelles et propres à la santé mentale, comme un conseil, il me semble plus judicieux de rechercher une intégration des réseaux de santé tant physique que mentale. Ne perdons pas de l’énergie et de l’argent à mettre en place des structures ad hoc, qui finissent par agir en « tuyaux d’orgue » ou en « silo » comme on dit chez nous, qui ne répondent pas aux besoins des patients.

Voilà les quelques éléments de réflexion que je souhaitais vous livrer ce matin. Je vous remercie de votre accueil.

La séance est levée à treize heures.

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Information relative à la Commission

Mme Véronique Massonneau a été désignée membre de la mission d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi, en remplacement de M. Christophe Cavard.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 23 janvier 2013 à 11 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Guy Delcourt, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Philippe Nilor, M. Denys Robiliard, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. – M. René Dosière, M. Richard Ferrand, Mme Annick Girardin, M. Pascal Terrasse