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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 19 décembre 2012

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président, et de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Vice-président

– Audition de M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, sur la question prioritaire de constitutionnalité

– Audition de Me David Lévy, avocat, directeur du pôle juridique du Conseil national des barreaux, et Me Catherine Saint-Geniest, avocate, membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris, sur la question prioritaire de constitutionnalité

– Examen de la proposition de loi organique, modifiée par le Sénat, relative à la nomination du directeur général de la société anonyme BPI – Groupe (n° 487) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur)

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés d’agglomération (n° 420) (Mme Nathalie Nieson, rapporteure)

La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à deux auditions sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Elle en vient d’abord à l’audition de M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous recevons M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, accompagné de M. Jean Richard de la Tour, avocat général, et M. Pierre Chevalier, avocat général référendaire à la Cour de Cassation, sur la question prioritaire de constitutionnalité.

M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation. Plus de deux années après son entrée en vigueur, passés les premiers balbutiements, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a répondu aux espoirs attendus.

Elle constitue sans nul doute une avancée démocratique majeure dans notre État de droit, conforme aux souhaits premiers du législateur d’éliminer de notre ordonnancement juridique des dispositions législatives contraires à la Constitution.

L’encadrement procédural de la QPC, le jeu du filtrage comme le contrôle abstrait opéré par le Conseil constitutionnel renforcent la protection des droits des citoyens qui sont ainsi appelés à s’emparer de la question de constitutionnalité, sans risquer de perturber le bon déroulement du litige à l’occasion duquel elle est posée.

Le dispositif a trouvé un point d’équilibre et je voudrais saluer l’harmonie qui préside au dialogue qui s’est noué entre les juges a quo, les juridictions suprêmes et le Conseil constitutionnel.

Je souhaite articuler mon intervention autour de trois points : l’organisation du parquet général de la Cour de cassation et l’importance de l’avis de l’avocat général ; le dispositif de la QPC, qui fonctionne bien et dont les équilibres doivent être conservés ; les quelques aménagements possibles.

Sur le premier point, une QPC transmise à la Cour de cassation ou posée à l’occasion d’un pourvoi entraîne mécaniquement la désignation d’un avocat général de la chambre concernée.

Le premier avocat général de chaque chambre est averti de l’arrivée de la QPC. La date d’audience est alors fixée en liaison avec le président de la chambre. L’avocat général désigné en est immédiatement avisé et peut travailler le dossier sans même attendre l’avis du rapporteur.

Chaque avocat général s’exprime en toute indépendance – le parquet général ne faisant pas partie du ministère public –, ce qui n’exclut pas un travail de coordination autour du procureur général dans la préparation de ses conclusions pour avoir une lecture plus transversale – inter-chambres – des questions posées. Il est destinataire, comme le rapporteur, d’une étude préalable réalisée par le service de documentation des études et du rapport de la Cour présentant la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les principes invoqués.

Enfin, dès l’entrée en vigueur de la réforme, le parquet général a mis en place des tableaux de suivi des QPC pour l’ensemble de la Cour afin d’identifier les questions connexes, de les confier à un même avocat général et d’offrir ainsi un outil de recherche des précédents performant pour tous les magistrats de la juridiction. Ces tableaux servent d’appui à l’analyse transversale des QPC posées.

Vous m’avez demandé si le ministère public faisait connaître systématiquement son avis : à la Cour de cassation, l’avocat général conclut toujours à l’occasion d’une QPC posée transmise par les juges a quo ou dans le cadre d’un pourvoi.

Devant le juge du fond, la réponse à cette question relève avant tout de la compétence du ministère de la Justice.

Cependant, l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que « devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l’instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis ».

Cette disposition s’applique tant en matière civile que pénale. Dans ce dernier cas, l’alinéa 1er de l'article R. 49-25 du code de procédure pénale dispose que le juge statue « après que le ministère public et les parties, entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité ». Cette règle a pour but de s'assurer que le ministère public sera mis en mesure de donner un avis dans l'ensemble des procédures pénales, y compris lorsqu'il n'est pas présent à l'audience. Elle ne souffre que d’une exception, prévue au 2e alinéa de cet article et cantonnée au contentieux pénal : « La juridiction peut toutefois statuer sans recueillir les observations du ministère public et des parties s’il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu’il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité », ce que la circulaire du 24 février 2010 justifie par la « bonne administration de la justice ».

Le fait de ne pas demander l’avis du ministère public est-il susceptible d’affecter la régularité de la décision rendue par le juge ? La réponse est oui puisque la Cour de cassation a estimé – dans deux arrêts de la deuxième chambre civile des 31 mai 2012 et 27 septembre 2012 – qu’elle pouvait juger irrecevable une QPC transmise alors que, devant le juge du fond, le ministère public n’avait pas été avisé.

La chambre commerciale de la Cour vient d’ailleurs de rendre deux arrêts notables sur le champ des avis obligatoires du ministère public en matière de procédures collectives.

Vous souhaitiez également connaître le taux de suivi des avis du ministère public. À partir des tableaux du parquet général, j’ai pu faire établir des statistiques.

En matière civile, sur 551 décisions, ont été rendues sur avis conforme de l’avocat général 85 % des décisions de transmission, 98 % des décisions de non-transmission et 62 % des décisions d’irrecevabilité.

En matière pénale, sur 679 décisions, ont été rendues sur cet avis conforme 92 % des décisions de transmission, 89 % des décisions de non-transmission et 80 % des décisions d’irrecevabilité.

Enfin, je réponds à votre interrogation concernant la proportion des cas dans lesquels le ministère public soulève une QPC. Devant la Cour de cassation, la question est inopérante puisque le parquet général n’est pas partie à la procédure mais intervient comme un commissaire de la loi. Mais si les textes sont muets concernant cette possibilité devant les juges du fond, je puis vous dire qu’aucune QPC n’a encore été soulevée à ce jour.

Cela étant, parce qu’il bénéficie de tous les droits et attributs d’une partie, le ministère public, partie principale, me paraît en théorie autorisé à poser une QPC.

De plus, dans la mesure où il requiert l’application de la loi, il n’est pas incohérent, au moins en droit, de soutenir qu’il puisse aussi, dans l’intérêt même de la loi, en contester la conformité aux normes supérieures. Je m’appuie à cet égard sur mon expérience de procureur général et le rôle qui m’est assigné en qualité d’autorité pouvant introduire des pourvois dans l’intérêt de la loi.

La question est plus délicate lorsque le ministère public n’est que partie jointe à la procédure car son implication est plus indirecte. Si son intervention est alors plus détachée, elle poursuit toujours la bonne application de la loi et, partant, peut en certains cas rencontrer une question propre à sa constitutionnalité.

Ces questions n’ont jamais été examinées jusqu’à présent par la Cour de cassation. Il ne semble pas que le parquet ait pris une telle initiative devant les juridictions du fond et la circulaire du ministère de la Justice 24 février 2010 précise : « il devrait être exceptionnel que le ministère public chargé de requérir l'application de la loi soulève en même temps son inconstitutionnalité, en dehors de l'hypothèse de dispositions législatives tombées en désuétude ».

Ces questionnements juridiques prennent place dans un débat plus large sur la faculté qui serait offerte aux acteurs du procès, juge ou procureur, de soulever des QPC.

Je rappelle à cet égard que la QPC est avant tout un dispositif instauré dans l’intérêt des parties citoyennes. Tout autre schéma impacterait nécessairement les fondements de la réforme. Il conviendrait alors de s’interroger sur la nature du filtrage des contrôles opérés – abstrait ou concret –, leur étendue et leur effet.

On ne peut davantage sous-estimer le danger de faire « descendre » le juge dans l’arène juridique et l’impliquer dans un débat plus politique – au sens le plus générique du terme – au risque de mettre en doute en certains cas son impartialité, notamment s’il venait à soulever une QPC sur une loi « de société ». C’est le rôle même du juge qui pourrait se retrouver modifié.

On comprend aisément qu’il puisse soulever d’office dans le procès un moyen qui défend des intérêts d’ordre public, édicté dans l’intérêt général. De même comprend-on qu’il puisse, par application de l’article 55 de la Constitution, écarter la loi lorsqu’une norme conventionnelle l’impose – et l’on sait l’importance de ce dispositif qui a conduit à des avancées majeures de notre droit.

Mais on comprendrait mal qu’il ait la faculté, en l’absence de demandes des parties ou de normes supérieures dont il assure le contrôle, de retourner son office pour introduire un débat sur la norme dont il est, selon Montesquieu, le plus fidèle interprète. On devine par ailleurs les doutes qui pourraient s’immiscer sur les intentions judiciaires poursuivies – lesquels s’accordent mal avec l’exigence de neutralité du juge et de sérénité des débats.

Toute proportion gardée, puisqu’il ne se voit pas exposé au même degré d’impartialité, le ministère public pourrait se voir opposer le même reproche. De sorte que si la faculté pour ce dernier de poser une QPC m’apparaît fondée en droit – spécialement lorsqu’il est partie principale –, la nature même de son activité, dont le rôle est de requérir l’application de la loi, et les risques que je viens d’évoquer m’inclinent à la plus grande prudence.

Si je ne sous-estime pas l’importance de ces questions, j’ai donc de fortes préventions sur une évolution du dispositif à cet égard.

Deuxième point : le système de la QPC, qui a trouvé son régime de croisière, fonctionne bien.

On s’est plu à dire, un peu vite sans doute, surtout dans les premiers temps de sa mise en œuvre, que la Cour de cassation regimbait à transmettre des questions et que sa jurisprudence, trop peu motivée, ne permettait pas d’en dégager une lecture cohérente.

Je m’inscris en faux contre cela. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la répartition des QPC posées devant le juge a quo et la Cour de cassation est équilibrée, avec environ 50 % d’entre elles pour chaque instance.

D’un point de vue qualitatif, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel des questions importantes et fondamentales relatives à la procédure pénale, l’hospitalisation d’office, l’adoption au sein de couples non mariés, la dévolution du nom patronymique, la composition de certaines juridictions, la liberté syndicale ou la procédure devant les autorités administratives indépendantes notamment.

Le parquet général a le plus souvent été fer de lance de ces transmissions, comme l’attestent les taux de suivi précédemment évoqués.

La chambre criminelle est la principale formation de la Cour concernée par la réforme : 55 % des QPC reçues relèvent de sa compétence, les cinq autres chambres se partageant les 45 % restants.

Devant la première chambre civile, le principe constitutionnel d’égalité est de loin le plus fréquemment invoqué – avec 45 % des cas – puis, par ordre décroissant, le droit de mener une vie familiale normale – 14 % des cas –, le droit à un procès équitable – 12 % –, l’autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles – 11 % –, le droit de propriété
– 9 % –, les autres cas concernant la liberté matrimoniale, le principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine et le principe de proportionnalité des délits et des peines.

Devant la chambre commerciale, sont invoqués en premier le droit au juge et le respect des droits de la défense, puis le principe de liberté individuelle et la garantie de cette liberté par le juge notamment, le principe du consentement à l’impôt représentant seulement 1 % des cas.

Devant la chambre criminelle, sont principalement évoqués le principe de légalité criminelle – 25 % des cas – et les principes du droit au juge et du respect des droits de la défense – 24 % des affaires.

Quantitativement, le nombre de questions transmises mis en rapport avec le ratio de déclaration d’inconstitutionnalité finalement prononcée par le Conseil constitutionnel, autour de 27 %, démontre une application raisonnée et souple du filtrage par la Cour de cassation.

Je voudrais ici insister sur le rôle de l’avis de l’avocat général.

Pour en saisir toute la portée ainsi que les potentialités des arrêts rendus, il est souvent nécessaire, voire indispensable, de lire la motivation de la décision de la Cour en se référant aux documents préparatoires.

La vision propre de l’avocat général, enrichie par les échanges noués au sein du parquet général et une lecture transversale des jurisprudences des chambres, apporte un éclairage souvent très attendu sur la réponse à apporter.

En effet, ni la préparation technique par le service de documentation de la Cour, ni le rapport objectif, aussi complet soit-il, n’expriment véritablement le sens que devrait avoir la décision. Dans ce jeu de construction intelligent que constitue l’examen de la QPC, l’avis de l’avocat général, au premier stade du litige comme en Cour de cassation, par sa richesse et la direction qu’il propose, assied la décision, quel qu’en soit le sens, et apporte le relief nécessaire à sa compréhension.

Le Conseil constitutionnel est d’ailleurs destinataire des conclusions des avocats généraux, qui sont incluses dans les dossiers qui lui sont transmis.

Enfin, on s’aperçoit que le parquet général et les chambres adoptent une ligne commune dans l’appréciation des critères de recevabilité des QPC, sous réserve de quelques nuances.

S’agissant de l’applicabilité au litige, la loi exige uniquement un lien d'applicabilité entre la QPC et la procédure à l'occasion de laquelle elle est soulevée. Il n’est donc pas nécessaire que la réponse à la question détermine l’issue du litige. Cette analyse est partagée par le parquet général et les chambres. Le taux de refus de transmission sur ce critère s’élève d’ailleurs à moins de 10 %.

Si quelques décisions – respectivement de la première chambre civile, le 14 septembre 2010, de la chambre commerciale, le 12 juillet 2011, et de la chambre criminelle, le 11 juillet 2012 – ont pu laisser croire que l’appréciation de cette condition était liée à la vérification d’un intérêt à agir de l’auteur de la question, il s’agissait avant tout dans ces affaires de donner tout son sens à la notion « d’effet utile » dégagée par le Conseil constitutionnel et de constater l’absence évidente de lien entre une éventuelle censure de la décision et la solution du litige pour se refuser à transmettre une QPC.

Bien évidemment, il faut rester vigilant pour que sous couvert « d’effet utile », la jurisprudence ne soit amenée à dénaturer le sens de ce critère, qui n’a pas à « commander » l’issue du litige.

Il appartient aussi au parquet général d’assurer ce rôle de veille, sachant que tout dépend de la nature de la QPC posée et des enjeux du litige.

Dans l’appréciation du critère d’absence de déclaration de conformité par une précédente décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, il n’y a pas non plus de divergence entre la position du parquet général et celles des chambres.

En effet, alors que, saisi d’une QPC portant sur la distinction opérée entre couples doublement infertiles et ceux dont l’un des deux membres seulement est infertile, le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la Constitution cette distinction établie par la loi de 1994, saisie d’une QPC portant sur la même disposition mais dans une nouvelle rédaction issue de la loi de 2004, la Cour de cassation, suivant les conclusions de son avocat général, n’a retenu aucun changement de circonstances – sans doute compte tenu de la teneur des débats préparatoires ayant présidé à l’adoption de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, confirmant l’interdiction du double don de gamètes.

Une nuance cependant mérite d’être soulignée sur le critère du changement de circonstances s’agissant d’une position prise par la chambre commerciale. Dans sa décision n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel a en effet admis qu’une jurisprudence développée postérieurement au contrôle de constitutionnalité d’une disposition est susceptible de constituer un changement de circonstances, au sens de l’article 23-5, alinéa 3, de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée, sous réserve qu’il s’agisse d’une jurisprudence constante émanant des juridictions suprêmes que sont le Conseil d’État et la Cour de cassation.

Or une cour d’appel ayant tranché un litige pendant devant elle sur le fondement d’une interprétation novatrice d’une disposition précédemment déclarée conforme à la Constitution, un pourvoi en cassation a été formé dans le cadre duquel a été soulevée une QPC portant sur la constitutionnalité de la disposition en cause, telle qu’interprétée par la cour d’appel. Le parquet général a, dans ses conclusions, soutenu que la Cour de cassation avait, dans son rôle de filtre des QPC, les mêmes pouvoirs d’interprétation que lorsqu’elle est juge de cassation de sorte qu’elle pouvait et devait confirmer ou infirmer l’interprétation novatrice retenue en appel et que, au cas où elle jugerait fondée cette interprétation, devrait être considérée comme remplie la condition tenant au changement de circonstances. La chambre commerciale a au contraire estimé, dans un arrêt rendu le 5 juillet 2012, « qu’aucun changement de circonstances de droit ou de fait issu d’une jurisprudence du Conseil d’État ou de la Cour de cassation n’est depuis intervenu qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen ».

S’agissant du critère de nouveauté, à l’unisson, les chambres et le parquet général, suivant la position du Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 décembre 2009, rappellent que le législateur organique a entendu imposer que le Conseil constitutionnel soit saisi de l’interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n’a pas encore eu l’occasion de faire application, en laissant dans les autres cas la Cour de cassation ou le Conseil d’État apprécier l’intérêt d’une telle saisine.

Quant au critère du caractère sérieux, il est au cœur du filtrage constitutionnel. Cadre de référence, il constitue le noyau principal de la motivation des décisions rendues.

Cette libre appréciation du sérieux de la question renvoie à l’essence de la mission juridictionnelle. Il peut arriver que ce caractère ne serve pas seulement de support à l’évaluation du doute entourant la constitutionnalité d’une disposition. Usant de sa plasticité, la Cour s’appuie aussi sur ce critère pour filtrer des QPC qui ne répondent qu’imparfaitement à la première condition légale que constitue la recevabilité.

Sur ce dernier point, à l’occasion d’une affaire particulière, siège et parquet général ont développé une analyse divergente. Il s’agissait de savoir si le critère du caractère sérieux pouvait avoir pour objet ou pour effet de sanctionner des choix procéduraux contestables d’une partie. Deux personnes de même sexe avaient saisi par requête conjointe un tribunal de grande instance en vue d’obtenir l’autorisation de faire célébrer leur mariage par l’officier d’état-civil en déposant le même jour deux QPC portant sur la constitutionnalité des articles 144 et 75 du code civil. Or aucune formalité préparatoire à la conclusion du mariage n’avait préalablement été engagée par ces personnes. La QPC avait été posée à l’occasion d’une instance artificiellement ouverte pour en permettre l’examen : la recevabilité de ces questions devant le juge du fond était donc discutable au regard de l’article 61-1 de la Constitution puisque les requérants agissaient en justice à seule fin d’obtenir l’éviction de dispositions dont elles redoutaient l’application – celles-ci pouvant conduire l’officier d’état civil ou le procureur de la République à s’opposer à leur union. Certes, la Cour de cassation, instance de filtrage, n’avait pas à se faire juge de la recevabilité de la question admise par le juge a quo, mais ne pouvait-on cependant envisager, pour sanctionner la manœuvre procédurale, qu’elle déporte le sujet sur le terrain du caractère sérieux de la question posée, ainsi que le suggérait l’avocat général ? Empruntant une voie inverse, sans doute en raison de l’importance des enjeux posés, la chambre a, dans un arrêt du 16 novembre 2010, décidé de transmettre la question au Conseil constitutionnel. Ce faisant, elle a opté pour une analyse objective du lien entre la QPC et la procédure à l’occasion de laquelle elle a été soulevée – ce qui paraît conforme à l’interprétation du critère d’applicabilité au litige « dépris de tout caractère déterminant sur son issue », ainsi qu’à pu le remarquer le conseiller rapporteur.

Enfin, la Cour de cassation prend en compte la jurisprudence dégagée par le Conseil constitutionnel. C’est ainsi qu’elle a fait siennes les « motivations » constitutionnelles sur le principe d’égalité, le droit de propriété, la notion d’effet utile ou celle de droit vivant.

De même, les réserves interprétatives, qu’elles soient neutralisantes, directives ou constructives, s’imposent à elle comme une condition inséparable de la décision.

Ces réserves ont le mérite de la clarté : elles doivent être préférées, à cet égard, à l’exercice difficile d’interprétation que constitue l’analyse des motifs des décisions du Conseil – j’ai notamment en mémoire les difficultés posées par la décision du Conseil constitutionnel du 11 juin 2010 sur le volet transitoire de la loi du 4 mars 2002, dite « anti-Perruche », et les approches opposées de la Cour de cassation et du Conseil d’État.

Mais ces réserves me semblent devoir rester limitées, d’une part pour ne pas figer une jurisprudence – qui est toujours tributaire d’un contexte et qui par nature est appelée à se développer – et, d’autre part, pour laisser au seul juge l’exercice de sa mission d’interprète de la loi.

De même, la QPC peut avoir un effet indirect sur une jurisprudence. Dans plusieurs affaires, la Cour de cassation a ainsi modifié opportunément sa jurisprudence à la faveur d’une QPC afin de prévenir la censure d’anticonstitutionnalité. Il ne s’agit pas d’éluder la question ou de priver le Conseil constitutionnel de son contrôle mais, par une technique efficace et rapide, de rétablir une conformité de la loi à la Constitution mise en doute par la critique faite à la jurisprudence.

Dans ces conditions, plusieurs aménagements à la marge du régime de la QPC sont possibles.

Je rappelle que, sur la compétence propre des chambres pour traiter des QPC, passé le temps de l’émoi suscité par le transfert de compétence de la formation spécialisée aux chambres de la Cour selon leurs attributions, force est d’observer que ce transfert a conduit à confier l’examen de la question aux magistrats spécialisés dans le contentieux concerné et à une rationalisation tant dans le traitement des dossiers que dans l’étude des moyens lorsque la question est adossée à un pourvoi.

Quant au double filtrage, il présente plusieurs avantages : il permet au juge du fond, au plus près des éléments du litige, de se positionner sur la question de constitutionnalité, et à la Cour de cassation, dans son rôle régulateur, d’asseoir une « jurisprudence sur le filtrage constitutionnel ». Il est important de conserver les critères distinctifs, encore jeunes, entre ces deux instances. Aussi, même si elle peut apparaître subtile, la nuance entre « question non dépourvue de caractère sérieux » devant le juge du fond et « question présentant un caractère sérieux » reflète le rôle régulateur de la Cour.

Cependant, même si les critères de transmission ne sont pas rigoureusement identiques pour la Cour et les juridictions du fond, on peut regretter que, dans certains cas, les décisions de transmission par les juges a quo soient peu motivées et laissent en définitive à la Cour le soin de trancher.

Par ailleurs, ne serait-il pas utile de transmettre au Conseil constitutionnel les conclusions des avocats généraux, y compris en cas de décision de non-transmission ? Aujourd’hui, comme le prévoient les textes, ces conclusions ne sont transmises que lorsqu’il y a une décision de renvoi. Il me semble possible d’envisager une évolution sur ce point à seule fin de permettre au Conseil constitutionnel de mieux comprendre, par l’éclairage de ces conclusions, la décision de non-transmission qui a été prise.

De plus, pour éviter que les QPC posées devant le tribunal correctionnel ne retardent l’issue du procès, il pourrait être envisagé d’étendre en matière correctionnelle la règle posée par l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée en matière criminelle chaque fois que le procès fait suite à une information judiciaire. Je rappelle que cet article dispose que le moyen de non-constitutionnalité « ne peut être soulevé devant la cour d'assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation ».

Quant aux débats autour de l’effet dilatoire lié à des questions tardives ou à des questions multiples posées dans la même instance à l’occasion d’audiences successives –, ils renvoient au problème de l’absence de délai prévalant pour les juridictions du fond pour statuer sur les QPC. Il faudrait donc fixer aux juges a quo le même délai que celui imparti aux cours suprêmes à cet effet. Or je rappelle que la loi organique précise que la réponse apportée doit intervenir « sans délai », ce qui peut vouloir dire immédiatement ou bien sans aucun délai précis – comme c’est, dans les faits, assez souvent le cas.

S’agissant enfin des questions sérielles, aux termes des articles 126-5 du code de procédure civile et R. 49-26 du code de procédure pénale, le juge n’est pas tenu de transmettre une QPC mettant en cause, pour les mêmes motifs, une disposition législative dont la Cour de cassation ou le Conseil constitutionnel sont déjà saisis. Néanmoins, on a constaté que, malgré l’actualisation et la mise en ligne par les services de la Cour de cassation d’un tableau sur les dispositions législatives examinées par elle, des juridictions du fond ont tout de même transmis des QPC sur ces dispositions. Dès lors, il pourrait être utile, dans ce cas, de prévoir une obligation de surseoir à statuer.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Lorsqu’elle avait débattu de la QPC, la commission des Lois avait proposé de fixer un délai pour la décision du juge a quo, puis avait accepté la solution consistant à préférer l’expression « sans délai » – laquelle signifiait, pour nous, immédiatement.

Par ailleurs, alors que devant les juges du fond, la question est transmise dès lors qu’elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux, devant la Cour de cassation et le Conseil d’État, elle doit présenter un tel caractère. Cette distinction est souvent justifiée par le rôle régulateur que devraient jouer les cours suprêmes. Elle apparaît quelque peu byzantine. Pensez-vous qu’elle doive être maintenue ?

Enfin, lors de son audition, le Premier président de la Cour de cassation a critiqué la pratique du Conseil constitutionnel consistant à formuler régulièrement des réserves d’interprétation, qui peuvent, selon lui, empiéter sur le rôle interprétatif du juge ordinaire : partagez-vous cette critique ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quels sont le motif et la nature juridique de la transmission du dossier d’une QPC par le Conseil d’État ou la Cour de cassation au Conseil constitutionnel lorsque celui-ci n’en est pas saisi ? Quelles seraient les conséquences de la transmission de l’avis du parquet que vous suggérez ?

Ne crée-t-on pas un ordonnancement totalement nouveau, d’ordre juridictionnel, dans lequel une cour suprême remplacerait le Conseil constitutionnel, notamment au travers du contrôle de constitutionnalité en négatif qu’elle exerce de fait ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Le degré d’indépendance des magistrats du parquet lorsqu’ils concluent devant les juridictions judiciaires du fond ne pourrait-il être accru s’agissant des QPC, notamment au regard de celle prévalant dans les juridictions administratives ? Dans quelle mesure la circulaire du garde des Sceaux de février 2010 encadre-t-elle leur pouvoir d’appréciation ?

Vous avez souhaité qu’il n’y ait pas de QPC sur les questions sociétales, tout en évoquant certains exemples de ce type : pouvez-vous préciser votre position à cet égard ?

M. Jean-Claude Marin. Monsieur le président, il apparaît que les décisions rendues par les juges a quo sur les QPC doivent être davantage encadrées en termes de délai et de motivation, à la lumière, non de la vision théorique qui prévalait nécessairement au moment du débat parlementaire, mais de la pratique des juridictions que nous connaissons désormais.

Par ailleurs, il faut entendre par « question non dépourvue de caractère sérieux » qu’il existe une probabilité qu’elle pose un problème de constitutionnalité, alors que la Cour de cassation a, dans son rôle régulateur, un devoir d’une autre ampleur : déterminer de façon claire et précise si la question présente ou non un caractère sérieux, c’est-à-dire, pose ou non un problème que le Conseil constitutionnel doit être amené à trancher. Nous ne sommes pas alors dans l’hypothèse mais dans le constat. La distinction n’est donc pas byzantine.

Je n’ai pas tout à fait la même lecture que le Premier président sur les réserves d’interprétation, qui sont en général davantage motivées que les décisions de censure ou de conformité du Conseil constitutionnel : elles donnent corps à une déclaration de constitutionnalité, en précisant les conditions de celle-ci. Le Conseil est donc là dans son rôle : il ne s’agit pas d’une substitution aux ordres juridictionnels judiciaires et administratifs, mais plutôt de guides utiles.

Monsieur Le Bouillonnec, les transmissions de dossiers qui ne donnent pas lieu à saisine du Conseil contribuent simplement à son information. Cette pratique participe du dialogue des juges sur les critères de transmission, qui est important. Cela donne corps à la philosophie du filtrage et à la nécessaire compréhension du positionnement de chacun des ordres juridictionnels.

Madame Bechtel, je ne suis pas contre la saisine du Conseil constitutionnel sur des questions relatives à des problèmes de société : j’ai seulement dit que donner à un magistrat le pouvoir de soulever d’office une QPC à propos de l’application d’une telle loi risquait de le placer dans une position où son impartialité objective pourrait être mise en cause !

Par ailleurs, je rappelle que les rapporteurs publics et les avocats généraux de la Cour de cassation s’expriment en toute indépendance : le seul pouvoir du procureur général serait de leur retirer un dossier, ce qu’il n’a jamais fait.

S’agissant des parquets des juridictions du premier ou du second degré, ils ont une liberté totale dans les affaires individuelles : en matière civile et commerciale, les directives posées par la chancellerie, notamment dans la circulaire du 24 février 2010, sont générales. Par ailleurs, la garde des Sceaux a décidé, dans une récente circulaire, de ne plus donner d’instructions individuelles, comme les articles 30 et suivants du code de procédure pénale l’autorisent à le faire. Je ne doute donc pas que devant les juridictions civiles ou commerciales, voire pénales, le parquet manifeste une totale indépendance. Cette question donne lieu à beaucoup de fantasmes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie de cette contribution à nos travaux qui devront aboutir pour le troisième anniversaire de la QPC.

*

* *

La Commission procède ensuite à l’audition de Me David Lévy, avocat, directeur du pôle juridique du Conseil national des barreaux, et Me Catherine Saint-Geniest, avocate, membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous accueillons Me David Lévy, directeur du pôle juridique du Conseil national des barreaux, et Me Catherine Saint-Geniest, membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris, sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Me David Lévy, avocat, directeur du pôle juridique du Conseil national des barreaux. La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la révolution juridique majeure de la Ve République. Elle marque l’entrée dans une période qui voit s’affirmer la culture de la Constitution à la place de la culture de la loi qui prévalait depuis 1789.

Elle est d’autant plus importante pour les avocats qu’ils ont pleinement soutenu sa création. Elle constitue en effet un moyen utile de défense des droits et libertés de leurs clients.

La Constitution devient ainsi une norme juridique prescriptive de comportements, d’obligations de faire ou de ne pas faire. Elle est opposable à tous et tous sont obligés par elle.

Dans le cadre de cette audition, vous nous avez adressé neuf questions auxquelles nous nous proposons de répondre en deux temps, pour tenter de faire un bilan de la mise en œuvre de la QPC depuis le 1er mars 2010. De fait, s’il s’agit d’une révolution juridique réussie, certains points peuvent faire l’objet de réflexions en vue de leur amélioration.

La réussite de la QPC tient à trois facteurs principaux.

Premier facteur : les avocats se sont appropriés la réforme, notamment grâce à des actions de formation de la profession.

Ainsi, dès 2009, le Conseil national des barreaux a organisé, avec le Conseil constitutionnel, deux journées de formation sur la QPC. Nous avons également mis en œuvre, dès la même année, un module de formation à la QPC dispensé dans les écoles d’avocats et dans les barreaux qui le souhaitent. Il s’agit de faire comprendre aux avocats et aux praticiens le fonctionnement procédural de cette nouvelle voie de droit et de sensibiliser les avocats au contentieux constitutionnel – qu’ils ignoraient pour la plupart, dans la mesure où ils n’avaient pas accès au prétoire du Conseil constitutionnel pour le contrôle a priori de la constitutionnalité de la loi.

Le Conseil national des barreaux a également mis en ligne sur son site Internet des modèles de mémoires pour les QPC destinés à servir de trame aux avocats.

Au-delà d’une simple sensibilisation, il a voulu créer chez les avocats un véritable « réflexe constitutionnel » pour qu’ils puissent s’interroger sur l’aspect constitutionnel de leurs dossiers et la possibilité de poser une QPC.

En matière de formation des avocats et des magistrats, il faut également saluer le rôle du Conseil constitutionnel – et de son président, M. Jean-Louis Debré. Son site Internet permet ainsi désormais l’accès à l’ensemble des documents dont disposent les membres du Conseil lorsqu’ils statuent sur une QPC, qu’il s’agisse du dossier documentaire, du rapport, de la version consolidée de la loi en cause ou des mémoires.

Surtout, le Conseil a diffusé, dès fin 2009, sous la forme d’un CD-Rom, l’ensemble des tables des 50 premières années de sa jurisprudence. De même, il tient à jour, sur son site Internet, une « liste positive », recensant l’ensemble des dispositions législatives sur la constitutionnalité desquelles il s’est prononcé.

Par ailleurs, les juridictions suprêmes que sont le Conseil d’État et la Cour de cassation mettent à jour de précieux tableaux de suivi de l’examen des QPC en cours devant elles.

Deuxième facteur de succès : globalement, la procédure de la QPC fonctionne bien devant les juridictions du fond, les juridictions suprêmes des ordres administratif et judiciaire et le Conseil constitutionnel.

Le dispositif mis en œuvre permet d’identifier la question prioritaire de constitutionnalité et de la traiter distinctement. Surtout, il garantit à la procédure le caractère contradictoire, auquel les avocats sont très attachés.

De plus, sous réserve du respect de l’obligation de statuer « sans délai » sur la QPC, les juges du fond ont globalement joué le jeu.

Par ailleurs, le bilan est très positif en ce qui concerne le déroulement de l’instance devant le Conseil constitutionnel. Si l’instruction est organisée selon un règlement de procédure en vue de traiter les QPC dans un délai de trois mois, elle n’en permet pas moins le respect du principe du contradictoire. En outre, elle permet, notamment par le double jeu d’observations des parties à l’instance, d’identifier précisément les seuls problèmes juridiques de nature constitutionnelle devant être discutés à l’audience.

Enfin, doit être mise au crédit du Conseil constitutionnel la décision rapide de modifier ce règlement intérieur pour accepter les interventions de tiers à l’instance ayant un intérêt spécial à agir. Ce fut notamment le cas à l’occasion de la décision rendue le 28 janvier 2011 sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe.

Troisième facteur de réussite : la QPC constitue un élément de sécurité juridique.

Dans les commentaires que le Conseil constitutionnel fait des décisions qu’il rend, il met en avant l’idée que les effets de la décision sur la QPC doivent bénéficier en premier lieu à celui qui l’a posée. Il peut néanmoins exister une exception à ce principe dès lors que l’abrogation immédiate de la disposition législative inconstitutionnelle emporterait des conséquences manifestement excessives. Le Conseil met ainsi en balance l’intérêt subjectif de la personne ayant posé la QPC à obtenir la défense de ses droits et les effets qu’une abrogation immédiate aurait pour l’ensemble des autres justiciables concernés par le même problème juridique.

D’ailleurs, dans la première affaire plaidée en la matière devant le Conseil, l’avocat a gardé une partie de son temps de plaidoirie pour discuter avec lui des effets de sa décision en cas d’inconstitutionnalité des dispositions législatives cristallisant les pensions.

Malgré cette réussite d’ensemble de la QPC, plusieurs améliorations peuvent lui être apportées. Quatre pistes méritent d’être retenues.

D’abord, le juge du fond doit porter une attention plus soutenue à l’obligation de statuer « sans délai », laquelle a deux conséquences : répondre dans les meilleurs délais – et non dans un laps de temps considérable qui ralentit inutilement la procédure – et ne pas joindre la décision sur la QPC à la décision au fond, ce qui allonge encore le délai de réponse de celui du délibéré.

Je rappelle que l’esprit de la QPC est de savoir si la disposition législative en cause dans le litige au fond est ou non conforme à la Constitution.

La deuxième piste consiste à ouvrir la réflexion sur la représentation par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour défendre certaines QPC devant les cours suprêmes.

L’intervention de l’avocat se confond en effet avec les règles de représentation en justice. Ainsi, le justiciable doit prendre un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation lorsque la QPC est transmise à l’une de ces juridictions suprêmes dans les matières où une telle représentation est obligatoire.

Cette obligation n’est pas forcément justifiée et elle constitue un facteur de renchérissement du coût d’accès à la procédure pour les justiciables. On pourrait donc ouvrir la défense d’une QPC devant les cours suprêmes à tout avocat dans toutes les matières.

Quant au double filtre, il se justifie parfaitement. Il permet d’éviter des QPC fantaisistes ou à caractère purement dilatoire. Il faut en effet trouver un équilibre entre l’accès du justiciable à la protection de ses droits et libertés et la capacité du juge constitutionnel d’assurer sa mission – et ainsi conserver à la QPC son attractivité.

Globalement, ce double filtre fonctionne de façon satisfaisante. Mais la manière dont le Conseil d’État et la Cour de cassation le mettent en œuvre soulève plusieurs questions. Alors que la pratique du Conseil d’État consiste à vérifier s’il existe un doute raisonnable sur la constitutionnalité de la disposition législative en cause, celle de la Cour de cassation, qui s’appuie plutôt sur l’idée du doute manifeste, va beaucoup plus loin.

Une autre difficulté tient à ce que, si la QPC n’est pas transmise, le justiciable ne dispose d’aucun moyen de contester cette décision, notamment s’il a posé la question pour la première fois devant l’une des hautes juridictions. Il faudrait donc voir dans quelle mesure les décisions de refus de transmission des QPC au Conseil constitutionnel pourraient être réexaminées. Votre Commission avait d’ailleurs, lors d’auditions menées en septembre 2010, examiné cette possibilité.

Il faudrait à cet égard évaluer l’opportunité de maintenir deux filtres : on pourrait en garder un et réfléchir à la possibilité de prévoir des voies de contestation des décisions de refus de transmission.

Enfin, on pourrait renforcer les moyens du Conseil constitutionnel. Si le caractère juridictionnel de cette instance est indiscutable, sa fonction a considérablement évolué depuis sa création. On peut donc s’interroger sur l’opportunité d’augmenter le nombre de ses membres au regard de l’important contentieux qu’il a à traiter.

De plus, les statistiques qui vous ont été communiquées par les personnes que vous avez auditionnées montrent que la QPC mobilise beaucoup les juridictions et représente un grand nombre de contentieux. Par ailleurs, on observe une augmentation du nombre de décisions résultant d’une saisine a priori par les députés et sénateurs. Se pose dès lors la question de savoir si le Conseil aura les capacités matérielles et humaines de pouvoir instruire ces affaires dans le cadre des délais qui lui sont impartis.

En conclusion, la QPC constitue une réforme extrêmement positive et un apport fondamental à l’État de droit et à la protection des droits et libertés des citoyens, qui se sont ainsi appropriés la Constitution.

Me Catherine Saint-Geniest, avocate, membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris. En complément des observations du Conseil national des barreaux, je souhaite évoquer la question de l’aide juridictionnelle. Celle-ci ne fait pas l’objet d’un régime spécifique : dans un dossier bénéficiant déjà de cette aide, s’il y a une QPC à déposer, sont attribuées à l’avocat chargé de ce dossier seize unités de valeur complémentaires, pour un montant dérisoire de 365,44 euros hors taxes pour toute la procédure – à savoir l’étude du dossier, la rédaction d’un mémoire assez technique et sa soutenance à l’audience. La QPC pose donc un problème de valorisation pour les avocats.

Si celle-ci constitue à la fois un succès incontestable et un instrument démocratique extraordinaire, la reproduction du monopole de représentation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation s’apparente à un archaïsme dépourvu de sens. En effet, quand on dépose une QPC devant une juridiction du fond, l’avocat en charge de l’affaire peut la défendre, mais quand la question est transmise au Conseil d’État et à la Cour de cassation, sauf dans des matières très limitées – droit pénal, droit du travail, droit électoral – dans lesquelles tout avocat peut intervenir, il faut recourir à un avocat aux Conseils alors que le sujet est exactement le même ! Cela est d’autant plus absurde qu’ensuite, devant le Conseil constitutionnel, tout avocat peut intervenir.

Ce monopole ne va dans le sens ni du droit, ni des réformes successives de la procédure, et ne se justifie ici par aucune compétence spécifique : il faut donc y remédier, d’autant qu’il alourdit le coût de la procédure à la fois pour le justiciable et pour l’État – il faut ouvrir un nouveau dossier d’aide juridictionnelle.

Enfin, on observe une incohérence entre les jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d’État, celui-ci vérifiant l’existence d’une chance de succès sérieux de la QPC pour la transmettre au Conseil constitutionnel alors que la Cour exige plus strictement des chances de succès indéniables. Cela n’a pas de sens : les critères retenus par ces instances devraient être les mêmes en la matière.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Vous indiquez que certaines juridictions du fond ignorent leur obligation d’examiner les QPC « sans délai », c’est-à-dire immédiatement : ce phénomène est-il fréquent ? Si tel était le cas, ce serait contraire à l’intention du législateur organique.

Deuxièmement, vous suggérez que la Cour de cassation est plus restrictive que le Conseil d’État – en quelque sorte, plus « généreux » – dans son interprétation : or son procureur général vient de laisser entendre que tel n’est pas le cas. Qu’en est-il exactement ?

Enfin, pourriez-vous préciser la procédure par laquelle vous estimez que les refus de renvoi de QPC devraient pouvoir être contestés ?

M. Philippe Gosselin. Nous n’avons pas encore mesuré tous les effets de la révolution que constitue la création de la QPC.

Comment envisagez-vous de revaloriser l’aide juridictionnelle dans ce domaine ? Une telle revalorisation est-elle séparable d’une réforme globale de cette aide ?

Par ailleurs, pourriez-vous préciser la réforme du Conseil constitutionnel que vous appelez de vos vœux ?

M. Jean-Frédéric Poisson. La création de la QPC est une réforme utile et démocratique, même si nous n’en avons pas en effet tiré toutes les conséquences pratiques. Devrait-elle, selon vous, conduire à modifier la spécialisation des avocats et leur capacité à intervenir devant les différentes juridictions ?

Me David Lévy. Nous avons remarqué, dès le début de la mise en œuvre de la QPC, la difficulté de certaines juridictions du fond à statuer « sans délai ». Des avocats nous ont indiqué que lorsqu’ils posaient une QPC, les magistrats prenaient du temps pour répondre et, surtout, joignaient leur décision sur ce point à la décision au fond – ce qui, comme je l’ai dit, fait perdre le temps du délibéré, qui peut parfois être relativement long. Nous leur avons conseillé de se rapprocher du référent mis en place à l’époque dans chaque cour d’appel pour superviser la mise en œuvre de la QPC, afin de voir avec lui comment faire évoluer la pratique. Mais nous n’avons pas fait d’enquête systématique sur ce sujet.

Je précise que des magistrats sont présents lorsque nous nous rendons dans les barreaux pour assurer des formations sur la QPC et qu’ils dialoguent avec nos confrères avocats, ce qui participe à la bonne administration de la justice.

Par ailleurs, l’interprétation de la Cour de cassation est en effet relativement restrictive, non forcément quantitativement, mais dans la rigueur qu’elle met à apprécier les critères du filtre de la QPC. Je rappellerai à cet égard notamment la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2010, selon laquelle la QPC ne concerne pas seulement la disposition législative mais aussi l’interprétation qui peut en être faite par le juge dans le cadre d’une jurisprudence constante lui donnant sa portée effective, et les jurisprudences récentes de la Cour de cassation, faisant application d’une interprétation du Conseil constitutionnel pour refuser de transmettre une QPC à celui-ci.

Quant à dire que le Conseil d’État serait plus généreux, je ne sais pas si cet adjectif est approprié. Mais la QPC est un tel succès qu’elle a dépassé l’intention première du constituant et du législateur organique – tendant à renforcer le rôle du Conseil constitutionnel –, dans la mesure où elle a conduit, non à un contrôle concentré de constitutionnalité a posteriori, mais à un contrôle diffus, par le fait même qu’il est négatif. En effet, le Conseil d’État et la Cour de cassation sont des juges de la constitutionnalité de la loi lorsqu’ils ne renvoient pas une QPC au Conseil constitutionnel.

Pour les cas de refus de transmission d’une QPC au Conseil, le rapport de votre Commission avait évoqué trois possibilités : l’évocation, l’appel ou la demande d’une nouvelle délibération au juge ayant refusé la transmission.

L’évocation – consistant à choisir les affaires les plus importantes devant faire l’objet d’une jurisprudence, à l’instar de ce que fait la Cour suprême américaine – n’est pas dans notre tradition juridique. Le juge en France ne choisit pas son contentieux.

Quant à la voie de l’appel devant le Conseil constitutionnel, elle impliquerait de créer en son sein une chambre d’appel ou de recevabilité, ce qui aurait une conséquence sur le nombre de membres du Conseil pouvant siéger sur la QPC admise, car on voit mal un membre ayant siégé sur la recevabilité de la requête statuer ensuite sur le fond.

Enfin, on peut envisager de demander au Conseil d’État ou à la Cour de cassation de délibérer de nouveau, dans une formation différente, sur la QPC dont le renvoi a été refusé.

S’agissant de la réforme du Conseil constitutionnel, le Conseil national des barreaux n’a pas de doctrine. Mais votre Commission avait évoqué des pistes d’amélioration au moment de la réforme constitutionnelle. La première consisterait à augmenter le nombre des membres pour le porter entre 12 et 15 – ce qui correspond à la moyenne des juridictions constitutionnelles européennes. Une deuxième conduirait à réfléchir à la procédure de nomination, qui pourrait reposer sur un vote positif des trois-cinquièmes des membres des commissions parlementaires concernées. Une troisième pourrait conduire à s’interroger sur l’opportunité de demander que les candidats à la fonction de membre du Conseil aient une qualification juridique par un diplôme, une formation ou une expérience professionnelle. Il appartient au Parlement d’en décider.

Me Catherine Saint-Geniest. Les QPC constituent une goutte d’eau dans l’aide juridictionnelle. De manière plus générale, l’accès au droit soulève un problème au barreau de Paris, mais surtout dans d’autres barreaux comme celui de Bobigny ou d’Évry, qui sont totalement débordés par l’aide juridictionnelle. En effet, le barreau de Paris est suffisamment important pour que les dossiers d’aide juridictionnelle soient distribués uniquement auprès des avocats volontaires, mais cela ne les empêche pas d’être très médiocrement rémunérés !

Au-delà de la revalorisation de la rémunération des avocats, l’accès au droit pose le problème de toute cette partie de la population qui ne peut bénéficier de l’aide juridictionnelle – en raison du plafond très bas d’éligibilité – sans pour autant avoir les moyens de s’offrir un accès à la justice convenable.

Monsieur Poisson, je pense qu’un avocat pratiquant le contentieux dans sa matière est parfaitement à même de déposer une QPC, de la soutenir et de rédiger le mémoire à cette fin. La gestion contentieuse d’un dossier de QPC est très simple et les avocats sont extrêmement bien accueillis devant le Conseil constitutionnel. Et lorsque se pose un problème technique spécifique à ce sujet, les avocats à la cour d’appel peuvent, comme ils le font par ailleurs, consulter un autre professionnel du droit.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux qui aboutiront à un rapport d’information avant le troisième anniversaire de la mise en œuvre de la QPC, comme la commission des Lois l’a décidé.

*

* *

Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président.

Ensuite, la Commission procède, sur le rapport de M. Jean-Jacques Urvoas, à l’examen de la proposition de loi organique, modifiée par le Sénat, relative à la nomination du directeur général de la société anonyme BPI – Groupe (n° 487) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur).

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi organique qui vise à soumettre à la procédure constitutionnelle d’avis des commissions parlementaires la nomination des dirigeants de la future banque publique d’investissement – texte que le Sénat a adopté en première lecture le mardi 11 décembre.

Je vous rappelle que cette proposition de loi organique avait été déposée à l’Assemblée nationale par Gilles Carrez, président de la commission des Finances, Christian Eckert, Rapporteur général, et moi-même.

Il s’agit de compléter la loi organique du 23 juillet 2010, qui fixe la liste des emplois publics, pourvus par le président de la République, qui font l’objet, à la suite de l’audition de la personne dont la nomination est pressentie, d’un avis des commissions parlementaires des deux assemblées. Celles-ci peuvent s’opposer à la nomination si l’ensemble des votes négatifs représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Dans sa version initiale, cette proposition de loi organique visait deux des dirigeants de « BPI-Groupe », future entité holding de la banque publique d’investissement : le président du conseil d’administration de l’établissement public BPI-Groupe et le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe.

Le Sénat a préféré limiter la procédure au seul directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, car c’est lui qui, en pratique, sera le dirigeant opérationnel de la banque publique d’investissement.

Le Sénat a donc supprimé l’avis des commissions sur la nomination à la présidence de l’établissement public BPI-Groupe. À vrai dire, dans la version initiale de notre proposition, nous n’avions prévu un tel avis qu’à titre « conservatoire », avec l’idée de ne pas préjuger de l’organisation de la gouvernance de la BPI qui serait finalement retenue au terme de la discussion du projet de loi créant cette nouvelle structure.

Maintenant qu’il apparaît sans ambiguïté que c’est bien le directeur général de la société anonyme qui sera la personne-clé au sein de la BPI, nous pouvons nous rallier au texte adopté par le Sénat, que je vous invite donc à adopter sans modification.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010) : Instauration d’un avis public des commissions parlementaires sur la nomination du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe :

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 :

La Commission maintient la suppression de l’article 2.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi organique sans modification.

*

* *

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

Enfin, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés d’agglomération (n° 420) (Mme Nathalie Nieson, rapporteure).

M. Jean-Louis Dumont a indiqué qu’il avait déposé un amendement à la présente proposition de loi, qui a cependant été frappé d’irrecevabilité en application de l’article 40 de la Constitution, alors que, dans son esprit, la disposition proposée n’avait aucun impact sur les ressources des collectivités territoriales.

Il s’agissait de répondre à une situation d’ostracisme frappant les communes qui ne sont pas chef-lieu de département, un amendement d’origine parlementaire intégré dans un texte antérieur ayant permis d’abaisser le seuil de création d’une communauté d’agglomération de 50 000 à 30 000 habitants si celle-ci comprend une commune chef-lieu de département. Or cette dernière n’est pas forcément la commune la plus peuplée du département, comme on peut l’observer dans le département de la Meuse comme dans celui de l’Ariège notamment. Les établissements publics de coopération intercommunale en milieu rural sont actuellement maltraités par rapport à leurs homologues urbains.

M. le président Jean-Jacques Urvoas a rappelé que la commission des Lois n’ayant pas connaissance des amendements déclarés irrecevables par le président de la commission des Finances ; la rapporteure n’est donc pas en mesure d’avoir un avis sur le dispositif proposé. Seul le président de la commission des Finances pourra apporter des éclaircissements à l’auteur de l’amendement.

Le tableau ci-dessous récapitule les décisions de la Commission :

Article

Amendement

Auteur

Groupe

Sort

1er

6

Mme NIESON

SRC

Accepté

1er

3

Mme NIESON

SRC

Accepté

1er

4

Mme NIESON

SRC

Accepté

4

1

Mme APPÉRÉ

SRC

Accepté

5

5

Mme NIESON

SRC

Accepté

——fpfp——

La séance est levée à 12 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Jacques Bompard, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Matthias Fekl, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Yann Galut, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Axelle Lemaire, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Corinne Narassiguin, Mme Nathalie Nieson, M. Jacques Pélissard, M. Sébastien Pietrasanta, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - Mme Laurence Dumont, M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Daniel Vaillant

Assistaient également à la réunion. - M. Gérald Darmanin, M. Jean-Louis Dumont, Mme Marie-Line Reynaud, M. Lionel Tardy, M. Michel Zumkeller