Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires culturelles et de l'éducation > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 3 février 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Examen pour avis des articles 8, 12, 12 bis A, 12 bis B, 12 ter, 12 quater, 28A, 28, 28 bis, et 29 du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 2529) (M. Stéphane Travert, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 3 février 2015

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission procède à l’examen pour avis, sur le rapport de M. Stéphane Travert, des articles 8, 12, 12 bis A, 12 bis B, 12 ter, 12 quater, 28 A, 28, 28 bis et 29 du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 2529).

M. le président Patrick Bloche. Le calendrier d’examen du projet de loi dit « NOTRe » est très serré : adopté le 27 janvier en première lecture par le Sénat, il est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de notre assemblée dès la semaine du 16 février. La commission des Lois, saisie au fond, procède à l’audition de la ministre et à la discussion générale du projet de loi cet après-midi même et commencera ce soir l’examen des articles, ce qui lui permettra d’examiner les amendements éventuellement adoptés par les commissions qui se sont saisies pour avis.

Malgré ces délais particulièrement contraints, notre commission a souhaité examiner pour avis les dispositions du texte relevant de sa compétence, comme elle l’avait fait pour la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », pour laquelle notre rapporteur pour avis était déjà notre collègue Stéphane Travert.

Les articles retenus pour notre saisine concernent tout à la fois l’éducation, la culture et le sport, les dispositions adoptées par le Sénat étant assez différentes de celles figurant dans le projet de loi initial.

M. Patrick Hetzel. La conférence des présidents, réunie ce matin, a décidé de prolonger l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité sur une troisième semaine, ce qui devrait reporter d’une semaine l’examen du projet de loi « NOTRe » en séance publique. Dans ces conditions, ne serait-il pas possible de décaler d’une semaine le délai de dépôt des amendements s’y rapportant ? Ce serait d’autant plus judicieux que nous n’avons pu prendre connaissance du rapport pour avis de notre collègue Stéphane Travert qu’hier soir, malgré la diligence des administrateurs de la commission.

Pourriez-vous, monsieur le président, vous faire le relais de ces préoccupations auprès de vos homologues des autres commissions saisies pour avis, qui rencontrent sans doute les mêmes problèmes ?

M. le président Patrick Bloche. Les modifications apportées par la conférence des présidents de ce matin n’affectent pas l’examen en séance publique du projet de loi « NOTRe », qui reste inscrit aux dates initialement prévues ; les délais ne peuvent donc être modifiés. Il nous faut étudier les amendements avant vingt et une heures trente aujourd’hui pour permettre à notre rapporteur pour avis de les présenter devant la commission des Lois, saisie au fond.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « NOTRe », constitue, après l’adoption de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM, et de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le troisième volet de la réforme des territoires souhaitée par le Président de la République.

Le projet de loi, déposé le 18 juin 2014 au Sénat, qui l’a adopté le 27 janvier dernier, doit être examiné par notre commission dans des délais extrêmement courts, du fait de son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dès la semaine du 16 février prochain. La réunion de la commission des Lois, saisie au fond, est d’ailleurs déjà en cours. J’ai néanmoins pu mener dans ce temps très court quelques auditions et recevoir des contributions écrites qui m’ont permis de bénéficier de l’éclairage tant d’associations d’élus que de praticiens de terrain.

S’agissant des compétences éducatives, deux grandes propositions ont structuré le débat : le transfert de la gestion matérielle des collèges des départements aux régions et les transports scolaires. Il me semble cependant important de préciser ici, au préalable, que les propositions du projet de loi initial étaient fortement liées aux perspectives qui présidaient alors aux réflexions. Dans un contexte d’extinction progressive des départements, transférer toutes les compétences éducatives à la région avait la force de l’évidence. Mais dès lors qu’est acté le maintien des départements, ancrés dans leur vocation de solidarité et de proximité, le débat change de nature.

L’importance de l’association des collectivités à l’éducation, dont elles assument près du quart de la dépense intérieure, m’a conduit à soumettre les dispositions du projet de loi à trois grandes questions.

La première, essentielle, est celle de la cohérence avec les ambitions que nous avons fixées à l’Éducation nationale. Les transferts proposés servent-ils efficacement les objectifs fondamentaux que nous poursuivons pour réussir la refondation de l’école ? Comme beaucoup d’autres, j’ai pu constater que le transfert des collèges aux régions proposé par l’article 12, supprimé par le Sénat, et la reformation d’un « bloc » du secondaire allait directement à l’encontre de l’un des axes majeurs de la loi de refondation. D’une part, pour parvenir à doter tous les élèves d’un solide socle commun de connaissances, de compétences et de culture, nous nous sommes entendus sur la nécessité de rapprocher le collège de l’école primaire, notamment en instituant un nouveau cycle à cheval sur le CM2 et la sixième. D’autre part, face à la dangereuse inflation de l’échec dans les premiers cycles universitaires et aux sévères difficultés d’orientation rencontrées par trop de nos jeunes concitoyens, s’est affirmée la volonté d’étoffer les liens entre les lycées et l’enseignement supérieur, avec une continuité entre bac moins trois et bac plus trois, sur laquelle travaille d’ailleurs une mission d’information créée par notre commission.

Le rapprochement des collèges et des lycées interviendrait à contre-courant de cette volonté de décloisonnement. Il est vrai que les missions des collectivités prévues dans la loi se limitent aux investissements et au fonctionnement des établissements. Mais nous savons tous combien les départements et les régions ont su déployer des activités et promouvoir des initiatives bien au-delà de cette frontière – je pense à l’équipement numérique, au soutien scolaire, aux bourses. Dans les faits, les collectivités limitent leurs interventions au type d’établissement dont elles assument la charge. C’est pourquoi il m’est apparu beaucoup plus cohérent de laisser les collèges aux départements, collectivités de proximité et de solidarité, tout en encourageant les régions à réussir leur nouvelle mission de service public de l’orientation en se concentrant sur les lycées et l’enseignement supérieur.

Le deuxième grand principe qui a inspiré mes réflexions, c’est la cohérence des missions confiées à chaque collectivité. La gestion des collèges, je l’ai dit, me semble plus aisément s’inscrire, au regard tant des douleurs sociales qui peuvent parfois s’y exprimer que des défis qu’ils recèlent en termes d’accompagnement personnalisé et de coordination avec l’école, dans la vocation de proximité et de solidarité des départements. À l’inverse, transférer les près de 40 000 agents territoriaux d’entretien de ces établissements à la région – ce qui en augmenterait les effectifs de 50 % –, risquerait de les priver définitivement de l’atout qu’est leur caractère d’administration de mission et non de gestion. Ce qu’il faut, c’est leur donner tous les moyens d’être les stratèges du développement, de l’innovation et de l’emploi dont nous avons tant besoin.

Ce souci de cohérence entre les vocations des collectivités et les missions proposées m’a conduit, à l’inverse, à revenir sur la suppression par le Sénat du transfert de la compétence en matière de transport scolaire inscrit à l’article 8. Il me semble, en effet, que cette proposition rentre parfaitement dans la vocation de coordination et de planification que l’on souhaite donner aux régions. Il ne faut pas se méprendre sur ce sujet : il n’est pas question d’imposer brutalement aux régions la gestion quotidienne du complexe maillage des réseaux de ramassage scolaire. Le texte proposé par le Gouvernement, que je vous suggère de rétablir, préserve la faculté de déléguer tout ou partie de cette compétence à des organisateurs secondaires parmi lesquels figurent, bien sûr, les départements. L’idée est, en sens opposé, d’apporter cohérence, clarté et harmonisation dans des services publics de transports scolaires qui aujourd’hui diffèrent beaucoup selon les territoires. Les économies d’échelle seront réelles, tout comme d’ailleurs les possibilités de solidarité, car il faut rappeler qu’aujourd’hui les départements qui dépensent le plus en matière de transport scolaire, en raison de la dispersion de l’habitat, sont les départements ruraux, qui ne sont pas les plus riches.

Ici intervient mon troisième critère d’appréciation : le nouvel équilibre des compétences qui est proposé sert-il aussi la nécessité de rationaliser les dépenses ? Pour les collèges, je pense que le transfert aux régions n’était probablement guère économe, ne serait-ce qu’en raison des différences de traitement que réservent régions et départements à leur personnel dans les établissements scolaires. Cela ne doit pas pour autant nous empêcher d’avancer, car il existe de vraies possibilités de mutualisation entre des collectivités dont le métier ne diffère pas selon qu’elles l’exercent dans les collèges ou les lycées. C’est pourquoi je vous proposerai une solution alternative, confiant à la région, désignée chef de file, la responsabilité de préparer des actions communes de mutualisation en rédigeant un projet de convention territoriale d’exercice concerté pour les compétences éducatives, soumis ensuite à la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) et, bien sûr, à la ratification des conseils généraux.

S’agissant, ensuite, des compétences en matière de culture et de sport, le projet de loi prévoit le maintien de ces deux domaines dans le champ des compétences partagées entre les niveaux de collectivités territoriales, par dérogation à la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements à laquelle procèdent respectivement les articles 1er et 24 du projet de loi. Cette suppression, qui s’inscrit dans un souci de rationalisation de l’action des collectivités territoriales, ne se justifie pas dans tous les domaines, notamment ceux marqués par la transversalité comme la culture et le sport. Ces deux champs de compétences ont d’ailleurs toujours été, depuis l’adoption de la loi du 7 janvier 1983, partagés par les différents niveaux de collectivités territoriales. La loi du 16 décembre 2010, qui avait supprimé la clause de compétence générale des régions et des départements, avait déjà maintenu les compétences relatives à la culture et au sport dans le champ des compétences partagées n’étant pas susceptibles d’être confiées de manière exclusive à un seul niveau de collectivité territoriale.

En matière de politique culturelle, c’est la libre intervention qui a permis aux différents échelons de contribuer à la construction d’un modèle culturel français singulier, garant de la liberté de création, de diffusion des œuvres et de la continuité des projets. Fondés sur le seul volontariat des élus locaux, les financements conjoints ont ainsi été à l’origine d’un maillage dense en équipements culturels, d’une diversité de l’offre et de l’existence d’un secteur artistique structuré sur tout notre territoire. De plus, la construction de grands équipements, qu’ils soient culturels ou sportifs, met nécessairement en jeu des cofinancements par les différents niveaux de collectivités, ce qui permet une levée de fonds bien plus importante mais aussi une répartition des risques financiers et, au-delà, un partage d’expériences et une vision d’ensemble à l’échelle d’un territoire plus vaste.

L’article 28 du projet de loi conforte la logique d’exercice conjoint d’une compétence partagée des différents échelons locaux dans les domaines de la culture et du sport. Ce maintien de l’état actuel du droit a été unanimement salué par les personnes que nous avons consultées, même si nombre d’entre elles ont par ailleurs exprimé leur inquiétude que l’État puisse prendre prétexte du contexte budgétaire que connaît notre pays pour se désengager du financement des actions culturelles et sportives sur les territoires. Il faut ici réaffirmer avec force la mission déterminante que l’État doit assumer en matière de politiques culturelles : il est le garant de l’équité dans l’accès à la culture de tous les citoyens, de la cohérence des politiques menées sur l’ensemble du territoire national et du bon maillage des territoires, nécessaire pour éviter que des zones entières ne soient délaissées. Il revient aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) d’assumer cette mission en région.

Je reçois comme un signal fort les récents engagements pris par le Gouvernement en la matière : outre la sanctuarisation des crédits de la culture sur trois ans décidée dès la fin de l’année dernière, le dégel immédiat des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs » de la mission « Culture » a été annoncé le 7 janvier 2015, ainsi que leur augmentation dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Parallèlement au maintien de compétences partagées, le projet de loi encourage une simplification de l’organisation des cofinancements au plan local, en instaurant des procédures de centralisation du traitement des demandes de financement à l’article 29. Il est attendu de ces procédures à la fois une rationalisation de l’action publique, destinée à éviter les doublons dans le traitement administratif des demandes par les différents échelons locaux, et une simplification des démarches pour l’ensemble des porteurs de projets. La traduction juridique de ce qui est improprement qualifié de « guichets uniques » est l’instauration de procédures facultatives de délégations, par les collectivités territoriales ou l’État, de l’instruction des dossiers et de l’octroi des aides à une collectivité délégataire – l’État ou un autre niveau de collectivité territoriale – qui aura une vision globale du dossier. Dans tous les cas, la délégation sera formalisée par une convention. Cette procédure permettra aussi de réduire les frais administratifs des acteurs culturels et contribuera à restaurer la marge artistique qui a beaucoup trop diminué ces dernières années.

Le Sénat a, par ailleurs, enrichi cette partie du texte de deux articles additionnels. L’article 28 A vise à garantir les « droits culturels » des citoyens par l’exercice conjoint de la compétence en matière de culture par l’État et les collectivités territoriales – je vous présenterai d’ailleurs un amendement proposant une réécriture de l’article. L’article 28 bis conforte les compétences des conférences territoriales de l’action publique dans les domaines de compétences partagées. Je me réjouis que les sénateurs, un temps moins favorables aux CTAP – je n’ai pas oublié les débats de la loi MAPTAM – soient aujourd’hui à ce point convaincus de la nécessité de renforcer leurs missions qu’ils créent des CTAP dédiées à la culture et au sport et qu’ils prévoient des postes de membres de droit pour tous les sénateurs du département !

Maintenir l’exercice partagé des compétences ne suffit pas, il faut aussi définir les outils d’une bonne articulation territoriale des politiques afin d’éviter que des pans entiers de la création culturelle ou de la pratique sportive ne disparaissent de certains territoires. Je souscris donc largement aux apports du Sénat s’agissant des CTAP, même si je vous proposerai de revenir sur le statut de membres de droit que se sont octroyé les sénateurs.

Enfin, le projet de loi transmis par le Sénat comprend deux dispositions particulièrement utiles relatives aux centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS), qui préparent les sportifs de haut niveau et mettent en œuvre des formations professionnelles dans les domaines des activités physiques et sportives et de l’animation.

À l’initiative du Gouvernement, les compétences qui revenaient exclusivement à l’État seront désormais partagées avec les régions, qui pourront faire des CREPS de véritables outils au service de la politique sportive locale ainsi que des politiques régionales en faveur de la jeunesse, de l’éducation populaire, voire de l’emploi. Les régions seront beaucoup plus impliquées dans la gouvernance des CREPS et pourront adapter leurs actions aux besoins constatés au niveau local. C’est là l’objet de l’article 12 ter.

Celui de l’article 12 quater est de résoudre les problèmes liés aux CREPS d’Houlgate, de Dinard et d’Ajaccio, repris, après leur fermeture, par des structures associatives ou groupements d’intérêt public. Or ces locaux étaient seulement mis à disposition par l’État, et les régions concernées ne peuvent pas y réaliser les investissements nécessaires. C’est pourquoi l’article 12 quater prévoit la cession, à titre gratuit, de ce patrimoine immobilier aux régions.

Le projet de loi « NOTRe » vient souligner qu’en matière de culture et de sport, tous les niveaux de collectivités ont un rôle essentiel à jouer. L’ensemble des élus territoriaux ont entre leurs mains l’avenir du développement culturel de notre pays et doivent poursuivre la décentralisation culturelle dans le dialogue avec les services déconcentrés de l’État. Rappelons que la culture est portée à plus de 70 % par les collectivités locales et qu’aujourd’hui, certaines d’entre elles se détournent du financement des projets culturels en faisant de la culture une variable d’ajustement. L’État et les collectivités sont, sur ce point, liés par une histoire partagée. Portons avec fierté cette volonté de démocratie culturelle garante d’un accès égal à la culture sur tous les territoires pour tous et toutes, singulièrement pour les jeunes.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable, sous réserve de l’adoption de quelques amendements, aux articles dont la commission s’est saisie.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie pour votre esprit de synthèse et votre clarté, monsieur le rapporteur.

Mme Sophie Dessus. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour le brio de votre rapport et la vitesse à laquelle vous l’avez rédigé.

L’enseignement, la culture, le sport sont les pivots de la République, les ferments de la démocratie, les garants de l’égalité entre citoyens, en ce début d’année encore plus que jamais. Renforcer le rôle de l’école, du collège, du lycée et rendre la culture accessible partout et à tous en s’appuyant sur le texte de la loi « NOTRe » est une belle occasion qui ne doit pas être manquée.

Il faut nous assurer à la fois que les nouvelles grandes régions ont les moyens d’exercer les compétences bien définies qui leur échoient, tout particulièrement dans le domaine économique et la formation, et que les départements, maintenus en milieu rural – car on ne sait pas faire sans cette institution de proximité et de solidarité –, jouent pleinement leur rôle dans les domaines qui leur seront impartis, à commencer par la gestion des collèges, qu’ils doivent continuer à assumer, ce qui n’interdit pas une mutualisation dans le cadre des cités scolaires. Soulignons que cette mutualisation est déjà mise en pratique dans certains territoires s’agissant des commandes publiques, pour le fuel par exemple, ou à travers la plateforme Agrilocal qui privilégie les circuits courts.

Par ailleurs, nous devons exercer une vigilance particulière à l’égard d’une proposition de suppression de la sectorisation, car celle-ci est garante de la mixité sociale et de l’égalité des chances. Il appartient à l’État de s’en préoccuper, et pas aux régions.

Se pose ensuite la question des transports scolaires : cette compétence doit-elle être transférée aux régions ou rester aux mains des départements ? La logique pousse à ce qu’elle revienne aux régions, mais il nous faudra alors prêter attention à ce que les appels d’offres comportent au moins une clause permettant aux petites entreprises locales de postuler et d’emporter des marchés de transport, ce à quoi veillent particulièrement les départements aujourd’hui. Il conviendra, par ailleurs, de préciser dans le texte comment gérer le transport des enfants handicapés, puisque le handicap est une compétence dévolue aux départements. Pour ne pas bloquer le système, des délégations départementales devront être organisées dans le domaine du transport, tâche complexe mais indispensable.

En ce qui concerne la culture et le sport, proposer une compétence partagée est la sagesse même. Mettre en place des guichets uniques permettra de rationaliser les interventions et de simplifier la vie des artistes, des compagnies, des associations ou des collectivités qui disposeront de davantage de temps pour se consacrer à leurs activités. Il s’agira de généraliser une pratique qui existe déjà dans mon département – et la Corrèze ne me semble pas être une exception.

Un problème de terminologie semble se poser avec l’expression de « guichets uniques », qui gêne certains par sa connotation sociale. Or on retrouve depuis longtemps ce terme dans des problématiques de développement économique. Alors que le Président de la République a confié à M. Thierry Mandon le chantier de la simplification, il nous revient de veiller à ce qu’elle soit aussi à l’œuvre dans les mots. Ne cédons pas à la tentation de devenir les Précieuses ridicules de notre époque, parfois trop « techno ». Ne craignons pas le bon sens et employons des mots simples. Faisons confiance à Boileau : « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ».

Quant aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), ils me semblent être les grands absents de ce texte. On peut, bien sûr, imaginer qu’ils feront l’objet d’une attention plus particulière dans la future loi relative au patrimoine et à la création, cependant celle-ci ne pourra déterminer s’ils doivent rester ou non départementaux, et donc continuer d’être financés en grande partie par la cotisation sur la valeur ajoutée, dépendre d’un chef de file régional ou relever des régions, compte tenu des nouvelles compétences en matière de schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, de formation, de documents d’urbanisme et d’efficacité énergétique des bâtiments. J’ai déposé des amendements à ce sujet, qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, alors même que les dispositions qu’ils prévoyaient n’impliquaient pas de coût supplémentaire. En tout état de cause, il faudra que le Gouvernement soit saisi de la question en séance pour arrêter une position dans ce texte.

M. le président Patrick Bloche. Comme je le fais désormais systématiquement afin d’éviter toute contestation, j’ai demandé au président de la commission des Finances de préciser par écrit quels amendements étaient jugés irrecevables. Dans un courrier daté d’aujourd’hui, il m’indique qu’il s’agit des amendements, nos AC 2, AC 13, AC 14 et AC 15.

M. Frédéric Reiss. À mon tour, je voudrais souligner les conditions déplorables dans lesquelles nous examinons ce texte, pourtant très attendu. De surcroît, même avec la procédure accélérée, certains candidats aux élections départementales des 22 et 29 mars prochains devront faire campagne sur des thèmes dont ils ignorent tout et sur des compétences qui restent à définir. La grande question est de savoir qui va faire quoi dans le cadre du nouveau découpage territorial. Nous le répétons, nous avons vraiment le sentiment qu’on a mis la charrue avant les bœufs.

La volonté affichée du Gouvernement était de renforcer les nouvelles régions, dont on a défini les contours il y a peu, en leur donnant la compétence des routes, des ports, des transports scolaires, des collèges ; de supprimer les départements à l’horizon 2020 ou 2021 dans une surenchère entre le Premier ministre et le Président de la République ; de consolider les intercommunalités, avec un relèvement du seuil à 20 000 habitants ; de supprimer la clause de compétence générale pour les départements et les régions, en contradiction avec l’article 1er de la loi MAPTAM. Il faudrait savoir de manière précise ce que la majorité et le Gouvernement comptent faire des départements.

L’article 1er supprime la clause de compétence générale. Il faut reconnaître que notre pays est caractérisé par un enchevêtrement des compétences et une multiplication des financements croisés qu’il convient d’éviter. L’article 73 de la loi du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités locales avait introduit le caractère exclusif des compétences exercées par les départements et les régions et instauré un partage des compétences pour le sport et la culture. Nous pourrons discuter de l’initiative du Sénat d’y avoir adjoint le tourisme.

En matière de collèges, je souscris aux arguments avancés par notre rapporteur. Ils me confortent dans le combat que je mène depuis maintenant une décennie en faveur d’une école du socle, fondée sur le rapprochement entre école primaire et collège, ayant pour pendant un continuum entre lycée et enseignement supérieur, de bac moins trois à bac plus trois, objet d’une mission d’information de notre commission. Les départements, à qui revient la solidarité sociale, ont mené une politique tout à fait satisfaisante s’agissant des collèges. La gestion de ces derniers doit rester de leur compétence, et le Sénat a eu raison de supprimer l’article 12.

Sur certains sujets, nous sommes prêts à rediscuter et à retravailler.

Instaurer un guichet unique en matière de sport et de culture irait dans le sens du choc de simplification voulu par le Gouvernement et permettrait en même temps de répondre à beaucoup de questions que se posent les élus locaux en ces domaines.

Je crains qu’on n’ouvre, avec les dispositions relatives aux CREPS, la boîte de Pandore, en prévoyant des transferts de patrimoine et d’agents aux régions, qui seront heureuses d’apprendre qu’ils seront compensés à l’euro près, même si leur expérience en la matière peut les rendre légitimement inquiètes. Il faudra clarifier la question de la répartition entre État et régions dans le débat en séance. Le Sénat a précisé qu’il devrait y avoir un CREPS dans chaque région mais qu’en est-il des centres en voie de disparition ? Seront-ils remplacés ? Il importe d’éviter toute usine à gaz, compte tenu de l’importance de la politique du sport dans les régions.

Je tiens à dire que si seul un amendement a été déposé par notre groupe dans le cadre de cette commission, c’est que nous avons été pris de court. Nous verrons, à l’issue des travaux de la commission des Lois, ce qu’il y a lieu de retravailler. Pour l’heure, je vais globalement dans le sens du rapporteur.

Mme Barbara Pompili. Je tiens d’abord à saluer le travail réalisé par nos collègues du Sénat.

En supprimant l’article 12, ils sont revenus sur le transfert de la gestion des collèges aux régions, sujet sur lequel nous manquons aujourd’hui de réponses rassurantes. Dans un domaine aussi essentiel que l’éducation, qui engage le quotidien et l’avenir de notre jeunesse, on ne peut pas se permettre de naviguer à vue. Toute décision ne doit être prise qu’après que ses conséquences en ont été mesurées, ce qui implique d’avoir mené au préalable une réflexion de fond, elle-même précédée d’une véritable concertation en amont de l’ensemble des acteurs concernés. Vraisemblablement, cela n’a pas été le cas. Les actions envisagées doivent également être cohérentes avec les réformes en cours. Il ne faudrait pas, par exemple, compromettre les chantiers ouverts à la suite de l’adoption, il y a moins de deux ans, de la loi de refondation de l’école, tel le rapprochement entre école primaire et collège qui constitue une avancée très importante à pérenniser. Un transfert des collèges aux régions ne serait-il pas susceptible de déstabiliser le travail en cours, qui vise à permettre aux enfants de vivre une scolarité plus épanouissante et à lutter contre l’échec scolaire et les inégalités objectives ? Un tel transfert n’apparaît pas si nécessaire ou du moins semble prématuré. C’est la raison pour laquelle la suppression de cet article par le Sénat me paraît être une mesure de sagesse. La discussion n’est toutefois pas terminée.

Les dispositions de l’article 8, consacré au transport scolaire, sont à examiner au regard d’un besoin de cohérence globale. Le choix de l’échelon le plus pertinent doit être guidé par la perspective d’offrir le meilleur service public aux usagers. Les régions sont déjà dotées d’une compétence forte en matière de transports, ce qui est une bonne chose. Si, pour renforcer la cohérence en ce domaine, le transport scolaire devait leur revenir – ce que l’on peut souhaiter –, il faudrait impérativement s’assurer que les besoins de tous les élèves sont bien pris en compte, que la qualité du service rendu fait l’objet d’un nivellement par le haut et que ce transfert ne se fait pas au détriment de territoires plus éloignés, plus enclavés ou comptant moins d’élèves. J’ajoute que notre préoccupation doit surtout être d’organiser un système simple et non d’ajouter de la complexité à la complexité, comme le veut une tendance bien française.

La même logique vaut pour le transport des élèves en situation de handicap. Les grandes régions de demain auront-elles les capacités d’assurer la même qualité pour les services de proximité qu’aujourd’hui ? En matière de handicap, c’est bien de cas par cas qu’il faut parler. Et pour le transport ordinaire comme pour le transport adapté, qui sont indissociables, une attention particulière doit être accordée au périscolaire afin de mieux synchroniser les horaires de ramassage et permettre aux élèves de participer aux activités mises en place grâce à la réforme des rythmes scolaires.

Concernant les articles dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche, je salue le travail du Sénat, qui a contribué à renforcer le rôle des régions. Ma collègue Isabelle Attard présentera un amendement qui vise à poursuivre l’évolution en ce sens.

Dans le domaine de la culture, nos collèges écologistes du Sénat ont fait adopter un amendement devenu l’article 28 A, dont je souhaite souligner l’importance. Afin de garantir les droits culturels des citoyens, droits fondamentaux, il est en effet nécessaire d’affirmer la place de l’État aux côtés des collectivités. La culture est, et doit rester, une responsabilité partagée.

Nous soutenons, à l’article 29, la création d’un guichet unique, gage de lisibilité et de simplification.

Enfin, nous vous proposons d’ajouter la vie associative aux articles 28 et 28 bis. Avec cette loi, la culture, le sport et le tourisme deviendront des compétences partagées. Or toutes les structures associatives n’œuvrent pas dans ces champs-là. Nombre d’associations vont donc pâtir de la suppression de la clause de compétence générale, notamment au niveau de leurs financements. D’ailleurs, la commission d’enquête consacrée aux difficultés du monde associatif a elle-même préconisé dans son rapport la création d’une compétence partagée. Cette dynamique a commencé à être formalisée par la charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales, signée en février 2014. On sait le travail remarquable que les associations effectuent sur notre territoire et combien elles participent au vivre-ensemble. Empêcher certaines structures associatives de bénéficier de financements croisés serait se priver de solutions innovantes et d’acteurs de terrain au service de l’intérêt général. Pensons aux associations œuvrant dans le champ de l’éducation populaire, de l’environnement, de la citoyenneté, de la lutte contre le racisme ou contre les violences.

Mme Gilda Hobert. Après la loi MAPTAM et la loi instaurant un nouveau découpage des régions, voici le dernier volet de la réforme territoriale, consacré à la répartition des compétences des différentes collectivités. À quelques semaines des prochaines échéances électorales, ce projet de loi était attendu : il devenait urgent de clarifier cette répartition. J’aurai ici une pensée pour les candidats aux élections de mars.

En dépit de délais très contraints, vous avez fourni, monsieur le rapporteur, un travail approfondi et je tiens à vous remercier pour votre rapport nourri et éclairant.

Le projet de loi supprime la clause de compétence générale des régions et des départements. Chacun de ces niveaux détiendra des compétences claires qui rendront l’action publique plus efficace et dynamique.

Le texte assoit également le rôle et les spécificités des intercommunalités et réaffirme le statut des métropoles. Pour avoir assisté à la création de la Métropole de Lyon, le 1er janvier dernier, je ne peux qu’être satisfaite que les métropoles nouvellement créées gardent leurs capacités à lier développement économique et insertion.

Dans le domaine de l’éducation, ce texte prend mieux en compte les réalités locales et l’évolution de la répartition des compétences au quotidien. Néanmoins, je rejoins votre analyse, monsieur le rapporteur, quant au transfert de la gestion des collèges aux régions qui figurait dans le texte initial. Cela ne semblait pas judicieux au regard de la nécessité de mieux établir un lien entre le cycle primaire et le collège, d’une part, entre le lycée et l’enseignement supérieur, d’autre part, deux étapes clefs dans la vie des jeunes. Il semble plus pertinent que chacune des collectivités prenne en charge une de ces étapes. Le Gouvernement et le Sénat se sont mis d’accord pour renoncer à cette mesure et le groupe RRDP sera attentif au maintien de cette décision. La cohérence de nos politiques éducatives ne peut être soumise à des considérations strictement économiques.

Le fait que les compétences relatives au sport et à la culture soient maintenues dans le champ des compétences partagées est une très bonne chose, eu égard à la nécessité d’une transversalité des politiques menées en ce domaine. L’expérience conduite depuis 1983 l’illustre. De formidables initiatives ont montré leur efficacité aux différents échelons territoriaux. De plus, les collectivités territoriales participent fortement au financement public de ces sphères, marque de l’ancrage local du sport et de la culture. Ainsi ont-elles consacré pas moins de 7,6 milliards d’euros à la culture en 2010. Cette tendance doit être perpétuée, sans pour autant s’accompagner d’un désengagement de l’État.

Permettez-moi de nourrir quelques inquiétudes concernant les politiques relatives à la jeunesse et à la vie associative, dont la répartition dans ce texte n’est pas clairement établie. Il me semble nécessaire qu’elles demeurent des compétences partagées au regard des nombreuses actions mises en place par les collectivités, tant au niveau de la formation que de l’accès à l’emploi, à l’autonomie, à la santé et au logement, ainsi qu’à la culture et à la vie associative. En ces domaines, ont été mises en place des politiques coordonnées, dotées d’une forte dimension transversale liant État, départements et municipalités.

Un flou persistant dans les champs de la jeunesse et de la vie associative aurait de lourdes conséquences sur les dispositifs mis en place par les collectivités. En ce qui concerne ma région, Rhône-Alpes, je pense par exemple à la carte M’ra, qui facilite nombre de pratiques sportives et culturelles, grâce notamment à des réductions, et permet un accompagnement des jeunes dans leur santé au quotidien.

J’espère que nos débats seront l’occasion d’éclairer les divers points que j’ai évoqués.

M. Marcel Rogemont. S’agissant des collèges, je me félicite que le Sénat ait supprimé la disposition du texte gouvernemental qui transférait leur gestion aux régions. Elle doit rester de la compétence des départements.

S’agissant des transports scolaires, la région est-elle vraiment en mesure de gérer le maillage départemental, qui peut compter jusqu’à 20 000 arrêts ? De mon point de vue, c’est impossible. Par ailleurs, la tarification peut aller du simple au double. Et entre 110 euros et 230 euros, je vous parie que l’alignement se fera vers le bas. Cela occasionnera une dépense supplémentaire. Je ne reviens pas sur ce que notre collègue Sophie Dessus a dit des appels d’offres.

Quant au guichet unique, c’est une fausse bonne idée. Les problèmes que rencontrent les associations sportives et culturelles lorsqu’elles déposent leurs dossiers au conseil régional, au conseil général, ou à la commune ne sont pas d’ordre comptable ou administratif. Ce sont les adjoints à la culture ou aux sports des municipalités, les vice-présidents à la culture ou aux sports des conseils généraux ou des conseils régionaux qui compliquent les choses. Pour faire vivre leurs projets, les responsables d’associations doivent savoir comment s’ancrer dans telle ou telle politique menée par les collectivités territoriales. Même si leurs démarches administratives sont simplifiées grâce à un dossier commun, ils se heurteront toujours à l’obstacle de la recherche de financement.

Je termine avec les conférences territoriales d’action publique. Je veux bien souscrire à l’idée persistante d’un nécessaire équilibre territorial, mais il faut prendre en compte certaines réalités. Prenons l’exemple de Rennes. Son statut fait qu’elle est dotée de gros équipements, comme le Théâtre national de Bretagne ou l’Opéra, avant tout fréquentés par des non-Rennais venus du reste du département. Mais qu’en est-il des autres équipements ? Savez-vous, en proportion, combien d’hectares elle devrait consacrer à la construction de salles polyvalentes, de gymnases et de stades de football si elle était équipée comme une commune de 1 000 habitants ? Des centaines ! L’équilibre territorial doit tenir compte des habitants et non pas des touffes d’herbe. Les habitants des villes bénéficient de bien moins d’équipements de proximité que les plus petites communes. Pensez qu’une commune de 237 habitants a construit une salle polyvalente de 400 places !

Mme Annie Genevard. Je souscris à la proposition de créer une commission dédiée à la culture au sein des conférences territoriales de l’action publique. Ayant assisté à une première réunion de CTAP, j’ai perçu l’intérêt qu’il y avait à mettre autour d’une même table tous les acteurs importants de l’action publique. Toutefois, je m’interroge sur la gouvernance. Le glissement de tutelle de la culture vers la région laisse craindre un effacement de l’État que j’estime dangereux. Pour avoir été conseillère régionale pendant huit ans, il ne me semble pas que l’échelon régional ait brillé dans la mise en œuvre d’une politique culturelle équitable. L’irrigation culturelle des territoires n’est pas sa vocation première puisque la région se consacre avant tout à l’art contemporain à travers les fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), à l’enseignement artistique, et, dans certains cas, au cinéma.

Pour ce qui est de l’article 28 A, introduit par un amendement des sénateurs écologistes, il prévoit que « Sur chaque territoire, les droits culturels des citoyens sont garantis par l’exercice conjoint de la compétence en matière de culture, par l’État et les collectivités territoriales ». Nous ne pouvons que souscrire à cette affirmation de principe. Mais quel peut en être l’intérêt, si elle n’est pas assortie des moyens correspondants ? Un amendement du rapporteur tend à supprimer la référence à une mise en œuvre « sur chaque territoire ». C’est dommage, car peu d’éléments dans ce projet de loi évoquent l’impératif d’une mise en œuvre équitable des politiques culturelles. Or, c’est un problème majeur auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Vous avez rappelé, monsieur Travert, que le financement de la politique culturelle est assuré à 70 % par les collectivités territoriales. À côté de la question de la compétence de la culture, dont tout le monde convient qu’elle doit être partagée, se pose la question des moyens pour l’exercer. Vous avez sans doute, comme moi, découvert avec désolation la « cartocrise », qui recense au jour le jour les festivals et les manifestations culturelles supprimées par les collectivités territoriales, faute de moyens.

M. le président Patrick Bloche. Lorsque la région intervient dans le domaine culturel, elle le fait souvent sur la base de sa compétence en matière de développement économique misant sur l’apport de la culture en termes d’attractivité du territoire, et donc d’activité, de croissance et d’emploi. On le voit notamment à travers l’action des commissions régionales du film. Ce rôle fait écho au rapport récemment remis par l’inspection générale des affaires culturelles et inspection générale des finances sur la contribution de la culture à l’économie nationale.

Mme Martine Martinel. Monsieur le rapporteur, votre travail a plusieurs mérites, à commencer par celui de ne laisser personne indifférent. Vous soulignez la nécessité de maintenir la gestion de proximité des collèges, en particulier parce que vous y voyez une condition de la réussite de la loi sur la refondation de l’école. Pourriez-vous développer ce point ?

M. François de Mazières. Il faut bien avoir à l’esprit l’évolution suivie par la politique culturelle depuis la décentralisation. Au début des années 80, toutes les collectivités voulaient investir le domaine de la culture, car elle était en quelque sorte l’image de marque des nouvelles compétences territoriales. Des efforts considérables ont été consentis en matière aussi bien d’équipements culturels que de fonctionnement culturel. Mais depuis les élections municipales de 2008, un changement complet s’est produit. Toutes les études le montrent : les collectivités territoriales connaissent une phase de diminution de leurs crédits qui est malheureusement appelée à s’accélérer. Cette nouvelle situation implique de raisonner différemment.

En matière culturelle, il existe deux types de dépenses. Il y a, d’une part, les dépenses immédiatement valorisantes, comme celles liées aux festivals ou aux animations culturelles. Il y a, d’autre part, le financement de l’enseignement artistique qui, lui, n’intéresse personne. La décentralisation commande de regarder constamment la réalité du terrain. En cette période de reconquête démocratique, il faut que l’éducation artistique soit financée. Or cet impératif se heurte à des aberrations budgétaires. Les crédits de l’ancienne action 3 « Soutien aux enseignements spécialisés » de musique, de théâtre, de danse, qui consistaient essentiellement en des dépenses d’interventions déconcentrées au titre de l’aide apportée par l’État aux 36 conservatoires à rayonnement régional et aux 101 conservatoires à rayonnement départemental, ont connu une réduction de 50 % entre 2012 et 2015, passant de 29, 2 millions d’euros à 15 millions. Les concours financiers de l’État ont baissé des deux tiers !

La compétence en matière de culture exercée conjointement par l’État et les collectivités que propose le rapporteur me va bien, mais le problème n’est pas là. Nous devrions aller beaucoup plus loin en imposant des obligations dans le cadre de compétences bien déterminées là où le bât blesse. J’ai présidé pendant des années la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture : de gauche comme de droite, nous étions tous d’accord pour reconnaître que le financement de l’éducation artistique est une question fondamentale. Si nous jouons le jeu de la décentralisation, il est impératif de préserver les crédits qui lui sont consacrés. Profitons de cette loi pour enfin procéder à une juste répartition en ce domaine.

Mme Marie-Odile Bouillé. L’article 29 offre la possibilité de créer un guichet unique pour les aides et subventions afin de simplifier l’action publique pour les usagers. Mais est-il compatible avec le fait que la culture relève d’une compétence partagée, comme le rappelle l’article 28 A introduit par le Sénat ? N’implique-t-il pas la notion de chef de file, en contradiction avec la compétence partagée ? Plutôt qu’un guichet unique, ne pourrions-nous pas envisager un dossier unique de demande de subventions qui ferait gagner beaucoup de temps à nos associations, tout en permettant un examen différencié selon les niveaux de compétence ?

M. Patrick Hetzel. Il est dommage qu’à aucun moment le projet de loi n’aborde la question des moyens. Cela me paraît extrêmement dangereux, car la réduction des dotations de l’État aux collectivités territoriales conduit d’ores et déjà à un étranglement des finances de ces dernières.

Je m’interroge, monsieur le rapporteur, sur votre commentaire de l’article 12 bis A introduit par le Sénat, qui confie aux régions un pouvoir d’approbation sur la carte des formations supérieures et de recherche établie par l’État. Vous écrivez que « le nouveau rôle reconnu à la région en matière de formation professionnelle et d’orientation milite pour qu’État, régions et établissements d’enseignement supérieur et de recherche trouvent les voies d’une coordination étroite et efficace », tout en précisant, en revanche, qu’il vous « apparaît tout aussi essentiel de préserver les prérogatives de l’État, garant de l’enseignement supérieur, comme celles des universités autonomes ». N’est-ce pas contradictoire ? Jusqu’à quel point considérez-vous cet ajout du Sénat comme un apport utile ? Vous faites un plaidoyer en faveur d’une coordination étroite et efficace entre établissements, État et régions, mais comment la mettre en place ? Aujourd’hui, la plus grande difficulté est bien de concilier les prérogatives de l’État, qui doit garantir la cohérence de l’enseignement supérieur au niveau national, et l’intervention des régions. Que vous n’apportiez pas de réponse plus précise à ce problème me laisse interrogatif, même si j’ai bien noté que votre rapport fournissait des précisions pour d’autres articles.

Mme Colette Langlade. Je me réjouis du maintien des conseils généraux, sous forme de conseils départementaux, car ce sont des institutions très importantes pour notre monde rural.

S’agissant de l’article 8, monsieur le rapporteur, vous soulignez qu’il n’est pas question d’imposer aux régions la gestion fine du maillage des transports scolaires et qu’elles seront en charge d’assurer une mise en cohérence du service public. Que pensez-vous de la solution que pourrait constituer la délégation ?

S’agissant de l’article 12, vous jugez utile de donner une forte impulsion à la mutualisation, estimant nécessaire, pour avancer, d’identifier une collectivité territoriale responsable chargé de préparer, de proposer et d’animer les actions communes. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Mme Dominique Nachury. Je regrette que nous examinions ce texte sur les compétences des régions et des départements sans tenir compte du fait que des élections départementales vont avoir lieu à la fin du mois de mars, autrement dit avant l’adoption du texte définitif. C’est un manque de respect envers les électeurs.

S’agissant des collèges, le projet gouvernemental avait transféré la compétence aux régions. Il est aujourd’hui question qu’ils restent de la compétence des départements. Cette position est-elle définitive ?

Je précise que je ne suis pas concernée par les élections départementales puisqu’il n’y en a plus dans l’agglomération lyonnaise, ni par la question du « va-et-vient » des collèges puisque la loi prévoit que la Métropole de Lyon conserve les collèges et que la compétence ne sera pas transférée à la région.

M. le président Patrick Bloche. Paris étant également ville et département, je me réclame de la même objectivité que notre collègue Dominique Nachury.

M. Jean-Pierre Allossery. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, pour la qualité de votre rapport, que vous avez dû réaliser dans un temps très court.

Le projet de loi répond à trois principes : cohérence entre les missions confiées aux collectivités ; lisibilité pour que chaque citoyen puisse identifier les responsabilités de chaque collectivité et s’orienter dans cette organisation ; rationalisation des moyens et mutualisation.

Pour ma part, je me réjouis que l’article 28 reconnaisse la culture, le sport et le tourisme comme des compétences partagées. En effet, ces politiques ont un caractère transversal. Il faut les inscrire sur l’ensemble du territoire en proximité et en fonction de leur diversité.

La culture souffre de plus en plus du retrait des collectivités, aussi est-il essentiel de réaffirmer et d’instruire cette compétence partagée dans la loi. Cela relève même de l’urgence. J’approuve tout à fait l’article 28 bis introduit par le Sénat. Décider des compétences partagées, c’est affirmer que nous avons tous une responsabilité en partage. Mais sans gouvernance pour co-construire ces politiques transversales, on risque encore de constater des actions juxtaposées, superposées, voire redondantes ou concurrentes. L’article apporte une réponse en confiant aux conférences territoriales de l’action publique le soin de veiller à la continuité des politiques publiques en matière de compétences partagées, et à leur mise en œuvre équilibrée, cohérente et articulée sur l’ensemble des territoires, en fonction de leurs particularités.

Je m’interroge toutefois sur la place faite à la jeunesse et à l’éducation populaire : dans le projet de loi, ce ne sont ni des compétences obligatoires ni des compétences partagées. Pourtant, elles sont essentielles à l’accompagnement et à l’inclusion de nos jeunes. Il y a, à mon sens, tout un travail à mener en matière d’harmonisation et de lisibilité des actions qui leur sont destinées. Il faut remédier à l’empilement des dispositifs existants, proposer des parcours cohérents, en sortant de la logique de l’âge ou de la catégorie. Aussi, je propose d’inscrire la politique de jeunesse et d’éducation populaire dans l’article 28 au titre des compétences et d’une responsabilité partagées.

Mme Laurence Arribagé. Au-delà de la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, le Sénat a reconnu, avec l’article 28 du projet de loi, l’existence d’une compétence partagée dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme. Il l’a, par ailleurs, étendue aux collectivités à statut particulier et aux groupements de collectivités. Les sénateurs se sont accordés à juste titre sur le maintien des possibilités d’intervention de chaque niveau de collectivité dans ces trois domaines, du fait de leur nature transversale et de la diversité des situations qui en découlent.

Ils ont également réaffirmé le partage de ces compétences par la création de commissions ad hoc au sein des conférences territoriales de l’action publique, introduites par la loi MAPTAM. Ces nouvelles instances seront chargées de veiller à la continuité de l’action publique en matière de sport, de culture et de tourisme et à sa mise en œuvre équilibrée dans l’ensemble des territoires.

Dans ces domaines, et en particulier dans celui du sport, le niveau communal apparaît comme le premier financeur public, apportant une contribution significativement supérieure à celle des échelons départemental ou régional. Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur les modalités selon lesquelles s’exercera ce partage de compétences et sur le rôle que les CTAP assumeront dans cette répartition, à plus forte raison dans le cadre de la mise en place des futures grandes régions.

Par ailleurs, il conviendrait de définir précisément dans quelle mesure les métropoles pourraient assurer un rôle leader dans ces domaines, en adéquation avec les actions déterminantes qu’elles exercent sur leur territoire.

M. le rapporteur pour avis. S’agissant des départements, le cadre institutionnel doit être fixé. En quelques mois, en effet, les départements ont été supprimés, puis rétablis. Est même apparue une espèce d’hydre à trois têtes, l’une pour les territoires où les départements étaient remplacés par les métropoles, une autre pour ceux où ils étaient remplacés par une conférence des communautés de communes qui aurait géré l’action sociale, et une autre encore pour les territoires ruraux où continuaient d’exister les conseils généraux. Or la République a besoin d’unité territoriale.

Aujourd’hui, la réponse a été trouvée : il y a des élections départementales à la fin du mois de mars, et les départements sont encore là pour cinq ans – et même pour un bon moment, si l’on considère les difficultés avec lesquelles un accord a été trouvé au Sénat s’agissant des collèges. Pour ma part, je n’ai pas d’inquiétude pour celles et ceux qui vont affronter le suffrage universel à la fin du mois de mars : entre l’action sociale, les collèges et les compétences partagées, ils ne manqueront pas de sujets de discussion.

On peut se réjouir que la culture, le sport et le tourisme deviennent des compétences partagées, mais on ne peut pas les rendre obligatoires, car il y va de la libre administration des collectivités territoriales. Un consensus a été trouvé sur ces compétences partagées. Il reste à trouver comment les faire vivre sur l’ensemble des territoires.

Aujourd’hui, tous les territoires ont une ambition culturelle, d’où la nécessité de réunir les CTAP. Contrairement à ce qu’a dit notre collègue Marcel Rogemont, elles ont leur utilité lorsqu’il s’agit de mettre tout le monde autour de la table. Leur objet n’est pas uniquement de résoudre les problèmes d’infrastructures ; il est de donner de la cohérence et de la lisibilité à l’action culturelle que porte un territoire en réunissant, au moins une fois par an, l’ensemble des acteurs culturels, des services de l’État jusqu’à ceux des collectivités.

Je m’étonne que les sénateurs, qui avaient repoussé la CTAP culture lors de la loi MAPTAM, l’aient « récupérée » à l’occasion de ce projet de loi – souhaitaient-ils pouvoir en être membres pour avoir une sorte de chasse gardée sur la culture ? Mais alors, pourquoi n’autoriserait-on pas la présence des députés, qui sont aussi des élus nationaux et qui ont leur mot à dire sur l’action culturelle, puis celle des conseillers régionaux et des conseillers départementaux ? Il serait alors très difficile de s’entendre au sein d’une telle CTAP.

En commission des Lois a été déposé un amendement qui traite de la compétence partagée en matière de vie associative et d’éducation. Toute la difficulté est de savoir comment reconnaître une compétence dans la vie associative, celle-ci intervenant dans une multiplicité de secteurs d’activité.

En confiant les transports scolaires aux régions, nous apportons de la cohérence. En tant qu’autorités organisatrices de transports (AOT), elles gèrent déjà les transports ferroviaires et maritimes. Demain, il faudra aussi donner une impulsion à la mutualisation pour faire en sorte que le maillage au plus fin soit géré par ceux qui connaissent les problématiques, c’est-à-dire les conseils généraux, grâce à des délégations de compétence appropriées. Ces derniers gérant aussi l’action sociale, le transport des personnes souffrant de handicap par exemple serait facilité par leur étroite association. Toute collectivité – conseil général, EPCI ou syndicat de transport – pourra conventionner avec la région pour obtenir l’autorité déléguée de gestion des transports. L’action des régions trouvera également une cohérence dans la mutualisation, en particulier dans la définition des politiques d’achats de matériels.

Je répondrai à M. Patrick Hetzel sur le rôle des régions dans la carte des formations avec l’exemple d’une expérience personnelle. Entre 2010 et 2012, la Basse-Normandie, dont je suis un élu, avait énormément investi dans la construction d’une faculté de médecine à Caen et d’internats, ainsi que dans le schéma de l’enseignement supérieur et de la recherche. Lorsque le rectorat de l’époque a annoncé la suppression de pans entiers de formation sur notre territoire, la confrontation a été vive. Les régions ont leur mot à dire sur ces sujets. L’article 12 bis A introduit par le Sénat va jusqu’à donner aux régions la possibilité d’opposer un veto sur la carte des formations définie par l’État s’agissant des formations situées sur leur territoire. Cela va sans doute un peu loin, mais cette proposition a le grand mérite de poser le débat fondamental sur la nécessaire cohérence entre les stratégies régionales et l’action de l’État.

Le guichet unique est avant tout un débat sémantique. Cette expression ne plaît pas à des associations telles que le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) ou le Syndicat national des arts vivants (Synavi). Nous avons fait une proposition dans le rapport, mais je serais presque tenté de me rallier à la proposition de notre collègue Marie-Odile Bouillé : j’aime bien l’idée de « dossier unique ». Ce qui peut être gênant dans le « guichet unique », c’est qu’il renvoie à l’action sociale, si noble et nécessaire à nos concitoyens. Avec le dossier unique, les porteurs de projets feraient leur demande à un seul interlocuteur, chaque collectivité s’en saisissant ensuite et l’instruisant selon ses propres critères. Chacun est maître de ses choix politiques en matière d’action culturelle. Il s’agit, là aussi, d’apporter de la simplification dans l’ordonnancement administratif.

Pourquoi les crédits culturels font-ils toujours l’objet des premières coupes dans les territoires quand, avec un peu d’imagination, on pourrait faire des économies sur d’autres dépenses ? Pourquoi la culture, la jeunesse et l’innovation seraient-elles toujours la variable d’ajustement ? C’est déjà un effort de 11 milliards qui a été consenti, sur un plan global de 50 milliards d’économies. Où en serions-nous s’il avait fallu aller jusqu’aux 100 milliards que certains préconisent ? Nous devons rester vigilants afin que la culture soit diffusée sur l’ensemble de nos territoires et de la manière la plus équitable possible.

J’ai en partie répondu à la question de Mme Annie Genevard sur l’intérêt de la CTAP et sa gouvernance. Aujourd’hui, c’est la région qui est chef de file, la CTAP ayant pour rôle d’apporter coordination et mise en œuvre équitable sur le territoire. Elle va également gérer les compétences et les moyens de l’action culturelle sur l’ensemble du territoire français.

Pour répondre à Mme Barbara Pompili sur l’école du socle, aujourd’hui, nous devons avoir une vision globale. En encourageant l’école primaire et le collège travailler ensemble, nous donnons suite aux choix opérés dans la loi sur la refondation de l’école avec l’ouverture de passerelles entre les différents niveaux d’éducation. Il nous revient, pour réduire le taux d’échec, de créer les conditions de partage, de mutualisation et d’échange entre les différents niveaux, aussi bien entre le primaire et le collège qu’entre le secondaire et le supérieur.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi sur lesquels elle est saisie pour avis.

M. le président Patrick Bloche. Mme Régine Povéda m’a informé qu’elle n’était pas cosignataire des amendements AC3, AC4 et AC5.

Article 8 (art. L. 1221-2, L. 1231-6, L. 3111-1, L. 3111-2 et L. 5431-1 du code des transports) : Transfert de la compétence des transports routiers non urbains et des transports scolaires des départements aux régions

L’amendement AC3 de M. Hervé Féron est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC21 du rapporteur pour avis et AC20 de M. Hervé Féron.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir le transfert des transports scolaires aux régions, dans les conditions prévues par le projet de loi initial.

Ce transfert recèle d’importantes potentialités de mise en cohérence de l’ensemble des transports non urbains. N’oublions pas que près du tiers des transports scolaires se fait par des lignes régulières de transport, au moyen de compensations spécifiques. Bien souvent, les marchés publics sont passés en même temps. Dans un même esprit, il serait absurde de ne pas tenir compte des lignes ferroviaires régionales, qui peuvent aussi jouer un rôle important pour certaines dessertes. Un besoin d’harmonisation s’impose et l’amendement y concourt.

La région aura la faculté de déléguer cette compétence à tout échelon de collectivité, notamment aux départements. À cet égard, l’interdiction de la subdélégation ne constitue pas un argument pertinent, dans la mesure où il sera aisé aux régions qui le désirent de reprendre à leur compte, en y apportant de l’ordre si nécessaire, le maillage des délégations tissé par les départements.

La région est l’échelon pertinent de la solidarité. Elle pourra notamment jouer un rôle précieux de péréquation vis-à-vis des départements ruraux qui peinent à conclure leurs appels d’offres et qui supportent les coûts les plus lourds tout en étant les départements les moins riches.

Mon amendement diffère un peu de celui de M. Féron sur un point technique important. J’ai repris, au huitième alinéa, une disposition proposée au Sénat par le Gouvernement, qui permet aux régions de participer au financement des frais de transport individuel des élèves, comme peuvent le faire aujourd’hui les départements. En supprimant, comme le proposait le projet de loi initial, l’article L. 3111-10 du code des transports, l’amendement AC20 de M. Féron interdit ces subventions, qui sont pourtant très précieuses pour les familles.

Malheureusement, l’article 40 de la Constitution m’empêchant d’aller plus loin, la rédaction proposée se limite au financement par la région des frais de transport des élèves des établissements dont elle a la charge. Je demanderai au Gouvernement d’élargir cette possibilité aux élèves des collèges, rien ne justifiant une différence de traitement à leur égard.

M. Hervé Féron. La nuance proposée par le rapporteur pour avis me convenant, je retire l’amendement AC20.

L’amendement AC20 est retiré.

M. Frédéric Reiss. Nous avons compris que le rapporteur va dans le sens d’une intermodalité, en prenant en compte tous les moyens existant dans une région donnée. Á cet égard, je note son souci de maintenir les lignes ferroviaires en difficulté. L’idée de convention est tout à fait satisfaisante. Pour autant, compte tenu des mesures qui vont être adoptées concernant les collèges, nous voterons contre cet amendement. Nous estimons que les transports scolaires doivent rester de la compétence des départements.

Mme Annie Genevard. Il y a certes une cohérence dans le fait que l’autorité organisatrice de transports soit régionale. En théorie, cela n’est pas absurde. Cependant, la proximité n’est pas totalement garantie au niveau régional. Serait-il possible, monsieur le rapporteur pour avis, d’imaginer que les départements conservent la compétence et aient pouvoir de délégation aux régions ?

Mme Isabelle Attard. Cet amendement est extrêmement important, surtout pour ceux qui habitent en limite de département ou dans des zones mal desservies d’un département. Les différences sont parfois énormes à l’intérieur d’un même département. Une vision régionale des déplacements est bien plus cohérente, quitte, ensuite, à déléguer aux départements.

Avec le réseau des TER et les transports scolaires et autres, un nombre colossal de transporteurs intervient, notamment en zone rurale. Il convient de garder cette vision régionale, qui simplifiera l’organisation du transport de tous, et pas seulement des scolaires.

M. Michel Ménard. Le transfert de la compétence transports scolaires à la région avait une logique dès lors qu’était envisagée la suppression des départements. Puisqu’il est désormais acté que les collèges resteront de compétence départementale, ce dont je me félicite car cela fonctionne bien ainsi, il apparaît tout aussi logique de laisser les transports scolaires au niveau départemental. Du reste, je ne crois pas beaucoup au transfert aux régions, qui délégueraient ensuite leur compétence.

Sachant que le ramassage des collégiens s’effectue souvent jusque dans les cours de ferme, il est préférable de laisser l’organisation des transports scolaires aux départements plutôt qu’aux grandes régions qui ont été créées, qui peuvent compter quatorze départements. Il me semble compliqué d’organiser à Lyon le ramassage scolaire en Auvergne. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.

Mme Annie Genevard. Je partage l’analyse de Michel Ménard. Il faut rester à l’échelon départemental.

Mme Colette Langlade. La région a déjà compétence en matière de transports ferroviaires et maritimes ; elle l’aura désormais pour les transports scolaires. L’important est qu’une convention soit signée avec le département, pour de multiples raisons, liées en particulier à la complexité de la gestion quotidienne des transports scolaires sur le terrain. Je voterai l’amendement dans cet esprit.

M. le rapporteur pour avis. Rien n’interdira demain à la région de déléguer l’organisation du transport au plus fin sur le territoire, en conventionnant avec un syndicat de transports, un département ou une communauté de communes. Qui plus est, en s’appuyant sur son schéma régional des transports, elle donnera de la cohérence et de la visibilité, et sera enfin à même de mettre en œuvre l’intermodalité et la multimodalité. Je ne vois pas où est la difficulté à gérer de l’amont vers l’aval, du réseau ferroviaire interrégional au transport dans un hameau ou dans un village, dès lors qu’une convention est passée avec les collectivités demandeuses.

Je ne vois pas non plus l’intérêt d’inverser les choses, comme l’a proposé Mme Genevard. Le rôle de la région n’est pas d’assurer la gestion de la multitude d’arrêts de bus, c’est d’avoir une vision globale des infrastructures. La possibilité de déléguer à d’autres échelons de collectivité doit permettre de conserver cette proximité qui est demandée par l’ensemble des utilisateurs et des usagers.

La Commission adopte l’amendement AC21.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

Article 12 [supprimé] (chapitre III du titre Ier du livre II de la première partie, section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la première partie, art. L. 214-5, L. 214-6, L. 214-6-1, L. 214-6-2, L. 214-7, L. 214-8, L. 214-8-1 [nouveau], L. 214-8-2 [nouveau], L. 214-10, L. 216-4, L. 212-9, L. 216-5, L. 216-6, L. 442-9 du code de l’éducation, art L. 3321-1, L. 3411-2, L. 3542-1, L. 3641-2, L. 4221-1-1 du code général des collectivités territoriales et art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Transfert des collèges et des autres compétences scolaires des départements vers les régions

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC22 du rapporteur pour avis et AC4 de M. Hervé Féron.

M. le rapporteur pour avis. Je ne reviens pas sur les raisons qui m’ont conduit à renoncer au transfert des collèges aux régions. L’amendement que je vous propose dégage toutefois une voie alternative pour tirer parti des opportunités considérables que recèle l’exercice, pour les départements et les régions, de métiers comparables dans les collèges et les lycées. J’ai décrit dans mon rapport plusieurs expériences concrètes qui ont donné sur le terrain des résultats remarquables. Il m’apparaît utile de donner une nouvelle impulsion à ces mutualisations.

Pour avancer, je crois nécessaire d’identifier une force de proposition qui pourrait être opportunément la région, en raison de ses missions stratégiques. Je propose que la loi mentionne la possibilité de conduire par convention des actions communes et de mutualisation de services entre les collectivités pour l’enseignement secondaire. À cette fin, cet amendement confie à la région, consacrée chef de file sur ces enjeux, la responsabilité d’élaborer un projet de convention d’exercice partagé de compétence, qui serait ensuite débattu par la CTAP et librement ratifié par les conseils régionaux et généraux.

L’amendement AC4 de M. Hervé Féron est retiré.

M. Benoist Apparu. Je partage totalement l’avis de notre rapporteur dans le cadre de son rapport, mais un peu moins au regard de son amendement, qui essaie de trouver une voie médiane entre différentes préconisations.

Il y a quelques mois, nous avons voté la loi relative à la refondation de l’école créant un continuum du primaire au collège. En ce moment même, est en cours une mission d’information dont l’objectif est de créer un continuum bac moins trois à bac plus trois, soit un rapprochement entre le lycée et l’enseignement supérieur. Des blocs sont en train de se dessiner, et le sens de l’histoire est de rapprocher le primaire du collège et le lycée du début de l’enseignement supérieur. Nous sommes nombreux, toutes tendances confondues, à approuver cette tendance.

Or on ne tire pas ici les conséquences de ces choix. Le risque est d’avoir des rattachements de collectivités locales différents de ce que nous souhaiterions sur le plan pédagogique, ce que M. Travert indique d’ailleurs dans son rapport. Mais son amendement ne va pas au bout de la logique. Il donne le chef de filat sur le collège à la région, alors qu’il semblerait judicieux, notamment en présence de métropoles, de communautés urbaines ou de communautés d’agglomération relativement conséquentes, de rattacher le collège à une collectivité infra-départementale pour rapprocher la gestion du collège de celle des écoles primaires.

On va me répondre à juste titre que les lycées et les collèges sont sous statut d’établissement public local d’enseignement (EPLE), ce qui n’est pas le cas du primaire. Dès lors, peut-être conviendrait-il d’envisager de transformer les écoles primaires en EPLE du premier degré, voire d’autoriser l’expérimentation de créer des écoles du socle commun, à savoir des EPLE rassemblant école primaire et collège.

M. Frédéric Reiss. L’analyse de Benoist Apparu est exacte. Dans la présentation du rapport, nous avons bien entendu que le bloc du premier degré, c’est-à-dire la liaison CM2-sixième, était plus large que ce que nous avions voté dans la loi de refondation. C’est l’occasion de s’interroger, sachant que sur le terrain, ce sont bien les collèges qui sont aujourd’hui de la compétence des départements. Nous sommes d’accord sur ce point.

M. le rapporteur pour avis. Nous n’imposons rien. Les collèges sont de la responsabilité des départements : cela figure dans le texte issu du Sénat et nous avons la volonté de continuer dans ce sens. Il ne s’agit pas de toucher aux aspects pédagogiques. Il s’agit de permettre aux régions de mutualiser, si elles le souhaitent, certains éléments logistiques ou matériels, comme la préparation des repas, l’achat de véhicules ou de matériel informatique et les travaux de petit entretien par des équipes mobiles. Nous ne sommes pas sur le plan pédagogique, ce qui pourrait effectivement remettre en cause l’école du socle que nous avons mise en place à travers la loi pour la refondation de l’école.

M. Benoist Apparu. La loi de refondation, malheureusement, n’a pas mis en place l’école du socle !

J’avais compris la nuance entre l’aspect pédagogique et les mutualisations. C’est précisément cette incohérence d’architecture des responsabilités des collectivités locales qui me pose question, avec, d’un côté, la mutualisation des collèges et lycées sur le plan du bâti, des sorties scolaires, de la restauration, et peut-être d’un certain nombre d’éléments « périphériques » à la pédagogie, et, d’un autre côté, tout ce qui concerne le pédagogique.

Je préférerais une cohérence globale. On pourrait, par exemple, articuler les mutualisations que vous préconisez entre départements et communauté urbaine, communauté d’agglomération ou métropole, pour avoir une cohérence d’architecture entre le « matériel » et le pédagogique.

La Commission adopte l’amendement AC22.

Elle exprime, ce faisant, un avis favorable au rétablissement de l’article 12 ainsi rédigé.

Après l’article 12

L’amendement AC5 de M. Hervé Féron est retiré.

Article 12 bis A [nouveau] (art. L. 214-2 et L. 614-3 du code de l’éducation) : Approbation par les régions de la carte des formations supérieures et de la recherche

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC6 de M. Hervé Féron et AC9 de Mme Isabelle Attard.

Mme Sandrine Doucet. Il s’agit de renforcer la cohérence du chef de filat des régions, prévu par la loi MAPTAM, en complétant la portée du schéma régional d’enseignement supérieur et de recherche élaboré avec les autres collectivités, afin que les principes et les priorités des interventions de toutes les collectivités compétentes soient présentés et respectent ces schémas.

Mme Isabelle Attard. Il semble en effet logique que les interventions des collectivités autres que la région soient faites en lien avec le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. La portée de ce schéma, déjà élaboré avec l’ensemble des collectivités, n’en sera que confortée.

M. le rapporteur pour avis. Les deux amendements assurent la cohérence entre les initiatives des collectivités dans l’enseignement supérieur et le schéma régional. Les précisions suggérées ne sont pas inutiles et s’intègrent bien dans notre ambition de faire des régions des acteurs importants de l’enseignement supérieur. Avis favorable, étant entendu que l’amendement AC6 satisfait l’AC9.

La Commission adopte l’amendement AC6.

En conséquence, l’amendement AC9 tombe.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 bis A modifié.

Article 12 bis B [nouveau] (art. L. 216-11 [nouveau] du code de l’éducation) : Financement de l’enseignement supérieur et de la recherche par les collectivités territoriales et leurs groupements

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 bis B sans modification.

Article 12 ter [nouveau] (chapitre IV du titre Ier du livre Ier et art. L. 114-1, L. 114-2, L. 114-3, L. 114-4, L. 114-5, L. 114-6, L. 114-7, L. 114-8, L. 114-9, L. 114-10, L. 114-11, L. 114-12, L. 114-13, L. 114-14, L. 114-15, L. 114-16, L. 114-17 [nouveaux] et L. 211 1 du code du sport, art. L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales et art. 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes) : Transfert de l’État aux régions des centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS)

Les amendements AC17 et AC18 de Mme Sylvie Tolmont sont retirés.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 ter sans modification.

Article 12 quater [nouveau] (chapitre V du titre Ier du livre Ier et art. L. 115-1 [nouveaux] et L. 211 1 du code du sport) : Transfert de l’État à certaines collectivités territoriales d’équipements affectés au service public du sport et possibilité pour les établissements publics de formation dans le domaine sportif de recruter des assistants d’éducation

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 quater sans modification.

Article additionnel après l’article 12 quater : Définition des missions et pouvoirs d’investigation de l’inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS)

La Commission est saisie de l’amendement AC25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) n’a pas d’existence législative et ses missions ne sont définies qu’indirectement par le biais d’un décret sur le statut de ses membres. Afin d’adapter ces missions aux politiques aujourd’hui conduites en faveur de la jeunesse, du sport, de l’éducation populaire et de la vie associative, mais aussi de sécuriser le cadre juridique dans lequel elle contrôle les organismes qui concourent à mettre en œuvre ces politiques publiques, l’amendement AC25 tend à définir dans la loi les missions de l’IGJS. Aux missions classiques d’inspection et de contrôle des services de l’État, s’ajoutera le contrôle du respect des lois et règlements et de l’utilisation des fonds publics par les autres organismes participant à la mise en œuvre des politiques publiques.

L’IGJS pourra aussi, comme la Cour des comptes et d’autres inspections générales dans leurs domaines respectifs, contrôler la façon dont les organismes font appel à la générosité du public et utilisent les fonds collectés.

L’amendement définit également les pouvoirs d’investigation de l’IGJS, avec qui doivent pleinement coopérer les administrations de l’État, les collectivités et tous les organismes soumis à son contrôle.

M. Benoist Apparu. Nous avons trop tendance à légiférer sur des questions qui sont de nature réglementaire. L’IGJS vit depuis des années sous statut réglementaire, et tout à fait bien semble-t-il. Si cela devait changer, j’appelle votre attention sur le fait que la moindre modification, ne serait-ce qu’une virgule, devrait, à l’avenir, passer par la loi. Je ne suis pas convaincu qu’en la matière, ce soit vraiment indispensable.

M. le rapporteur pour avis. Je ne vois pas pourquoi nous priverions l’IGJS des prérogatives dont jouit aujourd’hui l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), par exemple. Celle-ci vit depuis une vingtaine d’années sous statut législatif, lequel n’a pas particulièrement évolué, et s’en porte plutôt bien.

C’est une demande forte de la part des acteurs de terrain que sont les inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports, que nous côtoyons tous très régulièrement sur les territoires. Les mettre sur un pied d’égalité avec l’IGAS et assurer la sécurité juridique de leurs actes me semble être une mesure de bon sens.

M. Benoist Apparu. Les notaires ne sont semble-t-il pas les seuls à faire du lobbying Les inspections générales le font donc aussi ! J’entends bien que l’IGJS souhaite voir son statut rehaussé au niveau législatif, mais l’argument de la sécurité juridique ne tient pas la route. Si l’on commence à dire que tout ce qui ressortit du décret n’est pas sécurisant sur le plan juridique, on finira par remettre en cause toute l’organisation de notre droit !

M. le rapporteur pour avis. Nous défendons le cadre juridique dans lequel évoluent les inspecteurs, qui ont besoin de voir sécurisés les différents pouvoirs qui leur sont ici octroyés.

La Commission adopte l’amendement.

Avant l’article 28 A

Chapitre IV – Compétences partagées dans le domaine de la culture, du sport
et du tourisme et guichets uniques

La Commission est saisie de l’amendement AC23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il nous a été rapporté, lors d’auditions, que l’appellation « guichets uniques » était assez mal comprise sur le terrain. Cette notion renvoie davantage à la distribution de prestations sociales qu’à ce qui intéresse effectivement l’article 29 du projet de loi, à savoir la centralisation par une collectivité de l’instruction des demandes de financement et de l’octroi des aides ou des subventions. D’où la formule de substitution proposée par l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Article 28 A : Exercice conjoint par l’État et les collectivités territoriales des droits culturels

La Commission examine l’amendement AC24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. La rédaction de l’article 28 A adoptée par le Sénat met en avant des objectifs louables mais pose de sérieuses questions juridiques du fait de son imprécision. Au total, cet article s’apparente à une déclaration de principe dépourvue de toute sanction.

Mon amendement propose une nouvelle rédaction qui préserve l’intention des sénateurs d’affirmer l’exercice conjoint de la compétence culturelle par l’État et les collectivités territoriales.

Mme Annie Genevard. Si l’on peut souscrire à l’article 28 A dans son principe, sa transcription dans la réalité pose question.

Le chapitre s’intitule « Compétences partagées dans le domaine de la culture, du sport et du tourisme et guichets uniques ». On comprend mal pourquoi le domaine culturel est pris isolément pour traduire l’idée que ces domaines sont traités conjointement par l’État et les collectivités territoriales. Qui plus est, la nouvelle rédaction que vous proposez est redondante avec l’alinéa 2 de l’article 28, qui concerne à la fois la culture et le partage de compétences, à ceci près que l’État n’y est pas mentionné. À mon sens, il faudrait réintroduire soit l’État à l’article 28, soit les compétences partagées à l’article 28 A.

Mme Colette Langlade. Les acteurs de terrain s’inquiétaient d’un possible désengagement de l’État ou des collectivités territoriales. Grâce à cet amendement, ce couple continue de vivre.

Mme Barbara Pompili. On joue un peu sur les mots. Mais surtout, l’amendement supprime la notion de « droits culturels des citoyens », qui me paraissait être une avancée intéressante. Pourquoi supprimer cette notion ?

M. le président Patrick Bloche. Honnêtement, je ne vois pas à quoi correspond cette notion. On peut parler de droit ou d’accès à la culture pour tous, mais les droits culturels des citoyens ne sont, à mon avis, définis dans aucun texte en tant que tels. Il est donc difficile d’y faire référence.

M. le rapporteur pour avis. En effet, la notion de droits culturels n’existe pas aujourd’hui. À travers cet amendement, je propose de réaffirmer notre attachement à ce que l’État assume pleinement ses missions en matière d’accès à la culture pour tous sur l’ensemble du territoire.

Mme Annie Genevard. Je souscris à cette idée. Je suis, comme le président Bloche, attachée depuis fort longtemps à l’exercice de nos responsabilités en matière culturelle. Cela étant, cette formulation introduit subrepticement une forme de hiérarchie. Dans cet amendement, vous semblez considérer que l’exercice conjoint par l’État et les collectivités territoriales a davantage de sens pour la culture que pour le sport et le tourisme. Cela me pose un problème de cohérence avec l’intitulé du chapitre IV.

M. Christophe Premat. Pour la précision lexicale, il y a une ambiguïté dans la formulation « droits culturels », qui pourrait faire référence aux droits des minorités culturelles, notion qui est défendue au sein du Conseil de l’Europe. Pour aller dans le sens du rapporteur, il faut veiller à ne pas basculer dans un débat que nous ne maîtriserions pas.

M. Benoist Apparu. Toujours sur le plan de la terminologie juridique, si l’article 28 A ne cite que la culture en compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales et que l’article 28 prévoit que les collectivités territoriales ont une compétence partagée en matière de tourisme, de sport, de culture et autres sans mentionner l’État, cela signifie a contrario que l’État n’a pas de compétence en ces domaines.

M. le président Patrick Bloche. La culture et le sport nous concernent directement, et je comprends fort bien que nos collègues se demandent pourquoi ne parler que de l’une en oubliant l’autre, et le tourisme également.

Mme Isabelle Attard. Puisqu’il va falloir réécrire l’article 28 en précisant que les compétences sont partagées entre l’État et les collectivités territoriales, l’article 28 A n’aura alors plus d’objet.

M. le président Patrick Bloche. L’article 28 ne vise que le partage de compétences entre différents niveaux de collectivités territoriales, tandis que l’article 28 A vise l’exercice conjoint de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse faire un « mix » en introduisant dans l’article 28 des préoccupations portées par l’article 28 A.

M. Michel Ménard. Je m’étonne de ne pas voir ici un amendement que j’ai déposé et qui traite de ces questions. Je proposais que la vie associative, la jeunesse et l’éducation populaire soient également des compétences partagées. Les fédérations d’éducation populaire, autant que les fédérations sportives ou les associations culturelles, doivent être soutenues par les départements et les régions.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Ménard, nous n’avons pas reçu cet amendement. Peut-être fait-il partie des amendements déposés en commission des Lois, dont vous seriez cosignataire ?

Chers collègues, je vous propose de rectifier l’amendement AC24 du rapporteur pour avis dans la rédaction suivante : « Les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, d’action extérieure et de coopération internationale sont exercées conjointement par l’État et les collectivités territoriales ». Nous garantirions ainsi la cohérence de l’article 28 A modifié avec l’article 28.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement AC24 rectifié.

Par ce vote, elle exprime un avis favorable à l’adoption de l’article 28 A ainsi rédigé.

Article 28 (art. L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales) : Reconnaissance de compétences partagées dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme

La Commission examine l’amendement AC10 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Cet amendement vise à faire de la vie associative une compétence partagée entre les différents échelons de collectivités territoriales. Si de nombreuses associations sportives ou culturelles pourront toujours bénéficier de l’intervention des communes ou de leurs groupements, des régions ou des départements, tel ne sera pas le cas pour celles qui ont pour objet la lutte contre le racisme, l’éducation civique, la prévention de la violence, la protection de l’environnement.

M. le rapporteur pour avis. Nous connaissons tous les difficultés du monde associatif et sa crainte que la suppression de la clause de compétence générale n’induise une réduction du montant des subventions allouées aux associations. La question avait été étudiée l’an dernier par la commission d’enquête sur les difficultés du monde associatif, présidée par notre collègue Alain Bocquet. Le rapport avait avancé certaines pistes pour faire de la vie associative une compétence partagée. C’est aujourd’hui davantage une modalité d’exercice d’une compétence qu’une compétence en tant que telle.

J’indique que le groupe SRC défendra en commission des Lois un amendement
– peut-être celui dont parlait M. Ménard – tendant à faire de la vie associative, de la jeunesse et de l’éducation populaire des compétences partagées. Cet amendement étant plus complet, nous nous y rallierons. Dès lors, madame Pompili, peut-être pourriez-vous retirer le vôtre.

M. Michel Ménard. C’est bien l’amendement auquel je pensais.

Mme Barbara Pompili. L’amendement en question n’a pas été déposé ici. À quoi bon se saisir pour avis si c’est pour anticiper ce qui se fera en commission des Lois ?

L’amendement que nous proposons est effectivement moins complet, mais l’adopter montrerait que la commission des Affaires culturelles et de l’éducation est sur la même longueur d’ondes. Je ne vois pas en quoi adopter notre amendement empêcherait d’adopter cet autre amendement un peu plus tard.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement AC10.

Puis elle examine l’amendement AC11 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. En lien avec l’amendement précédent, celui-ci tend à créer une commission en charge de la vie associative au sein des conférences territoriales de l’action publique.

Mme Annie Genevard. Je m’interroge sur l’opportunité de cet amendement. Si l’on commence à décliner toutes les dimensions de la vie dans les CTAP, pourquoi pas la vie des entreprises ? Le champ est infini. Il me semble que la vie associative peut être traitée dans une commission culture, par exemple, dans la proximité des territoires. Je me demande si la CTAP est le bon niveau pour traiter de ces questions.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 modifié.

Article 28 bis (art. L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales) : Continuité des politiques publiques dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme

La Commission est saisie de l’amendement AC12 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. En coordination avec les amendements précédents, cet amendement vise à clarifier le rôle et le périmètre d’intervention des CTAP, en y ajoutant la vie associative.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC1 de Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Si l’on peut admettre que la conférence territoriale de l’action publique garantit la continuité et la cohérence des politiques publiques partagées, il ne lui revient pas, en revanche, d’investir le champ de la mise en œuvre, qui relève de chaque acteur. J’ajoute que je ne comprends pas très bien ce que veut dire une « mise en œuvre équilibrée ».

M. le rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous, madame Nachury. Il incombe à la CTAP de s’assurer de la continuité des politiques publiques menées par les différents échelons pour que des pans entiers du territoire n’en soient pas privés. En revanche, le contrôle de la mise en œuvre de ces politiques publiques revient à chaque acteur public. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC26 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement supprime une modification apportée par le Sénat en première lecture, tendant à compléter la composition des CTAP par les sénateurs du département. Pourquoi pas les députés ? Ce sont aussi des élus de la Nation. Dans un souci de cohérence et de défense de l’Assemblée nationale, je vous propose de supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 28 bis !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 bis modifié.

Article 29 (art. L. 1111-8, L. 1111-8-1 et L. 1111-8-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Création de guichets uniques pour les aides et subventions

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 sans modification.

Article additionnel après l’article 29 (art. L. 1231-1 à L. 1231-4 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Consécration législative de l’existence du Conseil national des collectivités territoriales pour le développement culturel

La Commission est saisie de l’amendement AC27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement confère une base législative à l’existence du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, transformé en instance nationale. Ce conseil a été créé de manière informelle en 1999 par Mme Catherine Trautmann, alors ministre de la culture, relancé en 2008 par Mme Christine Albanel, puis à nouveau par Mme Aurélie Filippetti en 2012. Son histoire montre que sa réunion effective dépend en grande partie de la volonté de chaque ministre, ce qui ne me semble pas une bonne chose. Le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel a fait la preuve de sa grande utilité, et il sera d’autant plus utile à l’avenir qu’il va constituer le pendant national des « CTAP culture » au plan régional, que le Parlement a souhaité mettre en place. Je vous propose donc de l’institutionnaliser dans la loi.

Mme Annie Genevard. Je suis membre de cette instance depuis plusieurs années et j’en constate l’utilité. Je souscris pleinement à cette proposition.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées par les amendements qu’elle a adoptés.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 3 février 2015 à 16 heures 30.

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Ary Chalus, Mme Dominique Chauvel, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Hervé Féron, Mme Annie Genevard, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, Mme Barbara Pompili, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, Mme Claudine Schmid, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jacques Cresta, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga