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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 16 septembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Patrick Bloche, président puis de M. Michel Ménard, Vice-président

– Examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2954) (M. Patrick Bloche, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 16 septembre 2015

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission,
puis de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)

——fpfp——

La Commission procède à l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2954) (M. Patrick Bloche, rapporteur).

M. le président Patrick Bloche. C’est un immense bonheur, mes chers collègues, de vous retrouver pour cette reprise de nos travaux. J’espère que la période estivale vous aura permis de vous ressourcer et de reprendre des forces dans la perspective de la lourde tâche qui nous attend : projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale mais aussi examen du texte essentiel pour notre commission qu’est le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine qui occupera nos réunions de ce matin, de cet après-midi et de ce soir.

Avant d’en venir au vif du sujet, je donne la parole à M. Patrick Hetzel qui souhaite intervenir sur un point de procédure.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, j’aimerais connaître votre position sur la décision qu’a prise la commission des lois de ne plus prendre en compte les amendements du Gouvernement déposés tardivement. Il me semblerait pour ma part judicieux de suivre cette voie d’une extrême sagesse.

M. le président Patrick Bloche. La commission des lois, par la voix de son illustre président, Jean-Jacques Urvoas, a pris une bonne initiative, de nature à conforter les droits des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition. Je veillerai tout particulièrement à ce que nous ne découvrions pas d’amendements déposés à la dernière minute par le Gouvernement dans la liasse des amendements en séance publique. Mme la ministre de la Culture aura certainement à cœur de prendre en compte notre demande commune d’ici au 28 septembre, date à laquelle commencera l’examen du texte dans l’hémicycle.

M. Patrick Hetzel. Je vous remercie, monsieur le président.

M. le président Patrick Bloche. Je suis bien évidemment particulièrement heureux que cette session débute par l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, texte que nous attendions toutes et tous avec grande impatience depuis de nombreux mois et que nous accueillons avec enthousiasme.

Je salue et remercie en votre nom, chers collègues, Mme la ministre, qui a choisi d’assister aux débats sur son projet de loi alors même qu’aucune obligation de cette sorte ne s’impose aux ministres. Ce choix est d’autant plus utile que, comme vous le savez, ce sera le texte de la commission qui sera débattu en séance publique. Les explications de Mme la ministre seront donc très précieuses pour éclairer nos échanges et nos votes sur ce texte particulièrement important pour le monde de la culture, de la création et du patrimoine.

Ayant été désigné par la commission comme rapporteur de ce projet, je vais maintenant demander à Michel Ménard, vice-président de la commission, de bien vouloir me remplacer pour présider la suite de nos travaux.

M. Michel Ménard, président. C’est avec plaisir que je vais vous suppléer dans vos fonctions de président au cours de cette longue journée. À votre suite, je remercie Mme la ministre de sa présence parmi nous.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter ce matin mon rapport sur le projet relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, projet de loi qui figure à n’en pas douter parmi les textes les plus attendus de cette législature. Il affirme par sa structure même la nécessaire filiation qui existe entre la création et le patrimoine, entre les œuvres de l’esprit d’aujourd’hui et l’héritage culturel de demain.

Le titre Ier a vocation à constituer le texte fondateur, attendu depuis de nombreuses années par les acteurs du secteur, de la politique de soutien à la création artistique. Sur le modèle de l’article 1er de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui dispose que « l’imprimerie et la librairie sont libres » et de l’article 1er de la loi de 1986 relative à la liberté de communication qui dispose que « la communication au public par voie électronique est libre », l’article 1er du présent projet de loi dispose que « la création artistique est libre ».

Compte tenu des nombreuses remises en cause dont cette liberté fait régulièrement l’objet, cette disposition qui invite le juge à tenir compte de la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression aura une portée jurisprudentielle très concrète – rapidement, nous l’espérons.

En complément, afin de préserver la programmation accueillie dans de nombreux établissements et lieux culturels de possibles pressions et interventions et d’assurer ainsi l’indépendance artistique, l’article 2 consacre la liberté de programmation artistique.

Les articles 2 et 3 ont également pour objet de donner enfin – avancée historique – une assise législative au cadre d’intervention des acteurs publics en faveur de la création artistique. Ce cadre s’est en effet construit au fil du temps sur des bases juridiques éparses et n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun dispositif législatif d’ensemble, ce qui est souvent source d’inquiétudes pour les acteurs culturels.

Ce volet doit également créer les conditions d’une amélioration de la cohérence et de l’efficacité de cette politique publique recentrée autour des objectifs fondamentaux de démocratisation culturelle, de traitement équitable des territoires, de développement des moyens de diffusion ainsi que de professionnalisation des auteurs et des artistes. Enfin, il a vocation à mettre en évidence la complémentarité de l’action conduite par l’État et les collectivités territoriales.

Il devra être complété et précisé, en vue notamment de reconnaître le rôle du milieu associatif et des lieux intermédiaires et indépendants ou d’inscrire des objectifs qui n’y figurent pas, tels que l’égalité entre les femmes et les hommes ou le soutien à la création contemporaine en langue française.

Il devra également être complété par des dispositions relatives à la coordination de l’action publique. Comme plusieurs d’entre vous, je proposerai par amendement des dispositions en ce sens.

Le titre Ier vise par ailleurs à assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les relations entre les acteurs de la création artistique. La question du partage de la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne a fait l’objet de nombreuses discussions et de plusieurs rapports, lesquels n’ont pas, pour l’instant, permis d’aboutir à la mise en œuvre de solutions satisfaisantes. Dans ce contexte, les dispositions proposées ont pour objectif de mieux encadrer et réguler les relations contractuelles entre différents acteurs – producteurs, artistes-interprètes, plateformes de musique en ligne –, ce qui passe notamment par la création d’un médiateur de la musique.

Ce volet du projet de loi pourra néanmoins être complété en fonction des résultats de la mission de concertation que vous avez confiée, madame la ministre, à M. Marc Schwartz, en vue d’un accord sur la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur et dont les conclusions sont attendues d’ici à la fin du mois, au moment précisément où débutera l’examen du projet de loi en séance publique.

Ces dernières années, le secteur du cinéma a lui aussi fait l’objet de controverses portant en particulier sur le manque de transparence de la filière. L’amélioration de la transparence économique de la filière, en particulier des comptes de production et d’exploitation des œuvres, est donc au cœur des articles 8, 9 et 10 du présent texte. Les auditions ont été l’occasion d’évoquer une possible extension à l’audiovisuel des obligations de transparence introduites par ce projet de loi. Nous serons amenés à en reparler.

Le titre Ier comporte également un volet destiné à promouvoir la diversité culturelle et à élargir l’accès à l’offre culturelle. Il comprend une réforme très ambitieuse de l’exception « handicap ». Au-delà des dispositions très attendues sur la reconnaissance des pratiques en amateur, ce volet me semble pouvoir être opportunément enrichi, en particulier par des propositions visant à améliorer l’offre d’œuvres audiovisuelles disponibles sur les réseaux numériques.

Autre sujet dont traite ce projet de loi : l’emploi dans le secteur artistique, qui comporte des spécificités justifiant également une attention particulière du législateur. À cet égard, je tiens à rappeler, en présence de notre collègue Jean-Patrick Gille, que la loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015, en confortant le régime d’assurance chômage de l’intermittence, constitue d’ores et déjà une avancée majeure de cette législature.

Dans le même esprit, plusieurs dispositions du présent projet de loi ont également vocation à conforter l’emploi artistique. La liste des artistes du spectacle est ainsi complétée pour permettre une meilleure application du droit du travail, en particulier de la présomption de salariat dont ces artistes bénéficient. Il clarifie ensuite leurs conditions d’emploi par les collectivités territoriales.

Enfin, à l’heure où l’État et ses partenaires sont de plus en plus confrontés à la nécessité de disposer d’informations précises, en particulier économique et sociale, en vue de l’évaluation des politiques publiques, le projet de loi ouvre la voie à la mise en place, avant tout par voie réglementaire, d’un observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle.

Ce titre consacré à la création s’achève sur des dispositions relatives aux enseignements artistiques. Le projet de loi propose une profonde clarification du statut et des missions des écoles d’art auxquelles il étend l’autonomie, notamment via l’accréditation que nous avions définie dans la loi de 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Il donne un indispensable statut d’étudiant aux élèves des classes préparatoires publiques aux écoles d’art, dont le suivi est souvent indispensable pour réussir à intégrer l’enseignement supérieur artistique, très sélectif, comme vous le savez. Des amendements nous permettront de prendre en compte tout le système public d’enseignement de la création, en garantissant l’avenir des cycles supérieurs des conservatoires et en consolidant le statut des écoles d’architecture.

Le projet de loi comprend un deuxième volet tout aussi attendu et tout aussi essentiel à la mise en place d’une politique culturelle globale sur le territoire, je veux parler du patrimoine culturel et architectural.

Acteurs majeurs de la décentralisation culturelle, les vingt-trois fonds régionaux d’art contemporain – FRAC – contribuent depuis plus de trente ans, à l’initiative notamment de M. Jack Lang, à la démocratisation de la culture et au développement de la création dans les territoires. Ces institutions méritent aujourd’hui la consécration de leur existence dans la loi, comme cela est proposé par le présent projet de loi.

Malgré d’importantes avancées en matière de protection du patrimoine, je constate, pour la déplorer, l’absence de dispositions concernant le régime des archives alors qu’un livre entier du code du patrimoine, le livre II, leur est consacré. J’ai donc proposé des amendements destinés à enrichir le projet de loi par des dispositions permettant d’adapter le régime des archives à la révolution numérique et d’améliorer ainsi la protection de ces documents essentiels.

Nous allons également nous pencher, à l’occasion de ce projet de loi, sur le patrimoine archéologique. En effet, la législation actuelle ne permet plus de répondre de manière satisfaisante aux nombreux enjeux qui caractérisent la discipline. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, vous aviez confié une mission à Mme Martine Faure, ici présente. Le texte que nous allons examiner comporte des dispositions permettant de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État sur les opérations d’archéologie préventive afin de mieux protéger le patrimoine archéologique. Par ailleurs, le régime de propriété des biens archéologiques mobiliers, aujourd’hui excessivement complexe, est utilement simplifié et unifié.

Surtout, ce volet du projet de loi, par son importance, fait écho aux grandes lois que la France a connues dans le domaine du patrimoine monumental depuis la loi fondatrice de 1913.

Au-delà de la réforme des abords qui apporte une simplification bienvenue, ce sont les cités historiques qui constituent le cœur du volet consacré au patrimoine de ce projet de loi. En remplaçant les secteurs sauvegardés – qui n’ont pas atteint, loin s’en faut, le nombre espéré en 1962 sous l’impulsion d’André Malraux – ainsi que les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager – ZPPAUP –, vouées à disparaître, et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – AVAP –, les cités historiques devraient contribuer à rendre plus lisible le paysage juridique patrimonial tout en conservant – j’insiste sur ce point – le double niveau de protection qui assure la pertinence des dispositifs actuels.

Sur le fond, le transfert aux collectivités locales de la maîtrise d’ouvrage du plan local d’urbanisme (PLU) dit patrimonial comme du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) a suscité des interrogations tout à fait légitimes, notamment de la part de nombre d’élus locaux. Qu’en est-il de l’assistance technique et financière de l’État ? Quel contenu donner au PLU dit patrimonial ? Quel contrôle de l’État sur ces dispositions ?

J’ai la conviction qu’il faut renforcer dans le texte le rôle, historique en ce domaine, de l’État. C’est d’ailleurs ce que fait un amendement du Gouvernement qui clarifie ses intentions en matière de soutien financier et technique aux collectivités dans l’élaboration de leur PLU patrimonial.

Il faut aussi préciser ce que sera le plan local d’urbanisme dit patrimonial afin d’apporter toutes les garanties de protection aux acteurs institutionnels et associatifs particulièrement actifs dans notre pays.

Je ne ferai qu’évoquer dans mon propos liminaire les dispositions de l’article 24 relatives à la protection des objets mobiliers, qui répondent opportunément à des questions qui se posent depuis plusieurs décennies, ainsi que celles de l’article 26, qui permettront d’instaurer un dialogue fécond entre les institutions et les propriétaires d’immeubles labellisés au titre du patrimoine architectural récent.

Je m’attarderai davantage sur ce qui permettra d’illustrer dans la loi la stratégie nationale pour l’architecture que vous avez souhaité lancer, madame la ministre, avec la détermination que l’on vous connaît.

À ce titre, le projet de loi offre une dérogation intéressante aux règles relatives au gabarit et à la surface constructible. Toutefois, comme elle ne concerne qu’un champ limité, celui des projets ayant déjà obtenu une dérogation au titre des zones denses, de performances énergétiques élevées ou de la diversification de l’habitat, il peut être utile de lui donner plus d’envergure. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai une série d’amendements visant à ne retenir que deux critères, au lieu de trois – la qualité architecturale associée à la création ou à l’innovation – et à porter à 10 % le bonus de constructibilité, actuellement fixé à 5 % dans le projet de loi.

Je proposerai également une série d’amendements qui mettent en œuvre la partie législative des propositions de la mission d’information sur la création architecturale dont le rapport a été rendu en juillet 2014, mission dont notre commission a été, comme vous le savez, à l’initiative. Il me paraît notamment important d’abaisser le seuil au-delà duquel il est obligatoire de recourir à un architecte. Fixer dans la loi un seuil de cent cinquante mètres carrés de surface de plancher est une mesure à la fois d’incitation mais aussi de nécessaire simplification. Cela permettra en outre de remédier aux récentes turpitudes réglementaires que ce seuil a connues.

Afin d’encourager les particuliers à recourir à un architecte en dessous de ce seuil, il faut aussi conférer un avantage réel au fait de confier son projet à un architecte. À cet égard, un permis aux délais d’instruction réduits serait à la fois efficace et justifié.

Je souhaite également que le concours d’architecture soit consacré dans la loi et que le principe d’un dialogue entre les candidats et le maître d’ouvrage à un moment donné de la procédure soit posé pour mettre fin à certains effets négatifs et même pervers de l’anonymat qui peuvent porter atteinte à la qualité de certains projets.

En outre, j’ai souhaité déposer un amendement traduisant, par le biais d’une expérimentation, la nécessité de passer, en matière de normes, d’une logique de moyens à une logique de résultat, avec un seul objectif : libérer l’extraordinaire potentiel de la création architecturale dans notre pays. Je proposerai également par un amendement une disposition sur les zones franches architecturales qui permettrait au plan local d’urbanisme de déterminer des zones au sein desquelles les règles sont volontairement allégées et où les permis de construire sont délivrés sur la base de la qualité architecturale du projet et non du seul respect des règles d’urbanisme.

Après cette présentation, j’ajouterai que nous avons été amenés, dès la fin du mois de juillet, à procéder à de nombreuses auditions des acteurs directement concernés par les dispositions de ce projet de loi.

Il nous faut maintenant effectuer un travail utile en exerçant de manière dynamique et intelligente notre droit d’amendement pour que nous puissions dire après le vote du projet de loi : « J’y étais ! J’ai participé à un moment historique ! » (Exclamations diverses). Oui, chers collègues, car nous aurons inscrit pour la première fois dans la loi les objectifs de la politique publique de la culture dans notre pays, politique à laquelle nous sommes si attachés les uns et les autres et nous aurons permis d’assurer de manière plus cohérente et plus efficace la protection de notre patrimoine architectural.

Que nous vivions de la manière la plus sereine qui soit, comme c’est notre habitude à la commission des affaires culturelles, ce moment historique dans notre vie de parlementaire !

M. Michel Ménard, président. Merci, monsieur le rapporteur, pour cette excellente présentation : claire, précise et enthousiaste.

Je donne maintenant la parole à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur, cher Patrick Bloche, je vous remercie pour cette présentation enthousiaste et teintée de l’humour qui vous est habituel. Vous avez su en faire ressortir cette conviction que nous partageons, à savoir que ce projet de loi constituera un marqueur important du quinquennat grâce aux avancées considérables qu’il permet dans la définition d’une politique culturelle et la fixation de ses ambitions.

Vous avez, avec beaucoup de clarté et de concision, mis en valeur la substance du projet de loi. Je m’attarderai pour ma part sur les intentions qui ont présidé à son élaboration et présenterai les amendements que le Gouvernement soumet à votre commission – dans le plein respect des délais, je le précise.

Je remercie les équipes des services de l’Assemblée nationale qui vous entourent et salue l’investissement très fort des membres de la Commission, qu’ils appartiennent à la majorité comme à l’opposition.

Je sais que circule dans les couloirs du Palais Bourbon une rumeur ancienne qui veut que certains ministres s’attristeraient toujours d’avoir à présenter un texte fortement amendé par les parlementaires. Je ne suis pas de ces ministres-là, si tant est qu’ils existent. Au contraire, je me réjouis que ce projet de loi portant sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine ait suscité près de 450 amendements : c’est la preuve de son importance, de sa justesse et de sa nécessité.

Non seulement je me réjouis de ce débat en perspective mais je m’y consacrerai avec fierté. Soyons très clairs : j’aurai en commission comme en séance la volonté d’améliorer avec vous ce projet de loi. Tout ce qui viendra l’enrichir devrait pouvoir être retenu, tant que la sécurité juridique à laquelle nous devons veiller est garantie.

J’ai évoqué d’entrée de jeu l’importance de ce texte. Indépendamment de la discussion technique qui va suivre, je crois qu’il est fondamental de préciser l’intention du Gouvernement qui, en déposant ce projet de loi, répond certes à une impérieuse nécessité mais dessine aussi l’avenir de la culture dans notre pays.

Cette impérieuse nécessité présente, nous l’avons tous à l’esprit : des œuvres saccagées, vandalisées, barbouillées de messages antisémites ou repeintes ; des spectacles annulés, des films pourchassés par la vindicte de quelques-uns, ou des artistes décrits comme des fainéants que l’on voudrait employer à garder des enfants. C’est ce climat qu’ont aujourd’hui à subir les artistes et tous ceux qui travaillent avec eux : les tenants d’un retour à l’ordre moral donnent de la voix, et de façon suffisamment forte pour que des artistes soient censurés ou s’autocensurent. Dans un tel contexte, il est urgent d’inscrire dans le marbre de la loi la liberté de création, pour protéger ceux qui créent et leur donner les moyens de se défendre et de travailler.

Toutefois, cette inscription dans la loi dépasse l’urgence du moment. C’est d’ailleurs l’aboutissement d’une longue réflexion, qui a commencé au tout début de ce quinquennat.

Certains, je le sais, se sont alors interrogés sur son utilité : à quoi bon écrire que la création artistique est libre, dans un pays où elle l’est déjà ? D’autres ont rappelé qu’elle était largement recouverte par la liberté d’expression, et que distinguer la création artistique des autres formes d’expression n’avait pas grand sens et pouvait même s’avérer contre-productif.

À ces deux objections, je veux répondre ce matin par un mot : l’avenir.

Nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. L’histoire nous a appris que toute liberté était une conquête, et qu’une liberté n’était réelle que si elle était garantie. Qui peut nous assurer que la liberté dont jouissent aujourd’hui les créateurs sera toujours garantie demain ? Personne, sinon la loi. Par le passé, l’État n’a pas toujours été du côté des artistes. Souvenons-nous de Flaubert, de Baudelaire, de bien d’autres encore. Il n’y a que la loi pour garantir qu’il le sera désormais à chaque fois. C’est un engagement fort que prend le Gouvernement.

L’avenir encore, car nous ne savons pas à quoi ressembleront les œuvres de demain. Dans un monde qui change, change si vite, change en profondeur et « redessine la carte », pour reprendre les mots d’Alessandro Barrico, il faut pouvoir garantir leur émergence. Les artistes ont souvent un temps d’avance. Ce temps d’avance prend souvent la forme d’un choc, d’une transgression. Les artistes remettent en question nos conceptions de l’ordre et du désordre – Anish Kapoor en est l’un des nombreux exemples. Or, bien souvent la société a des difficultés à accueillir la nouveauté.

Ma conviction est que c’est notamment à travers l’art que la société se transforme et que c’est à travers l’art que nous lisons le plus souvent les transformations du monde, les signaux faibles des mouvements profonds, loin de l’urgence et du tumulte médiatique. Ma conviction est aussi que c’est par les chemins singuliers que nous proposent les artistes que nous pouvons renouer avec le fil d’une histoire collective et envisager l’avenir avec sérénité.

Ce premier article du projet de loi n’est donc pas qu’un acte de protection : c’est aussi un acte de confiance. De confiance envers les artistes.

À en juger par les amendements que vous avez déposés, il me semble que ce premier article fait consensus et que nous pouvons nous rassembler autour de ce grand principe. Nous aurons bien entendu des débats sur son effectivité, sur sa normativité, j’en suis certaine. Nous en aurons aussi sur ses limites, je n’en doute pas. Nous en aurons enfin sur les libertés qui en découlent : la liberté de programmation, la liberté de diffusion. Je m’y prépare.

Ces débats seront de beaux débats. Ils sont nécessaires aussi, dans un moment où notre société est précisément traversée de courants profonds qui ont tendance à éloigner les citoyens les uns des autres. Affirmer le principe de la liberté de la création dans la loi sera de nature à fédérer et rassembler, loin des tentations de repli communautaristes, j’en ai la conviction.

L’avenir toujours, nous le préparons pour les artistes. Car il ne suffit pas d’inscrire leur liberté dans la loi pour la rendre effective : il faut aussi s’attacher à la rendre possible, à lui donner un cadre et des moyens, dans ce temps de grande mutation numérique.

L’avenir, c’est d’abord celui des artistes en devenir. Puisque ma volonté est de m’occuper en priorité de ce qui va émerger, il m’a semblé plus que jamais nécessaire d’offrir un cadre de formation qui permette aux artistes de se faire une place dans la compétition internationale et leur donne la liberté d’être inventifs.

Je pense en particulier à l’agrément des formations dispensées dans les classes préparatoires publiques aux écoles d’art et à l’extension du régime de sécurité sociale des étudiants aux élèves qui suivent ces cursus. Nous réparons une injustice manifeste : il n’y avait aucune raison que ces étudiants soient traités différemment des autres. La créativité ne s’oppose pas à la justice sociale. Nous aurons là encore, je le sais au vu des amendements déposés, des discussions qui s’annoncent passionnantes sur la jeune création.

L’avenir passe aussi par la clarté. Vous avez beaucoup évoqué, cher Patrick Bloche, la question de la clarification des politiques culturelles. J’irai plus loin : je parlerai de transparence.

Transparence de nos ambitions, transparence de nos dispositifs – à commencer par les labels du spectacle vivant et des arts plastiques, enfin pourvus d’un cadre réglementaire.

Transparence, par conséquent, des relations entre l’État et les collectivités territoriales pour ce qui concerne la culture, compétence partagée par excellence.

Transparence aussi du statut des FRAC et renforcement de leurs missions ; protection de leurs collections, désormais reconnues par la loi.

Transparence encore des relations entre les artistes-interprètes et les producteurs, transparence entre les producteurs de musique et les plateformes, transparence entre tous les acteurs de la filière cinéma.

Transparence enfin, par la médiation, pour résoudre les conflits. Je constate par parenthèse que la création d’un médiateur de la musique ne fait pas consensus parmi les groupes. J’y vois la preuve d’une réelle avancée, comme l’a été la création du médiateur du livre.

La transparence offre de la visibilité pour l’avenir : chacun doit savoir où il est pour mieux savoir où il va. La transparence offre un environnement de travail sécurisé au monde de la création. Tout sera donc prêt et garanti pour accueillir sereinement les créations émergentes et faire en sorte que cette émergence soit conforme aux lois et aux principes de la République.

Je parle ici beaucoup d’avenir, de création, et vous vous interrogez peut-être sur la pertinence de lui avoir associé le patrimoine dans un même projet de loi. Le patrimoine, n’est-ce pas ce que nous voulons conserver du passé, comme un socle partagé, à sauvegarder, quand la création est projection ?

On peut toujours regarder le patrimoine avec l’œil du passé mais on peut aussi le regarder avec l’œil de l’avenir, comme vous l’avez fait dans votre propos liminaire, monsieur le rapporteur. Il faut alors poser une question : quel héritage voulons-nous léguer à nos enfants ?

Le patrimoine d’hier vit toujours sous la menace de disparaître demain. Nous le voyons aujourd’hui, à Palmyre en particulier – c’est l’exemple le plus dramatique que nous ayons sous les yeux, une perte irrémédiable pour l’humanité. Nous aurons l’occasion d’ailleurs de débattre des dispositions que je vous propose d’ajouter au projet de loi pour préserver les biens culturels menacés en cas de conflit et pour lutter contre le trafic d’objets et d’œuvres d’art.

La France n’est évidemment pas la Syrie, et elle n’est pas en guerre, fort heureusement. Pour autant, nous ne sommes jamais à l’abri de voir la protection du patrimoine s’affaiblir, sinon disparaître.

Voyez le patrimoine dispersé et démembré, ces monuments privés de leurs biens mobiliers ou vendus à la découpe. Nous gardons tous en mémoire l’exemple récent de la Villa Cavrois, qui a été rendue au public très récemment mais dont le mobilier avait disparu et qu’il a fallu racheter, restaurer et reconstituer pièce par pièce. Le protéger en amont aurait été plus efficace. C’est le sens de la disposition introduite dans le projet de loi pour protéger davantage les monuments, et qui institue une catégorie d’ensembles immobiliers, les domaines nationaux, dont la valeur historique est majeure.

Voyez encore le patrimoine menacé par la disparition ou l’atténuation de la politique des espaces protégés. Des quatre cents secteurs sauvegardés imaginés par Malraux, il n’en reste plus que cent cinq aujourd’hui. Ces derniers étaient même menacés d’extinction, du fait de l’obligation faite aux communes, dans une loi adoptée par la majorité précédente, de faire évoluer leur document de ZPPAUP avant juillet prochain sous peine de devoir renoncer à leur projet.

Lorsque les règles deviennent trop complexes, que les servitudes se superposent et que les procédures s’accumulent, lorsque le régime juridique de la protection devient incompréhensible pour nos concitoyens parce qu’il porte des noms ou des sigles abscons – les AVAP, les ZPPAUP – on s’en désintéresse, on s’en détourne, et on finit par y renoncer.

Que serait-il resté demain de la protection du patrimoine si nous n’avions fait le choix, aujourd’hui, de clarifier et de simplifier nos procédures ? Je suis sûre qu’elle se serait essoufflée. C’est tout le sens de la création des « cités historiques » qui est inscrite au projet de loi : elle donne une énergie nouvelle à cette politique des espaces protégés, sans diminuer pour autant le degré de protection ou l’accompagnement de l’État auprès des collectivités.

Inscrire la protection du patrimoine au cœur des plans locaux d’urbanisme n’équivaut pas à moins d’exigence de la part de l’État, mais à autant d’exigence, avec une procédure simplifiée pour tout le monde. Comme tout changement, cette refonte de la protection du patrimoine suscite des inquiétudes, notamment chez les maires, je ne l’ignore pas. Nous en débattrons, j’apporterai d’ailleurs des réponses ou des précisions et j’entendrai certaines de vos propositions d’amélioration.

Mais je n’hésiterai pas à dire qu’avec la création des cités historiques, cette loi est la plus grande loi relative au patrimoine depuis celle de 1962 instituant les secteurs sauvegardés. Et c’est une loi de gauche, proposée par un gouvernement de gauche, preuve s’il en est qu’on peut conserver le patrimoine sans être nécessairement conservateur !

Je sais que l’opposition, en évoquant le patrimoine, aime à utiliser le terme de « trésor ». Des trésors, il y en a encore à découvrir, et ce sont souvent des vestiges archéologiques. À qui appartiendront ceux qui seront découverts demain ? Aujourd’hui, rien n’est très clair ; là encore, les régimes se superposent. Demain, ils appartiendront à la nation. Les traces du passé deviendront réellement un bien commun. Demain aussi, la nation sera davantage encore garante de la qualité scientifique des fouilles archéologiques préventives, qui sont ouvertes à la concurrence depuis plus d’une dizaine d’années. La loi renforcera une politique qui fait notre fierté, quasiment unique au monde en la matière. C’est à l’avenir encore que l’on songe en repensant le rôle et la place de l’archéologie dans notre pays, comme nous le faisons aujourd’hui.

C’est à l’avenir du patrimoine enfin que l’on songe lorsqu’on parle d’architecture, et c’est là que le continuum entre patrimoine et création est le plus évident. Le patrimoine de demain se crée aujourd’hui. C’est d’ailleurs tout le sens du thème que j’ai souhaité donner à l’édition des Journées européennes du patrimoine, qui auront lieu le week-end prochain : « le patrimoine du XXIsiècle, une histoire d’avenir ». Où commence le patrimoine ? Quel âge faut-il avoir pour être patrimonial ? Cette question, vous le savez, n’est pas nouvelle. Nous y répondons en inscrivant dans la loi un label qui distinguera les constructions récentes, de moins de cent ans. Et nous nous y préparons pour l’avenir, en soutenant l’innovation en matière d’urbanisme : un projet qui se distinguerait par sa qualité architecturale pourrait déroger à certaines règles d’urbanisme, le rapporteur l’a décrit très précisément. Je sais que d’autres mesures seront proposées par voie d’amendement et je suis certaine, là encore, que nous aurons la possibilité d’enrichir le texte.

L’avenir, c’est enfin celui de nos concitoyens. C’est parce que nous sommes convaincus que les arts et la culture nous rendent plus libres qu’il faut continuer de les rendre encore plus accessibles à tous. C’est à cet objectif qu’il faut relier l’exception au droit d’auteur pour l’adaptation des œuvres aux personnes en situation de handicap, que nous proposons d’améliorer à l’article 12.

Mais je pense plus fondamentalement encore à la jeunesse, qui est la première des priorités de ce quinquennat, et à l’avenir que nous lui préparons. En la matière, les propositions pour enrichir le texte qui vous seront faites au cours de la discussion seront nombreuses. Dans cet avenir, il importe que l’art et la culture aient toute leur place : par l’éducation artistique et culturelle ; par l’accès à la formation musicale – en particulier dans des conservatoires qui veillent à la diversité des esthétiques et des pratiques ; par la pratique amateur, enfin, qui est pour beaucoup de nos concitoyens – et même beaucoup d’entre nous – l’une des façons de vivre l’art.

Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris : ce projet de loi est cohérent avec l’ensemble des projets et des dispositions de l’exécutif pour la culture depuis le début de ce quinquennat. Il s’agit d’un acte fondateur pour la culture pour le siècle qui vient, parce qu’il assure que les artistes aient bien une place dans la société de demain et que la culture soit toujours davantage accessible à tous.

La culture est l’une de nos plus grandes richesses et doit le demeurer. Je suis convaincue que beaucoup d’entre vous partagent cette ambition et que vous contribuerez à enrichir ce projet de loi.

M. Michel Ménard, président. Merci de cette intervention, madame la ministre. Rappeler l’exigence de liberté d’expression ou de création ne nuit jamais, chaque membre de notre commission a bien évidemment la liberté de s’exprimer lors de cette réunion, avec une exigence : respecter le temps imparti à chacun. Je vous rappelle nos règles : quatre minutes pour les représentants des groupes et deux minutes pour les orateurs suivants. Je souhaite que nous soyons respectueux de cette règle que nous avons fixée ensemble.

M. Michel Pouzol. Je suis très heureux de commencer ce matin l’examen du très attendu projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont j’ai l’honneur d’être le responsable pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen, épaulé par mes collègues Sophie Dessus pour la partie patrimoine, Martine Faure pour la partie archéologie – qui s’appuiera largement sur son excellent rapport sur le sujet – et Hervé Féron pour la partie création. Tous trois se sont largement investis sur ce projet de loi à mes côtés et à ceux de notre rapporteur et président de la commission, Patrick Bloche.

Ce texte très attendu est fortement soutenu par notre groupe, puisqu’il est l’aboutissement d’un travail global, mené conjointement par le Gouvernement et les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation depuis le début de ce quinquennat. Ce texte, ainsi que les amendements que nous proposerons au cours des débats, s’appuie sur le travail collectif que nous avons mené depuis trois ans et qui a été jalonné de plusieurs rapports, dont certaines propositions, sur lesquelles nous avons déjà travaillé en commission, se retrouvent dans le projet de loi.

Permettez-moi ainsi, outre le rapport de Martine Faure sur l’archéologie que j’ai déjà cité, de distinguer ici le rapport de nos collègues Jean-Patrick Gille sur la protection des métiers du spectacle et de la culture, et Marcel Rogemont sur la rémunération de la copie privée, et bien entendu ceux de Patrick Bloche sur la création architecturale et le dixième anniversaire de la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Une des forces du texte qui va nous occuper aujourd’hui est, vous l’aurez compris, qu’il aborde plusieurs thématiques qui ont été au cœur des travaux de cette commission. Il porte tant sur l’intermittence que sur des dispositions autour de la propriété littéraire et artistique, il reprend certaines thématiques abordées dans le cadre de nos discussions budgétaires et contient des articles traduisant les propositions des rapports sur la rémunération pour copie privée et la convention de l’Unesco que j’ai déjà évoquée, pour n’aborder que quelques-uns des larges sujets qu’il soulève.

Nous nous félicitons par ailleurs de pouvoir débattre de cette grande loi sur la culture dans un contexte plus favorable, puisque le budget alloué à la création nous permettra, dès l’année prochaine, d’accompagner la mise en œuvre des principes cardinaux édictés par celle-ci, si nos informations sont bonnes.

Dans le souci de ne pas dépasser le temps de parole qui m’est alloué, je laisserai mes excellents collègues aborder deux des grands sujets de cette loi, le patrimoine et l’architecture, pour concentrer mon intervention sur la création et la culture.

L’année 2015 sera donc celle de la culture, la culture comme vecteur d’émancipation, la culture au cœur du combat pour faire vivre les valeurs républicaines, pour donner aux jeunes, dès leur plus jeune âge, des clés de lecture pour comprendre un environnement et s’émanciper sans être soumis à des influences extérieures de plus en plus souvent liberticides.

C’est bien l’ambition de ce projet de loi qui, dès son premier article, donne un fondement juridique à la liberté de création artistique. La liberté de création devient une liberté publique au même titre que la liberté d’expression ou la liberté de la presse. À une époque où cette liberté de création est sans cesse remise en cause, où ressurgissent des formes de censure que nous pensions – un peu hâtivement – disparues, qu’il s’agisse de censure politique, morale, religieuse ou budgétaire, nous avons pour obligation de protéger les artistes contemporains et les auteurs et, plus encore, l’acte créatif d’où qu’il vienne.

Malheureusement, les exemples d’attaques contre la culture ne manquent pas et deviennent de plus en plus fréquents. S’il revient à l’État de garantir l’ordre public, la production artistique contemporaine doit pouvoir s’exprimer librement dans l’espace public, et vouloir lui interdire le bouleversement des sens ou des conventions, souvent au cœur de sa volonté émancipatrice, est tout simplement nier l’acte créatif.

Bien entendu, il nous reste encore des précisions à apporter au texte avant son examen en séance publique, le 28 septembre, mais nous allons y travailler. Je pense à tout ce qui concerne les pratiques amateurs, mais aussi à la diversité des publics, l’égal accès de toutes et tous, quelles que soient ses origines, sa culture, sa couleur de peau, sa religion et peut-être plus encore son origine sociale, à l’acte créatif mais aussi à la diffusion et à l’apprentissage des arts et de la culture, sans omettre l’éducation artistique mais aussi, c’est un point important, l’accès à la gestion des équipements culturels de nos territoires.

Permettez-moi, madame la ministre, de simplement regretter à ce stade que notre amendement concernant un élément essentiel de cette loi – la création d’un conseil national des arts visuels – ait été repoussé en vertu de l’article 40 de la Constitution. Mais qui sait, le Gouvernement aura peut-être l’occasion de le remettre en selle ?

Permettez-moi enfin, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, de vous féliciter, madame la ministre, pour votre travail sur ce projet de loi, pour votre détermination et votre obstination à voir ce texte aboutir. C’est avec un plaisir non dissimulé que nous nous apprêtons à en discuter dans cette commission et à le défendre, à vos côtés, pour continuer ensemble à faire rayonner la création culturelle à une époque qui en a de plus en plus besoin. Soyez assurée, madame la ministre, que le groupe Socialiste, républicain et citoyen sera à vos côtés une force de proposition et de conviction tout au long de ces débats.

M. François de Mazières. Si nous avons pu unanimement nous émouvoir des atteintes portées au patrimoine et à la création – je m’indignais il y a dix jours des dégradations nauséabondes commises contre les œuvres d’Anish Kapoor – il faut bien reconnaître que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui ne masquera pas le vide de la politique culturelle du quinquennat de François Hollande. Souvenons-nous de la tirade de Dom Juan dans la scène II de l’acte V : « l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus ».

Madame la ministre, même si je suis scandalisé par la bêtise de ces tags au contenu révoltant sur le désormais célèbre Dirty Corner, alias « vagin de la Reine », restons pour autant lucides : ce n’est pas Anish Kapoor, artiste mondialement connu, dont l’inauguration de l’exposition a donné lieu à une invitation des plus fastueuses pour sept cents couverts, et à qui l’on a autorisé par une dérogation totalement inédite à faire un important terrassement dans le parc, qui est aujourd’hui le plus menacé dans sa création.

La principale menace, dont nous devons nous préoccuper en notre qualité de législateur, est la fragilisation actuelle des mécanismes qui ont fait la renommée de notre culture. Regardons les choses en face : le dispositif d’enseignement culturel imaginé par Marcel Landowski est fragilisé par la suppression des financements de l’État. La décentralisation, qui avait permis l’explosion des pratiques culturelles, notamment à travers la multiplication des festivals, est en panne du fait des nouvelles contraintes financières qui pèsent sur les collectivités territoriales. Le mécénat, mis en place par la loi de 2003, est en régression du fait de la crise. Le soutien à la création française des auteurs et compositeurs est fragilisé par les nouvelles règles du marché de l’art imposé par la « culture-business » et les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon. Le modèle que constituait la protection du patrimoine en France est directement remis en cause par la baisse des crédits d’État et l’engorgement des services.

Avec Christian Kert, qui s’est particulièrement penché sur la question de la création, et nos collègues du groupe Les Républicains, je vous invite à vous interroger sur les vraies raisons d’une telle fragilité, aujourd’hui, de la création, du patrimoine et de l’architecture.

Commençons par dresser deux constats. Le premier : depuis 2012, la culture n’est pas une priorité pour le Gouvernement. Si le budget 2015 a été stabilisé, il n’en demeure pas moins qu’il entérine une chute libre des crédits. Sur ces trois derniers exercices, les moyens dévolus à la mission culture sont en baisse de 132 millions d’euros – soit 4,8 % – et l’effort budgétaire est très largement supporté par le programme « Patrimoine », dont les crédits sont en recul de 117 millions d’euros, soit 12,6 %.

Second constat : à défaut de moyens, ce projet de loi devrait être un projet de combat, un projet imaginatif. Or nous avons du mal à saisir l’unité et la vision d’ensemble de ce texte. En l’absence de ce souffle, nos auditions – et je voudrais en cette occasion féliciter notre rapporteur pour son impressionnant travail, auquel je me suis associé tant que faire se peut – se sont transformées en une succession de revendications professionnelles, certes intéressantes, mais donnant au final le sentiment d’une politique culturelle sans créativité, le sentiment d’une période régressive. Plus inquiétant encore : sur ces quarante-six articles, nombre sont inspirés d’une logique défensive de l’administration de votre ministère, comme si, conscient qu’il n’arrivait plus à faire face à toutes les charges qui lui incombent, il cherchait à construire des digues de protection.

Notre souci, au moment d’aborder cette discussion, sera de dégager de ce projet de loi les grands enjeux du moment pour la politique culturelle en France.

Le premier de ces enjeux est celui du devenir de notre culture. C’est au fond le sujet qui est abordé à travers l’affirmation de la liberté de la création. Mais permettez-moi de penser qu’il est traité ici de manière quelque peu régressive. Depuis 2012, votre majorité nous a appâtés avec une grande réflexion sur l’acte II de l’exception culturelle, faisant notamment suite au rapport Lescure. Le bouleversement introduit par internet, dont les principaux acteurs aspirent à la domination sans partage sur la culture, ravalée au rang de contenu et de données, remet en cause toutes les régulations culturelles qui font la spécificité du modèle français. Sur ces grandes questions, le texte n’apporte pas une vision d’ensemble. Votre ministère doit au contraire composer avec un texte sur le numérique qui fait peser une lourde menace sur le droit d’auteur. Nous vous ferons des propositions.

Le deuxième enjeu, c’est celui du présent, celui de la démocratisation. Je ne crois pas trahir l’ambition de votre gouvernement en ce domaine que tous les gouvernements, de droite ou de gauche, partagent depuis Malraux, et qui prend une valeur toute particulière aujourd’hui alors qu’un nombre croissant de Français reste en marge de la culture. Malraux, lors de l’inauguration de la maison de la culture de Bourges, exprimait déjà ses craintes devant une humanité investie par d’immenses puissances de fiction. Il ne connaissait pourtant pas internet, mais seulement la télévision. Et Malraux, avec l’incroyable puissance visionnaire qui était la sienne, prophétisait : « ces puissances de fiction sont aussi des puissances d’argent. Et ces puissances d’argent utiliseront ce qui est le plus puissant sur les rêves des hommes, le sexe et le sang ». « Nous sommes dans une civilisation qui est en train de devenir vulnérable » écrivait l’auteur de L’espoir. Et de conclure son exorde en invitant la France à reprendre sa mission : apporter à tous un contact avec la culture. Nous vous invitons donc à prendre des dispositions claires en faveur de l’enseignement artistique aujourd’hui menacé.

Troisième enjeu : celui de la valorisation de notre passé. Cette loi inquiète, tous les acteurs du patrimoine que nous avons rencontrés nous l’ont dit. Au fond, la loi de 1913, le socle, est une loi exceptionnelle. Aujourd’hui, le projet de loi qui nous est proposé fragilise ce socle et inquiète tous les acteurs du patrimoine.

Au final, madame la ministre, je pense qu’il s’agit d’une occasion ratée. Mais au sein du groupe Les Républicains, nous sommes là pour être constructifs et nous allons essayer de vous aider à faire de ce texte un texte important.

Mme Isabelle Attard. Au nom du groupe Écologiste, je suis ravie qu’au bout de trois ans, nous débattions enfin d’un grand projet de loi sur la culture dans cette commission. Ce long délai a naturellement créé beaucoup d’attentes chez nous, vous vous en doutez.

Pendant longtemps, la précédente ministre a invoqué le rapport Lescure – en cours – pour justifier l’absence d’une telle loi. Ce rapport est paru il y a deux ans et demi aujourd’hui. Le rapport Lescure n’était pas exempt de défauts, mais il soulevait de vraies questions. Il attirait l’attention sur les limites atteintes par le mécanisme de la copie privée face aux évolutions numériques ; il appelait à assouplir la chronologie des médias pour accélérer la mise à disposition des œuvres ; il envisageait la possibilité de mettre en place des régimes de gestion collective obligatoire pour les exploitations numériques des œuvres.

Ce rapport prenait aussi en compte la question des nouveaux usages et il comportait une série de mesures de rééquilibrage : la promotion de l’interopérabilité et le contrôle de la gestion des droits numériques (Digital Rights Management – DRM) ; le développement d’offres de ressources numériques en bibliothèques ; l’extension des exceptions au droit d’auteur, notamment en faveur des usages pédagogiques et de recherche ou des usages transformatifs, tels que mashup ou remix. Il proposait aussi une consécration positive du domaine public et l’utilisation des licences libres, notamment pour les œuvres subventionnées par de l’argent public. Nous souhaitons sincèrement que ces points soient ajoutés à cette loi. Certains de nos amendements vont dans ce sens, et nous en déposerons d’autres pour la séance.

En tant que chef de file du groupe Écologiste, je tiens cependant à vous faire part de nos regrets concernant le calendrier de ce projet de loi. Il est en effet difficile de préparer sereinement des amendements alors que les auditions du rapporteur ont eu lieu durant l’été, en dehors des sessions extraordinaires de juillet et septembre. Les articles sont nombreux, et traitent de manière technique de sujets très variés. Enfin, nous avons découvert hier de nombreux amendements du rapporteur et du Gouvernement. Nous espérons que la deuxième lecture nous permettra un travail beaucoup plus approfondi.

Votre projet, madame la ministre, consacre la liberté de création. C’est important. La créativité de nos compatriotes a une valeur inestimable. Certains l’ont très bien compris, et essaient de se l’accaparer, notamment par des contrats qui contournent les lois ou profitent de leurs angles morts liés à l’évolution technologique. Il est de notre devoir moral, éthique et philosophique de faire en sorte que les créateurs de demain aient accès à toute la création d’hier, sans contrainte. Nous sommes un pays connu grâce à ses artistes, quelle que soit la discipline. C’est pourquoi je vous proposerai une définition positive du domaine public. Si nous protégeons aujourd’hui le domaine public, nous offrirons demain au plus grand nombre un accès à toutes les œuvres qui fondent notre culture commune.

J’attends également de cette séance de commission une clarification de la situation de l’INRAP dans le secteur de l’archéologie préventive. Dans un contexte où d’autres opérateurs publics et privés se partagent un marché de plus en plus réduit, il est crucial d’éviter que le moins-disant financier sorte le plus souvent gagnant des appels d’offres, et que l’étape de post-fouilles soit trop régulièrement bâclée.

Un autre point majeur de ce projet de loi est l’intégration de l’appellation « Cité historique » aux plans locaux d’urbanisme. Certains maires, y compris socialistes, se sont sentis abandonnés face à la simplification annoncée des protections actuelles du patrimoine urbain avec l’appellation unique « Cité historique » et la gestion de cette appellation par le plan local d’urbanisme. Didier Herbillon, maire de Sedan, explique : « Je ne suis pas un ayatollah du patrimoine. Mais si les collectivités choisissent seules les régimes de protection de leur patrimoine, elles iront au moins contraignant. C’est le vrai souci de cette loi. La décision doit rester celle de l’État. »

Ne perdons pas de vue que les élus locaux sont en première ligne face aux pressions des habitants. Le système actuel garantit une vraie indépendance des responsables de la protection du patrimoine. Pascal Planchet, professeur de droit à l’université de Lyon, précise : « Dans la nouvelle loi, il n’y a pas assez de garde-fous pour éviter que les communes affaiblissent le degré de protection de leur patrimoine. »

Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence. Nous avons souvent vu des débats reportés à la séance dans l’attente d’une consultation du ministre concerné. Nous entamons une journée marathon, avec trois séances de commission prévues, pour débattre de quatre cent vingt-neuf amendements. Le temps que vous nous consacrez aujourd’hui sera une source précieuse d’efficacité.

M. Michel Piron. Si la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, selon le mot célèbre, je voudrais simplement vous rappeler, madame la ministre, que le patrimoine n’est heureusement ni de droite, ni de gauche.

Le texte qui nous est présenté sera-t-il un texte culturel mémorable ? On peut se poser la question, même s’il est vrai que les mesures présentées répondent à un certain nombre d’attentes. Son titre annonce des visées larges, voire superfétatoires à mes yeux s’agissant de l’article 1er – je dis bien superfétatoires, car la liberté n’est pas fille, mais mère de la loi. Et il me semble que c’est une erreur de la déduire d’une loi qui la présuppose.

Certes, madame la ministre, nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur votre ministère. Cependant, ces contraintes et le manque de moyens ne doivent pas empêcher d’être à la hauteur des défis auxquels fait face le monde de la culture.

Pour autant, nous pouvons nous retrouver sur certains sujets essentiels qui ne prêtent pas à polémique et qui, par là-même, rendent possible un débat de fond sur l’action de l’État. Ainsi, le projet de loi dont notre commission est aujourd’hui saisie poursuit un double objectif, puisqu’il doit permettre – ou plutôt faciliter – la liberté de création et assurer la protection du patrimoine.

Ce projet de loi affirme de grands principes auxquels chacun ne peut que souscrire : la liberté de la création artistique affirmée dès l’article 1er et les objectifs de l’action publique énoncés à l’article 2. L’égal accès des citoyens à la création artistique, le soutien aux artistes, la promotion de la circulation des œuvres, la lutte contre la précarité de l’activité artistique sont autant de mesures chères au groupe Union des démocrates et indépendants. Les récents événements doivent, en outre, être l’occasion pour la représentation nationale de réaffirmer les principes fondamentaux du service public de la culture.

Je tiens également à saluer plusieurs dispositions prévues dans le projet de loi, notamment en matière de valorisation et de protection du patrimoine. La simplification des régimes juridiques applicables est opportune, tout comme les dispositions de l’article 11 sur l’élargissement de l’accès à l’offre culturelle pour les personnes atteintes d’une ou plusieurs déficiences. Le renforcement des actions de labellisation devrait également permettre de mieux encadrer les procédures de sélection des projets artistiques à travers des critères harmonisés et transparents.

Pour autant, plusieurs interrogations restent en suspens.

Les différentes lois territoriales n’ont pas permis de clarifier les compétences entre les différents échelons, et entre les collectivités et l’État, et ce projet de loi ne résout pas cet enchevêtrement. À ce titre, je déposerai un amendement visant à inscrire dans la loi l’existence d’une commission dédiée aux compétences partagées que sont la culture, le tourisme et le sport au sein des conférences territoriales de l’action publiques (CTAP). L’existence d’une telle commission permettra peut-être de rationaliser l’exercice des compétences partagées.

L’organisation des compétences entre l’État et les collectivités en matière de décentralisation des enseignements artistiques doit également être actée. Plus de dix ans après les lois de décentralisation, la cohérence territoriale de l’offre de formation n’est toujours pas assurée. Les régions doivent pourtant assumer ce rôle de chef de file et les missions des conservatoires doivent être valorisées. Je regrette d’ailleurs que, dans ce texte, l’articulation entre les pratiques amateurs et professionnelles ne soit pas mieux organisée. Au cours des débats, nous soutiendrons les propositions de mon collègue François de Mazières sur ce sujet, défendues parallèlement au Sénat par la présidente Catherine Morin-Desailly.

La discussion de ce projet de loi sera également l’occasion d’examiner sous forme d’amendement une disposition que j’avais présentée il y a quelque temps sous forme de proposition de loi : la possibilité pour les associations qui ont pour vocation la protection du patrimoine culturel de se constituer partie civile. À bien des égards, la prise en compte de ces associations permettrait de lutter plus efficacement contre les vols et trafics de biens culturels en élargissant les possibilités de recourir à la justice.

Enfin, j’ajouterai qu’il convient d’être particulièrement sobre et vigilant en cette période d’inflation législative. L’harmonisation des procédures ou l’allégement des structures ne doit pas se faire au détriment de la simplification. Il ne faudrait pas, particulièrement dans le domaine de l’architecture et de la protection du patrimoine, alourdir des procédures déjà complexes et allonger la prise de décision, fût-ce au prix de l’harmonisation.

Mme Gilda Hobert. Voici enfin venu le temps d’examiner le projet de loi tant attendu relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Je voudrais d’abord vous remercier, madame la ministre, de votre présence, de votre investissement, de votre ambition, et remercier aussi le rapporteur, qui a relevé le défi en présentant brillamment ce conséquent projet de loi.

Le temps imparti ne permettra pas d’évoquer tous les points positifs qui jalonnent ce projet de loi, qui s’est concrétisé dans un terme assez long et a subi des variantes depuis sa naissance. S’il se présente avant tout comme le garant de la volonté manifeste de notre gouvernement de promouvoir, protéger, soutenir et armer des domaines aussi divers que la création, l’architecture et le patrimoine ; il comporte un nombre impressionnant de dispositifs divers, rassemblés au sein d’un même texte, qui appellent notre vigilance. Nous devrons en effet, au cours de notre étude, veiller à ne pas nous perdre dans des méandres qui conduiraient à délaisser certains aspects, les renvoyant à des décrets ultérieurs.

Mais il faut le dire, ce projet de loi apporte de réelles avancées pour le monde culturel. En termes de reconnaissance de la liberté de création d’abord, et ce dès son article 1er. Ce texte consacre de manière législative, comme l’a souligné Mme la ministre, le principe de la liberté de création artistique, fondement de la liberté d’expression et de notre démocratie. Il n’apparaissait en effet toujours pas dans le droit français, ce sera bientôt chose faite et nous ne pouvons que nous en féliciter.

J’aimerais aussi saluer la réaffirmation des objectifs de soutien aux acteurs de la création artistique figurant à l’article 2, et notamment dans un cadre d’éducation artistique et populaire. Il serait d’ailleurs juste à ce propos d’aller plus loin et de prendre en compte ces temps de transmission artistique dans le calcul horaire de l’intermittence. Le rôle d’artiste, qu’il s’agisse de spectacle vivant ou d’art pictural, comprend souvent les deux facettes : création-réalisation et pédagogie. Le public est son objectif unique dans ce qu’il représente d’engagement mutuel : artiste-public. Quoi qu’il en soit, les treize points énoncés, qui marquent la volonté de protéger la création et la production artistiques, semblent, comme on a pu l’entendre, une liste de bonnes intentions. Pourtant, à ces volontés exprimées, l’encadrement législatif s’avérait nécessaire. La loi viendra heureusement conforter ce qui, il faut bien le dire et le saluer, se pratique de fait sur nos territoires.

Une autre avancée notable présente dans ce projet de loi est la prise en considération des arts du cirque et de la marionnette à l’article 14. Il était urgent de corriger ce qui s’apparentait à une réelle injustice pour ces acteurs qui, par les moyens d’expression qui leur sont propres, participent à la diversité et à la richesse de notre patrimoine culturel.

Un bon point encore : les conditions d’emploi des artistes du spectacle vivant ont été clarifiées à l’article 15, selon que leur engagement correspond à une mission permanente ou ponctuelle.

Concernant le domaine musical, l’article 17 instaure une nouveauté, celle d’un médiateur de la musique, nommé par le ministre de la culture, comme cela existe déjà dans le milieu cinématographique. Si notre groupe n’a aucune opposition au premier abord sur ce dispositif, il est nécessaire à mon avis d’en clarifier le rôle et de mieux encadrer les conditions de son exercice, qui restent encore un peu floues. Je défendrai des amendements allant dans ce sens.

Mais ce projet de loi ne saurait être abouti sans que soient pris en compte les derniers bouleversements que connaît le milieu culturel au travers du numérique et des nouvelles technologies. S’il est clair que ce texte n’a pas vocation à s’attaquer encore au vaste et inévitable chantier qu’est l’adaptation culturelle à l’ère du numérique, comme le préconisait pourtant le rapport Lescure, quelques avancées en termes d’accès dématérialisé demeurent positives. Néanmoins, la dématérialisation, par ce qu’elle apporte en termes de démocratisation culturelle, ne doit pas pour autant contrevenir aux droits des créateurs en matière d’exploitation physique. Un amendement est prévu sur ce point.

Enfin, autres versants très conséquents de ce projet de loi : l’architecture et le patrimoine. Je ne m’étendrai pas sur ces sujets qui font l’objet d’amendements. En quelques mots, dans le domaine du patrimoine, une meilleure visibilité et des règles de fonctionnement simplifiées sont souvent souhaitées par les professionnels. Ils ont été entendus.

D’autre part, le dispositif « Cités historiques » – qui comprendrait un plan de sauvegarde et de mise en valeur sur tout ou partie du périmètre sauvegardé, le reste étant couvert par un PLU comportant des dispositions sur le patrimoine – sera-t-il approprié à certains quartiers ? Même si des évolutions sont prévues, notamment une compétence décentralisée transférée aux EPCI, ce dispositif inquiète certains élus.

Je regrette que la reconnaissance du patrimoine immatériel n’ait pas été retenue dans la version finale de ce texte alors qu’elle apparaissait dans l’avant-projet de loi. J’y reviendrai lors de la présentation d’un amendement. Évidemment, nous reparlerons également de l’archéologie préventive.

Voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur ce projet de loi. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra ce texte pour l’élan positif qu’il amène aux champs de la création, de l’architecture, et du patrimoine, tout en restant vigilant.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, je partage l’avis que vient d’exprimer M. le rapporteur : l’examen de ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est un moment important de notre travail parlementaire. Il y avait beaucoup d’attente pour une grande loi d’orientation et de programmation sur la culture. Cette attente est justifiée, car il y a urgence. On parle parfois de l’urgence à légiférer sur les questions économiques, sociales, ou de sécurité. Mais je crois que vu l’état de nos sociétés, il était urgent de légiférer sur la création artistique, car comme il est très bien écrit dans l’exposé des motifs, la culture rend possible l’émancipation individuelle et la citoyenneté dont nous avons tant besoin en ce moment.

Cette idée est soutenue par l’article 1er, qui prévoit : « La création artistique est libre. » Cet article n’est pas une disposition supplémentaire qui n’aurait pas force de loi. Il est extrêmement important, dans le contexte que nous connaissons, de réaffirmer la liberté de création face à toutes les pressions, au plan international mais aussi ici, dans notre pays. Nul n’ignore les actes commis à l’encontre de certaines troupes de théâtre, certaines expressions ou œuvres d’art ces derniers temps.

Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré votre enthousiasme, je n’irai peut-être pas jusque-là. Bien sûr, je me félicite que l’on précise, dans l’article 2, l’objectif des politiques publiques. Il y a des avancées, comme l’Observatoire de la création et de la diversité culturelle, le médiateur de la musique, l’accès à la culture des personnes handicapées, les cités historiques pour le patrimoine, l’entrée des artistes de cirque et des marionnettistes dans la liste des artistes de spectacle, et d’autres dispositions encore.

Mais des pans entiers ne sont pas traités, ou demandent, comme vous l’avez-vous-même souligné, à être améliorés. Je pense bien sûr aux pratiques amateurs, à la question des archives, à l’éducation artistique tout au long de la scolarité et pas simplement dans l’enseignement supérieur. Je pense également à l’architecture, au sujet de laquelle vous avez présenté des amendements, puisque cette partie est particulièrement faible.

Nous restons vraiment au milieu du gué dans la remise en cause de la loi libérale de 2003 concernant l’archéologie préventive. Et l’excellent rapport de notre collègue Martine Faure a montré l’urgence d’agir en ce domaine.

Surtout, l’affirmation très forte : « La création artistique est libre » ne trouve pas les assises nécessaires dans la loi. Il faut enrichir ce projet sur la pérennité et le développement du service public des arts et de la culture, indispensable pour assurer cette liberté de création. Nous savons bien qu’elle ne peut pas s’épanouir dans un monde où ne règnent que la concurrence et les choix libéraux.

Les députés du Front de gauche seront donc amenés à présenter des amendements permettant d’inscrire dans la loi la résolution, adoptée il y a deux ans, sur l’exception culturelle qui rappelait que les biens et les services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres.

Nous défendrons d’autres amendements garantissant le développement des politiques publiques sur l’ensemble du territoire. Je partage le souci de préciser les moyens d’assurer l’équité territoriale afin d’éviter que des zones entières soient privées de politiques culturelles.

Nos amendements porteront aussi sur les pratiques amateurs, sur les statuts des artistes, salariés ou non – à cet égard, je regrette que plusieurs amendements aient été déclarés irrecevables – et sur l’archéologie préventive, d’autant que les attaques des entrepreneurs privés dans ce domaine sont particulièrement inquiétantes.

Ces amendements s’inscrivent dans une démarche constructive. Je souhaite en effet que le travail parlementaire permette de faire de ce projet de loi une loi marquante de la législature.

M. Hervé Féron. Ce projet de loi prend aujourd’hui une résonance toute particulière. Madame la ministre, j’ai récemment eu l’occasion de vous interroger sur le Yémen, ancien pays de la reine de Saba, dont trois sites architecturaux figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Le Yémen, qui est actuellement la cible des bombardements de l’Arabie Saoudite, voit son patrimoine artistique et culturel mis en pièces. Il est absolument nécessaire que la communauté internationale intervienne aussi pour protéger ce patrimoine car, avec l’effacement de sa mémoire, c’est tout un peuple qu’on assassine.

Je fais allusion au Yémen car, avec ce projet de loi, les liens entre patrimoine et création sont évidents. En effet, la création artistique d’aujourd’hui constitue le patrimoine culturel de demain qu’il nous appartient de protéger. Je me réjouis donc que ce texte grave dans le marbre de la loi le principe de la liberté de création. L’art, par nature, interroge, il fait réfléchir, il peut choquer, provoquer le débat, mais rien ne justifie, en aucune manière, l’agression d’une œuvre ou de son auteur. C’est un sujet qui malheureusement ne nous est pas étranger, comme en témoignent les actes de vandalisme récents contre les œuvres d’Anish Kapoor à Versailles ou encore de Paul McCarthy Place Vendôme. « La création artistique est libre », c’est ce que ce projet de loi entend garantir.

Dans le domaine de la création, nous avons prêté une attention toute particulière aux débats relatifs au partage de la valeur. Aujourd’hui, les artistes-interprètes s’estiment lésés dans la répartition des revenus tirés de la musique en ligne. Depuis des années, on observe une tendance à la paupérisation de cette catégorie d’artistes que rien ne semble enrayer. À cet égard, les propositions des sociétés de perception telles que la SPEDIDAM et l’ADAMI, qui défendent les droits des artistes-interprètes, méritent d’être entendues. Je forme le vœu que les députés puissent faire des propositions équilibrées, si jamais la mission de médiation confiée à Marc Schwartz venait à échouer.

Je salue l’excellent travail de notre rapporteur. Madame la ministre, depuis votre arrivée, vous êtes sur tous les fronts : sanctuarisation du régime de l’intermittence, soutien au pluralisme des médias, développement de l’éducation artistique et culturelle, inscription de la culture au cœur des territoires, et maintenant le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ; ce texte adresse un signal d’ambition au monde de la création et écrit le droit du patrimoine pour les vingt prochaines années. Vous pouvez compter sur le travail de proposition et le soutien du groupe Socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annie Genevard. Il est toujours périlleux de retarder la production d’un événement, plusieurs fois annoncé et plusieurs fois reporté, car on crée une attente et on aiguise la vigilance. Comme au théâtre, les péripéties ont été nombreuses et l’attente prolongée à son maximum puisque cette loi arrive, in extremis, dans la dernière ligne droite du quinquennat.

Le texte est, pour reprendre les termes du très averti président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, « étrange », mélangeant création et patrimoine, qui à l’origine devaient faire l’objet de deux lois distinctes.

Étrange, car il mêle des dispositions très techniques et des déclarations de principe comme celle qui consacre la liberté de création. On a sur ce point le sentiment que vous surfez sur l’actualité dont vous avez sans doute pensé qu’elle servait opportunément votre propos, des attentats de janvier jusqu’aux dégradations scandaleuses de la sculpture de Kapoor – ces dernières relèvent davantage de l’antisémitisme le plus honteux et s’attaquent moins à la liberté de création qu’à la liberté de diffusion.

Étrange car il passe sous silence un certain nombre de sujets sur lesquels nous reviendrons sans doute en séance ou à la faveur de l’étude des amendements : rien sur les territoires, la diffusion, les pratiques amateurs, ou encore l’enseignement artistique…

Par ailleurs, ce texte modifie profondément les règles d’urbanisme en fondant deux dispositifs de protection – secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – en un seul – les cités historiques –, suscitant chez les élus locaux la crainte de voir affaibli le niveau de protection architecturale. En outre, vous redistribuez substantiellement les responsabilités entre l’État et les collectivités locales ainsi qu’entre les collectivités elles-mêmes. L’inquiétude s’exprime également face au rétrécissement du périmètre légal de protection. Il faut bien comprendre que mon propos ne traduit pas une défiance à l’égard des élus locaux qui seraient inaptes à protéger eux-mêmes leur patrimoine mais la crainte qu’ils ne soient exposés directement à des pressions dont ils étaient jusqu’alors protégés par les outils existants.

On sait ce que l’on perd : les secteurs sauvegardés avaient fait leurs preuves et su s’adapter aux évolutions urbaines. Les ZPPAUP et les AVAP avaient fini par rencontrer un vif succès ; leur abandon risque d’en briser l’élan.

Ces changements qui s’ajoutent à tant d’autres inquiètent les élus locaux déjà bien fragilisés par l’inflation normative, la baisse des dotations – qui n’est pas sans effet sur l’évolution des politiques et des pratiques culturelles en France –, et les réformes territoriales.

Il est curieux qu’une loi culturelle, la seule du quinquennat, mette l’accent aussi fortement sur une évolution normative dont la vertu de simplification administrative ne saute pas aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire.

Beaucoup vous l’ont dit, cette loi déçoit, à cause de son manque d’ambition et de son caractère fourre-tout. L’accueil est bien mitigé pour une loi qui est loin d’être le grand marqueur culturel de gauche du quinquennat que vous ambitionnez.

Mme Sophie Dessus. Ce n’est pas un hasard si des terroristes, comme ceux de Daech, détruisent des cités antiques comme Palmyre ou le musée de Mossoul et s’acharnent sur le patrimoine afin d’effacer toute trace de civilisation, et cela, avec le même acharnement méthodique dont ils font preuve pour assassiner femmes et enfants.

Ils le font parce qu’ils savent qu’en détruisant les racines de la culture, ils anéantissent l’âme des hommes et ruinent leurs espérances. Ils le font parce qu’ils savent que la culture ouvre vers d’autres horizons mentaux. Ils le font parce qu’ils savent que sans mémoire, il n’y a plus d’histoire, et que, sans histoire, il n’y a plus d’avenir. Détruire le patrimoine leur permet d’annihiler la création.

La force de ce projet de loi est justement de regrouper dans un même texte patrimoine et création afin de les rendre indissociables aux yeux de tous les citoyens.

S’agissant de la protection du patrimoine, il est nécessaire que le texte à la fois protège ce patrimoine et en fasse la promotion tout en simplifiant les règles d’urbanisme. Il en va ainsi du nouveau classement « cités historiques », dont la notion pourrait être renforcée pour inclure les dimensions paysagères et environnementales. Il faut également sans doute maintenir une implication forte de l’État pour garantir l’avenir du patrimoine. Je tiens également à souligner l’intégration d’un volet patrimonial dans les plans locaux d’urbanisme, la création d’un label spécifique pour le patrimoine architectural du XXème siècle, patrimoine particulièrement fragile face aux normes environnementales, ainsi que la reconnaissance législative du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Une dérogation aux règles d’urbanisme est prévue pour favoriser la création architecturale. Cela sera-t-il suffisant si demain nous arrive au détour d’un chemin un nouveau Ferdinand Cheval, plus connu sous le nom de Facteur Cheval ? Ma naïveté est aussi grande que le fut son art : l’époque n’est sans doute plus à la construction de monuments uniques au monde, nés de l’obstination d’un homme. Nous sommes dans un monde plus standardisé dans lequel l’économie prend bien souvent le pas sur la création.

Enfin, ce texte ne peut pas passer sous silence le patrimoine culturel immatériel, à commencer par notre langue, matrice de notre culture et véhicule de notre mémoire, mais aussi les métiers d’art, leur savoir-faire et leur transmission.

L’objectif du texte est de favoriser une création qui doit devenir le patrimoine de demain pour que l’image de la France demeure celle de l’excellence et celle d’un pays dans lequel nos valeurs et les droits de l’homme ne font qu’un grâce à la liberté de création.

M. Christian Kert. Nous n’avons pas encore le sentiment d’assister à l’écriture d’un texte historique ; peut-être le travail parlementaire permettra-t-il de changer la donne…

Comme nos collègues du groupe socialiste, le groupe Les Républicains a désigné des députés spécialisés sur les différents sujets abordés par ce projet de loi.

En dépit de bonnes intentions, madame la ministre, alors que vous nous annoncez depuis trois ans un grand texte sur la culture, nous devons nous contenter d’un texte déclaratif, qui manque de souffle – peut-être nos travaux lui en donneront-ils…

J’approuve votre message d’alerte sur les dangers que représente l’attitude de certaines collectivités locales qui cherchent à mettre au pas des artistes en les obligeant à accomplir des missions qu’ils ne sont pas habilités à conduire. Nous devons être vigilants si de tels agissements devaient se reproduire.

Je souhaite vous adresser trois remarques. D’abord, l’audiovisuel, tant la création que la production, est absent de votre texte. Cela correspond-il à un choix de votre part ? Doit-on attendre un autre texte ?

Ensuite, vous faites de la création d’un médiateur de la musique l’une des mesures phare de votre projet de loi. Or, il ne vous a pas échappé que cette mesure suscite de nombreuses oppositions. Les acteurs du secteur de la musique la contestent au motif qu’elle est inadaptée à la dimension internationale des accords avec les plateformes de musique en ligne dont nous connaissons l’importance de l’audience. Soutiendrez-vous ou accepterez-vous des amendements sur ce sujet ?

Enfin, ne craignez-vous pas que la baisse des dotations des collectivités territoriales ne transforme en risques pour elles votre volonté de renforcer leurs responsabilités en matière de protection du patrimoine ? Je crains que les collectivités territoriales ne puissent pas suivre.

Mme Martine Faure. J’avais eu l’imprudence d’accepter la mission relative à l’archéologie préventive que vous m’aviez confiée mais aujourd’hui, je suis à la fois rassurée et confortée, car le projet de loi reprend, dans son article 20, un certain nombre de préconisations de mon rapport qui poursuivent un objectif clair et partagé : mobiliser l’ensemble des acteurs du dispositif de l’archéologie préventive et ce, dans le cadre d’une politique publique concertée, clarifiée et équilibrée.

Je me réjouis que nous puissions une nouvelle fois évoquer ce sujet si important. L’archéologie préventive, qui fascine autant qu’elle peut effrayer, c’est le repérage, la fouille, l’étude, la valorisation du patrimoine archéologique, le concours à l’enseignement, l’exploitation et la diffusion de l’information auprès de la communauté scientifique mais aussi du grand public pour la connaissance de l’histoire de l’humanité. Elle fournit les clefs pour la compréhension du présent et de l’évolution de notre cadre de vie et participe activement aux politiques d’urbanisme.

Le projet de loi clarifie le rôle de chacun des acteurs, redéfinit les responsabilités dans la chaîne opératoire archéologique et consolide les prérogatives de l’État. Il permet à l’État d’exercer pleinement le contrôle scientifique et technique des opérations de fouilles afin d’assurer la qualité scientifique des interventions.

Nous vous présenterons cinq amendements relatifs notamment au renforcement de l’agrément, à la régulation économique et à la maîtrise d’ouvrage scientifique, au contrôle des projets scientifiques d’intervention, à la révision des délais de caducité-défaillance et à l’affirmation du monopole de l’Institut national de recherches archéologiques préventive sur les recherches sous-marines. Ces amendements visent à améliorer et à garantir le savoir-faire scientifique ainsi que le respect des normes économiques et sociales.

C’est pour remédier au fléau de la concurrence dite déloyale dénoncée par l’ensemble des acteurs qu’une commission de régulation devra examiner la situation concurrentielle du marché des fouilles et veiller à l’exercice d’une concurrence loyale.

Madame la ministre, je tiens à saluer votre volonté de redonner une place pleine et entière aux collectivités territoriales et aux agents de leurs services archéologiques pour la valorisation de toutes leurs productions. Je voudrais également souligner votre engagement pour la rebudgétisation de la redevance d’archéologie préventive ; cette mesure et celles qui suivront devraient assainir les finances qui constituent également un frein à la bonne santé de l’archéologie préventive.

La loi s’adressant à tous les acteurs et à tous les publics, il est évident qu’elle ne peut satisfaire pleinement toutes les exigences individuelles et elles sont nombreuses. Mais l’article 20 du projet de loi et les travaux qui suivront permettront d’apporter des réponses aux inquiétudes exprimées par l’ensemble des acteurs de l’archéologie préventive. Merci, madame la ministre, pour votre disponibilité et votre engagement.

M. Franck Riester. Le terme « attendu » n’est pas usurpé pour ce projet de loi.

En matière de culture et de communication depuis trois ans, à l’exception d’un pseudo et minuscule projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel et de baisses de dotations drastiques, nous n’avons rien vu de l’action de ce Gouvernement. Cette baisse des dotations est sans doute très révélatrice de ce qu’est la nouvelle politique de la culture de gauche.

Mes collègues l’ont très bien rappelé précédemment, ce projet de loi n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Certes, il comporte quelques bonnes dispositions, nous y reviendrons dans la discussion des articles. Mais il s’agit d’un texte fourre-tout, rédigé dans la précipitation parce qu’il fallait une loi sur la culture. Preuve de cette précipitation, la qualité de la préparation de nos débats d’aujourd’hui : malgré le talent de notre rapporteur, comment expliquer qu’un projet de loi que vous qualifiez d’historique a été présenté au Parlement après la fin de la session extraordinaire ? Quant aux auditions, elles se sont déroulées entre la fin juillet et la fin août. De qui se moque-t-on ? Comment dans ces conditions faire un travail de fond en entendant l’ensemble des acteurs et en prenant le temps de réaliser des études d’impact – alors que vous proposez des dispositions, les plus mauvaises d’entre elles, qui risquent d’affecter l’équilibre économique de ces secteurs ?

Nous présenterons des amendements pour tenter de corriger les plus grosses bévues et les plus grands oublis de ce texte. Mais le texte n’est pas à la hauteur de ce qu’un parlement comme le nôtre est en droit d’attendre. J’ose espérer que nous ne verrons pas surgir d’autres amendements gouvernementaux avant la fin de la discussion parlementaire. Nous avons reçu hier des amendements du Gouvernement sur lesquels nous n’avons évidemment pas pu consulter les acteurs du secteur : c’est irresponsable !

Mme Marie-Odile Bouillé. Merci pour cette présentation précise et détaillée de cette loi que nous attendions tous. Voilà une belle rentrée parlementaire puisqu’elle ouvre sur la loi concernant la création, l’architecture et le patrimoine.

Nous affirmons par ce texte le principe de la liberté de création. « La création artistique est libre » : ce sont les premiers mots du premier article.

Je voudrais souligner ici que la liberté de diffusion, seule, n’est pas inscrite dans cette loi mais j’y vois malgré tout un soutien à celle-ci. L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de consacrer « la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression ». En complément, l’article 2 propose d’affirmer « la liberté de programmation artistique ».

Permettez-moi d’évoquer ici un article d’Agnès Tricoire, déléguée de l’observatoire de la liberté de création, qui pose la question : n’avons-nous pas depuis quelques mois une atteinte de plus en plus forte à cette liberté ? Assassiner des caricaturistes, casser une œuvre, interrompre une pièce, venir prier sur la scène, dégonfler le « Tree » de McCarthy et enfin dégrader deux fois l’œuvre d’Anish Kapoor... Toutes ces atteintes à la liberté de diffusion et de fait à la création sont intolérables.

En inscrivant dans la loi la liberté de création, nous affirmons notre attachement aux valeurs républicaines de liberté, de tolérance et de vivre ensemble.

Vous connaissez mon attachement à l’éducation artistique et culturelle. Je reste convaincue que c’est par l’éducation dès le plus jeune âge et tout au long de la vie scolaire que nous pourrons faire vivre cette « société démocratique et républicaine dans laquelle chacun doit pouvoir librement accéder aux œuvres, les juger et en débattre ».

M. Paul Molac. À nos collègues de l’opposition, je veux dire que le cheminement du projet de loi s’est certes accéléré mais nous ne l’avons pas découvert. Pour preuve, j’ai été saisi par les acteurs de terrain sur trois points précis.

En matière de secteurs protégés, les communes appelées à devenir des petites cités de caractère s’inquiètent des possibles changements administratifs et réglementaires et du surcroît de travail qui risque de les accompagner pour lesquels elles manquent d’ingénierie. Le rapporteur a annoncé qu’il proposerait une solution pour résoudre le problème. Nous verrons donc ce qu’il en est à l’issue de la première lecture.

Quant aux pratiques amateurs, elles participent à l’expression culturelle mais elles créent aussi du lien social. Nous déposerons des amendements sur ces pratiques qui ont contribué à la vitalité du secteur de la culture pendant des années. J’invite le Gouvernement à être particulièrement ouvert sur ce sujet. Je pense à tous ces groupes, bagadoù, fanfares, théâtres. Nous parlons de culture très populaire. C’est notre culture à nous, gens de la campagne, mais aussi cette culture qui existait dans les villes et les quartiers autrefois et qui fabrique du tissu social.

M. Stéphane Travert. Je tiens à saluer la qualité du travail du rapporteur et l’importance de ce projet de loi. Celui-ci affiche deux priorités : affirmer et garantir la liberté de création et moderniser la protection du patrimoine. Nul n’est besoin de rappeler que ce texte est très attendu.

La libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles sont reconnues par l’article 1er du texte de loi. Cette disposition tire sa force du principe constitutionnel de la liberté d’expression. L’énoncé de cette liberté de création était jusqu’à présent dispersé dans divers textes de portée juridique différente, particulièrement pour le spectacle vivant et les arts plastiques. Il était donc essentiel, alors que l’environnement de la création connaît des mutations sans précédent, de réaffirmer l’engagement de l’État en faveur de la liberté de création artistique.

En outre, en consacrant le principe de liberté de création et d’actions concertées de toutes les collectivités publiques en faveur de celle-ci, nous nous prémunissons contre les agissements des obscurantistes, prêts, par exemple, à repeindre des œuvres d’art de la couleur de leur choix. Nous mettons ainsi la culture à l’abri de choix de pure opportunité politique en fixant pour la première fois dans la loi un cadre précis.

Sur ce point, je trouve pertinent que l’article 2 poursuive clairement l’objectif d’améliorer la cohérence des politiques culturelles poursuivies par l’État et les différents échelons territoriaux. Il est indiqué que « l’État, les collectivités et leurs groupements définissent et mettent en œuvre une politique en faveur de la création artistique ».

J’avais plaidé, en tant que rapporteur pour avis de notre commission, avec certains d’entre vous, en faveur de la création d’une conférence territoriale de l’action publique autour des enjeux culturels lors des lois MAPTAM et NOTRe. Notre rapporteur propose aujourd’hui, après l’avoir brillamment défendu dans la loi NOTRe, de réintroduire cette possibilité à l’alinéa 13 de l’article 2 et je tiens particulièrement à soutenir cette démarche.

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, quelle étrange façon de présenter votre projet de loi que de prétendre qu’il est un marqueur important du quinquennat !

Au risque de vous décevoir, madame la ministre, le marqueur du quinquennat en matière culturelle n’est certainement pas hélas ce projet de loi si longtemps annoncé et toujours reporté mais la saignée historique des crédits de la culture, inédite depuis 1958. Le Premier ministre lui-même a reconnu cette erreur. J’ai constaté que la repentance est à la mode, y compris au plus haut sommet de l’État. Mais la repentance n’efface pas la faute irréparable qui a été commise vis-à-vis des acteurs de la culture dès le début du quinquennat.

Quelle étrange manière de présenter ce projet que de revendiquer une loi de gauche ! Mais, madame la ministre, la protection du patrimoine, la culture, l’architecture, la défense des artistes – y compris contre les exactions qui sont commises et que vous avez eu raison de condamner – ne sont pas l’apanage de la gauche, elles appartiennent à l’ensemble de la communauté nationale et à l’ensemble des députés qui siègent dans cette commission. Vous êtes dans l’incantation. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’écart entre vos pétitions de principe et la réalité des crédits.

Nous éprouvons une grande déception, partagée sur d’autres bancs, à l’égard de cette loi fourre-tout. Face aux enjeux considérables, vous auriez pu nous rassembler. Ce n’est malheureusement pas le cas.

En outre, je regrette vivement la méthode que vous avez utilisée. Le président Patrick Bloche n’est pas en cause. Mais présenter un projet de loi qui doit être un marqueur du quinquennat après la fin de la session extraordinaire, obliger à organiser des auditions, non pas la nuit l’été – comme l’on disait de la présence de la culture dans l’audiovisuel autrefois –, mais bien au cœur de l’été, ces conditions de travail ne sont pas à la hauteur de ce que pourrait être le texte.

Enfin, deux sujets suscitent de grandes inquiétudes : le médiateur de la musique qui ne paraît pas correspondre à l’évolution du marché de plus en plus international, ainsi que l’articulation entre le rôle de l’État et celui des collectivités locales en matière de protection du patrimoine. Je le répète, le véritable marqueur de ce quinquennat est la baisse drastique des dotations aux collectivités locales.

Nous savons que la culture est devenue et restera une variable d’ajustement du fait de la baisse des dotations.

Mme Colette Langlade. Le contenu de ce projet de loi est une réponse concrète aux multiples travaux de la commission et des parlementaires depuis de nombreux mois sur le thème de l’archéologie. Ainsi, je me réjouis que plusieurs dispositions proposées dans différents rapports d’information parlementaires fassent l’objet, grâce à ce texte, d’une transcription dans la loi.

J’avais eu l’occasion de l’évoquer en mai dernier lors de la discussion sur le rapport de Martine Faure, le conseil départemental de Dordogne mène depuis 2002 de nombreuses opérations d’archéologie sur le territoire du Périgord. Ces opérations ont notamment permis de découvrir un ancien chenal de la Dordogne fréquenté durant la période néolithique, en 2011, ou des occupations datant de l’époque paléolithique dans la région de Bergerac.

Ainsi, ce texte suscite beaucoup d’espoir auprès du personnel du service départemental de l’archéologie, dans la mesure où il permet d’offrir une reconnaissance législative aux actions réalisées par les collectivités territoriales en matière d’exploitation scientifique et archéologique à l’heure où celles-ci sont confrontées, dans l’exercice de cette mission, à la concurrence toujours plus vive d’entreprises privées qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations. Je salue donc le fait qu’un amendement présenté par le Gouvernement fasse de cette reconnaissance du travail de recherche entrepris par les collectivités territoriales une réalité.

À cet égard, je souhaiterais connaître le sentiment du rapporteur, sur les moyens de renforcer cette mission des collectivités et de simplifier les procédures administratives dont ces recherches sont l’objet.

M. Frédéric Reiss. Les interventions enthousiastes des membres de la majorité montrent que l’étendard de la culture flotte de nouveau à gauche.

M. Marcel Rogemont. Il est dommage qu’il ne flotte qu’à gauche !

M. Frédéric Reiss. Ce texte est soumis à notre examen après trois années de disette, de baisse des crédits de la culture, après le mea culpa du Premier ministre Manuel Valls qui, comme vient de le rappeler Michel Herbillon, a relevé une erreur du début du quinquennat de François Hollande.

Si ce texte renforce le rôle des collectivités en matière de protection du patrimoine, cela va inévitablement de pair avec un transfert des charges aux collectivités locales et territoriales, dans un contexte de baisse drastique des dotations de l’État.

En matière d’archéologie, j’ai bien noté que l’État souhaite un meilleur contrôle scientifique des opérations et une meilleure protection des biens et des vestiges. La tentation est grande d’imposer de nouvelles normes et de complexifier encore. Et qui paie ? L’État s’engage-t-il à renflouer le Fonds national pour l’archéologie préventive ? Certes, Martine Faure se déclare aujourd’hui rassurée, mais je rappelle qu’elle avait émis de sérieux doutes sur la viabilité du dispositif de financement de l’archéologie préventive. Quant aux collectivités territoriales, qui se sont souvent dotées d’outils performants – je pense au PAIR, le Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan –, elles sont inquiètes pour leur politique d’aménagement du territoire, d’investissement et de sauvegarde du patrimoine.

Enfin, je m’étonne, monsieur le rapporteur, que ce projet de loi, à l’heure où un progrès technologique galopant bouleverse création et modes d’accès à la culture, n’aborde pas la question du numérique ni celle de la contribution de ses acteurs au financement de la création.

Mme Valérie Corre. Je tiens moi aussi à saluer le dépôt de ce projet de loi, tant attendu effectivement. Saluons, plus encore peut-être, le travail du rapporteur, dont les amendements permettront d’enrichir le texte sur de nombreux points et de répondre ainsi tant à nos attentes qu’à celles de nombreux professionnels du secteur.

Ce projet de loi consacre la liberté de création et réaffirme la place centrale de la culture et de ses acteurs dans le pacte républicain, et je m’en réjouis. Certaines propositions dont nous allons débattre sont issues de préconisations de rapports parlementaires. Cela a déjà été abondamment signalé mais je le relève à mon tour car il est réconfortant de voir que ces rapports ne sont pas faits pour remplir nos armoires et qu’ils trouvent une traduction concrète sous la forme de dispositions législatives.

Dans les matières qui sont l’objet de ce texte comme dans d’autres, il est nécessaire d’adapter notre législation aux nouvelles pratiques. J’évoquerai plus précisément le sujet des archives, que le projet de loi aborde peu, alors que les archives sont d’une importance cruciale dans la transmission et l’accès à la culture – je me réjouis donc des amendements que vous avez déposés à ce sujet, monsieur le rapporteur. Des archivistes de ma circonscription m’ont interpellée à ce sujet. Il est nécessaire que la loi prenne en compte les archives numériques, désormais très courantes. De même, il est essentiel de lutter contre le démantèlement à des fins purement mercantiles des fonds privés classés – ce point fait également l’objet d’un amendement spécifique.

Monsieur le rapporteur, la présence croissante d’entreprises privées dans le travail de collecte de sauvegarde d’archives, dans le cadre de délégations de service public, suscite des craintes, au même titre que dans le secteur de l’archéologie. Ces craintes portent notamment sur le devenir de ces archives et sur les obligations de ces entreprises en matière de mise à disposition des fonds au grand public. Je souhaiterais donc connaître votre position et savoir ce que vous préconisez de faire dans le cadre de ce projet de loi.

M. Guénhaël Huet. De nombreux orateurs, issus de tous les groupes, l’ont indiqué : ce texte est attendu depuis longtemps. Je crains que la déception ne soit à la mesure de l’attente.

Madame la ministre, il ne suffit pas d’affirmer des principes juridiques généraux et généreux pour faire une politique culturelle. Or votre texte comporte beaucoup de principes généraux et généreux mais relativement peu de dispositions précises – et quand elles sont précises, elles sont compliquées.

En fait, votre projet de loi repose sur des paradoxes, dont le moindre est que vous affirmez une ambition culturelle alors même que les crédits consacrés à la culture diminuent depuis trois ans : 166 millions de crédits de paiement en moins depuis 2012, soit une baisse de 6 % ! Autre paradoxe, vous consacrez le rôle des collectivités territoriales en matière de protection du patrimoine – protection nécessaire, bien entendu – tout en réduisant sensiblement leurs dotations. D’autres l’ont dit, mais je tenais à le rappeler. S’ajoute à cela le maintien d’une pesante tutelle de l’État sur les collectivités territoriales. J’aurai l’occasion de défendre des amendements visant à une plus étroite association des collectivités territoriales dans la définition de la « zone tampon » et en ce qui concerne le plan de gestion.

Par ailleurs, comme Sophie Dessus, je regrette que pas un mot du projet de loi ne porte sur la langue française. La langue est pourtant le véhicule de la culture !

Au final, même s’il comporte quelques mesures intéressantes de simplification juridique et administrative, ce projet de loi est un projet en trompe-l’œil. J’espère, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous saurez suffisamment nous écouter et que vous nous donnerez l’occasion de l’améliorer sur un certain nombre de points, car, en l’état, il ne répond pas aux attentes d’une grande partie des députés.

M. Jean-Pierre Allossery. Saluons le travail du rapporteur Patrick Bloche, saluons aussi ce projet de loi, fondamental – je dirai même : fondateur. Ce n’est pas tous les jours qu’un texte de loi reconnaît une nouvelle liberté. En l’occurrence, il s’agit de la liberté de création et de la liberté de programmation artistique, que nous devons toutes deux protéger car, en 2015, l’art et la culture vont mal. Nous avons tous appris, cet été, la destruction des temples syriens, mais nul n’est besoin d’aller si loin pour voir la culture mise à mal. Toutes proportions gardées et sans mauvais procès, nous avons en France des élus qui censurent la culture. Monsieur le rapporteur, quand les députés de la nation cèdent aux pressions, cèdent à la peur, quand la culture paie le prix de l’ingérence politique, la culture va mal. En protégeant la liberté de création et la liberté de programmation, nous luttons contre l’inacceptable : la censure politique.

Avec ce projet de loi, nous allons même plus loin. Nous rendons plus cohérente et plus efficace la politique publique en faveur de la création artistique. Encore faut-il que les financements suivent ! Dans le département du Nord, la nouvelle majorité départementale abandonne le financement des grandes structures culturelles, des différentes scènes, des associations. Vous avez proposé, monsieur le rapporteur, des dispositions destinées à renforcer la concertation entre l’État et les collectivités territoriales en ce qui concerne les politiques culturelles concertées, partagées et coordonnées sur le territoire, pour que la culture soit vécue par tous, pour qu’elle soit accessible à tous. Je tiens à le rappeler : sans l’assurance de financements croisés, c’est le pire qui est à craindre, en particulier dans certains territoires où l’offre culturelle est en danger.

M. Marcel Rogemont. « La création artistique est libre. » Quel bel article, qui vient signaler que nous sommes ici, comme ailleurs – dans nos responsabilités locales –, les premiers artisans de la création des conditions de cette liberté, notamment par les crédits que nous votons pour en permettre l’épanouissement ! Il est heureux que le Gouvernement ait décidé de préserver les crédits du ministère de la culture quand ceux d’autres baissent. Les cris d’orfraie de la droite ne doivent pas nous cacher qu’elle propose de réduire la dépense publique de 150 milliards d’euros… sans nous indiquer où ces sommes seront prises. Une chose est sûre : les artistes, après le vote d’une telle proclamation à l’article 1er de ce projet de loi, seront attentifs à nos décisions, et ils auront raison.

Je voudrais exprimer une crainte à propos de la notion de « cité historique ». Certes, la simplification est nécessaire, mais il convient d’être attentif et d’intégrer certains éléments du paysage. Chacun le sait : les espaces, contrairement à ce qui est écrit, ne sont pas « naturels », ils sont culturels.

L’État exprime une ambition culturelle plus forte, mais ce texte lui en donne-t-il les moyens législatifs ? L’État devrait en tout cas le confirmer en réaffirmant que l’intérêt supérieur de notre pays passe devant les intérêts de tel ou tel élu, des intérêts privés qui, trop souvent, pèsent sur les décisions locales.

M. Pascal Demarthe. Permettez-moi, à mon tour, de saluer la grande qualité du travail effectué par M. le rapporteur. Saluons aussi le travail de Mme la ministre et de ses services, qui a abouti à la rédaction du texte que notre commission examine aujourd’hui.

Ce projet de loi est audacieux en ce que sont réunies en un seul texte des dispositions sur la création artistique, l’architecture et le patrimoine. Nous vivons très certainement un temps fort de la législature.

La mesure la plus emblématique de ce projet de loi est bien évidemment l’affirmation, à l’article 1er, du principe de la liberté de création, corollaire de la liberté d’expression. Ce sera donc l’objet de mon propos. La consécration de la liberté de création artistique, déjà effective au plan européen et international, est d’autant plus nécessaire qu’elle intervient dans un contexte où certaines forces obscurantistes, en France comme ailleurs dans le monde, portent délibérément et sauvagement atteinte à cette liberté de création et d’expression, de même qu’au patrimoine culturel, architectural et archéologique qui en est le fruit. Après les attentats de Paris, dont furent victimes, au mois de janvier dernier, de talentueux caricaturistes, la destruction au mois d’août du célèbre temple de la cité antique de Palmyre en Syrie par Daech en offre encore un triste exemple.

Affirmer ce principe de liberté, c’est affirmer que la liberté d’expression fait partie intégrante de nos valeurs. Au-delà de la triste actualité que je viens d’évoquer, affirmer le principe de la liberté de création artistique, c’est opposer une barrière juridique à toute tentation d’ingérence, même indirecte, du politique dans l’artistique, seul outil de nature à garantir aux artistes la possibilité de travailler librement, sans s’autocensurer. C’est encore reconnaître qu’il n’est pas de forme d’expression artistique supérieure aux autres. En effet, chaque œuvre d’art participe d’un même processus qui consiste à nous donner à voir la réalité autrement. Le philosophe Henri Bergson le résume ainsi dans son célèbre ouvrage Le Rire : « Qu’il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. » Vous l’aurez compris, je me réjouis que cette disposition, qui n’est pas que symbolique, figure à l’article 1er du projet de loi, de même que je me réjouis de toutes les mesures que vous proposez, madame la ministre, à l’appui de ce principe.

M. Christophe Premat. Ce projet de loi constitue un temps fort des travaux de notre commission. Loin de nous arriver par hasard, il s’appuie sur une série de rapports présentés ici comme celui de la mission sur l’archéologie préventive, la mission d’information sur la création architecturale, ou encore le rapport sur la gestion des réserves et des dépôts des musées, le rapport sur les dix ans de la convention de l’Unesco sur la diversité culturelle, ainsi que le rapport sur la transposition de directives européennes sur les droits voisins.

C’est sur ce point que portera mon propos. Il n’y a pas de création sans créateurs ni artistes-interprètes. Les règles des droits dits voisins au droit d’auteur, notamment des droits des artistes-interprètes, sont codifiées par la loi du 3 juillet 1985, qui accorde notamment des garanties de rémunération aux artistes : pour diffuser leurs œuvres musicales, radios, télévisions et autres utilisateurs doivent payer aux artistes comme aux producteurs de disques une rémunération dite « équitable ». Le projet de loi que nous examinons ambitionne de « conforter la place des artistes ». Nous ne pouvons que nous en réjouir, et cela suscite bien des espoirs chez les créateurs. Atteindre un tel objectif ne sera cependant possible qu’en prenant en compte l’évolution des techniques pour adapter aux réalités d’aujourd’hui les droits accordés aux artistes-interprètes.

Remarquons tout d’abord que, depuis la loi de 1985, plusieurs instruments européens et internationaux ont établi un niveau de protection harmonisée des artistes-interprètes. Nous devons en tenir compte aujourd’hui pour mettre à jour le dispositif de la loi de 1985 et accorder des droits qui n’y sont pas encore expressément visés, notamment les droits de distribution, de location, de prêt. Nous devons surtout tenir compte de tous les nouveaux services interactifs sur internet et des droits de mise à disposition du public à la demande. Cette mise à jour du code de la propriété intellectuelle permettrait de moderniser un texte, resté inchangé depuis plus de trente ans. Si des droits ont été reconnus aux artistes-interprètes, c’est pour qu’ils puissent en bénéficier et obtenir à ce titre des rémunérations complémentaires. La proposition d’une rémunération garantie gérée collectivement et perçue des exploitations de ces services est à la fois modeste, simple et susceptible de mettre un terme à l’injustice dans ce secteur en garantissant pour les artistes-interprètes le bénéfice d’une rémunération équitable. J’aimerais, madame la ministre, avoir votre avis sur la manière dont il convient, dans le cadre de ce projet de loi, de garantir cette rémunération équitable nécessaire à l’ensemble de la chaîne de la création.

M. Jacques Krabal. Je vous remercie, mes chers collègues, de m’accueillir au sein de votre commission.

Il est certain que la culture ne saurait être l’apanage d’un camp plutôt que d’un autre. Encore faut-il sans cesse en faire la démonstration, et ne pas prétendre, au moment d’aborder l’examen de ce texte, que c’est trop tôt ou trop tard. Dans le contexte troublé que nous connaissons, plus nous parlerons de la culture, mieux ce sera. Bien évidemment, des améliorations peuvent être apportées à ce projet de loi, mais, je veux le dire avec force, compte tenu du climat qui règne actuellement dans le monde, compte tenu de ce qui se passe dans notre pays, parlons le plus possible de la culture, parlons le plus possible de la diversité culturelle, évoquée dans l’exposé des motifs. C’est, à mon avis, un enjeu politique majeur, et aucune division ne devrait apparaître entre nous, qui incarnons les valeurs de la République, à l’heure où nous examinons ce texte. Jean de La Fontaine, qui a été reconnu comme le philosophe le plus contemporain, aurait, lui aussi, affirmé l’importance de la diversité culturelle, d’autant plus nécessaire que censure et discrimination culturelle menacent. Je suis donc très heureux de participer à ce débat.

Mon propos s’inscrira dans le prolongement de celui de ma collègue Gilda Hobert.

Monsieur le rapporteur, vous avez parlé à plusieurs reprises des collectivités territoriales et des élus locaux. Il n’est en effet pas seulement question du ministère de la culture : c’est un attelage, un amalgame, de l’action de l’État et de celle des collectivités locales, qui a donné ses fruits, notamment en matière d’archéologie préventive. Et si plus de concertation est nécessaire, si une clarification est de nature à assurer la qualité scientifique, je ne voudrais pas que les difficultés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives puissent remettre en cause la qualité du travail des collectivités territoriales et des archéologues. Rendre plus complexe la procédure des agréments me perturbe, car je sais quel travail est fait sur le terrain, avec beaucoup d’implication. En outre, la volonté de revenir sur le périmètre de leur action m’interpelle à l’heure où la mutualisation s’impose comme une nécessité et, surtout, à l’heure de la loi NOTRe, qui modifie l’organisation de nos territoires. Ne gênons pas l’action de services d’archéologie qui fonctionnent très bien. Faisons confiance aux élus locaux mais, surtout, aux services d’archéologie, parce que, comme le disait Jean de La Fontaine, « à l’œuvre on connaît l’artisan ». Et je sais qu’on peut faire confiance aux archéologues sur le territoire.

M. le président. Avant de passer la parole au rapporteur Patrick Bloche, je rappellerai simplement que ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a été présenté en Conseil des ministres le 8 juillet dernier, il y a donc deux mois. Des auditions se sont tenues jusqu’au 31 juillet. Elles ont repris au début de ce mois de septembre. Il n’y a pas eu d’auditions au mois d’août, mais il est habituel que des auditions aient lieu en dehors des périodes de session ordinaire ou extraordinaire de l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur. Merci à tous : vingt-cinq interventions, aussi constructives les unes que les autres ! Elles montrent l’importance non seulement du projet de loi mais aussi du débat parlementaire qui commence aujourd’hui. Elles montrent également, chers collègues, à quel point vous êtes attachés à ce que nous puissions faire œuvre utile. Par vos interventions, vous avez montré non seulement votre mobilisation mais également votre détermination à faire mentir ceux qui considéraient d’ores et déjà que ce projet de loi était une occasion manquée, vous avez montré à quel point nos débats en commission, notre travail d’amendement et, a fortiori, nos travaux dans l’hémicycle à la fin de ce mois sont essentiels. D’ailleurs, pourquoi attendre la deuxième lecture, comme l’ont suggéré certains, alors que la première est à portée de main ?

Ma seconde observation sera paradoxale. Finalement, je me réjouis que nous n’examinions ce texte qu’aujourd’hui. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que les conditions et le cadre dans lequel nous allons examiner ce projet de loi aujourd’hui, presque à l’automne de cette année 2015, sont de nature différente. Ces conditions sont bien plus favorables aux politiques culturelles qu’elles ne l’ont été ces dernières années.

Tout d’abord, d’un point de vue budgétaire, le Premier ministre a pris l’engagement de stabiliser les crédits consacrés à la création, à la démocratisation culturelle, à la transmission du savoir, à l’enseignement des pratiques culturelles et même de permettre qu’ils progressent dans le cadre du projet de loi de finances pour l’année 2016 et au cours des prochaines années. Le cadre budgétaire est donc plus favorable.

Deuxième élément, les grands débats de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe sur la décentralisation ont permis d’écarter les inquiétudes qui s’étaient manifestées quant au risque que la culture ne soit plus une compétence partagée. Toutes les politiques culturelles de notre pays se sont effectivement construites sur le lien dynamique qui unit l’État et les collectivités territoriales, si bien que 70 % du financement de la culture est aujourd’hui assuré par les collectivités territoriales. Ces inquiétudes sont écartées et quelques progrès sont même accomplis, puisque les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) sont – cela a été rappelé – des acteurs du débat, de la concertation dans le domaine des politiques culturelles, des facteurs d’efficience.

Troisième élément, puisque la question sociale croise souvent la question culturelle, avec la loi sur l’emploi et le dialogue social promulguée au mois d’août dernier, nous avons enfin inscrit dans la loi, pour les sécuriser, les annexes VIII et X de la convention de l’assurance chômage, créant, vous le savez, un régime spécifique d’assurance chômage qui tienne compte des spécificités des emplois artistiques, notamment leur discontinuité et la multiplicité des employeurs.

Je suis donc finalement assez content que nous n’examinions que maintenant ce projet de loi que nous avons beaucoup attendu. Le cadre dans lequel s’inscrit l’examen de ce texte est effectivement beaucoup plus favorable.

Je souhaite formuler deux réflexions, l’une sur la création, l’autre sur le patrimoine.

Sur la création, je ne veux retenir que ce que plusieurs d’entre vous ont souligné avec force et conviction, parfois même émotion : notre attachement viscéral à la liberté de création et notre souci, en tant que législateur, de garantir enfin, pour la première fois, cette liberté de création en la consacrant dans la loi, au même titre que la liberté d’expression et la liberté de communication. Merci, chers collègues, pour cet attachement et cette mobilisation, merci pour votre détermination, à l’heure où – mon rapport y fait référence – se répètent des actes de vandalisme, attentatoires à la liberté de création, tout particulièrement, à l’égard d’œuvres d’artistes plasticiens installées dans l’espace public.

En fait d’actes de vandalisme, nous ne nous habituerons à rien. Si nous traversons une période de régression, nous devons refuser qu’une forme d’habitude s’installe : ce serait une régression encore plus terrible. Gardons notre capacité collective et individuelle d’indignation contre toute atteinte à cette liberté de création. Bien sûr, la liberté de création ne va pas sans la liberté de programmation, sans la liberté de diffusion, mais diffusion et programmation sont des moyens d’assurer cette liberté de création. La consécration de cette dernière à l’article 1er est donc tout à fait déterminante.

En ce qui concerne le patrimoine, je répondrai plus à fond sur un certain nombre de questions que vous avez été amenés à évoquer, lors de l’examen des amendements, car elles y trouvent, je l’espère, une solution. Je ferai simplement l’observation suivante : le patrimoine sera d’autant mieux protégé que seront clarifiés les rôles respectifs de l’État et des collectivités territoriales. C’est ainsi qu’est assurée la protection du patrimoine dans notre pays depuis la grande loi de 1913. L’un ne va pas sans l’autre.

Bien sûr, il faut respecter l’autonomie des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, notamment dans l’élaboration des plans d’urbanisme, mais, parallèlement, rappelons-nous qu’en ce domaine de la culture comme en d’autres l’État est garant de l’égalité sur tous les territoires. Nos concitoyennes et nos concitoyens ne doivent pas être victimes d’un traitement inégalitaire, ni en ce qui concerne la liberté de création ni en ce qui concerne la protection du patrimoine, selon qu’ils vivent ici ou là, selon que les élus qu’ils se sont choisis sont plus ou moins motivés à assurer la diffusion de la création artistique et la protection du patrimoine. Disant cela, je n’oublie pas à quel point il est difficile, dans certaines cités qui s’appelleront bientôt cités historiques, d’avoir des documents d’urbanisme protecteurs quand la commune concernée appartient à une intercommunalité. Et, si des inquiétudes se sont exprimées, soyons clairs : nous n’allons pas détricoter, avec ce projet de loi, ce qui a été tricoté dans d’autres lois. Il nous incombe d’agir avec intelligence pour assurer une protection du patrimoine sur tout le territoire tout en prenant en compte ce que sont aujourd’hui les intercommunalités.

Je ne saurais, chers collègues, être plus long. Nous reviendrons plus complètement sur nombre d’aspects que vous avez évoqués. Je vous remercie encore pour vos interventions, par lesquelles vous avez exprimé notre attachement collectif au grand service public de la culture et des arts.

Je me risquerai peut-être à une dernière observation. Vous le savez, deux projets de loi distincts étaient promis, l’un sur la création, l’autre sur la protection du patrimoine, et nous n’avons finalement qu’un texte. Je m’en réjouis parce que cela nous permet de lier les enjeux de la création et ceux du patrimoine. Ces derniers ne sauraient être réduits à l’entretien des vieilles pierres. Il existe une aspiration très forte, notamment des collectivités territoriales, qui se manifeste à travers des réaffectations ou des animations : l’aspiration à faire que le patrimoine, notre patrimoine soit aussi le lieu d’accueil de la création artistique contemporaine, notamment quand elle s’exprime en langue française – cette précision fera plaisir à l’un de vous, chers collègues.

Bref, un seul projet de loi, c’est, de mon point de vue, le meilleur moyen d’assurer, tout simplement, l’alliance des circassiens et des cisterciens.

Mme la ministre. Je n’aborderai pas non plus l’ensemble des questions qui ont été soulevées, car nombre d’entre elles trouveront des réponses au fil de l’examen des amendements, que nous aborderons dans quelques instants. Ainsi, la plupart des orateurs qui ont mentionné des pistes d’évolution ou des amendements qu’ils souhaitaient voir adoptés, trouveront, à mon avis, satisfaction dans la discussion qui va s’ouvrir.

Je trouve moi aussi un certain nombre de choses paradoxales et étonnantes. J’entends les critiques, constructives, selon lesquelles ce projet de loi pécherait par manque d’ambition, mais je m’étonne qu’elles s’accompagnent d’un refus quasi systématique de toutes les propositions d’avancées que comporte ce projet de loi. La liberté de création ? On n’en a pas besoin ! Les cités historiques ? Cela ne sert à rien ! Le médiateur de la musique ? C’est dangereux. Et les conservatoires n’ont qu’à rester tels qu’ils sont aujourd’hui. Curieuse posture ! Ce n’est en tout cas pas de cette manière que j’aborde la discussion.

Autre paradoxe, la dénonciation de ce manque d’ambition ne s’accompagne pas souvent de préconisations, de propositions qui permettent de comprendre ce qui serait l’ambition d’une politique culturelle du XXIsiècle selon Les Républicains. J’aimerais le savoir, mais, pour l’instant, ce que j’entends, c’est ce que fait, par exemple, M. Darmanin au Conseil départemental du Nord. Ce que j’entends surtout, c’est la volonté des Républicains de baisser les dépenses publiques de 150 milliards d’euros.

Ce gouvernement, pour sa part, est extrêmement responsable dans sa gestion des finances publiques, puisqu’il va permettre à l’État de faire, au cours des trois prochaines années, 50 milliards d’euros d’économies, tout en trouvant le moyen de faire de la culture sa priorité et d’augmenter le budget du ministère de la culture en 2016. Les dotations des collectivités locales, effectivement, participeront au redressement des finances publiques, mais elles représentent, pour les trois prochaines années, moins de 3 % des recettes des collectivités territoriales. Ne me dites donc pas que les choix faits ne sont pas politiques. Je rencontre sur le terrain énormément d’élus avec lesquels je signe des pactes culturels, et je vais réfléchir à un outil qui permette de le faire avec des départements et des régions. Que me disent ces élus ? « C’est vrai, c’est difficile, il faut que je réduise mes dépenses, mais, moi, je ne sacrifie pas la culture ! » Si des élus proches de l’opposition font, eux, le choix de sacrifier la culture, c’est un choix politique qui leur appartient, ce n’est pas le choix de ce gouvernement. Pour notre part, malgré les efforts que nous faisons pour réduire les déficits publics qui nous ont été laissés en 2012, qui représentaient pratiquement 6 % du produit intérieur brut français, nous faisons le choix de la culture. Ce projet de loi est également la traduction de cet engagement pour la culture.

J’entends, également, que rien n’est fait, que c’est la catastrophe, que tout part à vau-l’eau. M. le rapporteur vient de rappeler le contexte dans lequel nous engageons l’examen de ce projet de loi. Effectivement, les conditions de négociation du régime d’indemnisation chômage des professionnels du spectacle sont sécurisées, une centaine de pactes culturels ont été signés, précisément avec les collectivités qui souhaitent s’engager pour la culture, et nous avons engagé des assises pour la jeune création qui permettent de repenser, aujourd’hui, le soutien à la jeune création dans notre pays, notamment en prenant en compte toutes les esthétiques émergentes, qui, jusqu’à présent, n’étaient pas considérées. Nous avons également engagé une réflexion sur l’architecture, parent pauvre de la culture pendant de très nombreuses années. L’architecture a donné lieu à de nombreux rapports, dont d’excellents, rédigés par le président Bloche, mais toutes ces recommandations n’avaient finalement jamais été prises en compte par le Gouvernement. Eh bien, nous, nous le faisons, nous commençons à le faire ! Tout n’est pas législatif, évidemment, et j’ai entendu les appels à régler un certain nombre de questions. Cela peut être fait par voie réglementaire ou autrement, mais, pour notre part, nous nous saisissons de l’ensemble de ces sujets.

J’entends dire que les crédits alloués à la démocratisation culturelle seraient insuffisants. Or je vous ai déjà fait part de notre ambition d’augmenter ce budget. Je souhaiterais que vous me citiez les actions majeures que vous avez menées, entre 2007 et 2012, pour évaluer l’impact de nos politiques culturelles sur la démocratisation, c’est-à-dire sur l’accès du plus grand nombre aux institutions et aux pratiques culturelles, pour préparer la politique culturelle ainsi que nos industries culturelles à la mondialisation et à la mutation numérique et pour faire contribuer les GAFA au financement de l’exception culturelle.

M. Franck Riester.  Et depuis 2012 ?

Mme la ministre. J’y travaille depuis cette date et n’ai pas le sentiment que vous vous soyez beaucoup mobilisés pour aboutir à des solutions pratiques en ce domaine. Je suis ouverte à toutes les bonnes volontés. Mais alors que ces enjeux ne sont pas nouveaux, vous semblez considérer que c’est à partir de 2012 qu’il aurait fallu que le Gouvernement ait toutes les solutions à des questions extrêmement complexes.

M. Michel Herbillon. Avec vous, on est passé de l’ombre à la lumière …

Mme la ministre. Sur les autres points, le travail constructif qui sera mené par la Commission permettra de répondre à nombre d’autres questions qui ont été posées et ainsi, d’enrichir ce texte. Peut-être cela déplaira-t-il à ceux qui en dénoncent le caractère fourre-tout. Néanmoins, ce sont les mêmes qui déplorent que certains sujets ne soient pas traités. Tous ces points de vue ne sont pas forcément conciliables mais j’aurai à cœur de satisfaire tous ceux qui ont une approche constructive de cette discussion.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE Ier
Dispositions relatives à la liberté de création et à la création artistique

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la liberté de création artistique

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AC3 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. 

M. François de Mazières. Reconnaissant votre bonne connaissance des GAFA, madame la ministre, nous aurions bien voulu que vous fassiez allusion dans ce texte au travail que vous avez accompli en ce domaine. Or le projet de loi n’en comporte aucune.

Mme la ministre. Cela ne relève pas du domaine législatif.

M. François de Mazières. Peut-être mais c’est le cas de nombreux éléments de ce texte. Cette loi aurait été l’occasion d’affirmer votre rôle en la matière. Cela me paraît d’autant plus important que nous allons prochainement examiner un texte d’un de vos collègues qui n’abonde pas du tout dans votre sens.

D’autre part, ce texte devrait permettre d’affirmer l’importance de la démocratisation culturelle. Ayant présidé un établissement public culturel au cours de la période que vous avez mentionnée, je puis vous assurer que l’instauration de la gratuité pour les jeunes fut un acte fort. J’aimerais donc que votre texte prévoie des mesures en ce sens simples mais efficaces pour l’avenir.

Dans le domaine architectural, la Cité de l’architecture et du patrimoine fut créée dans la même période. Nous avons alors connu un souffle extraordinaire, notamment avec le lancement du Grand Paris. Aujourd’hui, les architectes nous disent qu’alors que notre président Patrick Bloche avait formulé de belles propositions à l’époque, peu d’entre elles ont été retenues.

L’article additionnel que nous proposons vise donc à énoncer notre ambition et affirmer le rôle de la culture.

M. le rapporteur. Nous partageons pleinement les constats formulés dans cette proposition de rédaction. Cependant, cet amendement ayant une portée strictement déclarative, nous en demandons le retrait.

Mme la ministre. Je suis également sensible à l’intention sous-jacente à cet amendement qui traduit la contribution irremplaçable de la culture et de la création artistique à la vie d’une démocratie. Mais je partage aussi le souhait exprimé par le rapporteur de retenir à l’article 1er une formulation concise, sur le modèle des grandes lois. Je suis donc défavorable à toute proposition qui pourrait affaiblir cette concision ou en réduire le sens ou la portée.

Mme Annie Genevard. Je suis surprise que vous demandiez le retrait de cet amendement, madame la ministre, alors que vous avez souvent mis en avant l’importance des déclarations principielles. Du reste, l’article 1er énonce un principe dont vous dites vous-même qu’il pourra aider les créateurs attaqués tout en soulignant que sa valeur juridique n’est pas absolument certaine.

Compte tenu de l’ambition que vous affirmez, je suis choquée par la déclaration liminaire que vous venez de faire. Je suis également surprise qu’alors même que cet amendement exprime une ambition à laquelle vous souscrivez sur le principe, vous y soyez défavorable. Nous avons le sentiment que c’est parce qu’il émane d’une opposition à laquelle vous ne souhaitez pas reconnaître la moindre expertise en la matière. Je trouve votre propos exagérément partisan : il augure mal de la qualité des débats qui s’engagent aujourd’hui en commission et qui se prolongeront dans l’hémicycle. Je me permets donc respectueusement de vous inviter à plus de tolérance dans la conduite de nos travaux.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er : Consécration du principe de liberté de création artistique

La Commission est saisie de l’amendement AC223 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à préciser à l’article 1er non seulement que la création artistique est libre mais que sa diffusion l’est également, ce qui ne va pas de soi.

Il est vrai que l’exposé des motifs du projet de loi fonde l’article 1er sur le principe constitutionnellement protégé de liberté d’expression et qu’il renforce cette analyse par une référence implicite à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, visé dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 24 mai 1988. De plus, dans son propos liminaire, Mme la ministre a indiqué que certaines libertés, notamment celles de programmation et de diffusion, découlaient de la liberté de création. Patrick Bloche a également repris l’idée selon laquelle ces libertés seraient imbriquées les unes dans les autres.

Seulement, comparaison n’est pas toujours raison. La liberté d’opinion n’est pas toujours la liberté d’expression même si selon la Convention européenne, la seconde comprend la première de sorte que l’on pourrait faire la même analogie avec la liberté de création. Vous semblez considérer que la liberté de création postulerait la liberté de diffusion : ce qui se dit peut s’écrire et en droit, on a intérêt à énoncer les principes plutôt que de laisser le juge les déduire au terme d’une analyse jurisprudentielle qui peut prendre beaucoup de temps et susciter bien des controverses.

Il est donc proposé que dans un même mouvement, votre très bel article 1er affirme la liberté de création mais aussi celle de sa diffusion. C’est bien plus souvent dans le régime de la confrontation de l’œuvre avec le public que dans la création même que les artistes rencontrent des difficultés.

M. le rapporteur. L’article 1er vise à garantir sur le plan juridique une liberté qui ne s’exprimait jusqu’à présent qu’à travers la liberté d’expression garantie par la grande loi républicaine de 1881 sur la liberté de la presse et la liberté de communication consacrée par la loi de 1986. Je n’ai moi-même déposé aucun amendement à cet article, souhaitant que nous en restions à la rédaction originelle de ce projet de loi pour que la liberté de création ait toute sa force. Si l’on y adjoint la diffusion, on pourra aussi y ajouter la programmation et l’on ôtera à cet article sa portée tant symbolique que juridique. La création est un acte créateur en tant que tel ; la diffusion et la programmation ne sont que des moyens. De plus, l’article 2 garantit la liberté de programmation, gage de la liberté de diffusion. Il y est également fait référence explicitement aux moyens de diffusion. Je souhaiterais donc convaincre Denys Robiliard de retirer son amendement car je sais ce qui motive sa démarche, ayant de surcroît lu la très belle tribune d’Agnès Tricoire.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Je comprends l’intention des signataires de cet amendement, raison pour laquelle nous avons, Patrick Bloche et moi, évoqué dans notre introduction les questions de diffusion et de programmation. Mais je suis aussi sensible à la pureté de la rédaction de l’article 1er qui consacre la liberté de création dans notre cadre juridique. Cette disposition aura non seulement une portée symbolique et politique forte – comme j’ai voulu le souligner lorsque j’ai exprimé mon attachement aux principes – mais également une portée juridique qui sera défendue par le juge administratif et probablement un jour par le juge constitutionnel. Je suis persuadée que cette liberté a vocation, comme les autres, à rejoindre le corpus des principes à valeur constitutionnelle sur lesquels s’appuient les juges dans les affaires touchant aux libertés.

J’adhère à la préoccupation de garantir la liberté de création artistique dans toutes ses composantes. Mais comme le rapporteur, je crains, si l’on mentionne la liberté de diffusion à l’article 1er, que cela ne donne lieu à d’autres demandes de même nature. La liberté de diffusion sera suffisamment défendue à l’article 2 qui définit les politiques culturelles et traite lui aussi de la liberté de création. C’est pourquoi je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, pour nous laisser le temps de l’expertiser.

M. Michel Piron. On ne peut que souscrire à l’assertion proposée à l’article 1er : elle relève de ces évidences qui sont très évidentes. J’ai cependant du mal à en percevoir la portée juridique. En présentant son amendement complémentaire, Denys Robiliard a d’ailleurs fait référence aux droits de l’homme et aux fondements constitutionnels. Le fait de rappeler ces principes pourrait laisser entendre que la liberté de création est aujourd’hui menacée et qu’en cas d’atteinte à celle-ci, on ne pourrait pas être défendu par un juge.

J’aurais préféré un présupposé qui, en s’appuyant sur les textes constitutionnels et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne mette en aucun cas en doute l’idée même que la liberté de création ne peut être remise en question. Je crains qu’avec une telle déclaration, qui me rappelle un peu la Charte de l’environnement et le « droit à l’air pur », on n’affaiblisse l’idée même de liberté de création alors que vous recherchez le but exactement inverse, c’est-à-dire sa consécration. Je ne vois pas quel supplément de portée juridique peut apporter un tel article. En revanche, je vois bien ce qu’il peut présupposer de moins, en dépit d’une excellente intention. Cela étant dit, je n’en ferai pas un sujet de débat conflictuel.

Mme Annie Genevard. La question de la diffusion me paraît essentielle. On peut comprendre les raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas qu’elle figure à l’article 1er. Néanmoins, la loi devra s’en préoccuper car cette question rejoint notamment celles de l’équité territoriale et de l’éducation artistique et culturelle.

D’autre part, vous avez refusé notre premier amendement au motif que l’article 1er avait une portée juridique. Or, cela est démenti par l’étude d’impact qui précise que la reconnaissance de la liberté de création aura davantage une portée symbolique que pratique. Le paragraphe auquel je fais référence se conclut sur l’idée que ce droit pourra peut-être peser dans l’appréciation portée par le juge. En d’autres termes, si cet article a une portée normative dans la mesure où il concerne un droit, il n’a pas forcément de portée juridique. Il s’agit là d’affirmer un symbole ou un principe mais non d’apporter une garantie absolue sur le plan juridique.

M. Franck Riester.  Je suis étonné que Mme la ministre n’ait pas évoqué le risque, si l’on adoptait un tel amendement, que la diffusion des œuvres ne soit pas assortie d’une protection des droits des créateurs.

M. François de Mazières. Je rejoins les propos de mon collègue. Cela est d’autant plus paradoxal, madame la ministre, que vous vous êtes engagée en faveur de la protection des œuvres face aux GAFA. En consacrant la liberté de diffusion, vous risquez de fournir un motif juridique à tous ceux qui contestent les droits d’auteur. D’où l’amendement AC82 qui suit.

S’agissant de l’article 1er proprement dit, il énonce une belle déclaration à laquelle nous allons souscrire, bien que nous nous trouvions tout de même face à ce que le Conseil d’État appelle du « droit mou ».

M. Marcel Rogemont. Il faut « préserver et chérir pour l’avenir » la profération selon laquelle la création artistique est libre. Car cette dernière fait l’objet de pressions à la fois idéologiques et économiques. Cette simple affirmation se suffit à elle-même sans qu’il soit besoin de la compléter par la mention de tous les éléments qui concourent à la création artistique – dont la diffusion fait partie mais pas seulement.

M. Michel Ménard, président. Monsieur Robiliard, maintenez-vous votre amendement ?

M. Denys Robiliard. Pour moi, la liberté d’expression est un principe qui sous-tend à la fois la liberté de création et la liberté de pouvoir diffuser sa création. Je ne suis pas d’accord avec les restrictions qui ont été exprimées : du point de vue du droit d’auteur, l’auteur est libre de la façon dont il diffuse son œuvre.

Cela étant, Mme la ministre souhaitant prendre le temps de l’expertise, et compte tenu de la discussion qui a eu lieu, je retire mon amendement afin que la réflexion puisse être poursuivie et, éventuellement, que nous puissions reprendre la discussion dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission aborde l’amendement AC82 de M. François de Mazières. 

M. François de Mazières. Ce projet de loi est l’occasion pour vous, madame la ministre, d’affirmer votre engagement et de défendre la propriété intellectuelle face aux menaces actuelles – évidentes compte tenu des nouveaux moyens de diffusion et de la tyrannie de groupes mondiaux qui n’ont de surcroît aucune charge fiscale en France.

M. le rapporteur. J’émettrai le même avis que pour l’amendement précédent. Il me semble inutile de préciser que la liberté de création doit s’exercer dans le respect du droit. D’ailleurs, pourquoi pointer spécifiquement le droit d’auteur alors qu’il existe aussi le droit de propriété en général, le droit au respect de la vie privée et l’interdiction de l’incitation à la discrimination, à la haine et de l’apologie du terrorisme ? Il est toujours possible de compléter cet article 1er de telle façon qu’il perde toute efficacité juridique.

Nonobstant l’étude d’impact dont je ne partage absolument pas l’analyse, je suis prêt à parier avec nombre d’entre vous qu’une fois cette disposition votée, nous ferons face à un important contentieux ainsi qu’à une jurisprudence qui prouveront que nous avons fait œuvre utile. S’il faut consacrer la liberté de création en tant que telle, c’est principalement parce que la jurisprudence actuelle a tendance à assimiler les œuvres d’art à des idées ou à des opinions en gommant totalement la dimension artistique de ces œuvres.

C’est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement. Nous avons la même préoccupation quant au respect du code de la propriété intellectuelle mais j’ai souhaité y répondre par le biais de l’amendement AC489 que je vous présenterai à l’article 2. Il vise non seulement au respect des droits d’auteur mais aussi à celui des droits sociaux des artistes.

Mme la ministre. Je souhaiterais revenir sur la portée normative de cet article 1er. Effectivement, le droit français protège aujourd’hui la liberté de création à travers le principe constitutionnel de liberté d’expression. Il s’agit d’un droit fondamental dont la portée très générale rendait réellement nécessaire l’affirmation de la liberté de création. L’étude d’impact précise que « la mesure proposée a une indéniable portée normative puisqu’elle porte sur un droit même si cette reconnaissance aura davantage de portée symbolique que pratique ». Cette étude n’énonce donc pas que la disposition n’aura pas de portée normative ni pratique mais qu’à notre époque, cette portée symbolique est extrêmement importante. L’une n’empêche pas l’autre : les deux vont de pair.

S’agissant de l’amendement déposé par M. de Mazières, je comprends son souhait de réaffirmer la nécessité de respecter la propriété intellectuelle. Depuis ma nomination il y a un an, j’ai beaucoup œuvré pour que l’ensemble de nos partenaires européens valident avec nous des positions nous permettant de conserver une protection de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur conformes à nos objectifs en matière de diversité culturelle. J’en ai fait un vrai combat, ce qui exige parfois beaucoup d’énergie. Le respect de la propriété intellectuelle est aujourd’hui garanti par le droit interne et les conventions internationales. Le Gouvernement en étant le garant, je ne vois pas trop l’intérêt de le mentionner à l’article 1er. Et en termes rédactionnels, c’est un peu comme si l’on précisait dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que les hommes naissent libres et égaux en droit dans le respect du code civil ou du code pénal, ce qui serait un peu étrange. Je souhaite que l’on conserve une rédaction pure et vous assure que le code de la propriété intellectuelle est défendu par ailleurs par le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, je vous demanderai de retirer cet amendement sans quoi j’y serai défavorable.

M. Michel Herbillon. J’entends bien les arguments développés par Mme la ministre. Et encore une fois, nous donnons notre accord à la rédaction proposée à l’article 1er même si sa portée générale fait qu’il nous faudra attendre de voir comment cette mesure sera interprétée par la jurisprudence. Cela étant, avec cet amendement, nous voulons réaffirmer le droit de l’auteur, du créateur, de l’artiste, qui n’est pas exactement de même nature que les droits évoqués par le rapporteur. Notre amendement a pour objet de compléter la consécration de la liberté de création artistique afin de protéger et de valoriser les auteurs dès le début du texte de loi.

M. Michel Ménard, président. Monsieur de Mazières, maintenez-vous votre amendement ?

M. François de Mazières. Oui. Comme l’a bien expliqué Michel Piron tout à l’heure et comme le montre l’analyse présentée dans l’étude d’impact, cet article a finalement une portée symbolique. Par conséquent, pourquoi ne pas affirmer l’obligation de respecter le code de la propriété intellectuelle dès le titre premier ? J’ai bien entendu la proposition du rapporteur mais il me semble que l’adoption de cet amendement serait l’occasion pour Mme la ministre de réaffirmer son combat en faveur du droit d’auteur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Objectifs de la politique de soutien à la création artistique et liberté de programmation artistique

La Commission examine l’amendement AC462 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise, après nombre d’auditions, à prendre en compte une revendication que j’ai trouvée légitime : la consécration dans la loi du service public de la culture. Cette notion est déjà reconnue dans la charte des missions de service public pour le spectacle vivant en 1988 ainsi que dans celle pour les institutions d’art contemporain en 2000.

Cet amendement aura le second avantage de satisfaire les amendements AC52 et AC53 de Mme Marie-George Buffet et AC196 d’Isabelle Attard qui tendaient également à consacrer cette notion dans la loi.

Mme la ministre. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, nous indiquions que la culture dans toutes ses dimensions et composantes était un service public. Je souscris donc pleinement à la proposition du rapporteur.

Mme Annie Genevard. En désignant le service public de la culture, on laisse de côté les acteurs privés. Or, ils contribuent eux aussi à enrichir le patrimoine et les pratiques culturelles dans notre pays. La Fondation Vuitton, par exemple, est bien le fruit d’un partenariat entre une collectivité locale et un partenaire privé. Je pense aussi aux associations.

M. Michel Pouzol. Le groupe SRC se félicite de cet amendement et y adhère pleinement. Je ne pense pas, madame Genevard, que réaffirmer la notion de service public de la culture revienne à s’opposer aux acteurs privés de la culture : cela permettra au contraire d’éviter que des collectivités se défaussent sur le privé en niant le rôle important du service public de la culture. Les acteurs de la culture sont très sensibles à cette notion qui leur assure une reconnaissance institutionnelle.

M. Franck Riester. Je suis assez dubitatif face à cet amendement qui semble restreindre la politique culturelle des grands acteurs nationaux, territoriaux ou locaux en matière culturelle à des services publics. Nous sommes tous d’accord pour mettre en avant d’une manière ou d’une autre les acteurs des services publics en matière culturelle. Mais cet amendement pourrait avoir des conséquences négatives et donner le sentiment d’exclure les acteurs privés ou parapublics de ces politiques culturelles.

M. le rapporteur. L’alinéa 1 de l’article 2 ne vise que le rôle, dans le domaine des politiques culturelles, de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. C’est aux alinéas suivants qu’il est explicitement fait référence aux nombreux acteurs privés de la culture. J’ai d’ailleurs déposé un amendement tendant à élargir la liste des acteurs privés aux associations culturelles que Mme Genevard a évoquées à juste raison. Notre référence au service public de la culture traduit une volonté politique mais nous n’oublions pas les acteurs privés, bien au contraire.

Mme Annie Genevard. À la notion de service public, on a vu se substituer progressivement, dans le temps et dans de nombreux domaines, la notion de service au public. Il me semblerait donc plus intéressant aujourd’hui de réfléchir à cette dernière notion que d’être toujours dans le seul périmètre du service public.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC52 de Mme Marie-George Buffet et AC32 de Mme Annie Genevard.

Mme Marie-George Buffet. Je poursuis dans le sens de la préoccupation exprimée par notre rapporteur. On ne peut pas, dans une loi relative à la création artistique, ne pas mettre au premier plan le rôle du service public car nul n’ignore la place qu’il tient dans le développement de la création et de la pratique culturelle. Cela n’est nullement en opposition avec l’initiative associative privée. Mais nous savons bien que, pour garantir cette création et cette pratique sur l’ensemble du territoire, nous avons besoin de la pérennité et du développement du service public.

J’entends bien que l’amendement du rapporteur donne satisfaction quant à la mention du service public. Mais mon amendement, en précisant que cette politique publique repose sur la pérennité et le développement du service public des arts, de la culture et de ses missions, y compris l’audiovisuel public, permet d’éviter que cette mention soit absente du projet de loi. Mon amendement va un peu plus loin que celui du rapporteur. Je le maintiens donc.

Mme Annie Genevard. La notion de diffusion n’a pas été introduite à l’article 1er pour des motifs tout à fait acceptables. Afin de rappeler son importance dans l’éveil des populations ainsi que dans l’irrigation territoriale, il importe néanmoins qu’elle apparaisse dès le début du texte. Je propose donc de la faire figurer au premier alinéa de l’article 2.

M. le rapporteur. S’agissant de la continuité du service public, j’ai la faiblesse de considérer que l’amendement que nous avons adopté répond en très grande partie à celui de Marie-George Buffet. Si je suis amené à demander son retrait, c’est précisément parce qu’il fait référence à l’audiovisuel public ; en l’occurrence notre texte concerne le spectacle vivant et les arts plastiques. À aucun moment nous ne sommes amenés à traiter de l’audiovisuel public en tant que tel ; en 2013 nous avons déjà réformé la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, nous le referons peut-être avant la fin de la présente législature, mais ce n’est pas là le bon rendez-vous parlementaire.

En ce qui concerne l’amendement AC32, je vous renvoie au cinquième alinéa, c’est-à-dire au troisièmement de cet article 2, qui préconise de développer l’ensemble des moyens de diffusion de la création artistique. Cet amendement est donc satisfait par la rédaction du projet de loi. C’est la raison pour laquelle j’en demande le retrait.

Mme la ministre. Une partie de l’amendement de Mme Buffet est satisfait par la rédaction du rapporteur qui propose de mentionner la notion de service public sans préjuger quels seront les acteurs amenés à y concourir, qu’ils soient publics ou privés. Je partage donc l’avis du rapporteur au sujet du service public de l’audiovisuel.

S’agissant de la diffusion, je considère que la rédaction du projet de loi évoque suffisamment la place accordée par la politique publique à la nécessité de développer les moyens de diffusion. Nous y reviendrons avec la question des labels et à l’occasion de l’examen d’autres articles tendant à garantir les moyens de diffusion. On pourrait aussi considérer que l’alinéa relatif à l’égal accès des citoyens constitue aussi une forme de garantie de l’égalité de ceux-ci devant l’accès à la diffusion. Je partage votre préoccupation de prendre en compte la création et sa diffusion, mais je pense que celle-ci est déjà satisfaite.

Mme Marie-George Buffet. Je suis surprise par l’absence de mention de l’audiovisuel public qui figure en bonne place dans l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le projet de loi. L’audiovisuel contribue à la liberté de création et l’exclure de la discussion lorsque l’on évoque la diffusion et la liberté de création serait pour le moins étonnant alors qu’il en constitue un des leviers. Je ne retire donc pas mon amendement.

Mme Annie Genevard. Je ne retire pas non plus mon amendement. Dans l’alinéa premier de l’article 2, il est question de mettre en œuvre une politique en faveur de la création artistique, c’est-à-dire d’organiser les choses selon une intention et une volonté, avec des objectifs de résultat, bref de bâtir une politique consacrée à la création et à sa diffusion. Il s’agit, en quelque sorte de l’affirmation socle de cet article 2. Dans le cinquième alinéa, il est question de développer les moyens, cela n’est pas la même chose, car les moyens ne sont pas la politique, ils concernent la mise en œuvre de celle-ci. Cela n’étant pas équivalent, je préfère, que, dans l’intention initiale porteuse de l’essentiel du message, nous puissions concomitamment, dès le premier alinéa, évoquer la création artistique et sa diffusion, éventuellement en ajoutant la mention des moyens.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC463 du rapporteur et AC161 de M. Christian Kert.

M. le rapporteur. J’ai souhaité prendre l’initiative d’un amendement visant à compléter l’objectif général de soutien à la création artistique par un objectif de soutien à la création d’œuvres d’expression originale en langue française. Je me suis aperçu que, par là même, il satisfaisait l’amendement AC161 ainsi qu’un autre, plus lointain, AC85.

M. Christian Kert. Mon amendement, certes, va dans le même sens que celui du rapporteur, mais, sans que son ego en souffre, il me semble qu’il va au-delà. Il tend à ce que la politique en faveur de la création artistique soit également garante de la diversité des expressions, et cela, monsieur le rapporteur, me semble tout à fait compatible dans nos intentions.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur car une des missions fondamentales du ministère de la culture et de la communication est de veiller à ce que la création de langue française rayonne et parvienne à toucher le public le plus large possible.

Quant à l’amendement de M. Kert, je considère qu’il est satisfait par celui du rapporteur mais également par d’autres dispositions relatives au soutien à l’émergence et au développement des talents qui figurent dans d’autres alinéas de cet article.

M. Michel Herbillon. Le français, c’est ce que nous avons en partage et, en vous écoutant Monsieur le rapporteur, on pourrait espérer que, de temps en temps, vous soyez à l’écoute des amendements de l’opposition, surtout lorsqu’ils vont dans un sens qui nous est commun. Vous venez de dire que notre amendement était satisfait par celui du rapporteur. Mais ne serait-il pas de bon augure, au début de l’examen du texte, de considérer plutôt que l’amendement du rapporteur est satisfait par celui que présentent M. Kert et l’ensemble de ses collègues ? Il ne s’agit pas d’une simple clause de style, l’amendement du rapporteur est excellent mais celui de M. Kert va plus loin, en encourageant la diversité des expressions, il est plus complet.

Mme Isabelle Attard. J’irai dans le même sens que M. Herbillon. L’amendement de M. Kert permet d’établir la jonction entre celui du rapporteur et mon amendement AC197 qui rappelle les recommandations du rapport du CESE relatives à la garantie de la liberté d’expression. Ainsi, si l’amendement de Christian Kert était adopté, je pourrais retirer le mien.

M. Christophe Premat. L’amendement du rapporteur répond à un certain nombre de normes établies par l’Organisation internationale de la francophonie ; le soutien au spectacle vivant et à la création francophone constituent un des piliers de la politique de cet organisme. Par ailleurs, la question du rayonnement à l’étranger figure bien dans l’article 2, même si celui-ci ne dépend pas du ministère de la culture, car, dans le cadre de la diplomatie culturelle, le ministère des affaires étrangères dispose d’un patrimoine immobilier permettant la mise en valeur de la création francophone. Je pense notamment aux Journées du patrimoine organisées dans un certain nombre d’ambassades à l’étranger. La formulation de cet amendement permet la prise en compte de toutes les formes d’expression diverses et possibles.

M. le rapporteur. Vous me connaissez un peu : lorsque je peux satisfaire tout le monde, je le fais. Je propose donc de réaliser une habile synthèse des deux amendements. De mon amendement AC463 je souhaiterais simplement que nous retenions les termes « œuvre d’expression originale française », plus précis que la rédaction « création en langue française ».

Cela nous amènerait à la rédaction suivante : « en particulier la création d’œuvres d’expression originale française, et encourager l’émergence, le développement, le renouvellement des talents et de leurs expressions. »

L’amendement AC643 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC161 modifié.

En conséquence, les amendements AC83 de M. François de Mazières et AC197 de Mme Isabelle Attard tombent.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AC53 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit de la poursuite du débat que nous avons eu précédemment, monsieur le rapporteur, au sujet de la garantie de la diversité et de la diffusion de la création culturelle en mobilisant les services publics des arts, de la culture et de l’audiovisuel pour soutenir les expressions et les esthétiques. La réponse consistant à avancer que le projet de loi est consacré au spectacle vivant et aux arts plastiques n’est pas recevable puisque toute une série d’articles concernent le cinéma ; dès lors je ne vois pas pourquoi l’audiovisuel ne serait pas pris en compte.

M. le rapporteur. Je suis toujours embarrassé lorsque je sens que je contrarie Marie-George Buffet car nous avons une histoire commune dans la défense d’un certain nombre de préoccupations partagées touchant les artistes et les acteurs culturels en général. Néanmoins, je suis contraint de lui faire la même réponse qu’à son amendement AC52 – et je remercie tous ceux ici présents qui sont attachés au service public de l’audiovisuel : ce projet de loi n’a pas pour objet la réforme de la loi de 1986 qui fait référence à la notion de service public de l’audiovisuel et prévoit un certain nombre d’objectifs rejoignant ceux de l’amendement AC53. Nous parlons effectivement de cinéma mais par pour autant d’audiovisuel, ceux-ci étant de natures différentes et relevant de modes de financement et de régulation qui ont peu de choses à voir, même si l’un finance l’autre.

Mme la ministre. Même avis que le rapporteur. D’autant qu’on peut considérer que le troisième alinéa, qui prévoit d’ores et déjà de soutenir l’existence et le développement de la création artistique « sous toutes ses formes » et affirme la nécessité de développer l’ensemble des moyens de diffusion de celle-ci satisfait cet amendement. Même si je partage les préoccupations de Marie-George Buffet, j’en demande donc le retrait, sinon j’y serai défavorable.

Mme Marie-George Buffet. J’entends bien que nous partageons les mêmes préoccupations, ce qui est parfois étonnant… Mais ne pas donner sa place à l’audiovisuel dans ce projet de loi revient à dire à ses acteurs : vous ne participez pas à la liberté de création et à son développement. Ce n’est pas parce qu’il existe déjà des lois concernant l’audiovisuel que l’on ne peut pas l’inclure comme l’un des instruments de la liberté de création. Je ne comprends pas ce blocage, je ne refais pas la loi relative à l’audiovisuel. Je maintiens donc cet amendement dont nous aurons sûrement l’occasion de rediscuter en séance publique.

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas qu’il y ait méprise : l’audiovisuel public contribue bien sûr à la création ainsi qu’à l’exercice de la liberté d’expression. C’est un moyen de démocratisation de la diffusion déterminant, même à l’heure d’internet. J’essaie simplement d’expliquer que nous ne visons pas la même loi. La contribution du service public audiovisuel à la création est affirmée dans la loi de 1986, que nous avons tant réformée en trente ans. Nous réparons ici un immense oubli : nous inscrivons pour la première fois dans la loi ce qu’est la définition d’une politique de service public de la culture et ce que sont ses objectifs pour le spectacle vivant et les arts plastiques. Cela n’avait jamais été fait jusqu’à présent.

Je partage tellement vos préoccupations qu’à aucun moment je ne voudrais que l’on puisse dire que la liberté de création n’a aucun rapport avec l’audiovisuel, bien au contraire. Toutefois, c’est une question que nous avons souvent traitée, que nous retraiterons inévitablement, mais pas à ce moment de l’examen du texte, je voudrais vous en convaincre. C’est pour cela que j’ai demandé le retrait de votre amendement – « défavorable » est un mot qui me déchire la bouche puisque je partage vos objectifs ; je cherche à vous persuader que la réforme de la loi de 1986 n’est pas notre objet.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AC85 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je reviens un instant sur mon amendement précédent car il a été rapidement dit tout à l’heure qu’il tombait. Pardonnez-moi mais, la rédaction que nous avons alors adoptée maintient la notion de talent et pas du tout celle de pratique culturelle. Or la notion de talent est purement subjective. Reviendra-t-il à l’État de déterminer ce qu’est un talent ? Je vous propose la vraie démocratisation culturelle. Il faut affirmer les pratiques culturelles. Qui peut se permettre aujourd’hui de définir des talents ?

M. Michel Ménard, président. Monsieur de Mazières, votre amendement est tombé car il ne s’adaptait pas à l’alinéa modifié par l’amendement précédent. C’est la forme qui est en cause et non le fond. Vous pourrez reprendre ce sujet en séance publique.

M. François de Mazières. Je pense qu’il est bon de revenir sur le sujet et j’aurais espéré, qu’enthousiaste, le rapporteur dise que j’avais raison.

M. Michel Ménard, président. Présentez votre amendement AC85 monsieur de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est objectivement plus précis ; pour les membres des troupes de théâtre, l’expression « artistes d’expression française ainsi que la diffusion de spectacles en langue française » veut vraiment dire quelque chose.

M. le rapporteur. Je considère que l’amendement collectif que nous avons rédigé grâce à l’apport décisif du groupe Les Républicains satisfait cet amendement, c’est pourquoi je demande son retrait.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit ensuite de l’amendement AC196 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Comme les autres amendements que je déposerai au cours de la discussion de cet article 2, celui-ci s’inspire des conclusions du CESE sur le sujet. Marie-George Buffet l’a déjà dit, et je le répète : la partie concernant la création et l’audiovisuel a sa place dans ce texte. Ce n’est pas parce que nous avons déjà débattu de l’audiovisuel dans un texte antérieur que nous ne pouvons pas réaffirmer qu’il a toute sa place dans la création et dans la diffusion. J’ai entendu les arguments de notre rapporteur et ne vois pas en quoi ils entrent en contradiction avec les nôtres.

En conséquence, je redemande que, après le cinquième alinéa, nous puissions réaffirmer que nous souhaitons développer des actions visant à conforter le service public de la culture et de l’audiovisuel présent sur tous les territoires ; c’est une question d’équité territoriale.

M. le rapporteur. J’ai largement répondu et argumenté pour le retrait de cet amendement en répondant à celui déposé par Marie-George Buffet. Je me permets d’apporter un complément – peut-être avez-vous été insuffisamment attentive à mon propos liminaire ainsi qu’à mon rapport. À l’occasion d’auditions, reprenant les observations du CESE, un certain nombre de nos interlocuteurs ont déploré l’absence de dispositions réformant la loi de 1986 et ayant trait à l’audiovisuel public. J’apporte cette précision afin de rapporter honnêtement ce qui a été dit, notamment, en liaison avec les propos de Marie-George Buffet, au sujet de notre volonté d’aller plus loin en ce qui concerne les règles de transparence dans le domaine cinématographique. Il nous a été demandé : pourquoi ne pas faire pour l’audiovisuel ce que vous faites pour le cinéma ?

Aussi, je voudrais, tout en demandant le retrait de l’amendement, que nous décidions collectivement de nous inscrire dans cette perspective. Ce texte va connaître deux lectures dans chacune des deux assemblées, nous verrons alors si, à travers certaines dispositions, nous pourrons sortir du champ du projet de loi afin d’aborder des questions concernant l’audiovisuel public.

La Commission rejette l’amendement.

La séance est levée à treize heures cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 septembre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Annie Genevard, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, M. Christian Paul, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Sonia Lagarde, Mme Barbara Pompili, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid

Assistaient également à la réunion. – M. Philip Cordery, M. Jean-Jacques Cottel, M. Jean-Patrick Gille, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jacques Krabal, M. Paul Molac, M. Denys Robiliard, M. Éric Straumann