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Mardi 28 octobre 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen, ouvert à la presse, de la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi sur l'initiative envisagée par la Commission européenne pour atteindre l'objectif « Aucune perte nette de biodiversité » (n° 2259) (Mme Geneviève Gaillard, rapporteure)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi sur l'initiative envisagée par la Commission européenne pour atteindre l'objectif « Aucune perte nette de biodiversité » (n° 2259).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, la commission des affaires européennes a adopté, le 8 octobre dernier, la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi sur l’initiative envisagée par la Commission européenne pour atteindre l’objectif « Aucune perte nette de biodiversité ».

Selon l’article 151-2 de notre Règlement, la commission du développement durable dispose d’un mois pour se prononcer, ce que nous allons faire dès cet après-midi, après avoir entendu Mme Geneviève Gaillard, notre rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Monsieur le Président, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne de notre collègue Danielle Auroi sur l’initiative envisagée par la Commission européenne pour atteindre l’objectif « Aucune perte nette de biodiversité » a été adoptée à l’unanimité par la Commission des affaires européennes. Il nous revient aujourd’hui de nous prononcer.

Le cadre européen de réflexion et d’action en matière de biodiversité est aujourd’hui issu de la communication adressée par la Commission européenne, le 25 octobre 2011, au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions et intitulée « La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel. Stratégie de l’Union européenne à l’horizon 2020 ».

Chacun le sait, la perte de biodiversité constitue, avec le changement climatique, la plus grave des menaces environnementales mondiales, les deux phénomènes étant d’ailleurs inextricablement liés. Les chiffres sont connus, mais il ne faut pas se lasser de les répéter : selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 60 % des écosystèmes mondiaux seraient dégradés ou utilisés de manière non durable ; 75 % des stocks halieutiques sont surexploités ou significativement réduits ; 75 % de la diversité génétique des cultures agricoles ont été perdus dans le monde depuis 1990 ; on estime à 13 millions le nombre d’hectares de forêts tropicales détruits chaque année ; au sein même de l’Union européenne, 17 % seulement des habitats et des espèces et 11 % des principaux écosystèmes protégés par la législation de l’Union sont dans un état favorable, en dépit des actions menées.

La nouvelle stratégie proposée vise donc à enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques au sein de l’Union d’ici à 2020, à assurer dans la mesure du possible leur rétablissement et à renforcer la contribution de l’Union à la prévention de la perte de biodiversité. Six objectifs sont définis : enrayer la détérioration de l’état de l’ensemble des espèces et habitats couverts par la législation de l’Union relative à la nature et améliorer leur état de manière significative et mesurable d’ici à 2020 ; préserver et améliorer les écosystèmes et leurs services grâce à la mise en place d’une infrastructure verte et au rétablissement d’au moins 15 % des écosystèmes dégradés ; assurer la durabilité de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche ; lutter contre les espèces exotiques envahissantes ; intensifier la contribution de l’Union européenne à la lutte contre la perte de biodiversité au plan mondial.

Ces six objectifs sont associés à vingt actions destinées à en assurer la mise en œuvre. Pour préserver les écosystèmes et services associés – c’est-à-dire pour atteindre le deuxième des objectifs que je viens de citer – il est ainsi prévu que la Commission européenne élabore, d’ici à 2014 et en collaboration avec les États membres, une méthode d’évaluation de l’impact des projets, plans et programmes en faveur de la biodiversité financés par l’Union, et qu’elle poursuive ses travaux en vue de proposer, d’ici à 2015, une initiative visant à éviter toute perte nette pour les écosystèmes et leurs services, par exemple grâce aux régimes de compensation.

L’initiative « Aucune perte nette de biodiversité », qui nous retient aujourd’hui, devrait donc se traduire par la publication, dans quelques mois, d’un document précisant les orientations et la stratégie à adopter afin d’éviter toute perte nette pour les écosystèmes et les services qui leur sont attachés. La réflexion des institutions de l’Union sur ce sujet aura entre-temps été alimentée par plusieurs contributions. En effet, le Parlement européen a adopté, le 20 avril 2012, une résolution invitant instamment la Commission à développer un cadre réglementaire efficace sur ce thème. Un groupe de travail technique a été constitué par la Commission, qui a publié deux documents de travail. Dans le cadre d’un appel d’offres, un rapport a été remis par l’Institut pour une politique environnementale européenne. Enfin, une consultation publique de la Commission européenne sur cette future initiative de l’Union a été organisée en ligne, du 5 juin au 17 octobre 2014. La Commission des affaires européennes de notre Assemblée a d’ailleurs proposé sa contribution.

La proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi rappelle tout d’abord que, malgré les législations et les politiques de l’Union européenne consacrées à la protection de l’environnement, la biodiversité continue de décliner sur notre continent et qu’une responsabilité particulière incombe à la France en la matière, compte tenu des richesses en biodiversité qu’elle recèle, notamment outre-mer.

Il est ensuite proposé que l’Assemblée nationale soutienne plusieurs principes, à commencer par celui même d’une initiative « Aucune perte nette de biodiversité » et par l’idée consistant à axer cette dernière sur trois causes principales de perte de biodiversité – changement d’usage des terres, surexploitation des ressources naturelles et pollution diffuse des eaux. Nous soutiendrions également une concentration des moyens associés à l’initiative sur les zones extérieures au réseau Natura 2000, afin de défendre la biodiversité « ordinaire » pour limiter la segmentation et la fragmentation du territoire, ainsi qu’un renforcement de la mise en œuvre des directives relatives à la responsabilité environnementale, aux études d’impact environnemental et aux évaluations stratégiques des incidences sur l'environnement. Nous proposerions l’accroissement du verdissement de la politique agricole commune afin de mieux protéger les zones semi-naturelles, la sanctuarisation des moyens dédiés à la biodiversité dans le budget de l'Union européenne et l’élaboration d’un cadre juridique européen pour la compensation, comprenant des principes généraux et des normes communes. Enfin, nous soutiendrions l’inclusion de la notion de compensation dans la future initiative, à condition qu’une grille de sélection stricte bloque l’éligibilité à cette option de projets ayant fait fi des trois premières étapes de la hiérarchie d’atténuation – éviter, réduire et restaurer – et que les opérations de compensation empêchent réellement une perte nette de biodiversité ou de services écosystémiques.

Inversement, la proposition de résolution émet un avis très défavorable à l’élaboration éventuelle d’un cadre européen incitant à des compensations volontaires, ce qui irait à rencontre du principe selon lequel il convient de privilégier les trois premières étapes de la hiérarchie d’atténuation que je viens de citer.

Votre rapporteure ne peut naturellement qu’apporter son plein soutien à certaines des orientations de la proposition de résolution.

Il en va ainsi du principe d’une nouvelle initiative européenne en faveur de la biodiversité, visant à ce que l’année 2020 marque un point d’arrêt dans le mouvement ininterrompu d’érosion de la biodiversité observé au cours des décennies passées. De même, la concentration des moyens sur les zones de biodiversité ordinaire, le renforcement de la mise en œuvre de plusieurs dispositions déjà existantes ou la sanctuarisation des moyens dédiés à la biodiversité ne peuvent qu’être approuvés.

J’émettrai en revanche certaines réserves sur la mise en avant particulière du concept de « restauration », qu’il s’agisse de restaurer les atteintes portées à une espèce, ou même à certaines populations d’espèces, de restaurer des fonctionnalités de la nature ou des services écosystémiques, ou encore de restaurer des milieux dégradés par la mise en œuvre de projets économiques, territoriaux ou d’infrastructure. La remarque de notre collègue Danielle Auroi à propos de la compensation trouve en effet à s’appliquer également à la restauration, et probablement même avec plus de force encore : une telle opération « ne peut le plus souvent être qu’imparfaite car l’homme ne dispose pas toujours des outils et technologies pour refaire ce que la nature avait mis des milliers voire des millions d’années à fabriquer. Il ne sait tout bonnement pas recréer certains habitats remarquables comme les tourbières ou les forêts primaires, essentiels à la survie de nombreuses espèces végétales ou animales, qu’il s’agisse d’insectes, d’oiseaux ou de mammifères ».

En l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas réaliste d’espérer restaurer strictement un écosystème subtil avec ses interactions complexes que des interventions humaines ont dégradé. Sauf à bloquer toute initiative, c’est bien, quand on n’a pas su éviter ou réduire de façon significative, vers une « compensation » des dommages causés qu’il convient de s’orienter. Pire, en plaçant nos espoirs présomptueux sur la restauration, le risque est grand de ne plus prêter assez d’attention aux deux premiers termes de la séquence d’atténuation – éviter et réduire les dommages – alors même qu’ils constituent bien les objectifs prioritaires vers lesquels les efforts doivent tendre et que ce n’est que lorsque leurs limites auront été éprouvées qu’une solution de substitution devra être engagée.

La vraie question, c’est la nature de cette compensation : la comprend-on comme une compensation en équivalence financière ou en équivalence écologique, c’est-à-dire en nature ? Pour avoir auditionné les premiers opérateurs pratiquant la compensation, je sais que l’on vise heureusement, la plupart du temps, une compensation en nature et non financière. Mais cette orientation ne lève pas la véritable difficulté de l’exercice. En effet, aujourd’hui, la compensation n’implique qu’une obligation de moyens : il faut mettre raisonnablement tout en œuvre pour opérer une compensation des pertes. Si l’on détruit par exemple une zone à pique-prune pour y faire passer une autoroute – aucun autre tracé n’étant possible – il faut essayer d’aménager, via notre génie écologique, une autre zone propice à l’implantation et au développement du pique-prune. Mais, en l’état actuel, il n’existe aucune obligation de résultat, c’est-à-dire d’implantation effective du pique-prune : la réussite de l’opération de compensation n’est pas évaluée. On ne saurait d’ailleurs pas choisir une échelle de temps pertinente pour apprécier le bilan de la compensation dans le temps. Dès lors qu’on ne s’intéresse pas au résultat effectif de la compensation, comment juger de l’absence de perte nette de toute biodiversité ? Aujourd’hui, nul n’est amené à en répondre. Pis encore, on pourrait imaginer qu’une opération de compensation se traduise dans les faits par un coup de pouce à une espèce concurrente de l’espèce atteinte par l’infrastructure, une espèce exotique invasive par exemple. Dans ce cas de figure, l’atteinte portée par le projet serait double et la perte de biodiversité serait accentuée au lieu d’être compensée !

D’autres questions se posent, par exemple celle de la fongibilité de deux populations d’une même espèce, qui peuvent pourtant avoir développé des variantes et particularités génétiques qui assurent, au niveau global, la résistance de l’espèce à des zoonoses ou à des appauvrissements génétiques.

Plus généralement, votre rapporteure estime donc que c’est plutôt dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité, examiné par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au mois de juin dernier et dont la discussion en séance publique pourrait intervenir au premier trimestre de l’année 2015, que l’ensemble de cette discussion pointue pourrait le plus avantageusement prospérer.

Malgré ces petits écueils, et parce qu’une stratégie très offensive est maintenant nécessaire, je vous invite à ne pas vous opposer à l’adoption de cette proposition de résolution. Je ne proposerai donc qu’un amendement, rédactionnel.

M. Jean-Yves Caullet. Je placerai donc mon intervention sous le signe d’Osmoderma eremita.

On ne peut que constater cette érosion de la biodiversité. Éviter que ces pertes ne s’aggravent est un objectif qui doit nous réunir. Néanmoins, cette proposition de résolution soulève des interrogations. La biodiversité doit être quantifiée : parle-t-on de rareté, de quantité, de densité, de diversité des espèces ? Que compense-t-on ? Par exemple, si l’on détruit un petit cours d’eau de montagne, quasiment dystrophe, et qui n’abrite que de rares espèces, en construisant une petite retenue d’eau plus chaude, et qui abritera de nombreuses espèces, crée-t-on de la biodiversité ou détruit-on un biotope ? C’est une question grave : dès lors que l’on parle de perte nette, on envisage nécessairement des gains nets. Or ce texte parle de préserver, de compenser, de restaurer la biodiversité, mais ne propose pas de la quantifier.

De plus, éviter les pertes nettes, c’est figer une inégalité issue de l’histoire. On peut juger que cela va dans le sens de l’intérêt général, mais cela revient à donner quitus de tous les développements passés qui ont mis à mal la biodiversité : la seule solution restante serait alors de contraindre ceux qui n’ont pas porté atteinte à la biodiversité sur leur territoire à supporter le poids des bénéfices engrangés par d’autres. Les liens de solidarité territoriale sont insuffisamment présents dans cette résolution.

J’avoue donc devant vous ma schizophrénie : au nom de groupe SRC, je donnerai un avis favorable à cette proposition de résolution. Mais, à titre personnel, je m’abstiendrai.

M. Martial Saddier. Au nom du groupe UMP, je commencerai par remercier la rapporteure d’avoir rappelé que nous ne savons toujours pas quand nous débattrons en séance publique du projet de loi sur la biodiversité, qui aurait été une bonne occasion d’évoquer les problèmes que soulève cette proposition de résolution. Je n’adresse ici aucun reproche à la majorité parlementaire, mais j’ai bien l’impression que le Gouvernement n’a pas vraiment l’intention d’inscrire ce texte à l’ordre du jour. Nous le regrettons.

Le groupe UMP est favorable au principe de compensation, qui est d’ailleurs déjà très largement traduit dans nos lois : la loi du 10 juillet 1976 prévoit que les maîtres d’ouvrage prennent des mesures pour « supprimer, réduire ou, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ». La directive européenne de 2004 relative à la responsabilité environnementale établit un cadre de responsabilité fondé sur le principe pollueur-payeur. Enfin, l’alinéa 2 de l’article 23 de la loi du 3 août 2009 dite « Grenelle 1 » dispose que, lorsque c’est nécessaire, « des mesures de compensation proportionnées aux atteintes portées aux continuités écologiques dans le cadre de la trame verte et bleue seront rendues obligatoires selon des modalités définies par le code de l'environnement en concertation avec les élus locaux et les acteurs de terrain ». Enfin, le Grenelle de l’environnement a permis le lancement d’appels à projet ; depuis 2008, le principe de compensation est notamment appliqué en France grâce à l’action de CDC Biodiversité, filiale biodiversité de la Caisse des dépôts.

Pour autant, nous ne pouvons pas accepter en l’état cette proposition de résolution.

En effet, nous considérons que le verdissement de la politique agricole commune, mentionné à l’alinéa 19, a déjà atteint une proportion suffisante, qu’il ne faut pas remettre en cause.

Nous sommes pour notre part favorables à des mesures européennes d’incitation à des compensations volontaires, et nous sommes très défavorables à l’introduction dans le droit européen du triptyque « éviter, réduire, restaurer » sans aucune forme de restriction ou d’encadrement.

Enfin, à l’alinéa 21, contrairement à la majorité, nous sommes favorables à la promotion d’instruments de marché destinés à favoriser la restauration de la biodiversité.

Pour l’ensemble de ces raisons, tout en rappelant que les députés UMP sont, comme ils l’ont prouvé avec les lois Grenelle, favorables au principe de compensation, nous ne pouvons pas adopter en l’état cette proposition de résolution européenne.

M. Bertrand Pancher. Au nom du groupe UDI, je commencerai par rappeler que la proposition de résolution de Mme Danielle Auroi répond aux différentes questions posées par la Commission européenne dans sa consultation publique, avec l’objectif de mettre en place une politique européenne de la biodiversité.

Ce texte est défavorable à l’élaboration d’un cadre européen incitant à des compensations volontaires, privilégiant la hiérarchie d’atténuation. Nous partageons sans réserve cette préoccupation : la compensation doit demeurer une notion de dernier recours, qu’il faut certes parfois utiliser mais surtout encadrer soigneusement.

Le groupe UDI est donc plutôt favorable à cette proposition de résolution, qui a le mérite de proposer la définition d’un cadre pour l’élaboration d’une politique européenne commune. La préservation de la biodiversité est essentielle, et beaucoup d’actions existent déjà. La question des compensations sera le sujet le plus difficile : nous militons pour l’ouverture d’un vrai débat au Parlement sur ce thème. La compensation « trait pour trait et sur site » citée ici à l’alinéa 26 n’est pas toujours une évidence : les acteurs économiques ne doivent pas être montrés du doigt, ni se voir imposer des contraintes insurmontables.

S’il est nécessaire de bâtir une politique européenne, on ne peut oublier la question de notre stratégie nationale. Comme Martial Saddier, je regrette le flou du projet de loi sur la biodiversité, qui est séduisant mais peu concret. Des ambitions fortes sont nécessaires. Mme la rapporteure nous a livré une information de toute première importance, que nous confirmera peut-être le président Chanteguet : la discussion du projet de loi sur la biodiversité serait prévue au premier trimestre 2015.

Ce texte date tout de même du mois de mars 2014, et le débat en commission a eu lieu en juin 2014 : ce n’est franchement pas sérieux. J’espère au moins que le Gouvernement n’usera pas de la procédure accélérée !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous me prêtez bien du pouvoir... (Rires)

Plusieurs députés. Mais nous croyons en vous, monsieur le président. (Rires)

Mme Laurence Abeille. Au nom du groupe écologiste, puis-je suggérer que notre Commission pourrait, elle aussi, répondre à des consultations publiques européennes ?

On parle et on reparle de biodiversité, mais on trouve toujours de bonnes raisons pour regarder ailleurs et repousser les mesures contraignantes au lendemain. En attendant, la situation continue de se dégrader et l’urgence est maintenant bien là.

Nous espérons nous aussi que le projet de loi sur la biodiversité sera inscrit rapidement à l’ordre du jour de la séance publique. Mais, aujourd’hui, cette proposition de résolution est une bonne chose ; elle nous permet de réaffirmer certains principes, notamment celui d’inscrire dans le marbre la hiérarchie de l’atténuation – éviter, réduire, restaurer, compenser. Si nous voulons reconquérir la biodiversité, il faut absolument empêcher les différents acteurs d’aller directement à l’étape de la compensation, si les premières n’ont pas été respectées. La compensation doit toujours être un dernier recours ; il faut à tout prix éviter la logique « je peux détruire, puisque je peux payer ». La proposition de résolution l’indique bien.

La Commission s’est déjà interrogée largement sur la question de la compensation et sur le concept « Aucune perte nette de biodiversité », notamment lorsque nous avons reçu le président-directeur général de CDC Biodiversité. Nous ne savons pas compenser ce qui a été détruit : on ne recrée pas des tourbières, des forêts primaires ou des zones humides ; on ne compense pas la disparition d’une espèce animale ou végétale, ou la destruction de milieux très mal connus, comme le milieu marin profond. Dans bien des cas, nos connaissances sont insuffisantes : nous ne pouvons pas espérer qu’une destruction aura peu de conséquences.

La compensation « avec avantage » devrait devenir la norme : il faut viser plus qu’un simple équilibre et essayer d’aboutir à un gain. Compte tenu du fait que nous ne maîtrisons pas certains processus, comme la désartificialisation des sols, la compensation « trait pour trait » est souvent impossible. Il faut alors imposer une compensation avec avantage.

Nous approuvons les autres propositions faites par ce texte, comme la mise en place d’un outil de mémoire foncière des mesures compensatoires et la priorité donnée à la compensation sur site – se donner bonne conscience en finançant des compensations à l’étranger, sans contrôles réels, n’est vraiment pas une solution. La compensation doit enfin être faite avant la destruction, et bien sûr être intégralement financée intégralement par les promoteurs.

M. Yannick Favennec. Les agriculteurs s’inquiètent des nouvelles contraintes qui pourraient leur être imposées. Ils sont favorables à la préservation de la biodiversité – ils vivent au quotidien dans la nature, entretiennent et valorisent les prairies, notamment. Ils ne doivent donc pas être considérés comme des acteurs à contraindre, à surveiller ou à punir, mais comme de véritables partenaires du maintien de la biodiversité.

En particulier, les compensations ne doivent pas devenir pour eux une charge supplémentaire. D’une façon plus générale, d’ailleurs, les acteurs économiques cités ne doivent pas être montrés du doigt et se voir imposer des contraintes insurmontables : il faut à mes yeux privilégier un renforcement du dialogue et des actions de mobilisation.

Mme la rapporteure. La seule question de la compensation mérite à coup sûr un vaste débat, que nous avons commencé d’avoir lorsque nous avons débattu du projet de loi sur la biodiversité, mais que nous ne terminerons pas cet après-midi.

Mais, sur la biodiversité, nous n’avons guère avancé, et il faut cesser de couper les vers de terre en quatre ! J’ai eu la chance d’assister au sommet de Johannesburg, en 2002 : on parlait déjà de perte de biodiversité – mais l’objectif fixé alors n’a jamais été atteint. Ces errements n’ont pas cessé. Il est aujourd’hui nécessaire de préserver ce qui peut l’être, en évitant les destructions, en les réduisant, pourquoi pas en restaurant.

Cette résolution n’est pas parfaite et demanderait certainement à être précisée. Mais elle me paraît acceptable, parce qu’elle affirme de façon volontariste l’objectif d’éviter désormais toute perte nette de biodiversité, voire de la développer si c’est possible. Si j’entends les réflexions qui se sont exprimées, j’estime donc qu’il est important de l’adopter.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’entends moi aussi les remarques qui ont été faites, et j’aurais moi aussi des observations à faire : je note par exemple que la liste des causes de la perte de biodiversité donnée ici est relativement limitée. Il n’est pas question de changement climatique, d’artificialisation des sols, des espèces exotiques envahissantes…

Mais je me félicite que l’on parle de compensation, et que l’on rappelle la hiérarchie d’atténuation.

Quant à la disposition qui concerne les instruments de marché, elle doit faire l’objet d’un véritable débat : faut-il travailler à la mise en place de banques de compensation ?

Je vous appelle donc moi aussi à soutenir cette proposition de résolution.

*

La Commission en vient alors à la discussion de l’amendement CD1 de Mme la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rédiger plus positivement l’alinéa 21 de la proposition de résolution sur la promotion d’instruments de marché.

M. Martial Saddier. Je souhaite préciser que nous sommes favorables aux instruments de marché, et je redis que nous sommes très favorables à la notion de compensation. Cette résolution nous paraît bien trop large, et je constate que nos inquiétudes sont partagées sur d’autres bancs que ceux du groupe UMP.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 28 octobre 2014 à 17 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Alexis Bachelay, M. Philippe Bies, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Bertrand Pancher, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Vincent Burroni, M. Laurent Furst, M. Alain Gest, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville