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Commission des affaires sociales

Mercredi 21 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente
puis de
Mme Martine Carrillon-Couvreur,
Vice-présidente
puis de Mme Martine Pinville, Secrétaire

– Examen, ouvert à la presse, de la proposition de loi de Mme Véronique Massonneau visant à assurer aux patients le respect de leur choix de fin de vie (n° 2435) (Mme Véronique Massonneau, rapporteure)

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 21 janvier 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, à l’occasion de cette première réunion, je souhaite une bonne année à vous toutes et à vous tous et à vos proches, ainsi qu’à tous les administrateurs, secrétaires et agents qui nous accompagnent dans notre travail quotidien, dans des conditions parfois difficiles.

Avant d’en venir à l’ordre du jour, je voudrais m’arrêter un instant sur des événements qu’il serait difficile de ne pas évoquer. Il y a deux semaines, la barbarie a frappé notre pays. Elle a voulu atteindre la liberté d’expression ; elle a tué des membres des forces de l’ordre qui servaient notre pays ; elle a tué des gens parce qu’ils étaient juifs. Nous avons une pensée pour eux. En votre nom à tous, je salue l’unité républicaine qui a prévalu pendant cette tragédie, unité que nous ne devons pas oublier alors que le débat démocratique reprend. Pendant ce grand moment d’émotion que nous, les représentants de la nation, avons vécu mardi dernier, dans l’hémicycle, autour du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, nous avons été à la hauteur de ce que les Français attendaient face à ce drame.

M. Jean-Pierre Door. Merci de vos vœux, madame la présidente. Au nom de mon groupe, je souhaite à tous nos collègues une bonne année 2015, malgré les événements qui viennent d’être rappelés. Je souhaite aussi que les débats de notre commission se déroulent toujours dans la sérénité.

J’aimerais aussi connaître, le plus rapidement possible, le calendrier du projet de loi relatif à la santé. La presse évoque des dates totalement différentes et rapporte que le ministère se serait engagé à créer quatre ou cinq groupes de travail réunissant les divers acteurs professionnels, dont les travaux devraient être rendus fin mars. Dans ces conditions, quelles sont les dates envisagées pour les débats en commission et dans l’hémicycle ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Selon les informations dont je dispose, le projet de loi relatif à la santé sera examiné en commission durant la semaine du 2 mars et dans l’hémicycle début avril. Quant aux quatre groupes de travail mis en place par la ministre de la santé à la suite des mouvements des médecins, ils ont déjà débuté leurs travaux et devraient rendre leurs conclusions avant la fin mars. Les blocages portent essentiellement sur les aspects techniques du tiers payant. Même si les conclusions de ces groupes de travail sont rendues fin mars, rien ne nous empêchera de demander à la ministre de faire état de l’avancement de leurs travaux dans l’hémicycle ni de déposer des amendements.

J’indique aussi que notre commission sera saisie pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, autrement appelé NOTRE, qui est en cours d’examen au Sénat et que nous devrions étudier en commission le lundi 2 février. En l’état actuel des choses, notre saisine portera sur trois articles du texte adopté par la commission des lois du Sénat : l’article 3 bis, l’article 22 ter et l’article 24.

La Commission en vient à l’examen, sur le rapport de Mme Véronique Massonneau, de la proposition de loi visant à assurer aux patients le respect de leur choix de fin de vie (n° 2435).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Alors que nous abordons l’examen de la proposition de loi de Mme Véronique Massonneau, je rappelle le contexte du débat. La question de la fin de vie a fait l’objet d’une réflexion approfondie menée par nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, dont je salue le travail et l’engagement permanent, à la suite d’une mission que leur avait confiée le Gouvernement en juin dernier. C’est sur la base des conclusions qu’ils ont présentées à la mi-décembre que va se dérouler, cet après-midi même, un débat dans l’hémicycle.

Une proposition de loi sera ensuite déposée qui, en l’état actuel de mes informations, devrait être examinée en séance publique début mars. Par ailleurs, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a organisé hier une audition publique où notre collègue Jean-Louis Touraine a représenté notre commission, ce dont je le remercie.

Mme Véronique Massonneau, rapporteure. Mes chers collègues, je m’associe aux bons vœux de Mme la présidente.

« La mort n’effraie pas autant que le mal mourir » : cette réflexion, qui figure dans le rapport 2013 de l’Observatoire national de la fin de vie, prouve que le débat n’est pas clos. En effet, si l’élaboration progressive d’un cadre juridique sur cette question a permis de nettes améliorations, beaucoup reste à faire.

Si la loi dite « Leonetti » du 22 avril 2005 a représenté un progrès indéniable, elle a aussi montré ses limites. Plusieurs affaires douloureuses se sont retrouvées en une des journaux, la plus médiatisée et tristement connue étant celle de Vincent Lambert. Pourquoi n’y a-t-il que 2 % à 5 % des Français à avoir rédigé leurs directives anticipées ? Comment se fait-il que le médecin décide encore de la fin de vie du patient à la place de ce dernier ?

Les insuffisances de la loi de 2005 n’est plus à prouver. Les Français ne se sentent pas détenteurs de ce nouveau droit dont ils n’ont pas, à juste titre, saisi les contours. L’usage de la sédation est évoqué mais interprété de manière différente selon le médecin ou l’établissement : parfois, elle est entreprise jusqu’à la mort ; d’autres fois, elle est interrompue pour s’assurer que le patient souhaite poursuivre le processus. Ces pratiques doivent être mises à plat, dans l’intérêt premier du patient qui ne doit plus être victime de l’insécurité juridique des médecins. Les tribunaux ne doivent plus être les théâtres de drames familiaux. Un cadre juridique clair doit être défini et les choix de fin de vie des patients doivent enfin être respectés.

Nous devons donc aller plus loin. Le candidat François Hollande en était convaincu, mais il a tardé à donner une concrétisation à son engagement 21. En juin 2013, j’avais rapidement déposé une première proposition de loi visant à assurer aux patients en fin de vie le droit de mourir dans la dignité, souhaitant qu’elle puisse être un outil législatif au service de chacun. En vain. Alors, le groupe écologiste a décidé d’inscrire ce texte complété visant à assurer aux patients le respect de leur choix de fin de vie à l’ordre du jour d’une de ses niches parlementaires. Je me réjouis que la discussion de ce matin vienne enrichir d’autres moments de débats parlementaires, je pense notamment à celui que nous aurons cet après-midi en séance publique.

Notre assemblée s’empare enfin de ce sujet qu’elle avait délaissé depuis 2011, lorsque l’opposition de l’époque avait défendu, sans pouvoir la faire adopter, une proposition de loi similaire à la mienne. Devenue la majorité à laquelle j’appartiens, l’opposition d’alors a désormais les moyens d’adopter un texte qui changerait la vie de nos concitoyens, qui serait à la hauteur de leurs attentes.

Je propose, en premier lieu, d’introduire dans le code de la santé publique le droit pour toute personne malade de demander à bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté. Cette demande est encadrée et obéit à une procédure qui donne le temps de la réflexion aux praticiens et aux malades. Seules les personnes majeures et capables, atteintes d’une affection grave et incurable – quelle qu’en soit la cause – et subissant des souffrances physiques et psychiques insupportables ne pouvant être apaisées, peuvent en faire la demande. Le médecin doit alors consulter un autre confrère dans un délai maximal de quarante-huit heures. Les médecins pourront invoquer la clause de conscience et l’équipe soignante sera consultée.

L’objectif est de mettre en place une procédure qui permette de vérifier la volonté et la situation médicale de la personne malade. Les médecins devront se livrer à plusieurs vérifications. En premier lieu, ils devront s’assurer de la capacité de la personne malade et de sa volonté de recourir à une euthanasie ou de bénéficier d’un suicide médicalement assisté. En deuxième lieu, ils devront constater la réalité de la situation médicale de la personne malade et l’impasse thérapeutique qui en résulte. La demande de la personne malade doit être libre, éclairée et explicite. Le patient doit réitérer sa demande, qui peut être révocable à tout moment, et il dispose d’un temps de réflexion de deux jours.

Lorsque la personne malade n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, le respect de son choix de fin de vie est particulièrement problématique. C’est pourquoi il est nécessaire que les deux mécanismes existant à ce jour – les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance – soient renforcés.

Je propose que le contenu, la durée de validité et l’opposabilité aux médecins des directives anticipées soient améliorés. Ainsi, les directives anticipées porteront non seulement sur les limitations ou arrêts de traitement, mais également sur les demandes d’euthanasie. Afin que la volonté du malade soit respectée, ces directives s’imposeront au médecin. En outre, je souhaite leur conférer une durée de validité illimitée, étant entendu qu’elles restent modifiables et révocables à tout moment.

Une procédure de contrôle est instituée. Tous les actes d’euthanasie ou de suicide médicalement assisté seront déclarés a posteriori par les médecins dans un délai de huit jours auprès d’une commission régionale de contrôle qui aura pour mission de vérifier si les exigences légales ont bien été respectées. En cas de non-respect de la loi ou en cas de doute, cette commission transmettra le dossier à un organe chargé de trancher en dernier recours – la Commission nationale de contrôle des pratiques en matière d’aide médicale à mourir –, qui sera rattaché aux ministres de la justice et de la santé. Elle pourra également transmettre le dossier à l’autorité judiciaire compétente.

Enfin, pour garantir l’égalité d’accès de tous les citoyens aux soins palliatifs par un meilleur maillage territorial, je propose que le nombre d’unités de soins palliatifs soit conditionné au nombre d’habitants par département.

En conclusion, cette proposition de loi permettra à la personne malade d’assurer le respect de son choix de fin de vie et d’affirmer son principe d’autonomie. Elle protègera aussi celui qui refuse une quelconque aide à mourir. Elle sera un moyen d’apaiser les proches qui sauront les dernières volontés de la personne respectées. L’existence de cette issue possible suffit parfois à rassurer les personnes en fin de vie.

Au-delà des convictions de chacun, que je respecte, l’argument le plus souvent opposé à une telle avancée est le manque criant de places en unités de soins palliatifs. Ce manque est réel et insupportable pour un grand pays comme le nôtre. Je le déplore mais je me refuse à opposer le développement des soins palliatifs à une légalisation de l’euthanasie. Tout d’abord, l’accès universel aux soins palliatifs ne fera pas disparaître toutes les demandes d’euthanasie, car certains ne veulent tout simplement pas de ces soins. Ensuite, si l’on considère la demande d’euthanasie comme un acte de désespoir faute de place en unités de soins palliatifs, alors il faut être cohérent et refuser toute forme de sédation terminale pour le même motif. Par ce texte, il s’agit surtout de refuser d’imposer une situation insupportable à une personne qui souhaite y mettre un terme. Il s’agit d’en finir avec les dogmatismes quels qu’ils soient.

Je vous propose, chers collègues, de comprendre les demandes de nos concitoyens, ce qu’ils vivent, ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas, et d’accepter leurs choix même s’ils ne sont pas les nôtres. Le respect du choix des autres imprègne les valeurs de notre pays. Soyons à la hauteur des enjeux et des attentes : ne nous contentons pas d’un consensus mou qui ne satisfait personne ; ayons le courage d’accomplir une véritable avancée sociétale, de celles qui sont souvent acquises dans la contestation mais ne sont jamais remises en cause.

Mme Martine Pinville. Beaucoup de Français pensent que notre législation et notre organisation des soins ne permettent pas toujours de finir sa vie dans la dignité. Au cours de cette législature, ce sujet a fait l’objet de deux rapports : l’un, du professeur Didier Sicard, l’autre, de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, qui a donné naissance à une proposition de loi modifiant la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Celle-ci comporte trois idées essentielles : le respect absolu par le corps médical des directives anticipées ; l’affirmation du droit du malade à l’arrêt des examens et traitements ; la mise en place d’une sédation profonde et continue jusqu’à la mort, associée à l’arrêt de tous les traitements de maintien en vie lorsqu’un patient, atteint d’une maladie grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé, est en proie à une souffrance réfractaire ou s’il décide d’arrêter de lui-même tout traitement. C’est le droit à mourir paisiblement et sans souffrance.

Votre proposition de loi, Véronique Massonneau, a en commun avec cet autre texte de mettre le patient au cœur de la décision. Cet après-midi, le Premier ministre et les groupes parlementaires vont s’exprimer en séance publique, au cours d’un débat qui doit être serein et apaisé, car il porte sur un vrai sujet de préoccupation de nos concitoyens. Compte tenu des travaux engagés et du dépôt annoncé de la proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti dont nous pourrons débattre au mois de mars, le groupe socialiste ne votera pas pour celle qui nous est présentée ce matin.

M. Jean Leonetti. Je suis d’accord avec Véronique Massonneau sur le fait que nos lois ne sont pas appliquées et aussi sur la probabilité que le débat sur la fin de vie, aussi vieux que l’humain, se poursuivra tant que l’humain sera capable de se questionner.

En 1999, nous définissions ensemble l’accès pour tous aux soins palliatifs. Or nous constatons que, malgré des avancées considérables, il reste énormément d’insuffisances. En 2002, nous avons franchi une étape supplémentaire en accordant le droit de refuser des traitements, même si cela met la vie de la personne en danger. Force est de constater que l’application de cette mesure reste incomplète. En 2005, nous avons adopté une loi qui condamne l’acharnement thérapeutique. On constate pourtant encore que ce dernier persiste dans les services hospitaliers, même s’il est parfois demandé autant par les malades que par les médecins.

Permettez-moi de souligner que l’affaire Vincent Lambert n’a rien à voir avec le droit à l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté : dans n’importe quel pays, quelqu’un qui n’a pas émis de directives pose un problème. Rappelons que la France est le seul pays à avoir inventé une procédure qui permet de mettre fin à ces prolongations artificielles de la vie. Dans les autres pays, y compris dans ceux qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté, l’affaire Vincent Lambert ne se réglerait pas. Le Conseil d’État a confirmé que l’arrêt des traitements de survie de Vincent Lambert était possible. Cette affaire n’est pas un élément qui doit nous inciter à modifier la loi, sauf à lui faire préciser que les membres de la famille doivent exprimer l’avis de la personne qui ne peut plus le faire et non pas leur avis personnel. Sur les 30 000 et 50 000 arrêts de traitements de survie qui sont décidés chaque année en application de la procédure française, il pourra toujours y avoir un cas où la famille se déchire et qui est soumis aux tribunaux.

Venons-en à la procédure choisie par le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de débat. D’abord, la commission Sicard, créée à l’initiative du Président de la République, a mené des consultations dans toute la France. Ensuite, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a émis un avis confirmant, à la majorité de ses membres, les conclusions du rapport du professeur Didier Sicard. Enfin, le CCNE a rendu un rapport où étaient bien définis les avancées consensuelles et les points d’affrontement. Le Président de la République a choisi la voie consensuelle – qui n’a rien d’un consensus mou – pour dépasser le problème de manière pragmatique grâce à tous ces travaux. Il a déclaré qu’il faisait siennes les suggestions contenues dans la proposition de loi que nous avons déposée Alain Claeys et moi-même.

Le droit à l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté soulève plusieurs problématiques, la première étant la rupture de digue. On part toujours d’un cadre extrêmement strict, et je ne remets pas en cause la sincérité de Véronique Massonneau quand elle veut réserver ce droit aux seuls adultes. Pour autant, on constate qu’en Belgique l’autorisation d’euthanasie existe pour les malades mentaux et les mineurs, et qu’en Suisse 30 % des suicides assistés concernent des personnes qui n’ont pas de maladies graves et incurables mais qui sont seulement âgées et lasses de vivre. Lorsqu’on ouvre un droit de ce type, il est extrêmement difficile de le circonscrire.

Le deuxième argument est d’ordre médical. Dans notre pays où les soins palliatifs se sont installés, la culture médicale est opposée à l’euthanasie pour une raison logique : la mort ne poursuit pas les soins, elle les interrompt.

Ce qui me conduit au troisième argument : il est difficile pour une société de combattre le suicide tout en l’autorisant pour certaines personnes. C’est là un débat éthique dans lequel s’opposent les notions d’autonomie et de vulnérabilité : il faut respecter la volonté de l’individu mais également protéger les personnes vulnérables. Lorsqu’une personne arrive à l’hôpital après une tentative de suicide, elle est réanimée. Toutes les sociétés essaient de lutter contre le suicide, le considérant davantage comme le signe d’une souffrance que comme l’expression d’une liberté individuelle. Comme Robert Badinter, je pense que lorsque l’on touche à des droits fondamentaux tels que le droit à la vie, on prend le risque de fragiliser les plus vulnérables.

Je ne dis pas que la proposition de loi que nous avons déposée, Alain Claeys et moi-même, clôt définitivement le débat. Le Mythe de Sisyphe de Camus commence par cette interrogation philosophique : la vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue ? C’est effectivement la question existentielle fondamentale pour les humains. Pour autant, la proposition de loi est consensuelle et, à certains moments de son histoire, un pays doit savoir se rassembler sur l’essentiel pour continuer à faire vivre la démocratie. Ce débat est utile et je me réjouis qu’il ait lieu à l’Assemblée nationale : les parlementaires pourront améliorer ce texte qui n’est pas parfait mais qui répond à l’attente des Français. Ceux-ci demandent à être mieux écoutés et à ne pas souffrir en fin de vie.

Pour terminer, je citerais la dernière statistique qui n’est ni plus ni moins valable que les autres. Majoritairement, les Français préfèrent mourir tout de suite plutôt qu’après un mois de souffrance. En revanche, ils préfèrent des soins palliatifs qui atténuent la souffrance, quitte à ce qu’ils raccourcissent la vie, plutôt que la mort donnée. Attention aux réponses trop simples sur des problèmes éminemment complexes et divers. Il serait bon que nous essayions, dans le respect de nos différences, d’avancer ensemble dans une direction souhaitée par les Français plutôt que de s’abriter derrière des positions dogmatiques ou personnelles.

M. Michel Piron. Même si je ne suis pas membre titulaire de cette commission, je présente les vœux de bonne année de mon groupe, en préambule aux quelques questions que je souhaite soulever à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi.

J’approuve la totalité des propos de Jean Leonetti et, comme beaucoup de membres de mon groupe, je reste perplexe face à l’extrême complexité d’un sujet qui peut donner lieu à des positions très ambivalentes, et face à la très grande difficulté à poser les mots justes quand sont en jeu des choses aussi fondamentales.

Entre mal mourir et mal vivre sa fin, il y a une infime différence mais ce n’est pas du raffinement sémantique. La ligne est aussi mince que celle qui sépare l’euthanasie passive de l’euthanasie active, ou celle qui sépare l’euthanasie active du suicide assisté. L’euthanasie passive est la conséquence très indirecte mais non voulue de traitements qui, pour soulager la souffrance du patient, vont hâter sa fin. Ce n’est pas la même chose que de viser d’abord la fin de vie et de choisir les traitements en conséquence.

Pour avoir participé activement à la mission Leonetti qui a débouché sur la loi de 2005, et suivi une soixantaine des quatre-vingt-une auditions auxquelles elle avait procédé, je me souviens de témoignages bouleversants mais aussi de la méthode tout à fait exemplaire adoptée pour conduire la réflexion. Nous avions commencé par entendre des ethnologues, des historiens, des sociologues, des philosophes et toutes les grandes familles religieuses ou de pensée. Ce n’est qu’après avoir remis en perspective le rapport à la mort dans les différentes sociétés et au cours de l’histoire, que nous avons commencé à entendre les membres du corps médical jusqu’à l’infirmière, à l’aide qui tient la main du mourant. Ce n’est qu’ensuite encore que nous avons entendu les personnes qui fabriquent du droit, de la règle, et qui, au nom de la société, essaient de poser quelques jalons qui pèsent très lourd : ils consacrent un droit de la société sur la mort, cette chose unique qui n’est pas seulement abstraite. On parle rarement bien de la mort parce qu’il est très difficile d’envisager la sienne. Dans cette situation, la plume peut trembler avant qu’on écrive.

Madame la rapporteure, vous avez mentionné le faible nombre de directives anticipées. Comment pourrait-il en être autrement dans une société comme la nôtre où, au fil des années, la mort a été évacuée pour ne pas dire niée, pour des raisons en partie inconscientes ? L’un des ethnologues nous faisait remarquer qu’il n’y a plus de cortèges mortuaires dans les villes, pour des raisons de circulation. Ces cortèges passaient devant des enfants aussi bien que devant des adultes et la mort était présente dans la société. De nos jours, elle en est de plus en plus absente, comme externalisée, de plus en plus médicalisée hors du domicile. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu de s’étonner de la faiblesse du nombre de directives anticipées.

Vous n’avez abordé la question des soins palliatifs qu’à la fin de votre intervention. Comme Jean Leonetti, je pense qu’ils devraient être réintégrés dans l’ensemble de la démarche d’accompagnement de ceux qui vont mourir. Si la mort transforme la vie en destin, comme le disait André Malraux, c’est parce que chaque vie qui disparaît est unique. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas pour votre texte, tout en pensant que vos propositions peuvent contribuer à enrichir la réflexion et les débats de cet après-midi.

M. Christophe Cavard. Deux ans et demi après l’élection du Président de la République, l’engagement 21 du candidat François Hollande que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » n’en est encore qu’à l’étape d’un débat sans vote. Les Français n’en peuvent plus d’attendre. Leur dignité n’est plus respectée ; leur ultime liberté n’est pas garantie ; leurs dernières volontés ne sont pas entendues. Les écologistes ont donc décidé de mettre leurs propositions sur la table pour qu’enfin nous regardions en face la réalité qu’affrontent nos concitoyens : leur choix de fin de vie.

Comme tous les membres de mon groupe, je regrette que ce texte soit présenté à la faveur d’une simple niche parlementaire. Pour autant, je souhaite saluer la qualité du travail fourni par ma collègue Véronique Massonneau : une vingtaine de personnalités ont été auditionnées ; de très nombreuses tables rondes ont été organisées dans toute la France ; des visites de terrain, notamment dans des unités de soins palliatifs, ont été effectuées ; un grand colloque s’est tenu à l’Assemblée nationale en novembre dernier, au cours duquel Catherine Lemorton a bien voulu s’exprimer en sa qualité de présidente de la commission des affaires sociales et le président Claude Bartolone s’est prononcé en faveur de l’autorisation de l’euthanasie et du suicide assisté dans des cas bien précis, dispositions figurant dans notre proposition de loi.

Le combat est difficile, car l’affect est permanent. C’est l’un de ces combats politiques qui requièrent suffisamment de discernement pour ne pas se laisser guider par ses émotions et oublier les réalités humaines concernées. Tout le monde a un avis et des convictions ; nombreux sont ceux qui ont des certitudes qu’ils aimeraient parfois imposer aux autres. Il n’est pas question de se laisser voler son ultime liberté.

L’objectif de ce texte est de faire en sorte que chacun puisse choisir seul sa fin de vie, tout en respectant le choix des autres. La liberté de choix est une valeur fondamentale que les écologistes défendent depuis toujours. Nous sommes fiers de proposer ce texte et d’essayer de faire progresser cette valeur dans notre société. C’est pourquoi nous souhaitons que nos travaux permettent d’améliorer ce texte et de l’adopter, afin de respecter les engagements que nous avons pris en 2012.

Mme Dominique Orliac. Tout d’abord, je remercie la rapporteure pour son rapport très complet.

Les radicaux de gauche ont toujours été mobilisés sur les questions relatives à la fin de vie. Entre 1997 et 2002, le groupe radical, citoyen et vert avait fait adopter une proposition de loi qui reprenait les idées d’un ancien député et sénateur radical de gauche, Henri Caillavet, alors président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Sous la précédente législature, nous avons déposé un texte sur la fin de vie. Au début de cette quatorzième législature, en septembre 2012, nous avons encore déposé un texte. Pour nous, radicaux de gauche, le droit de mourir dans la dignité et le droit de choisir sa mort sont des principes importants.

La présente proposition de loi sera examinée dans l’hémicycle après le débat de cet après-midi et j’aimerais manifester notre mécontentement : consacrer seulement deux heures à un tel débat paraît inimaginable, quand le CCNE et les citoyens se sont réunis pendant des semaines et des mois. Les citoyens sont bafoués. Alors qu’il existe une fenêtre ouverte en séance ce soir, le Gouvernement aurait pu l’utiliser pour allonger la durée des débats.

Mille jours après la proposition du Président de la République, il n’est que temps de se saisir de la question. L’article 50-1 de la Constitution donne au Gouvernement la possibilité, sur un sujet déterminé, d’organiser un débat et de le soumettre à un vote ; le Gouvernement ne l’a pas utilisée, ce qui dénote un certain manque de courage.

Je regrette que la proposition de loi d’Alain Claeys et de Jean Leonetti, qui viendra à l’ordre du jour un peu plus tardivement, ne soit pas un projet de loi. Élaborée par la gauche et la droite dans un certain consensus, elle risque de se réduire à peau de chagrin. Quant à celle que nous étudions aujourd’hui, elle est très proche, voire identique sur certains points, à notre proposition de loi déposée en septembre 2012.

S’agissant de l’article 2, sur les conditions de mise en œuvre des actes d’euthanasie et d’aide au suicide, il faut veiller à ne pas faire porter la responsabilité sur un seul médecin ou même sur deux, sans compter qu’un deuxième avis pourrait être difficile à trouver dans l’urgence, dans un délai de quarante-huit heures. Pour ce genre de décision, il est indispensable de faire appel à un collège de professionnels. Nous constatons avec satisfaction que les directives anticipées – un élément essentiel quand il s’agit de traiter de la fin de vie – sont inscrites à l’article 3. Nous soutenons les dispositions contenues à l’alinéa 8 de l’article 5, qui assimilent le suicide assisté à une mort naturelle. Toutefois, il nous semble administrativement compliqué de demander au médecin de rédiger un rapport exposant les conditions du décès. Nous avons aussi quelques réserves sur les dispositions prévues à l’article 6 concernant le refus pouvant être opposé par un médecin pour ménager sa liberté de conscience. Il risque en effet d’être compliqué de trouver l’accord d’un autre praticien dans un délai de deux jours.

Cette proposition de loi de nos collègues écologistes est tellement proche de celle que nous avions déposée qu’il serait illogique de nous y opposer. Nous attendons de voir l’issue de la commission avant de prendre une décision, mais nous sommes ouverts à la discussion afin de dégager le plus large consensus possible.

Plusieurs sondages récents montrent que les Français, dans leur grande majorité, attendent un texte qui permette enfin de vivre sa mort dans la dignité. Les exemples étrangers doivent nous aiguiller et nous aider à réfléchir. Nous avons attendu ; il est temps désormais de nous donner les moyens législatifs pour permettre aux personnes qui le souhaitent de vivre leur fin de vie dans la dignité, tout en laissant à d’autres le choix d’avoir recours aux soins palliatifs. Loin de s’opposer, ces deux possibilités sont complémentaires.

M. Philip Cordery. Je souhaite tout d’abord remercier la rapporteure pour sa très bonne proposition de loi. La fin de vie est un sujet extrêmement sensible sur lequel nos concitoyens attendent des réponses. Le dernier rapport d’Alain Claeys et de Jean Leonetti propose des avancées importantes que je tiens à saluer.

À ce stade du débat, je pense qu’un éclairage étranger peut nous aider. Je suis le représentant des Français établis dans trois pays – le Benelux – où des lois fondatrices encadrent la fin de vie depuis plus de dix ans, sans que personne ait songé à les remettre en question. Les modèles belge et luxembourgeois sont comparables à celui de la présente proposition de loi.

En quelques mots, je voudrais évoquer ces trois modèles pour montrer que passer du « laisser mourir » au « faire mourir » est possible sans heurts. En Belgique où la loi est entrée en vigueur en 2002, pour bénéficier de l’euthanasie, le patient doit être dans une situation médicale sans issue et faire état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable, qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. Il doit formuler sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée. Le médecin a l’obligation de s’entretenir avec lui et d’évoquer la situation, y compris son espérance de vie, les possibilités thérapeutiques et les soins palliatifs. Il doit acquérir la certitude qu’il n’y a aucune solution raisonnable dans la situation considérée et consulter au moins un confrère. Le Luxembourg dispose d’une législation très proche depuis 2009. Aux Pays-Bas, l’euthanasie et le suicide assisté sont autorisés sous six conditions depuis 2001. Le médecin doit acquérir la conviction que le patient a formulé sa demande librement, de façon mûrement réfléchie et constante. Si le patient n’est plus en mesure de formuler sa volonté, les directives anticipées s’appliquent.

Faute de temps pour détailler ces trois modèles, je suggère qu’en prévision de nos futurs débats, la Commission des affaires sociales les reprenne dans une étude de droit comparé. Les dates d’entrée en vigueur de ces lois nous permettent d’avoir un vrai recul sur leur application, et je pense qu’elles doivent nous inspirer. Le contenu de la proposition de loi de Véronique Massonneau reste très proche du modèle belge que je considère comme une avancée importante en ce qu’il laisse le libre choix au patient.

M. Rémi Delatte. Il n’est pas de sujets plus délicats pour le législateur que ceux qui, comme celui-ci, confinent à l’intime, à la conscience et aux convictions personnelles. Plus que jamais, la sagesse doit primer. Or je vois beaucoup d’imprudences dans cette proposition de loi, à propos de laquelle je vais me limiter à deux remarques.

D’abord, comme le Président de la République l’a dit lui-même, ce sujet doit faire l’objet d’un grand débat national. Ce débat a déjà été enrichi de nombreuses contributions, y compris de la part de nos éminents collègues Jean Leonetti et Alain Claeys, dont l’expertise et l’objectivité ne sauraient être contestées. Il a aussi été alimenté par des rapports d’institutions et d’autorités. Aucun de ces rapports ne préconise l’euthanasie et le suicide médicalement assisté, dispositions qui ont conduit les pays qui les ont adoptées à constater un accroissement des pratiques hors champ légal.

Ma deuxième remarque porte sur le principe de collégialité mis à mal par cette proposition de loi. Il ne peut être accepté de confier la décision à un médecin qui ferait appel à un autre praticien de son choix et qui consulterait l’équipe soignante « s’il y a lieu ». C’est vraiment le fait du prince. Nulle part, le texte ne qualifie le médecin chargé d’étudier le dossier. Est-ce le médecin généraliste référent, le médecin chef du service de l’hôpital ou le médecin ayant en charge le patient en cours d’hospitalisation ? Rien n’est précisé. Il y a manifestement un renoncement à la dimension collégiale, qui est pourtant primordiale car elle constitue un rempart à d’éventuelles dérives. Notre assemblée va débattre de manière plus approfondie sur ces sujets dès cet après-midi. Aussi la sagesse doit-elle nous amener à rejeter la proposition de loi de notre collègue Véronique Massonneau.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit de l’un de ces sujets sur lesquels personne ne peut prétendre détenir de vérité absolue. Il convient de respecter des points de vue divers, fondés sur des philosophies différentes. Nous n’allons pas entreprendre ce matin le débat qui aura lieu dans l’hémicycle cet après-midi. De fait, nous aurons le choix entre plusieurs textes. La proposition de loi Claeys-Leonetti comporte des avancées telles que le droit des patients en fin de vie à être entendus, à ne pas souffrir, et à bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. La proposition de loi de Véronique Massonneau préconise, quant à elle, l’euthanasie et le suicide médicalement assisté. Entre les deux, il y a plusieurs possibilités, notamment l’exception d’euthanasie qui a été préconisée lors de la conférence des citoyens, instituée à l’initiative du CCNE. Pour ne pas conclure ce matin, avant le débat parlementaire, je propose de renvoyer l’examen en commission de la proposition de loi analysée aujourd’hui.

Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Fernand Siré. Une loi, qui a été étudiée et améliorée, accorde beaucoup de droits dans un domaine très philosophique : aux pesonnes qui ne choisissent pas de naître, on va donner la possibilité de choisir leur manière de mourir. C’est une vieille préoccupation. Chez Jean de La Fontaine, le malade qui appelait la mort n’en voulait plus quand elle s’est présentée. C’est le médecin, généraliste depuis quarante ans, qui vous parle. Parfois, un malade qui souffre me regarde comme si j’allais l’assassiner quand il voit la seringue de morphine que je m’apprête à lui administrer, à cause de cette légende sur l’injection du médecin qui provoque la fin de vie. C’est un regard difficile à supporter. Le rôle du médecin est de soigner, pas de tuer. Tant qu’il s’agit de soigner les patients pour les empêcher de souffrir jusqu’au bout, tous les médecins sont d’accord. Quand il s’agit d’arrêter la vie, c’est un autre problème.

M. Michel Liebgott. La complexité du problème s’accroît avec les progrès de la médecine qui permettent de repousser la mort. Il est important que nous en débattions car il se posera de plus en plus, et l’actualité nous en fournit des exemples : il y a quelques décennies, voire quelques années, les pilotes automobiles Michael Schumacher et Jules Bianchi n’auraient sans doute pas pu être sauvés.

Pour ma part, je suis plutôt scandalisé par le fait que les possibilités offertes par la loi actuelle ne soient pas utilisées : l’accès aux soins palliatifs est insuffisant et beaucoup de malades n’en bénéficient pas ; la prise en charge de la douleur reste nettement insuffisante ; la formation présente des lacunes puisque, semble-t-il, la moitié des médecins ne connaissent pas précisément la loi dite Leonetti.

La proposition de loi Claeys-Leonetti, que nous examinerons dans quelques semaines, apportera des améliorations considérables : la sédation profonde et continue jusqu’au décès, les directives anticipées et la possibilité de désigner une personne de confiance, la prise en compte des droits du patient qui peut refuser tout acharnement thérapeutique. Pour autant, je ne crois pas qu’il faille écarter les propositions de Véronique Massonneau, même si cette étape supplémentaire relève davantage de la liberté individuelle et nous fait entrer dans un autre cadre, comme le montre l’exemple de ce violeur récidiviste belge qui demande l’euthanasie. Doit-on ou non accéder à une telle demande ? Il y a aussi la situation de ces couples très âgés qui, d’un commun accord entre mari et femme, décident d’arrêter de vivre parce qu’ils n’en ont plus envie. Il peut aussi y avoir des jeunes déprimés dont on n’aura pas mesuré la profondeur du désespoir, qui pourraient avoir envie de mourir faute de perspective. Ce sujet intéressant relève de la liberté individuelle et j’ai bien conscience que la loi doit l’encadrer.

M. Dominique Dord. Notre rapporteure a, de façon choquante à mes yeux, qualifié de « dogmatique » la position actuelle de notre société et de notre droit et a également parlé de « consensus mou ». Je pense, au contraire, que cette position se situe sur une ligne de crête entre deux dogmatismes, qu’elle est l’aboutissement du long cheminement d’une société qui a ses racines, sa culture et ses convictions propres. Pour ce qui est du dogmatisme, je ne crois pas que ce sujet soit une affaire technique et administrative que l’on pourrait régler en huit pages et en sept articles, en instituant des délais, des procédures et des organes de contrôle. Ce n’est pas plus une affaire de combat politique, ni de numéro de proposition de campagne présidentielle ou de niche parlementaire. Quant au consensus mou, je pense, au contraire, que nous avons trouvé un consensus respectueux, prudent, délicat et sensible sur une question essentielle. Attachons-nous déjà à faire appliquer la loi en vigueur, qui permet véritablement de mourir dans la dignité.

M. Bernard Perrut. C’est un chantier immense et un grand débat de société que nous avons ouvert sur la question de la fin de vie. Un article de presse révèle que 150 000 personnes sur 550 000 sont décédées dans des conditions difficiles. Légaliser l’euthanasie et le suicide assisté ne résoudrait pas cette situation, qui est due à une offre insuffisante et inégale des soins palliatifs sur notre territoire, en d’autres termes à l’incapacité de notre société à accompagner les personnes en fin de vie.

La responsabilité du politique est de privilégier avant tout une approche palliative qui valorise le malade. En proposant de légaliser l’euthanasie et le suicide médicalement assisté, vous levez un interdit et ouvrez la voie à de plus en plus de transgressions. Il suffit d’observer l’escalade qu’ont connue la Belgique et les Pays-Bas pour s’en convaincre. Souhaitant créer un droit à la fin de vie, vous vous aventurez sur une pente glissante menant à la reconnaissance d’un droit à la mort. Au lieu de légaliser l’euthanasie, mieux vaudrait, au contraire, augmenter l’offre de soins palliatifs sur le territoire et accompagner les mourants dans la dignité. Le médecin doit respecter le malade et le législateur doit garantir l’interdit, fondateur de toute société, du droit à la mort. Ces limites sont inhérentes à notre humanité, humble et fragile au soir de la vie, mais jamais dépouillée de sa dignité intrinsèque.

Il n’y a pas lieu d’adopter aujourd’hui le texte qui nous est proposé mais bien de nous en remettre à l’important travail qu’ont mené nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti. Une loi est déjà en vigueur et un autre texte va être proposé : il doit pouvoir nous réunir autour d’une solution qui permette de respecter la volonté de la personne en fin de vie.

M. Gérard Sebaoun. Sur cette question complexe, intime, et qui implique le droit des patients, de nombreux pays ont légiféré depuis une vingtaine d’années, avec plus ou moins de succès. Le Benelux peut être un exemple en la matière. Sous la précédente législature, le groupe socialiste avait, lui aussi, souhaité aller plus loin que la loi dite Leonetti. Aux États-Unis, trois États ont légiféré en faveur du suicide assisté, chacun définissant des conditions d’application différentes. Nos cousins québécois, après avoir procédé à une étude exhaustive des évolutions intervenues au cours des vingt dernières années sur le plan international, ont fini par instaurer une aide médicale à mourir sous certaines conditions. Témoignant d’un sens de la formule qui devrait nous rappeler à nos devoirs, ils parlent de « soins en fin de vie » dans lesquels ils intègrent non seulement les soins palliatifs, mais aussi la sédation palliative continue et l’aide médicale à mourir.

Pour terminer, j’ai relevé dans l’étude québécoise précitée que lorsque le Grand-Duc Henri du Luxembourg, monarque catholique, compta, pour des raisons de conscience, opposer son veto aux dispositions sur la fin de vie adoptées par le Parlement, ce dernier a décidé de réviser la Constitution pour l’en empêcher et réduire ses pouvoirs législatifs.

M. Olivier Véran. J’ai presqu’envie, étant médecin, de m’excuser d’intervenir dans ce débat que doivent s’approprier, selon moi, non pas les experts ou les professionnels, mais avant tout les citoyens. Il doit traverser la société et interroger le plus grand nombre d’entre nous.

Dès lors qu’on parle de maladie chronique, de souffrance, de fin de vie, il convient de se montrer pondéré. Ces sujets sociétaux sont de ceux qui dépassent largement les clivages politiques traditionnels et doivent nous amener à nous rejoindre. À cet égard, la démarche initiée par le Président de la République et conclue par Alain Claeys et Jean Leonetti m’a semblée tout à fait adaptée à la situation et aux enjeux, la recherche d’un consensus me paraissant la meilleure des solutions possibles.

En pratique, nos soignants manquent aujourd’hui de plusieurs outils dans nos hôpitaux, à commencer par la présence d’équipes de soins palliatifs, en particulier d’équipes mobiles. Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’autonomie, j’ai d’ailleurs défendu des amendements visant à rendre systématique l’accessibilité aux soins palliatifs en établissement d’hébergement pour personne âgée dépendante – EHPAD –, où les personnes âgées en souffrance physique ou psychique ne sont pas entendues parce qu’éloignées des centres de soin.

Les soignants pâtissent aussi du recours insuffisant aux directives anticipées, indispensables pour leur permettre d’entendre et de respecter la volonté exprimée par les patients eux-mêmes. Car alors que 95 % des Français se disent prêts à donner leurs organes si la situation l’indiquait, 34 % des familles refusent d’en prendre la décision. Nous perdons ainsi 1 500 greffons par an parce que la famille se sent en porte-à-faux lorsqu’elle doit trancher pour le patient.

Enfin, ils manquent de moyens nouveaux qui leur permettraient, ainsi que l’a proposé le Président de la République au cours de sa campagne, sans parler d’euthanasie, de « soulager les personnes majeures en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable qui provoquerait une souffrance physique ou psychique insupportable et qui ne pourrait être apaisée ». Cette solution est prévue par la proposition de loi que nous serons amenés à examiner : elle porte le nom de sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Interrogeant ma propre pratique clinique, j’ai réfléchi aux situations dans lesquelles j’ai reçu des demandes d’euthanasie de la part de familles de malades. En toute objectivité, la sédation terminale et les directives anticipées me semblent répondre à la totalité des situations auxquelles j’ai été confronté – même si je n’exclus pas de me trouver un jour dans des circonstances posant d’autres problèmes.

M. Jean-Pierre Barbier. Il est très difficile de s’exprimer en deux minutes sur un sujet aussi complexe. Vous excuserez donc la teneur d’un propos qui aurait pu être plus nuancé.

Je me suis, pour ma part, arrêté sur les trois mots, figurant à l’article 1er, de « suicide médicalement assisté ». Selon moi, le suicide relève d’une décision individuelle, qu’il soit assisté ou pas. Il est vécu comme un constat d’échec, tant par la société que par les familles concernées. Pourquoi en serait-il autrement lorsqu’il s’agit d’une personne en fin de vie ou requérant une assistance ? Le deuxième terme, « médicalement », me rappelle que le médecin est là pour soigner, guérir et soulager, et non pas pour donner la mort. Quant au troisième terme, « assisté », c’est le plus important. L’euthanasie est aussi pratiquée aux États-Unis, notamment dans l’état d’Oregon, mais le suicide n’y est pas assisté : la personne concernée doit se procurer elle-même le sédatif nécessaire. On s’est aperçu que, dans ces conditions, 50 % des personnes n’allaient pas jusqu’au bout de l’acte. L’assistance au suicide soulève donc la question du libre-arbitre – si la personne va jusqu’au bout, sera-ce par sa volonté ? Ces trois termes sont autant de raisons pour moi de voter contre ce texte.

La proposition de loi ouvre grand la porte au suicide médicalement assisté en cas de souffrance psychique. Et demain, qui d’autre encore pourra accéder à cette méthode ? Nous nous devons, dans nos sociétés, de respecter la vie. L’évolution d’une civilisation se mesure aussi à la façon dont elle aborde la question de la fin de vie.

M. Christophe Sirugue. Je ne vous cache pas ma perplexité. Tout en partageant avec Véronique Massonneau le sentiment que l’on n’ose pas aller jusqu’au bout du débat, j’ai aussi l’impression que l’on ne cesse de légiférer. Et si l’on enregistre des avancées, le droit à l’euthanasie ayant été reconnu, celles-ci me paraissent insuffisantes. Dans le même temps, sans doute convient-il de ne pas heurter ceux qui craignent les risques que peut comporter l’essor d’un tel droit.

Il ressort de nombreux travaux sur le sujet que les situations sont inégales sur bien des aspects : du point de vue territorial, selon que l’on a accès ou pas aux soins palliatifs ; du point de vue médical, selon que les équipes soignantes aient l’esprit ouvert ou pas ; du point de vue économique, selon que l’on dispose ou pas de moyens financiers suffisants pour se rendre à l’étranger. Nous ne pouvons pas continuer avec un système aussi inégalitaire.

Pour ma part, je suis favorable à la reconnaissance du droit au suicide médicalement assisté. Mais parce qu’un débat aura lieu cet après-midi, et parce que le texte proposé par Jean Leonetti et Alain Claeys vise au consensus, il me semble que nous devons utiliser le temps parlementaire dont nous disposons pour essayer de faire tendre ce texte vers la reconnaissance de ce droit. Bref, mes convictions m’interdisent de voter contre la proposition de loi de Véronique Massonneau, mais mon souhait de nous voir progresser de manière consensuelle me conduit à m’abstenir.

M. Gilles Lurton. Sur ce sujet si complexe, personne ne détient la vérité, et si j’ai une conviction, c’est qu’il faut rester humble. J’ai pu côtoyer plusieurs personnes en fin de vie, jeunes pour la plupart, et j’ai souvent été frappé par la formidable envie de vivre qui s’emparait d’elles à mesure que leur maladie s’aggravait. C’est pourquoi la notion de directive anticipée me laisse perplexe.

Madame la rapporteure, vous considérez la possibilité de mettre un terme à sa vie comme un droit. J’estime, pour ma part, que le corps médical doit avoir le droit de refuser de mettre un terme à la vie. Car c’est lui qui, in fine, aura la responsabilité de commettre l’acte ultime. Il ne faudrait pas qu’il devienne l’otage de son malade.

Si la reconnaissance d’un droit à la mort obtenue à l’aide d’une tierce personne me laisse perplexe, je suis en revanche convaincu que nous devons consacrer le droit de ne pas souffrir. Le principe de l’accès pour tous aux soins palliatifs a été établi en 1999. Ces soins sont aujourd’hui dispensés par des personnels très dévoués et compétents. Malheureusement, la présence de ces personnels, loin d’être généralisée, est cantonnée à des services particuliers, de sorte que lorsqu’une personne doit passer d’un service de soins hospitaliers à un service de soins palliatifs, elle est prise d’une grande inquiétude. C’est pourquoi je plaide pour que la formation aux soins palliatifs soit généralisée à tous les personnels hospitaliers, afin que ce type de soins puisse être dispensé dans tous les services.

Mme Bernadette Laclais. Nous sommes tous conscients de débattre d’un enjeu particulier aux dimensions complexes, souvent douloureuses, parfois confuses. Un enjeu qui commande de se départir de postures simplistes ou dogmatiques et qui impose d’écouter toutes les positions, même celles que l’on ne partage pas. Les différents groupes politiques l’ont d’ailleurs compris depuis longtemps, et je me souviens que les débats d’avril 2013 s’étaient déroulés dans un climat serein. Je suis donc persuadée que ceux d’aujourd’hui comme ceux de demain se dérouleront, eux aussi, dans cet état d’esprit, conformément aux attentes des Français.

Peu de sujets comportent deux aspects aussi distincts. D’un côté, il y a le droit de l’individu de garder la maîtrise de son destin et de voir ses souhaits respectés au mieux. À cet égard, je salue les avancées du rapport Claeys-Leonetti qui place le patient au cœur de la réflexion, prévoit l’amélioration des directives anticipées et la reconnaissance du droit pour le patient de refuser tout traitement, et affirme le rôle de la personne de confiance. De l’autre côté, il y a le devoir de la société de garantir la protection des plus vulnérables et de prévenir les excès. Or, en la matière, la frontière entre certitude et questionnement se révèle souvent fort fragile.

Il existe dans notre pays un insupportable décalage entre la législation et la réalité. Alors que les textes ont permis une avancée indiscutable, la réalité nous confronte parfois à des cas difficiles auxquels ceux-ci ne permettent pas de répondre. Qui plus est, ils sont méconnus, voire mal appliqués. Chacun sait qu’il nous faut franchir une nouvelle étape. La proposition de loi que vont nous présenter nos collègues Claeys et Leonetti s’inscrit dans cette logique. De surcroît, elle a le mérite de contenir plusieurs propositions qui font consensus – une règle qu’il faut observer pour ne pas diviser nos compatriotes sur ces sujets.

Je souhaite que le débat contribue à nous éclairer sur l’image que notre société véhicule de la mort, le plus souvent en la fuyant et en la cachant, afin que nous acceptions de la voir de façon plus apaisée, comme un aboutissement naturel. Alors nous serons en mesure de garantir à nos compatriotes qu’ils seront, dans ces instants, aidés, respectés dans leur choix d’adultes, accompagnés et aimés. Alors notre société sera en mesure de franchir un nouveau pas.

Je souhaite également que les débats à venir nous permettent d’aborder l’accompagnement en fin de vie en service de néonatalogie et la place des parents, mais aussi les soins palliatifs et la formation des médecins. C’est pourquoi j’inclinerai personnellement à ce que nous poursuivions notre réflexion en examinant la proposition de loi déposée par Alain Claeys et Jean Leonetti, ce qui m’amènera à voter contre le texte qui nous est présenté ce matin.

M. Bernard Accoyer. La loi dite Leonetti a constitué une avancée considérable ; malheureusement, les moyens manquent pour qu’elle soit suffisamment connue et correctement appliquée. Or il est toujours préoccupant de passer à autre chose quand l’étape précédente n’a pas été correctement accomplie.

Je salue le travail accompli une nouvelle fois par Jean Leonetti, de concert cette fois avec Alain Claeys. Le texte qu’ils ont préparé repose sur un fragile équilibre, les notions de « directive anticipée contraignante » et de « sédation prolongée jusqu’à la mort » méritant d’être respectées à la lettre. Je m’inquiète donc qu’aient été déposés des amendements à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui pourraient être repris lorsque le texte Leonetti-Claeys sera inscrit à l’ordre du jour, quand bien même ceux-ci n’apporteraient que des modifications insignifiantes. Nos deux collègues ont accompli un travail d’orfèvre qu’il conviendra de respecter le plus soigneusement possible.

M. Gérard Bapt. Je m’associe aux propos de Martine Pinville, Michel Liebgott et Bernadette Laclais. Le texte qui nous est proposé pose un problème qui a déjà été réglé en Belgique mais qui, chez nous, ne doit l’être qu’une fois que notre société y aura été préparée – objectif qui n’est pas encore atteint.

Bien que n’étant pas encore inscrit à l’ordre du jour, le texte proposé par Alain Claeys et Jean Leonetti va venir en discussion et diffère de la proposition de loi de Véronique Massonneau. Même celui-là posera problème, car le dialogue entre le médecin et la personne de confiance est difficile lorsque le patient est en phase terminale.

Olivier Véran faisait tout à l’heure la distinction entre la sédation d’apaisement et la sédation terminale. Cette distinction est difficile à exprimer pour un médecin. La sédation d’apaisement vise à éliminer la douleur, notamment lorsque cette dernière est irrémissible. Ainsi, pour apaiser les douleurs osseuses d’un patient, il faut parfois le mettre sous morphine jusqu’à l’hallucination. Mais une fois que le pronostic vital du patient est définitivement engagé à brève échéance, il importe de s’assurer que celui-ci mourra dans la dignité. Or cette dignité n’est pas respectée lorsqu’il n’en finit pas de mourir, car le but de la sédation d’apaisement n’est pas d’aider à mourir. Voilà pourquoi ces problèmes seront toujours difficiles à régler. Néanmoins, la proposition de loi Claeys-Leonetti a le mérite de mettre le patient au centre du traitement de la fin de vie en milieu hospitalier. La volonté de la famille et de la personne de confiance doit s’imposer dans certaines circonstances, y compris lorsqu’il s’agit d’aider à abréger la vie, par respect de la dignité du mourant.

M. Jean-Patrick Gille. Je rejette l’expression de « droit à la mort ». Il ne faut pas s’engager dans une telle voie, à moins d’y aller de légiférer de façon franche. Aujourd’hui, ce droit appartient tout entier au médecin, et c’est ce qui n’est plus accepté par une partie de la population. Paradoxalement, cette dernière a le sentiment que la loi dite Leonetti a renforcé ce pouvoir des médecins. Pour reprendre une phrase célèbre, je serais tenté de dire que la question de la mort est trop sérieuse pour être laissée uniquement aux médecins.

Défendant le droit pour chacun de choisir sa fin de vie, je suis favorable à la reconnaissance d’une possibilité de suicide assisté. On nous dit que l’opposabilité des directives anticipées pourrait constituer un début de solution et qu’elle fait consensus. Je souhaiterais en avoir confirmation pour renoncer à aller plus loin en suivant la proposition de Véronique Massonneau, vers laquelle penchait mon choix.

Mme Annie Le Houérou. Notre débat doit déboucher sur une meilleure connaissance et une meilleure application du droit existant, mais aussi sur des évolutions législatives, conformément à l’engagement pris par le Président de la République. Ce sujet de société touche chacun d’entre nous individuellement, au plus profond de son être. Et chacun appréhende la fin de sa vie de manière personnelle.

L’article 1er de la proposition de loi préconise le suicide médicalement assisté en cas d’affection grave et incurable, physique ou psychique, inapaisable ou jugée insupportable. Or comment juger du caractère insupportable d’une souffrance liée aux maladies psychiques ? Le suicide médicalement assisté est une violence pour certains d’entre nous, qui ne sont pas prêts à accepter cet accompagnement au passage à l’acte. La mortalité par suicide est un fléau, tout particulièrement en Bretagne, où l’on enregistre dans certaines zones des taux parmi les plus élevés de France – 72 % pour les femmes, 58 % pour les hommes. Les causes de cet acte de désespoir sont liées à la solitude, notamment chez les personnes âgées, ainsi qu’au contexte économique et social de précarité. Alors que, face à cette surmortalité persistante, la région a fait de la lutte contre le suicide une priorité sanitaire, le texte de Véronique Massonneau a de quoi interroger.

En mettant le patient au cœur de la décision, la proposition de loi accomplit un progrès, car le sujet ne doit pas être laissé aux professionnels. Le rapport Claeys-Leonetti traite aussi de cette question. Le législateur doit tenir compte des conclusions des différents travaux afin d’aboutir à un consensus et de répondre aux attentes des Français. Le débat doit maintenant prendre sa place pour parvenir à une position satisfaisante dans la majorité des situations, afin de ne pas heurter une partie de la population.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Je vous remercie de la qualité de vos interventions. Chacun a pu montrer combien le sujet nous concernait tous, en fonction de nos chemins et expériences personnels. L’écoute dont nous avons fait preuve ce matin, comme à chaque fois que nous discutons de ces questions, est l’attitude à adopter pour pouvoir avancer dans le débat.

Mme la rapporteure. Un premier objectif au moins est atteint : nous avons débattu de ce sujet dans le calme et la sérénité. Je vous remercie donc, moi aussi, de la qualité de nos échanges. Je ne suis, certes, pas d’accord avec tout ce qui a été dit, mais je respecte les propos de chacun.

Martine Pinville nous a rappelé que la proposition de loi Claeys-Leonetti arriverait en discussion en mars prochain. Je souhaitais néanmoins que la proposition de loi que j’ai déposée il y a dix-huit mois soit débattue. Je précise, en outre, que le débat prévu cet après-midi dans l’hémicycle n’a été inscrit à l’ordre du jour qu’après que nous avons décidé de débattre de mon texte. La proposition de loi Claeys-Leonetti correspond en partie à celle que je défends. Je la voterai, à condition toutefois qu’elle reprenne bien les préconisations du rapport et que le débat parlementaire ne vienne pas la dénaturer. J’y serai vigilante. Il faut savoir que les directives anticipées et la sédation existent déjà. Simplement, nous nous contentons de préciser le contexte dans lequel il doit y être recouru.

Il me semble, monsieur Jean Leonetti, que toute loi évolue. En France, à une certaine époque, les médecins avaient peur d’être accusés de non-assistance à personne en danger. Au XXIe siècle, le paradigme a été complètement inversé de sorte qu’aujourd’hui, c’est justement quand le médecin s’acharne à soigner qu’il peut être inquiété. Chaque groupe, aussi bien le vôtre que le nôtre, peut donc demander que la loi soit modifiée pour répondre aux attentes de la société.

Vous avez évoqué entre 30 000 et 50 000 arrêts de survie. Seulement, ils ne sont pas toujours exécutés en accord avec le patient. Jusqu’ici, les directives anticipées n’étaient pas opposables aux médecins, et la sédation était proposée par le médecin et non pas choisie par le patient. La première partie de la loi qui porte votre nom est suffisamment claire s’agissant de l’accompagnement de la souffrance et du non-acharnement thérapeutique ; sa simplicité et sa précision la rendent applicable sans difficulté. Si j’ai parlé d’un consensus mou, c’est parce que les médecins, les patients et les personnes en bonne santé n’ont pas cru bon de recourir aux directives anticipées en raison de leur caractère consultatif, insuffisant à leurs yeux. Dès lors qu’on les rendra contraignantes, elles se diffuseront largement et seront respectées.

Vous êtes suffisamment informé pour savoir que la loi belge, votée en 2012, ne connaît en aucun cas une dérive mais bien une évolution. Ses termes sont à peu près identiques à ceux de la proposition de loi que je vous soumets. Évidemment, les deux ans d’expérience de l’euthanasie en Belgique ont naturellement conduit à faire évoluer la loi, tout comme votre loi va évoluer aujourd’hui, monsieur Jean Leonetti. Et mon texte, qui sera débattu jeudi prochain, n’aborde pour l’instant ni l’euthanasie des mineurs ni celle des malades mentaux.

M. Jean Leonetti. Vous le ferez dans dix ans !

Mme la rapporteure. S’agissant, Michel Liebgott, de l’affaire du détenu condamné pour viol, la Belgique a pris une décision qui me semble juste et qui ne met pas en cause sa loi sur l’euthanasie : il sera changé d’établissement afin d’être soigné. Les autorités n’ont pas répondu à sa demande d’euthanasie, de sorte que cette affaire n’a rien à voir avec le cadre législatif en vigueur.

Nous sommes tous d’accord quant à la nécessité de développer les soins palliatifs en France, sachant que 80 % des patients qui pourraient y prétendre ne peuvent y accéder. Ayant rencontré de nombreux médecins et personnels soignants travaillant dans ce secteur, j’ai pu constater que d’excellentes initiatives avaient été prises. Je songe notamment à ces services de soins palliatifs ambulatoires qui se rendent dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – et des hôpitaux de proximité. Á l’évidence, il apparaît difficile, à court terme, de doter chaque hôpital d’une unité de soins palliatifs : cela nécessite des moyens et une volonté politique. Mais il est tout aussi évident que former tous les soignants aux soins palliatifs permettrait de mieux répondre aux besoins des personnes souffrantes et de celles qui désirent mourir.

Que l’on parle de « personnes vulnérables » me heurte quelque peu. Ce n’est pas parce que des personnes sont souffrantes et en fin de vie qu’elles sont vulnérables. Cessons de les infantiliser. Certaines d’entre elles restent conscientes jusqu’à la toute fin et savent très bien ce qu’elles veulent. Je rappelle d’ailleurs que les directives anticipées servent lorsque le patient est incapable de défendre son point de vue. Si elles ont leur importance, elles ne permettront pas de résoudre tous les problèmes.

Monsieur Michel Piron, je sais que les points de vue sont partagés au sein du groupe UDI. J’ai, en effet, eu le plaisir d’accueillir l’ancienne sénatrice Muguette Dini, qui avait, elle aussi, signé une proposition de loi co-signée par plusieurs partis, relative à l’aide active à mourir. Je comprends que l’on puisse être perplexe devant la complexité qui entoure le mal-mourir en France, mais il faut arrêter de distinguer l’euthanasie passive de l’euthanasie active : cette distinction n’existe pas ! L’euthanasie est, selon moi, toujours active. Il est regrettable que vous n’ayez assisté qu’aux auditions organisées par Alain Claeys et Jean Leonetti. La distinction à laquelle vous vous efforcez brouille les cartes : aucune voie n’est plus acceptable que l’autre. Aider, c’est toujours un geste actif ; seule la méthode diffère, et les médecins sont très conscients de ce qu’il se passe lorsqu’ils accomplissent un tel geste, y compris lors de la sédation. Pour avoir reçu des philosophes, des sociologues, des juristes, des médecins, des chefs de service de soins palliatifs, du personnel soignant et des patients – trente-quatre personnes au total –, je puis vous assurer que j’ai essayé de faire le tour de la question.

S’agissant du peu d’engouement pour les directives anticipées, il ne me semble pas qu’il signifie un déni de la mort. Si l’on n’y a pas eu recours jusqu’ici, c’est parce qu’elles n’ont pour l’instant qu’une portée consultative. Dès lors qu’elles deviendront contraignantes, elles auront davantage de succès, si je puis dire.

Si ce n’est qu’à la toute fin de ma présentation que j’ai évoqué les soins palliatifs, je les ai néanmoins fait figurer au premier article de ma proposition de loi, estimant qu’il est essentiel de les développer.

Je remercie Philip Cordery de partager mon point de vue. Comme lui, je connais la législation belge et ce que d’aucuns appellent ses dérives, quand ce ne sont pour moi que des évolutions. Pour avoir un autre éclairage, j’ai invité un juriste luxembourgeois à participer à mon colloque. C’est d’ailleurs grâce à cette approche de droit comparé que nous sommes parvenus à rédiger cette proposition de loi.

Jean-Patrick Gille a souligné avec raison que la première loi dite Leonetti a renforcé le pouvoir du médecin. Le nouveau texte qui nous sera soumis est d’un autre ordre.

Madame Annie Le Houerou, veillons, s’il vous plaît, à ne pas faire d’amalgame : le suicide, ce n’est pas du tout la même chose que le suicide médicalement assisté. Sachant que la France détient le taux le plus élevé de suicides des personnes âgées, un sur quatre étant lié à une pathologie, à un moment, il faut agir. Alors qu’une personne qui se suicide est généralement dans la solitude et le désespoir, le suicide assisté peut intervenir en présence de la famille. Le patient choisit d’y recourir parce qu’il n’y a pas d’issue médicale pour sa maladie.

J’ai été heurtée d’entendre Fernand Siré dire qu’un médecin ne tuait pas. L’euthanasie n’a rien à voir avec l’acte de tuer qui a pour synonymes les verbes « abattre », « assassiner », « occire », « exécuter ». Pour citer le dictionnaire, « ce verbe exprime la volonté d’ôter la vie à l’autre avec violence et sans son consentement, dans des circonstances où il n’y a pas d’entente tacite et complice entre celui qui tue et celui qui est tué ». Quoi de commun entre le verbe « tuer » et la démarche altruiste d’aide active à mourir qui répond à une demande ? N’oublions pas que ce terme avait malheureusement déjà été utilisé lors des débats législatifs sur l’interruption volontaire de grossesse. Attention, par conséquent, au vocabulaire que l’on emploie.

M. Jean Leonetti. Attention aux amalgames aussi !

Mme la rapporteure. Bernard Accoyer n’a parlé que de la proposition de loi de Jean Leonetti. Ses propos fort intéressants sont à rattacher à un autre cadre.

Concernant Bernadette Laclais, s’agissant de la distorsion entre les textes et la réalité, j’ai déjà répondu que tant qu’elles garderont une portée consultative, les directives anticipées ne serviront pas à grand-chose, le patient ayant l’impression que sa décision finale ne sera pas respectée.

Monsieur Christophe Sirugue, il ne faut certes pas heurter, mais il convient de respecter le choix de chacun. Vous dénoncez avec raison les inégalités devant les soins palliatifs, mais il y en a également devant la sédation que certains médecins répugnent à pratiquer. Cela ne peut plus continuer.

L’humilité, monsieur Gilles Lurton, je puis vous assurer qu’elle m’a toujours habitée, et que mon souci d’écouter chacun m’a d’ailleurs conduite à modifier ma proposition de loi avant de la déposer. Je considère, en effet, que les auditions doivent venir enrichir le point de vue que l’on adopte et l’éclairer différemment.

Nous sommes tous d’accord pour consacrer le droit de ne pas souffrir. Mais le personnel soignant a beau être dévoué, les moyens manquent, en particulier dans les EHPAD, ainsi qu’on peut le constater à la lecture du rapport de l’Observatoire de la fin de vie. On juge une société à la manière dont on y meurt, a dit Jean-Pierre Barbier ; je puis vous assurer que ce n’est pas brillant en France. C’est un problème auquel nous devrions nous attaquer en parallèle de celui que nous abordons aujourd’hui. Une aide-soignante m’a ainsi raconté qu’elle avait en charge dix-neuf personnes, ce qu’elle considérait comme de la maltraitance. Mettons donc nos moyens au service de nos plus âgés !

La clause de conscience figure dans ma proposition de loi, comme elle existe pour l’interruption volontaire de grossesse, car certains médecins ont des convictions qui les empêchent d’accéder à la demande du patient.

Je remercie Gérard Sebaoun d’avoir participé à toutes les auditions. J’espère qu’elles auront contribué à l’éclairer et, peut-être, à faire évoluer son point de vue.

Olivier Véran, a eu l’humilité de reconnaître qu’étant médecin, il avait sans doute un jugement différent de celui de de nos concitoyens, et que ce débat devait appartenir à la société tout entière.

Jean-Pierre Barbier considère que le suicide est une décision individuelle ; j’ai déjà répondu que, pour moi, les deux termes étaient totalement différents. Selon lui, dans l’Oregon, 50 % des candidats au suicide ne vont pas jusqu’au bout de la démarche parce qu’ils ne sont pas assistés. Même dans les pays qui ont légalisé cette pratique, 50 % des personnes qui ont mis en place des directives anticipées ne vont pas non plus jusqu’au bout. De toute façon, selon le côté où l’on se place, les chiffres donneront toujours lieu à des bagarres d’experts.

Monsieur Bernard Perrut, je ne peux pas laisser parler d’escalade en Belgique et aux Pays-Bas. En France aussi, il y a des dérives, parce qu’il n’y a pas de loi. Tout le monde s’accorde à dire que les 5 000 euthanasies pratiquées chaque année le sont en toute illégalité, et que les médecins et le personnel soignant se trouvent en insécurité juridique, car, parfois, les patients n’ont pas donné leur consentement. On parle de dérive quand on a peu d’arguments sur le fond. Et s’il y en a en Belgique et aux Pays-Bas, c’est parce que chaque loi peut faire l’objet de lectures différentes. Je crois savoir, monsieur Jean Leonetti, que vous avez reçu une lettre des médecins belges qui ne veulent plus vous entendre parler de dérive en Belgique. En réalité, vous faites de la désinformation !

M. Jean Leonetti. Vous ne pouvez pas dire cela ! Un rapport de l’Observatoire national de la fin de vie indique qu’il y a trois fois plus de dérives en Belgique qu’en France !

Mme la rapporteure. Comment peut-il y avoir des dérives en France, alors que la loi n’existe pas ?

Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1 : Possibilité pour une personne malade de demander à bénéficier d’une euthanasie ou d’une aide au suicide.

La Commission est saisie de l’amendement AS7 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Je souhaite supprimer la notion de temps que sous-tendent les mots « phase avancée ou terminale » dans une situation insupportable pour le patient et sans amélioration possible du point de vue des médecins. La question n’est plus de savoir combien de temps le patient pourra tenir en vie – personne ne peut y répondre, y compris les médecins. Pour ces derniers, les notions de fin de vie et de phase terminale sont très complexes. Souffrant d’une même pathologie, un malade peut vivre encore très longtemps, un autre mourir le lendemain. Parler d’impasse thérapeutique semble plus approprié.

M. Jean-Pierre Barbier. Supprimer la notion de temps, c’est ouvrir grand les portes à tous les abus possibles et imaginables. Le champ des impasses thérapeutiques est tellement vaste ! Est-ce à dire que la loi pourrait s’appliquer à un malade mental dont on sait qu’on ne le guérira pas ? Pour le coup, madame Véronique Massonneau, c’est l’étape suivante dès maintenant que vous nous proposez ; vous voulez aller plus vite encore qu’en Belgique. Votre texte va trop vite et trop loin.

Mme la rapporteure. La condition d’impasse thérapeutique s’ajoute à toutes celles qui sont déjà précisées dans le texte : il faut être majeur, capable, atteint d’une affection grave et incurable infligeant une souffrance physique et psychique inapaisable que la personne juge insupportable. Arrêtez de simplifier ce que j’ai écrit ! Je défie quiconque de déterminer ce qu’est une phase terminale. Tout le monde a pu se tromper à un moment donné, et les médecins eux-mêmes qui ont été auditionnés ont cité des exemples qui confortent mon propos. Voilà pourquoi je souhaite modifier la rédaction de cet alinéa.

M. Christophe Cavard. Je trouve regrettable l’amalgame que vous faites, Jean-Pierre Barbier, entre l’amendement de Véronique Massonneau et la question de la maladie mentale. Si vous pensez ce que vous dites, c’est grave ! Si vous voulez utiliser ce genre d’argument dangereux, mieux vaudrait vous renseigner auprès de psychiatres.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est précisément parce que je considère que cet amendement est dangereux que j’invite nos collègues à ne pas le voter. Vous proposez que l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté puissent s’appliquer à toutes les situations d’impasse thérapeutique. Mais les médecins rencontrent tous les jours ce type de situation, que ce soit dans le cadre de maladies mentales ou neurologiques. Alors, demain, tous ceux qui sont dans une situation d’impasse thérapeutique pourront avoir recours au suicide médicalement assisté ? Et on ne peut pas parler de dérive ? Pour moi, ouvrir la porte au suicide médicalement assisté, c’est aussi admettre qu’on est dans une situation d’échec. C’est dans ce sens qu’il faut entendre mes propos, qui ne visent en rien à stigmatiser une maladie, quelle qu’elle soit.

M. Jean-Louis Touraine. Je comprends tout à fait le sens de l’amendement de Véronique Massonneau. Certaines personnes sont dans une situation d’impasse thérapeutique totale. Je prends l’exemple de certaines dégénérescences neurocérébrales, de certaines maladies génétiques de l’enfant ou, dans les années 1980, du sida, avec des sarcomes de Kaposi généralisés. Même si la maladie évolue, les personnes ne sont pas immédiatement dans les derniers jours de leur vie. Elles sont néanmoins dans une impasse totale, avec à la clé une agonie très longue et très douloureuse, et une souffrance psychique impossible à calmer. Dans ces cas, la discussion pour savoir si l’on donne une aide active à mourir doit porter, non sur les dernières heures de vie, mais sur le moment où l’agonie se prolonge d’une façon excessive. Sur ce point, je partage le sentiment de Véronique Massonneau.

Par contre, le débat en séance publique n’ayant pas encore eu lieu et la proposition de loi sur la fin de vie d’Alain Claeys et Jean Leonetti n’ayant pas non plus été discutée, il nous paraît difficile de voter cette proposition de loi. Pour cet amendement, comme pour les autres, je ne vois pas comment les députés qui, comme moi, désirent avoir tous les éléments de réflexion, pourraient se prononcer. Nous serons donc amenés à ne pas apporter notre adhésion, même si nous comprenons fort bien les motifs de plusieurs des amendements.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Christophe Cavard. Le débat a presque eu lieu puisque nous avons eu une discussion sur les mots et sur la façon dont ils peuvent être interprétés. Notre amendement propose de remplacer les mots « d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté », qui peuvent donner lieu à débat, par les mots « d’une aide active à mourir ». Cette rédaction semble plus positive et va dans le sens de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Barbier. Sur un tel sujet, il ne faut pas jouer sur les mots, d’autant qu’ils ne changent pas le sens du texte.

Pour en revenir à la notion d’impasse thérapeutique, c’est la situation dans laquelle se trouvaient les malades souffrant d’hépatite C il y a dix ans, et ils terminaient leur vie dans des conditions atroces. Aujourd’hui, l’hépatite C se soigne en deux mois. Les impasses thérapeutiques sont un phénomène temporaire, et il ne faut pas négliger les progrès de la science.

M. Dominique Tian. Certes, les mots ont leur importance, et quand bien même ils pourraient heurter, il faut parler franchement et ne pas les banaliser. Qu’il s’agisse d’euthanasie ou de suicide assisté, l’acte reste grave, ce n’est pas une opération commerciale ou de marketing. Au contraire, il faut heurter les personnes atteintes de maladies graves concernées par le texte, car il s’agit de prendre une décision extrêmement lourde.

Mme la rapporteure. Jean-Pierre Barbier a toujours en tête que c’est le médecin qui va décider, mais l’impasse thérapeutique vient seulement après toutes les conditions dont j’ai parlé. Il faut appréhender l’article 1er dans son ensemble. Il est très restrictif de ne parler que du dernier mot.

Quant à l’exemple de l’hépatite C, cela n’a strictement rien à voir, sauf si le malade éprouve une souffrance physique ou psychique inapaisable, qu’il juge insupportable. Cessez de restreindre mes propos à l’impasse thérapeutique !

Je fais observer à Dominique Tian que dans la loi sur l’avortement, le fait d’inscrire les mots « interruption volontaire de grossesse » a permis à certaines personnes de mieux appréhender le texte. Il ne s’agit pas d’hypocrisie. Une fois que l’aide active à mourir sera entrée dans le langage courant, on parlera plus facilement de l’euthanasie et du suicide assisté. Personnellement, ces deux mots ne me posent aucun problème, mais tous ceux qui ont été auditionnés les ont trouvés brutaux et estimé qu’ils pouvaient provoquer une confusion – nous le voyons d’ailleurs ce matin.

J’émets un avis favorable à cet amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Sur le fond, je suis plutôt favorable à cet amendement et je partage le sentiment de la rapporteure et de Christophe Cavard. Or je ne suis pas sûr que tout le monde entende la même chose. Le débat que nous aurons cet après-midi en séance publique pourrait avoir l’avantage de clarifier les termes employés. S’agissant du suicide médicalement assisté, chacun comprend que c’est celui qui se suicide qui décide. En revanche, bien que vous donniez le même sens aux mots « aide active à mourir », le grand public ne le percevra pas ainsi.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Conditions de mise en œuvre des actes d’euthanasie et d’aide au suicide

La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels AS6 de la rapporteure, AS2 de M. Jean-Louis Roumegas et AS8 de la rapporteure.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Amélioration du dispositif des directives anticipées et de la personne de confiance

La Commission est saisie de l’amendement AS9 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Contrairement aux souhaits, qui sont du registre de l’optionnel, du consultatif ou, au mieux, de l’expression d’une préférence, la connotation péremptoire de la volonté ne laisse pas place à l’ambiguïté possible d’un contournement par une éventuelle rhétorique essayant de la discréditer.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS10 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Un nombre limité d’informations peut être enregistré sur la carte vitale. Il est impossible d’y inscrire l’intégralité des directives anticipées, qui peuvent être parfois très complexes. En revanche, on peut y indiquer le nom de la personne de confiance et l’existence de directives anticipées. C’est pourquoi le terme « mentionnés » est plus approprié que le terme « enregistrés ».

M. Dominique Tian. La carte vitale n’est pas faite pour cela. Nous avons souhaité, au groupe UMP, que la carte vitale devienne un peu plus intelligente, qu’un certain nombre d’informations y figure et qu’elle soit sécurisée. Selon un rapport, il y aurait 5 millions de cartes vitales en trop en France. Cela donne une idée de sa fiabilité ! Il n’y a jamais d’indications sur une carte vitale, qui peut s’échanger ou être volée. Le système n’est absolument pas sécurisé. J’estime donc qu’il ne faut pas inscrire cette mention sur la carte vitale.

Mme la rapporteure. C’est votre point de vue. Cette proposition figure pourtant dans le texte d’Alain Claeys et de Jean Leonetti. J’espère que les cartes vitales seront fiables. Comme on ne peut y inscrire qu’un certain nombre d’informations, il y aura un fichier pour recueillir les directives anticipées.

M. Jean Leonetti. Nous espérons que la carte vitale sera détentrice d’un certain nombre d’informations. Je pense, par exemple, au fichier des refus de dons d’organes. La carte vitale pourrait contenir, non pas les directives anticipées, mais une référence à leur existence, ce qui permettrait d’aller les consulter.

Mme la rapporteure. C’est exactement le sens de mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS11 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. La personne de confiance est, en réalité, la porte-parole de la personne qui ne peut plus s’exprimer elle-même. C’est elle qui va expliquer les directives anticipées mentionnées sur la carte vitale et enregistrées dans ce fameux fichier. Afin de préserver le secret médical, la personne de confiance ne devrait pas avoir accès à l’ensemble du dossier médical de la personne malade, mais seulement aux éléments lui permettant de respecter ses volontés. Certaines informations inscrites dans le dossier médical peuvent être confidentielles – un avortement, par exemple – et n’avoir aucun rôle à jouer dans la décision concernant la fin de vie. Cette solution a été proposée, lors des auditions, par le Conseil national de l’Ordre des médecins.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 : Possibilité pour une personne malade de bénéficier d’une euthanasie si cette demande figurait dans ses directives anticipées

La Commission rejette les amendements de coordination AS12 de la rapporteure et AS3de M. Jean-Louis Roumegas.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 : Procédures de contrôle des actes d’euthanasie et d’aide au suicide

La Commission rejette les amendements rédactionnels AS13 et AS14 de la rapporteure, l’amendement AS4 de M. Jean-Louis Roumegas et les amendements AS15 et AS16 de la rapporteure.

Elle rejette ensuite l’article 5.

Article 6 : Clause de liberté de conscience du médecin

La Commission rejette l’amendement rédactionnel AS5 de M. Jean-Louis Roumegas.

Puis elle rejette l’article 6.

Enfin, la Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie Véronique Massonneau, pour le travail qu’elle a effectué. Rendez-vous jeudi 29 janvier, dans l’hémicycle, pour débattre de cette proposition de loi.

Puis la Commission procède à l’examen, ouvert à la presse, du rapport de la mission d’information et de contrôle de la sécurité sociale sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteur).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous allons examiner le rapport d’information de Mme Martine Carrillon-Couvreur en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

La mission a travaillé sur la base d’une communication que la Cour des comptes lui avait transmise, à notre demande conjointe avec la commission des finances, le 10 avril 2014. La MECSS s’est réunie sur ce thème jusqu’à la fin octobre 2014, avant d’adopter, le 14 janvier dernier, le projet de rapport qui nous est soumis, au terme d’une réunion de travail dont il m’a été rapporté qu’elle avait été longue et fructueuse.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Sans vouloir faire une interprétation osée, je dirai que la question qui va être traitée maintenant à travers le rapport de la MECSS rejoint, d’une certaine façon, le débat que nous venons d’avoir sur la fin de vie. Ce sujet et l’accompagnement de la perte d’autonomie tout au long de la vie sont au centre des préoccupations de tous nos concitoyens.

Je salue les deux co-présidents de la MECSS, Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange.

Après environ six mois d’auditions, et avec l’assistance de la Cour des comptes, la MECSS a adopté, le 14 janvier dernier, son rapport sur la mise en œuvre des missions de la CNSA. La Caisse a été créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, adoptée après le drame de la canicule de l’été 2003 qui avait fait près de 15 000 victimes. Si plusieurs documents, rapports et études ont suivi le cheminement de cette Caisse, dix ans après sa création, le temps était venu pour la MECSS de tirer le bilan de la mise en place de cet organisme original.

Dix ans, c’est très peu finalement, si l’on songe à la place centrale qu’occupe désormais la CNSA dans le paysage médico-social. C’est le premier constat de la MECSS auquel est consacrée la première partie du rapport : la CNSA s’est imposée comme un acteur incontournable et a su trouver sa place au sein d’un secteur médico-social à l’organisation complexe et fortement décentralisée.

Plusieurs aspects témoignent du bilan globalement positif de la CNSA.

Tout d’abord, le mode de gouvernance de la CNSA, précurseur il y a dix ans, constitue aujourd’hui un modèle dans les secteurs sanitaire et médico-social. Il a facilité le développement d’une culture commune, souvent réclamée, dans l’approche de la compensation de la perte d’autonomie. En effet, le conseil de la CNSA est composé des partenaires sociaux, mais également des représentants des associations œuvrant dans le champ du handicap et des personnes âgées, de représentants des conseils généraux, de représentants de l’État, de parlementaires, de représentants d’institutions intervenant dans les domaines de compétence de la Caisse, et de personnalités qualifiées. Cette composition originale, qui se distingue de celle des conseils d’administration des caisses historiques de sécurité sociale, traduit la volonté d’associer l’ensemble des acteurs du champ médico-social à la conception et à la mise en œuvre de la politique de compensation de la perte d’autonomie. Qualifiée de « démocratie médico-sociale », cette gouvernance a permis la co-construction d’une politique de compensation de la perte d’autonomie. Il nous a semblé que la participation au conseil de la CNSA de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) favoriserait encore davantage une approche transversale de la politique d’autonomie.

Instance originale, la CNSA s’est également imposée comme un acteur incontournable du paysage médico-social grâce à l’extension progressive de ses missions, lesquelles devraient être encore élargies par le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, une fois adopté. Dans un secteur confronté à de nombreuses réformes, la CNSA doit être perçue comme un point de repère. Alors que la réforme territoriale, dont les contours précis ne sont pas encore connus, risque de modifier le positionnement des acteurs de terrain qui portent les politiques médico-sociales, la CNSA constitue un élément de continuité et est, de ce fait, à même de jouer un rôle essentiel de sécurisation, d’appui, d’accompagnement et d’aide à la gestion des transitions dues aux grandes évolutions annoncées dans les prochaines années.

Si la CNSA a su trouver sa place parmi de nombreux acteurs, entre un État stratège et une gestion de proximité, il nous a néanmoins semblé que ses relations avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) méritaient d’être clarifiées.

J’ai également souhaité aborder dans le rapport la question du financement des établissements et services médico-sociaux, auquel se rapportent les crédits de la section I du budget de la CNSA. Les modalités de tarification actuelles ne sont pas satisfaisantes et peinent à évoluer. Un comité stratégique sur la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux qui accueillent les personnes handicapées a néanmoins été mis en place le 26 novembre dernier par Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. La MECSS souhaite que la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux, attendue depuis longtemps, puisse se concrétiser dans un délai de trois ans.

En attendant, la contractualisation entre l’administration et les gestionnaires de structures médico-sociales doit être développée. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux et les autorités chargées de l’autorisation de ces établissements et services. Les CPOM, qui offrent une souplesse de gestion nouvelle en permettant des engagements de financement pluriannuels, sont trop peu développés, malgré leur intérêt.

Le budget de la CNSA contribue également, à travers ses sections II et III, au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Dans un contexte où le versement de ces prestations représente une charge croissante pour les départements, la MECSS rappelle la nécessité de sanctuariser les recettes de la CNSA et de veiller à ce que le montant de ses recettes affectées aux départements soit adapté au rythme de progression des dépenses légales des départements en matière d’APA et de PCH.

Dans la deuxième partie du rapport, j’ai souhaité insister sur la nécessité de renforcer la CNSA, afin de lui permettre d’accomplir pleinement les nombreuses missions qui lui ont été confiées.

Plusieurs difficultés ont été identifiées : des disparités importantes subsistent sur le territoire, tant en matière d’offre collective que s’agissant de la compensation individuelle de la perte d’autonomie. En matière d’offre collective, dans les établissements et services médico-sociaux, on note d’importants écarts d’équipements entre les régions, en nombre de places par habitant comme en dépenses par habitant. En matière de compensation individuelle, le niveau d’attribution de l’APA et de la PCH est également inégal d’un département à l’autre.

La définition de critères plus fins de répartition des moyens nouveaux pour les créations de places dans les établissements permettrait de mieux répartir les crédits en fonction des spécificités respectives de chaque territoire. De même, de nouveaux critères de péréquation pour l’attribution des concours de la CNSA en matière d’APA et de PCH permettraient d’améliorer la répartition des crédits entre les départements.

L’action de la CNSA est également entravée par des carences dans la connaissance des besoins sur le territoire, comme dans celle des coûts des établissements et services. La répartition équitable des moyens entre les établissements et services suppose, en effet, une bonne connaissance de leurs prestations, de leurs coûts et de leurs tarifs. Pour cela, la CNSA s’appuie sur l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), dont le champ de compétence a été étendu au secteur médico-social très récemment, en 2012. Or les moyens de l’ATIH sont insuffisants – même la Cour des comptes en convient : dans la mesure où les études et les enquêtes de coûts menées par cette agence sont indispensables à l’exercice de la mission principale de la CNSA consistant à répartir les ressources de manière équitable, j’ai proposé que les effectifs de l’ATIH soient renforcés.

Le manque de connaissances concerne également le patrimoine immobilier du secteur médico-social, sujet souvent évoqué au sein même de cette commission ou à l’occasion de nos travaux dans le cadre de la MECSS. La dégradation du parc immobilier rend nécessaire la réalisation rapide d’une évaluation de ce patrimoine afin de mieux connaître et d’anticiper ses besoins de modernisation, qui sont particulièrement importants.

D’une manière plus générale, il nous est apparu que la recherche dans le secteur médico-social restait trop ponctuelle et peu structurée, alors qu’elle devrait être au cœur de l’action de la CNSA. Pour cela, le rôle de son Conseil scientifique doit être accru et le caractère opérationnel de la recherche accentué.

La MECSS a également pu constater le retard considérable pris en matière de systèmes d’information dans le secteur médico-social. Ce retard nuit à l’analyse des coûts et à la qualité des remontées de données dont dispose la CNSA, bien que des progrès récents aient été constatés.

Dans le champ de l’offre collective, la mise à disposition de l’application « Harmonisation et partage d’information » (HAPI), utilisée à la fois pour la tarification des agences régionales de santé (ARS) et pour le pilotage local de leurs enveloppes de tarification, permet désormais à la CNSA de disposer de données précises sur l’exécution de l’objectif global de dépenses.

Les retards sont plus importants en ce qui concerne les systèmes d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), dont la diversité rend les échanges directs entre MDPH impossibles et les remontées d’information vers la CNSA complexes. Afin de remédier à cette difficulté, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours de navette, prévoit de mettre en place un nouveau système d’information, commun aux MDPH et interopérable avec ceux de la CNSA et des conseils généraux. La MECSS s’attachera à veiller à ce que ce système d’information mutualisé, piloté par la CNSA, puisse être mis en place dans un délai de deux ans.

Dans la troisième partie du rapport, j’ai souhaité proposer des pistes de réforme permettant de favoriser le décloisonnement des politiques publiques et de mieux prendre en compte la notion de « projet de vie ». En effet, l’ensemble des personnes auditionnées par la MECSS, mais aussi les nombreux rapports publiés sur le sujet, dressent un constat unanime : il est nécessaire de promouvoir la continuité des parcours de vie.

En dépit de ce consensus, les politiques menées restent encore trop segmentées. Les politiques destinées aux personnes handicapées et celles en faveur des personnes âgées dépendantes font l’objet d’un traitement trop distinct. Les politiques sanitaires et les politiques médico-sociales sont également trop cloisonnées, en dépit du caractère souvent multidimensionnel des problèmes à traiter. Afin de rapprocher le secteur sanitaire et le secteur médico-social, il convient d’inciter les établissements de santé et les établissements médico-sociaux à mutualiser leurs moyens et leurs compétences, et de renforcer la coopération et la coordination, encore insuffisantes, entre les équipes de soins et les équipes médico-sociales.

Je souhaiterais aussi que soit favorisé le développement d’initiatives locales innovantes et que soient étendues les expérimentations fructueuses, notamment le projet « personnes âgées en risque de perte d’autonomie », dit « PAERPA ». Des initiatives et des moyens ont été développés à travers les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), mais aussi à travers les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA). Plusieurs expérimentations de terrain existent, qui sont extrêmement riches. Le rapport cite des initiatives locales qui ont produit des résultats satisfaisants, comme les actions de prévention de la perte d’autonomie assurées par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges ou encore les filières gérontologiques de la région Rhône-Alpes. Ces bonnes pratiques méritent d’être encouragées et de faire l’objet de plus de communication, afin de permettre à l’ensemble des acteurs de s’en inspirer. Il ne s’agit pas de se contenter d’expériences réussies, mais de se donner pour objectif d’en faire profiter chacun.

Par ailleurs, dans la mesure où les modes de financement actuels constituent un frein à la coopération des acteurs des différents secteurs et au développement de formes plus souples d’organisation des structures, une évolution des modalités de tarification et de rémunération nous est apparue nécessaire. Le décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social au service de la fluidité des parcours de soins suppose aussi de lever les obstacles juridiques et techniques au partage d’informations entre les professionnels de ces secteurs, dans le respect des droits des personnes. Le rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles destinées aux personnes handicapées pourrait, quant à lui, être facilité par la convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante.

Cette convergence doit néanmoins tenir compte de la spécificité des différents publics. Si les besoins des personnes âgées dépendantes et ceux des personnes handicapées sont en partie similaires, certaines particularités, sans interdire un rapprochement des politiques, rendent inadaptée toute forme d’amalgame ou de confusion. Tout en appelant à la plus grande vigilance sur ce point, je suis convaincue de la pertinence de la généralisation d’un guichet unique pour rapprocher utilement des politiques aux problématiques souvent communes.

Afin de garantir l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, la CNSA pourrait se voir confier une fonction renforcée de pilotage, de régulation et d’évaluation de cette nouvelle organisation, pour conforter une politique nationale de l’autonomie. Cette évolution ne pourra se faire de manière satisfaisante que grâce à un travail de dialogue et d’écoute, notamment avec les associations représentant les personnes handicapées, habituées à être actrices des politiques du handicap. La CNSA pourra accompagner et évaluer, puis valider les étapes de cette évolution.

Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la MECSS.  Je remercie notre rapporteure, Martine Carrillon-Couvreur, pour le travail qu’elle a accompli pour élaborer ce rapport complet et très instructif. Il est, bien sûr, centré sur la CNSA mais, à travers celle-ci, sur les nombreuses personnes qui rencontrent des problèmes au quotidien. Ce rapport arrive au bon moment : entre le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et les incertitudes liées à la réforme territoriale et aux nouvelles compétences des régions, il constituera pour nous un point d’appui.

Dix ans après sa création, la CNSA occupe une place centrale dans le paysage médico-social, et son rôle est reconnu et apprécié. Il était nécessaire d’avoir une évaluation de sa mise en place.

Ma première réflexion porte sur les disparités. La CNSA a pour usage de passer des conventions avec les conseils généraux. Vos interlocuteurs ont souligné que cette contractualisation se faisait dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales, mais avec des objectifs de politiques publiques partagés, à partir de financements apportés au niveau national. Néanmoins, vous notez des disparités de traitement selon les départements. Comment réduire ces différences et aboutir à une égalité de traitement sur l’ensemble de notre territoire ?

Enfin, la mise en place d’un guichet unique dans les départements n’a pas eu partout le même succès, pour différentes raisons. À votre avis, quels sont les freins qui restent à lever pour en faire un outil efficace au service des usagers ?

Présidence de Mme Martine Pinville, secrétaire

M. Pierre Morange, co-président de la MECSS. Je salue le travail remarquable de Martine Carrillon-Couvreur. Ce sujet éminemment stratégique s’inscrit dans le programme parlementaire mais aussi dans la problématique plus large des comptes publics pour lesquels le mot d’ordre est à la rationalisation, ce qui ne confère que plus de légitimité aux travaux de la MECSS. Je précise que les préconisations du rapport ont été adoptées par cette dernière à l’unanimité.

Le rapport identifie deux problèmes : le retard considérable en matière d’information et la difficulté à apprécier l’offre et la demande en régions, si l’on peut dire de manière aussi cavalière, en matière de dépendance et de handicap. Une meilleure connaissance doit permettre de définir la politique la mieux à même de garantir la continuité du parcours du patient. Cette continuité exige tout à la fois un partage de l’information et un décloisonnement des différentes structures.

La dépendance et le handicap sont deux grands chapitres des textes que nous examinons chaque année au titre du financement de la sécurité sociale. La MECSS aura à cœur de s’assurer, avec le soutien de la commission des affaires sociales, que ses préconisations seront suivies d’effet et trouveront une traduction législative.

Mme Joëlle Huillier. J’adresse mes félicitations à la rapporteure pour la qualité de son travail sur un sujet essentiel pour l’organisation de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.

Créée il y a près de dix ans, la CNSA est devenue un organisme incontournable dans le paysage médico-social. Le rapport comporte des préconisations concrètes et réalistes afin de faciliter l’accomplissement des missions de la CNSA et de remédier au cloisonnement des politiques. Je souhaite mettre l’accent sur les propositions qui me semblent les plus importantes parce qu’elles placent la personne au centre de nos politiques.

Le rapprochement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social est indispensable à la bonne continuité des parcours de vie et de soins. La non-fongibilité des enveloppes budgétaires entre ces deux secteurs constitue un obstacle à la fluidité du parcours de soins, que la mutualisation des moyens et des compétences des établissements ainsi que des équipes permettrait de lever.

L’exigence de rapprochement vaut également pour les politiques en faveur des personnes handicapées et les politiques à l’égard des personnes âgées. Votre rapport évoque la généralisation du guichet unique. La CNSA pourrait également se voir confier un rôle renforcé de pilotage. Enfin, la participation des régimes d’assurance maladie et d’assurance vieillesse au conseil de la CNSA favoriserait une approche transversale.

Par ailleurs, vous insistez sur la nécessité de rendre plus équilibrée, ou plutôt plus égalitaire, la réponse aux besoins sur chaque territoire, en matière de structure, de répartition des dotations des territoires et de compensation individuelle de la perte d’autonomie.

Enfin, vous plaidez pour une meilleure organisation des systèmes d’information et une meilleure communication des données, indispensables à la connaissance des besoins et à l’adéquation des réponses qui leur sont apportées.

Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir présenté un rapport complet et proposé des pistes d’évolution qui ne peuvent que recueillir l’approbation des membres du groupe SRC.

Mme Bérengère Poletti. À mon tour de féliciter la rapporteure pour son travail remarquable et complet. Je veux également exprimer ma satisfaction quant au fonctionnement de la MECSS et saluer les co-présidents qui contribuent à entretenir un état d’esprit propice aux propositions communes.

La question des moyens consacrés à l’accompagnement des personnes âgées rejoint, en effet, le débat sur la fin de vie : plus ces moyens seront importants, plus les personnes âgées seront accompagnées, moins nous aurons à aborder ce sujet aussi grave.

Ayant été, en 2010, rapporteure d’une mission d’information présidée par Mme Laurence Dumont sur les missions et l’action de la CNSA, j’ai pu acquérir une certaine connaissance du sujet. À l’époque, le souci principal était la non-consommation de crédits qui s’accumulaient alors que les besoins continuaient de croître dans nos territoires. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de l’évolution de la Caisse. Je déplorerais que le travail complexe et technique de Mme Carrillon-Couvreur ne suscite pas plus l’intérêt des médias. Il est pourtant tellement utile !

Le paysage médico-social a considérablement évolué depuis dix ans : la création de la CNSA en 2004, l’implantation des MDPH dans les départements et la création des ARS ont constitué une véritable révolution.

La CNSA occupe une place très importante et très lisible dans le domaine du handicap. Elle est moins reconnue dans le domaine de la dépendance des personnes âgées parce qu’elle n’est pas relayée dans les départements par des structures comme les MDPH. Toutefois, face à la problématique grandissante de l’augmentation de l’espérance de vie et du vieillissement de la population, il est souhaitable que les missions de la CNSA soient élargies, ainsi que la rapporteure l’a souligné.

Force est de constater que la consommation des crédits de la CNSA s’est améliorée ces dernières années grâce à plusieurs outils : les appels à projets, les enveloppes anticipées ainsi qu’une moindre pression sur les besoins.

L’un des principes fondateurs de la CNSA est la sanctuarisation des crédits qui lui sont délégués, à laquelle nous sommes tous attachés. Je regrette de ne pas avoir davantage entendu nos collègues de la majorité, qui étaient plus prompts à protester sous notre majorité, lorsque les crédits de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) ont été détournés de leur objectif, et plus récemment, lorsque 170 millions d’euros ont été prélevés sur le budget de la CNSA pour les affecter à la sécurité sociale. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir rappelé, dans la préconisation n° 2, telle qu’elle vous est proposée maintenant, la nécessité de sanctuariser les ressources de la CNSA. Nos concitoyens ont besoin de discours cohérents qui ne varient pas au gré des majorités politiques.

Je remarque que les systèmes d’information sont pointés du doigt par Mme Carrillon-Couvreur, alors qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une proposition dans mon rapport de 2010. Il est regrettable que cette question ne soit toujours pas réglée aujourd’hui. Ces systèmes, pourtant essentiels pour gérer au mieux des budgets si importants, ne sont pas le point fort de la CNSA. La section IV du budget qui doit permettre l’informatisation dans les territoires des différents services sociaux et médico-sociaux n’est pas gérée dans un souci de cohérence et d’organisation des services. Cette difficulté a-t-elle été abordée lors des auditions ? De quelle manière ont été évalués les besoins en nouvelles mesures, pour les personnes handicapées comme pour les personnes âgées ?

J’observe également que, en raison de la réforme territoriale, il est difficile de proposer une nouvelle organisation de la CNSA, notamment au travers du développement des maisons de l’autonomie, dès lors que les compétences des collectivités dans le domaine social ne sont pas encore clairement définies. La double casquette de caisse et d’agence fait de la CNSA un partenaire indispensable pour nos territoires. Les nouvelles compétences confiées à ces derniers devront tenir compte de son travail remarquable.

M. Arnaud Richard. Je tiens à saluer la qualité du travail de notre collègue sur un sujet extrêmement technique, compliment qui vaut pour l’ensemble des travaux de la MECSS. Il faut se féliciter de cette instance qui travaille au demeurant de concert avec la Cour des comptes. Quelles que soient les évolutions politiques, nous devons nous assurer que ses préconisations peuvent être rapidement mises en œuvre dans les lois de financement de la sécurité sociale. Le travail de la MECSS n’est malheureusement pas suffisamment connu et soutenu par nos collègues. Pourtant le Parlement doit, plus que jamais, s’attacher aux suites données à ses évaluations des politiques publiques et aux préconisations qui les concluent.

Je souligne le rôle essentiel de la CNSA, tout à la fois chargée de financer les aides aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées, de répartir les moyens qui lui sont alloués par la solidarité nationale, de garantir l’égalité de traitement sur tout le territoire et d’assurer une mission d’expertise et d’information sur la qualité des services rendus. La CNSA est donc au cœur des politiques publiques qui doivent permettre à la France de relever le défi du vieillissement et de la perte d’autonomie, répondant ainsi à une exigence de cohésion sociale et de solidarité nationale à laquelle l’UDI est très attachée.

Nous avions regretté, pendant les débats sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, l’absence d’harmonisation dans l’évaluation des situations de dépendance. Nous avions plaidé pour la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique, intégrant les situations de handicap, qui ouvrirait droit à une rente déterminée selon le degré de dépendance de la personne. Est-ce envisageable, ou même souhaitable, à terme ? Quels en seraient les avantages pour la CNSA ?

Ce même projet de loi n’est pas assez ambitieux en matière de réduction des inégalités sociales et territoriales, alors que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental. Le rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques confié à la CNSA permet-il d’apporter une réponse à la hauteur de cet enjeu ? Faudrait-il aller plus loin ?

En termes de gouvernance, nous naviguons un peu à vue. Nous ne savons pas ce qu’il adviendra des conseils départementaux puisque leur avenir est suspendu à la réforme territoriale. Pensez-vous que le périmètre des missions de la CNSA puisse évoluer avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dont notre commission s’est saisie pour avis ?

M. Stéphane Claireaux. Madame la rapporteure, je vous remercie pour ce rapport très complet.

En dépit des inquiétudes qu’a suscitées sa création, la CNSA s’est affirmée, depuis dix ans, comme un acteur incontournable dans le financement des politiques publiques relatives à la perte d’autonomie. Vos préconisations nous semblent très pertinentes. Elles donnent des lignes directrices pour améliorer l’efficacité de la Caisse et garantir une réponse adaptée aux besoins des publics concernés.

La préconisation n° 20 porte sur la communication autour des références de bonnes pratiques pour que l’ensemble des acteurs puisse s’inspirer des initiatives réussies. Comme vous l’indiquez dans votre rapport, les directeurs généraux d’ARS auditionnés estiment que les modes de financement actuels constituent un frein à la coopération des acteurs des différents secteurs et au développement de formes plus souples d’organisation des structures. Leurs propositions en faveur d’une fongibilité accrue des enveloppes sanitaires et médico-sociales de l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance maladie –, et de l’augmentation du FIR – fonds d’intervention régional – seraient de nature à faciliter la transversalité des interventions des ARS.

Votre rapport indique également que tous les acteurs devraient se réunir afin de réfléchir ensemble, le temps nécessaire, à la meilleure manière d’inclure les incitations à la transversalité dans les modes de rémunération et de tarification. Quand ces réunions vont-elles commencer, si ce n’est déjà fait ? Sous quel patronage se dérouleront-elles ?

La préconisation n° 23 suggère de mettre en place une convergence des outils, des méthodes et des procédures, notamment en matière d’information, d’évaluation des besoins et de suivi de la personne handicapée et de la personne âgée dépendante. Vous estimez que les maisons départementales de l’autonomie (MDA) représentent une structure d’avenir pour les politiques de l’autonomie. Dans le même temps, vous rapportez que les associations représentatives des personnes handicapées ont fait part de leurs réticences sur une évolution à court terme des maisons départementales des personnes handicapées en MDA. Nous connaissons les problèmes soulevés par une telle évolution, notamment en matière de financement. Les associations expriment-elles une position de principe ou laissent-elles la porte ouverte pour des discussions futures ?

M. Dominique Tian. Je remercie Martine Carrillon-Couvreur pour la qualité de son travail, à laquelle elle nous a habitués. La MECSS est un lieu d’échanges entre les partis intéressant, car ses travaux donnent lieu à des décisions unanimes sur lesquelles s’appuyer pour obtenir une traduction législative. Pensez-vous que le projet de loi relatif à la santé pourra être enrichi des propositions de la MECSS ? Pierre Morange l’a dit, ces propositions sont le fruit d’un débat apaisé et utile.

Sur le financement des établissements médico-sociaux, sujet très important, nous attendions une loi qui n’est jamais venue. Pourtant, la Cour des comptes souligne régulièrement le problème. Dans un référé du 24 novembre 2014, elle indique que la réforme de la tarification est inaboutie. Elle note que les moyens attribués aux établissements font l’objet d’une procédure contradictoire faute d’une connaissance plus fine de la gestion des établissements et de l’existence de référentiels. C’est du « bricolage ». Il faudra, un jour, disposer d’éléments statistiques et objectifs pour déterminer le véritable prix de journée des établissements.

Bravo encore pour ce travail, madame la rapporteure, même si, vos préconisations le montrent, il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Mme Martine Pinville. Je salue le rapport et les propositions qu’il contient.

Le travail d’expertise et de proposition de la MECSS est très important. Je m’interroge, en revanche, sur le suivi de ses travaux. Nous devons être très attentifs au devenir des propositions.

Nous avons sans aucun doute à améliorer l’organisation du secteur médico-social, dont la complexité est le fruit de notre histoire. La CNSA se trouve au centre de toutes les politiques en matière de dépendance et de handicap.

Les départements et les ARS mettent en œuvre des politiques très variées, même si elles sont par ailleurs de qualité. D’un département à l’autre, les inégalités sont en conséquence manifestes. Ne faudrait-il pas évaluer les politiques mises en place dans les départements ? La CNSA, en plus de son rôle de gouvernance et de pilotage, devrait jouer ce rôle d’évaluation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Vous avez été nombreux à évoquer la réduction des disparités et la levée des freins à la généralisation du guichet unique.

Comme le montrent le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement en cas de navette parlementaire et l’expérience de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il est nécessaire de revoir les critères de péréquation – c’est l’objet de la préconisation n° 12. Parallèlement, la préconisation n° 9 suggère d’affiner les critères de répartition des moyens nouveaux afin de tenir compte des spécificités des territoires. Ce chantier est devant nous. La CNSA, qui a déjà engagé un travail sur ce point, est invitée à aller plus loin, et nous l’y aiderons de notre mieux en ce sens.

Sur le guichet unique, nous devons avancer. Les MDPH ont démontré leur capacité à apporter des réponses en matière de handicap, même s’il reste encore des choses à améliorer. Nous devons suivre cette voie s’agissant de la perte d’autonomie des personnes âgées : il y a nécessité à regrouper et à apporter des réponses à travers un guichet unique.

Quant au retard en matière d’information et à l’indispensable décloisonnement des politiques, de nombreux travaux les constatent depuis longtemps. Il faut, à l’évidence, franchir une étape nouvelle. Les ARS sont au cœur de cette réflexion : certaines d’entre elles ont déjà engagé des travaux et mis en œuvre des solutions sur les territoires. Nous devons veiller à rappeler sans cesse cette nécessité de décloisonner les politiques, question que la réforme territoriale devra d’ailleurs prendre en compte. On observe déjà des initiatives locales, comme les contrats locaux de santé, qui permettent de décloisonner les politiques suivies, dans le respect des missions de chacun, mais au service des populations qui ont besoin de lisibilité.

Le rapport d’information de notre collègue Bérengère Poletti, publié en 2010, intitulé « la CNSA, partenaire innovant : bilan et perspectives », s’était préoccupé de la sous-consommation des crédits. En 2015, mon rapport s’intéresse plus aux systèmes d’information, aux difficultés d’évaluation ainsi qu’au décloisonnement. Cela démontre une progression dans nos travaux.

Mme Joëlle Huillier a évoqué le décloisonnement entre les secteurs et la fluidité des parcours. Le rapport de M. Denis Piveteau trace des pistes pour y parvenir. Depuis le mois de décembre, Mme Marie-Sophie Dessaule, précédente directrice générale de l’ARS des Pays de la Loire, a été missionnée pour accompagner la mise en œuvre de ce rapport, qui va dans le même sens que le mien.

Je plaide pour un pilotage renforcé de la CNSA. L’association de la CNAV et de la CNAMTS au conseil n’était pas une évidence il y a quelques années. Depuis, les travaux de la CNSA et sa capacité à travailler en partenariat grâce à cette gouvernance originale ont montré que ces organismes y ont toute leur place. D’ailleurs, ils travaillent déjà ensemble.

Bérengère Poletti évoque la réforme territoriale. Le rapport aborde également ce sujet, encore marqué aujourd’hui par plusieurs inconnues. Nos travaux nous obligent à faire entendre la nécessité d’intégrer ces questions dans le cadre de la réforme à venir. C’est le souhait de nombre de membres de cette commission.

Quant à la mise en œuvre des préconisations, nous connaissons tous la difficulté, quelles que soient les majorités, à obtenir l’intégration dans le cadre législatif des conclusions des travaux d’évaluation. Nous y arrivons malgré tout, à force de persévérance. Je pense à quelques amendements récents, qui ont été adoptés après plusieurs années. Le projet de loi relatif à la santé sera sûrement l’occasion de reprendre certaines propositions du rapport. Les rapports d’évaluation n’ont de sens que s’ils permettent d’améliorer la législation.

La réforme de la tarification des établissements médico-sociaux est très attendue. Depuis le 24 novembre dernier, un comité de pilotage a été installé pour travailler avec l’ensemble des acteurs sur ce sujet et aboutir, dans trois ans, à une solution efficace, nous le disons dans le rapport. Nous avons placé la barre haute pour être sûrs d’avancer.

Au sujet des MDA, la préconisation n° 24 est certainement celle qui a requis le plus d’attention. Les associations représentant les personnes handicapées ne sont pas favorables dans l’immédiat à cette avancée. Je pense néanmoins que nous devons progresser. L’ensemble des préconisations tend à concourir à une véritable politique de l’autonomie. Pour autant, cela requiert de prendre à la fois des précautions et du temps. Aujourd’hui, trois départements expérimentent les MDA : la Côte-d’Or, le Cantal et la Corrèze. La CNSA accompagne et évalue ces expérimentations. Ce travail doit permettre de déterminer les domaines dans lesquels les convergences sont possibles.

Avec le temps et le soutien de la CNSA, nous devons pouvoir avancer vers des MDA qui respectent la spécificité des deux secteurs, qu’une tradition historique a séparés. Il est possible d’évoluer vers un guichet unique. C’est la raison pour laquelle je propose de conserver le statut de groupement d’intérêt public – GIP –, qui a fait ses preuves malgré les critiques dont il a pu faire l’objet par le passé. Le GIP garantit la possibilité d’approches diversifiées quant au parcours des personnes.

Je suis très attachée à l’avis des associations représentant les personnes handicapées, car ces dernières ont permis de construire une politique très forte dont le secteur de la dépendance peut s’inspirer. Chacun doit pouvoir se retrouver dans une organisation qui respecte ses attentes et ses besoins. Aujourd’hui, nous travaillons avec le Comité national des retraités et des personnes âgées et le Conseil national consultatif des personnes handicapées, mais aussi la Conférence nationale du handicap, pour mener une réflexion commune et avancer vers une politique de l’autonomie.

J’espère que la CNSA finira par être mieux connue ; elle commence à l’être dix ans après sa création. En tout état de cause, chacun d’entre nous aura malheureusement un jour à en entendre parler.

Il faut laisser du temps au temps pour que les choses se construisent en veillant
– c’est là l’essentiel – au respect des personnes. J’ai mis en exergue du rapport deux citations que je vous invite à lire, l’une de M. Alain Cordier, premier président de la CNSA, et l’autre issue de travaux dans le cadre du conseil scientifique de la CNSA. Ces citations rappellent ce qu’est l’autonomie, tant il est vrai que nous peinons parfois à appréhender ce qui est pourtant un enjeu de société. Faisons en sorte que ce rapport, comme d’autres, permette d’éclairer les décisions à prendre.

Mme Martine Pinville, présidente. Je vous remercie, madame la rapporteure, pour la qualité de vos réponses. Mes chers collègues, nous passons au vote en vue d’autoriser la publication du rapport.

La Commission autorise, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, en vue de sa publication.

La séance est levée à douze heures cinquante.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– M. François Vannson rapporteur sur la proposition de loi relative à la maladie de Lyme (n° 2291) ;

– Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (sous réserve de son dépôt).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 21 janvier 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Stéphane Claireaux, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. François Vannson, M. Olivier Véran

Excusés. - Mme Valérie Boyer, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Laurent Marcangeli, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. - Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Michel Piron