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Commission des affaires sociales

Mercredi 18 mars 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 37

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’examen des articles du projet de loi relatif à la santé (n° 2302) (M. Olivier Véran, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Louis Touraine, Mme Hélène Geoffroy, M. Richard Ferrand, rapporteurs).

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 18 mars 2015

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales poursuit l’examen, sur le rapport de M. Olivier Véran, de Mme Bernadette Laclais, de M. Jean-Louis Touraine, de Mme Hélène Geoffroy et de M. Richard Ferrand, du projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons examiné 230 des 1 778 amendements qui ont été déposés sur le projet de loi relatif à la santé, au rythme moyen de 35 amendements à l’heure. Si nous gardions la même allure, il nous faudrait plus de quarante-trois heures de réunion pour examiner les 1 548 amendements restants.

Je tiens donc à vous rappeler les règles fixées en accord avec les représentants des groupes : pour chaque amendement, il n’y a que deux prises de parole, l’une favorable et l’autre défavorable, avant l’avis du rapporteur. La présentation des amendements du Gouvernement par Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est, le cas échéant, suivie d’une seule prise de parole défavorable avant l’avis du rapporteur. Nous passons ensuite au vote. Je vous fais confiance pour respecter cette règle fixée en commun.

Après l’article 5 (suite)

La Commission est saisie de l’amendement AS4 de M. Dino Cinieri.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement propose que, « dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’efficacité du paquet neutre sur la prévalence tabagique ».

M. Olivier Véran, rapporteur pour le titre I. Les amendements tabac, c’est tabou, et nous en viendrons à bout dans les délais. Il existe déjà une dizaine de rapports sur l’évaluation du plan tabac et il n’est pas nécessaire d’en prévoir d’autres. Le dispositif présenté par le Gouvernement en matière de lutte contre le tabac prévoit une évaluation à laquelle le Parlement pourra participer. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS15 de M. Dino Cinieri et AS338 de M. Jean-Pierre Door.

Mme Bérengère Poletti. Il s’agit aussi d’une demande de rapport au Gouvernement, cette fois-ci pour établir « un bilan des effets induits par l’interdiction d’achat de tabac sur internet et des moyens qui pourraient être mis en place pour lutter contre la vente et l’achat de tabac en ligne ».

M. Jean-Pierre Door. Il s’agit de lutter contre le développement du marché parallèle, c’est-à-dire les achats frontaliers ou sur internet et la contrebande. La vente et l’achat de tabac sur internet sont interdits en France, mais la réaffirmation de ce principe, à l’occasion des débats budgétaires en 2014, n’a pas été suivie d’effets.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Puis, elle examine les amendements AS195 et AS160 de M. Jean-Louis Roumegas, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Louis Roumegas. Ces amendements de repli demandent des rapports relatifs au commerce illicite des produits du tabac, l’un sur l’amélioration de la traçabilité et l’autre sur les soupçons d’entente illicite entre fabricants.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques AS13 de M. Dino Cinieri et AS335 de M. Jean-Pierre Door.

Mme Bérengère Poletti. Par l’amendement AS13, nous demandons que, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de modifier les modes de calcul de la richesse nationale par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), afin qu’ils intègrent le commerce illicite de tabac et définisse les modalités selon lesquelles ces informations pourraient être prises en compte.

M. Élie Aboud. Notre amendement AS335 est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS556 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Des prix élevés permettent d’obtenir une baisse significative de la consommation de tabac, mais il faut compter avec une concurrence qui joue sur les différences de fiscalités entre pays. C’est pourquoi nous demandons un rapport sur les différences de fiscalités appliquées au tabac dans l’Union européenne et sur les initiatives que la France pourrait prendre afin de tendre vers une harmonisation fiscale.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS523 de M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Bien qu’il soit la première pierre de l’édifice qui mène à l’équilibre alimentaire et nutritionnel, le petit-déjeuner est de plus en plus négligé, notamment par les enfants, les adolescents et les personnes défavorisées. À cet égard, la dernière étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) est inquiétante. En dix ans, deux fois plus d’adultes et trois fois plus d’enfants ont cessé de prendre un petit-déjeuner chaque jour, 29 % des enfants sautent au moins un petit-déjeuner par semaine contre 11 % il y a encore dix ans.

Le petit-déjeuner rompt le jeûne de la nuit, reconstitue les réserves glucidiques épuisées et contribue aux apports énergétiques de la journée à hauteur de 20 à 25 % en moyenne. Il permet aussi de se réhydrater et d’apporter une part significative de plusieurs nutriments nécessaire pour la matinée et même le début de l’après-midi. Les nutritionnistes rappellent qu’il apporte en moyenne 25 % des besoins en calcium et qu’il représente la première source de vitamine C pour les enfants et la deuxième pour les adultes.

C’est pourquoi la prise d’un petit-déjeuner équilibré, associée à un régime alimentaire de qualité et varié, améliore les capacités cognitives – mémorisation et concentration – et la résistance à la fatigue de nos enfants. Cette habitude favorise leur croissance.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est l’ami Siré, l’ami du petit-déjeuner ! Le petit-déjeuner est extrêmement important et, de la même façon, on pourrait sans doute préciser que bien mâcher est essentiel pour commencer correctement sa digestion. Mais traiter du rôle du petit-déjeuner dans la loi ne me semble pas une bonne idée. Avis défavorable.

M. Fernand Siré. C’est la deuxième fois que vous vous moquez de moi ! J’ai soixante-dix ans. Je suis un vieux médecin. Soyez un rapporteur honnête et veuillez ne pas vous moquer d’un député !

M. Olivier Véran, rapporteur. Telle n’était pas mon intention, mon cher collègue, et, si vous l’avez compris ainsi, je vous prie de m’en excuser.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS524 de M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt définit de nouvelles priorités pour le programme national pour l’alimentation (PNA). Le présent amendement propose que ce programme s’appuie sur le modèle alimentaire français qui doit être protégé et valorisé, alors même qu’il est remis en question par des habitudes de consommation qui se déstructurent.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le PNA contient déjà des objectifs de politique de l’alimentation, et il me semble superflu de rajouter cette précision dans la loi. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS522 de M. Fernand Siré et l’amendement AS444 de M. Jean-Pierre Door.

M. Fernand Siré. Comme les précédents, cet amendement vise à promouvoir une alimentation saine et répartie en trois repas, en particulier auprès des populations défavorisées qui sont les plus concernées par les mauvaises habitudes alimentaires : elles remplacent des repas par des jus de fruit, des sodas, des barres chocolatées, etc. La prise de repas normaux et équilibrés favorise le bien-être de la population et limite les risques de maladies cardio-vasculaires et coronariennes et de diabète.

M. Arnaud Robinet. L’étiquetage que souhaite développer Mme la ministre est inspiré de modèles anglo-saxons. Or les Français s’alimentent d’une manière bien spécifique, très ritualisée, autour de repas structurés et pris à heures fixes. Au moment d’aborder le débat sur les moyens d’améliorer l’information du consommateur, il semble judicieux de rappeler l’importance et les atouts du modèle alimentaire français.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Le programme national nutrition santé (PNNS) traite de la structuration de l’alimentation, de façon très globale. Rien ne va l’encontre de la signalétique alimentaire, bien au contraire : plus on éclaire les consommateurs sur le choix des aliments, plus on participe à la promotion d’un modèle alimentaire français équilibré qui favorise la bonne santé des consommateurs.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle passe à l’amendement AS517 de M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. L’idée est toujours la même : inciter les gens à prendre un bon petit-déjeuner.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS525 de M. Fernand Siré.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS133 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à donner un caractère obligatoire aux recommandations relatives à la nutrition en restauration scolaire, afin d’améliorer, à coût constant, la qualité nutritionnelle des repas servis. Rappelons quelques chiffres : 6 millions d’élèves fréquentent la cantine ; de la maternelle au lycée, 1 milliard de repas sont servis chaque année dans les restaurants scolaires ; au terme de sa scolarité, un demi-pensionnaire pourra y avoir mangé plus de 2 000 fois. La restauration scolaire peut et doit jouer un rôle important dans l’éducation nutritionnelle des enfants, surtout si cette dernière est également présente dans les enseignements obligatoires, comme la mission d’information le propose. Pour beaucoup d’enfants, quel que soit leur milieu social, le déjeuner à la cantine est le seul repas équilibré de la journée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame Boyer, je voudrais rappeler le travail que vous aviez fait sous la précédente législature sur ce problème de santé publique.

M. Olivier Véran, rapporteur. J’approuve votre objectif de privilégier le bio, les circuits courts, les produits locaux, la bonne alimentation. J’appelle toutefois votre attention sur une loi de juillet 2010 qui modifie le code rural et de la pêche maritime, et qui fixe déjà des obligations de fonctionnement aux services de restauration collective, y compris scolaire, en matière de qualité nutritionnelle des repas. L’article L.230-5 de ce code précise donc que les gestionnaires doivent « privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison » et que « les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas sont publiées sous la forme d’une charte affichée dans les services concernés. » Il est aussi prévu que « les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d’études sanitaires, les techniciens sanitaires, les inspecteurs et les contrôleurs des agences régionales de santé veillent au respect des règles fixées en application du présent article ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le code rural et de la pêche maritime ne fait pas forcément l’objet d’une discussion continue dans notre commission.

Mme Valérie Boyer. Pourquoi ces dispositions ne figurent-elles pas dans le code de la santé publique ? Ne pourrait-on pas les transposer dans le chapitre que nous sommes en train d’examiner ? Le code rural et de la pêche maritime ne semble pas forcément le plus indiqué pour régir les cantines scolaires.

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout ce qui a trait à l’alimentation – qui vient de la terre, des paysans – figure dans le code rural.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS163 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous y avons introduit des principes de santé environnementale. Cet amendement vise à passer à des mesures concrètes, tout en tenant compte du rythme d’élaboration de la législation en la matière. En ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, la France a adopté une stratégie nationale tandis que des règles européennes sont en cours d’élaboration.

Sur la base de la stratégie nationale française et des expertises menées notamment par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), nous pouvons commencer à agir de façon concrète.

Dans cet amendement, nous proposons d’introduire un avertissement pour protéger un public particulièrement vulnérable aux perturbateurs endocriniens : les femmes enceintes. L’ANSES construisant son expertise et continuant à évaluer des substances, nous souhaitons mettre en place une signalétique qui tienne compte de ces évaluations. Il s’agit de déconseiller aux femmes enceintes les produits contenant ces substances identifiées comme perturbatrices endocriniennes.

Une telle mesure serait conforme à la réglementation européenne qui autorise des signalétiques supplémentaires quand elles s’appuient sur des expertises scientifiques.

M. Élie Aboud. Comme vous, mon cher collègue, je me préoccupe de santé environnementale. J’ai déposé une proposition de loi sur l’indice PBT (persistance, bioaccumulation et toxicité), qui classe les médicaments en fonction de leur dangerosité pour le milieu aquatique quand ils s’y retrouvent sous forme de résidus : le groupe écologiste n’a pas voulu la signer. La mesure proposée part d’une intention louable, mais elle est difficile à concrétiser dans la mesure où la science n’a pas encore identifié toutes les molécules qui peuvent entraîner des perturbations. Comment faire pour que la loi puisse s’adapter ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques avérés sont déjà interdits. Les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques suspectés font l’objet d’un étiquetage réglementaire défini au niveau européen : le règlement classification, étiquetage et emballage (CLP 1272/2008) qui reprend des dispositions harmonisées au niveau international par l’Organisation des nations unies (ONU), notamment en ce qui concerne les pictogrammes, phrases de danger et conseils de prudence.

Les perturbateurs endocriniens reconnus comme tels sont déjà classés parmi les cancérogènes ou les reprotoxiques, et ils ne sont pas autorisés dans les produits destinés à la vente au grand public.

Pour les produits cosmétiques, les critères d’étiquetage et les symboles utilisés sont définis par le règlement CE 1223/2009. Les mentions d’avertissement destinées aux populations fragiles – femmes enceintes, enfants de moins de trois ans – peuvent être apposées après évaluation par un comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs, qui prend spécifiquement en compte le risque d’exposition via les produits cosmétiques.

Il n’est donc pas nécessaire d’avoir une réglementation nationale spécifique au regard de la législation européenne. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement AS255 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement propose un étiquetage volontaire portant la mention « sans perturbateur endocrinien », ce que demandent certains distributeurs et fabricants. Cet étiquetage s’appuierait sur la liste de l’ANSES, qui est appelée à évoluer au fur et à mesure des évaluations. J’admets que la liste ne sera jamais complète, mais, si l’on attend qu’elle le soit, on n’agira jamais. Des dizaines de perturbateurs endocriniens vont être expertisées tous les ans, mais l’industrie va en fabriquer des milliers au cours des années à venir. Veut-on agir au moins par le biais d’un étiquetage volontaire pour informer les populations, en attendant des réglementations interdisant certains produits ?

M. Bernard Accoyer. Notre collègue Roumegas multiplie les initiatives dans un domaine où les preuves scientifiques font défaut. Rappelons qu’aucun travail scientifique de grande ampleur n’a démontré ce qui est redouté pour le bisphénol A, même si certains points doivent être éclaircis.

M. Gérard Bapt. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Bernard Accoyer. Rappelons aussi que la peur qui est entretenue à l’égard de certains produits conduit à des remplacements hasardeux. Pour le bisphénol A, la preuve scientifique est en train d’éclater. J’appelle à une certaine prudence tant que la communauté scientifique n’est pas unanimement convaincue qu’il faut lancer des alertes et procéder à des changements de pratiques.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons que vous avez évoquées vous-même, monsieur Roumegas. Mettons-nous à la place du consommateur. Comment peut-on lui garantir un produit « sans perturbateur endocrinien » alors que personne n’est capable de dresser la liste des substances qu’il cherche à éviter ? Ce serait quasiment de l’information trompeuse.

Dans le cadre de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, la France a demandé l’adoption d’une définition harmonisée au niveau européen. À l’initiative de la France, un travail a été engagé pour les identifier et permettre de les signaler. Comme vous, monsieur Roumegas, je pense qu’il faut davantage les identifier et les signaler, voire les traquer quand ils risquent de toucher les personnes les plus fragiles. Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il était sage d’interdire les biberons au bisphénol. Mais il reste beaucoup de choses à découvrir et il faut sans doute avoir un peu plus de gages scientifiques avant de pouvoir se déclarer totalement rassuré sur un produit.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS109 de Mme Valérie Boyer et AS813 de M. Bernard Accoyer.

Mme Valérie Boyer. Je propose qu’il soit porté dans le carnet de santé une mention sur les repères quantitatifs de consommation d’eau. D’une manière générale, le carnet de santé ne comporte pas assez d’indicateurs nutritionnels à destination des parents. Il faudrait aller plus loin que les courbes de poids et de taille.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Il est déjà indiqué, dans le carnet de santé, qu’il faut boire de l’eau à volonté et limiter la consommation de boissons sucrées. Cela a été établi par l’ANSES au terme d’une concertation scientifique qui n’a pas fixé de repères quantitatifs. Les législateurs que nous sommes ne disposent pas des éléments scientifiques qui permettraient de déterminer le niveau de consommation idéal pour la santé.

M. Bernard Accoyer. En même temps que cet amendement AS813, je défendrai toute une série d’amendements sur l’importance de l’éducation sanitaire et diététique à l’hydratation. Il faut insister sur le volume, mais aussi sur la nature du liquide, et apprendre aux enfants à boire de l’eau. Je ne dis pas cela pour faire plaisir à mes amis – dont certains sont cosignataires de cet amendement – qui sont élus de régions où il y a des sources thermales. Il faut éduquer les enfants à la saveur de l’eau et ne pas leur donner l’habitude des boissons sucrées ou aromatisées qui ont des conséquences néfastes sur la santé publique : elles favorisent le surpoids, l’obésité, le diabète, mais aussi l’addiction et, d’une certaine façon, une attitude qui, à terme, peut conduire à l’alcoolisme.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS111 de Mme Valérie Boyer et AS810 de M. Bernard Accoyer, et les amendements identiques AS110 de Mme Valérie Boyer et AS812 de M. Bernard Accoyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement AS111 propose d’introduire dans le programme national nutrition santé (PNNS) un repère quantitatif en matière de consommation quotidienne d’eau.

M. Bernard Accoyer. Mes deux amendements sont défendus.

Mme Valérie Boyer. Mon second amendement tend aussi à remplacer le repère nutritionnel actuel du PNNS – boire de l’eau à volonté – par un indicateur quantitatif précis.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Permettez-moi d’apporter une précision concernant la recommandation de boire de l’eau à volonté. Une personne atteinte de potomanie trouve normal d’absorber trois ou quatre litres d’eau par jour pendant des jours, voire des semaines ou des mois. En fait, c’est le signe d’un début de diabète.

M. Bernard Accoyer. La potomanie, c’est tout autre chose : c’est un besoin irrépressible de boire constamment, sans pouvoir se maîtriser.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS802 de M. Bernard Accoyer.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS533 de M. Fernand Siré et AS809 de M. Bernard Accoyer.

M. Fernand Siré. Il s’agit d’associer l’hydratation à la nutrition. La promotion de l’hydratation n’est pas assez présente dans les politiques de santé publique, alors qu’une consommation d’eau insuffisante peut être grave pour les enfants, les adolescents et surtout les vieillards.

M. Bernard Accoyer. Mon amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS114 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. La mesure proposée s’inscrit dans le cadre du plan d’action de lutte contre l’obésité infantile de l’Union européenne. L’amendement vise à améliorer l’information des parents et des personnels médicaux sur l’importance du dépistage précoce de l’obésité ou du risque d’obésité. Les pédiatres soulignent le rôle crucial du dépistage précoce pour éviter que l’obésité ne s’installe à plus ou moins long terme. Il est donc essentiel de mieux informer les parents, les enfants et les professionnels de santé sur cet enjeu.

La priorité absolue est de réduire la prévalence de la surcharge pondérale chez les enfants et les jeunes, sachant que 80 % des enfants obèses à dix ans le resteront à l’âge adulte. Cela passe par des actions coordonnées, cohérentes et durables d’éducation à la santé et d’enseignement nutritionnel pratique – cours de cuisine, activité physique –, par un dépistage systématique pendant toute la scolarité, et par une prise en charge rapide lorsque cela est nécessaire.

À l’heure actuelle, la notion de rebond d’adiposité ne figure pas dans le carnet de santé, alors que les spécialistes de l’obésité et du surpoids estiment qu’il s’agit d’une information nécessaire. C’est au moment du rebond d’adiposité que l’information des parents et la prise en charge médicale sont primordiales.

M. Olivier Véran, rapporteur. À nouveau, madame Boyer, je vous retrouve pleinement sur le fond. Cependant, s’agissant du carnet de santé, ce qui relève de la loi, c’est : la délivrance gratuite d’un carnet aux parents à la naissance de l’enfant ; la fixation, par arrêté ministériel, du modèle et du mode d’utilisation de ce carnet ainsi que la mention des examens médicaux obligatoires. Tout le reste relève de l’arrêté ministériel, notamment ce qui concerne l’information donnée aux parents par les professionnels de santé. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS803 de M. Bernard Accoyer.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS1223 de Mme Dominique Orliac, AS205 et AS138 de Mme Valérie Boyer.

Mme Dominique Orliac. La surcharge pondérale et l’obésité sont de réels problèmes de santé publique. Afin de financer des actions de prévention, que ce soit par de l’information ou de l’éducation au « bien et mieux manger », cet amendement introduit le principe d’une contribution sur l’ensemble des messages de mercatique concernant les produits pouvant mener au surpoids et à l’obésité.

Mme Valérie Boyer. L’amendement AS205 vise à supprimer la possibilité laissée aux annonceurs de messages publicitaires concernant les aliments manufacturés et les boissons sucrées, de s’exonérer de l’obligation d’ajouter une information à caractère sanitaire – « manger, bouger », « cinq fruits et légumes par jour » – moyennant le versement d’une taxe de 1,5 % qui est affectée à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), et à rendre obligatoire l’assujettissement à cette taxe.

La suppression de la possibilité de déroger à l’obligation d’information sanitaire permettra de renforcer l’information en matière d’équilibre nutritionnel, d’éducation à la santé et de prévention de l’obésité. Cela contribuera à rééquilibrer l’information sur les produits alimentaires transformés. Dans ce même esprit, l’obligation d’acquitter la taxe permettra d’accroître les moyens d’information et de prévention de l’INPES.

Quant à l’amendement AS138, il vise à porter de 1,5 % à 5 % le taux de la taxe sur les messages publicitaires concernant les aliments manufacturés et les boissons sucrées, qui est affectée à l’INPES pour financer des actions de prévention.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis défavorable aux deux premiers amendements qui veulent imposer à la fois les messages sanitaires et une contribution financière qui serait, en fait, une taxe nouvelle. En revanche, je suis favorable à l’amendement AS138 qui propose de tripler le taux de la taxe en cas de non-application du message de prévention sanitaire. En effet, notre but n’est pas de prélever la taxe, mais de conduire les industriels à diffuser le message sanitaire, ce qu’une hausse du taux peut les inciter à faire davantage.

La Commission rejette successivement les amendements AS1223 et AS205 puis adopte l’amendement AS138.

Puis elle en vient à l’amendement AS507 rectifié de Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Nous savons aujourd’hui qu’en classe de CM2 les enfants d’ouvriers sont dix fois plus victimes d’obésité que les enfants de cadres. Les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajout de sucres, de sel, d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. Le présent amendement vise à étendre aux messages diffusés en ligne cette obligation qui s’applique déjà aux messages télévisés et radiodiffusés, à l’instar de ce qui est déjà en vigueur pour le contrôle de la publicité pour l’alcool.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement AS125 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise aussi à lutter contre l’obésité.

Dans son dernier rapport de février 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte une fois de plus sur les effets néfastes pour l’enfant du marketing d’aliments hautement énergétiques, riches en matières grasses, en sucre ou en sel, qui entraînent une propension à préférer les aliments et modes d’alimentation peu sains et favorisent l’obésité.

L’influence de ces publicités, dont le PNNS recommande la limitation, doit être régulée par la loi. Il convient d’éloigner les enfants des messages publicitaires qui nuisent à leur santé, comme on les éloigne de la pornographie ou des images violentes. La France n’est en effet plus épargnée par la pathologie de l’obésité qui constitue une menace pour notre système de protection sociale et une souffrance pour les personnes qui en sont victimes.

Rappelons que l’obésité infantile reste la plus problématique, à une époque où 60 % des enfants regardent le petit écran tous les jours en rentrant de l’école, les trois quarts d’entre eux avouant préférer les produits promus à la télévision plutôt que ceux ne bénéficiant d’aucune publicité. Plus de 80 % des parents achètent des produits vus à la télévision et réclamés par les enfants. La charte d’engagement des régies publicitaires n’offre aucune protection pour les enfants : elle ne propose que des spots de sensibilisation à caractère très général sans imposer la moindre limitation aux publicités pour les produits les plus caloriques.

Cet amendement vise à renforcer la protection des enfants et des adolescents par l’encadrement strict de la publicité en faveur des produits à forte teneur en sucres ou en matières grasses. Cet encadrement sera bénéfique à la fois pour les enfants qui seront encouragés à manger des produits plus sains, pour l’industrie alimentaire qui sera fortement incitée à améliorer les recettes des produits les plus déséquilibrés, et pour les chaînes de télévision qui verront une pérennisation de leurs recettes publicitaires issues de l’agroalimentaire.

Cet amendement ne cherche en aucun cas à opposer l’agroalimentaire aux consommateurs ; son but est de promouvoir les produits qui n’obèrent pas la santé des plus jeunes.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Sur le fond, je suis tout à fait favorable à l’idée de limiter l’exposition des enfants aux publicités pour des produits qui peuvent entraîner des troubles alimentaires, en tout cas du surpoids et de l’obésité. En revanche, le passage à la pratique me semble compliqué. Il existe une charte de bonnes pratiques, mais je ne sais pas si l’on sait définir dans la loi ce que sont les émissions « dont une part importante du public est constituée d’enfants ou d’adolescents ».

Mme Valérie Boyer. On le sait parfaitement : certains programmes sont ainsi qualifiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et les « écrans jeunesse » sont précisément définis.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Il y a quelques années, madame la députée, vous aviez été amenée à retirer les amendements que vous aviez présentés, au profit de la mise en place d’une charte signée par les industries de l’agroalimentaire et les chaînes de télévision. Christine Kelly, qui était alors membre du CSA, a beaucoup œuvré en faveur de cette charte, dont une nouvelle version, qui vient d’être signée, comporte des engagements et des développements nouveaux. Il me semble qu’il faut laisser prospérer cette démarche, qui porte ses fruits.

Mme la présidente Catherine Lemorton. À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement. D’une part, il me semble possible d’identifier les programmes, puisque la charte nouvellement révisée indique un pourcentage d’enfants de moins de douze ans qui regarderaient certaines émissions. D’autre part, cette charte n’étant pas opposable, les industriels font ce qu’ils veulent.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS1206 de Mme Maud Olivier.

Mme Catherine Coutelle. Cet amendement vise à combattre les troubles alimentaires tels que l’anorexie – qui touche des femmes dans 90 % des cas – en encadrant les photographies de mannequins utilisées dans la publicité et dans la mode. M. le rapporteur a déposé un amendement un peu équivalent au nôtre sur l’incitation à la maigreur.

L’amendement propose que les photographies de mannequins dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image soient accompagnées de la mention « photographie retouchée ».

Mme Valérie Boyer. Cet amendement reprend quasiment mot pour mot une proposition de loi que j’avais déposée en 2008, à la suite d’un rapport sur l’obésité. J’en approuve l’esprit, mais pas la forme : il faudrait le compléter pour élargir le champ des images retouchées. On ne combat pas l’anorexie avec ce genre de mesure, mais il est important d’informer les gens quand la photographie d’un mannequin a été retouchée par logiciel, parce qu’ils n’en ont pas toujours conscience.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’enjeu est important. Mais comment détermine-t-on en aval que la photographie a été retouchée et qu’il aurait fallu le signaler ? Y aura-t-il un comité de censure en amont ? Je ne crois pas que ce soit possible. Qui va faire l’évaluation a posteriori et sur quels critères ? Il faut aussi que nous précisions la taille du message. Un consensus peut se dessiner, si j’en juge par l’implication des uns et des autres sur ce sujet depuis des années. Nous pouvons donc reprendre le texte et présenter en séance une formulation qui soit inattaquable sur la forme.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS130 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement concerne l’allaitement maternel dont il est établi qu’il présente de nombreux avantages : qualité du lien mère-enfant, réduction de la fréquence des infections chez les nourrissons, gratuité. L’allaitement maternel prolongé, pendant au moins six mois, a également un rôle protecteur contre l’obésité. Il est donc essentiel de développer l’allaitement maternel dès la naissance et de le prolonger aussi longtemps que possible. C’est pourquoi je propose qu’une information sur les vertus de l’allaitement maternel soit systématiquement délivrée aux parents dans les maisons d’enfants à caractère sanitaire.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’allaitement maternel a progressé de 50 % en vingt ans en France : le pourcentage des mères qui le pratiquent est passé de 50 % à 74 %. Nous pouvons en déduire que l’information sur les vertus de l’allaitement maternel ne circule pas mal. Votre amendement, madame Boyer, me pose deux problèmes : d’une part, vous restreignez la mesure à des maisons d’enfants à caractère sanitaire ; d’autre part, vous insérez cette disposition dans un code de la santé publique qui traite des lactariums. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS129 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à créer une obligation pour les crèches de nourrir les nourrissons au lait maternel lorsque les parents le souhaitent. Il s’agit de favoriser la poursuite de l’allaitement le plus longtemps possible, autant que les parents le souhaitent, en particulier dans les structures d’accueil collectif. Il faut faire en sorte que le règlement intérieur de ces établissements n’interdise pas, comme cela a malheureusement été bien souvent le cas, le recours à l’allaitement maternel.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Une telle mesure est inapplicable, car elle suppose que toutes les crèches et tous les conseils généraux de France soient équipés de moyens de stockage de lait maternel en quantité suffisante. Je suis surpris que l’amendement n’ait pas été déclaré irrecevable en application de l’article 40.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS463 de Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. La politique nutritionnelle nécessite la mobilisation des acteurs majeurs de la santé que sont les organismes complémentaires de l’assurance maladie, même si l’État en reste le pilote. Cet amendement, qui tend à renforcer la démocratie sanitaire, propose la concertation préalable de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et de l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (UNOCAM) dans l’établissement du PNNS.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. La proposition est redondante avec les dispositions prévues dans la stratégie nationale de santé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS376 de M. Denis Baupin.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à promouvoir le vélo et la marche comme une activité physique régulière, notamment lors des mobilités quotidiennes. Cette mesure permet de faire d’une pierre deux coups : on évite de rejeter dans l’air des polluants qui sont nocifs pour la santé ; on améliore sa condition physique et donc son état de santé, comme le démontrent de nombreuses études de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable sous réserve d’en modifier quelque peu la rédaction en remplaçant « modes actifs » par « modes de déplacement actifs ».

L’amendement rectifié est celui-ci : « Après l’article L. 3232-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3232-4-1 ainsi rédigé : « Art. L. 3232-4-1. – Ces campagnes doivent intégrer un volet de promotion des modes de déplacement actifs, notamment le vélo et la marche, dans l’encouragement de l’activité physique régulière. »

M. Jean-Louis Roumegas. J’approuve cette modification.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement AS1673 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement vise à interdire aux agences d’employer sur le territoire français des mannequins dont la santé serait mise en danger par un état de dénutrition tel que défini par l’OMS.

L’exercice d’une activité de mannequin serait interdit à « toute personne dont l’indice de masse corporelle (IMC), établi en divisant son poids par sa taille élevée au carré, serait inférieur à un niveau défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, après avis de la Haute autorité de santé (HAS). » En dessous de ce niveau, l’état de santé du mannequin serait jugé incompatible avec l’exercice d’un travail.

Les employeurs qui ne veilleraient pas au respect de cette interdiction pourraient encourir une peine allant jusqu’à six mois de prison et 75 000 euros d’amende.

Nous reviendrons plus tard sur les troubles du comportement alimentaire, notamment l’anorexie. Cet amendement, qui a suscité beaucoup de commentaires, ne vise pas à punir, à guérir ou à empêcher l’anorexie. Mais nous constatons que l’anorexie est malheureusement fréquente dans un milieu professionnel où elle résulte souvent de pressions très fortes sur les mannequins. À l’instar de ce qui a été fait en Espagne, en Italie, en Israël ou en Belgique, nous voulons modifier le code du travail pour mettre fin à ces pratiques.

M. Élie Aboud. J’approuve l’esprit de cet amendement, mais sa rédaction me gêne, car l’anorexie mentale ne se définit pas que par l’IMC. Sur le plan scientifique, cela me dérange beaucoup que l’on en vienne à associer le diagnostic d’anorexie mentale à un chiffre précis.

M. Olivier Véran, rapporteur. En fait, je voulais proposer de remplacer « un niveau » par « des niveaux ». Le début de l’article L. 7123‑2‑1 serait donc ainsi rédigé : « L’exercice d’une activité de mannequin est interdit à toute personne dont l’indice de masse corporelle, établi en divisant son poids par sa taille élevée au carré, est inférieur à des niveaux définis par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, après avis de la Haute autorité de santé. » Le niveau de l’IMC peut en effet varier selon les âges.

Monsieur Aboud, nous parlons d’état nutritionnel mettant en danger la santé, voire la vie, des personnes qui travaillent, pas d’anorexie. L’OMS définit trois stades de dénutrition qui correspondent à des niveaux d’IMC ; ce sont des indicateurs reconnus dans de nombreux pays pour déterminer l’état de santé.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement m’inquiète, car il établit une discrimination morphologique dans le droit du travail. Nous avons tous dans notre entourage des personnes d’une grande maigreur. Imaginez l’effet d’un tel amendement sur cette catégorie de nos compatriotes. La loi va définir un poids, un tour de taille et bientôt une longueur de fémur. Revenons sur terre !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1674 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il s’agit d’affirmer dans le code de la santé publique, à la suite des articles consacrés à la prévention de l’obésité et du surpoids, que la politique de santé contribue à la prévention de l’anorexie mentale et que la lutte contre la valorisation de la minceur excessive participe de cet objectif.

M. Jean-Pierre Door. J’interviens sur cet amendement faute d’avoir pu le faire sur le précédent. On ne peut que s’opposer à l’emploi de jeunes femmes anorexiques, extrêmement maigres, par les agences de mannequins, mais les mesures proposées dans ces amendements ne relèvent pas de la loi. En revanche, la HAS pourrait définir précisément l’anorexie mentale et le morphotype secondaire lié à cette maladie, se prononcer sur sa compatibilité avec l’exercice d’un travail, et nous conseiller sur la marche à suivre.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1179 de Mme Maud Olivier.

Mme Catherine Coutelle. L’UMP avait déposé une proposition de loi sur le sujet en 2008, mais le texte est resté dans les tiroirs de l’Assemblée nationale, n’allant même pas jusqu’au Sénat. Rien ne nous empêche d’y revenir aujourd’hui pas le biais d’amendements à ce projet de loi sur la santé. Cet amendement vise à combattre l’incitation ou la provocation à la maigreur excessive via tout type de supports, notamment ces sites internet connus sous le nom de « pro-ana ». Il s’agit de créer un nouveau délit dans le code pénal, permettant de faire condamner ceux qui incitent à la maigreur excessive.

M. Bernard Accoyer. Chacun sait que l’anorexie mentale est une maladie psychogène grave, voire fatale. Lutte-t-on contre une maladie par la loi ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout le monde est conscient de l’importance de l’enjeu : il s’agit de lutter contre toutes les formes de pression sociale qui peuvent entraîner les adolescents – des adolescentes dans 90 % des cas – dans des troubles de dénutrition qui peuvent mettre leur vie en danger. On estime que 30 000 à 40 000 personnes souffrent d’anorexie.

Nous venons d’adopter un amendement très important qui intègre la lutte contre l’anorexie dans les objectifs de santé publique. Tout ce qui peut permettre de protéger des personnes en situation de fragilité face au risque de survenue de troubles des conduites alimentaires doit être examiné. En revanche, les études sociologiques montrent que s’attaquer à des sites internet ou à des blogs – tenus pour la plupart par des jeunes filles qui souffrent d’anorexie et qui y trouvent en moyen d’expression – n’est pas une solution adaptée.

L’amendement que nous venons d’adopter nous permet d’identifier les vecteurs de communication qui pourraient être dangereux en termes de signaux envoyés au jeune public et il nous offre la possibilité d’agir. L’amendement sur le mannequinat, qui sera rediscuté en séance, prévoit de sanctionner des employeurs qui pousseraient à la dénutrition excessive des personnes sous contrat.

Celui dont nous débattons s’établit dans un article du code pénal qui contient une disposition sur le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger. Continuons à y travailler, sur la forme et sur le fond, afin de parvenir à une situation d’équilibre qui nous permettrait d’avancer.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS261 rectifié de Mme Brigitte Allain.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement porte sur un problème qui concerne encore plus de personnes que le précédent : la dénutrition des personnes âgées. La dénutrition est un état pathologique qui touche près de 800 000 personnes en France et constitue l’un des principaux facteurs de perte d’autonomie chez les personnes âgées. Il s’agit d’inscrire clairement cette priorité dans la politique de santé publique et de commencer à y travailler sérieusement.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avec cet amendement, nous courons encore le risque d’additionner les déclarations de caractère prioritaire dans une thématique donnée. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS128 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement vise à prévoir l’indication du contenu calorique des produits alimentaires transformés dans les messages publicitaires. Il s’agit d’améliorer l’information des consommateurs, afin de leur permettre d’effectuer des choix éclairés favorables à l’équilibre nutritionnel. C’est un moyen de renforcer la prévention en matière de santé en portant sa part dans les dépenses de santé de 6,5 % à 10 %, et de faire de la lutte contre l’obésité une priorité de santé publique.

Je propose donc que soient insérés les mots « et l’indication dans les messages publicitaires du contenu calorique des produits pour les produits alimentaires transformés » après le mot « publicité » dans l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Dans un autre amendement, qui s’inscrit dans la même logique, je propose que le contenu calorique des produits transformés soit indiqué sur le devant du paquet et pour 100 grammes.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’apport énergétique d’un aliment n’est que l’une des composantes de l’impact sur la santé, et le score nutritionnel paraît plus pertinent. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS132 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement prévoit l’obligation pour l’ensemble des chaînes publiques et privées de radio et de télévision de diffuser gratuitement les messages de l’INPES.

M. Arnaud Robinet. C’est déjà le cas. Les messages de prévention de l’INPES, sur l’alimentation notamment, sont diffusés sur les chaînes jeunesse.

Mme Valérie Boyer. Mais cette diffusion est payante.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS150 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement prévoit que les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et les opérateurs privés comportent des dispositions en faveur du respect de la diversité corporelle. Les médias valorisent parfois de manière excessive un idéal de minceur qui peut induire des troubles du comportement alimentaire et accentuer le mal-être des personnes obèses.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS137 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Les conventions conclues entre le CSA et les opérateurs privés doivent également porter sur les mesures en faveur de l’information, l’éducation à la santé, l’équilibre nutritionnel ainsi que la lutte contre l’obésité et le surpoids.

Je reviens sur l’amendement précédent. Je ne comprends pas pourquoi l’INPES est obligé de payer pour que ses messages de santé publique à l’adresse des jeunes soient diffusés sur les chaînes publiques. Les moyens de l’INPES sont très loin d’égaler ceux dont dispose l’industrie agroalimentaire pour vanter ses produits.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS149 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement impose aux sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle de mettre en œuvre des actions en faveur de la diversité corporelle.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS136 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Ces sociétés doivent également mener des actions en faveur de l’information, l’éducation à la santé, l’équilibre nutritionnel ainsi que la lutte contre l’obésité et le surpoids.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS134 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement prévoit l’utilisation d’une partie du temps d’antenne libéré par la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques pour diffuser des messages ou programmes d’information et d’éducation à la santé relatifs à la lutte contre l’obésité et le surpoids, l’équilibre nutritionnel et la promotion de l’activité physique. Ces messages pourraient faire l’objet d’une labellisation par l’INPES. Cette mesure, qui n’occasionne aucun coût supplémentaire, permettrait de faire connaître au public les objectifs de santé publique et de valoriser le travail de l’INPES.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS1221 de M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. La consommation de fruits et légumes par les enfants et les adolescents demeure insuffisante. La suppression des distributeurs automatiques de boissons sucrées et de barres chocolatées dans les établissements scolaires était une mesure judicieuse pour lutter contre l’obésité. Mais, afin de favoriser la consommation de fruits et légumes, il est proposé d’autoriser les distributeurs pour la vente de ces derniers, entiers ou transformés, sans adjonction de sucre ni d’additifs ou de conservateurs.

M. Arnaud Robinet. En la matière, les collectivités locales peuvent agir. Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, la mairie de Reims a ainsi décidé d’offrir à tous les enfants un goûter, établi avec une nutritionniste et composé de produits régionaux.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Les distributeurs ont été supprimés en 2004 pour lutter contre le grignotage des élèves. Il ne semble pas opportun de les réintroduire, quel que soit le produit consommé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS139 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement entend faire de la lutte contre l’épidémie d’obésité et de surpoids la grande cause nationale 2016.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cela ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS161 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Aux termes de cet amendement, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) doit mener des études sur les discriminations à l’égard des personnes obèses.

Cette question n’est pas marginale puisqu’un Français adulte sur deux, soit environ 25 millions de personnes, est en surcharge pondérale, et que plus d’un adulte sur six est obèse, soit environ 8 millions de personnes. Or les représentants d’associations de personnes obèses qui ont été auditionnés par la mission d’information ont fait état de nombreuses discriminations dans l’emploi et dans l’accès au crédit, à l’assurance, aux soins, aux transports, aux salles de sport.

Malgré quelques travaux universitaires, il est encore difficile de prendre la mesure réelle des discriminations dont sont victimes les personnes obèses ou en surpoids. Il serait souhaitable que la HALDE les étudie.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est difficile de demander à une institution qui a été supprimée de se mobiliser. Le Défenseur des droits, qui a pris sa succession, est déjà compétent à l’égard de toutes les discriminations, y compris celles liées à l’obésité.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS258 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. L’amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur l’application de la réglementation européenne sur les nanomatériaux. Ces matériaux sont massivement utilisés dans l’industrie – 400 000 tonnes en 2014 –, y compris dans des produits de consommation quotidienne, comme les cosmétiques. L’obligation d’information des consommateurs n’est, semble-t-il, pas toujours respectée par les fabricants. Nous souhaitons que le Gouvernement s’engage à étudier ce problème.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Le recours aux nanomatériaux est déjà soumis à des obligations déclaratives.

La Commission rejette l’amendement.

Mme la ministre. Avant d’en venir aux articles relatifs au développement du dépistage et à la lutte contre les addictions, je souhaite répondre à la question posée par M. Accoyer : peut-on lutter contre la maladie par la loi ? Après l’examen de dizaines d’amendements, je tiens à rappeler la logique dans laquelle s’inscrit le Gouvernement. Le Gouvernement s’engage avec force à faire de la prévention un axe majeur de la politique de santé. Et, monsieur Accoyer, cela passe par la loi.

Contrairement à la loi de 2004, le Gouvernement n’entend pas multiplier les objectifs, plus ou moins louables, au risque de perdre de vue les priorités. La priorité réside dans la lutte contre les inégalités de santé dès le plus jeune âge. C’est la raison pour laquelle nous mettons l’accent sur la lutte contre le tabagisme, l’alcoolisation excessive, l’obésité et l’exposition aux risques environnementaux.

Il ne s’agit pas de nier l’existence d’autres objectifs susceptibles d’être poursuivis. Mais nous avons délibérément choisi de restreindre leur nombre et de nous concentrer sur les politiques, les outils et les systèmes d’évaluation qui doivent être mis en place.

La série d’amendements qui viennent d’être présentés, pour certains très intéressants, obéit à la logique de la loi de santé publique de 2004 consistant à établir des plans – plus d’une centaine sont répertoriés aujourd’hui. J’ai souhaité rompre avec cette logique pour mieux afficher nos priorités. Ce choix justifie les avis que j’exprimerai en séance publique sur les amendements. À partir de la colonne vertébrale que constitue la lutte contre les inégalités, je privilégie l’efficacité des outils plutôt que la richesse des objectifs.

Chapitre II
Soutenir les services de santé au travail

Article 6 (art. L. 4623-1 du code du travail) : Exercice des fonctions de médecin du travail par un collaborateur médecin

La Commission examine l’amendement AS392 de M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Cet amendement propose de supprimer l’article 6. J’aurais préféré que le projet de loi comporte un dispositif susceptible d’encourager la filière de la médecine du travail qui souffre.

Je désapprouve l’utilisation du terme de collaborateur pour désigner des personnes qui sont médecins salariés. En outre, l’article prévoit que ces collaborateurs sont placés sous l’autorité du médecin du travail. Comment cette autorité s’exercera-t-elle ?

M. Gérard Sebaoun. Je suis opposé à votre amendement. La notion de collaborateur de médecin n’est pas inconnue dans le milieu libéral ; elle est même consacrée dans un décret de janvier 2012. Elle n’a rien de péjoratif, dans la mesure où ce médecin est embauché par un service de santé au travail, est tutoré par un médecin du travail et doit s’engager sur un cursus de quatre ans à l’issue duquel sa qualification est reconnue par le Conseil de l’ordre. Aujourd’hui, cela concerne souvent des médecins en voie de reconversion : l’âge moyen des médecins collaborateurs, aujourd’hui au nombre de 154 équivalents temps plein annuel travaillé, est de cinquante ans. Face à la baisse du nombre de médecins du travail, la voie proposée par l’article 6 me semble raisonnable et légitime.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Nous parlons de médecins qui s’engagent à suivre une formation en vue de l’obtention de la qualification de médecin du travail. Ils ont en moyenne cinquante ans, sont médecins généralistes dans près de 60 % des cas. L’article 6 offre une voie d’accès supplémentaire à la spécialité de médecine du travail, qui peut répondre à des aspirations de reconversion ou de diversification des parcours professionnels. Il consolide le dispositif en permettant à ces médecins d’exercer des missions qui relèvent de la seule compétence du médecin du travail, sous l’autorité d’un médecin du travail, dans le cadre d’un protocole écrit et validé par ce dernier.

La Commission rejette l’amendement.

Les amendements AS1709 et AS1710 du rapporteur sont retirés.

M. Bernard Accoyer. Je suis préoccupé par le contenu de l’article 6 et par la volte-face du rapporteur, qui est revenu sur son intention bien fondée de supprimer les mots « collaborateur médecin » – il n’existe que des docteurs en médecine. Cette expression, particulièrement malvenue, stigmatise des professionnels qui viennent pallier les carences sérieuses de la médecine du travail. Pourquoi, monsieur le rapporteur, avoir décidé de retirer ces amendements ? Vous devriez revenir, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises, sur cette décision intempestive afin de conserver leur dignité à ces professionnels qui assurent chaque jour une mission difficile.

La Commission est saisie de l’amendement AS1354 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Les médecins du travail sont confrontés à la baisse sévère des effectifs de médecine du travail qui se poursuit et devrait être accentuée par les nombreux départs à la retraite attendus, avec de fortes disparités régionales. Dans le même temps, le nombre de places offertes dans la spécialité n’augmente pas. Des mesures urgentes s’imposent pour compenser le déficit démographique de médecins du travail et renforcer l’attractivité de la profession.

Le rapport de M. Christian Dellacherie suggérait notamment deux pistes : l’autorisation de prescrire, d’une part, et l’autorisation d’un exercice mixte de cette spécialité, d’autre part. L’amendement propose de poursuivre le travail de réflexion engagé.

M. Gérard Sebaoun. L’activité mixte est déjà une réalité mesurée par l’INSEE : 83 médecins ont une activité mixte, soit une très faible proportion des 5 007 médecins répertoriés. Cette voie nouvelle ouverte à des personnes désireuses d’acquérir la qualification de médecin du travail m’apparaît être la bonne méthode.

Le médecin du travail peut prescrire à titre exceptionnel, mais ce n’est pas son rôle. Il ne me paraît pas opportun de le modifier.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Il est inutile de prévoir un nouveau rapport puisque celui dont nous disposons est récent. En outre, l’article 6 a précisément pour but de consolider un dispositif qui favorise la reconversion dans la médecine du travail.

M. Bernard Accoyer. Je souhaite sous-amender l’amendement afin de supprimer l’expression de « collaborateur médecin » comme l’avait envisagé le rapporteur. Cette suppression ne modifie en rien le dispositif : elle permet d’éviter la stigmatisation d’une catégorie et de rassurer des professionnels contrariés par cette formulation pour le moins maladroite.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il ne s’agit pas d’un sous-amendement, monsieur Accoyer, mais d’un amendement à part entière pour lequel le délai de dépôt est dépassé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 sans modification.

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement AS1353 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Le rapport de M. Dellacherie recommandait de développer les relations entre les spécialités. Il regrettait ainsi que la loi ne facilite pas l’accès du médecin du travail au dossier médical personnel. Cet amendement tend à lever cet obstacle, sous réserve du consentement préalable du patient.

M. Olivier Véran, rapporteur. Permettre l’accès aux données médicales pourrait être pertinent. Mais l’article L. 1111-18 l’interdit expressément pour le médecin du travail. Cette mesure suscite des inquiétudes compréhensibles. Je suggère donc d’approfondir cette question. Dans cette attente, j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS952 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à assurer l’indépendance des médecins du travail. La rédaction ambiguë de l’article R. 4126-1 du code de la santé publique rend possible le dépôt d’une plainte par une entreprise auprès du conseil de l’ordre contre un médecin du travail qui aurait établi par écrit un lien entre l’organisation du travail et la santé psychique des salariés. L’un des médecins qui ont fait l’objet d’une telle plainte a été condamné en première instance.

L’article dispose en effet que l’action disciplinaire contre un médecin peut être introduite par l’ordre des médecins agissant de sa propre initiative ou à la suite de plaintes, « formées notamment par les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires », etc. Avant l’introduction du terme « notamment » par un décret de mars 2010, seules les personnes physiques ou morales mandatées par des patients pouvaient poursuivre un médecin devant le conseil de l’ordre. Cet ajout a permis aux employeurs de s’engouffrer dans une brèche pour remettre en cause des certificats médicaux attestant d’un lien de causalité entre l’état de santé psychique du salarié et son travail.

Il est abusif qu’un employeur en conflit avec ses salariés se revendique de l’intérêt de ces derniers pour attaquer les médecins qui les défendent.

Faute de pouvoir amender le décret, l’amendement propose une nouvelle rédaction de l’article sur lequel la disposition réglementaire s’appuie.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’indépendance du médecin du travail doit être garantie par des protections légales et des exigences déontologiques. Exclure les employeurs et eux seuls d’un recours devant une instance ordinale serait une mesure discriminatoire et disproportionnée par rapport au but recherché.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS131 de Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. L’amendement crée une obligation pour l’employeur d’informer les salariées, à leur retour de congé maternité, sur les règles en vigueur dans l’entreprise concernant l’allaitement maternel.

Les dispositions prévues par le code du travail – droit de disposer d’une heure par jour pour allaiter, droit d’allaiter dans l’établissement, locaux dédiés à l’allaitement dans les entreprises de plus de cent salariés – peuvent être complétées par des mesures plus favorables prévues par les conventions collectives et les accords collectifs de branche ou d’entreprise. Mais souvent, faute d’information, les mères de retour dans l’entreprise après le congé maternité ignorent l’existence de ces dispositions et interrompent l’allaitement maternel.

Il est essentiel de développer l’allaitement maternel dès la naissance et de le prolonger aussi longtemps que possible. Le renforcement de l’information des femmes sur le droit d’allaiter sur le lieu de travail devrait y contribuer.

Puisque nous sommes tous ici sensibles à la cause des femmes qui travaillent, je vous invite à voter cet amendement qui leur permet de ne pas avoir à choisir entre leur enfant et leur travail.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le droit des femmes à allaiter sur leur lieu de travail est reconnu par le code du travail. Instaurer une obligation d’information semble trop formel et surtout incontrôlable dans la pratique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS944 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement souligne le rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en matière de prévention, en ajoutant cette dernière à leurs missions définies par le code du travail. Alors que son rôle est actuellement sujet à débat, cette instance, qui s’est beaucoup développée, fait montre d’une expérience et d’une expertise en matière de prévention qui doivent être reconnues par la loi.

M. Gérard Cherpion. Il ne me semble pas opportun d’ajouter cette nouvelle mission qui ne relève pas selon moi des CHSCT.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1445 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Quéré. Cet amendement vise à développer le recueil et la publication régulière de données sexuées en matière de santé au travail en s’appuyant sur les rapports annuels des médecins du travail.

Si les accidents du travail ont globalement baissé entre 2001 et 2012, ils progressent nettement pour les femmes (+ 20,3 %). Les dispositions actuelles du code du travail ne prévoient pas d’obligation concernant la production de données selon le sexe dans les rapports annuels des médecins du travail. Pour pallier cette lacune, il convient de modifier l’article L. 4624-1 du code du travail relatif aux missions du médecin du travail.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS380 de M. Denis Baupin.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement prévoit une sensibilisation des médecins à la mobilité active afin d’encourager l’usage de ce mode de déplacement entre domicile et travail.

M. Bernard Accoyer. C’est faire injure aux médecins que de penser qu’ils ignorent les vertus de l’activité physique. Je suis résolument contre cet amendement inutile.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le degré de précision de l’amendement lui confère un caractère réglementaire. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre III
Soutenir et valoriser les initiatives des acteurs
pour faciliter l’accès de chacun à la prévention et la promotion de la santé

Article 7 (art. L. 3221-2-2 [nouveau] et L. 6211-3 du code de la santé publique) : Facilitation du dépistage des maladies infectieuses transmissibles

La Commission examine les amendements identiques AS238 de Mme Véronique Massonneau, AS818 de Mme Monique Orphé, AS1224 de Mme Dominique Orliac et AS1343 de M. Jean-Pierre Le Roch.

Mme Véronique Massonneau. Le combat contre l’épidémie de sida passe d’abord par le dépistage. Or certains mineurs peuvent renoncer à ce dépistage de peur de devoir évoquer avec leurs parents leurs éventuelles prises de risques. Cet amendement vise donc à garantir l’anonymat pour les mineurs lors du dépistage.

Mme Monique Orphé. Le consentement des titulaires de l’autorité parentale est requis pour pratiquer un test rapide d’orientation diagnostique (TROD) pour un mineur. Seul un médecin peut le pratiquer à titre exceptionnel sans ce préalable. Or seul le TROD non médicalisé permet aujourd’hui de dépister certaines communautés ou de développer la prophylaxie dans certains territoires. C’est le cas notamment des mineurs en Guyane.

Cet amendement, qui rejoint par ailleurs l’avis du Conseil national du sida du 15 janvier 2015, permet d’anticiper une situation paradoxale dans laquelle une personne mineure aurait accès aux autotests, mais non aux TROD qui obéissent pourtant à un cahier des charges incluant notamment un entretien sur les pratiques et les risques par rapport au VIH et aux hépatites.

Mme Dominique Orliac. Même argumentation.

M. Michel Liebgott. Il est important de s’adresser à ces jeunes qui pourraient penser que le VIH est en recul et que les progrès médicaux en font une maladie banale.

M. Olivier Véran, rapporteur. J’attire votre attention sur la fragilité du dispositif qui prévoit un simple arrêté pour déroger à une règle établie par le code civil. Malgré cet obstacle juridique, j’émets un avis favorable, car je partage l’intention de ces amendements.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements AS432 de M. Élie Aboud et AS165 de Mme Véronique Massonneau tombent.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS257 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS393 de M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. L’amendement autorise tout professionnel de santé – médical et paramédical – à utiliser les TROD.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est satisfait.

L’amendement est retiré.

L’amendement AS1301 de Mme Véronique Massonneau est également retiré.

Puis la Commission adopte les amendements rédactionnels AS1627 et AS1672 du rapporteur.

L’amendement AS166 de M. Jean-Louis Roumegas est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS1091 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cet amendement précise que la mise à disposition d’autotests de détection pour les personnes les plus exposées aux maladies infectieuses transmissibles va de pair avec l’accompagnement, le conseil et la prise en charge de la personne.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS1320 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement concerne les mineurs diagnostiqués séropositifs qui ne souhaitent pas révéler leur état à leurs parents. Il permet à ces mineurs, ainsi qu’aux ayants droit majeurs qui le demandent, d’obtenir le secret pour les dépenses inhérentes au traitement. Les remboursements figurent aujourd’hui sur les relevés de sécurité sociale des parents et plusieurs cas de renoncement aux soins pour ce motif nous ont été signalés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte enfin l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS1321 du rapporteur, AS1090 de M. Arnaud Richard et AS229 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement propose une actualisation régulière des critères conduisant à une contre-indication au don du sang. La première actualisation devra intervenir au plus tard trois mois après la promulgation de la loi. Il s’agit de lever les obstacles pouvant être considérés comme discriminatoires à l’accès au don du sang.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La ministre a rappelé dans la discussion générale l’actualisation des formulaires pour les donneurs sans discrimination liée à l’orientation sexuelle.

M. Arnaud Richard. Je remercie la ministre d’avoir abordé ce sujet dans son propos liminaire. Le Président de la République lui-même considère qu’aucune justification scientifique ne fonde la discrimination actuelle. Il est nécessaire de tourner la page d’une histoire, commencée en 1983, de stigmatisation à l’égard d’un certain nombre de nos compatriotes. Nous proposons donc de mettre fin à la contre-indication permanente au don du sang qui vise certains groupes de personnes en raison de leur orientation sexuelle, et de réserver cette dernière aux comportements à risques.

Mme Véronique Massonneau. Il s’agit d’instaurer un principe de non-discrimination pour le don du sang en raison de son origine, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre ou de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je retire mon amendement et vous propose d’en faire de même au bénéfice des explications données par la ministre précédemment.

M. Arnaud Richard. J’accepte de retirer l’amendement. J’ai confiance dans le comité d’éthique dont Mme la ministre a annoncé la saisine. Je ne doute pas que le Gouvernement tirera les conséquences de l’avis qui sera rendu.

Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement.

Les amendements sont retirés.

Article 8 (art. L. 3121-4 et L. 3121-6 [nouveau] du code de la santé publique) : Réduction des risques en direction des usagers de drogues

La Commission est saisie de l’amendement AS439 de M. Jean-Pierre Door.

M. Arnaud Robinet. Cet amendement vise à supprimer l’article 8 qui lève le tabou de l’interdiction d’injection de drogue par intraveineuse et infléchit le périmètre de la mission de santé publique en réécrivant l’article L. 3121-4 du code de la santé publique relatif à la politique de réduction des risques. Cet article rompt avec les politiques de santé publique et de lutte contre la drogue menées en France depuis vingt ans par tous les gouvernements. Il marque un véritable retour en arrière en abandonnant les usagers à leurs addictions au lieu de tout mettre en œuvre pour les en extraire, et en effaçant du code de la santé publique la lutte contre la mortalité par surdose par injection de drogue, pour, au contraire, l’encourager par les salles de shoot dans l’article 9.

La France est le seul pays en Europe à avoir inscrit dans la loi le principe de réduction des risques en 2004. D’autres pays ont choisi de privilégier la consommation à moindre risque avec de piètres résultats.

Les six pays qui ont mis en place les salles de shoot – lesquelles sont pourtant déconseillées par les Nations unies – font état de résultats peu probants. La prévalence de consommation d’héroïne est quatre fois plus élevée en Suisse qu’en France, deux fois plus en Espagne. L’Allemagne a vu croître en 2011 de 15 % le nombre de consommateurs. Les pays ayant installé ces salles de shoot y renoncent peu à peu. En Australie, il a été calculé que le risque d’overdose était trente-six fois plus important dans la salle qu’alentour. Les Suisses ont décidé de restreindre l’accès aux salles. Quant au Canada, il vient de renoncer à poursuivre l’expérimentation.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le réseau de réduction des risques appréciera votre utilisation des chiffres…

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous aurons l’occasion de discuter de ce sujet avec l’article 9. Il faut être attentif aux mots qui sont employés : nous ne parlons pas de salle de shoot – qui renvoie à l’interdit, au vice et à la violence –, mais de salle de consommation à moindre risque – qui renvoie à l’accompagnement et à la prise en compte du fait qu’il n’existe pas de société sans drogue. Les politiques publiques qui ont été mises en place, avec retard par rapport à nos voisins, ont permis de sauver des vies. Ce n’est qu’en 1987 que l’échange des seringues a été autorisé – 14 millions de seringues ont été échangées à ce jour – ; je ne pense pas qu’on puisse remettre en question cette politique. En 1993, la prescription de méthadone a été autorisée avant la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché. En 2004, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogue (CAARUD) ont été créés, en catimini.

L’article 8 sécurise les interventions des personnes accompagnant la réduction des risques chez les usagers de drogue. Les textes sont aujourd’hui trop fragiles au regard des missions qu’elles exercent. Il est important de les adapter aux évolutions des pratiques, aux dangers nouveaux ainsi qu’aux innovations dans la prise en charge.

Avec cet article, nous arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt. Nous reconnaissons la réduction des risques comme une politique de santé publique à part entière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1711 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement peut susciter un débat. À la demande de plusieurs acteurs de la lutte contre la toxicomanie, il propose de retenir la dénomination : « réduction des risques et des dommages ». La notion actuelle de « réduction des risques » présente l’inconvénient de faire du danger ou du dommage une éventualité. Or, en cas de consommation de drogue, le dommage n’est pas éventuel.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS169 de M. Jean-Louis Roumegas et AS1225 de Mme Dominique Orliac.

Mme Véronique Massonneau. Cette modification vise à donner une base légale au testing des produits afin de disposer d’informations sur la qualité et la composition des produits. L’objectif est de pouvoir informer les consommateurs sur les risques pour la santé et d’éviter les surdosages. L’évaluation des produits permettrait également de prendre en compte les nouveaux produits de synthèse dans la politique de réduction des risques.

Mme Dominique Orliac. Même argumentation.

M. Bernard Accoyer. Je suis surpris que cet amendement ait franchi le cap de l’article 40 alors que les évaluations envisagées ont un coût.

En outre, alors que nous venons d’adopter des mesures pour lutter contre la consommation de tabac, vous proposez une mesure qui sécurise, voire favorise la consommation de drogue dont nous savons les ravages qu’elle cause. Je suis donc fermement opposé à cet amendement.

Mme Valérie Boyer. Je m’étonne de l’incohérence de nos travaux. Les messages que vous défendez sur le tabac ne vaudraient pas pour la drogue ? D’un côté, vous prônez l’interdiction du tabac et même celle de la cigarette électronique ; de l’autre, vous faites la promotion des salles de shoot et du testing des drogues. Je ne comprends pas la logique de cette loi. Les bras m’en tombent.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il existe deux niveaux de prévention : la prévention primaire qui consiste à déconseiller ou à interdire l’usage de certains produits à la nocivité avérée ou illicites ; la prévention secondaire qui s’adresse à ceux qui souffrent déjà d’une addiction. Nous ne favorisons pas l’utilisation de substances illicites. Nous sommes guidés par un principe de réalité qu’a bien compris M. Juppé, maire de Bordeaux, qui est volontaire pour ouvrir une salle de consommation à moindre risque.

Mme Martine Pinville. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de la prévention. Mais j’abonde dans le sens de la présidente sur la prévention secondaire à laquelle s’ajoute la nécessaire protection des personnes. Ces politiques ont tout à fait leur place dans une loi de santé.

M. Bernard Accoyer. Tirant les conséquences de votre démonstration, madame la présidente, je propose un sous-amendement prescrivant une radio des poumons annuelle à tous les fumeurs.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. Il importe de faire la part des choses entre la prévention et l’information d’une part, et le test de produits, d’autre part. Par ailleurs, ces amendements soulèvent un problème de rédaction. Il paraît inapproprié de faire référence à la qualité du produit pour une substance psychoactive.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1728 et AS1328 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS1226 de Mme Dominique Orliac, AS104 du rapporteur et AS634 de M. Élie Aboud.

Mme Dominique Orliac. Aujourd’hui, les acteurs de la réduction des risques vont au-delà de l’orientation des usagers de drogue pour les accompagner dans leur parcours de santé. Cet amendement vise à prendre en compte cette dimension de leur mission.

Il s’agit en outre de renforcer le lien avec le titre II de la loi en promouvant une approche globale qui s’intéresse également à la situation sociale des personnes prises en charge.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement souligne que les interventions des CAARUD dépassent la visée curative pour s’intéresser à l’état de santé physique et psychique ainsi qu’à l’insertion sociale de l’usager de drogue. Sa rédaction paraît plus complète que celle de l’amendement précédent.

M. Élie Aboud. L’amendement est défendu.

La Commission rejette l’amendement AS1226.

Elle adopte l’amendement AS104.

En conséquence, l’amendement AS634 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement AS1227 de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. La référence aux produits de santé, introduite par l’amendement, permet d’inclure, dans la mise en œuvre de la réduction des risques, la promotion et la distribution de produits de substitution ou des produits comme la Naloxone qui réduit les risques d’overdose. L’ensemble de la palette d’outils peut ainsi être utilisé aux fins de réduction des risques.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement qui lève une ambiguïté. La Naxolone a démontré son efficacité dans la réduction des cas d’overdose. C’est un sujet très important. Je sais que le ministère travaille à améliorer sa disponibilité pour les usagers et leurs proches.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1228 de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement précise les visées éducative et thérapeutique de la réduction des risques.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS345 de Mme Chantal Guittet et AS1533 de Mme Dominique Orliac.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement propose de préférer l’expression « faire prendre conscience » à celle de « mettre en garde », plus culpabilisante.

Mme Dominique Orliac. L’amendement AS1533 est défendu.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’expression « mettre en garde » comporte une dimension objective, alors que la référence à une prise de conscience semble imposer une obligation de résultat qui risque de fragiliser le dispositif. Avis défavorable.

L’amendement AS345 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS1533.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS915 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS1310 de M. Serge Letchimy.

Mme Monique Orphé. L’article 8 ne mentionne pas les actions de veille et d’information sur la nature et la composition des substances utilisées par les consommateurs, alors qu’il s’agit pourtant d’une des missions des CAARUD.

Cette mission de veille et d’information apparaît d’autant plus déterminante que les risques associés à la consommation de substances psychoactives varient en fonction de la composition des produits et de leurs modalités de transformation et d’utilisation. À titre d’illustration, le crack, deuxième drogue la plus consommée dans les départements et régions d’outre-mer, est le résultat de la purification par salification de cocaïne dans de l’ammoniaque, du bicarbonate de soude ou de l’éther éthylique, chacun des modes de transformation présentant un degré de dangerosité différent. Il apparaît pertinent de contribuer à l’information, à l’analyse et à la veille afin de donner aux consommateurs la possibilité d’être eux-mêmes les acteurs de la réduction des risques.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cette mission est primordiale au regard de l’évolution de plus en plus rapide des usages de substances psychoactives. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1712 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les modalités de l’immunité pénale couvrant les actions des professionnels de soins dans le cadre de l’accompagnement d’usagers de drogue. Ce sujet complexe mérite d’être débattu en séance afin de répondre à l’inquiétude exprimée par les professionnels de terrain tout en évitant d’adopter un dispositif susceptible de créer de l’insécurité juridique. Je suis prêt à le retirer.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il est important de sécuriser le travail des personnels afin d’éviter qu’ils ne soient accusés d’inciter à la consommation alors qu’ils ont pour mission d’accompagner la réduction des risques et de faire en sorte que la personne rejoigne le droit commun de la prévention.

Mme la ministre. Le Gouvernement partage cet objectif : il convient de protéger tous ceux qui s’engageront dans la mission de réduction des risques. Les travaux se poursuivent avec la Chancellerie pour aboutir à un dispositif sûr.

Un dispositif trop spécifique risque de fragiliser certaines catégories de personnels, de ne pas couvrir l’ensemble des situations ou d’en oublier certaines, au risque de voir cet oubli mal interprété.

Je demande donc le retrait de cet amendement afin de nous permettre d’approfondir le cadre juridique qui pourrait être proposé.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS1464 de Mme Françoise Dumas.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cet amendement propose d’étendre la politique de réduction des risques à tous les lieux privatifs de liberté, afin d’inclure notamment les centres de rétention et les différents dispositifs d’enfermement, qui ne correspondent pas nécessairement au milieu carcéral.

M. Fernand Siré. Je suis opposé à tout système qui permettrait l’introduction en prison de drogues et en favoriserait le trafic. Il me paraît bien plus intelligent d’accompagner les personnes concernées dans un centre de désintoxication que de leur distribuer des seringues au moyen desquelles elles s’injecteraient des drogues qu’elles se seraient procurées en douce au parloir. Nous priverions ainsi les trafiquants de drogue de financement. Il convient de traiter les gens qui se trouvent dans les établissements pénitentiaires, car, quand ils sont en manque, ils sont dangereux. Il faut donc leur fournir les produits nécessaires, les prendre en charge et les désintoxiquer.

M. Olivier Véran, rapporteur. La notion de « lieux privatifs de liberté » recouvre des réalités très différentes : zones d’attente dans les ports, dans les aéroports, dans les gares, mais aussi les centres de rétention administrative, les secteurs psychiatriques délivrant des soins sous contrainte, les dépôts de tribunaux, les locaux de garde à vue… Les modalités de la politique de réduction des risques ne pouvant donc être les mêmes pour toutes ces structures, j’émets un avis défavorable, même si le principe reste louable.

L’amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements identiques AS171 de M. Jean-Louis Roumegas et AS1229 de Mme Dominique Orliac.

M. Jean-Louis Roumegas. Je réaffirme notre soutien à la rédaction proposée pour le III de l’article L. 3121-4 du code de la santé publique. Il est en effet important que la politique de réduction des risques s’applique aux populations carcérales – on sait la gravité de la toxicomanie dans ce milieu. Nous proposons néanmoins une simplification : la suppression, à la fin de l’alinéa 9, des mots : « selon des modalités adaptées au milieu carcéral », qui pourraient donner l’impression qu’on appliquera cette politique de façon moins volontaire ici. Il s’agit donc de lever toute ambiguïté et de supprimer ce qui va de soi.

Mme Dominique Orliac. Il s’agit en effet de supprimer la dernière partie de l’alinéa 9 qui pourrait motiver une application beaucoup plus restrictive de la loi en milieu carcéral. L’application du dispositif prévu en détention n’en devra pas moins faire l’objet de débats plus larges au Parlement pour marquer une véritable volonté politique, afin de renforcer l’impulsion pour une mise en œuvre concrète, innovante et ambitieuse. Il pourrait ainsi être ajouté une disposition sur les expérimentations et innovations en détention. En tout état de cause, les modalités d’application de la réduction des risques en détention feront l’objet de décrets dans lesquels ces orientations mériteraient d’être intégrées.

M. Olivier Véran, rapporteur. À contraintes spécifiques, modalités spécifiques de mise en œuvre. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS1230 de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement consiste à remplacer les mots : « milieu carcéral », par les mots : « lieux privatifs de liberté », de manière à être plus « incluant », si j’ose dire, qu’il s’agisse des centres de rétention et des différents dispositifs d’enfermement qui ne correspondent pas nécessairement au milieu carcéral.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS172 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Dans l’esprit de l’article 9, nous proposons de sécuriser aussi bien les acteurs que les usagers de la politique de réduction des risques. Cela paraît aller de soi, mais, dans les faits, on a constaté que les acteurs ont parfois rencontré des problèmes juridiques. Je pense à des pharmaciens qui ont eu à en subir de graves conséquences.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable : tout ce que vous ne précisez pas dans les dispositions que vous proposez peut donner lieu à interprétation.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1729 du rapporteur et de Mme Catherine Lemorton visant à retenir la dénomination « réduction des risques et des dommages ».

Puis elle en vient à l’amendement AS1231 de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Le présent amendement prévoit une sécurisation pénale des acteurs et usagers, et, à cette fin, vise, en cohérence avec l’esprit de l’article 8, à permettre un accès effectif, renforcé et facilité aux politiques et dispositifs de réduction des risques dans une optique de santé individuelle pour les personnes, mais, plus largement, dans un objectif de santé publique.

Ces dispositions sont cohérentes avec celles proposées par l’article 9 sur les salles de consommation de drogue à moindre risque.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1713 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire la politique de réduction des risques et des dommages dans le cadre de la lutte contre le VIH. Il s’agit de transférer les dispositions concernées du livre I au livre IV de la troisième partie du code de la santé publique.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La commission examine l’amendement AS170 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à dépénaliser l’usage thérapeutique du cannabis. La production, la détention, le transport, l’acquisition ou l’emploi de cannabis ne pourraient faire l’objet de poursuites pénales dès lors que l’infraction serait commise par une personne obéissant à une prescription médicale. Un amendement ultérieur précisera l’étendue des prescriptions médicales possibles du cannabis thérapeutique.

Il ne s’agit pas du tout, par conséquent, de donner un prétexte, de créer un alibi à la consommation de cannabis qui n’aurait pas de visée thérapeutique, mais bien plutôt de faire en sorte que la France rejoigne les pays les plus avancés en la matière. Surtout, cet amendement très sérieux offrirait aux patients atteints de certaines pathologies un moyen, reconnu pour son efficacité, de lutter contre la douleur.

Ceux qui verraient là la violation d’un tabou ne doivent pas oublier que les dérivés morphiniques sont déjà largement utilisés, ce qui ne revient en rien à encourager l’usage de la morphine à des fins récréatives. Ne mélangeons donc pas tout : il n’est ici question, j’y insiste, que de cannabis thérapeutique.

M. Bernard Accoyer. Nous sommes opposés à cet amendement. Nous avons bien noté la volonté d’un certain nombre de collègues d’aller vers la dépénalisation du cannabis récréatif – pour reprendre le mot employé à l’instant par M. Roumegas. Tous les moyens sont bons pour approcher ce but, y compris celui consistant à prétendre que les cannabinoïdes auraient les mêmes effets antalgiques que d’autres produits disponibles dans la pharmacopée et qui ne pourraient satisfaire à ce besoin thérapeutique. Il y a là, évidemment, une grossière manipulation de l’opinion publique. Nous nous opposons par conséquent à cette banalisation et soulignons à nouveau les risques qu’elle fait courir pour la santé publique en matière de désinsertion sociale, mais aussi les risques cancéreux et psychiatriques.

Mme Michèle Delaunay. Il n’y a aucun risque cancéreux !

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Si l’on vous arrête dans la rue en possession de cannabis et que vous faites valoir qu’il est destiné à un usage thérapeutique propre…

M. Jean-Louis Roumegas. C’est précisé !

M. Olivier Véran, rapporteur. Non, ce n’est pas précisé.

M. Jean-Louis Roumegas. Il suffit de montrer une prescription médicale.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les conditions qui vous permettent de démontrer qu’il s’agit bien d’une prescription médicale ne sont précisées ni par le texte ni par votre amendement.

Quant au fond, le débat sur le cannabis thérapeutique ne peut être traité rapidement et doit faire l’objet d’une expertise de la part des autorités compétentes. On sait que la libéralisation de la consommation de cannabis – quand bien même ce serait pour des raisons thérapeutiques – aura un impact populationnel et des conséquences sanitaires.

Mme la ministre. Si le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement, il ne donnera pas dans les caricatures qu’on vient d’entendre.

Le cannabis peut avoir des vertus thérapeutiques.

Mme Michèle Delaunay. Bien sûr !

Mme la ministre. C’est pourquoi, il y a deux ans, j’ai autorisé la mise sur le marché de médicaments fabriqués à base de cannabis – cela a été le cas, d’ailleurs, dans d’autres pays européens. Toutefois, je réaffirme que, d’une manière générale, le Gouvernement n’est favorable ni à la légalisation ni à la dépénalisation de l’usage du cannabis.

Pour ce qui est de l’usage thérapeutique, je suis favorable à la mise sur le marché éventuelle de médicaments identifiés comme pouvant avoir un effet dans certains traitements – comme on l’a fait dans le cadre de traitements contre la douleur. Cependant, je vois mal comment on va faire la différence entre l’usage thérapeutique du cannabis et son usage à d’autres fins. Aussi, pour éviter toute ambiguïté, est-il préférable de s’en tenir aux deux catégories existantes. Au reste, des médicaments à base de cannabis ont déjà été mis sur le marché et ne sont contestés par personne.

M. Gérard Bapt. En effet, ils sont efficaces !

Mme la ministre. En somme, l’usage du cannabis n’a pas à être dépénalisé.

M. Arnaud Robinet. Attention aux termes employés : le cannabis n’a pas de visée thérapeutique, mais antalgique. Quand on veut mettre un médicament sur le marché, on compare la nouvelle molécule à d’autres, et elle doit répondre à plusieurs critères : service médical rendu, risques secondaires éventuels et bénéfices. Dès lors, je ne vois pas pourquoi, par le biais d’un amendement, on légaliserait l’usage du cannabis à visée antalgique sans passer par les exigences prévues pour les autres molécules avant leur mise sur le marché.

Dans ce contexte, le groupe UMP est fortement opposé à cet amendement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’un des produits contenant du Subutex, utilisé notamment en cas de spasticité, bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché européenne. La France n’est donc pas laxiste, monsieur Robinet.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 : Expérimentation de salles de consommation à moindre risque (SCMR)

La commission examine les amendements identiques AS440 de M. Jean-Pierre Door, AS628 de M. Élie Aboud, AS665 de M. Dino Cinieri, AS731 de M. Fernand Siré, AS822 de M. Bernard Accoyer et AS1429 de M. Yannick Moreau.

M. Jean-Pierre Door. Nous demandons la suppression de l’article 9. La France a été le premier pays d’Europe à mener une politique de réduction des risques, mais les addictions aux substances psychoactives créent plutôt un état de maladie qu’il convient de traiter et non d’entretenir.

C’est pourquoi nous sommes opposés à l’ouverture, même expérimentale, des salles de shoot. Il existe en effet déjà des structures de prévention, d’accompagnement et de soins aux toxicomanes, qu’il s’agisse des CAARUD ou des centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), structures très performantes – je puis le confirmer, puisque j’en ai dans ma circonscription.

Seuls six pays au monde ont tenté l’expérience que vous proposez, et certains – l’Australie, la Suisse ou le Canada – commencent à en revenir, voire à y renoncer. Plusieurs études ont même montré une aggravation des effets délétères : l’Allemagne a confirmé une augmentation de plus de 15 % du nombre de toxicomanes.

Enfin, la création de ces centres impliquerait des dépenses immobilières et d’équipement, ainsi que des dépenses pour rémunérer les équipes – plus de 1 million d’euros par an.

Vous avez voulu passer outre la décision du Conseil d’État d’octobre 2013, qui avait empêché l’ouverture de ces centres. Vous n’écoutez pas non plus les propositions de l’Académie nationale de médecine, qui s’oppose à ce genre d’expériences et préfère également le traitement.

Nous proposons de favoriser le développement des CAARUD et des CSAPA en leur octroyant des financements supplémentaires, mais également de créer des appartements thérapeutiques – le renoncement à créer une seule salle de shoot permettrait le financement de quinze de ces appartements.

Au total, votre parti pris idéologique ne nous satisfait pas.

M. Élie Aboud. Je relève chez nos collègues une certaine schizophrénie : ils étaient tout à l’heure très sévères à propos du tabac, et c’est tout juste si, maintenant, ils ne nous présentent pas la légalisation de l’usage du cannabis comme une vertu.

Les résultats des études, monsieur le rapporteur, sont toujours discutés. La seule certitude, c’est que l’expérimentation proposée est très coûteuse.

M. Yannick Moreau. L’amendement AS665 vise à supprimer l’article 9, car les salles de shoot – le mot déplaît au Gouvernement, mais il décrit une réalité – sont contraires à l’esprit de notre ordre juridique, au code de la santé publique et aux traités internationaux. En confondant la réduction des risques avec la banalisation de l’addiction aux drogues, le Gouvernement détourne le projet de loi de son objectif, qui est d’aider les personnes à se soigner et à se guérir. La politique de santé publique doit demeurer axée sur les soins, le sevrage ou la prévention précoce – et sans démagogie – des jeunes vis-à-vis du fléau de la drogue. Parallèlement, le Gouvernement doit mener une politique pénale ferme et répressive à l’encontre des trafiquants. Le Conseil d’État avait évidemment rejeté le projet expérimental à Paris. Une expérimentation qui durerait six ans serait une légalisation pure et simple.

M. Fernand Siré. En 2013, en effet, le Conseil d’État a considéré comme illégale l’ouverture de salles de shoot. On ne peut donc accepter un article proposant une telle expérimentation avec des produits dont on ne connaît pas l’origine et qui sont fournis par des dealers. Ces salles seraient des zones de non-droit, le dispositif encouragerait fortement l’exclusion et l’État se rendrait complice d’une société malade.

Un amendement pourrait plutôt prévoir la création d’un centre strictement encadré par des équipes médico-sociales et destiné à accueillir les usagers majeurs de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants. Ces personnes bénéficieraient d’une prise en charge médicalisée avec prescription de produits dont l’utilisation serait graduée dans le dessein d’effectuer une désintoxication. En cas d’impossibilité, on leur fournirait la dose minimale. Ces traitements seraient prescrits par une ordonnance sécurisée et, comme pour la morphine, seraient fournis gratuitement pour ôter leur puissance aux dealers et pour éviter à certains d’en être parfois réduits à voler ou à se prostituer pour pouvoir acheter ces produits.

Cette solution honorerait la France : nous aiderions ces gens sans favoriser les dealers et la délinquance liée à la fourniture de produits stupéfiants.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je précise, monsieur Siré, que, dans son avis d’octobre 2013, le Conseil d’État ne considérait pas la création de centres d’accueil et d’accompagnement comme illégale, mais mettait en évidence une insécurité juridique.

M. Bernard Accoyer. Cette initiative nous paraît particulièrement dangereuse : elle revient radicalement sur la politique de lutte contre la toxicomanie, conduite depuis des décennies et qui a donné des résultats. Seuls quelques pays ont créé de telles salles de shoot et, dans de nombreux cas, les retours d’expérience sont particulièrement négatifs. Ce projet est contraire à la législation en vigueur et pose de nombreux problèmes.

Qui, par exemple, va s’occuper de la sécurité à l’intérieur de ces salles de shoot ? Qui va contrôler les doses que vont s’injecter les toxicomanes, le degré de toxicité des substances qu’ils vont consommer dans des lieux publics financés par de l’argent public ? À cela s’ajouteront des problèmes de sécurité à l’extérieur des salles, avec la présence de dealers, des risques de violence et, donc, le trouble causé au voisinage, qui est une constante partout où ces expériences hasardeuses ont été conduites.

Enfin, son coût atteindrait 10 millions d’euros par an. Cet argent pourrait être utilisé pour améliorer l’accès à des médicaments innovants pour des patients qui n’ont aucune raison d’être victime de telle ou telle maladie, ce qui n’est pas le cas de tous les toxicomanes, ou bien utilisé pour la prise en charge des jeunes handicapés pour laquelle on connaît l’insuffisance des budgets – je pense en particulier aux établissements spécialisés pour la prise en charge de l’autisme, les familles concernées se trouvant souvent dans la détresse.

M. Arnaud Robinet. L’amendement AS1429 est défendu.

M. Jean-Louis Roumegas. Je souhaite exprimer ma très forte opposition aux amendements de suppression qui viennent d’être présentés. Tout le monde ici souhaite combattre le fléau de la toxicomanie, mais on peut se demander si chacun veut agir de façon efficace. Certains, moralisateurs, considèrent encore les toxicomanes comme des délinquants, des pestiférés, alors qu’il faudrait les traiter comme des patients atteints de graves pathologies – auquel cas on ne saurait refuser que des structures les prennent en charge. En effet, que veut-on ? Que les seringues soient utilisées dans la rue, dans les parkings ? Mais les gens susceptibles de se rendre dans ces salles sont sans domicile fixe, complètement exclus, ils n’ont pas la possibilité de se droguer en toute sécurité, bien au chaud, dans de beaux appartements parisiens ! Or vous les condamnez à se droguer dans des conditions sanitaires déplorables, sans aucune prise en charge possible. Le dispositif proposé s’inspire de l’expérience d’acteurs de terrain : ils ne font pas de morale, luttent de façon pragmatique contre ce fléau et ont besoin de structures pour accueillir ces gens et les prendre en charge. Ces discours moralisateurs sont lassants. On a de la morale, mais pas de bras pour agir. Nous, nous voulons être efficaces, et nous soutenons donc l’article 9.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Comme M. Roumegas, je suis fortement opposée aux amendements de suppression. Les députés du groupe SRC et, plus largement, de la majorité soutiennent fermement la création des salles de consommation de drogue à moindre risque – et non « salles de shoot », car il s’agit de respecter la dignité des personnes dont nous parlons.

Deux visions s’affrontent. Celle de la droite, marquée par la répression et la stigmatisation, est inefficace. Nous proposons à l’inverse la prévention, l’accompagnement et l’efficacité dans la lutte contre la consommation des drogues.

On compte quatre-vingt-dix salles de consommation dans neuf pays, dont vingt-cinq en Allemagne. De nombreuses études ont démontré leur efficacité en matière de réduction des risques, grâce à l’accompagnement social qui est leur caractéristique, mais aussi en matière de diminution des coûts financiers liés aux conséquences sanitaires de l’utilisation des drogues, et enfin en matière de diminution des nuisances dans l’espace public – il s’agit d’éviter les contaminations accidentelles par utilisation d’un matériel usagé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ai participé pendant quinze ans à un réseau de réduction des risques à Toulouse. Les salles de consommation prévues à l’article 9 s’adressent aux populations qui échappent aux radars des dispositifs en vigueur. Est-il raisonnable de laisser quelqu’un se piquer dans la rue, au vu et au su de tous, à l’entrée d’un parking souterrain, sur la place publique, à quelques centaines de mètres d’une école ? Quelqu’un, ici, peut-il soutenir que c’est acceptable ? Ces salles de consommation s’adressent à des gens qui ne bénéficient d’aucune prise en charge, qui sont sans domicile fixe, vivent souvent dans des squats et se rendent – dans le meilleur des cas – à la pharmacie pour chercher un Stéribox.

Les salles de consommation ne vont absolument pas favoriser l’usage des substances illicites – autrement dit des drogues dures, même si la distinction entre drogue « dure » et drogue « douce » n’a guère de sens. Soutenir que la présence de ces salles, à l’étranger, a provoqué une augmentation du nombre d’usagers de drogue, c’est oublier que ceux-ci sont simplement sortis du bois ! S’il n’est pas toxicomane, injecteur compulsif, un jeune de dix-huit ou vingt ans, un samedi après-midi, pendant les soldes du mois de janvier, ira plutôt acheter un jean que dans une salle de shoot pour voir si ce n’est pas bien de se piquer avec de l’héroïne !

Ces salles s’adressent à des gens qui sont déjà dans la précarité sanitaire, sociale, et qui, si l’on ne fait rien pour eux, ont une espérance de vie de quarante ou quarante-cinq ans. La France peut faire mieux !

Mme la ministre. Les députés de l’opposition ont déclaré que l’article 9 était important et qu’il fallait donc le supprimer. J’ai entendu que le dispositif proposé était illégal, que le Conseil d’État l’estimait infondé : or celui-ci a simplement considéré qu’un décret ne suffirait pas et qu’il faudrait passer par la loi. C’est bien pourquoi nous vous soumettons aujourd’hui ce projet, car, s’il n’y avait pas eu besoin de la loi, ces salles de consommation de drogue à moindre risque auraient déjà été mises en place par décret.

L’objectif du Gouvernement n’est pas de banaliser, de faciliter la consommation de drogue, mais de prendre en compte des situations qui existent, qu’on les supporte ou pas, qu’on les voie ou pas, et dans lesquelles se retrouve un nombre non négligeable de personnes. Même si tous ne sont pas concernés par les expérimentations que nous proposons, on compte en France plus de 80 000 usagers de drogue par voie intraveineuse et cent morts par overdose chaque année. Parmi ces personnes, des femmes et des hommes restent exclus de tout ; c’est à eux que s’adresse le dispositif.

Certes, des centres existent déjà, comme les CAARUD, mais certains individus restent réfractaires à tous ces dispositifs, et c’est pourquoi nous proposons des solutions qui ne marcheront sans doute pas dans tous les cas – si nous avions la certitude de pouvoir sortir de l’engrenage de la drogue la totalité des personnes accueillies, nous serions très heureux et nous n’hésiterions pas –, mais nous ne pouvons nous résigner à ce que des femmes et des hommes ne trouvent pas de solutions, d’accompagnement, de soutien, et continuent de se droguer, non seulement dans des entrées de parking, mais aussi dans des jardins publics – dans les bacs à sable desquels on a retrouvé des seringues. Est-ce là l’avenir que nous voulons proposer ?

Notre démarche est donc à la fois volontariste, réaliste et pragmatique. Et, puisque nous n’avons pas de certitudes, comme nous ne nous soumettons à aucune idéologie – le mot a été employé –, les dispositifs que nous proposons sont évolutifs. Nous voulons répondre à la réalité des situations et non pas brandir l’étendard du bien contre celui du mal. L’expérimentation sera de six ans au maximum, et seules les villes, les structures candidates mèneront ces expérimentations, toutes soumises à un cahier des charges. Nous sommes donc loin d’une France qui se couvrirait de salles de consommation de drogue à moindre risque : il faut savoir raison garder.

M. Jean-Pierre Door. Qui assurera le financement de ces salles : les villes, les collectivités territoriales, l’assurance maladie ou l’État ?

M. Bernard Accoyer. Ou l’emprunt ?

Mme la ministre. Ce seront des financements d’État.

M. Bernard Accoyer. Ce sera donc l’emprunt !

M. Olivier Véran, rapporteur. Je reviendrai sur quelques contre-vérités énoncées par les députés de l’opposition. Il se trouve que les chiffres sont têtus et que nous disposons désormais de données internationales fiables.

On compte quarante salles aux Pays-Bas, trente en Allemagne, treize en Suisse, sans oublier le Canada ou l’Australie. La première salle, en Suisse, a été ouverte il y a trente ans et, il y a quelques années, 70 % des riverains interrogés ont exprimé le vœu qu’elle reste ouverte.

En trente ans, il n’y a eu aucun décès des suites d’une overdose dans aucune salle de consommation de drogue à moindre risque dans le monde. De façon générale, on note une réduction notable des décès par overdose dans les pays et, surtout, dans les villes où des salles ont été ouvertes.

Le partage de seringues a considérablement chuté. Or on sait que les premières victimes du partage de seringues sont souvent les conjointes des usagers de drogue par voie intraveineuse.

On a constaté, grâce à ces salles, une amélioration sensible de l’acceptabilité des traitements de substitution, et donc de l’entrée dans la voie du sevrage.

Ces salles présentent donc un intérêt thérapeutique pour les personnes très marginalisées et éloignées des dispositifs existants.

On a également noté une diminution des autres pratiques à risque. Ainsi, le recours au préservatif par les usagers des salles lors de rapports sexuels tend à augmenter. On peut donc parler d’intégration dans un parcours de prévention globale au regard des risques viraux.

En ce qui concerne la sécurité, on constate une réduction drastique du nombre de seringues usagées, une raréfaction très nette, partout, des injecteurs sur la voie publique. Aucune hausse de la délinquance n’a été observée à proximité des salles – on a même noté une réduction des nuisances publiques.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Olivier Véran, rapporteur. Il est très important de mener une forte concertation auprès des riverains avant l’ouverture d’une salle, pendant l’expérimentation et ensuite, afin de procéder à des évaluations régulières. C’est ainsi que les idées reçues tomberont. Je prendrai l’exemple de Vancouver : une enquête montre que, chaque année, l’existence de la salle évite trente-cinq cas d’infection au VIH ainsi que trois overdoses mortelles. Enfin, vous serez sans doute surpris d’apprendre que, pour 1 euro investi dans une salle d’injection, vous économisez 5 euros en matière de dépenses de santé.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS1530 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Je reviendrai à mon tour sur quelques contre-vérités qui viennent d’être prononcées par le rapporteur et d’autres collègues. Vous défendez une expérimentation sur six ans, une durée qui vaut légalisation. Mme la ministre évoque six ans au maximum, un « maximum » que ne prévoit pas le texte – il s’agit donc bien de six ans au minimum.

Vous citez des exemples merveilleux à l’étranger en nous faisant croire que la planète entière s’est convertie à l’utilité, en matière de santé publique, des salles de shoot. Or il n’y a que six pays dans le monde qui y ont eu recours. Partout, le projet de santé publique lié à ces salles est en recul, y compris à Vancouver.

Quant au supposé caractère répressif du discours de l’opposition, j’ai relevé que des élus de la majorité défendaient la légalisation du cannabis : vous souhaitez donc bien la banalisation de son usage.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans les salles de consommation supervisées, vous ne trouverez jamais un consommateur de cannabis, mais uniquement des injecteurs compulsifs hors du droit commun. Je vous lance un défi, monsieur Moreau : d’ici à l’examen du texte en séance publique, trouvez-nous une solution pour tous les injecteurs compulsifs qui vivent dans les squats et ont disparu de l’écran radar de notre société. Vous avez deux semaines pour réfléchir à la manière de les localiser, de les accompagner, de réduire les risques, de leur faire réintégrer le droit commun, de leur faire remplir un dossier de demande de couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Si vous avez une meilleure proposition que la nôtre, nous en discuterons. N’allez pas croire que c’est par provocation que je lance ce défi, mais la population concernée est tellement particulière ! C’est aussi pourquoi la solution du Gouvernement – et Mme la ministre a eu raison de le souligner – ne réussira pas à 100 %.

M. Yannick Moreau. Il y a une vraie différence d’approche entre nous. Ce n’est pas, de mon point de vue, en accompagnant les toxicomanes dans leur dépendance, fût-ce dans des endroits protégés, où l’on cache la misère pour qu’elle ne s’expose pas aux regards de nos concitoyens, qu’on va régler ce problème de santé publique. Il s’agit plutôt d’accompagner les toxicomanes, les malades, vers la guérison par le sevrage. Ce devrait être l’objectif principal de cette politique de santé et non l’ouverture des salles de shoot partout sur le territoire national, aux frais du contribuable, alors qu’il n’y a plus d’argent public.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette également l’amendement AS1430 de M. Yannick Moreau.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS1437 de M. Yannick Moreau et AS1236 de Mme Dominique Orliac.

M. Yannick Moreau. Au lieu de créer des salles de shoot aux frais des contribuables, il est du devoir humanitaire du législateur de mettre en œuvre un programme d’État conduisant à une politique de création de lits de désintoxication et de sevrage des usagers majeurs dépendant de substances psychoactives ou classées comme stupéfiantes, qui souhaitent bénéficier à titre gratuit de soins pour réduire puis cesser leur consommation.

Les établissements médico-sociaux mentionnés au livre III du code de l’action sociale et des familles, ainsi que les associations spécialisées dans la lutte contre la drogue, souvent courageuses et dépourvues de la moindre aide du ministère de la santé, seraient au contraire agréés pour remplir cette mission salvatrice de sevrage de la drogue. Il est en effet affligeant que, en 2015, la France soit à ce point à la traîne dans ce domaine et n’offre à ses toxicomanes que le choix entre « la rue ou la rue ».

Mme Dominique Orliac. Je propose pour ma part une nouvelle rédaction de l’article qui réduit de six à quatre années la durée de l’expérimentation. En effet, la durée de six ans pourrait représenter un frein à l’extension du dispositif à la population des usagers de drogues sur l’ensemble du territoire, alors que des études et les expérimentations chez nos voisins européens ont pleinement montré l’intérêt de la démarche proposée par l’article 9. Nous avons le devoir d’être efficaces, de mener une politique volontariste, de ne pas fermer les yeux sur la réalité du drame de la toxicomanie.

Cette rédaction inscrit dans le dispositif les missions de vigilance et de respect des bonnes pratiques par l’équipe pluridisciplinaire en lieu et place de celle de supervision, puisque la supervision est parfois perçue par les responsables d’établissement comme « proactive », si j’ose dire, et donc plus ambivalente en termes de limites d’intervention de l’équipe, alors qu’aucune participation active aux gestes de l’injection des drogues n’est envisageable.

En outre, cette nouvelle rédaction formule explicitement la nécessité d’une formation adaptée des professionnels de l’équipe pluridisciplinaire et des acteurs associatifs, pour assurer ces missions très spécifiques. Elle permet également de sensibiliser les usagers aux risques encourus plutôt que de les « mettre en garde », cette locution n’étant pas adaptée aux situations des personnes qui seraient accueillies dans ces salles.

Enfin, cet amendement fait référence à la notion de « substance psychoactive », plus adaptée que celle de « produit ».

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement AS1437.

Quant à l’amendement AS1236 de Mme Orliac, je note que la durée de six ans permettra d’ouvrir deux ou trois salles et au Parlement d’aller au-delà de l’expérimentation sur la base d’un rapport d’évaluation. Il s’agit bien d’un délai maximal. Quant au dernier paragraphe de votre amendement, il est redondant avec l’article 8. Je vous suggère de le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Dominique Orliac. Même s’il est redondant, je maintiens mon amendement.

Mme la ministre. Un amendement précisera que la durée de six ans est maximale. Je précise d’ores et déjà qu’il ne s’agit pas de la durée de chaque expérimentation, mais de la durée pendant laquelle, à partir du moment où la première salle est ouverte, pourront s’engager des expérimentations. Admettons qu’une salle s’ouvre le 1er janvier 2016 : à partir de cette date et jusqu’au 31 décembre 2021, des travaux d’expérimentation pourront être menés, mais pas nécessairement pendant six ans. Il faut laisser le temps à des villes qui souhaitent s’engager dans cette voie d’élaborer leur projet et au Parlement le temps d’évaluer les expérimentations qui auront été menées à bien afin de décider de la suite à donner. Ainsi, une commune qui a un projet pour trois ans le conduira pendant trois ans. Une commune qui ne s’engagerait que dans deux ou trois ans doit disposer du temps de développer son projet – c’est pourquoi le Gouvernement entend que la durée soit de six ans au maximum.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement AS1435 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. L’expérimentation des salles de shoot pour une durée maximale de six ans, si l’amendement du Gouvernement devait être adopté, contrevient directement à nos engagements internationaux.

J’ajoute que l’étude d’impact pas plus que l’exposé des motifs du présent texte n’a fait l’objet d’un examen préalable de conventionalité, c’est-à-dire de vérification du respect des traités internationaux que nous avons signés et qui nous engagent – ce qui constitue un vice de procédure au regard de l’article 39 de la Constitution, car nous nous apprêtons à voter un texte non expertisé juridiquement sous l’angle conventionnel. Or le Parlement ne peut ignorer l’article 55 de la Constitution.

Le présent amendement a donc tout au moins pour objet de rappeler la hiérarchie des normes de notre État de droit.

M. Richard Ferrand. L’exposé sommaire de cet amendement est une pétition de principe ! Notre collègue nous explique que la disposition visée serait contraire aux traités internationaux : quels traités et lesquelles de leurs dispositions ? On nous annonce la lecture en séance de la litanie desdits traités ; nous nous en réjouissons d’avance, mais autant viser précisément les articles ou les dispositions internationales concernés.

J’ajoute que cela me paraît un tantinet farfelu, car, que je sache, les pays qui ont ouvert ces salles sont, pour certains, liés par les mêmes traités que la France. Il ne me semble par conséquent pas très judicieux de fonder ainsi votre opposition à l’ouverture des salles de consommation. Enfin je m’étonne que vous, qui êtes si attachés à la souveraineté nationale, pensiez que nous devrions courber l’échine sous le poids de traités imaginaires et de dispositions qui ne le sont pas moins.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les engagements internationaux souscrits par la France s’appliquent en tout état de cause. Si la France y contrevenait, n’importe qui serait habilité à se tourner vers une juridiction pour faire cesser immédiatement l’expérimentation. En outre, vous insinuez que la France viole le droit international, mais vous citez la Suisse, le Canada, les Pays-Bas… Aussi, si nous violons le droit international, nous sommes plutôt en bonne compagnie.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1466 de Mme Seybah Dagoma.

Mme Seybah Dagoma. Préalablement à l’ouverture définitive de salles de consommation de drogue à moindre risque, tous les pays ont procédé à des expérimentations plus ou moins longues en fonction des spécificités locales. Cet amendement vise à introduire de la clarté et de la flexibilité dans la durée d’expérimentation, dans la limite de six ans à compter de l’ouverture de la première salle. L’introduction du mot « maximum » permettrait, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, de tenir compte des spécificités locales et de laisser aux villes le temps de préparer leur dispositif.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de conséquence AS1714 du rapporteur

Elle en vient à l’amendement AS1232 de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement vise à mettre en cohérence l’alinéa 1 avec l’alinéa 2 qui utilise la notion d’« espace ». Il s’agit bien de garantir un espace dédié, distinct de celui habituellement utilisé dans le cadre des autres missions, dans le respect de la confidentialité, de la sécurité des usagers et dans le souci de ne pas inciter à la consommation.

M. Olivier Véran, rapporteur. Si l’amendement était voté, l’espace dédié pourrait être une partie d’un CAARUD, alors qu’il est important d’avoir un espace bien identifié pour accueillir le public concerné. Je suggère le retrait. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement d’harmonisation AS1416 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS1433 de M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. L’expérimentation sur une longue durée, c’est-à-dire la légalisation des salles de shoot, serait non seulement une erreur en matière de santé publique, mais une faute à l’égard des forces de l’ordre qui, tous les jours, au péril de leur vie, luttent contre le trafic de drogues. Nous sommes en train d’instaurer, au cœur de la République, des endroits où l’on pourrait légalement consommer de la drogue, en contravention avec les principes élémentaires du droit pénal et avec les conventions internationales.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS1436 de M. Yannick Moreau.

Les amendements AS625 de M. Élie Aboud et AS1420 du rapporteur sont retirés.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1422 et AS1715 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques AS173 de M. Jean-Louis Roumegas et AS1233 de Mme Dominique Orliac.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à ajouter les acteurs de la promotion de santé aux professionnels du secteur médico-social.

Mme Dominique Orliac. Il s’agit de mieux associer les acteurs associatifs et de la promotion de la santé – qui ne seraient certes pas soignants ni travailleurs sociaux, mais malgré tout dûment formés – à la mise en œuvre de l’expérimentation d’un espace de consommation à moindre risque.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cette disposition se justifie à l’article 8, mais pas dans le cadre des salles de consommation. Si l’on élargit trop l’expérimentation, on pourrait la fragiliser. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS1572 de M. Yannick Moreau.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS1425 du rapporteur.

En conséquence, les amendements AS1234 de Mme Dominique Orliac, AS1311 de Mme Seybah Dagoma et AS348 de Mme Chantal Guittet tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1428 du rapporteur.

En conséquence, les amendements AS174 de M. Jean-Louis Roumegas et AS1235 de Mme Dominique Orliac tombent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette ensuite l’amendement AS1431 de M. Yannick Moreau.

Puis elle examine l’amendement AS1465 de Mme Seybah Dagoma.

Mme Seybah Dagoma. L’implantation de salles de consommation de drogue à moindre risque nécessite de nombreuses discussions entre riverains, associations, élus et professionnels. Or le maire est toujours en première ligne, à tous les stades, avant, pendant et après l’expérimentation. C’est pourquoi il semble indispensable que les CAARUD lui adressent chaque année un rapport sur le déroulement de l’expérimentation.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Pourquoi l’exposé sommaire mentionne-t-il les CAARUD puisque les salles de consommations ne sont pas des CAARUD ?

Mme Seybah Dagoma. Ils sont mentionnés par l’article 9 qui précise que « les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues mentionnés au I adressent chaque année un rapport sur le déroulement de l’expérimentation au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort duquel ils sont implantés, ainsi qu’au ministre chargé de la santé ». Je propose qu’on y ajoute le maire.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable. Une question néanmoins : ne faudrait-il pas ajouter le maire de l’arrondissement ?

Mme Seybah Dagoma. À titre personnel, s’agissant de Paris, je préfère que ce soit le maire de la commune.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements AS1432 et AS1438 de M. Yannick Moreau.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS678 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Merci de m’accueillir dans votre commission. Le présent amendement résulte du travail que j’ai pu mener dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Ce texte très fort, défendu par la ministre de la santé, devrait prévoir que, dans un délai de six mois après le début de l’expérimentation, le gestionnaire concerné adresse un premier bilan chiffré accompagné d’une première appréciation de l’impact sur les personnes et sur leur environnement, de manière à pouvoir sans tarder émettre des hypothèses, tirer des conclusions et procéder à d’éventuelles réévaluations.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le délai de six mois semble prématuré. Les expériences étrangères montrent qu’il faut du temps pour inscrire la salle dans son environnement et toucher le public visé – d’autant que celui-ci est a priori très éloigné des soins. Je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS1571 de M. Yannick Moreau.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1526 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement AS1569 de Mme Dominique Orliac.

Elle adopte enfin l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement AS1348 de M. Hervé Féron.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dans le cadre du programme national du dépistage du cancer du sein, le présent amendement vise à permettre à toute femme employée dans une administration publique de prendre rendez-vous pour un dépistage pendant son temps de travail, avec l’accord de son chef de service et sans retenue de salaire.

M. Olivier Véran, rapporteur. La disposition que vous préconisez est déjà satisfaite dans la pratique et ne concerne ici que les agents publics alors que, dans les faits, toutes les femmes salariées, dans le public comme dans le privé, bénéficient de ce droit. Je vous suggère de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 mars 2015 à 16 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, Mme Monique Iborra, Mme Chaynesse Khirouni, M. Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Michel Issindou, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Catherine Coutelle, Mme Seybah Dagoma, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Annick Le Loch, M. Yannick Moreau, Mme Catherine Quéré, M. Gabriel Serville