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Commission des affaires sociales

Mercredi 6 mai 2015

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 45

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Tables rondes des partenaires sociaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739) (M. Christophe Sirugue, rapporteur) :

• Organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC)

• Organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 6 mai 2015

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO, CFTC) sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté en conseil des ministres le 22 avril dernier, nous accueillons ce matin les partenaires sociaux représentants des salariés, qui seront suivis des représentants des organisations patronales. Cet après-midi, nous auditionnerons les deux ministres concernés par ce texte, François Rebsamen et Marisol Touraine.

Nous examinerons ce projet de loi en commission les 19 et 20 mai, et la discussion dans l’hémicycle se déroulera du mardi 26 au vendredi 29 mai.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Nous avions indiqué, lors des négociations sur la modernisation du dialogue social, que notre organisation était favorable à l’extension de la délégation unique du personnel (DUP) aux entreprises de deux cents à trois cents salariés. Cependant, compte tenu de ses spécificités et des compétences particulières qui sont les siennes, il ne nous semble pas que doive y être intégré le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cela ne nous semble, en effet, pas compatible – eu égard notamment aux questions de quorum – avec la réactivité dont doit faire preuve le CHSCT en cas d’accident du travail, de danger imminent ou d’événement grave lié à l’activité de l’établissement et ayant des incidences sur l’environnement ou la santé publique.

Dès lors qu’il y a fusion des moyens, substitution d’une consultation unique à la consultation distincte du comité d’entreprise (CE) et du CHSCT, et enfin expertise commune, ce que propose le projet de loi est moins un regroupement qu’une fusion, laquelle ne s’opère à droit constant ni pour le CHSCT, dont l’intégralité des moyens n’est pas maintenue, ni pour le CE, fragilisé, ni enfin pour la négociation collective dont précisément le caractère collectif se trouve altéré. Dans ces conditions, la mise en place d’une DUP n’est, à nos yeux, qu’un moyen de raboter les prérogatives du CHSCT et du CE.

Le projet de loi soumet, par ailleurs, la consultation du CHSTC aux conditions de délais applicables aux consultations du CE depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi, alors qu’il disposait jusqu’à présent du temps nécessaire pour rendre ses avis.

Il renvoie également à un décret en Conseil d’État les conditions dans lesquelles s’effectue l’expertise commune sur des sujets relevant des compétences du CE et du CHSCT : sachant qu’actuellement les expertises du CHSCT sont financées par l’employeur, qu’adviendra-t-il de cette particularité ? Le budget du comité d’entreprise ne doit en aucun cas servir à financer les questions liées à la santé, qui relèvent du seul employeur, lequel a l’obligation de garantir la santé et la sécurité de ses salariés.

Enfin, le cadre de désignation du CHSCT est également modifié. Dorénavant, il ne sera mis en place que dans les entreprises de cinquante salariés ou plus. Dès lors, comment sera assurée la mission de préservation de la santé et de la sécurité des salariés des autres établissements ?

Alors que la DUP voit ses attributions augmenter puisqu’elle intègre celles du CHSCT, le nombre annuel de réunions obligatoires est réduit de douze à six, et les délais de communication de l’ordre du jour sont abaissés de quinze à cinq jours : le nombre de sujets à traiter augmente, mais le temps pour s’en occuper diminue. Il en est de même des moyens. Le projet de loi renvoie à un décret la fixation du nombre de représentants et le volume d’heures de délégation, sans prévoir de minimum. C’est pourtant à la loi de déterminer les principes fondamentaux et de garantir le droit des salariés à participer à la détermination de leurs conditions de travail, et nous ne voudrions pas qu’en fixant un nombre dérisoire de représentants et d’heures de délégation, le décret vide la représentation du personnel de sa substance. Il est donc essentiel que la loi prévoit des garanties minimales.

En matière d’information et de consultation, nous estimons que ne consulter les comités d’établissement qu’une fois la décision prise au niveau du comité central d’entreprise est un élément de fragilisation des CE.

Enfin, nous considérons que le projet de loi, qui supprime le contrôle de la commission paritaire de branche sur les accords passés avec des représentants mandatés en l’absence de délégués syndicaux (DS), conduit au contournement des syndicats. Nous souhaitons donc le maintien des dispositions actuelles.

M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. La CFTC est globalement favorable au projet de loi, tout en étant consciente que si la modernisation du dialogue social est bonne pour notre économie, elle n’en constitue pas pour autant une révolution susceptible de créer tous les emplois dont nous avons besoin. Ne nous leurrons pas. Les négociations entre partenaires sociaux se sont soldées par un échec, lié sans doute au manque de temps. Un sujet d’une telle importance et d’une telle technicité demande un travail de fond et l’aide d’experts : démonstration a été faite que trois mois ne suffisaient pas pour cela.

On a beaucoup parlé, avant ces négociations, des questions de seuil, mais beaucoup moins après, preuve qu’il s’agissait essentiellement d’une stratégie de communication : les seuils, en effet, comptent pour quantité négligeable dans les problèmes que rencontrent nos entreprises. M. Alexandre Saubot, le représentant du patronat dans la négociation, dont je tiens à saluer ici les qualités de négociateur – c’est un homme avec qui il est possible de parler franchement et, si les négociations ont échoué, ce n’est certainement pas de sa faute –, a récemment expliqué sur BFM TV qu’en tant que chef d’entreprise, le principal problème auquel il était confronté était les 8 200 obligations qu’il devait remplir. Nous avons vérifié : en réalité, il est soumis à 8 900 obligations, dont aucune n’est sociale ; elles sont fiscales et environnementales.

Pour en revenir au projet de loi, nous considérons que la création de commissions paritaires permettant aux salariés des très petites entreprises (TPE) d’être représentés à l’extérieur de l’entreprise est une bonne chose. Se pose néanmoins la question de leur composition. Il est question d’y faire siéger dix représentants des employeurs et dix représentants des salariés, lesquels se répartiraient proportionnellement à l’audience régionale obtenue par leur organisation aux élections professionnelles dans les TPE. Or la CFTC refuse de valider des élections auxquelles ne participent que 10 % des salariés concernés, ce qui s’explique en partie par le fait que nous n’avons pas obtenu des pouvoirs publics de bénéficier de tous les moyens – accès aux médias, panneaux d’affichage – nécessaires à une véritable campagne électorale pour l’organisation de ces élections. Nous demandons donc que sur les dix représentants des salariés, cinq soient issus des organisations syndicales interprofessionnelles représentatives.

Nous pensons, par ailleurs, qu’il conviendrait d’élargir les missions de ces commissions pour y inclure, d’une part, la conciliation qui, organisée au niveau régional, départemental ou au sein du bassin d’emploi, permettrait d’éviter bon nombre de procédures contentieuses, et, d’autre part, la gestion d’œuvres sociales, dont les salariés des TPE ne bénéficient pratiquement pas.

Nous sommes favorables à l’idée de marier dans une DUP, pour les entreprises de cinquante à trois cents salariés, le CE, les délégués du personnel (DP) et le CHSCT, dès lors que sont maintenues dans leur intégralité les missions, les prérogatives et les moyens de ces trois instances : malheureusement, la notion de moyens ne figure pas dans le texte de loi. Cela étant, c’est une mesure de bon sens, tout comme la fusion des instances par accord majoritaire dans les entreprises de plus de trois cents salariés, qui va dans le sens d’une simplification de la représentation.

Nous saluons également la valorisation des parcours professionnels des représentants syndicaux, tout en souhaitant qu’elle soit étendue, au-delà des délégués syndicaux, à l’ensemble des personnes occupant des fonctions de représentation dans l’entreprise.

Enfin, nous ne sommes pas contre la possibilité de faire appel à des représentants mandatés en l’absence de délégué syndical. Cela étant, nous estimons que la négociation doit, à un moment ou à un autre, aboutir devant la commission paritaire de branche, qui joue un rôle de filtre en validant, ou non, les accords atypiques. Certes, toutes ces commissions ne fonctionnent pas, mais celles pour qui c’est le cas ont fait la démonstration de leur utilité. Quant aux branches qui ne sont pas capables de mettre en place des commissions paritaires qui puissent valider ces accords, il n’y a qu’à leur interdire la signature d’accords atypiques !

Quoi qu’il en soit, nous ne doutons pas que ce projet de loi, auquel je redis que nous sommes globalement favorables, pourra être encore amélioré par voie d’amendements.

Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Dans le cadre de l’ouverture de la négociation sur le dialogue social, la CFDT avait défini un certain nombre d’objectifs, issus du travail de concertation entrepris par les partenaires sociaux depuis la réforme de la représentativité de 2008. Il s’agissait avant tout de définir ce qu’était le dialogue social pour en accroître la qualité et l’efficacité. Certes, la négociation a échoué, mais la CFDT entend poursuivre à travers ce projet de loi la réalisation de trois de ses objectifs : la représentation effective de tous les salariés dès le premier salarié, grâce à la mise en place des commissions paritaires pour les TPE ; une meilleure appréhension des questions économiques et sociales par les représentants du personnel, l’enjeu étant d’anticiper les projets et leurs conséquences afin de pouvoir peser sur les décisions ; la reconnaissance et la valorisation du fait syndical, dans l’entreprise comme à l’extérieur : il ne peut, en effet, y avoir de dialogue social sans des acteurs de proximité capables de représenter leurs pairs.

Selon les vœux de la CFDT, le projet de loi entérine donc la représentation des salariés des TPE. Nous sommes favorables à une répartition des sièges au sein des commissions paritaires régionales calquée sur l’audience régionale des organisations syndicales, mais nous souhaiterions que soit attribuée à ces commissions une troisième compétence, à savoir la médiation, l’enjeu étant de prévenir les conflits et de faciliter le dialogue entre représentants du personnel et des employeurs.

Nous considérons comme abusif que les membres de la commission n’aient pas accès aux locaux des entreprises, cette restriction ne nous paraissant pas la manière la plus amicale d’engager le dialogue social.

Nous sommes également très attachés à une bonne articulation entre les dispositifs régionaux et les dispositifs de branche – lesquels doivent également être dotés d’une compétence de médiation et s’inscrire dans un périmètre géographique délimité, afin d’éviter qu’opèrent des commissions déconnectées des réalités territoriales. Nous insistons également sur le fait que la protection des représentants des salariés dans ces commissions de branche doit être précisée.

En ce qui concerne le cadre des instances, force est de constater que sa construction résulte d’un empilement de textes successifs et qu’il ne correspond plus à la réalité actuelle des entreprises, notamment à leur organisation juridique, toute la difficulté consistant, pour les représentants du personnel, à être là où se prennent les décisions, c’est-à-dire dans une position centrale, tout en restant proches des salariés qu’ils représentent.

Le texte prévoit un dispositif pour les entreprises de moins de trois cents salariés et un dispositif au-delà, ouvrant la possibilité, dans ce dernier cas, de négocier par accord majoritaire le cadre des instances représentatives du personnel (IRP). La CFDT souhaite que cette possibilité de négociation soit ouverte aux entreprises dès cinquante salariés.

En ce qui concerne les moyens de la DUP, leur définition est renvoyée, pour les entreprises de cinquante à 299 salariés, à un décret. Cela fragilise l’équilibre du texte, dans la mesure où il nous est compliqué de nous prononcer sur un cadre virtuel. Nous souhaitons donc que la loi précise ces moyens, lesquels ne devront en aucun cas être revus à la baisse.

Nous souhaitons également que soit introduite de la souplesse dans l’organisation de ces moyens, notamment par l’annualisation des heures de délégation, leur mutualisation entre les représentants et l’affectation d’un nombre déterminé de ces heures aux échanges entre les représentants du personnel et leur organisation syndicale.

Des doutes planent sur la place des syndicats dans le cadre de la négociation collective. Nous sommes favorables au renforcement du mandatement, et, en l’absence de mandatement – la question étant de savoir comment l’évaluer –, nous préconisons une validation par une commission de branche.

Le texte, enfin, ne dit rien de la mise en place ni du contenu de la base de données économiques et sociales, qu’il faut renforcer par le dialogue, tout comme il faut renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration.

J’ajoute qu’il reste à compléter ce qui touche au financement du dialogue social, en clarifiant notamment le dispositif de subrogation pour les salariés partant en formation syndicale.

Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Aux yeux de la CGT, ce qui compte, c’est moins d’afficher et de reconnaître la nécessité du dialogue social que de définir les objectifs de celui-ci. La négociation, en effet, a montré que ces objectifs pouvaient diverger selon les uns ou les autres, ce qui fut d’ailleurs une des causes de son échec. Nous sommes donc dans une situation inhabituelle puisque, en dépit de la réforme instaurée par la loi de 2007 sur la modernisation du dialogue social, ce projet de loi ne s’appuie sur aucun accord interprofessionnel préalable.

Pour la CGT, la démocratie sociale doit être un instrument de citoyenneté des salariés, et c’est sur ce point que le projet de loi nous pose quelques problèmes. L’entreprise appartient aussi aux salariés et, si l’on défend le progrès et l’efficacité économique et sociale, l’exercice de la démocratie ne peut s’arrêter aux portes du monde du travail. Pourtant, en dépit des propositions faites par notre organisation lors de la concertation préalable, ce sont bien les objectifs du patronat, ceux-là mêmes qui ont conduit à l’échec de la négociation, que sert ce projet de loi, dont une majorité de salariés et de leurs représentants ne tirera aucun bénéfice, notamment parce que la rationalisation des IRP qu’il organise dans les entreprises de cinquante salariés et plus ne peut que nuire, selon nous, à la qualité du dialogue social.

L’effectivité de la représentation collective dans les entreprises de petite taille, y compris au-delà des TPE, reste incertaine malgré les objectifs figurant dans le document d’orientation. Certes, un pas a été franchi – et nous le saluons – pour les salariés des très petites entreprises, qui, jusqu’ici, avaient seulement le droit de voter pour un sigle syndical tous les quatre ans. Si nous approuvons la mise en place des commissions paritaires régionales et la répartition des sièges en leur sein selon l’audience régionale obtenue par les organisations, il faut, pour réellement garantir ce nouveau droit à la représentation accordé aux 4,6 millions de salariés des TPE, améliorer le dispositif des commissions paritaires interprofessionnelles, ce qui inclut les commissions déjà existantes, lesquelles devront se mettre en conformité avec la loi. Les droits et les moyens des représentants ne peuvent en rester à ce que prévoit le projet de loi. De même, il convient d’élargir les attributions des commissions pour y intégrer l’aide au dialogue social, c’est-à-dire notamment la gestion des conflits, mais aussi des œuvres sociales et culturelles.

En ce qui concerne la valorisation du parcours des élus et mandatés ainsi que la discrimination salariale, le projet de loi comporte des avancées mais doit, selon nous, être amendé sur certains points. Le champ des élus concernés, trop restrictif, doit être élargi, et, dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience, les compétences acquises dans l’exercice de l’activité syndicale doivent être reconnues de la même manière pour tous les élus et mandatés.

Le projet de loi aborde la question de la parité, et nous sommes favorables aux mesures visant à mieux équilibrer les candidatures féminines et masculines aux élections des représentants et des délégués du personnel. J’attire néanmoins votre attention sur la difficulté à constituer des listes syndicales, singulièrement dans les petites entreprises, où nos organisations syndicales sont peu présentes. Il serait souhaitable qu’en la matière le projet de loi nous offre davantage de moyens.

Cela posé, j’en viens aux éléments plus fondamentaux qui font que ce projet de loi est loin de nous satisfaire. Nous considérons, en effet, qu’il ne s’affranchit guère du dogme patronal selon lequel la représentation collective, le droit syndical, les droits et moyens d’intervention des salariés et de leurs représentants sont autant de contraintes majeures pour les entreprises. De ce fait, le CHSCT et sa capacité à jouer pleinement son rôle dans l’amélioration des conditions de travail et la prévention des risques professionnels sont malmenés. Plus globalement, la rationalisation de la représentation syndicale se traduit par un affaiblissement de la capacité d’intervention des salariés sur le travail et sur la marche de l’entreprise, avec, à terme, des dégâts collatéraux plus larges encore.

Comment, où et quand discuter du travail, de son contenu et de son organisation ? Alors que les salariés aspirent à mieux travailler, alors que le travail requiert de plus en plus d’anticipation et de créativité, ce texte n’apporte à ces questions aucune réponse satisfaisante, ce qui risque de coûter très cher, humainement et économiquement, à la société française. L’ensemble des organisations syndicales a construit une feuille de route pour un plan santé tourné vers la prévention et la volonté de transformer le travail afin de ne plus s’y abîmer. La future loi va à contresens de cette ambition. À force de négliger le débat sur la qualité du travail en imposant la précarité, la parcellisation du travail, le mal-travail et son cortège de souffrances, de gâchis, voire de catastrophes – que l’on songe à AZF ou à la SNCF –, c’est l’efficacité de notre économie qui est compromise.

C’est la raison pour laquelle la CGT s’oppose vigoureusement au contenu des dispositions des chapitres III et IV. Elle considère, en effet, que l’élargissement de la délégation unique du personnel aux entreprises de moins de trois cents salariés et l’intégration en son sein des attributions du CHSCT, tout comme la mise en place par accord majoritaire d’une fusion des instances dans les entreprises de plus de trois cents salariés ne font que répondre aux exigences qu’avait posées le MEDEF lors de la négociation en réclamant l’instauration d’une instance unique du personnel.

Avec la tenue d’une réunion commune tous les deux mois au lieu de tous les mois, une expertise commune, un avis unique et un budget commun, la DUP ne constitue nullement à nos yeux un cadre « plus stratégique » et « moins formel », mais une tentative de rationalisation et de centralisation. Les nouveaux dispositifs signifient donc plus d’informations à traiter avec moins de moyens, ce qui est d’autant plus problématique que cette question des moyens est renvoyée à des accords.

En matière d’accords, précisément, nous nous opposons à la logique de primauté des accords d’entreprise et des accords dérogatoires qui sous-tend le texte. Cette question doit faire l’objet d’une véritable évaluation, au regard notamment du sort réservé au principe de faveur.

Enfin, si le projet de loi entend proposer des solutions qui préservent et élargissent les opportunités de négociation tout en garantissant la primauté des organisations syndicales, nous considérons que les dispositions qu’il comporte en ce sens doivent être aménagées.

Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Après l’échec d’une négociation rendue impossible par l’affrontement de positions inconciliables entre, d’une part, le patronat qui préconisait une simplification excessive des procédures de dialogue social, et, d’autre part, les syndicats qui souhaitaient son enrichissement, la CFE-CGC salue les efforts de ce projet de loi pour parvenir à une position équilibrée, conforme au document d’orientation issu de la Conférence sociale et dont nous avions approuvé les grandes lignes.

Toutefois, nous restons dans l’attente des décrets d’application qui, seuls, nous permettront de juger de la pertinence des mesures et des moyens mis en œuvre pour favoriser l’expression des salariés et la concertation, au sein des entreprises, entre les élus et la direction. Le renforcement des espaces de concertation, la loyauté des informations et de la consultation, le partage de la stratégie, la démultiplication des avis ne sont pour l’heure que des postulats, dont la concrétisation dépendra de ces décrets. En l’absence de plus de visibilité, la CFE-CGC demeure donc très prudente en l’état actuel du projet de loi, qui comporte, à nos yeux, quelques points faibles et d’autres plus dangereux, porteurs notamment de risques contentieux.

Nous prenons acte du fait que la loi entend développer et favoriser les parcours des militants en valorisant le fait syndical, en posant des règles simples de garanties salariales et en faisant progresser la parité entre hommes et femmes dans les instances de représentation. Toutefois, ces parcours peuvent être améliorés, soit par une évaluation syndicale en fin de mandat, soit par une redéfinition du partage des missions entre le travail et le temps syndical.

Nous sommes favorables à la sanctuarisation des mandats externes. C’est une revendication que nous portons depuis longtemps dans le cadre du dialogue par branche ou du dialogue interprofessionnel. Cette représentation s’effectue actuellement sur les heures de délégation, ce qui signifie qu’elle dépend de la bonne volonté des chefs d’entreprise et de leur propension ou non à donner au dialogue social les moyens de se développer.

Le texte demeure faible sur les administrateurs salariés instaurés par la loi de 2013. Le nombre d’heures de formation dont ils bénéficient reste insuffisant ; par ailleurs, le texte ne fait droit à aucune de nos demandes dans ce domaine, qu’il s’agisse de l’abaissement du seuil des effectifs au-delà duquel un tiers des sièges doit être réservé aux salariés, avec voix délibératives, de la reconnaissance du deuxième collège ou de la participation de ces administrateurs salariés aux holdings de tête dont les effectifs ne dépassent pas cinquante salariés.

Nous approuvons dans son principe l’article 1er. Toutefois, nous ne pouvons cautionner la règle de répartition proportionnelle des représentants selon l’audience obtenue par leurs organisations au niveau régional. Nous considérons qu’il aurait été plus simple, plus juste et plus efficace de s’appuyer sur le système des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA), qui existe depuis 2001. De même, nous ne pouvons accepter que le nouveau dispositif soit également financé par la taxe de 0,016 % instaurée par la loi de 2014, dans la mesure où son coût n’avait pas été intégré dans les estimations faites à l’époque.

Concernant le rôle des suppléants, sur qui repose la transmission des compétences, nous regrettons que le projet de loi ne prévoie leur présence que lors de la consultation relative aux orientations stratégiques. Il aurait été préférable que ce cantonnement ne soit possible que sur la base d’un accord collectif.

De même, nous estimons que l’affectation d’un seul secrétaire à la DUP est très insuffisante, compte tenu de l’élargissement de ses attributions, qui requièrent des compétences dans des domaines aussi divers que l’économie, l’hygiène ou les conditions de travail et sachant qu’il n’y aura plus qu’un seul ordre du jour, d’autant plus important que l’entreprise comptera de salariés.

Nous regrettons enfin que le texte ne prévoie pas le recours à l’expertise en matière de politique sociale. Pour ce qui relève de la consultation du CE, celle-ci est mise sur le même plan que les orientations stratégiques et la situation économique et financière de l’entreprise, alors qu’il s’agit précisément du domaine dans lequel le dialogue social doit être renforcé.

Notre désaccord est profond, enfin, sur trois points, qui nous semblent particulièrement dangereux :

Premièrement, il est inacceptable de permettre des négociations dérogatoires, avec des élus mandatés ou non, sans que cela soit assorti de précautions.

Deuxièmement, nous ne pouvons accepter, même dans l’hypothèse où cela résulterait d’un accord majoritaire, de déroger à la périodicité de la négociation sur les salaires, qui doit demeurer annuelle. Ce rendez-vous important sur le partage des fruits de l’activité de l’entreprise n’est pas négociable.

Troisièmement, nous regrettons profondément la prépondérance accordée au groupe sur tout autre niveau de consultation. Le rôle du comité central d’entreprise n’étant pas clarifié, le risque est notamment que le dialogue social s’éloigne des réalités du terrain et perde, localement, de son efficacité.

La CFE-CGC souhaite donc que le projet soit amélioré, de manière à renouer avec la philosophie originelle qui l’a inspiré et qui visait à accroître l’efficacité du dialogue social tout en lui conservant sa richesse.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Le projet de loi poursuit trois objectifs. Il entend, d’abord, offrir aux 4,6 millions de salariés des TPE qui en étaient privés des instances de représentation. Il vise, ensuite, à favoriser la reconnaissance des parcours de celles et ceux qui choisissent de s’engager dans l’entreprise, grâce à une meilleure prise en compte des difficultés qu’ils rencontrent. Il veut, enfin, améliorer l’efficacité des IRP dont l’empilement, année après année, a rendu nécessaire un travail de clarification et de simplification – et non de fusion, comme cela a abusivement été suggéré, puisque la nouvelle DUP est mise en place dans le respect des prérogatives des différentes instances qu’elle réunira.

Cela étant posé, ne pensez-vous pas que le regroupement des IRP dans le cadre des DUP permettra, pour la première fois, d’évoquer dans une même instance les questions de stratégie et les questions financières en même temps que les conditions de travail, dont on ne voit pas pourquoi elles seraient déconnectées des autres enjeux de l’entreprise ?

En ce qui concerne la question des moyens, l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation, qui devraient permettre un gain de temps supplémentaire de l’ordre de 15 %, vous paraissent-elles intéressantes et, le cas échéant, faut-il les encadrer ?

Quelle est la position de vos organisations syndicales au sujet des seuils déterminant la présence d’administrateurs salariés dans l’entreprise ?

Vous avez fait part, les uns et les autres, de vos craintes de voir les organisations syndicales mises sur la touche lorsque, en l’absence de délégué syndical, il est fait recours au mandatement. Avez-vous des propositions précises à faire, sachant que toutes les branches ne sont pas dotées de commissions de contrôle, lesquelles par ailleurs ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante ?

La question des suppléants constitue un point de friction dans les échanges avec le Gouvernement, dont l’un des arguments consiste à rappeler que les suppléants des élus politiques ne siègent pas à leurs côtés. Quelles raisons pouvez-vous avancer a contrario pour justifier le maintien de leur présence dans les différentes instances ?

M. Michel Liebgott. Député de Florange j’ai acquis, lors de l’affaire ArcelorMittal, la certitude qu’il était essentiel de reconnaître les salariés des PME. En effet, en cas de conflit de ce type, les salariés des grandes entreprises s’en sortent plutôt bien – en l’occurrence, il n’y a pas eu de plan social –, tandis que les premières victimes sont généralement les intérimaires ou les salariés des entreprises sous-traitantes, qui servent souvent de variables d’ajustement. D’où l’importance de ce projet de loi, d’autant plus essentiel que la France compte un grand nombre de TPE et que nous sommes malheureusement encore très loin du modèle allemand, caractérisé par une plus forte proportion d’entreprises moyennes, des syndicats beaucoup plus forts et une vraie politique de codétermination – Mitbestimmung.

Il faut interroger ici la volonté des uns et des autres, celles des politiques comme des partenaires sociaux. Depuis deux ou trois ans se succèdent des négociations entre organisations patronales et syndicales. Qu’elles aboutissent ou non, le Parlement a toujours pris ses responsabilités, en adoptant notamment la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013 ou la loi sur la formation professionnelle. En ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, force est de constater que c’est le patronat qui a rompu, accroché à des exigences démesurées et plus favorable à l’idée d’un contrat d’entreprise qu’à celle d’un échange équilibré entre patronat et salariés.

Pour autant, les choses bougent. Environ 36 000 accords d’entreprise et 951 accords de branche sont passés chaque année, ce qui prouve qu’il y a dans notre pays une vie syndicale. Tout l’enjeu aujourd’hui est de la dynamiser. À quelques nuances près, vous ne semblez pas, dans l’ensemble, hostiles aux mesures proposées. Quelques points feront davantage débat, comme la place du CHSCT, mais l’on peut considérer que le fait que le CE se penche désormais sur les questions ayant trait aux conditions de travail constitue un progrès.

Pourquoi ne pas confier, en effet, aux commissions paritaires régionales un rôle de médiateur ?

Je suis d’accord sur le fait qu’il faut améliorer la banque de données économiques et sociales.

La question des administrateurs salariés mérite que nous nous battions pour faire aboutir vos revendications et mettre un terme au comportement parfois inacceptable de certaines grandes entreprises. Sur d’autres sujets, comme l’accès des membres de la commission paritaire aux locaux des entreprises, il faudra sans doute plus de temps.

Le statut des suppléants, enfin, est un sujet complexe, qui mérite un vrai débat, sachant que la question des suppléants devient secondaire lorsque, dans certaines entreprises – plus de la moitié des PME –, il est déjà difficile de trouver des représentants syndicaux.

M. Gérard Cherpion. Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4,6 millions de salariés à qui il offre une représentation.

Monsieur Thouvenel, à vous entendre, les seuils ne constituent pas véritablement un frein au développement de l’entreprise. Il me semble néanmoins qu’il faudrait s’interroger sur leur nombre et réfléchir à un éventuel lissage.

Pour ce qui concerne la mutualisation des moyens, doit-elle être interne à l’entreprise ou s’opérer sur un périmètre plus large ?

La désignation des représentants des salariés des TPE dans les commissions paritaires est complexe. Vous semblez diverger sur la question de savoir si cette désignation doit s’effectuer uniquement parmi les organisations représentatives au niveau national. Sans doute pourrait-on imaginer qu’une partie des représentants émanent de ces dernières, l’autre partie reflétant l’audience des organisations syndicales locales. Pourriez-vous préciser vos souhaits en la matière ?

En l’absence de délégué syndical, possibilité est ouverte de négocier avec les élus du personnel. Faut-il obligatoirement passer au préalable par l’étape du mandatement ? N’est-ce pas créer de nouvelles difficultés ? Par ailleurs, le champ de la négociation est-il identique selon qu’un élu est mandaté ou non ?

Aucun d’entre vous n’a évoqué la réforme de la représentativité patronale ni le régime des intermittents du spectacle. Avez-vous un avis ?

J’aimerais, enfin, des précisions sur la manière dont vous envisagez l’information et la consultation des organisations. Ni vos positions ni celle inscrite dans le texte ne me paraissent très claires.

M. Francis Vercamer. Le projet de loi est une forme de réponse du Gouvernement à l’échec de la négociation des partenaires sociaux sur le document d’orientation remis par le ministre du travail aux huit organisations syndicales et patronales représentatives en juillet 2014. Ce document d’orientation dressait un constat critique sur la qualité et l’efficacité du dialogue social, pointant notamment les effets négatifs induits par les seuils et dénonçant la sédimentation dans le temps d’un nombre conséquent de règles et d’obligations aboutissant à construire un cadre global complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Selon vous, les réponses apportées par ce texte à ces difficultés sont-elles satisfaisantes ?

Les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie plus nombreuses que celles de cinquante salariés. D’aucuns imputent cet écart aux effets de seuil. Selon vous, l’extension de la DUP est-elle de nature à remédier à cette situation ? Dans le cas contraire, quelles mesures envisageriez-vous ?

Une mission sur la place donnée à l’accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail vient d’être lancée. Considérez-vous qu’une inversion de la hiérarchie des normes serait susceptible d’améliorer la qualité du dialogue social ? Ne serait-ce pas contradictoire avec l’article 13 de la loi, qui supprime l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur les accords collectifs ?

Vous n’avez guère évoqué l’article 21, qui crée le compte personnel d’activité. La loi prévoit qu’une concertation sera engagée avant la fin de l’année avec les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Quels avantages et quels inconvénients voyez-vous à cette solution ? N’est-ce pas prendre les choses à l’envers puisque, d’ordinaire, on interroge les organisations syndicales avant d’élaborer un projet de loi ?

Enfin, vous n’avez pas non plus évoqué la création de la prime d’activité. Ne risque-t-elle pas d’entraîner des effets d’aubaine et d’aboutir à un tassement des salaires autour du revenu minimum ? Quelles sont les mesures qui, selon vous, permettraient de favoriser l’emploi des jeunes ?

M. Christophe Cavard. Notre groupe est très favorable à toutes les mesures permettant d’améliorer le dialogue social. Depuis 2012, nous avons eu à nous saisir de deux projets de lois qui découlaient d’accords nationaux interprofessionnels, ce qui rendait le travail législatif délicat, puisqu’il s’agissait d’amender le texte sans toucher aux équilibres définis par les partenaires sociaux.

La situation aujourd’hui est quelque peu différente puisque ce projet de loi nous parvient dans la foulée de négociations qui ont échoué, ce qui modifie la nature de notre travail de législateur. Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans le travail qui s’amorce ? Plus généralement, considérez-vous que ce projet de loi améliore la représentation syndicale, sachant que les outils qu’il propose doivent s’inscrire dans une logique où, loin de s’opposer, salariés et employeurs doivent concourir ensemble à la réussite de leur entreprise ? C’est, en tout cas, dans cet esprit que nous l’abordons, sur le modèle de ce qui se pratique dans le secteur de l’économie sociale.

Concernant plus précisément les commissions paritaires régionales, on a compris leur intérêt pour les petites entreprises, mais quel est votre sentiment sur leur fonctionnement et la manière dont elles pourront atteindre l’objectif que leur assigne le texte ?

Comment faire en sorte que les instances regroupées dans la DUP fonctionnent correctement – je pense en particulier aux CHSCT et aux missions particulières qu’ils assument ?

Nous sommes très conscients du rapport de force déséquilibré qui existe entre les salariés et leur employeur, et nous serons donc particulièrement vigilants sur la question des moyens donnés à la représentation, notamment le droit à l’expertise et son financement qui font ici débat, alors même que ce droit à l’expertise ne devrait pas être considéré par les employeurs comme une contrainte mais comme une plus-value.

En tant que représentants syndicaux, vous êtes impliqués dans la gestion de l’UNEDIC ; que pensez-vous des mesures incluses dans le titre II sur le régime des intermittents du spectacle ?

Mme Dominique Orliac. Les députés du groupe RRDP sont extrêmement attachés à la qualité du dialogue social. Le texte entend valoriser les expériences des délégués syndicaux, et son article 4 vise à « lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération ». Il propose pour cela d’instaurer un mécanisme qui garantit au salarié de bénéficier, au cours de son mandat électif ou syndical, d’une augmentation au moins égale à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par des salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable. Cette mesure concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation dépassent 30 % de leur temps de travail. De plus, à chaque début de mandat, le représentant du personnel ou le délégué syndical devra bénéficier d’un entretien individuel avec son employeur sur les modalités de son mandat. Enfin, les listes aux élections professionnelles devront comporter une proportion de femmes et d’hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le non-respect de cette obligation entraînera l’annulation de l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté. Que pensez-vous de ces dispositions ? Comment procédez-vous à l’heure actuelle pour ne pas être pénalisés, ou le moins possible, par vos engagements personnels dans des mandats électifs ? Au-delà de la parité, réfléchissez-vous aux moyens de faire place aux jeunes sur les listes aux élections professionnelles ? Enfin, comment pensez-vous inciter les salariés à voter plus massivement ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je pense qu’il est, en effet, nécessaire de revoir les conditions du dialogue social, et ce à tous les niveaux. De ce point de vue, on peut regretter que ce texte n’ait pas davantage d’envergure. Développer le dialogue social implique de le moderniser et d’en clarifier les objectifs.

Comme Christophe Cavart, je pense que ce texte ne corrige pas suffisamment les déséquilibres induits dans le dialogue social par les rapports de subordination entre l’employé et l’employeur. Il faut néanmoins mettre à son actif les efforts faits en faveur de la représentation des salariés des TPE à travers la mise en place des commissions paritaires régionales. Certes, le dispositif mérite des améliorations : le nombre d’heures de délégation reste insuffisant, comme les prérogatives attribuées à ces commissions puisque vous semblez tous vous accorder sur le fait qu’elles doivent pouvoir assumer des fonctions de médiation. En outre, sans doute ses membres devraient-ils se voir attribuer les mêmes droits que les représentants du personnel. Enfin, se pose la question de leur accès aux locaux des entreprises.

Vous nous avez fait part de vos réticences, voire de votre opposition aux DUP élargies. Elle se focalise en particulier sur le statut du CHSCT, dont les prérogatives sont très spécifiques et primordiales pour les salariés. Je partage l’idée que cette instance doit garder toute son importance au sein de l’entreprise. On peut fort bien imaginer que l’ensemble des instances représentatives se saisissent des questions de santé et de conditions de travail sans pour autant fondre le CHSCT dans la DUP.

Je partage également vos inquiétudes au sujet des moyens dont seront dotées ces DUP. Le texte n’est pas très précis sur ce point, qui fait l’objet d’une divergence d’appréciation entre les organisations syndicales et le Gouvernement, puisque l’étude d’impact affirme, à la page 78, que « en cohérence avec les heures de délégation présentées ci-après, les moyens de la DUP élargie seraient donc du même ordre de grandeur que la situation actuelle DUP + CHSCT ». La phrase est certes au conditionnel et il n’est question que d’ordre de grandeur, mais les organisations syndicales ont une appréciation différente de la situation. Or, en théorie, les évaluations devraient aboutir mathématiquement au même résultat : les méthodes de calcul employées par les uns et par les autres sont-elles différentes ?

Enfin, l’article 20, consacré au régime des intermittents, prévoit la création d’une liste des métiers éligibles aux CDD d’usage. Cette disposition vous paraît-elle une bonne manière de lutter contre le recours abusif aux contrats précaires ?

M. Denys Robiliard. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je renonce à ma question, préférant laisser aux intervenants le temps de nous répondre.

Mme Isabelle Le Callennec. Le fait que les partenaires sociaux ne soient pas parvenus à un accord m’inquiète. La cause en est que les organisations salariales et les organisations patronales ne partagent toujours pas les mêmes objectifs et n’ont pas la même définition de l’efficacité du dialogue social. Malheureusement, je crains qu’en tentant d’organiser en détail les modalités de ce dialogue, ce projet de loi ne le rende encore plus complexe. Il évite surtout soigneusement de poser la question du faible taux de syndicalisation des salariés. Si les salariés avaient la certitude de pouvoir s’emparer des réalités économiques et sociales, d’anticiper et de peser sur les décisions, sans doute seraient-ils davantage motivés, à condition toutefois que le dialogue social ait lieu le plus souvent possible au sein de chaque entreprise, puisqu’en fonction des secteurs d’activité et de la taille de l’entreprise, les besoins ne sont pas les mêmes.

Nous avons entendu vos revendications, dont nous tiendrons compte lors de l’examen du texte par notre commission. Vous avez souligné que cette loi n’allait pas révolutionner l’emploi dans notre pays. La loi Macron n’étant pas non plus la loi du siècle, comment allons-nous régler le problème de nos 3,5 millions de chômeurs ?

Vous n’avez pas évoqué le compte personnel d’activité, qui a pourtant été vanté par le Président de la République comme un droit nouveau pour les salariés. Est-ce à dire que vous n’accordez pas le même crédit à cette mesure ?

De même, vous n’avez rien dit de la fusion entre la PPE et le RSA-activité, qui va pourtant exclure de nombreux ménages de la classe moyenne de l’ancien dispositif de la PPE. On ignore toujours, par ailleurs, si les étudiants et les apprentis seront inclus dans le dispositif. Qu’en pensez-vous ?

Mme Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT. Un des enjeux de ce projet de loi est notamment le regroupement des IRP. La CFDT n’est pas attachée à l’organisation actuelle des IRP, qui n’est pas toujours adaptée à la réalité des entreprises. Le problème est que le nouveau cadre proposé par ce texte risque de ne pas l’être non plus.

Pour autant, le cadre ne fait pas tout. À partir des règles qu’il établit, il appartient aux représentants du personnel et aux employeurs de définir, au sein de chaque entreprise, un mode de fonctionnement propre des instances représentatives. Le véritable enjeu aujourd’hui est de parvenir à articuler les questions sociales, économiques et environnementales, traitées séparément par les différentes instances. Le CE, par exemple, a déjà des prérogatives en matière de conditions de travail et d’organisation de celui-ci, mais elles ne sont pas de même nature que celles du CHSCT. Pour ce qui concerne la CFDT, ce travail de coordination se fait dans le cadre des sections syndicales d’entreprise, sachant néanmoins que, bien souvent, les décisions du CHSCT sont subordonnées aux décisions économiques et financières prises dans une autre instance.

Le regroupement des instances n’est pas forcément un problème, mais la capacité des mandatés à assumer un nombre très important de missions dépendra de la façon dont fonctionnera la future DUP élargie. Le fonctionnement du CHSCT est particulier, dans la mesure où, du fait de la responsabilité de l’employeur, qui a une obligation de résultat en matière de sécurité, son travail est basé sur la coconstruction, ce qui influe sur les relations sociales au sein de cette instance. Il faudrait que ce mode de fonctionnement puisse s’étendre aux questions économiques, domaine dans lequel les représentants du personnel ont tendance à être considérés comme des intervenants moins légitimes. Il y a là un réel enjeu, dont nous avons commencé à nous saisir avec l’accord sur la sécurisation de l’emploi.

En ce qui concerne l’annualisation et la mutualisation, je ne partage pas l’analyse selon laquelle elles augmenteraient de 15 % les heures de délégation. Aujourd’hui, il existe un nombre défini d’heures de délégation. Ces heures doivent être prises mensuellement et ne peuvent être mutualisées que dans le cadre du CHSCT. Le fait de les annualiser permettra simplement aux militants et aux représentants du personnel de prendre l’ensemble des heures qui leur sont allouées. Actuellement, on estime à 30 % le taux d’heures de délégation non utilisées, soit à cause des congés d’été, soit du fait des contraintes d’organisation du travail, soit encore parce que certains employeurs déploient des stratégies visant à empêcher les militants de prendre toutes leurs heures. Nous demandons donc non seulement que les moyens horaires soient maintenus mais également qu’ils puissent être mutualisés, c’est-à-dire répartis entre les représentants, et annualisés. Cela permettrait une meilleure visibilité et simplifierait la vie des entreprises, en substituant à un suivi mensuel de ces heures un suivi annuel. Pour éviter que des représentants ne prennent toutes leurs heures d’un coup, on peut envisager de fixer un plafond limitant à une fois et demie ou deux fois le quota mensuel le nombre d’heures de délégation pouvant être utilisées sur un mois.

Pour ce qui concerne les suppléants, leur statut est différent en fonction des instances : les DP suppléants ne siègent pas, tandis que les suppléants au CE le peuvent. Cette possibilité est précieuse aux yeux des organisations syndicales car, non seulement elle permet à ces suppléants d’acquérir une bonne connaissance des dossiers, mais elle constitue de surcroît une première étape vers la prise d’un mandat. C’est un moyen de pousser les jeunes vers les organisations syndicales et les instances du personnel en leur mettant le pied à l’étrier et en leur offrant une sorte de formation continue, à laquelle ils n’ont pas accès aujourd’hui.

La CFDT n’est pas favorable à l’inversion de la hiérarchie des normes. Si nous considérons qu’il faut donner de la marge de manœuvre aux entreprises, les accords d’entreprise doivent s’inscrire, selon nous, dans le cadre défini par la loi ou les accords de branche.

Nous sommes, par ailleurs, extrêmement attachés à préserver le rôle des organisations syndicales dans le dialogue social, qu’il s’agisse de la négociation collective ou de la représentation du personnel. Dans cette optique, le fait que les représentants soient mandatés par une organisation syndicale est pour nous une garantie, non seulement sur le contenu de la négociation mais également sur le fait que le mandaté sera correctement accompagné par l’organisation qui l’a désigné.

En l’absence de mandatement et si la négociation est menée par des élus non syndiqués, nous recommandons un minimum de contrôle social, lequel peut être assuré par des commissions paritaires de validation des accords. Certes, celles-ci, quand elles existent, ne fonctionnent pas toujours bien, souvent du fait des organisations patronales, mais les maintenir peut être un moyen d’inciter les employeurs à considérer que leur intérêt est plutôt d’avoir recours à un salarié mandaté qu’à un élu non syndiqué.

La CFDT est très attachée à ce que les représentants respectent la parité et s’est d’ailleurs dotée en interne d’un plan d’action Mixité.

Vous nous avez interrogés sur la manière d’inciter les salariés à voter massivement. Si le nombre de salariés syndiqués est ce qu’il est dans notre pays, je rappelle néanmoins que la participation aux élections professionnelles est supérieure à 60 %, soit une forte mobilisation, et que, par ailleurs, l’action des organisations syndicales bénéficie à l’ensemble des salariés, qu’ils soient syndiqués ou non. C’est ainsi que 93 % d’entre eux sont couverts par une convention collective. Cela est rarement mis en avant, ce qui plaide pour une meilleure valorisation de l’action syndicale.

Nous sommes favorables à la création de la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, il s’est invité de façon un peu surprenante dans ce projet de loi. Nous y sommes également favorables, à condition toutefois que nous prenions le temps de discuter de ce qu’il contiendra.

En ce qui concerne les intermittents, je ne reviendrai pas sur la question de la représentativité patronale, qui a fortement perturbé les dernières négociations. Nous sommes opposés aux dispositions portées par ce projet, car elles remettent en cause la solidarité interprofessionnelle du régime d’assurance-chômage. La CFDT défend la sécurisation des parcours et refuse de voir sanctuariser dans la loi un modèle qui risque d’aboutir à une généralisation de la précarité. En outre, nous nous interrogeons sur la manière dont seront désignées les organisations syndicales et patronales représentatives de l’ensemble des professions du spectacle.

Mme Agnès Le Bot, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. En théorie, nous considérons que traiter conjointement, au sein d’une même instance représentative, des questions liées au développement économique et financier de l’entreprise et celles qui touchent à la santé au travail est une bonne chose. Cependant, l’entreprise n’est pas le monde des Bisounours, même quand les IRP y fonctionnent correctement, et la logique de rationalisation qui sous-tend ce projet de loi risque d’aboutir progressivement au passage à la trappe des questions de santé au travail et de conditions de travail. J’en veux pour preuve mon expérience de DUP dans ce qui était à l’époque le plus grand multiplexe cinématographique de France, avec cent cinquante salariés, où il a fallu l’intervention du CHSCT pour pouvoir protéger les deux salariés qui fabriquaient le pop-corn et qui se brûlaient car ils étaient mal équipés. S’il veut être porteur de progrès dans l’entreprise et dans la société, le dialogue social ne peut faire l’impasse sur ces questions. Nous ne considérons donc pas ce projet de loi comme un texte équilibré. Si nous saluons les avancées accomplies en matière de représentation collective des salariés des TPE, les autres dispositions concernant les IRP font que, globalement, il n’est pas bénéfique pour la majorité des salariés.

Nous demandons que l’annualisation et la mutualisation des heures soient possibles, entre titulaires mais aussi entre titulaires et suppléants, afin d’éviter qu’elles soient perdues ou mal utilisées. Nous ne sommes pas opposés à ce que cette mesure soit assortie de garde-fous, pour empêcher que toutes ces heures soient utilisées en une seule fois.

En ce qui concerne le mandatement, nous considérons que c’est aux délégués syndicaux qu’il revient en priorité de négocier les accords d’entreprise, dans la mesure où les organisations syndicales sont légitimées par le vote des salariés et qu’elles négocient en leur nom à tous. En l’absence de délégué syndical, cette mission pourra être confiée à un représentant du personnel, mandaté par les organisations syndicales, comme ce fut le cas lors des négociations sur les 35 heures. Nous y voyons un moyen de renforcer la présence syndicale dans les entreprises, ce qui est l’un de nos combats.

On parle beaucoup des effets de seuil, qui font l’objet d’une multitude d’études, dont certaines proprement abracadabrantes. Je vous renvoie, pour ma part, à celle de l’INSEE, qui démontre que les seuils sont sans effet sur les créations ou les suppressions d’emploi. Aborder le dialogue social à travers ce seul prisme risque donc de nuire à son efficacité et de nous détourner de nos objectifs.

Permettre aux suppléants des représentants du personnel et des délégués du personnel d’assister aux réunions plénières est extrêmement important pour le bon développement des IRP. Les suppléants, en effet, qui sont appelés pour certains à devenir titulaires, ont besoin de se former. Cela garantit, en outre, la continuité des actions menées par ces instances. Nous déplorons donc que certains abordent le dialogue social par le petit bout de la lorgnette en ne se focalisant que sur le coût que représentent ces suppléants, au lieu de considérer ce qu’ils peuvent apporter à l’entreprise, aux salariés comme aux employeurs.

Nous avons fait plusieurs propositions visant à améliorer le fonctionnement des commissions paritaires mises en place pour la représentation des salariés des TPE. La région nous paraît un cadre trop large, peu propice à la proximité avec les TPE, qui ont un fort besoin de dialogue social. Ces commissions doivent pouvoir traiter de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) et disposer de plus de moyens, le projet de loi limitant à cinq heures par mois, au-delà du temps de présence en commission, le temps alloué à leurs représentants. Les organisations syndicales doivent faire en sorte de réfléchir à la manière de se déployer au mieux, dans le cadre de ces instances, en direction des TPE, mais cela exige de faire évoluer leur statut pour que leurs représentants aient un vrai rôle de DP et que la concertation puisse s’organiser au mieux lorsqu’un salarié porte réclamation.

En matière de hiérarchie des normes, nous prenons acte du fait qu’une mission sur le sujet vient d’être confiée au président de la section sociale du Conseil d’État. Il est grand temps, en effet, de procéder à une évaluation des effets induits sur les garanties individuelles et collectives par le mouvement d’inversion de la hiérarchie des normes et la multiplication des accords dérogatoires à l’œuvre dans notre pays depuis un quart de siècle. Une grande majorité de salariés est encore couverte par des conventions collectives, mais celles-ci peinent à produire de la norme du fait de leur trop grand nombre – c’est la raison pour laquelle la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) réfléchit actuellement à un regroupement des branches professionnelles. Dans une économie comme la nôtre, caractérisée par une forte hétérogénéité et une importante interdépendance des entreprises, l’accord d’entreprise ne peut être considéré comme l’alpha et l’oméga de la construction de normes sociales. Au contraire, au lieu de contribuer à renforcer les garanties collectives, il contribue, selon nous, à les émietter.

Les organisations syndicales font preuve d’un certain volontarisme pour accroître la participation des salariés aux élections professionnelles, sachant néanmoins que, là où il existe des IRP, la participation est déjà supérieure à 60 %, preuve que les salariés nous reconnaissent un rôle utile. En matière de mixité des listes, nous pensons que, sans dénaturer l’objectif de la parité, un peu de souplesse est nécessaire dans le dispositif, en particulier pour les TPE, où il est parfois difficile de constituer des listes syndicales – nous vous ferons des propositions en ce sens.

La CGT a joué un rôle actif pour trouver une issue au conflit des intermittents. Nos organisations divergent sur ce point, mais nous sommes, pour notre part, satisfaits par les dispositions du projet de loi, notamment l’officialisation du comité d’expertise.

Notre avis sur la prime d’activité est, en revanche, mitigé, car cette mesure risque de passer à côté de ses objectifs : il y a peu de chance en effet que, à budget constant, cette prime améliore la situation des salariés. Nous estimons que la question doit être abordée de manière plus globale, dans le cadre d’une conférence sociale sur l’emploi et les salaires.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de Force ouvrière (FO). Le fait que, dans notre pays, un accord national interprofessionnel couvre l’ensemble des salariés et qu’un accord de branche couvre l’ensemble des salariés de la branche n’incite pas forcément les salariés à se syndiquer. Cela étant, le taux de syndicalisation est également tombé à 17 % en Allemagne et il est en diminution dans d’autres pays où représentation et adhésion syndicales sont liées.

À notre sens, le mandatement n’est pas de nature à améliorer cette situation, et il est contraire au principe selon lequel sont légitimes les organisations majoritaires issues des élections professionnelles. Nous considérons donc qu’il est préférable de s’orienter vers des mesures susceptibles de conforter la présence syndicale dans l’entreprise, et c’est dans cette optique que nous avons saisi le Comité de la liberté syndicale de l’OIT sur la possibilité de rétablir, ainsi qu’il en avait fait la demande au Gouvernement, la libre désignation du délégué syndical, conformément à la convention n° 87 de l’OIT. Le Gouvernement n’a, pour l’heure, pas répondu, ce dont lui donne pourtant l’occasion ce projet de loi.

Nous ne sommes pas défavorables aux DUP dans la mesure où les instances qu’elles regroupent conservent leurs prérogatives. En revanche, ce que propose ce projet de loi s’apparente davantage à une fusion qu’à un regroupement puisque les IRP ne conservent pas leurs moyens, un titulaire étant, par exemple, remplacé par deux suppléants, lesquels ne siègent pas. Les CE doivent gérer une multitude d’informations liées à l’incessante mise en œuvre de dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles, à quoi s’ajoutent leurs activités sociales et culturelles, ainsi que la tenue de diverses commissions obligatoires. Ils ont donc besoin de moyens humains, et leurs tâches sont d’ordinaire réparties entre titulaires et suppléants.

En ce qui concerne les heures de délégation, leur mutualisation n’engendre aucun coût supplémentaire puisque ce que nous réclamons, c’est une mutualisation annuelle, permettant d’utiliser les heures qui ne le seraient pas pour cause de congés annuels ou de congés maladie.

Notre organisation est très attachée à la hiérarchie des normes, qui protège l’ensemble des salariés. Au sein de l’entreprise, les négociations pour aboutir à un accord sont parfois difficiles. Par ailleurs, en 2013, 123 000 procès-verbaux de carence ont été dressés à l’occasion des élections, soit autant d’entreprises dépourvues d’IRP auxquelles il faut ajouter celles, nombreuses, qui devraient organiser des élections mais ne le font pas. On ne peut donc parler d’égalité de droits entre les salariés. La hiérarchie des normes est donc, à nos yeux, essentielle pour protéger les salariés, a fortiori lorsque, dans un contexte difficile qui donne lieu à des négociations tendues, ceux-ci peuvent se trouver exposés à des formes de chantage, auxquelles ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils n’ont pas de couverture syndicale.

Dire que les seuils existant en matière de représentation des salariés posent problème relève de l’idéologie. D’ailleurs, la question n’a guère été abordée par les organisations patronales lors de la négociation sur la modernisation du dialogue social. En réalité, ce sont les seuils administratifs et la paperasserie qu’ils entraînent qui sont problématiques ; c’est donc au Gouvernement et non aux partenaires sociaux d’y remédier.

Nous ne sommes pas défavorables à la prime d’activité. Quant au compte personnel d’activité, nous n’avons pas assez d’éléments pour pouvoir nous prononcer : quoique l’idée soit intéressante, nous restons prudents.

Nous insistons sur le rôle que doit conserver le CHSCT au sein de la DUP. Il n’est pas question qu’il ne puisse plus s’emparer des problèmes touchant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, qui relèvent de la responsabilité de l’employeur et dont l’assurance maladie ne doit pas avoir à assumer les conséquences. Le CHSCT doit garder intactes ses facultés d’investigation, ce que semble compromettre la mise en place d’une expertise commune entre les différentes instances : en effet, le CE quand il cherche à s’informer sur la situation générale de l’entreprise et sa stratégie, fait appel à des experts-comptables, tandis que le CHSCT s’en remet à des médecins du travail, à des experts en santé et en organisation du travail, dans un champ distinct. Dans un contexte économique difficile, marqué par une recrudescence des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, nous refusons que le CHSCT soit mis en difficulté et qu’il perde sa capacité à agir dans l’urgence. S’il est inclus dans la DUP, il doit garder sa personnalité juridique et morale.

La représentation des salariés des TPE figurait parmi nos demandes. Cependant, telles qu’elles sont conçues, nous craignons que les commissions paritaires ne puissent pas obtenir les résultats escomptés. Cantonnées à un rôle d’information et de conseil, qui plus est à l’échelle régionale – dans treize régions élargies –, et leurs représentants ne disposant que de cinq heures de délégation, elles risquent fort de ne pouvoir appréhender correctement les problématiques des TPE. Que penser enfin du fait que l’accès des entreprises soit interdit à leurs membres : c’est inimaginable ! Nous réclamons que ces commissions soient des instances de conciliation, ce qui a tout son sens lorsqu’on sait que 80 % des recours devant les prud’hommes émanent de salariés de TPE et qu’ils sont souvent liés à des questions d’interprétation de la convention collective. Elles doivent aussi pouvoir proposer aux salariés des activités sociales et culturelles. Quant à leur composition, nous sommes favorables à un panachage entre représentation nationale et représentation régionale. Quid, en effet, des régions, comme la Corse ou les DOM, où il n’y a pas d’organisations syndicales représentatives au niveau national ?

En ce qui concerne la mixité, nous considérons qu’en proposant une mesure répressive plutôt qu’incitative – par exemple, une augmentation des heures de délégation –, le texte ne va dans le bon sens : il n’est pas normal que des salariés élus voient leur élection annulée au motif que la liste sur laquelle ils se présentaient n’était pas équilibrée. Si la mixité est mal assurée sur les listes syndicales, c’est avant tout pour des questions de rémunération ou de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

M. Joseph Thouvenel, vice-président confédéral de la CFTC. Nous sommes globalement en accord avec la philosophie du projet de loi, sachant que ce sont les décrets qui nous permettront de confirmer cet accord. La CFTC vous fera parvenir une note complète, et je me contenterai donc de répondre ici à quelques points.

Nous sommes favorables au regroupement des IRP, si elles conservent leurs missions, leurs moyens et leurs prérogatives. Ce regroupement peut, en effet, accroître les droits des salariés, dans la mesure où ce sont tous les membres de la DUP qui seront dotés des compétences aujourd’hui dévolues aux seuls membres du CHSCT. Cette avancée sociale a, semble-t-il, échappé au patronat…

S’il y a trop de seuils, ce ne sont pas les seuils sociaux, mais les seuils fiscaux qui sont en cause. L’INSEE indique que les entreprises de cinquante salariés représentent en France 14 % des entreprises de dix à 249, contre 18 % en Allemagne, les effets de seuil ne jouant que pour 0,3 point dans cet écart de quatre points. Par ailleurs, 4 200 entreprises comptent dans notre pays entre quarante-sept et quarante-neuf salariés. Si l’on supprime le seuil de cinquante salariés et que ces entreprises embauchent chacune deux salariés – hypothèse à laquelle je ne crois guère – 8 400 emplois auront été créés : on est loin du million de M. Gattaz… Ces chiffres montrent bien que les seuils sont un problème marginal, avant tout psychologique, ce que confirme le fait que les entreprises de cinquante et un salariés sont moins nombreuses que celles de cinquante salariés, celles de cinquante-deux salariés moins nombreuses que celles de cinquante et un, et celles de cinquante-trois salariés moins nombreuses que celles de cinquante-deux.

Il est un seuil, en revanche, que la représentation nationale peut tout de suite supprimer, c’est celui qui empêche les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés de bénéficier de la participation aux bénéfices. Ce geste de justice sociale ne sera en rien pénalisant pour les entreprises puisque, par définition, ne seront concernées que celles qui font des bénéfices : s’il reste un gaulliste dans la salle, il me comprendra…

Le projet de loi ne dote pas les commissions paritaires régionales des moyens suffisants. La taxe de 0,016 % sur les salaires sert aujourd’hui à financer les missions des organisations syndicales ; si le nombre de ces missions augmente, les moyens doivent eux aussi augmenter. De ce point de vue, s’agissant de la prime d’activité, la CFTC n’est pas hostile, sur le principe, à ce qu’elle concerne les étudiants et les apprentis, mais nous souhaiterions des précisions sur son financement, car il ne s’agit pas d’élargir des dispositifs sans financement supplémentaire.

J’en termine par la vision idéologique qui oppose systématiquement les objectifs du patronat et des syndicats. Dans la réalité, des accords sont signés tous les jours dans les branches ou les entreprises, voire au niveau national. Certes, nous pouvons avoir des différends – notamment sur la question des salaires –, mais nos objectifs sont les mêmes : je vous renvoie ici à un excellent document sur la compétitivité française, cosigné par trois organisations patronales et trois organisations syndicales qui y partagent leurs constats et en tirent des propositions. Il faut donc en finir avec l’idée d’une perpétuelle lutte des classes, bien commode pour ceux qui ne veulent pas bouger de leurs positions.

Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale de la CFE-CGC. Les cinq organisations présentes autour de cette table ont en commun de croire au dialogue social, ne serait-ce que parce que les chiffres démontrent que, dans les entreprises où il fonctionne bien, le niveau des grilles salariales est meilleur. On sait aussi que les accords de compétitivité aident certaines entreprises à affronter les difficultés économiques, ce qui doit tous nous inciter au pragmatisme.

Si la CFE-CGC n’a pas accepté le regroupement des IRP lors de la négociation, c’est que le statut du CHSCT ne s’y trouvait pas sécurisé. Dans la mesure où le projet de loi lui conserve son rôle, nous n’avons plus de raison de nous opposer à ce regroupement. Nous demandons toutefois qu’il soit doté d’un secrétaire adjoint afin de gérer un ordre du jour dont quatre des six séances annuelles seront consacrées aux conditions de travail.

Les seuils sont, à nos yeux, un faux problème, car les entreprises qui voient s’ouvrir de gros marchés n’auront pas d’états d’âme pour embaucher en s’accommodant du droit du travail.

L’annualisation et la mutualisation des heures de délégation sans perte de moyens ne nous semblent pas davantage poser problème. Nous serons cependant vigilants sur les décrets d’application et veillerons à ce qu’ils ne se traduisent pas par des pertes ou des gains de moyens pour les entreprises en fonction de leur taille.

Nous avons, en revanche, des exigences sur le nombre d’administrateurs salariés. Nous sommes d’accord avec le principe de simplification à l’œuvre dans ce projet de loi, qui abaisse de dix-sept à trois le nombre de consultations et regroupe les négociations en trois grands thèmes, mais cela ne peut se faire sans un véritable échange loyal en amont dans les instances de gouvernance. Dans cette optique et pour renforcer la responsabilité sociale de l’entreprise, les administrateurs salariés doivent être associés aux discussions sur la stratégie de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit abaissé à mille salariés le seuil au-delà duquel l’entreprise doit compter des administrateurs salariés.

Nous prenons acte de la mise en place de la mission Combrexelle sur l’inversion de la hiérarchie des normes. Il n’empêche que nous sommes les mieux à même de constater sur le terrain qu’elle entraîne un abaissement du seuil des garanties. Nous sommes attachés au maintien des négociations de branche, a fortiori lorsque celles-ci seront regroupées – trente-sept ont déjà été fermées, et il est envisagé de réduire leur nombre de sept cents à trois ou quatre cents, puis à cent cinquante –, et à la consolidation des conventions collectives : je rappelle que le modèle allemand, tant vanté, se caractérise par le poids dominant des conventions collectives de branche.

La question des suppléants est très importante à nos yeux. Ils renforcent la présence syndicale au niveau local et sont des relais d’information d’autant plus nécessaires que l’on réduit le nombre d’instances. En outre, la vocation syndicale débute souvent par la prise d’un mandat de suppléant.

Les intermittents adhérents à la CFE-CGC sont satisfaits de voir leur statut en quelque sorte sanctuarisé par la loi. Cela pose néanmoins la question de la responsabilité et de la marge de manœuvre des partenaires sociaux dans la négociation bisannuelle du régime d’assurance chômage et la réduction de son déficit. Gardons-nous de toute mesure qui pourrait faire jurisprudence, ou la CFE-CGC pourrait fort bien demander une même sanctuarisation pour les cadres !

Nous ne sommes pas, sur le principe, opposés au compte personnel d’activité, dont nous considérons qu’il nous fait entrer dans une dynamique de création d’un droit attaché au salarié, à l’instar du compte personnel de formation, du compte de pénibilité ou des droits rechargeables, qui participent de la même logique, dont nous pensons qu’elle peut contribuer à améliorer la mobilité professionnelle et donc l’emploi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mesdames, messieurs, il me reste à vous remercier pour votre participation à cette table ronde.

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La Commission des affaires sociales entend des représentants des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 2739) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Après avoir entendu les organisations représentatives des salariés, nous allons maintenant auditionner les organisations représentatives des employeurs autour du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargée des affaires sociales. Je commencerai par vous dire ce que pense la CGPME de l’article 1er du projet de loi, qui tend à créer des commissions paritaires interprofessionnelles au niveau régional. Notre organisation s’y est toujours opposée, parce que, dans nos entreprises, le dialogue est direct. Deux tiers des entreprises de moins de onze salariés ne comptent que cinq salariés. Par conséquent, quand on a quelque chose à dire au patron, il suffit de pousser sa porte, voire d’aller le trouver dans l’atelier. Institutionnaliser la démarche au travers de ces commissions va, à notre avis, détériorer ce dialogue direct.

Les salariés membres de ces commissions seront issus des TPE-PME. Pour une entreprise qui compte moins de cinq salariés, ce sera une personne de perdue, entre les réunions de cette commission et les cinq heures en plus du temps consacré à ces séances – sauf « circonstances exceptionnelles » dont on ne sait d’ailleurs pas grand-chose. Cela veut dire que la force de travail s’en va, que le chef d’entreprise ne peut pas l’en empêcher. De ce point de vue, nous n’avons rien à redire ; simplement, cela pose un problème d’organisation. Imaginez une entreprise dont le seul salarié serait membre d’une commission ! Le problème est donc énorme en termes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise.

Pour l’instant, ces commissions n’ont que deux missions : informer les salariés et les employeurs, et parler de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Pour ce qui est de l’information, nous pensons préférable de la laisser aux syndicats de salariés et aux branches. Quant à la GPEC, si c’est une bonne chose de s’intéresser à la formation et aux conditions de travail, là encore, les branches étaient en capacité de le faire, même si elles s’organisaient en filières.

Nous ne souhaiterions pas voir ajouter une mission de médiation, ou plutôt de conciliation. Si cette mission était inscrite dans la loi, le chef d’entreprise risquerait d’être contraint, par le médiateur ou le conciliateur, de donner des documents qu’il peut ne pas avoir envie de communiquer.

Il y a aussi une ambiguïté sur la composition du collège patronal. La répartition entre les trois organisations interprofessionnelles se ferait à l’aune de la représentativité régionale, sauf que, jusqu’à maintenant, personne ne l’a mesurée. Cela reste, pour la CGPME, un problème important de représentativité.

Nous avons aussi une difficulté avec le financement des cinq heures supplémentaires : le texte ne le prévoit pas et aucune ligne budgétaire correspondante n’existe au fonds de financement des organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés. Nous sommes donc dubitatifs et restons très opposés à cette partie du texte.

Les articles 13 et 14 entament une rationalisation des consultations et des négociations. C’est un petit pas sur lequel nous mettons quelques bémols. Le point le plus important pour la CGPME – aider les entreprises à passer de quarante-neuf à cinquante et un salariés – n’est pas traité. Le texte ne prévoit rien s’agissant des trente-quatre obligations liées au passage de ce seuil, qui doivent toujours figurer dans le rapport au comité d’entreprise (CE). Il ne traite pas non plus de la superposition de ces obligations avec celles prévues par la base de données économiques et sociales (BDES). Nous aurions aussi souhaité voir évoluer les choses sur ce point. On nous dit que cela relève du domaine réglementaire. C’est une manière de botter en touche s’agissant d’un élément essentiel pour permettre de faire grandir les entreprises.

La nouvelle délégation unique du personnel (DUP) est un petit pas qu’il faut relativiser. L’exposé des motifs énonce clairement que toutes les institutions, les compétences et les missions demeurent, que les moyens actuels des élus seront globalement préservés, et l’article L. 2326-4 en est la traduction. Il y aura peut-être moins de réunions, mais il ne s’agit que d’un petit allégement. Nous aurions souhaité que le texte aille plus loin.

D’autres dispositions ne vont pas forcément dans le sens de la simplification. Ainsi, à l’article 15, relatif à la négociation en l’absence de délégué syndical, avant de négocier avec un élu du personnel comme le prévoit actuellement le code du travail, l’employeur devra négocier en priorité avec un représentant élu du personnel mandaté par une organisation syndicale. Cette disposition nous semble alourdir et rigidifier le code du travail.

La CGPME n’oppose pas les très grandes entreprises aux plus petites – le tissu économique a besoin de toutes –, mais il faut comprendre qu’une entreprise de plus de 300 salariés ne se gère pas comme une plus petite. Si l’on peut imaginer laisser l’accord d’entreprise aux premières, pour les secondes, le niveau pertinent est celui de la négociation de branche.

Nous avons donc un regard extrêmement posé sur l’article 1er. Les autres articles constituent un tout petit pas dans le bon sens, mais je le répète, nous regrettons que le texte ne soit pas allé plus loin.

La partie du projet de loi concernant les intermittents du spectacle, avec son dispositif en trois temps, est d’une lourdeur extrême. D’abord, les confédérations définissent un document d’orientation, donnant notamment une trajectoire financière mais pas d’enveloppe fermée – ce qui, pour nous, était un point important. Ce document est ensuite envoyé aux représentants patronaux et salariaux des secteurs employant des salariés intermittents du spectacle, pour servir de base aux négociations. Après quoi, les confédérations interprofessionnelles se prononcent sur l’accord obtenu, l’approuvant en tout ou partie ou le repoussant. Dans ce cas, on renvoie à une négociation classique. Au moment où l’on parle de simplification, on aurait pu se passer d’une telle lourdeur !

J’en arrive au compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous ne voyons pas en quoi l’article 19 clarifie certaines obligations. Nous souhaiterions savoir ce que vous pensez introduire dans la loi pour assouplir ce dispositif, que nous avons beaucoup de mal à appliquer, que ce soit dans les grandes entreprises ou les TPE-PME, les chefs d’entreprise se refusant à devoir tracer tous les jours la durée d’exposition aux risques de leurs salariés. Cela reste un sujet extrêmement compliqué dans les entreprises que nous représentons.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Je dirai en préambule que nous aurions préféré un accord plutôt que de laisser la main au Gouvernement, comme le prévoit la loi de 2007.

Je n’ai pas la même analyse que Geneviève Roy sur l’article 1er, qui pose le principe d’une représentation universelle des salariés. La question de la représentation du personnel dans les petites entreprises n’est pas nouvelle. Elle est régulièrement posée depuis les lois Auroux, et encore au cours du quinquennat précédent.

Aujourd’hui, le Gouvernement propose de généraliser des dispositifs existants. Le plus ancien, dans le secteur de l’agriculture, est issu d’un accord paritaire avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en 1992. Un accord du même type est intervenu dans le secteur de l’artisanat en 2001. Plus récemment, les professions libérales sont également parvenues à mettre en place des commissions paritaires régionales. Je signale au passage que, dans le secteur de l’agriculture ou des professions libérales, il s’agit d’accords multiprofessionnels. Il y aura sans doute une rectification rédactionnelle à apporter.

Dans le document d’orientation que nous avons reçu en juillet 2014, la question des entreprises de onze à quarante-neuf salariés était abordée. Or ce sont aujourd’hui les grandes oubliées de la réforme.

Selon ce document d’orientation, des constats de carence sont faits dans les trois quarts des entreprises où la loi impose l’élection d’un délégué du personnel. Cette situation crée souvent de l’insécurité juridique. Il conviendrait d’augmenter le seuil d’élection d’un délégué du personnel à vingt-six salariés minimum, et de faire couvrir ceux des entreprises de moins de vingt-six salariés par les commissions paritaires existantes ou à créer.

Dès lors que la loi pose le principe d’une représentation via des commissions paritaires régionales, il nous semble indispensable de supprimer la disposition concernant les délégués de site, qui existe toujours dans le code du travail. Faute de quoi, il y aurait deux dispositifs concurrents. Dans la logique du choc de simplification, il conviendrait de ne conserver qu’un dispositif.

Par ailleurs, la loi va imposer que les représentants des salariés dans ces commissions soient issus des catégories d’entreprises de moins de onze salariés. L’UPA n’y est pas totalement hostile, mais nous considérons que dans un dialogue social, il faut parler de la même réalité. Or nous avons l’expérience des commissions régionales interprofessionnelles de l’artisanat (CPRIA) dans lesquelles, en vertu de l’accord de 2001 et de la charte de fonctionnement des CPRIA, les représentants des salariés doivent être issus de ces catégories d’entreprises. Depuis 2010, vingt-deux CPRIA ont été mises en place sur l’ensemble du territoire, et sur environ 200 représentants des salariés, ceux qui sont issus de nos catégories d’entreprises se comptent sur les doigts d’une main. Il ne faut pas laisser cette disposition en l’état sous peine de nous retrouver dans la même situation que celle que j’évoquais tout à l’heure à propos des délégués du personnel, c’est-à-dire avec un code du travail plus virtuel que praticable.

Je rejoins ce qu’a dit Geneviève Roy sur la composition des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), que j’appelle les « commissions paritaires régionales voitures-balais ». Les règles aujourd’hui applicables pour la représentativité patronale ne permettent pas d’identifier les entreprises de moins de onze salariés – ou vingt-six si vous décidiez de rehausser le seuil. C’est d’ailleurs une observation du Conseil d’État.

Nous estimons que la disposition relative aux intermittents du spectacle devrait être retirée du projet de loi. Outre la complexité du sujet, il n’y aura jamais d’accord entre les partenaires sociaux du secteur des intermittents. En outre, on rompt le principe fondamental de solidarité du régime d’assurance chômage, quels que soient le salarié et le secteur d’activité.

L’article 21 pose le principe du compte personnel d’activité. Alors que le compte personnel de prévention de la pénibilité nous pose déjà d’énormes soucis – et pas parce que nous sommes opposés à améliorer la prévention –, la proposition nous semble bien curieuse : la représentation nationale est invitée à voter un compte dont on ne connaît pas le contenu…

Il faut arrêter de créer des dispositifs sans avoir procédé au préalable à une expérimentation. Nous ne sommes pas contre par principe, mais une vraie concertation suivie d’une expérimentation montrant s’il est possible de généraliser le dispositif nous paraît être la démarche appropriée pour passer d’un droit virtuel à un droit praticable.

Pour terminer sur une note positive, je salue la création de la prime d’activité. Pour une fois, on n’ajoute pas un dispositif, on en fusionne deux et on simplifie. Cette prime d’activité devrait être élargie aux apprentis majeurs.

M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Je regrette l’échec de la longue négociation menée entre octobre 2014 et janvier 2015, d’autant que nous étions tout près du but. Les propositions du MEDEF dans cette négociation portaient le germe de réformes structurelles ambitieuses et structurantes pour les entreprises et le fonctionnement du dialogue social. L’objectif était simple : rebâtir sur le principe de la confiance le dialogue social, aujourd’hui enseveli sous un empilement de règles formelles, souvent redondantes ou incohérentes ; le réinventer pour en faire à la fois un facteur de compétitivité pour l’entreprise et de progrès social pour le salarié. Nous sommes convaincus que seule une réforme profonde des outils du dialogue social lui redonnera toute sa valeur et son efficacité.

Le projet de loi que vous allez examiner reprend quelques idées que nous avions portées dans la négociation, mais il lui manque l’essentiel : la vision d’une réforme d’ensemble. Alors que le système que nous avions élaboré aurait réglé la question pour bon nombre d’années, elle n’est aujourd’hui traitée que très partiellement.

Parmi les quelques reprises positives, je note le regroupement des consultations en trois temps forts, le regroupement de la négociation et la possibilité d’en négocier la temporalité, la possibilité d’organiser des réunions communes sur des sujets intéressant plusieurs instances, la réduction du nombre des réunions obligatoires et la meilleure articulation entre instances. Si cet apport de cohérence et de simplicité ne peut qu’être salué, malheureusement, il ne suffira pas pour abandonner le formalisme et les postures au profit de discussions structurantes pour l’entreprise.

Beaucoup d’autres dispositions du texte suscitent des réserves de notre part. Les dispositions relatives aux instances de représentation du personnel, bien qu’étant source de simplification, restent très éloignées de l’instance unique qui est, selon nous, le seul outil qui permette de repenser en profondeur la mission de représentation du personnel dans l’entreprise.

La délégation unique du personnel ne manque pas de susciter des interrogations. D’abord, pourquoi le seuil est-il relevé à 300 salariés ? Sachant que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) vont franchir ce seuil dans leur pleine période de croissance, cela n’a aucun sens. Quitte à fixer un seuil, autant le faire au moins à 1 000 salariés, pour que cette simplification bénéficie vraiment à notre pays qui en a tant besoin. Ayons conscience que l’existence de trois instances est une spécificité française qui n’est pas de nature à améliorer l’attractivité de notre pays. On aura beau simplifier, en les maintenant toutes trois, on conserve toute l’absurdité du système vis-à-vis du reste du monde ainsi que sa fragilité.

Ensuite, deux aspects de la possibilité de fusion par accord nous étonnent. Pourquoi n’ouvrir cette faculté qu’au-delà de 300 salariés ? C’est tout le charme de notre droit du travail que de fixer des obligations et de refuser la confiance aux dirigeants et aux salariés pour élaborer ensemble les outils les plus adaptés au bon fonctionnement de l’entreprise.

Une remarque, au passage, sur la consultation des instances représentatives du personnel (IRP). Au prétexte de la simplification, on rajoute un nouveau thème de négociation sur un périmètre plus large qu’auparavant, concernant l’articulation entre vie personnelle et professionnelle ; on inclut également la notion de lutte contre les discriminations en matière de recrutement, ce qui est également un nouveau domaine.

S’agissant de la négociation en l’absence de délégué syndical, nous ne comprenons pas la tutelle qui est imposée. Loin de nous l’idée de remettre en cause le monopole de négociation des syndicats lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise. Mais lorsqu’ils sont absents, la négociation n’a de sens que si elle a lieu dans l’entreprise. Nous ne voyons pas à quel titre ce mandatement et cette tutelle auraient leur place dans une réforme.

Les commissions paritaires régionales figuraient dans le projet d’accord porté par le MEDEF dans le cadre d’une réforme d’ampleur, complète et systémique, qui apportait des réponses d’avenir. Nous ne voyons pas ce qu’elles viennent faire aujourd’hui, dans ce texte partiel qui traite des sujets regardant les entreprises de plus de cinquante salariés. Faisons confiance aux territoires. L’UPA a montré que certains secteurs ont été capables de s’organiser. Et cessons de fixer de nouvelles obligations quand on ne traite pas un sujet dans son ensemble.

S’agissant de la représentativité patronale, la loi du 5 mars 2014 est inachevée. En fixant des règles différentes dans les différents domaines d’intervention du dialogue social
– création de normes, répartition des sièges, partage des subventions – elle pose de nombreux problèmes, crée un système bancal et instable.

En ce qui concerne le régime des intermittents du spectacle, nous sommes très inquiets de la sanctuarisation des annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage, qui constitue une brèche dans la négociation paritaire interprofessionnelle et dans la gestion du régime d’assurance chômage. Il eût été tout à fait possible d’organiser, comme on le fait avec les autres secteurs, en marge des négociations, des discussions avec les organisations sectorielles. Une fois qu’on a accepté un régime dérogatoire pour quelqu’un, à quel titre pourrait-on le refuser à un autre ?

Enfin, nous déplorons l’intervention de l’État, via un comité d’experts, dans un processus de négociation strictement paritaire.

Quant à la sécurisation des parcours professionnels, le MEDEF est prêt à en discuter, mais il réclame plus de détails et, surtout, que ce dispositif s’articule correctement avec la problématique de flexisécurité et l’ensemble de la réflexion sur la flexibilisation du marché du travail.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler les enjeux du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Le premier est le règlement de la question de la représentation de l’ensemble des salariés dans ce pays, qui existe depuis longtemps. La mise en place de commissions paritaires régionales nous semble être une avancée significative.

Le deuxième enjeu est la reconnaissance des parcours syndicaux, puis l’efficacité des instances représentatives du personnel (IRP), grâce, notamment, au dispositif de la DUP. J’ai bien entendu que vous considériez celle-ci comme un pas, quoique insuffisant. Je pense, pour ma part, qu’il s’agit d’une avancée intéressante.

Au-delà du dialogue social, d’autres éléments méritent d’être soulignés. Je pense notamment à la question des intermittents, qui figure dans ce texte parce qu’elle n’a jamais été traitée comme les autres, alors que la problématique revient très régulièrement.

La prime d’activité est un élément qui permet de sortir d’une stigmatisation extrêmement préjudiciable aux bénéficiaires des dispositifs existants. Elle constitue un accompagnement à la reprise d’une activité, ainsi qu’un accompagnement à une véritable activité salariée. Elle s’adresse à des gens qui travaillent, dont le contrat et le nombre d’heures effectuées ne leur permettent pas de percevoir un revenu suffisant pour vivre dignement.

M. Burban a souligné la composition des commissions régionales. J’ai bien entendu son interrogation sur la représentation, mais nous sommes face à un dilemme entre la nécessité d’avoir dans ces commissions des salariés issus des entreprises en question et les difficultés que cela risque de poser dans les très petites structures, et dont s’est inquiétée Mme Roy. Toutefois, il faut ramener ce problème à sa juste proportion : dans les grandes régions, dix salariés, cela correspond « seulement » à dix entreprises qui peuvent être touchées. Comment trouver le bon équilibre entre la représentation effective des salariés dont on parle et le complément, que suggère M. Burban, par les organisations représentatives ? Quelle pourrait être votre approche sur ce sujet ?

S’agissant des missions de ces commissions, j’ai entendu vos réticences sur la question de la médiation ou de la conciliation, en particulier au regard de son éventuel côté intrusif. Êtes-vous totalement fermé à cette disposition ? Dans le cadre du paritarisme, n’y aurait-il pas, dans des cas de conflit, un accompagnement à imaginer, une forme de représentation conjointe des employeurs et des salariés desdites commissions ? Voyez-vous une piste sur laquelle nous pourrions travailler ?

En matière de DUP, la demande des organisations représentatives de salariés est forte en faveur de l’annualisation et de la mutualisation des heures ainsi que sur le traitement des suppléants. Avez-vous une position sur ces demandes ?

En ce qui concerne la représentativité, le texte évoque une phase transitoire jusqu’en 2021. Il conviendrait de la mettre à profit pour réfléchir à un meilleur encadrement, sachant que la représentativité des salariés est couverte par un texte tandis que celle des employeurs souffre d’un problème de délais.

M. Michel Liebgott. À vous entendre après les organisations syndicales, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde. Alors que nous nous interrogions tout à l’heure sur la médiation, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le mandatement, la base de données économiques et sociales (BDES) ou les administrateurs salariés, en cet instant, j’ai plutôt un sentiment d’échec et l’impression qu’il faudrait revoir notre droit social de fond en comble. Pourtant, aujourd’hui, 36 517 accords d’entreprise et 951 accords de branches professionnelles ont été conclus dans notre pays ; des textes sur la sécurisation de l’emploi ont été adoptés, qui peuvent satisfaire et les organisations patronales et certaines organisations syndicales. Il en est de même pour la formation professionnelle.

J’ai néanmoins entendu des choses positives. Les CPRIA fonctionnent, en effet, depuis un certain nombre d’années, ce qui rend quelque peu curieuses les précautions invoquées pour les commissions paritaires régionales. Puisqu’elles fonctionnent à la fois dans l’artisanat, dans le monde agricole et auprès des professions libérales, pourquoi ne pourrait-il en aller de même dans d’autres branches ?

J’ai aussi noté que vous étiez plutôt favorables à la prime d’activité. J’espère seulement qu’elle ne constituera pas un effet d’aubaine pour les entreprises, qui pourraient y voir un complément de salaire alors qu’elle vise à donner un supplément de pouvoir d’achat à des salariés modestes. C’est, me semble-t-il, ce que pourraient penser des syndicats qui se battront plutôt sur le montant du salaire.

Si je devais faire une comparaison avec les pays voisins, nous avons encore des progrès à faire. En Suède, par exemple, 55 % des salariés sont syndiqués, la couverture conventionnelle est de 65 % et il y a un vrai débat. Je pourrais parler de la même façon de l’Allemagne, car ce sont des pays dont la productivité est très bonne, avec un tissu d’entreprises, notamment moyennes, particulièrement dynamique. En Allemagne, dès cinq salariés, il est possible de constituer l’équivalent d’un comité d’entreprise. Cette cogestion n’est pas en soi un obstacle, bien au contraire.

Les résultats des enquêtes d’opinion sont inquiétants en ce qu’ils montrent que les négociations salariales ne constituent pas un gage de performance pour la société, et en particulier pour les entreprises. Nous pensons le contraire. Selon plusieurs études, une bonne ambiance sociale dans l’entreprise produit des effets sur la productivité et la réussite.

Vous n’avez pas évoqué le parcours de délégué syndical. Aujourd’hui, 11 % d’entre eux reconnaissent que cette fonction a été un frein, voire une source de discrimination. Signe plus inquiétant encore du mauvais état des relations sociales dans notre pays, 50 % des salariés considèrent qu’être délégué syndical peut être un handicap sur le plan personnel alors que ce devrait être, au contraire, un plus. Le texte s’intéresse à cette question, entre autres.

Nous sommes tous d’accord pour ne pas opposer les grandes entreprises aux petites. C’est bien, d’ailleurs, l’objectif poursuivi par le texte puisqu’il concerne directement 4,6 millions de personnes qui étaient jusqu’à présent totalement à l’écart. Moi qui suis un élu du bassin sidérurgique et qui ai connu le conflit ArcelorMittal, je peux vous dire que c’est toujours plus facile de s’en sortir quand on est dans une grande entreprise que quand on est dans une petite entreprise, qu’on en soit à la tête ou salarié : les moyens de l’entreprise sont moindres et les salariés sont moins représentés.

M. Gérard Cherpion. Je n’ai pas entendu la même chose que mon collègue Liebgott. Il y a, certes, des points de divergence avec les salariés, mais on ne peut imputer l’échec de la négociation en totalité à l’une ou l’autre partie. Il s’agit plutôt d’une absence de convergence. Dans vos rangs mêmes, d’ailleurs, vous avez des visions différentes du projet de loi.

La représentativité des TPE peut certes poser problème pour les plus petites d’entre elles, mais il s’agit de 130 personnes pour la France entière. Ne peut-on gommer cette difficulté en introduisant une représentativité partiellement d’origine nationale ou en jouant sur les seuils en poussant jusqu’à cinquante salariés ?

À propos de seuils, monsieur Burban, vous avez proposé de fixer celui du déclenchement de l’élection des délégués du personnel (DP) à vingt-six. Pourquoi ce chiffre ? Pour ce qui est de la DUP, je suis persuadé qu’il faut aller bien au-delà des 300, pour simplifier la mise en place de ces instances.

J’aimerais également avoir votre avis sur la négociation en l’absence de délégué syndical. Passe-t-on obligatoirement par un mandatement ou peut-elle se faire directement dans l’entreprise ?

M. Saubot a abordé rapidement le problème de la représentativité patronale, mais quid de la pondération, qui peut être diversement opérée ? Faut-il pondérer par le nombre de salariés ? Êtes-vous d’accord sur un type de pondération ?

Quant aux intermittents du spectacle, on est en train de créer un système spécifique, alors qu’il suffirait sans doute d’appliquer la loi de mars 2014.

M. Francis Vercamer. Le document d’orientation transmis aux organisations représentatives par le ministre faisait un constat critique de l’effet de seuil sur la qualité et l’efficacité du dialogue social. À vous entendre, je n’ai pas l’impression que le projet de loi aille dans le sens de la simplification et de la baisse du « nombre conséquent de règles et d’obligations » indiquées dans ledit document. Il suffit de lire l’article 21…

L’UDI a toujours combattu, non pas les seuils, mais les effets de seuil qui sont un problème dans le code du travail. Si les entreprises de quarante-neuf salariés sont deux fois et demie supérieures en nombre à celles de cinquante, c’est bien que les seuils constituent un frein à l’embauche, même si les organisations syndicales n’ont pas voulu le reconnaître tout à l’heure. Je ne suis pas sûr que la délégation unique du personnel suffise à gommer cet effet.

Cette DUP aura-t-elle un effet induit sur la santé dans l’entreprise ? Pour être, depuis plusieurs années, rapporteur pour avis du budget du travail, je puis vous assurer que la santé au travail est un problème crucial dont se soucie l’ensemble des organisations syndicales et patronales. En diluant le CHSCT dans une délégation unique ne risque-t-on pas de diluer en même temps la question du risque au travail, notamment en matière de santé ? Je n’ai pas posé volontairement cette question aux salariés ; je la pose aux employeurs pour avoir leur avis.

Les commissions régionales paritaires n’auront-elles pas un effet contraire au but recherché en paralysant le dialogue dans les TPE, qui est souvent direct entre l’employeur et le salarié ? Dans les TPE, en général, le besoin d’un délégué du personnel ou d’organisations syndicales se fait moins sentir. Pour ma part, je pencherais pour aller plus loin que la proposition de M. Burban de porter le seuil, non pas jusqu’à vingt-six, mais jusqu’à quarante-neuf pour tenir compte du fait qu’aujourd’hui, un certain nombre d’entreprises n’ont pas de délégué du personnel ou ne satisfont pas à la loi en matière de représentation syndicale.

Pour ce qui est de l’article 21, si vous avez aimé la mise en place du compte pénibilité, vous allez adorer celle du compte personnel d’activité ! La méthode est assez particulière puisqu’il est déjà inscrit dans la loi alors que les partenaires sociaux n’y ont même pas travaillé, ce qui est contraire au code du travail. Alors même que le compte pénibilité n’est pas vraiment mis en place dans l’entreprise, comment voyez-vous le compte personnel d’activité ? Peut-on considérer qu’il vient remédier à l’échec du compte pénibilité ? Constitue-t-il un pis-aller ou une avancée sociale ? Ce dispositif n’entraînera-t-il pas des contraintes supplémentaires, en contradiction précisément avec l’objectif avancé dans le document d’orientation dont je parlais plus haut ?

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai le même sentiment que Michel Liebgott. Tout à l’heure, le représentant de la CFTC disait que salariés et employeurs avaient les mêmes objectifs et que les différences n’étaient qu’idéologiques. Pour ma part, je constate qu’il y a aussi quelques réalités concrètes qui les opposent. Qu’il s’agisse des commissions régionales paritaires, des DUP élargies, des intermittents, on voit bien que les organisations patronales contestent fortement le contenu du projet de loi.

J’avais la même question que Christophe Sirugue a posée concernant l’annualisation et la mutualisation des heures. J’aimerais connaître l’avis des organisations patronales sur ce point.

J’aimerais également savoir ce qu’elles pensent de la question des CHSCT que M. Vercamer a soulevée. Toutes les organisations syndicales s’inquiètent, voire refusent, que les CHSCT soient dilués, et donc, perdent leur rôle spécifique en matière de santé et de conditions de travail.

Enfin, les représentants des salariés dans les commissions régionales paritaires ne peuvent pas aujourd’hui pénétrer au sein de l’entreprise de manière systématique, ce qui paraît contradictoire avec la possibilité d’assumer leur rôle. Les organisations patronales seraient-elles d’accord pour que le texte revienne sur cette situation anachronique, en permettant à tout représentant des salariés de pénétrer, si nécessaire, dans l’entreprise ?

M. Christophe Premat. J’ai du mal à comprendre pourquoi vos organisations appréhendent le compte personnel d’activité en termes de contraintes. Vous ne visualisez pas l’ensemble du projet de loi qui vise à améliorer la représentativité des salariés et qui permettrait de négocier l’expérience professionnelle et la validation des acquis professionnels.

Je représente des Français résidant dans des pays d’Europe du Nord. Sans vouloir faire de transposition, il y a au Danemark une convention qui fonctionne mieux entre les partenaires sociaux et une meilleure régulation sociale parce qu’il y a une meilleure représentativité des salariés. L’individu y est vu par les chefs d’entreprise davantage comme une ressource que comme un problème.

J’aimerais entendre les solutions que vous pourriez préconiser. Comment avoir un meilleur dialogue social, avec une représentativité syndicale sérieuse, pour mettre en œuvre ce compte personnel d’activité ? Vous en reprochez l’absence de contenu, mais c’est à partir du cadre défini par la loi que le dialogue social pourra préciser ce contenu. C’est une question de méthode. Dans les pays du Nord, le marché est aussi difficile qu’ici, mais les problèmes de santé au travail sont davantage anticipés par une meilleure sécurisation des parcours professionnels. Dès lors, ce n’est plus la valeur emploi, c’est la valeur individu qui devient le centre du dialogue social.

M. Régis Juanico. Améliorer la qualité et l’efficacité du dialogue social, et simplifier la vie des entreprises tout en préservant les droits des salariés, tel est le pari collectif que nous devons tenir. Les avis divergents des organisations que nous auditionnons ce matin ainsi que l’échec de la négociation sociale le montrent : ce sont des logiques difficiles à concilier.

La représentativité des salariés des très petites entreprises est une question à laquelle nous réfléchissons depuis longtemps, majorité comme opposition, dans diverses commissions. Je ne rejoins pas le point de vue de la CGPME sur le fait qu’il suffit, dans une très petite entreprise, de pousser la porte du chef d’entreprise pour discuter. Je sais bien que le formalisme n’est pas tout, mais le dialogue social obéit à un certain nombre de règles. On ne peut pas rester dans l’informel. Le système existant n’est peut-être pas parfait, mais il a le mérite d’avoir été expérimenté.

S’agissant des commissions paritaires régionales, nous verrons si ce niveau est adapté, si les instances vont pouvoir fonctionner et être efficaces dans la durée. Mais au moins, essayons, expérimentons ! Je défends cette façon de faire depuis longtemps : avant de généraliser un dispositif, il faut l’expérimenter sur les territoires.

Il faut aussi cesser de vouloir détricoter les dispositifs sociaux à peine sont-ils adoptés par le Parlement. Je pense notamment aux dispositifs de reprise et d’information préalable des salariés de la loi Hamon, car je constate que la CGPME revient systématiquement à la charge sur ce point. Nous pouvons, pour appliquer la loi sur le terrain, trouver les voies et moyens de la simplification. Dire que les chefs d’entreprise rencontrent des difficultés s’agissant du compte pénibilité, alors que c’est au mois de juin que la question va se poser, me semble exagéré.

Essayons ensemble de faire en sorte que ces dispositifs soient applicables sur le terrain, autrement dit de les faire simples et efficaces.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur Saubot, j’ai le sentiment que vous opposez formalisme et confiance. Or, dans les grandes entreprises comme dans les petites, un cadre de discussion et de négociation peut être efficace sans forcément nuire à la confiance. Si, dans certaines entreprises, on peut facilement pousser la porte du patron, certains sujets délicats, comme la rémunération, la formation, la sécurité ou la santé, ne peuvent pas être abordés de manière informelle. On sait bien que, dans les petites entreprises surtout, le patron a « le nez dans le guidon » et n’a pas toujours le temps de penser à ces questions.

Mme Roy craint que l’élargissement des missions des commissions régionales paritaires à la médiation ou la conciliation n’oblige l’employeur à transmettre des documents. J’entends bien qu’on ne peut pas, lorsqu’on gère une entreprise, avoir une stratégie totalement transparente, mais la confiance se nourrit à la fois du dialogue et de la transparence.

M. Alexandre Saubot, chef de file MEDEF sur le dialogue social. Ce qui ressort de vos questions montre le bien-fondé de mes propos sur la confiance. Quel pas en avant nous ferions si, lorsque les employeurs et les salariés sont d’accord, on les laissait décider de la meilleure façon de procéder, sans chercher à inscrire dans la loi le détail de toutes les obligations, sous-obligations et contraintes !

S’agissant des membres des commissions, ils ne doivent être nommés que par les organisations interprofessionnelles. Sinon, on multiplie le nombre de salariés représentés. Je ne peux que recommander d’inscrire dans le texte « notamment » issus des TPE. Il doit s’agir d’une incitation, en aucun cas d’une obligation, de façon à donner une orientation tout en respectant le choix des organisations.

La mutualisation et l’annualisation des heures dans le cadre de la DUP ont été évoquées dans la négociation comme une réponse à l’instance unique et à ses éventuelles conséquences sur la diminution des moyens. S’il n’y a plus d’instance unique, il n’y a plus de diminution des moyens. Donc, ce sujet n’a absolument rien à faire dans la loi, si ce n’est d’augmenter encore les charges, les coûts et les contraintes pour les entreprises, que ce soit en termes de montants ou de gestion.

Nous n’avons aucun tabou au MEDEF et nous sommes prêts à discuter de tout, y compris de cogestion. Or, dans tous les pays qui pratiquent une forme de cogestion, il y a une instance unique et la création de normes se fait, non pas au niveau national, mais dans l’entreprise ou dans la branche. En Allemagne, il n’y a aucune obligation de négociation et le temps de travail peut être négocié dans l’entreprise ou dans la branche. Je ne suis pas sûr que ce soit de ce type de cogestion qu’on parle.

Oui, il faut augmenter le seuil de 300 salariés. Oui, il faut tout faire pour faciliter la négociation dans l’entreprise : quand les syndicats sont là, ils assument leur rôle naturel de négociation ; quand ils ne sont pas là, pour que la négociation fonctionne, il faut qu’elle reste dans l’entreprise.

Quant à la représentativité, c’est le fondement du dialogue social. Comment ne pas tenir compte du nombre de salariés ? Comment expliquer, dans une négociation, qu’un auto-entrepreneur ou une TPE de deux personnes a le même poids qu’un grand groupe de 150 000 salariés ? Cela n’a aucun sens. Il faut pondérer, sauf à manquer de cohérence.

En ce qui concerne le CHSCT, je ne partage pas le raisonnement de Mme Fraysse. Ce n’est pas parce qu’il y a une instance que le dialogue est meilleur, c’est parce que les sujets sont traités. Ou alors il faut dire que, dans tous les pays où il n’y a pas de CHSCT, les salariés sont mal protégés. Je ne pense pas que ce soit l’avis des Danois, des Suédois ou des Allemands, qui sont des salariés très bien protégés bien qu’ils n’aient pas de CHSCT. Arrêtons de raisonner par structures, c’est ce qui affaiblit le pays. On cache le corporatisme derrière l’intérêt général.

Pour en revenir à la confiance, je reconnais la nécessité des règles, mais quand elles entrent trop dans le détail sans qu’on puisse y déroger, on crée les conditions pour qu’un accord n’aboutisse pas. Je pourrais donner de nombreux exemples d’accords entre salariés et employeurs rendus impossibles par le niveau de détail imposé par la loi. Qu’apporte de réunir le CE le matin, le CHSCT l’après-midi et les délégués du personnel le lendemain matin ? Ce sont trois réunions avec les mêmes personnes pour 80 % d’entre elles, 80 % de sujets identiques, et au cours desquelles on répète trois fois la même chose. Donnons aux chefs d’entreprise la possibilité de tout faire en une seule fois si tout le monde est d’accord. Sur de nombreux sujets, on fixe de multiples obligations qui n’ont aucun sens. Ce que la loi doit fixer, ce sont les principes. Aujourd’hui, le code du travail a atteint un niveau de sédimentation de détail, de formalisme et d’obligations qui est destructeur pour le dialogue social et la confiance.

Quant à donner le droit aux représentants des salariés d’entrer dans l’entreprise, que je sache, personne n’entre comme cela chez Airbus. À quel titre les artisans adhérents à l’UPA, la PME de sept personnes verraient-ils une catégorie nouvelle de gens rentrer chez eux ? Ces entreprises ne sont pas des zones de non-droit ou de sous-droit. Quand vous interrogez les salariés, ce sont ceux des TPE qui font le plus confiance à leur patron et qui déclarent être bien dans leur boîte. Pour être honnête, je ne comprends même pas votre demande.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Les salariés ne sont pas des problèmes pour les entreprises ; ils sont leur richesse.

Par ailleurs, c’est une évidence qu’il est plus difficile de dialoguer directement avec le patron dans une grande entreprise que dans une petite. Mais ce n’est pas le chef d’une entreprise du CAC 40 qui gère le personnel et les complexités du droit du travail. Le droit du travail issu des années 70-80 est très complexe, car on imaginait à l’époque que l’avenir, c’étaient les grands groupes. On voit aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Nos amis syndicalistes salariés se plaignent de ne pas pouvoir recruter d’adhérents dans nos entreprises, mais ils ont laissé le terrain en jachère, pensant de la même façon que tous les bons économistes. Or les deux chocs pétroliers ont inversé la tendance, et les grands groupes sont en train de fondre en termes d’effectifs salariés, en particulier dans l’hexagone. Même s’il faut mettre un bémol en cette période de crise, la création d’emploi se fait dans les petites et très petites entreprises.

Nous avons l’expérience des CPRIA et, sans penser détenir la vérité, nous estimons que c’est le meilleur moyen. Il ne faut pas faire peur. Trop souvent, en droit, on veut construire des palais, alors qu’il faudrait commencer par construire des maisons. Le système dont nous avons pris l’initiative fonctionne bien et se développe. Restons pragmatiques : apprenons déjà aux représentants des petites entreprises à dialoguer avec les représentants des salariés, et on fera œuvre utile. Le dialogue social n’est en rien contrarié dans ces catégories d’entreprises. D’ailleurs, dans le préambule de l’accord du 12 décembre 2001, ce dialogue est qualifié de direct. Et très souvent, les salariés ne veulent pas d’intermédiaire. Dans certaines entreprises de plus de onze salariés où le DP est obligatoire, ils disent même élire ce délégué comme si c’était celui de l’employeur, préférant discuter avec le patron en cas de problème personnel ou de rémunération. Le dispositif est adapté, il organise un nécessaire dialogue complémentaire de ce dialogue naturel pour tout ce qui touche aux questions de formation et de conditions de travail.

Le monde économique n’est pas celui des Bisounours. Les TPE sont confrontées à la concurrence et aux difficultés de recrutement malgré un chômage très important. Aujourd’hui, il faut offrir aux salariés un environnement, sinon identique à celui qu’ils trouveraient dans les grandes entreprises, au moins similaire. Le dialogue direct et la hiérarchie moins lourde sont des atouts pour les petites entreprises. Et, à travers ces commissions paritaires, nous avons mis en place des dispositifs d’activités sociales et culturelles, qui permettent d’améliorer l’attractivité des postes que ces catégories d’entreprises peuvent offrir.

Pourquoi n’élever le seuil qu’à vingt-six salariés et pas à quarante-neuf ? Nous serions tout à fait d’accord pour aller jusqu’à quarante-neuf, mais nous vivons dans un pays de symboles et on pourrait nous reprocher de vouloir supprimer les DP – en tout état de cause, compte tenu des constats de carence, on n’enlèverait pas grand-chose. Il est vrai qu’en portant le seuil à vingt-six, on en créerait un nouveau. Pas tant que cela en réalité, puisque de vingt-six à quarante-neuf salariés, ce sont deux délégués du personnel que l’on élit.

S’agissant du passage de quarante-neuf à cinquante salariés, je vous demande de raisonner de manière pragmatique. Alors qu’à quarante-neuf personnes, il faut deux délégués du personnel, dès qu’on franchit le seuil de cinquante, c’est le grand soir ! De deux délégués du personnel, on passe à huit, mais on doit aussi élire un CHSCT, un CE, voire un délégué syndical. Je ne parle pas là par idéologie. Aujourd’hui, plus l’entreprise est petite, plus elle doit faire d’efforts par rapport à une grande entreprise. Il faut donc s’interroger, sachant que beaucoup d’entreprises de cinquante salariés ne sont pas dans les clous du code du travail.

Pour ce qui est de laisser les représentants entrer dans l’entreprise, cela reviendrait à leur reconnaître la faculté d’y dicter leur loi. Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, mais bien, comme l’a dit Alexandre Saubot, en instaurant un dialogue basé sur la confiance entre représentants des entreprises et représentants des salariés. Il faut y aller de manière pragmatique et dans un esprit constructif. Chaque année, nous réunissons l’ensemble des représentants salariés et patronaux des CPRIA et nous faisons le bilan. À voir le dernier en date, le système fonctionne, il est constructif et les idées n’y manquent pas.

S’agissant de la composition des commissions, pourquoi imposer par la loi que les représentants des organisations syndicales de salariés soient issus obligatoirement des entreprises de moins de onze salariés ? Une solution pratique serait d’augmenter le seuil. Certes, il est plus facile de laisser partir un salarié dans une entreprise qui en compte quarante-neuf que lorsqu’on n’en a qu’un. Mais je pense qu’il faut aussi laisser la responsabilité aux organisations syndicales de salariés. On ne peut pas dire qu’il y aura une influence de l’employeur puisque ce sont les confédérations syndicales qui vont désigner les représentants. Ce sera à elles de les choisir dans ces catégories d’entreprises, ce qui évitera le blocage du système qui arrivera nécessairement si l’obligation est faite par la loi.

J’aurai un avis plus nuancé sur la représentativité patronale, à propos de laquelle la loi du 5 mars 2014 a fait l’objet de nombreux débats. Il me semblait que l’on tenait compte du nombre de salariés, et l’UPA estime que c’est totalement légitime. Faut-il revoir cette loi alors qu’elle n’est pas appliquée ? La procédure va s’enclencher à partir de 2017, à la proclamation des résultats sur la base des cotisants 2015. C’est donc aujourd’hui que tout se joue. Revenir sur cette loi, pourquoi pas s’il le faut, mais il faudrait peut-être lui laisser le temps de s’appliquer.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). À vous écouter, toutes les entreprises de moins de onze salariés seraient dans l’irrespect de la loi et dans la non-représentation, en quelque sorte des zones de non-droit. Je suis chef d’une entreprise de moins de onze salariés, je peux vous dire que le droit s’y applique comme dans les autres entreprises – les PV de carence sont bien la preuve qu’elles respectent la loi. Il est vrai qu’elles ne se gèrent pas comme les très grandes entreprises et que les règles doivent être différentes. Alors que le dialogue direct fonctionne bien dans les petites entreprises, l’institutionnaliser y mettra un frein.

Les chefs d’entreprise des TPE-PME sont des créateurs d’emplois. Il faut cesser d’alourdir la réglementation qui est suffisamment contraignante, et pas seulement en droit social. Même en considérant que la loi touchera seulement 130 entreprises, ces commissions seront probablement perçues par les chefs d’entreprise comme un frein. Je n’ai moi-même aucun souci avec la transparence, mais je ne suis pas toujours capable d’expliquer les décisions que je prends en amont, car j’ai une vision intuitive de mon entreprise. Je ne veux pas qu’on me reproche cette incapacité à expliquer, car c’est moi qui porte le risque financier. Je n’ai pas d’actionnaires, et si je me casse la figure, je serai toute seule. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas être transparente. Je dialogue avec mes salariés, je les écoute. Quand ils ont un problème, ils viennent me voir. Dans une entreprise de moins de onze salariés, on est capable de parler de tout, y compris des augmentations de salaire. Je ne connais pas un salarié souhaitant une augmentation qui n’aille pas frapper à la porte de son employeur, que ce soit celle du chef d’entreprise lui-même ou celle du directeur des ressources humaines.

Le compte personnel d’activité va chapeauter principalement deux comptes. D’une part, le compte de prévention de la pénibilité, qui n’est pas encore mis en place. Il n’est pas tout à fait vrai, monsieur Juanico, que les entreprises n’auront pas à s’en soucier avant l’année prochaine. Elles doivent tracer le risque dès le 1er janvier pour être en mesure de le déclarer, même si ce n’est que l’année prochaine. Le compte personnel d’activité couvrira, d’autre part, le compte personnel de formation, dont on connaît les difficultés d’application. Là encore, nous avons du boulot pour que ce dispositif fonctionne.

J’ai cru comprendre que le compte épargne-temps (CET) serait également visé, ce qui m’incite à soulever un problème peu abordé. Quand un salarié quittera son emploi, il emportera dans sa besace son compte pénibilité, son compte formation et son compte épargne-temps. Je me demande si cette portabilité des droits ne présente pas un risque. Aujourd’hui, le salarié qui quitte l’entreprise est invité par son employeur à liquider son CET avant de partir. Si désormais il l’emporte avec lui, ne risque-t-il pas de rencontrer des difficultés de recrutement ? Les employeurs sont portés à croire qu’une personne d’une cinquantaine d’années a forcément pas mal de choses dans sa besace, ce qui peut constituer un frein au recrutement. Du reste, les partenaires sociaux devraient ouvrir une réflexion pour savoir qui va financer tous les droits portables. L’idée est certes séduisante, mais il faudra veiller à ce qu’elle ne se transforme pas, dans la pratique, en équivalent du RSI pour les salariés.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame, messieurs, je vous remercie de votre participation à nos travaux.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 mai 2015 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Henri Guaino, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Lucette Lousteau, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Stéphane Claireaux, M. Philip Cordery, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Luc Belot, M. Alain Fauré, M. Jean-Patrick Gille, M. Régis Juanico, Mme Colette Langlade, Mme Christine Pires Beaune, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Christophe Premat, M. François Vannson