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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 11 mars 2015

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen de la proposition de loi organique de M. Jean-Paul Chanteguet et Mme Geneviève Gaillard et plusieurs de leurs collègues relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 2055 rectifié) (Mme Anne Yvonne Le Dain, rapporteure)

– Examen de la proposition de loi de MM. Bruno Leroux, Dominique Potier et plusieurs de leurs collègues relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 2578) (M. Dominique Potier, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 10 h 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l’examen de la proposition de loi organique de M. Jean-Paul Chanteguet et Mme Geneviève Gaillard et plusieurs de leurs collègues relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 2055 rectifié) (Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure).

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure. À l’origine, la nomination en conseil des ministres du président de la future Agence française pour la biodiversité n’était pas prévue dans le projet de loi relatif à la biodiversité, mais la rapporteure de ce projet de loi a souhaité, et nous en sommes tous convenus, que cette nomination soit effectuée par le président de la République, ce qui donnera plus d’importance et de rayonnement à l’Agence.

La proposition de loi organique dont notre Commission est saisie au fond complète ainsi le projet de loi relatif à la biodiversité, qui sera discuté en séance la semaine prochaine –je vous invite tous à vous joindre au débat sur cette loi essentielle et fondatrice. Nous devons cette proposition de loi organique à l’initiative de la rapporteure du projet de loi et de plusieurs de nos collègues du groupe SRC, dont M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du Développement durable.

Le texte tend à ajouter la future Agence française pour la biodiversité à la liste des organismes dont les dirigeants font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires avant leur nomination par le président de la République.

Je rappelle que, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit que, pour les fonctions suffisamment importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l’État s’exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination peut être bloquée à condition d’être refusée par une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les commissions des deux assemblées.

Notre Commission a maintenant l’habitude des modifications apportées à la liste des fonctions concernées par cette procédure, liste qui figure dans une loi organique du 23 juillet 2010. Y ont été ajoutés, en décembre 2012, le directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure « de tête » de la Banque publique d’investissement, puis, en octobre 2013, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. En novembre 2013, la réforme de l’audiovisuel public a conduit à supprimer de cette liste les présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Je rappelle en revanche que le Conseil constitutionnel a censuré l’ajout du président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), au motif que « cette fonction n’entre pas dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution ». J’avais moi-même, en tant que rapporteure de la commission des Lois sur le projet de loi organique, émis des doutes quant à la constitutionnalité de l’application à l’INA de l’article 13 de la Constitution, compte tenu des missions confiées à cet organisme. Enfin, en août 2014, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire en ajoutant les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles soumises à l’avis public des commissions parlementaires préalablement aux nominations par le président de la République.

Quant au cas qui nous occupe aujourd’hui, je le répète, dans sa rédaction initiale, le projet de loi relatif à la biodiversité ne prévoyait pas que le président de la nouvelle Agence française pour la biodiversité serait nommé par le chef de l’État : il devait être élu parmi les membres du conseil d’administration de l’Agence. La question de l’avis des commissions parlementaires et de l’application de l’article 13 de la Constitution ne se posait donc pas.

Néanmoins, lorsqu’elle a examiné ce projet, du 24 au 26 juin 2014, la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale a prévu, sur proposition de sa rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, que le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité serait désigné par le président de la République, ce qui renforce la place et le rôle de l’Agence au niveau national, et que cette nomination serait soumise à la procédure d’audition et d’avis public des commissions parlementaires.

Toutefois, seule une loi organique peut prévoir une telle mesure. Voilà pourquoi nous sommes saisis aujourd’hui de la présente proposition de loi organique, qui sera examinée en séance en même temps que le projet de loi relatif à la biodiversité.

Sur le fond, il paraît justifié que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.

Premièrement, avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), cette nouvelle agence serait le second grand opérateur de l’État en matière d’environnement, le second grand pilier sur lequel les politiques publiques pourraient s’appuyer. Or l’ADEME fait déjà partie des organismes soumis à l’article 13 de la Constitution. Nous introduisons ainsi la biodiversité, au même titre que la maîtrise de l’énergie et l’environnement, parmi les fondamentaux de notre République.

Deuxièmement, la nouvelle agence sera un établissement public administratif relevant de l’État, comptant environ 1 200 agents et doté d’attributions importantes. Elle regroupera les compétences de plusieurs organismes existants : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ; l’établissement public « Parcs nationaux de France » ; le groupement d’intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » ; l’Agence des aires marines protégées. Il me semble d’ailleurs qu’il conviendrait d’étendre encore davantage ce périmètre, par exemple à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et à l’Office national des forêts (ONF). Je pense que cet avis est partagé par un certain nombre de personnes.

Dernier argument en faveur de l’application à la nouvelle Agence de la procédure d’avis des commissions parlementaires : la biodiversité est mentionnée dans la Charte de l’environnement – qui a valeur constitutionnelle –, dont le préambule se réfère expressément à la « diversité biologique ». Elle fait donc l’objet d’une politique publique suffisamment importante pour que le Parlement soit pleinement associé à la nomination par le président de la République du président de ce nouvel organisme.

Pour conclure, je vous invite donc à adopter cette proposition de loi organique, qui a vocation à entrer en vigueur en même temps que l’Agence française pour la biodiversité, c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2016.

Mme Cécile Untermaier. Je tiens d’abord à féliciter la rapporteure pour la qualité de son travail.

En ce qui concerne l’application de l’article 13, on doit considérer que le Conseil constitutionnel intègre l’environnement aux droits et libertés mentionnés à cet article. Il devrait donc admettre sans difficulté le contrôle du Parlement sur cette nomination. Outre sa dimension de droit de l’homme de la troisième génération, l’environnement est également en jeu en matière économique, bien sûr, mais aussi culturelle et sociale. La biodiversité ne saurait donc échapper d’aucune manière au champ de l’article 13 de la Constitution.

Ensuite, le contrôle du Parlement sur la nomination du président de la future Agence française pour la biodiversité est nécessaire à la délibération publique, c’est-à-dire au débat public. N’oublions pas, en effet, les motivations qui sous-tendent l’article 13 de la Constitution : il s’agit d’éviter que les nominations à des postes aussi importants soient soumises à l’arbitraire présidentiel, ne fassent l’objet d’aucune délibération, d’aucun débat, et restent finalement à la discrétion d’un président de la République mû par ses propres intérêts et sa stratégie politique plutôt que par l’intérêt général et les véritables besoins de l’autorité concernée.

Enfin, dès lors qu’il est possible d’en débattre au Parlement, la question de la nomination est sur la place publique : elle ne peut résulter d’une discussion purement bureaucratique, opaque et secrète, sans contrôle par le Parlement. Ce qui correspond à l’exigence de transparence des citoyens français, que nous, parlementaires, défendons résolument.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

Article 1er (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) : Instauration d’un avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président de l’Agence française pour la biodiversité

La Commission examine l’amendement CL1 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Si j’ai déposé cet amendement, ainsi que l’amendement CL2 qui viendra en discussion à propos du titre de la proposition de loi organique, c’est parce que, dans le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, tous les emplois ou fonctions énumérés sont au masculin, comme si le masculin était un neutre. Or le français ne connaît pas le neutre. Le « on » n’est pas un neutre, mais un indéfini. Le français étant donc une langue sexuée, il me paraît pertinent de remplacer les termes de « président », de « directeur » ou de « gouverneur », certes prestigieux mais aujourd’hui inopérants, par les mots « présidence », « direction », « gouvernance », etc.

J’ai ainsi usé de mon droit d’amendement ; le débat est ouvert, et nous verrons ensuite si je retire ou non ces amendements.

M. Gilles Bourdouleix. On peut le regretter, mais, jusqu’à nouvel ordre, la langue française veut qu’un terme masculin puisse englober les personnes de sexe féminin, en l’espèce celles qui occuperaient le poste.

En outre, il ne me paraît guère pertinent de remplacer la mention de la personne par celle de la fonction.

Pourquoi la majorité ne proposerait-elle pas une réforme constitutionnelle tendant à remplacer, dans la Constitution, les termes problématiques de « président de la République » par ceux de « présidence de la République » ? Simple suggestion !

M. Philippe Gosselin. La féminisation des titres et des fonctions fait l’objet d’un véritable débat. Pourquoi ne pas l’engager, d’ailleurs ? Mais je ne crois pas opportun de le faire à l’occasion de l’examen d’un texte sur la présidence – le mot est choisi avec soin, madame la rapporteure ! – du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Cela me semble un peu cavalier, à tous les sens du terme !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la rapporteure, j’aimerais à mon tour vous demander d’envisager le retrait de cet amendement, non parce que je lui dénierais tout fondement, bien au contraire, mais par cohérence avec la rédaction actuelle de la loi organique mettant en œuvre l’article 13 de la Constitution.

Si en effet nous devions modifier l’intitulé de l’une des fonctions, il conviendrait que nous nous occupions aussi des autres. Il faudrait donc que nous engagions un long travail d’amendement qui aurait toute sa pertinence, mais dont je doute qu’il recueille l’assentiment du Sénat, ce qui nous conduirait à envisager une commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique. Or l’agenda des parlementaires est déjà extrêmement sollicité par des tâches de grande ampleur. Je propose donc que nous enregistrions votre souhait et que nous le transmettions le cas échéant à la secrétaire d’État chargée des droits des femmes pour que le Gouvernement puisse déposer un projet de loi organique visant à réformer l’ensemble des intitulés dans le sens que vous souhaitez. Mais ne commençons pas ce travail utile, mais bénédictin, par un amendement sur ce texte.

Mme la rapporteure. J’apprécie beaucoup la référence aux bénédictins, que l’on peut créditer non seulement du sens du travail mais aussi de l’invention d’une boisson délicieuse !

Ce dont nous parlons n’est pas anodin. À propos de l’idée selon laquelle le masculin serait le neutre en langue française, j’aimerais rappeler la manière dont l’Académie française avait répondu dans les années 1960 à Françoise Giroud, qui l’interpellait à propos de la nécessité de féminiser les noms, qu’elle « ne consacrait que l’usage ». J’étais un peu jeune à l’époque, mais j’avais apprécié la formule ! Il faut donc créer l’usage.

Ce n’est qu’à l’époque sulpicienne que l’Académie française nouvellement créée a décidé, au terme d’un combat formidable avec l’Église, que les adjectifs s’accorderaient désormais en genre et en nombre avec le nom masculin du groupe de mots, et non plus, pour des raisons euphoniques, avec le terme le plus proche et le plus élégant.

Les langues sont des construits sociaux qui progressent de manière régulière et constante. Si nous nous en tenions à des postures incarnées par l’Académie française, nous serions très rétrogrades. En matière de langue française, en Suisse, en Belgique et au Canada, les choses ont évolué dans un sens qui me sied bien davantage que ce qui a été évoqué ici.

Je ne renonce pas ; j’entends l’observation que le président Urvoas a formulée avec beaucoup de sagesse et d’élégance ; finalement, nous pourrions peut-être en reparler dans l’hémicycle. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Entrée en vigueur

La Commission est saisie de l’amendement CL3 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Nous proposons de substituer à l’année 2015 l’année 2016, afin que ce texte entre en vigueur au début de l’année prochaine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Titre

L’amendement CL2 de la rapporteure est retiré.

La Commission adopte le titre de la proposition de loi organique sans modification.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi organique modifiée.

*

* *

La Commission en vient ensuite à l’examen de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, M. Dominique Potier et plusieurs de leurs collègues relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 2578) (M. Dominique Potier, rapporteur).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’aimerais au préalable faire un point de méthode. Deux commissions se sont saisies pour avis du texte que nous allons examiner. Je souhaite d’ailleurs la bienvenue à leurs rapporteurs, Serge Bardy et Annick Le Loch. La commission des Affaires économiques a statué pour avis, et nous a transmis ses amendements hier, ce dont je la remercie. En revanche, alors que le débat va s’ouvrir, je n’ai pas reçu les amendements de la commission du Développement durable, qui s’est réunie ce matin. Cela soulève une question de méthode. Je n’accuse évidemment pas le rapporteur pour avis Serge Bardy, dont je connais la disponibilité et le travail, mais je vais en parler avec le président Jean-Paul Chanteguet, car c’est la deuxième fois que cela arrive avec l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Or cela pénalise tout le monde : nos collègues de la commission du Développement durable, qui ont travaillé sur des amendements que nous ne pourrons étudier, comme les membres de la commission des Lois qui ne peuvent bénéficier du travail de l’une des commissions saisie pour avis. Le rapporteur pour avis de la commission du Développement durable étant présent, je lui donnerai la parole au moment où nous évoquerons les points concernés par les amendements que cette Commission proposera. N’est-ce pas pour éviter cette difficulté que le Règlement de l’Assemblée nationale a prévu que les commissions saisies pour avis se réunissent avant celle qui est saisie au fond ?

Ce point étant précisé, je laisse la parole à notre rapporteur.

M. Dominique Potier, rapporteur. En défendant aujourd’hui cette proposition de loi, j’ai le sentiment de me faire le porte-parole d’une large coalition. En effet, la genèse de cette loi a mobilisé quatre groupes parlementaires de la majorité, qui y travaillent de concert depuis bientôt deux ans ; le texte s’appuie sur l’expertise et sur les propositions d’une dizaine d’organisations non gouvernementales (ONG) qui font partie des premières ONG françaises et qui mènent ce combat depuis plusieurs années ; il bénéficie du soutien des principales centrales syndicales du pays. Cette coalition a organisé un dialogue entre le monde parlementaire et la société civile, ainsi que le monde de l’entreprise.

Ainsi est né ce texte dont vous connaissez l’histoire. Une première proposition de loi a d’abord été portée par quatre groupes parlementaires et inscrite dans une niche du groupe écologiste, à l’initiative de Mme Danielle Auroi qui en fut la rapporteure. Puis, à l’occasion d’un dialogue avec le Gouvernement, la volonté s’est fait jour d’écrire une deuxième version, aujourd’hui portée par le groupe socialiste. J’espère que les autres groupes de la majorité l’enrichiront au fil du débat parlementaire, mais aussi et surtout que des groupes de l’opposition s’y joindront. Le dialogue avec certains de leurs membres m’y encourage. La portée de cette loi devrait susciter un consensus, et ses modalités faire l’objet de compromis acceptables par tous. À l’heure où la vie politique a besoin de prendre de la hauteur, ce texte de dimension internationale, qui a trait aux droits de l’homme, pourrait bien nous fournir l’occasion d’un important rendez-vous républicain.

La source de ce combat humaniste, je la trouve pour ma part à quelques kilomètres de l’endroit où je vis et travaille, là où est né Georges Guérin, fondateur, il y a près d’un siècle, de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Il avait une devise qui devrait toujours nous inspirer : « la vie d’un jeune travailleur, disait-il, vaut plus que tout l’or du monde ». Ce qui s’applique à un jeune travailleur ici comme à un jeune travailleur ou à une femme au Bangladesh, ou dans n’importe quel endroit, même à l’autre bout du monde. Ce type de repères m’a profondément marqué, m’accompagne depuis toujours, et le combat dont je me fais aujourd’hui le relais est une forme d’hommage à ceux qui ont ainsi inspiré mon engagement politique.

Alors que l’essentiel du droit français et européen, inspiré par les Lumières, vise à protéger l’individu, à travers ses libertés fondamentales, d’un État despotique puis totalitaire, le monde contemporain, sous l’effet de la mondialisation, se caractérise par l’émergence d’une nouvelle génération de droits, plus collectifs : il s’agit désormais de protéger les faibles sous des formes inédites.

Aujourd’hui, certaines entreprises transnationales toutes-puissantes du point de vue économique peuvent, à la faveur de la fragmentation des droits nationaux et des sociétés, porter atteinte, dans une certaine impunité, à ce qui nous tient le plus à cœur, par-delà nos divergences politiques, en violant les droits de l’homme et les écosystèmes, et en se livrant à des pratiques de corruption. Cet état de fait largement constaté, et auquel le drame du Rana Plaza a sensibilisé l’opinion publique, doit être combattu par l’inventivité législative.

La proposition de loi s’inscrit dans cette logique et, comme il l’a dit lui-même en commission du Développement durable, dans la filiation de l’action de notre collègue Gilles Savary contre le travail détaché et pour une harmonisation sociale et fiscale par le haut en Europe. C’est aussi la suite du combat que nous avons livré avec nos collègues écologistes et d’autres groupes lorsque nous avons organisé la transparence sur les paradis fiscaux à travers le reporting obligatoire prévu par la loi de séparation bancaire. Dans les trois cas, il y va de ces nouveaux droits qu’il incombe à notre génération de défendre. Sans remettre en cause la dynamique de l’entreprise ni celle de la mondialisation, ce qui n’aurait guère de sens au xxie siècle, il s’agit d’y inscrire un principe de loyauté et d’en inventer des régulations modernes, adaptées au monde contemporain, propres à défendre jusqu’au bout du monde ce que nous valorisons. La France s’honorerait d’être pionnière en la matière.

Tel est bien l’objet des principales discussions et oppositions que cette proposition de loi peut susciter, comme on l’a vu dans la presse et lors des auditions : ce faisant, la France serait-elle isolée ? Je me contenterai de rappeler, notamment à l’intention de nos collègues de l’opposition, que l’initiative du reporting extrafinancier, due à la dernière législature, a été prise en 2012 et qu’il a suffi de deux ans pour qu’elle fasse l’objet d’une directive européenne. C’est dans cette dynamique que nous nous situons. Ce que la France propose dans ce texte a évidemment vocation à inspirer une directive européenne et une norme internationale la plus large possible. Mais comment y parvenir, comment être crédibles en Europe, si nous ne nous appliquons pas à nous-mêmes, selon une évolution modérée telle que la prévoit le texte, les premières dispositions ?

Nos collègues européens et américains s’inspirent de dynamiques analogues. L’originalité de la proposition de loi est de proposer, tout en restant modérée, une vigilance à 360 degrés sur les atteintes aux écosystèmes et aux droits humains. Mais on trouve dans les législations américaine, canadienne, suisse, espagnole, italienne, des dispositions équivalentes visant à lutter ici contre la corruption, là contre le travail des enfants ou ailleurs contre les trafics illégaux.

J’aimerais enfin rappeler les dispositions essentielles de ce texte, qui tient en deux pages et deux principaux articles.

La première version s’appuyait sur l’inversion de la charge de la preuve, ce qui risquait de heurter certaines susceptibilités et de se révéler juridiquement fragile, en tout cas d’être difficilement exportable à l’échelle européenne. Au contraire, le présent texte instaure un principe de vigilance, d’assurance contre les risques d’atteinte aux droits de l’homme. Cette logique assurantielle prend la forme d’un plan de vigilance dont les moyens sont laissés à la liberté de l’entreprise ; l’obligation de moyens est donc assortie d’une certaine marge de manœuvre. La seule exigence porte sur la présentation du document. Le droit international, c’est-à-dire les principes définis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2011, sert de socle à ce que l’on pourrait qualifier de « code du travail et des bonnes conduites environnementales » à l’échelle internationale. Une fois ce socle posé, l’élaboration du plan de vigilance admet une certaine liberté, mais le juge peut sanctionner son absence ou sa carence par une amende civile, une publication et une astreinte.

Aux termes de l’article 2, le non-respect du devoir de vigilance, qui représente une sorte d’assurance ou de comptabilité du risque au sein de l’entreprise – il s’agit là d’une forme moderne de management, plus assurantielle, plus respectueuse de ses partenaires – peut engager la responsabilité de l’entreprise lorsque des dommages doivent être réparés dans une filiale ou chez un sous-traitant au bout du monde.

En somme, cette loi crée une dynamique et un dispositif nouveaux. Elle n’a pas vocation à résoudre tous les malheurs du monde, mais elle apporte sa pierre, avec d’autres lois, à une nouvelle génération de droits, pour une mondialisation plus humaine, une civilisation économique qui incarne nos valeurs et fasse notre fierté.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je félicite le rapporteur et les initiateurs de cette proposition de loi, qui a l’immense mérite de résoudre deux questions très problématiques soulevées par le texte du groupe écologiste que nous avait présenté Mme Auroi il y a quelques semaines.

Le premier changement, c’est l’inversion de la charge de la preuve. Peut-on faire plus qu’affirmer un principe de vigilance assorti de contrôles ? Je ne le crois pas. S’il me semble, peut-être sous réserve de quelques amendements à venir, que le texte pourrait être plus resserré, j’en approuve donc la logique.

Mais le point principal, dont je sais gré aux auteurs de la proposition de loi, est l’inversion des principes à raison desquels le devoir de vigilance doit s’exercer. J’ai dit à quel point j’avais été choquée par le texte défendu par Mme Auroi, où les atteintes à l’environnement précédaient les atteintes aux droits humains, qui ne leur étaient reliés que par un simple « aussi ». Malheureusement, ce n’était pas simplement affaire de rhétorique : j’y vois un témoignage de la manière dont nous laissons progressivement le développement durable tout englober, les droits humains eux-mêmes venant après l’exigence de « sauver la planète », comme on le dit parfois en une formule bien malheureuse.

J’ai senti une tentation similaire chez le rapporteur lorsqu’il a évoqué les écosystèmes avant les droits de l’homme. Toutefois, l’alinéa 3 de l’article 1er inverse bien l’ordre des priorités en évoquant « la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires » pouvant concerner aussi bien l’homme que la nature.

Cette inversion est essentielle : comme l’a souligné le rapporteur, la vie des hommes doit passer radicalement avant les atteintes à la planète. Oui, la vie d’un jeune travailleur vaut davantage que tout l’or de la planète et, ajouterai-je, en cas d’opposition, que tout le vert de la planète. N’oublions pas que le capitalisme financier, après avoir balayé le capitalisme économique, a introduit de nouvelles formes d’exploitation qui ne sont pas moins rudes que celles que celui-ci avait engendrées au XIXsiècle.

M. Philippe Houillon. Il est dommage qu’en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la culture de la majorité soit toujours celle de la sanction et de la pénalisation, et ce, alors même qu’aucun autre pays au monde n’a adopté des mesures aussi larges que celles prévues dans le texte. Les initiatives étrangères que vous avez citées, monsieur le rapporteur, sont limitées et ciblent des points précisément définis, ce qui n’est pas le cas de la proposition de loi. Vous avez oublié de souligner que la Finlande a refusé, à la fin de 2014, de légiférer sur un domaine aussi vaste : le faire aurait posé des problèmes de définition des obligations. Vous avez d’ailleurs vous-même confirmé indirectement mes propos en reconnaissant que c’est un problème international que, paradoxalement, vous réduisez à un problème franco-français.

Le texte pèche tout d’abord par l’imprécision des normes censées encadrer son application. Il ne contient aucune définition claire, ce qui est particulièrement grave à partir du moment où il prévoit des sanctions. À toute responsabilité encourue par les entreprises doit correspondre une détermination suffisamment précise de leurs obligations, ce qui n’est pas le cas dans la rédaction actuelle. Par exemple, que recouvre au plan juridique la notion d’« influence déterminante » ?

Le fait que vous présentiez ces obligations comme des obligations de moyens cherche à rassurer. Mais la vérité est autre : le texte inscrit bien une obligation de résultat puisqu’il prévoit la mise en œuvre « de manière effective » des mesures propres à prévenir la réalisation des risques. La France devient ainsi le seul pays au monde à prévoir de telles contraintes. Il s’y ajoute l’instauration, au II de l’article 1er, d’un véritable procureur privé : en effet, toute association dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts en cause pourra ester en justice, alors que l’action publique devrait, comme son nom l’indique, rester publique et ne pas être transférée à des associations privées, surtout de manière aussi large.

L’adoption du texte créera des distorsions de concurrence aux dépens des grandes entreprises françaises de plus de 5 000 ou de 10 000 salariés puisque les entreprises étrangères ne seront pas soumises aux mêmes contraintes. Oui, nous devons faire tous les efforts possibles pour promouvoir la RSE. Oui, comme vous l’avez déclaré d’emblée, la vie d’un ouvrier vaut plus que tout l’or du monde. Cela étant, je le répète : alors que le problème que vous visez est international, vous le réduisez à un problème franco-français, par idéologie probablement, même si je veux bien vous accorder le bénéfice de la bonne foi.

Vous attachez, une fois de plus, aux pieds des grandes entreprises françaises performantes des boulets qui les empêcheront de progresser aussi vite que leurs concurrentes étrangères, sans compter les problèmes d’attractivité du territoire voire les délocalisations que provoquera le texte. Faisons la promotion internationale de la RSE, d’autant que des textes existent déjà, mais n’appliquons pas aux seules grandes entreprises françaises des obligations de résultat dont les conséquences leur seront préjudiciables !

C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas le texte.

Mme Colette Capdevielle. Je tiens à féliciter le rapporteur de son volontarisme et de sa ténacité. Il a su trouver une solution juridique aussi efficace que pertinente pour transposer le devoir de vigilance des multinationales dans le droit français. Le texte crée de nouveaux devoirs dans un contexte international où légiférer pour protéger est nécessaire.

Il ne s’agit pas d’opposer l’environnement aux salariés. L’homme et l’écosystème sont liés. Il convient avant tout de rendre éthiques des pratiques très douteuses en suscitant la prise de conscience des entreprises. Si le développement des bonnes pratiques est, à l’heure actuelle, « tendance », en tout cas très anglo-saxon, il est insuffisant car il est souvent utilisé comme un vecteur de marketing, contribuant pour un grand nombre d’entreprises à se construire une bonne image, alors qu’il convient d’accorder des garanties effectives aux salariés.

Légiférant pour combler le vide juridique en matière de responsabilité, nous passons de la déclaration d’intention aux actes en créant les outils nécessaires pour protéger les droits de l’homme et l’environnement dans des pays où la vie humaine a bien peu de valeur. Les textes précédents étaient juridiquement fragiles : je félicite M. Potier d’avoir, en un laps de temps aussi court, repris les principes du texte initial dans un dispositif d’autant plus efficace qu’il sera plus clair et plus resserré.

La proposition de loi a un double objet. Le premier est la mise en place obligatoire d’un plan de vigilance préventif et public – une véritable novation en droit. Toute personne physique ou morale aura la possibilité de saisir le juge, même en référé, pour contraindre une société à établir le plan de vigilance et à le rendre public.

Le texte – c’est son second objet – permettra également de qualifier la responsabilité civile des sociétés comme une responsabilité de droit commun pour faute, telle qu’elle résulte des articles 1382 et 1383 du code civil, le juge devant s’interroger sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Je crains toutefois que l’amende civile ne soit déductible au plan fiscal. Je ne le souhaite pas. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

Enfin, les dispositions n’excluent pas les sanctions pénales en cas d’infraction telle que la mise en danger de la vie d’autrui, celles-ci s’ajoutant aux indemnisations civiles.

Ce texte est une belle avancée qui repose sur le triptyque prévention, sanction et réparation.

Mme Annick Le Loch, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Ce texte est au service de la compétitivité des entreprises. En effet, l’introduction d’un plan de vigilance obligatoire permettra de valoriser les efforts des sociétés vertueuses qui appliquent déjà des procédures d’identification et de réduction des risques d’atteinte aux droits de l’homme et à l’environnement. Il rétablira des conditions de concurrence équitables entre ces entreprises et celles qui ne s’y astreignent pas ou ne le font qu’à des fins de communication, ce qui permettra d’assurer une plus grande transparence des efforts consentis en la matière et une meilleure information du consommateur.

À l’échelle internationale, l’obligation de vigilance permettra de rétablir les conditions d’une concurrence plus juste entre les entreprises produisant sur le sol français et celles qui recourent au dumping en matière de droits de l’homme et d’environnement en localisant certaines de leurs activités dans des pays dont les normes sont moins rigoureuses.

Enfin, le devoir de vigilance constitue un facteur de sécurité pour les entreprises à l’heure où l’opinion publique est de plus en plus sensible à leur comportement en matière éthique et environnementale. Ce texte leur fournit un cadre d’action permettant de réduire tout risque d’atteinte à leur réputation. De plus, l’inscription dans la loi d’une procédure clairement définie leur fournit une plus grande sécurité juridique alors même que le devoir de vigilance commence à être reconnu par la jurisprudence de la Cour de cassation – je vous renvoie au jugement de septembre 2012 relatif à l’affaire du naufrage du pétrolier Erika.

L’examen du texte par la commission des Affaires économiques, qui a confirmé la pertinence du dispositif proposé, a débouché sur l’adoption de dix amendements qui élargissent notamment le périmètre du devoir de vigilance à l’ensemble des sociétés sur lesquelles un contrôle exclusif est exercé et aux fournisseurs et sous-traitants avec lesquels existe une relation commerciale établie.

À deux abstentions près, les membres de la commission des Affaires économiques ont émis un avis favorable à l’adoption du texte.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire. Je regrette, monsieur le président, qu’en dépit de l’avancement de l’heure de nos travaux, la fin de nos débats à dix heures trente ne permette pas à la commission des Lois de proposer au vote les amendements adoptés par la commission du Développement durable.

D’aucuns ont parlé d’idéologie : les entreprises, pour leur développement, ont tout à gagner à l’adoption du présent texte, alors même qu’elles sont quotidiennement confrontées au dumping social et environnemental des fournisseurs et sous-traitants situés dans des pays moins exigeants que le nôtre. Les chômeurs pourront également bénéficier des effets des mesures adoptées.

Nos grandes entreprises n’ont rien à gagner à rechercher une compétitivité-prix avec les pays émergents : elles seront toujours perdantes. D’ailleurs un grand nombre d’entre elles a compris qu’elles doivent préférer la recherche et l’innovation et, donc, la qualité sociale et environnementale. Une société qui établira un plan de vigilance comprenant des mesures raisonnables et les mettra en œuvre aura satisfait à son obligation de moyens et dégagera sa responsabilité.

Ce texte introduit une véritable innovation juridique. Si des exemples étrangers ont été évoqués par le rapporteur, aucun n’est assez ambitieux pour prévoir une vigilance sur un spectre aussi large : nous devons nous en réjouir.

La commission du Développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de la proposition de loi.

M. Arnaud Richard. Je tiens à saluer, au nom de l’UDI, le fait que les quatre groupes de la majorité aient travaillé ensemble sur le texte. Je partage le souci du rapporteur de prendre de la hauteur : sur un tel sujet, c’est une bonne chose. Oui, la vie d’un travailleur vaut plus que tout l’or du monde !

Je tiens toutefois à observer qu’aucun pays ne prévoit une législation aussi étendue en matière de responsabilité des entreprises. Fallait-il s’y atteler ? Penser que, ce faisant, nous ouvrirons la voie au monde me semble, malheureusement, irréaliste. Une proposition aussi ambitieuse ne devrait-elle pas être plutôt défendue par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou par une future organisation internationale de l’environnement ? Alors que l’ONU a établi depuis longtemps des principes directeurs, fondés sur la soft law, rares sont les États qui les ont transposés dans une législation contraignante. La Finlande nous a même montré que transformer la vigilance raisonnable en obligation légale est peu envisageable.

Les textes qui, en droit français, traitent de ce sujet sont ponctuels : ils visent l’hébergement contraire à la dignité, l’emploi de travailleurs détachés ou la mise sur le marché de bois issus de récoltes illégales – trente pages sont nécessaires pour transposer le droit européen sur la seule question du bois. Quant aux exemples étrangers que vous avez évoqués, Monsieur le rapporteur, ils ciblent la corruption, l’esclavage humain et la traite des esclaves : il s’agit donc bien de points précis. Or la proposition de loi nous propose de changer de logique en imposant une vision très large, ce qui implique de bien préciser les normes. Faut-il attendre les décrets d’application ? Ne serait-il pas préférable de nous limiter à la communication ? Que signifient au plan juridique les « mesures de vigilance raisonnables » ? Certes, l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou l’ONU débattent de ces sujets : toutefois, ce sont des organisations interétatiques dont les propositions ne sont pas obligatoirement transposées en droit français. En cas d’obligation de vigilance, il nous faudra des années pour en préciser le contenu.

La proposition de loi est d’ailleurs orthogonale avec la directive européenne de 2014 sur le reporting extra-financier et la vigilance raisonnée. Elle prévoit une obligation à la fois trop dure et trop large, éloignée des standards juridiques actuels. Elle oriente de plus les organisations non gouvernementales et les associations vers le contentieux et non vers la mise en valeur des bonnes pratiques : c’est dommage.

Ce texte ne nous semble pas en phase avec les réalités économiques.

M. Paul Molac. Les écologistes et trois autres groupes de gauche avaient déposé sur le sujet une première proposition de loi qui, je tiens à le rappeler, a été renvoyée en commission.

Si ce nouveau texte affiche une intention pertinente et louable, sa rédaction laisse à désirer : en effet, il contient encore de nombreuses zones d’incertitude, ce qui le privera de toute portée effective, alors que les enjeux humains et environnementaux sont très importants. Dois-je rappeler que 160 000 citoyens ont soutenu cette démarche par voie de pétition et que, selon un sondage du CSA, 80 % des Français estiment que les multinationales doivent être tenues juridiquement responsables des catastrophes humaines et environnementales provoquées par leurs filiales et leurs sous-traitants ? Un drame comme celui du Rana Plaza ne doit pas se reproduire.

Le texte qui nous est aujourd’hui proposé demeure très en deçà de la proposition de loi que nous avions présentée le 29 janvier dernier, après l’avoir préparée en étroite concertation avec les ONG – elle était soutenue par 250 d’entre elles. Cette proposition de loi s’inscrivait du reste dans la droite ligne des principes directeurs des Nations unies et de l’OCDE en instaurant une obligation de vigilance assortie d’une obligation de moyens. Or la mise en œuvre effective de l’obligation de vigilance a disparu du texte. De même, si certains des amendements du rapporteur sont intéressants, d’autres exigent une expertise complémentaire : ils nous ont été transmis tardivement et demeurent trop timides.

C’est pourquoi les radicaux et les écologistes ont déposé, ensemble, des amendements visant à améliorer le texte.

C’est ainsi que, ne retrouvant pas dans la rédaction actuelle le principe de responsabilité solidaire, nous avons déposé un amendement en ce sens. Il convient en effet de franchir ce pas pour interdire aux donneurs d’ordres de se dérober dans la dilution de la chaîne de responsabilités.

Nous nous interrogeons également sur les seuils fixés par le texte – 5 000 et 10 000 salariés –  car de nombreuses sociétés échapperont à l’obligation d’établir et de mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance alors que, chacun le sait, elles passent directement, notamment dans le secteur du textile, des commandes à des entreprises situées, par exemple, au Bangladesh. Le renvoi à un décret en Conseil d’État des modalités d’application des dispositions prévues et la définition des liens de sous-traitance soulèvent également des interrogations.

Ne faisons pas preuve d’angélisme : pour modifier les choses, il faut légiférer. C’est ainsi que le législateur a dû interdire le travail des enfants pour y mettre fin. Il faut savoir inscrire nos valeurs dans la loi. Si nous ne luttons pas contre le dumping social, nous acceptons la baisse des exigences sociales dans notre propre pays tout en incitant nos entreprises à délocaliser. Un tel texte contribuera à éviter les délocalisations.

Pour soutenir une telle initiative à l’échelon européen, nous devons présenter un texte dont les implications réelles modifieront les comportements. Les amendements que nous présentons, sans être radicaux, permettent de hisser le débat à la hauteur des défis que nous voulons relever ensemble.

Notre position finale dépendra des avancées réalisées lors de l’examen du texte en commission et en séance publique.

M. Jean-Noël Carpentier. Je remercie moi aussi le rapporteur qui fait effectivement preuve d’un grand dynamisme dans ce dossier. Compte tenu des difficultés grandissantes de la planète, de ces années de crise économique profonde – qui bousculent notre vision du monde économique – et du chômage de masse, nos concitoyens souhaitent de plus en plus que le monde économique serve d’abord l’humain plutôt que l’inverse. Nous avons aussi désormais une vision plus claire des effets de la mondialisation : beaucoup considèrent que si cette mondialisation économique est fondamentale et peut être novatrice, elle doit impérativement être régulée et contrôlée, non pour empêcher le développement humain ou économique mais pour juguler la financiarisation. Une mondialisation plus solidaire : tel est l’objectif commun à tous les groupes de la majorité. Ce texte est donc une loi de bon sens. Si les inégalités s’accroissent depuis une quinzaine d’années, c’est aussi du fait de pratiques douteuses sur le plan des droits de l’homme.

Cette régulation ne va pas du tout à l’encontre du monde économique et des entreprises. Certes, monsieur Houillon, la question n’est pas simplement franco-française – et c’est bien pour cela que l’ONU et l’OCDE s’en sont également saisies. Mais il convient aussi que les États transcrivent certains grands principes dans leur législation nationale. Plusieurs pays y travaillent actuellement. Les États-Unis eux-mêmes ont repris certains de ces principes dans leur législation. En outre, cette volonté de réguler est favorable au monde économique car elle empêchera les tricheurs de développer leur activité.

C’est le sens de l’Histoire – l’ONU propose du reste depuis plus de trente ans un conseil de sécurité économique et social. Chaque pays doit en débattre. La France peut apporter sa contribution, non pas pour imposer sa vision aux autres, mais pour montrer que des possibilités existent.

Si nous portons un regard positif sur cette proposition de loi, notre groupe émet néanmoins quelques réserves quant à sa mise en application concrète. Nous proposons ainsi par amendement d’élargir son champ d’application à davantage de grandes sociétés et que le plan de vigilance soit établi de manière plus ferme. Sous réserve de l’adoption de ces amendements, notre groupe émettra un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi.

M. Guillaume Larrivé. J’ai écouté avec attention nos débats : beaucoup de grands principes ont été rappelés et de bons sentiments, exprimés. Alors pardonnez-moi de vous faire atterrir peut-être un peu brutalement en posant une question très directe : quel sera l’impact de telles mesures sur l’emploi alors que l’on compte 570 000 demandeurs d’emploi de plus depuis trois ans ? Le terme « emploi » ne figure nulle part dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi. En revanche, on peut lire à la page 10 de celle-ci que l’article 1er de la proposition de loi « propose une approche extensive des risques que l’entreprise génère de par son activité ». L’entreprise crée des risques : telle est l’idéologie sous-jacente de ce texte. Et la France, seule, par le biais d’une proposition de loi émanant du groupe majoritaire, va faire peser sur les entreprises dont le siège est en France des obligations fort contraignantes et sanctionnées, le cas échéant, par les juridictions. Philippe Houillon comme Arnaud Richard ont soulevé des questions fort pertinentes. J’ai le sentiment, pour ma part, que vous allez encore attacher des boulets aux pieds de nos entreprises, en décalage complet avec ce que l’on avait cru être la nouvelle approche du Gouvernement. Manuel Valls déclarait en septembre dernier qu’il était « pro-business », or pardonnez-moi de vous dire que votre texte est totalement anti-entreprises.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ce texte introduit une grande innovation et je m’étonne que la droite républicaine ne soutienne pas l’idée que la France puisse adopter une attitude différente par rapport à la common law, c’est-à-dire au droit anglo-saxon. Ce dernier est effectivement fondé sur l’idée que c’est la pratique qui construit le droit, celui-ci venant ensuite la confirmer. Notre droit étant au contraire fondé sur des principes ; il est normal que la France élabore un texte de loi qui s’appliquera à tous. De cette manière, nous nous inscrivons bien, en tant que puissance, dans la dynamique économique internationale, dans un monde qui a beaucoup changé et qui continue à évoluer : des démocraties y montent – douloureusement parfois. Dans les pays en voie de développement et les pays émergents, les sociétés humaines aspirent à la démocratie, à plus de richesse, à plus de confort et à plus de sécurité. Or, c’est bien de sécurité des personnes au travail qu’il est question dans cette proposition de loi. Si le monde a changé, c’est non seulement parce qu’il s’est agrandi mais aussi parce que tout y est visible immédiatement. L’image est instantanée ; le drame est là. Le législateur français ne peut donc y rester indifférent, faire comme s’il ne le voyait pas et continuer à « renvoyer la balle » à des instances internationales. Car si celles-ci délibèrent et construisent une agora mondiale, elles ont du mal à en faire une réalité concrète qui nous concerne au quotidien.

Je remercie donc Dominique Potier d’avoir eu le génie de prendre cette initiative, il y a deux ans, avec l’ensemble des groupes politiques de la majorité élargie. Cela était nécessaire. Mais il convenait aussi de faire en sorte que ce droit nouveau puisse s’appliquer. Nous y sommes : pour la première fois à l’échelle mondiale, la faute va être caractérisée par le défaut de vigilance. Nous conférons en outre au juge une palette d’options : l’astreinte, l’amende civile et la publicité. Cette loi est donc fondée sur la force propre de la société française, l’objectif étant d’exiger des sociétés qu’elles donnent à voir les plans de vigilance construits par leurs directions générales. Nous construisons de la démocratie dans l’entreprise, de la solidité, de la vigilance et du droit moral puisque nous visons à garantir le droit des personnes, leur sécurité, leur vie et leur avenir, autant que les nôtres, dans un monde globalisé. Ne nous recroquevillons pas sur notre petit territoire national, ne nous abritons pas derrière un système international qui ne trouve pas à s’appliquer et que nous transcrivons en droit national selon nos traditions ! Si l’Europe se construit à la fois sur la soft law et sur notre droit, bâtissons-la ensemble afin que, dans la mondialisation, notre continent devienne un lieu de sécurité des biens et des personnes et surtout de liberté des personnes physiques et morales.

M. Philippe Houillon. Je voudrais ajouter un mot à mon propos liminaire et, avant cela, réagir à ce qui vient juste d’être dit. « Faisons donc différemment de tout le monde » : voilà ce que je viens d’entendre. Et d’ailleurs, cela fonctionne, vous avez raison : la France a une bien meilleure croissance que les autres pays et bien moins de chômage ! C’est l’exception française, encore une fois ! Ce que je viens d’entendre est surréaliste !

Et puisque je n’avais pas cette information lors de mon intervention de tout à l’heure, je souhaiterais vous lire quelques lignes tout à fait intéressantes des Échos de ce matin : « Le sujet embarrasse le Gouvernement. Il ne veut pas désavouer le groupe socialiste à l’Assemblée, mais craint de jouer en défaveur des entreprises françaises par rapport à leurs concurrents étrangers, non soumis à ce type de responsabilité ». Tout est dit.

M. le rapporteur. Madame Marie-Françoise Bechtel, si mon ancien métier de paysan m’a rendu attentif aux écosystèmes, c’est en ce qu’ils avaient de bénéfique pour l’homme. Il n’y a aucune ambiguïté dans mon esprit et si jamais je trébuchais, je sais que vous seriez là pour me relever.

L’exemple finlandais cité par M. Houillon est fallacieux : l’obligation de vigilance au sujet duquel la Finlande a renoncé à légiférer n’a rien à voir avec le plan de vigilance, assorti d’une liberté de moyens quant à sa mise en œuvre, que nous proposons d’introduire. Cette objection ne tient pas en droit car il ne s’agit pas du même objet juridique.

Vous appelez de vos vœux une normalisation des droits humains ainsi qu’un respect des écosystèmes. Or, les entreprises, que je connais bien pour avoir été de leur monde, dénoncent quant à elles une saturation des normes et demandent plus de liberté dans le choix des moyens servant à atteindre les objectifs que nous partageons tous. La proposition de loi leur accordant une telle liberté, il est paradoxal que certains membres du patronat exigent que tout soit normalisé. Il convient de trouver un juste équilibre entre un objectif de vigilance défini par des traités internationaux – relevant de l’OCDE et de l’ONU et que la France a ratifiés – et la liberté de moyens qui relève du génie de l’entreprise. Cet équilibre est parfaitement préservé dans la loi.

S’agissant des liens d’« influence déterminante », votre souci sera satisfait par nos amendements. Là encore, votre attaque est infondée. S’il est en effet fait référence dans le code de commerce à l’influence déterminante, nous avons voulu être plus précis que vous en faisant référence à un autre article du même code.

L’idée selon laquelle les associations et les syndicats deviendraient des procureurs privés relève d’un débat idéologique : en cas d’abus, les juges seront parfaitement fondés à rejeter les requêtes. En tant qu’élu d’une petite commune, j’ai été nombre de fois en colère face à une justice classant des affaires qui me paraissaient importantes. En outre, les abus que vous signalez ne sont rien à côté des drames que provoquent l’impunité et le manque de transparence des sociétés multinationales.

Le texte n’impose aucune obligation de résultat, quoi que vous en disiez, l’article 2 étant parfaitement séparé de l’article 1er. Il permet de sanctionner les sociétés responsables de dommages, le juge devant s’interroger sur le lien de causalité entre la qualité et l’effectivité du plan de vigilance, d’une part, et la responsabilité juridique de la société d’autre part, mais en aucun cas nous n’imposons d’obligation de résultat – ce qui, comme vous l’avez souligné à juste titre, serait irréaliste en droit international.

Monsieur Larrivé, l’opposition archaïque entre l’entreprise et les droits de l’homme relève du « monde d’avant ». Les entrepreneurs les plus modernes et les plus performants intègrent cette exigence de transparence, de respect de ses partenaires et d’engagement durable pour la planète et les droits de l’homme. Ils savent que les marchés du futur, malgré les soubresauts de l’Histoire, sont dans cette direction. Les entreprises françaises et européennes les plus compétitives sont présentes sur ces marchés d’excellence et pratiquent d’elles-mêmes la RSE dans le cadre de la soft law. Ainsi, 84  % des entreprises françaises sont au-dessus de la moyenne des normes RSE européennes. Et l’on compte 11 championnes françaises parmi les 31 entreprises internationales les mieux cotées en matière de RSE. Trois quarts des multinationales ciblées par la loi souscrivent déjà aux obligations RSE. Il s’agit donc, comme d’autres l’ont souligné, de faire de la RSE un avantage compétitif plus qu’un handicap.

Deux tiers des requêtes exprimées par M. Molac et certains membres des groupes de la majorité sont satisfaites, dans des formulations juridiques comparables – plus précises peut-être. J’espère que cela orientera leur choix en faveur de la dynamique de progrès qui est la nôtre.

Si Mme Capdevielle m’a rendu un hommage exagéré, elle me donne l’occasion de saluer le travail de Philippe Noguès, de Danielle Auroi, d’André Chassaigne, ainsi que des collègues de l’UMP et de l’UDI qui ont rejoint le groupe de travail que nous avons institué avec le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) et Amnesty International, qui ont partagé nos objectifs, et accepté d’élaborer dans une logique de compromis cette deuxième version du texte. Transcendant les postures partisanes, ce groupe de travail, véritable communauté d’idées, nous a permis d’avancer dans un champ innovant. Au sein même de cette Commission, nous avons bénéficié du précieux appui d’Anne-Yvonne Le Dain, de Jean-Yves Le Bouillonnec et de Dominique Raimbourg. 

Enfin, sachez que le Premier ministre s’est engagé en faveur de cette proposition de loi, ce qui n’allait pas de soi tant ce texte va contre vents et marées, s’opposant à une idéologie que vous avez largement colportée sur ces bancs – idéologie hostile à toute forme de régulation et de réglementation. Le Premier ministre partage nos objectifs et il a eu le courage de tenir sa parole. Et puisque vous parlez d’un embarras du Gouvernement, je puis vous assurer que nous avons eu le concours sans faille de Matignon, de la Chancellerie et de Bercy pour faire aboutir ce texte dans sa forme actuelle, et qu’ils acceptent les améliorations que nous proposons par amendement.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. L. 225-102-4 du code de commerce [nouveau]) Obligation d’élaboration d’un plan de vigilance

La Commission examine en discussion commune les amendements identiques CL1 de Mme Danielle Auroi, CL9 de M. André Chassaigne et CL17 de M. Jean-Noël Carpentier  ainsi que l’amendement CL29 de M. Philippe Noguès.

M. Paul Molac. Ces amendements visent à abaisser le seuil d’effectifs fixé par la proposition de loi afin que davantage d’entreprises soient concernées par ses dispositions.

M. Marc Dolez. L’amendement CL9 est défendu.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement CL17 également.

M. le rapporteur. Avis défavorable : les seuils que nous avons établis permettent de couvrir 80 % du commerce mondial et deux tiers des activités réalisées en dehors de l’OCDE. C’est aux plus grandes entreprises françaises qu’il revient de donner l’exemple. Ce seuil, qui sert déjà de référence pour définir certains droits sociaux, s’agissant notamment des conseils d’administration, pourra bien sûr être réévalué ultérieurement. Nous examinerons d’ailleurs en séance publique des amendements en ce sens.

Le seuil proposé par les associations et les syndicats – 500 salariés et un chiffre d’affaires minimum – nous semble un horizon accessible à terme. Mais comme il ne nous appartient pas de déterminer à quel rythme nous pourrons y parvenir, nous proposons de nous en tenir au seuil énoncé dans cette proposition de loi, ce qui représente déjà un pas énorme.

M. Philippe Noguès. L’amendement CL29 vise à aligner les seuils mentionnés à cet article sur ceux applicables en matière de reporting extra-financier, afin d’éviter de multiplier les seuils applicables aux entreprises. Je rappelle que le drame du Rana Plaza était le fait d’entreprises du textile aux effectifs bien inférieurs à ceux dont il est question dans la proposition de loi.

M. le rapporteur. Avis défavorable : le mieux peut être l’ennemi du bien.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels CL39 et CL38 du rapporteur.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CL50 de la commission des Affaires économiques et CL47 du rapporteur.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise à étendre le périmètre du plan de vigilance aux sociétés sur lesquelles est exercé un contrôle exclusif.

M. le rapporteur. L’amendement CL47 vise lui aussi à étendre la portée de la loi aux entreprises que les sociétés commerciales contrôlent de manière exclusive, selon les termes de l’article L. 233-16 du code de commerce. En effet, il convient de prendre en compte non seulement le lien capitalistique mais aussi le lien de domination politique pouvant exister entre une société mère et une entreprise.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ces deux amendements n’étant pas identiques, il conviendrait que l’un d’entre eux soit retiré. Or, l’amendement du rapporteur me semble mieux rédigé.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Dans ce cas, je retire mon amendement.

L’amendement CL50 est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement CL47.

Elle aborde en discussion commune les amendements identiques CL2 de Mme Danielle Auroi, CL10 de M. André Chassaigne, CL18 de M. Jean-Noël Carpentier, et les amendements identiques CL48 du rapporteur et CL51 de la commission des Affaires économiques.

M. Marc Dolez. La référence, au troisième alinéa, à la notion d’ « influence déterminante » étant trop restrictive, l’amendement CL10 tend à viser plus largement la relation d’affaires qu’entretient la société avec ses fournisseurs.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je partage l’intention des auteurs de ces amendements, la référence à la notion d’« influence déterminante » ne me paraissant effectivement pas satisfaisante. Mais j’ai formulé dans mon amendement CL48 une proposition alternative qui va plus loin que la leur, en faisant référence à une « relation commerciale établie », et ciblant ainsi davantage les sous-traitants et les fournisseurs. La notion de « relation d’affaires » à laquelle vous vous référez, chers collègues, présente le défaut de ne pas être liée au statut de sous-traitant et de fournisseur et de pouvoir être opposée à un petit fournisseur dans sa relation avec un très gros acheteur, ce qui va à l’encontre du but recherché. Il me semble que ma proposition satisfait pleinement votre attente. Autant, sur le plan vertical, nous nous sommes limités aux entreprises de plus de 5 000 salariés, autant, sur le plan horizontal, nous avons cherché à viser le plus loin possible la responsabilité des maisons mères (CHSCT).

La Commission rejette les amendements CL2, CL10 et CL18.

Puis elle adopte les amendements identiques CL51 et CL48.

Elle en vient à l’amendement CL27 de M. Philippe Noguès. 

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise à ce que les syndicats et représentants du personnel de l’entreprise soient dûment informés de l’existence et du contenu du plan de vigilance en rendant obligatoire sa présentation devant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise (CHSCT).

M. le rapporteur. Avis défavorable. Tout d’abord, le droit en vigueur prévoit déjà l’information du CHSCT. Ensuite, cette prérogative relève plutôt du comité d’entreprise. Enfin et surtout, nous ne voulons pas ajouter trop de dispositions à cette proposition de loi. L’ensemble des dispositions auxquelles vous faites référence font partie du droit commun des entreprises. Il est donc inutile de les rappeler.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune l’amendement CL30 de M. Philippe Noguès, les amendements identiques CL49 du rapporteur et CL57 de la commission des Affaires économiques ainsi que les amendements identiques CL3 de Mme Danielle Auroi, CL11 de M. André Chassaigne et CL19 de M. Jean-Noël Carpentier. 

M. Philippe Noguès. L’amendement CL30 a pour objet de supprimer le cinquième alinéa de l’article, qui prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État. Alors que ses modalités d’application me semblent suffisamment exposées dans la proposition de loi, rendre nécessaire le recours à la voie réglementaire risque de retarder l’entrée en vigueur de ce texte.

M. le rapporteur. Si je suis défavorable à la suppression de cet alinéa, je partage la crainte que ce décret ne permette au pouvoir réglementaire de réécrire la loi et d’en amenuiser la portée. C’est pourquoi l’amendement CL49 vise à limiter le contenu de ce décret aux seules modalités de présentation du plan de vigilance.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable. La commission du Développement durable a adopté ce matin un amendement identique à l’amendement CL49.

La Commission rejette l’amendement CL30.

Puis elle adopte les amendements CL49 et CL57.

En conséquence, les amendements CL3, CL11 et CL19 deviennent sans objet.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CL34 de M. Philippe Noguès, CL40 du rapporteur et CL52 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Noguès. Il n’est pas nécessaire de préciser que les juridictions civile et commerciale sont les juridictions compétentes, car cela exclut d’autres juridictions potentiellement compétentes selon les cas particuliers.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable. Un amendement identique a été adopté ce matin en commission du Développement durable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL4 de Mme Danielle Auroi, CL12 de M. André Chassaigne et CL20 de M. Jean-Noël Carpentier, et l’amendement CL31 de M. Philippe Noguès.

M. Jean-Noël Carpentier. La mise en place du plan de vigilance prévu par la proposition de loi est indispensable. Il devra être précis et permettre le contrôle total du dispositif, l’entreprise devant exposer la réalité de ce plan. L’amendement complète ainsi la proposition de loi.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La rédaction de la proposition de loi comble déjà votre attente. Elle prévoit que le devoir de vigilance n’est pas seulement formel, mais se met en œuvre de manière effective. Ces mots garantissent son caractère opérationnel sur le terrain et donne une prise au juge dans son examen. Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi ne se contente pas de demander à l’entreprise d’apporter la preuve que des inspecteurs sont passés, par exemple, dans des ateliers textiles, mais bien de montrer qu’ils les ont effectivement contrôlés.

M. Philippe Noguès. La formulation que je propose me semble plus forte. Elle exclut que les inspecteurs rendent seulement un rapport.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL33 de M. Philippe Noguès. 

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise, non à inverser, mais à alléger la charge de la preuve qui pèse actuellement entièrement sur les victimes. Or, les éléments d’information concernant la mise en œuvre effective du plan de vigilance sont difficiles d’accès pour elles alors qu’elles sont à la disposition de l’entreprise.

M. le rapporteur. Le plan de vigilance devant être publié, toutes les parties prenantes ont également la capacité de saisir le juge sur des arguments étayés. Votre souhait de revenir à l’inversion de la charge de la preuve va à l’encontre de la logique de la présente proposition de loi, qui se focalise sur la prévention, la précaution, la sanction de l’absence de prévention et, le cas échéant, la réparation. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL35 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise à donner explicitement intérêt à agir aux syndicats, qui ont exprimé des préoccupations en ce sens.

M. le rapporteur. Précision inutile. La proposition de loi prévoit que toutes les personnes physiques et morales justifiant d’un intérêt à agir pourront le faire. Si nous commencions à énumérer les différentes catégories, nous devrions également mentionner les associations, les organisations non gouvernementales…

Mme Anne-Yvonne Le Dain. D’autant que les syndicats sont de droit fondés à agir !

L’amendement est retiré.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL5 de Mme Danielle Auroi, CL13 de M. André Chassaigne et CL21 de M. Jean-Noël Carpentier, les amendements identiques CL41 du rapporteur et CL53 de la commission des Affaires économiques, et l’amendement CL36 de M. Philippe Noguès. 

M. Paul Molac. La proposition de loi prévoit une amende civile dont le montant, plafonné à dix millions d’euros, pourrait, en fonction des circonstances appréciées par le juge, se révéler  inadapté. Implicitement, ce plafond présente une garantie contre la prise en charge des catastrophes les plus coûteuses, a priori les plus graves. Il y a là contradiction. Afin de laisser une latitude au juge pour tenir compte de la capacité financière des entreprises, en vertu du principe de proportionnalité des peines, il est proposé de corréler la sanction financière au chiffre d’affaires du groupe concerné.

M. le rapporteur. Gardons-nous des confusions. À l’article 1er, la sanction porte sur le défaut de vigilance, tandis que la réparation des dommages causés est traitée à l’article 2. Une amende d’un montant maximal de dix millions d’euros est à un niveau suffisamment dissuasif pour encourager l’entreprise à développer un plan de vigilance, propre à assurer sa compétitivité dans un monde moderne, plutôt qu’à provisionner simplement dans ses comptes le risque d’une carence. Au demeurant, il incombe au législateur de fixer un montant maximal, sur lequel il pourra ultérieurement revenir. Quant à quantifier l’amende en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise, cela n’est pas apparu pertinent. J’ajoute que le juge peut également prononcer des astreintes non plafonnées. Au-delà du risque réputationnel, les moyens de contrainte ne feront donc pas défaut.

D’une manière plus générale, la proposition de loi vise non à multiplier les amendes, mais à créer un climat propice à une pratique plus vertueuse de l’obligation de vigilance.

M. Philippe Noguès. Dans le même esprit, mon amendement vise à écarter le montant de dix millions d’euros auquel l’amende se trouve fixée pour on ne sait quelle raison, plutôt qu’à cinq ou à vingt millions d’euros. Je propose qu’elle soit plutôt proportionnelle au dommage et aux moyens de la société condamnée.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements CL5, CL13 et CL21.

Elle adopte les amendements CL41 et CL53.

Elle rejette l’amendement CL36.

Puis elle examine les amendements identiques CL37 de M. Philippe Noguès, CL46 du rapporteur et CL58 de la commission des Affaires économiques. 

M. le  rapporteur. Il a semblé bon de rappeler que le contribuable ne devrait pas supporter la faute de l’entreprise, en précisant que l’amende n’est pas déductible du résultat fiscal.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable. La commission du Développement durable partage cette préoccupation légitime ; elle a adopté un amendement identique.

La Commission adopte les amendements.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

Article 2 (art. L. 225-102-5 du code de commerce [nouveau]) Responsabilité en cas de manquement aux obligations du plan de vigilance

La Commission examine les amendements identiques CL7 de Mme Danielle Auroi, CL15 de M. André Chassaigne et CL22 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à ce que les sociétés mères soient tenues responsables lorsqu’elles n’ont pas respecté leur devoir de vigilance. Il prévoit en particulier qu’elles apportent la preuve qu’elles ont pris toutes les mesures en leur pouvoir pour s’en acquitter.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CL32 de M. Philippe Noguès. 

M. Philippe Noguès. La discussion sur les amendements précédents me laisse le sentiment que mon amendement, qui prévoit que les sociétés contrevenantes soient « solidairement responsables », est satisfait.

M. le rapporteur. En effet.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite les amendements de cohérence CL42 du rapporteur et CL54 de la commission des Affaires économiques.

Puis elle adopte les amendements de précision CL43 du rapporteur et CL55 de la commission des Affaires économiques.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite les amendements identiques CL6 de Mme Danielle Auroi, CL14 de M. André Chassaigne et CL24 de M. Jean-Noël Carpentier.

Puis la Commission adopte les amendements de cohérence CL44 du rapporteur et CL56 de la commission des Affaires économiques.

Elle adopte enfin l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission est saisie de l’amendement CL25 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Cet amendement reprend une proposition qui figure dans le rapport remis par Jacques Attali « Pour une économie positive ». Il vise à étendre le champ des objectifs poursuivis par les sociétés tels qu’ils sont définis dans la loi, afin de rééquilibrer les relations entre les parties prenantes de l’entreprise, lesquelles sont actuellement déséquilibrées au profit des actionnaires ou des associés. Il s’agit de repenser l’entreprise au XXIsiècle, de telle manière que nous puissions affirmer, en définitive : « L’entreprise, c’est nous ! »

M. le rapporteur. Vous avez, cher collègue, une vocation de pionnier et de défricheur. Vous posez d’ailleurs les problèmes dans les mêmes termes que plusieurs chercheurs, notamment de la Sorbonne et de l’École des Mines, qui ont participé à un cycle universitaire du Collège des Bernardins portant notamment sur la constitutionnalisation de l’entreprise. Il convient en effet de repenser l’entreprise au XXIe siècle, de rappeler que le profit n’est qu’un moyen au service de causes et d’objectifs qu’il faut redéfinir de façon plus collégiale. Ce ne sont pas là des choses évanescentes : il s’agit d’imaginer ce que pourrait être la dynamique économique dans un cadre moderne. Je salue votre proposition, qui est novatrice, voire prophétique, mais elle n’a pas nécessairement sa place dans le texte que nous examinons. Je vous suggère de créer un groupe de travail – dont je suis prêt à faire partie – en vue de réfléchir à une proposition de loi qui redéfinirait l’entreprise au XXIsiècle. Vaste programme et beau sujet !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques CL8 de Mme Danielle Auroi et CL16 de M. André Chassaigne.

M. Paul Molac. Le texte ne prévoit pas l’indemnisation des victimes. C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, de rendre les dommages nés de la négligence des multinationales éligibles au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les contributions au FGTI sont assises sur les contrats souscrits par les assurés, c’est-à-dire par les citoyens. Il y a donc une profonde divergence entre ce mécanisme et l’objectif que vous poursuivez. D’autre part, il ne revient pas à la loi de préconiser la mise en place d’un système assurantiel. Néanmoins, je retiens l’idée que les entreprises pourraient, un jour, inventer un tel système et, pourquoi pas, un fonds d’indemnisation. Lors de la discussion en séance publique, nous pourrions mettre en valeur toutes les dynamiques collectives qui concourent à la création d’un système assurantiel interentreprises. Je rappelle que la loi révolutionnaire de 1898 qui a reconnu la responsabilité des entreprises dans les accidents du travail a ouvert la voie au système assurantiel que nous connaissons actuellement. Ce système a été la réponse intelligente des entreprises à une demande du législateur et à un combat syndical historique et pionnier, qui nous inspire aujourd’hui encore.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cette proposition de loi vise à prévenir les dommages. Son objet n’est donc pas de mettre en place un système assurantiel. Une fois le dommage survenu et avéré, d’autres lois s’appliquent. Néanmoins, il est nécessaire d’évoquer ces sujets de société, compte tenu de l’importance des enjeux humains.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL28 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise à rendre la proposition de loi applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS). J’ai déposé plusieurs fois des amendements analogues à celui-ci, car les SAS sont souvent oubliées dans les textes de loi.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les entreprises que nous avons retenues dans le cadre de cette proposition de loi sont celles qui sont soumises aux règles existantes en matière de responsabilité sociétale des entreprises. La question de l’application du texte aux SAS peut se poser lorsqu’il s’agit d’entités financières très puissantes, mais cela n’a pas de sens lorsqu’il s’agit de PME. Nous pourrions approfondir cette question d’ici à la séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL23 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Les syndicats sont des acteurs à part entière des dispositifs de vigilance. Le comité d’entreprise peut déjà faire appel à un expert-comptable dans un certain nombre de cas. Cet amendement vise à compléter le code du travail de telle manière qu’il puisse également recourir à un expert-comptable pour l’assister dans l’analyse, la vérification et le suivi de la mise en œuvre d’un accord relatif à la responsabilité sociétale de l’entreprise.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait par le 3° de l’article L. 2325-35 du code du travail, lequel prévoit déjà que l’expert-comptable peut assister le comité d’entreprise en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL26 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Il s’agit d’inclure le suivi du plan de vigilance dans les missions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société mère.

M. le rapporteur. Avis défavorable, compte tenu des arguments développés précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Article 3 : Extension du dispositif aux îles Wallis et Futuna

La Commission est saisie des amendements identiques CL45 du rapporteur et CL59 de la commission des Affaires économiques.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à ce que tous les articles de la présente proposition de loi soient applicables dans les îles Wallis et Futuna.

M. Serge Bardy, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable. La commission du Développement durable a adopté un amendement identique.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

M. Marc Dolez. Compte tenu du sort réservé ce matin à ses amendements, le groupe GDR s’abstiendra lors du vote sur l’ensemble du texte, en souhaitant que celui-ci puisse être amélioré d’ici à la séance publique.

M. Paul Molac. Le groupe écologiste s’abstiendra également.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à 12 heures 30.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

Mme Elisabeth Pochon, rapporteur sur la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et Mme Elisabeth Pochon et les membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et apparentés visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales (n° 2619) ;

M. Philippe Houillon, co-rapporteur sur la mise en application de loi qui serait issue de l’adoption définitive de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 2578).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, M. Frédéric Cuvillier, M. Carlos Da Silva, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guy Geoffroy, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Jacques Pélissard, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Potier, M. Bernard Roman, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Paola Zanetti

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Dominique Bussereau, M. Éric Ciotti, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, Mme Françoise Descamps-Crosnier, Mme Laurence Dumont, M. Bernard Gérard, Mme Marietta Karamanli, M. Pierre Lequiller, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme Maina Sage, M. Patrice Verchère, Mme Marie-Jo Zimmermann

Assistaient également à la réunion. - M. Serge Bardy, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Chantal Guittet, Mme Annick Le Loch, M. Michel Ménard, M. Philippe Noguès, M. Michel Piron, M. Christophe Premat, M. Arnaud Richard