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Commission des affaires économiques

Mardi 2 février 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 43

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de M. Philippe Monloubou, président du directoire d’Électricité Réseau Distribution France (ERDF)

La commission a auditionné M. Philippe Monloubou, président du directoire d’Électricité Réseau Distribution France (ERDF).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous recevons aujourd’hui M. Philippe Monloubou, président du directoire d’Électricité Réseau Distribution France (ERDF). La dernière fois que nous avions entendu un représentant d’ERDF, c’était en octobre 2013, au cours d’une table ronde sur le compteur électrique intelligent Linky. La question nous occupera certainement encore aujourd’hui, mais elle ne sera pas le sujet exclusif de notre réunion.

La distribution d’électricité, distincte du transport géré par Réseau de transport d’électricité (RTE), concerne tant les territoires urbains que ruraux, pour lesquels nous avons une attention particulière. Nous reconnaissons le travail qu’y mène ERDF. À une époque, nous avons dénoncé le manque d’investissement sur les réseaux, mais du travail a été effectué depuis lors. Nous vous en félicitons, même s’il reste encore à faire dans les zones rurales et les zones de montagne, où la présence d’obstacles naturels fait de toute opération d’extension de réseau un combat, notamment pour mobiliser les financements. Nous ne pouvons que vous encourager à continuer de remplir, comme vous savez si bien le faire, la mission de service public d’ERDF consistant à être présent sur tout le territoire.

Votre secteur fait l’objet d’une actualité importante. Quelles seront les modalités de déploiement du compteur Linky ? Chez nos concitoyens, des inquiétudes s’expriment à son sujet ; vous devez les rassurer. Vous envisagez également un changement de nom ; peut-être pourrez-vous nous en dire plus. Autre sujet, le développement des réseaux intelligents (smart grids) devrait accroître votre réactivité et permettre d’intégrer les nouvelles énergies au réseau de distribution comme au réseau de transport. Cela requiert des investissements sur l’ensemble du territoire, nécessitant des schémas d’intégration des énergies. Enfin, nous avons adopté une loi prévoyant le déploiement sur tout le territoire de bornes de recharge électriques pour les automobiles, étant entendu que celui-ci doit aller de pair avec l’ambition de réguler ce réseau, qui doit être équilibré sur l’ensemble du territoire.

M. Philippe Monloubou, président du directoire d’Électricité Réseau Distribution France (ERDF). Vos préoccupations sont légitimes dans la période de forte transformation que nous traversons. Elle affecte aussi ERDF, qui doit continuer d’assumer ses fonctions de service public tout en devenant un acteur prépondérant de la transition énergétique sur l’ensemble des territoires.

Je ne me suis encore jamais exprimé devant votre commission, mais je l’avais fait devant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique. Sans démagogie, je crois pouvoir dire que les débats au Parlement ont permis de progresser sur des questions essentielles et ont révélé un grand nombre de sujets, tels que le déploiement de Linky, la protection des données ou encore la gouvernance de la distribution. À cet égard, la prochaine réunion de notre conseil de surveillance sera l’occasion d’accueillir un représentant des collectivités concédantes. Je veux vraiment saluer la qualité du travail qui a été accompli avec vous, en particulier avec vos rapporteurs, Mmes Battistel, Bareigts et Buis, ainsi que M. Baupin, sans oublier naturellement le président François Brottes.

Je voudrais d’abord évoquer les profondes mutations qui font évoluer notre métier. La première d’entre elles est l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, qui s’observe en France comme ailleurs dans le monde. La loi elle-même fixe les objectifs de réduction du dioxyde de carbone. L’entreprise ERDF raccorde 95 % des installations d’énergie renouvelable ; ce chiffre s’entend en nombre d’installations, non en puissance, car quelques puissants parcs offshore ne sont pas raccordés par ERDF. Chaque année, ce sont non moins de 30 000 installations nouvelles qui sont raccordées par ERDF et dont la production doit être intégrée au réseau.

Le deuxième élément marquant est le rôle accru des territoires dans la mise en œuvre de la transition énergétique, avec les territoires à énergie positive pour une croissance verte (TEPCV) et avec les expérimentations locales. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, mais aussi la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ont ouvert de nouveaux espaces de responsabilité et d’autonomie. Grand succès français, la conférence de Paris sur le climat (COP21) a consacré le rôle de la société civile dans la transition énergétique ; les acteurs locaux – les élus – et les entreprises devant se structurer pour accompagner cette dynamique.

La digitalisation constitue un troisième point important. La production et la diffusion des données, données ouvertes ou open data et mégadonnées ou big data, révolutionnent l’exploitation même des systèmes électriques ; sans elles, il ne saurait y avoir de transition énergétique, car ce sont elles qui permettent l’intégration des énergies renouvelables au réseau, en France mais aussi dans le reste de l’Europe. La gestion du réseau en temps réel nécessite des données beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus souvent mises à jour. Vous l’avez souligné tout à l’heure en mentionnant les smart grids et le compteur communicant Linky, qui jouera un rôle-clé dans la diffusion de données et dans la relation aux clients et aux acteurs de l’efficacité énergétique.

Quatrième et dernier élément, de nouveaux usages apparaissent. Vous avez cité les bornes de recharge des véhicules ; elles ont un impact très important sur le réseau et sur son fonctionnement. Ce mouvement recouvre des enjeux d’investissement, de calibrage, mais aussi de gestion des données – on a parlé parfois d’ « ubérisation ». En tout cas, l’implantation de ces bornes pourra se faire de manière intelligente grâce aux données collectées. Ce smart charging permettra leur meilleure intégration au réseau ; la loi prévoit jusqu’à sept millions de points de charge. Il faudrait évoquer aussi les notions de flexibilité et d’effacement. La même évolution s’observe également en Allemagne et au Royaume-Uni.

Aujourd’hui, nous sommes un gestionnaire d’infrastructures de réseaux, un distribution system operator (DSO), comme on dit dans le monde anglophone. Il faut en effet souligner la dimension désormais systémique de l’activité de distribution. Cette dimension intelligente était autrefois concentrée dans le transport d’énergie, mais les distributeurs en sont désormais devenus dépositaires, agissant dans des mailles territoriales nouvelles, qu’il s’agisse des métropoles ou des nouvelles régions. Cette opposition entre simple gestion de réseau et DSO est au cœur de la mutation de notre métier de distributeur.

Nous devons inscrire nos missions dans un cadre contractuel et financier qui garantit à la fois visibilité et stabilité des investissements, tout en remplissant les exigences de qualité que vous connaissez. Nos relations avec les nouveaux acteurs doivent participer de la transition énergétique sans sacrifier ces exigences. Rôle plus nouveau encore, nous assumons une fonction de facilitateur neutre, ou enabler, au service des enjeux du numérique, de la transition énergétique et du développement des territoires.

Je vais maintenant aborder quelques sujets spécifiques.

Les investissements et la qualité représentent un premier aspect concret de la mutation en cours, car elle se traduit par une hausse des besoins d’investissements dans le domaine de la transition énergétique et dans l’amélioration de la qualité de l’énergie acheminée, qu’il convient d’améliorer en permanence. Les investissements contraints, liés aux demandes de raccordement, ont baissé ces dernières années du fait du ralentissement de l’activité économique. Pour autant, l’activité de distribution reste une activité en croissance, avec 300 000 raccordements effectués chaque année. L’activité ne se porte donc pas si mal, même si les chiffres ont pu être plus élevés par le passé. L’équivalent de onze à douze tranches nucléaires a tout de même été installé sur le réseau en puissance délocalisée ; nous sommes loin de la situation d’il y a cinq ou dix ans.

Quant à nos investissements délibérés consacrés à la modernisation des outils et des réseaux, ils augmentent de manière constante depuis 2008, pour un montant cumulé de 400 millions d’euros entre 2008 et 2015, ce qui représente une augmentation très significative. Entre 2014 et 2015, ils ont augmenté de 30 millions d’euros.

Outre ces dépenses d’investissements en capital (capital expenditure ou capex), les dépenses de maintenance (operational expenditures ou opex) ont aussi été considérablement renforcées sur les réseaux, pour mieux résister notamment aux aléas climatiques et développer notre capacité de résilience. Jusqu’à dix ans en arrière, la situation se dégradait, en particulier parce que les affectations étaient insuffisantes sur les réseaux. Depuis lors, nous nous améliorons de manière continue. Notre engagement en faveur de l’amélioration du réseau se traduit par une baisse continue du temps moyen de coupure par habitant, que nous appelons critère B. En 2015, il était de 61 minutes, niveau le plus bas atteint depuis dix ans. Nous intervenons de manière de plus en plus ciblée, car nous identifions plus rapidement les zones du réseau qui présentent des écarts importants. Par exemple, en Bretagne, les dernières tempêtes ont révélé des fragilités chroniques : nous investissons 100 millions d’euros sur cinq ans pour traiter significativement les zones concernées.

En maintenant le bon résultat actuel du critère B sur la durée ainsi que la desserte de zones urbaines denses de type métropole à des niveaux de qualité constatés à l’échelle européenne, nous assurerons notamment la compétitivité de notre territoire. Parallèlement, la modernisation de notre outil de travail doit nous permettre de devenir un vrai gestionnaire de mégadonnées pour faire face aux enjeux de la transition énergétique et aux besoins d’investissement dans les systèmes d’information. Grâce aux mégadonnées, nous pourrons répondre aux demandes des territoires en matière de données précises et régulières qui leur permettront de développer des programmes d’efficacité énergétique de manière ciblée, participant ainsi au mouvement général de la transition énergétique.

S’agissant de l’évolution de la gouvernance, je me félicite d’abord de l’évolution au sein du conseil de surveillance, où les collectivités territoriales seront désormais représentées et pourront partager la réflexion sur les enjeux entrepreneuriaux d’ERDF et sur ses missions fondamentales. Ensuite, le futur comité du système de distribution, pour lequel les décrets sont en cours d’élaboration, verra bientôt le jour. Il pourra développer une vision d’ensemble de l’investissement public en matière de réseaux, qu’il s’agisse de ceux d’ERDF ou de ceux des collectivités concédantes. C’est une bonne chose que cette concrétisation de rapprochements qui avaient déjà lieu de facto, de façon plus ou moins volontariste selon les endroits.

J’en viens au programme Linky. Comme nous nous y étions engagés, le déploiement industriel a commencé le 1er décembre 2015 ; le rythme de pose va progressivement s’accélérer pour atteindre à son pic le nombre de 30 000 compteurs par jour. L’on peut regretter que les vrais défis de ce genre ne soient malheureusement pas plus nombreux, dans les circonstances actuelles, car le projet pèse tout de même 5 milliards d’euros et créera 10 000 emplois d’ici à 2021.

Il a une dimension non seulement économique, mais écologique, puisqu’il constitue l’une des briques élémentaires dans la transition énergétique, en permettant de disposer d’éléments d’information et d’objectivation, mais aussi de créer un nouveau rapport du client à sa consommation d’énergie – j’entends cette notion de client au sens large, en y englobant également des territoires. Il a, enfin, une dimension numérique : au moment où le projet de loi pour une République numérique est en cours d’examen, voilà un projet d’ampleur au niveau national.

Au carrefour d’un grand nombre des enjeux actuels, ce projet, d’un montant total de 5 milliards d’euros, n’est pas sans faire peser une lourde responsabilité sur nos épaules, car nous devons répondre tant aux exigences industrielles qu’aux exigences financières. À ces égards, je peux dire du déploiement qu’il est en ligne.

Il ne saurait y avoir de réseaux intelligents sans Linky, outil majeur de gestion de ces réseaux. Ce programme constitue ainsi l’élément essentiel autour de la gestion énergétique des territoires. Il permettra l’appropriation par les usagers de leur consommation et la meilleure intégration des énergies renouvelables, en offrant également aux clients de nouvelles fonctionnalités. Les relations avec le client s’en trouveront considérablement modernisées. Ce n’est qu’à cette condition que celui-ci pourra devenir ce qu’il est désormais convenu d’appeler un « consomm’acteur ».

Quelques inquiétudes se sont cependant exprimées autour de cet outil de transformation ; nous travaillons à les dissiper. Alors que les compteurs Linky n’ont pas d’autre impact que celui des compteurs électroniques en place aujourd’hui, ces inquiétudes créent la rumeur sur les réseaux sociaux et sont préjudiciables au déploiement des compteurs Linky. Dès qu’on parle de transmission de signaux et d’information, une dimension émotionnelle apparaît immédiatement, comme vous le savez. Nous poursuivons donc notre travail, y compris avec les territoires. Ils doivent prendre leur place dans la mise à disposition de ces éléments. Nous avons besoin de l’implication des élus et des acteurs des territoires sur ce sujet. Il en va de la réussite de la transition énergétique sur les territoires.

J’en arrive à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et à ses suites. Comme vous le savez, elle appelle un travail réglementaire très important. Les décrets d’application ont fait l’objet de nombreux efforts au cours des derniers mois.

Mme la présidente Frédérique Massat. Notre commission a précisément constitué, il y a un mois, une mission d’information sur l’application de cette loi. Il y a, au demeurant, de fortes chances qu’elle souhaite vous entendre.

M. Philippe Monloubou. Dans cette loi, les articles qui concernent les activités de distribution sont nombreux. L’article 153 traite de la gouvernance, je n’y reviens pas. L’article 28 prévoit que les données soient mises à la disposition des propriétaires d’immeuble ; le décret est en cours d’élaboration. Très important, l’article 179 prévoit la transmission des données par le gestionnaire de réseau aux collectivités pour qu’elles puissent exercer leurs compétences ; il recoupe certaines des dispositions du projet de loi pour une République numérique et demande que le gestionnaire et les collectivités assument leurs responsabilités, sur un sujet au confluent du défi industriel, des enjeux économiques et de la problématique de l’informatique et des libertés. D’autres articles vont permettre de poursuivre avec les collectivités les expérimentations en matière de flexibilité sur le réseau ; nous n’en sommes qu’à des modèles théoriques, dont ces dispositions vont permettre d’étalonner les possibles développements, en favorisant l’évaluation de l’acceptabilité par le réseau des énergies renouvelables et des bornes de recharge. Objet de débats assez nourris, l’article 105 renforce les obligations du gestionnaire de réseau de distribution en matière de délais de raccordement ; nous devrions, d’un point de vue industriel, être capables de remplir les exigences nouvelles, à l’exception de quelques points qu’il faudra savoir évaluer localement. Enfin, l’article 41 prévoit le déploiement de sept millions de points de charge à l’horizon 2030 ; certes facile à rédiger, il est plus difficile à mettre en œuvre et recouvre naturellement de gros enjeux.

J’attire, par ailleurs, votre attention sur l’article 33, qui prévoit l’élaboration par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation. Sans préjuger des conclusions du pré-rapport dont je n’ai pu prendre connaissance, je veux rappeler que c’est un sujet à enjeu financier se chiffrant à plusieurs milliards d’euros, qu’il n’y a pas d’enjeu lié à la sécurité des personnes et des biens, et que la question de l’estimation exacte des besoins de renouvellement est centrale. En effet, pour la partie du parc déjà en concession, les colonnes montantes sont renouvelées et correctement maintenues en l’état. Mais si se posait la question de la reprise en concession des colonnes électriques particulières par ERDF, elle ne pourrait être réglée qu’à certaines conditions : soit après renouvellement ou remise en état par les propriétaires de leurs colonnes, dans le cadre d’une mise aux normes ; soit avec la garantie qu’ERDF bénéficiera des ressources suffisantes pour engager les travaux de renouvellement ou de remise en état.

Mme la présidente Frédérique Massat. Dois-je comprendre que vous nous demandez de l’argent pour mettre en application les dispositions prévues par la loi ? Nous entendons votre appel, mais nous verrons les conclusions du rapport dans sa version définitive. La mission d’information sur l’application de la loi fera le point sur la question. La commission des affaires économiques examinera son rapport.

M. Philippe Monloubou. Nous serons à votre disposition pour en parler.

J’en viens aux lois numériques et aux données ouvertes ou open data. L’entreprise ERDF est engagée depuis longtemps dans la dynamique des données ouvertes et des mégadonnées, dont nous sommes déjà un opérateur. En 2015, nous avons mis en ligne un certain nombre de données relatives aux capacités installées, mais tirées de bilans national et régionaux de consommation d’énergie. Une fois rendu applicable, l’article 179 consacrera le périmètre de ce qu’il nous appartient de faire en ce domaine.

Pour notre part, nous cherchons d’abord à nous mettre en position de pouvoir remplir ces nouvelles exigences, comme nous l’avons déjà fait. En fonction des demandes, nous devrons procéder à des investissements. Nous souhaiterions donc une certaine progressivité, à la fois pour des raisons techniques et pour une raison de compréhension des enjeux. À mon sens, l’ensemble des informations que nous collectons n’ont pas vocation à être connues de l’ensemble des acteurs, dans l’hexagone et au-delà.

Mme la présidente Frédérique Massat. Oui, nous travaillons sur cette question. La commission des affaires économiques a déposé des amendements au projet de loi pour une République numérique qui prennent en compte ces préoccupations.

M. Philippe Monloubou. Nous devrons prendre en compte les exigences en matière d’anonymisation, concept à résonance particulière dans le domaine de l’informatique et des libertés. Les aspects relatifs à la concurrence ne pourront pas non plus nous échapper.

Car nous voulons exercer pleinement nos prérogatives de DSO dans les territoires. Telle est même, je crois, la valeur qui nous lie à eux : notre capacité à mettre en perspective et en relation les données avec les enjeux énergétiques. Ces données ouvertes dessinent le cadre du nouvel environnement où nous allons nous mouvoir. Aussi préconisons-nous en ce domaine une progressivité qui, sans être un frein au développement, permette néanmoins de préserver notre capacité industrielle, comme de définir de manière claire et entière notre responsabilité et de sécuriser la mise à disposition de ces données, dont la diffusion devient l’une des grandes missions des gestionnaires de réseaux.

Ces chantiers sont considérables. Nous avons pour rôle de tirer le meilleur des synergies entre le modèle français de la distribution, système assez unique qui a fait la preuve de ses qualités, notamment en matière d’adaptation à la transition énergétique, et les grandes mutations qui sont en cours et qui nous amènent à intégrer de nouvelles énergies. Pour cela, nous avons besoin de durabilité, de stabilité et de lisibilité dans le cadre contractuel entre concédant et concessionnaire. Nous y travaillons, y compris dans les territoires, en cherchant à trouver comment sécuriser dans la durée les investissements nécessaires à la qualité et à la stabilité du réseau. Nous abordons le sujet de manière responsable, avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

J’en termine par le cadre tarifaire. Notre pays s’est doté d’une politique énergétique ambitieuse. Il est indispensable que le cadre tarifaire donne au distributeur les moyens de la mettre en œuvre. Il doit inciter à des investissements, tout en répartissant la charge de manière acceptable entre les clients. Les différents tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), en vigueur depuis 2001, ont une fâcheuse tendance historique à varier de manière importante, tant dans leur niveau que dans leur structure, générant une très forte instabilité. L’article 153 de la LTECV propose une méthode de construction qui puisse viser à plus de stabilité, en conformité avec ce qui se pratique dans le reste de l’Europe.

Nous plaidons donc pour un cadre tarifaire qui fasse sens économiquement, en assurant une bonne rémunération des capitaux, qui soit robuste juridiquement, lisible par tous les acteurs et incitatif à investir. Les parlementaires peuvent s’engager en ce sens, par exemple auprès de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Nous souhaitons également que la structure du tarif évolue pour prendre en compte des évolutions telles que l’autoconsommation et l’autoproduction. Aujourd’hui, le tarif est basé à 80 % sur la consommation, la part fixe ne s’élevant qu’à 20 %. Cette dernière part, qui sert à financer les investissements, va devoir devenir plus importante. Il en ira de même pour la tarification du transport d’électricité. Il est important que le régulateur soit amené à prendre en compte des services nouveaux offerts par le distributeur, telles les mégadonnées, car ils constituent pour lui autant de charges fixes.

En conclusion, l’évolution sans précédent qui est en cours donne aux réseaux de distribution un rôle fondamental dans la transition énergétique, qui passe par l’intelligence des réseaux, des investissements accrus et l’intégration des ressources propres aux territoires. Ce rôle, l’entreprise ERDF l’a anticipé, en termes d’organisation, de talents et de compétences. C’est à ce titre que nous pouvons pleinement nous engager.

Cette transformation passe aussi par la définition du cinquième tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité ou TURPE 5, qui est en cours de négociation. Y contribuera enfin le changement de notre nom. Notre nouveau nom ne prêtera plus à l’équivoque, du moins chez ceux qui voulaient en trouver dans l’ancien ; il permettra de réaffirmer notre mission et notre place dans les territoires, au service de la transition énergétique.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le déploiement massif des compteurs Linky est désormais engagé, non moins de 60 000 étant déjà installés. Cela permettra demain la collecte précise de consommation d’électricité, agissant comme un levier supplémentaire de la transition énergétique. L’ouverture en open data de toutes ces données de production et de consommation est envisagée par certains acteurs qui souhaitent les utiliser : quel est votre position sur cette question ? Quels sont les risques que vous décelez dans une telle ouverture ? Comment comptez-vous vous en préserver ?

Par ailleurs, quelles opportunités ces informations peuvent-elles ouvrir en termes d’offre tarifaire ? Destinataire de propositions plus précises et plus avantageuses, le consommateur pourra devenir demain acteur de sa consommation, de la maîtrise de l’énergie et plus particulièrement de la gestion de la pointe ou de l’ultra-pointe. À mon sens, cela devrait contribuer à une meilleure gestion du réseau et de la consommation énergétique.

J’en viens au sujet d’actualité que constitue l’effacement diffus. Il pourrait être un outil utile à la gestion de la pointe, mais, aux conditions actuelles, son développement économique n’est pas viable. L’installation de compteurs Linky peut-elle faire faire l’économie de la pose onéreuse de coffrets spécifiques, jouant ainsi le rôle de support facilitant l’effacement diffus ? Cela pourrait être intéressant pour le consommateur.

Enfin, s’agissant des centrales photovoltaïques, quels sont les délais de raccordement que vous êtes capables de tenir ? Dans ma circonscription, au sud de l’Isère, un projet est en cours de lancement et je voudrais m’assurer qu’il ne prendra pas de retard à cause de cette opération.

M. Lionel Tardy. Au sujet des compteurs Linky, qui constituent un progrès important pour les réseaux et donc pour la transition énergétique, un débat a eu lieu sur les ondes électromagnétiques. Quelles précautions avez-vous prises contre les risques d’interférence ?

L’article 12 du projet de loi pour une République numérique, en cours d’examen, prévoit que le ministre de l’économie pourrait vous obliger à transmettre les informations présentes dans vos bases de données, à des fins statistiques. Quel est votre regard de personne morale de droit privé sur cette disposition ? Je souligne que la non-communication serait passible d’amende et d’une inscription sur une liste noire.

J’en viens au changement de nom envisagé. Pourquoi n’a-t-il pas eu lieu dès l’été dernier ? Constitue-t-il vraiment le seul frein au développement de la concurrence dans votre secteur d’activité ?

Mme Michèle Bonneton. Encouragés par la LTECV, le développement des énergies renouvelables et celui des véhicules électriques vont modifier et élargir à la fois le nombre de sources de production d’électricité et celui des points de consommation. Ces nouveaux usages demanderont sans doute des évolutions sur les réseaux. Comment ERDF se prépare-t-elle à cette nouvelle situation, notamment en termes d’investissement et de travaux à prévoir ?

La COP21 fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique, à tout le moins le contenir. La consommation d’énergie électrique n’est pas linéaire. Elle varie à la fois selon les heures de la journée et selon les saisons. L’énergie électrique n’est pas directement stockable ; elle peut l’être de manière indirecte sous différentes formes, notamment par la production d’hydrogène, comme nous le faisons à Grenoble, mais aussi en remontant de l’eau dans les barrages. Est-ce qu’ERDF participe ou songe à participer à de tels projets ?

L’électro-hypersensibilité ou hypersensibilité électromagnétique est une pathologie qui est aujourd’hui reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais aussi par l’Union européenne et, dans notre droit interne, par la loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. Issue d’une proposition du groupe Écologiste, cette loi a été adoptée le 9 février 2015. Les compteurs Linky seront émetteurs de ces ondes. Quelle politique ERDF entend-elle mener vis-à-vis des personnes électro-sensibles ? Une personne peut-elle s’opposer à la pose d’un compteur Linky chez elle ?

M. André Chassaigne. Je voudrais revenir sur votre changement de nom, cheval de bataille de la CRE. Je crains qu’il ne cache seulement un désir d’ouverture à la concurrence. Les arguments avancés sont que l’identité phonétique et visuelle de votre nom actuelle serait susceptible d’induire une confusion avec la maison-mère EDF. Cela ferait naître un traumatisme qui serait un frein à l’ouverture du marché. Le maintien du nom aurait-il vraiment des conséquences extrêmement négatives pour les usagers ?

Il y a quelques mois, vous aviez déjà évolué, en modifiant votre identité visuelle. J’aimerais savoir combien cela a coûté. Alors que tout le monde ne parle que d’économies et que des investissements sont à faire pour qu’ERDF remplisse ses missions de service public en lien avec la transition énergétique, l’entreprise changerait de nom pour un montant estimé entre 200 et 300 millions d’euros… C’est l’usager qui va payer, par la tarification d’utilisation des réseaux publics d’électricité ! Avez-vous bien mesuré toutes les conséquences ?

Ce mouvement est aussi en contradiction avec ce qui a eu lieu dans le domaine ferroviaire, avec la SNCF et Réseau Ferré de France (RFF). L’entité réseau et l’entité mobilité sont désormais coiffées par une maison-mère commune. Comment peut-on arriver à des conclusions diamétralement opposées avec EDF et ERDF ?

Par ailleurs, pensez-vous que les évolutions récentes puissent avoir des conséquences sur votre fonctionnement ? Je veux parler des territoires à énergie positive et des pôles territoriaux énergétiques. N’est-ce pas établir une forme de concurrence entre les territoires, avec un modèle énergétique en circuit fermé ? Comment ERDF conservera-t-elle sa place au milieu de ces évolutions ? Des monopoles privés sont installés aujourd’hui sur le marché des capacités et sur le marché de l’effacement.

Enfin, quelles seront les conséquences pour ERDF de la mise en concurrence des barrages hydrauliques ? Car vous touchez aujourd’hui une part de ce qu’il est convenu d’appeler la rente hydraulique pour financer des investissements relatifs à la distribution. Vos jours me semblent donc comptés. La menace qui pèse sur vous n’est qu’un aspect plus global de la menace qui pèse sur les services publics de l’énergie dans notre pays.

M. Hervé Pellois. Afin d’être en cohérence avec la loi NOTRe, ERDF prévoit de revoir son organisation interne, et notamment de supprimer les directions interrégionales. Quel serait alors le nouveau schéma d’organisation retenu ? Dans quelle mesure cette réorganisation répondra aux demandes de proximité des collectivités territoriales, qui sont des partenaires indispensables pour ERDF ?

À l’heure actuelle, quand un usager souhaite augmenter sa puissance électrique, il fait appel à un technicien ERDF qui se déplace à son domicile. La généralisation des compteurs Linky aura, à cet égard, des conséquences internes. C’est une révolution numérique normale et souhaitable. On m’a cependant parlé d’une réduction d’effectifs correspondante, qui concernerait 20 % des emplois d’ERDF. Quelles mesures envisagez-vous pour maintenir ces emplois ? Pourraient-elles avoir un lien avec les investissements dans la maintenance que vous évoquiez tout à l’heure ?

Enfin, quelles garanties pouvez-vous apporter afin de rassurer la population quant aux questions de santé que soulève l’installation du compteur Linky ? Je reçois à ce sujet des courriels de citoyens de ma circonscription qui demandent à votre entreprise un engagement leur garantissant l’absence de toxicité de l’ensemble des installations. Que leur répondez-vous ? Par ailleurs, pouvez-vous prendre l’engagement que ces installations seront couvertes par une police de responsabilité civile ?

M. Alain Leboeuf. Vous vous félicitez du niveau de qualité du réseau électrique, qui va croissant ; je suis prêt à partager cette analyse. Des micro-coupures s’observent toutefois, notamment dans les territoires ruraux. À l’heure de la robotisation, elles peuvent avoir des conséquences négatives sur notre industrie, car ce sont parfois trois à quatre heures de production qui sont perdues. Il me semble donc que votre attention doit porter non seulement sur les coupures longues, mais aussi sur ces micro-coupures.

À la suite de la loi NOTRe, un certain nombre de nos collègues maires ont été incités à constituer des groupements de communes. De petites communes ont fait le choix de s’associer à des communes plus grandes. Ces communes rurales tombent alors sous le coup de la réglementation applicable aux communes à structure urbaine, ce qui n’est pas sans conséquence en matière de recettes. Avez-vous, monsieur le président, un avis sur cette question ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Vous nous dites être engagés dans une politique d’investissement, mais votre maison-mère, EDF, est confrontée à la suppression de 4 000 postes dans les prochaines années et à la possible acquisition de 50 % d’AREVA. Cette situation n’affectera-t-elle pas vos possibilités d’investissement, notamment dans les réseaux intelligents ?

Vous avez souligné que le compteur Linky constitue la brique élémentaire de ce dispositif. L’objectif de huit millions de compteurs Linky posés en 2018 est-il toujours maintenu ? Avez-vous les capacités financières pour développer les smart grids ?

M. Guillaume Chevrollier. Les réseaux intelligents ouvrent, en effet, des perspectives tout à fait intéressantes pour notre pays. Conduisez-vous des travaux pour évaluer les coûts des énergies renouvelables, plus particulièrement celui du raccordement des petites unités éoliennes, qui représente une part non négligeable ?

Quelles sont les avancées en matière de stockage des énergies renouvelables ?

Vous nous avez sensibilisés sur la nécessité de prévoir des financements pour les réseaux dans les prochaines années. Il faudra de l’argent public, mais il se fait rare, vu l’état des comptes publics. Chacun devra donc faire des efforts. Quels sont ceux que vous demandez ou que vous réalisez au sein de votre entreprise, en termes d’organisation et de gestion sociale ?

M. Frédéric Roig. Le déploiement de Linky devrait permettre de créer des milliers d’emplois, nous dites-vous, mais sur quelles filières comptez-vous recruter dans les secteurs où le compteur n’a pas encore été déployé ? Des usagers m’ont interrogé sur les prestations liées à ce compteur. Savez-vous déjà lesquelles feront partie du forfait et lesquelles feront l’objet d’un abonnement spécial ?

En tant qu’élu rural, je dois attirer votre attention sur l’électrification des réseaux en milieu rural, qui constitue un enjeu important pour notre agriculture. Des partenariats se développent. Dans l’Hérault, les syndicats d’électrification sont très présents et vous êtes vous-même acteur, ce qui est essentiel.

Alors que l’annonce de suppressions d’emploi peut susciter des inquiétudes, je voudrais souligner que, dans mon secteur où les intempéries ont frappé à plusieurs reprises ces dernières années, vos équipes ont toujours été très présentes sur le terrain, dans des délais très brefs, y compris le dimanche. Saluons-le !

M. Jean-Claude Mathis. Les nouveaux compteurs intelligents devraient permettre d’assurer un réel équilibre entre la production et la consommation, autorisant une meilleure intégration des énergies renouvelables au réseau. Si l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) s’était montrée encore récemment assez réservée sur l’installation de ces nouveaux compteurs, en termes d’implication de l’usager et de maîtrise de sa consommation, elle en accompagne désormais le déploiement en jouant un rôle de pédagogie. Pouvez-vous nous indiquer en quoi cela consiste ?

Par ailleurs, les parlementaires reçoivent de nombreux courriers au sujet de l’installation de ces compteurs. Certains usagers manifestent leur opposition, car ils s’inquiètent d’éventuels risques sanitaires engendrés par le niveau d’ondes électromagnétiques ou encore du risque en matière de transfert de données personnelles. Pouvez-vous nous éclairer sur les problèmes qu’ils soulèvent ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Vous avez évoqué la création d’emplois directs et indirects induits par le déploiement de Linky, 10 000 au total, dont une grande partie affectée à la pose des nouveaux compteurs. Alors même qu’une suppression de 4 000 emplois est annoncée chez EDF, que pouvez-vous nous dire sur la nature de ces 10 000 emplois ? Comment se répartiront-ils sur le territoire ?

M. Éric Straumann. Le Président de la République a annoncé la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim pour 2018. Travaillez-vous actuellement sur l’hypothèse de cette fermeture ? Que prévoyez-vous s’agissant de la production d’électricité en Alsace à la suite de cette décision, alors que le risque de micro-coupures vient d’être évoqué ?

S’agissant du compteur Linky, l’UFC-Que choisir met en garde, dans sa revue, contre un risque de changement automatique de puissance et d’augmentation sensible du tarif. Je m’en inquiète aussi, même si je partage l’intérêt pour ce nouveau compteur qui va permettre de mieux gérer l’équilibre du réseau électrique.

M. Yves Daniel. En décembre 2014, vous avez inauguré à Saint-Étienne-de-Montluc, dans le département de la Loire-Atlantique, un nouveau campus de formation avec comme objectif affiché de former 800 personnes par an, dont 70 nouveaux embauchés environ. Compte tenu des difficultés actuelles de la maison-mère EDF et des suppressions de postes en cours et à venir, cet objectif est-il maintenu, de même que le niveau des embauches ?

En janvier 2014, la région des Pays de la Loire a validé sa stratégie de transition énergétique, multiplié par quatre la part de l’éolien dans le mix énergétique régional à l’horizon 2020, et celle du photovoltaïque par cinq. Elle prévoit de réaliser, d’ici à 2030, un effort d’efficacité énergétique de moins 30 % et de déployer 120 000 véhicules électriques dans le parc roulant. L’entreprise ERDF affirme être activement partie prenante dans l’atteinte de ces objectifs aussi ambitieux que nécessaires, notamment en contribuant au pilotage des évolutions du réseau d’électricité rendues indispensables par ces nouveaux modes de gestion de la production et de la consommation. Concrètement, comment cela se traduit-il ?

M. Philippe Le Ray. J’ajoute aux problèmes déjà soulevés ceux qui sont propres au milieu insulaire. À l’heure où nous délibérons sur une proposition de loi relative à l’économie bleue et aux nouvelles énergies, quel avis portez-vous sur le développement de la filière industrielle de l’éolien marin et sur l’hydrolien marin ?

Mme Marie-Lou Marcel. Le déploiement des compteurs Linky suscite des inquiétudes chez nos concitoyens, tant du point de vue de l’électro-sensibilité que du respect de la vie privée. Que faites-vous pour répondre à ces inquiétudes ? Avez-vous prévu des outils d’information spécifiques ?

Vous nous avez annoncé une augmentation d’effectifs, du fait du déploiement des nouveaux compteurs, peut-être de 10 000 postes. Pouvez-vous détailler ce que vous faites dans ce cadre en faveur de l’emploi des jeunes ? Quels sont vos objectifs chiffrés en ce domaine ? À l’heure où l’on parle de revaloriser l’apprentissage, quelle est la politique de votre groupe en la matière ?

M. Jean-Luc Laurent. La création de votre entreprise, comme celle de RTE, en 2008, est le résultat d’une dérégulation du marché de l’énergie, de la séparation des activités de production et des activités de distribution, mais aussi de la soumission de l’énergie aux règles de la concurrence. Je regrette que ces dispositions européennes aient été mises en œuvre, car je reste attaché, pour des raisons évidentes d’intérêt national, au modèle intégré d’EDF, à la souveraineté et au service public.

Les propositions que vous avez formulées en réponse à une délibération de la CRE relative à l’évolution de votre marque ont-elles fait évoluer les relations entre ERDF et ce régulateur ?

En novembre 2015, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure concernant notamment la libéralisation des concessions hydroélectriques. Quelles en seront les conséquences concrètes pour ERDF ? Cette mise en demeure comporte-t-elle des éléments qui concernent directement l’entreprise ERDF, son statut ou encore ses relations avec EDF ?

S’agissant des compteurs Linky, vu les délais rapides qui ont été fixés, dans le cadre d’un plan qui prévoit l’installation de 35 millions d’appareils à l’horizon 2021, comment comptez-vous assurer leur financement gratuit, sans répercussion sur le consommateur, dans la mesure où les réductions de coût attendues de cette installation mettront du temps à devenir réalité ? Selon des informations qui m’ont été communiquées, ces dernières ne permettraient pas de couvrir totalement le coût d’installation.

M. Christian Franqueville. Je voudrais vous interroger sur un problème d’électrification en milieu rural et d’alimentation industrielle. Nous parlons d’une entreprise qui s’agrandit chaque année, de telle sorte que la ligne de 20 000 volts qui l’alimente ne suffit plus. Elle a créé une filiale à 90 %, pour laquelle le raccordement électrique, demandé après que le permis de construire a été accordé en toute méconnaissance du besoin effectif, nécessite, selon ERDF, la construction d’une nouvelle ligne. Or cela amène une commune de seulement 1 500 habitants à devoir supporter un coût estimé à 970 000 euros, sous prétexte qu’il s’agirait d’une alimentation nouvelle, non d’un renforcement. Cela n’est pas notre point de vue. Au-delà des questions d’interprétation législative, notamment de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, est-il raisonnable de faire reposer de tels investissements sur les épaules d’une commune rurale ?

M. Philippe Monloubou. Je répondrai en commençant par le déploiement des compteurs Linky.

Le programme Linky, rappelons-le, a fait l’objet d’une expérimentation, contrairement à ce qui fut fait pour le déploiement des compteurs à gaz. Nous avons ainsi expérimenté en zone urbaine, en l’occurrence à Lyon, et en zone rurale, dans la périphérie de Tours, la réalité industrielle du déploiement, sur 300 000 compteurs. Nous avons pu tester ainsi la réaction des appareils, ce qui nous a beaucoup appris et nous a permis de monter en gamme et en qualité. Les aspects logistiques du déploiement sont également fondamentaux. Le business plan est construit sur des coûts qui sont affectés à 40 % aux appareils et à 60 % à leur pose. Cela requiert naturellement une maîtrise industrielle des fabricants comme des installateurs ; ces derniers doivent également être suffisamment nombreux.

En 2015, nous avons, en outre, effectué une pré-série d’installations sur les sites de Nice, Lorient et Lyon, pour tester encore plus précisément les aspects industriels. Cela fait, nous avons enfin donné le top départ à la mise en œuvre du programme au 1er décembre, comme je vous l’ai dit. Ce programme s’appuie sur des fournisseurs qualifiés, des installateurs formés et un personnel d’entreprise capable d’animer l’opération jusqu’au niveau ultra-local. Nous avons choisi un déploiement en taches de léopard : la première année, toutes les régions verront les installations commencer ; la deuxième année, ce sera le tour de toutes les grandes villes ; la troisième, aucun département ne restera plus à l’écart du déploiement, et ainsi de suite jusqu’à mailler l’ensemble du territoire. Les élus saluent assez largement cette démarche, qui assure une équité entre les territoires.

Au nombre de 10 000, les emplois induits se répartissent en deux grandes catégories. Une moitié est liée à la fabrication des compteurs, qui sera localisée en France. Six fabricants sont mobilisés. Ils ont construit la moitié des lignes de montage spécialement pour la circonstance, qui bénéficient également à l’écosystème associé – fabricants de connecteurs ou de plastique, par exemple. L’autre moitié des emplois sera affectée à l’installation des compteurs. Il s’agira principalement d’emplois d’électriciens, mais les électriciens à eux seuls ne suffiront pas. Nous avons donc élargi l’accès à la formation spéciale qui est prévue. Des équipes elles-mêmes régionalisées apporteront leur soutien et leur expertise aux installateurs, en suivant et en pilotant le déploiement des compteurs.

Au moment où je vous parle, nous maintenons nos objectifs initiaux d’installation. La qualification des fabricants est en phase terminale, puisque, ayant atteint la maîtrise de leur chaîne de fabrication, de sa productivité et de sa compétitivité, ils sont entrés dans la phase industrielle. De fait, le passage de la théorie à la pratique industrielle n’est jamais aisé.

S’agissant de la sécurité des données, ce projet industriel se caractérise par sa haute technologie. Nous avons créé un laboratoire Linky, qui est l’un des plus élaborés au monde. Une délégation chinoise l’a visité et s’est déclarée intéressée pour en accueillir un. Y sont testées toutes les fonctionnalités de Linky, en torturant, pour ainsi dire, l’appareil en tous sens, et en mesurant le respect des normes dans ces conditions. L’aspect particulier des ondes fait l’objet de sollicitations sans doute plus bruyantes que nombreuses ; en tout état de cause, nos interlocuteurs utilisent fort bien les réseaux sociaux. Évidemment, nous ne saurions développer ces compteurs sans avoir sécurisé les normes les plus élémentaires en la matière. Linky n’émet des ondes qu’à un niveau très faible, en tout cas sans commune mesure avec le niveau des ondes émis par nos téléphones, nos smartphones ou ordiphones. Vous pourrez le rappeler, à l’occasion, à ceux qui se servent de ces appareils pour vous alerter au sujet de Linky…

Un compteur Linky n’émet pas plus d’ondes qu’un compteur électronique. Il n’émet pas d’ondes radio, comme peuvent le faire beaucoup d’autres compteurs communicants dans le monde, qui transmettent les informations par ces ondes dans le domicile des clients. À la différence de ces appareils, Linky utilise les courants porteurs en ligne, signal électrique qui se superpose à l’onde électrique. Il n’y a donc pas d’émission radio, puisque le signal est ensuite transmis, à partir des postes de transformation, par le réseau habituel de télécommunication. Celui-ci peut certes poser problème au niveau des antennes, mais cela est indépendant de la pose des compteurs Linky. Les considérations de sécurité sur les ondes sont cependant difficiles à faire valoir auprès de personnes parfois placées dans des situations dramatiques du fait de leur hypersensibilité. Mais le discours dicté par l’émotion ne résiste pas à l’examen du problème dans ses dimensions normative et industrielle.

Nous avons fixé des normes de test dont nos fournisseurs ne connaissent l’équivalent nulle part ailleurs. Nous avons également interpellé la ministre de la santé Marisol Touraine pour que ses services s’expriment sur le sujet. Ils n’ont pas voulu le faire directement, mais ont lancé une étude. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) devait ainsi publier à la fin de l’année dernière une étude spéciale, mais il faudra encore attendre le mois de juin ou de juillet de cette année pour en prendre connaissance. Nous comptons sur ce document, public et publié par les pouvoirs publics, pour étayer notre discours d’industriel.

Ce discours s’exprime d’ailleurs même au niveau mondial, comme je peux le constater comme président d’Alliance G3-PLC, association universelle des fabricants de compteurs en ligne. La question des ondes justifie notre stratégie de déploiement, qui commence par des échanges avec les élus locaux. Nous les informons et leur mettons en main les éléments de réponse nécessaires. Certains d’entre eux sont cependant confrontés à des exemples d’électro-sensibilité tellement prégnants et tellement aigus qu’ils peinent à s’engager plus avant en faveur de Linky.

J’en arrive à la protection des données. Nous travaillons de manière directe avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), qui a émis des recommandations sur le projet Linky. Nous les observons en mettant en œuvre des mesures de cybersécurité sur trois niveaux : au niveau du compteur, les données recueillies sont chiffrées ; les compteurs, installés par grappes de cinquante à cent unités en moyenne, communiquent via les concentrateurs installés au sein des postes de transformation, qui sont équipés d’une security box, petit coffre-fort où une clef de chiffrage est installée ; le système d’information est bunkérisé au niveau national, grâce à de nouvelles clefs de chiffrage. Certes, personne ne peut jamais dire que la sécurité est garantie à 100 %, mais, au stade de développement des technologies actuelles, le niveau garanti est ce qu’on peut faire de mieux. Les entreprises étrangères viennent d’ailleurs voir comment nous procédons. Nous assurons donc une vraie préservation des données.

Avec l’ADEME, nous avons signé une convention. Après des frictions initiales, l’Agence a pris conscience de l’importance de Linky dans la transition énergétique. Elle constitue un relais de proximité pour apporter des réponses aux interrogations suscitées par le déploiement de Linky, notamment au sujet des ondes électromagnétiques.

S’agissant de la tarification et de son ajustement par rapport à la puissance des compteurs, la première phase d’expérimentation, qui a vu l’installation de 300 000 compteurs, a révélé des anomalies historiques dans le calibrage initial, tantôt insuffisant tantôt trop important. Avec la CRE, nous sommes convenus que la régularisation de puissance serait gratuite la première année, sans rappel sur les années précédentes. Il n’y aura donc pas de victimes sur ce plan, la remise à niveau faisant partie du contrat. Au-delà des douze premiers mois, elle redeviendra cependant payante. Mais le client sera alors revenu, grâce au compteur Linky, à une connaissance précise et fine de ses besoins.

Même si les rumeurs courent dans les médias sur les cas de refus d’installation, ils ne représentent que 1,5 % du total, généralement à cause de la question des ondes. Ils contrarient l’obligation qui nous est faite d’installer les compteurs, mais ne menacent pas, du fait de leur nombre relativement peu important, la tenue des objectifs.

Quant à l’effacement diffus, je voudrais rappeler qu’ERDF n’est pas un opérateur d’effacement. Le compteur Linky peut permettre cependant de l’effacement tarifaire, car il ménage une grande manœuvrabilité aux fournisseurs pour varier leur offre commerciale. C’est une évolution très significative. Mais les informations qu’il transmet ne permettraient un ajustement de consommation que toutes les heures ou toutes les demi-heures. À ce rythme, l’effacement n’est pas possible, car il suppose un pas de temps quasi immédiat dans la transmission de l’information.

Enfin, en ce qui concerne la gratuité de l’installation, nous n’avons pas de raison de revenir sur ce principe. Dans notre équation globale, les coûts d’investissement seront couverts par les économies induites. Nous n’avons aucune raison d’en douter. De ce point de vue, le financement est assuré. Ce que vous appelez les difficultés de la maison-mère EDF ne mettent pas non plus en cause notre politique d’investissement, en particulier le financement de Linky.

Mme Michèle Bonneton. J’aimerais cependant comprendre mieux comment fonctionne le compteur Linky et ce qu’il apporte en réalité. Comment les habitants d’un logement peuvent-ils piloter leur consommation d’électricité grâce à lui ? Peuvent-ils refuser sa mise en place ? Nous sommes beaucoup interpellés sur la question.

Vous nous dites qu’il n’utilise que des courants qui passent par les fils électriques. Comment, dès lors, peut-on le commander par un smartphone ? Émet-il, oui ou non, des ondes radio, c’est-à-dire des ondes électromagnétiques d’une certaine fréquence ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’ai bien compris que le compteur Linky n’est pas un outil d’effacement. En tant que rapporteure de la mission d’information sur l’effacement diffus, j’ai pourtant entendu sur ce point des discours assez partagés de la part de start-up et d’opérateurs : certains nous disent que le compteur Linky pourra servir d’outil support, grâce à un plug-in, ou module d’extension, permettant d’interrompre l’alimentation de certaines installations ; d’autres nous disent que tel est n’est pas le cas, que ce n’est pas envisageable. Qu’en est-il ? Cette possibilité d’aménagement du compteur existe-t-elle vraiment ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Vous avez évoqué tout à l’heure des raccordements par grappes. En zone de montagne, l’habitat isolé sera-t-il couvert, lui aussi, par le déploiement des compteurs Linky ?

M. Philippe Monloubou. Oui, des compteurs Linky seront installés en zone isolée, il n’y aura pas de clients exclus de l’opération de déploiement. Par contre, quelques cas nécessiteront sans doute un dispositif par radio.

Pour le reste, obligation nous est faite d’installer de nouveaux compteurs, mais nous n’avons certes pas vocation à forcer la porte de qui que ce soit. Dans la quasi-totalité des cas, aucun refus ne nous est opposé.

S’agissant de l’effacement, les boîtiers ou plug-in qui peuvent être branchés sur les compteurs Linky récupèrent en temps réel les données du compteur relatives à la consommation, car nous ne traitons pas ces informations. Je souligne que ces boîtiers émettent, pour leur part, des ondes radio. Mais l’effacement en temps réel par Linky, par exemple du chauffage électrique, n’est pas envisageable à l’heure actuelle. Le compteur ouvre des possibilités, mais ce champ s’étend au-delà des activités du distributeur. Si le compteur Linky n’est pas plus intelligent, c’est qu’il n’est pas une box qui transmet les informations en temps réel sur la consommation, bien qu’il offre déjà beaucoup de fonctionnalités nouvelles. S’il en était une, son coût serait prohibitif et sa durée de vie n’atteindrait pas les vingt ans prévus.

S’agissant du pilotage de la consommation, nous activons du jour au lendemain les demandes de changement de tarif formulées par le fournisseur, qui aura réussi à convaincre le client de choisir un autre tarif. Assez fruste jadis, l’offre tarifaire ouvre en effet aujourd’hui une infinité de possibilités. En outre, le compteur Linky, dans sa version de base, met à disposition des clients, sur leur smartphone, leur ordinateur ou leur télévision, les informations relatives à leur consommation électrique de la veille, avec des alertes de consommation en kilowattsheure, comme le prévoit la loi. Le client aura ainsi une vision actualisée.

Le compteur Linky permet aussi de dessiner la courbe de charge d’un logement et de la transmettre, avec l’autorisation du client, aux fournisseurs et aux opérateurs. Très utile pour maîtriser la consommation, cette courbe présente par demi-heure la répartition de la consommation d’électricité. Certes, nos 35 millions d’abonnés ne vont pas tous se précipiter d’un coup sur cette information, mais il faut tout de même savoir que ces fonctionnalités existent dans notre cahier des charges. De concert avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), nous avons même travaillé à ce que les informations relatives aux cinq derniers mois d’utilisation restent stockées sur le compteur.

Manière supplémentaire d’entrer dans le champ de l’efficacité énergétique, la mise à disposition des données collectées est prévue à l’article 179 de la LTECV pour les collectivités et à son article 28 pour les propriétaires d’immeuble. Cela génère des informations retraitées à la maille des immeubles ou, pour les territoires, à la maille des îlots regroupés pour l’information statistique (maille IRIS), utilisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Avec la DGEC, nous réfléchissons même au moyen de fournir une information qui prenne en compte les grandes natures d’activité ou les aspects thermosensibles.

Quant aux ondes électromagnétiques, il faut savoir que tout appareil électrique en produit, à un niveau très faible. Il en est de même du compteur Linky. Il ne communique pas avec les ordiphones : c’est le client qui va chercher avec cet appareil, s’il le souhaite, des données sur internet qui ont été collectées grâce au compteur. J’ajoute que le compteur Linky n’émet pas d’ondes en permanence. Mais je comprends que cette réponse ne puisse donner pleinement satisfaction à qui a une sensibilité particulière.

En ce qui concerne la politique de l’emploi, et plus particulièrement l’emploi des jeunes, je dois vous indiquer que nous avons près de 2 000 jeunes en apprentissage. L’entreprise ERDF est donc l’une des plus engagées dans la politique de l’apprentissage.

M. André Chassaigne. On ne le voit pas sur le terrain ; je déplore plutôt une pleine opacité. J’entends plutôt qu’ERDF formerait des jeunes, qui seraient ensuite embauchés dans le secteur privé.

M. Philippe Monloubou. Nous devrions communiquer davantage en région sur cet engagement fort de l’entreprise, qui accroît ainsi l’employabilité potentielle des jeunes. Nous en recrutons d’ailleurs beaucoup nous-mêmes. Si, si, il y a des embauches.

J’en viens au changement de nom. Ce n’est pas le nom de l’entreprise qui est incriminé, mais le manque d’évolution vers le mode concurrentiel. Le régulateur a mis en avant cette question parce que la concurrence ne progresse pas. Quant à moi, j’ai voulu traiter ce problème dès mon arrivée. L’entreprise ERDF a acquis une certaine notoriété, liée aux notions de service public, de réactivité et de proximité. À cet égard, je remercie ceux d’entre vous qui ont souligné l’engagement fort des agents. Nous avons donc pensé garder le capital réel que représente cette marque et lui donner seulement une image ou identité visuelle significativement différente pour éviter toute confusion avec EDF. Dans une de ses délibérations, la CRE a cependant estimé qu’un risque de confusion pouvait subsister. Elle a donc saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), instance qui a adressé une mise en demeure à EDF et à ERDF.

Vous avez évoqué le coût de 200 millions d’euros. Si le prix d’une marque s’évalue dans le monde concurrentiel, l’exercice est plus malaisé dans le monde régulé. La méthode retenue fut donc celle des coûts : la construction de la notoriété d’ERDF a coûté 250 à 300 millions d’euros. Mais cela ne coûtera pas autant de créer une autre identité, car les usagers ont compris que l’entreprise de distribution forme une entité distincte désormais. Cela reviendra cependant à quelques dizaines de millions d’euros.

M. André Chassaigne. C’est incroyable !

M. Philippe Monloubou. Ma responsabilité de dirigeant d’entreprise était d’évaluer le risque potentiel de pénalité et le risque juridique sur le plan européen. Le sujet était également débattu dans le monde politique, où notre réponse a suscité une certaine adhésion. Un combat en faveur du maintien du nom actuel pouvait avoir des coûts, lui aussi, les enjeux associés étant très importants. Nous sommes donc en train de nous préparer à changer de nom dans les mois qui viennent.

M. André Chassaigne. Nous avons affaire à des voyous !

M. Philippe Monloubou. Les investissements font l’objet d’une forte mobilisation de l’entreprise, vous avez bien voulu le souligner. Certains d’entre vous se sont inquiétés de possibles disparités en zone rurale. Nous déployons précisément nos efforts pour l’éviter. Nous avons fait un travail en profondeur sur notre stratégie d’investissement pour qu’elle permette de conserver tant le niveau de qualité que la capacité de résilience des réseaux, c’est-à-dire leur capacité à résister aux aléas climatiques ou encore leur réactivité, grâce aux réseaux intelligents.

À cet égard, nous disposons de trente et une agences de conduite sur le réseau moyenne tension. Cela nous permet de traiter plusieurs incidents massifs simultanément et de manière automatique, car nous cernons désormais au plus juste le nombre de clients finals coupés. Ces développements sont relativement récents, puisqu’ils datent d’il y a cinq ou six ans. Avec les compteurs Linky, les pannes seront identifiées de la même manière en amont sur le réseau basse tension, au plus profond des territoires ; elles seront traitées de manière plus réactive et plus efficace.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur ce qu’ils ont appelé la maison-mère, aujourd’hui confrontée à des enjeux importants, en me demandant quel impact cela pouvait avoir sur les investissements. Sur ce chapitre, je renverrai plus volontiers à la lisibilité du TURPE. Un investisseur a besoin de visibilité, à l’heure où la politique énergétique ambitieuse définie par le Gouvernement implique des investissements. Nous avons donc besoin de lisibilité, de stabilité et d’un tarif incitatif à la poursuite des investissements au niveau attendu. Voilà où se situe la réponse. Le développement des réseaux intelligents permettra, au demeurant, de rationaliser ces investissements, par exemple dans les bornes de recharge électriques. Nous anticipons déjà leur mise en œuvre pour aménager leur intégration au réseau et limiter leur impact sur lui.

Quant au pilotage des réseaux de demain, nous devenons, en effet, un opérateur de mégadonnées ; nous investissons massivement dans la dimension numérique et digitale. Les pouvoirs publics ont pris la décision qu’un réseau électrique intelligent (REI) soit développé au niveau régional. Nous avons investi pour cela plusieurs dizaines de millions d’euros dans dix-huit démonstrateurs, qui nous permettent d’anticiper toutes les difficultés liées aux intégrations nouvelles au réseau, par exemple des bornes de recharge électriques ou des installations de production d’énergie solaire.

En laissant se développer des réseaux fermés privés, l’on mettrait en péril l’équilibre du réseau actuel, qui assure une forme de péréquation. Mais nous devons faire évoluer les fonctionnalités du réseau de distribution public. Nos prochains investissements vont précisément nous permettre de développer à l’échelle industrielle ce que nous avons testé dans nos démonstrateurs.

Je termine sur une note d’ambition et d’espoir en disant que je suis devenu président de l’association des réseaux électriques intelligents en France, Think Smart Grids, qui a vocation, en plus de dynamiser un écosystème naissant au niveau hexagonal, à aider la filière à se développer sur les marchés internationaux.

M. Hervé Pellois. Et qu’en est-il de l’organisation régionale ?

M. Philippe Monloubou. Historiquement, l’entreprise était organisée en trois niveaux : national, interrégional et régional. Calquée sur l’ancien découpage régional, notre maille régionale comptait vingt-cinq acteurs. Elle a pris toute sa place en termes de proximité, c’est pourquoi nous comptons la garder.

Par contre, l’évolution de notre propre organisation comme la réforme régionale ont amené des interrogations sur la maille interrégionale. Appauvri, cet échelon ne faisait plus que limiter la réactivité nationale aux problèmes d’ordre local. Il y avait là des gains de compétitivité à trouver. Mais nous n’avons pas voulu les faire sans conserver la proximité à laquelle nous sommes attachés. Le nouveau maillage en tiendra compte.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le président, nous vous remercions.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 2 février 2016 à 16 h 15

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Bernard Reynès, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Alain Leboeuf