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Commission des affaires économiques

Lundi 4 avril 2016

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 67

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

–  Suite de l’examen pour avis, du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Yves Blein, rapporteur)

La commission a poursuivi l’examen pour avis du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) sur le rapport de M. Yves Blein.

La commission reprend ses travaux à l’article 25.

Article 25 (art. L. 2248-2 du code du travail) : Modalités d’exercice du droit à la déconnexion

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE19 de Mme Corinne Erhel, l’amendement CE165 du rapporteur pour avis.

Mme Corinne Erhel. L’amendement CE19 tend à enrichir les dispositions concernant le droit à la déconnexion du salarié, en précisant que ce droit doit lui permettre de gérer au mieux l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Cet équilibre fait déjà partie des points abordés lors de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail. Il me paraissait important de réaffirmer cet objectif dans le cadre spécifique du droit à la déconnexion.

L’amendement introduit également la notion de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion afin de renforcer son rôle central dans l’exercice de ce nouveau droit prévu par le texte.

M. Yves Blein, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à cet amendement, avec lequel nous ouvrons le chapitre du texte consacré à l’économie du numérique. Le droit à la déconnexion, largement abordé dans le rapport Mettling et lié aux nécessités de préservation de la vie personnelle, est tout à fait recevable.

Cela étant, madame Corinne Erhel, je vous propose d’apporter une légère modification rédactionnelle en intégrant mon amendement CE165, qui consiste à substituer aux mots : « dans l’utilisation des outils numériques » les mots : « des outils de communication à distance ». La dernière notion est un peu plus large que la précédente et elle reprend les termes, plus précis, de l’accord de branche négociée par la fédération Syntec en 2014.

Mme Corinne Erhel. Je suis d’accord avec cette rectification.

La commission adopte l’amendement CE19 ainsi rectifié.

En conséquence, l’amendement CE165 tombe.

La commission est saisie de l’amendement CE166 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser que les actions de formation portent sur un usage raisonnable des outils numériques de l’entreprise.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE21 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. De nombreuses réflexions ont été engagées, parfois sans réelle coordination, sur l’usage des messageries électroniques durant les jours non travaillés et en dehors des horaires classiques. Dans la continuité de ces initiatives, cet amendement propose la mise en place d’une expérimentation, coordonnée par la puissance publique, afin d’explorer le sujet au sein d’entreprises de tailles, de structures et de secteurs divers, et également dans l’administration. Un décret devrait définir le périmètre de cette expérimentation, notamment les structures publiques et privées concernées, la taille de l’échantillon, les populations cibles et les modalités d’évaluation. À l’issue de cette expérimentation, des lignes directrices pourraient être élaborées à l’usage des entreprises et des administrations, en prenant en compte leurs spécificités. Il s’agit de les aider à traiter ce sujet de plus en plus prégnant à l’heure où les technologies numériques bouleversent l’ensemble de nos organisations et de nos modèles.

M. le rapporteur pour avis. Je suis tout à fait favorable à une expérimentation qui ne peut que renforcer le contenu normatif du droit à la déconnexion.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement CE20 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. La reconnaissance du droit à la déconnexion est une mesure attendue et porteuse de progrès social. Cet amendement propose d’avancer la date de son entrée en vigueur, tout en respectant la négociation au sein des entreprises sur le sujet, notamment au sein des entreprises de plus de 300 salariés. Avancer la date permettrait de donner un signal et d’inciter les uns et les autres à s’intéresser le plus en amont possible à cette importante question.

M. le rapporteur pour avis. On peut effectivement penser qu’il suffira d’une année pour mettre en œuvre cette mesure, une fois que nous l’aurons adoptée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 modifié.

Article 26 : Ouverture d’une concertation relative au travail à distance et à l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE62 et CE64 de Mme Marie Le Vern.

Mme Catherine Troallic. L’amendement CE62 vise à régulariser le télétravail en précisant qu’il ne peut représenter l’intégralité du temps travaillé par un salarié. Il s’agit de lutter contre le dévoiement du télétravail consistant, en réalité, à organiser l’externalisation des activités, et de garantir qu’un lien est maintenu entre le télétravailleur et l’entreprise.

L’amendement précise aussi que le télétravailleur bénéficie des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cette sécurité n’était pas mentionnée de manière explicite dans la section relative au télétravail de notre code du travail.

M. le rapporteur pour avis. Dans la droite ligne de ce que je préconisais précédemment pour le droit à la déconnexion, je pense qu’il est bon de renforcer le contenu normatif du droit concernant le télétravail. Je suis favorable à l’amendement CE62.

J’appelle néanmoins votre attention sur la nécessité de ne pas voir la loi préempter tout ce qui pourrait faire partie du dialogue social entre le télétravailleur et ses employeurs ou prescripteurs.

La commission adopte l’amendement CE62.

En conséquence, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 ainsi rédigé et l’amendement CE64 tombe.

Après l’article 26

La commission est saisie de l’amendement CE22 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Dans notre commission, nous avons souvent eu l’occasion de constater que le numérique, au sens large, bouleverse tous les modèles économiques et notamment ceux des entreprises, quelle que soit leur taille. Dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous avions adopté une disposition qui permettait d’affecter une personne à cette question au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC).

L’amendement CE22 tend à étendre cette disposition aux entreprises, notamment aux sociétés anonymes, de façon à essayer de développer encore plus les coopérations et les collaborations entre les grands groupes et les start-up. Il s’agit de susciter la réflexion sur la transformation numérique des modèles au sein de toutes les entreprises. Cette proposition est issue du rapport d’information sur l’économie numérique que nous avons produit, Mme Laure de La Raudière et moi-même.

M. le rapporteur pour avis. C’est une très bonne idée à laquelle je suis tout à fait favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CE63 de Mme Marie Le Vern.

Mme Catherine Troallic. L’article L. 1222-9 du code du travail, issu de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, propose un cadre légal léger et peu incitatif, qui ne convient plus à la situation du marché de l’emploi quatre ans plus tard. Cet amendement propose, par conséquent, de modifier l’article L. 1222-10, relatif aux obligations de l’employeur vis-à-vis du télétravailleur de trois manières : en introduisant plus de souplesse dans les conditions de mise à disposition des moyens matériels et techniques du télétravailleur ; en distinguant les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement être contacté des plages horaires télétravaillées ; en s’assurant que le salarié ainsi que sa hiérarchie reçoivent les formations nécessaires au plein et sain exercice du télétravail.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement reprend des préconisations du rapport Mettling, qui sont, je crois, consensuelles pour les partenaires sociaux. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 28  (art. L. 5143-1 [nouveau] du code du travail) : Droit à l’information des employeurs des entreprises de moins de 300 salariés

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE175 et CE169 du rapporteur pour avis.

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements CE168 et CE167 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Avec ces amendements, il s’agit de faire droit à une demande que nous avons très fréquemment entendue lors de nos auditions à propos de l’insécurité juridique que ressentent les entreprises qui entament une procédure : elles craignent de ne pas être en totale conformité avec le droit.

L’amendement CE168 prévoit que si la demande de l’employeur est écrite, précise et complète, l’administration dispose d’un délai de trois mois pour prendre une position formelle sur l’appréciation de la situation. Cette prise de position serait opposable à l’administration en cas de contentieux. Ce dispositif serait une sorte de rescrit par lequel le chef d’entreprise pourrait s’assurer auprès de l’administration qu’il suit la bonne démarche en matière de droit social. Il se prémunirait ainsi contre le risque de voir le tribunal se prononcer sur la forme, pour non-respect de procédure, et ne pas examiner le fond.

Quant à l’amendement CE167, il constitue une version plus souple du précédent. L’idée est de laisser les deux options prospérer pour l’examen en commission des affaires sociales.

La commission adopte successivement les amendements CE168 et CE167.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 modifié.

Article 29 (art. L. 2232-10-1 [nouveau] du code du travail) : Accords types de branche

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE170 du rapporteur pour avis.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 29 modifié.

Après l’article 29

La commission est saisie de l’amendement CE145 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement a trait à une question longuement débattue, celle des plafonds d’indemnités de licenciement. Il tend à autoriser les entreprises de moins de cinquante salariés – qui n’ont pas forcément la capacité d’absorber un volume important d’indemnisations dues – de déduire de leurs résultats, et donc de leur base fiscale, une provision pour risque lié à un contentieux prud’homal, quand bien même aucune procédure n’est effectivement engagée. Elles pourraient passer ces provisions, de la même manière qu’elles peuvent le faire pour les indemnités retraite ou les congés payés. Pour que ces provisions ne soient pas utilisées pour détériorer le résultat dans le but d’éviter de payer l’impôt sur les sociétés, je propose que leur montant ne puisse pas excéder un mois de la masse salariale de l’entreprise.

La commission adopte l’amendement.

Avant l’article 30

La commission discute de l’amendement CE89 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous avons découvert avec intérêt la nouvelle appellation du texte qui vise aujourd’hui à instituer « de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Je vous propose une mesure qui protégerait les actifs tout en sauvegardant les emplois et le tissu économique de notre pays : l’interdiction des licenciements économiques boursiers dont l’unique objectif est l’augmentation de la rentabilité financière de l’entreprise.

Il s’agit d’ajouter deux alinéas précisant qu’est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, d’une part, constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif, d’autre part, distribué des dividendes ou des stock-options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions.

La sauvegarde de l’emploi et le maintien d’un tissu industriel passent aussi par l’interdiction de ce type de licenciement.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. On ne peut pas considérer que la distribution de dividendes, de stock-options ou d’actions gratuites est forcément un gage de bonne santé d’une entreprise, même si je vois bien l’effet que de telles décisions peuvent avoir sur son cours de bourse. Le dividende est une forme de rémunération du capital qui n’est pas forcément corrélée aux licenciements. Dans certains cas, la suppression d’emploi peut avoir un effet sur le cours de bourse et donc sur la capitalisation de l’entreprise. Cependant, asseoir une interdiction de licencier sur cet effet-là ne servirait pas l’objectif recherché.

M. André Chassaigne. Votre réponse justifie le fait que de très nombreux groupes financiers recherchent des taux de rentabilité inaccessibles, de 15 % voire plus. À partir de là, n’importe quel groupe peut se permettre de procéder à des suppressions de site, à des licenciements massifs.

Le territoire que je représente ici, et plus particulièrement le bassin d’emplois de Thiers, qui n’est d’ailleurs pas très loin de votre terre d’élection, monsieur le rapporteur, vit actuellement l’annonce de la fermeture d’une entreprise qui emploie une centaine de salariés : Flowserve. Le groupe international se porte très bien, verse largement des dividendes, mais il va fermer un site sans qu’il puisse y avoir quelque réaction que ce soit parce que l’on considère que ce type de licenciements est tout à fait normal, légitime et, par-là, qu’un pays peut être mis sous la coupe des marchés financiers. Il n’y a pas une seule circonscription représentée à l’Assemblée nationale qui n’ait vécu ce type de suppression de site et de licenciements boursiers. Tant qu’on ne sortira pas de là, on ne pourra pas dire que l’on veut conduire une véritable politique industrielle dans notre pays.

M. le rapporteur pour avis. Je ne suis pas loin de partager votre analyse, monsieur André Chassaigne, mais il serait sans doute plus indiqué que vous déposiez, en loi de finances ou dans le cadre d’un texte qui le permette, des amendements qui interdisent la distribution de dividendes par des entreprises qui seraient en train de licencier. On ne peut pas interdire des licenciements au prétexte qu’ils pourraient servir à augmenter les dividendes et la capitalisation. Le lien entre l’un et l’autre n’existe pas en droit.

M. André Chassaigne. Il n’existe pas en droit à partir du moment où on se refuse à l’inscrire dans la loi !

La commission rejette l’amendement.

Article 30 (art. L. 1233-3, L. 1233-3-1 [nouveau] et L. 1233-3-2 [nouveau] du code du travail) : Motif économique de licenciement

La commission est saisie des amendements identiques CE13 de Mme Michèle Bonneton et CE85 de M. André Chassaigne.

Mme Michèle Bonneton. Nous demandons la suppression de cet article, qui indique dans quelles conditions peuvent avoir lieu des licenciements pour difficultés économiques. Des mutations technologiques peuvent être considérées comme des difficultés économiques, ce qui paraît discutable. Une entreprise peut aussi être considérée en difficulté économique si son chiffre d’affaires a baissé pendant un semestre par rapport à la même période de l’année précédente. Ce critère me paraît insuffisant pour au moins deux raisons : d’une part, on ne prend pas du tout en considération la filiale ou le groupe dont elle dépend ; d’autre part, le semestre est une période d’appréciation trop courte. L’Isère, mon département, compte notamment de grosses entreprises de microélectronique dont l’activité est en dents de scie. Il arrive très fréquemment qu’elles perdent de l’argent pendant un semestre et qu’elles en gagnent pendant le semestre suivant, voire pendant une période plus longue.

J’ajoute que la définition de tels critères enlève au juge toute capacité d’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise.

M. André Chassaigne. Cet article limite au seul périmètre national l’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe. En inscrivant ces réductions et ces limites dans la loi, l’objectif est de priver le juge de son pouvoir d’appréciation de la réalité et du sérieux des difficultés économiques.

Ainsi, s’agissant de l’usine dont je parlais précédemment, une entreprise de dimension mondiale, qui a plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, de sites, organise l’appauvrissement de celui qu’il veut supprimer par des artifices comptables, des mouvements financiers entre les entités du groupe ou en déplaçant certaines commandes de ce site vers l’étranger. Voilà la situation de l’entreprise Flowserve.

Une fois acquise cette limitation de l’appréciation au périmètre national, tout sera en réalité permis : les exemples sont multiples, où est invoquée ainsi une baisse d’activité sur un site. Cette restriction aura des conséquences extrêmement graves, empêchant désormais le juge d’apprécier le fait qu’une suppression de site ou des licenciements n’étaient pas justifiés.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’objet de l’article 30 est précisément de dissiper le flou et de réduire les écarts d’interprétation sur ce que sont les licenciements économiques. Nous débattrons ultérieurement de la question du périmètre. S’agissant des causes du licenciement économique, le droit actuel permet aux entreprises de les apprécier différemment, ce qui nuit à la sécurité juridique.

Au rebours de cette démarche, l’article 30 répertorie les causes du licenciement économique, en donnant à la justice les éléments objectifs sur lesquels se prononcer, en appréciant mieux sa vraie nature.

M. André Chassaigne. Le juge ne saura pourtant se prononcer que dans le cadre du périmètre fixé par la loi. Un groupe international pourra fermer une entité en France alors qu’il dégage des bénéfices à l’étranger. En réalité, nous sommes en train d’adapter le droit du travail au profit des grands groupes et au détriment des emplois de nos tissus industriels.

M. Philippe Kemel. Monsieur le rapporteur, l’article 30 évitera-t-il des situations telles que celle qu’a connue Metaleurop dans ma circonscription ? Par suite d’un appauvrissement du type de ceux décrits par notre collègue André Chassaigne, ce sont 800 emplois qui y ont été supprimés.

M. le rapporteur pour avis. Nous ne pourrons discuter du périmètre territorial de l’appréciation conduite par le juge que si l’article n’est pas supprimé par ces deux amendements.

M. Frédéric Barbier. Pour ma part, je suis favorable à sa suppression. Dans ma circonscription, l’entreprise Peugeot Scooter travaille très bien. Elle est détenue aujourd’hui à 49 % par Peugeot, groupe international qui a renoué avec les bénéfices, et le groupe indien Mahindra, qui figure parmi les premiers fabricants mondiaux de matériel agricole. Les 450 salariés de Peugeot Scooter se sont déjà retrouvés au chômage pendant 30 jours au total. L’absence de travail y est, à mon sens, organisée en catimini, car le produit que les salariés fabriquent se vend très bien partout à travers le monde. Mais les chaînes de production se développent surtout en Chine.

Sur ce point, l’article 30 n’apporte pas de garantie, bien au contraire.

Mme Michèle Bonneton. Je rejoins notre collègue Frédéric Barbier. Ce genre de disposition ne créera pas d’emplois ; tout au contraire, elle en favorisera la suppression. L’entreprise Schneider avait une usine dans ma circonscription. Elle a installé une entreprise concurrente dans un autre pays européen. En trois ans, le carnet de commandes du site français a été progressivement vidé ; au bout de quatre ans, c’était la fermeture. Les brevets ont été transférés à cet autre pays européen, où les salariés sont payés beaucoup moins cher.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Frédéric Barbier, ce que vous décrivez est, en fait, l’état du droit actuel. La loi que nous examinons fixera le droit de demain, car la démonstration est faite que le droit actuel ne règle pas ce problème. L’article 30 prévoit bien : « Ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ».

Demain, une entreprise qui videra intentionnellement les carnets de commandes d’un site industriel sera effectivement concernée par cette disposition. Nous avons donc intérêt à préciser les causes du licenciement économique, plutôt que de les laisser dans ce halo vague où les entreprises naviguent au gré de leurs intentions, louables ou non.

M. André Chassaigne. Je ne suis absolument pas d’accord. Cet ajout dont vous parlez ne figurait pas dans le texte d’origine. Il a été fait pour rendre plus acceptable l’idée d’une appréciation conduite dans un cadre purement national. C’est l’office du juge de conduire cette appréciation. Cet artifice n’apporte donc rien si le juge ne doit à l’avenir tenir compte que du périmètre national lorsqu’il vérifie la réalité du motif de licenciement.

L’entreprise dont je vous parle a vu sa fermeture annoncée il y a quinze jours. Sa production avait été progressivement transférée en Autriche depuis deux ans. L’agent commercial basé à Thiers ne travaillait déjà plus qu’à 30 % pour son site de rattachement, le reste des commandes était renvoyé à l’autre unité de production. Si, comme dans le texte proposé, l’on ne tient compte à l’avenir que du territoire national, cela laissera toute latitude pour déplacer les commandes dans d’autres pays, au nom de la rentabilité financière. Car certains actionnaires ne se contentent pas d’un retour sur investissement de 8 % ou 10 %, il leur en faut 15 % ou 20 % ! Il n’y a plus de limites !

M. le rapporteur pour avis. Je le redis, nous ne discutons pas, pour l’instant, du périmètre territorial, mais de la suppression totale de l’article.

Mme Marie-Lou Marcel. Pardon, l’article 30 mentionne les « entreprise  implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient ». Il y est donc question du périmètre.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE171 rectifié du rapporteur pour avis, CE59 de Mme Audrey Linkenheld, CE86 de M. André Chassaigne, CE109 de Mme Jeanine Dubié et CE143 de Mme Marie-Lou Marcel.

M. le rapporteur pour avis. Les auditions préparatoires m’ont inspiré des précisions à apporter à l’alinéa 6 de l’article 30. Il me semble, d’abord, que le licenciement économique doit reposer sur un faisceau d’indices, et non sur un ou deux indices. C’est pourquoi je propose de faire référence à « des difficultés économiques, caractérisées par la baisse tendancielle significative d’au moins un indicateur économique, parmi lesquels figurent notamment la diminution des commandes, la baisse du chiffre d’affaires, les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou la dégradation de l’excédent brut d’exploitation ». Ces critères ne figurent pas tous dans la rédaction actuelle du texte.

Le deuxième alinéa de l’amendement CE171 rectifié ajouterait que « la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires est considérée comme tendancielle lorsqu’elle dure au moins un trimestre pour une entreprise de moins de dix salariés ; au moins deux trimestres consécutifs pour une entreprise de moins de cinquante salariés ; au moins trois trimestres consécutifs pour une entreprise de cinquante salariés et plus ». Ainsi, la taille des entreprises serait prise en compte. On peut penser qu’une entreprise comptant moins de dix salariés peinerait à résister à une baisse de commandes et de chiffre d’affaires durant trois trimestres consécutifs.

Mme Marie-Lou Marcel. Le projet de loi caractérise les difficultés économiques en quantifiant la durée de la baisse des commandes, du chiffre d’affaires ou des pertes d’exploitation. Ces critères mécaniques sont contraires au principe de cause réelle et sérieuse du licenciement et ne correspondent pas à la diversité des situations des entreprises. La définition proposée par l’amendement CE59 permet de mieux apprécier l’impact effectif des difficultés constatées par rapport à l’activité globale de l’entreprise.

M. le rapporteur pour avis. Je vous suggère de retirer cet amendement, car sa formulation va à l’encontre de ses intentions. En effet, en fermant la caractérisation des difficultés économiques par les mots « soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés », vous ouvrez totalement le champ à une appréciation extrêmement large des justifications possibles d’un licenciement économique, plutôt que d’en cerner les causes. Voilà une démarche à laquelle je ne puis souscrire. Avis défavorable.

M. André Chassaigne. Par l’amendement CE86, je reviens sur le danger terrible que représente la définition des difficultés économiques. Nous préférons supprimer la fin de l’alinéa 6 pour laisser au juge le soin de les apprécier par lui-même.

Par votre amendement CE171 rectifié, monsieur le rapporteur, vous justifiez par avance les licenciements. Vous soutenez qu’il faut au moins un indicateur des difficultés économiques : soit la diminution des commandes, soit la baisse du chiffre d’affaires, soit les pertes d’exploitation, soit la dégradation de la trésorerie, soit la dégradation de l’excédent brut d’exploitation. Or, dans la mesure où l’on reste dans le périmètre national, il est évident qu’un grand groupe pourra agir sur l’un quelconque de ces paramètres pour justifier des licenciements. Il n’aura qu’à s’appuyer sur la définition proposée pour préparer la fermeture d’un site, en organisant la dégradation de sa trésorerie et de son fonctionnement. C’est donc la porte ouverte à tout.

Mme Catherine Troallic. Monsieur le rapporteur, le projet de loi inclut déjà l’expression « soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Les arguments que vous avancez ne tiennent pas.

M. le rapporteur pour avis. C’est bien pourquoi je vous propose de vous rallier à mon amendement, qui réécrit cette partie du texte.

M. Philippe Bies. On veut rendre l’embauche en contrat à durée indéterminée plus facile, mais ne rendons pas le licenciement économique plus facile par des motifs que l’on a du mal à cerner, comme me le fait craindre l’étude d’impact. Quand on commence à indiquer des critères, nul ne sait où la loi doit s’arrêter pour laisser l’appréciation au juge. D’ici à la séance publique, nous devrons essayer d’avancer sur cette question. Pour l’instant, le compte n’y est pas.

Mme Jeanine Dubié. Le texte ne permet pas actuellement d’apprécier le caractère significatif des difficultés par rapport à l’activité de l’entreprise C’est pourquoi l’amendement CE109 tend à préciser que les difficultés économiques sont caractérisées « de manière significative ».

Mme Marie-Lou Marcel. Notre amendement CE143 a pour objet de préciser et d’adapter aux TPE et PME les dispositions contenues dans l’alinéa 6. Les TPE et PME sont plus fragiles que les entreprises plus grandes. Pour elles, le délai de quatre trimestres consécutifs pour opérer un licenciement est trop long et peut obérer la survie de l’entreprise. Nous proposons de le réduire, en prévoyant que, pour elles, « la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires durant deux trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente et des pertes d’exploitation durant un trimestre peuvent constituer un motif de licenciement économique ».

M. le rapporteur pour avis. Je propose de rectifier une deuxième fois mon amendement pour y intégrer l’adjectif « significatif ». L’alinéa 6 débuterait donc par la phrase : « À des difficultés économiques, caractérisées par la baisse tendancielle significative d’au moins un indicateur économique… ». Cela me permet de reprendre l’amendement de Mme Jeanine Dubié.

Quant aux préoccupations de Mme Marie-Lou Marcel, je puis dire que je les ai prises en compte dans l’approche graduelle, en fonction de la taille des entreprises, que j’ai exposée tout à l’heure. L’on peut espérer qu’une entreprise de moins de dix salariés puisse résister à une baisse de ressources ou à une baisse de chiffre d’affaires sur un trimestre ; au-delà, cela devient difficile pour elle.

La loi relative à l’économie sociale et solidaire, adoptée il y a un an et demi, concerne 165 000 associations qui sont employeuses. Dès que les subventions viennent à manquer dans leur budget, beaucoup d’entre elles ne peuvent tenir un trimestre sans adapter la voilure à la réalité de leur modèle économique. Les trois catégories que j’ai retenues – moins de dix salariés, moins de cinquante, cinquante salariés et au-delà – me semblent correspondre à la capacité des entreprises à s’adapter à la situation économique et à l’anticiper. J’ai compris que la taille des entreprises constitue un souci pour notre collègue Marie-Lou Marcel, qui porte une attention particulière aux TPE et PME.

Pour résumer, je propose donc d’apporter une deuxième rectification à mon amendement en donnant satisfaction à l’amendement de Mme Jeanine Dubié, mais de conserver sa deuxième partie qui prend en compte les soucis exprimés relativement à la taille des entreprises concernées.

La commission adopte l’amendement CE171 rectifié ainsi rectifié.

En conséquence, les amendements CE59, CE86, CE109 et CE143 tombent.

Puis la commission discute de l’amendement CE87 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’article 30 inscrit dans la loi la possibilité pour un employeur de licencier pour motif économique afin de permettre de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Bien que ce motif soit prévu par la jurisprudence de la Cour de cassation, les termes de « sauvegarde de la compétitivité » laissent de grandes marges de manœuvre aux employeurs pour supprimer des emplois en dehors de toute difficulté économique. Cette inscription dans la loi va permettre d’effectuer des licenciements plus facilement sans qu’il soit possible de vérifier si l’employeur a pris tous les moyens nécessaires pour éviter les suppressions d’emplois.

Comme je le disais en soutien de mes amendements précédents, les grandes entreprises pourront, si nous n’y prenons garde, user de multiples prétextes pour licencier pour motif économique, le juge n’ayant plus à rechercher en ce cas s’il y a des causes réelles et sérieuses à ces licenciements.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Votre raisonnement va à l’encontre de ce que souhaite le texte. Selon vous, la jurisprudence est trop ouverte : le projet de loi propose précisément de resserrer les critères pour mieux les identifier et guider le travail du juge. Voilà ce que vous voulez supprimer ! La jurisprudence actuelle est relativement large quant à l’appréciation des licenciements économiques. L’article propose de mieux en préciser le périmètre.

M. André Chassaigne. Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité constitue-t-elle pour vous un critère suffisant et bien défini de licenciement ? En réalité, cela ne recouvre que la recherche d’un retour sur investissement de 15 % ou 20 % sur un site industriel qui a peut-être le malheur de n’en apporter que 10 %. Une atteinte à la compétitivité peut tout justifier. Je préfère encore des raisons appréciées par un juge.

On se couche devant les marchés financiers !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur André Chassaigne, vous parliez tout à l’heure de pistolet sur la tempe. Pour ma part, je préfère la sauvegarde de la compétitivité au suicide collectif.

Mme Michèle Bonneton. Mieux vaudrait, me semble-t-il, parler de sauvegarde de l’entreprise plutôt que de sauvegarde de la compétitivité. Cette sauvegarde, sur combien de temps faudrait-il l’apprécier ? La survie d’une entreprise, de bien mal nommés « plans de sauvegarde de l’emploi » « en plans de sauvegarde de l’emploi », peut s’étendre sur un an ou deux – avant sa fermeture. Mal définis, les critères rendront la situation encore plus floue.

On veut tout simplifier ? Je crois plutôt que chacun interprétera en différentes directions et fera son marché entre les diverses approches possibles. Je ne doute pas, naturellement, que l’on embauchera beaucoup d’inspecteurs du travail pour tout cela.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CE172 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Par cet amendement, j’ai voulu rappeler que les éléments essentiels du contrat de travail s’apprécient au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale à laquelle elle peut se trouver appartenir.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE88 de M. André Chassaigne, CE110 de Mme Jeanine Dubié, les amendements identiques CE60 de Mme Audrey Linkenheld et CE91 de Mme Marie-Lou Marcel, et les amendements CE26 de Mme Michèle Bonneton et CE144 de Mme Marie-Lou Marcel.

M. André Chassaigne. L’amendement CE88 est de repli. Il tend à faire en sorte que la situation économique d’une entreprise puisse être observée au regard de sa situation sur l’ensemble de son secteur d’activité, c’est-à-dire au niveau mondial, et non au seul niveau national.

Pour pouvoir licencier, un groupe international peut, par des artifices, mettre en difficulté l’un de ses sites, comme c’est trop souvent le cas. Pourquoi cet alinéa ? Eh bien, une jurisprudence de la Cour de cassation exige actuellement que les difficultés économiques pouvant justifier d’éventuels licenciements soient appréciées au regard de la situation du secteur d’activité du groupe au niveau mondial lorsque l’entreprise concernée appartient à un groupe. C’est devenu gênant, naturellement. Alors on supprime !

Mme Jeanine Dubié. Il importe de préciser qu’en cas d’appartenance de l’entreprise à un groupe, le niveau d’appréciation du motif économique – difficultés, mutations, sauvegarde de la compétitivité et autres – qui devrait être théoriquement celui du secteur d’activité du groupe, soit au minimum celui des filiales situées dans l’Union européenne et en Suisse. Tel est le sens de l’amendement CE110.

M. Philippe Kemel. Il s’agit de substituer, par l’amendement CE60, aux mots : « sur le territoire national », les mots : « dans l’espace économique européen ». C’est le minimum.

Mme Marie-Lou Marcel. L’amendement CE91 vise à substituer, à l’alinéa 11, la dimension européenne à la dimension nationale. Le texte prévoit que les difficultés économiques seront regardées au niveau national dans le secteur d’activité commun aux entreprises en difficulté. Or il est nécessaire de prendre en compte l’activité réelle du groupe tant en France qu’à l’étranger afin d’éviter des baisses d’activité volontaires d’entreprises visant à externaliser la production sur des filiales du groupe et à justifier ainsi des licenciements pour motif économique.

Mme Michèle Bonneton. Les entreprises ayant une dimension internationale recherchent forcément leur équilibre financier et économique au niveau international, et certaines d’entre elles pratiquent d’ailleurs le dumping social en faisant jouer les pays les uns contre les autres, y compris à l’intérieur de l’Union européenne. Ne tenir compte que de la situation française d’une entreprise ou d’un groupe implanté dans plusieurs pays n’a plus de sens à l’heure actuelle, d’autant que certaines s’organisent pour créer des difficultés dans un pays afin de justifier des licenciements, voire des fermetures. Pour cette raison, l’amendement CE26 vise, à l’alinéa 11, à substituer au mot « national » le mot « européen », étant précisé que l’Europe s’entend ici au sens de continent.

Mme Marie-Lou Marcel. L’amendement CE144 a un objet similaire à celui de l’amendement CE91, mais il va plus loin puisqu’il vise à insérer, après le mot « national », les mots « et international ».

M. le rapporteur pour avis. Plusieurs des amendements qui viennent d’être présentés visent à éviter les opérations consistant à créer artificiellement les conditions d’affaiblissement par un groupe de l’une de ses filiales. Si cette préoccupation est légitime, elle est déjà prise en compte par l’alinéa 12 : « Ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ».

D’autres amendements proposent que le périmètre du licenciement soit étendu à l’Europe ou au monde. Pour ma part, je préfère que l’on s’en tienne au texte en son état actuel, c’est-à-dire que le périmètre du licenciement économique soit défini en fonction de la nature de l’activité considérée au niveau local, et non en fonction des activités du groupe, qui peuvent être extrêmement diverses et se trouver dans des situations économiques très différentes – certaines peuvent être florissantes, d’autres en difficulté. Or la meilleure façon de préserver un ensemble économique, c’est de lui permettre d’évoluer, de gérer ses activités et son marché, de s’adapter à sa clientèle et de faire évoluer ses productions, ce qui lui impose d’apprécier la situation de chacune de ses filiales en fonction du pays où elle se trouve. De ce point de vue, le périmètre national est le plus adapté pour caractériser un licenciement économique.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Cette série d’amendements montre à quel point vous êtes éloignés des préoccupations des TPE et des PME. Manifestement, vous ne visez que les pratiques de certains grands groupes du CAC40, car vous n’avez pas fixé de seuils pour les dispositions proposées, ce qui fait qu’elles ont vocation à s’appliquer aux petites entreprises, donc à freiner la création d’emplois en France.

La commission rejette successivement les amendements CE88 et CE110.

Puis elle adopte les amendements identiques CE60 et CE91.

En conséquence, les amendements CE26 et CE144 tombent.

La commission en vient à l’amendement CE111 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à renforcer les dispositions législatives ayant pour objet de prévenir les abus qui pourraient découler de la restriction du pouvoir d’appréciation du juge et du périmètre pour les groupes.

M. le rapporteur pour avis. Le premier alinéa de cet amendement pose problème dans la mesure où le concept de « situation économique artificielle », peu clair, est porteur d’insécurité juridique.

En outre, le troisième alinéa me semble mal calibré : le juge n’intervient qu’en cas de contestation de son licenciement par le salarié, donc a posteriori : il n’a pas à statuer en urgence, ni à prendre de mesures conservatoires.

J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CE131 de M. André Chassaigne n’a plus d’objet du fait de l’adoption de l’amendement CE171 2e rectification du rapporteur pour avis.

La commission examine l’amendement CE173 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de la modification des conditions de durée qui permettent de caractériser des difficultés économiques. Il préserve le champ de la négociation collective, en prévoyant qu’elle peut déroger à la durée de droit commun de trois trimestres, prévue pour les entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d’un plancher légal d’un trimestre.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.

Après l’article 30

La commission est saisie de l’amendement CE176 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), qui sont des sociétés coopératives de production (SCOP), des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou des coopératives de droit commun dont les associés sont notamment des entrepreneurs salariés, sont régies par les dispositions du livre III de la septième partie du code du travail, ainsi que par les dispositions des lois particulières applicables à certaines catégories de sociétés coopératives. L’amendement CE176 vise à clarifier et à sécuriser le cadre juridique des CAE, en précisant explicitement dans la loi de 1947 qu’elles peuvent être constituées sous forme de SCOP, de SCIC ou de coopératives de toute autre forme dont les associés sont notamment entrepreneurs salariés.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE90 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement prévoit le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, notamment en cas de licenciement économique boursier. L’entreprise se verra condamnée à rembourser le montant des exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l’ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d’emplois. Par ailleurs, l’entreprise perdra, le cas échéant, le bénéfice ou l’opportunité de bénéficier du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le juge pourra ordonner le remboursement de tout ou partie du montant dont aura bénéficié l’entreprise au titre du CIR et CICE.

M. le rapporteur pour avis. Le juge dispose déjà de plusieurs moyens visant à rétablir une situation équitable, notamment par la possibilité d’indemniser le salarié injustement licencié. Estimant préférable de lui laisser l’appréciation de la sanction qu’il souhaite prononcer, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Comme je le disais tout à l’heure, l’application d’une telle disposition aurait pour effet d’obliger une TPE ou une PME à rembourser des aides publiques si elle souhaite procéder à un licenciement économique.

M. André Chassaigne. Un licenciement sans cause réelle et sérieuse !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce critère est laissé à l’appréciation des juges.

M. André Chassaigne. Le rapporteur semble ne pas faire la différence entre une mouche se posant sur une épaule et une patte d’éléphant ! En réalité, les quelques possibilités existant dans la loi n’ont rien à voir avec ce que je propose, à savoir la possibilité de sanctionner des licenciements effectués sans cause réelle et sérieuse.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 38

La commission discute de l’amendement CE77 de M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. L’article L. 1224‑1 du code du travail a pour objet de permettre à une entreprise en difficulté de céder des contrats de travail à une entreprise souhaitant reprendre son activité et son personnel. Or, à l’heure actuelle, nombre d’entreprises externalisent du personnel alors qu’elles se portent très bien, et le phénomène qui ne concernait initialement que les services généraux – le facility management – s’étend aujourd’hui au cœur de métier.

Je considère qu’il faut renforcer le dialogue social, et pour cela consulter le comité d’établissement, qui doit rendre un avis conforme après s’être assuré que l’on ne se trouve pas dans l’une des situations suivantes : risque de délocalisation éloignée de la région d’origine vers des pays de main-d’œuvre à bas coût ; perte de salaire, des avantages acquis ou convention collective moins avantageuse que celle de la filière à laquelle appartient le salarié ; transfert de services ou de personnels de groupes importants vers des sociétés qui n’ont pas l’expérience et les compétences requises ; crédibilité défaillante de l’entreprise ou du groupe pressenti pour accueillir le personnel ; absence de garanties apportées aux salariés concernant le montage financier quand le capital d’une nouvelle société a été créé pour l’occasion ; transfert non motivé par l’appartenance du salarié à sa filière industrielle et à son cœur de métier ; et choix infondé du transfert en raison d’une situation financière saine de l’entreprise qui ne fragilise pas la pérennité du groupe ou de la société.

M. le rapporteur pour avis. Si cet amendement me paraît procéder d’une intention louable, je ne pense pas qu’il soit réaliste de poser la condition d’un avis conforme du comité d’établissement au regard d’une si longue liste de conditions : cela revient quasiment à empêcher l’opération, donc à entraver la stratégie de l’entreprise.

Les critères proposés me semblent d’ailleurs insuffisamment précis. Ainsi, quand vous évoquez le choix infondé du transfert en raison d’une situation financière saine de l’entreprise, vous semblez ignorer que l’entreprise peut avoir intérêt à transférer une branche de son activité à une autre entreprise afin de permettre le développement de cette branche, sans que ses salariés s’en trouvent lésés, bien au contraire.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Un tel amendement pourrait se concevoir si un accord d’entreprise pouvait se substituer à l’avis conforme du comité d’établissement : cela permettrait de faire bénéficier les TPE et PME des dispositions que vous proposez.

M. Frédéric Barbier. Les sept situations prévues par l’amendement n’empêchent pas du tout une externalisation, mais constituent simplement des sécurités. Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler dans la loi qu’aucune entreprise n’est fondée à externaliser du personnel dans un pays à bas coût, ni à se défaire d’un savoir-faire constituant son cœur de métier. Si je me réfère au titre du projet de loi, je ne saurais dire si les dispositions que je propose constituent des protections pour les entreprises ou pour les salariés, tant les deux sont liées : pour une entreprise souhaitant externaliser, respecter des principes de bon sens a pour effet de la sécuriser, et de sécuriser du même coup son personnel.

Il est toujours choquant de voir un grand groupe externaliser des salariés qu’il emploie depuis quinze ou vingt ans, en les envoyant en quatre mois dans une structure spécialement montée pour les accueillir, et sans que l’on sache ce qu’ils vont devenir. Cela s’apparente à une forme de licenciement et de reprise par une autre société, c’est pourquoi j’estime que cette pratique doit être mieux encadrée – ce qui aura également pour effet de protéger l’entreprise elle-même.

M. André Chassaigne. Une fois n’est pas coutume, je crois que M. Jean-Charles Taugourdeau sera d’accord avec ce que je vais dire. Quand une grande entreprise externalise, cela a des conséquences négatives non seulement pour les salariés directement concernés, mais aussi pour les PME constituant l’environnement économique de l’entreprise. Ainsi, l’entreprise de Thiers dont je parlais fabrique des vannes de haute technologie, elle se procure des composants produits dans des PME situées à proximité, et peut également sous-traiter certaines tâches – je pense notamment à l’emballage et à l’expédition – à des PME ou des TPE intervenant sur son site même. Si elle externalise sa production dans un autre pays, cela aura des conséquences très lourdes dans tout le bassin d’emploi.

J’échange souvent avec les chefs d’entreprise du territoire que je représente, et tous me disent être les premières victimes de donneurs d’ordres à dimension internationale qui font pression pour qu’ils produisent moins cher, en agitant la menace d’externaliser leur production en Chine. Défendre l’emploi des salariés sur les sites industriels français, c’est aussi défendre le tissu des PME.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis tout à fait d’accord avec M. André Chassaigne sur l’importance de défendre les PME, c’est pourquoi je demande constamment à ce qu’on laisse tranquilles les petits entrepreneurs et à ce qu’on taxe moins les grosses entreprises.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE92 de M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. Cet amendement vise à ce que le salarié puisse faire valoir son droit de refus quand le comité d’établissement a donné un avis conforme, rendant l’externalisation possible. En ce cas, l’entreprise concernée doit examiner les raisons de son refus et trouver les conditions lui permettant d’accepter cette externalisation. Je rappelle que lors d’une telle opération, les contrats de travail en cours sont transférés automatiquement à l’entreprise d’accueil. Les salariés qui n’acceptent pas leur transfert sont considérés comme démissionnaires et n’ont pas d’autre choix que de quitter l’entreprise, alors qu’ils travaillaient parfois depuis quinze ou vingt ans au sein du même groupe.

La jurisprudence européenne a pourtant consacré le droit d’opposition du salarié au transfert de son contrat de travail, au nom des droits fondamentaux du travailleur. Elle laisse les États membres décider ce qu’ils veulent faire en droit interne, donne de fait la possibilité au salarié du choix de l’entreprise et établit le droit au refus.

En Allemagne, lorsqu’une partie de l’entreprise est transférée, par acte juridique, à un autre propriétaire, l’opposition d’un travailleur employé dans cette partie de l’entreprise fait obstacle au transfert de son contrat de travail au cessionnaire, ce qui entraîne l’ouverture d’une négociation afin de faire une autre proposition au salarié.

M. le rapporteur pour avis. Du fait de l’adoption de l’amendement précédent, on peut considérer que celui-ci n’a plus d’objet : si un salarié est en désaccord avec un projet d’externalisation, ses représentants au comité d’établissement ne donneront pas un avis conforme au transfert. J’émets donc un avis défavorable.

M. Frédéric Barbier. L’amendement qui vient d’être adopté a pour objet de permettre au comité d’établissement de rendre un avis sur l’externalisation, pas sur les conditions du transfert des contrats de travail – ce qui est conservé en termes d’ancienneté et de salaire, par exemple –, qui restent à négocier avec le salarié, ce qui justifie que celui-ci dispose d’un droit de refuser son transfert.

Je viens du deuxième territoire industriel de France, là où se trouvent Peugeot et General Electric. Il y est fréquemment question d’externalisation et, lorsque nous en débattons avec les industriels et les salariés, le modèle de l’Allemagne, où les salariés peuvent faire valoir leur droit au refus, est souvent invoqué.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ne perdons pas de vue que c’est le monde économique privé qui nous fait vivre. Nous demandons-nous, à chaque fois que nous votons une loi, si tous les Français vont accepter de l’appliquer ? À mon sens, quand le comité d’établissement prend une décision, les salariés doivent s’y plier.

Dans les années 1960, lorsque le taux de chômage ne dépassait pas 3 % ou 4 %, un salarié qui n’était pas satisfait de son entreprise pouvait donner sa démission : dès le lendemain, il avait retrouvé un autre emploi ! Depuis cinquante ans, nous n’avons fait que complexifier les choses, ce qui fait que les salariés se cramponnent désormais à leur emploi de peur de le perdre. Aujourd’hui, nous devons voter des lois facilitant la création d’emplois afin de faciliter le turn over.

M. Frédéric Barbier. Ce que j’observe sur mon territoire, c’est que les grands groupes procèdent à des externalisations sans que cela donne lieu à négociation. De même que nous devons nous efforcer, quand nous votons des lois, de ne pas soumettre les entreprises à une trop grande instabilité juridique afin de ne pas compromettre leur visibilité sur l’avenir, nous devons permettre au salarié de se projeter dans l’avenir pour se construire. Cela justifie, quand le comité d’établissement rend un avis conforme, de permettre qu’une négociation s’engage sur les conditions de l’externalisation.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout cela part d’un bon sentiment, mais nous devons veiller à ne pas voter des lois ayant pour effet d’effrayer les petits entrepreneurs, car ce sont eux qui créent 95 % des emplois.

M. le rapporteur pour avis. Nous avons tous dit notre attachement à la hiérarchie des normes : c’est la règle de droit public qui s’impose en priorité, puis l’accord de branche, puis l’accord d’entreprise, enfin le contrat de travail. Votre proposition, monsieur  Frédéric Barbier, a pour effet de faire passer le contrat de travail devant l’accord d’entreprise, ce qui n’est pas le sens de ce que nous avons été une majorité à défendre dans le cadre de ce projet de loi jusqu’à présent.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE93 de M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. Peugeot envisage actuellement d’externaliser ses services informatiques au sein du groupe de services IT Capgemini, en proposant aux salariés concernés de revenir au sein de l’entreprise-mère au bout de trois ans s’ils le souhaitent. L’amendement CE93 a pour objet de consacrer cette idée en l’inscrivant dans la loi.

M. le rapporteur pour avis. L’initiative à laquelle il est ici fait référence est sans doute fondée dans des configurations particulières, et je ne suis pas certain qu’il faille l’étendre à toutes les entreprises. Peugeot est un grand groupe, et je suis le premier à me réjouir que l’aide que lui a apportée l’État ait permis son redressement. Cela dit, étant moi aussi élu d’un territoire très industriel, je connais de nombreux exemples d’externalisations vertueuses ayant permis à des entreprises de retrouver du dynamisme, de prendre des marchés et de se développer à nouveau. Je ne suis pas certain que cela soit possible si on leur impose de reprendre au bout de trois ans les salariés qui ne se sentent pas bien dans la structure dans laquelle où ils ont été transférés. Une telle mesure convient sans doute à Peugeot et Capgemini, mais je ne pense pas qu’elle puisse être imposée sans risques à l’ensemble des entreprises. Je suis donc défavorable à l’amendement CE93.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Puisqu’il est ici question de PSA, n’oublions pas le trou d’air par lequel ce groupe est passé il y a deux ans. Certes, il distribue aujourd’hui des dividendes, mais il n’a dû son salut qu’à l’intervention de l’État ! Faute d’avoir pu bénéficier du même soutien, des milliers de petites entreprises ont aujourd’hui disparu. Je pourrais être d’accord avec votre amendement si, dans le même temps, vous en proposiez un autre ayant pour objet d’obliger les banques à financer les TPE et PME en difficulté.

M. Frédéric Barbier. J’ai l’impression que nous nous sommes mal compris. Les externalisations sont effectivement une bonne chose lorsqu’elles permettent à une entreprise d’extraire une partie de son effectif afin de le faire travailler au sein d’autres structures, lui donnant ainsi la possibilité d’acquérir une expérience supplémentaire, donc de devenir plus performant. Ce type d’externalisation ne peut se faire sous la contrainte : il doit s’agir d’un accord gagnant-gagnant pour l’entreprise et les salariés concernés, conclu dans le cadre d’une négociation et laissant aux salariés la possibilité de revenir en arrière dans le cas où l’externalisation ne leur conviendrait pas.

Dans les faits, je suis persuadé qu’il sera très peu fait usage de cette possibilité par les salariés. Il ne s’agit que de leur procurer un sentiment de sécurité afin de les inciter à franchir le cap de l’externalisation. Je rappelle que nous parlons de salariés ayant parfois travaillé vingt ou trente ans au sein d’un grand groupe et qui, du jour au lendemain, vont se retrouver dans une petite structure de 300 personnes. Il est normal qu’ils en conçoivent une certaine inquiétude, et cela justifie qu’on les rassure en leur permettant de revenir au sein de leur entreprise d’origine au bout de trois ans si la greffe n’a pas pris.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE115 de Mme Dominique Orliac.

Mme Jeanine Dubié. Le présent amendement reprend les principales dispositions de la proposition de loi du groupe RRDP dont la rapporteure était notre collègue Dominique Orliac et qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 10 mars dernier.

Il propose, tout d’abord, d’étendre la durée de la période légale de protection contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé de maternité, la faisant passer de quatre à dix semaines. L’extension de cette période de protection s’applique également au second parent, qui en bénéficie à compter de la naissance de l’enfant, ainsi qu’aux parents adoptants.

Il consiste, ensuite, à reporter le point de départ de cette période de protection à l’expiration des congés payés, quand ces derniers sont pris directement après le congé de maternité, conformément à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 2014.

L’amendement vise ainsi à sécuriser le parcours professionnel des parents après l’arrivée d’un enfant sans remettre en cause le caractère relatif de la protection.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable. Cette adoption permettra sans doute un aboutissement plus rapide du dispositif prévu dans la proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

Article 38 (art. L. 1254-9, L. 1255-11, L.1255-14 à L. 1255-16, L. 1255-17 et L. 1255-18 [nouveaux] et 5132-14 du code du travail, art. L. 5542-51 du code des transports, ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial) : Portage salarial

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 38 sans modification.

Article 39 (art. L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1244-1, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1251-6, L. 1251-11, L. 1251-37, L. 1251-60, L. 2412-2 à L. 2412-4, L. 2412-7 à L. 2412-9, L. 2412-13, L. 2421-8-1, L. 5135-7 et L. 6321-13 du code du travail) : Emploi saisonnier

La commission est saisie de l’amendement CE112 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à compléter le champ des négociations entre les partenaires sociaux prévues à l’article 39 afin de prévoir un dispositif similaire à la prime de précarité pour les travailleurs saisonniers, qui n’y ont aujourd’hui pas droit.

Dans la rédaction actuelle du projet de loi, les négociations portent sur les modalités de reconduction du contrat de travail et la prise en compte de l’ancienneté. Il semble donc que les modalités d’indemnisation pour les cas de non-reconduction du contrat de travail en soient exclues. Les caractéristiques du travail saisonnier exigent de prévoir une compensation financière spécifique, afin de contrebalancer la précarité incontestable de ce contrat. Cet amendement propose de compléter l’alinéa relatif aux négociations en vue de préciser qu’elles doivent aussi porter sur les modalités de compensation financière en cas de non-reconduction du contrat de travail.

M. le rapporteur pour avis. Voilà une précision utile. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE25 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Plusieurs dispositions améliorent les conditions d’emploi des travailleurs saisonniers et il est important qu’elles soient effectivement mises en place. C’est pourquoi je propose de compléter l’alinéa 3 par les mots : « À défaut d’aboutir dans un délai d’un an, le législateur fixe les modalités de reconduction du contrat et de prise en compte de l’ancienneté des salariés saisonniers. »

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement est incompatible avec l’alinéa 4 de l’article, qui prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances en cas d’échec des négociations.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les saisonniers sont dans une situation difficile non en raison de leur emploi saisonnier mais parce qu’ils n’ont pas accès au crédit, les banques demandant un CDI. Un saisonnier qui a la capacité physique de travailler tout au long de l’année peut avoir remboursé à trente-trois ans un prêt bancaire sur quinze ans. Il ne connaît jamais de défaillance d’entreprise, car il en trouve toujours une qui fait des saisons. La précarité du saisonnier ne tient pas au code du travail mais au processus de Bâle 3 et au problème du financement des TPE-PME.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE27 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à reconnaitre le caractère précaire des travailleurs saisonniers. Le projet de loi n’évoque à aucun moment la précarité de ces travailleurs, soumis aux aléas des saisons plus ou moins longues selon l’activité et les années. Je propose donc d’ajouter à l’alinéa 4 les mots : « de nature à lutter contre le caractère précaire de l’emploi saisonnier ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE113 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’ordonnance prévue à l’alinéa 4 en cas d’échec des négociations d’accord de branche, un dispositif similaire à la prime de précarité à laquelle les travailleurs saisonniers n’ont aujourd’hui pas droit. Il précise que l’ordonnance inclura les modalités de compensation financière en cas de non-reconduction du contrat de travail.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les travailleurs saisonniers ne sont pas sous-rémunérés. Quand une convention collective existe dans l’entreprise, ils sont rémunérés au même titre que les autres salariés.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 39 modifié.

Article 40 (art. L. 1253-24 du code du travail) : Groupement d’employeurs

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 40 sans modification.

Après l’article 40

La commission est saisie de l’amendement CE53 de Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Cet amendement vise à ouvrir les groupements d’employeurs mixtes, composés de personnes de droit privé et de collectivités territoriales ou d’établissements publics, à la forme coopérative, alors qu’ils ne peuvent actuellement être constitués que sous la forme associative. Il convient de mettre en cohérence les différentes dispositions en matière de groupements d’employeurs et de favoriser le recours à ce dispositif.

M. le rapporteur pour avis. Je suis tout à fait favorable à l’objectif mais la rédaction de l’amendement risque de supprimer la forme associative des groupements d’employeurs sans l’élargir à la forme coopérative. Il conviendrait de le récrire d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

Article 41 (art. L. 1233-24-2, L. 1233-57-19, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail) : Transferts d’entités économiques

La commission est saisie de l’amendement CE84 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Aux termes de l’article 41, dans le cadre d’une cession d’entreprise, celui qui cède pourra procéder à des licenciements sans transférer les contrats de travail en cours à l’entreprise d’accueil. Pour être clair, si mon amendement de suppression n’est pas voté, les amendements CE92 et CE93 de M. Barbier, examinés précédemment, seront caducs.

Cet article pourrait être justifié, dans certains bassins d’emplois, par le fait que la cession d’une entreprise est plus difficile lorsque le repreneur est obligé d’assumer des responsabilités en termes de contrats de travail ; c’est un des constats de l’application de la loi dite « Florange », qui ne donne pas les résultats attendus. Mais cet article 41 est dangereux, car il permettra tous les abus, la suppression d’emplois en masse pour faciliter des cessions, avec un tri des salariés en fonction des savoir-faire et des productions que le cédant ne voudrait pas voir développer par d’autres.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet article permet d’éviter la fermeture d’un site entier par la reprise partielle des emplois.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 41 sans modification.

Article 42 (art. L. 1233-85 et L. 1233-90-1 [nouveau] du code du travail) : Revitalisation des bassins d’emplois

La commission examine l’amendement CE116 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. La convention-cadre nationale de revitalisation doit être obligatoire et ne doit pas être laissée à l’initiative des parties.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. La souplesse du dispositif actuel vise à éviter les lourdeurs administratives inutiles. Cette convention-cadre n’a d’autre objet que de mieux coordonner les conventions locales signées entre le préfet et l’employeur concerné. Dans les situations où cette coordination ne se justifierait pas, il n’est pas opportun de l’imposer aux parties.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’examen de l’amendement CE117 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le délai actuellement prévu à l’article L. 1233-85 du code du travail est de six mois et il semble judicieux de le maintenir ainsi. Aucune raison ne motive un allongement du délai à huit mois.

M. le rapporteur pour avis. Défavorable. Le délai de six mois n’est jamais respecté dans les faits. Il s’agit simplement d’adapter la loi à la réalité.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 42 modifié.

Après l’article 42

La commission est saisie de l’amendement CE23 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Des associations et des fondations d’ingénierie permettent à deux besoins de se rencontrer : celui des demandeurs d’emploi qui connaissent des difficultés professionnelles et celui des entreprises qui ont du mal à recruter, particulièrement dans les secteurs en tension. Des expériences concrètes ont montré qu’une compétence que les entreprises ont du mal à trouver sur le marché du travail peut se construire avec des profils de demandeurs d’emploi de longue durée. En parallèle, ces structures peuvent accompagner l’entreprise dans la redéfinition de son besoin de compétences. Ces acteurs sont détenteurs d’une expertise en matière de réinsertion par l’emploi qu’il est essentiel de reconnaître. Cet amendement vise donc à définir dans le code du travail l’existence de ces structures innovantes au plan social et économique.

M. le rapporteur pour avis. Avis tout à fait favorable. Le conseil que je donnerais, c’est d’aiguiller ces structures vers l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale, ce qui leur ouvrirait l’accès aux fonds équitables où est notamment dirigée une partie de la collecte des plans d’épargne entreprise.

La commission adopte l’amendement.

Article 45 (art. L. 1262-4-1, L. 1262-4-4 [nouveau], L. 1264-1 et L. 1264-2 du code de travail) : Renforcement des obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à des prestataires établis à l’étranger

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sans modification.

Article 46 (art. L. 1262-4-5 [nouveau] du code du travail) : Création d’une contribution visant à compenser les coûts administratifs liés à la création d’un système de déclaration dématérialisé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 46 sans modification.

Article 47 (art. L. 1263-3, 1263-4-1 [nouveau], L. 1263-5 et L. 1263-6 du code du travail) : Application de la mesure administrative de suspension temporaire d’activité d’un prestataire étranger en cas d’absence de déclaration de détachement

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 sans modification.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 4 avril 2016 à 21 h 30

Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic

Excusés. – Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Kléber Mesquida