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Mardi 6 octobre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen pour avis de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096) (M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, la première partie du projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096) (M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est la première fois que notre commission se saisit pour avis de la première partie du projet de loi de finances (PLF). J’ai souhaité cette saisine car il m’est apparu, comme à plusieurs d’entre vous, qu’il était intéressant d’examiner les articles traitant de la fiscalité de l’environnement et des transports, domaines de compétence de notre commission.

L’exercice est un peu particulier, à double titre.

D’une part en raison des délais, puisque ce n’est que depuis mercredi dernier que le projet de loi de finances initiale pour 2016 est connu avec certitude. Nous avions d’ailleurs nommé Jean-Yves Caullet rapporteur pour avis dès le 9 septembre, afin qu’il puisse commencer ses auditions.

D’autre part en raison de la procédure relative aux lois de finances, qui conduira notre rapporteur à défendre les amendements que nous serions amenés à adopter devant la commission des finances, puis en séance publique. Nous tenons donc notre réunion aujourd’hui, afin que notre rapporteur soit présent demain à la réunion de la commission des finances, saisie au fond.

Le secrétariat de la commission a reçu seize amendements. Un certain nombre d’entre eux ont été transmis à la commission des finances pour en vérifier la recevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Trois ont été déclarés irrecevables – les amendements CD6, CD7 et CD9 de M. Bertrand Pancher – au motif qu’ils créaient une charge pour abonder le Fonds de solidarité pour le développement, qui ne dispose pas de la personnalité morale. Il nous reste donc treize amendements à examiner.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Le 14 septembre dernier, pour la première fois de sa courte histoire, la Commission s’est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances. Elle s’est saisie de l’ensemble du texte, pour donner corps à l’idée que le développement durable est une préoccupation transversale, au regard de laquelle il est légitime de s’interroger sur la cohérence des dispositions retenues dans d’autres textes, et en particulier de la loi de finances.

Cependant, pour être durable, toute innovation de ce type doit se construire pas à pas. Je vous propose donc, compte tenu du délai imparti, de concentrer mon rapport sur les aspects fiscaux concernant les énergies, et en particulier les carburants.

Plusieurs raisons nous incitent à agir vite en ce domaine. Tout d’abord, la France s’apprête à accueillir la vingt-et-unième Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21). C’est une échéance cruciale, qui doit permettre un accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de deux degrés. Il est donc légitime d’analyser la cohérence de notre projet de budget avec les engagements publics pris à cet égard.

Par ailleurs, le vote récent de la loi de transition énergétique et l’importance du secteur des transports dans ce domaine donnent pertinence à une analyse de la cohérence de la loi de finances à cet égard.

De fait, le premier sentiment à la lecture du PLF est en demi-teinte. En effet, aucune disposition ne concerne le développement durable, non plus que la fiscalité des carburants et des biocarburants. C’est sans doute pour cette raison que le cabinet du ministre du budget m’a indiqué qu’il souhaitait traiter ces questions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR), et que le cabinet de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’a pas donné suite à mes demandes d’audition. Seuls les services et le cabinet du ministère de l’agriculture ont accepté de répondre à mes interrogations techniques, notamment sur les biocarburants. Je les en remercie, car la matière est relativement ardue.

Pourtant, ce PLF n’est pas complètement neutre au regard de la thématique des transports. Il prévoit par exemple une diminution de 424 millions d’euros du budget pour 2016 de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une raison de s’interroger sur l’affectation des recettes fiscales issues de la taxation des carburants.

Par ailleurs, le scandale des tests de pollution d’une grande société européenne de construction automobile est une autre bonne raison, conjoncturelle celle-là, pour réfléchir à l’attribution des bonus et des malus en fonction des rejets polluants des véhicules. Notre réflexion doit donc englober la taxation du gazole et son effet incitatif.

Notre débat doit également être replacé dans le contexte de la directive européenne portant à 10 % le niveau d’énergies renouvelables à atteindre dans les transports d’ici 2020, mais avec un plafond fixé à 7 % pour les biocarburants issus de cultures alimentaires dits « de première génération », de manière à laisser une marge de 3 % aux biocarburants dits « avancés », produits à partir de déchets tels que les huiles usagées ou les huiles animales. Vous vous souvenez que ce sujet nous a occupés à plusieurs reprises à propos de la loi de transition énergétique et de la loi croissance et activité.

Le gouvernement français, qui est en avance sur l’Union européenne sur ce point depuis un certain temps, a autorisé depuis le 1er janvier 2015 la commercialisation du gazole B8, qui permet d’incorporer jusqu’à 8 % d’ester méthylique d’acide gras, biodiesel produit à partir d’huiles végétales, animales ou usagées. On ne peut que regretter que l’industrie pétrolière continue de produire majoritairement du B7, qui n’incorpore que 7 % de ces esters méthyliques, d’autant que le B8 est une norme temporaire dans l’attente de l’avènement du B10, qui portera à 10 % la cible d’incorporation d’huiles d’origine végétales, animales ou usagées dans le gazole.

Le Gouvernement a annoncé le 3 septembre 2015 sa volonté de renforcer la fiscalité écologique – ou de renforcer le caractère écologique de la fiscalité – en 2016. Il nous a assuré que les dispositions relatives notamment à la fiscalité des carburants et au développement durable seront abordées dans le projet de loi de finances rectificative. Mais, outre le fait que ce genre de vecteur législatif est davantage destiné aux ajustements de l’exercice en cours plutôt qu’aux mesures nouvelles, on peut s’interroger sur l’opportunité d’examiner ce type de dispositions en novembre, sans donner de signal politique préalable, alors que la COP 21 sera en train de se réunir.

C’est la raison pour laquelle, sans attendre le dépôt du projet de collectif budgétaire, j’ai souhaité déposer un certain nombre d’amendements au présent PLF qui, même s’ils ne sont pas tous finalement adoptés en l’état, auront le mérite de lancer le débat sur des points essentiels et d’envoyer des signaux correspondants à la position de notre pays au sein de la COP 21.

En premier lieu, j’ai souhaité vous proposer de préciser la trajectoire de l’évolution de la valeur carbone intégrée aux tarifs de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) – valeur communément appelée « taxe carbone ».

Le code des douanes fixe ce prix à 14,50 euros par tonne en 2015, à 22 euros par tonne en 2016, puis s’arrête là. La loi sur la transition énergétique que nous avons adoptée cet été a fixé ce montant à 56 euros en 2020. Entre les deux, rien n’est prévu pour les années 2017, 2018 et 2019. Ce manque de précision pourrait jeter un doute sur la volonté d’atteindre l’objectif fixé pour 2020. Pourquoi ne pas dire comment nous allons faire pendant les trois années qui manquent ? Je propose donc un amendement pour préciser cette trajectoire en appliquant une simple interpolation linéaire : j’ai tracé un trait. L’objectif est de rendre cette évolution suffisamment précise et lisible pour que les acteurs économiques s’y préparent, et en même temps suffisamment contraignante pour que personne ne revienne sur cette trajectoire, quels que soient les résultats des échéances électorales à venir.

Je me suis également intéressé à la fiscalité des carburants, et notamment à celle du gazole.

Tout d’abord, il paraît essentiel que le gazole, considéré comme plus polluant que l’essence sans plomb, soit à terme taxé au moins au même niveau que cette dernière. C’est le fameux rattrapage dont tout le monde parle sans qu’on le voie venir, telle l’Arlésienne d’Alphonse Daudet. Depuis plusieurs décennies, le gazole bénéficie d’un avantage fiscal qui n’a été que très peu réduit jusqu’à présent. Le gazole routier bénéficie ainsi d’un différentiel de 16 centimes par rapport aux supers 95 et 98.

Je vous proposerai, par voie d’amendement, de fixer une trajectoire contraignant le Gouvernement à annuler ce différentiel d’ici à la fin de l’année 2025. Au moment où j’ai élaboré ce rapport et proposé mes amendements, il n’y avait rien de prévu dans le PLF, et faute d’information sur les projets du Gouvernement, j’ai eu l’excellente surprise d’entendre hier la ministre indiquer qu’en cinq ans, elle prétendait faire ce que je vous propose de faire en dix. Je m’en tiendrai néanmoins là ; le Gouvernement aura toujours la possibilité d’accélérer le mouvement par rapport à ce que nous lui aurons proposé.

Si cet amendement était adopté, cela donnerait le signe fort d’une volonté progressive mais constante, qui permettra aux industriels et aux consommateurs de préparer l’avenir en sachant à quoi s’en tenir. En même temps, le délai de dix ans permettra d’anticiper la transformation du parc et de le renouveler, soit vers des moteurs à essence, hybrides ou électriques pour les véhicules légers, soit vers le gaz sous ses différentes formes pour le parc poids lourds, qui est important dans la consommation de carburant routier.

Je proposerai un second amendement relatif à la fiscalité des carburants. Outre le rattrapage que je viens d’évoquer, dans une conjoncture favorable de cours pétroliers historiquement bas, cet amendement aura pour objet d’augmenter de deux centimes la TICPE applicable au gazole routier, d’un centime celle relative au super 95 et au super 98 et de baisser d’un centime la TICPE applicable au super E 10, qui incorpore davantage d’éthanol. Nous enverrons donc un signal clair sur la fiscalité des carburants, avec la trajectoire de rattrapage d’une part, et ces premières mesures d’autre part.

L’objectif est double : commencer à réduire le différentiel de taxation entre le gazole et les autres carburants, et favoriser le recours au carburant E 10, qui incorpore 10 % de biocarburant contre seulement 7 % pour le super 95. La France est le premier producteur européen de bioéthanol, et la matière première utilisée pour fabriquer ce biocarburant est issue du territoire national, cela mérite aussi d’être souligné, notamment au regard de l’indépendance énergétique.

Les ressources apportées par cet amendement, de l’ordre de 800 millions d’euros, permettront de réévaluer le budget de l’AFITF, qui est fortement réduit dans ce PLF. Cette mesure s’ajoutera à la hausse de la composante de la taxe carbone également prévue à la même échéance. Au total, si vous adoptez l’amendement que je vous propose, la TICPE sur le gazole augmentera donc de 4 centimes en 2016, celle relative au super 95 et au super 98 de 2,7 centimes et celle relative au super 95 – E 10 de 0,7 centime seulement. Ces deux éléments viennent donc se cumuler. Je signale que l’ordre de grandeur de ces montants est largement inférieur, compte tenu du cours actuel du pétrole, aux différences des prix au détail que l’on constate dans un même département.

Un autre amendement permettra d’élargir l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) au gazole non routier (GNR). Le gazole non routier est destiné à l’alimentation des moteurs des engins mobiles non routiers : engins agricoles, forestiers ou de chantier, locomotives diesel, bateaux de plaisance lorsqu’ils ne sont pas en mer et batellerie intérieure. Ce fameux gazole est coloré en rouge pour éviter les usages détournés.

L’objectif n’est pas de créer une recette, puisque la TGAP est destinée à ne pas être payée si l’on incorpore suffisamment d’énergies renouvelables dans le carburant. Je le précise donc avec beaucoup de fermeté : il ne s’agit pas de renchérir le prix de ces carburants, mais d’inciter leurs distributeurs à la même vertu que pour les carburants routiers, c’est-à-dire la même obligation d’incorporation d’énergies renouvelables pour atteindre nos objectifs en la matière.

Cette mesure écologique fait l’objet d’un consensus de la part des acteurs économiques que j’ai pu rencontrer, qui se déclarent en capacité de produire suffisamment de biocarburants pour obtenir l’exonération de la TGAP qui leur sera donc désormais applicable. Cette mesure offrira aussi aux producteurs de carburants élaborés à partir d’huiles animales, végétales ou usagées un petit débouché supplémentaire permettant de stabiliser leur modèle économique. Je vous rappelle par ailleurs que ce sont les distributeurs de carburants qui sont éventuellement redevables de cette taxe, s’ils ne remplissent pas leurs obligations en termes d’énergies renouvelables. Les usagers de GNR ne verront aucun changement de prix, c’est essentiel dans le contexte économique actuel.

Même si je n’ai pas déposé d’amendement sur ce thème, je souhaite dès à présent poser la question d’un nécessaire travail sur les stocks stratégiques. Ils ont été conçus pour faire face à des chocs pétroliers, mais les biocarburants ne sont pas inclus dans cette démarche. Cela soulève de nombreuses questions techniques de tout ordre, mais il serait bienvenu de s’interroger sur la façon d’inclure dans cette démarche stratégique ces carburants produits sur le territoire national et qui participent à l’indépendance énergétique du pays.

Je vous proposerai un dernier amendement sur la qualité des huiles incorporées dans les biocarburants. Actuellement, les industriels peuvent incorporer des huiles d’origine animale ou végétale issues de colza, essentiellement produites en France et faisant l’objet d’un contrôle rigoureux. Mais ils peuvent également utiliser des huiles usagées ou des huiles issues d’huiles de palme, généralement importées, et dont la provenance, s’agissant surtout des huiles usagées, est parfois suspecte. Pour parler franchement, dans la mesure où le recyclage des huiles usagées est fiscalement favorisé, on peut parfois se demander si certains fournisseurs ne vendent pas à nos industriels, au prix d’huiles usagées, des huiles vierges dont la valeur est devenue paradoxalement inférieure aux huiles usagées, devenues surcotées en raison de l’avantage fiscal qu’elles procurent. On comprend qu’un tel commerce n’est pas sain et que l’importation de ce type d’huiles, outre qu’elle concurrence la production nationale, ne participe pas d’un développement durable. Il convient donc de mettre un terme aux incitations à ces pratiques.

La liste des produits autorisés à entrer dans la composition des biocarburants, et donc éligible à l’exonération de TGAP, est fixée aujourd’hui par voie réglementaire. Je vous proposerai simplement de compléter le dispositif existant en indiquant au Gouvernement que dans l’arrêté, la liste ne doit prévoir que des produits compatibles avec le développement durable et l’indépendance énergétique de la France. Et pourquoi ne pas s’appuyer sur des certifications de type RBO – Register for Biofuels Origination ? On ne change donc pas le dispositif, mais on donne un certain nombre d’orientations au pouvoir réglementaire pour que les pratiques soient plus vertueuses en la matière.

Enfin, je souhaite aborder un dernier sujet, sans pour autant déposer d’amendement à ce stade, afin d’ouvrir le débat sur l’élargissement de l’assiette de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). C’est un sujet que nous avons déjà évoqué à de nombreuses reprises au sein de cette commission. Il n’y a rien de prévu dans le PLF pour 2016, peut-être que cela le sera dans le collectif de novembre, mais je pense qu’il faut y réfléchir dès à présent. La CSPE est un outil historiquement destiné à assurer la péréquation du service public d’électricité, mais aussi à lutter contre la précarité énergétique, or elle ne repose aujourd’hui que sur la consommation d’électricité.

La précarité énergétique est un sujet plus général, le financement de la transition énergétique est nécessaire, la question se pose donc de savoir si sa base peut être élargie aux autres énergies. Cette question sera examinée au regard des besoins de financement de la lutte contre la précarité énergétique et de la transition énergétique. J’imagine que nous poserons cette question dans le cadre du débat sur le PLFR.

Compte tenu de toutes ces considérations, je vous propose d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2016 que nos amendements, je n’en doute pas, contribueront à améliorer.

M. Philippe Duron. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je me félicite évidemment de la présentation que vient de nous faire notre rapporteur. À quelques semaines de la COP 21, le contexte met en cause la qualité d’un certain nombre de carburants. Le scandale Volkswagen laisse planer le doute sur la compétence des constructeurs à produire des moteurs diesel propres, et ce que l’on sait des rejets de particules fines montre qu’il faut sûrement réduire la part du diesel dans le mix énergétique des transports. Les propos du rapporteur et de la ministre de l’environnement vont dans ce sens.

Je ne peux donc que me féliciter des amendements proposés pour enrichir certains carburants en y incorporant un certain nombre d’adjuvants, et d’autre part trouver des recettes nouvelles pour mieux financer la mobilité, et notamment les infrastructures, et faire en sorte de trouver une façon efficace et juste de réduire la part du diesel au sein de ce bouquet énergétique.

Je voterai donc bien évidemment ces amendements, d’autant plus qu’un certain nombre d’entre eux sont destinés au financement de l’AFITF, dont le budget d’intervention devrait être limité cette année à un peu moins de 1,9 milliard d’euros. Nous savons très bien que l’année prochaine, et jusqu’en 2020, nous aurons besoin de ressources supplémentaires pour faire face aux grands engagements pris par le Gouvernement, qu’il s’agisse du canal Seine-Nord-Europe, du tunnel euralpin Lyon-Turin, ou de la deuxième tranche de nouvelle route littorale de La Réunion. Tout cela appelle des financements nouveaux, qui peuvent être efficacement apportés par une amélioration de la TICPE et les recettes que le rapporteur propose de créer dans ses amendements. Je me félicite donc de l’imagination et de la technicité du rapporteur.

M. Julien Aubert. Au nom du groupe Les Républicains, je ne sais pas s’il faut se féliciter de l’imagination ou de la créativité, notamment lorsqu’elle s’exerce au détriment du contribuable qui, parfois, se trouve prélevé de manière directe ou indirecte alors qu’on l’avait assuré qu’il n’y aurait pas d’augmentation fiscale cette année.

Relevons tout d’abord une contradiction : l’année où nous adoptons la loi prioritaire du quinquennat sur la transition énergétique, force est de constater que le projet de loi de finances prévoit que la mission « Écologie, développement et mobilité durables »  participe à un plan d’économies, avec une diminution des crédits et la suppression de 671 postes en 2016.

Je balaierai brièvement les points positifs : le renforcement et la prolongation de l’éco-prêt à taux zéro (PTZ) ; le soutien plus large à la méthanisation ; la suppression de la TGAP sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Mais il existe des points négatifs que nous tenons à souligner. Tout d’abord, comme en 2015, un prélèvement de 175 millions d’euros sur le fonds de roulement des agences de l’eau ; un prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ; la baisse de 424 millions d’euros de la fraction de TICPE affectée à l’AFITF. Comprenne qui pourra comment l’ADEME va financer les grandes opérations d’infrastructures, notamment les travaux de la seconde phase de la ligne grande vitesse, qui est européenne ?

Parmi les amendements proposés par le rapporteur, nous soutiendrons celui qui prévoit l’obligation d’incorporation des biocarburants au gazole non routier. Cette mesure structurante pour la filière n’a aucun impact budgétaire pour l’État. Par conséquent, parce qu’elle s’inscrit dans l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports à l’horizon 2020, qu’elle permet d’amortir progressivement le choc à venir de l’implantation de Total dans le sud de la France et qu’elle offrira à la filière la possibilité de supporter la fin de la défiscalisation grâce à une augmentation des volumes, cette proposition d’amendement semble de bon sens.

Sur les autres amendements, nous interviendrons au fil de la discussion.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le rapporteur, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je vous remercie de vos propos, certains vont dans le bon sens et nous vous soutiendrons.

Beaucoup de reproches peuvent être faits à ce projet de budget dans le domaine du développement durable et de l’aide au développement, puisque les budgets de l’écologie, des transports et de l’aide au développement sont en baisse. Cela peut se régler dans certains domaines, et il faut évidemment s’engager dans certaines économies, mais dans d’autres cas on frise la farce.

Vous l’avez d’ailleurs souligné, s’agissant notamment du budget des transports. Lorsque j’ai vu ces chiffres, j’ai pensé qu’ils étaient tombés sur la tête ! Attribuer 1,9 milliard d’euros à l’AFITF alors qu’elle a besoin au minimum de 2,7 milliards pour financer tous les projets engagés, sans parler des promesses qui tombent comme à Gravelotte avant les élections régionales ! Les promesses engagées, le Lyon-Turin, le canal Seine-Nord-Europe, ainsi que l’entretien des voies de chemin de fer dans des conditions correctes requièrent 2,7 milliards. Or le projet de budget prévoit 1,9 milliard.

J’avais déposé au nom de notre groupe exactement les mêmes amendements que vous : ce sont des amendements de bon sens pour toutes celles et ceux qui s’engagent dans le domaine des transports. Comment comprendre qu’au moment où le prix du baril de pétrole chute autant, le Gouvernement n’en profite pas pour augmenter de quelques centimes d’euros les prélèvements sur le gazole ? Un centime d’euro supplémentaire représentant 400 millions d’euros pour l’État, on arriverait, avec une hausse de deux centimes, au moins à payer ce qui doit l’être.

Nous devrons ensuite savoir avec le ministre si les promesses réalisées seront mises en œuvre ou non. Si c’est le cas, ces sommes n’y suffiront pas. En tout cas, dans ce domaine, nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur, y compris en séance.

D’autres domaines, sur lesquels vous n’êtes pas intervenus, nous laissent également sceptiques. Je pense aux crédits de l’ADEME. Nous n’arrivions déjà pas à comprendre comment ils allaient être doublés à budget constant, nous comprenons encore moins après l’annonce du prélèvement de 90 millions d’euros sur son fonds de roulement. C’est une vraie farce ! Nous allons donc proposer des amendements pour abandonner l’idée saugrenue de faire des prélèvements sur le budget de l’ADEME.

Dans le domaine de l’aide au développement, il faudra aussi mener une discussion. On ne peut pas à la fois dire qu’il faut faire tous les efforts pour accueillir les réfugiés, aider au développement pour que les choses se passent dans de bonnes conditions sur place, annoncer que l’on va augmenter le Fonds vert pour le climat, et diminuer le budget de l’aide au développement. La taxation des transactions financières est un sujet complexe, mais notre rôle est d’avancer en essayant de récupérer quelques recettes en taxant ces transactions gigantesques et scandaleuses.

Mme Laurence Abeille. C’est la première fois que la commission du développement durable est saisie pour avis de la première partie du PLF. C’est une excellente chose : la commission des affaires économiques a ouvert la voie l’an dernier et il serait bon de poursuivre cette démarche lors de l’examen des prochaines lois de finances.

Le groupe Ecologiste n’a pas déposé d’amendements, car nous en sommes restés à la procédure traditionnelle consistant à les déposer en commission des finances, notamment sur la TICPE et sur la taxation du diesel. Nous défendrons également devant la commission des affaires économiques des amendements sur la relocalisation de l’agriculture.

En seconde partie du PLF, nous formulerons des propositions, mais je ne vous surprendrai pas en exprimant ma très grande déception de voir le budget de l’écologie à nouveau en baisse, comme d’ailleurs depuis le début du quinquennat. À deux mois de la COP 21, ce n’est certainement pas un bon signal. On peut légitimement se demander s’il est possible de faire autant, voire plus, avec moins d’argent. Personnellement, et au nom de mon groupe, je ne le pense pas. Dans une période aussi difficile, où l’on constate encore ces jours derniers les dégâts immenses provoqués par le changement climatique, si nous ne consacrons pas d’importants moyens aux budgets de l’écologie, de l’aménagement du territoire et de la santé publique, nous passons à côté des enjeux du XXIsiècle.

C’est très regrettable, et nous aurons l’occasion de nous exprimer plus longuement au cours des débats et de formuler des propositions pour tenter, sans grand espoir, de donner une autre direction à ce budget.

M. Jean-Pierre Vigier. Je souhaite revenir sur la baisse importante des crédits, et en particulier sur le prélèvement de 175 millions d’euros opéré sur les fonds de roulement des agences de l’eau, qui aura pour effet direct la baisse des subventions attribuées par ces agences aux collectivités locales pour réaliser les travaux de réhabilitation ou d’extension des réseaux d’adduction d’eau potable et d’assainissement.

Ce sera dramatique pour les petites communes rurales, qui comptent peu d’abonnés et qui ne pourront pas, vous le savez comme moi, réaliser les travaux nécessaires à la mise à niveau de leur réseau sans un taux de subvention important.

Nous sommes vraiment très loin de l’aménagement du territoire et de l’égalité d’accès au service public.

Mme Valérie Lacroute. Avec ce PLF pour 2016, le Gouvernement persévère dans ses erreurs de stratégie budgétaire. Nous serons quasiment le seul État de la zone euro à dépasser les 3 % de déficit. La France va ainsi continuer de crouler sous les prélèvements et les taxes et le Gouvernement d’asphyxier financièrement les collectivités locales. La baisse des dotations sera lourde de conséquences pour l’investissement local, l’emploi et le maintien de services de proximité dans l’ensemble du territoire.

Malheureusement, ce PLF ne spécifie pas comment le Gouvernement compte financer le plan d’urgence en faveur du monde agricole, puisque ce plan a été annoncé en juillet à hauteur de 600 millions d’euros, qui ont été récemment portés à 685 millions.

Parallèlement, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » perd 100 millions d’euros, et 671 postes seront supprimés en 2016, en pleine contradiction avec la loi sur la transition énergétique, chantier prétendument prioritaire du quinquennat.

Les ponctions continuent d’aller bon train, qu’il s’agisse des agences de l’eau ou de l’ADEME, mais la plus incohérente de toutes est celle, d’un montant de 424 millions d’euros, opérée sur l’AFITF, alors même que le Gouvernement vient d’annoncer deux lignes à grande vitesse (LGV) supplémentaires, que l’AFITF est censée financer.

Toujours dans le domaine des transports, 78 millions d’euros seulement sont inscrits au budget pour compenser la perte de recettes des collectivités locales due au relèvement du seuil de perception du versement transport, perte que le Groupement des autorités responsables de transport (GART) estime à 500 millions d’euros environ.

Bref, ce PLF est à l’image des précédents : insincère, incohérent et sans courage.

M. Guillaume Chevrollier. Le projet de loi de finances pour 2016 est en effet à l’image des précédents : décevant, car les grandes réformes structurelles que la situation du pays exige ne sont pas lancées. De ce fait, pour réaliser quelques économies, le Gouvernement propose un budget dans lequel il pratique la politique du coup de rabot, et la mission « Écologie, développement et mobilité durables » n’y échappe pas.

Alors que le Président de la République parle beaucoup d’écologie, sa politique ne suit pas, surtout en matière budgétaire. Ce décalage entre les paroles et les actes est d’autant plus dommageable que nous accueillons la COP 21 en fin d’année.

De plus, ce budget continue de ponctionner des agences – les agences de l’eau ou l’ADEME – remède facile et peu courageux politiquement. L’AFITF souffre aussi de ces ponctions, alors qu’elle a déjà subi la suppression de l’écotaxe. Nouvelle contradiction : on annonce de grands projets structurants, mais sans prévoir leur financement. On retrouve cette même inconséquence dans d’autres domaines, puisque les collectivités territoriales se voient confier de nouvelles missions en dépit des baisses de dotation.

M. Yves Nicolin. Je trouve malheureusement ce budget bien décevant. Il risque de désespérer davantage nos compatriotes à la veille d’échéances qui les concernent tous.

Comme tous mes collègues, je suis stupéfait par la baisse des recettes de l’AFITF. Cette ponction colossale est en contradiction totale avec les objectifs ambitieux assignés à cette dernière.

J’ai également une question, qui va plutôt dans le sens du Gouvernement. Il est proposé d’étendre le remboursement aux collectivités locales aux dépenses d’entretien des bâtiments publics réalisées à compter du 1er janvier 2016, par le biais du Fonds de compensation de la TVA. Mais, si je salue la bonne volonté du Gouvernement, je trouve sa traduction en chiffres particulièrement étonnante, puisque l’impact sur le budget de l’État serait de 12 millions d’euros en 2016 – ce qui peut certes s’expliquer par le décalage temporel – puis de 109 millions en 2017 et de 143 millions en 2018, ce qui sera totalement insuffisant. J’ai bien peur que nous nous trouvions encore face à un effet d’annonce, et que les critères d’attribution soient tels que, dans les faits, les collectivités ne récupéreront rien du tout.

M. le rapporteur pour avis. Après avoir écouté mes collègues avec attention, je voudrais simplement rappeler que nous examinons la première partie du PLF, consacrée aux recettes…

Je suis toujours étonné lorsque j’entends critiquer la politique dite du « rabot » et, en même temps, décrier comme insuffisant l’objectif de réduction des dépenses de 50 milliards d’euros, certains de nos collègues de l’opposition affirmant même qu’il faut aller jusqu’à 120 ou 150 milliards d’euros. Je sais bien que vous souhaiteriez droitiser la politique budgétaire, mais, en attendant, vous la passez à la dégauchisseuse, instrument bien plus brutal que le rabot ! (Sourires.)

Je partage un certain nombre des préoccupations qui se sont exprimées, au premier rang desquelles figure le sort réservé à l’AFITF. Notre commission a déjà discuté du financement nécessaire des infrastructures de transport, investissements qui sont porteurs d’emplois et de dynamisme pour un secteur, le bâtiment et les travaux publics (BTP), qui a besoin de signaux favorables. Nous verrons donc au fil de la discussion des amendements les propositions que je serai amené à vous faire.

Sur un certain nombre d’autres points, à entendre les remarques qui ont été faites, je pense que nous devrions trouver des convergences.

Nous verrons également à la faveur de l’examen des articles comment répondre aux préoccupations qui ont été exprimées à propos des carburants et de leur taxation.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Articles liminaire à 7

La Commission émet un avis favorable à l’adoption successive des articles liminaire à 7.

Après l’article 7

La Commission examine l’amendement I-CD1 de M. Bertrand Pancher.

M. Yannick Favennec. Le chauffage au bois domestique représente une énergie à faible coût, qui permet de lutter contre la précarité énergétique. Las, le relèvement du taux de TVA, passé de 7 % à 10 %, a entraîné une hausse de prix du stère de bois bûche comme de la tonne de granulés, qui n’est pas négligeable pour les ménages en situation de précarité énergétique et risque de les détourner de fournisseurs répondant à des chartes de qualité, tels que NF Biocombustibles solides, France Bois Bûche ou ONF Énergie Bois. Ces entreprises doivent faire face à d’importantes difficultés, précisément en raison de l’application de la TVA à 10 % depuis le début de l’année 2014. Ramener le taux applicable au bois de chauffage à 5,5 % permettrait d’aider non seulement ces entreprises, mais également les ménages en situation de précarité énergétique.

M. le rapporteur pour avis. Sensible, pour de nombreuses raisons, à l’utilisation énergétique du bois, je n’élèverai évidemment pas d’objection de principe, mais ce combustible est déjà deux fois moins taxé que les combustibles pétroliers.

D’autre part, comme vous le savez, la performance environnementale du chauffage au bois dépend énormément des appareils de chauffage utilisés. Aujourd’hui, il est très compliqué, pour ne pas dire impossible, d’établir, au regard du taux de TVA, une distinction entre les chauffages qui ne polluent pas, qui n’émettent pas particules fines, comme ceux qui répondent aux exigences du label « Flamme verte », et les foyers ouverts, à l’origine d’une production non négligeable de particules.

J’ajouterai une objection liée à la rédaction du C du I de votre amendement, cher collègue. Vous proposez de remplacer, au troisième alinéa du 2° du 1 du I de l’article 297 du code général des impôts, « E à H » par « E à K ». Ce faisant, vous étendriez le champ d’application du taux réduit de 2,10 % applicable en Corse, en y ajoutant non seulement le bois de chauffage mais aussi, notamment, les œuvres d’art – ce qui n’a rien à voir. Cette incongruité technique conforte mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 8

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La commission se penche sur l’amendement I-CD8 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à porter le produit de la taxe française sur les transactions financières, affecté au fonds de solidarité pour le développement, à 466 millions d’euros environ, en intégrant à son champ les transactions dites intraday, c’est-à-dire celles qui sont dénouées dans la journée. Le but est évidemment de dégager des recettes fiscales supplémentaires pour augmenter le financement de la solidarité internationale. Le Président de la République s’est engagé à porter cet effort à 0,7 % de la richesse nationale – nous en sommes à peine à la moitié, et cela baisse encore.

Le deuxième intérêt de cet amendement est de limiter ces transactions extrêmement rapides, qui accentuent la volatilité des marchés, en réduisant leur intérêt financier. Une telle mesure s’inscrirait pleinement dans la dynamique des négociations européennes en cours, puisqu’une proposition de directive de la Commission européenne prévoit la même chose et que les États associés au titre de la coopération renforcée, dont la France, ont décidé le 12 septembre dernier de soutenir cette proposition. Nous ne ferions donc qu’anticiper la future transposition d’une directive européenne.

En outre, ce serait un très bon symbole à quelques semaines de la COP21.

M. le rapporteur pour avis. Vous avez raison, cher collègue, de lier le financement du développement aux préoccupations climatiques. Pour les pays qui en ont le plus besoin, l’aide – cela va de soi – doit être efficace pour leur permettre de contribuer aux efforts de l’humanité tout entière contre le réchauffement.

Nous mesurons mal, naturellement, quel pourrait être l’effet de cette disposition sur la compétitivité de la place de Paris sur la scène financière internationale. Il me semble toutefois important, compte tenu de ce qui a été dit avant que nous n’en venions à l’examen des articles, d’envoyer un signal. Je donne donc un avis favorable à cet amendement, qui aura au moins le mérite d’interpeller nos collègues de la commission des finances, à qui il reviendra d’expertiser ses conséquences pour la place financière de Paris.

M. Bertrand Pancher. Merci beaucoup, monsieur le rapporteur. Le but de cet amendement est effectivement d’ouvrir le débat. Je trouve tout à fait naturel que la commission du développement durable le soutienne, et nous aurons ainsi un débat avec nos collègues de la commission des finances. Nous verrons également quelle est la stratégie des onze autres États associés au titre de la coopération renforcée : tout le monde se lancera-t-il au même moment dans la même opération ?

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CD13 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Comme je vous l’annonçais dans mon intervention liminaire, il s’agit d’étendre le régime de la TGAP au gazole non routier, celui qu’utilisent les tracteurs, les engins de chantiers, les locomotives diesel et la batellerie. Cette extension, en faveur de laquelle notre collègue Aubert s’est prononcé, ne représente en rien, je le répète, un risque de taxation supplémentaire, puisque l’incorporation de biocarburants suffit à permettre une exonération totale de TGAP. Il existe d’ailleurs un consensus entre les entreprises que j’ai pu consulter avant de produire mon rapport, tant dans le secteur pétrolier que dans celui des énergies renouvelables.

M. Julien Aubert. Que le dispositif TGAP s’applique dans les mêmes conditions au gazole routier et non routier nous paraît répondre à l’exigence de cohérence. Par conséquent, le groupe Les Républicains votera cet amendement.

M. Michel Heinrich. C’est un bon signal adressé aux producteurs de biocarburants, dont on connaît les difficultés actuelles, et cela permettra d’améliorer l’équilibre menacé de cette activité.

M. Arnaud Leroy. Je comprends cet amendement, et j’en accepte la philosophie, mais je m’interroge sur l’équilibre entre les modes de transport. La question rejoint d’ailleurs celle de l’écotaxe. Dans les faits, le secteur routier jouit en effet d’un avantage compétitif énorme. Vous évoquez dans l’exposé sommaire, monsieur le rapporteur, la batellerie, donc le fret fluvial, et la SNCF, donc le fret ferroviaire. Je voudrais simplement m’assurer que ces secteurs sont en mesure de se fournir en carburant à des prix qui préservent leur compétitivité, car ils sont handicapés aujourd’hui, faute de prise en compte des externalités du transport routier. Il ne faudrait pas que nos bonnes intentions créent des difficultés supplémentaires aux modes alternatifs de transport de marchandises.

M. le rapporteur pour avis. De toute façon, la TGAP s’applique non pas à l’utilisateur mais au distributeur. Quant à l’approvisionnement en biocarburants, les capacités nécessaires existent, et l’amendement aurait pour effet de clarifier la question des débouchés en mettant fin aux tensions du secteur, notamment entre producteurs d’esters issus d’huiles animales et d’huiles végétales.

Je voudrais aussi préciser un point que je n’ai abordé que très rapidement dans mon rapport. Aujourd’hui, le gazole non routier est, à la couleur près, identique au gazole routier : sa composition est exactement la même, et il comprend des carburants renouvelables. Comment se fait-il, dès lors, que la taxe ne s’applique pas ? Ayant mis très longtemps à le comprendre, je suis très heureux de partager l’explication avec vous. (Sourires)

Il se trouve que les distributeurs de produits pétroliers n’aiment pas beaucoup la norme B8, qui leur impose l’incorporation de 7,7 % de biocarburants : ils préfèrent la norme B7, qui leur impose un peu moins de 7 %. Mais, comme ils mettent déjà en partie du biocarburant dans le non routier et que celui-ci n’est pas assujetti à la TGAP, et qu’en outre ils ont la possibilité de comptabiliser les mètres cubes de carburants renouvelables présents dans le non-routier et d’additionner les deux, ils peuvent faire valoir qu’ils atteignent, tout compris, les 7,7 % ! Désormais, si cet amendement est voté, ce ne sera plus possible – mais tout le monde s’y attendait, et ce ne sera que justice.

Je voudrais enfin, au passage, corriger une faute d’orthographe dans l’amendement : c’est à tort que la seconde occurrence de l’adjectif « routier » porte la marque du pluriel.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle examine ensuite l’amendement I-CD15 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de dépasser de façon satisfaisante la concurrence entre différents types de carburants renouvelables, en particulier celle qui oppose, d’une part, les carburants issus de matières premières produites dans notre pays et qui contribuent – je pense en particulier aux huiles usagées et aux huiles animales – à un traitement des déchets et, d’autre part, les produits fabriqués à partir d’huiles d’importation, notamment d’huiles usagées qui sont l’objet d’un commerce international et à propos desquelles j’ai émis quelques réserves.

Le dernier alinéa du III de l’article 266 quindecies du code des douanes disposant que la liste des carburants qui donne lieu à double compte, c’est-à-dire les esters méthyliques d'huile animale (EMHA) et les esters méthyliques d'huile usagée (EMHU), est élaborée par le pouvoir réglementaire, je vous propose tout simplement d’ajouter que : « Les conditions et modalités ainsi que la liste sont établies en tenant compte en priorité des caractéristiques de respect de l’environnement des différents produits sur l’ensemble de leur cycle de production et de transport ainsi qu’en fonction de leur contribution à l’indépendance énergétique de la France ». En d’autres termes, le double compte sera autorisé exclusivement pour les produits qui présentent une vertu environnementale, et non pour des supertankers d’huiles plus ou moins usagées, importées et dont on ne connaît pas bien la provenance.

Cela n’aura aucune incidence sur les projets d’un groupe français d’envergure internationale du secteur des carburants, qui, lui, produit des huiles hydrogénées à partir d’huiles végétales et n’entre pas dans cette catégorie.

M. Julien Aubert. Au regard du droit international, pareille disposition ne pourrait-elle être considérée comme un obstacle technique au commerce ? Il ne faudrait pas qu’elle puisse être assimilée à une forme déguisée de protectionnisme sous couvert de protection de l’environnement.

M. le rapporteur pour avis. Naturellement, il ne s’agit pas d’écrire que le bénéfice du double compte est réservé à des produits d’origine française, ni d’interdire l’incorporation d’huiles importées. Il s’agit simplement de réserver cet avantage exorbitant à des produits qui ont une vertu en termes d’environnement ou d’indépendance énergétique. Je ne crois pas que cela nous exposerait au danger contre lequel vous nous mettez en garde à juste titre.

Au départ, il s’agissait de permettre l’émergence de nouvelles filières, celles des huiles usagées et des huiles animales, celles du recyclage. Dès lors que l’on s’aperçoit que, par la petite chatière ainsi ouverte, s’introduisent des troupeaux d’éléphants, il est utile de rappeler que nous avons instauré le double compte pour favoriser l’indépendance énergétique de notre pays et préserver l’environnement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CD14 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le prix de la tonne de carbone émise étant fixé jusqu’en 2016, et la loi fixant par ailleurs un objectif pour 2020, la sincérité de ce dernier engagement doit nous conduire à écrire ce qu’il en sera en 2017, 2018 et 2019.

Je précise que toutes les entreprises, notamment pétrolières, que j’ai pu rencontrer, sont favorables à ce que la perspective soit claire en matière de prix de la tonne de carbone, même si ce prix doit être élevé. Certaines souhaitent d’ailleurs qu’il le soit.

M. Bertrand Pancher. C’est évidemment un amendement de bon sens, qui répond à une demande de l’ensemble des organisations environnementales, et nous le soutiendrons.

Ayons cependant l’honnêteté de constater que, partout où existe une taxe carbone au taux élevé – c’est notamment le cas dans les pays d’Europe du Nord –, cela s’accompagne de diminutions de charges ou d’impôts pour les usagers, pour les contribuables. Je souhaite, nous souhaitons tous une taxe carbone au taux élevé, mais nous sommes exposés au risque que l’opinion se dise : « Ça taxe, ça taxe, ça taxe dans tous les sens ! »

M. le rapporteur pour avis. Notre collègue Pancher a raison : nous risquons de donner l’impression d’une certaine propension à alourdir la taxation, mais il ne s’agit là que d’une composante d’une taxe, en l’occurrence la TICPE. Il s’agit de donner à cette taxe une certaine orientation, pas forcément de l’augmenter globalement. Il appartiendra à chaque gouvernement, lors de l’examen de la loi de finances, de prendre ses responsabilités. La nôtre est de tracer une ligne claire.

La commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CD16 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit encore une fois de tracer une ligne directrice. Je ne referai pas un long exposé sur l’écart de taxation, au titre de la TICPE, entre le gazole et le supercarburant sans plomb, écart qui favorise la consommation de gazole et l’achat de véhicules utilisant ce carburant. Chaque année, à l’occasion de tel ou tel rapport sur la santé publique, de tel ou tel problème lié aux microparticules, la question revient.

Nous devons tenir compte de la situation du parc, de la situation sociale et du pouvoir d’achat des gens qui possèdent et utilisent les véhicules diesel les plus anciens – ce sont souvent des gens peu fortunés habitant en milieu rural que je connais bien. Il ne s’agit pas de prendre des mesures brutales et spectaculaires en réaction à un événement qui, je le rappelle, n’a en rien changé la réalité de ce qui sort des pots d’échappement, mais a donné un coup de canif dans la confiance qu’inspiraient certains constructeurs dont il s’avère qu’ils étaient insuffisamment scrupuleux.

Je vous propose une trajectoire modérée de rattrapage sur dix ans, à la faveur des cours relativement bas du pétrole. Nous disons en somme à nos concitoyens : « Dans dix ans, vous choisirez votre véhicule en fonction des caractéristiques intrinsèques du moteur, de vos usages, de la longueur de vos déplacements, mais plus pour des raisons fiscales. »

M. Gérard Menuel. Je peux comprendre la logique de cet amendement, mais je m’interroge sur ses motivations. S’agit-il de remplacer l’écotaxe ? Je suis toujours gêné, par ailleurs, lorsque l’on oppose l’essence et le gazole en considérant a priori que celle-là ne pollue pas, ou moins que celui-ci. Je ne suis pas sûr que les recherches menées actuellement soient de nature à conclure à l’existence, demain, d’une telle différence en termes de polluants émis.

Si c’est un amendement financier, dont l’objet est de permettre une sorte de rattrapage ou encore d’alimenter l’AFITF, je puis le comprendre, mais ce n’est pas clairement dit.

M. le rapporteur pour avis. Il ne s’agit en aucun cas, je le répète, de bannir le diesel. Il s’agit simplement de dire qu’un tel choix devra, d’ici quelques années, reposer sur les seules performances intrinsèques de cette motorisation – performances qui sont susceptibles de s’améliorer et qui sont déjà, sous certains aspects tels que le coût et la longévité du moteur, meilleures que celles d’autres moteurs, mais qui sont aujourd’hui moins bonnes en termes de pollution et d’émission de particules fines.

J’abonde donc dans votre sens, cher collègue : il ne s’agit pas de condamner un type de motorisation. Il s’agit de supprimer, à terme, un avantage fiscal qui n’est pas justifié. Vous aurez relevé, soit dit en passant, que le tarif de la taxe sera porté « au même niveau » – sans qu’il soit précisé quel doit être ce niveau.

Nous évoquerons tout à l’heure les problèmes de financement et de ressources que vous évoquez, mais l’amendement n’indique ni ne présuppose aucun niveau de recettes attendu. L’objectif est celui de la convergence.

M. Guy Bailliart. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, que je voterai bien volontiers. Je suis sensible aux préoccupations exprimées par notre rapporteur à propos des gens qui ont peu de moyens, particulièrement en milieu rural, mais je regrette qu’on s’attaque exclusivement aux moteurs diesel, et non aux moteurs classiques mal réglés, dont les nuisances sont bien supérieures.

M. Michel Heinrich. J’ai entendu ce que vous avez dit sur les particules fines, monsieur le rapporteur, et je vous invite à lire les dernières études sur certains modèles très récents de moteurs diesel. Elles démontrent qu’ils ne sont pas si polluants, voire moins polluants, dans un grand nombre de cas, que les moteurs à essence. Je sens une espèce de mode, le diesel bashing, à laquelle certains événements récents ont contribué, mais on ne peut pas dire que les moteurs diesel fabriqués actuellement soient plus polluants, qu’ils émettent plus de particules. Et les études dont je vous parle n’ont pas été faites par des fabricants d’automobiles !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Conférence des présidents a décidé ce matin la constitution d’une mission d’information sur ce sujet, qui sera présidée par un membre du groupe Les Républicains. Cela permettra de conduire un certain nombre d’investigations. On ne peut pas ne pas se poser de questions à la suite du scandale dont parlait il y a quelques instants notre rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Je veux être très clair : je ne participe pas au diesel bashing, et je considère qu’aucun type de moteur n’est dénué d’inconvénients. On peut s’interroger, par exemple, sur le caractère réellement écologique de l’énergie qui alimente un moteur électrique... Je dis seulement qu’il n’est pas justifié de donner un avantage fiscal au diesel. Annonçons donc clairement que nous allons supprimer cet avantage, progressivement car il faut penser à nos concitoyens qui ont investi dans des véhicules diesel, aux constructeurs, aux industriels. Loin de moi l’idée de clouer au pilori une motorisation qui a ses mérites et qui peut même s’améliorer : il s’agit simplement de dire que l’avantage fiscal attaché au diesel ne se justifie pas et de se donner dix ans pour le résorber. Cela me paraît raisonnable.

M. Jean-Pierre Vigier. Je rejoins mes collègues. Si nous pouvons comprendre la logique de l’amendement, les explications données sont un peu légères. Un sujet aussi important mériterait d’être étudié plus longuement et plus finement.

M. Julien Aubert. Je vois bien l’intérêt de cette disposition et les considérations dont elle procède, mais on ne peut se contenter d’un exposé sommaire de quatre lignes, sans qu’ait été étudié l’impact sur l’industrie automobile. Je ne suis pas forcément hostile aux arguments avancés par le rapporteur, mais peut-être serait-il plus prudent d’attendre les conclusions de la mission d’information.

M. le rapporteur pour avis. L’exposé des motifs peut paraître sommaire, mais les discussions sur ce sujet ont déjà été si abondantes que je me suis permis cette forme d’ascèse rédactionnelle… (Sourires) Il ne s’agit pas de chercher un bouc émissaire, mais simplement de résoudre un problème.

Julien Aubert demande une étude d’impact. Je lui répète que l’amendement vise uniquement à affirmer un objectif de convergence, à un niveau qu’il reviendra à chaque loi de finances de fixer, sans que nous en préjugions aujourd’hui. Il s’agit de donner aux constructeurs un signal clair : « Ne faites plus un argument de vente d’un avantage fiscal qui n’existera plus dans dix ans ! » Quant aux automobilistes, ils n’auront plus à en faire l’un des critères de leur choix.

M. Yves Nicolin. Je vois un double inconvénient à cet amendement, qui risque de menacer, au détour d’une initiative parlementaire, notre industrie automobile européenne, qui s’est largement construite, en France en particulier, autour du moteur diesel. Il me semble qu’il revient plutôt au Gouvernement de prendre ses responsabilités sur ce sujet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si l’amendement était adopté, cela voudrait dire que le Gouvernement a pris ses responsabilités…

M. Gilles Savary. Je ne suis pas choqué, quant à moi, par l’amendement, car la démarche est très progressive. Le débat sur le diesel existe depuis un certain nombre d’années, mais il s’est emballé ces derniers jours, du fait d’un événement concernant le premier constructeur mondial. Gardons-nous, cependant, d’une écologie punitive ou destructrice de nos intérêts économiques. Gardons-nous de la naïveté et de l’angélisme, et n’envoyons pas de signal trop brutal, même s’il va, comme je le crois, dans le sens de l’histoire.

Il faut veiller, en outre, à ce que l’alignement se fasse à qualités écologiques égales, ce qui suppose que l’on sache les pondérer – notamment entre l’émission de particules et celle de gaz à effet de serre. Nous savons très bien, en effet, que les véhicules automobiles diesel produisent moins de gaz à effet de serre que des véhicules à essence lorsque la composition de celle-ci n’inclut pas de biocarburants. Il faudra donc que nous définissions de façon un peu plus sophistiquée notre « mix » de fiscalité écologique.

Quid, enfin, des poids lourds ? Le dispositif visant le carburant lui-même, je suppose que les usages professionnels sont également concernés.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il y a effectivement deux mécanismes. Tout d’abord, les professionnels ont la possibilité de se faire rembourser la taxe qu’ils paient au-delà d’un certain seuil. Deuxième mécanisme : entre chargeurs et transporteurs, il y a un mécanisme d’indexation, c’est-à-dire que les variations de la taxe sont répercutées à la hausse comme à la baisse sur le chargeur. Elles sont donc neutres pour le transport pour compte d’autrui.

M. Gilles Savary. Je crois cependant me rappeler que, l’an dernier, nous avions assorti l’augmentation de la contribution climat-énergie d’une remise sur le gazole professionnel.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La matière est d’une grande complexité. L’an dernier, il y a effectivement eu une augmentation de quatre centimes : deux centimes liés à la contribution climat-énergie et deux centimes supplémentaires pour financer les infrastructures de transport. La première n’a pas été répercutée.

M. Gilles Savary. Il faut donc s’attendre à ce que l’amendement émeuve quelque peu le secteur du transport… Pour ma part, je ne suis pas hostile à cette disposition, car nous avons fait un tête-à-queue assez spectaculaire en passant d’une écotaxe qui visait les seuls poids lourds à une augmentation de la TICPE, l’an dernier, qui ne touchait que les voitures particulières.

Je le dis franchement : je crois que nous avons manqué une occasion historique en ne faisant pas une écotaxe qui touche tout le monde de façon homéopathique. Nous aurions peut-être ainsi évité le blocage que nous avons connu. Le dossier a été très mal engagé. Nous nous sommes focalisés sur les transporteurs, avant de tomber dans un imbroglio entre laitiers et transporteurs agricoles, avec, en outre, des reports de trafic entre secteurs du réseau routier.

Je crois que, par cet amendement, nous rétablissons un certain équilibre. S’il doit y avoir une fiscalité écologique, il faut que le transport routier de marchandises soit également concerné, sans quoi nous continuerons de subir des congestions considérables. Mais soyons conscients du fait que la chose n’échappera pas à nos amis de la Fédération nationale des transports routiers…

M. le rapporteur pour avis. Pour les transporteurs routiers comme pour les constructeurs automobiles, il vaut quand même mieux connaître l’orientation de long terme que de se demander à chaque loi de finances si le tarif va être augmenté d’un centime ou d’un centime et demi et si l’augmentation sera répercutée ou non. Je le répète : cet amendement prévoit la convergence, sans préjuger du niveau auquel elle se fera dans dix ans. Certains préconisent de baisser la taxation de l’essence plutôt que d’augmenter celle du gazole, mais les deux options existent !

S’agissant de la performance des moteurs, qu’évoque Gilles Savary, je considère que le meilleur carburant de moteur à explosion pour le transport routier est le carburant à base de gaz, tant pour l’émission de particules que pour celle de gaz à effet de serre. Il faudra donc inciter transporteurs et constructeurs à avancer sur cette voie. Le jour où existera un réseau de distribution de carburant à base de gaz à l’échelle du pays, nous nous poserons à nouveau la question de l’incitation, comme nous le faisons pour le super E 10.

M. Bertrand Pancher. Je soutiendrai cet amendement, même s’il mérite sans doute un plus ample examen. Ayons tout de même bien en tête, mes chers collègues, que la fiscalité écologique, dans notre pays comme partout ailleurs, n’est pas à la hauteur des enjeux. Il est certes légitime de vouloir maintenir les emplois, préserver les modes de vie, etc., mais, à force de maintenir et de préserver, nous allons nous faire « écrabouiller » !

Moins nous consommerons d’énergie carbonée, mieux nous nous porterons, et la fiscalité est le seul instrument qui vaille pour réduire cette consommation. Nous verrons ce que la commission des finances dira de cet amendement et de son impact potentiel, mais il faut envoyer des signaux clairs, et l’écart actuel entre le tarif applicable au gazole et celui applicable à l’essence n’est pas sain pour l’environnement.

M. Guy Bailliart. Il y a quand même une chose qui n’est pas totalement logique. Ce qui compte, ce n’est pas ce qui entre dans le moteur, c’est ce qui en sort ; ce n’est pas le carburant, ce sont les émissions. Je comprends qu’il soit plus facile de s’attaquer aux carburants, qui sont plus faciles à contrôler, mais ce qui compte, c’est ce qui sort du moteur, et rien ne garantit que, dans trois ans, il n’existera pas un moteur diesel propre, et si ce qui y entre en ressort propre, tout ira bien !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Certes, mais la question qui se pose est la suivante : qu’est-ce qui justifie, aujourd’hui, cet avantage fiscal dont bénéficie le diesel, et y a-t-il de bonnes raisons pour qu’il perdure ?

M. Gilles Savary. Nous connaissons la réponse : si cet avantage a été accordé au diesel, c’est parce que l’industrie automobile était orientée vers le diesel. Il fallait soutenir l’industrie nationale et le secteur du transport routier. C’est un choix économique, qui n’était absolument pas écologique. Telles étaient en tout cas les considérations initiales.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cela a changé ensuite.

M. Gilles Savary. La question se pose aujourd’hui de savoir si l’on veut favoriser la transition de notre industrie automobile vers d’autres types de motorisation. Je ne suis pas contre, mais je ne sais pas si l’on en mesure toutes les conséquences. Les travaux de la mission d’information seront intéressants de ce point de vue.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous invite donc, chers collègues, à y participer.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CD17 du rapporteur pour avis, I-CD3 rectifié et I-CD4 de M. Bertrand Pancher.

M. le rapporteur pour avis. Avec l’amendement I-CD17, nous abordons le volet opérationnel. Il s’agit de définir, dans le cadre de cette convergence de principe dont nous ne connaissons pas le point d’arrivée, le tarif applicable en 2016. D’une part, il s’agit de réduire l’écart entre la taxation de l’essence et celle du gazole. D’autre part, est prise une mesure incitant à se tourner vers le super E 10, qui comporte 10 % d’éthanol renouvelable.

En outre, nous disposerions d’un surcroît de recettes de nature à répondre à certaines interrogations sur le financement des nouvelles infrastructures annoncées, ainsi qu’à permettre cette fameuse migration du parc automobile – véhicules légers comme véhicules lourds. Comme beaucoup d’entre vous, en effet, je pense à ceux pour qui il est difficile de changer de véhicule, alors qu’ils souhaiteraient, comme tout le monde, rouler dans un véhicule neuf, moins polluant qu’un ancien. Il faut leur envoyer aussi un signal positif, leur dire qu’ils seront aidés à changer leur véhicule pour un véhicule qui consomme moins et pollue moins.

Pour toutes ces raisons, il vous est proposé d’augmenter de 2 centimes la taxation du gazole et d’un centime celle du super, et de réduire d’un centime celle applicable au super E 10.

M. Bertrand Pancher. L’amendement I-CD3 rectifié va dans le même sens, même s’il est un peu moins précis que celui que vient de présenter le rapporteur.

Cela dit, il faudrait quand même que nous nous posions, en séance ou peut-être lors d’un colloque, cette question : qu’est-ce qu’une fiscalité affectée ? L’an dernier, nous avons augmenté la fiscalité sur le gazole pour compenser la suppression de l’écotaxe, et le Gouvernement a retiré des crédits à l’AFITF ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous allons assister à une augmentation continue de la fiscalité du gazole, avec l’objectif affiché de financer les infrastructures de transport, mais tout passera, malheureusement, par la case Bercy, qui « piquera » tout, et les usagers nous diront : « Vous vous foutez de nous ! Nous sommes prêts à faire des efforts, mais tout part dans le gouffre sans fond du déficit de l’État ! » Bref, il ne faudrait tout de même pas que l’État fasse le même coup chaque année, mais peut-être Gilles Savary et Philippe Duron, qui sont de meilleurs spécialistes que moi, auront-ils une idée plus précise de ce que doit être une taxe affectée…

Cela étant dit, je retire l’amendement, ainsi que mon amendement de repli I-CD3, puisqu’ils sont satisfaits par celui du rapporteur.

Les amendements I-CD4 rectifié et I-CD3 rectifié sont retirés.

M. Philippe Duron. Pour revenir au sujet évoqué par M. Nicolin, la TICPE a été effectivement augmentée de deux centimes l’an dernier, et le produit de cette augmentation, d’un montant de 1,139 milliard d’euros, a été affecté au budget de l’AFITF. L’idée était de remplacer la recette manquante de l’écotaxe poids lourd, d’un montant de 800 millions d’euros. Si les services du ministère du budget ont consenti – difficilement – à nous laisser la totalité du montant, c’est parce qu’il fallait indemniser Ecomouv’, ce qui a été fait pour 500 millions d’euros environ, et nous allons continuer à raison d’une cinquantaine de millions d’euros par an.

La logique de Bercy consiste à dire : « Vous aviez un pluriannuel de 1,9 milliard d’euros, nous y revenons, même si nous savons, notamment depuis la mission Mobilité 21, qu’il vous faut 2,2 milliards d’euros. » En réalité, compte tenu des nouveaux projets qui n’étaient pas prévus à l’époque de Mobilité 21, le besoin sera plutôt de 2,6 ou 2,7 milliards d’euros pour les années 2017 et 2018.

Ce qui est proposé va dans le sens d’une mise en adéquation des besoins de financement et des recettes, mais la logique budgétaire, comptable, se comprend aussi.

M. Gilles Savary. Pour répondre d’une façon un peu caricaturale à Bertrand Pancher, une taxe affectée, c’est une taxe qui indispose Bercy... (Sourires.)

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Et la Cour des comptes !

M. Gilles Savary. En effet. Une taxe affectée indispose, car elle contrevient au dogme de l’universalité budgétaire, principe par ailleurs tout à fait respectable et compréhensible.

J’aimerais que le plus grand nombre de députés, siégeant dans le plus grand nombre de groupes, votent cet amendement. Je rappelle que l’AFITF a été créée en 2004, par l’ancienne majorité, et a le mérite de donner un horizon et une visibilité à des objets de financement, les infrastructures, qui ont besoin d’une certaine constance et d’une certaine stabilité. A contrario, la SNCF – je parle de SNCF Réseau – crève de ne pas les avoir et d’être en permanence soumise à des à-coups, à des changements de priorités, alors que ses infrastructures ont atteint un degré d’obsolescence préoccupant, voire dangereux, qu’occulte la formidable vitrine du tout-LGV. Que notre commission, compétente en matière de transports, ne relâche surtout pas ses exigences en termes de niveau de financement des infrastructures ! Et mon propos vaut aussi pour notre réseau routier, extrêmement développé, extrêmement dense, mais que nous avons de moins en moins les moyens d’entretenir.

C’est pourquoi je crois que nous devons répéter très fermement, par tous les moyens à notre disposition – en l’occurrence, il s’agit de dire « non » au Gouvernement –, qu’il faut conserver une agence de financement des infrastructures dotée d’une visibilité. C’est, d’une certaine façon, une fiction, puisque le conseil d’administration de l’agence en question rassemble en fait des représentants de toutes les administrations de l’État. L’État a donc la main sur l’Agence et la contrôle, mais son existence le soumet à une certaine discipline dans le financement de certaines infrastructures, financement qui requiert exigence, persévérance et stabilité.

Je soutiens donc cet amendement, et je suis heureux que plusieurs groupes politiques partagent cet état d’esprit.

Mme Valérie Lacroute. Félicitons-nous de trouver, grâce à cet amendement, des financements qui, je l’espère, permettront de pérenniser le budget de l’AFITF. Je regrette simplement, je le répète, la suppression de l’écotaxe, car chaque année nous sommes obligés de trouver des solutions provisoires. Il faudrait avoir le courage d’instaurer une taxe qui pérennise le budget de l’AFITF, car nos infrastructures de transport sont en mauvais état, et cela vaut aussi pour le réseau routier.

M. Philippe Duron. Je ferai deux remarques.

L’une s’adresse à Valérie Lacroute. C’est vrai, la taxation de la route était une chose logique. Il est normal que les usagers paient l’infrastructure qu’ils utilisent et qu’ils usent. En revanche, la TICPE a un avantage : son assiette est très large. Elle est donc assez indolore et le coût de sa perception est infime.

Deuxième remarque : les recettes affectées heurtent le principe français d’universalité du budget, mais, dans les pays où les infrastructures sont le mieux entretenues ou, en tout cas, bénéficient des investissements les plus importants – je pense à la Suisse mais aussi à l’Allemagne –, ces investissements sont financés par des recettes affectées !

Compte tenu des engagements pris dans le passé – les quatre LGV, mais aussi la rocade L2 à Marseille relancée par Frédéric Cuvillier –, plus de la moitié des restes à payer de l’AFITF, soit à peu près 12 milliards d’euros, sont liés à des contrats de partenariat ou à des concessions, et les besoins de financement s’étalent jusqu’en 2043. Nous avons donc besoin d’une ressource robuste et pérenne, tout simplement pour que l’État puisse faire face à ses engagements. Aujourd’hui, SNCF Réseau a 700 millions d’euros d’arriérés de paiement ! Aux besoins de financement s’ajoutent donc des besoins pour payer les frais financiers de ces retards de paiement, qui sont importants.

Dernier élément : le ministre a pris des engagements récents, sur deux autoroutes ainsi que sur la commande de matériel ferroviaire pour remplacer les trains d’équilibre du territoire (TET). Ce sont là encore des besoins de financement qui ne figurent pas parmi les engagements de l’AFITF. Ces amendements, utiles et responsables, sont donc les bienvenus.

La commission adopte l’amendement I-CD17.

Articles 9 à 13

La Commission émet un avis favorable à l’adoption successive des articles 9 à 13 sans modification.

Article 14

La Commission examine l’amendement I-CD2 rectifié de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’alinéa 76 de cet article opère un prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement de l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). C’est évidemment un très mauvais signal, notamment dans la perspective du doublement du Fonds chaleur, indispensable pour tenir les engagements pris par le Gouvernement, par Mme Ségolène Royal, mais aussi dans le cadre du Grenelle de l’environnement, en matière d’énergies renouvelables. Comment allons-nous pouvoir tenir cet engagement si le fonds de roulement de l’ADEME est l’objet d’un tel prélèvement ? Où donc trouver les sommes nécessaires ?

M. le rapporteur pour avis. Dans la recherche du retour à l’équilibre du budget de l’État et des comptes publics, il est normal que l’ensemble des opérateurs de l’État soient mis à contribution. Il s’agit là, au demeurant, d’une mesure de fonds de roulement, non d’une mesure strictement budgétaire.

Siégeant, comme vous le savez, en tant que représentant de l’Assemblée nationale, au conseil d’administration de l’ADEME, je m’en remettrai, vous le comprendrez, à la sagesse de la commission.

J’en profite cependant pour vous éclairer sur l’application de l’article 40 de la Constitution. Bien que l’amendement coûte 90 millions d’euros au budget de l’État, puisqu’il a pour objet de supprimer une recette, il n’est cependant pas tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution, dans la mesure où son effet serait simplement de maintenir la situation actuelle.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. A l’origine, l’amendement était même gagé, et la décision du président de la commission des finances a permis de supprimer le gage.

Mme Suzanne Tallard. Je soutiens cet amendement. Réduire les moyens de l’ADEME serait un très mauvais signal à la veille de la COP 21, ainsi qu’au regard des engagements que nous avons pris en matière de transition énergétique.

M. Jean-Louis Bricout. Un prélèvement sur le fonds de roulement d’une structure n’expose-t-elle pas celle-ci, potentiellement, à des problèmes de trésorerie, donc de fonctionnement ?

M. le rapporteur pour avis. Les services de Bercy considèrent que la trésorerie restante permettra à l’ADEME de fonctionner. La seule – petite – incertitude porte sur la montée en charge d’un certain nombre de dispositifs que l’on demande à l’ADEME de financer, mais il semblerait, en l’état actuel de consommation des crédits, que le fonds de roulement soit suffisant. En cas de montée en charge rapide d’un certain nombre de dispositifs, notamment dans le cadre de la transition énergétique, la situation sera évidemment moins confortable…

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CD12 du rapporteur pour avis, I-CD10 et I-CD11 de M. Pancher.

M. le rapporteur pour avis. Je propose de porter de 715 millions à 1,2 milliard d’euros le montant de recettes de la TICPE attribué à l’AFITF, cette augmentation étant plus que compensée par l’amendement que nous venons de voter sur les carburants.

M. Bertrand Pancher. Je me rallie à l’amendement du rapporteur et retire les miens.

Les amendements I-CD10 et I-CD11 sont retirés.

La commission adopte l’amendement I-CD12.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 ainsi modifié.

Articles 15 à 23

La commission émet un avis favorable à l’adoption successive des articles 15 à 23 sans modification.

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 modifié.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Réunion du mardi 6 octobre 2015 à 16 h 30

Présents. – Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Sylvain Berrios, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Calmette, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Alain Chrétien, M. Jean-Jacques Cottel, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Michel Heinrich, Mme Valérie Lacroute, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, Mme Catherine Quéré, Mme Barbara Romagnan, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Patrice Carvalho, M. David Douillet, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville