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Mardi 8 mars 2016

Séance de 21 heures 15

Compte rendu n° 44

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Suite de l’examen en deuxième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442) (Mme Geneviève Gaillard, rapporteure)

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen, en deuxième lecture, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3442).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous reprenons l’examen du projet de loi, à l’article 37.

Chapitre III
Milieu marin

Section 1
Pêche professionnelle en zone Natura 2000

Article 37 (article L. 414-4 du code de l’environnement) : Activités de pêche professionnelle en zone Natura 2000

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD437 rectifié et CD438 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CD669 de M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Cet article a été modifié au Sénat, par un amendement à portée rédactionnelle. Si la nouvelle rédaction a désormais le mérite de permettre une meilleure adéquation avec le vocabulaire de la directive européenne « Habitats » du 21 mai 1992, il est nécessaire de réintégrer dans cet article certaines dispositions inhérentes au contexte français de mise en œuvre de cette directive.

En particulier, comme le prévoyait l’article figurant dans le projet de loi déposé par le Gouvernement, la prise de mesures doit être corrélée à l’existence d’un risque avéré d’atteinte des objectifs de conservation des sites « Natura 2000 » du fait des activités de pêche maritime s’y déroulant. L’ajout de la mention « s’il y a lieu » permet de laisser la latitude nécessaire à la qualification et à la hiérarchisation des risques opérée par les membres des comités locaux de pilotage des sites, comme le prévoit la circulaire du 30 avril 2013 du ministère de l’écologie relative à la prise en compte des activités de pêche maritime professionnelle dans le cadre de la mise en œuvre de Natura 2000 en mer.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L'insertion à cet endroit de l’expression « s'il y a lieu » conduirait à supprimer le caractère systématique de la réalisation de l'analyse des risques d'atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000.

Il ne s'agit pas du tout de rétablir le texte de l'Assemblée nationale, car l’expression « s'il y a lieu », présente dans sa rédaction de l'article 37, ne s'appliquait pas à la réalisation de l'analyse des risques d'atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000, mais à la prise de mesures réglementaires.

Je demande donc à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD439 et CD440 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 37 ainsi modifié.

Section 2
Aires marines protégées

Article 38 (articles L. 332-8 et L. 640-1 du code de l’environnement et articles L. 912-2, L. 912-3 et L. 912-7 du code rural et de la pêche maritime) : Gestion des réserves naturelles en mer par les acteurs socio-économiques

La commission examine l’amendement CD595 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, en supprimant la possibilité introduite au Sénat d’associer le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et le Comité national de la conchyliculture à la gestion d’une réserve naturelle comprenant une partie maritime. Une telle possibilité ne doit être ouverte, selon moi, qu’aux comités régionaux.

Mme la secrétaire d’État. La possibilité introduite par le Sénat existe déjà, en effet, pour les comités régionaux. L’étendre aux comités nationaux se justifierait dans le cas d’une réserve naturelle dont le périmètre se situerait sur la zone de compétence de deux ou plusieurs comités régionaux. Je souhaite le retrait de l’amendement.

Mme la rapporteure. Je veux bien le retirer, mais la position du Gouvernement m’étonne quelque peu. Un comité national n’est pas censé connaître ce qu’il se passe au niveau régional.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques CD486 de Mme Laurence Abeille et CD596 de la rapporteure.

Mme Laurence Abeille. Je propose de supprimer, à l’alinéa 2, les mots : « se voit confier la gestion ou ».

Si l’association de tous les acteurs concernés, et en particulier des pêcheurs, est nécessaire pour définir les modalités de gestion des réserves naturelles ayant une partie maritime, il est indispensable de maintenir le principe d’une gestion de ces réserves par des organismes d’intérêt général spécialisés dans la conservation de la nature. Or les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins (CRPEM) sont des organismes professionnels qui ont pour mission principale de représenter les intérêts de la pêche professionnelle, au sens de l’article 912.2 a) du code rural et de la pêche maritime. Cette mission peut donc entrer en conflit avec celles que les CRPEM seraient amenés à assumer dans le cadre de la gestion de réserves naturelles marines.

De plus, on peut relever une contradiction avec l’article L. 332-8 du code de l’environnement, aux termes duquel des établissements publics, groupements d’intérêt public, syndicats mixtes, associations ou fondations peuvent se voir confier la gestion de réserves naturelles si, et seulement si, la protection du patrimoine naturel constitue leur objet statutaire principal. L’introduction de cet article créerait un précédent.

Mme la rapporteure. Partageant le point de vue de Mme Abeille, je ne vous infligerai pas une démonstration identique à l’appui de mon propre amendement, identique.

Mme la secrétaire d’État. La possibilité de se voir confier la gestion de réserves naturelles ayant une partie marine est une revendication ancienne des organismes socio-professionnels de la pêche et de la conchyliculture, qui souhaitent s’impliquer directement et fortement dans la démarche de protection de l’environnement marin. Certaines aires marines protégées, tel le plateau marin de Rochebonne, sont déjà gérées par des comités des pêches. Le projet de loi conforte d’ailleurs les missions de protection, conservation et gestion des milieux et écosystèmes de ces organisations professionnelles.

Toutefois, face aux craintes de certaines associations de protection de l’environnement, qui soulignent les risques de conflit d’intérêts, l’Assemblée nationale avait prévu, au profit des acteurs du secteur économique de la pêche et de l’aquaculture, une simple association à la gestion. Cette position constitue un compromis acceptable pour le Gouvernement. Le Sénat est revenu sur cette position en permettant à ces acteurs d’assurer seuls la gestion d’une réserve. Je suis donc favorable à ces amendements identiques.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CD116 de M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Mon amendement s’inscrit également dans la réflexion sur le point de savoir qui est en droit, ou non, de gérer une réserve naturelle. Je pars du constat que les parcs marins se multiplient et qu’il est difficile de leur allouer des moyens, et propose donc l’agrément, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, de personnes morales de droit privé qui seraient chargées de la gestion de réserves. Le but est de faire émerger une filière de sociétés spécialisées dans la gestion des espaces naturels maritimes.

Comment, en effet, nous assurerons-nous, demain, de la surveillance effective, voire de la valorisation, de ces espaces maritimes protégés, qui couvrent parfois des zones extrêmement importantes ? Le sujet inquiète la Marine nationale, qui doit veiller, sitôt qu’une zone est déclarée protégée, à ce qu’aucune activité illégale, telle que le prélèvement de stocks halieutiques, ne s’y déroule. Notre collègue Plisson, qui préside désormais un parc naturel marin, est familier de ces problèmes. Je crois que nous devons réfléchir à l’avenir de ces structures, sans nous interdire de susciter éventuellement l’émergence d’une filière privée, contrôlée, capable d’assister l’État dans ses missions.

Mme la rapporteure. Tel qu'il est rédigé, cet amendement semble ne concerner que les personnes morales de droit privé mentionnées aux premiers alinéas de l'article L. 332-8 du code de l'environnement, à savoir les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ou fondations dont la protection du patrimoine naturel constitue l’objet statutaire principal.

Il semble donc avoir pour but de mettre en place une procédure d'agrément pour ces personnes, dans des conditions définies en Conseil d'État. Or il est déjà prévu par le code de l'environnement que les modalités d'application de l'article L. 332-8 sont fixées par décret en Conseil d'État.

Il me semble que la procédure prévue par votre amendement s'ajouterait déjà aux procédures existantes, qui relèvent du niveau réglementaire, ce qui complexifierait, voire rigidifierait excessivement le droit. Je souhaite par conséquent que vous le retiriez.

Mme la secrétaire d’État. La gestion d’une réserve naturelle est une activité à but non lucratif. En ce sens, l’octroi de la gestion fait l’objet d’une délégation de service public hors marché concurrentiel, ce qui exclut une ouverture large des possibilités de candidature.

Les obligations, notamment en termes de responsabilité ou de prérogatives de puissance publique, qui découlent de la gestion de ce service public ne diffèrent pas en fonction du statut du gestionnaire. Ainsi, le gestionnaire doit se doter d’agents commissionnés chargés du contrôle des infractions à la règlementation. Un tel pouvoir de sanction administrative ne saurait être confié à des personnes morales de droit privé. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 38 ainsi modifié.

Section 3
Autorisation des activités sur le plateau continental
et dans la zone économique exclusive

Article 40 (articles 1er, 2, 4 et 5 et articles 6 à 14 [nouveaux] de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République) : Organisation des activités sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD441, CD479, CD442 et CD480 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CD555 de M. Denis Baupin.

Mme Laurence Abeille. Les éoliennes de plus de douze mètres sont soumises à deux procédures distinctes, d’urbanisme et d’environnement, ce qui constitue une source de complexité inutile pour les porteurs de projets et pour les services de l’État, y compris en ce qui concerne le permis de construire intégré dans l’autorisation unique créée par l’ordonnance du 20 mars 2014.

En effet, alors même que, en vertu du principe qu’une autorisation n’ouvre qu’un régime de voies et délais de recours, seule l’autorisation unique en cours d’expérimentation pourra être attaquée et non chacune des autorisations qui la composent, le juge aura la faculté de prononcer une annulation partielle de cette autorisation, portant par exemple sur les aspects du dossier relatifs au permis de construire. Or l’annulation partielle, si elle évite l’annulation de l’ensemble de l’autorisation, n’en aboutit pas moins à l’arrêt du projet, dans l’attente d’une nouvelle instruction des aspects visés, sans que l’on sache à ce jour comment l’administration instruira ce type de corrections partielles au sein d’une procédure d’autorisation unique.

Il suffirait pourtant que l’administration s’assure, comme c’est le cas dans le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), que les éoliennes sont compatibles avec les dispositions d’urbanisme. Au-delà de ce contrôle, les dispositions propres au permis de construire sont redondantes pour les raisons qui suivent.

D’une part, l’article L. 511-1 du code de l’environnement prévoit que l’ICPE protège la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, l’agriculture, la nature, l’environnement et les paysages, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Ainsi, par exemple, la prise en compte par le permis de construire de la sécurité publique, en vertu de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, ou des paysages, en vertu de l’article R. 111-27 du même code, est parfaitement redondante et inutile dès lors que le régime ICPE s’applique.

D’autre part, les éoliennes soulèvent essentiellement un problème d’exploitation, non de construction. Le juge a eu l’occasion de confirmer que les éoliennes, contrairement aux ICPE exploitées dans un immeuble, ne sont pas des bâtiments. Il n’y a donc pas lieu que le contrôle opéré par le permis de construire soit mis en œuvre.

Dispenser les éoliennes de toute formalité au titre du droit de l’urbanisme, à l’instar du droit applicable aux ouvrages d’infrastructure terrestres, permettra d’aboutir pleinement à la simplification visée par l’autorisation unique, en évitant les difficultés résultant d’annulations ou de demandes de modifications partielles, dont le traitement, à ce jour inconnu, risque de bloquer un grand nombre de projets éoliens.

Enfin, la suppression des formalités d’urbanisme contribuera à débloquer le potentiel éolien dans les départements d’outre-mer, en particulier pour le remplacement d’éoliennes exploitées depuis longtemps par de nouvelles éoliennes plus performantes.

Mme la rapporteure. Cet amendement propose d'exonérer l'implantation des éoliennes en mer de l'obligation d'obtenir un permis de construire. Comme il tend à insérer un alinéa dans l’article 6 nouveau de la loi du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, les projets d'éoliennes qu'il concerne sont donc ceux qui pourraient être réalisés dans la zone économique exclusive (ZEE) ou sur le plateau continental.

Or le régime de la haute mer s'applique à la colonne d'eau surjacente pour la partie du plateau-continental située au-delà des limites de la ZEE, et la France ne peut donc pas imposer de permis de construire pour des éoliennes flottantes dans cette zone. Pour ce qui concerne l'implantation d'éoliennes dans la ZEE, l'article 40 du présent projet de loi prévoit la mise en place d'une procédure d'autorisation unique. Par contre, il n'exige en aucun cas un permis de construire.

L'obligation de permis de construire ne vaut que pour l'implantation d'éoliennes sur le domaine public maritime, qui est hors du champ couvert par la loi du 16 juillet 1976 dans laquelle votre amendement insère un alinéa. Cet amendement étant sans objet, je vous demanderai de le retirer.

Mme la secrétaire d’État. L’article 40 a pour objet de mettre en place un régime d’autorisation pour les activités en mer dans la zone économique exclusive (ZEE) et sur le plateau continental. Cet article s’inscrit dans le cadre des dispositions prévues par la Convention des Nations unies pour le droit de la mer, qui s’appliquent à ces espaces maritimes.

L’amendement vise à ajouter un alinéa à cet article du projet de loi, afin de prévoir une dispense des formalités de permis de construire au titre du code de l’urbanisme et au titre de la réglementation relative aux installations classées pour les éoliennes de plus de douze mètres.

Le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer est favorable à la suppression du permis de construire pour les éoliennes, dès lors que celles-ci font l’objet d’une autorisation environnementale. Mais cette suppression doit être organisée de manière cohérente à l’occasion de la pérennisation de l’autorisation environnementale unique prévue par l’article 103 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cette suppression a été proposée en début d’année par la mission d’évaluation des expérimentations et par le groupe de travail multipartite chargé de leur suivi.

Indépendamment de la mise en place de cette autorisation unique, le permis de construire ne peut être supprimé immédiatement. Il est en effet indispensable de prévoir que certains sujets traités aujourd’hui uniquement par le code de l’urbanisme seront transférés dans l’autorisation environnementale. C’est le cas, par exemple, des obstacles à la navigation aérienne.

La suppression du permis de construire pour les éoliennes sera donc inscrite, comme le permet l’habilitation législative obtenue, dans l’ordonnance prise en application de l’article 103 de la loi relative à la croissance, que le Gouvernement soumettra à consultation dans les prochaines semaines.

En conséquence, je demande le retrait de l’amendement.

M. Martial Saddier. Dans la mesure où l’amendement traite d’urbanisme dans un texte relatif à la biodiversité, j’estime qu’il s’agit d’un cavalier législatif.

Je dénonce, une nouvelle fois, le fait que le groupe écologiste profite de la moindre fenêtre de tir pour déposer des amendements visant à ouvrir la terre entière aux éoliennes. Nous sommes favorables aux éoliennes, à condition qu’elles soient encadrées et que l’ensemble des paysages et des milieux dans lesquels elles se trouvent soit respecté. Cet amendement n’a pas sa place ici.

M. Philippe Plisson. Je serai bref, puisque Mme la secrétaire d’État et Mme la rapporteure ont demandé le retrait de l’amendement.

J’ai moi-même défendu un projet d’éoliennes pendant six ans. Je suis allé pour cela devant la cour administrative d’appel et devant le Conseil d’État, j’ai gagné, mais les éoliennes ne sont toujours pas construites ! D’aucuns ont beau prétendre que le pays en est couvert, mais tout cet empilement de procédures ayant pour but d’empêcher leur construction fait qu’aujourd’hui nous sommes en retard et qu’il est urgent de prendre des mesures de simplification.

M. Julien Aubert. Après avoir tenté de couvrir la terre d’éoliennes, on essaie d’en couvrir les mers ! (Murmures)

Nous avons déjà eu ce débat, à propos de ce type d’amendements : à la loi Macron, à la loi relative à la transition énergétique, aujourd’hui au présent projet de loi la biodiversité. Je ne suis pas certain que le citoyen qui écoutera nos débats verra un lien entre la construction d’éoliennes en mer et la protection de la biodiversité.

Une question juridique se pose en ce qui concerne la convention de Montego Bay sur le droit de la mer et l’articulation entre le plateau continental et la ZEE, s’agissant notamment du critère bathymétrique au-delà des 150 milles marins.

En écoutant l’argumentation de Mme la rapporteure, j’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas besoin d’une demande de permis de construire. Une telle libéralisation pose question, car il faut faire attention à ce que l’on fait dans les ZEE et veiller à l’aspect environnemental. Je ne suis pas certain que la création de nombreux champs d’éoliennes soit la meilleure manière de protéger les fonds marins.

Je m’étonne enfin, Madame la secrétaire d’État, de vous entendre dire que la libéralisation de ce type de projet sera prévue dans le cadre d’une ordonnance. Je doute que cet aspect des choses soit vraiment mis en lumière dans le débat public, et j’estime que ces procédures ne sont pas superfétatoires, mais complémentaires.

M. Arnaud Leroy. S’il y a quelque chose à encadrer aujourd’hui, Monsieur Martial Saddier, ce sont plutôt les maquettes d’éoliennes, parce que nous n’en avons pas beaucoup dans notre pays… (Rires)

Quand vous étiez aux affaires, la France a lancé des appels d’offres pour l’éolien offshore. Souvenez-vous, c’était la grande fête, nous allions avoir des champions nationaux... Las, les appels d’offres ont été lancés en 2010, et il n’y a toujours pas d’éolienne marine en fonctionnement dans notre pays.

Nous avons eu ce débat lors de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue. Nous sommes en train de passer à côté de la possibilité d’avoir une filière, et certains de nos champions nationaux auraient peut-être besoin, aujourd’hui, d’avoir un nouveau poumon : Alstom, fleuron que nous avons vendu, mais aussi Areva.

Des engagements ont été pris par de nombreux élus locaux. Je vous demanderai, Madame la secrétaire d’État, de nous épauler sur la question de l’éolien offshore, notamment s’il était réduit, demain, à sa plus simple expression dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui sera présentée prochainement, faute de quoi nous aurons de nouveau l’occasion, dans dix ans, de décrire la non-émergence de cette filière dans notre pays, alors que nous avions, comme pour tant d’autres expériences industrielles, des années d’avance. Nous sommes en train de rater le marché national et le marché à l’export. Si nous croyons pouvoir contenter tout le monde avec la seule énergie nucléaire, nous nous mettons le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Mme Catherine Quéré. Sous la précédente législature, nous sommes allés à quinze en voyage d’études au Danemark, où nous avons pu voir, enthousiasmés, deux fermes éoliennes, l’une de cent, l’autre de quatre-vingt-dix éoliennes, installées depuis plus de trente ans.

Le maire du port où nous avons pris le bateau nous a expliqué que cela avait permis de créer 10 000 emplois. Les éoliennes ont été installées dans des endroits où les pêcheurs ne pouvaient pas aller, et sont devenues d’extraordinaires réserves de poissons. Nous prenons beaucoup de retard dans ce domaine, et je le regrette.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ce n’est pas d’éoliennes que la France est couverte, mais de centrales nucléaires… (Rires)

Madame Abeille, retirez-vous l’amendement ?

Mme Laurence Abeille. Oui, car ce qui a été dit par Mme la secrétaire d’État et Mme la rapporteure vaut engagement.

Il faut régler très rapidement ce problème. Nous ne pouvons pas nous contenter d’aller admirer ce qui se fait dans d’autres pays européens, tout en gardant sur notre territoire des centrales vieillissantes, que nos voisins nous demandent aujourd’hui de fermer rapidement. Nous attendons les dispositifs qui permettront l’émergence des énergies renouvelables en France.

L’amendement CD555 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CD639 de Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Il convient d’engager des recherches sur le milieu marin avant de lancer des projets dans la zone économique exclusive. Tel est le sens de mon amendement.

Mme la rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord, mais la rédaction est floue. Je vous propose de le retirer pour le réécrire d’ici à la séance publique.

Mme la secrétaire d’État. L’objectif est louable, mais je partage l’avis de la rapporteure : l’amendement est trop imprécis quant à la nature de la « recherche associée ».

M. Martial Saddier. Sur le principe, en effet, l’amendement est louable, mais la question ne relève-t-elle pas du décret ?

M. Arnaud Leroy. Veillons à ne pas multiplier les dispositifs, s’agissant notamment des mesures de prévention sur certains sites en mer.

Le manque de données sur la mer et les écosystèmes marins est une question essentielle. Pour tirer le meilleur bénéfice et attribuer la meilleure protection, il nous faut progresser dans la connaissance des espaces océaniques et maritimes.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD443, CD444, CD478 et CD445 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CD249 de M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Il n’est pas justifié d’assujettir, à la redevance annuelle prévue, les activités régies par le code minier s’exerçant sur le plateau continental ou en ZEE, car des redevances en matière d’extraction sont d’ores et déjà à la charge de l’exploitant.

Je propose donc de revenir à l’équilibre initial du projet de loi.

Mme la rapporteure. L’objet de l’amendement est de supprimer l’assujettissement des activités régies par le code minier à la redevance visée à l’article 10 nouveau de la loi du 16 juillet 1976.

J’émets un avis favorable, pour plusieurs raisons.

D’abord, l’expression « régies par le code minier » est un peu floue. Elle conduit à viser, non seulement les activités d’exploitation, mais aussi celles d’exploration, ou encore les activités de conduite de travaux. Toutes sont visées par le code minier.

Ensuite, il semble illogique d’étendre la redevance prévue pour les activités qui font l’objet de l’autorisation de l’article 6 de la loi du 16 juillet 1976 à des activités non concernées par cette autorisation. Une telle mesure aurait des effets économiques néfastes, notamment celui d’assujettir certaines activités d’exploitation à une double taxation. En effet, l’article L. 132-16-1 du code minier dispose déjà que l’exploitation des hydrocarbures offshore est soumise à une redevance.

Concernant l’extraction, dans la ZEE ou sur le plateau continental, de substances de mines autres que les hydrocarbures, et de substances de carrières, pour lesquelles aucune taxation n’est prévue par le code minier, les renseignements qui m’ont été transmis par les services compétents indiquent que ces activités ne sont pas pratiquées à l’heure actuelle.

Mme la secrétaire d’État. Il est proposé d’exempter, sans contrepartie, les activités minières s’exerçant sur le plateau continental et la ZEE de toute redevance au profit de l’Agence française pour la biodiversité. Or le paiement de la redevance en ZEE et sur le plateau continental correspond au paiement pour services rendus par l’occupation privative temporaire accordée par l’État sur des espaces dont il a la responsabilité.

C’est un dispositif similaire à celui prévu pour les activités dans le domaine public maritime.

La rédaction de l’alinéa 26 a été introduite par le Sénat, mais il était envisagé d’en revoir la rédaction pour éviter de faire subir une double redevance à certaines activités déjà assujetties à une redevance au titre du code minier, ce qui recouvre, notamment, la question des hydrocarbures.

Je suis donc défavorable à l’amendement, mais nous reviendrons certainement sur le sujet en séance pour trouver un dispositif adapté permettant d’éviter la double redevance.

M. Jean-Marie Sermier. Il ne serait pas raisonnable, alors que nous réfléchissons depuis plusieurs années sur l’évolution du code minier, d’accroître aujourd’hui la taxation de ces opérations. Il importe de préciser quelles taxes doivent être payées et par qui, et surtout à qui elles reviennent. Si nous procédons « par petits bouts », nous aurons ensuite plus de mal à rééquilibrer le code minier.

M. Martial Saddier. Sur le fond, nous ne sommes pas en désaccord avec Mme la secrétaire d’État et Mme la rapporteure, que je remercie pour son avis favorable.

Cela étant, j’ai le sentiment que la balle est dans votre camp, Madame la secrétaire d’État. Je pense que la commission serait bien inspirée d’adopter l’amendement, ce qui obligerait le Gouvernement à présenter en séance un amendement intelligent, que nous soutiendrions avec force et loyauté.

M. Julien Aubert. Mme la secrétaire d’État a parlé des activités fossiles, mais elle n’a pas caractérisé les autres activités qui ne seraient pas soumises à redevance et qui relèveraient tout de même du code minier. S’agirait-il des nodules polymétalliques, qui ne feraient pas partie des hydrocarbures conventionnels ?

Mme la secrétaire d’État. Il s’agit essentiellement des activités de prélèvement de granulats.

Par ailleurs, nous allons réfléchir à ce que nous pouvons faire d’ici à la séance pour trouver le moyen, non d’augmenter les redevances, mais de les aligner sur ce qui se passe au niveau du domaine public maritime, en évitant, bien sûr, de faire acquitter une seconde redevance à ceux qui en paient déjà une.

Mme la rapporteure. Les granulats et les nodules polymétalliques seront peut-être une importante activité économique dans cinq, dix ou quinze ans, mais nous n’allons pas taxer aujourd’hui des choses qui n’existent pas encore.

Voyons plutôt si nous pouvons ajouter la taxation des activités évoquées, afin d’éviter l’écueil évoqué par Mme la secrétaire d’État.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD446, CD447, CD448, CD449, CD452 et CD453 de la rapporteure. Les amendements CD450 et CD451 ayant été retirés, elle adopte alors l’article 40 ainsi modifié.

Section 4
Encadrement de la recherche en mer

Article 41 (articles L. 251-1 et L. 251-2 et L. 251-3 [nouveaux] du code de la recherche) : Sanction des activités de recherche non autorisées et transmission des données collectées aux autorités publiques

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD454 et CD456 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 41 ainsi modifié.

Section 5
Protection des ressources halieutiques et zones de conservation halieutiques

Article 43 (articles L. 911-2 et L. 924-1 à L. 924-5 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) : Intégration de la politique de la pêche dans un cadre écosystémique et mise en place des zones de conservation halieutiques

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD457 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement CD411 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Cet amendement vise à concilier l’objectif de protection environnementale des zones de conservation halieutique avec l’exercice d’activités et d’actions existantes et nouvelles pouvant intervenir dans la zone.

Mme la rapporteure. Il a pour objet de renforcer la prise en compte des activités économiques lors de l’analyse préludant à l’élaboration du projet de création d’une zone de conservation halieutique.

Ce faisant, il va à l’encontre des modifications que l’Assemblée avait apportées en première lecture à l’alinéa 7 du présent article dans le but de faire primer, dans ladite analyse, les critères scientifiques sur les intérêts économiques.

Je ne puis que donner un avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Mon avis est également défavorable. Il n’est pas possible de juger de l’intérêt du maintien d’activités qui n’existent pas encore.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD503 de Mme Laurence Abeille et CD1004 du Gouvernement.

Mme Laurence Abeille. Mon amendement est très proche de l’amendement CD1004 du Gouvernement, que je trouve même plus satisfaisant et auquel je suis prête à me rallier.

Le préfet maritime pouvant être maître d’œuvre de certaines activités en mer, il n’est pas logique qu’il soit aussi l’autorité environnementale permettant de réglementer les activités sur le site.

Mme la rapporteure. Il s’agit de revenir au texte que l’Assemblée avait adopté en première lecture. Compte tenu de la proximité des deux amendements, je suggère à Mme Laurence Abeille de retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Après réflexion, le Gouvernement a décidé de retirer l’amendement CD1004. Il s’agit de trouver un bon équilibre entre, d’une part, la simplicité et la clarté du processus de création de zones de conservation halieutiques et, d’autre part, l’efficacité de ce processus et l’application du principe de subsidiarité.

Nous sommes très sensibles au reproche d’une trop grande centralisation. Nous pensons qu’il faut plus de subsidiarité et de proximité géographique. Dans certains cas, par exemple pour la pêche, certaines mesures peuvent être définies de façon plus pertinente au niveau local, notamment par les préfets.

Le Gouvernement a entendu l’appel à une gestion moins centralisée, mais des instructions pourraient être adressées aux services déconcentrés pour encadrer les mesures que les préfets définiront.

L’amendement CD1004 est retiré.

Mme Laurence Abeille. Dans ces conditions, je maintiens mon amendement et invite la commission à le voter. (Sourires)

M. Julien Aubert. Mme la secrétaire d’État m’a reproché tout à l’heure la formulation que j’ai employée à propos de l’exercice d’activités existantes ou nouvelles pouvant intervenir dans la zone. Elle a pourtant repris la même rédaction. Où est la cohérence ?

La commission rejette l’amendement CD503.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CD458 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CD597 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le Sénat a réécrit l’alinéa 14 en supprimant les dispositions relatives à la consultation du public sur les modifications du périmètre et de la réglementation de la zone de conservation halieutique, ainsi que les dispositions relatives à la prorogation du classement. Je propose de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement. Puis elle adopte l’article 43 ainsi modifié.

Article 43 bis : Rapport relatif aux activités d’extraction de granulats marins

La commission examine l’amendement CD598 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de rétablir cet article, supprimé par le Sénat, et qui prévoyait la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement évaluant l’impact environnemental et économique sur le littoral et l’écosystème marin des activités d’exploration ou d’exploitation des ressources minérales.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement, et l’article 43 bis est ainsi rétabli.

Article 44 (articles L. 942-1, L. 942-4, L 942-10, L. 945-4-1 [nouveau] et L. 945-5 du code rural et de la pêche maritime) : Dispositions de coordination

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD459, CD460, CD1074, CD461 et CD476 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 44 ainsi modifié.

Article 45 (article L. 334-1 du code de l’environnement) : Attribution du statut d’aire marine protégée aux zones de conservation halieutique

La commission adopte l’article 45 sans modification.

Article 46 bis (article L. 321-2 du code de l'environnement) : Perception de la taxe sur le transport de passagers

La commission adopte l’article 46 bis sans modification.

Section 6
Protection des espèces marines

Article 46 quater : Équipement des navires avec un dispositif anticollision avec les cétacés

La commission examine l’amendement CD838 de M. Lionel Tardy, tendant à supprimer l’article.

M. Lionel Tardy. La mise en place, sur les navires de l’État, d’un dispositif empêchant les collisions avec les cétacés ne me semble pas relever de la loi. Seule la généralisation d’un tel dispositif aux navires de commerce, qui sera envisagée dans un rapport à l’issue de l’expérimentation, nécessitera éventuellement une disposition législative. Je m’étonne que cet article ait été ajouté par le Sénat sur proposition du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Je suis d’autant plus défavorable à cet amendement que je propose, par l’amendement CD599 rectifié qui vient immédiatement après, de réécrire cet article, notamment pour le mettre en cohérence avec la proposition de loi d’Arnaud Leroy pour l’économie bleue, adoptée en janvier dernier par l’Assemblée nationale et qui est en ce moment examinée au Sénat, en étendant précisément l’expérimentation des dispositifs anticollision à certains navires de commerce, et en renonçant à la demande de rapport, car il est compliqué de faire des rapports dans le cadre d’une expérimentation.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CD599 rectifié de la rapporteure.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement, qui améliore la rédaction du projet de loi, ne pose pas de problème au Gouvernement.

Parallèlement, certaines dispositions de la proposition de loi portée par Arnaud Leroy concernent d’autres navires que ceux de l’État. Nous devons, cela dit, choisir, d’ici à la séance publique, le vecteur législatif ainsi que la nature des dispositions à retenir. Doit-on aller au-delà de l’expérimentation ? La question se pose.

M. Arnaud Leroy. Mme la secrétaire d’État m’a enlevé les mots de la bouche. Les dispositions des deux textes se recoupent sans être tout à fait les mêmes, s’agissant des types de navires et de la phase d’expérimentation. Elles devront faire l’objet d’un examen minutieux.

M. Martial Saddier. Peut-on m’expliquer pourquoi la longueur minimale des navires a été fixée à vingt-quatre mètres ?

Mme la rapporteure. Parce que les navires relèvent de deux catégories différentes selon que leur longueur est supérieure ou inférieure à vingt-quatre mètres.

Mme Laurence Abeille. Il m’est arrivé de voir émerger une baleine à côté d’un bateau sur lequel je me trouvais. (Rires) Bien qu’il s’agisse d’un très gros animal, ce sont les navires d’une certaine taille qui causent des dommages aux populations de baleines.

Il peut sembler redondant de parler de « protection des espèces protégées », mais je trouve intéressante cette idée, qui a émergé dans le texte et qui donne une idée de l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Même si cette question peut paraître anecdotique, elle ne l’est aucunement. Je suis heureuse d’apprendre qu’il y a des dispositifs complémentaires, car s’en tenir aux navires de l’État me semblait insuffisant. La volonté politique d’équiper les navires de commerce afin de protéger réellement les populations de baleines me semble être un élément extrêmement intéressant.

M. Arnaud Leroy. Les grands cétacés sont un sujet passionnant, dont on ne parle pas suffisamment ! (Rires)

Je souligne que les propositions de notre rapporteure ce soir, comme celles du Gouvernement et comme les miennes dans la proposition de loi relative à l’économie bleue, ne valent que pour des zones géographiques très précises, qui sont des espaces désignés par le droit international. Nous ne nous livrons pas ici à un exercice abstrait.

Il est donc important d’aller de l’avant.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La rédaction du 3° manque de clarté.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 46 quater ainsi modifié.

Chapitre IV
Littoral

Article 47 (articles L. 322-1, L. 322-8 et L. 322-9 du code de l’environnement) : Compétences du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en matière de patrimoine culturel

La commission est saisie de l’amendement CD117 de M. Arnaud Leroy.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à permettre à des personnes privées dûment agrémentées de gérer des immeubles du domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Aujourd’hui, 90 % des sites sont gérés par les collectivités territoriales ; certains le sont par des établissements publics ou pas des associations loi de 1901. Pourquoi remettre en cause cette gestion désintéressée au profit d’une gestion par des entreprises ? Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 47 sans modification.

Article 49 (article 713 du code civil et articles L. 1123-3 et L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques) : Transfert de biens sans maître au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

La commission examine les amendements identiques CD101 de M. Jean-Marie Sermier, CD232 de M. Martial Saddier, CD334 de M. Dino Cinieri, CD366 de M. Julien Aubert et CD802 de M. Gérard Menuel, tendant à supprimer l’article.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tous ces amendements étant défendus, je propose qu’un seul orateur les défende.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement est quasiment rédactionnel. L’article L. 322-1 du code de l’environnement s’articule en trois paragraphes dans lesquels le terme de « zones » est employé. Pour éviter toute confusion, il est nécessaire de préciser la rédaction de l’article.

Mme la rapporteure. Je ne partage pas le point de vue selon lequel cet amendement serait rédactionnel ! (Sourires) Il vise en réalité à réduire les secteurs dans lesquels il est possible d’effectuer, au profit du Conservatoire du littoral ou des conservatoires régionaux d’espaces naturels, le transfert des biens sans maître. Il prévoit que ne pourront être transférés que les biens situés dans les secteurs mentionnés au I de l’article L. 322-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire notamment les cantons côtiers, les communes riveraines des mers et des océans et les communes riveraines des estuaires et des deltas. Or la rédaction actuelle vise l’ensemble de l’article L. 322-1, dont le III mentionne également « les secteurs géographiquement limitrophes des cantons et des communes mentionnés au I et constituant avec eux une unité écologique ou paysagère » et les « zones humides situées dans les départements côtiers » : l’action du Conservatoire du littoral peut être étendue à ces zones par arrêté préfectoral.

Sous prétexte de précision rédactionnelle, cet amendement propose une modification importante. Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’Etat. Même avis.

La commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’article 49 sans modification.

Article 50 (article L. 143-3 du code de l’urbanisme) : Sécurisation des interventions du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en cas de superposition de zones de protection

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD462 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 50 modifié.

Article 51 ter A : Programme d’action de protection des mangroves et plan d’action pour la protection des récifs coralliens

La commission adopte l’article 51 ter A sans modification.

Chapitre IV bis
Lutte contre la pollution

Article 51 quater AA (article L. 77-10-1 du code de justice administrative) : Création d’une action de groupe spécifique pour les dommages environnementaux

La commission examine d’abord les amendements identiques CD75 de M. Jean-Marie Sermier, CD109 de Mme Sophie Rohfritsch, CD233 de M. Martial Saddier, CD262 de M. Dino Cinieri, CD347, CD365 et CD412 de M. Julien Aubert, CD590 de M. Philippe Plisson, CD803 de M. Gérard Menuel et CD842 de M. Gilles Lurton, tendant à supprimer l’article.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tous ces amendements étant défendus, je propose qu’un seul orateur par groupe les défende.

M. Martial Saddier. Le Sénat a cru bon d’introduire ici la possibilité d’une action de groupe dans le domaine environnemental. Toutefois, il nous semble que cette mesure n’a pas sa place dans le code de justice administrative, où l’inscrit cet article.

Plus généralement, l’action de groupe environnementale ainsi conçue nous semble prématurée, et mal fondée juridiquement. Il est nécessaire de disposer d’expertises bien plus poussées. Il serait également bon de rechercher un consensus entre nos deux assemblées.

Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. Julien Aubert. Nous ne disposons pas de réflexions suffisamment sérieuses sur les conséquences juridiques de cette mesure. D’un côté on se plaint de l’engorgement des tribunaux, et de l’autre on vote des articles qui modifient les conditions d’exercice des recours !

De plus, cet article donne le monopole des actions de groupe dans le domaine de l’environnement aux associations de défense de l’environnement. Or il ne me semble pas que l’actio popularis puisse reposer uniquement sur des professionnels de la protection de l’environnement : tout citoyen, tout type d’organisme doit pouvoir agir. Il est dangereux de cantonner ces recours juridiques à un seul type d’association : cela revient à déresponsabiliser une partie de la société. L’environnement est au contraire la responsabilité de chacun, et les possibilités de recours doivent être aussi larges que possible.

M. Philippe Plisson. Mes arguments sont les mêmes : l’action de groupe ne doit pas être le monopole d’associations organisées. Avec les réseaux sociaux, aujourd’hui, les citoyens peuvent se mobiliser plus facilement : s’ils souhaitent se regrouper pour ester en justice, ils doivent pouvoir le faire sans le truchement d’associations officielles, organisées.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il faut au contraire, je crois, conserver ce dispositif pertinent. Certes, il présente des problèmes de rédaction, et il dépasse la question de la biodiversité.

Le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle devrait être débattu par l’Assemblée nationale au mois de mai. D’ici là, il faut à mon sens maintenir cet article dans le présent texte : c’est un sujet auquel nous tenons, et auquel nos concitoyens tiennent. Or, si nous faisons disparaître cet article, il n’est pas sûr qu’il réapparaisse ultérieurement.

Nous pourrons toujours nous adapter si des mesures similaires étaient adoptées dans d’autres textes.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’action de groupe en matière environnementale. La majorité actuelle a d’ailleurs introduit un dispositif très proche dans la loi relative à la consommation du 17 mars 2014.

Cet article présente toutefois un problème de rédaction : il n’est pas opérationnel et devra être revu.

Le Gouvernement prévoit d’insérer, dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, un dispositif « socle », pour l’ensemble des composantes du droit, visant tous les dispositifs de ce type, hors droit de la consommation. Le ministère de la justice a déjà avancé sur le projet portant sur l’action de groupe environnementale, mais le travail n’est pas terminé. Dès lors, je suis défavorable à la suppression de cet article, qui pose les bases d’une telle action de groupe.

J’ai bon espoir de vous faire, lors de la discussion en séance publique, une proposition définitive de dispositif : nous pourrons alors décider si nous gardons cet article ou si nous le renvoyons à la loi sur la justice du XXIe siècle. À ce stade, je ne peux toutefois offrir aucune garantie.

Restons-en donc à cet article pour aujourd’hui. S’il devient sans objet, il sera toujours temps de le supprimer en deuxième lecture au Sénat.

Mais l’action de groupe environnementale est une vraie avancée. La supprimer, même pour des raisons de forme, serait un très mauvais signal.

M. François-Michel Lambert. Le contraste entre la majorité et l’opposition est très clair ! Pour certains, l’environnement, « ça commence à bien faire », et ils font tout ce qu’ils peuvent pour retarder notre entrée dans un nouveau siècle, un siècle où l’on prend en considération l’environnement et la biodiversité.

Il est indispensable de maintenir cet article : nos concitoyens doivent s’opposer, par des actions de groupe, aux attaques contre l’environnement et la biodiversité. En quoi serait-il gênant que ces actions s’appuient sur des associations environnementales agréées, structurées, compétentes ? C’est en tout cas préférable aux actions d’associations créées de toutes pièces pour s’opposer à un projet, et pour qui la défense de l’environnement n’est qu’un prétexte.

Il faut sans doute améliorer la rédaction de cet article, mais il faut conserver dans la loi cette amélioration apportée par le Sénat, où la majorité n’est pourtant pas la même qu’à l’Assemblée nationale.

Mme Delphine Batho. J’apporte mon soutien à Mme la rapporteure et au Gouvernement.

Je précise qu’à ce jour il n’existe dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle aucune disposition relative à l’action de groupe, à l’exception du domaine des discriminations : nous avons eu ce même débat lors de la discussion de la loi pour une République numérique, à propos de la protection des données personnelles, et j’avais alors vérifié de près l’état de ce projet de loi.

Le dispositif de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », reconnaît la possibilité d’agir aux associations de défense des consommateurs : il n’y a donc aucune raison de ne pas reconnaître aux associations de défense de l’environnement la possibilité de mener des actions de groupe en matière environnementale.

Je suis consciente que le texte proposé ici n’est pas parfait. Je me demande d’ailleurs s’il ne faudrait pas ouvrir aux associations de défense des consommateurs la possibilité d’une action de groupe en matière environnementale – on peut par exemple penser à l’affaire Volkswagen.

M. Julien Aubert. Vous parlez d’associations agréées, Monsieur Lambert, mais le texte mentionne aussi « une association régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ». Il suffit donc que je dépose les statuts d’une telle association, et dans cinq ans je pourrai prétendre à mener une action de groupe ! Il n’y a donc aucun contrôle sur la nature ou l’éventuel agrément des associations autorisées à agir en justice.

D’autre part, pourquoi l’action de groupe serait-elle obligatoirement canalisée par certains types d’associations ? Notre collègue Delphine Batho a évoqué la possibilité de l’ouvrir à des associations de défense des consommateurs. C’est un débat intéressant. Il y a tout de même des problèmes financiers qui se poseront : vous accordez un monopole à des associations qui pourront établir des relations financières avec des cabinets d’avocat, qui auront la main sur l’argent qui circulera. (Murmures) Derrière la défense des petits oiseaux, certains verront des sommes importantes à gagner ! (Murmures) Il faut donc bien réfléchir avant de prendre une telle mesure, ou à tout le moins l’encadrer plus fortement.

M. Philippe Plisson. La formulation de l’article n’est pas bonne, mais sur le fond, je suis favorable à l’action de groupe en matière de défense de l’environnement : la ministre s’étant engagée à revoir la rédaction de l’article, je retire mon amendement.

L’amendement CD590 est retiré.

M. François-Michel Lambert. Monsieur Julien Aubert, vous n’avez pas entendu ce que j’ai dit. J’ai parlé d’associations créées ex nihilo à l’occasion d’un projet particulier. Ce n’est pas le cas ici, puisqu’il leur faut, pour pouvoir agir, exister depuis cinq ans !

Ne peut-on vouloir faire progresser la loi ? Mme la ministre l’a dit, ce texte est une base de travail. Cet article permet de faire pour la défense de l’environnement ce que nous avons déjà fait pour celle des consommateurs. La finance doit-elle toujours être plus forte que l’environnement ?

M. Arnaud Leroy. Je veux dire ma satisfaction de voir entrer dans notre droit l’action de groupe en matière environnementale. C’est un vrai progrès, que l’on disait pourtant impossible au début de la législature. Saisissons donc cette occasion.

Je partage le point de vue de Delphine Batho. Et, par cohérence, ne devrions-nous pas copier la rédaction de la loi Hamon ?

Je ne partage pas, en revanche, les craintes de M. Julien Aubert, qui a peur d’associations qui se créeraient spécialement pour faire des bénéfices sur de telles actions de groupe… Il faudrait donner des exemples !

M. Julien Aubert. Pas de problème ! Regardez ce qui se passe dans le domaine de l’urbanisme !

M. Arnaud Leroy. Je voudrais avoir des exemples concrets, documentés, et je suis prêt à les regarder avec vous pour en arriver à une rédaction juridiquement fiable, qui puisse éviter les effets d’aubaine comme les à-coups brutaux. Mais on ne peut pas arrêter le processus d’élaboration d’une loi en raison de vagues frayeurs.

M. Martial Saddier. Tous les jours, sur le terrain, et quelle que soit la majorité en place, nous entendons des commentaires peu élogieux sur la façon dont nous écrivons la loi. J’entends que la majorité prépare un texte sur la justice du futur qui ne comporterait pas de volet environnemental : cela m’inquiète. J’ai grand respect pour ceux qui emploient ces termes, mais l’idée de « saisir une occasion » pour écrire la loi me paraît également inquiétante.

Notre commission n’est pas l’instance la plus qualifiée de cette maison en matière juridique. (Murmures de désapprobation) La majorité serait, je crois, bien inspirée de peser à l’intérieur de sa famille politique pour que l’action de groupe en matière environnementale soit étudiée à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, au lieu de voter ce soir, à la va-vite, un texte qui risque de se révéler inapplicable, voire contre-productif.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je souligne que cet article a été inséré par le Sénat.

La commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle examine l’amendement CD600 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à insérer cet article dans le code de l’environnement et non dans le code de justice administrative.

Mme la secrétaire d’État. Nous y reviendrons de toute façon. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 51 quater AA ainsi modifié.

Article 51 quater A (article 8 du code de procédure pénale) : Prescription de l’action publique pour les délits de pollution des eaux marines et fluviales

La commission étudie l’amendement CD250 de M. Martial Saddier, tendant à supprimer l’article.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à conserver la rédaction actuelle de l’article 8 du code de procédure pénale, qui fait courir le délai de prescription de l’action publique en matière de pollution des eaux de surface à partir de la date de commission de l’acte de pollution.

Mme la rapporteure. La rédaction de cet article peut, en effet, poser problème, et il est sans doute mal placé : je vous proposerai de le déplacer. Je souhaiterais qu’un travail avec le Gouvernement avant le passage en séance publique permette d’en proposer une meilleure formulation.

Je vous demanderai donc de retirer cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD1007 du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement rédactionnel vise à intégrer les dispositions prévues par cet article au code de l’environnement plutôt qu’au code de procédure pénale. Cela paraît d’autant plus nécessaire que l’article 8 du code de procédure pénale devrait être modifié lors de l’examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Je retire mon amendement CD1069 au profit de celui du Gouvernement.

L’amendement CD1069 de la rapporteure est retiré.

M. Martial Saddier. Quelle est la définition juridique de la « découverte » du dommage ?

Mme la rapporteure. C’est une question qui se pose… Nous devrons travailler avec le Gouvernement pour nous assurer que ce dispositif est constitutionnel. Il arrive que nos propos soient pertinents, Monsieur Martial Saddier, même si vous n’êtes pas très élogieux pour les compétences juridiques de notre commission ! (Sourires)

La commission adopte l’amendement CD1007 du Gouvernement, et l’article 51 quater A est ainsi rédigé.

Article 51 quater B (article L. 142-2 du code de l’environnement) : Ouverture de la possibilité pour les associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d’inobservations d’obligations non pénalement sanctionnées (supprimé)

La commission examine les amendements identiques CD65 de M. Guillaume Chevrollier, CD76 de M. Jean-Marie Sermier, CD234 de M. Martial Saddier, CD263 de M. Dino Cinieri, CD280 de M. Jean-Louis Bricout, CD346 de M. Julien Aubert, CD364 de M. Julien Aubert, CD591 de M. Philippe Plisson, CD601 de la rapporteure, CD804 de M. Gérard Menuel, CD843 de M. Gilles Lurton et CD1010 du Gouvernement, tendant à supprimer l’article.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tous ces amendements étant défendus, je propose qu’un seul orateur par groupe les défende.

M. Dino Cinieri. La notion de manquement est imprécise, contrairement à celle d’infraction. Élargir l’action de groupe en cas de manquement risquerait d’être contre-productif.

Mme la rapporteure. Il n’y a pas de partie civile à un procès non pénal.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement propose également la suppression de cet article.

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

En conséquence, l’article 51 quater B est supprimé.

Article 51 quinquies (article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime) : Traitement des fonds de cuve et résidus de produits phytopharmaceutiques

La commission se penche sur l’amendement CD298 de M. Dino Cinieri, tendant à supprimer l’article.

M. Dino Cinieri. La gestion des fonds de cuve est réglementée en France par arrêté. Il n’est donc pas nécessaire de légiférer sur ce sujet.

En outre, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 14 janvier 2014 a d’ores et déjà complété la réglementation sur les produits phytosanitaires, ce qui va conduire à une modification de l’arrêté de 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytosanitaires, qui traite notamment de cette gestion des fonds de cuve.

Par ailleurs, dans le cadre du plan Ecophyto II, une priorité en termes de recherche et d’innovation est donnée à l’agroéquipement. Ces travaux devront permettre d’accompagner au mieux les agriculteurs dans la préservation de l’environnement.

Il ne semble donc pas pertinent de créer des contraintes supplémentaires pour les agriculteurs.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, bien sûr. Une sécurisation juridique est nécessaire, car l’arrêté ministériel du 12 septembre 2006 n’est fondé sur aucune base législative.

Mme la secrétaire d’État. La rapporteure est pleine de sagesse.

M. Gérard Menuel. Je croyais qu’il existait une base législative : c’est quelque chose qui existe depuis des années.

Mme la rapporteure. Eh oui, parfois on met la charrue avant les bœufs… (Rires)

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 51 quinquies sans modification.

Article 51 octies (articles L. 212-1 et L. 212-2-2 du code de l’environnement) : Échéances d’atteinte du bon état chimique des eaux, surveillance de la matrice biote, et agrément des laboratoires d’analyse

La commission adopte l’article 51 octies sans modification.

Article 51 nonies (article L. 213-10-8 du code de l’environnement) : Soutien aux projets territoriaux visant la suppression des néonicotinoïdes dans le cadre du plan Écophyto (suppression maintenue)

L’article 51 nonies demeure supprimé.

Article 51 decies A (article L. 257-3 du code rural et de la pêche maritime) : Amélioration de la diffusion des données sur l’utilisation des produits phytosanitaires par les agriculteurs produisant des végétaux destinés à la consommation humaine ou animale (supprimé)

La commission est saisie des amendements identiques CD66 de M. Guillaume Chevrollier, CD78 de M. Jean-Marie Sermier, CD235 de M. Martial Saddier, CD335 de M. Dino Cinieri, CD363 de M. Julien Aubert, CD563 de M. Bertrand Pancher, CD661 de M. Jean-Yves Caullet, CD805 de M. Gérard Menuel et CD867 de M. Jean-Louis Bricout, tendant à supprimer l’article.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tous ces amendements sont défendus.

M. Gérard Menuel. La disposition prévue par l’article est redondante. En effet, la réglementation en vigueur prévoit déjà un registre, qui contient des éléments très précis et qui est régulièrement transmis aux autorités lors des contrôles effectués au titre de la conditionnalité des aides. En outre, la mesure serait contraire à l’objectif de simplification que nous nous efforçons de promouvoir.

M. Yannick Favennec. Cet article vise à imposer aux exploitants agricoles la transmission à l’autorité administrative du registre où ils consignent leurs pratiques en matière d’utilisation de produits phytosanitaires. Il a été introduit au Sénat par nos collègues écologistes, contre l’avis exprimé au nom de la commission par son rapporteur, Jérôme Bignon. Celui-ci avait rappelé que très peu d’agriculteurs en France exercent leur métier dans la clandestinité et avait fait valoir, en revanche, la nécessité d’endiguer définitivement le virus de la surréglementation.

Mon groupe partage évidemment ce point de vue. En effet, il est rare que des agriculteurs utilisant des produits phytosanitaires ne respectent pas la réglementation et ne fassent pas l’objet de contrôles réguliers. Notre rôle est de montrer à nos agriculteurs que nous avons confiance en eux, et non de créer un climat de suspicion délétère, surtout dans la période de crise que nous traversons.

Par ailleurs, l’article est, dès à présent, en partie satisfait : les exploitants agricoles tiennent déjà un registre qu’ils transmettent aux autorités lors des contrôles, au risque de perdre les aides qui leur sont accordées dans le cadre de la politique agricole commune.

De plus, les agriculteurs ont l’obligation de se former régulièrement à l’utilisation des produits visés – aux termes du plan Écophyto II, tous les cinq ans à compter de 2016, et non plus tous les dix ans.

En outre, pour davantage de transparence, les déclarations des distributeurs de produits phytopharmaceutiques incluent désormais le code postal de l’acheteur professionnel.

L’article est donc sans objet. En revanche, il risque de créer des contraintes supplémentaires qui ne s’imposent absolument pas, surtout en cette période difficile pour nos agriculteurs.

M. Jean-Yves Caullet. Le principal objectif de l’article est que les entreprises agricoles puissent fournir les éléments relatifs à leur utilisation des phytosanitaires. Or cet objectif est déjà atteint : le registre existe et peut être consulté si nécessaire.

Outre la complication supplémentaire qu’impliquerait la mesure pour les agriculteurs, l’administration ne sera pas en mesure de traiter les données et de les mettre à la disposition du public sous une forme qui respecte l’obligation de confidentialité et qui soit intelligible, compte tenu du nombre de molécules, de préparations, de marques en jeu. Nous n’obtiendrons donc pas l’information souhaitée. Mieux vaut un registre bien tenu – c’est important, et il faut bien sûr veiller à assurer les formations requises pour cela – et accessible aux autorités en tant que de besoin.

Mme Laurence Abeille. Cet article a en effet été défendu par nos collègues écologistes au Sénat. La transmission du registre phytosanitaire à l’administration en vue d’établir une base de données sur l’utilisation des pesticides en France est tout à fait insuffisante actuellement. Les agriculteurs ont en effet pour seule obligation de tenir ce registre à la disposition de l’administration, et les seules données relatives à l’utilisation des pesticides dans notre pays sont les chiffres de vente avec le code postal des acheteurs : ce n’est pas assez pour mener des recherches sur les effets des pesticides sur la biodiversité et la santé, ni pour gérer les zones sensibles, par exemple les bassins versants.

Il est nécessaire d’améliorer la quantité et la qualité des informations relatives aux pesticides pour mieux appréhender les risques que présentent ces produits. Les impératifs de progrès scientifique et de transparence sont aujourd’hui reconnus par tous. Ce consensus a été rappelé lors de la discussion de l’amendement de nos collègues au Sénat.

On sait que certains chercheurs sont obligés de créer des systèmes détournés pour reconstituer l’utilisation des pesticides. Plusieurs publications le montrent, dont l’une porte sur la pollution des eaux, une autre sur l’exposition des populations. Or les chercheurs y mettent en avant les marges d’erreur de leur système. Par exemple, le code postal de l’acheteur ne correspond évidemment pas toujours à celui de la parcelle dans laquelle les pesticides sont épandus. De plus, on ne dispose d’aucune information sur le moment de leur utilisation ni sur la quantité exacte utilisée dans chaque parcelle. En collectant, en agrégeant et en mettant à disposition des données relatives à l’utilisation des pesticides, on pourrait corriger ces biais, ce qui représenterait un progrès considérable pour la recherche fondamentale et permettrait de cerner bien mieux les risques auxquels ces produits exposent l’environnement et la santé publique.

Dans certains États des États-Unis, cette déclaration est obligatoire, ce qui a permis à des chercheurs d’établir des corrélations géographiques entre l’utilisation des pesticides à proximité d’habitations et le développement de certaines pathologies.

Les agriculteurs devant déjà tenir des registres, la contrainte supplémentaire que représenterait le système proposé est minime. La différence fondamentale est la suivante : une fois agrégées numériquement, ces données deviendraient exploitables par les chercheurs.

La déclaration obligatoire existe d’ailleurs pour d’autres substances polluantes, comme les flux d’azote pour les éleveurs.

Enfin, n’oublions pas que le ministre de l’agriculture a récemment rappelé le caractère essentiel de la transparence des données en matière de pesticides.

M. Guillaume Chevrollier. Cela a été dit, les exploitants tiennent déjà un registre et de nouvelles obligations viennent de leur être imposées en la matière, dont une formation régulière à l’utilisation de ces produits. De nouvelles mesures sur la traçabilité ont également été adoptées. À l’heure où les agriculteurs se plaignent des normes et des contraintes qui pèsent sur eux, cette nouvelle obligation, source de lourdeur administrative, serait mal comprise. Trop, c’est trop !

M. François-Michel Lambert. Je suis estomaqué de ce que j’entends ! Pour une fois que la loi n’est pas prescriptrice mais renvoie à un arrêté ministériel… Monsieur Guillaume Chevrollier, ce qui est proposé n’est qu’un ajustement de ce qui se fait déjà.

Quant au fond, outre ce qu’a très bien dit Laurence Abeille, la mesure est conforme à l’intérêt des agriculteurs. Alors que nous vivons dans un monde en révolution numérique, où les données doivent être partagées, alors que le projet de loi pour une République numérique est en cours d’examen, nous laisserions le monde agricole à l’écart de cette révolution, en nous privant de données qui seraient disponibles pour les chercheurs et permettraient en retour aux agriculteurs d’améliorer leur production et de dégager des marges ? Supprimer cet article, c’est affaiblir l’agriculture de demain, l’abandonner au monde d’hier, certes très agréable mais qui est entièrement remis en cause par la révolution numérique.

M. Jean-Marie Sermier. Sous couvert de cet article, on fait un procès d’intention aux agriculteurs de France : c’est intolérable. Ce qu’a dit Mme Abeille est faux : l’ensemble des produits fait l’objet de recherches, leur mise sur le marché est soumise à autorisation, leur dosage est également encadré. Les agriculteurs respectent les dosages et les volumes : ils ne trichent pas.

Mme Laurence Abeille. Je n’ai rien dit de tel.

M. Jean-Marie Sermier. Avant de leur vendre des produits, les coopératives et les particuliers sont d’ailleurs tenus de vérifier les surfaces exploitées. Il n’y a aucun surdosage aujourd’hui en France.

Il existe dans notre pays 400 000 à 500 000 exploitations agricoles, et dix à vingt parcelles, appelées îlots, par agriculteur : cela fait donc de 5 à 10 millions de parcelles. Avec 10 interventions par an – liées aux herbicides, aux phytosanitaires, etc. –, on en arrive à 50 à 100 millions de données à traiter. Et, pour chacune, il faut vérifier les dosages, les volumes, la météo, le vent, la vitesse du tracteur : il sera strictement impossible d’en tirer quoi que ce soit !

Il est urgent de supprimer cet article qui accuse les agriculteurs et s’oppose à notre agriculture raisonnable.

M. Julien Aubert. François-Michel Lambert se dit estomaqué ; pour ma part, je suis stupéfait, sidéré ! La disposition proposée est le type même de la fausse bonne idée, et ce que j’entends révèle une profonde méconnaissance du monde rural.

Premièrement, les exploitants ne sont pas là pour coopérer avec la recherche, même s’ils sont sans doute heureux de pouvoir le faire, mais pour produire. Je comprends que la recherche poursuive ses objectifs, que les chercheurs aient intérêt à accéder aux données, mais cela ne doit pas se faire au détriment de cette fonction première.

Quant au numérique, les propos de François-Michel Lambert sont très étonnants. Les agriculteurs nous expliquent qu’ils ont toutes les peines du monde à envoyer leurs déclarations à la Mutualité sociale agricole (MSA) ; parfois, alors qu’ils ont déjà basculé dans le numérique, ils sont obligés de fournir des doubles papier ou de se battre pendant plusieurs jours pour télétransmettre leurs documents, parce qu’ils vivent dans des territoires mal desservis par le réseau numérique ; et vous voulez en rajouter une couche !

Troisièmement, ce que vous proposez est à rebours des pratiques administratives modernes en matière de contrôle. Voyez le contrôle fiscal de l’impôt sur le revenu : il y a quelques années, l’administration demandait au contribuable de fournir les pièces justificatives ; aujourd’hui, celles-ci ne doivent être produites qu’en cas de contrôle. La voilà, la méthode moderne !

Comme disait Georges Pompidou : « Arrêtez d’emmerder les Français ! ». (Murmures)

M. Jean-Yves Caullet. Indépendamment des difficultés qu’entraînerait la mesure, quelle serait son utilité ?

Par ailleurs, le numérique ne fait pas la fiabilité d’une donnée ! Ce n’est pas parce que les données seront nombreuses et rapidement disponibles qu’elles seront de qualité. Même les données météorologiques doivent être normalisées. On ne peut se contenter de réunir des millions de registres pour les passer à la grande moulinette de la recherche qui, comme par magie ou presque, en tirera des résultats ! Il faut établir la fiabilité des éléments recueillis, leur homogénéité spatiale et temporelle, pour en faire une utilisation statistique. La statistique, soit on en fait son métier, soit on n’en parle pas ! Pareille collecte au chalut en eaux profondes (Rires) ne donnera pas un matériau exploitable scientifiquement ; il serait mensonger de soutenir le contraire.

La recherche et la connaissance sont des sources de préoccupation légitimes, Madame Abeille, mais on ne peut fonder une connaissance fiable sur des données ainsi réunies, surtout dans ces domaines où entrent en jeu les conditions d’utilisation, notamment météorologiques. Si l’on veut mener des recherches, qu’on le fasse : l’administration dispose des données brutes qu’elle peut fournir après anonymisation aux chercheurs, lesquels sont en mesure de procéder à des études ciblées, par secteur, par produit, par itinéraire technique.

Mme Delphine Batho. L’open data des traitements phytosanitaires est un vrai sujet.

L’administration dispose de bien plus de données qu’on ne veut bien le dire. L’émission Cash Investigation l’a d’ailleurs montré en rendant publics plusieurs chiffres quantifiant la présence de ces produits dans l’environnement. Le système actuel est globalement inefficace, y compris Écophyto : on a appris aujourd’hui que les quantités de pesticides vendus ont encore augmenté de 9 % entre 2013 et 2014.

Qui est responsable ? Tel est à mes yeux l’enjeu du débat. La logique actuelle de l’obligation de moyens se révèle inefficace : il faut passer à une obligation de résultats. En outre, on ne saurait rabattre la responsabilité de l’État et des pouvoirs publics, qui autorisent certaines substances, sur celle des agriculteurs qui les utilisent.

Pour ces raisons, je suis défavorable au texte adopté par le Sénat. Je suis favorable à l’open data des produits phytosanitaires, comme de toutes les données dont dispose l’administration, mais je ne souhaite pas que l’on impose un formulaire administratif de plus aux agriculteurs.

Les surdosages sont une réalité, de même que l’utilisation de pesticides interdits, que l’on retrouve par exemple dans l’air de ma région ; mais la création d’un registre ne résoudra nullement ce problème. Les substances interdites, en effet, n’y seront pas davantage déclarées qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Mme la rapporteure. Je suis entièrement d’accord avec Mme Batho et M. Caullet. Je suis donc favorable aux amendements de suppression. Inutile d’en rajouter : cela ne résoudra pas les problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. Il faut travailler différemment.

Mme la secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je partage cet avis.

La commission adopte les amendements de suppression.

En conséquence, l’amendement CD602 de la rapporteure tombe et l’article 51 decies A est supprimé.

Article 51 undecies A (article 214-17 du code de l’environnement) : Articulation entre la continuité écologique des cours d’eau et la préservation des moulins (supprimé)

La commission aborde l’amendement CD603 de la rapporteure, tendant à supprimer l’article.

Mme la rapporteure. Cet article porterait atteinte à la restauration des continuités écologiques. Or nous devons être très prudents sur ces sujets.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.

M. Julien Aubert. Cette argumentation nous laisse un peu sur notre faim ! L’objectif de l’article est de « concili[er] [le] rétablissement de la continuité écologique avec les différents usages de l’eau, en particulier le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable » : cela ne paraît pas critiquable. Mme la rapporteure indique que la mesure porterait atteinte à la restauration des continuités écologiques, mais ces mécanismes de production d’électricité d’origine renouvelable existent déjà. Quel risque cet article, dont la rédaction me semble plutôt pragmatique, comporte-t-il précisément ?

M. Jean-Marie Sermier. Personne ne conteste la nécessité des corridors écologiques dans l’eau et de la circulation des poissons. Mais certains ouvrages et usages permettent de produire de l’électricité tout en préservant les intérêts environnementaux, patrimoniaux ou sportifs – je songe aux sports aquatiques. Prenons donc garde de détruire des barrages qui n’empêchent pas les poissons migrateurs de se déplacer.

Mme la rapporteure. Aux termes de la directive-cadre sur l’eau, il faut restaurer la continuité écologique de nos rivières – la trame bleue. Nous avons des outils qui permettent d’appliquer cette directive, en particulier les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) lorsqu’ils existent. Dans ce cadre, tout ouvrage doit faire l’objet d’un examen, en concertation avec ses propriétaires, afin de savoir s’il est nécessaire ou non de l’aménager ou de l’araser.

Il serait très difficile de « privilégi[er] les mesures d’aménagement ou de gestion des ouvrages chaque fois que le bilan entre les coûts et les avantages desdites mesures en comparaison d’une mesure d’effacement le justifie », comme le préconise l’article.

Il y a aujourd’hui une véritable fronde des propriétaires de moulins ou d’autres ouvrages qui refusent la directive-cadre sur l’eau et veulent empêcher toute intervention sur leurs ouvrages. Nos collègues Françoise Dubois et Jean-Pierre Vigier ont publié à ce sujet un rapport très intéressant qui rappelle les objectifs de la directive. Personne n’oblige à l’effacement des ouvrages, mais il est indispensable de les améliorer au cas par cas, qu’ils soient hydroélectriques ou non. Le maître d’ouvrage, par exemple un syndicat mixte, doit pouvoir travailler avec chaque propriétaire pour étudier avec lui la possibilité de maintenir l’ouvrage.

La réglementation actuelle est conservée : nul besoin de cet article pour mettre en œuvre la trame bleue, absolument nécessaire à la circulation des poissons et au transport des sédiments.

Mme Françoise Dubois. Je suis d’accord avec la rapporteure, mais il est un peu dommage de supprimer l’article. En effet, les propriétaires de moulins sont des acteurs importants en matière de continuité écologique aquatique ; or, en préparant notre rapport d’information avec Jean-Pierre Vigier, nous nous sommes aperçus que ce ne sont pas eux qui sont le plus écoutés. Voilà pourquoi nous avions fait part de nos réserves vis-à-vis de l’effacement des barrages et de l’installation de passes à poissons, qui ne sont pas toujours très utiles mais qui coûtent très cher.

Les propriétaires des moulins, qui ont des droits et des devoirs, entretiennent en général correctement leur propriété, grâce aux associations et aux aides existantes. Il existe des solutions alternatives comme les rivières de contournement, qui ne coûtent rien, beaucoup moins cher en tout cas que les passes à poissons. Il peut donc être intéressant de conserver les ouvrages sur les petites rivières. Les propriétaires de moulins nous ont dit qu’ils n’étaient invités à participer à aucune instance de concertation, à la différence des pêcheurs ou des chasseurs : c’est regrettable.

M. Philippe Plisson. Je préside une communauté de communes qui gère un bassin versant et nous nous efforçons de restaurer la continuité écologique, en concertation avec les propriétaires de moulins. Il faut savoir qu’une alose ne peut pas franchir cinq obstacles consécutifs. Nous devons donc privilégier, soit la biodiversité, soit les moulins. Or ceux-ci sont pour les poissons des obstacles infranchissables.

N’est-ce pas une loi sur la biodiversité que nous examinons ? À un moment donné, il y a des choix à faire ; et, en ce qui me concerne, je fais le choix du poisson. (Sourires)

Il faut supprimer cet article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD1076 de la rapporteure, CD873 et CD1036 de M. Jean Launay, CD201 de M. Jean-Marie Sermier et CD690 de M. Jacques Krabal tombent, et l’article 51 undecies A est supprimé.

La séance est suspendue de vingt-trois heures vingt-cinq à vingt-trois heures trente.

Article 51 undecies B (article 214-17 du code de l’environnement) : Délai de trois ans accordé aux propriétaires de bonne foi pour la réalisation des travaux sur les moulins permettant l’amélioration de la continuité écologique

La commission est saisie de l’amendement CD202 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Plus de 2 200 cours d’eau sont actuellement classés en liste 2, ce qui impose que 15 000 ouvrages soient traités en cinq ans pour permettre la circulation des poissons migrateurs et le transport de sédiments. Or seule une centaine d’ouvrages est traitée chaque année dans chacun des grands bassins, soit environ 600 par an.

L’amendement propose donc de donner la priorité aux cours d’eau les plus sensibles, ceux qui sont classés « grands migrateurs », en introduisant un niveau de priorité supplémentaire au sein de la liste 2, afin d’agir de manière à la fois réaliste et proportionnée aux enjeux.

Mme la rapporteure. J’entends vos préoccupations. Je sais aussi – ce sujet important n’est pas consensuel – qu’il est nécessaire d’accorder un délai supplémentaire aux propriétaires d’ouvrages qui ont engagé des travaux. Je salue donc l’initiative qu’a prise le Sénat de voter cet article, et je soutiendrai par ailleurs dans un amendement à venir votre proposition de porter de trois à cinq ans le délai supplémentaire accordé aux propriétaires.

Mais l’introduction d’un niveau supplémentaire de priorité au profit des « grands migrateurs » impliquerait probablement leur classement dans une troisième catégorie, ce qui pourrait remettre en cause les processus en cours dans des rivières où il n’y a pas de migrateurs. Cela risque d’être contre-productif.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la secrétaire d’État. Je suis d’accord pour dire qu’il faut hiérarchiser les actions à mener. Mais l’amendement complique le dispositif existant, ajusté en première lecture. Donner la priorité aux poissons grands migrateurs par rapport aux espèces holobiotiques et à la restauration de l’hydromorphologie de nos rivières n’est pas une bonne idée. D’une part, cette stratégie concentre les efforts sur des situations complexes alors qu’il en existe beaucoup d’autres pour lesquelles il sera plus facile d’agir immédiatement avec succès, ce qui déclenchera une dynamique positive. D’autre part, elle ne résout pas le problème de la restauration de l’hydromorphologie, indispensable pour atteindre le bon état écologique demandé par l’Europe.

Avis défavorable.

M. Jean-Marie Sermier. Je suis plutôt satisfait que vous souhaitiez prolonger le délai, Madame la rapporteure. Mais je répète les chiffres : 15 000 ouvrages à traiter, alors que 600 le sont chaque année ; à ce rythme, il faudrait 25 ans pour réaliser la totalité de l’opération. J’accepte toutefois de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD465, CD464, CD463 et CD467 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CD203 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Comme je l’ai indiqué lors de l’examen de l’amendement CD202, il s’agit de porter de trois à cinq ans le délai supplémentaire consenti aux exploitants ou propriétaires.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Mme la secrétaire d’État. J’ai conscience de l’ampleur du travail que nécessite la restauration de la continuité écologique de l’ensemble de nos rivières. Le Sénat a ainsi introduit par amendement la possibilité d’accorder un délai de réalisation supplémentaire aux exploitants ou propriétaires de bonne foi qui ont entamé les démarches nécessaires en déposant leur dossier auprès de l’administration mais n’ont pu effectuer les travaux dans les délais prévus ; cet amendement avait été accueilli favorablement par Ségolène Royal. Toutefois, porter ce délai supplémentaire de trois à cinq ans, comme le propose M. Sermier, me semble excessif. Avis défavorable.

Mme Laurence Abeille. Je partage l’avis de Mme la secrétaire d’État. Si nous allongeons encore le délai accordé pour la réalisation des travaux, nous savons que, dans deux ou trois ans, nous n’aurons toujours pas avancé. Il faut envoyer un signal aux exploitants et aux propriétaires.

M. Jean-Marie Sermier. Il faut en effet leur envoyer un signal, mais en portant le délai supplémentaire dont ils peuvent bénéficier à cinq ans, faute de quoi toutes les opérations ne pourront pas être réalisées. En outre, et vous l’avez précisé avec juste raison, Madame la secrétaire d’État, ce délai serait accordé aux propriétaires et exploitants de bonne foi, qui ont déjà déposé leur dossier administratif. Il s’agit simplement de leur donner le temps nécessaire pour réaliser les travaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CD466 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 51 undecies B ainsi modifié.

Article 51 undecies (articles L. 218-83, L. 218-84, L. 218-86, L. 612-1, L. 622-1, L. 632-1 et L. 640-1 du code de l’environnement) : Contrôle et gestion des eaux de ballast et des sédiments des navires

La commission adopte l’article 51 undecies sans modification.

Article 51 duodecies A (article 167 de la loi n° 2015 992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) : Abrogation d’une habilitation à légiférer par ordonnance

La commission adopte l’article 51 duodecies A sans modification.

Article 51 duodecies (articles L. 219-1 à L. 219-6 du code de l’environnement) : Régime d’opposabilité des documents stratégiques de façade et des documents stratégiques de bassin maritime et transposition de la directive du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime

La commission examine l’amendement CD972 de Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Cet amendement de cohérence rédactionnelle vise à substituer au mot : « valorisation », les mots : « utilisation durable ».

Mme la rapporteure. Favorable.

Mme la secrétaire d’État. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD468 et CD469 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CD470 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence qui tend à supprimer l’alinéa 12 de l’article 51 duodecies, introduit en commission au Sénat pour tenir compte de l’insertion en séance publique des alinéas 22 à 27, qui visent le même objectif, à savoir la transposition de la directive du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime.

Mme la secrétaire d’État. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CD1037 de Mme Viviane Le Dissez tombe

La commission est saisie des amendements identiques CD36 de M. Michel Heinrich et CD906 de M. Gérard Menuel.

M. Michel Heinrich. Les alinéas 11 à 13 de l’article 51 duodecies précisent le contenu des documents stratégiques de façade, déclinaisons territorialisées de la stratégie nationale en mer. Cependant, aucune disposition légale ne vient encadrer le dispositif d’élaboration de ces documents, qui est intégralement renvoyé à un décret ultérieur. Au vu de l’importance stratégique de ces documents et de leur opposabilité aux documents d’urbanisme et donc au projet de territoire des collectivités territoriales littorales, il conviendrait, d’une part, que les élus des collectivités territoriales littorales soient associés à leur élaboration au travers des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et des structures porteuses des schémas de cohérence territoriale, comme c’est le cas pour le schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité du territoire (SRADDET), et, d’autre part, que le projet de document stratégique de façade soit adressé pour avis à ces personnes publiques.

M. Gérard Menuel. L’article et le décret d’application prévoient d’inscrire ces documents dans le corpus du droit de l’urbanisme en les rendant opposables aux PLU, aux PLUI et aux schémas de cohérence territoriale (SCoT). Or, malgré l’importance des documents stratégiques de façade pour la définition du projet des territoires littoraux, la loi reste muette sur l’association des élus locaux à leur élaboration ; l’amendement vise à corriger cette anomalie.

Mme la rapporteure. La consultation des EPCI compétents en matière de PLUI et la réalisation d'une enquête publique alourdiraient considérablement la procédure de réalisation des documents stratégiques de façade. C'est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Ces amendements visant à soumettre le document stratégique de façade à enquête publique ne sont pas adaptés, compte tenu de l’échelle de ces documents : quatre façades pour le littoral de la France métropolitaine. Cette enquête publique alourdirait la procédure, alors que la mise à disposition du public, qui figure dans la loi actuelle, répond aux obligations définies par la directive sur la planification de l’espace maritime. Par ailleurs, il convient de rester cohérent avec la procédure de mise à disposition du public retenue pour le plan d’action pour les milieux marins, qui forme un chapitre du document stratégique de façade. Avis défavorable.

M. Michel Heinrich. À quel moment les collectivités concernées sont-elles associées à l’élaboration du document stratégique de façade ? Jamais.

Mme la secrétaire d’État. C’est prévu par voie réglementaire.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD471, CD472, CD473, CD474 et CD475 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 51 duodecies ainsi modifié.

Article 51 terdecies A (articles L. 541-10 et L. 541-10-5 du code de l’environnement) : Interdiction des cotons-tiges à tige en plastique et création de sanctions pour le non-respect de l’interdiction des sacs, verres, gobelets, assiettes et cotons-tiges en plastique

La commission est saisie de l’amendement CD641 de M. Yves Goasdoué.

Mme Viviane Le Dissez. Cet amendement vise à permettre l’écoulement des stocks de bâtonnets ouatés dont la tige est en matière plastique qui auront été mis en vente préalablement à la date d’entrée en vigueur de leur interdiction.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD1058 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’article 51 terdecies A vise à interdire les cotons-tiges utilisés dans le cadre domestique et qui, bien souvent, sont jetés dans la cuvette des toilettes, ce qui entraîne une pollution des plages et du milieu marin. Toutefois, pour éviter qu’une lecture trop littérale de l’article – qui fait référence aux « bâtonnets ouatés », sans autre précision – ne conduise à appliquer cette interdiction à d’autres dispositifs – par exemple les dispositifs médicaux utilisés pour les examens de biologie médicale en laboratoire – qui peuvent faire l’objet de modalités de collecte particulières, le présent amendement vise à préciser que l’interdiction s’applique aux seuls bâtonnets ouatés à usage domestique. (Sourires)

Mme la secrétaire d’État. Favorable. En effet, il n’est pas opportun d’interdire les bâtonnets à usage médical, qui font l’objet d’une collecte particulière et risquent donc moins d’être rejetés dans le milieu naturel.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD1059 de la rapporteure et CD1060 de M. Yves Goasdoué.

Mme la rapporteure. L’article 51 terdecies A tend à interdire la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit de bâtonnets ouatés dont la tige n’est pas composée de papier biodégradable et compostable en compostage domestique. Cependant, il peut être intéressant de permettre le développement de matériaux qui ne soient ni du papier ni du plastique. C’est pourquoi mon amendement vise à limiter l’interdiction aux seuls cotons-tiges dont la tige est en plastique.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Laurence Abeille. Nous nous efforçons de limiter la pollution de l’eau en interdisant les bâtonnets en plastique, mais peut-être devrions-nous nous pencher également sur la composition du coton… (Rires)

Mme Catherine Beaubatie. De toute façon, la Faculté déconseille l’utilisation auriculaire de cotons-tiges ! (Rires)

La commission adopte l’amendement CD1059. En conséquence, l’amendement CD1060 tombe.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CD1057 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement complète les précédents.

Mme la secrétaire d’État. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle passe ensuite à l’examen, en discussion commune, des amendements CD605 rectifié de la rapporteure et CD1009 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Mon amendement vise à interdire la production, la distribution et la vente de produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comprenant des particules de plastique solides. En effet, ces produits sont, à l’instar des cotons-tiges, une source majeure de la pollution des océans par les matières plastiques dont l’accumulation dans le milieu marin est un problème environnemental mondial. Les conséquences de cette pollution sur la biodiversité marine et la santé humaine suscitent une vive inquiétude des scientifiques. Il est donc essentiel de légiférer afin de restreindre la production de ces matériaux.

Je précise que nous avons renoncé à inclure dans cet amendement l’interdiction des détergents et des produits d’entretien qui comportent également des micro-billes en plastique, car il semble que, pour ces produits, l’élaboration de matériaux de substitution prenne plus de temps. Je souhaiterais néanmoins que Mme la secrétaire d’État nous indique comment nous pourrions également les prendre en compte.

Mme la secrétaire d’État. Il me semble en effet très pertinent de limiter l’utilisation des micro-billes de plastique, dans la mesure où celles-ci contribuent à la pollution marine et à la constitution des fameux continents de plastique. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé l’amendement CD1009, après une longue concertation avec les professionnels des cosmétiques. Sur le fond, Mme la rapporteure propose d’organiser la même interdiction, mais elle suggère d’anticiper la date de son entrée en vigueur. Or, il s’agit d’un sujet très sensible pour les entreprises de l’industrie cosmétique française, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME), dont la rotation des stocks n’est pas très importante et qui, contrairement à certaines grandes entreprises, n’ont pas pris des engagements de reformulation par anticipation. Les PME ne souhaitent pas non plus que soit fixée une date d’interdiction de vente au public. Il n’est en effet pas légitime de détruire des stocks de produits pour mettre en œuvre une mesure de protection de l’environnement. Je propose donc à Mme la rapporteure de retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement.

En ce qui concerne l’interdiction des détergents, nous y viendrons, mais nous devons agir progressivement. L’interdiction des micro-billes en plastique est, à cet égard, un signal très important adressé à l’ensemble de l’industrie.

M. Jean-Yves Caullet. Ces micro-billes en plastique sont nocives, quel que soit le produit dans la composition duquel elles entrent. Je voterai bien entendu l’amendement du Gouvernement, mais il aurait été préférable, me semble-t-il, de formuler une interdiction générale, quitte à confier au pouvoir réglementaire l’application de cette interdiction dans chaque secteur à des dates pertinentes en fonction des contraintes économiques.

M. François-Michel Lambert. Très juste !

L’amendement CD605 rectifié est retiré.

La commission adopte l’amendement CD1009.

Puis elle examine l’amendement CD1070 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à sécuriser la rédaction des sanctions administratives prévues au présent article. Il s’agit en effet de respecter le principe de proportionnalité, en proposant que le montant de ces sanctions ne puisse excéder, par unité ou par tonne de produit concerné, 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale. Il s’agit bien d’amendes maximales qui correspondent à des cas extrêmes. Cela ne permet pas pour autant au juge d’infliger des amendes disproportionnées, comme le souligne l’emploi des termes suivants : « une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés ».

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 51 terdecies A ainsi modifié.

Article 51 terdecies (article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales) : Modulation de la dotation de solidarité rurale pour les communes qui maîtrisent leur éclairage public

La commission est saisie de l’amendement CD607 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir l’article 51 terdecies, supprimé par le Sénat, et qui visait à inciter les communes à la sobriété énergétique en favorisant celles qui limitent l’éclairage public inutile pendant la nuit grâce à une modulation de la dotation de solidarité rurale.

Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Jean-Marie Sermier. Sur le fond, il s’agit d’un bon amendement, mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. S’il existe des solutions permettant de réduire l’éclairage la nuit, il est important de maintenir, pour des raisons de sécurité, une forme d’éclairage dans les principales rues d’une commune, notamment certains jours de la semaine. La modulation de la dotation de solidarité rurale ne devrait donc pas être soumise à la condition d’une interdiction pure et simple de l’éclairage public nocturne.

Mme la rapporteure. Nous sommes d’accord. Du reste, les communes qui limitent l’éclairage public nocturne utilisent des mécanismes qui permettent de sécuriser la circulation des piétons, par exemple. Néanmoins, le moment est venu d’inciter les communes – qui sont de grandes consommatrices d’énergie, même lorsqu’elles utilisent des LED – à limiter cet éclairage. Sinon, nous ne parviendrons jamais à réaliser des économies d’énergie et à préserver la biodiversité nocturne.

La commission adopte l’amendement.

L’article 51 terdecies est ainsi rétabli.

Article 51 quaterdecies (article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime) : Restriction de l’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD126 de M. Arnaud Leroy, CD504 de Mme Laurence Abeille et CD556 de Mme Delphine Batho, ainsi que l’amendement CD589 de M. Philippe Plisson.

M. Gérard Bapt. Notre amendement vise à rétablir l’interdiction de tous les produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits – que Mme Delphine Batho et moi-même avions fait adopter par l’Assemblée nationale en avril dernier –, tout en reportant d’un an la date d’application de cette interdiction. Le Sénat a en effet supprimé cette disposition – avec l’accord du Gouvernement, me semble-t-il – en adoptant une mesure qui, si elle tient compte de la dangerosité de plus en plus reconnue de ces produits, se situe en deçà d’une interdiction générale.

Que s’est-il passé depuis le vote du texte en première lecture à l’Assemblée nationale ? Une mobilisation importante a eu lieu, dont rend compte, du reste, le nombre important des signataires de cet amendement, et des éléments nouveaux sont apparus. Tout d’abord, une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), commandée par le Gouvernement, a confirmé la nécessité de maintenir le moratoire de trois ans décidé au niveau européen, moratoire qui concerne cependant l’utilisation de trois substances contenant des néonicotinoïdes et qui est limitée à certaines cultures pendant certaines saisons. Ensuite, une étude conjointe de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a, pour la première fois, démontré la nocivité de ces substances pour les colonies d’abeilles. Une autre étude, publiée à Londres par la Royal Holloway University, a prouvé la réduction des services de pollinisation assurés par les bourdons et a mesuré, pour la première fois, les conséquences économiques d’une telle réduction sur la production de pommes. Enfin, une étude du ministère de l’écologie publiée en novembre 2015 sur la détection des pesticides dans les cours d’eau français a montré que le néonicotinoïde le plus vendu en France a connu une progression fulgurante, qui témoigne de l’extraordinaire succès commercial que rencontrent les produits de cette famille.

De fait, cet insecticide neurotoxique est très efficace, bien plus encore que le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), par exemple, qui a été retiré du marché en Europe et dont on a montré, au Brésil, où il est encore utilisé dans les favelas, qu’il augmentait les risques de malformation à la naissance. On connaît très bien les mécanismes par lesquels ces produits portent atteinte à la biodiversité. En revanche, on ne connaît pas encore leurs effets à long terme sur l’homme, notamment sur le développement des enfants ou au stade fœtal. Toutefois, la nicotine est interdite aux femmes enceintes et des études cliniques menées au Japon – où le Gaucho est très utilisé – ont révélé des cas d’intoxication suraiguë entraînant l’hospitalisation d’adultes, sur qui l’effet décline en deux à trois semaines. J’ajoute qu’il est désormais démontré que ces substances sont nocives pour les pollinisateurs sauvages que sont les bourdons et les abeilles, mais aussi pour les papillons nocturnes.

C’est pourquoi nous vous proposons, avec le soutien de la corporation des agriculteurs, d’interdire ces néonicotinoïdes, qu’ils soient utilisés en semences ou en épandage foliaire, à compter du 1er janvier 2017.

Mme Laurence Abeille. Nous avions considéré le vote de cette disposition en première lecture comme une formidable victoire, tant ces produits sont nocifs pour la biodiversité et probablement pour la santé humaine, puisque nous avons connaissance d’indices alarmants à ce sujet. L’un des arguments avancés par les sénateurs et le Gouvernement en faveur de la suppression de cette disposition est que le droit européen interdirait à la France d’intervenir dans la réglementation des substances actives, en l’espèce les néonicotinoïdes, réglementation qui relèverait exclusivement d’une décision européenne. Je rappelle pourtant que l’État français est souverain en matière d’autorisation ou d’interdiction des produits contenant de telles substances. En effet, en vertu de l’article 69 du règlement européen n° 1107/2009, lorsqu’il apparaît qu’une substance active ou un produit phytopharmaceutique est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou l’environnement, un État membre ou la Commission européenne peut engager une procédure visant à en restreindre ou à en interdire l’utilisation et la vente.

Nous disposons désormais, sur ce sujet, d’une information abondante, dont la population a aujourd’hui connaissance. Selon les sondages, elle souhaite, du reste, que l’on en finisse avec ces produits dangereux qui maltraitent l’environnement. Il n’y pas si longtemps, lorsqu’on roulait en voiture la nuit, le capot et le pare-brise de la voiture étaient constellés d’insectes ; aujourd’hui, cela ne se produit plus. La pollinisation, que l’usage de ces substances met en péril, est un enjeu fondamental pour l’avenir de l’humanité. Il faut donc mettre fin à la commercialisation et à l’utilisation de ces produits.

M. Arnaud Leroy. Tout a été dit par Gérard Bapt. Si c’est une première que d’interdire par la loi certaines substances, il nous faut l’assumer, compte tenu de la somme de données dont nous disposons sur leur nocivité pour la santé publique et l’environnement. Lors de la COP21, la crise climatique a été présentée comme le défi majeur pour l’humanité, mais la perte de la biodiversité représente un enjeu tout aussi important : nous assistons à une vague d’extinction d’espèces, notamment de pollinisateurs, parfaitement documentée.

Nous devons donc prendre nos responsabilités, dans le respect du droit européen, comme l’a expliqué ma collègue Laurence Abeille. La France peut, si elle le décide, se protéger. Il n’y a pas de problématique de marché. Peut-être faudra-t-il ensuite mettre en place des contrôles aux frontières pour s’assurer que ces substances interdites ne pénètrent pas en fraude dans notre pays.

En tout cas, c’est un beau combat. Avec les mesures proposées, nous touchons à l’essence même du projet de loi : donner une vraie valeur aux services que nous rend la nature. Il s’agit de protéger la nature quand elle doit l’être, de l’exploiter quand on le peut, en s’assurant que d’autres pourront le faire après nous. Nous sommes face à un choix politique important, et je serai ravi de voter pour ces amendements.

M. Philippe Plisson. Mon amendement va dans le même sens que les précédents. En plus, j’avais signé le premier amendement de Delphine Batho et Gérard Bapt, et j’avais demandé à signer le CD556, mais mon nom s’est perdu dans les sables. (Sourires)

Je veux donc m’associer à cet amendement qu’évidemment je voterai des deux mains.

Mme la rapporteure. Je ne vais pas répéter les arguments développés en soutien de cet amendement que nous souhaitons rétablir concernant l’utilisation des néonicotinoïdes. Je rappelle cependant que ces substances ont un impact fort sur la santé publique et sur la faune, mais aussi sur la diversité de la flore.

Ce projet de loi sur la reconquête de la biodiversité mérite que nous prenions nos responsabilités. Comme nous l’avions fait en première lecture, nous devons agir en faveur de la santé, d’une alimentation saine et de la protection des abeilles. De mon point de vue, il faut interdire ces produits. En les interdisant, nous servons aussi les agriculteurs : il y a d’autres moyens de cultiver que d’utiliser encore et toujours plus ces produits qui sont maintenant quasiment passés dans les mœurs, ce que nous regrettons. Comme Gérard Bapt l’a rappelé, leur usage a augmenté de 9 % en l’espace de trois ans, ce qui est énorme.

Si nous ne faisons rien, nous allons nous engager encore plus dans ce cercle vicieux. Ces substances continueront à mettre des bébés en difficulté, à tuer des agriculteurs, des concitoyens, nos abeilles et nos insectes pollinisateurs. Finalement, elles continueront d’anéantir tout ce dont nous profitons pour vivre sur cette planète.

Il est important de rétablir cette interdiction, avec force et conviction, parce que c’est le seul chemin qui nous permettra d’aller jusqu’au bout de cette reconquête que nous souhaitons de tous nos vœux. Je suis favorable à ces amendements.

Mme la secrétaire d’État. La question des risques liés à l'usage des néonicotinoïdes est un sujet très important et très sensible, sur lequel il faut faire preuve d’ambition et de sens des responsabilités. Cette famille d'insecticides comporte cinq substances autorisées dans l'Union européenne. Depuis plusieurs années, il est avéré que trois d’entre elles ont de lourdes conséquences sur les insectes pollinisateurs, mais aussi sur la santé des agriculteurs.

Le moratoire français imposé sur le Cruiser dès 2012 a conduit l'Union européenne à opter en 2013 pour un moratoire partiel sur les trois substances suspectées d'avoir un effet sur les abeilles. Cependant, malgré la mise en place de ces premières mesures, l'usage des néonicotinoïdes a augmenté fortement au cours des deux dernières années en France – de 26 % entre 2013 et 2014 –, notamment celui des trois substances soumises au moratoire européen.

Afin d'assurer une meilleure protection des abeilles et des pollinisateurs sauvages, dont l'action est indispensable tant pour la biodiversité que pour les productions agricoles elles-mêmes, Ségolène Royal a entrepris diverses démarches. Fin 2014, une action spécifique a été décidée dans le cadre de la conférence environnementale pour que la France ait une démarche volontariste au niveau européen.

En mai dernier, Ségolène Royal a ainsi adressé une note à la Commission européenne pour demander une accélération des réévaluations des substances néonicotinoïdes en cours, et au minimum, un maintien des restrictions d'usage actuelles. Lors d'une communication en conseil des ministres, elle a également rappelé que la France s'engageait fortement dans une démarche d'extension du moratoire européen à l'ensemble des pesticides néonicotinoïdes.

Dans le cadre du plan d'action « France terre de pollinisateurs », Ségolène Royal a veillé à ce que des actions sur les néonicotinoïdes soient identifiées, notamment la valorisation de projets territoriaux et le développement d'alternatives dans le cadre du nouveau plan Écophyto.

Elle a par ailleurs saisi l'ANSES, le 24 juin dernier, afin que cette agence s'implique fortement dans les réévaluations en cours au niveau européen, et qu'elle évalue l'ensemble des études sur ce sujet. Le rapport de l'ANSES, remis le 12 janvier dernier et rendu public, confirme qu'en l'absence de mesures de gestion adaptées, l'utilisation des néonicotinoïdes a de sévères effets négatifs sur les pollinisateurs.

L'ANSES indique que deux types d'usages sont plus particulièrement critiques : ceux qui sont déjà soumis au moratoire européen ; l'usage de semences enrobées, y compris pour les céréales d'hiver, qui nécessiteraient pour la protection des abeilles des règles impossibles à mettre en œuvre au regard des pratiques agricoles réelles. Seule l’interdiction de cet usage permet de protéger les pollinisateurs.

En l'état des connaissances, l'ANSES considère que les autres usages – en serres notamment – sont moins critiques ou qu'ils nécessitent des compléments de vérification qu'elle sollicitera auprès des industriels concernés.

Au niveau européen, la question des risques liés à l'usage des néonicotinoïdes est également un sujet très important. Les autorités allemandes ont ainsi décidé de ne pas autoriser leur usage pour le traitement de semences des céréales d'hiver. Quant à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), elle a confirmé en septembre 2015 ses conclusions de 2013 concernant la réévaluation sur les usages en pulvérisation foliaire, qui avaient justifié les restrictions d'usages. La réévaluation complète des trois substances soumises au moratoire européen sera d'ailleurs finalisée en 2016, et la réévaluation des deux autres néonicotinoïdes sera terminée en avril 2017 et avril 2018.

Ces conclusions vont dans le sens des résultats issus de plusieurs études publiées l'année dernière : le rapport du Conseil européen des académies des sciences, qui met en évidence le caractère dommageable des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs et les milieux ; l'étude de l'ANSES relative à la coexposition des abeilles aux facteurs de risques, qui préconise une diminution des stress chimiques – notamment des néonicotinoïdes – auquel sont confrontées les abeilles. Il y a deux semaines, l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), l’équivalent pour la biodiversité du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a aussi rappelé l’importance des pollinisateurs, notamment pour l’agriculture.

Face à tous ces éléments, nous devons prendre nos responsabilités ; l’État français doit prendre ses responsabilités. Sur le principe, je ne peux qu’être favorable à ces amendements. Mais nous devons aussi nous assurer d’aboutir à un résultat, une fois que ce projet de loi aura terminé la navette parlementaire. C’est pourquoi Ségolène Royal a soutenu au Sénat un amendement de Chantal Jouanno qui reprenait plus strictement les recommandations du rapport de l’ANSES sur l’interdiction des semences enrobées.

Ici, un tel choix ne se présente pas, puisque nous sommes seulement en présence d’amendements visant à une interdiction globale de ces substances. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée concernant ces amendements, mais vous avez bien compris que, selon moi, nous devons être courageux.

M. Jean-Marie Sermier. Nous devons certes être courageux, mais nous devons aussi faire attention aux effets de manches, et respecter les agriculteurs et l’ensemble de nos concitoyens qui attendent de nous des décisions fondées sur des éléments précis.

Avant de revenir sur un certain nombre de contre-vérités qui ont pu être énoncées, je voudrais faire une mise au point : dans cette assemblée, il n’y a pas, d’un côté, des députés qui seraient pour les abeilles, la pollinisation, l’environnement, le respect de la planète, etc. et, de l’autre, des députés qui seraient favorables à je ne sais quelle industrie chimique. (Murmures) La loi sur la biodiversité nous a tous mobilisés pour atteindre un objectif : laisser aux générations qui vont nous succéder une planète au moins aussi propre que celle dont nous avons hérité. Dans le même temps, nous devons veiller à ce que la planète puisse produire une certaine quantité de nourriture, car la production agricole est essentielle à la vie.

De telles mesures sont-elles compatibles avec les textes européens ? Il est faux de dire qu’un État peut librement refuser tel ou tel produit. Le refus d’un produit ne peut être que le fruit d’une décision mûrement réfléchie et étayée par des éléments scientifiques reconnus. Les éléments scientifiques ont été demandés à l’ANSES par le Gouvernement. Début janvier, l’agence a produit une étude qui conforte l’idée que les néonicotinoïdes sont des insecticides dangereux et qui précise qu’il faut encadrer leur utilisation, ainsi que le Sénat a décidé de le faire. En aucun cas, l’étude ne demande l’interdiction de ces substances.

Mme la secrétaire d’État. Si !

M. Jean-Marie Sermier. Si nous décidions d’interdire les néonicotinoïdes à compter du 1er janvier 2017, nous irions tout droit vers un recours justifié, et qui aurait toutes les chances de succès, en vertu du règlement européen n° 1107/2009.

Quelles seraient les conséquences d’une interdiction ? Comme il n’y a pas de molécule de substitution pour l’enrobage des semences, l’interdiction conduirait une utilisation plus importante des insecticides foliaires. Il faut bien traiter les ravageurs de cultures. Or nous n’avons aucun produit de substitution pour traiter la jaunisse de la betterave ou la flavescence dorée de la vigne. Pour venir à bout des cicadelles, nous serions obligés d’utiliser d’autres insecticides. Une interdiction des néonicotinoïdes se traduirait par une augmentation de l’utilisation d’autres insecticides qui ne sont pas meilleurs pour la santé quand ils sont mal utilisés.

Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure. Pour ma part, je fais confiance aux agriculteurs et aux viticulteurs. Ils savent comme tout le monde que les produits phytosanitaires présentent à la fois des avantages et des risques ; ils ne s’en servent pas pour le seul plaisir d’utiliser leur pulvérisateur. Il faut considérer ces produits comme des médicaments pour les cultures, qui peuvent être victimes de ravageurs et de maladies. Or un malade respecte la posologie prescrite par son médecin, il ne prend pas dix fois la dose. Quand ils sont utilisés avec bienveillance et dans le respect de la loi, ces insecticides ne présentent pas les dangers dont vous parlez.

Vous évoquez la pollinisation et les abeilles. Or l’étude qui nous a été présentée dans cette salle est extrêmement claire : elle indique que le risque pour les abeilles ne peut pas être démontré, qu’il n’y a pas de certitude sur le plan statistique. Une chose est sûre : la mortalité des abeilles est plus forte dans le nord de l’Europe, là où l’on n’utilise absolument pas les néonicotinoïdes. Par conséquent, il faut faire attention à ce qu’on dit et aux relations directes, parce qu’on s’est aperçu que les abeilles étaient notamment victimes de certains problèmes sanitaires qui n’étaient pas mis en avant.

Rappelons aussi que les néonicotinoïdes ne sont pas seulement utilisés en agriculture. Certains biocides contiennent des néonicotinoïdes. Tous ces produits vont-ils être supprimés ? Va-t-on renoncer à lutter contre les insectes et les parasites qui sont vecteurs de maladies humaines telles que la typhoïde ou la tuberculose, ou de maladies animales telles que la fièvre aphteuse ou la peste porcine ?

Madame Laurence Abeille, je reconnais que certaines études alertent sur les dangers de ces substances, un peu comme Gilles-Eric Séralini dénonçait la toxicité du Roundup : si on met du glyphosate dans leur boisson, les rats développent des tumeurs, nous disait-il. Évidemment ! (Murmures divers) À ces niveaux d’ingestion, il y a évidemment des problèmes et des maladies. Les néonicotinoïdes ont obtenu des autorisations de mises sur le marché (AMM) qui continuent d’être valides et de faire l’objet de recherche de la part des organismes des vingt-huit pays de l’Union européenne et d’autres. Il faut faire confiance à la recherche.

Les sénateurs ont trouvé un point d’équilibre. Considérant que ces produits sont sans doute dangereux, ils ont cherché le moyen d’encadrer leur usage. Ils proposent que, dans les trois mois après la promulgation de la loi, le ministre de l’agriculture prenne un arrêté pour préciser l’utilisation des néonicotinoïdes. Une interdiction à compter de janvier 2017 serait inévitablement source de pollution supplémentaire par d’autres insecticides.

M. Jean-Yves Caullet. Tout le monde peut s’accorder sur deux choses : le caractère toxique de ces produits ; la nécessité d’avoir des agricultures qui, petit à petit, se libèrent des pesticides ou, tout au moins, qui y recourent le moins possible. Mais un autre constat s’impose : ce n’est pas l’interdiction d’une molécule qui peut entraîner, à elle seule, le basculement de tout système agronomique. Même si nous adoptions ces amendements, le système agronomique français ne changerait pas au 1er janvier 2017 ; son évolution prendra du temps.

Prenons les traitements de semences. En la matière, l’ANSES préconise des précautions d’utilisation et non pas une interdiction totale. Si ces préconisations étaient appliquées au 1er janvier 2017, elles provoqueraient un report vers d’autres produits dans les exploitations, parce que le système ne sera pas devenu agro-écologique dans l’intervalle. À système agronomique égal, l’interdiction d’une substance conduira à un report vers d’autres produits.

Selon l’ANSES, l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences n’est pas anodine : il y a des transmissions dans la plante, des rémanences, etc. J’en suis tout à fait convaincu et cela a d’ailleurs été parfaitement démontré. Cela étant, je suis sûr aussi que les effets les plus dramatiques de ces substances, ceux qu’a cités notre collègue Bapt sur la santé humaine notamment, sont liés aux aspersions. Avec ce mode d’utilisation, les néonicotinoïdes présentent une dangerosité directe pour les utilisateurs comme pour les consommateurs de produits.

Nous ne sommes pas obligés de choisir entre tout ou rien. Il n’y a pas, d’un côté, la solution courageuse consistant à interdire et, de l’autre, l’aveuglement conduisant à ne rien faire. Le Sénat ne propose pas de ne rien faire. Sa proposition peut être jugée insuffisante mais soyons clairs : il ne s’agit pas de ne rien faire et le Gouvernement réaffirme au passage sa volonté d’aller vers la diminution puis la substitution complète, voire l’interdiction, de ces produits toxiques.

Se pose, en outre, le problème, que j’allais dire corrélatif, concernant l’usage de ces produits en dehors de l’agriculture, notamment dans les biocides utilisés en milieu hospitalier. Seul Philippe Plisson visait spécifiquement le domaine phytosanitaire dans son amendement qu’il a malheureusement abandonné. Tels qu’ils sont rédigés, tous les autres amendements posent un problème sur lequel nous serons bien obligés de revenir.

À titre de comparaison, on cite souvent l’Allemagne, pays qui a un climat beaucoup plus continental que le nôtre et qui n’est évidemment pas exposé aux mêmes attaques d’insectes sur ses cultures de céréales. Et, pour la France, les céréales représentent une production majeure.

Tout en ayant le même objectif que les auteurs de ces amendements, c'est-à-dire faire en sorte que l’agriculture française finisse par se passer des néonicotinoïdes, je pense qu’il faut procéder par étapes. Nous avons déjà interdit leur usage là où il n’était pas indispensable, à savoir sur les voies publiques et dans les jardins. Nous avons interdit leur pulvérisation. Que l’on restreigne leurs autres usages, au fur et à mesure que les progrès agronomiques le permettront, et nous toucherons au but sans avoir brisé notre système agronomique.

Une fois cette mutation achevée, l’agriculture française pourra en tirer un avantage compétitif. À terme, il faudrait d’ailleurs que les néonicotinoïdes ne soient plus du tout utilisés au niveau européen, et qu’une interdiction d’importation de produits qui en contiendraient des traces figure dans les traités transatlantiques. Ce serait une victoire supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, je préfère la voie empruntée par le Sénat, même si on peut muscler leur proposition, si je puis dire. Une interdiction serait certes un acte très démonstratif, mais nous aurions beaucoup de mal à la gérer dans les délais prévus.

M. Gérard Menuel. Je partage tout ce qui vient d’être dit par Jean-Marie Sermier et Jean-Yves Caullet. Nous devons prendre nos responsabilités, avez-vous dit, Madame la secrétaire d’État. Tout le monde est responsable, quand il y a des décisions à prendre. Nous irons vers une interdiction des néonicotinoïdes mais le délai proposé, le 1er janvier 2017, est tout à fait inapplicable dans les conditions actuelles pour l’agriculture.

La jaunisse fait des dégâts considérables sur l’orge de printemps ou d’hiver, comme nous l’avons constaté il y a une dizaine d’années, avant que ces produits ne soient utilisés : les rendements pouvaient baisser de 20 % ou 25 %. La céréaliculture peut être remise en cause du jour au lendemain. Dans le secteur de la betterave, nous avons aussi constaté de fortes chutes des rendements, il y a une dizaine d’années. Les néonicotinoïdes ont permis de mettre fin à la jaunisse qui gagnait en importance, d’année en année. Rappelons au passage, qu’il n’y a pas d’abeille sur les betteraves, plantes qui ne fleurissent pas sauf celles que l’on destine à produire des semences.

La brutalité d’une interdiction au 1er janvier 2017 aurait des conséquences économiques importantes. Au Sénat, un long débat dans lequel le Gouvernement s’est impliqué, s’est terminé par l’adoption d’un amendement visant à prendre en compte les alternatives de protection des cultures disponibles. Comme le disait mon prédécesseur, cette orientation me paraît salutaire. Elle permettra à la recherche d’évoluer au cours des prochains mois et des prochaines années. Au Sénat, tout le groupe socialiste et plus des deux tiers du groupe Les Républicains ont approuvé un amendement de Nicole Bonnefoy, ce qui prouve que, après une longue réflexion, la proposition pouvait convenir a minima à tout le monde.

Mme Delphine Batho. Sur ce sujet, il n’y a pas seulement une ou deux études scientifiques ; il existe plus de 1 100 études convergentes à l’échelle internationale. (Approbations) Nous ne discutons pas d’un vague problème lié à un produit chimique ; nous parlons d’un phénomène de contamination généralisée par un toxique extrêmement puissant ; l’une de ces substances est 5 000 à 10 000 fois plus puissante que le DDT interdit depuis bien longtemps.

Comme l’a indiqué Mme la secrétaire d’État, l’usage de ces substances augmentant, l’imidaclopride est passé en quelques années du cinquantième au douzième rang du classement des substances que l’on retrouve dans les cours d’eau et les rivières de France. Ces produits ont un impact sur la biodiversité, sur les pollinisateurs comme les abeilles, mais aussi sur les oiseaux et les milieux aquatiques. Ils ont aussi des conséquences sur un secteur de l’agriculture, l’apiculture, qui est confrontée à la diminution de 37 % des abeilles et des pollinisateurs sauvages en Europe.

S’il y a une brutalité, pour reprendre ce mot qui a été utilisé, c’est celle qui est subie par les abeilles. La dose létale de l’imidaclopride pour les abeilles est de 0,005 nanogramme ; cette dose multiplie par deux la mortalité des abeilles.

Les recommandations de l’ANSES – puisque ce n’est pas le rôle de l’Agence de prendre des décisions politiques – sont inapplicables parce qu’elles renvoient la responsabilité à l’agriculteur. Nous en revenons au même genre de débat que celui que nous avons eu sur l’affaire du registre. Selon le texte du Sénat, le ministre de l’agriculture prendrait un arrêté pour dire aux agriculteurs : vous ne devez pas planter des cultures attractives pour les pollinisateurs après des cultures provenant de semences traitées au néonicotinoïdes ou près de telles cultures. On rajoute un étage de complexité supplémentaire, faute d’avoir le courage politique de prendre la décision simple qui s’impose : interdire ces substances.

Certains évoquent des effets de transfert vers d’autres produits en cas d’interdiction des néonicotinoïdes. Si cet argument était recevable, Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture, n’aurait pas courageusement interdit le Cruiser OSR, comme il l'a fait en juin 2012. Si cet argument était recevable, la France n’aurait pas défendu le moratoire partiel, en décembre 2013 au niveau européen. D’ailleurs, le terme « moratoire » est inapproprié puisqu’il ne s’agit que de certaines restrictions d’usage.

Selon tous les scientifiques, la logique des restrictions par culture ou par type d’usage ne donne aucun résultat. Pourquoi de telles dispositions sont-elles inopérantes ? Imaginons que l’on n’interdise ces substances que sur les cultures censées servir de nourriture aux abeilles et pas sur les céréales à paille. Compte tenu de la rémanence de ces produits, le tournesol planté dans un champ où était cultivé du blé Gaucho quelques années auparavant, sera contaminé par les néonicotinoïdes.

S’agissant de l’eurocompatibilité, je signale que certaines substances sont interdites en France tout en étant autorisées au niveau européen. Je peux en fournir la liste à ceux que cela intéresse.

Pour finir, je voudrais surtout insister sur la convergence d’intérêts qui existe entre agriculteurs et apiculteurs. Dans l’Union européenne, 84 % des cultures dépendent des pollinisateurs sauvages. Les études scientifiques montrent qu’il n’y a pas eu d’effondrement des rendements agricoles après les décisions de restrictions d’usage qui ont été prises ; elles indiquent, à l’inverse, que sans pollinisateurs sauvages, la productivité du colza s’effondre de 70 % et celle du tournesol de 50 %. Au lieu d’opposer les uns aux autres, il faut comprendre qu’il existe une convergence des intérêts de tous. Même les rendements agricoles ont tout à gagner à la survie des abeilles et des pollinisateurs sauvages.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je suis, moi aussi, tout à fait favorable à l’interdiction de l’ensemble de ces substances actives. On peut toutefois se demander si la mesure proposée pourra être appliquée à partir du 1er janvier 2017. J’entends les arguments que vient de développer Delphine Batho et il n’est pas question, en effet, de trouver des produits de substitution mais bien de changer de pratique dans un contexte où, néanmoins, je ne suis pas sûre que le monde agricole, vu son état, soit réceptif à cette exigence. Aussi le délai prévu, j’y insiste, me paraît-il très court.

M. François-Michel Lambert. Il est intéressant de noter que le terrible impact causé par les néonicotinoïdes n’inquiète pas qu’un seul bord politique.

La plupart des acteurs du monde rural nous alertent : les apiculteurs, bien sûr, des agriculteurs, aussi, auxquels j’ajouterai les chasseurs, conscients que la disparition de certains insectes risque d’entraîner un effondrement du nombre d’oiseaux – or les chasseurs ne seront pas toujours aux côtés de l’ensemble des écologistes, si vous voyez ce que je veux dire. Je suis donc à l’écoute, avant tout de ceux qui, dans le monde rural, se lèvent parfois à l’aube et qui connaissent leur environnement par cœur : eh bien, leurs mises en garde ne datent pas d’hier mais d’il y a bien des années déjà ! Ils rejoignent en cela les scientifiques. Aussi ces avertissements n’ont-ils rien d’un combat idéologique mais résultent d’une réalité perçue sur le terrain.

Certes, je veux bien comprendre que certains agriculteurs craignent pour leurs revenus, mais il faut bien voir que l’usage des néonicotinoïdes est une impasse technologique dont ils doivent sortir. Nous devons donc aller de l’avant et, comme nous y a invité la secrétaire d’État, nous montrer courageux en répondant aux attentes de ceux qui nous interpellent.

M. Jean-Yves Caullet. Je souhaite être bien compris : je n’ai jamais dit que je souhaitais maintenir l’usage des néonicotinoïdes dans l’agriculture.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous ne l’avons pas compris ainsi, je tiens à vous rassurer, mon cher collègue. (Sourires)

M. Jean-Yves Caullet. J’estime seulement que leur interdiction à partir du 1er janvier 2017 ne me paraît pas à même de nous permettre d’atteindre l’objectif consistant à changer de système agricole. Je ne figure pas parmi les sourds lâches : j’entends moi aussi et je tâche d’assumer mes responsabilités. Je le répète, le but est bien de se passer de ces produits et de bien d’autres.

M. Gérard Menuel. Le lien est peut-être trop rapidement établi entre la vente de produits comme les néonicotinoïdes et la mortalité des abeilles. On a récemment soutenu cette thèse à la télévision, dans l’émission Cash Investigation, sans que nombre d’éléments soient vérifiés. Je suis l’élu du département qui, selon cette émission, consommerait le plus de produits chimiques. Or, la semaine dernière, le syndicat apicole de l’Aube, au cours de son assemblée générale, s’est réjoui de l’augmentation de la production de miel grâce à la bonne récolte dans le département !

Au quotidien, les relations entre apiculteurs et agriculteurs ne sont en effet pas vécues aussi brutalement qu’on peut le penser. Je suis moi-même à la tête d’une exploitation agricole et les apiculteurs viennent me voir, chaque printemps, pour installer des ruches – et nous le faisons en bonne intelligence.

Le Sénat a fait évoluer le texte dans le bon sens et j’estime qu’il faut – au minimum – trouver des solutions alternatives à ces produits chimiques, de façon que les exploitations agricoles ne souffrent pas d’une chute de rendement et donc de difficultés sociales et économiques importantes à partir du 1er janvier 2017 si le dispositif devait être adopté.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pour répondre, notamment, à Martine Lignières-Cassou, je rappelle que, dans la perspective de l’examen du texte en séance publique, il vous est possible de déposer des amendements visant à repousser l’échéance du 1er janvier 2017.

La commission adopte les amendements identiques CD126, CD504 et CD556.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je précise que ces amendements ont recueilli treize voix pour, six contre.

En conséquence, les amendements CD589 de M. Philippe Plisson, CD505 de Mme Laurence Abeille, CD583 et CD586 de M. Bertrand Pancher, CD384 de M. Jean-Louis Bricout et CD577 de M. Bertrand Pancher tombent.

La commission adopte l’article 51 quaterdecies ainsi modifié.

Article 51 sexdecies A : Interdiction de la distribution gratuite de supports aimantés publicitaires (supprimé)

La commission examine l’amendement CD608 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à supprimer l’article 51 sexdecies A introduit par le Sénat et qui prévoit l’interdiction, à partir du 1er janvier 2017, de la distribution gratuite de supports aimantés publicitaires, dits magnets, au motif que la production de ces derniers consomme des ressources naturelles et qu’ils ne sont pas recyclables. Or nombreux sont les objets dont la production consomme des ressources naturelles et dont toutes les composantes ne sont pas recyclables ; il n’y a donc pas lieu de prévoir une mesure qui cible spécifiquement les magnets publicitaires.

Mme la secrétaire d’État. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur le ciblage spécifique de ces produits.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 51 sexdecies A est supprimé.

Article 51 sexdecies : Rapport sur les plantes invasives

La commission examine à l’amendement CD609 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir l’article 51 sexdecies supprimé par le Sénat, et qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact du développement des espèces invasives sur la biodiversité, au regard des objectifs que la France se fixe dans ce domaine.

Mme la secrétaire d’État. La France doit déjà produire ce qu’on appelle des rapportages de données aux instances européennes sur l’application du règlement relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes. Je vous propose, par conséquent, de retirer votre amendement ou bien, si vous souhaitez le maintenir, je vous demanderai de caler la date de remise du rapport du Gouvernement avec celle du rapportage européen.

Mme la rapporteure. J’y consens sans difficulté, même si j’insiste sur l’importance de ce rapport.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous modifierons l’amendement pour l’examen du texte en séance publique.

Mme la secrétaire d’État. Très bien.

Mme la rapporteure. Car il faut savoir que des espèces invasives se vendent, qu’il s’agisse d’algues, de tortues de Floride…

M. le président Jean-Paul Chanteguet. …ou d’écrevisses rouges de Louisiane !

Mme la rapporteur. En effet, et, les gens s’en débarrassant dans la nature, ces espèces assèchent la biodiversité.

La commission adopte l’amendement, et l’article 51 sexdecies est ainsi rétabli.

Article 51 septdecies (articles L. 512-18, L. 512-21, L. 516-1, L. 556-1 du code de l’environnement et article L. 642-2 du code de commerce) : Assouplissement du cadre juridique régissant les carrières, les stockages de CO2 et les sites industriels à reconvertir

La commission examine l’amendement CD610 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à supprimer le 1° du I – à savoir l’alinéa 2 – de l’article 51 septdecies introduit en séance au Sénat et qui exonère les carrières et les sites de stockage géologique de dioxyde de carbone de l’obligation de mettre à jour l’état de la pollution des sols à chaque changement notable des conditions d’exploitation.

Il ne faut pas présenter les carrières comme des sites non-polluants, sans impact sur le voisinage et en général.

La commission adopte l’amendement puis elle adopte l’article 51 septdecies modifié.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous nous réunirons demain matin à neuf heures trente. Je vous informe qu’il reste 179 amendements à examiner.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 8 mars 2016 à 21 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Heinrich, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Laurent Furst, M. Christian Jacob, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, Mme Delphine Batho, M. Dino Cinieri, M. Gilles Lurton, M. Lionel Tardy