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Commission des affaires sociales

Mercredi 25 novembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Christian Hutin, Vice-Président

– Examen de la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants (n° 3083) (M. Julien Aubert, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 25 novembre 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’examen de la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants (n° 3083) sur le rapport de M. Julien Aubert.

M. Christian Hutin, vice-président. Mes chers collègues, nous allons aujourd’hui examiner la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants (RSI) qui sera examinée dans le cadre de la niche du groupe Les Républicains le 3 décembre prochain.

Il s’agit d’un problème brûlant : ce régime unifié, devenu depuis 2008 l’interlocuteur social unique pour la protection sociale des artisans, industriels et commerçants, n’a pas fait ses preuves.

Nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis le 21 septembre dernier au Premier ministre un intéressant rapport sur ce sujet, qu’abordent par ailleurs plusieurs textes actuellement en discussion.

M. Julien Aubert, rapporteur. Merci, mes chers collègues, de m’accueillir dans votre commission pour la présentation d’un texte qui porte sur un problème sérieux et reconnu comme tel par la droite comme par la gauche. Confrontés depuis dix ans à des questions d’intelligibilité, voire de dysfonctionnement de leur régime, les commerçants, artisans et indépendants attendent une réponse.

La proposition de loi qui vous est présentée s’inscrit dans une longue série d’initiatives, commencée en septembre 2013 par le dépôt, par notre collègue Laurent Marcangeli, d’une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête, et poursuivie en février 2015 par la demande de 116 députés des groupes Union des démocrates et indépendants et Les Républicains, dont Bruno Le Maire et moi-même, de constitution d’une mission d’information.

Le présent texte constitue le fruit d’une réflexion menée par une cinquantaine de parlementaires de la droite et du centre qui a conduit à une quinzaine de déplacements en province, qui furent autant d’occasions de rencontres avec les élus départementaux, les représentants des professionnels et les gestionnaires du régime social des indépendants (RSI) lui-même, dont l’objet était l’établissement d’un diagnostic commun. Par ailleurs, des auditions ont été réalisées au Palais Bourbon, ainsi qu’un sondage sur Internet, auquel plus de 300 personnes ont répondu, ce qui a permis de connaître l’état d’esprit des affiliés en difficulté avec le régime. Les témoignages reçus étaient précis : les sommes en jeu allaient de 230 euros à 135 000 euros ; 80 % des personnes ayant répondu disaient rencontrer des difficultés pour joindre le RSI au téléphone ; dans 20 % des cas, la viabilité de l’entreprise était mise en cause, parfois même à brève échéance, et une substantielle baisse de revenu constatée.

Notre objectif est triple. En premier lieu, humaniser le régime en limitant le recours aux procédures coercitives qui sont très mal vécues par les affiliés. Aussi proposons-nous une révolution copernicienne : au lieu que ce soit, comme aujourd’hui, le RSI qui calcule et réclame le montant des cotisations, et envoie les huissiers aux intéressés s’ils ne sont pas d’accord, nous suggérons que l’on fasse confiance aux travailleurs indépendants, qui ne sont pas nécessairement des fraudeurs ou des voleurs, et qu’on leur laisse le soin de calculer eux-mêmes ces cotisations, quitte à ce que le RSI les conteste le cas échéant.

En deuxième lieu, nous voulons simplifier le régime, car les affiliés ne comprennent ni quelle est l’assiette, ni quel est le mode de calcul, ni le pourquoi des variations de cotisations. Ils le comprennent d’autant plus mal que le dialogue avec les caisses, en cas de désaccord, est malaisé.

Nous voulons enfin encourager le travail puisque, parfois, l’activité professionnelle procure des revenus inférieurs aux minima sociaux susceptibles d’être perçus lorsque l’on est sans emploi. La société ne peut pas fonctionner si celui qui travaille dix ou quinze heures par jour est moins bien rémunéré que celui qui ne travaille pas. Une réflexion doit donc être conduite dans le cadre de la réforme de ce régime.

Mme Bulteau et M. Verdier ont produit un travail très complet, et nous partageons un certain nombre de leurs propositions ; ce débat ne doit pas devenir politique, encore moins politicien, et la droite prend ses responsabilités puisque c’est elle qui a créé le RSI. Des divergences persistent cependant quant aux changements à apporter : nous ne préconisons pas un traitement homéopathique, mais des antibiotiques, voire de la chirurgie, car les indépendants, au bout de dix ans, alors que nous connaissons une période de baisse de l’activité économique accompagnée d’une hausse de la fiscalité, ne supportent plus la situation qui leur est imposée.

Mme Sylviane Bulteau. Nul ne peut nier que, depuis sa création en 2006, et plus encore à partir de 2008, le fonctionnement du RSI est chaotique du fait de l’institution de l’interlocuteur social unique.

Confondant vitesse et précipitation, ceux qui, à l’époque, ont voulu à tout prix imposer la réforme du régime des indépendants sans même se soucier de la compatibilité des divers systèmes d’information, sont responsables de l’état de « catastrophe industrielle » dénoncé par la Cour des comptes. Jusqu’en 2012, sur le plan politique, l’immobilisme total a prévalu, et ceux qui, hier, n’ont rien fait pour régler le problème veulent nous faire croire aujourd’hui qu’ils détiennent la solution ; manifestement, ils sont dans l’erreur.

Comme vous le savez, mes chers collègues, notre majorité a pris à bras-le-corps ce lourd héritage et a travaillé dans la concertation, en veillant aux intérêts des travailleurs indépendants comme à ceux des salariés du RSI, car tous sont les victimes de ces dysfonctionnements.

Conscient de l’urgence, le Premier ministre, le 8 avril dernier, a installé une mission sur l’amélioration de la qualité du service rendu par le RSI. Le 8 juin, avec M. Verdier, j’ai remis un rapport d’étape ; le 25 juin, le Gouvernement a pris vingt mesures inspirées de ce travail et le mode de recouvrement des cotisations a été réformé. Désormais, la régularisation anticipée permet de calculer les cotisations sur le dernier revenu connu, afin de réduire le décalage entre revenus et cotisations, système particulièrement pénalisant pour des entrepreneurs dont l’activité peut varier de façon importante. Cette réforme s’accompagne d’un allégement des formalités administratives grâce à la réduction du nombre de documents demandés. En outre ; le service rendu aux assurés a été et continuera d’être amélioré. Depuis le 1er septembre dernier, afin de garantir une meilleure qualité de service ainsi qu’un taux de réponse nettement plus élevé, ce sont à nouveau les services du RSI qui répondent aux appels téléphoniques, et non plus des opérateurs sous-traitants.

Comme vous, monsieur Aubert, la mission a réalisé des auditions, au nombre de soixante-dix environ, et a visité les différentes caisses régionales et autres organismes ; nous avons remis notre rapport à M. le Premier ministre le 21 septembre dernier. Ce document préconise un ensemble de mesures structurelles, car notre action est guidée par la volonté de rétablir les indépendants dans leurs droits, afin qu’ils aient enfin le sentiment que les prestations qui leur sont servies sont en rapport avec le montant des cotisations qu’ils acquittent.

En conséquence, nous avons proposé la réforme du barème des cotisations « minimales », dues lorsque les bénéfices de l’activité dégagés sont très faibles ou nuls. Aussi les cotisations minimales d’assurance maladie seront-elles totalement supprimées. Cette mesure permettra, à prélèvement constant, de relever la cotisation minimale d’assurance vieillesse de base afin de garantir aux ressortissants du régime la validation de trois trimestres de retraite par an, alors qu’aujourd’hui, un indépendant n’ayant dégagé qu’un faible bénéfice, même en travaillant une année entière, ne valide que deux trimestres. Pour les plus faibles revenus, le montant des cotisations minimales sera ainsi diminué.

Nous avons également proposé, et cette mesure forte a été retenue, de ramener le délai de carence à trois jours pour les arrêts maladie de plus de sept jours ; en effet, les indépendants, s’ils disposent des mêmes droits que les salariés pour la prise en charge des soins, ne bénéficient pas des mêmes prestations pour compenser leur perte de revenu en cas de maladie. Enfin, nous avons proposé la création du temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants, à l’instar de ce qui existe pour les salariés. Sur notre proposition, avec le soutien du groupe Socialiste, républicain et citoyen, cette mesure a été adoptée à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016.

D’autres dispositions restent à prendre, soit par voie réglementaire, soit par le RSI lui-même ; les propositions de notre rapport doivent notamment inspirer la convention d’objectif et de gestion (COG) 2016-2019 que l’État conclura avec le RSI. Enfin, un comité de suivi sera installé afin de s’assurer de la mise en œuvre effective de ces mesures nécessaires d’amélioration et de simplification.

Les choses avancent donc résolument. Comme Fabrice Verdier et moi-même aimons à le répéter, il n’y aura pas de « grand soir » du RSI : nous devons réformer dans la durée et la concertation, avec le souci de ne pas créer de difficultés supplémentaires à ce régime qui est toujours convalescent. Le retour de la confiance entre les assurés et le RSI constitue plus qu’une nécessité : c’est un impératif, tout comme est impérative la recherche d’un nécessaire apaisement. Votre proposition de loi, mes chers collègues de l’opposition, ne participe pas de cette logique, et je ne peux que le déplorer.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons tous reçu dans nos permanences des artisans et commerçants critiques, voire en colère, à l’égard du fonctionnement, ou plutôt du dysfonctionnement, du régime social des indépendants. Devant les difficultés, voire les drames, puisque des suicides nous ont été signalés, le groupe Les Républicains a réclamé des initiatives : notre demande de commission d’enquête du mois de septembre 2013 a été refusée, tout comme notre demande de constitution d’une mission d’information en 2014. Il ne nous restait plus qu’à recourir au véhicule d’une proposition de loi, cosignée par plus d’une centaine d’entre nous, et dont il nous est donné de débattre aujourd’hui, grâce à l’heureuse initiative de nos collègues Bruno Le Maire et Julien Aubert.

Il est vrai que, de son côté, le Gouvernement a confié à nos collègues Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau, une mission qui a donné lieu à un rapport dont il a repris vingt propositions parmi celles présentées au mois de juin dernier. Certaines rejoignent le texte que nous examinons aujourd’hui : j’ose espérer que vous les voterez. Il y a urgence à agir, j’ai pu personnellement le constater dans ma circonscription où, comme d’autres, j’ai organisé une réunion publique avec le sénateur Dominique de Legge, et à laquelle a participé le président du RSI Bretagne. Il est inutile de dire que les échanges ont été vifs, très vifs. Parmi les principaux reproches exprimés, figurent le manque de transparence et de pédagogie dans le calcul des cotisations, l’absence de relations humaines, pourtant nécessaires à un traitement individualisé, les pénalités appliquées alors que la responsabilité de l’indépendant n’est pas en cause, le montant élevé des dépenses de communication et des frais de fonctionnement de la structure, le niveau des charges enfin, qui s’élèvent à plus de 47 % selon les indépendants à 31 % seulement d’après les responsables du RSI – qui a raison, et qui a tort ?

Dans le contexte alarmant que connaissent aujourd’hui le commerce et l’artisanat
– je pense en particulier au bâtiment –, quelles garanties avons-nous que les propositions qui vont dans le bon sens seront bien mises en œuvre rapidement ? Nous voulons légiférer sans plus attendre.

Afin de répondre aux attentes légitimes des intéressés, le chapitre Ier prévoit la limitation du recours aux huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations, la suspension des majorations de retard en cas de contentieux, la médiation préalable et l’indemnisation des cotisants victimes d’un préjudice. Les ressortissants du régime, eux, réclament un moratoire.

L’article 4, relatif à la liberté d’affiliation des indépendants au régime général, fait débat : d’après les responsables du RSI, une telle mesure provoquerait une hausse de dix points des cotisations. Sur ce sujet aussi, qui a raison, et qui a tort ? Le même doute plane sur la possibilité de s’affilier à un autre régime que le RSI : qui a raison, et qui a tort ?

L’autoliquidation des cotisations et des contributions sociales, qui fait l’objet de l’article 5, constitue une possibilité aujourd’hui offerte aux auto-entrepreneurs : pourquoi ne pas l’ouvrir aux cotisants du RSI qui le souhaitent ?

L’article 9 traite de l’étalement du règlement des cotisations en cas de diminution du chiffre d’affaires. Il semble que, à l’aide de son compte internet, un cotisant puisse demander ce rééchelonnement : quels sont les critères aujourd’hui retenus pour le lui accorder ou le lui refuser ?

Enfin, l’article 12 propose la création d’un « bouclier social » pour les indépendants ayant atteint le plafond des cotisations des travailleurs non salariés. Cela nécessiterait la révision de l’ensemble des prestations auxquelles peuvent prétendre les indépendants au cours des années d’activité et lors de la retraite, compte tenu du montant de leurs cotisations. Ce travail doit être mené sans plus tarder, car c’est la condition sine qua non d’un retour à de meilleures relations entre les parties en présence.

L’interlocuteur social unique était souhaité ; le RSI en est la déclinaison : il concerne aujourd’hui 2,8 millions de cotisants, collecte 16 milliards d’euros de cotisations et verse 17,7 milliards d’euros de prestations. Près de dix ans après sa création, le bénéfice attendu des relations avec les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) n’est pas au rendez-vous, notamment faute d’interopérabilité des systèmes informatiques. Toute amélioration pouvant être apportée dans ce domaine, qu’elle soit législative, réglementaire ou relevant des simples bonnes pratiques, sera bienvenue. C’est l’objet de cette proposition à laquelle, bien évidemment, notre groupe est favorable.

M. Thierry Benoit. Naturellement, le groupe Union des démocrates et indépendants est favorable à l’adoption de cette proposition de loi puisqu’un certain nombre de ses membres en est cosignataire. Certes, comme notre rapporteur l’a dit, le débat ne doit pas être politisé, et il serait faux de dire que rien n’a été fait. Avec plus de 6 millions de ressortissants, le régime social des indépendants est le deuxième de France : il est celui d’entrepreneurs, de femmes et d’hommes qui travaillent dur et font beaucoup d’heures.

Dix ans après sa création, peu importe de savoir qui l’a créé : aujourd’hui, il y a péril en la demeure. Le rapport que vous avez rendu avec M. Verdier, Madame Bulteau, est excellent ; certaines de ses propositions ont d’ailleurs trouvé leur mise en œuvre. Comme Mme Le Callennec, j’ai organisé, dans ma circonscription de Fougères, une réunion avec le RSI Bretagne qui a mobilisé 450 entrepreneurs indépendants : nous avons été témoins de la détresse de ces professionnels.

Dans ce débat, nous nous trouvons dans une situation équivalente à celle que nous avons vécue, au cours des mois d’avril et de mai, au sujet des agriculteurs. À l’époque, alors que nous venions d’adopter la loi d’avenir pour l’agriculture, le Gouvernement, lorsque nous l’interrogions sur la crise agricole, nous assurait, par la voix du ministre, maîtriser la situation. Il y a deux semaines, j’ai interrogé la secrétaire d’État au commerce, et j’ai pu mesurer à quel point elle ignorait la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les entrepreneurs en France.

La présente proposition de loi a le mérite de s’appuyer sur des préconisations émanant du RSI ; Mme Bulteau et M. Verdier se sont rendus sur le terrain, ils ont rencontré des responsables du RSI, particulièrement en Bretagne où la volonté de progresser est manifeste. Il faut donc adopter ce texte, mais, au-delà, le Gouvernement doit mettre en œuvre un plan d’urgence. Mon groupe fait sienne la demande de moratoire formulée par les indépendants : le versement des cotisations s’effectuerait sur un compte affecté et, dans l’intervalle, l’assiette et le taux seraient simplifiés, puisque plusieurs taux coexistent actuellement et que les modalités de calcul sont incompréhensibles pour les ressortissants de ce régime. Par ailleurs, un plan d’allégement des cotisations et des charges doit être adopté. Nous ne pouvons pas ignorer la situation de détresse qui a conduit à quelque quatre cents décès d’entrepreneurs : les indépendants sont à bout !

Les relations entre les indépendants et le RSI doivent devenir plus humaines ; de même, les rôles respectifs des URSSAF, naturellement chargées du recouvrement, et du RSI, chargé du service des prestations, doivent être clarifiés. La présente proposition de loi va dans ce sens, et pour en avoir évoqué le contenu avec les responsables du RSI dans ma circonscription, dans la mesure où ils y retrouvent leurs suggestions, je sais qu’ils y sont favorables.

Le plan d’action doit donc être le suivant : adoption de la proposition de loi, mise en œuvre par le Gouvernement d’un plan d’urgence, instauration d’un moratoire.

Mme Dominique Orliac. L’article 1er de la proposition de loi tend à limiter le recours aux huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations, et son article 2 à instituer une procédure de conciliation préalable à toute mise en demeure par le RSI, avant le déclenchement d’une procédure judiciaire. Quant à l’article 3, il crée un fonds d’indemnisation des cotisants victimes des préjudices causés par les dysfonctionnements du RSI, tandis que l’article 4 donne aux travailleurs indépendants non agricoles qui le souhaitent la possibilité de s’affilier au régime général de la sécurité sociale, pour une durée triennale tacitement reconductible. En outre, les auteurs de la proposition de loi proposent de simplifier le système de règlement des cotisations en ouvrant un droit d’option pour l’autodéclaration et l’autoliquidation des cotisations. Ils prévoient également diverses mesures pour améliorer le calcul et le recouvrement de ces cotisations, ainsi que la certification des comptes du RSI par la Cour des comptes. Enfin, pour faciliter la liquidation des droits à la retraite en fin de carrière, l’article 11 crée un droit opposable à la retraite pour les travailleurs indépendants non agricoles.

Créé par une ordonnance du 9 décembre 2005, le RSI résulte de la fusion de trois caisses de santé et de retraite : celle des commerçants et industriels, celle des professions indépendantes et celle des artisans. Le but recherché était la simplification des démarches administratives ; aujourd’hui, plus de 2,8 millions de personnes cotisent au RSI et 2,1 millions de retraités dépendent de ce régime.

Mais le résultat n’est pas convaincant, et la majorité en est consciente ; c’est pourquoi, le 8 avril dernier, le Premier ministre a confié à Fabrice Verdier et à Sylviane Bulteau la mission de dresser un état des lieux de la qualité des relations du RSI avec ses assurés. Le rapport souligne que le régime est aussi illisible qu’injuste. Certaines de ses préconisations seront d’ailleurs retenues pour l’élaboration de la convention d’objectif et de gestion (COG) que l’État conclura avec le RSI pour la période 2016-2019 ; c’est notamment le cas de la proposition n° 20, qui consiste en la création d’un comité de suivi de l’application des mesures décidées, ainsi qu’en la communication d’un bilan annuel.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste n’ignore pas les dysfonctionnements du régime, et attend de connaître le contenu de la COG. La proposition de loi n’a plus de raison d’être, et nous n’avons donc aucune raison de la soutenir.

M. Lionel Tardy. Le 28 octobre dernier, le rapport de Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau a été présenté devant la commission des affaires économiques, dont je suis membre. Des mesures ont été prises au sujet de l’accueil physique des personnes et du contact téléphonique ; j’espère que la réinternalisation sera suffisante, de même que le rappel sous 48 heures. Ces mesures devront cependant être accompagnées des moyens nécessaires en matière de personnel.

Toutefois, ces quelques ajustements seront insuffisants si des mesures structurelles ne sont pas adoptées par voie législative : c’est le sens de cette proposition de loi présentée par nos collègues Julien Aubert et Bruno Le Maire, et dont je suis cosignataire. Comme beaucoup de ressortissants du RSI, nous attendons que le débat législatif s’engage, pour que le lien de confiance soit enfin renoué et que le régime retrouve l’efficacité dont il a besoin.

Les solutions proposées sont dénuées d’arrière-pensées ; elles permettront de progresser, sans pour autant remettre en cause les caractéristiques propres aux professions indépendantes. Il ne suffira pas à la majorité, comme cela vient d’être annoncé, de rejeter ces propositions en bloc ; le moment est venu de cesser de croire que les choses se régleront avec le temps.

Je ne vois pas comment, par exemple, on peut être opposé à une procédure de conciliation, prévue par l’article 2 ou à la certification des comptes du RSI par la Cour des comptes, contenue dans l’article 8. Pour avoir pris pour thème de mon avis budgétaire le principe, affirmé par le Président de la République, selon lequel « le silence de l’administration vaut consentement », je suis très favorable à l’article 6 prévoyant que l’absence de réponse du régime vaut accord lorsqu’une question a été posée par un affilié.

Ces trois mesures sont de nature à restaurer la confiance dans le régime, ce qui est la clef de tout. Ce chantier législatif doit être engagé sans plus de procrastination ; c’est à cela que vous invite le groupe Les Républicains.

M. Christophe Sirugue. Nul n’ignore les difficultés rencontrées par le RSI : elles sont à la fois humaines et économiques, et nous devons toujours les avoir à l’esprit. Je remercie le rapporteur, qui, dans sa présentation, a pris le soin de rappeler que la situation actuelle du régime social des indépendants n’a pas surgi ex nihilo : son fonctionnement même a été mal conçu. Du coup, nous sommes tous, quelle que soit notre orientation politique, confrontés à une situation qu’il faut résoudre.

Cependant, autant j’apprécie le travail et l’appréciation portée par le rapporteur, autant je désapprouve la charge à laquelle s’est livrée Mme Le Callennec, qui s’est exprimée comme si l’ancienne majorité ne portait pas une responsabilité historique dans ce dossier. Nul ne peut affirmer que rien n’a été tenté et que personne ne s’est mobilisé : contrairement à ce que j’ai pu entendre aujourd’hui, des initiatives concrètes ont été prises. J’en veux pour preuve le rapport remis, à la demande du Premier ministre, par nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, et qui a fait l’objet d’une approbation unanime. Par ailleurs, nous avons d’ores et déjà mis en œuvre des mesures dont certaines correspondent à ce que propose le rapporteur ; d’autres, qui vont même plus loin, méritent que nous ayons ce débat en commission.

Il est important d’adresser un message aux ressortissants du RSI, de leur faire savoir que nous avons conscience de l’état dans lequel se trouve leur régime, que des mesures ont été prises et d’autres votées. Je ne suis pas certain qu’il faille imposer aux affiliés du régime un chambardement supplémentaire.

Nous fondant sur le rapport de Mme Bulteau et de M. Verdier, nous avons décidé de progresser de façon concrète : c’est sur cette base que nous agissons, aussi n’avons-nous pas besoin de cette proposition de loi, car le train de la réforme est en marche et la volonté d’améliorer le fonctionnement du RSI est sans faille.

M. Gilles Lurton. Le RSI, créé en 2006, concerne six millions d’assujettis et connaît de graves difficultés. Nous le savons tous, puisque nous sommes saisis presque chaque jour par des artisans, des commerçants et des professionnels indépendants qui nous font part de complications dans le traitement de leurs dossiers, le remboursement de cotisations indûment appelées ou la liquidation de leur pension de retraite, toutes choses qu’ils ne parviennent que très rarement à obtenir sans enclencher une médiation, très fréquemment par l’entremise de parlementaires.

Même si, à chaque fois que j’ai fait appel au directeur régional du RSI, en Bretagne, j’ai toujours eu une réponse rapide et, la plupart du temps, concrète, je juge absolument anormal que les affiliés ne puissent établir une relation directe avec le régime social dont ils dépendent. La situation s’aggravant de jour en jour, il est urgent d’agir. L’exaspération monte, et il est grand temps de mettre sur pied un système plus efficace et surtout plus humain. Ces considérations m’ont amené à cosigner la proposition de loi dont nous sommes saisis, qui présente des mesures de court, moyen et long termes. Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, le sentiment des affiliés à ce régime sur les dispositions que vous proposez ; j’aimerais connaître celui des responsables du RSI, tel qu’ils l’ont exprimé au cours des auditions que vous avez conduites.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur Sirugue, plutôt que de polémiquer avec Mme Le Callennec, qui s’exprimait en qualité de porte-parole de notre groupe, mieux vaudrait prendre la mesure de l’urgence qu’il y a à répondre à la colère et même au désespoir que manifestent ceux qui viennent, nombreux, nous entretenir de leurs déboires avec le RSI. Je remercie nos collègues Julien Aubert et Bruno Le Maire d’avoir rouvert ce dossier ; le nombre de cosignataires du texte dit l’intérêt que nous portons aux professions considérées.

Trois articles sont d’un intérêt soutenu. L’article 3 appelle à la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI ayant subi un préjudice en raison des dysfonctionnements de ce régime. Cette proposition, déjà évoquée dans le rapport d’information sur le RSI des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, me paraît particulièrement judicieuse. Il en est de même pour l’article 9, qui prévoit la possibilité d’étaler le règlement des cotisations ; à ce jour, bien des commerçants sont étranglés par les montants qu’ils sont tenus de payer sans délai. Enfin, l’article 12 propose que le Haut Conseil du financement de la protection sociale – organisme au sein duquel je siège en compagnie de Gérard Bapt – remette un rapport au Parlement sur la mise en place d’un « bouclier social » qui plafonnerait les cotisations sociales des travailleurs non-salariés. Vous êtes-vous assuré auprès de sa présidente que le Haut Conseil dispose des moyens nécessaires pour élaborer un tel rapport, et si, ce faisant, il est dans son rôle ?

Vous l’aurez compris, je voterai cette proposition les yeux fermés.

M. Christian Hutin, vice-président. Mes chers collègues, je vous informe que le rapporteur et moi sommes convenus qu’il répondrait à vos questions lors de l’examen des articles auxquels elles se rapportent.

M. Bernard Accoyer. Les dispositions proposées sont évidemment nécessaires et pertinentes. Je ne comprends donc pas que l’on s’y oppose, alors que nous sommes tous sollicités quotidiennement par les assujettis au RSI. Ils nous rapportent des situations inextricables et angoissantes, qui accaparent constamment leur énergie, au détriment de leur vie personnelle et familiale et de leur activité professionnelle. La proposition la plus judicieuse est la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI ayant subi un préjudice en raison des dysfonctionnements de ce régime. Sans que l’on s’en remette à un énième rapport, il faut adopter maintenant cette proposition de loi, rédigée avec grand soin, au terme d’une remarquable concertation, par notre rapporteur que je félicite.

M. Dominique Dord. Je m’associe à ces félicitations. J’y insiste : il n’est pas une de nos permanences dans laquelle des affiliés au RSI ne viennent se plaindre des dysfonctionnements de ce régime. Mais, bien que ce constat gravissime soit partagé, la majorité a décidé de ne pas voter la proposition de loi ; c’est difficilement compréhensible. Actuellement, le silence, la complexité, la lourdeur et l’éloignement – apparent en tout cas – du RSI de ses affiliés profitent au régime. L’article 6 est décisif : en instaurant un rescrit social au sein du RSI, il fait basculer l’approche, si bien que le mécanisme profitera désormais aux assujettis. Si un seul article du texte doit être conservé, c’est celui-là – et je suis sûr que vous en partagez l’esprit.

M. Philippe Le Ray. Je soutiens cette proposition de loi très attendue. Lundi soir encore, dans le Morbihan, j’ai constaté l’accord unanime des quelque 450 artisans et commerçants auxquels j’ai présenté le texte. Je suis très étonné de l’attitude de nos collègues de la majorité, qui approuvent ces propositions mais qui, par posture politique, ne veulent pas franchir le cap. Ils devront pourtant le faire, car l’organisation du RSI est cause de difficultés connues depuis des années. Des améliorations ont eu lieu, mais elles risquent d’être de courte durée, puisque ce régime fusionnera sous peu avec d’autres, dont les organisations et les outils informatiques diffèrent.

D’autre part, chacun attend un mode de calcul nouveau des cotisations, calqué sur celui de la Mutualité sociale agricole (MSA), et aussi un nouveau système de recouvrement respectant mieux les chefs d’entreprise. Les discours de soutien aux entreprises ne suffisent pas, il faut aussi agir. Enfin, chacun attend le bouclier social que nous proposons ; son instauration contribuerait heureusement à réduire le « ras-le-bol » fiscal qu’éprouve le pays.

M. Richard Ferrand. M. Bruno Le Maire a une excellente raison de signer cette proposition de loi : ayant été le directeur de cabinet du Premier ministre de l’époque lorsque le RSI a été instauré, il connaît bien le sujet… Contrairement à ce qui vient d’être dit, nous ne nous limitons pas à des discours : toutes les propositions contenues dans le rapport que nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au premier ministre sont en train d’être mises en œuvre. Aussi, comme l’a justement souligné Mme Orliac, n’y a-t-il pas lieu d’adopter des mesures qui n’apportent rien de plus. En réalité, cette proposition de loi est un texte de positionnement qui voudrait laisser croire que seuls ses signataires s’intéresseraient au « bazar » qu’est le RSI. Les choses doivent être remises dans leur juste perspective : un problème est posé, nous nous en sommes saisis et des propositions sont en cours d’application. Il n’y a donc pas lieu d’adopter un texte qui n’apporte rien et n’a d’autre objet que de marquer un positionnement politique, sinon politicien.

Pour rencontrer régulièrement des artisans et des commerçants, comme nous le faisons tous, je constate que les propositions de nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier répondent parfaitement à leurs exigences. L’important est de veiller à l’application des propositions retenues par le Gouvernement plutôt que d’en inventer de nouvelles dont nul ne sait si et quand elles seront mises en œuvre.

M. Arnaud Viala. Le RSI pose trois séries de problèmes. Le premier est sa lisibilité : les affiliés ne le comprennent pas. Il y a aussi la justesse et la justice des cotisations appelées, et encore la lourdeur et l’absence de réactivité des services. Or, on touche à des entreprises de petite et même de très petite taille, dépourvues de services administratifs aptes à procéder à une masse de démarches extrêmement complexes. Il en résulte l’engorgement des permanences des parlementaires, des conseillers départementaux et des autres élus locaux, saisis par des gens désespérés, parfois au point d’attenter à leurs jours. Mais ce qui est aussi très fréquemment en jeu, c’est la survie d’entreprises dont les dirigeants finissent par jeter l’éponge, les cotisations qu’ils ne peuvent honorer conduisant à des poursuites dont ils ne parviennent pas à s’extraire. La réduction des dotations aux collectivités territoriales aggrave encore la situation, car elle a un impact immédiat sur ces entreprises qui dépendent de la dynamique de l’activité locale, laquelle subit très lourdement les conséquences de la baisse ou de la disparition des investissements des collectivités.

Considérer que la réponse à un besoin de réforme aussi urgent pourrait être uniquement la création d’un observatoire, la publication d’un rapport et l’attente de la conclusion d’analyses est une attitude irresponsable. Évacuer, pour des raisons partisanes, une proposition de loi qui réglerait le problème rapidement, au motif que ce n’est pas la majorité qui la porte, est une erreur politique majeure.

M. Bernard Perrut. Si, chaque semaine, des personnes assujetties au RSI nous font part de leurs préoccupations, c’est que, depuis sa création, ce régime, au lieu de simplifier la vie des entrepreneurs, l’a considérablement compliquée. Les relations entre les cotisants et le RSI se sont dégradées, cette administration ne tenant pas suffisamment compte des difficultés que nous signalions : trop longs délais de traitement des dossiers, illisibilité des règles, doubles prélèvements, multiplication des contentieux, radiations indues. Certes, des mesures visant à redresser la qualité du service ont été mises en œuvre et un nouveau mode de calcul des cotisations a été appliqué, mais cela ne suffit pas à éviter dépôts de bilan, destructions d’emplois et drames personnels. Il faut donc appuyer cette proposition de loi, dont les articles sont autant de mesures simples et pragmatiques applicables à court, moyen et long termes. Ce faisant, on soutiendra les commerçants, qui subissent déjà les conséquences d’une situation économique difficile et d’un taux de chômage catastrophique, et avec eux l’aménagement du territoire, la vie de nos villes, de nos villages et de nos quartiers, la création d’emplois, l’accueil des jeunes en apprentissage. Cette proposition de loi va bien au-delà de dispositions techniques : elle permet de soutenir l’économie et l’emploi.

M. Bernard Gérard. Mon collègue Marc Goua et moi-même avons récemment remis au Gouvernement un rapport consacré aux moyens d’améliorer les relations entre les entreprises et l’URSSAF. Procédant à cette occasion à de nombreuses auditions et visites dans les services, nous avons été effarés de constater que l’essentiel des difficultés provient de ce que l’URSSAF et le RSI éprouvent le plus grand mal à communiquer, faute de systèmes informatiques compatibles – et ils ne le seront qu’à dater de 2017. Le rôle des pouvoirs publics n’est-il pas de prendre ce problème à bras-le-corps pour tenter d’améliorer immédiatement ce qui est la cause de toutes les erreurs, de toutes les situations cauchemardesques dont nous avons eu à connaître, des réclamations faites à des commerçants et à des artisans qui, souvent, ignorent jusqu’au calcul justifiant l’appel de cotisations ?

Le rescrit est une idée de bon sens : il se peut que, parfois, l’on ait tort de bonne foi, mais au moins a-t-on le droit de savoir pourquoi ! Avant de lancer une procédure de recouvrement forcé, le RSI doit être contraint d’envoyer aux assujettis un courrier précis et motivé. À ce jour, le recouvrement contentieux est systématique, ce qui provoque des drames. Je suis choqué d’entendre que, pour des raisons de basse politique, l’on ne s’occupera pas de régler ces situations, qui conduisent pourtant à de trop nombreux suicides. Notre devoir d’élus est pourtant d’apporter des réponses urgentes et d’application immédiate à ces graves dysfonctionnements.

Mme Sylviane Bulteau. J’en viens à penser que nombre d’entre vous n’ont ni lu le rapport que Fabrice Verdier et moi-même avons remis au Premier ministre, ni observé les améliorations intervenues depuis qu’en juillet le Gouvernement a retenu nos vingt propositions. Quand on n’est pas aux manettes, il est facile de dire que, demain, on rasera gratis ! Mais, si le RSI est dans la situation catastrophique que l’on sait, ce n’est pas par hasard. Chacun, ici, doit assumer ses responsabilités. Aucune cotisation n’ayant été appelée entre 2008 et 2012 pour 40 % des comptes des affiliés, il a bien fallu que, une fois arrivé au pouvoir, nous remettions la machine en route avant que la prescription ne s’applique. J’observe également que le RSI appelle chaque année 16 milliards d’euros de cotisations et sert 17,7 milliards d’euros de prestations. C’est la solidarité nationale qui compense la différence. Aussi serait-il de bon ton de ne pas appeler à des économies budgétaires de 110, 120, voire 130 milliards d’euros comme le font les diverses voix de l’opposition, tout en appelant par ailleurs à un moratoire pour ces cotisations.

La commission aborde l’examen des articles.

Chapitre 1er – Répondre aux difficultés actuelles rencontrées par les affiliés
du régime social des indépendants

Article 1er : Amélioration du système de recouvrement des contributions et cotisations par le régime social des indépendants

M. le rapporteur. L’article 1er permet de constater que, contrairement à ce qu’affirme M. Ferrand, tout n’est pas dans le rapport Bulteau-Verdier. Cela ne signifie pas que ce rapport soit mauvais : nous en reconnaissons la qualité. Mais cette neutralité doit valoir dans les deux sens, et nous aurions tort de dire que nous sommes conscients du problème mais que rien, dans la proposition de loi qui vous est soumise, ne vaut d’être voté. Je ne prétends pas que ce que nous suggérons soit une réponse magique mais nous avons été interpellés par des gens au bord du suicide. S’ils voient nos échanges aujourd’hui, ils peuvent en retirer l’impression que les politiques s’agitent sur une scène de théâtre et se contrefichent de leurs problèmes. La politique meurt de ce type de comportement.

Toutes les mesures proposées, d’où qu’elles viennent, peuvent se compléter pour former un puzzle. Les premières dispositions qui ont été adoptées ont leur cohérence propre. Aujourd’hui, il s’agit de se demander, article après article, si les mesures que nous proposons existent, et si elles sont appliquées et, au cas où elles ne le seraient pas, si elles ne pourraient constituer une réponse appropriée à un problème connu.

J’en reviens à l’article 1er proprement dit. Il tend à modifier la rédaction de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale afin de limiter l’appel à des huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations par le RSI et pour simplifier les conditions de remise des majorations de retard en cas de contentieux. En effet, les affiliés expliquent qu’avant tout dialogue le RSI commence par envoyer les huissiers de justice. Le problème des plateformes d’appels est en passe d’être réglé, mais il demeure très difficile de joindre cette administration, si bien que le recours aux huissiers est massif et quasi systématique.

C’est d’autant plus éprouvant que non seulement des affiliés de bonne foi ne comprennent pas le mécanisme de calcul des cotisations mais que les dysfonctionnements du régime sont patents. C’est ainsi qu’un assujetti de bonne foi peut se trouver devoir payer 45 000 euros dans un délai d’un mois avant que le RSI, admettant s’être mépris, fasse machine arrière. Il en résulte un traumatisme qui obère la relation entre le régime et les assujettis. Aussi l’article vise-t-il à aider le RSI malgré lui, en présumant la bonne foi du cotisant et en limitant le recouvrement forcé aux cas où une décision de justice a donné tort au professionnel concerné. La disposition aurait deux effets : le RSI ne présenterait plus au tribunal des affaires de la sécurité sociale que les litiges pour lesquels il est certain de l’emporter, et le dialogue serait favorisé.

M. Élie Aboud. Le dysfonctionnement du RSI est un fait. Il a pour effet l’absence de confiance entre le régime et les cotisants. Dans ce contexte, attendre, comme le prévoit l’article, la décision du tribunal des affaires de la sécurité sociale avant d’avoir recours aux services d’un huissier de justice pour recouvrer des cotisations est une mesure de bon sens.

Mme Sylviane Bulteau. Nul ne nie l’existence de graves dysfonctionnements, ni l’effet traumatisant que peut avoir l’arrivée inopinée d’huissiers dans des boutiques ou des ateliers. Ces irruptions ont émaillé les années 2008 à 2012, mais les choses se sont progressivement améliorées et, depuis 2013, peu à peu, les procédures amiables prennent le pas : les relances téléphoniques sont systématiques ; les mises en demeure ne peuvent plus être envoyées avant qu’une solution amiable ait été recherchée ; les demandes de délai de paiement peuvent être faites par le biais d’internet, et le délai est accordé dans la presque totalité des cas ; des médiateurs départementaux devront désormais intervenir pour régler les cas les plus difficiles. Mais, même si cela doit devenir l’exception, il est indispensable de conserver la possibilité juridique d’un recouvrement forcé auprès des assurés qui refusent de régler leur dû alors qu’ils le peuvent. C’est pourquoi j’invite au rejet de l’article.

La commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Obligation d’information sur la possibilité de saisine du médiateur des indépendants préalablement à tout envoi de mise en demeure par le régime social des indépendants

M. le rapporteur. L’histoire que je vais vous raconter vous montrera que les problèmes que nous nous attachons à résoudre ne sont pas du passé : elle date de trois semaines. Un affilié au RSI du Gard a reçu une signification par huissier au motif qu’il n’aurait pas réglé les cotisations dues. Après qu’il l’eut contesté, deux mois ont été nécessaires pour mettre en évidence que les chèques envoyés au RSI et à l’URSSAF avaient été mal triés et que celui qui était destiné au RSI avait été encaissé par l’URSSAF – où le compte de cet affilié se trouvait donc créditeur du montant dû au RSI. Mais, avant même de tenter de comprendre, le RSI avait envoyé un huissier… Voilà pourquoi je regrette le rejet de l’article 1er.

L’article 2 prévoit qu’avant tout envoi de mise en demeure, si aucune procédure judiciaire n’a été engagée, le RSI informe le cotisant que celui-ci peut saisir le médiateur du régime afin de procéder à une médiation préalable. Une fois encore, il s’agit d’humaniser un régime qui privilégie la coercition immédiate, source de frustrations, de contentieux et donc de dépenses. Favoriser le dialogue éviterait tout cela.

Mme Isabelle Le Callennec. Permettez-moi de citer la seizième des vingt mesures en faveur des assurés du RSI annoncées par le Gouvernement le 25 juin 2015. Intitulée « Privilégier la signification des actes de recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception plutôt que par huissier », elle se lit ainsi : « Outre son coût supporté par l’assuré, l’intervention d’un huissier peut être stigmatisante pour les travailleurs indépendants. En remplacement du recours à huissier, une procédure d’envoi de lettres recommandées avec accusés de réception sera mise en place d’ici fin 2015, pour toutes les créances de cotisations d’un montant peu élevé » – ce montant n’est pas précisé, mais il est ajouté qu’« environ 80 000 actes de recouvrement devraient être concernés par cette nouvelle procédure ». Adopter l’article 1er et l’article 2, c’est concrétiser cette action. On vous reproche très souvent le fossé qui existe entre vos discours et vos actes ; en voici un nouvel exemple.

M. Thierry Benoit. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants appuie l’article 2 qui, comme l’article 1er, privilégie le dialogue, la médiation et la conciliation et replace l’humain au cœur des relations entre le RSI et ses affiliés.

Mme Sylviane Bulteau. Je ne répéterai pas les arguments que j’ai déjà formulés pour me prononcer contre l’article 1er, mais peut-être finirons-nous, Fabrice Verdier et moi-même, par demander des droits d’auteur aux cosignataires de cette proposition de loi, puisque les actions 14 et 16, par lesquelles il est demandé au RSI de privilégier les recours amiables, font partie des propositions contenues dans notre rapport, retenues par le Gouvernement le 25 juin dernier et mises en œuvre. Des sites pilotes y travaillent déjà et la mesure sera généralisée en 2016. En conséquence, l’article 2 est sans objet, et j’invite à ce qu’il ne soit pas adopté.

La commission rejette l’article 2.

Article 3 : Rapport sur les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au régime social des indépendants

M. le rapporteur. Avant de parler sur l’article 3, je souhaite réagir aux propos que je viens d’entendre.

Il est terrible de constater que si nous sommes d’accord sur le diagnostic, nous divergeons sur la méthode. Selon vous, il suffit de demander à un régime, qui est source de dysfonctionnements et qui souffre d’un problème de crédibilité, de modifier son comportement pour qu’il le fasse. Selon nous, il ne le fera que si nous prévoyons des garde-fous et que nous lui imposons des obligations légales.

Imaginez que, dans six mois ou un an, nous constations que vos recommandations sont restées lettre morte ?

Mme Sylviane Bulteau. Quel procès d’intention !

M. le rapporteur. Vous m’objecterez la création du comité de suivi, mais nous aurons perdu six mois ou un an. Et, en tant que magistrat de la Cour des comptes, je sais pertinemment, pour avoir contrôlé de nombreuses administrations, que celles-ci savent à merveille faire jouer la force d’inertie.

J’en viens à l’article 3, par lequel je demande la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI. Il s’agit de répondre à un réel problème : certains « naufragés du RSI » ont tout perdu il y a quelques années, à cause d’un bug informatique. Je souligne qu’il n’est pas question de créer directement ce fonds d’indemnisation, mais de faire étudier les conditions de sa création.

Une décision gouvernementale, parce qu’elle a été mal mise en œuvre, a entraîné la ruine de certaines personnes qui ont perdu leur patrimoine et leur entreprise. N’y a-t-il pas là matière à indemnisation ? La vie de ces personnes a été brisée, et j’estime qu’il est de notre responsabilité collective d’y remédier en leur permettant de reprendre une activité économique.

M. Élie Aboud. Il est dommage que l’article 1er ait été rejeté. Aujourd’hui, certains dysfonctionnements, même lorsqu’ils sont imputables au service, finissent par conduire à la perte du commerçant ou de l’artisan. La création de ce fonds d’indemnisation serait donc tout à fait logique.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur Aubert, je ne suis qu’une modeste assistante sociale. Je ne suis pas magistrate à la Cour des comptes. Il me semble pourtant que nous sommes tous, ici, des parlementaires responsables.

Pour en revenir à cette demande de rapport en vue de la création d’un fonds d’indemnisation, je ferai observer que des mesures ont déjà été prises. Des délais de paiement peuvent être accordés – plus de 300 000 l’ont été en 2014. Par ailleurs, il existe dans chaque région RSI un fonds d’action sociale, qui joue un rôle important puisque ce sont, au total, 34 millions d’euros qui ont été distribués par ce biais.

Le problème, et je pense que nous serons tous d’accord sur ce point, est qu’il y a, chez les indépendants, une large méconnaissance des solutions qui peuvent leur être proposées lorsqu’ils sont en grande difficulté, qu’il s’agisse des aides financières auxquelles je viens de faire allusion ou de l’intervention de médiateurs. Il est vrai que la communication est l’un des points faibles du RSI – d’où notre proposition de constitution d’un comité de suivi.

Je souligne en outre que le RSI n’est pas une entité nébuleuse, mais une structure gérée par un conseil d’administration national et des conseils d’administration régionaux. Ces conseils sont composés de professionnels, de représentants syndicaux, de commerçants, d’artisans, de travailleurs indépendants qui vont à la rencontre de leurs pairs et ont à cœur de les aider. La rupture n’est donc pas aussi marquée que vous voulez bien le dire entre les administrateurs du RSI, qui sont des gens extrêmement sérieux, et les indépendants.

C’est ce système sui generis que je veux défendre, car il fait partie de la culture des travailleurs indépendants, qui souhaitent conserver ces conseils d’administration.

J’appelle donc à voter contre l’article 3.

La commission rejette l’article 3.

Article 4 : Options d’affiliation au régime général pour une durée de trois ans renouvelable

M. le rapporteur. Avant d’en venir à l’article 4, je répondrai à Mme Bulteau que l’aide sociale est destinée à aider ceux qui se trouvent en difficulté aujourd’hui. Elle ne réglera pas les problèmes du passé.

Nous savons que les régimes de sécurité sociale ont des problèmes d’équilibre. C’est également le cas du RSI, notamment du fait de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Un débat s’est engagé pour savoir si les indépendants feraient mieux d’être affiliés au régime général ou non, et le rapport de Mme Bulteau et de M. Verdier effleure d’ailleurs la question.

Bruno Le Maire, moi-même et les cosignataires de cette proposition de loi considérons qu’il vaut mieux laisser aux indépendants le choix, plutôt que décréter une fusion ou un rapprochement. Il convient en effet d’éviter de reproduire à grande échelle ce que l’on a connu avec la création du RSI.

Aujourd’hui, comme les indépendants sont mécontents de leur régime, ils modifient la structure juridique de leur entreprise pour apparaître comme salariés gérants et rejoindre le régime général. L’inconvénient est que nous ne pouvons pas distinguer, lorsqu’il y a de nouveaux cotisants au régime général, entre ceux qui sont de vrais gérants salariés et ceux qui l’ont fait pour quitter le RSI. Cela ne nous donne pas d’indication sur la façon dont le régime fonctionne.

Offrir un droit d’option individuel sans modification du régime juridique présente deux avantages. Premièrement, ce serait à l’indépendant d’apprécier ce qui est le plus rentable pour lui ; s’il subit une hausse de cotisations, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. Deuxièmement, les pouvoirs publics pourront retracer cette évolution et, si le RSI perd ses forces vives tel un réservoir percé, prendre des mesures correctives.

Mme Sylviane Bulteau. Je ne vois pas très bien où est le problème. De deux choses l’une, en effet.

Soit il s’agit de permettre au chef d’entreprise de rester au régime général pour les remboursements d’assurance maladie, et un article du PLFSS pour 2016 permet déjà aux travailleurs indépendants d’être gérés par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) s’ils le souhaitent, tout en continuant à rester affiliés au RSI.

Soit il s’agit d’une réelle affiliation au régime général des travailleurs salariés, auquel cas cela emporterait des conséquences coûteuses pour les indépendants. Or je n’imagine pas, monsieur le rapporteur, que votre objectif soit de les faire cotiser à un taux plus élevé : 13, 55 %, au lieu de 6,5 %, pour l’assurance maladie. En outre, l’assiette de cotisation des salariés est plus large puisqu’elle correspond au salaire brut, alors que l’assiette des travailleurs indépendants est nette de cotisations ; de ce fait, la différence de prélèvement est de 30 % pour un revenu de 20 000 euros.

Il est enfin possible, pour ceux qui ont opté pour certaines formes d’entreprises, notamment les sociétés par actions simplifiées (SAS), de rester affiliés au régime général.

Il est vrai que, dans notre rapport, nous avions évoqué – « effleuré » comme vous l’avez dit – le sujet. Mais nous avons finalement considéré qu’il valait mieux commencer par stabiliser le régime. Si un jour, effectivement, le RSI – et peut-être d’autres régimes – devait être intégré au régime général, il faudrait s’y préparer sérieusement, sur le long terme, en menant de profondes réformes structurelles. Ce n’est pas le moment de créer une seconde catastrophe industrielle !

Pour toutes ces raisons, je considère qu’il faut voter contre cet article.

M. Élie Aboud. Ma chère collègue, nous sommes tous parlementaires, mais nous avons tous une vie par ailleurs. Nous exerçons, ou avons exercé, des métiers différents – aussi respectables les uns que les autres. Et il nous arrive à tous, lorsque nous défendons un dossier, de faire référence à notre expérience socio-professionnelle. Après tout, c’est en cela que nous ne sommes ni des députés « hors sol », ni de simples apparatchiki.

Monsieur le président, si je me suis permis cette remarque, qui sort de l’examen de l’article 4, c’est parce que je suis convaincu que notre rapporteur, qui croit à cette proposition de loi, entendait seulement évoquer son vécu professionnel.

La commission rejette l’article 4.

Après l’article 4 :

La commission examine l’amendement AS1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Ce texte est le fruit d’un travail collectif. Mais, comme certaines propositions n’avaient pas emporté l’adhésion de tous ses cosignataires, je les ai présentées sous la forme d’amendements, de manière à pouvoir en débattre. J’en profite pour signaler au passage à Mme Bulteau qu’il ne faut pas confondre gestion et affiliation et que, par conséquent, selon moi, son argumentation est nulle et non avenue.

L’amendement AS1 prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions d’un rattachement des affiliés au RSI à la Mutualité sociale agricole (MSA). En effet, dans le cadre des auditions, cette solution – que nous avions a priori considérée collectivement comme moins intéressante que la libre affiliation – a été mise en avant.

La MSA est un régime qui fonctionne bien, qui est habitué à gérer des non-salariés, et qui pourrait donc offrir une possibilité d’évolution. Elle-même est d’ailleurs en partie intéressée par cette option. De son côté, le RSI – j’en profite pour répondre à Gilles Lurton – nous a dit être prêt à réfléchir à la question, mais ses représentants ont annulé au dernier moment l’audition qui leur était réservée, sans donner d’explication. J’y vois là, évidemment, le signe d’une contrainte d’agenda, totalement indépendante de consignes politiques qui auraient pu venir de plus haut…

L’amendement vise simplement à étudier cette possibilité. Cela nous permettrait d’avoir une vision plus globale de la situation, et de pouvoir prendre ensuite des décisions structurelles.

M. Arnaud Viala. Cet amendement a un intérêt supplémentaire : celui d’amener une nécessaire réflexion sur le fonctionnement des caisses de MSA. En effet, à la suite de la modification de leurs périmètres territoriaux, les caisses nous ont fait part d’un certain nombre de problèmes relatifs à leur implantation locale et à la manière dont elles traitent les dossiers, problèmes qui risquent, à très court terme, de mettre en danger leur existence même. C’est pourquoi je pense que ce rapport pourrait inclure une réflexion globale sur l’affiliation sociale, au niveau territorial, des commerçants, des artisans et des agriculteurs.

Mme Sylviane Bulteau. Nous avons également soulevé l’idée du rattachement des affiliés au RSI à la MSA dans notre rapport – page 19. Il est vrai qu’une telle idée peut paraître séduisante, mais il nous a semblé, au cours des auditions que nous avons menées, au niveau national comme sur les territoires, que cela ne faisait pas du tout partie des objectifs envisagés par la MSA elle-même, et que le RSI, de son côté, tenait à conserver son propre système. Je crois donc qu’aujourd’hui, la question n’est pas à l’ordre du jour, et qu’il faut explorer d’autres voies, comme Fabrice Verdier et moi-même l’avons proposé.

La MSA est un régime qui compte un très grand nombre d’affiliés, et qui s’appuie sur des professionnels extrêmement compétents, dont des conseillers en prévention et des travailleurs sociaux. Il nous a donc semblé important de permettre, partout où c’est possible, la signature de conventions entre les instances régionales du RSI et de la MSA pour que ces professionnels compétents puissent intervenir auprès des indépendants. Ces derniers, en effet, ne sont pas seulement en butte à des questions d’argent : ce sont des professionnels comme les autres, qui peuvent avoir de vrais problèmes – familiaux, psychologiques ou de santé – et de telles conventions permettraient de les aider à résoudre ces difficultés.

J’appelle donc à voter contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement AS1.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le même ordre d’idées, il s’agit d’inviter le Gouvernement à conduire une réflexion de fond en déposant un rapport sur une possible fusion entre le RSI et la MSA, hypothèse rejetée par le rapport Verdier-Bulteau de septembre 2015.

Selon moi, étudier la faisabilité d’une des options est la meilleure manière d’éviter cette « seconde catastrophe industrielle » dont parlait Mme Bulteau. C’est bien pourquoi nous faisons preuve de prudence et préconisons une analyse globale préalable.

J’en profite pour répondre à Jean-Pierre Door, qui m’avait interrogé à propos de l’article 12 demandant la remise d’un rapport par le Haut Conseil du financement de la sécurité sociale sur la mise en place d’un mécanisme de plafonnement des cotisations sociales. Nous avons vérifié : cela relève bien de la compétence du Haut Conseil, la question des moyens relevant pour sa part de l’exécutif. Mais j’ose espérer que l’exécutif donnera les moyens qu’il faut à ces très nombreux comités – voire trop nombreux, si je puis me permettre une réflexion d’ancien magistrat…

Je souligne enfin une petite différence d’appréciation avec Mme Bulteau, selon qui la MSA ne serait pas du tout intéressée par une fusion. Elle s’est en effet positionnée, par un communiqué de presse d’octobre 2014, comme repreneur des activités de gestionnaire des organismes conventionnés RSI, suite aux préconisations de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) à l’été 2013. Mais peut-être ses positions varient-elles selon les interlocuteurs et selon les rapports… Quoi qu’il en soit, la décision n’appartient pas à la seule MSA. Il faut apprécier l’intérêt général et estimer l’impact d’une telle option, qui ne sera certes pas facile d’application, mais qui mérite d’être creusée et non pas balayée d’un revers de manche.

Mme Isabelle Le Callennec. La préconisation n° 20 du rapport Bulteau-Verdier consiste à associer les travailleurs indépendants au suivi des engagements au sein d’un comité d’évaluation. Je voudrais toutefois savoir quelles seront la composition et, surtout, les missions, de ce comité qui devrait être mis en place dès cette année. Il serait dommage de ne pas y faire figurer des études sur de possibles rapprochements, par exemple avec la MSA.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le rapporteur, ne me dites pas que vous ne faites pas la différence entre fusion et conventionnement !

Mes chers collègues, je vous invite à rejeter cet article additionnel, et à lire le dernier paragraphe de la page 20 de notre rapport, qui explique pourquoi la fusion RSI-MSA est, dans le contexte présent, tout simplement impossible.

La commission rejette l’amendement AS2.

Chapitre II – Améliorer le fonctionnement du régime social des indépendants

Article 5 : Calcul mensuel ou trimestriel des cotisations et contributions de sécurité sociale

M. le rapporteur. L’article 5 s’inscrit dans une approche différente, consistant à simplifier la vie des indépendants en leur permettant d’opter pour l’auto-déclaration et l’auto-liquidation des cotisations et contributions de sécurité sociale, qui seraient ainsi calculées sur une base mensuelle ou trimestrielle. Le calcul annuel demeurerait la règle générale, l’auto-déclaration et l’auto-liquidation un régime dérogatoire, comme cela se pratique ailleurs.

Il me semble que, dans le rapport Verdier-Bulteau, cette piste était déjà préconisée. Je pense donc que, sur ce point, nous pouvons être d’accord, ce qui prouverait que tout n’est pas à rejeter dans cette proposition de loi...

Mme Sylviane Bulteau. Il est exact que Fabrice Verdier et moi-même avons évoqué cette possibilité d’auto-déclaration et d’auto-liquidation. Nous avons même suggéré de mener une expérimentation, limitée géographiquement, au bénéfice d’une population spécifique, à savoir les gérants majoritaires qui, eux, se rémunèrent mensuellement.

Pour autant, je crois qu’il vaut mieux continuer à approfondir la question. En effet, suite à notre rapport et à cette proposition, le Gouvernement a suggéré de lancer une mission sur la simplification du calcul des cotisations. Attendons les résultats de cette mission, qui sera confiée à l’IGAS et à l’IGS.

Pour ces raisons, j’invite la commission à voter contre cet article.

La commission rejette l’article 5.

Article 6 : Instauration d’un système de rescrit social au sein du régime social des indépendants

M. le rapporteur. Ce qui nous intéresse, c’est le présent, donc la correction des dysfonctionnements que nous constatons aujourd’hui. Je ne voudrais pas que le débat s’engage sur le très lointain passé, sur les responsabilités d’il y a dix ans, ni sur le très lointain avenir, c’est-à-dire les missions, les commissions et les rapports que le Gouvernement entend commander pour régler, un jour, la situation. Nous aurions tous intérêt à trouver immédiatement des solutions opérationnelles. C’était en tout cas le désir des cosignataires. Mais fermons la parenthèse.

L’article 6 permet d’instaurer un système de rescrit social au sein du régime social des indépendants ; ainsi, ce dernier devra se prononcer de manière explicite sur toute demande d’un cotisant ou d’un futur cotisant. Nous avons pu constater que, dans la pratique, le silence du RSI ne signifiait pas forcément approbation, et que la difficulté à joindre le service faisait partie des principales critiques qui lui étaient adressées.

Il est donc proposé de compléter le premier alinéa de l’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale, afin que sa rédaction vise explicitement le RSI, et que ce recours au rescrit – qui est d’ailleurs demandé par un certain nombre d’organisations – s’impose au quotidien dans les relations entre le RSI et ses ressortissants.

M. Dominique Dord. Nous en sommes à peu près à la moitié de l’examen du texte, et le scénario auquel nous assistons est proprement hallucinant. Nous sommes tous d’accord pour dire que cela ne va pas. Mme Bulteau, une experte, une « sachante », est d’accord avec nous sur tous les sujets, ou quasiment tous, au point d’en revendiquer la paternité, après quoi elle démolit tous les articles, l’un après l’autre, en nous disant que cela vient trop tôt, qu’il ne fallait pas faire cela, etc. Si l’on continue ainsi, nous serons passés, à l’issue de la discussion, complètement à côté de ce que ressentent nos concitoyens commerçants ou artisans !

Cet article 6, que l’on retrouve dans toutes les autres procédures, ne coûte rien. Il permettrait d’éviter que les artisans et les commerçants ne fassent les frais des lourdeurs et des « non-réponses » de leur administration de tutelle, en l’occurrence le RSI. Sans réponse dans un délai qui reste d’ailleurs à fixer, les artisans et les commerçants auraient gain de cause.

Mes chers collègues, pour ne pas sortir du débat sans avoir rien modifié au RSI, qui est un des sujets majeurs de préoccupation des artisans et des commerçants, je crois que nous devrions, au moins, adopter cet article à l’unanimité.

Mme Sylviane Bulteau. C’est la première fois que l’on me qualifie de « sachante ». J’en suis très honorée…

Cela dit, l’article 6 n’est pas utile puisque le rescrit social existe déjà, et que les réponses faites aux cotisants doivent être explicites.

Je précise par ailleurs que le principe selon lequel « silence vaut acceptation » ne concerne pas les demandes ayant un objet financier. Or les demandes en matière de cotisation et de recouvrement ont toujours principalement un objet financier.

J’appelle donc à voter contre cet article.

La commission rejette l’article 6.

Article 7 : Délégation aux URSSAF du calcul et de l’encaissement des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions libérales

M. le rapporteur. L’article 7 porte sur les relations entre les URSSAF et le RSI. L’article 12 du PLFSS pour 2016 prévoyait, dans sa rédaction initiale d’étendre aux URSSAF la délégation du recouvrement des cotisations de sécurité sociale des professions libérales pour les seuls régimes d’assurance maladie et maternité, aujourd’hui gérés par le RSI.

Car article va donc dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement, mais nous proposons d’aller plus loin, d’aller jusqu’au bout de cette logique, en confiant le recouvrement de l’ensemble des cotisations sociales des professions libérales aux URSSAF pour les opérations de calcul comme d’encaissement. Le RSI n’aurait ainsi plus à rémunérer les organismes conventionnés qui assureraient la gestion du risque assurance maladie et maternité, et les cotisants disposeront d’un interlocuteur unique, ce qui, vous l’imaginez bien, leur facilitera la vie.

Mme Sylviane Bulteau. L’URSSAF peut déjà, par le biais de conventions, assurer le recouvrement des cotisations pour le compte du RSI. Il est vrai que dans la mission que nous avons conduite, le sujet a été évoqué entre l’URSSAF et le RSI, ce dernier souhaitant pouvoir reprendre de A à Z tout le travail de calcul et de prélèvement des cotisations.

Pour l’instant, je vous propose de rejeter cet article, qui est déjà satisfait.

M. Arnaud Viala. Il ressort des interventions de Mme Bulteau que c’est le RSI ou la MSA qui décide ! Je m’interroge donc : si le législateur n’a pas la capacité de prendre des orientations qui concernent nos concitoyens, que faisons-nous ici ?

Par ailleurs, j’observe que, pour des raisons partisanes et de politique politicienne, vous enlevez à ce texte toute possibilité d’adoption. Vous devriez pourtant faire un signe à tous ceux qui ne pourront pas attendre que les rapports que vous avez commandités produisent leurs effets. Car dans un an, dans deux ou trois ans, il y aura eu de la casse. Et je peux vous garantir que, sur les réseaux sociaux, ceux qui nous écoutent ce matin sont en train de grimper aux arbres !

La commission rejette l’article 7.

Après l’article 7 :

La commission examine l’amendement AS3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de manifester toute l’attention que le Parlement porte à ce régime, nous proposons de donner aux membres des bureaux des commissions des finances et des affaires sociales de véritables pouvoirs d’investigation pour contrôler le RSI.

Cette faculté existe pour les organes parlementaires, notamment pour les commissions d’enquête. Elle a été étendue aux commissions permanentes, qui peuvent en bénéficier sous certaines conditions.

En l’occurrence, il s’agit de permettre aux parlementaires eux-mêmes de puiser leurs informations directement à la source. C’est d’ailleurs ce que fait la Cour des comptes lorsqu’elle « débarque » dans les bureaux.

Pour établir le rapport Verdier-Bulteau, vous avez dû utiliser des informations fournies par le RSI. Mais si vous demandez à celui que vous contrôlez de vous fournir les réponses, le contrôle est faussé et les chiffres sont contestables. Pour autant, évitons tout malentendu : je ne fais pas le procès du RSI, où certains tentent de corriger de corriger une situation dont ils souffrent eux-mêmes. Simplement, l’image du régime s’est dégradée. Dans ce climat de suspicion généralisée, les indépendants ne prendront pas pour argent comptant les rapports sur le RSI car ils se méfient des chiffres fournis par lui.

En donnant aux parlementaires la possibilité d’aller sur place pour mener leurs investigations, nous casserons ce mur de la défiance et nous permettrons de redresser la situation.

M. Jean-Pierre Barbier. Dans nos permanences, nous rencontrons tous des commerçants et des artisans qui, en raison des dysfonctionnements de ce régime, se retrouvent dans des situations incroyablement difficiles. Or ce matin, toutes nos propositions sont rejetées sans argumentation véritable, au prétexte que, finalement, il n’est pas nécessaire de changer quoi que ce soit !

L’article 12 du PLFSS pour 2016, dont nous avons débattu dans cette même salle, permet de retirer à des mutuelles les délégations de gestion dont elles bénéficiaient, pour faire reprendre la gestion par le régime obligatoire. Pourquoi refuser d’appliquer la même mesure au régime des indépendants ?

Notre débat est quelque peu surréaliste, et n’est pas respectueux des commerçants et des artisans qui connaissent des difficultés. Ce texte nous aurait permis de progresser, et il est très regrettable que la majorité se retranche derrière des arguments qui n’en sont pas.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, je vais soutenir très naturellement, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, l’amendement proposé par notre rapporteur.

Il est exact que les relations sont souvent difficiles entre le RSI et ses ressortissants. Mais il y a aussi parmi l’administration et surtout parmi les gestionnaires élus du régime – et je parle de ce que je connais le mieux, à savoir le RSI Bretagne – des personnes qui sont conscientes des problèmes et de la nécessité d’améliorer le système.

Je voudrais dire sans agressivité à nos collègues de la majorité qu’on ne peut, d’un revers de main, balayer tous les articles et tous les amendements de cette proposition de loi. Nous sommes, comme vous, conscients de l’urgence à agir. Nous l’avons déjà dit, le rapport Bulteau-Verdier est bon. Nous l’avons déjà dit, le Gouvernement a retenu quelques préconisations. Mais, encore une fois, cela ne suffira pas : il y a urgence à agir de manière concrète !

Mme Sylviane Bulteau. Ne soyez pas méprisant, monsieur le rapporteur. Loin de nous autoproclamer experts, Fabrice Verdier et moi-même avions pris soin de nous faire accompagner par un haut fonctionnaire de Bercy chargé du contrôle du RSI et par une inspectrice de l’IGAS. Je pense que les chiffres et les rapports qui nous ont été fournis étaient dignes de confiance.

Votre suspicion à l’égard du RSI est très déplacée. Comme vous l’avez souligné vous-même, le système est géré par des indépendants élus par leurs pairs. Aller faire des contrôles sur je ne sais quelles factures ou pièces me semble totalement déplacé dans un système démocratique tel que le nôtre. C’est pourquoi j’appelle la commission à rejeter votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 : Certification des comptes du régime social des indépendants et de son activité de recouvrement par la Cour des comptes

M. le rapporteur. Veuillez m’excuser si vous avez l’impression d’avoir été méprisée, madame Bulteau. Ce n’est pas du tout mon propos. Je cherche simplement à vous faire part de mon incompréhension car, alors que nous sommes d’accord et que nous constatons une vraie colère des cotisants au RSI, nous sommes en train d’envoyer un message politique catastrophique : « vos problèmes, nous n’en avons rien à faire » ; « de toute façon tout est dans le rapport » ; « circulez, il n’y a rien à voir ». Vous pouvez penser que c’est la meilleure méthode, mais permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous et de considérer que nous devons envoyer un message politique fort, car le RSI a besoin d’autre chose que d’un traitement homéopathique et de quelques mesurettes. Le législateur doit engager la réforme de ce régime par la coercition.

L’article 8 propose la certification du RSI et de son activité de recouvrement par la Cour des comptes. Rappelons que la sixième chambre de la Cour des comptes contrôle le RSI ainsi que tous les organismes de droit privé qui assurent la gestion d’un régime de sécurité sociale obligatoire. Elle assure également la certification des organismes nationaux du régime général de sécurité sociale et de leur activité de recouvrement.

Cet article prévoit donc que les comptes et l’activité de recouvrement du RSI soient spécifiquement certifiés par la Cour des comptes et fassent l’objet d’un rapport annuel qui sera transmis au Parlement. Il n’est sans doute pas indispensable que ce rapport soit effectué tous les ans. Une fois la situation rétablie et la confiance retrouvée, il sera possible de mettre fin au suivi spécifique de ce régime.

Cette disposition est d’autant plus essentielle que vous estimez que le contrôle n’est pas du ressort des parlementaires, même s’il leur arrive de s’intéresser à des cas très concrets et si une telle méthode produit des résultats dans les pays qui l’utilisent. L’administration n’a pas l’habitude de voir arriver des parlementaires alors qu’il est bon que nous allions nous rendre compte sur place. On parle souvent des stages des parlementaires en entreprise ; le stage en administration a aussi des vertus. Cette disposition est essentielle compte tenu des fragilités persistantes du régime : elle viendra compléter utilement les travaux de la Cour des comptes qui pourra faire des préconisations immédiatement opérationnelles et contribuant à rétablir la confiance.

Mme Isabelle Le Callennec. Les députés votent les lois mais ils veillent aussi à leur application et ils contrôlent l’action du Gouvernement. Cet article 8 propose que nous nous penchions collectivement sur un rapport qui serait présenté par la Cour des comptes. Les responsables du RSI arguent que cela existe déjà. Pour ma part, je relie cette mesure à l’article 7, qui prévoit un contrôle sur place et sur pièces. Pour lutter contre la méfiance et la suspicion très bien décrites par notre rapporteur, il faut davantage de transparence. C’est ce qui nous est demandé lors des réunions que nous organisons sur le terrain. Pour ma part, je rends hommage aux responsables du RSI qui acceptent de venir dans nos réunions, où ils font de la pédagogie. Je puis témoigner que l’intervention du président du RSI, lors de la réunion organisée dans ma circonscription, a permis aux indépendants de découvrir beaucoup de choses.

Cet article est nécessaire pour aplanir les fortes tensions qui existent entre le régime du RSI et les cotisants. Madame Bulteau, je reviens sur le comité d’évaluation car vous ne m’avez pas répondu. J’aurais davantage confiance en un contrôle de la Cour des comptes, mais je n’ai rien contre la création d’un tel comité d’évaluation auquel seront associés les indépendants, à condition que vous nous précisiez sa composition et ses missions. Cela participe du besoin de transparence et de la nécessité de réinstaurer un dialogue entre les protagonistes.

M. Thierry Benoit. Les travailleurs indépendants s’interrogent et manifestent beaucoup de doutes et de suspicions à l’égard du RSI. Cet article ne peut que rétablir la confiance indispensable. Lors des réunions que nous avons organisées, bon nombre de travailleurs indépendants ont mis en cause le fonctionnement du RSI et sont allés jusqu’à dire que certains budgets de fonctionnement étaient exorbitants. Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que les questions fusaient concernant les frais et que les réactions étaient souvent scandalisées. C’est pourquoi je souhaite l’adoption de cet article.

Mme Sylviane Bulteau. Les comptes du RSI sont certifiés par des commissaires aux comptes et, pour ma part, je pense que nous pouvons nous en satisfaire. Cette année, pour la première fois, ces comptes ont été certifiés au titre de l’exercice 2014, ce qui prouve que les choses s’améliorent. La Cour des comptes, qui est chargée du contrôle du régime général, peut à tout moment s’intéresser au RSI – et elle l’a déjà fait. J’appelle donc à voter contre cet article.

La commission rejette l’article.

Chapitre III – Faciliter l’activité des entrepreneurs

Article 9 : Étalement du règlement des cotisations en cas de difficultés financières

M. le rapporteur. L’article 9 offre la possibilité d’étaler sur trente-six mois le règlement des cotisations, en cas de diminution substantielle du chiffre d’affaires des cotisants. Cette proposition est très importante à un moment où, comme moi, vous devez entendre les commerçants et artisans de vos circonscriptions déplorer une baisse de leur activité – et les événements récents n’ont sûrement pas amélioré la tendance – et un effet de ciseau.

Anticipant vos réactions, j’indique que je n’ignore pas que le mode de calcul des cotisations a été modifié et qu’il est désormais fondé sur les revenus de l’année « n – 1 » et non plus sur ceux de l’année « n – 2 ». C’est une très bonne mesure en ce qu’elle permet de rapprocher le montant des cotisations prélevées du revenu réel, mais elle ne répond pas au problème de l’entreprise qui connaît un « trou d’air » et risque de disparaître. Actuellement, l’étalement est possible mais il n’est pas de droit : c’est une simple faculté qui peut être accordée. L’article propose donc créer un droit de lissage pendant une période maximum de trente-six mois, comme à la MSA.

M. Jean-Pierre Door. Cet article est extrêmement important mais je redoute qu’il ne soit mort-né, compte tenu de la manière dont tous les articles sont balayés. C’est une erreur. Il y a un an, le rapport d’information des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy avait ouvert la voie. Nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont ensuite produit un bon rapport. Nous avons des rapports dont nous ne faisons rien ; nous parlons, mais n’agissons pas.

Le chiffre d’affaires d’un artisan ou d’un commerçant varie d’une année sur l’autre en fonction des conditions économiques du pays, des charges diverses, de l’accumulation de taxes et d’impôts, etc. L’indépendant peut avoir des difficultés, y compris parce que son carnet de commandes n’est pas complètement rempli. Si l’on veut faciliter la vie de ces artisans et commerçants et éviter l’asphyxie de leur affaire, il faut trouver des solutions.

Nombre d’entre eux sont sûrement venus dans vos permanences pour vous demander d’écrire aux services des impôts ou du RSI afin d’obtenir un étalement des versements d’impôts ou de cotisations. Quand nous le faisons, nous nous heurtons toujours à un refus. Pour ma part, j’ai encore récemment reçu l’appel téléphonique du directeur du RSI auquel j’avais écrit et qui m’a dit : je ne peux rien faire, vous n’avez qu’à légiférer. Quand nous essayons de légiférer, on nous renvoie dans les cordes. C’est dommage. Pour notre part, nous soutiendrons l’excellente mesure proposée dans cet article 9, monsieur le rapporteur.

M. Gérard Sebaoun. Cet article ne crée aucun droit nouveau. Il y est indiqué qu’en cas de « diminution substantielle » du chiffre d’affaires d’un cotisant, « le RSI devra étudier la possibilité d’étaler le paiement de ses cotisations sans majoration. » Actuellement, les cotisants peuvent déjà négocier avec le RSI mais ils doivent payer des indemnités de retard. « L’étalement du règlement pourrait être envisagé sur une période inférieure ou égale à trente-six mois », est-il précisé. Il me semble que cet étalement est déjà possible et que l’article vise seulement à supprimer les majorations dont doit s’acquitter le cotisant dans le cadre d’une négociation avec un régime auquel il doit de l’argent.

La commission rejette l’article.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement AS4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que le chiffre d’affaires d’une entreprise ne comprenne que les factures effectivement encaissées par celle-ci à la date de sa déclaration au RSI. Il s’agit d’offrir plus de souplesse aux entreprises, en excluant du calcul des cotisations – basé sur le chiffre d’affaires déclaré – les factures émises mais non réglées. Certaines entreprises doivent faire des avances de trésorerie importantes pour payer leurs cotisations alors que les sommes déclarées n’ont pas encore été encaissées.

Cette idée nous a été suggérée par un expert-comptable qui nous a expliqué les problèmes qu’il constatait tous les jours. L’article L. 131-6-2 du code de sécurité sociale rappelle que le montant retenu est le même que celui qui sert de base au calcul de l’impôt sur le revenu. Cette mesure concerne donc principalement les commerçants et artisans qui sont imposés sur leurs bénéfices industriels et commerciaux. Nous voulons apporter une solution concrète pour le paiement des cotisations.

M. Denys Robiliard. Il existe deux modes d’imposition : sur les bénéfices industriels et commerciaux ou sur les bénéfices non commerciaux. Dans le cadre d’une imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux, le chef d’entreprise peut faire des provisions pour tenir compte du phénomène que vous décrivez fort justement : le chiffre d’affaires est constitué de la totalité des factures émises, alors que certaines d’entre elles ne sont réglées qu’à un, deux ou trois mois, selon la nature de l’activité exercée. Le chef d’entreprise va provisionner tout ou partie de ces factures non acquittées, ce qui diminuera le montant de son résultat, donc sa base d’imposition.

Il faut essayer de raisonner de manière cohérente afin de ne pas complexifier les choses : la mesure que vous proposez introduirait des éléments complètement hétérogènes dans une même comptabilité. Il faut choisir entre une comptabilité de trésorerie ou une comptabilité d’engagement ; ce n’est pas possible de passer de l’une à l’autre ou de mélanger les deux. Ce que vous demandez est déjà pris en compte par le jeu des provisions, et l’on ne saurait gagner sur les deux tableaux.

M. le rapporteur. Vos réflexions concrètes sont extrêmement pertinentes, et je retire donc mon amendement. D’ici à la séance, j’essayerai de voir comment atteindre le même objectif sans compliquer la vie des chefs d’entreprise, qui n’ont pas la même facilité qu’un expert-comptable à jongler avec tous ces éléments.

L’amendement est retiré.

Article 10 : Relevés de situation individuelle

M. le rapporteur. Cet article prévoit l’envoi par le RSI d’un relevé de situation à ses cotisants pour les informer des droits acquis dans chacun des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires auxquels ils appartiennent.

Certains bénéficiaires découvrent un peu trop tardivement que leur pension de retraite sera extrêmement minime, ce qui leur posera des problèmes d’adaptation de niveau de vie. Tous les Français ne sont pas des comptables en puissance et certains, notamment ceux qui sont absorbés par une vie professionnelle intense, n’ont pas bien anticipé l’échéance. Le jour où ils s’arrêtent, ils se rendent compte que le montant – qui n’est d’ailleurs pas toujours évident à calculer – n’est pas aussi élevé que prévu.

Se pose, en outre, le problème des dossiers perdus par le RSI. Je pense à une personne, en particulier, qui attend sa retraite depuis trois ans. Sa carrière a été quelque peu complexe, et les différents régimes de sécurité sociale auxquels il a été affilié avant le RSI attendent que celui-ci règle son dossier. La mesure proposée obligera le RSI à s’intéresser en amont aux situations personnelles et aux pièces justificatives afin de prévenir ces problèmes.

M. Michel Issindou. Le RSI a toute sa pertinence à condition qu’il fonctionne bien, ce qui n’est pas le cas, comme la Cour des comptes et plusieurs rapports l’ont constaté. Mais je ne vois pas l’intérêt d’une loi, à un moment où le système est en train de se remettre d’aplomb. Sans vouloir critiquer les dirigeants en place, je pense que le RSI a besoin que l’on remette à sa tête des gens qui sachent le faire fonctionner et, manifestement, le défi est rude.

Comme la MSA, le RSI a vocation à s’aligner sur le régime général. Dès le 1er janvier 2017, peut-être un peu plus tard à cause du RSI, il existera un fichier unique. Cette évolution relève de l’organisation interne et je ne vois pas ce que vient faire le législateur dans ce débat. M. Aubert essaie, article après article, de trouver des petites mesures qui ne sont que des sparadraps.

Un jour, je l’espère, le RSI fonctionnera aussi bien que la MSA et le régime général. Laissons-lui le temps de sortir de l’ornière. C’est long, j’en conviens, mais ce système compte 5,4 millions d’affiliés, dont les modes de rémunération et de cotisation sont plus complexes que ceux des salariés. Il faut une organisation différente, et celle-ci est en train de se mettre en place. À l’occasion des auditions menées dans le cadre de la loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, j’ai rencontré des représentants du RSI qui m’ont convaincu que l’objectif n’était pas si éloigné qu’il pouvait paraître.

La commission rejette l’article.

Article 11 : Droit à une pension provisoire

M. le rapporteur. L’article 11 répond aux récriminations du précédent orateur. Pourquoi le législateur vient-il mettre son nez dans ce régime ? Tout simplement parce que les dysfonctionnements sont trop importants pour que nous regardions ailleurs : la maison brûle. Cet article instaure le droit à une pension provisoire au bénéfice des affiliés lorsque l’organisme prend plus de quatre mois pour traiter la demande de liquidation des droits à la retraite.

On ne peut pas laisser des affiliés en suspens. Pour en connaître quelques-uns, je peux vous décrire leur situation concrète : il leur faut vendre leur maison, retrouver un travail pour survivre. La situation s’améliore, dites-vous. Heureusement ! Une dégradation de la situation, en dépit de tous les efforts entrepris, signifierait que nous sommes au bord du gouffre. Certaines personnes sont dans le tunnel depuis plusieurs années et on ne peut pas leur demander d’attendre encore un an ou deux, en leur promettant que la situation finira par s’améliorer un jour. Elles ont besoin de réponses immédiates.

Il y a des retards fréquents dans la liquidation des droits à pension et le système est parfois complexe. Cet article propose le versement d’une pension, à titre provisoire, qui permettra aux affiliés de vivre malgré les éventuels dysfonctionnements.

La commission rejette l’article.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement AS5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux très petites entreprises le bénéfice du régime micro-social simplifié. À ce jour, les bénéficiaires de ce régime sont des créateurs d’entreprise et des travailleurs indépendants réalisant un chiffre d’affaires extrêmement réduit. Ce régime leur permet de s’acquitter forfaitairement de leurs cotisations sociales sur la base d’un pourcentage de leur chiffre d’affaires et d’une déclaration mensuelle ou trimestrielle. Ils paient leurs cotisations au fur et à mesure de l’encaissement de leur chiffre d’affaires. Ce régime a fait ses preuves, comme en témoigne le succès des auto-entrepreneurs. Entre l’auto-entrepreneur et la très petite entreprise, il existe une différence juridique mais pas de différence pratique. L’extension de ce régime permettrait de simplifier la vie de ces micro-entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rejoint les préconisations du rapport déposé par Mme Bulteau et M. Verdier. Il a pour objet d’entamer une réflexion sur les conditions d’un alignement du délai de carence en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle, des travailleurs indépendants non agricoles sur celui des travailleurs salariés. Dans notre pays très attaché à la notion d’égalité, cette question revient systématiquement dans les attentes des indépendants. Ils ne comprennent pas pourquoi ils se voient appliquer des délais de carence deux fois plus long, d’autant que cette situation peut les entraîner dans des difficultés financières. Je sais que le Gouvernement a entamé une procédure mais, d’après le site du RSI, elle n’a pas encore débouché sur une application concrète. Si nous adoptons cette mesure, nous serons certains qu’elle entrera en vigueur dès le 1er janvier 2016.

Mme Sylviane Bulteau. Nous avons en effet préconisé un rapprochement entre les salariés et les indépendants dans ce domaine et, comme M. le rapporteur vient de le dire, le processus est bien engagé. Nous avons ainsi proposé d’abaisser de sept jours à trois jours le délai de carence concernant les arrêts maladie de plus de sept jours. Nous voterons contre cet amendement s’il n’est pas retiré.

Mme Isabelle Le Callennec. En fait, cet amendement demande la remise d’un rapport. Même si le processus est en cours, comme vous l’indiquez, qu’est-ce qui vous empêche de voter pour la remise d’un rapport afin que tout le monde soit bien au courant de ce rapprochement ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne peut être suspendu en cas de contentieux entre un travailleur indépendant non agricole et le RSI. Dans un cadre normal, cela peut sembler aller de soi. Mais, en cas de dysfonctionnement, des indépendants peuvent se retrouver piégés et contraints de verser des sommes très importantes.

Je peux vous en donner un exemple très récent. Il y a à peine un mois, un entrepreneur s’est vu réclamer 45 000 euros alors que le montant habituel était de 20 000 euros. Trois jours plus tard, avant même d’avoir élucidé le problème, il reçoit un courrier rectificatif qui porte cette fois sur 35 000 euros. Il fait une deuxième réclamation. Au bout d’un mois, on lui annonce qu’il y a erreur et que, finalement, on lui doit de l’argent ! Au-delà des principes, les cas pratiques permettent de remettre les pieds sur terre. En cas de contentieux avec le régime, alors même que vous êtes de bonne foi et que vous avez été victime d’un dysfonctionnement, vous subissez une double peine : les indemnités journalières sont suspendues alors que vous ne pouvez plus travailler et que vous devez payer un avocat pour essayer de vous débattre. C’est vous mettre la tête sous l’eau !

Cet amendement permet de ne plus conditionner le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle au règlement de cotisations dont le montant fait l’objet d’un contentieux entre l’affilié et le RSI.

Mme Isabelle Le Callennec. Des cas comme celui qui vient d’être cité, nous en avons tous vu. Ils existent. C’est une bonne idée que d’inverser la charge de la preuve et de faire en sorte que les indemnités journalières en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle soient versées en cas de contentieux, tant que celui-ci n’est pas réglé. À l’issue du jugement, l’organisme pourra éventuellement se retourner vers le cotisant. Avant d’avoir prouvé que le cotisant a tort, le RSI doit considérer qu’il est de bonne foi et lui verser ses indemnités. Cette inversion des choses changerait radicalement la façon dont les uns et les autres se perçoivent mutuellement.

M. Denys Robiliard. À partir de situations dont je ne nie pas l’existence, vous proposez ni plus ni moins que de renverser des principes essentiels. Ce dont il s’agit, c’est de savoir si une personne a des droits ouverts, si elle a cotisé. Supposons qu’un artisan ou un commerçant ne verse aucune cotisation : il relève du régime, sans conteste, mais il refuse de cotiser par principe. Rappelons que certaines organisations professionnelles ont mobilisé leurs adhérents sur ce thème du refus des cotisations ! Dans ce cas, il va y avoir une mesure de contrainte ; l’artisan va faire opposition ; le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS)
– qui est totalement saturé – va être saisi. Si votre amendement était adopté, l’artisan en question aurait droit aux indemnités journalières bien que n’ayant jamais cotisé. C’est quand même un peu fort de café ! Je sens que M. Tian, s’il était présent, nous accuserait de laxisme…

Pour connaître moi-même des cas tels que celui que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, je ne nie pas leur existence. En revanche, la solution que vous proposez ne me paraît pas adaptée parce qu’elle pourrait être source de problèmes plus généraux. Par votre proposition de loi, vous cherchez à résoudre les problèmes en partant du postulat que le cotisant a systématiquement raison ; or il arrive qu’il ait tort. C’est l’une des raisons de notre désaccord. Si nous adoptions les mesures que vous nous proposez, nous provoquerions l’embolie complète du RSI à très bref délai. Au lieu de résoudre les problèmes, nous tuerions le RSI.

M. le rapporteur. Je n’ai pas le droit de répondre ?

M. Christian Hutin, vice-président. J’essaie de faire respecter les règles par tous. Pour ma part, étant davantage médecin que magistrat ou juriste, j’ai compris ce que signifie « embolie ».

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme notre président est médecin, il aura compris que la majorité propose un traitement homéopathique alors que nous prescrivons de la chirurgie lourde et des antibiotiques au RSI. Cela étant, je tiens à dissiper un malentendu : si les députés de la majorité veulent profiter de l’espace démocratique qui va s’ouvrir pour proposer des sous-amendements et améliorer le texte, je n’y vois pas d’inconvénient car je n’ai pas de problème d’ego. Si certains des articles disparaissent, meurent ou sont remplacés, cela ne me pose aucun problème à condition que nous parvenions à un consensus bipartisan sur cette question.

Quant à mon dernier amendement, il concerne les personnes retraitées qui exercent une activité indépendante complémentaire et propose d’étudier les moyens de les exonérer de cotisations retraites. Actuellement, elles cotisent à fonds perdus puisqu’elles sont déjà à la retraite et que le montant de leur pension ne va pas augmenter du fait de cette cotisation. Nous proposons que, dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui étudie les conditions d’une exonération de cotisations retraites pour ces personnes.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce texte très intéressant arrive quelques semaines seulement après nos débats sur le PLFSS. J’entends notre collègue Robiliard s’interroger sur la cotisation, la non-cotisation, l’assujettissement ou le non-assujettissement. Or, dans le PLFSS, nous avons encore voté cette année une mesure qui fait que toute personne est assurée sociale et bénéficie des remboursements, qu’elle cotise ou non. Est-ce que cela veut dire que les indépendants, artisans et commerçants représentent une catégorie à part ?

Notre rapporteur décrit très justement la situation plus que compliquée de certaines personnes. Pourquoi n’auraient-elles pas droit à la juste solidarité nationale ? Pour le régime général, on ne se pose pas la question de savoir si les gens cotisent ou non : on les prend en charge. Ne croyez-vous pas que les artisans et les commerçants mériteraient aussi la même attitude ? Je suis très surpris par les propos tenus par certains ce matin : ils sont complètement contraires aux positions que vous avez défendues il y a quelques semaines et qui suscitaient des réticences de notre part car les droits ne semblaient plus liés aux cotisations. Apparemment, vous considérez qu’il y a deux catégories de Français.

M. Michel Issindou. Je ne comprends toujours pas cette démarche qui consiste à essayer de fabriquer un arrangement « aux petits oignons » pour des gens qui se plaignent, parfois légitimement, de leur régime. Article par article, on essaie de bâtir sur mesure un système qui corresponde à leur demande du moment.

Pour ma part, j’ai participé à des débats incroyables avec des gens qui affirmaient vouloir sortir de la sécurité sociale, estimant que la législation européenne leur en donnait le droit. Mais les artisans et commerçants ont les mêmes droits que les autres : quand ils vont à l’hôpital ou ailleurs, on ne leur demande pas leur métier.

Notre but, je le répète, est de parvenir à un alignement sur le régime général. M. Benoit, ici présent, va défendre demain sa proposition de loi en faveur d’un système unique de retraite. Il faut savoir ce que l’on veut : veut-on continuer à cloisonner éternellement ou aller vers un alignement progressif, vers une convergence entre le régime général, la MSA et le RSI ? Comme le prévoit la loi de 2014, nous essayons d’aller vers un alignement des régimes.

Pour en revenir à cet amendement, les commerçants et artisans sont soumis aux mêmes règles sur le cumul emploi-retraite que les autres : les cotisations sur le salaire cumulé avec la pension n’ouvrent pas de nouveaux droits. C’est la règle pour tout le monde. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement pour cette catégorie particulière, tout à fait respectable, parce qu’elle aurait souffert d’un système mal géré. On peut regretter que la remise sur pied du RSI prenne du temps mais ses cotisants seront soumis au régime général quand l’alignement sera terminé. Sur le salaire cumulé avec la retraite, il existe une cotisation de solidarité destinée à tous ceux qui en ont véritablement besoin. Appliquons le régime général par anticipation dans ce domaine, et rejetons cet amendement comme les autres.

La commission rejette l’amendement.

Article 12 : Remise d’un rapport par le Haut Conseil du financement de la protection sociale sur la mise en place d’un mécanisme de plafonnement des cotisations sociales

M. le rapporteur. Cet article prévoit la remise par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS), dans un délai de six mois, d’un rapport au Parlement sur la mise en place d’un « bouclier social » plafonnant les cotisations sociales des travailleurs non salariés.

Je me souviens d’une conversation avec un chauffeur de taxi auquel j’avais demandé s’il était au RSI, parce que je devais participer à une émission sur le sujet. « Ne m’en parlez pas, je ne paye plus mes cotisations ! » m’avait-il répondu. Je m’en étais étonné. Il m’avait alors expliqué qu’il gagnait 2 500 euros par mois, qu’il payait 1 000 euros pour la voiture et que le RSI lui réclamait 1 000 euros. « J’ai choisi de nourrir mes enfants plutôt que de payer le RSI. Je suis donc dans l’illégalité », avait-il conclu.

Nous devons nous poser des questions. En raison de l’application de modes de calcul fort complexes – j’ai vu des modèles d’appels de cotisations avec des assiettes très imbriquées – une personne qui travaille dix ou onze heures par jour peut s’apercevoir qu’elle gagne moins que si elle se contentait de toucher les minimas sociaux. Est-ce tenable dans une société ? Pour ma part, je ne le pense pas. Citons aussi le cas de personnes qui ont un contentieux avec le RSI : en cas d’arrêt de travail, elles ne perçoivent aucune indemnité du RSI mais elles doivent continuer à cotiser. Les montants prélevés par le RSI sont supérieurs à ce qui peut leur être accordé par leur mutuelle. Il n’est humainement pas possible de tolérer longtemps des cas comme ceux-là.

Voilà pourquoi le HCFPS, qui en a les moyens et la responsabilité, doit être chargé de réfléchir à ce bouclier social et à son application concrète dont je ne sous-estime pas la difficulté.

M. Thierry Benoit. Le RSI lui-même essaie de faire émerger des propositions. Entre autres propositions, le RSI de Bretagne promeut le bouclier social auprès des instances nationales et espère que l’idée remontera jusqu’au Gouvernement. Il s’agit de créer un plafond au-delà duquel les travailleurs indépendants ne seraient plus appelés à cotiser davantage, afin de leur garantir un revenu. Au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, je vais donc soutenir cet article.

Mme Sylviane Bulteau. Votre fraîcheur est touchante, monsieur le rapporteur. Votre parti a été pendant dix ans au pouvoir, période durant laquelle a eu lieu cette « catastrophe industrielle » dont les indépendants et les salariés du RSI sont les premières victimes. À l’époque, Bruno Le Maire, signataire de cette proposition de loi, était au cœur du système. Que n’avez-vous créé alors ce bouclier social que vous préconisez aujourd’hui ?

Nous n’en sommes plus à discuter de rapport. Laissez-nous travailler. Laissez travailler le Gouvernement avec le RSI sur la base des propositions qui ont été faites. Nous allons proposer qu’un représentant de l’opposition siège au comité de suivi – pourquoi pas le sénateur qui a rendu un rapport sur le sujet l’année dernière ? Donnez aux mesures préconisées le temps de produire leurs effets. Comme vous, nous recevons des indépendants dans nos permanences. De l’avis général, la situation s’est nettement améliorée même si beaucoup reste à faire. Il faut notamment remettre de l’humain et de la proximité pour répondre aux besoins et aux difficultés des artisans et commerçants. Je propose que nous rejetions non seulement cet article mais aussi toute la proposition de loi.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous ressentons une grande inquiétude après ce que nous venons d’entendre : « laissez-nous travailler » ; « il faut donner du temps au temps » ; « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » ; « dormez tranquilles, braves gens ». Depuis le début de la matinée, nous avons expliqué qu’on nous demandait de la transparence, de l’humanité, de l’efficacité. Voilà la seule réponse qui nous est faite.

Merci, madame Bulteau, d’avoir commencé à répondre à une question que j’ai posée trois fois sur le fameux comité d’évaluation. Je continue à vous le demander : quelle en sera la composition ? Quelles seront ses missions ? J’ai cru comprendre que, dans votre largesse, vous alliez ouvrir ce comité à des élus de l’opposition. J’ai l’impression que vous découvrez la nécessité de nous informer sur la composition de ce fameux comité d’évaluation puisque vous avez rejeté toutes nos propositions. Vous nous dites, en gros, que tout est déjà en cours. Ce n’est pas la réalité vécue sur le terrain.

La commission rejette l’article.

Article 13 : Gage financier

M. le rapporteur. À la fin du non-examen de ce texte, je voudrais vous dire ma déception et surtout mon inquiétude. Je ne pense pas que les Français continueront longtemps à payer une danseuse qui ne danse pas. De manière un peu méprisante cette fois-ci, Mme Bulteau nous dit : « laissez-nous travailler ». Depuis un an, l’opposition a tendu la main en proposant une mission de travail bipartisane. Il nous a été rétorqué que nous n’étions pas utiles. Je vous remercie de l’aumône que vous faites à l’opposition en lui proposant de participer au comité de suivi, mais je crois que nous pouvons aussi travailler en commun.

Vous nous avez beaucoup parlé du passé, des responsabilités, de Bruno Le Maire. Je croyais que l’information était remontée jusqu’à vous, madame Bulteau : malheureusement, je n’ai pas été ministre pendant ces dix dernières années. Nous ne sommes pas ici pour changer ou réécrire le passé ; nous sommes ici pour construire le présent. Cela me fait penser à une citation latine : errare humanum est, perseverare diabolicum.

Vous nous avez beaucoup parlé du futur, en nous expliquant qu’un jour les choses s’amélioreront. J’ai envie de vous répondre par une citation de Keynes : « À long terme, nous serons tous morts. »

Vous nous avez parlé d’une méthode, en nous expliquant que vous faisiez mieux et sans nous. Je terminerai donc par une citation du général Patton : « Quand on fait quelque chose, on provoque les critiques de trois catégories de personnes : celles qui font la même chose, celles qui font le contraire, et surtout celles qui ne font rien. »

La commission rejette l’article.

M. Christian Hutin, vice-président. Tous les articles du texte ayant été repoussés ainsi que les amendements portant articles additionnels, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble de cette proposition de loi, qui sera examinée en séance publique le 3 décembre prochain.

La séance est levée à douze heures.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 25 novembre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Julien Aubert, M. Pierre Aylagas, M. Alexis Bachelay, M. Jean-Pierre Barbier, M. Thierry Benoit, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Laurent Grandguillaume, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, M. Pierre Ribeaud, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Arnaud Viala

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Christophe Cavard, M. David Habib, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, M. Bernard Gérard, M. Alain Leboeuf, M. Philippe Le Ray, M. Lionel Tardy