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Commission des affaires sociales

Mardi 29 mars 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 35

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 29 mars 2016

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je souhaite la bienvenue à Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, que nous allons entendre sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Rarement un projet de loi aura fait autant parler de lui alors qu’il n’en était qu’au stade de l’avant-projet. Il était attendu pour de multiples raisons et peut-être est-il redouté par certains.

Demain matin, nous auditionnerons les syndicats de salariés et, demain après-midi, après les questions d’actualité, les organisations représentatives des employeurs.

La commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de ce texte et a désigné Yves Blein rapporteur pour avis. Elle examinera ce projet de loi lundi après-midi, 4 avril. Pour notre part, nous commencerons l’examen des articles de ce texte le mardi 5 avril, examen qui se poursuivra toute la semaine.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je me réjouis de me retrouver devant vous pour une discussion constructive sur le projet de loi que je porte et qui a en effet suscité de nombreux débats avant même qu’il ne soit présenté. Le texte a été présenté jeudi dernier en conseil des ministres, et nous pouvons désormais en débattre sereinement.

Le délai supplémentaire que nous nous sommes donné a permis d’apporter les ajustements nécessaires issus des concertations avec l’ensemble des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse. D’ailleurs, les syndicats représentant la majorité des salariés – je pense notamment à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et à la Confédération générale des cadres (CGC) – ont salué ces avancées.

Ce nouveau texte trouve aujourd’hui son équilibre au service d’une double ambition : réformer profondément notre droit du travail en donnant beaucoup plus de place à la négociation collective, afin de développer l’emploi, d’améliorer la compétitivité de notre économie et de mieux protéger les salariés ; revivifier notre modèle social grâce au compte personnel d’activité (CPA) qui apporte de nouvelles protections, en particulier pour les salariés et les indépendants les plus fragiles.

Depuis la remise du rapport Combrexelle il y a quelques mois, j’ai rencontré l’ensemble des partenaires sociaux. J’aborde le débat parlementaire avec beaucoup d’enthousiasme, et je précise à l’ensemble des députés ici présents, ainsi qu’à ceux qui ne sont pas membres de la commission des affaires sociales, que je suis à leur entière disposition pour prolonger les échanges, afin que ce travail d’enrichissement se poursuive, sans en dénaturer la philosophie.

Des désaccords peuvent exister ; ils sont légitimes. Certains doivent pouvoir se surmonter ou du moins s’atténuer. Je suis en tout cas certaine que nous saurons nous retrouver sur certains constats et sur la nécessité de ne pas nous en accommoder. On a parfois parlé de « préférence française pour le chômage ». Le fait est là : nous restons invariablement confrontés à un chômage de masse depuis plus de trente ans – nous ne sommes jamais passés sous la barre des 8 % – et nous créons aujourd’hui moins d’emplois que nos voisins européens, même si nous avons créé 100 000 emplois en 2015 après plusieurs années de destructions d’emplois.

Le monde du travail connaît chez nous une segmentation très forte, reléguant une grande partie de nos concitoyens à ses marges. Plus de 750 000 personnes sont aujourd’hui dans une spirale infernale, faite de chômage, d’intérim et de contrats très courts. Pour ces personnes, l’hyper-précarité est une réalité quotidienne et durable.

Pour un nombre croissant de jeunes, l’horizon du contrat à durée indéterminée (CDI) confine parfois au mirage. En vingt ans, l’âge moyen d’accès au premier CDI est passé de vingt-deux à vingt-sept ans.

Pour toutes ces raisons, pour toutes ces personnes, il nous revient d’agir avec la plus grande détermination.

Permettez-moi tout d’abord de revenir en quelques mots sur la philosophie de ce texte. Je crois que c’est essentiel avant d’évoquer plus précisément les principales mesures qui en constituent l’architecture.

Ce projet s’inscrit dans la continuité et la cohérence de l’action gouvernementale depuis le début du quinquennat. Depuis 2012, en effet, les lois successives dans le domaine du travail poursuivent la même finalité : renforcer le dialogue social et le rôle des partenaires sociaux pour construire dans notre pays une vraie culture de la négociation. La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, puis celle relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale du 5 mars 2014, et enfin celle relative au dialogue social du 17 août dernier ont confirmé cette vision.

Je citerai ici quelques avancées : l’association des comités d’entreprise aux orientations stratégiques des entreprises et la participation des salariés aux conseils d’administration de toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés ; la création de la base de données unique, des négociations et consultations rénovées autour des enjeux les plus stratégiques ; la capacité à anticiper davantage pour éviter les licenciements et un renforcement de l’activité partielle, désormais au même niveau que celui de l’Allemagne ; un cadre entièrement refondu des procédures de licenciement collectif avec un poids majeur donné à l’accord majoritaire.

La liste serait longue si je devais détailler toutes ces avancées. Je citerai quelques points : le constat à la fois d’un formalisme trop grand de notre dialogue social qui s’éloigne des préoccupations des salariés et des vrais enjeux et la conviction qu’il n’y a pas de dialogue social sans acteurs forts de ce dialogue. Le projet de loi que je vous présente prolonge et amplifie ce mouvement. C’était d’ailleurs l’ambition des quarante-quatre propositions du rapport que Jean-Denis Combrexelle a remis au Premier ministre et à moi-même au mois de septembre dernier. Il renforce considérablement le dialogue social, notamment au sein de l’entreprise, mais aussi au niveau de la branche.

Cette confiance et cette place inédites accordées aux partenaires sociaux, et ce choix de la régulation par le dialogue social, sont à mon sens la voie la plus pertinente, à la fois pour la pérennité de notre modèle social et pour la compétitivité de notre économie. Car notre code du travail, à force de multiplier les dérogations, s’est complexifié au point de devenir illisible et parfois contre-productif.

La solution n’est sûrement pas dans la déréglementation sauvage, comme l’ont expérimenté certains pays en renvoyant massivement au contrat de travail ou en abolissant le monopole syndical de la négociation collective, comme le suggèrent d’autres. Car cela reviendrait à laisser le salarié livré à lui-même dans une relation de travail déséquilibrée. Ma conviction, au contraire, c’est que c’est par le collectif que le salarié est mieux défendu, que ses aspirations individuelles sont les mieux prises en compte. Et c’est par le collectif que l’entreprise peut trouver les marges de souplesse nécessaires à sa compétitivité, sans renoncer à rien sur le plan social. C’est ce que nous montrent certaines expériences étrangères.

Il ne s’agit pas d’avoir une vision angélique du dialogue social. Des blocages, des échecs, des pressions existent parfois. Je résumerai la philosophie de ce texte par l’équation suivante : aucune souplesse ne sera possible sans négociation. Et comme les entreprises ont besoin de souplesse, la négociation débouchera sur des accords équitables. Ces accords devront recueillir l’assentiment des organisations représentant la majorité des salariés, ce qui est une grande avancée, même si elle suscite des craintes de blocage. À défaut d’accord, les protections seront exactement au même niveau qu’aujourd’hui. S’il n’y a pas d’accord, c’est le droit actuel qui s’applique. Cela signifie que tout le monde sera gagnant : les salariés, qui seront mieux représentés et défendus ; les entreprises qui gagneront en capacité d’adaptation et de souplesse, pour mieux répondre à un pic d’activité, à un pic de commandes, pour ne pas perdre de clients. Cela améliorera la compétitivité de notre économie.

J’en viens au contenu du texte. Il consacre de nouveaux droits pour les travailleurs, quel que soit leur statut, en réaffirmant les droits fondamentaux des travailleurs, selon les principes dégagés par le comité de sages présidé par Robert Badinter. Bien qu’ils ne doivent pas constituer le préambule du futur code du travail, ces principes guideront le travail de réécriture qui s’achèvera en 2019.

Permettez-moi de dire quelques mots sur un sujet que certains ont tenté d’instrumentaliser, à savoir le fait religieux en entreprise. Nous savons tous que le principe de laïcité s’applique à l’État, aux administrations publiques et aux entreprises chargées d’une délégation de service public, mais pas à l’entreprise, laquelle n’est pas tenue à un devoir de neutralité. Le principe issu des travaux du comité Badinter rappelle le droit actuel, c’est-à-dire la jurisprudence issue à la fois de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation et du Conseil d’État, à savoir la liberté d’exprimer ses convictions, y compris religieuses. Il précise aussi et surtout que des restrictions à cette liberté sont possibles au sein de l’entreprise lorsque sont en cause le bon fonctionnement de celle-ci ou l’exercice d’autres libertés. Si la rédaction actuelle a suscité des débats, elle pourra bien évidemment évoluer pendant la discussion parlementaire pour mieux mettre en lumière la possibilité de restrictions. Mais ne faisons pas croire que la loi modifie le droit actuel puisque ce n’est pas le cas.

Le projet de loi consacre aussi de nouveaux droits en développant le compte personnel d’activité, base d’une véritable sécurité sociale professionnelle. Le compte personnel d’activité doit nous permettre de répondre à la réalité du monde du travail d’aujourd’hui. Une personne n’entre plus dans une entreprise à l’âge de dix-huit ans pour en ressortir à soixante ans. La carrière professionnelle sera faite de plusieurs employeurs, de la possibilité de passer du statut de salarié à d’autres statuts. Il fallait donc à la fois répondre à la demande de nos concitoyens et anticiper leurs besoins futurs, sachant que la question de la reconversion professionnelle pose encore aujourd’hui des difficultés.

Il faut rendre nos concitoyens acteurs de leur parcours professionnel. De ce point de vue, le compte personnel d’activité constitue une avancée majeure en instaurant un droit universel à la formation, quel que soit son statut. Chacun sera doté de droits cumulables tout au long de son parcours, pour acquérir de nouvelles compétences, changer de métier, créer son entreprise. Tout le monde pourra en bénéficier : salariés, demandeurs d’emploi, indépendants, artisans, fonctionnaires. Et, surtout, ceux qui en ont le plus besoin seront davantage aidés : les jeunes décrocheurs auront droit à une nouvelle chance via le droit au retour en formation et la possibilité d’accéder tout au long de leur vie à un premier niveau de qualification ; les salariés sans qualification, qui sont les décrocheurs d’hier et d’avant-hier, verront leurs heures de formation significativement augmentées de vingt-quatre à quarante heures par an et leur plafond maximum relevé de 150 à 400 heures. Pour les demandeurs d’emploi, nous avons fait cette année un effort considérable avec le plan « 500 000 formations ». Je souhaite que les partenaires sociaux puissent pérenniser un soutien à la formation des demandeurs d’emploi les moins qualifiés.

Le CPA valorisera également l’engagement citoyen, avec la création du compte engagement citoyen. Un crédit d’heures de formation sera alloué en contrepartie d’activités reconnues pour leur utilité collective. Je pense aux maîtres d’apprentissage, au service civique, aux périodes de réserves, à ceux qui ont des responsabilités associatives. Avec le CPA, je n’hésite pas à le dire, nous posons les fondements d’un nouveau modèle social, celui du XXIe siècle, qui permet de rendre les Français acteurs de leur parcours professionnel.

Le projet de loi consacre encore de nouveaux droits, en généralisant la garantie jeunes pour tous nos concitoyens de moins de vingt-six ans qui sont en situation de grande précarité, c’est-à-dire sans qualification, sans formation, sans emploi – les fameux NEET, not in education, employment or training – et acceptent de s’inscrire dans un parcours d’insertion exigeant et adossé à une allocation. Je sais l’apport que ce dispositif peut apporter, dans vos circonscriptions, là où est expérimentée la garantie jeunes, notamment pour les jeunes, mais aussi pour les conseillers de la mission locale, pour les entreprises au plus près des territoires. La garantie jeunes, ce n’est pas une allocation, mais un dispositif d’accompagnement avec un contrat donnant-donnant en direction des jeunes qui sont volontaires et motivés pour s’engager dans ce dispositif.

Le projet de loi crée également un droit à la déconnexion pour tous les salariés, pour que le numérique ne soit pas facteur de souffrance au travail, mais une opportunité pour améliorer la qualité de vie. Sa mise en œuvre sera un item de la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail et, à défaut d’accord, les entreprises de plus de 300 salariés devront mettre en place une charte. Dans tous les cas, ce droit sera donc garanti, et il prendra en compte la réalité de l’entreprise. La situation n’est pas la même pour un cadre informatique que pour une plateforme d’appel. Ce droit majeur a été proposé par Bruno Mettling dans son rapport.

Enfin, le texte prévoit de réformer la médecine du travail, pour rendre le suivi médical des salariés plus effectif et mieux protéger ceux qui en ont le plus besoin. Ces dispositions s’inspirent des travaux menés par votre collègue Michel Issindou, qui a remis un rapport l’an dernier, ainsi que des travaux du Conseil d’orientation des conditions de travail, qui ont débouché sur des pistes novatrices, pour répondre aux enjeux en matière de santé au travail et de prévention.

Le projet ouvre ensuite de nouvelles marges d’adaptation pour les entreprises et les salariés par accord d’entreprise.

Toute la partie du code sur le temps de travail est réécrite pour donner à la négociation collective une place prépondérante. Cette nouvelle architecture du code du travail est issue des préconisations du rapport Combrexelle dont les conclusions ont été largement saluées au mois de septembre dernier.

Le Gouvernement a fait le choix de la transparence et de la clarté en réécrivant in extenso cette partie, y compris lorsque les règles ne changent pas, pour beaucoup mieux distinguer ce qui relève de l’ordre public, ce qui relève du champ de l’accord, et les dispositions dites « supplétives » qui s’appliquent en l’absence d’accord.

Cette clarification a conduit à des critiques souvent infondées, car elles sont dirigées contre des règles qui existent depuis bien longtemps et qui ne sont pas modifiées dans ma loi. Je pense notamment à la possibilité de travailler jusqu’à soixante heures par semaine ou jusqu’à douze heures par jour, à certaines conditions particulières que nous n’avons nullement modifiées.

Le Gouvernement a en revanche ouvert de nouvelles souplesses, par accord d’entreprise majoritaire, pour organiser le temps de travail au plus près du terrain. Beaucoup était déjà possible, et il s’agit de donner toute la cohérence à cette négociation d’entreprise. Soyons clairs, il n’y a pas non plus inversion de la hiérarchie des normes. Enfin, plusieurs thèmes resteront, même pour la durée du travail, du ressort de la branche : je pense au temps partiel ou à la modulation du temps de travail au-delà de l’année.

Le texte marque en outre une nouvelle étape ambitieuse dans la rénovation de la démocratie sociale.

Il généralise les accords majoritaires au niveau de l’entreprise pour tous les accords concernant le chapitre réécrit du code du travail. Pour être valides, les accords devront être signés par des organisations syndicales qui rassemblent 50 % des suffrages. Ce sera la règle générale qui a vocation à s’étendre en 2019 à l’ensemble du champ de la négociation collective d’entreprise. De manière exceptionnelle, dans les cas où l’enjeu de l’accord le justifiera aux yeux des organisations syndicales qui l’auront signé, un accord signé à 30 % sans atteindre la majorité pourra être soumis à la consultation des salariés.

Il me semble étrange de considérer que la consultation des salariés, à l’initiative des organisations syndicales, sur leurs conditions de vie au travail et les choix qui les concernent directement, serait une régression.

Ensuite, le texte clarifie la place des accords qui pourront, avec l’accord du salarié, se substituer aux contrats de travail lorsqu’ils visent à préserver ou à développer l’emploi. Là encore, il s’agit de donner plus de poids aux compromis collectifs dès lors que l’accord est majoritaire. De tels accords ne pourront évidemment pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés. C’est un acte de confiance dans le dialogue social, dans le caractère majoritaire des accords.

Le projet de loi améliore également les moyens des acteurs du dialogue social, dans le prolongement des lois précédentes, en augmentant de 20 % le crédit d’heures des délégués syndicaux et en protégeant mieux les bourses du travail.

Enfin, les règles de négociation et de révision sont profondément rénovées, pour favoriser la loyauté et le dynamisme des accords.

Le texte comporte un volet ambitieux pour mieux accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE), et favoriser l’emploi. Nous savons que c’est là que tout se joue en matière de création d’emplois.

Il élargit les sujets sur lesquels les salariés et élus mandatés peuvent négocier dans les petites entreprises, ce qui leur permettra d’utiliser toutes les souplesses permises par notre droit.

Il met en place des cellules d’appui dans les territoires qui proposeront des réponses rapides aux questions juridiques des PME et TPE.

Il restructure les branches professionnelles – cela fait plus de trente ans que l’on en parle –, dont le nombre sera réduit de plus de 700 à environ 200. On ne peut pas en effet renforcer le rôle des branches professionnelles si on reste dans le champ conventionnel actuel.

Il permet de créer des accords types de branche, spécifiquement dédiés aux PME et TPE. C’est une innovation qui a été insuffisamment mise en lumière et dont j’espère fortement qu’elle redonnera de la vigueur à la négociation de branche et la souplesse nécessaire pour les PME et TPE.

Le projet de loi clarifie la définition du motif économique. Je crois qu’il faut entendre le besoin de prévisibilité qui s’exprime fortement du côté des entreprises, notamment les petites entreprises qui ne peuvent pas s’appuyer sur des armées d’experts juridiques et pour lesquelles la complexité de la rupture peut être un frein à l’embauche, au moins en CDI.

À travers cette loi, je le dis avec force, notre objectif n’est pas de faciliter les licenciements, ce qui serait pour le moins paradoxal pour la ministre de l’emploi que je suis. Il est de poser des règles claires et intelligibles.

Ainsi, la précision du motif du licenciement économique permettra de lutter contre la précarité des salariés. D’une part, elle favorisera les recrutements en CDI, car on sait que le taux élevé de recours aux contrats à durée déterminée (CDD) – neuf embauches sur dix – est en partie dû aux craintes du contentieux de la rupture des CDI. D’autre part, elle évitera des licenciements fondés à tort sur un motif personnel, ou des ruptures conventionnelles parfois abusives, là où c’est un licenciement économique qui devrait être décidé, avec tout l’accompagnement qu’il comporte pour le salarié concerné.

La loi clarifie donc les conditions du licenciement économique, en reprenant très largement la jurisprudence et en précisant les situations qui justifient de se séparer d’un salarié, par exemple une baisse importante des commandes sur plusieurs trimestres.

Elle aligne notre droit sur celui de nos voisins européens pour les groupes implantés à l’international. En même temps, elle permet de lutter contre les contournements en prévoyant que, lorsque les difficultés économiques ont été créées artificiellement à la seule fin de supprimer des emplois, le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il nous faut entendre et répondre aux difficultés des petites et moyennes entreprises et prendre la responsabilité, sur ce sujet, de faire bouger les lignes.

Sachez que j’examinerai avec beaucoup intérêt toute proposition complémentaire s’inscrivant dans l’esprit de cette loi et visant à soutenir les TPE et les PME. C’est un enjeu fort pour dynamiser notre tissu économique.

Voilà ce que je souhaitais vous dire pour expliquer à la fois la logique profonde de ce projet de loi et ses objectifs.

Bien sûr, le Gouvernement aurait pu choisir de ne rien faire, dressant le constat que notre démocratie sociale est encore perfectible, que les acteurs en sont souvent trop faibles, qu’il faut attendre qu’elle soit mûre pour lui donner de nouveaux espaces. Mais c’est précisément le pari inverse que fait le Gouvernement, parce que nous sommes convaincus qu’il existe un cercle vertueux à tracer. Il faut, dans un même mouvement, donner plus de moyens aux acteurs du dialogue social et plus de pouvoir, à travers une plus grande place et capacité de décision à la négociation au plus près du terrain. C’est la seule façon de faire bouger en profondeur les lignes dans notre pays.

Je comprends qu’un texte aussi profondément réformateur suscite des questionnements et nécessite des débats. Ceux-ci doivent se poursuivre et je vous redis ma volonté d’être à l’écoute de la représentation nationale pour construire collectivement une société où progrès économique et progrès social sont liés.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi en insistant sur ses grandes lignes.

Je me rends compte que les députés de l’opposition sont ébahis par l’aspect réformateur de cette loi !

Mes chers collègues, je vous rappelle que le projet de loi et l’étude d’impact ont été mis à votre disposition, jeudi dernier, à vingt heures quarante, et que les amendements pourront être déposés jusqu’à vendredi prochain, dix-sept heures.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Madame la ministre, votre présence parmi nous est l’occasion d’instaurer un dialogue sur le projet de loi tel qu’il a été présenté en conseil des ministres – et non pas sur la première version, même si, je l’ai constaté, certaines analyses persistent à s’appuyer sur le texte tel qu’il était avant d’être modifié. J’aurai l’occasion, le moment venu, de développer l’argumentation du rapporteur que je suis. Pour l’heure, afin que nous soyons parfaitement éclairés, je voudrais vous interroger sur quelques points spécifiques.

Ma première question porte sur la création de la commission de refondation du code prévue à l’article 1er, dont l’enjeu est important. Je n’ai pas vu de précisions sur sa composition. De quelle manière les partenaires sociaux seront-ils associés à ses travaux ? Il est important qu’ils soient des acteurs essentiels des échanges qui pourraient avoir lieu avec cette commission.

Je rappelle que les principes qui doivent encadrer les travaux de ladite commission existent déjà à des niveaux différents, constitutionnels, conventionnels. Ils me paraissent parfois porteurs d’ambiguïté. Pourquoi leur a-t-on retiré la valeur de préambule, ce que je crois satisfaisant, tout en les laissant dans le texte, sans que l’on sache quelle sera leur portée ?

La consécration de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche pour tous les sujets liés à la durée du travail peut poser quelques questions. Je pense, en particulier, à la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires pour laquelle une entreprise pourrait désormais déroger au taux de majoration fixé par la branche dont elle relève dans un sens moins favorable aux salariés, ce qui pourrait favoriser une sorte de moins-disant social, pour ne pas parler de dumping social. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

La généralisation des accords majoritaires proposée par l’article 10 permettra à l’évidence de renforcer la légitimité des accords collectifs d’entreprise. Cependant, l’accord majoritaire peut également entraîner des blocages de la négociation collective. C’est pourquoi le Premier ministre avait proposé de procéder par étapes. Or le projet de loi prévoit une entrée en vigueur mécanique des accords majoritaires au 1er septembre 2019. Ne vaudrait-il pas mieux n’envisager la généralisation des accords majoritaires que si les retours d’expérience sont positifs ?

S’agissant des accords de préservation et de développement de l’emploi, l’article 11 crée des modalités de licenciement sui generis qui ne correspondent ni à un licenciement pour motif économique ni à un licenciement pour motif personnel. Or l’objet du licenciement est bien de nature économique, puisqu’il s’agit de préserver ou de développer l’emploi. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Gouvernement n’a pas choisi la qualification de licenciement pour motif économique dès lors qu’un salarié refuserait un accord dit « offensif » ?

J’en viens au compte personnel d’activité. Il s’agit en effet d’une avancée extrêmement positive pour les droits des salariés, d’un dispositif clef de sécurisation des parcours et de préservation des droits acquis. Nous voulons travailler sur le CPA afin de nous assurer que la portabilité et la fongibilité des droits fonctionnent de manière simple. Il faut que le salarié puisse « lire » facilement les droits qu’il a acquis tout au long de sa carrière.

Par ailleurs, si l’on souhaite que le CPA soit réellement universel, que se passe-t-il pour les agents publics ? Actuellement, ceux-ci n’ont ni compte personnel de formation ni compte personnel de prévention de la pénibilité. Renvoie-t-on cette question à plus tard ? Si tel est le cas, quel est le calendrier envisagé ?

J’en arrive à un point difficile : le motif économique du licenciement. À l’article 30 du projet de loi, vous proposez de préciser, d’une part, la définition des difficultés économiques et, d’autre part, le niveau d’appréciation de ces difficultés.

Sur le premier point, je remarque que les indicateurs choisis – dont je ne discute pas la pertinence – reposent sur un critère unique de durée – pendant laquelle il y a une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, ou des pertes d’exploitation –, mais qu’ils ne comportent aucune référence à une quelconque ampleur des difficultés de l’entreprise, sauf pour la dégradation de la trésorerie. Or l’ampleur des difficultés rencontrées n’est pas la même pour une petite ou pour une grande entreprise. Dès lors, ne serait-il pas utile de définir une ampleur minimale pour caractériser les difficultés économiques ?

Sur le second point, je comprends le souci qui a conduit, pour les entreprises relevant d’un groupe, à fixer au niveau national le périmètre d’appréciation des difficultés économiques, a fortiori dans la mesure où la quasi-totalité de nos voisins européens font de même. Toutefois, tel n’est pas le cas de l’Espagne. Le texte précise – c’est une avancée importante – que le juge pourra continuer de juger dépourvus de cause réelle et sérieuse des licenciements liés à la création artificielle de difficultés économiques. Cependant, qu’est-ce qu’une « création artificielle » ? Comment le juge pourra-t-il exercer ce contrôle à l’avenir si son périmètre d’appréciation est cantonné au territoire national ? Comment pourra-t-il vérifier que c’est bien l’ensemble du groupe qui rencontre des difficultés ? Ce point me paraît très important.

Je termine par les mesures destinées à faciliter la vie des TPE et des PME. L’article 28 inscrit dans le code du travail le droit, pour les entreprises de moins de 300 salariés, d’obtenir une information précise sur l’application du droit du travail. Il est très important, madame la ministre, que nous travaillions à améliorer l’accès des PME au droit. Or l’article 28 tel qu’il est formulé actuellement a une portée normative très faible. Quid d’un service public de l’information et de l’accès au droit pour les chefs d’entreprise et les artisans ? Quid des propositions qui pourraient être faites en matière de rescrit social, dont certains éléments existent déjà, sachant que nous avons mis en place le rescrit fiscal ? D’autre part, comment peut-on associer l’ensemble des acteurs, notamment les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers, à ce devoir d’information et de réponse aux entreprises ? Cet élément me paraît déterminant.

Bref, madame la ministre, ce texte mérite encore d’être précisé, notamment sur la question du licenciement économique, afin qu’il n’y ait pas de doute sur la réalité des difficultés économiques ou financières auxquelles sont confrontées les entreprises. Ce texte doit aussi évoluer au regard des demandes des TPE et des PME, ainsi qu’en matière de protection des salariés. S’il est exact que les entreprises doivent pouvoir s’adapter au contexte économique, nous devons aussi prendre en compte le fait que les salariés sont inquiets pour leur avenir et qu’ils ont besoin d’être rassurés. Ma volonté, en tant que rapporteur, est de travailler sur ces deux points : des assouplissements pour être compétitifs dans le contexte de crise économique que nous connaissons ; des protections pour les salariés, qui ne doivent pas être sacrifiés au nom de ces enjeux.

Mme Monique Iborra. Merci, madame la ministre, pour votre intervention claire, qui peut paraître technique, mais a évidemment des implications politiques. Celles-ci concernent non seulement les partenaires sociaux et les salariés, mais aussi et d’abord les citoyens.

Vous avez donné des éléments de contexte qu’il est utile de rappeler : plus de neuf embauches sur dix se font aujourd’hui sous la forme d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat d’intérim de moins de trois mois – cette précarité croissante ne date pas de 2012 et touche principalement les jeunes ; les CDD de moins de trois mois représentent 40 % des embauches ; beaucoup, y compris parmi les représentants des salariés, conviennent aujourd’hui du fait que le code du travail n’est plus adapté au marché du travail.

Ces éléments de contexte nous obligent et vous obligent à l’action. C’est bien ce dont il s’agit aujourd’hui. Le chômage reste élevé dans notre pays, plus que chez nos voisins européens qui ont engagé des réformes du marché du travail. Pourtant, certains estiment que cette réforme n’était pas nécessaire. Tel n’est pas notre avis, et nous saluons le volontarisme politique dont fait preuve le Gouvernement.

Néanmoins, madame la ministre, cette loi suscite des interrogations légitimes, car elle induit de vrais changements et une véritable réforme dans les relations entre salariés et employeurs, en donnant aux accords d’entreprise une place prépondérante qu’ils n’avaient que partiellement jusqu’à ce jour, même s’ils étaient effectifs et signés par l’ensemble des organisations syndicales. Vous consacrez ainsi le dialogue social comme un élément prépondérant au sein de l’entreprise, et plus seulement au niveau de la branche. En d’autres termes, vous tentez de remplacer la culture de l’affrontement par celle de la négociation. Les décisions concernant la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés pourront faire l’objet d’accords majoritaires au sein de l’entreprise.

Les difficultés de l’entreprise qu’il convient de prendre en compte ne sont plus seulement structurelles, mais également conjoncturelles, c’est-à-dire liées à la vie de chaque entreprise. Lorsqu’elles sont réelles, elles doivent être prises en compte tant par le chef d’entreprise que par les salariés. Il était nécessaire, ainsi que vous entendez le faire avec ce projet de loi, d’élargir et de clarifier les possibilités qui existaient déjà en la matière, afin que les entreprises et leurs salariés s’en emparent plus facilement. Mais il fallait également borner ces possibilités et garantir aux salariés – qui sont, par définition, dans un rapport de subordination à l’égard de l’employeur – que leur statut serait préservé en cas d’absence d’accord, en prévoyant que l’accord de branche s’applique alors.

Cette nouvelle approche nécessite non seulement la mise en place de formations pour les partenaires sociaux, négociateurs au niveau local, mais également un bon niveau d’information des salariés, afin qu’ils puissent appréhender plus efficacement la situation de l’entreprise en cas de difficultés, notamment lorsqu’un référendum est organisé à l’initiative des organisations syndicales. Qu’envisagez-vous dans ce domaine ? Les entreprises auront-elles l’obligation de publier les accords d’entreprise ? Si tel est le cas, sous quelle forme ? Ne doit-on pas envisager une meilleure diffusion de l’information, afin que les salariés aient une connaissance plus précise de leurs droits et participent réellement et activement à la négociation d’entreprise ?

Enfin, avec le compte personnel d’activité, les droits seront désormais attachés à la personne plutôt qu’à son statut. Tel qu’il est prévu dans le projet de loi, le CPA s’adresse d’abord aux décrocheurs et aux jeunes en grande précarité, notamment par le biais de la garantie jeunes. Ne pourrait-on pas introduire également – nous y réfléchissons – une disposition qui concerne les jeunes diplômés, lesquels paient eux aussi un lourd tribut en termes de précarité et de chômage ?

M. Gérard Cherpion. Vous avez dit, madame la ministre, qu’il fallait donner plus de moyens et plus de pouvoir aux acteurs du dialogue social. Votre gouvernement se voulait exemplaire en matière de dialogue social. Or, à cette aune, le parcours de ce projet de loi est plutôt raté : certes, vous avez mené un certain nombre de concertations – personne ne le remet en cause –, mais le Gouvernement lui-même ne s’est pas donné les moyens de respecter l’article L. l du code du travail : avez-vous ouvert une concertation préalable en vue de proposer l’ouverture d’une négociation ? Avez-vous communiqué aux partenaires sociaux un document d’orientation en ce sens ? La réponse est non – sauf, je le reconnais, en ce qui concerne le compte personnel d’activité, qui a fait l’objet d’une négociation en soi. Comment expliquer sinon le besoin de démarrer un nouveau cycle de concertation après transmission du texte au Conseil d’État ? Comme toujours, ce contretemps va nuire au travail parlementaire. D’ailleurs, les rapporteurs des commissions saisies pour avis ne sont pas intervenus aujourd’hui devant notre commission, ce qui prouve à quel point il est difficile de travailler dans ces conditions.

L’inscription des « principes Badinter » dans l’article 1er suscite des interrogations : si vous renvoyez l’écriture du code à une commission, pourquoi inscrire les bases de sa refondation dans une loi préalable ? Ces principes n’avaient sûrement pas vocation à devenir un préambule – ce n’est plus le cas et c’est heureux. Ils n’ont pas davantage vocation à figurer dans la loi ! En plus d’être un objet législatif non identifié, ils sont contre-productifs : ils figent les travaux de la future commission. Et je ne parle pas du 6° de cet article sur le fait religieux, dont la rédaction cristallise les inquiétudes et risque d’éclipser la philosophie de l’ensemble du projet. Il y a deux ans, le groupe Les Républicains avait déposé une proposition de loi qui visait à donner à l’entreprise la responsabilité de fixer des règles en la matière dans son règlement intérieur.

Concernant l’article 2, la triple architecture que vous retenez pour la réécriture du code est intéressante. Elle va de pair avec la primauté donnée à l’accord d’entreprise pour un certain nombre de dispositions, notamment la modulation des heures supplémentaires, les temps de repos, les astreintes, etc. À cet égard, permettez-moi de faire une remarque : nous saluons les circonvolutions auxquelles vous vous prêtez pour remettre en cause les 35 heures sans le dire ! Tel est bien le cas avec la possibilité de négocier des taux de majoration des heures supplémentaires qui ne peuvent être inférieurs à 10 % et avec les accords offensifs, que nous avons proposés régulièrement depuis trois ans et que vous reprenez – à titre personnel, j’en suis heureux !

Cependant, nous avons un regret : les quinze jours de négociation qui se sont écoulés entre l’examen du texte par le Conseil d’État et son adoption en Conseil des ministres ont été marqués par le retour du monopole syndical en matière de négociation. Avec l’extension du mandatement, on ne laisse toujours pas sa place au dialogue social direct qui est caractéristique des petites entreprises. Or vous le rappelez vous-même dans l’étude d’impact : ce sont elles qui produisent des emplois, ce sont elles qu’il faut soutenir et laisser respirer. Avant même l’ouverture des discussions, nous regrettons le recul du champ que le premier projet laissait à la décision unilatérale de l’employeur. Ainsi, la période de référence en matière d’aménagement du temps de travail est passée de seize à neuf semaines en cas de décision unilatérale, et il est désormais impossible à l’employeur d’instaurer des forfaits en jours par décision unilatérale.

Le retour du monopole syndical marque profondément ce texte. Celui-ci se voulait un appui aux TPE, mais il en reste à des logiques qui sont celles des entreprises qui ont les moyens de mener le dialogue social tel que nous le connaissons aujourd’hui. Où est donc le changement de paradigme ? Toutefois, avec la redéfinition du rôle de la branche et les accords types, vous avez amorcé une réflexion qui nous semble intéressante et que nous suivrons.

S’agissant du compte personnel d’activité et de la garantie jeunes, nous notons le renforcement des droits des décrocheurs et des salariés peu qualifiés au titre du compte personnel de formation, mais nous posons la question de son impact sur le financement la formation professionnelle.

Sachez que nous ne baisserons par les bras en ce qui concerne la pénibilité, qui reste un sujet majeur d’inquiétude, en particulier pour les petites entreprises. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Comme tout le monde, nous avons assisté à la naissance du compte engagement citoyen. Bien sûr, vous nous prenez par les sentiments en y intégrant l’activité des maîtres d’apprentissage et des bénévoles qui prennent des responsabilités au sein de leurs associations. L’étude d’impact mentionne un coût relativement bas – 46 millions d’euros seulement, qu’il faudra tout de même trouver – et un taux de recours très bas lui aussi – 20 %. Ces hypothèses nous paraissent très risquées.

Nous pouvons soutenir le dispositif de la garantie jeunes, qui a fait ses preuves, ainsi que vous l’avez indiqué, madame la ministre, mais à condition que les choses soient parfaitement claires. Si le droit « universel » mentionné par le Président de la République est, ainsi que nous croyons le comprendre à ce stade, un droit réservé à certains jeunes selon certains critères de situation et de motivation, alors nous envisageons cette extension de manière positive. Mais nous serons opposés, je vous l’ai dit, à toute dénaturation de cette garantie jeunes qui en ferait un droit universel à une allocation sans la contrepartie d’un engagement fort de la part du jeune et celle de son suivi.

J’ai senti une inquiétude dans les propos du rapporteur. Pour notre part, ce qui nous inquiète, c’est le recul du Gouvernement depuis la première version du projet de loi. Il ne faut pas que vous reculiez davantage, madame la ministre : vous devez rester ferme sur les positions que vous avez exposées aujourd’hui.

M. Arnaud Richard. Nous commençons aujourd’hui l’examen tant attendu non pas d’un grand texte, mais d’un gros texte. Je tiens à saluer votre présence devant notre commission, madame la ministre. Sans vouloir raviver la polémique, le groupe Union des démocrates et indépendants regrette que le Parlement n’ait pas été associé à l’élaboration de ce texte, surtout les groupes qui composent l’actuelle opposition.

Bien que nous soyons convaincus de la nécessité de réformer le code du travail, nous ne pouvons que condamner la méthode. Quoi que vous en disiez, madame la ministre, cette réforme n’a pas été discutée en amont avec les partenaires sociaux et les représentants des branches autant qu’elle aurait dû l’être. C’est même un comble : vous contrevenez à l’article L. 1 du code du travail, qui prévoit – faut-il vous le rappeler, madame la ministre : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. » Je le cite, car je pense que vous ne l’avez pas lu, madame la ministre.

M. Richard Ferrand. Quel mufle !

M. Arnaud Richard. Non seulement l’absence de concertation a nui au dialogue social, mais la présentation d’un second projet de loi a mis à mal la crédibilité de l’exécutif et de la majorité, et, de vous à moi, jette l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique.

Au groupe Union des démocrates et indépendants, vous le savez, nous croyons à la démocratie et au dialogue social, qui constituent des leviers puissants pour moderniser et réformer notre pays. Ces outils de négociation et de compromis permettent de privilégier une approche globale des questions soulevées par les imperfections, réelles, de notre système et de prendre en compte l’ensemble des enjeux : la protection des salariés et la sécurisation des parcours professionnels, l’amélioration de la compétitivité, l’anticipation des mutations économiques et sociales.

Nous sommes convaincus qu’il faut faire évoluer notre code du travail, mais comment ne pas regretter que le Gouvernement choisisse la dernière année du quinquennat, alors qu’il aurait pu engager cette réforme bien plus tôt ? Depuis le début du quinquennat, le groupe Union des démocrates et indépendants propose sans succès des mesures concrètes afin de réformer le marché du travail et de renforcer le champ de la négociation collective.

Je ne m’attarderai que sur quelques articles – nous ne serons pas sans nous revoir, madame la ministre.

S’agissant, d’abord, de l’article 1er, la feuille de route et la composition de la commission de refondation sont au mieux – le rapporteur l’a dit – floues et inexploitables.

M. le rapporteur. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

M. Arnaud Richard. Au pire, elles constituent un affront à l’égard du Parlement. D’après l’exposé des motifs, il est prévu que la commission dispose d’un délai de deux ans pour récrire chaque subdivision du code, puis que le Gouvernement lui-même dispose d’un délai de trois mois pour indiquer au Parlement les suites qu’il entend donner à ces travaux. Or, dans le texte de la loi, on ne trouve nulle trace d’un calendrier, ainsi que le rapporteur l’a relevé. Madame la ministre, vous conviendrez aisément qu’il faut éclairer la représentation nationale sur ce point précis du calendrier.

On ne peut que saluer – nos collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen le font également, ce qui est nouveau pour eux – le fait que la primauté soit donnée aux accords d’entreprise : il s’agit d’une mesure importante que nous attendions tous, dans l’opposition, de longue date. Cela peut paraître paradoxal, mais elle devra nécessairement s’accompagner d’un renforcement des acteurs du dialogue social dans l’entreprise. À titre personnel, je doute que l’augmentation de 20 % des heures de délégation soit suffisante. Pouvez-vous nous présenter de manière plus détaillée les mesures prévues à destination des partenaires sociaux ?

En outre, madame la ministre, comment se satisfaire d’un texte qui ne prend pas en compte les nouvelles opportunités économiques et ne contient aucune proposition pour prendre en compte les nouvelles formes de salariat ?

Le compte personnel d’activité aurait pu être une solution, si vous y aviez pleinement intégré le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité. Se limiter au compte engagement citoyen, c’est un peu le miroir aux alouettes ! Vous ne ferez rien en termes de sécurisation des parcours des actifs tout au long de leur carrière. À force de concessions, vous avez transformé le CPA en une usine à gaz, dont le Gouvernement lui-même ne semble plus vraiment saisir les contours. Je note que le rapporteur se pose la question de l’extension du CPA aux agents de la fonction publique.

Si, sur le principe, nous ne sommes pas opposés à la généralisation de la garantie jeunes sur tout le territoire, nous aurions aimé qu’il y ait un retour d’expérience, une étude d’impact et un financement. Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, sur quelles bases le coût total de 600 millions d’euros pour 2017 a été estimé ?

Le groupe Union des démocrates et indépendants aurait pu suivre le Gouvernement sur la base du texte initial, dans la mesure où de nombreuses mesures attendues y figuraient. Mais, pour embaucher, les entreprises ont besoin de visibilité et de confiance. Or, à force de dérobades et de descentes en slalom spécial, nous craignons fort que ce projet de loi n’assombrisse l’avenir du marché du travail.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Richard, même si vous n’êtes pas d’accord avec une partie du texte, rien ne vous empêche de rester courtois et respectueux à l’égard de la ministre. Affirmer qu’elle n’a pas lu l’article L. 1 du code du travail me paraît déplacé, d’autant que ce n’est pas vrai.

M. Christophe Cavard. Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui avec mes collègues pour avoir un échange franc et constructif à propos de ce projet de loi, dit précédemment « loi El Khomri », puis « loi travail » et, désormais, « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Ce texte a déjà beaucoup fait parler de lui, alors que nous-mêmes, parlementaires, n’avons pas commencé à l’étudier ensemble en profondeur, afin de proposer et d’apporter des améliorations. Car, vous vous en doutez, madame la ministre, nous allons y travailler sérieusement !

Entre le texte que nous avons sous les yeux et l’avant-projet initial, qui a été retiré afin de prendre en compte les principales craintes qui se sont exprimées dans le pays, les choses ont évolué. Pour ma part, je m’en félicite. Ce texte est issu de multiples travaux et rapports, qui ont formulé des propositions dans la perspective d’une refondation de notre code du travail et de l’amélioration du dialogue social dans les entreprises. Ceci, dans la continuité des textes que nous avons votés précédemment sur ces mêmes sujets, à savoir la loi relative à la sécurisation de l’emploi, la loi relative à la formation professionnelle et la loi relative au dialogue social.

Les travaux de la commission Badinter ont vocation à former le socle de cette refondation, bien au-delà du seul article 1er de ce projet de loi. Les principes dégagés par la commission ont vocation à devenir le préambule du code du travail et doivent inspirer l’ensemble de ce qui suivra, car ce sont les droits fondamentaux de chacune et de chacun au travail.

Le rapport de Jean-Denis Combrexelle sur la négociation collective, le rapport Mettling sur la transformation numérique et la vie au travail, le rapport sur le compte personnel d’activité, et d’autres encore, ont nourri ce texte.

Puisque je n’aurai pas le temps d’aborder en détail tous ces sujets – nous y reviendrons bien sûr au cours des travaux de la Commission –, je voudrais m’exprimer brièvement sur l’esprit de ce projet de loi, dans lequel vous vous préoccupez de dialogue social, de sécurité professionnelle et de flexibilité.

Pour ce qui est du dialogue social, je défends avec conviction, en tant qu’écologiste, la démocratie sociale et la négociation au plus près des spécificités de la production et de l’organisation du travail, au plus près des acteurs concernés, au sein de chaque entreprise. Les écologistes souhaitent favoriser et renforcer la possible participation des salariés dans leurs entreprises. C’est pourquoi ils sont porteurs du modèle de l’économie sociale, où prévaut le principe « un homme, une voix ». Ils sont donc naturellement favorables au dialogue social et à la négociation collective au sein de l’entreprise.

Mais nous savons que, pour parvenir à des négociations réussies, il faut garantir que les conditions de la négociation sont loyales et équilibrées entre les parties. Il faut de l’information, de la confiance et de la compréhension mutuelle entre les négociateurs. Il faut donc définir au préalable les règles du jeu, de façon claire et avec les outils adéquats. La négociation est une culture : elle s’apprend, de part et d’autre. Nous y reviendrons au cours du débat parlementaire. Cela concerne au premier chef les accords de méthode, mais aussi le rôle des branches professionnelles.

Je défends également, bien entendu, la sécurisation des parcours professionnels. Nous avons commencé à y travailler avec le compte personnel de formation, qui est l’amorce d’une possibilité de formation tout au long de la vie. De ce point de vue, l’augmentation des heures attribuées au CPF pour les personnes peu ou pas qualifiées est une bonne nouvelle. Nous pouvons nous féliciter de la création du compte personnel d’activité – qui intègre de multiples dimensions non seulement de la vie professionnelle, mais aussi de la vie sociale –, de la garantie jeunes ou du renforcement de la validation des acquis de l’expérience. Reste la question du compte épargne-temps et de son association au CPA.

Au-delà de ces évolutions majeures, il y a néanmoins, dans ce texte, un sujet qui pose problème : celui de la flexibilité. Pourquoi ce sujet est-il sensible ? Parce qu’il est nécessaire, aujourd’hui, de différencier ce qu’on appelle l’économie réelle de l’économie virtuelle. Si nous voulons aider les très petites entreprises, les artisans, les petites et les moyennes entreprises ou les entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire, chefs d’entreprise et salariés, à s’adapter pour développer l’emploi, nous ne voulons pas pour autant faciliter la tâche du « monde de la finance ».

Ce texte doit apporter de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les actifs, mais pas pour les inactifs. Il ne faut pas offrir la possibilité d’accroître des dividendes issus de la spéculation et produits sur le dos des salariés tout autant que sur celui des entreprises sous-traitantes. Nous vivons dans un monde où, désormais, les rapports de subordination ne sont plus exclusivement entre employeurs et salariés, mais également entre entreprises multinationales ou donneuses d’ordres et leurs sous-traitants. Le débat n’est donc plus seulement entre salariés et patrons, mais entre économie réelle et économie virtuelle. Nous aborderons cette question dans les discussions et chercherons à proposer les meilleures solutions pour garantir les droits des salariés.

En conclusion, dans l’esprit de la loi, c’est-à-dire en faisant confiance à la négociation entre exécutif et parlementaires, et pour donner tout son sens à la démocratie parlementaire, je souhaite que nous continuions, dans les semaines qui viennent, à améliorer ce texte et à évacuer les peurs, par l’écoute et le dialogue, avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent participer, hors des logiques de postures et de façon constructive.

Mme Dominique Orliac. Je vous remercie, madame la ministre, pour la présentation que vous avez faite aujourd’hui devant notre commission.

Chaque remaniement au ministère du travail est accompagné d’un nouveau projet de loi : après le texte portant sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, puis le texte sur le dialogue social, voici maintenant ce projet de loi, qui vise à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Je note, au passage, qu’il n’y a aucune référence directe aux « salariés » ou aux « travailleurs » dans le titre de votre projet de loi.

Après des semaines de déclarations, de pas en avant et en arrière, et une contestation sociale qui a parfois pris un visage violent, tant du côté des manifestants que des forces de sécurité, notre commission va se pencher dès la semaine prochaine sur les amendements à ce projet de loi. Il convient de relever l’ampleur prise par la contestation, tant sur les réseaux sociaux, avec cette fameuse pétition – qui, s’il y a des choses à dire sur le procédé, ne peut pas être écartée d’un revers de main –, que dans la rue, compte tenu de la position des partenaires sociaux, certains d’entre eux ayant néanmoins décidé de soutenir le texte après modifications. Cependant, celles-ci ont braqué les organisations patronales, pourtant acquises à la première version du projet de loi. Enfin, il est important de noter que de nombreux jeunes – certes, pas tous, je vous l’accorde – se sont montrés hostiles au projet de loi. Il faudra donc rassurer.

Disons-le d’emblée : ce texte contient des dispositions très intéressantes. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste reconnaît que, avec le code du travail actuel, la situation est compliquée tant pour les TPE et les PME que pour les salariés, qui peuvent se perdre dans la lecture d’un code parfois illisible et qui ne les aide guère à comprendre leurs droits.

Lors de la conférence de presse qu’il a donnée le 7 septembre dernier, le Président de la République a d’ailleurs déclaré : « Réformer, c’est aussi rendre lisible le code du travail, parce que c’est ce qui protège, parce que c’est aussi ce qui permet de créer de l’emploi. Nous donnerons toute la place nécessaire à la négociation collective et aux accords d’entreprise, pour permettre justement qu’il y ait une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises. »

Le Premier ministre, quant à lui, a déclaré lors du congrès des Radicaux de gauche à Montpellier, le 20 septembre 2015 : « Réformer, c’est enfin réformer notre marché du travail, avec un objectif : plus de souplesse, mais pas moins de protection. Le constat est très largement partagé : notre code du travail est trop rigide, trop complexe, au point même que les salariés ont du mal à connaître leurs droits. Il y a une perte de temps et d’énergie pour tout le monde. »

Sur la forme, nous déplorons à nouveau les délais relativement courts impartis à l’étude de ce texte important, ainsi que les multiples renvois à des décrets en Conseil d’État.

Sur le fond, nous avons plusieurs remarques à faire, notamment sur l’alinéa 11 de l’article 1er, qui porte sur les questions relatives à la laïcité en entreprise. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste et apparentés vous demande, madame la ministre, une clarification du texte en la matière.

L’article 2 récrit la totalité des dispositions du code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés. Nous avons bien noté la volonté du Gouvernement de mettre en avant la négociation en entreprise.

L’article 3 assure pour chaque congé spécifique actuellement prévu par le code du travail une distinction claire entre, d’une part, les droits à congés ouverts aux salariés relevant de l’ordre public et, donc, non négociables et, d’autre part, les dispositions qui peuvent faire l’objet de négociations, pour plus de souplesse d’organisation au sein de l’entreprise. Toutefois, nous nous étonnons que les dispositions supplétives fixées par décret en Conseil d’État viennent presque systématiquement compléter ces dispositions, ainsi que je l’ai déjà indiqué. Cela n’augure pas nécessairement d’une réelle appropriation de cette nouvelle méthode par les partenaires que sont les employés et le patronat.

Nous sommes satisfaits de la suppression de la première version de l’article 6, qui portait sur le travail des apprentis mineurs.

Nous notons que l’article 7 concerne la méthode pour contracter des accords collectifs, ainsi que leur durée, et prévoit que les accords d’entreprise sont rendus publics sauf si l’employeur s’oppose à cette publicité notamment pour des raisons de non-divulgation d’informations sensibles sur la stratégie de l’entreprise. Nous émettons des réserves sur le fait que l’employeur puisse s’opposer à la transparence au motif de préserver la stratégie d’entreprise.

Nous soutenons, bien évidemment, l’idée de créer un compte personnel d’activité, qui fait l’objet des articles 21 et 22, ainsi que la généralisation de la garantie jeunes prévue à l’article 23. De même, nous portons une attention bienveillante aux dispositions concernant l’apprentissage, qui visent à simplifier son organisation. Ainsi que nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, tout ce qui peut contribuer à ce qu’on se défasse du sentiment que l’apprentissage est une « voie de garage » est bon à prendre.

Dans le temps limité qui m’est imparti, j’aimerais également revenir sur les dispositions de l’article 44 concernant la médecine du travail. Cet article réforme le suivi des salariés par la médecine du travail pour mieux concentrer les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers. Il supprime la visite médicale d’aptitude systématique à l’embauche et renforce le suivi personnalisé des salariés tout au long de leur carrière, en reconnaissant ce droit aux salariés intérimaires et titulaires de contrats courts. À ce stade de la discussion, notre groupe estime que ce changement est positif, car, dans les faits, cette visite ne semble pas toujours répondre à son objectif premier, puisque le médecin du travail n’a pas accès au dossier médical du patient et que ce dernier peut éventuellement omettre des informations. Un protocole défini par la médecine du travail et mis en œuvre par un professionnel de santé serait nécessaire, le médecin du travail validant l’aptitude ou convoquant la personne concernée.

Lors de l’examen des amendements par notre commission la semaine prochaine, nous serons extrêmement vigilants sur les avancées qui concerneront les artisans, les TPE et les PME, ainsi que sur la protection des salariés.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la ministre, comme vous le savez, nous rejetons ce projet de loi, en raison tant de la philosophie qui le sous-tend que de l’essentiel de son contenu. Il s’agit, ainsi que le précise l’exposé des motifs, de « refonder notre modèle social », car « les modes d’organisation du travail évoluent ». C’est une affirmation incontestable, que nous partageons, et qui justifie de « revisiter » le code du travail pour l’adapter à la société d’aujourd’hui, à l’ère du numérique, de l’Europe et de la mondialisation, qui ont d’ailleurs déjà induit une certaine réorganisation du travail.

Mais, avant toute réforme profonde du code du travail, il convient de répondre à cette question, que je me permets de vous poser : quelle réorganisation du travail voulons-nous promouvoir, pour quelle société demain ? Dans quel sens et au service de qui ? De la réponse à ces questions découle, évidemment, le type de réforme que l’on veut faire. Et, manifestement, nous formulons des réponses diamétralement opposées aux vôtres.

La vocation initiale du code du travail est la protection des salariés. Non seulement elle ne saurait être remise en cause, mais elle devrait être améliorée. Or vous faites le contraire : recul sur le temps de travail, recul sur la protection contre les licenciements abusifs, recul sur la santé au travail. Bref, ce n’est pas d’une modernisation qu’il s’agit, mais d’un retour en arrière, pour ne pas dire très en arrière. Nos concitoyens l’ont évidemment bien compris, et cela explique cette levée de boucliers dans tout le pays, d’autant plus légitime que votre texte s’appuie sur le postulat jamais démontré selon lequel il y aurait un lien entre le code du travail, autrement dit la protection des salariés, et le niveau de chômage.

Mais en quoi la création d’emplois serait-elle empêchée par une trop grande protection des salariés ? Autrement dit, en quoi permettre de licencier plus facilement, comme le prévoit le texte soumis à notre examen, stimulerait-il un marché de l’emploi dont chacun sait qu’il dépend essentiellement du carnet de commandes des entreprises ? Vous répondez en fait au détriment des salariés à une demande ancienne du patronat, sans lien avec l’emploi. Cette grossière mise en accusation du code du travail occulte les vraies raisons du chômage massif, qui sont de nature économique.

Vous dites vouloir redonner du pouvoir aux travailleurs, mais vous privez la loi de son caractère protecteur et subordonnez des pans entiers du contrat de travail à la conclusion d’accords collectifs d’entreprise qui prévaudront sur les conventions collectives de branche, y compris s’ils sont moins favorables pour les salariés – c’est la fameuse inversion de la hiérarchie des normes. Pensez-vous vraiment, madame la ministre, qu’en période de fort chômage et alors que les licenciements seront encore plus faciles les représentants du personnel pourront résister aux exigences d’un patronat qui exercera plus facilement qu’auparavant le chantage à l’emploi ? Et je ne parle pas du référendum, qui pourra être organisé pour court-circuiter les organisations syndicales et diviser les salariés.

Si votre projet de loi était voté en l’état, le contrat de travail ne vaudrait plus rien, puisqu’il pourrait à tout moment être remis en cause par des accords offensifs. Votre texte va jusqu’à permettre le licenciement pur et simple d’un salarié qui refuserait ces modifications de son contrat de travail ! Nul doute que les salariés les moins qualifiés, les femmes et les jeunes seront encore une fois les plus exposés. Il ne faut donc pas vous étonner que la jeunesse exige le retrait de ce texte et vous auriez tort de sous-estimer ce mouvement.

Nous ne voulons pas nous en tenir à un statu quo inopérant, mais travailler à des dispositions modernes et équilibrées, qui explorent des formes nouvelles de salariat et offrent des droits nouveaux qui tiennent compte de la diversité et des contraintes des entreprises. En un mot, nous souhaitons un texte ouvert sur l’avenir, et le moins que l’on puisse dire est que celui-ci est loin du compte. Voilà pourquoi les députés du Front de Gauche et l’ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine combattront résolument ce texte.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous pourrions souscrire, madame la ministre, à l’objectif d’« instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » affiché dans le titre du projet de loi, mais nous aurions aimé être certains qu’il a aussi pour objectif de dé-rigidifier le marché du travail pour offrir des perspectives aux 6 millions de Français inscrits à Pôle emploi. Or, si la première version de ce texte contentait les entreprises, il n’en est plus de même de la deuxième. Ce sont pourtant les entreprises, singulièrement les PME et les TPE, qui créent les emplois, et elles hésitent à embaucher même lorsqu’elles le voudraient. Comment ferez-vous pour concilier des points de vue diamétralement opposés ? Pour qu’il y ait dialogue social, il faut être deux, et force est de constater que les ambitions divergent, comme nous le vérifierons demain en commission des affaires sociales : les auditions des organisations patronales et syndicales nous permettront de mesurer les désaccords. Vous avez dit, madame la ministre, que des désaccords étaient surmontables. Auxquels pensez-vous ?

Avant l’examen détaillé des articles la semaine prochaine, j’aborderai brièvement trois points. Tout d’abord, je m’interroge, comme le rapporteur Christophe Sirugue, sur la composition de cette commission d’experts qui va réécrire le code du travail. Je pensais que cette loi avait précisément pour ambition de réformer ce code et qu’il était donc demandé au législateur de le réécrire. Or l’article 1er du chapitre I confie ce soin à une commission d’experts.

Ensuite, sachez, madame la ministre, que la mise en œuvre du compte pénibilité, dont je crois savoir que vous le glissez dans le compte personnel d’activité, est très difficile dans la plupart des entreprises et que cela un coût pour elles.

Enfin, vous nous avez expliqué que le plafonnement des dommages et intérêts accordés par les prud’hommes ne serait pas discuté et que vous considériez que cela avait été évoqué dans la loi Macron. Le confirmez-vous ?

Par ailleurs, avez-vous compté les décrets auxquels renvoie ce projet de loi ? Leur nombre nous fait penser qu’il s’écoulera du temps d’ici à son application.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est le cas pour beaucoup d’autres lois, chère collègue.

M. Gérard Sebaoun. La très grande majorité des économistes, et non des moindres – de la présidente du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre à Daniel Cohen –, se sont exprimés sur le projet de loi. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont guère favorables à votre postulat selon lequel elle entraînera la création d’emplois. En fait, ils ne savent pas. Pouvez-vous fournir à la Commission des éléments prouvant que cette modification du code du travail permettra bien la création d’emplois ? Les investissements des entreprises étrangères en France montrent plutôt que notre droit du travail n’est probablement pas le repoussoir absolu décrit par le MEDEF. Le rapport 2015 de Business France, qui vient de paraître, vante l’attractivité de notre pays. Avec 1 000 décisions d’investissements et 34 000 emplois, ce sont cinquante-trois pays qui croient à l’avenir de la France avec le code du travail tel qu’il est actuellement rédigé.

Ma seconde question porte sur les heures supplémentaires. Le projet de loi prévoit de généraliser la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention de branche en matière de temps du travail. Très souvent, heureusement, les conventions de branche se sont opposées à ce que le taux de majoration de la rémunération des heures supplémentaires soit abaissé au-dessous de 25 %, même si un taux de 10 % est déjà possible. Demain, avec ce projet de loi, les accords d’entreprise risquent de limiter cette majoration à 10 %, au détriment des salariés. J’y vois là une possibilité de baisse du salaire. Ajoutons à cela que la possibilité de moduler le temps de travail non sur un, mais sur trois ans – certes sous réserve d’un accord de branche –, risque d’entraîner la disparition quasi automatique des heures supplémentaires.

M. Denis Jacquat. Pour embaucher, les entreprises ont besoin avant tout de lisibilité, de visibilité et, surtout, de pérennité. Ayons constamment ces mots à l’esprit avant de prendre une décision, surtout quand un texte aussi complexe nous est présenté.

Je voudrais en savoir plus sur la garantie jeunes, dont Gérard Cherpion a déjà parlé, et sur la pénibilité, dont nous avons déjà longuement discuté dans cette commission. Ce texte nous offre la possibilité de répondre au souhait des TPE d’être soulagées de la lourdeur administrative résultant des textes précédents.

M. Michel Liebgott. Il y a une semaine, Le Figaro indiquait que le taux de croissance serait bien plus important que prévu, que le taux d’investissement des entreprises était en progression et que la consommation des ménages était également au-delà des prévisions. On pourrait donc se demander pourquoi le Gouvernement met en œuvre une nouvelle réforme qui suscite tant de débats et de contestation, et qui ne sera appliquée qu’après les élections de 2017. C’est tout simplement parce qu’il est un gouvernement de réforme, parce qu’il veut développer le dialogue social et qu’il a déjà multiplié les textes dans ce domaine, de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 au texte plus récent de François Rebsamen sur le dialogue social et l’emploi. C’est surtout parce que les chiffres du chômage n’ont pas encore baissé. Ces réformes ont bien un effet sur les créations d’emploi
– plus nombreuses que les suppressions –, mais, le solde démographique nous étant pour l’instant défavorable, cela ne suffit pas.

Ce texte entend trouver un équilibre entre flexibilité et sécurité pour l’ensemble des salariés et, bien sûr, de créer des emplois – mais il ne s’agit pas de permettre le développement des mini-jobs comme en Angleterre, ou de faire disparaître le salaire minimum, comme c’était encore le cas récemment en Allemagne, mais de conserver l’essentiel de notre contrat social, tout en l’améliorant, parce qu’il est notoirement insuffisant. On peut, pour cela, s’inspirer de ce qui s’est passé dans ma région, avec l’exemple de l’usine de Florange. La nationalisation, qui fut envisagée, aurait été un échec total. Un accord, placé sous le signe du dialogue social avec des syndicats, a été passé entre le Gouvernement et ArcelorMittal, et, aujourd’hui, dans la sidérurgie, on embauche.

M. Francis Vercamer. La flexisécurité est un enjeu majeur et un défi. La mondialisation, l’environnement technologique, les évolutions du numérique transforment profondément le monde du travail, la manière de travailler dans l’entreprise, les relations du travail et la relation au travail. Nous pouvions espérer que le Gouvernement avait l’ambition de relever ce défi. Force est de constater qu’il n’en est rien. À défaut, peut-être, d’avoir plus ouvertement affiché l’objectif, d’avoir plus précisément défini son ambition de parvenir à trouver ce nécessaire équilibre entre flexibilité et sécurité, il aboutit à un texte mal compris qui suscite l’inquiétude et a mis la jeunesse dans la rue.

D’une manière générale, nous n’avons pas l’impression que ce texte permette de dépasser la vision de l’entreprise comme lieu d’opposition entre les salariés et les employeurs. Bien sûr, vous ouvrez des espaces de négociation dans l’entreprise, et c’est évidemment une bonne chose, mais ils sont tellement encadrés, normés, bornés – dans tous les sens du terme, allais-je dire – que la liberté de négociation reconnue aux partenaires sociaux est quand même très relative. Les dispositions de ce texte, particulièrement dans la partie consacrée à l’emploi, sont trop orientées, à quelques exceptions près, vers le constat des difficultés de l’entreprise, alors qu’il s’agit, pour elle, d’anticiper pour relever les défis qu’elle doit affronter.

Au terme de nos débats en commission et en séance, nous verrons si ces quelques espaces de liberté laissés à la négociation auront subsisté. Pour le Gouvernement et la majorité, donner une place plus importante à la négociation en entreprise, je l’admets, constitue un pas en avant important. Il en reste cependant un à franchir pour que ce texte puisse être perçu comme un véritable acte de confiance dans l’entreprise.

Par ailleurs, le projet de loi ne parvient pas à relever le défi de la sécurité des transitions professionnelles, à sécuriser la mobilité professionnelle. Rendre les formations plus accessibles à ceux qui en ont le plus besoin, faciliter l’accès à la formation, la reconversion, le passage d’un emploi salarié au statut de travailleur indépendant, faciliter la reprise d’entreprises artisanales, la mobilité géographique ou professionnelle, voilà l’enjeu de la transition professionnelle, et le compte personnel d’activité ne donne pas la visibilité nécessaire. Madame la ministre, comment ce texte peut-il permettre un équilibre entre flexibilité et sécurité ?

Mme Chaynesse Khirouni. Ce projet de loi, madame la ministre, suscite de grandes inquiétudes et j’ai rencontré de nombreux chefs d’entreprise qui pensent que, loin de simplifier le droit du travail, il risque au contraire de le complexifier. En effet, la remise en cause de la hiérarchie des normes, permettant de déroger à des accords de branche, notamment en matière de durée du travail ou de congés, fait craindre à de nombreuses TPE et PME une distorsion de la concurrence, une plus grande complexité et le risque d’une plus grande subordination dans les rapports de sous-traitance. Cela nous a été confirmé par les représentants de l’Union professionnelle artisanale et de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), qui estiment que le dialogue social au niveau de la branche est une source de sécurité juridique et d’harmonisation des règles sociales, et évite le dumping social. La négociation sociale nécessite une expertise et une méthode. Avec la loi de 2015, visant à renforcer le dialogue social, nous avions créé les commissions paritaires régionales, qui doivent constituer un cadre de discussion et de négociation efficace. Pourquoi, aujourd’hui, revoir ce dispositif, en privilégiant les accords d’entreprise ?

Évoquons aussi la situation des femmes au travail. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) a émis des réserves significatives sur ce projet de loi. Or, nous le savons, sur le marché du travail, les femmes subissent plus que les hommes la précarité. Ainsi représentent-elles 80 % des salariés à temps partiel et des contrats précaires. Dans le même temps, elles sont les moins flexibles dans leur vie personnelle, puisqu’elles assument toujours, et bien plus que les hommes, les obligations familiales et domestiques. Je m’inquiète donc du risque qu’elles ne subissent davantage de pression dans les négociations qui s’ouvriront pour permettre des adaptations au niveau de l’entreprise. Il en va de même avec la possibilité de baisser la rémunération des heures complémentaires. Les femmes étant plus présentes dans les TPE et PME, il existe un risque accru de les fragiliser en renvoyant au niveau de l’entreprise la négociation sur les questions de temps de travail. Quelle est votre réponse face à ce risque et en quoi la fragilisation des droits des salariés permettrait-elle le développement de l’emploi ?

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, quelles sont donc les « nouvelles libertés » que, selon son titre, vise à instituer ce projet de loi ? De mon point de vue, nos réflexions doivent se concentrer sur ce fait très concret : nous ne pouvons tolérer que 3,5 millions de personnes soient privées d’emploi – et les derniers chiffres ne sont pas faits pour nous rassurer, qui traduisent à eux seuls l’échec de votre gouvernement.

J’avais parfaitement compris en quoi certaines dispositions de la première version de votre projet de loi étaient susceptibles de redonner confiance aux entreprises et de relancer l’emploi des salariés. Aujourd’hui, pouvez-vous préciser quelles dispositions de cette deuxième version peuvent avoir cet effet ?

Le Premier ministre a insisté au début du mois de mars sur le fait que le CDI devait devenir la règle. Il concluait en affirmant que ce projet de loi offrait plus de visibilité pour les entreprises et plus de protection pour les salariés. Pouvez-vous préciser en quoi cette version édulcorée, exempte de toute mesure novatrice, donne plus de visibilité aux entreprises et plus de protection aux salariés ? Et en quoi s’adresse-t-elle aux petites et moyennes entreprises, comme l’affirme encore le Premier ministre, alors que tout passe par la négociation syndicale ?

Ma dernière question porte sur l’apprentissage. Le Président de la République s’est fixé comme objectif de parvenir à 500 000 apprentis à la fin de son mandat. J’ai bien compris que votre projet de loi comportait un certain nombre de dispositions sur l’apprentissage dans ses articles 32 à 37. J’ai bien compris, aussi, qu’il prévoyait une revalorisation des carrières des maîtres d’apprentissage, mais comment permettra-t-il d’atteindre les objectifs fixés par le Président de la République en matière d’apprentissage ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. De nombreux économistes universitaires, des syndicalistes et des politiques, dont je fais partie, considèrent qu’il serait efficace, pour lutter contre le chômage, de poursuivre et d’amplifier le mouvement de réduction du temps de travail amorcé par la gauche en 1997. Je voudrais comprendre pourquoi le Gouvernement tourne aujourd’hui le dos à cet objectif, à cette ambition, en choisissant à l’inverse de favoriser l’allongement du temps de travail, notamment en facilitant la diminution, par voie d’accords d’entreprise, du taux de majoration de la rémunération des heures supplémentaires, en facilitant le dépassement de la durée quotidienne et hebdomadaire du temps de travail ou en mettant en place les accords dits « offensifs » de maintien dans l’emploi. Pour ma part, je vois dans cette logique une véritable régression et un contresens économique et social.

Ma deuxième question concerne le référendum qui pourrait être organisé à la demande des organisations syndicales atteignant 30 % des suffrages. Il ne s’agit pas d’être hostile par principe à toute forme de référendum, mais tout dépend, on le sait, des sujets sur lesquels ils porteraient et des contextes dans lesquels ils interviendraient. Avec le texte proposé aujourd’hui, les référendums qui se tiendront demain imposeront des choix cornéliens aux salariés, par exemple entre, d’une part, une augmentation du temps de travail ou une baisse de la rémunération et, d’autre part, des suppressions d’emplois ou des délocalisations. De quelle liberté de choix les salariés disposeront-ils dans ces conditions ? Pour qu’un référendum soit vraiment l’expression de la liberté de toutes les parties, il faut une égalité entre tous et non un lien de subordination. Or, il y aura, de toute façon, un lien de subordination. Je vois donc là une régression, parmi d’autres sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir longuement dans les débats en commission et dans l’hémicycle.

M. Yves Censi. Je suis assez impressionné par le flou des objectifs du projet de loi : on a beaucoup de mal à les retrouver dans la masse des articles. Quant aux quelques droits fondamentaux énumérés à l’article 1er, tels le respect de la dignité ou la protection des données personnelles, il ne s’agit là que d’une répétition de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et celle-ci s’applique, avec ou sans votre projet de loi. En fait de droits fondamentaux, c’est un peu de l’esbroufe : ces droits fondamentaux existent déjà et sont protégés.

En ce qui concerne l’expression des convictions religieuses, je ne fais pas partie de ceux qui vous accusent de faire entrer le communautarisme dans l’entreprise, mais je suis très étonné par votre rédaction : « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Aujourd’hui, pour restreindre le droit de manifester ces convictions, il faut que la restriction présente un lien avec la tâche à accomplir et qu’elle soit proportionnée au but recherché. Si vous avez repris la dernière condition, quel est votre but lorsque vous supprimez la première ? De même, il n’y a pas de référence à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante », formule qui figure pourtant dans le droit en vigueur.

Par ailleurs, vous indiquiez que « la loi détermine les conditions et limites dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent prévoir des normes différentes » et que, « en cas de conflit de normes, la plus favorable s’applique aux salariés si la loi n’en dispose pas autrement ». C’est d’une grande ambiguïté. Je voudrais une réponse claire : êtes-vous d’accord pour qu’un accord d’entreprise puisse être moins favorable qu’un accord de branche ?

M. Jean-Patrick Gille. Je m’interroge sur le statut des principes essentiels du droit du travail, formulés par la commission Badinter. Dans le projet de loi, ils ne forment pas un simple préambule, et sont soumis à notre délibération. L’excellent travail accompli par la commission Badinter semble satisfaire tout le monde. Gérard Cherpion et moi-même avons proposé de suivre la même démarche pour la formation professionnelle, afin d’aider tout le monde à se repérer. Cependant, si nous délibérons de ces principes, je comprends mal le statut qu’ils auront. Pour tout dire, est-il vraiment nécessaire de les inscrire dans le texte ?

Le compte personnel d’activité regroupera le compte personnel de formation, qu’il faudrait consolider mais qui marche plutôt bien, le compte pénibilité, qui a déjà un impact sur le compte personnel de formation, et un compte engagement citoyen. Son champ sera étendu aux travailleurs indépendants et même, par ordonnance, à l’ensemble des agents publics
– c’est l’objet de l’article 22. Les personnes qui n’ont pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles bénéficieraient d’une surdotation
– l’alimentation de leur compte se ferait à hauteur de quarante heures par an et le plafond serait porté à quatre cents heures. Je proposerais pour ma part de porter le crédit annuel à quarante-huit heures pour les autres, mais je me demande si cela se cumule.

Cela dit, ne devrait-on pas envisager d’indiquer que le compte d’activité est un compte temps ? Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas intégrer au compte d’activité le compte épargne-temps. Ce n’est peut-être pas encore abouti techniquement, mais nous pourrions envisager une externalisation de ce compte épargne-temps, dont certains sont déjà titulaires, à la Caisse des dépôts. Dans un deuxième temps, le principe du compte épargne-temps serait généralisé, et les comptes seraient externalisés à la Caisse des dépôts. Pourrait-on avancer sur cette voie ?

M. Arnaud Viala. Parce que votre texte intervient dans une période très délicate pour les territoires, les entreprises et les salariés, parce que vous l’avez présenté dans les médias comme la panacée, il a suscité trois grands espoirs : il allait résoudre tous les problèmes du moment ; il allait permettre une vraie discussion sur le rôle et la place du travail dans notre société, sur le rôle et la place des acteurs – entreprises et salariés – les uns par rapport aux autres ; il allait enfin déverrouiller la création d’emploi en donnant de la lisibilité aux entrepreneurs. Au bout du compte, je crains qu’il ne se solde par trois grandes déceptions.

Si l’on compare la première version et celle que vous défendez aujourd’hui – et qui serait en fait la troisième –, on voit que l’on a affaire à deux textes complètement différents. Le premier recueillait l’assentiment d’un grand nombre d’acteurs. Le dernier semble faire à peu près l’unanimité contre lui – nos échanges de cet après-midi le confirment. La méthode de la négociation que vous prônez et qui est au cœur du texte révèle son échec avant même que le Parlement n’entame l’examen du projet de loi : vous venez de passer des semaines, des mois, à discuter avec les uns et les autres, et aucun consensus ne s’est dégagé !

Enfin, le calendrier de la réforme déçoit. À plusieurs reprises dans votre exposé liminaire, vous avez évoqué 2019 comme la date à laquelle nous pourrions en voir les premiers effets. Je crains fort qu’il n’y ait plus alors 4 ou 5 millions de chômeurs, mais 6 ou 7, voire 8 millions, et que nombre d’entreprises n’aient disparu des écrans radars.

Madame la ministre, pouvez-vous citer une disposition de ce texte qui marquerait une avancée pour le salarié et une autre qui marquerait une avancée pour les PME-TPE ? Et pouvez-vous indiquer par quelles mesures ce texte est susceptible de relancer l’emploi ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la ministre, il était nécessaire de prendre, comme vous l’avez fait, le temps de la concertation, grâce auquel des mesures importantes ont pu être inscrites dans le projet de loi. Nous partageons bien sûr votre souci de la négociation collective, du dialogue social et de la protection des salariés, comme de l’accompagnement des entreprises, en particulier les PME et les TPE, et nous aurons l’occasion de faire des propositions au cours des débats pour enrichir encore le texte. Mais j’appelle votre attention sur la situation des salariés en situation de handicap. Leur taux de chômage, qui atteint 22 %, demeure deux fois plus élevé que celui des autres salariés. Ils représentent la moitié des chômeurs de longue durée, et le handicap est la deuxième cause de discrimination à l’embauche, comme le rappelait le Défenseur des droits. Nous connaissons les raisons de cette situation : un manque de qualification, l’absence de formations adaptées, des lourdeurs administratives, un manque d’accompagnement des entreprises.

Le texte comporte des dispositions de droit commun qui bénéficieront aux travailleurs handicapés, par exemple le congé de proche aidant prévu par l’article 3, le compte personnel d’activité, le compte personnel de formation, qui sera d’ailleurs abondé par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), la garantie jeunes, le droit à la déconnexion, le développement du télétravail, etc. Cela ne suffit cependant pas, il faut aller plus loin. Je voudrais, madame la ministre, que nous puissions examiner la possibilité d’un cadre national unique pour les accords handicap dans les entreprises, avec des critères d’agrément et des outils de suivi communs, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Rémi Delatte. Votre motivation initiale, madame la ministre, nous paraissait plutôt intéressante, et nous pouvions adhérer à plusieurs points de votre projet de loi. Mais nous ne voyons pas très bien, dans cette deuxième ou troisième version, comment sera limité le « formalisme » si contraignant du dialogue social – je ne fais là que reprendre votre expression.

Nous ne voyons pas non plus en quoi ce projet de loi va mettre le droit du travail au service de l’emploi. Or c’est bien cette préoccupation qui doit rapprocher les uns et les autres. Nos entrepreneurs attendent que l’on clarifie et que l’on simplifie, ils attendent également que les contraintes soient limitées. Or, aujourd’hui, vous prenez la direction opposée. Ainsi êtes-vous revenue sur le plafonnement des indemnités prud’homales. Accepterez-vous, madame la ministre, de réintroduire ce facteur de visibilité pour l’entreprise ? Accepterez-vous également de réintroduire le forfait jour dans les PME ? Ce levier a toute sa pertinence dans les petites entreprises. Enfin, pourquoi être revenue sur la possibilité d’offrir une certaine souplesse en matière d’apprentissage, en particulier sur le temps de travail ? Cela aurait indéniablement constitué un encouragement pour l’apprentissage.

Mme Isabelle Attard. Madame la ministre, en 2015, la France est le quatrième pays au monde à avoir versé le plus de dividendes à ses actionnaires : 47 milliards de dollars ! Dans le même temps, la fraude fiscale des plus riches continue de battre des records. Selon le rapport du sénateur Éric Bocquet, c’est un montant compris entre 60 et 80 milliards d’euros qui échappent aux caisses de l’État en raison de l’évasion fiscale. Or cet argent qui manque est la justification des politiques d’austérité des gouvernements UMP puis socialiste, de cette austérité qui grippe toute l’économie de la France en vidant les carnets de commandes.

Madame la ministre, pourquoi voulez-vous que les travailleurs portent le poids des problèmes des entreprises ? Pourquoi le code du travail, qui protège la santé des travailleurs, leur vie privée, leur vie tout court, devrait-il servir de variable d’ajustement ? Vous parlez de le simplifier, et, certes, il est un peu compliqué, mais pas autant qu’on tente de le faire croire. Pourquoi une loi qui le complexifie et le rallonge ? La partie du code consacré au temps de travail fait aujourd’hui 100 pages, votre projet de loi en ajouterait une vingtaine.

Le mouvement citoyen « On vaut mieux que ça ! » a récolté des milliers de témoignages. En voici quelques-uns : « nous survivons à deux sur mon SMIC » ; « mon patron me demande de faire avorter ma conjointe » ; « régulièrement, je me brûlais chimiquement le genou » ; « on me refusait les heures supp », parce que, « tu comprends, déjà que tu es là que la moitié du temps et que tu as des congés… » ; « licencié en apprentissage pour avoir été malade » ; « elles n’arrivent même plus à crier tellement on leur a fait entrer dans le crâne qu’elles n’avaient pas le droit ». Il y a aussi, en plus de ces milliers de témoignages, des citations d’employeurs : « c’est déjà une faveur que je vous fais en vous donnant du travail » ou bien « il y en a plein d’autres derrière toi qui attendent, estime-toi heureux ! » C’est aussi cela, la réalité en entreprise, des relations déséquilibrées entre un employeur qui ordonne et un salarié qui doit obéir.

Vouloir renvoyer au niveau de l’entreprise la négociation des droits, c’est prendre le risque que des salariés sous pression acceptent de céder le peu qu’ils ont. Les salariés ont bien du mal aujourd’hui à connaître les droits que leur accorde le code du travail, et encore plus de mal à les faire respecter. Qu’en sera-t-il demain, quand ils devront apprendre de nouveaux accords d’entreprise et de branche à chaque nouvel emploi ?

Madame la ministre, dix députés du groupe écologiste demandent le retrait pur et simple de ce projet. Quant à moi, il me reste une place de disponible à dix-neuf heures dans la salle de cinéma de l’Assemblée pour voir Merci patron ! Vous êtes la bienvenue !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Chère collègue, il existe aussi des employeurs respectueux des salariés et des entreprises dans lesquelles les choses se passent bien !

M. Jean-Louis Costes. Nous sommes tous conscients de la nécessité de réformer en profondeur le droit du travail et les relations sociales dans notre pays. Si besoin était, les 38 000 chômeurs supplémentaires enregistrés au mois de février nous le rappelleraient avec cruauté. Mais il nous faut une véritable réforme, pas une réformette ou, en l’espèce, un texte fourre-tout dont certaines dispositions peuvent même se révéler contre-productives – en ramenant de trois à un an la durée de l’expérience requise pour entrer dans les dispositifs de valorisation des acquis de l’expérience (VAE), vous risquez, par exemple, de déstabiliser notre système de formation professionnelle.

La relation entre les entreprises et l’inspection du travail doit impérativement faire l’objet d’une modernisation. L’article 28 du projet de loi donne à l’employeur d’une entreprise de moins de trois cents salariés le « droit d’obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu’il sollicite l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ». Cela crée une insécurité juridique durant une période incertaine. Pourquoi ne pas évoluer vers la formule, désormais courante dans notre droit, selon laquelle la non-réponse de l’administration vaut acceptation implicite après un délai donné ?

Vous n’osez pas aborder directement la question de la représentativité des organisations syndicales, bien qu’elle se lise en filigrane dans votre texte. Vous avez réintroduit l’extension du mandatement, ce qui va constituer un véritable problème pour nos petites entreprises.

M. Richard Ferrand. Les articles 45 à 50 du projet de loi forment son titre VI. Dans le cadre de la lutte contre le détachement illégal ou abusif de travailleurs, ils prévoient le renforcement de diverses obligations, notamment celle de vigilance du donneur d’ordres et du maître d’ouvrage à l’égard des sous-traitants.

On ne peut que se féliciter de l’action constante qu’ont menée le Gouvernement et la majorité sur ce sujet depuis 2012, tant sur le plan européen, avec la révision de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, qu’au plan national, puisque les mesures qui nous sont proposées s’inscrivent dans la continuité des dispositions votées dans la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, et dans celle du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

L’article 46 créé une contribution visant à compenser les coûts administratifs engendrés par le détachement en France de salariés par des employeurs établis à l’étranger. La contribution sera due pour tout détachement de salarié en France, son montant étant fixé par décret. Comment envisagez-vous l’articulation de cette « taxe » avec le droit européen ? Ne craignez-vous pas qu’elle puisse être considérée comme une entrave à la libre circulation des travailleurs ? En la matière, nous savons qu’il n’est nul besoin de seuil d’effectivité : la potentialité d’une entrave peut être suffisante pour que l’on juge que nos pratiques sont contraires aux règles européennes. Entendez-vous légitimer cette contribution au motif du service rendu ? Comment comptez-vous surmonter ce risque juridique au regard du droit européen ?

La Commission européenne a présenté, le 8 mars dernier, sa proposition de directive d’application de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. L’une de ses dispositions encadre l’un des trois types de détachement : celui effectué via des entreprises de travail temporaire – on compte 33 000 travailleurs détachés en France par ce type d’entreprise. Il est ainsi proposé qu’un travailleur intérimaire soit employé aux mêmes conditions, qu’il relève d’une agence d’intérim française ou qu’il soit détaché en France par une agence transfrontalière de travail temporaire. Cela permettra de supprimer l’avantage concurrentiel issu du différentiel de coût du travail entre États membres, sachant qu’en 2011 on dénombrait 18 000 Français détachés en France via des agences d’intérim luxembourgeoises. Comment accueilleriez-vous un amendement qui viserait à transposer « par anticipation » une telle mesure ?

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, en vous écoutant, je songeais aux 6 millions de personnes à la recherche d’un emploi, qui se battent et qui galèrent. Ce texte constitue-t-il un espoir pour eux ? Que changera-t-il vraiment ?

Je ne doute pas de votre volonté, et je constate que votre texte propose certaines évolutions. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous souhaitons évidemment tous favoriser l’emploi, permettre aux entreprises d’anticiper les mutations économiques, protéger les salariés, favoriser le dialogue social, mais aussi adapter les règles du travail aux réalités de l’activité économique. J’ose parler du besoin de « flexisécurité », thème sur lequel une mission d’information de la commission des affaires sociales de notre assemblée avait travaillé lors de la précédente législature.

La réforme du code du travail n’aura vraiment son plein effet que si la croissance et la confiance sont au rendez-vous, si l’on baisse les charges et les contraintes, et si les carnets de commandes se remplissent parce que la consommation reprend, que les marchés extérieurs se développent et que les investissements redémarrent – je pense aux coupes claires de l’État dans les ressources des collectivités locales qui ne peuvent plus investir.

Nous sommes favorables à la garantie jeunes à condition qu’elle soit assortie de critères stricts en matière de motivation et de situation. Il ne doit pas s’agir d’un droit universel sans contrepartie mais, au contraire, d’une véritable prise en compte du cas individuel de chaque jeune pour permettre son insertion et sa formation, afin qu’il soit guidé vers l’emploi.

Les emplois saisonniers concernent de nombreux jeunes. Sur 1,5 million d’emplois de ce type, les deux tiers doivent se trouver dans le secteur agricole. J’aimerais être sûr que les mesures que vous proposez en la matière vont dans le bon sens, car notre agriculture a besoin de souplesse – pensez à la cueillette des fruits ou à la viticulture…

Il est vrai qu’il existe aujourd’hui un vide juridique pour les salariés en contrat aidé des collectivités territoriales : ceux qui ont signé un contrat d’accompagnement dans l’emploi ne bénéficient d’aucune formation. Cependant, la mesure que vous proposez pour résoudre ce problème aura un coût pour les collectivités correspondant à 0,05 % de leur masse salariale. Les soutiendrez-vous ? Comment le dispositif sera-t-il mis en place ?

Il faut renforcer la formation professionnelle en apprentissage. Je salue votre volonté de compléter la liste des établissements qui pourront bénéficier de la taxe d’apprentissage : elle comprendra désormais les établissements privés sous contrat d’association avec l’État. Il faut affirmer encore plus clairement une réelle motivation à ce sujet, et mettre des moyens sur la table pour soutenir les jeunes qui choisissent cette voie.

M. Michel Issindou. Madame la ministre, votre projet de loi va dans le bon sens : celui du dialogue social, celui des textes que nous examinons depuis quatre ans dans notre commission. Il poursuit un objectif partagé par tous : redonner aux entreprises la capacité de créer de l’emploi. Il prouve que l’on peut conjuguer la nécessaire flexibilité avec la sécurité des salariés, qui est tout aussi nécessaire. Le compte personnel d’activité, tel qu’il a été enrichi ces derniers jours, le montre amplement.

Depuis quarante ans, nul n’a trouvé la solution miracle pour juguler le fléau du chômage. Si beaucoup de croyances circulent, et si ceux qui ont des réponses sont nombreux, l’immobilisme serait la pire des solutions : c’est celle que vous n’avez pas choisie.

L’article 44 est consacré à la médecine du travail, sujet sur lequel le Gouvernement m’avait confié une mission l’année dernière. J’ai constaté ses carences. Elle ne parvient pas à accomplir les tâches que le législateur lui a confiées. Sa situation continue de se dégrader : l’effectif actuel de 5 000 médecins du travail sera divisé par deux d’ici à moins de quinze ans. Sur les 30 millions de visites médicales annuelles obligatoires, seules 9 millions ont vraiment lieu. Il faut agir rapidement pour que la médecine du travail reste ce qu’elle doit être : une bonne médecine au service des salariés et de leur santé.

Il faut aussi agir davantage en matière de prévention – autant éviter que la santé ne se dégrade –, et tout faire pour maintenir dans l’emploi ceux qui le peuvent grâce au médecin du travail, en bannissant les solutions systématiques et en donnant la priorité à ceux qui en ont besoin.

Madame la ministre, je ne doute pas que, après nos travaux, votre texte trouvera une majorité pour l’adopter. Ce projet de loi est absolument nécessaire pour essayer d’en finir avec le véritable cancer que le chômage représente pour notre société.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, je vous ai déjà alertée sur les difficultés économiques que rencontre la mission locale de la ville de Marseille. Elle traite tous les ans les dossiers d’environ mille jeunes. Les aspects financiers de la garantie jeunes ont donc retenu mon attention.

Ce dispositif ne figurait pas dans le texte initial : il a été introduit après que les jeunes sont descendus dans la rue. Le Premier ministre aurait même parlé d’une garantie jeunes universelle, mais il ne me semble pas que son financement soit prévu.

Vous souhaitez que la garantie jeunes s’applique à plus de 100 000 jeunes alors que vous n’envisagez de consacrer au dispositif que 600 millions d’euros, en appelant l’Union européenne à la rescousse par l’intermédiaire du Fonds social européen (FSE). Or nous savons que nous ne récupérons le FSE qu’avec un an et demi ou deux ans de retard – sans même compter la longueur de l’établissement des dossiers administratifs. Nous risquons donc d’avoir un problème de financement. De plus, vous avez décidé que 70 % du paiement serait effectué sur des objectifs, et 30 % sur des variables dont l’État serait le maître d’œuvre. Cela représenterait beaucoup d’incertitudes pour les missions locales qui dépendent des villes. À Marseille, le travail accompli est utile, c’est certain, mais, financièrement, nous ne pourrons pas suivre. Pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?

Mme Annie Le Houerou. Les travailleurs handicapés sont les plus exposés au chômage, mais aussi au licenciement suite à une inaptitude. Pourtant, depuis la loi de 2005, nous sommes engagés dans la construction d’une société inclusive. Cela vaut pour l’école, mais également pour l’entreprise qui doit pouvoir offrir des emplois en milieu ordinaire. C’est pourquoi je souhaite, madame la ministre, que votre projet de loi fasse une meilleure place aux travailleurs handicapés – 80 % le sont devenus au cours de leur vie professionnelle. La médecine du travail doit être mobilisée pour prévenir la désinsertion professionnelle. Il faut trouver, avec les employeurs, les salariés et les partenaires, des solutions d’accompagnement dans l’emploi. L’entreprise doit être davantage sensibilisée à ces questions.

Je proposerai que votre texte prévoie de donner explicitement une nouvelle mission au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour contribuer à faciliter le maintien dans l’emploi ou l’accès à l’emploi des personnes handicapées. L’emploi accompagné dans l’entreprise, y compris par une aide humaine, doit avoir été envisagé et étudié avant que l’employeur ne se sépare d’un salarié rencontrant des difficultés d’intégration professionnelle du fait de la survenue d’un handicap. L’employeur doit tout mettre en œuvre pour maintenir dans l’emploi une personne confrontée au handicap. Ce n’est pas le cas aujourd’hui ; l’inaptitude est trop souvent proposée.

M. Philippe Noguès. Les jeunes sont inquiets, et je crains que cela ne soit à juste titre. Vous avez annoncé, le 15 mars dernier, que la garantie jeunes, dispositif visant les jeunes de moins de vingt-cinq ans en difficulté d’insertion, deviendrait un droit universel. Selon vos propos, 900 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans sont en situation de précarité. Ils seraient donc éligibles à cette garantie jeunes. Même si tous ne la demandent pas – on voit ce qu’il en est de la prime d’activité par exemple –, le nombre de personnes potentiellement concernées resterait vertigineux, ce qui pose un certain nombre de questions. Si l’on table sur le fait que 500 000 jeunes recevraient 460 euros par mois, le coût estimé dépasserait légèrement 1,5 milliard d’euros par an. Comment le Gouvernement compte-t-il financer cette mesure ?

La garantie jeunes était jusqu’à ce jour gérée par des missions locales qui n’ont accompagné que 46 000 précaires en deux ans. Comment feront-elles, demain, face à un afflux de demandeurs sans augmentation de leurs moyens humains et financiers ? Je sais que le Gouvernement vise en réalité l’entrée dans ce dispositif de 200 000 jeunes d’ici à 2017, mais peut-on alors encore parler d’universalité, sachant que le public potentiel est de 900 000 personnes ?

Mme Bernadette Laclais. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir donné votre accord, dès votre nomination, à la poursuite des travaux que mène, sur l’initiative de votre prédécesseur, un groupe de députés et de sénateurs, concernant la question du travail saisonnier.

Le phénomène est si complexe, avec une multitude de types de contrats et de secteurs concernés, qu’il est parfois bien difficile de savoir comment il évolue. Il touche en tout cas plus particulièrement les jeunes et les femmes. Les travaux effectués relèvent généralement de métiers peu qualifiés, souvent payés au SMIC, ou à peine plus, pour des horaires atypiques. Ces emplois cumulent donc toutes les caractéristiques des emplois précaires et de mauvaise qualité, sachant que les personnes concernées rencontrent aussi des problèmes spécifiques liés au travail saisonnier comme ceux relatifs à l’accès au logement et au transport.

Le Premier ministre avait donné son accord pour que ce projet de loi permette des évolutions positives pour les travailleurs et les salariés saisonniers. Je constate que ses articles 39 et 40 reprennent en partie les préconisations que nous avons formulées, Annie Genevard et moi, dans le rapport que nous avons remis au Gouvernement, en septembre dernier, sur l’évolution de la loi montagne. Il reste toutefois encore du chemin à parcourir.

Madame la ministre, comment accueilleriez-vous une proposition concernant le contrat de travail intermittent ? Le projet de loi pourrait traiter des deux causes qui expliquent qu’il ne soit pas utilisé. Seriez-vous prête à vous prononcer positivement sur des évolutions en matière de groupements d’employeurs ? L’article 40 constitue une première étape, mais nous pouvons aller plus loin.

Il faut trouver une solution gagnant-gagnant. Les entreprises ont besoin de salariés qualifiés, de plus en plus qualifiés, y compris dans le secteur du tourisme. Pour rester leader, notre économie touristique de montagne a besoin de salariés formés et « stabilisés ». Les salariés, de leur côté, ont besoin de sécurité. Comment être efficace dans son travail lorsque de multiples contraintes et incertitudes pèsent sur sa vie personnelle et professionnelle ?

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, l’attente créée par votre projet de loi ne doit pas être déçue si nous voulons relancer une dynamique de création d’emplois. Vous le disiez d’ailleurs vous-même en visitant, la semaine dernière, l’usine Toutenkamion de Ladon, dans ma circonscription.

Votre projet de loi était ambitieux, dans sa première version. Il va indéniablement dans le bon sens, car il est susceptible de faire bouger les lignes sur le front de la création d’emplois. Il faut cependant parvenir à se placer loin des postures politiques et des contraintes d’appareil. J’espère que l’intérêt collectif va redevenir le centre de nos discussions. Pour une fois, l’opposition ne vient pas d’où vous l’auriez attendue ! J’espère que le climat redeviendra serein dans votre majorité et que nous pourrons avancer ensemble avec ce projet fondamental pour l’avenir.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Madame la ministre, vous avez affirmé que votre texte avait pour objectif de renforcer le dialogue social. On peut toutefois se demander si la modification de l’article L. 2232-12 du code du travail relatif aux conditions de signature d’un accord collectif – qui semble s’inspirer de ce qui s’est produit à la FNAC pour l’ouverture du dimanche – n’aura pas pour conséquence un recul du poids des organisations syndicales.

Le vingt-sixième des principes essentiels du droit du travail cités dans l’article 1er du projet de loi est ainsi rédigé : « Tout licenciement doit être justifié par un motif réel et sérieux. » Ce motif sera-t-il toujours contrôlé par un juge, ou le Gouvernement compte-t-il dresser une liste des motifs qui seront considérés par avance comme « réels et sérieux », comme cela est déjà le cas pour les accords de mobilité ? Quel sera le pouvoir du juge sur le contrôle du motif du licenciement ?

Le vingt-neuvième principe prévoit notamment que « le licenciement est précédé d’un préavis d’une durée raisonnable ». Pourquoi ne pas maintenir les délais de préavis déjà prévus par la loi ? Ce délai est indispensable pour que le salarié retrouve un emploi et prenne certaines dispositions.

M. Philip Cordery. Madame la ministre, je me félicite des avancées récentes de ce texte et de la capacité de dialogue dont vous avez fait preuve, que ce soit avec les partenaires sociaux, les organisations de jeunesse ou les parlementaires. Il dessine aujourd’hui les contours d’une flexisécurité à la française qui permet d’allier une souplesse encadrée, un renforcement des droits des salariés et un dialogue social assumé.

Ce texte crée de nouveaux droits et permet de faire de nouveaux progrès. Je pense à la garantie jeunes, au droit du salarié à la déconnexion, aux évolutions en matière de détachement de travailleurs, mais aussi, évidemment, au compte personnel d’activité qui en constitue le cœur.

Le CPA donnera aux salariés une véritable sécurité dans leur parcours professionnel. Il leur permettra de mieux passer d’un emploi à un autre, en particulier grâce aux droits à la formation et à la fongibilité. Je m’interroge néanmoins sur son périmètre. Pensez-vous que, au cours du débat, nous pourrons l’élargir au compte épargne-temps et aux droits à congé afin de renforcer les possibilités de formation des salariés ?

Il est également essentiel que l’accompagnement soit personnalisé pour que ceux qui sont le plus loin de l’emploi puissent en bénéficier.

Seule la visibilité pourra créer les vraies conditions de l’appropriation du dispositif par les salariés. Le portail en ligne du CPA doit être le plus clair possible. Une carte, du type carte Vitale, pourrait permettre à chaque salarié de connaître les droits attachés à son compte.

La mobilité étant aussi européenne, il faudra également faire en sorte que les droits restent acquis aux salariés, notamment les droits à la formation, lorsqu’ils partent travailler dans un autre pays de l’Union européenne. Ce sujet sera au cœur du rapport d’information sur le projet de loi, que je présenterai mardi prochain devant la commission des affaires européennes.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, je souhaite à mon tour vous interroger, sur la définition du motif du licenciement économique telle qu’elle est précisée à l’article 30. Les difficultés économiques y sont en effet « caractérisées » soit par divers indicateurs précis et chiffrés – baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie –, soit par « tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Il me semble que l’on peut tout mettre dans cette dernière formule pour justifier un licenciement. Je souhaiterais avoir un éclaircissement sur ce point.

Mme la ministre. Vous me permettrez de faire une remarque d’ordre général avant que je ne réponde à vos questions. Le code du travail est épais parce que nous avons tenté de nous adapter à la multiplicité des besoins qui émergeaient sur le terrain – les dérogations étaient d’ailleurs souvent demandées par la partie patronale. Je crois que ce système est aujourd’hui à bout de souffle.

Avoir confiance dans la négociation, en réaffirmant le rôle de la branche et celui de l’entreprise, ce n’est absolument pas donner un chèque en blanc aux entreprises. C’est avoir conscience qu’il faut trouver au plus près du terrain, avec les représentants légitimes des salariés que sont les syndicats, les moyens de s’adapter. L’acte de confiance se fait à la fois en direction des organisations syndicales, des salariés et des chefs d’entreprise.

Combien de fois entendons-nous dire qu’une entreprise n’a pas pu répondre à un pic d’activité ou à une grosse commande ? Aujourd’hui, il n’existe que des solutions de contournement. On contourne en faisant appel aux travailleurs détachés ou aux indépendants, en ayant recours à l’intérim de façon massive, en donnant la préférence à la signature d’un CDD, même si cela coûte beaucoup plus cher, plutôt qu’à un recrutement en CDI parce que l’on pourrait perdre un client ou un contrat dans les huit mois à venir. Voilà la réalité que je me suis attelée à traiter dans ce projet de loi !

Ma vision du dialogue social n’est ni naïve ni béate : je ne considère pas que le salarié se trouve à égalité face à son employeur. J’ai pleinement conscience que cette relation est déséquilibrée. Mais parce que j’ai confiance dans le dialogue social, je sais que les militants syndicaux sont accompagnés et formés par des structures, je sais qu’ils sont défendus par le collectif, tout comme les salariés. Cette cohérence est au cœur de ce projet de loi qui renforce la formation et la position des acteurs du dialogue social. Je le répète : ce texte n’est pas un chèque en blanc donné aux entreprises.

En France, seulement 18 % de la population fait confiance aux représentants syndicaux – cette proportion descend à 11 % s’agissant du personnel politique. Je ne veux pas dénigrer les corps intermédiaires : toute démocratie en a besoin. C’est pour cela que le projet de loi ne laisse en aucun cas le salarié seul à l’employeur. Il renforce les acteurs du dialogue social.

Notre droit est protecteur, et on ne peut que s’en réjouir. La santé et la sécurité au travail restent évidemment des piliers de notre droit. Mais nous perdons des postes dans l’industrie depuis le deuxième trimestre de 2001 : en quoi nos protections ont-elles évité des licenciements dans l’industrie ? Comment l’Allemagne a-t-elle surmonté la crise de 2008 ? Elle a d’abord eu recours à l’activité partielle. Nous pouvons être fiers d’avoir porté la réforme de l’activité partielle en 2013 : nous avons rejoint l’Allemagne sur ce plan. Elle a aussi été en mesure de moduler, d’introduire de la souplesse en matière de travail. Résultat : en Allemagne, les salariés travaillaient à temps partiel et bénéficiaient de formations, alors qu’en France on licenciait. La reprise économique venue, les Allemands disposaient d’une main-d’œuvre qualifiée et toujours en poste ; ce n’était pas notre cas.

Je suis convaincue que la démarche que nous adoptons est la bonne. Je suis convaincue que, pour lever les blocages, nous devons trouver de nouvelles formes de régulation sociale qui passent par un dialogue social au plus près de l’entreprise. Dès lors que le droit actuel s’applique si aucun accord n’est signé, quel risque prend-on en essayant de conclure un accord ? C’est, en quelque sorte, un aveu de faiblesse de refuser que la négociation ait lieu au plus près de l’entreprise. Je crois aux organisations syndicales et en leur pouvoir en matière de négociation. C’est cela qui se joue aujourd’hui.

Certains syndicats considèrent que nous sommes à la croisée des chemins en matière de dialogue social. C’est vrai, et ce texte leur permet justement de redonner du sens au dialogue social et de renforcer leur légitimité. C’est pour cela qu’il s’agit à mes yeux d’un projet social-démocrate complètement assumé.

Je sais très bien ce qui se passe chez nos voisins européens. Je rencontre mes homologues. Nous ne proposons ni le contrat zéro heure ni les mini-jobs à l’allemande. Ce n’est pas cela, notre projet ! Nous proposons au contraire un renforcement du dialogue social pour mieux nous adapter à la demande. Bien sûr, l’embauche passe par un carnet de commandes rempli, mais il faut traiter la réticence à signer des CDI, qu’elle soit fondée sur des faits réels ou des éléments ressentis. En tant que ministre du travail et de l’emploi, je souhaite la traiter.

Monsieur le rapporteur, madame Le Callennec, les partenaires sociaux ne seront pas membres de la commission de refondation, dont le rôle sera de fournir une expertise au Gouvernement et non de négocier une réforme du droit du travail. Ils seront néanmoins très étroitement et concrètement associés à ses travaux. C’est à la fois une question de principe et une nécessité, puisque la réforme donnera une place sans précédent à la négociation, ce qui va dans le sens du rapport Combrexelle.

À ce sujet, sachez que j’ai non seulement lu l’article L. 1 du code du travail, mais que je l’ai appliqué ! Le 16 septembre dernier, j’ai demandé par courrier à l’ensemble des partenaires sociaux s’ils souhaitaient ouvrir une négociation sur les suites au rapport Combrexelle. Comme ils ne l’ont pas souhaité, nous avons mené des concertations bilatérales avec chacun d’entre eux.

Les partenaires sociaux ont toujours été associés à toutes les grandes réformes en matière de travail et d’emploi. J’ai mené une concertation avec eux sur l’intégralité du projet de loi. Certains arbitrages ayant été rendus tardivement, l’article relatif aux licenciements économiques n’était pas encore sur la table lors de cette première phase. Nous avons déjà reconnu qu’il avait manqué un temps d’explication, d’autant que des fuites avaient eu lieu dans la presse – je me souviens que M. Gérard Cherpion a été fort mécontent de découvrir le texte du projet de loi dans Le Parisien.

Les partenaires sociaux seront donc évidemment associés au travail de la commission de refondation. Je souhaite aussi qu’elle puisse accueillir en son sein des personnalités ayant un passé de syndicaliste, mais également des chefs d’entreprise. Sa composition n’aura rien à voir avec celle du comité chargé de définir les principes essentiels du droit du travail, présidé par M. Robert Badinter, dont les membres étaient des juristes.

Il est vrai que les soixante et un principes dégagés par le comité Badinter ont été établis à droit constant. À l’instar de M. Jean-Denis Combrexelle, plusieurs voix ont toutefois fait remarquer que leur insertion en tête du code du travail présentait un risque en termes de sécurité juridique au regard du nombre de textes en vigueur. Nous avons en conséquence souhaité ne pas en faire un préambule du code tout en nous assurant qu’ils guideraient le travail de la commission de refondation. Certains d’entre vous m’interrogent sur l’opportunité de les inscrire dans la loi. Il vous revient de prendre une décision en la matière, et il ne me revient pas de donner des injonctions au législateur.

Devrions-nous attendre les retours d’expérience pour généraliser les accords majoritaires ? Dès lors que nous élargissons l’objet des négociations, il est à mon sens essentiel d’affirmer le principe majoritaire qui garantit que les accords sont fondés sur un consensus large. Aujourd’hui, personne n’est dupe : tout le monde sait que l’on peut moduler le temps de travail sur la base d’un accord signé par des organisations syndicales représentant 30 % des salariés. Demain, ce ratio passera à 50 %. Les accords pourront ainsi être plus ambitieux en termes de contenu et plus efficaces dans leur mise en œuvre. Je tiens en conséquence à ce que le principe majoritaire soit inscrit dans la loi. Il s’agit d’une garantie apportée aux salariés et d’une évolution majeure.

J’entends cependant ceux qui s’inquiètent qu’une telle disposition puisse bloquer le dialogue social. Nous avons déjà prévu qu’elle s’applique, dès l’entrée en vigueur de la loi, pour les accords collectifs qui portent, par exemple, sur la durée du travail, les repos et les congés, mais, seulement à partir du 1er septembre 2019 pour ceux qui concernent une série d’autres sujets.

Le Premier ministre s’est engagé à présenter le bilan d’étape que vous réclamez à juste titre. Il sera présenté avant la généralisation du dispositif, et je suis évidemment prête à ce que cette précision soit apportée dans la loi.

Quant à la portabilité des droits acquis par le salarié et inscrits sur son CPA, elle sera pleine et entière grâce à ce dispositif : qu’il change d’emploi ou même de statut, ils lui seront conservés tout au long de sa carrière professionnelle. Aujourd’hui, la portabilité ne concerne que le secteur privé. Elle sera étendue aux travailleurs indépendants et aux travailleurs des plateformes collaboratives pour lesquels le droit à la formation sera ainsi ouvert dès 2018. Le principe de la portabilité fera l’objet d’un article dans le code.

S’agissant de la fongibilité des droits ouverts sur un CPA, nous voulons surtout que la personne titulaire décide elle-même de les exercer ou non. Cette capacité de décision sera augmentée. Les droits acquis pourront être utilisés pour de la formation, mais aussi pour de la validation des acquis de l’expérience ou de l’appui à la création d’entreprise, grâce à un soutien en management, en comptabilité ou au financement d’un bilan de compétences. Le nouvel espace numérique qui sera mis en place facilitera la conversion des droits inscrits sur le compte pénibilité en droit à la formation.

Qu’en est-il des agents publics, pour que le CPA soit réellement universel ? Je suis naturellement cette question avec ma collègue Annick Girardin. Il s’agit d’une revendication des syndicats, et nous devons nous donner le temps de la concertation. En l’occurrence, la fonction publique ne part pas du même point que le privé : elle n’a pas de compte personnel de formation (CPF), la question des parcours professionnels ne se pose pas pour elle dans les mêmes termes, elle bénéficie de la garantie de l’emploi et le statut des fonctionnaires garantit déjà la portabilité de certains droits d’une fonction publique à l’autre. L’article d’habilitation contenu dans le projet de loi prend en compte le temps nécessaire de la concertation avec les syndicats, pour que, d’ici à la fin de la législature, la portabilité des droits des salariés soit également garantie, qu’ils passent du secteur privé au secteur public ou du secteur public au secteur privé.

En ce qui concerne les accords pour favoriser l’emploi prévus dans ce projet, ils sont très différents des accords de maintien dans l’emploi prévus par l’accord national interprofessionnel (ANI) de sécurisation de l’emploi ; il est normal qu’ils obéissent à d’autres règles. Les accords de maintien dans l’emploi s’adressent aux entreprises qui sont confrontées à des difficultés économiques importantes. Plutôt que de supprimer des emplois, elles peuvent, dans le cadre de ces accords, recourir à la flexibilité interne. Le licenciement du salarié qui refuse le contenu de l’accord est un licenciement économique, la loi prenant en compte l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi ou de l’obligation de mettre en place des mesures de reclassement.

Les accords pour développer l’emploi vont quant à eux s’appliquer à toutes les entreprises, qu’elles soient ou non en difficulté, hors du cadre des licenciements pour motif économique au sens juridique. Ces accords créent donc un licenciement sui generis qui ne sera analysé ni comme un licenciement pour faute ni comme une démission, comme en Allemagne. Nous ne voulons pas sanctionner un salarié, mais plutôt prendre acte d’un compromis collectif qui a été trouvé. Le dispositif est le même que celui qui avait été prévu par la loi Aubry sur l’aménagement du temps de travail. Dans le cadre de ce licenciement sui generis, le salarié conserve ses droits à indemnité de licenciement comme ses droits à l’indemnisation chômage.

Vous m’avez interrogée sur l’ampleur de la baisse minimale évoquée à l’article 30 relatif aux licenciements économiques. La définition de l’ampleur de cette baisse minimale est bien sûr assez délicate, monsieur le rapporteur. Quelle ampleur doit-on fixer dans la loi ? Nous avons pensé la qualifier simplement de « significative », mais une baisse, même peu importante, de chiffre d’affaires, ou une perte d’exploitation peut déjà être parfois le signe d’une détérioration de la situation économique de l’entreprise, l’incitant à réagir vite pour éviter d’être défaillante. Introduire le terme « significatif » ne ferait naître que de l’insécurité juridique, alors que la loi veut au contraire clarifier.

Je crois en revanche qu’il faut envisager une différenciation des critères économiques, selon qu’ils s’appliquent aux TPE et PME ou aux grandes entreprises. Car les employeurs des TPE et PME n’ont pas recours aujourd’hui au licenciement pour motif économique, pourtant plus protecteur du salarié, et n’utilisent pour ainsi dire que le licenciement pour motif personnel. C’est pourquoi cette précision est importante à apporter.

Vous m’avez interrogée aussi sur l’article 28 et les aides accordées aux TPE et PME, en particulier les services d’information dédiés. Je suis tout à fait favorable à votre approche opérationnelle de cette question. Des cellules d’information et d’appui aux TPE leur apporteront leur aide sur toute question relative au droit du travail et sur la manière d’accéder à un dispositif d’emploi. Elles ne connaissent en effet pas toujours les dispositifs existants, par exemple en matière de temps partiel. Après les attentats, grâce aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), d’intenses démarches ont été menées auprès d’entreprises des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, comme de l’événementiel et du secteur touristique ; au bout d’une semaine, les entreprises se sont emparées enfin de ces dispositifs, qu’elles connaissaient mal a priori.

Le coût de l’embauche fait l’objet d’une même méconnaissance, en témoigne celle de la nouvelle aide en faveur des TPE et PME. Dans le cadre du conseil de simplification, nous travaillons en ce moment à un simulateur du coût de l’embauche. C’est essentiel pour ces entreprises, qui ne disposent pas d’armées d’experts.

En tout état de cause, ces cellules ne se substitueraient pas aux DIRECCTE, mais compléteraient leur travail en s’appuyant sur les chambres consulaires, sur les branches et sur les commissions paritaires régionales. Naturellement, il reviendra aux travaux parlementaires d’apporter des améliorations ou des ajustements. Pour ma part, j’appelle de mes vœux un environnement plus simple et plus sûr pour les TPE et PME.

Vous m’avez interrogée, madame Iborra, sur la publicité des accords passés. Elle sera en effet prévue, sauf lorsque employeurs et salariés estiment qu’ils doivent rester confidentiels. Je suis, comme vous, favorable à une réelle transparence, dès lors qu’il est fait plus de place à la négociation collective.

S’agissant de la formation des acteurs du dialogue social, elle sera renforcée. Des formations conjointes aux représentants des salariés et aux représentants des employeurs auront lieu. Prévues par le projet de loi, de telles formations pourront être en outre financées sur le budget de fonctionnement du comité d’entreprise.

Quant au CPA, il n’est pas seulement destiné aux décrocheurs, mais à tous les jeunes, et même à tous les actifs en général, dès l’âge de seize ans. Vous avez eu raison de m’interroger en ce sens. Le compte engagement permettra aux jeunes diplômés qui s’engagent dans le service civique de bénéficier d’un abondement.

Je connais les difficultés des décrocheurs et je sais que la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. Oui, je m’efforce d’abonder le CPA en direction des demandeurs d’emploi et des jeunes les moins qualifiés, qui connaissent des difficultés à entrer sur le marché du travail. Il faut faciliter le développement de l’emploi durable. Les économistes Jean Tirole et Philippe Aghion mettent l’accent sur la nécessité de lever les incertitudes liées aux contentieux nés de la rupture de CDI, pour ouvrir l’emploi aux catégories les plus précaires, comme les jeunes ou les femmes. Certes, d’autres économistes sont d’un autre avis ; il n’y a pas d’unanimité ici non plus. Cette incertitude à embaucher en CDI doit être traitée. Apporter de la clarté, ce n’est pas faciliter le licenciement, mais mieux définir ce que recouvre la notion de « difficultés économiques ».

L’apport des maîtres d’apprentissage sera reconnu à travers l’abondement des comptes engagement.

Messieurs Cherpion et Richard, depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a toujours associé les partenaires sociaux aux grandes réformes. Le 16 septembre 2015, après la remise du rapport Combrexelle, j’ai adressé une lettre à tous les partenaires sociaux pour les inviter à négocier. Comme ils ne le faisaient pas, le Gouvernement a repris la main. Le Premier ministre a indiqué en novembre les grandes orientations du texte, sur la base desquelles mon ministère a travaillé pour élaborer le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui. Entre septembre et février, j’ai reçu à plusieurs reprises les numéros un des organisations tant patronales que syndicales ; ils pourront en témoigner. L’article L. 1 a donc été respecté, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis, dont je vous invite à prendre connaissance.

Des négociations intenses ont eu lieu ces dernières semaines, tant à mon niveau qu’au niveau du Premier ministre et auprès d’Emmanuel Macron. Le projet de loi en est sorti amélioré et plus équilibré. Sans cette phase d’écoute, nous aurions été acculés à un retrait. En quinze jours, nous avons regagné de la confiance. Certes, ce texte de compromis ne recueille pas l’unanimité, mais les organisations syndicales majoritaires et des organisations de jeunesse ont salué son dépôt. Il est important de le souligner.

Monsieur Richard, vous avez évoqué la question du calendrier des travaux de la commission de refondation du code. Le Conseil d’État a souhaité enlever cette mention, estimant qu’il s’agirait d’une injonction que se donnerait le législateur à lui-même, ce qui serait inconstitutionnel. S’il n’y a pas de calendrier prévu dans le corps de la loi, son exposé des motifs contient cependant des indications très claires à ce sujet. Le Gouvernement s’y tiendra, soyez-en assuré.

Des mesures seront prises pour renforcer les syndicats. Les accords sur la flexibilité ne pourront être passés sans recours à la négociation ; les syndicats seront ainsi plus écoutés et auront plus de poids. De même, nous généralisons les accords majoritaires, ce qui rééquilibrera également les choses en leur faveur. Les délégués syndicaux bénéficieront d’une hausse de 20 % de leur décharge, tandis que la formation des négociateurs et des représentants du personnel sera renforcée ; de même, nous protégerons davantage les bourses du travail.

Cette démarche s’inscrit dans la lignée de lois déjà votées depuis 2012, telles que la loi d’août 2015 sur l’emploi et le dialogue, qui renforce les moyens des représentants du personnel dans les entreprises et a créé, notamment, une garantie de non-discrimination salariale pour les syndicalistes.

Quant au budget alloué à la garantie jeunes, la dernière loi de finances a prévu 256 millions d’euros en crédits de paiement supplémentaires, pour faire face à l’extension de cette garantie, 100 000 jeunes étant entrés dans ce dispositif d’ici à la fin 2016. Si 150 000 jeunes y entraient d’ici à la fin 2017, cela représenterait un coût de 600 millions d’euros. L’État et l’Union européenne continueront à le supporter, la garantie européenne à la jeunesse finançant une part de la garantie nationale.

Madame Attard, l’analyse d’Eurostat de 2013, reprise par la Cour des comptes dans son rapport de décembre 2015, évoque 750 000 jeunes NEET, qui ne sont ni étudiant, ni employé, ni stagiaire. Ces jeunes ne sont pourtant pas tous en grande précarité, ce qui limite le nombre de ceux qui entrent dans la garantie jeunes. En outre, tous ceux qui peuvent y entrer n’acceptent pas forcément un dispositif d’accompagnement intensif. Pour eux, nous prévoyons plusieurs niveaux dans la loi : le retour à la formation initiale, tout jeune ayant le droit de se voir payer l’accès à un premier niveau de qualification ; d’autres dispositifs sont également mis en œuvre par la garantie jeunes, tels le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) ou les emplois d’avenir. Le droit universel de la garantie jeunes vise à garantir que tout jeune en situation de précarité qui a le droit d’entrer dans ce dispositif puisse réellement le faire, s’il est volontaire et motivé, et qu’il appartient à la catégorie des NEET.

La garantie jeunes n’est pas une allocation, mais un contrat donnant-donnant qui prévoit l’accompagnement intensif de quinze jeunes, sous une forme collective, par deux intervenants des missions locales pendant six semaines. Il est l’occasion de faire un point sur ce qu’ils souhaitent faire, sur la voie dans laquelle ils voudraient s’engager, vers quelle orientation professionnelle. Ce dispositif, qui comporte une semaine de mise en situation professionnelle, est véritablement du cousu main. C’est ce qui promet des effets efficaces sur l’emploi. Dès le 1er janvier 2017, tout jeune qui remplit les critères de la garantie jeunes devra pouvoir bénéficier de ce dispositif.

S’agissant des fonds européens, nous travaillons avec la Caisse des dépôts et consignations pour étudier comment elle pourrait avancer des crédits, nous mettant à l’abri des fluctuations de paiement, notamment sur les écoles de la deuxième chance ou certaines missions locales en difficulté. Un comité scientifique travaille sur l’évaluation de la garantie jeunes sur tout le territoire ; il rendra ses conclusions d’ici au mois de juin. D’ici à la fin 2016, elle sera disponible dans 80 % des missions locales.

Chaque mission locale recevra 1 600 euros par jeune accompagné dans le cadre de ce dispositif. Rappelons qu’entre 100 000 et 200 000 jeunes, ou même davantage, pourront y accéder. Les moyens des missions locales seront donc renforcés, de façon qu’elles puissent recruter le personnel nécessaire à la mise en place de ce dispositif. Nous traitons d’ailleurs la question des locaux nécessaires à leur accueil, dans sa dimension collective. Tout sera prêt d’ici au 1er janvier 2017. L’Union nationale des missions locales (UNML) s’est déjà déclarée prête, si des moyens renforcés lui sont alloués, comme je m’y engage.

Monsieur Cavard, j’apprécie votre état d’esprit, certes sans concession, mais constructif. Le CPA doit assurer la continuité avec les lois déjà votées, notamment s’agissant du CPF. Tel est du moins le souci qui m’anime.

Mme Orliac, vous vous êtes inquiétée du renvoi à la norme supplétive. Que faut-il appliquer s’il n’y a pas d’accord ? Il paraît plus rassurant, y compris pour les salariés et pour les syndicats, de prévoir que ce sera le droit supplétif. Quant au départ opéré entre loi et règlement pour définir ce dernier, le projet de loi se calque sur l’équilibre actuel. Un droit supplétif sera de toute façon défini, que ce soit par la loi ou par le décret.

S’agissant de la laïcité, elle ne s’applique pas aujourd’hui au monde de l’entreprise. Je suis ouverte à une réécriture de l’article, mais je souligne que, loin de favoriser le communautarisme religieux, il reprend au contraire le droit constant. Nous sommes en train d’élaborer, avec les partenaires sociaux, un guide du fait religieux en entreprise, rédigé tant du point de vue des employeurs que du point de vue des salariés ; il faudra par exemple débattre de la question des règlements intérieurs. Rappelons toutefois à nos concitoyens que la laïcité en entreprise n’existe pas aujourd’hui, du moins en tant que principe.

Madame Fraysse, vous ne pouvez pas dire que le projet de loi vise à faciliter les licenciements. Ce serait d’ailleurs absurde, et assez paradoxal, pour une ministre de l’emploi, de proposer une telle mesure. Il s’agit seulement de donner une meilleure visibilité aux salariés et aux entreprises sur les cas dans lesquels, en raison de difficultés économiques, il peut être mis fin au contrat de travail. Nous précisons ce que peuvent être des difficultés économiques ; nous n’ajoutons pas de nouvelles formes de licenciement économique.

Certes, vous pouvez ne pas être d’accord, mais nous avons retenu le critère de quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires. Sur cette question, le droit, largement issu de la jurisprudence, n’est pas clair. Il est pourtant légitime que les chefs d’entreprise demandent des règles claires en ce domaine. À défaut, les TPE et PME préfèrent ne pas embaucher en CDI. Les premières victimes en sont les salariés en butte à la précarité, alternant périodes d’intérim, contrats courts et périodes de chômage. C’est pourquoi nous reprenons la jurisprudence de la Cour de cassation pour définir, dans la loi, ce qu’est la motivation d’un licenciement économique. Rappelons d’ailleurs que le licenciement économique ouvre au salarié plus de droits qu’un licenciement pour motif personnel ou une rupture conventionnelle.

Il est faux de dire que le projet de loi inverse la hiérarchie des normes. Cela signifierait que les accords, ou même le contrat de travail, seraient l’outil de la régulation du droit commun, sur lequel ils auraient prééminence. Il n’en est rien. Mon projet de loi ne laisse pas employeur et salariés seuls face à face. La loi continuera à protéger le salarié. Elle fixe ce qui relève d’elle-même ou de la négociation d’entreprise ; le champ des accords ne pourra être élargi que dans la mesure où la loi le permet. S’il n’y a pas d’accord, le droit actuel s’appliquera. Nous réaffirmons également le rôle des branches et des accords qu’elles passent. Ils sont essentiels sur des sujets comme la durée minimale du travail, notamment en temps partiel, les qualifications, les salaires, la protection sociale complémentaire, la lutte contre le dumping social… Les accords de branche continueront de l’emporter sur les accords d’entreprise en ces matières. D’ailleurs, ils pourront moduler le temps de travail sur une période plus longue qu’une année.

Nombre d’entre vous ont critiqué la consultation des salariés. Je souligne qu’elle ne peut avoir lieu qu’à la demande des syndicats. Il est donc impossible de les contourner ; c’est même un moyen de les renforcer. Le chef d’entreprise ne peut recourir de lui-même à cette consultation, qui doit être demandée par des organisations syndicales représentant 30 % des salariés. Elle peut offrir le moyen de surmonter un blocage. Le niveau de 30 % est celui qui est retenu pour la signature d’un accord. Même les modalités de la consultation font l’objet d’un accord avec les syndicats ; elle peut les relégitimer. Certains y sont d’ailleurs favorables – mais il n’y a pas unanimité, ni chez les syndicats ni chez les employeurs, sur l’ensemble du projet de loi.

J’en viens à la majoration des heures supplémentaires. Monsieur Sebaoun, un accord d’entreprise peut aujourd’hui fixer un taux de majoration de 10 % des heures supplémentaires, inférieur à celui que l’accord de branche a prévu, si celui-ci n’a pas entendu verrouiller lui-même ce taux. Concrètement, sur les cinquante branches les plus importantes – celles qui sont suivies dans le cadre du pacte de responsabilité –, il n’y en a que cinq où les accords d’entreprise peuvent réellement prévoir un taux de majoration inférieur à celui qui est prévu par l’accord de branche. Pourtant, un taux de majoration élevé peut être insoutenable pour des TPE, leur interdisant de recourir aux heures supplémentaires.

Le projet de loi vise à remédier à cette situation en prévoyant que les accords d’entreprise fixent, comme aujourd’hui, le taux de majoration des heures supplémentaires, tout en garantissant aux salariés une majoration minimale de 10 %. Quand un taux de 25 % est applicable, comme dans les grandes entreprises, il ne faut pas s’attendre à ce que les syndicats signent des accords au moins-disant. Mais, dans les TPE et PME, le projet de loi ouvrira des possibilités nouvelles de recourir aux heures supplémentaires, alors que, aujourd’hui, elles ne le peuvent pas.

En quoi cette loi créera-t-elle de l’emploi ? Elle s’inscrit dans la lignée de celles qui ont été adoptées depuis le début du quinquennat. Elle vise à renforcer la compétitivité de notre économie et sa capacité d’adaptation au plus près du terrain. En donnant plus de clarté aux entreprises, elle donnera de l’emploi durable. Vais-je m’engager sur des chiffres de création d’emplois à deux mois ou à trois mois ? Certes non. Il y a d’une part des mesures conjoncturelles, telles que le plan « 500 000 emplois », la baisse du coût du travail à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dans le cadre du pacte de responsabilité et l’aide à l’embauche dans les PME. Il y a d’autre part des mesures structurelles dont notre pays a besoin et qui produiront des effets à moyen terme. Je ne vais pas m’engager devant nous sur le nombre d’emplois qui seront créés. Mais, en tout état de cause, cette loi favorisera l’emploi, en permettant davantage de souplesse et une meilleure adaptation, par la négociation, à un contexte économique changeant. Elle pourra permettre d’éviter le recours au détachement des travailleurs, en offrant par exemple plus de modulation du temps de travail. Elle sera ainsi favorable tant à la compétitivité de notre économie qu’à l’emploi.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), qui fait partie du compte personnel d’activité, est pour moi une avancée sociale importante. Nous sommes en train de travailler avec l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT) sur certains référentiels de branche, notamment dans l’agriculture, ainsi que sur les incidences de la transposition de la directive européenne relative à la valeur limite d’exposition professionnelle pour la filière bois.

Monsieur Vercamer, vous m’avez interrogée sur la flexisécurité. Toute la philosophie de ma loi consiste à concilier flexibilité et sécurité. Je crois qu’il est possible de renforcer la capacité d’adaptation de nos entreprises tout en garantissant des droits aux salariés. Poser le principe qu’en l’absence d’accord, le droit actuel s’applique, voici une des garanties que nous apportons. Donner au salarié la capacité d’être acteur de son parcours professionnel et d’activer ses droits tout au long de sa carrière à travers le CPA, voici un droit nouveau que nous instaurons, qui correspond à une réalité vécue. Nous savons bien en effet que notre pays n’est pas bon en matière de reconversion professionnelle ou de formation professionnelle, laquelle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin. La convention de l’assurance chômage est un autre élément de sécurité pour les salariés. Une négociation est en cours : comme elle relève, par définition, des partenaires sociaux, je ne peux rien en dire, mais je reste vigilante. Les dispositions concernant le niveau d’indemnisation tout comme la durée d’indemnisation contribuent également à améliorer la sécurité.

Mesures structurelles et mesures conjoncturelles sont liées et participent à l’élaboration d’une flexisécurité à la française – je dis « à la française », car mon but n’est pas de copier des modèles étrangers. Le taux de syndicalisation n’est pas aussi important qu’ailleurs dans notre pays. Nous ne connaissons pas de syndicalisme de services. Faut-il pour autant se contenter d’un taux de confiance dans les syndicats de 18 % ? Je ne le crois pas. En ouvrant le champ de la négociation, nous renforcerons la légitimité des acteurs.

Monsieur Lurton, je vais vous dire en quoi nous aidons les TPE et les PME. Tout d’abord, j’insisterai sur les accords types de branche, qui sont négociés au niveau de la branche et applicables directement. Comme il existe 700 branches, je conçois fort bien qu’il soit difficile de se figurer leurs résultats. Je suis toutefois persuadée qu’ils seront essentiels pour les TPE et les PME.

Par ailleurs, le projet de loi permet d’élargir le champ de la négociation avec les salariés mandatés. Je sais la crainte que soulève chez certains ce salarié mandaté : ils ont peur d’une incompatibilité culturelle. Que les choses soient claires : ce n’est pas un militant syndical qui va débarquer dans une entreprise qu’il ne connaît pas ! Ce mandat est donné par une organisation syndicale à un salarié de l’entreprise. Le regard des organisations patronales sur le mandatement sera sans doute appelé à changer.

Autre mesure : nous donnons concrètement la possibilité de moduler le temps de travail non plus sur vingt-huit jours, mais sur neuf semaines. Cela correspond à un besoin exprimé sur le terrain.

Enfin, nous voulons permettre aux entreprises appartenant à des groupements d’employeurs de bénéficier d’aides auxquelles elles seraient éligibles si le nombre de leurs salariés était seul pris en compte. C’est le cas, par exemple, des aides à l’embauche destinées aux PME.

Madame Khirouni, s’agissant du temps partiel, je dois vous dire que le projet de loi ne revient absolument pas sur l’avancée introduite par la loi relative à la sécurisation de l’emploi qu’a été l’instauration d’une durée minimale hebdomadaire de travail de vingt-quatre heures. Il n’y a pas de changement : à défaut d’accord de branche étendu, c’est la règle des vingt-quatre heures qui s’applique. De la même manière, le projet de loi ne modifie pas la rémunération des heures complémentaires.

Vous évoquez les droits des femmes. Sachez que je suis, comme vous, déterminée à mener le combat pour l’égalité entre hommes et femmes. Demain, devant la délégation aux droits des femmes, je présenterai les modifications apportées à la première mouture du projet de loi qui touchent à cet aspect, notamment la meilleure prise en compte de la formation des femmes dans le compte personnel d’activité. Nous avons également pris en compte les observations qui ont été faites à propos des négociations annuelles et les recommandations formulées par certaines instances, tel le CSEP. Je me montrerai ouverte aux amendements proposés.

Mme Carrey-Conte m’interrogeait sur les durées maximales, mais, comme elle n’est plus là, je passe à la question suivante.

Monsieur Viala, vous me demandez de citer une avancée du projet de loi en faveur des salariés : le compte personnel d’activité, vous dirai-je. Le droit à la formation pour les moins qualifiés est un vrai progrès social. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de courriers que je reçois de la part de demandeurs d’emploi qui ne trouvent pas de financement pour leur formation ou qui trouvent la bonne personne mais pas le cadre de formation. Vous me demandez encore de citer une avancée pour les TPE : l’accord type de branche, salué par l’Union professionnelle artisanale (UPA), qui favorisera l’emploi.

Monsieur Gille, vous émettez l’idée d’intégrer le compte épargne-temps dans le compte personnel d’activité, idée très intéressante qui soulève de nombreuses questions en termes d’opérationnalité. Nous avons besoin de davantage de temps pour y travailler avec les partenaires sociaux. Pour éviter que, au 1er janvier 2017, le CPA ne soit une usine à gaz, nous avons préféré n’y faire figurer que les éléments en mesure d’être mis en œuvre à cette date, comme le compte engagement citoyen, beaucoup plus simple à intégrer.

M. Delatte n’est plus là, lui non plus.

En matière de validation des acquis de l’expérience, monsieur Costes, il est clair que nous pouvons mieux faire. Depuis la mise en place du dispositif en 2002, 230 000 personnes ont été certifiées par la voie de la VAE. Depuis 2010, on enregistre une baisse du nombre de candidats s’étant présentés devant les jurys ainsi qu’une baisse du nombre des candidats ayant obtenu des certifications complètes. On constate un accès plutôt bon des publics de premier niveau, mais notre objectif est de renforcer par la loi l’accès au dispositif pour les moins qualifiés. Je me suis fondée sur le rapport qui m’a été remis par le Conseil national du numérique sur la validation des acquis de l’expérience.

La durée d’expérience en relation avec la certification visée passe certes de trois ans à un an, mais nous avons voulu élargir les conditions d’éligibilité. Les périodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel sont prises en compte. Nous nous adaptons aux enjeux de mobilité professionnelle en reconnaissant les pistes de certification et nous rapprochons la VAE des salariés en introduisant une information à son sujet dans l’entretien professionnel. Enfin, nous supprimons les conditions d’ancienneté d’activité pour l’ouverture du droit au congé VAE en ce qui concerne les contrats à durée déterminée.

Monsieur Issindou, votre rapport sur la médecine du travail a été unanimement salué. Aujourd’hui, sur 20 millions d’embauches, seules 3 millions font l’objet d’une visite médicale préalable. Autrement dit, des personnes occupant des emplois à risques ne bénéficient pas de visite médicale. La conclusion qui s’impose est qu’il faut massivement recruter des médecins du travail, d’autant que la pénurie va aller croissant : d’ici à 2020, nous passerons de 5 000 à 2 500 médecins du travail. Le problème est qu’il n’y a pas assez de candidatures aux concours. Nous inspirant de vos recommandations, nous pensons qu’il importe de s’assurer que les personnes les plus exposées professionnellement bénéficient de la visite de médecins du travail et que les autres salariés reçoivent la visite d’infirmiers pour les former aux gestes de prévention. Vous le voyez, je m’attache à traiter les problèmes non pas en théorie, mais dans les faits.

S’agissant de l’éligibilité à la garantie jeunes, il y avait certes, en 2013, 900 000 jeunes relevant de la catégorie NEET, 750 000 selon le rapport de la Cour des comptes fondé sur les données Eurostat 2014. Toutefois, d’après les analyses de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), les dispositifs relatifs à la précarité concerneraient 300 000 jeunes. Comme le taux de recours n’atteindra sans doute pas 100 %, notre fourchette située entre 100 000 et 200 000 jeunes paraît pertinente. Toujours est-il que nous nous engageons à ce que tout jeune éligible à la garantie jeunes puisse en bénéficier.

Le droit de timbre que nous instituons dans le projet de loi ne fait que prolonger notre arsenal législatif, qui est l’un des plus stricts d’Europe grâce à la loi Savary et à la loi pour la croissance et à l’activité de l’été dernier. Le Conseil d’État, dans son avis, indique clairement que la mesure ne crée pas de « restriction à la libre prestation de services au sein de l’Union et ne présente pas de caractère discriminatoire », car son montant reste modeste et proportionné à l’objectif recherché. Cette contribution vise à couvrir le coût de la mise en place du traitement informatique des données relatives au détachement dans un contexte d’augmentation continue du recours à cette pratique.

J’en viens au principe selon lequel les règles du pays d’accueil s’appliquent aux intérimaires. Je suis d’accord avec vous, monsieur Savary. Dans le cadre de l’élaboration du paquet pour la mobilité des travailleurs dont a la charge la commissaire européenne à l’emploi, Mme Thyssen, la France avait formulé six demandes, notamment l’interdiction du travail intérimaire, du double détachement, de la pratique des entreprises boîtes aux lettres, qui ne se créent que pour détacher des travailleurs, la prise en compte d’une durée minimale contractuelle et la nécessité pour une entreprise ayant recours à des travailleurs détachés d’avoir une activité substantielle dans le pays. Les propositions présentées par Mme Thyssen devront s’appliquer aux intérimaires détachés. Même si je considère que le droit national le prévoit déjà, je conçois que certains députés souhaitent faire de ce projet de loi un instrument de lobbying auprès des institutions européennes. Je suis d’accord pour que nous intégrions dans ce texte l’interdiction des détachements en cascade de salariés intérimaires.

Concernant les travailleurs saisonniers, nous avons eu une approche pragmatique. Il s’est d’abord agi pour nous de définir le travail saisonnier. Les branches concernées devront engager des négociations sur les modalités de reconduction d’année en année pour donner plus de visibilité aux salariés. À défaut, une ordonnance fixera les règles supplétives. Nous donnons la priorité à l’accord de branche. J’entends, monsieur Perrut, madame Laclais, que vous appeliez de vos vœux des améliorations. Je suis tout à fait prête à ce que mes équipes travaillent avec vous autour d’amendements.

Nous avons également intégré une mesure sur les groupements d’employeurs et les aides à l’emploi. Lors de ma rencontre la semaine dernière avec la Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux (FNGEAR), j’ai eu l’occasion de parler de ces questions, notamment des enjeux pour l’agriculture. Je suis également prête à travailler avec vous sur ce point.

La question de l’accompagnement des salariés dans l’appropriation du compte personnel d’activité est essentielle, monsieur Cordery. Et le projet de loi pourrait davantage affirmer cet impératif, si cela vous paraît souhaitable.

Je serai aussi très attentive à la question de la mobilité européenne des travailleurs. Il faut que nous sécurisions ces parcours, notamment dans le cas des retours d’expatriation. Là encore, nous pourrons travailler le texte en ce sens.

Venons-en aux travailleurs handicapés. L’article L. 4612-11 du code du travail prévoit déjà que le CHSCT est consulté sur les mesures mises en œuvre en faveur des travailleurs handicapés. Par ailleurs, la loi sur le dialogue social fait de l’emploi des travailleurs handicapés l’un des objets de la consultation du comité d’entreprise sur les politiques sociales et prévoit l’appui d’un expert. C’est, en outre, un sujet de négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail et sur l’égalité professionnelle. Je propose d’évaluer l’impact de la loi en ce domaine, comme nous le faisons en matière d’égalité professionnelle, avant de légiférer sur cette question.

Depuis 2012, nous avons accru de 20 % les moyens de la politique de l’emploi en faveur des travailleurs handicapés : augmentation des aides au poste, élargissement de l’accès aux contrats aidés, amélioration de la formation. J’ai moi-même tenu avec Ségolène Neuville une conférence sociale avec les partenaires sociaux qui m’a permis de constater qu’il serait bon de redynamiser le dialogue social sur la question du handicap.

Se pose une question en particulier : l’accès des travailleurs handicapés à la formation. Cela renvoie à deux problèmes : d’une part, l’autocensure, car les travailleurs handicapés ou leur famille estiment que certains métiers sont hors d’atteinte ; d’autre part, l’attitude des entreprises. À cet égard, l’organisation des Abilympics, olympiades des métiers pour les personnes handicapées auxquelles je me suis rendue la semaine dernière à Bordeaux, revêt une grande importance pour faire changer le regard non seulement des intéressés mais aussi des entreprises. En outre, nous devons trouver le moyen de donner la priorité aux personnes en situation de handicap par le biais du financement de la formation professionnelle. Nous savons que ces personnes sont parmi les moins qualifiées, et c’est pourquoi leur taux d’emploi est particulièrement bas.

Je suis prête à ce que mes équipes travaillent avec vous en ce sens. Nous pouvons améliorer les choses ensemble.

M. Yves Censi. Madame la ministre, permettez-moi de vous rappeler mes deux questions.

Premièrement, quels sont vos objectifs en matière de restrictions apportées à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses dans l’entreprise ?

Deuxièmement, pouvez-vous nous dire clairement si vous acceptez qu’un accord d’entreprise puisse être plus défavorable qu’un accord de branche ?

Mme la ministre. En l’absence d’accord, c’est le droit existant qui s’applique. Le principe de faveur n’existe plus depuis 2004. L’objet de la négociation sera élargi et l’accord se fera sur la base du donnant-donnant. Les branches professionnelles continueront de négocier sur la classification et les salaires, entre autres, et l’accord d’entreprise prévaudra en matière de temps de travail et de congés.

Pour ce qui est du principe de laïcité, nous avons conservé la rédaction issue de la commission Badinter. Je ne sais pas quels débats ont présidé à ce choix juridique. Libre à vous d’amender les soixante et un principes retenus par la commission Badinter ou de faire en sorte de ne les faire figurer que dans la partie réglementaire. Ce n’est pas à moi de vous imposer mes vues. Nous pourrons en débattre à nouveau dans l’hémicycle.

Je terminerai par la question de Mme la présidente. Le juge apprécie, bien sûr, le motif économique lorsqu’un salarié conteste son licenciement. C’est le cas aujourd’hui et ce sera encore le cas demain. L’employeur, dans ce cadre, doit apporter des éléments qui justifient les difficultés économiques de son entreprise. Cette liste ne peut pas être limitative, car chaque entreprise est un cas particulier. C’est le sens de la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2012. Et je veux éviter tout risque de censure. L’expression que vous avez soulignée vise précisément à permettre de produire d’autres éléments que ceux énumérés. C’est au juge qu’il reviendra d’établir si ces éléments constituent ou non un motif économique de licenciement. Le projet de loi a pour but de donner des exemples clairs de critères pour les PME. Il ne vise pas l’exhaustivité.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la ministre, pour toutes les réponses que vous avez apportées au cours de cet exercice aussi difficile pour nous que pour vous. J’adhère entièrement à votre choix de ne pas répondre aux questions des députés qui se sont absentés. S’agissant d’un texte de cette importance, chacun a le devoir de tout faire pour assister jusqu’à la fin à l’audition du ministre.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 29 mars 2016 à 16 heures 15

Présents. – M. Pierre Aylagas, M. Alexis Bachelay, M. Gérard Bapt, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Yves Censi, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Renaud Gauquelin, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, M. David Habib, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, Mme Marie-Thérèse Le Roy, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Philippe Noguès, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Pierre Ribeaud, M. Arnaud Richard, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Francis Vercamer, M. Arnaud Viala, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – M. Dominique Dord, M. Fernand Siré, M. Denys Robiliard

Assistaient également à la réunion. – Mme Isabelle Attard, M. Yves Blein, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Castaner, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Grandguillaume, Mme Annick Lepetit, M. Michel Lesage, Mme Marie-Lou Marcel, M. Christian Paul, M. Marcel Rogemont, Mme Eva Sas, M. Gilles Savary, M. Lionel Tardy, M. Stéphane Travert, M. Philippe Vitel