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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 28 septembre 2016

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 102

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017

–  Examen, pour avis, d’un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale)

–  Informations relatives à la commission

–  Présences en réunion

La commission entend M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. le président Gilles Carrez. M. Migaud va nous présenter l’avis du Haut Conseil, rendu public ce matin, même si quelques éléments ont déjà été distillés dans des journaux bien informés. Il porte, d’une part, sur les prévisions macroéconomiques et, d’autre part, sur la cohérence du projet de loi de finances avec la trajectoire de finances publiques telle qu’elle est fixée par la loi de programmation des finances publiques adoptée au mois de décembre 2014 – l’articulation se faisant dans l’article liminaire du projet de loi de finances. Je vous laisse la parole, monsieur le président, pour que vous puissiez nous expliquer les mots choisis. L’expérience nous a montré que le choix des mots était essentiel : « atteignable », « optimiste », « raisonnable », « probable »… Nous admirons toujours l’art de la sémantique du Haut Conseil !

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. La langue française est riche !

Je vous remercie d’avoir bien voulu m’inviter une nouvelle fois devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, pour vous présenter les principales conclusions de l’avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Je suis accompagné des membres du secrétariat permanent du Haut Conseil : François Monier, rapporteur général ; Vianney Bourquard, rapporteur général adjoint ; Paul Bérard, rapporteur.

C’est la quatrième fois que le Haut Conseil est appelé, en application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, à se prononcer sur les prévisions macroéconomiques associées aux textes financiers annuels – projet de loi de finances (PLF) et projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – et sur la cohérence de ces derniers avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Avant d’en venir aux observations du Haut Conseil sur les prévisions du Gouvernement, je souhaiterais dire un mot sur la façon dont nous percevons le contexte macroéconomique actuel.

L’environnement international de la France se caractérise aujourd’hui par trois traits principaux.

Le premier de ces traits est la faiblesse particulière du commerce mondial en 2016, conséquence d’un ralentissement de la croissance américaine, de la situation toujours dégradée de plusieurs pays émergents, d’une moindre augmentation des importations chinoises, ainsi que de facteurs structurels durables. Parmi ces facteurs, la tendance des entreprises multinationales à décomposer leur processus de production entre plusieurs tâches effectuées dans des pays différents, qui a fortement contribué à la croissance des échanges internationaux dans les années 2000, marque le pas. La croissance du commerce mondial pourrait être pratiquement nulle cette année.

Le deuxième trait principal est la poursuite d’une croissance modérée en zone euro, tirée par la demande intérieure. D’abord limitée à la consommation, stimulée par la baisse du prix du pétrole, la reprise s’est progressivement étendue à l’investissement. Elle bénéficie du relâchement des efforts budgétaires dans certains pays européens et de la politique monétaire très expansive de la Banque centrale européenne (BCE). La croissance de la zone euro a été de 1,6 % en rythme annuel au premier semestre 2016.

Des interrogations se font jour, et c’est le troisième trait, sur la poursuite de cette dynamique, alimentées par quelques signes d’essoufflement de la croissance dans certains pays européens et par les craintes nées du vote du 23 juin dernier en faveur du « Brexit ».

L’activité en zone euro risque d’être affectée par la baisse de la livre et le probable ralentissement britannique. Les incertitudes liées aux modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et au climat politique dans plusieurs pays européens pourraient affecter la confiance des agents économiques, avec des répercussions possibles sur la consommation et l’investissement. Les enquêtes de conjoncture disponibles jusqu’en septembre restent toutefois bien orientées.

Le Haut Conseil a examiné le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement pour 2016 et 2017, et plus particulièrement les hypothèses les plus importantes pour la prévision des finances publiques, à savoir la croissance, l’inflation, l’emploi et la masse salariale.

Les hypothèses de croissance retenues pour 2016 et 2017, soit 1,5 % pour chacune des deux années, sont identiques à celles du programme de stabilité d’avril 2016.

Pour l’année 2016, le Haut Conseil considère que la prévision de croissance de 1,5 % est un peu élevée au regard des informations connues à ce jour. Il note qu’elle est supérieure à la plupart des prévisions publiées récemment.

En effet, l’acquis de croissance est de 1,1 % à la fin du premier semestre, qui a connu un profil très heurté avec une augmentation de 0,7 % au premier trimestre suivie d’une légère baisse au deuxième trimestre. La réalisation d’une moyenne annuelle de 1,5 % en 2016 suppose une forte augmentation du produit intérieur brut (PIB) aux troisième et quatrième trimestres. Les indicateurs disponibles sur le début de l’été laissent penser que ce rythme de croissance pourrait être difficile à atteindre au troisième trimestre, même si les enquêtes de conjoncture sont assez bien orientées en septembre.

Pour l’année 2017, le Gouvernement a maintenu sa prévision d’avril du programme de stabilité, à savoir 1,5 %, alors que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont abaissé les leurs en septembre : Consensus Forecasts à 1,2 %, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à 1,3 %.

Le Haut Conseil estime que l’hypothèse de croissance de 1,5 % est optimiste, compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois : atonie persistante du commerce mondial, incertitudes liées au « Brexit » et au climat politique dans l’Union européenne et dans le monde, conséquences des attentats – notamment sur l’activité touristique… Le scénario cumule un certain nombre d’hypothèses favorables, s’agissant notamment des prévisions de consommation et d’investissement.

La prévision d’inflation du Gouvernement pour 2016 – 0,1 % – est inchangée par rapport à celle du programme de stabilité d’avril 2016. Elle est cohérente avec les indices de prix connus jusqu’à l’été : le glissement annuel des prix, qui oscille autour de 0 % depuis plus d’un an, est de 0,2 % en juillet.

Pour 2017, la prévision est de 0,8 %, soit une légère baisse par rapport au programme de stabilité (– 1,0 %). Les produits pétroliers cesseraient de contribuer négativement à l’inflation, sous l’hypothèse d’une stabilisation du prix du baril de Brent à 40 euros. La hausse des prix redeviendrait alors proche de son rythme sous-jacent.

Cette prévision d’inflation est inférieure à la plupart des autres prévisions disponibles, notamment à celle retenue pour la zone euro par la BCE en septembre : 1,2 %.

L’hypothèse d’inflation pour 2017 paraît ainsi prudente et moins exposée au risque de surestimation que celles qui avaient été retenues pour les années précédentes.

Parmi les autres variables importantes pour les finances publiques, les hypothèses d’emploi et de masse salariale semblent un peu élevées pour 2017, en lien avec la prévision de croissance.

Le Gouvernement prévoit pour 2016 et 2017 une augmentation soutenue de l’emploi, recouvrant notamment une accélération progressive de l’emploi salarié des branches marchandes : 120 000 créations en 2016, 160 000 en 2017. Ce dynamisme de l’emploi refléterait l’évolution de l’activité, mais aussi l’effet des mesures de baisse du coût du travail – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), baisses de cotisations, prime à l’embauche – qui continueraient d’enrichir en emplois la croissance.

Pour l’année 2016, compte tenu des évolutions connues jusqu’au deuxième trimestre, les prévisions d’emploi et de masse salariale semblent donc réalistes.

Pour 2017, les prévisions sont cohérentes avec l’hypothèse de croissance du PIB. Elles sont supérieures à celles publiées récemment par l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNEDIC), qui retient l’hypothèse d’une croissance plus faible.

J’en viens à la cohérence des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Il s’agit d’abord d’examiner la cohérence des prévisions de solde structurel présentées dans l’article liminaire du PLF avec la trajectoire. Il convient ensuite de vérifier si elles sont cohérentes avec les évolutions prévisibles des recettes et des dépenses, compte tenu des mesures annoncées.

Aux termes de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, la cohérence du scénario de finances publiques s’apprécie au regard de la trajectoire de solde structurel de la dernière loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui est celle du 29 décembre 2014. Effectuer cette comparaison – et donc comparer ce qui est comparable – suppose de retenir les mêmes hypothèses de croissance potentielle que dans la loi de programmation. Ces hypothèses, on le rappelle, ont ensuite été révisées à la hausse – de 1,3 % à 1,5 % pour chacune des deux années – dans le programme de stabilité d’avril 2015 et dans tous les textes ultérieurs.

Recalculées avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP 2014-2019, les estimations du déficit structurel sont un peu plus élevées que celles présentées dans le PLF. Il est estimé à – 1,7 point de PIB en 2016 et à – 1,3 point en 2017. Les objectifs figurant dans la LPFP étaient respectivement de – 1,8 point et – 1,3 point. Les chiffres sont presque exactement ceux de la loi de programmation, qui se trouve donc respectée.

Les prévisions de déficit structurel pour 2016 et 2017 sont en revanche plus élevées
– de 0,3 point de PIB chaque année – que les objectifs fixés dans le programme de stabilité d’avril 2016. Mais, comme le Haut Conseil l’a noté en mai dernier dans son avis relatif au projet de loi de règlement pour 2015, cet écart s’explique pour l’essentiel par les révisions à la hausse du PIB dans les comptes nationaux sur les années 2013 à 2015, qui ont eu pour effet de réduire les estimations de l’écart de production et de dégrader rétrospectivement celles du solde structurel.

Cette sensibilité des données de solde structurel à des révisions du PIB avait conduit le Haut Conseil, en mai, à préconiser que « soient également pris en compte d’autres indicateurs plus représentatifs de l’orientation de la politique budgétaire, comme l’effort structurel ». Plusieurs membres de votre commission avaient également plaidé en ce sens.

À cet égard, le Haut Conseil constate que les évolutions prévues de l’ajustement structurel et de l’effort structurel sont proches des objectifs du programme de stabilité et de la loi de programmation. Sur l’ensemble des deux années 2016 et 2017, l’effort structurel figurant dans le PLF est identique à l’objectif figurant dans le programme de stabilité : 0,8 point en deux ans.

Les ajustements et efforts structurels restent toutefois légèrement inférieurs au minimum fixé par les règles européennes, qui requièrent en principe au moins 0,5 point d’ajustement par an.

Les développements qui précèdent comparent les prévisions du PLF 2017 à la loi de programmation et au programme de stabilité, mais cette comparaison arithmétique un peu formelle ne saurait épuiser le sujet et permettre de porter une appréciation sur la cohérence réelle du PLF. Il convient pour ce faire d’examiner la crédibilité des objectifs de solde présentés pour 2016 et 2017, et donc d’identifier les risques qui pèsent sur les évolutions de recettes et de dépenses. Sur la base des informations communiquées – j’insiste sur ce point, car le Haut Conseil ne connaît pas le contenu de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale qui seront adoptées dans quelques semaines –, les éléments d’appréciation suivants peuvent être formulés.

En 2016, l’objectif d’amélioration du solde peut être atteint sous réserve de poursuivre une gestion stricte des dépenses.

S’agissant des recettes, les prévisions actualisées du PLF sont en ligne avec les informations disponibles en cours d’année. Les moins-values constatées sur certains impôts, notamment l’impôt sur les sociétés (IS), sont en partie compensées par l’impact sur les prélèvements sociaux de la révision à la hausse de la masse salariale. Au total, les prélèvements obligatoires augmenteraient en 2016 un peu moins vite que le PIB en valeur, avec une élasticité de 0,9.

S’agissant des dépenses, les objectifs peuvent être tenus, mais au prix de tensions plus fortes en 2016 qu’en 2015 sur les dépenses de l’État et de l’assurance maladie. D’éventuels dépassements de ces dépenses, sous forme de reports de charges, pourraient conduire à dégrader le déficit public des années ultérieures.

Pour 2017, le Haut Conseil souligne plusieurs facteurs de risques qui sont susceptibles de se matérialiser et d’obérer la réduction attendue du déficit, étant entendu que la marche à gravir est beaucoup plus haute que les précédentes : 0,6 point de réduction.

Le Haut Conseil estime que les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que pour les années précédentes. En particulier, il note le caractère irréaliste des économies prévues sur les dépenses de l’UNEDIC au titre des négociations paritaires à venir : 1,6 milliard d’euros. En effet, ces négociations ne devraient avoir lieu que dans le courant de l’année prochaine, ce qui ne permet pas d’anticiper un effet significatif sur le solde 2017 de l’assurance chômage.

Il existe également de fortes incertitudes sur la réalisation des économies de grande ampleur prévues sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Par rapport au programme de stabilité, l’objectif a été relevé, pour 2017, de 1,75 % à 2,1 %, mais ce relèvement ne couvre pas, selon nous, l’ensemble des dépenses nouvelles décidées au cours des derniers mois : augmentations tarifaires contenues dans la nouvelle convention médicale, hausse du point de la fonction publique, protocole de parcours professionnels, carrières et rémunérations. La tenue de l’objectif suppose donc un montant d’économies – 4,1 milliards d’euros – très élevé, significativement plus élevé en tout cas que les trois années précédentes, dont la réalisation complète est incertaine.

Des incertitudes pèsent également sur l’évolution des dépenses de l’État et des collectivités territoriales, dont la dynamique sera notamment soutenue par les facteurs d’accélération de la masse salariale.

Enfin, les incidences possibles des recapitalisations annoncées des entreprises publiques du secteur énergétique pourraient alourdir le solde public en 2017.

À ces risques s’ajoutent ceux portant sur les prévisions de recettes, du fait des hypothèses économiques favorables retenues dans le PLF.

En conséquence, le Haut Conseil estime improbables les réductions de déficits prévues par le PLF pour 2017 : de – 1,6 % à – 1,1 % du PIB pour le solde structurel, de
– 3,3 % à – 2,7% pour le solde nominal. Sur la base des informations dont il dispose, il considère comme incertain le retour du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB en 2017.

Le Haut Conseil relève par ailleurs que le remplacement des baisses d’impôts 
– contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et IS – par des crédits d’impôt, destiné à financer une partie des dépenses supplémentaires annoncées pour 2017, conduit à reporter sur le solde 2018 l’impact de ces baisses de recettes. Les dépenses supplémentaires étant pérennes, ce choix fragilise la trajectoire de finances publiques à compter de 2018 et le respect de l’objectif de solde structurel à moyen terme.

M. le président Gilles Carrez. Je ne me suis pas reporté aux avis rendus par le Haut Conseil à propos des précédentes lois de finances, mais j’ai l’impression que, cette année, vous êtes allés beaucoup plus loin dans l’analyse des finances publiques. C’était d’ailleurs une demande de notre commission, un peu frustrée de voir le HCFP s’en tenir à l’analyse des prévisions macroéconomiques et à l’articulation du solde structurel avec le programme de stabilité ou la loi de programmation. Certes, c’est ce que prévoit la loi organique, mais nous souhaitions également un avis sur les aspects proprement financiers du budget, y compris les soldes nominaux. L’avis présenté aujourd’hui répond à ce souhait. Qu’est-ce qui vous a conduits à vous exprimer davantage ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Effectivement, monsieur le président, c’est une question qui se pose. Est-ce la perspective d’une année électorale qui a tout d’un coup poussé le Haut Conseil à étendre ses travaux au-delà de la mission qui lui est confiée par la loi organique du 17 décembre 2012 ?

M. le président Gilles Carrez. Je n’ai pas prétendu que le Haut Conseil ait fait ce que vous dites, madame la rapporteure générale !

Mme la rapporteure générale. Certes, mais c’est ainsi que je le traduis, et j’en assume la responsabilité, monsieur le président.

Toujours en ce qui concerne forme et procédure, j’imagine qu’il doit être assez facile, monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, de savoir qui donne votre avis à la presse avant qu’il ne soit remis au Parlement, ou, en tout cas, de mener des investigations pour le savoir. Le Haut Conseil compte moins de vingt membres, cela doit permettre une enquête assez rapide.

M. le président Gilles Carrez. Il y a d’autres personnes dans la boucle, madame la rapporteure générale !

Mme la rapporteure générale. Je pose la question au président du Haut Conseil. L’article 14 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose que « cet avis est joint au projet de loi de finances de l’année lors de sa transmission au Conseil d’État. Il est joint au projet de loi de finances de l’année déposé à l’Assemblée nationale et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt. » Il devait donc être rendu public aujourd’hui, et non avant-hier dans Les Échos. Je souhaite donc, monsieur le président, un retour sur ce point. Avez-vous procédé à des investigations pour savoir qui a transmis l’avis à ce journal avant même que le Parlement ne puisse en avoir connaissance ? Si jamais je n’ai pas de réponse, je me permettrais de vous écrire à ce sujet. Dans une démocratie, la loi et l’ensemble des procédures qu’elle définit doivent pouvoir être respectées.

Sur le fond, je ne comprends toujours pas pourquoi vous estimez que l’ajustement structurel doit être calculé à partir du taux de la croissance potentielle inscrit dans la loi de programmation et pas de celui transmis à la Commission européenne, qui représente la dernière estimation.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Il faut lire la loi organique dans son intégralité, madame la rapporteure générale, pas seulement un article.

Mme la rapporteure générale. Alors, je la lirai dans son intégralité, monsieur le président, mais, sur ce point, comme vous avez « débordé » de votre mission en parlant du solde nominal…

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Non.

Mme la rapporteure générale. Si. J’aurais souhaité savoir si le Haut Conseil, qui a un peu débordé de sa mission, peut aussi nous dire quelle est son appréciation de l’effort structurel et de la réduction des déficits si on se fonde sur l’hypothèse de croissance potentielle transmise à la Commission européenne.

Deuxième question, je voulais savoir sur quels éléments vous vous fondez pour considérer que les opérations de recapitalisation, comme les recapitalisations d’Électricité de France (EDF) et Areva, pourraient être prises en compte comme des dépenses publiques et non pas comme des opérations financières. L’impact sur le déficit structurel et le déficit nominal n’est pas le même selon la qualification que l’on retient.

Vous estimez une réduction des déficits à 2,7 % du PIB improbable – et incertaine une réduction sous le seuil des 3 %. J’aurais souhaité connaître votre vision de la dynamique des recettes comme celle des dépenses. La dynamique de recettes, avec une élasticité de 1, est-elle problématique ou faudrait-il plutôt s’interroger sur la dynamique des dépenses ?

M. le président Gilles Carrez. Ce que vous appelez, madame la rapporteure générale, un « débordement » du Haut Conseil est, à mon avis, structurel, et je m’en réjouis.

M. Dominique Lefebvre. Les membres de notre commission s’accorderont sur le fait que la procédure mise en place en 2012 est une bonne procédure. Elle permet un débat, qui éclaire la représentation parlementaire et l’opinion sur les enjeux des finances publiques. D’ailleurs, avec une telle procédure, nous n’aurions pas assisté, monsieur l’ancien rapporteur général et monsieur l’ancien président de la commission des finances, aux errements que nous avons constatés aux cours des deux quinquennats précédents, avec des lois de finances reposant sur des prévisions vraiment erronées.

Comme toutes prévisions, ces prévisions macroéconomiques et ces prévisions de soldes publics présentent un caractère aléatoire et devront subir l’épreuve des faits. Évidemment, le Gouvernement peut se tromper, et le Haut Conseil des finances publiques également. Ce fut particulièrement le cas en 2015. Le projet de loi de finances prévoyait un déficit nominal de 4 % du PIB et une croissance du PIB de 1 %, et le Haut Conseil s’interrogeait sur la capacité de notre pays et de nos finances publiques à atteindre de tels niveaux. Or, finalement, la croissance fut de 1,3 % et le déficit nominal, selon les derniers calculs de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de 3,5 % du PIB. Faisons donc preuve d’une grande modestie, surtout dans un contexte européen et international extrêmement mouvant, où les prévisions peuvent être fortement révisées d’un trimestre à l’autre.

Je souhaiterais cependant « positiver » l’avis du Haut Conseil qui suscite, depuis hier, des commentaires. Aux termes de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012 
– tenons-nous au droit, monsieur le président, non à ce que nous voudrions que soit cette loi organique, même s’il est toujours possible de la modifier –, le Haut Conseil vérifie la conformité des projets de loi de finances à la loi de programmation des finances publiques et émet un avis sur les hypothèses macroéconomiques. Par-delà le débat que peut susciter la croissance potentielle, je retiens donc de l’avis présenté aujourd’hui que le projet de loi de finances pour l’année 2017 est conforme à la loi de programmation des finances publiques, et c’est la mission du Haut Conseil des finances publiques que de le dire.

Je vous rappelle, monsieur le président Carrez, que la cohérence avec les engagements européens s’apprécie sur le fondement de la loi de programmation des finances publiques – nous avons déjà eu ce débat. Cela me laisse à penser que l’avis rendu sur le PLF 2017 est bien plus favorable que ne le serait un avis rendu par le Haut Conseil au lendemain de l’élection présidentielle s’il lui était présenté un projet de loi de programmation conforme aux intentions des candidats aux primaires de la droite, qui impliquent une explosion des déficits.

M. Charles de Courson. Lesquels ?

M. Dominique Lefebvre. Je retiens aussi que l’hypothèse macroéconomique d’une croissance de 1,5 % du PIB et l’objectif d’un déficit public de 3,3 % du PIB en 2016 ne sont jugés ni « impossibles », ni « improbables » ni « incertains » par le Haut Conseil, mais parfaitement possibles, et nous le verrons au mois de mars prochain.

En ce qui concerne les hypothèses pour l’année 2017, je considère que le Haut Conseil estime possible de parvenir au solde des comptes publics envisagé à condition que le Gouvernement soit sérieux et tienne compte des événements susceptibles d’intervenir, comme nous le faisons depuis quatre ans. Le passé éclaire l’avenir, et ce que nous faisons depuis quatre ans, comparé à ce qu’avait fait la précédente majorité pendant dix ans, porte la marque du sérieux budgétaire. Je remercie donc le président du Haut Conseil de ses alertes, qui nous conduiront à rester sérieux et à faire en sorte qu’un déficit de 2,7 % du PIB en 2017 ne soit pas « improbable » – ce qu’il sera effectivement si l’actuelle opposition met en œuvre au lendemain des élections ce qu’elle annonce aujourd’hui.

M. le président Gilles Carrez. La loi renvoie à la loi de programmation pluriannuelle, qui date de décembre 2014 ; mais la référence la plus actuelle, celle par rapport à laquelle nous raisonnons tous, c’est bien le programme de stabilité transmis à Bruxelles au printemps dernier.

Je demande à nouveau solennellement – et la commission devrait être unanime sur ce point – un débat annuel à l’occasion de la transmission du programme de stabilité, qui est le texte de base. Nous n’en sommes tout simplement pas saisis, et cela commence à poser problème, vous devriez le reconnaître, monsieur Lefebvre !

M. Hervé Mariton. En effet, l’écart entre la loi de programmation et le programme de stabilité pose problème.

Monsieur Lefebvre, si je comprends bien, vous considérez que le Haut Conseil doit pour l’essentiel vérifier la conformité du projet de loi de finances avec la loi de programmation. Mais aurions-nous besoin d’un Haut Conseil si sa mission s’arrêtait là ?

Monsieur le président du Haut Conseil, votre avis « estime improbables les réductions de déficit prévues ». Avez-vous une idée de l’ordre de grandeur de l’écart probable entre l’estimation et le résultat final ? Je fais partie de ceux qui considèrent qu’il ne faudrait pas surévaluer ces écarts, car cela emporterait le risque de se résigner à des déficits importants : ce serait une facilité que la France ne peut pas se permettre.

Lors d’une précédente audition en tant que Premier président de la Cour des comptes, vous vous étiez interrogé sur le rôle particulier de cette institution en année électorale : il y aura, c’est traditionnel, un audit, mais il ne faudrait pas laisser de côté les questions d’exécution budgétaire. Pouvez-vous revenir sur ce point, que vous n’aviez pas creusé ?

S’agissant d’Areva et d’EDF, le risque est que l’on ne puisse considérer l’augmentation par l’État du capital d’Areva comme le geste d’un « investisseur avisé » ; la requalification budgétaire de cette intervention serait alors en jeu. Je crois comprendre que vous anticipez une difficulté. Est-ce bien cela ?

Le président Carrez et vous-même avez souligné la richesse de la langue française. Vous estimez que la précision de croissance du gouvernement est « un peu élevée ». Pouvez-vous commenter cette expression aimable, presque naïve ?

M. Charles de Courson. Je voudrais pour ma part féliciter le Haut Conseil : il tient, ce que nous devrions tous faire, un discours sérieux sur les finances publiques et sur la sincérité du projet de loi de finances pour 2017.

Comme d’habitude, je commence par vous interroger – c’est un tableau qui figure à la page 8 de l’avis que vous nous avez remis – sur l’écart constant entre 2014 et 2017, de 1,6 point de PIB, entre le solde effectif et le solde structurel. Ce n’est pas possible ! Le concept de solde structurel renvoie à la théorie des cycles ; or il n’y a plus de cycles. Cela confirme ce que je me tue à répéter – et qui commence à « percoler » dans diverses sensibilités politiques : l’idée même de solde structurel n’a plus aucun sens. Seul le solde effectif en a un. Partagez-vous cette analyse ?

Vous estimez que la réduction du déficit à 2,7 % en 2017 est tout à fait improbable, et que nous ne sommes même pas sûrs de passer en dessous des 3 % – que le Président de la République s’était, je le rappelle, engagé à atteindre en 2013… Cela ne fait que quatre ans de retard !

J’ai fait de petits calculs pour comprendre pourquoi nous n’arriverons pas à l’objectif de 2,7 %.

D’après vous, l’écart de croissance prévisible pourrait se situer entre 0,3 et 0,5 point de PIB. À un niveau de 0,4 point, cela représenterait une perte de recettes pour l’ensemble du bloc public de 4 milliards d’euros environ.

Vous pointez également diverses mesures dont les conséquences ne seront mesurées qu’en 2018, à commencer par le renforcement du CICE. Vous évaluez le coût de ces dépenses différées à 5 milliards d’euros. Vous estimez le coût d’un nouveau crédit d’impôt pour l’emploi à domicile en faveur des retraités non imposables à un milliard, et celui de cinq autres mesures à 1,3 milliard.

En bonne comptabilité, nous perdons donc 11,3 milliards.

Quant aux dépenses, les sommes dépensées pour Areva – 5 milliards – et EDF 
– 3 milliards – ne pourront pas être entièrement considérées comme des dotations en capital ; en fait, elles servent à boucher des trous, et seront requalifiées. J’ai considéré comme des dépenses la moitié de ces sommes – estimation très bienveillante de ma part. Comptons-les donc pour 4 milliards. Quant aux réductions de dépenses de l’UNEDIC, personne ne peut contester que le chiffre de 1,6 milliard n’est pas sérieux. S’agissant de l’ONDAM, il faudrait un effort d’économies de 4,1 milliards, et nous n’en avons réalisé – avec de grandes difficultés – que pour 3,2 milliards. Et je vous rappelle que les déficits des hôpitaux augmentent… J’ai donc compté 0,9 milliard d’euros de dépenses supplémentaires.

Nous en sommes donc à 6,5 milliards. Et je ne compte pas les sous-budgétisations, que vous pointez, sans les évaluer. Il serait d’ailleurs intéressant que vous nous en donniez un ordre de grandeur.

Autrement dit, avec 11,3 milliards d’euros de recettes perdues et 6,5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, nous arrivons à 17,8 milliards, soit 0,75 % du PIB. Ajoutés aux 2,7 % annoncés, on arrive à une hypothèse de déficit de 3,4 %.

On me qualifie souvent de « petit comptable », ce que j’assume bien volontiers. Est-ce un petit calcul de ce type – que vous ne faites pas dans votre avis – qui vous a menés à estimer « incertain » un passage du déficit sous la barre des 3 % ?

M. Éric Alauzet. La période n’est pas propice aux débats sereins ; il est même un peu surréaliste de voir dans cette salle, sur les bancs de la droite, des pompiers qui hurlent depuis quatre ans que notre politique n’est pas sérieuse, et ailleurs leurs amis pyromanes prêts à tous les dérapages. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus, monsieur le président du Haut Conseil : le projet de budget qui vous a été soumis, ou ce qui pourrait se passer après l’élection présidentielle ?

Par ailleurs, votre autorité est incontestable. Mais vous pouvez vous tromper : il y a deux ans, vous estimiez que nous aurions du mal à atteindre 1 % de croissance ; vous avez aussi surévalué le déficit à venir. Quel bilan tirez-vous de ces erreurs passées ?

M. Nicolas Sansu. Je ne m’appesantirai pas sur la bataille de chiffres. Je ne mets nullement en cause la compétence des membres du Haut Conseil ; en revanche, je conteste la légitimité même de cette instance. Il est normal que les parlementaires se fassent conseiller, mais pourquoi le Haut Conseil n’est-il pas une commission d’experts rattachée au Parlement ? Pourquoi ces commissions ad hoc permanentes ? L’un de mes voisins employait tout à l’heure le terme « adhocratie » : ces comités et ces commissions hors du Parlement, hors du Gouvernement, qui nous expliquent ce qu’il faut faire, c’est une drôle de chose !

Je rappellerai, moi aussi, que le Haut Conseil s’est parfois trompé par le passé : chacun sait que les économistes ont toujours raison après coup, mais rarement avant. Aujourd’hui, certains font des gorges chaudes des prévisions du Haut Conseil des finances publiques sur le déficit. Mais, dans le même temps, on entend des candidats prétendre qu’il faudrait s’affranchir du pacte budgétaire européen et aller jusqu’à 4 %, voire 5 % de déficit !

Il me semble pour ma part que la règle européenne est caduque. Le vrai problème, c’est qu’après quatre années de resserrement budgétaire, le chômage n’a cessé d’augmenter. En une dizaine d’années, nous avons perdu un million d’emplois industriels ! Dans ce contexte, savoir si notre déficit structurel est de 1,5 % ou de 1,2 % du PIB me paraît parfaitement secondaire.

M. Pierre-Alain Muet. Les publications du Haut Conseil sont intéressantes ; il serait plus intéressant encore qu’elles donnent à lire des points de vue différents. Par ailleurs, pour avoir dirigé, il y a plus d’une trentaine d’années, un institut de conjoncture et avoir imposé à mes équipes de revenir systématiquement sur les erreurs de prévision de l’année précédente, je connais l’utilité de cet exercice. Cela constituerait une très bonne annexe pour les avis du Haut Conseil ; après tout, le ministère des finances le fait depuis une vingtaine d’années. Cela permet de relativiser ce que l’on écrit, et d’apprendre de ses erreurs.

Le Haut Conseil qualifie aujourd’hui la prévision de croissance de 1,5 % d’« optimiste ». Il y a deux ans, le même terme avait été utilisé ; or la croissance, prévue à 1 %, s’est finalement élevée à 1,3 %… Vous qualifiez également d’« improbable » la réduction du déficit des finances publiques de 3,3 % à 2,7 % du PIB. En 2014, déjà vous aviez souligné le risque que notre pays n’atteigne pas en 2015 un déficit de 4,3 % : ce fut finalement 3,5 %. Il faut donc relativiser les expressions employées.

Enfin, je voudrais appeler l’attention sur l’écart à la production potentielle, l’output gap, qui mesure grosso modo l’écart entre l’offre et la demande. Le Gouvernement l’estime un peu inférieur à – 3 en 2016, et à – 2,5 environ en 2017. Les instituts internationaux donnent des chiffres plus bas. À mon sens, les enquêtes de conjoncture donnent plutôt raison au Gouvernement. Il est bon d’afficher ce chiffre – qui a été bien supérieur dans les années précédentes. Mais il serait également bon d’en tirer toutes les conséquences sur les politiques menées : il montre qu’il faudrait être très attentif à la demande. On ne peut pas aujourd’hui se contenter d’une politique de l’offre.

M. Alain Chrétien. Vous êtes, monsieur le président du Haut Conseil, peu disert sur le solde conjoncturel, qui reste depuis quatre ans bloqué à 1,6 point de PIB. Est-ce là la conséquence du fait que le Gouvernement n’a pas su mener de réformes de structure ? L’évolution du solde structurel est positive, mais ne peut pas, elle, être attribuée à la politique de ce gouvernement.

Mme Monique Rabin. Je ne me prononcerai pas sur le fond : il me semble, comme d’autres l’ont déjà dit, que le Haut Conseil sort de son rôle. Si nous voulons redonner du sens aux institutions politiques, si nous voulons rendre sa place au Parlement, alors l’avis du Haut Conseil devrait être réservé à ce dernier. J’ai été navrée d’en apprendre la teneur dans la presse.

Si nous insistons sur cette question de forme, ce n’est pas du tout parce que nous avons peur de ce budget, sur lequel nous nous exprimerons plus longuement tout à l’heure lors de l’audition du ministre des finances et du secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Nos avis ne sont pas tous identiques, d’ailleurs ; mais ne lire dans la presse que l’appréciation qu’en a fait le Haut Conseil est choquant.

M. Alain Chrétien. Vous voudriez contrôler la presse ?

Mme Monique Rabin. La prévision n’est pas une science exacte, et je veux dire simplement ma tristesse, au bout de cinq années de mandat, que nous apprenions ces avis dans les journaux plutôt que dans cette salle.

Monsieur le président du Haut Conseil, j’ai une grand admiration pour les corps de contrôle – vous connaissez mon passé professionnel. Je compte sur vous pour lancer une enquête. Il faut savoir d’où viennent les fuites !

M. Alain Chrétien. C’est l’Inquisition que vous voulez réinstaller ! La dictature menace !

Mme Claudine Schmid. C’est un appel à la délation !

M. Yann Galut. Il faut respecter le Parlement ! Si vous voulez être des députés godillots, libre à vous !

Mme Monique Rabin. J’espère, monsieur le président Migaud, que vous réserverez désormais vos avis à la commission des finances.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis pour ma part un peu étonnée de cette attaque en règle des députés de la majorité contre le Haut Conseil des finances publiques. Un travail de fond, un travail indispensable, a été réalisé. Ne regrettez pas, chers collègues, d’avoir mis en place ce Haut Conseil, qui sera utile aussi dans les années à venir !

M. le président Gilles Carrez. On attend avec impatience la teneur de l’avis du Haut Conseil sur le collectif budgétaire de juillet 2017...

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument.

Monsieur le président du Haut Conseil, vous appelez notre attention sur le remplacement des baisses d’impôt par des crédits d’impôt. L’impôt sur les sociétés fond comme neige au soleil. Malgré un taux facial très élevé, qui ne peut que constituer un repoussoir pour les entreprises qui souhaiteraient s’installer en France, notre recette fiscale diminue. Personne ne connaît les conséquences de cette tendance dans les années à venir. Quel est votre point de vue sur cette question ?

Vous êtes sceptiques sur le scénario de croissance retenu par le Gouvernement pour l’an prochain. Je voudrais insister ici sur les conséquences du prélèvement à la source pour le pouvoir d’achat des ménages, pour leur trésorerie ; on calculera en effet la retenue avec un taux qui ne tient pas compte des avoirs fiscaux. Je crains que la diminution du revenu mensuel des ménages n’ait de fortes répercussions sur la consommation, et donc sur la croissance. Avez-vous réalisé une évaluation de ces risques ?

Mme Christine Pires Beaune. Sans polémique aucune, je voudrais revenir sur quelques chiffres. En 2008, à la veille de la crise financière mondiale, le déficit de la France était de 3 % du PIB, alors que l’Allemagne était à l’équilibre. En 2012, le déficit de la France était de 5 %, et l’Allemagne toujours à l’équilibre. En 2016, le déficit de la France aura été ramené à 3,3 %. La situation des comptes publics, nous pouvons nous accorder sur ce point, est donc bien meilleure aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2012.

Pourtant, chaque année, le Haut Conseil s’est montré très pessimiste sur les résultats prévisionnels. En 2015, le Gouvernement avait estimé la croissance à 1 %, hypothèse que vous aviez qualifiée d’« optimiste » ; finalement, nous avons atteint 1,3 %. Le Gouvernement prévoyait un déficit de 4,3 % du PIB, chiffre sur lesquels vous émettiez également des doutes ; finalement, il a été de 3,5 %.

Il serait donc bon, comme le disait Pierre-Alain Muet, de vous pencher sur les avis des années précédentes. Au vu des exercices précédents, à quoi servent vos avis, sinon à se faire peur ?

Enfin, je veux dire moi aussi que j’ai été choquée de découvrir cet avis dans la presse avant sa présentation à la commission des finances.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le président, je vous remercie par avance de nous expliquer comment est rédigé cet avis. Qui, à part les membres du Haut Conseil, en a connaissance avant qu’il ne soit rendu public ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je vais essayer d’apporter quelques réponses à ces nombreuses questions – en faisant attention aux mots que j’emploie.

Sur la forme, attribuer a priori la fuite au Haut Conseil est, madame la rapporteure générale, particulièrement déplaisant, d’autant que cette accusation ne repose sur rien de concret. Cette mise en cause, sans preuve, était tout à fait désagréable.

Mme la rapporteure générale. Je l’assume tout à fait.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Vous avez le droit de penser tout ce que vous voulez, et j’assume moi aussi ma réponse.

Cette accusation est non seulement désagréable, mais aussi très étonnante. J’ai été le premier à regretter la fuite. Il n’y en a pas eu les années précédentes. Quel serait notre intérêt à divulguer notre avis dans la presse ? Qu’il soit publié le lundi, le mardi ou le mercredi, pour nous, cela ne change strictement rien !

J’accorde en tout cas ma plus entière confiance aux membres du Haut Conseil et à l’équipe des rapporteurs.

Notre avis a été adressé dès le samedi matin – à la suite de notre réunion de travail qui s’est terminée à cinq heures du matin – au ministère de l’économie et des finances, à l’Élysée, à Matignon, au Conseil d’État. Le lundi matin, nous l’avons adressé aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat !

Évitons donc toute polémique. De quoi avez-vous peur ? Ce n’est qu’un avis !

Il m’est arrivé, dans une vie antérieure, d’occuper vos fonctions, madame la rapporteure générale. Je n’ai jamais douté de la capacité du Parlement à prendre des décisions. C’est vous qui décidez ! Cet avis est destiné à vous éclairer ; vous êtes libres d’en tenir compte ou de le mettre de côté. Dans une démocratie, ce ne sont ni les experts, ni les juges, qui gouvernent : le Parlement décide.

M. Charles de Courson. Disons qu’il devrait décider…

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Vous êtes choqués par un avis ? Si vous estimez qu’il ne correspond pas à la réalité, argumentez, prenez vos responsabilités. Vous le faites, d’ailleurs ! J’ai entendu le ministre ce matin exprimer son désaccord avec le Haut Conseil : chacun est là dans son rôle.

Pourquoi ce reproche systématique ?

M. Charles de Courson. C’est un procès d’intention.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Disons un reproche.

Personne – le Haut Conseil y compris – ne prétend détenir la vérité. Je constate que, lorsque notre avis est positif, on s’y réfère, et que, lorsqu’il est plus réservé, on prend de la distance, on pointe les erreurs. Mais qui ne s’est jamais trompé ? Je n’aurai pas la cruauté de reprendre toutes les hypothèses macroéconomiques de tel institut de conjoncture, voire de l’INSEE ou du Gouvernement.

Nous essayons de prendre du recul. Nous nous exprimons à un moment donné, en fonction des informations disponibles. La conjoncture évoluant en permanence, il ne paraît pas anormal que les prévisions évoluent elles aussi. Il est arrivé une fois que notre analyse soit en décalage avec les chiffres définitifs. Toutefois, nous ne nous sommes jamais exprimés sur la prévision de déficit à 4,3 % du PIB – si quelqu’un retrouve une phrase du Haut Conseil à ce propos, je serais curieux qu’il me la montre. Parfois nous avons considéré que les hypothèses étaient optimistes. Mais, encore une fois, nous nous plaçons à un moment donné. Le Gouvernement décide de ne pas bouger quels que soient les circonstances et l’environnement international. C’est son choix. Rien ne lui interdit de le faire.

S’agissant de la légitimité du Haut Conseil, on peut naturellement tout remettre en cause. Je vous rappelle toutefois que cet organisme doit sa création à un traité – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire –, lequel n’a pas été voté par les membres qui composent le Haut Conseil, mais par le Parlement. Remettre en cause la légitimité de cet organisme, c’est en quelque sorte remettre en cause le Parlement lui-même – certains traités ont même été adoptés par référendum. La légitimité du Haut Conseil est celle que lui ont conférée les représentants du peuple.

Encore une fois, il s’agit d’un avis. Nous prenons toujours la précaution de le rappeler. Nous ne sommes pas dans un gouvernement des juges. À ceux qui regrettent que nos avis ne soient pas suffisamment suivis, je réponds que seule la représentation nationale possède la légitimité pour se prononcer. À nous de faire en sorte que celle-ci décide en toute connaissance de cause, même si notre avis doit être gênant ou dérangeant.

Vous nous reprochez de sortir de notre rôle. Je ne crois pas que ce soit le cas. On voudrait que le Haut Conseil des finances publiques, puisque tel est le nom que la loi organique lui a donné, ne s’exprime pas sur les finances publiques et ignore le déficit effectif et le déficit nominal, qui constituent tout de même une certaine référence pour la stratégie des finances publiques. Le Haut Conseil devrait-il se taire, alors que la loi organique lui confie la mission d’apprécier la cohérence avec les objectifs pluriannuels de finances publiques de l’article liminaire de la loi de finances initiale dans lequel les notions de déficit nominal et effectif apparaissent ? Vous seriez les premiers à nous le reprocher si nous ne nous exprimions pas. Nous l’avons fait dans le passé, peut-être un peu plus cette fois car nous pensons que les incertitudes sont plus grandes. Nous le disons.

Soupçonner le Haut Conseil de vouloir interférer dans cette année électorale est particulièrement déplaisant, et totalement injuste vis-à-vis du travail qu’il effectue.

Le Haut Conseil compte en son sein des personnalités très diverses, ainsi que le Parlement l’a voulu. La Parlement connaît parfaitement sa composition, puisqu’il l’a décidée. Nous nous efforçons de nous exprimer de manière consensuelle, afin que toutes les sensibilités puissent se retrouver dans nos avis et que nous soyons aussi utiles que possible au Parlement. Évitons les reproches qui n’ont pas lieu d’être. Je ne les reçois pas bien car je considère que ces attaques sont tout à fait injustifiées.

S’agissant du recalcul de la croissance potentielle, nous nous épargnerions volontiers cet exercice, mais la loi de programmation des finances publiques nous y contraint. Plusieurs d’entre vous ont soulevé la question de la définition du déficit structurel et du solde structurel. Nous continuons de penser qu’il y a un certain intérêt à ne pas raisonner uniquement en termes de déficit nominal, ce qui oblige à s’appuyer sur les hypothèses de calcul de la croissance potentielle, hypothèses qui sont sujettes à caution, nous le savons. Certaines définitions méritent sûrement d’être revues ; nous avons formulé des propositions en ce sens, tout comme le Parlement. Nous sommes disposés à prolonger l’échange avec vous sur ce sujet.

La distinction entre déficit structurel et déficit effectif pose les mêmes problèmes, puisqu’elle dépend également de la croissance potentielle et des définitions retenues. Il y a là une vraie difficulté, qui requiert d’approfondir la discussion.

Monsieur Mariton, je ne répondrai pas à la question sur l’écart. Il ne nous appartient pas de le calculer. Nous ne disposons pas de tous les éléments pour le faire de la façon la plus précise possible.

M. Hervé Mariton. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je ne vous le donnerai pas. D’après ce que j’ai pu lire, nous disons déjà beaucoup de choses. Je suis soucieux de rester dans le cadre des missions du Haut Conseil et de ne pas prendre de risques inconsidérés.

Le Haut Conseil n’a pas les moyens de préciser l’écart avec grande certitude. Nous ne connaissons pas la loi de finances initiale dans le détail. Or, je suis bien placé pour savoir que le diable se cache souvent dans les détails. Mon expérience de rapporteur général et de président de la commission des finances me sert à prendre le recul nécessaire vis-à-vis des présentations du ministère.

Nous avons souhaité identifier quelques risques. S’agissant des hypothèses de recettes, le choix de retenir 1,5 point de croissance peut avoir des conséquences ; sur la consommation et l’investissement, les hypothèses sont optimistes. Il n’y a rien de choquant dans les hypothèses macroéconomiques qui sont présentées, mais le cumul d’hypothèses favorables peut finir par peser sur l’estimation des recettes. Toutes les hypothèses sont positives ; or, il peut se trouver que certaines se vérifient moins que d’autres.

Lorsque nous qualifions le taux de croissance retenu pour 2016 d’« un peu élevé », monsieur Mariton, nous nous appuyons sur l’acquis de croissance et sur ce qu’il faudrait faire au troisième et au quatrième trimestres pour atteindre ce taux. Or, les éléments dont nous disposons ne permettent pas d’envisager un résultat record au troisième trimestre. Nous pouvons nous tromper. Mais, selon les informations dont nous disposons, le taux de 1,5 % pour 2016 semble un peu élevé, tandis que celui pour 2017 nous paraît optimiste compte tenu des facteurs baissiers que nous observons.

Concernant les dépenses, nous disons que les tensions sont plus fortes en 2016 qu’en 2015 – elles risquent de l’être encore davantage en 2017 – pour l’État et pour les collectivités territoriales. Quant au respect de l’ONDAM, on y parvient au prix de fortes tensions, et parfois de quelques artifices.

Nous relevons également quelques impasses. Les économies attendues des négociations sur la convention UNEDIC – 1,6 milliard d’euros – représentent un risque dès lors que celles-ci pourraient ne pas être au rendez-vous. De même, l’absence de dépenses – on peut comprendre le Gouvernement – au titre de la recapitalisation possible d’Areva nous paraît comporter des risques.

L’addition de ces choix peut conduire à considérer les réductions de déficit prévues pour 2017 improbables et le retour du déficit nominal sous le seuil des 3 %, incertain.

Je ne répondrai pas non plus à la question, posée par M. Alauzet, de savoir ce qui m’inquiète le plus. Cela relève du débat politique. Le Haut Conseil n’est pas sollicité pour exprimer un avis sur ce point. Nous ne nous permettrons pas de le donner.

Quant à la Cour des comptes, elle est également attentive à rester à sa place. Elle s’exprimera en février dans son rapport public annuel sur la situation des finances publiques. Les rendez-vous suivants seront le rapport sur l’exécution du budget de l’État, fin mai, puis le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques – un audit annuel qui, le cas échéant, pourra prendre une dimension particulière l’année prochaine.

Le choix des termes « improbable » et « incertain » repose sur un certain nombre d’éléments tangibles qui permettent de considérer que l’avis du Haut Conseil est argumenté.

Il vous appartient de statuer à partir des propositions qui vous sont faites par le Gouvernement. Le Haut Conseil n’a aucune prétention à se substituer aux élus du suffrage universel : il a vocation à éclairer leurs décisions autant que possible, en reconnaissant que lui aussi peut se tromper. Jusqu’à présent, nous nous sommes trompés un peu moins que les autres.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie pour cette réponse ferme.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je souhaite ajouter un mot. Le Haut Conseil a été très sensible à la volonté du ministre de passer d’une stratégie de plafond à une stratégie de plancher pour les hypothèses macroéconomiques, c’est-à-dire de retenir les plus consensuelles.

C’est ce qu’il a fait pour les deux années passées. Nous constatons que cette fois-ci, l’hypothèse retenue s’écarte du consensus forecast. Le ministre est un peu moins prudent que les années précédentes. Nous le disons, et je crois que nous sommes objectifs en le disant.

Puis, la commission examine, pour avis, un projet de décret d’avance, en application de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (Mme Valérie Rabault, rapporteure générale).

M. le président Gilles Carrez. Le second point de notre ordre du jour consiste en l’examen du deuxième projet de décret d’avance au titre de 2016, après celui de mai dernier.

Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, que notre commission avait émis un avis négatif et recommandé, la suppression de 114 millions d’euros d’annulations de crédits frappant le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le Gouvernement nous a entendus. Nous avions ensuite auditionné M. Daniel Verwaerde, administrateur général du CEA, afin d’examiner de plus près la situation de cet organisme. Restait en suspens la question de l’ouverture de nouveaux crédits pour le plan emploi, en particulier le financement des emplois aidés.

Ce deuxième décret d’avance revient sur cette question ainsi que, selon une habitude qui remonte à de très nombreuses années, sur l’hébergement d’urgence.

Madame la rapporteure générale, je vous cède la parole pour la présentation de ce décret, en vous demandant de dire deux mots sur les annulations de crédits.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances dispose de sept jours à partir de la publication du décret d’avance pour faire connaître son avis qui sera transmis au Conseil d’État. À cette fin, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) nous impose de répondre à trois questions. Les deux premières d’entre elles consistent à savoir si les plafonds d’ouverture et d’annulation de crédits ont été respectés. Les ouvertures doivent ainsi porter sur moins de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, et les annulations sur moins de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative. En l’espèce, les plafonds sont respectés.

Dernière question, y a-t-il urgence à ouvrir des crédits ? Les principales ouvertures de crédits concernent, d’une part, les emplois aidés dans le contexte d’un marché du travail en difficulté, et, d’autre part l’hébergement d’urgence dans le cadre de la crise migratoire. La condition d’urgence est donc remplie.

Les annulations de crédits – récapitulées dans le tableau au format A4 qui vous a été distribué –, s’élèvent à 698,9 millions d’euros en crédits de paiement. Il convient de distinguer les annulations portant sur des crédits déjà mis en réserve et celles qui concernent des crédits « frais », c’est-à-dire non mis en réserve. Sur le montant total des crédits annulés, 573,3 millions d’euros avaient déjà été mis en réserve.

Parmi les crédits « frais » supprimés, le principal montant – 74,7 millions d’euros – concerne la mission Engagements financiers de l’État, et plus particulièrement les primes épargne logement, pour la simple raison qu’elles n’ont pas été consommées. En effet, les taux du plan épargne logement (PEL) sont aujourd’hui moins avantageux que les taux du marché pour un crédit immobilier.

Autre montant important, 21 millions d’euros de crédits sont supprimés au détriment de la dotation globale d’équipement (DGE) des départements. J’ai été étonnée comme vous de ce chiffre, mais il est la conséquence d’une sous-consommation de la part des départements liés au recul de l’investissement. Enfin, 10,4 millions d’euros de crédits sont annulés dans la mission Politique des territoires pour cause de sous-exécution du dispositif des adultes-relais.

Quant aux annulations de crédits mis en réserve, vous trouverez le détail dans le tableau pour l’ensemble des missions. Parmi les plus significatives, on peut citer : 56,6 millions d’euros pour la mission Action extérieure de l’État, en raison d’une sous-consommation des crédits prévus pour l’organisation de la conférence Paris Climat 2015 et d’une baisse des dépenses liées aux opérations de maintien de la paix en raison du désengagement de certaines d’entre elles ; 139 millions d’euros pour la mission Écologie, principalement au titre du programme Infrastructures et services de transport.

Mme Christine Pires Beaune. S’agit-il de dépenses d’investissement ou de fonctionnement ?

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit de dépenses d’investissement, comme dans tous les décrets d’avance. Les crédits pilotables sont assez rares. Les crédits d’investissement les plus importants concernent les transports.

Mme la rapporteure générale. Dans le grand tableau au format A3 que nous avons établi, figurent dans la première colonne les crédits votés en loi de finances initiale, auxquels s’ajoutent les reports et les concours éventuels pour aboutir à l’ensemble des crédits disponibles au début de l’année par mission, qui apparaissent dans la deuxième colonne ; dans la troisième colonne se trouve la réserve initiale de précaution ; nous avons également imputé le premier et le deuxième décret d’avance ; la dernière colonne fait apparaître le ratio des crédits utilisables sur l’année, dont une partie a déjà été utilisée, sur les crédits ouverts – les crédits ouverts en loi de finances initiale et les reports. Si une mission affiche un ratio de 100 %, cela signifie qu’elle a exactement reçu le montant de crédits que nous avions voté en loi de finances initiale, ajouté aux reports de l’exercice précédent.

M. le président Gilles Carrez. La mission Défense présente un ratio de 100 % car elle est protégée par la loi de programmation.

Je m’étonne d’une annulation importante sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, à hauteur de 893,7 millions d’euros, c’est-à-dire la moitié des crédits ouverts. Or, j’avais compris que certaines entreprises pourraient avoir besoin d’être recapitalisées.

Mme la rapporteure générale. Ces annulations ne portent pas sur les crédits de paiement, mais sur les autorisations d’engagement. Il m’a été indiqué qu’aucune prise de participation importante n’était prévue d’ici la fin de l’année.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mme la rapporteur générale nous parle de l’annulation de 74 millions d’euros de crédits concernant l’épargne logement. Les taux actuels sont relativement bas, effectivement. Cependant, les anciens taux de l’épargne logement sont très intéressants, et ce type de placement, l’un des rares qui propose un taux garanti, capte une grande part de l’épargne, d’autant que le plafond des versements est relativement élevé et que, les banques nous le disent, il y a énormément de primes et de surprimes. Je suis donc intimement convaincue qu’après cette annulation de 74 millions d’euros il manquera de l’argent pour payer les primes de l’épargne logement à la fin de l’année.

Ensuite, ce sont tout de même des montants colossaux qui sont ajoutés aux crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Ainsi, les crédits utilisables après décrets d’avance représentent 117 % des crédits initiaux. C’est la seule mission pour laquelle un écart de 17 points puisse être relevé, mais nous pourrions aussi parler des crédits pour l’emploi. Avec les contrats aidés, ce sont là deux postes budgétaires dont les montants sont largement supérieurs à ce qui était prévu, sans que cela entraîne les effets attendus par le Gouvernement, et sans que les problèmes concernés soient traités.

Mme la rapporteure générale. Je me permets de signaler que les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ne sont pas affectés par le présent décret. Le ratio que vous relevez, chère collègue, résulte du premier décret d’avance, et nous ne sommes pas chaque fois en train de « remettre au pot ».

Mme Eva Sas. Ce projet de décret d’avance me paraît poser deux problèmes. D’une part, l’ouverture de crédits à hauteur de 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement aurait, à mon sens, largement justifié un projet de loi de finances rectificative. Traiter cela par un décret d’avance me paraît très insuffisant.

D’autre part, comme d’habitude, c’est une fois de plus le budget de l’écologie qui subit la coupe budgétaire la plus importante : 140 millions d’euros, dont 95 millions pour les investissements en matière de transports.

Une discussion plus large eût été justifiée. Financer les contrats aidés, c’est très bien, mais pas sur le dos de l’écologie, et encore moins dans le cadre si étriqué d’un décret d’avance.

M. Christophe Castaner. Je complèterai la réponse de Mme la rapporteure générale à Marie-Christine Dalloz. Derrière votre question, chère collègue, il y a ce discours récurrent sur les emplois aidés, qui ne seraient censément pas productifs, etc. Mais, sur les dix dernières années, c’est au premier semestre de l’année 2012 que le nombre d’emplois aidés a atteint un niveau record. Au mois de juillet 2012, nous comptions effectivement 513 034 emplois aidés, sous différentes formes, et la totalité des crédits prévus en loi de finances pour l’année 2012 a été utilisée, allez savoir pourquoi, au cours du seul premier semestre ! Nous savons tous l’importance sociale de ces emplois. Il était donc important que le Gouvernement prévoit l’an dernier une mobilisation forte.

Je vous renvoie par ailleurs à la dernière étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui montre une véritable amélioration de l’efficacité du dispositif en termes de retour à l’emploi. Il est important de recourir à cet outil, quoique pas forcément au niveau atteint en 2012. Nous verrons au cours de l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2017 que les montants proposés par le Gouvernement sont très inférieurs à ceux mobilisés par la précédente majorité pour faire baisser, de façon artificielle, les chiffres du chômage.

M. Pascal Terrasse. Je voudrais pour ma part souligner l’effort accompli à l’occasion de la COP21. Rapporteur spécial pour l’action extérieure de l’État, j’avais été alerté par certains d’entre vous, qui s’inquiétaient du risque de dépassements, et j’avais souligné qu’était prévue, outre les crédits publics, la participation de partenaires privés. Constatons aujourd’hui que le travail a été correctement fait. Si l’on songe aux grands sommets organisés antérieurement, notamment le G20 de La Baule, ce fut un sommet plutôt réussi, avec une maîtrise parfaite de la dépense publique. Saluons donc le travail effectué par la mission COP21, en lien, naturellement, avec le ministère des affaires étrangères.

M. le président Gilles Carrez. Madame la rapporteure générale, pourrez-vous, après vos réponses, nous donner votre avis sur le projet de décret ? J’ai cru retenir de votre propos, essentiellement descriptif, que vous n’aviez pas de réserves…

Mme la rapporteure générale. Madame Sas, effectivement, le montant des crédits ouverts en autorisations d’engagement est important : environ 1,5 milliard d’euros. Cependant, il s’inscrit parfaitement dans le cadre prévu par la LOLF et respecte les plafonds prévus.

Monsieur le président, nous nous étions prononcés en quelque sorte « par étages » sur le précédent décret d’avance. Cette fois, la part des annulations de crédits frais est très inférieure à ce qu’elle a pu être par le passé. L’essentiel concerne les PEL, pour les raisons que j’ai indiquées. Aucun ministère ne se trouve privé de crédits au point de compromettre l’exercice de ses missions.

Je vous invite donc à émettre un avis favorable au projet de décret d’avance.

La commission adopte, sans modification, le projet d’avis sur le décret d’avance.

M. le président Gilles Carrez. Conformément à la LOLF, cet avis sera transmis au Premier ministre.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Guillaume Bachelay, par ailleurs rapporteur spécial de la mission Participations financières de l’État et des comptes spéciaux Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, rapporteur de la mission Investissements d’avenir, et M. Marc Goua, par ailleurs rapporteur spécial de la mission Énergie, climat et après-mines et du compte spécial Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, rapporteur spécial du programme Service public de l’énergie et du compte spécial Transition énergétique.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 28 septembre 2016 à 10 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Pascal Cherki, M. Alain Chrétien, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Michel Pajon, M. Jacques Pélissard, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. François-Xavier Villain, M. Éric Woerth

Excusés. – Mme Karine Berger, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Laurent Grandguillaume, M. David Habib, M. Marc Le Fur

Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Barbier, Mme Chantal Guittet, Mme Monique Iborra, M. Lionel Tardy, Mme Cécile Untermaier

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