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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mardi 8 décembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Examen pour avis de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs (n° 3109 rect.) (M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis)

– Nomination des membres de la mission d’information tendant à évaluer l’efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels

– Nomination des membres de la mission d’information relative à la réforme de la procédure pénale à la suite du rapport présenté par M. Jacques Beaume en juillet 2014

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission examine pour avis, après engagement de la procédure accélérée, la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs (n° 3109 rectifié), sur le rapport de M. Sébastien Pietrasanta.

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis. Il y a quelques semaines, notre pays a été confronté à la plus abjecte et la plus lâche des violences. Les attentats commis dans la nuit du 13 novembre ont frappé la capitale au cœur.

La riposte s’est organisée sous l’autorité du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur et de l’ensemble du Gouvernement. Mais la guerre contre le terrorisme sera longue, et nous savons qu’elle se gagnera sur le terrain. L’heure est à une action résolue du pouvoir exécutif, s’appuyant sur l’ensemble des forces de sécurité. L’état d’urgence permet d’ordonner les mesures exceptionnelles nécessaires.

Dans ce contexte particulier, quel doit être le rôle du législateur ? C’est une évidence : la loi ne suffira pas, à elle seule, à combattre le terrorisme. Mais je crois qu’elle peut permettre aux acteurs de terrain de protéger plus efficacement nos concitoyens, en adaptant le cadre de leurs interventions à la réalité de la menace.

Cette proposition de loi, présentée à l’initiative de nos collègues Bruno Le Roux et Gilles Savary, n’a pas d’autre ambition. Déposée il y a deux mois et préparée depuis le printemps, elle tire les leçons du risque terroriste accru pour l’organisation des déplacements quotidiens dans les transports en commun.

Si la sûreté des passagers des trains, bus ou métros constitue une priorité nationale depuis plusieurs années, l’histoire de notre pays, comme l’actualité la plus immédiate, font craindre que ces transports du quotidien ne soient le théâtre de nouveaux attentats. Il importe donc de doter les services de sécurité internes de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) des prérogatives qui leur manquent pour seconder utilement les forces de police.

Tel est l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi : il autorise les agents des transporteurs, de la surveillance générale (SUGE) pour la SNCF et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) pour la RATP, à procéder à l’inspection visuelle des bagages, à leur fouille et, éventuellement, à des palpations de sécurité. Il étend ainsi à ces deux services les facultés déjà reconnues aux professionnels des activités privées de surveillance, tout en simplifiant le régime d’habilitation applicable.

En contrepartie, l’article 2 organise le contrôle des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP.

L’article 3 élargit les conditions permettant aux agents de ces deux services d’exercer leurs missions « en civil ».

L’article 4 clarifie les conditions dans lesquelles les agents de police judiciaire peuvent constater certaines infractions et contraventions.

L’article 5 simplifie les règles de compétence territoriale des procureurs en matière de contrôles d’identité et de vérification des bagages à bord des trains.

En outre, en cohérence avec les dispositions de l’article 1er, l’article 6 autorise les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints à inspecter et à fouiller les bagages à main au titre de la police administrative ou de la police judiciaire, ce qui n’était pas prévu jusqu’à présent.

Certains s’étonneront peut-être que la proposition de loi comporte trois articles supplémentaires, réunis dans un titre II relatif à la lutte contre la délinquance et la fraude dans les transports. Il faut cependant rappeler que les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, aux termes de l’article L. 2251-1 du code des transports, ont également pour mission de « veiller à la sécurité des [...] biens [...] et [...] au bon fonctionnement du service », en liaison avec les agents verbalisateurs. N’oublions pas que la fraude coûte chaque année 300 millions d’euros à la SNCF et 100 millions d’euros à la RATP, et qu’il s’agit là de l’argent de tous les Français.

L’article 7 de la proposition de loi autorise ainsi explicitement les agents assermentés de l’exploitant du service de transport à constater par procès-verbal le délit de vente à la sauvette prévu par le code pénal.

L’article 8 ramène de dix à cinq le nombre de contraventions requises sur une période de douze mois pour entraîner la constitution du délit de « fraude d’habitude ».

Enfin, l’article 9 instaure un droit de communication auprès des administrations publiques afin de faciliter la recherche des adresses des contrevenants aux fins de verbalisation.

L’imbrication de ces différents sujets ainsi que les modalités d’élaboration de cette proposition de loi modifiant principalement le code des transports ont justifié que celle-ci soit renvoyée pour examen au fond à la commission du Développement durable, tandis que la commission des Lois s’est saisie pour avis de l’intégralité de ses articles. Deux rapporteurs – Gilles Savary, qui est présent parmi nous aujourd’hui, et moi-même – ont donc vocation à l’enrichir.

Ces neuf articles ne constituent, en effet, qu’un point de départ. J’entends vous proposer plusieurs amendements afin de renforcer et de compléter les mesures du texte initial.

Aux termes de l’un de ces amendements, en cas de refus d’une personne de se soumettre à l’inspection de ses bagages, à la fouille de ceux-ci ou à une palpation de sécurité, les agents de la SUGE et du GPSR pourront lui interdire l’accès au train, la contraindre à descendre de voiture ou à quitter la gare ou la station.

Je vous proposerai de lever toute ambiguïté quant à la notion de « bagage à main », afin de permettre à ces mêmes agents de procéder à l’inspection visuelle et à la fouille de tout bagage, y compris les sacs à dos, les sacs banane ou les casques de moto.

Je vous proposerai aussi que la SNCF et la RATP puissent solliciter des enquêtes administratives, dans le cadre déjà prévu par l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, afin de mieux contrôler certains membres du personnel recrutés pour exercer des fonctions sensibles ou affectés à de telles fonctions.

Je vous inviterai à préciser dans la loi que les peines d’interdiction de séjour prononcées par les juridictions répressives peuvent porter, entre autres, sur les réseaux de transport en commun.

Un amendement complémentaire vise à préciser que le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur pendant qu’il rend compte à un officier de police judiciaire (OPJ) constituera désormais un délit. Un cas de fuite serait alors un délit flagrant, condition qui permet de mettre en œuvre des mesures coercitives à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

Enfin, pour prévenir le développement des « mutuelles de fraudeurs », je vous proposerai d’étendre le champ d’application de l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lequel prohibe l’ouverture de souscriptions publiques ayant pour objet d’indemniser des amendes prononcées par la justice en matière criminelle et correctionnelle.

Tel est, mes chers collègues, l’esprit dans lequel j’aborde la discussion de cette proposition de loi. Elle porte sur les transports publics et, bien que l’actualité nous pousse à intervenir dans d’autres domaines, j’invite chacun à demeurer dans ce cadre afin d’éviter des cavaliers législatifs qui exposeraient le texte à une censure constitutionnelle – il y en a quelques-uns parmi les amendements déposés. Dans les prochaines semaines, d’autres textes seront soumis au Parlement afin de compléter les moyens juridiques de nos forces de sécurité. Nous aurons alors tout loisir de discuter des propositions de chacun, ainsi que le Premier ministre s’y est engagé.

La possibilité nous est donnée d’avancer sans attendre s’agissant des transports en commun. Je crois utile de saisir cette occasion et d’apporter ainsi un peu plus de sécurité aux Français dans leurs déplacements.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je donne maintenant la parole au rapporteur de la commission du Développement durable, saisie au fond, que je remercie de sa présence.

M. Gilles Savary. Le rapporteur pour avis, avec qui je travaille étroitement depuis plusieurs semaines, a dit l’essentiel et détaillé le contenu de la proposition de loi. Je souhaite simplement apporter quelques précisions à propos de la méthode que nous avons adoptée pour élaborer ce texte.

D’abord, si ce texte comporte principalement des dispositions tendant à renforcer la sûreté dans les transports, il contient aussi, accessoirement, des mesures importantes visant à lutter contre la fraude, pour deux raisons essentielles. Premièrement, les comportements frauduleux se multiplient de façon très marquée, et la limite est extrêmement poreuse entre la fraude et les incivilités, voire les violences, lesquelles amènent les contrôleurs à exercer de plus en plus souvent leur droit de retrait. Pour renforcer la sûreté, il faut donc aussi réduire au maximum le nombre de fraudeurs et prévenir, le cas échéant, leur comportement violent. Deuxièmement, la fraude coûte aujourd’hui environ 500 millions d’euros à nos services de transport, somme dont ils auraient bien besoin pour renforcer la sécurité et la sûreté. On ne peut pas imaginer que le renforcement de la sûreté dans les transports pèse uniquement sur ceux qui acceptent de payer.

Ensuite, de manière délibérée, nous n’avons pas voulu franchir la « ligne rouge » qui sépare les services de sûreté des forces de l’ordre et des services de police judiciaire. Tout le texte suit cette ligne directrice : nous renforçons les moyens des uns et des autres dans le domaine des transports, mais chacun conserve ses prérogatives et, à aucun moment, nous ne souhaitons transformer en forces de l’ordre des agents de sécurité, même ceux qui bénéficient d’un statut particulier, ce qui est le cas des agents de la SUGE et du GPSR. Nous essayons simplement d’améliorer le lien entre les uns et les autres en matière de lutte contre les violences et, le cas échéant, contre les actes terroristes.

Enfin, nous ne partons pas de rien. Des moyens considérables sont déjà mobilisés dans les transports pour lutter contre les incivilités, les violences et les actes terroristes : en sus des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP, qui sont respectivement au nombre de 2 800 et de 1 200 environ, près de 2 000 agents spécialisés des forces de l’ordre – police et gendarmerie – sont déployés dans toute la France, dont 1 200 en Île-de-France.

Par ailleurs, je mets en garde contre une surenchère sécuritaire qui ferait croire à nos concitoyens que le « risque zéro » est atteignable. Tel n’est pas le cas dans le domaine des transports, qui a trait à la vie quotidienne et à la liberté : les quelque 2,5 milliards de voyageurs annuels souhaitent prendre les transports en commun en toute liberté et, surtout, de façon extrêmement fluide, notamment s’ils ont des correspondances, pour se rendre sur leur lieu de travail le matin et rentrer chez eux le soir, en particulier en Île-de-France. L’important, c’est de mettre en insécurité ceux qui voudraient attenter à notre sécurité. Tel est l’objectif que remplit, selon moi, ce texte.

M. Lionel Tardy. Initialement prévue pour lutter contre la fraude, cette proposition de loi est devenue un texte visant à lutter contre les actes terroristes dans les transports en commun. Sans aller jusqu’à évoquer le terrorisme, l’insécurité est une question importante, qui ne concerne pas seulement Paris.

Je crois que les mesures proposées ne sont pas inappropriées, surtout lorsque l’on compare les contrôles effectués actuellement dans les transports publics avec ceux qui existent, par exemple, dans les aéroports.

Je souhaite néanmoins faire plusieurs remarques. Premièrement, des pouvoirs importants vont être attribués aux agents de la SNCF et de la RATP. Je ne suis pas défavorable à ce que l’on accorde ainsi davantage de place à la sécurité « privée », car les policiers, on le voit bien, ne peuvent pas être partout. Mais, selon moi, si l’on veut donner une nouvelle place aux agents de sécurité, il faut élargir la réflexion et traiter la question de leur qualification et de leur formation.

Deuxièmement, le droit de communication prévu à l’article 9 doit être encadré très strictement, ce qui n’est pas le cas dans le texte initial. Je crois savoir que le rapporteur de la commission du Développement durable proposera une réécriture de l’article qui prend en compte les remarques du Conseil d’État. C’est une bonne nouvelle.

Troisièmement, vous prévoyez, monsieur le rapporteur pour avis, la possibilité d’une enquête administrative préalable pour les recrutements au sein de la SNCF et de la RATP. Comment cela se passera-t-il concrètement ? Qui pourra contrôler l’application de cette mesure ? Pourquoi le rapporteur de la commission du Développement durable exclut-il la RATP du dispositif alors que vous l’incluez ?

Vous l’avez compris : compte tenu des enjeux, nous voulons être certains de la solidité et de la pertinence juridiques de ce texte, qui a été élaboré et sera voté dans l’urgence, pour les raisons que nous connaissons malheureusement tous.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES GRAVES À LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LE TERRORISME DANS LES TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL12 de M. Gérald Darmanin.

M. Daniel Gibbes. Afin de garantir la sécurité des personnes et des biens dans les transports publics sur l’ensemble du territoire national, cet amendement vise à donner à tous les exploitants de services de transport public la possibilité de créer des unités de surveillance.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable pour plusieurs raisons. D’abord, les services de sécurité de la SNCF et de la RATP ont une certaine ancienneté – celui de la SNCF est d’ailleurs plus ancien que la SNCF elle-même – et bénéficient d’un régime dérogatoire. Par ailleurs, il existe déjà des statuts pour certains services de sécurité locaux. Ensuite, votre amendement aurait des conséquences délicates : d’une part, les contrôleurs sur les lignes de bus seraient armés dans des conditions moins strictes que les policiers municipaux ; d’autre part, les entreprises locales seraient contraintes de se doter de matériels et de structures de contrôle en conséquence, ce qui ne manquerait pas de rejaillir sur les coûts imposés à l’usager ou au contribuable.

Néanmoins, le rapporteur de la commission saisie au fond, Gilles Savary, mène actuellement une réflexion en liaison avec le ministère de l’Intérieur et la commission des Lois en vue de faciliter la présence des polices municipales dans les réseaux de transport public. Je vous propose de discuter à nouveau de cette question en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er (art. L. 613-2 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, art. L. 2251-5 du code des transports) : Permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de procéder, sous conditions, à des inspections visuelles et des fouilles de bagages ainsi qu’à des palpations

La Commission examine l’amendement CL24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Aux termes du présent amendement, en cas de refus d’une personne de se soumettre à l’inspection de ses bagages, à la fouille de ceux-ci ou à une palpation de sécurité, les agents de la SUGE et du GPSR pourront lui interdire l’accès au train et, le cas échéant, lui enjoindre de quitter la gare. En cas de refus d’obtempérer, ils pourront contraindre l’intéressé et, en tant que de besoin, requérir l’assistance de la force publique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement de précision vise à supprimer la mention « à main » concernant les bagages, de manière à pouvoir inspecter, voire fouiller les sacs à dos, les sacs banane et les casques de moto.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CL26 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement CL23 de M. Éric Ciotti.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement vise à supprimer l’exigence de consentement du propriétaire pour la fouille de ses bagages. Si une personne à quelque chose à se reprocher, elle ne donnera évidemment pas son consentement. Il est donc important de pouvoir passer outre.

M. le rapporteur pour avis. Selon moi, cet amendement est satisfait par l’amendement CL24 que nous venons d’adopter : une personne qui refuse la fouille de ses bagages peut se voir interdire l’accès au train ou à la gare. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL20 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Il s’agit de supprimer l’exigence de consentement de l’intéressé pour une palpation de sécurité.

M. le rapporteur pour avis. De même que précédemment, l’amendement CL24 répond en partie à votre préoccupation : si l’intéressé refuse la fouille de ses bagages ou la palpation de sécurité, il peut être contraint à descendre du train ou empêché de monter dans celui-ci. D’autre part, le consentement est un élément important avant palpation. Votre amendement me semble un peu excessif. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL21 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Cet amendement tend à supprimer l’exigence de consentement de l’intéressé pour la fouille de ses bagages ou une palpation de sécurité avant l’accès aux enceintes où sont organisées des manifestations sportives, entre autres.

M. le rapporteur pour avis. En sus des arguments développés précédemment, sur lesquels je ne reviens pas, il s’agit d’un cavalier législatif qui risquerait d’affaiblir le texte. Celui-ci porte sur les transports, non sur les salles de concert ou les stades. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL35 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Aux termes de cet amendement, les agents du réseau ferroviaire feront l’objet d’une habilitation spécifique. L’habilitation sera délivrée à l’issue d’une enquête administrative et pourra être retirée.

M. le rapporteur pour avis. C’est une question importante et d’actualité au regard des événements que nous avons connus au cours des semaines passées. Certaines fonctions sont, on le sait, particulièrement sensibles. Cependant, la SNCF et la RATP ne demandent pas nécessairement une telle procédure d’habilitation a priori. D’autre part, cela exigerait un travail important de la part du ministère de l’Intérieur. Je présenterai, après l’article 3, un amendement susceptible de satisfaire votre préoccupation. Il prévoit une procédure de « criblage » plus spécifique sur demande de l’entreprise, pour l’accès à certaines fonctions. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL36 de M. Éric Ciotti.

M. Philippe Goujon. Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous proposons que les agents des entreprises de transport routier de personnes fassent l’objet d’une habilitation spécifique.

M. le rapporteur pour avis. Défavorable pour les raisons que je viens d’exposer.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. L. 2251-6 et L. 2252-2 [nouveaux] du code des transports) : Soumettre les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP à un contrôle assuré par la police et la gendarmerie nationales

La commission examine l’amendement CL37 du président Jean-Jacques Urvoas.

M. le président. Dès lors que les agents des services internes de sécurité des transports publics sont placés sous la supervision des forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale, il convient que les mesures de contrôle, les demandes de renseignement et de justification ainsi que les transmissions à l’exploitant soient rassemblées en un bilan périodique afin que le grand public, notamment à travers le Défenseur des droits, puisse apprécier les modalités de cette supervision.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL39 du président.

M. le président. Cet amendement prévoit le contrôle par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) de la formation délivrée aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, leur permettant de procéder aux inspections, fouilles et palpations dont la présente proposition de loi leur confie la responsabilité. Il bénéficie de l’avis favorable du rapporteur, qui l’a cosigné.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 (art. L. 2251-3 du code des transports) : Dispenser les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP du port de la tenue

La commission étudie l’amendement CL40 du président.

M. le président. Cet amendement précise les conditions dans lesquelles certains agents de la SUGE et du GPRS peuvent exercer leurs fonctions en dispense du port de la tenue, c’est-à-dire « en civil ». Il bénéficie de l’avis favorable du rapporteur, qui l’a cosigné.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement CL27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Au sein de la SNCF et de la RATP, des enquêtes administratives sont susceptibles d’être réalisées lorsque les fonctions remplies par l’agent nécessitent qu’il soit habilité au titre de la protection du secret de la défense nationale ou qu’il soit autorisé à accéder à tout ou partie d’un point reconnu d’importance vitale par le code de la défense.

Au cours des auditions que j’ai réalisées, la SNCF a déclaré qu’un certain nombre de fonctions sensibles n’entraient pas dans le cadre de l’habilitation ou de l’autorisation : il s’agit notamment de celles confiées aux aiguilleurs, aux responsables de la sécurité des systèmes d’information, ou encore aux agents préposés à la conduite de certains engins. Le présent amendement précise donc que la SNCF et la RATP peuvent solliciter des enquêtes administratives, dans le cadre déjà prévu à l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.

Informée par l’autorité administrative du profil « à risque » de son employé, l’entreprise pourrait prendre les mesures nécessaires pour l’éloigner sans dommage du poste sensible qu’il occupait.

La Commission adopte l’amendement.

Article 4 (art. L. 2241-1 du code des transports) : Clarifier les conditions dans lesquelles les agents du service de sécurité internes de la SNCF peuvent constater certaines infractions et contraventions

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Après l’article 4

La commission est saisie de l’amendement CL28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le présent amendement précise que les peines d’interdiction de séjour, qui valent défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction, peuvent porter, entre autres, sur les réseaux de transport en commun. Il a pour objet d’offrir une meilleure protection aux victimes en leur épargnant le risque de rencontrer leur agresseur alors qu’elles empruntent les transports en commun. Ainsi, une personne condamnée pour harcèlement sexuel alors qu’elle était particulièrement active sur une ligne de bus ou de métro pourrait se voir interdire d’y accéder.

La Commission adopte l’amendement.

Article 5 (art. 18 et 78-7 [nouveau] du code de procédure pénale) : Simplifier les règles de compétence territoriale des procureurs en matière de contrôles d’identité et de vérifications des bagages à bord des trains

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Après l’article 5

La commission examine l’amendement CL4 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Cet amendement vise à donner la possibilité aux agents de sécurité des transports, auquel le texte confie la mission de constater par procès-verbal le délit de vente à la sauvette, de procéder, lorsqu’ils sont mis à disposition d’un officier de police judiciaire, à des contrôles d’identité des personnes circulant à bord des trains et dans l’enceinte des gares.

M. le rapporteur pour avis. Vous proposez de donner aux agents de la SUGE et du GPSR des pouvoirs d’officier de police judiciaire, en leur conférant en permanence la capacité de procéder à des contrôles d’identité. Le Gouvernement et le rapporteur ne souhaitant pas leur octroyer cette prérogative – dont les services internes de la SNCF et de la RATP ne sont d’ailleurs pas demandeurs –, j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 6 (art. 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale) : Donner, par cohérence, aux officiers, agents et agents adjoints de police judiciaire des prérogatives d’inspection visuelle et de fouille des bagages

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL22 de M. Éric Ciotti et CL29 du rapporteur pour avis.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’article 78-2-4 du code de procédure pénale prévoit que les forces de l’ordre peuvent procéder à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. Ces fouilles nécessitent l’accord du conducteur ou, à défaut, des instructions du procureur de la République. Afin de faire en sorte que la fouille des véhicules soit facilitée, nous proposons de supprimer les deux conditions que je viens de citer.

M. le rapporteur pour avis. Cette proposition constitue un cavalier législatif, la présente proposition de loi ne concernant que les transports publics de voyageurs et non les véhicules particuliers. Avis défavorable, donc.

L’amendement CL29 précise quant à lui quel est le procureur de la République compétent pour donner les instructions aux fins d’inspection visuelle et de fouille des bagages à défaut d’accord du possesseur. En effet, s’agissant de contrôles réalisés à bord d’un train en déplacement, il peut s’avérer difficile de déterminer la compétence territoriale du procureur de la République susceptible d’autoriser une telle mesure. Nous proposons que, dans un tel cas, le procureur compétent soit celui du ressort dans lequel se situe le prochain arrêt du train.

La Commission rejette l’amendement CL22.

Puis elle adopte l’amendement CL29.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La Commission est saisie de l’amendement CL2 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Cet amendement vise à permettre aux policiers et gendarmes de porter une arme en dehors du service : il s’agit en fait de pérenniser la mesure actuellement mise en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette mesure effectivement déjà prévue dans le cadre de l’état d’urgence se décide par voie réglementaire, et non législative.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL1 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Cet amendement a le même objet que le précédent, mais vise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Si les policiers et les gendarmes sont formés au maintien de l’ordre, il n’en est pas de même des agents des sociétés de transports en commun. Il serait donc a priori dangereux de les autoriser à porter une arme en dehors du service.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements CL34 et CL3 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. L’amendement CL34 vise à interdire l’accès à un réseau de transport public à toute personne qui refuserait de justifier de son identité ou de se prêter à une fouille en cas de contrôle par des agents habilités à cet effet.

L’amendement CL3 est un amendement de repli affirmant le principe selon lequel toute personne majeure empruntant un moyen de transport public de personnes doit être en mesure de justifier de son identité – car la mise en place de portiques ne sera pas facile et les fraudeurs allèguent souvent d’une fausse identité.

M. le rapporteur pour avis. Ces amendements sont déjà satisfaits par le droit positif. L’article L. 2441-6 du code des transports prévoit que « toute personne qui contrevient aux dispositions tarifaires ou à des dispositions dont l’inobservation est susceptible soit de compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, soit de troubler l’ordre public peut se voir enjoindre par les agents mentionnés au I de l’article L. 2241-1 de descendre du véhicule de transport ferroviaire ou routier au premier point d’arrêt suivant la constatation des faits ou de quitter sans délai les espaces, gares ou stations gérés par l’exploitant du réseau de transport public (…) ». La mise en œuvre de la mesure proposée pourrait avoir pour conséquence de faire descendre du véhicule des individus titulaires d’un titre de transport valable et ne troublant pas l’ordre public, ce qui relèverait de l’arbitraire et engagerait la responsabilité juridique de la compagnie ainsi que celle de l’agent.

La Commission rejette successivement les amendements CL34 et CL3.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette ensuite l’amendement CL5 de M. Philippe Goujon.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLICE DU TRANSPORT PUBLIC
DE VOYAGEURS

Article 7 (art. L. 2241-1 du code des transports) : Harmoniser le régime répressif de la « vente à la sauvette »

La Commission examine l’amendement CL6 de M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Cet amendement vise à permettre aux agents chargés de la sécurité dans les transports de constater, outre le délit de vente à la sauvette prévu par l’article L. 446-1 du code pénal, le délit d’usurpation d’identité prévu à l’article L. 226-4-1 du même code.

M. le rapporteur pour avis. Si cet amendement est intéressant, il est matériellement inapplicable, les agents concernés ne disposant d’aucun moyen de détecter une usurpation d’identité en temps réel. Ils n’ont en effet pas accès aux fichiers de police et ne peuvent diligenter aucune enquête pour établir de manière instantanée le caractère frauduleux des déclarations qui leur sont faites ou des pièces d’identité qui leur sont soumises.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Article 8 (art. L. 2242 6 du code des transports) : Ramener de dix à cinq le nombre de fraudes nécessaires à la constitution du « délit d’habitude »

La Commission est saisie des amendements identiques CL7 de M. Philippe Goujon et CL13 de M. Gérald Darmanin.

M. Philippe Goujon. La proposition de loi procède à une modification bienvenue en ramenant de dix à cinq le nombre d’infractions caractérisant le délit d’habitude de fraude. L’amendement CL7 suggère d’aller plus loin en abaissant le seuil non pas à cinq, mais à trois fraudes constatées.

M. Daniel Gibbes. Il s’agit de combattre le sentiment d’impunité qui anime les fraudeurs.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le sentiment d’impunité est déjà combattu par le texte, qui divise par deux le seuil constitutif de l’habitude de fraude. Certes, on peut toujours chercher à aller plus loin, mais il me semble que le texte actuel est raisonnable et qu’il serait disproportionné de considérer que trois fraudes constatées dans l’année font de l’usager un délinquant.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CL17 de M. Gérald Darmanin.

M. Daniel Gibbes. Cet amendement vise à décourager les fraudeurs d’habitude, qui estiment que voyager sans titre de transport, au risque de se voir dresser parfois une amende, reste plus rentable que de voyager en règle.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Il n’est pas possible de conserver une trace des contraventions acquittées dans la mesure où la transaction fait disparaître l’infraction : le contrevenant acquittant à la fois le montant de l’amende et le prix du billet dont il aurait dû être muni, il est en règle dès lors qu’il s’acquitte sur le champ des sommes qui lui sont demandées. Même le bulletin numéro 2 du casier judiciaire ne tient pas le décompte des condamnations pour des peines contraventionnelles : seul le fait le bulletin numéro 1, qui n’est consultable que par l’autorité judiciaire et qu’il n’est pas envisageable de rendre accessible aux agents de la SNCF ou de la RATP.

La Commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La Commission est saisie de l’amendement CL30 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à remédier à une difficulté. Lorsque des agents assermentés de l’exploitant du service de transport constatent une infraction par voie de procès-verbal mais que le contrevenant refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, seul l’officier de police judiciaire territorialement compétent, immédiatement alerté, peut ordonner que le contrevenant soit retenu afin que soit procédé à une vérification d’identité. Or, l’OPJ n’est pas toujours joignable instantanément. Il est donc proposé de créer un nouveau délit, constitué par le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur pendant qu’il rend compte à un OPJ. Un cas de fuite serait alors un délit flagrant, permettant de mettre en œuvre des mesures coercitives à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL31 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à compléter l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de sanctionner les mutuelles de fraudeurs, auxquelles il est désormais possible d’adhérer via internet pour une cotisation modique pour se couvrir contre le risque d’amende pour avoir circulé sans titre de transport valable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL14 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement prévoit que lorsqu’un voyageur n’est pas en mesure de présenter un titre de transport valide, les agents de contrôle sont habilités à demander au contrevenant de justifier de son identité et, en cas de refus qu’ils peuvent faire appel aux forces de police.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable pour les raisons déjà exposées.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 (art. L. 2241 2 1 [nouveau] du code des transports ; art. L. 113 et L. 166 E [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Instaurer un droit de communication entre transporteurs et administrations pour limiter la fraude

La Commission examine l’amendement CL38 du président.

M. le président. L’article 9 de la proposition de loi ne mentionne pas si la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est applicable au fichier de données personnelles qu’il propose de créer. Sa rédaction laisse entendre que non, ce qui paraît malvenu dans une perspective de protection des droits fondamentaux et des libertés publiques : rien ne justifie que les actions des transporteurs publics pour identifier les fraudeurs s’inscrivent à l’extérieur d’un cadre légal, par ailleurs unanimement reconnu comme performant et adapté.

En conséquence, le présent amendement propose de soumettre explicitement le fichier créé à l’article 9 aux dispositions de la loi « Informatique et libertés ». Il aura notamment pour conséquence la consultation obligatoire de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur la rédaction du décret en Conseil d’État portant autorisation de constitution, le contrôle de cette même CNIL sur les modalités d’utilisation du fichier, et l’application de sanctions administratives et pénales en cas de violation constatée des obligations du gestionnaire du fichier.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission examine l’amendement CL15 de M. Gérald Darmanin.

M. Daniel Gibbes. Cet amendement vise à adapter la législation pénale aux évolutions des méthodes des contrevenants pour renforcer le dispositif de lutte contre la fraude dans les transports. Il prévoit ainsi de créer un nouveau délit afin de lutter contre les mutuelles qui incitent à la fraude en promettant de payer l’amende en lieu et place des contrevenants, moyennant une cotisation mensuelle.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait par l’amendement CL31 adopté précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

M. Philippe Goujon. J’aimerais formuler une observation générale. Le texte que nous venons d’examiner est utile et opportun – on ne voit d’ailleurs pas bien pourquoi son examen, initialement prévu il y a quatre semaines, a été reporté, puisque peu d’éléments supplémentaires lui ont été apportés après les attentats –, et nous allons, bien sûr, le voter. Mais je regrette que, alors que notre groupe a fourni un travail approfondi, rencontrant nombre d’opérateurs, et malgré l’état d’esprit ouvert et unitaire qui est censé nous animer tous, aucun de nos amendements n’ait été adopté. Le rapporteur a simplement consenti à dire que certains d’entre eux étaient satisfaits, ou prétendument satisfaits… C’est d’autant plus dommage que nombre d’éléments de ce texte essentiel sont issus de propositions que nous formulons depuis bien longtemps, ici reprises – et c’est tant mieux ! – par la majorité et le Gouvernement.

M. Guillaume Larrivé. Au nom du groupe Les Républicains et à la suite de Philippe Goujon, je regrette vivement, en particulier, le rejet de l’amendement CL35.

Cet amendement visait à répondre à une attente très forte des opérateurs de transport et de la présidente de la RATP elle-même qui, lorsque le président Christian Jacob, Éric Ciotti et moi l’avons reçue, a appelé l’attention du législateur sur la nécessité de munir les opérateurs d’outils permettant de lutter contre l’infiltration d’individus très dangereux, radicalisés, présentant une menace grave pour l’ordre public, et qu’il faut donc absolument écarter de certains postes, comme ceux de conducteur de métro et d’agent de surveillance.

Nous ne comprenons pas pourquoi cet amendement a été rejeté. Nous nous efforçons depuis des mois, et plus encore depuis quelques semaines, de faire avec vous un bout de chemin en matière opérationnelle, concrète, pour mieux protéger nos concitoyens ; mais dès que nous formulons une proposition efficace, réfléchie, sérieuse, juridiquement solide – sa rédaction est sans doute perfectible mais n’est-ce pas l’objet de la navette ? –, vous l’écartez ! Nous ne pouvons que le regretter s’agissant d’un sujet aussi essentiel.

M. le rapporteur pour avis. Il est faux de dire que vos amendements n’ont pas été pris en considération : dans la plupart des cas, nous avons adopté des rédactions similaires et la plupart de vos demandes ont été satisfaites. En voici la preuve s’agissant des quatre principales.

En ce qui concerne les mutuelles de fraudeurs tout d’abord, notre amendement ne se distingue du vôtre que par le quantum de la peine sanctionnant la création d’un collectif de fraudeurs : six mois d’emprisonnement, quand vous proposiez cinq ans. Vous avez donc été entendus.

S’agissant ensuite du port d’armes, vous souhaitiez autoriser policiers et gendarmes à porter leur arme de service dans les transports en commun en dehors de leurs heures de service. Cet amendement est satisfait – et ces mots ne sont pas une simple formule : il a été annoncé au lendemain des attentats du 13 novembre que la mesure serait mise en œuvre par voie de circulaire, au-delà du seul cadre de l’état d’urgence puisqu’elle pourra être prolongée. Cela confirme qu’elle est d’ordre réglementaire et non législatif.

Troisièmement, vous proposiez d’interdire l’accès aux trains à toute personne qui refuserait de se prêter à une fouille. C’est précisément le sens de l’un de mes amendements, qui a été adopté.

Enfin, vous n’étiez pas là lorsque nous en avons discuté, monsieur Larrivé, mais…

M. Guillaume Larrivé. J’étais en séance publique pour poser une question au Gouvernement, et il est assez difficile d’être à la fois au four et au moulin ! Cela tient à l’organisation de nos travaux.

M. le rapporteur pour avis. Ne prenez pas mal ma remarque. Elle n’avait rien d’une accusation. Simplement, comme vous n’étiez pas là, je me permets de répéter mes arguments pour que vous en preniez connaissance.

Votre amendement CL35 était intéressant et utile, compte tenu de l’actualité, des inquiétudes qui se sont exprimées et, comme vous l’avez dit, des demandes formulées par la RATP et par la SNCF. Mais il aurait débouché sur la délivrance d’une habilitation à plus de 200 000 agents, ce qui paraissait démesuré. Par mon amendement CL27, qui a été adopté, je proposais un criblage plus précis, avec l’accord de la SNCF et de la RATP elles-mêmes : il s’agissait d’étendre la possibilité d’enquêtes administratives à certaines fonctions sensibles – aiguilleur, chargé de la sécurité des systèmes d’information ou conducteur d’engins – sur demande de l’opérateur. Votre amendement aurait pu avoir pour conséquence de soumettre à une enquête administrative le recrutement du guichetier qui vend les billets : est-ce bien nécessaire ?

M. Guillaume Larrivé. Oui !

M. le rapporteur pour avis. Dans ce cas, c’est une divergence de fond qui nous oppose. Je ne suis pas favorable à ce que l’on soumette à habilitation des centaines de milliers, voire des millions de Français. Le ministère de l’Intérieur ne pourrait d’ailleurs pas absorber une telle masse de travail et risquerait un engorgement que nous voulons précisément éviter. Si l’on va par-là, de nombreuses professions devront être soumises à habilitation. Ce n’est pas la société que nous souhaitons.

M. Guillaume Larrivé. Il existe deux différences majeures entre l’amendement CL27 et ce que nous proposions. La première est purement formelle : elle concerne le champ des personnels à habiliter, qu’il incombera en réalité au Gouvernement de définir puisque l’amendement renvoie à un décret en Conseil d’État. En revanche, la seconde, essentielle, nécessitera que votre texte soit corrigé au cours de la navette. Elle porte sur les modalités de retrait de l’habilitation. Aux termes de votre amendement, seuls le recrutement et l’affectation peuvent être subordonnés à une habilitation, alors que le nôtre en permettait le retrait afin que la mesure puisse s’appliquer au stock, et non au seul flux des nouveaux agents. Il faudra donc absolument améliorer la rédaction pour que le dispositif soit pertinent et efficace.

M. Gilles Savary. Je voudrais rassurer nos collègues de l’opposition. En rédigeant le texte, nous n’avons obéi à aucun esprit de système : loin de chercher à contredire par principe leurs positions, nous nous en sommes beaucoup inspirés sur divers points, s’agissant d’un sujet délicat qui doit nous rassembler autant que possible.

Gardons-nous, au demeurant, de laisser croire à nos concitoyens que des mesures législatives suffiront pour approcher le « risque zéro » dans les transports. Il faudra aussi mobiliser beaucoup de moyens, d’abord financiers, pour pouvoir recruter des personnels supplémentaires et installer des dispositifs – même si nous ne partons pas de rien : il y a déjà 510 caméras dans la seule gare du Nord, surveillée jour et nuit, et nombre de gares françaises sont déjà équipées. Toutefois, cela n’a pas empêché les agressions.

J’aimerais répondre précisément à nos collègues sur plusieurs points afin de leur montrer que nous ne divergeons pas quant au fond.

Vous proposez d’abaisser de dix à trois le nombre de récidives permettant de caractériser le délit d’habitude en matière de fraude. En cas de recours, une telle mesure serait très certainement invalidée pour non-respect du principe de proportionnalité. En effet, on a vite fait de récidiver trois fois en douze mois : un jour on a oublié son titre de transport, un autre jour on prend très vite le train sans ticket parce que le temps manque, une autre fois la machine s’enraye. Le chiffre de cinq récidives me paraît donc être un minimum. Pour pouvoir parler de fraude d’habitude, il faut plusieurs occurrences. J’ai d’ailleurs déposé un amendement tendant à comptabiliser désormais dans les cas pris en considération ceux où l’on a payé l’amende forfaitaire après le contrôle, puisque la première intention du voyageur était bien de ne pas payer.

Vous avez également déposé un amendement sur l’usurpation d’identité. Celle-ci est, par définition, très difficile à vérifier. L’un des gros problèmes auxquels se heurtent la SNCF et la RATP est précisément l’impossibilité pour leurs agents de procéder à une vérification d’identité, prérogative de l’officier de police judiciaire. L’amendement CL30 rectifié de votre rapporteur pour avis déplace le problème en jouant sur le moment où un individu se refuse au relevé d’identité. Actuellement, l’agent de sûreté ne peut rien faire pour retenir cette personne en attendant l’officier de police judiciaire ; or seules 43 % des demandes d’ordre adressées aux OPJ aboutissent. Aux termes de l’amendement CL30 rectifié, le fait de se soustraire à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur constitue un délit ; il y aura alors flagrant délit, ce qui permettra à l’agent de sûreté, comme à toute personne, de retenir l’individu.

Nous nous situons ici sur la « ligne rouge » entre les prérogatives de l’OPJ et celles des agents de sûreté. Mais si nous ne remédions pas à ce problème, nous aurons fait bien peu – à moins de faire entrer tous les agents de sûreté de France et de Navarre dans la police judiciaire ! J’ai travaillé sur ce point avec le procureur Molins, entre autres. Tout le monde convient qu’il y a là une faiblesse. J’ai déposé un autre amendement qui limite à une heure la durée de rétention dans l’attente de la réponse de l’OPJ. La transition de l’agent de sûreté à l’OPJ est cruciale, car elle ménage le passage au contrôle et à la vérification d’identité pour lesquels l’agent de sûreté n’est pas habilité.

En ce qui concerne le criblage, nous sommes tout à fait d’accord avec l’esprit de votre amendement. Plusieurs amendements ont été déposés à ce sujet, par vous et par nous. Le ministère de l’Intérieur approuve lui aussi entièrement le principe, mais demande une analyse plus précise car nous manquons de recul. Il est essentiel que l’on puisse habiliter les personnels entrants, mais aussi ceux qui sont déjà en fonction – on a découvert à l’occasion des derniers attentats la radicalisation d’un agent de la RATP. Mais la trame du tamis n’est pas encore précisée. Actuellement, la SNCF et la RATP ont tendance à confier au ministère de l’Intérieur la gestion de leurs ressources humaines : c’est excessif. Nous devons donc affiner l’approche. Peut-être le Gouvernement nous demandera-t-il d’ailleurs en séance de différer l’application de cette disposition, car il travaille sur ce sujet à un texte qui concerne, au-delà des transports publics, tous les services et points sensibles du territoire.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions de la proposition de loi modifiées.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

—  Mme Marietta Karamanli, rapporteure sur la proposition de résolution européenne sur le programme européen de sécurité (n° 3290) ;

—  Mme Marie-Jo Zimmermann rapporteure, en application de l’article 29-1 du Règlement, en vue de l’audition de M. Pascal Brice, dont le renouvellement est proposé par le président de la République aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

—  M. Dominique Raimbourg et M. Patrick Devedjian, rapporteurs de la mission d’information relative à la réforme de la procédure pénale à la suite du rapport présenté par M. Jacques Beaume en juillet 2014 ;

—  M. Christian Assaf, M. Erwann Binet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc Dolez, M. Guy Geoffroy, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Pascal Popelin, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Alain Tourret, M. Jacques Valax, M. Patrice Verchère, membres de la mission d’information tendant à évaluer l’efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels.

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La séance est levée à 10 heures 25.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Luc Belot, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Guillaume Garot, M. Philippe Goujon, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Jean-Jacques Urvoas

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Sergio Coronado, M. Carlos Da Silva, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Gibbes, M. Gilles Savary, M. Lionel Tardy