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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 13 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Communication sur le contrôle parlementaire des mesures prises pendant l’état d’urgence

– Examen du projet de loi pour une République numérique (n° 3318) (M. Luc Belot, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

La séance est ouverte à 9 h 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La commission entend d’abord une communication sur le contrôle parlementaire des mesures prises pendant l’état d’urgence.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cette communication sur le contrôle parlementaire des mesures prises pendant l’état d’urgence est la deuxième que Jean-Frédéric Poisson et moi-même vous présentons.

Cette tâche de contrôle nous paraît – comme à vous tous, je crois – indispensable, mais elle est délicate à accomplir dans le bruit de l’immédiat. Nous avons pu le constater au cours de nos six semaines de travail.

Ce travail, mené à partir des outils que nous avions élaborés, a pris différentes formes. D’abord, un effort très important, dont je tiens à remercier les administrateurs présents, de recueil et de collecte des données que les ministères de l’Intérieur et de la justice nous adressent régulièrement et que nous publions de manière hebdomadaire. Les chiffres que vous pouvez trouver sur le site internet de l’Assemblée ne sont pas ceux, publiés tels quels, que nous recevons du Gouvernement : les services les retravaillent et les croisent avec d’autres pour s’assurer de leur fiabilité.

Ensuite, nous avons continué d’interroger le Gouvernement sur les mesures prises : 66 courriers ont été adressés, portant sur 41 départements différents. Le taux de réponse du ministre de l’Intérieur, de 92 %, est tout à fait remarquable, et je l’en remercie.

Jean-Frédéric Poisson et moi-même avons également effectué huit déplacements. Outre le Val-de-Marne, nous nous sommes ainsi rendus, durant la suspension des travaux parlementaires, dans le Rhône, l’Yonne, le Nord, l’Ille-et-Vilaine, l’Hérault, la Haute-Garonne ; et, cette nuit, nous étions à la préfecture de police de Paris.

Parallèlement, nous avons commencé d’organiser des auditions, et nous allons continuer de le faire.

Compte tenu du rôle confié par la loi aux juridictions administratives, il nous a d’abord paru nécessaire de recueillir l’analyse du vice-président du Conseil d’État et du président de sa section du contentieux, ainsi que celles des représentants syndicaux des magistrats administratifs.

Naturellement, nous avons aussi entendu, pour le ministère de l’Intérieur, les responsables des services du renseignement Intérieur, la direction centrale de la police judiciaire, ainsi que les responsables des instances de coordination de la lutte antiterroriste – l’unité de coordination de la lutte antiterrorisme (UCLAT), et l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT). La direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice a également été auditionnée.

Enfin, lundi dernier, nous avons organisé deux tables rondes avec les responsables départementaux des forces de police, d’une part, et de gendarmerie, d’autre part, pour neuf départements au total.

Toutes ces auditions se sont tenues à huis clos, vu la sensibilité des sujets abordés, mais donneront lieu à des comptes rendus qui seront publiés, en tout ou en partie, à l’issue de nos travaux. En revanche, ainsi que je l’ai indiqué le 2 décembre, les débats en commission, comme celui d’aujourd’hui, sont bien sûr publics.

Voici les observations que nous pouvons formuler sur le fondement de nos constatations.

Premièrement, l’usage des mesures administratives est contrasté.

Parmi les treize mesures qui sont à la disposition du Gouvernement, dont cinq issues des modifications apportées en 2015, certaines n’ont pas du tout été utilisées. C’est notamment le cas du blocage des sites internet provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, et du placement sous surveillance électronique mobile des personnes assignées à résidence. En ce qui concerne la première de ces deux mesures, cela s’explique probablement par sa proximité avec le dispositif introduit par la loi du 13 novembre 2014 dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Toutefois, nous continuons de chercher pourquoi cette mesure, comme celle relative au placement sous surveillance électronique, n’a pas été mise en œuvre. L’administration n’aurait-elle pas anticipé la faisabilité réelle de ces dispositifs issus d’amendements parlementaires ? Sont-ils tout simplement inapplicables ? Inutiles ? Nous aurons besoin d’étudier ces questions de plus près.

D’autres mesures prévues par la loi du 3 avril 1955 ont été ponctuellement mises en œuvre par les préfectures. D’abord, la faculté de créer des zones de protection, dont nous avons identifié cinq utilisations : à Dunkerque, dans la gare de Lille, et dans trois départements d’Ile-de-France pendant la COP21. Ensuite, la remise d’armes des catégories A à D détenues légalement. Troisièmement, la fermeture provisoire de salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion, qui a par exemple concerné le Zénith de Paris – à la demande des organisateurs d’ailleurs. Enfin, le couvre-feu a été instauré une fois à ma connaissance, dans le quartier des Champs-Plaisants, à Sens, dans l’Yonne. Nous sommes toujours en attente d’informations nous permettant de dresser un inventaire complet du recours à ces mesures.

Par ailleurs, nous avons relevé que l’état d’urgence était mentionné dans les visas de plusieurs décisions préfectorales et ministérielles concernant des mesures qui pouvaient être prises sur d’autres fondements juridiques que la loi de 1955. Ainsi de l’interdiction de la vente d’alcool décidée par le préfet du Nord, mais aussi par le préfet de police de Paris ; de l’arrêté ministériel limitant les déplacements de supporters de clubs de football pour la dix-neuvième journée de championnat de ligue 1 et de ligue 2, le 11 décembre 2015 ; enfin, de l’interdiction préfectorale frappant la vente d’articles pyrotechniques dans le Bas-Rhin entre le 29 et le 31 décembre. Il conviendra d’en préciser les raisons.

Enfin, trois mesures ont été massivement utilisées : les perquisitions administratives – 3 021 ont été organisées, selon le décompte provisoire qui nous a été fourni hier soir par le cabinet du ministre de l’Intérieur –, les assignations à résidence – 381 ont été signées, selon la même source – et les interdictions de manifester.

Comme le ministre de l’Intérieur l’a précisé le 2 décembre, ces dernières ne doivent viser « en aucun cas à empêcher les mobilisations citoyennes ou sociales, dont les attentes et revendications doivent bien évidemment pouvoir s’exprimer ». Nous ne pouvons pour l’instant vous faire état d’un recensement exact de ces mesures. Le ministre nous a indiqué, dans une réponse datée du 26 décembre, qu’il avait demandé à tous les préfets de prendre des arrêtés d’interdiction de manifestation pour les trois premiers jours de la COP21, soit les 28, 29 et 30 novembre et que, au regard du travail que cela imposerait à ses services, il ne ferait pas procéder à un recensement des manifestations ayant effectivement eu lieu mais qu’il nous garantirait une réponse au cas par cas.

C’est donc un point sur lequel nous allons poursuivre nos investigations, d’autant que, comme nos déplacements et nos courriers nous ont permis de le constater, les préfets savent exactement quelles manifestations se déroulent dans leur département ; or celles qui nous intéressent sont peu nombreuses. En outre, les cas déjà étudiés le montrent, la connaissance de l’usage de cette mesure est très utile pour nourrir la réflexion globale sur l’état d’urgence.

La mesure principale est la perquisition administrative. Rappelons qu’au cours des 57 jours qu’a duré l’état d’urgence en 2005, il n’y en avait eu qu’une dans les 26 départements concernés. C’est la mesure plus commentée par la presse, qui, faisant son travail, relate des interventions parfois spectaculaires, souvent nocturnes, ainsi que par les associations et les avocats, qui en contestent des modalités qu’ils estiment abusives, pointant également des « erreurs manifestes dans le choix des cibles ».

Notre contrôle a donc porté sur la méthodologie utilisée.

Je soulignerai en premier lieu l’efficacité de la coordination préfectorale. De tous les acteurs concernés par la mise en œuvre de l’état d’urgence, les préfectures se sont révélées les mieux préparées à l’état d’urgence. Les préfets et leurs équipes se sont organisés pour piloter le ciblage, signer les ordres de perquisition et contrôler l’action des services placés sous leur autorité.

Il est vrai que, en ce qui concerne la coordination des services, beaucoup d’outils existaient déjà ; ils ont été davantage sollicités pendant l’état d’urgence – donnant ainsi raison à Pasteur, pour qui « le hasard ne profite qu’aux esprits préparés »... C’est le cas des états-majors de sécurité qui, partout, ont accéléré le rythme de leurs réunions, mais aussi des groupes d’évaluation départementaux de la radicalisation (GED), qui ont fait gagner beaucoup de temps aux responsables locaux des services de sécurité, en particulier dans le ciblage des individus.

Deuxième observation, illustrée par les graphiques qui vous ont été communiqués : le recours aux perquisitions administratives s’est concentré dans les premières semaines de l’état d’urgence. Ainsi, selon les données les plus récentes et les plus complètes dont nous disposons, au cours des sept jours qui ont suivi les attentats, 907 perquisitions ont été organisées, soit près du tiers des 2 975 dont nous connaissons la date d’exécution ; et, au cours des deux premières semaines, ce sont 58,7 % des perquisitions qui ont été conduites.

Ces perquisitions se sont déroulées pour moitié – 50,4 % exactement – de nuit, une possibilité qui les distingue notablement des perquisitions judiciaires. Selon nos interlocuteurs, le choix d’une intervention nocturne résulte essentiellement d’une précaution tactique pour les forces de sécurité permettant de jouer pleinement de l’effet de surprise lorsque la cible est réputée dangereuse, ou d’opérer plus discrètement lorsque la zone est connue pour ses désordres. Mais il a aussi pu être justifié par la disponibilité plus grande des unités ou des techniciens, notamment les techniciens informatiques chargés de procéder aux copies d’ordinateurs. Nous constatons que la proportion de perquisitions nocturnes reste stable alors même que l’effet de surprise s’est estompé, que les cibles prioritaires se raréfient et que les unités spécialisées interviennent moins fréquemment : depuis le 30 novembre, la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) et le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ne sont presque plus engagés. En outre, nous avons relevé que, dans quelques départements, les préfets ont choisi de ne pas ordonner d’interventions la nuit ; les volumes de perquisitions y sont pourtant quantitativement comparables.

J’en viens au ciblage des perquisitions.

Contrairement aux assignations à résidence, les perquisitions administratives sont décidées par les préfets. Une organisation déconcentrée très spécifique a donc été mise en œuvre, qui réunit systématiquement la sécurité Intérieure, le renseignement territorial, la direction de la sécurité publique du département et la gendarmerie nationale, mais aussi la police judiciaire et le parquet. Je répète aujourd’hui ce que je disais le 16 décembre : nous avons constaté partout une très bonne coopération opérationnelle entre les parquets et les préfectures, quelle que soit la taille du département. Partout, on nous a fait l’éloge de la « synergie » ou de la « dynamique de concertation » entre les deux institutions. Le parquet de Lille a même installé une permanence dédiée à l’état d’urgence pour être encore plus réactif.

Globalement, selon nos calculs, la moitié des perquisitions a été conduite à partir d’éléments venant des services de renseignement – renseignement territorial et sécurité intérieure. Ce sont souvent ces objectifs qui ont été traités au cours des deux premières semaines et avec l’appui des forces spécialisées d’intervention. Selon nos interlocuteurs, ces perquisitions avaient pour but de déstabiliser le microcosme radicalisé, d’éviter des répliques d’attentats tirant profit de l’effet de sidération immédiatement consécutif au 13 novembre et de s’assurer que les individus concernés n’avaient pas échappé à des procédures judiciaires antiterroristes. Depuis la période de fin d’année, nous n’observons pas de demandes nouvelles de ce type.

En ce qui concerne l’autre moitié des perquisitions, presque toutes réalisées à l’initiative des services de sécurité publique, les objectifs sont nettement moins prioritaires. Dans certains cas, le rattachement à l’islam radical passe par une inscription au fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), administré par l’UCLAT et qui comprend des personnes d’inégale dangerosité. Pour d’autres perquisitions, les objectifs poursuivis concernaient très explicitement des infractions aux législations sur les armes et sur les stupéfiants, soit du droit commun. Leur justification tient alors à la porosité, souvent évoquée, entre radicalisation, terrorisme et économie souterraine.

En ce qui concerne le déroulement de ces perquisitions, s’il est concevable, et même logique, que le Parlement cherche à connaître les conditions matérielles de leur mise en œuvre, il nous a été concrètement impossible de nous livrer à leur étude. Au demeurant, un tel exercice aurait nécessairement été partiel. Nous avons de surcroît estimé qu’il relevait de la mission constitutionnelle du Défenseur des droits, dont la compétence est totale en matière de déontologie des forces de sécurité. Nous comptons tout de même faire état dans notre rapport final des circulaires et messages rédigés par les directions générales de la police et de la gendarmerie nationales et établissant les modalités concrètes de déroulement des perquisitions. Tous font état de la rigueur déontologique à respecter et précisent les responsabilités hiérarchiques engagées.

En ce qui concerne les assignations à résidence, dont le pilotage était local, elles avaient pour vocation, selon nos interlocuteurs, à restreindre la liberté de circulation des personnes visées et à limiter leur capacité à se mettre en relation avec d’autres personnes considérées comme dangereuses, dans un contexte où les forces de l’ordre sont très mobilisées. Le Conseil d’État a validé cette approche extensive, puisqu’il a admis une distinction entre le fondement de la déclaration de l’état d’urgence et les motifs des assignations à résidence. De facto, il a estimé que, si le législateur n’avait pas voulu qu’il en soit ainsi, il aurait dû préciser qu’il doit toujours y avoir un rapport entre la situation à laquelle on applique le droit et, sinon l’objet, au moins sa finalité.

On notera cependant avec étonnement que certaines assignations ont été abrogées à la dernière minute, avant la décision du juge administratif saisi. Au total, dix-sept assignations ont été abrogées. On peine à interpréter cet empressement qui oblige le juge à prononcer un non-lieu sur le contentieux présenté devant lui.

J’en viens justement au contentieux.

La loi du 20 novembre 2015 a fait du juge administratif le garant de la nécessité et de la proportionnalité des mesures prises en application de l’état d’urgence, à la place des commissions départementales ad hoc, inadaptées, que prévoyait initialement la loi de 1955. Le nombre de contentieux est significatif, mais limité : 62 affaires ont été jugées par les tribunaux administratifs ; 53 d’entre elles concernent des assignations à résidence. Le juge a prononcé six suspensions, une suspension partielle et une annulation. À la suite de ces jugements, quinze affaires ont été portées devant le Conseil d’État ; vous en trouverez l’issue dans les éléments que nous vous présentons sur table.

Il convient d’abord de relever que les premières ordonnances rendues par les juges de première instance sont très disparates, au point de donner un sentiment d’improvisation. Mais il faut surtout souligner la prise de position, aussi bienvenue qu’indispensable à l’effectivité de l’office du juge, qu’ont représenté les décisions du Conseil d’État du 11 décembre, instituant un régime de présomption d’urgence – ce que la jurisprudence passée du Conseil d’État n’annonçait pas.

Le juge constitutionnel a par la suite validé le régime des assignations à résidence que nous avons voté. Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a en effet jugé conformes à la Constitution les neuf premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, relatifs au régime des assignations à résidence et modifiés en novembre. Le dixième alinéa, dont la conformité n’a pas été contrôlée, concerne le placement sous surveillance électronique. Le Conseil constitutionnel a ainsi confirmé une nouvelle fois qu’il appartient au juge administratif, chargé de se prononcer sur la légalité des mesures individuelles, de procéder au contrôle de proportionnalité.

Quant à la justice judiciaire, la loi du 3 avril 1955 a qualifié d’infractions tous les manquements aux mesures prises au titre de l’état d’urgence. Cela concerne le non-respect d’une assignation à résidence ou encore la violation d’une interdiction de circuler ou de séjour. Les infractions constatées sont peu nombreuses : 41 affaires ont donné lieu à 40 gardes à vue et des poursuites judiciaires ont été engagées dans 21 cas.

Rappelons aussi que les procureurs sont informés sans délai du déclenchement d’une perquisition administrative, laquelle est obligatoirement conduite en présence d’un officier de police judiciaire, seul habilité à constater les infractions éventuellement découvertes et à procéder aux saisies en vue de poursuites judiciaires. Un cinquième des perquisitions a permis de constater des infractions, qui n’ont débouché sur des suites judiciaires que dans 201 cas.

Tous nos interlocuteurs ont souligné, d’une part, la grande continuité entre les opérations de police administrative et le déclenchement des poursuites judiciaires lorsque le cas se présentait, et, d’autre part, la très grande différence d’objectifs entre perquisitions administratives et perquisitions judiciaires. La perquisition administrative a pour objet principal de permettre à l’autorité administrative de réunir des éléments qui, croisés avec d’autres, sont de nature à prévenir un trouble à l’ordre public. Elle n’a donc pas vocation à conduire systématiquement à une procédure judiciaire. La perquisition judiciaire a, elle, pour unique objet de permettre à la police et à la gendarmerie, sous l’autorité d’un magistrat, de rechercher les preuves d’une infraction. Bref, pour parodier les propos de Mauriac sur l’Allemagne, j’aime tellement les libertés publiques que je préfère qu’il y ait plusieurs juges pour les protéger …

Mais, pour parvenir à un fonctionnement optimal, il faut que les prérogatives des deux polices soient scrupuleusement respectées et que leurs frontières ne soient pas mouvantes : à la police administrative la seule prévention, à la police judiciaire la répression.

Pour conclure – provisoirement –, à ce stade du contrôle et de notre réflexion, trois évidences s’imposent.

La première est la nécessité de ces mesures. La proclamation de l’état d’urgence était justifiée : le Président de la République et le Gouvernement se devaient d’adopter des mesures à la fois fermes et efficaces face à la menace terroriste.

Mais accorder à une législation d’exception une fonction préventive, c’est faire de la norme et de l’exception les deux branches d’une alternative. Or la législation d’exception est une véritable dérogation, qui ne peut être justifiée que par l’évidence. Comme le disait notre prédécesseur le vicomte de Martignac à la Chambre des députés, le 8 juin 1824 : « Les nécessités réelles se sentent et ne se controversent pas ». Le grand dérangement qu’entraînent les législations d’exception ne peut donc être que bref et sans séquelles.

La seconde évidence est la lecture nécessairement restrictive qu’il convient de faire de cette législation, en raison de son caractère exceptionnel. C’est là un principe constant de notre droit qui donne toujours une interprétation étroite à une législation d’exception, principe qu’exprime la règle exceptio est strictissimae interpretationis. Adoptée pour faire face à une menace imminente, une législation d’exception doit être limitée au strict nécessaire, ciblée avec suffisamment de précision et seulement temporaire. En conséquence, il faudra veiller à ce que les procédures gloutonnes permises par l’état d’urgence ne viennent pas dévorer le droit commun des libertés.

La troisième et dernière évidence concerne la fin de l’état d’urgence. Y entrer était une décision consensuelle ; en sortir sera un acte délicat à prendre – rappelons que le plan Vigipirate est activé, sous des formes diverses, depuis les attentats commis dans la station de RER Saint-Michel en juillet 1995. J’espère donc que, dans ce domaine aussi, nous ferons preuve de responsabilité le moment venu. L’arrêt de l’état d’urgence ne sera pas synonyme d’une moindre protection des Français.

L’essentiel de l’intérêt que l’on pouvait attendre des mesures dérogatoires me semble à présent derrière nous. Partout où nous nous sommes déplacés, nous avons entendu que les principales cibles et les principaux objectifs avaient été traités, qu’en tout état de cause l’effet de surprise était largement estompé et que les personnes concernées étaient désormais pleinement préparées à une éventuelle perquisition. Cette extinction progressive de l’intérêt des mesures de police administrative se lit d’ailleurs dans les chiffres mêmes, qui montrent bien plus qu’un essoufflement. Le doyen Hauriou l’écrivait en 1929, les mesures administratives constituent un « droit de seconde qualité » et devront donc disparaître à l’expiration de l’état d’urgence.

Réagir efficacement à un attentat terroriste en donnant à l’État des moyens proportionnés à l’ampleur de la menace imminente était une chose ; cela a été fait, et bien fait. Combattre le terrorisme en profondeur en sera une autre. (Applaudissements.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Je partage bien sûr entièrement le point de vue que vient d’exposer notre président. J’aimerais l’appuyer ou le compléter par les remarques suivantes.

Premièrement, je confirme la diligence avec laquelle les services ministériels et ceux du Défenseur des droits fournissent à ceux de notre commission – que je remercie au passage – les éléments demandés, malgré les délais de traitement administratif des courriers. Globalement, nous constatons partout la même bonne volonté. C’est elle qui nous permet de vous tenir informés le plus précisément possible, ce matin comme tout au long de la période d’état d’urgence.

Deuxièmement, j’aimerais signaler ce qui est apparu comme une évidence au cours de nos entretiens : d’une part, la très étroite coopération entre les services ; d’autre part, l’attention accordée par les préfets aux modalités des interventions, en particulier lors des perquisitions. Quelques inquiétudes se sont exprimées à propos de la manière quelque peu sèche, quelque peu énergique, dont sont opérées les perquisitions. Or, chaque fois que nous avons posé des questions sur les modalités d’intervention, leur surveillance, la présence ou non de hauts gradés lors des opérations, on nous a confirmé que les choses ne se faisaient pas n’importe comment et que les préfets avaient donné des consignes strictes encadrant précisément la manière d’entrer dans les domiciles perquisitionnés. Je crois pouvoir dire qu’il y a là un motif de satisfaction : la pratique a rendu infondées les craintes légitimement exprimées au début de l’état d’urgence.

Troisièmement, et plus généralement, plusieurs d’entre nous ont été questionnés à diverses reprises sur le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques pendant l’état d’urgence. Cette demande concernait notamment les mesures d’assignation à résidence. Dans les situations dont nous avons eu à connaître ou à propos desquelles nous avons interrogé nos interlocuteurs, il ne m’a pas semblé que des dérives pouvant constituer des atteintes aux libertés publiques aient été constatées.

Lors de l’épisode, qui a fait couler un peu d’encre, de l’assignation à résidence de « militants » écologistes pendant la durée de la COP21, certains ont critiqué la manière dont on aurait utilisé le dispositif de l’état d’urgence pour prendre des mesures sans rapport avec le terrorisme. Nous aurons certainement ce débat, monsieur le président, lorsqu’il s’agira de sortir de l’état d’urgence le moment venu. Cela dit, la formulation de la loi est large et permet ce genre d’interventions même lorsqu’elles ne sont pas directement liées au terrorisme. En outre, nous avons pu prendre connaissance du profil des personnes visées par ces mesures : dans certains cas, il s’agit très clairement d’agitateurs et de casseurs, voire de délinquants récidivistes, bien plus que de simples militants. Le risque de perturbation de l’ordre public était donc réel. Je me tourne vers ma collègue Nathalie Appéré, dont la région est concernée : il n’y a eu là aucun abus de la part des services de la police et de l’administration, mais simplement des mesures préventives. Certes, du point de vue des principes du droit, la question de l’utilisation de l’état d’urgence à titre de prévention reste posée.

Cette absence d’atteinte aux libertés fondamentales depuis le début de l’état d’urgence est d’ailleurs confirmée par les décisions des juridictions, qui, dans l’immense majorité des cas, ont validé les mesures prises par l’administration.

S’agissant en quatrième lieu des milieux pénitentiaires – à propos desquels le président Urvoas utilise souvent, au cours des entretiens, le qualificatif d’« incubateur » du terrorisme, emprunté à Gilles Kepel –, nos interlocuteurs signalent presque systématiquement deux aspects. D’abord, la bonne relation de travail entre les services de renseignement et l’administration pénitentiaire. Ensuite, la porosité des prisons vis-à-vis des technologies de communication, en particulier de l’internet, qui pose un véritable problème. Celui-ci existe en dehors de l’état d’urgence, mais prend une acuité particulière dans la période actuelle, et doit être réglé. On nous a même raconté qu’un détenu dangereux placé à l’isolement était parvenu à donner une interview à un journal étranger !

Un mot de la sortie de l’état d’urgence, sur laquelle nous avons conclu hier soir notre rencontre avec le préfet de police de Paris. L’enjeu est le passage de relais entre la justice administrative et le juge judiciaire. Cette transition pose deux questions. La première, culturelle, a été soulevée plusieurs fois dans le cadre des entretiens, et rappelée à l’instant par Jean-Jacques Urvoas : l’articulation est-elle possible alors qu’il ne s’agit pas du même métier ? En second lieu, comment, malgré ces différences, faire en sorte que les procédures entamées sous le régime administratif se poursuivent dans le cadre habituel sans fragiliser la sécurité des Français ?

J’en terminerai par l’information des élus, qui a suscité des questions dès nos premiers échanges. En règle générale, les préfets ont réuni dans les départements les maires et les parlementaires pour les informer des mesures prises pendant l’état d’urgence. Mais nous constatons que cette information est d’une densité extrêmement variable d’un département à l’autre. Des parlementaires de Seine-Saint-Denis, en particulier, ont fait part de leur grande insatisfaction : ils ne s’estiment ni tenus au courant de la mise en œuvre de l’état d’urgence ni associés alors même que ce département peut à bon droit être considéré comme particulièrement sensible dans le domaine qui nous occupe.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je vous félicite, monsieur le président, de ce document d’un très grand intérêt et d’une excellente tenue, en particulier dans sa conclusion, à propos de laquelle j’aimerais faire deux observations.

La seule – légère – critique que je formulerai à l’endroit de cette belle conclusion, dont j’approuve le principe, résulte de son caractère quelque peu prématuré : que se passerait-il si – ce qu’à Dieu ne plaise – d’autres attentats avaient lieu dans notre pays d’ici au 26 février ? Personne, évidemment, ne songe à se placer dans cette perspective sinistre, mais nous devons être conscients du fait que les cartes pourraient alors être rebattues. On ne saurait donc conclure trop hâtivement à propos de la coupure entre l’état d’urgence, état d’exception, et l’état normal de nos institutions.

La qualité du contrôle exercé, la largeur du champ balayé, la précision des observations formulées, le niveau des réponses obtenues du Gouvernement militent pour que le principe du contrôle parlementaire soit inscrit dans le futur projet de loi constitutionnelle sur l’état d’urgence. Les membres de notre commission des Lois devraient s’accorder sans grande difficulté sur un texte permettant d’enrichir en ce sens le projet gouvernemental.

Enfin, vous-même, monsieur le président, et M. Poisson vous donnerez-vous un peu de temps après le 26 février, afin de dresser le bilan final de l’état d’urgence avec suffisamment de recul ? Nous sommes conscients du fait que cela requiert de votre part un grand investissement et beaucoup de travail. Mais ce décalage temporel aurait l’intérêt de nous permettre d’honorer concrètement, après être intervenus sur une question majeure de principe, le devoir parlementaire d’évaluation des politiques publiques, tenant ainsi les deux bouts de la chaîne.

Merci encore pour ce très beau rapport.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous ne devrions pas avoir trop de mal à inscrire le contrôle parlementaire dans le texte constitutionnel, en effet.

M. Guillaume Larrivé. La note de synthèse que vous nous avez présentée, monsieur le président, soulève trois questions. La première porte sur le nombre et les modalités des assignations à résidence : seules 381 mesures de ce type ont été prises, alors que les déclarations du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur indiquent que plusieurs milliers d’individus sont dans le champ des « radars », si j’ose dire, des services de renseignement, en particulier ceux d’entre eux qui sont inscrits au fichier des personnes recherchées pour atteinte à la sûreté de l’État ou pour faits de radicalisation. Pourquoi si peu ? Quels critères de criblage ont été utilisés pour aboutir à n’assigner que ces personnes-là ?

Deuxième préoccupation : le placement sous surveillance électronique des personnes assignées, introduit en novembre 2015 dans la loi de 1955, est tout à fait inopérant. Nous l’avions, à l’époque, déjà dit en commission puis dans l’hémicycle lors de l’examen de l’amendement, adopté à l’initiative du Gouvernement, qui conditionne ce placement à l’accord des individus qui, de surcroît, doivent déjà avoir été condamnés pour acte de terrorisme. Manifestement, ce dispositif ne fonctionne pas puisqu’il n’a pas été appliqué une seule fois depuis son entrée en vigueur. Sans doute faut-il envisager une évolution législative pour l’améliorer. Si le recours au bracelet électronique constitue dans certains cas une modalité pratique utile du renforcement de l’assignation à résidence, comme nous le pensons puisque nous avons voté en faveur de cette mesure, il faut néanmoins qu’il soit applicable.

Enfin, vous nous apprenez, monsieur le président, que quarante-trois adresses de sites internet ont fait en 2015 l’objet de blocages en application de la loi antiterroriste que nous avons adoptée en 2014. À l’échelle de l’internet et face à l’ampleur de la diffusion de la propagande, ce nombre semble faible. Surtout, il semble que le dispositif spécial adopté dans la loi de 2015 sur l’état d’urgence soit complètement inopérant, puisqu’il n’a donné lieu à aucun blocage de site internet djihadiste. Là encore, une évolution juridique est sans doute souhaitable pour rendre cette mesure plus efficace.

M. Georges Fenech. Je m’associe aux félicitations qui sont faites aux deux auteurs de cette précieuse note d’information.

Vous avez distingué, monsieur le président, entre le juge judiciaire et le juge administratif, le premier étant selon vous répressif tandis que le second est préventif. Je ne partage pas ce point de vue : le juge judiciaire ne se réduit pas à son rôle répressif. Aux termes de l’article 66 de la Constitution, l’autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle ».

Mon inquiétude, qu’il faudra vérifier lors de la sortie de l’état d’urgence, est celle-ci : la presse se fait l’écho d’un projet de loi de réforme de la procédure pénale qui, dit-on, devrait être défendu par Mme Taubira – mais à cet égard, rien n’est sûr ces temps-ci… Même si nous n’en sommes pas officiellement informés, ce projet de loi, qui serait en cours d’examen par le Conseil d’État, prévoirait, semble-t-il, de transférer aux préfets un certain nombre de pouvoirs judiciaires qui sont loin d’être anodins, notamment le pouvoir d’ordonner des fouilles de véhicules et de bagages et de procéder à des assignations à résidence – toutes mesures directement attentatoires aux libertés individuelles alors même que l’état d’urgence aurait été levé. La magistrature, de la base au sommet de sa hiérarchie, s’inquiète comme elle ne l’a jamais fait de cette forme de dépossession de l’autorité judiciaire – qui, répétons-le, demeure le garant de la liberté individuelle.

Souhaitons que le virage sécuritaire de la gauche ne se transforme pas en sortie de route ! J’entends bien votre souci – qui est aussi le nôtre – de protéger la sécurité des Français, mais il ne faut pas pour autant piétiner les fondements de notre démocratie, en particulier le pouvoir judiciaire.

M. Sébastien Pietrasanta. Je salue à mon tour ce remarquable travail de contrôle parlementaire. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président, un tiers des perquisitions administratives ont eu lieu pendant la première semaine d’état d’urgence, et 58% au cours des deux premières semaines. Les personnes que nous avons auditionnées ces derniers jours ont convenu que, dans leur grande majorité, les perquisitions effectuées aux premiers jours de l’état d’urgence ont été efficaces, en particulier grâce à l’effet de surprise. En revanche, certains individus perquisitionnés au-delà de cette période initiale attendaient la police et avaient anticipé la perquisition de leur domicile en nettoyant leurs ordinateurs ou en faisant disparaître leurs téléphones – sans doute des armes et des matériels de propagande ont-ils également été déplacés. L’un de ces individus avait même effacé toutes les données de son ordinateur, ne laissant par provocation que les mots « état d’urgence » dans son moteur de recherche. Une telle préparation ne risque-t-elle pas de mettre en difficulté nos services de renseignement et n’a-t-elle pas déjà limité l’efficacité de certaines perquisitions ?

M. Éric Ciotti. Je vous remercie, monsieur le président, pour la qualité du travail que vous avez accompli avec M. Poisson, dont la synthèse pourrait tenir en un constat, que vous avez fait : il n’y a pas de dérive de l’état d’urgence.

S’agissant de l’assignation à résidence de certains professionnels de l’agitation à la veille de la COP21, je pense à titre personnel que ce fut une erreur. Ne mélangeons pas ce sujet avec l’objectif de l’état d’urgence, qui vise à lutter contre le terrorisme et à protéger les Français – même si l’on peut comprendre que le recours à la procédure d’assignation à résidence se soit en l’espèce justifié pour ne pas disperser les moyens des forces de l’ordre, déjà engagées contre le terrorisme. Je persiste néanmoins à croire que la lutte contre le terrorisme est un sujet tout à fait distinct de la lutte contre des agitateurs professionnels, dont le caractère nuisible n’est plus à démontrer par ailleurs.

Une fois le constat dressé comme vous venez de le faire, se pose la question de la nécessité de prolonger l’état d’urgence. Si j’ai bien compris votre conclusion, monsieur le président, vous appelez aujourd’hui à son interruption. Je ne partage pas ce point de vue. Lors de l’examen du projet de prorogation de l’état d’urgence, j’avais défendu un amendement portant sa durée à six mois. Compte tenu de la menace, ce délai me semble nécessaire. Les faits qui se sont produits avant-hier à Marseille et la semaine dernière à Paris démontrent que nous assistons à une série de répliques du séisme du 13 novembre qui activent des esprits à très forte dangerosité. Il ne faut donc pas baisser la garde, bien au contraire, car la menace est là. Les procédures de l’état d’urgence ont été utiles et demeures indispensables ; je souhaite qu’il demeure possible d’y recourir au moins pendant cette période de six mois.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je vous remercie à mon tour, monsieur le président, ainsi que M. Poisson, pour votre implication sur cette question fondamentale. J’ai également pris note de la diligence avec laquelle les services ont collaboré à vos travaux.

À la fin décembre, j’ai eu l’occasion d’appeler votre attention sur les observatoires que certains organes de presse comme Mediapart, L’Obs et Le Monde ont créés pour dénoncer d’éventuelles dérives. Avez-vous été directement informé de telle ou telle dérive par voie de presse ? D’autre part, le nouveau bâtonnier de Paris, que nous avons rencontré récemment, nous a alertés non pas sur des dérives concernant des individus en particulier, mais sur des mesures administratives prises hors du champ de la lutte contre le terrorisme. En avez-vous été informés ?

M. Alain Tourret. La qualité évidente des travaux de notre président et de M. Poisson démontre que le contrôle politique est inséparable de la protection des libertés. À bien y réfléchir, il constituait l’un des éléments de la révision de 2008, à l’occasion de laquelle a été introduit un contrôle de l’usage des dispositions de l’article 16 de la Constitution. Il devrait dès lors être l’une des priorités de la prochaine inscription de l’état d’urgence dans la Constitution.

De ce point de vue, je préfère parler d’état de nécessité plutôt que d’état d’urgence. Le premier n’est pas encadré dans le temps ; le second, si. Je vous renvoie à la thèse très convaincante de Geneviève Camus, L’État de nécessité en démocratie, qui permet de pérenniser telle ou telle mesure.

Qui est le garant de la liberté individuelle ? Aujourd’hui, la magistrature judiciaire est meurtrie. Ce qui se dit de réunion en réunion dans les assemblées générales des cours d’appel doit au moins être entendu, à défaut d’être pris en compte. S’il fallait distinguer entre prévention d’un côté et répression de l’autre, ne faudrait-il pas alors procéder à une réforme d’ensemble du statut de la magistrature et de celui du parquet ? Avant-hier encore, la procureure générale près la cour d’appel de Caen ne disait pas autre chose : dans ces conditions, il faut repenser de fond en comble les missions de la magistrature administrative et celle de la magistrature judiciaire. J’ai toujours été convaincu que la magistrature administrative est l’une des garantes des libertés, mais une scission sans doute trop simpliste est en train de s’opérer. En tout état de cause, s’il fallait confier l’ensemble des mesures de prévention à la magistrature administrative, il faudrait sans doute réviser la Constitution, et non pas seulement la loi. Il s’agit d’une rupture profonde avec nos traditions. Je n’y suis pas opposé, mais tout doit être mis sur la table. La magistrature judiciaire s’est toujours considérée comme la protectrice des libertés, ce que ne revendique pas la magistrature administrative.

M. Patrick Mennucci. Je vous félicite, monsieur le président, pour vos travaux, d’une qualité telle qu’ils ont été reçus par des applaudissements, pourtant rares dans notre commission. Sur l’utilisation des mesures prévues par l’état d’urgence dans des cas ne relevant pas directement de la lutte contre le terrorisme, M. Ciotti ne semble pas avoir compris que nos forces de sécurité étaient dispersées lors de la COP21. Il est pourtant contradictoire de rappeler, à longueur de déclarations, que les forces mobiles de police et de gendarmerie sont trop sollicitées, par exemple pour des gardes statiques, sans comprendre que l’état d’urgence nécessitait alors d’éviter tout affrontement avec les black blocks qui, eux, le recherchaient. Bien au contraire, les mesures prises pendant la COP21 étaient absolument indispensables, même si elles n’entraient pas dans le cadre de la lutte contre DAECH, car elles ont permis de ne pas perturber l’organisation de la police de surveillance et d’appliquer correctement les mesures de l’état d’urgence. On se trompe donc en isolant les mesures prises à l’encontre des manifestants contre la COP21.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie, monsieur le président, pour le nécessaire et utile travail de contrôle parlementaire que vous avez accompli avec M. Poisson.

Il s’est produit dans le département où je suis élue des manquements concernant la porosité des frontières, même si les Mosellans se rendant au Luxembourg ont bien compris les quelques ralentissements qui se sont produits à la frontière. Après la fin de l’état d’urgence, cependant, comment les services des douanes effectueront-ils leurs contrôles et ces contrôles, qui sont utiles, se poursuivront-ils ? J’ajoute qu’il n’a pas toujours été procédé à ces contrôles avec la rigueur nécessaire, ce que j’avais signalé à l’époque au préfet de région.

Ma deuxième question est plus préoccupante encore : vous venez, monsieur le président, de nous alerter – comme nous le sommes régulièrement – sur la porosité du milieu carcéral. Chacun est conscient de cette situation qui ne date ni de l’état d’urgence, ni du début de cette législature, mais qui est plus ancienne encore. Dans les circonstances de l’état d’urgence, il est indispensable sinon de légiférer, en tous cas de prendre des mesures rigoureuses dans le milieu carcéral. Je suis surprise, en effet, d’entendre parler çà et là de porosité alors que rien n’est fait !

M. Dominique Raimbourg. Je m’associe, monsieur le président, aux félicitations qui vous sont adressées ainsi qu’à M. Poisson pour votre travail qui montre combien ce contrôle parlementaire s’est révélé pertinent et fructueux. Il prouve en effet l’efficacité de l’état d’urgence, qui a produit des résultats – même si nous ne sommes évidemment pas à l’abri de tout. Nous avons néanmoins apporté une réponse importante. Par ailleurs, vos travaux démontrent que l’état d’urgence n’est pas liberticide. Certes, des mesures exceptionnelles ont été prises mais, rappelons-le, elles n’ont pas donné lieu à des atteintes disproportionnées aux libertés. Nous avons conservé le contrôle parlementaire et juridictionnel des choses, et notre réaction à l’attaque que nous avons subie a été particulièrement adaptée non seulement sur le plan des principes, mais aussi en termes d’efficacité.

Enfin, évitons de nous écharper sur la question de la sortie de l’état d’urgence, qui est difficile, à l’évidence. Gardons-nous de penser que tous les individus inscrits sur un fichier sont particulièrement dangereux ; des nuances sont à faire. Il s’agit d’y inscrire les personnes que l’on souhaite surveiller, sans forcément devoir prendre des mesures à leur encontre. Quant à l’idée de prolonger l’état d’urgence, elle ne me semble pas acceptable, car nous n’arriverons alors jamais à en sortir. La menace terroriste perdurera. Nous pouvons, le cas échéant, envisager de renforcer l’arsenal des mesures préventives dans le cadre du droit commun, mais déclencher une polémique sur la prolongation de l’état d’urgence contribuerait à rompre l’unité nationale que nous recherchons suite à ces attaques terroristes.

M. Sébastien Huyghe. Je m’associe, monsieur le président, aux abondants remerciements qui vous ont été adressés. Lors de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, les préfets ont reçu les députés et les maires de chaque département pour leur expliquer l’application des mesures. Ces réunions se sont poursuivies de manière contrastée selon les départements : régulières ici, épisodiques ou inexistantes là. Il me semble nécessaire d’harmoniser cette pratique, et souhaitable que les préfets de chaque département rassemblent les élus, qui dialoguent constamment avec nos concitoyens, pour faire un point d’étape avant même la sortie de l’état d’urgence sur les mesures qui ont été prises.

L’évolution des mesures dans le temps révèle comme l’indique votre rapport, monsieur le président, que l’effet de surprise s’est estompé. Cela étant, il s’est estompé très rapidement : au terme de la première semaine ou des quelques premières semaines de l’état d’urgence, toutes les personnes susceptibles d’être concernées avaient pris des dispositions pour dissimuler ce qui devait l’être. Or, après la sortie de l’état d’urgence, elles pourront ressortir ce qu’elles voulaient cacher aux autorités – les armes, en particulier. Même si les mesures d’urgence sont désormais moins nombreuses qu’au début de la période, il est peut-être utile de maintenir l’état d’urgence dans la durée pour conduire des investigations plus approfondies qui permettront de trouver ce qui a été caché.

M. Sergio Coronado. Comme tous nos collègues, je vous adresse, monsieur le président, mes remerciements les plus vifs pour le travail que vous avez accompli en faveur du contrôle parlementaire de l’état d’urgence.

Vous avez indiqué que l’intérêt des mesures d’urgence était pour l’essentiel derrière nous, l’effet de surprise s’étant considérablement estompé. Faut-il y voir une manière de plaider en faveur de la levée de l’état d’urgence, ou est-ce une fausse impression ? Sur cette question, en effet, la parole du président de la commission des Lois est primordiale.

La question de l’assignation à résidence de militants écologistes n’est pas anecdotique. Le débat préalable à la réforme constitutionnelle devra établir si la prorogation de l’état d’urgence que nous avons adoptée visait uniquement à lutter contre le terrorisme ou également à maintenir l’ordre public. De ce point de vue, l’éviction du juge judiciaire est très problématique.

Enfin, le rapport que vous nous présentez évalue les opérations de police administrative. Or les effets de l’état d’urgence ne se limitent pas à cela. Plusieurs parlementaires ont été saisis pour savoir si des fonctionnaires dont la dangerosité n’a pas été jugée probante et qu’il n’a pas été décidé de poursuivre, d’interroger ou de surveiller davantage bien qu’ils fassent l’objet d’une « fiche S », auraient néanmoins fait l’objet de mesures purement administratives de mutation, voire de « placardisation ». Compte tenu du nombre très élevé de mesures prises, ce point doit donner lieu à une évaluation afin que nous soyons pleinement informés.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Les raisons juridiques qui compliquent l’utilisation du bracelet électronique, Monsieur Larrivé, sont notamment liées à une décision du Conseil constitutionnel de juillet 2015 qui prévoit l’obligation de consentement de l’intéressé et de sa condamnation antérieure à une peine privative de liberté. Dans ces conditions, cette mesure n’a jamais été utilisée pendant l’état d’urgence. Cela étant, le Conseil d’État étudie aujourd’hui même une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet. D’autre part, monsieur le député, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur la pertinence de telle ou telle assignation à résidence, mais nous avons examiné les raisons pour lesquelles la mesure avait été prise ici ou là. Plusieurs interlocuteurs nous ont expliqué que l’assignation n’était pas adaptée à tous les cas : certains individus, en effet, sont sous surveillance, et les assigner à résidence reviendrait à le leur révéler. On déstabiliserait ainsi la surveillance même du réseau autour duquel est susceptible de graviter l’intéressé. En clair, il a été fait un usage assez fin de cette capacité d’entrave, puisque tel nous a semblé être l’objet principal des mesures d’assignation, qui visaient surtout à nuire aux capacités de communication des personnes – lesquelles pouvant souvent privilégier un déplacement, les écoutes s’étant au fil du temps révélées peu fructueuses.

L’information que je vous ai donnée concernant le blocage des sites internet m’a été transmise hier soir : nous constatons que le dispositif utilisé n’est pas celui de la loi de 2015, mais celui de la loi de 2014. Il faudra en élucider les raisons.

Je n’ai pas fait la distinction entre juge administratif et juge judiciaire, Monsieur Fenech, mais entre police administrative et police judiciaire, ce qui, dans mon esprit, n’est pas la même chose.

Concernant les contrôles frontaliers, madame Zimmermann, le code des douanes donne aux douaniers des pouvoirs autrement plus intrusifs que ceux qui sont prévus dans le cadre de l’état d’urgence. Une fois celui-ci levé, ils pourront donc poursuivre leur travail avec la même efficacité.

J’en viens à la sortie de l’état d’urgence. Tout d’abord, les mesures n’ont pas épuisé tous leurs effets potentiels, même s’il semble que l’essentiel de ce que l’on pouvait prendre l’a été. Je ne plaide aucunement pour la levée de l’état d’urgence dès aujourd’hui ; il se prolongera jusqu’à la fin du mois de février. Il me paraissait néanmoins relever de notre responsabilité de poser la question de la manière dont nous en sortirons. À ce stade, les différentes mesures mises à la disposition des autorités administratives ont été utilisées de manière pertinente et modulée. La question se posera néanmoins le 26 février. Or, chacun sait que la « guerre » contre le terrorisme n’est pas un blitzkrieg, mais une guerre longue qu’il faudra mener avec les armes du droit commun. La législation d’exception était utile car nous faisions face à un péril imminent. Le péril est toujours là, constant, et le dire n’est pas chercher à gouverner par la peur mais seulement prendre conscience de notre responsabilité, y compris celle de réfléchir aux outils qu’il nous faudra utiliser demain. Il faudra alors tirer les leçons de l’usage qui a été fait des mesures de l’état d’urgence, mais je prends la législation de 1955 et de 2015 pour ce qu’elle est : temporaire. Elle a été efficace pendant un temps et continuera sans doute à produire des effets jusqu’en février, à mesure que les informations déjà recueillies seront traitées pour, le cas échéant, donner lieu à d’autres mesures administratives. Qu’il n’y ait pas d’ambigüité sur ce point : il serait stupide de suspendre l’état d’urgence à ce stade.

La totalité des 66 démarches que nous avons effectuées par courrier, monsieur Morel-A-L’Huissier, portait sur des cas dont nous avons parfois pris connaissance par la presse, qui en fait – et ne prétend d’ailleurs pas faire autrement – une narration nécessairement partielle puisque très souvent univoque. M. Poisson et moi-même avons dès lors cherché à rassembler des éléments plus approfondis auprès des organes de l’État, et nous avons constaté que ce qui se publie dans la presse ne donne pas un tableau complet de la situation. De ce point de vue, chacun est dans son rôle et seul le juge est apte à constater ou non les abus.

Enfin, monsieur Coronado, les mesures administratives individuelles que vous évoquez ont été prises en dehors du cadre de l’état d’urgence.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. S’agissant de l’efficacité des perquisitions, monsieur Pietrasanta, la courbe représentant l’évolution de leur nombre dans le temps révèle une diminution globale. Les creux apparaissant à intervalles réguliers correspondent tout simplement aux fins de semaine : les perquisitions sont en effet moins nombreuses les samedis et les dimanches en raison de l’organisation normale des services.

Nous avons eu de nombreux échanges sur ce que signifie une perquisition efficace : au fond, lorsqu’une perquisition ne permet pas aux forces de l’ordre de trouver quoi que ce soit, elle est tout de même efficace puisqu’elle accroît leur capacité de renseignement. Il est vrai, d’autre part, que l’opportunité de perquisitionner des cibles qui ne l’ont pas encore été diminue avec le temps. Se pose alors la question de l’utilité d’une prorogation supplémentaire de l’état d’urgence ; à titre personnel, j’en doute.

*

* *

La Commission examine, ensuite, sur le rapport de M. Luc Belot, le projet de loi pour une République numérique (n° 3318).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous en venons à l’examen du projet de loi pour une République numérique, qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier. Nous allons passer directement à l’examen des articles et des amendements, la discussion générale ayant eu lieu quand Mme la secrétaire d’État nous a présenté son texte, le 16 décembre. Je rappelle qu’il ne s’agit pas d’un texte anodin, puisqu’il a été précédé d’une consultation publique ayant donné lieu à plus de 8 500 contributions déposées par plus de 20 000 participants. Plusieurs autorités administratives indépendantes ont donné leur avis, à savoir l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le Conseil national du numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – j’ai d’ailleurs demandé, faisant usage des prérogatives qui sont les miennes en tant que président de commission, la publication de l’avis de la CNIL, qui n’était pas automatique, car il me semblait logique que cet élément soit versé au débat public. Trois commissions de notre assemblée se sont saisies pour avis – j’en remercie les rapporteurs Émeric Bréhier, Hélène Geoffroy et Corinne Erhel. La commission des Affaires européennes a pour sa part désigné Marietta Karamanli pour être rapporteure, et la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, Catherine Coutelle, s’est investie à titre collectif et viendra elle aussi défendre ses amendements.

Le nombre des parties prenantes et celui des amendements – 601 ont été déposés – me conduisent à inviter chacun de vous à faire preuve de concision. À défaut, les délais – en principe plutôt larges – que j’ai prévus pour l’examen de ce texte risquent de ne pas suffire. Dans le même état d’esprit, la Conférence des présidents qui s’est tenue hier a reporté, à ma demande, le délai de dépôt des amendements en séance de vendredi dix-sept heures à samedi treize heures. Enfin, je souhaite la bienvenue à nos collègues non-membres de la commission des Lois à la présente séance, mais je rappelle que seuls les membres de la commission voteront sur les amendements.

TITRE Ier
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR

Chapitre Ier
Économie de la donnée

Section I
Ouverture des données publiques

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL102 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet, non pas d’imposer l’appellation « l’internet » quand d’autres, notamment celle de « réseau de communication publique en ligne », sont proposées dans la législation, mais d’utiliser le mot « internet » conformément à la logique de la langue française. Il ne s’agit pas d’un nom propre, mais d’un nom commun ou ayant vocation à devenir commun compte tenu de la nature de ce qu’il désigne, à savoir un bien commun universel. Je propose donc que le mot « internet » soit écrit sans majuscule et en étant précédé de l’article défini élidé, conformément à la position sur ce point des instances compétentes.

M. Luc Belot, rapporteur. Je remercie M. Martin-Lalande, qui a assisté à un très grand nombre d’auditions au cours des cinq semaines ayant précédé la suspension de nos travaux en décembre, ainsi que l’ensemble des députés qui se sont investis sur ce texte.

Pour ce qui est de son amendement, si je comprends la volonté de normaliser l’appellation de l’internet, il me semble qu’une telle mesure n’a pas vocation à figurer dans le présent texte, mais relève plutôt des prérogatives de l’Académie française. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande. Dans les différentes versions de ce projet de loi et son étude d’impact, émanant du Gouvernement, on a vu le mot « internet » écrit de différentes manières : « Internet », « l’Internet », « internet » et « l’internet ». Si le texte sur la République numérique ne nous fournit pas l’occasion de nous mettre d’accord sur ce point, il sera difficile de trouver une meilleure opportunité législative de le faire. Je maintiens donc mon amendement.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. L’objectif de cet amendement est louable, mais il introduit une définition de l’internet, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi. S’il s’agit simplement de procéder à un lissage relevant de la terminologie cosmétique, cela doit être fait dans tous les cas concernés par le texte, et je suggère que ce travail d’harmonisation soit fait dans les semaines qui viennent, avant la séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL2 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet d’attribuer à l’éducation au numérique le label de « Grande cause nationale » pour l’année 2017. L’éducation au numérique constitue un moyen privilégié de donner à chacun une meilleure maîtrise du monde numérique, ce qui est l’objet même de ce texte. L’attribution de l’agrément « Grande cause nationale » permettrait à l’éducation au numérique de disposer de moyens et d’une exposition médiatique plus importants.

M. le rapporteur. Je suppose qu’il s’agit d’un amendement d’appel puisque, comme vous le savez, l’attribution du label « Grande cause nationale » relève des compétences du Premier ministre, et ne s’effectue qu’au terme d’une campagne d’intérêt public et d’un appel d’offres. En tout état de cause, je vous invite à retirer cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Le lancement par le Président de la République du plan numérique pour l’éducation a marqué la priorité donnée à l’enseignement du numérique à l’école. Ce plan a vocation à se renforcer au cours des années qui viennent avec l’enseignement du code informatique et la création de la grande école du numérique. Si je partage totalement l’objectif que vous poursuivez en voulant défendre ce label, il me paraît compliqué d’introduire dans la loi une proposition ne revêtant pas un caractère normatif.

M. Patrice Martin-Lalande. Au bénéfice de ce qui vient d’être dit par Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement, en espérant qu’il aura l’effet escompté.

L’amendement CL2 est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CL170 de Mme Delphine Batho.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Votre amendement fait apparaître un mot tabou, chère collègue, celui de « rapport » !

M. Philippe Gosselin. Tabou ou totem ? (Sourires.)

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à faire avancer une proposition en train de faire son chemin dans la société, à savoir l’idée d’instaurer un revenu de base universel, inséparable des questions que soulèvent la révolution numérique et les mutations que celle-ci entraîne, notamment en matière de travail.

Le Conseil national du numérique a récemment mené un travail de réflexion sur ce sujet. Dans la perspective du projet de loi sur lequel travaille actuellement la ministre Myriam El Khomri, il est envisagé de mettre à l’étude cette proposition dont le principe commence à être expérimenté dans un certain nombre de pays. Le présent amendement reprend la proposition du Conseil national du numérique sous la forme d’un rapport demandé au Gouvernement, afin de faire avancer le débat au sein de la représentation nationale.

M. le rapporteur. Je vous rejoins sur l’importance de développer une expertise sur ce thème, compte tenu de l’ampleur qu’il prend actuellement. En revanche, comme le président de notre commission, je ne suis pas très favorable aux demandes de rapport : il me semble que notre assemblée dispose de moyens d’action plus efficaces, notamment les missions d’information.

Par ailleurs, l’instauration d’un revenu de base ne me paraît pas être un sujet exclusivement lié au thème de la République numérique. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Sergio Coronado. Nous soutenons l’amendement de Mme Batho. Il est sain que, dans un débat parlementaire de cette importance, nous ne soyons pas totalement hermétiques aux préoccupations de la société – d’autant que l’idée du revenu de base a déjà connu des traductions législatives dans d’autres pays. Certes, il existe d’autres façons de mener la réflexion que celle consistant à rédiger un rapport, c’est pourquoi je veux demander à Mme la secrétaire d’État si elle serait disposée à ce que soit nommé un parlementaire en mission.

Mme la secrétaire d’État. Le revenu de base constitue effectivement un sujet très important, parfois considéré comme une réponse possible à ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » de l’économie. Une proposition en ce sens a été faite récemment par le Conseil national du numérique dans un rapport, et des mesures législatives ont été introduites dans certains pays – c’est le cas en Finlande. La réflexion est engagée au sein du Gouvernement, notamment par la ministre du travail ; des députés y travaillent également, en particulier Christophe Sirugue, qui s’est vu confier la mission de réfléchir à l’efficacité et à la lisibilité de certaines dispositions, notamment celles relatives aux minima sociaux. Sans minimiser l’importance du sujet, je suggère de ne pas multiplier les instances de réflexion.

Mme Delphine Batho. Je veux préciser qu’à mon sens le revenu de base n’est pas une mesure ayant vocation à accompagner l’« ubérisation » de l’économie, ou plus exactement le « précariat », qui n’est autre chose qu’une nouvelle forme de prolétariat. Je salue ce qui a été dit par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État et me félicite de ce que la réflexion commence à s’engager. Je maintiens mon amendement, non parce que je tiens à ce qu’un rapport soit remis au Parlement, mais parce que je souhaite que s’engage un processus correspondant à la méthodologie recommandée par le Conseil national du numérique.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er : Échanges de données entre administrations publiques

La Commission examine l’amendement CL10 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme je le dis lors de l’examen de chaque texte, il convient d’éviter les « neutrons législatifs » comme celui-ci : tel que rédigé, cet article 1er serait l’un des seuls du texte à ne pas être codifié ou inséré dans une loi.

J’estime donc qu’il serait préférable de l’insérer dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Je sais que le Conseil d’État a rejeté cette idée, ce code étant selon lui réservé aux dispositions relatives aux relations entre le public et les administrations. Cette difficulté peut toutefois être contournée en précisant que le CRPA contient également des dispositions relatives aux relations entre les administrations.

M. le rapporteur. Si je partage votre intention de codifier les dispositions du projet de loi, de fait, le code des relations entre le public et l’administration, par son titre même et par son contenu, vise d’abord les relations entre le citoyen et les administrations.

Par ailleurs, je ne vois pas ce qui justifie l’appellation « neutron législatif » : le fait qu’une disposition législative ne soit pas codifiée ne lui retire en rien sa portée normative. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL347 du rapporteur.

Elle étudie ensuite l’amendement CL537 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à instaurer la gratuité des échanges d’informations entre les administrations.

Le texte consacre le droit d’accès des personnes publiques et privées chargées d’une mission de service public. Cet amendement vient le compléter, notamment au regard des conclusions du rapport d’Antoine Fouilleron du 8 décembre 2015, qui montre que les transactions liées aux échanges de données entre administrations publiques prennent une place de plus en plus conséquente – elles ont représenté près de 20 millions d’euros en 2014.

Neuf dixièmes de ces échanges sont le fait de quatre principaux vendeurs de données : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’Institut de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le panorama des acheteurs publics est, quant à lui, beaucoup plus fragmenté : la mission relève entre 900 et 1 400 acheteurs en fonction des années, pour des transactions d’un très faible montant – ainsi, la vente des données démographiques n’a rapporté que 263 euros à l’INSEE en 2012 et celle des bases de données cadastrales 135 euros à la DGFiP en 2014.

Le fondement juridique permet de douter de la régularité des pratiques tarifaires. En effet, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation ne saurait être applicable. Il convient de préciser, puisque cet article ne s’insère pas dans le CRPA, que ce nouveau « droit d’accès » est gratuit.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL405 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Notre proposition, essentielle pour que l’article 1er ait une réalité concrète dans la vie des administrations, consiste à préciser que la communication des documents entre les administrations doit s’effectuer « si possible par voie électronique, dans un standard ouvert et aisément réutilisable ». Il est en effet fréquent qu’un conflit de formats empêche la communication de se faire réellement.

M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif poursuivi par cet amendement et les arguments qui viennent d’être invoqués, mais je considère qu’il serait préférable d’adopter une mesure de coordination plus globale au niveau du CRPA. Je vous invite donc à retirer cet amendement afin que nous puissions le retravailler ensemble avant la séance publique.

M. Christian Paul. Je prends note de cette proposition et je retire l’amendement.

L’amendement CL405 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL538 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans un souci de cohérence, cet amendement vient compléter la création par l’article 1er du présent projet de loi d’un droit d’accès aux documents administratifs pour les administrations, en créant un régime de réutilisation gratuite des informations publiques pour les administrations.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL222 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que les autorités administratives indépendantes (AAI) entrent bien dans le champ de l’article L. 300-2 du CRPA, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs. En effet, contrairement aux autorités publiques indépendantes, les AAI ne disposent pas nécessairement de la personnalité juridique – la question s’est posée au sujet de la CNIL. Il importe donc de s’assurer que cela est bien le cas.

Il s’agit par ailleurs d’une suggestion du Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi.

M. le rapporteur. Les documents des autorités administratives indépendantes devraient déjà être considérés comme des documents administratifs. Si cette précision permettait de lever un doute, je donnerais volontiers un avis favorable, mais il me semble que cet amendement est satisfait. Je vous en demande donc le retrait.

M. Sergio Coronado. En attendant de vérifier ce que vient de dire notre rapporteur, je lui accorde le bénéfice du doute et je retire mon amendement.

L’amendement CL222 est retiré.

La Commission se penche sur l’amendement CL223 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à étendre le champ de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs, aux personnes de droit privé appartenant à des personnes publiques. En effet, à l’heure actuelle, les agents fonctionnaires de la Bibliothèque nationale de France délégués au sein de l’annexe que constitue BNF-Partenariats ne communiquent ni au public ni aux parlementaires les documents relatifs à la conclusion des contrats qui les concernent.

M. le rapporteur. Je vous rejoins complètement quant à l’intérêt démocratique que représente la publicité des documents appartenant au domaine privé de l’État, mais votre rédaction ne me paraît pas complètement satisfaisante. Je vous demande le retrait de cet amendement afin que nous puissions travailler ensemble à une nouvelle rédaction en vue de la séance.

Mme la secrétaire d’État. Je précise que les personnes de droit privé qui appartiennent à des personnes de droit public peuvent déjà être couvertes par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », dès lors qu’elles sont investies d’une mission de service public. Ce n’est pas la définition organique ou institutionnelle de l’entité qui importe ici, mais bien la mission poursuivie. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La notion d’« appartenance » à une personne publique me paraît dénuée de sens. Il faudra trouver une autre formulation.

L’amendement CL223 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL224 de M. Sergio Coronado et CL534 du rapporteur.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à permettre la communication des codes sources, qui doivent être considérés comme des documents administratifs donc communicables. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA signale qu’« un autre apport de ces nouvelles dispositions pourrait consister à lever également, en faveur des intéressés, les obstacles à la communication du code source que peuvent présenter, dans certains cas, les dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6 ». Cet amendement serait cohérent avec la volonté de transparence sur les algorithmes affichée par le présent projet de loi.

M. le rapporteur. Mon amendement vise le même objectif, mais sa rédaction est légèrement différente : pour correspondre exactement à la définition consacrée par la CADA, je propose de parler uniquement de « code-source », et non de « codes source de logiciels ».

M. Sergio Coronado. Je m’y rallie.

Mme la secrétaire d’État. La question des codes-sources et de leur ouverture est un sujet important et récurrent. Comme vous le savez, la CADA a déjà considéré que ces codes entrent dans la catégorie des documents administratifs dès lors qu’ils ont été développés dans le cadre d’une mission de service public. En réalité, l’enjeu pour la communication de ces codes réside dans l’interprétation de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, relatif à l’interprétation des secrets et des protections prévus à cet article. Le Gouvernement est favorable à la fois à l’application de la jurisprudence de la CADA et à une interprétation au cas par cas, tant les situations peuvent être potentiellement complexes.

Cela dit, à l’issue d’un entretien approfondi, le ministre des Finances m’a convaincue que lorsqu’on parle des codes-sources, c’est de l’impôt sur le revenu qu’il est question le plus souvent. Je suis très heureuse de vous annoncer aujourd’hui que Michel Sapin est favorable à l’application de la jurisprudence de la CADA à l’impôt sur le revenu, et qu’il a demandé à son administration de communiquer aux demandeurs à très brève échéance le code de l’impôt sur le revenu pour la dernière année écoulée. Cela représente une avancée très importante pour la transparence de l’action publique et répondra aux attentes de nombreux chercheurs.

En dehors de la décision prise au sujet de l’impôt sur le revenu, le Gouvernement s’oppose à une approche globale qui consisterait à ouvrir la totalité des codes-sources. Je suis donc défavorable à l’amendement proposé.

M. Philippe Gosselin. Le caractère mesuré et raisonnable de la décision prise par le Gouvernement au sujet du code-source de l’impôt sur le revenu – justifié, sans doute, par la crainte de possibles abus de droit – pourrait nous faire oublier qu’il s’agit davantage d’une fermeture que d’une ouverture : quid des autres impôts, notamment de l’impôt sur les sociétés ? Il serait intéressant que le Gouvernement justifie sa position d’une manière plus approfondie en séance.

M. le rapporteur. L’avis rendu par la CADA le 8 janvier 2015 en faveur de la communicabilité du code-source en matière fiscale répond tout à fait à nos préoccupations en matière de transparence. J’ai eu, moi aussi, l’occasion d’échanger avec Michel Sapin à ce sujet, et je suis très favorable à ce que les nouvelles dispositions proposées entrent en vigueur après la campagne des impôts.

L’amendement CL224 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL534.

Puis elle est saisie des amendements identiques CL507 du rapporteur et CL225 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. Aujourd’hui, l’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur, soit par une consultation gratuite sur place, soit – sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document – par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration aux frais du demandeur, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.

Cet amendement prend pleinement la mesure de l’article 4 du présent projet de loi en ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication, conformément à une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs.

En outre, il est nécessaire à la cohérence du projet de loi, dans la mesure où celui-ci prévoit à l’article 8 que la CADA est dorénavant compétente pour les cas de refus de publication.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à simplifier le travail de toute l’administration : au-delà du droit de communication et de réutilisation, il vise à permettre à une personne d’obtenir la publication d’une information en ligne, qui pourrait constituer une alternative plus simple, plus rapide et moins coûteuse qu’une communication. L’amendement permet en fait d’évoluer d’un droit à la communication à un droit à la publication : dès lors que quelqu’un demanderait la communication d’un document, cela s’interpréterait comme le signe que ce document est digne d’intérêt et impliquerait sa mise en ligne systématique, plutôt que d’en rester à un système où l’administration répond à chaque demande de manière individuelle, ce qui lui prend énormément de temps.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui créent une modalité supplémentaire de communication des documents administratifs lorsqu’une personne en fait la demande. Cela ouvre aux administrations une faculté nouvelle et pertinente, puisqu’elle favorise la dynamique de mise en ligne des documents administratifs, conformément à l’esprit du présent projet de loi.

La Commission adopte les amendements.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous venons de créer un article additionnel dans un texte qui en comporte déjà quarante-huit. Je vous invite à la modération, mes chers collègues : à défaut, le rapport de M. Belot risque fort de prendre des proportions démesurées…

Article 2 (art. L.311-3-1 du code des relations entre le public et l’administration) : Droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle

La Commission examine l’amendement CL12 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme la CNIL l’indique dans son avis, le 5° de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », édicte déjà le droit pour toute personne d’obtenir des informations lorsqu’une décision est prise à son égard par le biais d’un traitement automatisé. L’algorithme entrant visiblement dans cette catégorie, nous sommes proches du doublon, mais aussi et surtout de la contradiction entre cet article et l’article 2 du projet de loi. Afin d’éviter cela, je vous propose d’ajouter une référence explicite à l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978.

M. le rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait, dans la mesure où les articles du CRPA et ceux de la loi dite « Informatique et libertés » se rejoignent sur un certain nombre de points – c’est pourquoi le présent projet de loi met en place une instance de dialogue entre les deux autorités administratives indépendantes. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL506 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL4 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je remercie M. le rapporteur d’avoir permis à un certain nombre de députés de suivre les auditions qu’il a menées. Cette mutualisation de l’information me semble une bonne façon de travailler.

Mon amendement a pour objet de rappeler le principe selon lequel aucune décision administrative ne peut être prise sur le seul fondement du traitement automatisé des données.

M. le rapporteur. L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes et des droits des personnes à l’égard des traitements des données à caractère personnel est aujourd’hui régi, pour les personnes physiques, par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le présent article complète ce dispositif en introduisant un nouvel article L. 311-3-1 aux termes duquel, dès lors qu’une personne est l’objet d’une décision administrative individuelle ayant pour fondement un traitement algorithmique, elle peut demander à l’administration de lui communiquer les règles constituant cet algorithme, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre. Cet article ouvre un nouveau droit, en particulier pour les personnes morales, qui ne sont pas dans le champ de l’article 39 de la loi « Informatique et libertés ».

Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande. Je n’ai pas bien saisi quel était l’inconvénient de mon amendement, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. La précision apportée n’apporte rien au nouveau droit créé par l’article 2.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL115 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Si l’administration ne fait pas systématiquement savoir aux intéressés que les décisions qui les concernent ont pour partie été prises sur le fondement d’un traitement algorithmique, le nouveau droit restera virtuel. C’est ce que l’amendement tend à éviter.

M. le rapporteur. De très nombreuses décisions individuelles font intervenir des traitements par algorithmes. Le droit d’accès étant désormais consacré, contraindre toute administration à mentionner cette précision me paraît bien lourd. Je ne suis pas très favorable à cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement juge intéressant cet amendement qui renforce l’effectivité du nouveau droit. Il conviendrait toutefois d’en approfondir la rédaction ; je vous propose donc de le retirer pour le présenter, retravaillé, lors de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL11 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sans même parler du fait qu’il n’est pas toujours productif de s’en remettre à une formule mathématique – par exemple pour trouver des terroristes, comme nous l’avons vu lors du débat sur la loi relative au renseignement –, il faut s’assurer que toute personne ayant fait usage du droit à communication est informée que la décision qui la concerne est fondée sur un traitement algorithmique ; faute de quoi, le nouveau droit resterait virtuel. C’est à quoi tend l’amendement.

M. le rapporteur. Si l’intéressé a fait usage du droit à communication, c’est qu’il sait avoir fait l’objet d’une décision de cette nature. La précision me paraît donc inutile.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement dont M. Martin-Lalande vient d’accepter la réécriture répondra pour partie à votre préoccupation. Je vous suggère d’attendre sa présentation en séance publique.

L’amendement CL11 est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL226 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Ayant donc une chance sur deux que soit le Gouvernement soit le rapporteur se dise favorable à l’amendement, je me lance ! (Sourires.)

À la suite d’une décision du Président de la République, les avis rendus par le Conseil d’État sur les projets de loi sont désormais systématiquement publiés. Il en a été de même pour certaines propositions d’amendements gouvernementaux. L’information des parlementaires et la qualité de la loi en ont été considérablement améliorées. Pour plus de transparence encore, nous proposons par cet amendement d’inscrire dans la loi cette disposition qui marque un très grand progrès en matière d’information et de transparence.

M. le rapporteur. Seuls les avis du Conseil d’État sur les projets de loi sont rendus publics. Je vous suggère donc de retirer l’amendement et de le présenter en séance publique ainsi précisé.

Mme la secrétaire d’État. Il se trouve, monsieur le député, que je partage l’avis défavorable de votre rapporteur...

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL508 du rapporteur est retiré.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai cru comprendre que mon amendement CL103, qui visait à ce que tout projet ou proposition de loi fasse systématiquement l’objet d’une consultation publique en ligne avant son inscription à l’ordre du jour du Parlement, a été déclaré irrecevable pour des raisons financières. Je le déplore et j’aimerais que le débat puisse néanmoins avoir lieu sur une disposition qui permettrait d’associer plus étroitement les citoyens à l’élaboration des lois.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il nous faut examiner 601 amendements. Nous ne saurions en plus débattre de ceux qui ont été jugés irrecevables par le président de la commission des Finances, aux avis duquel je me tiens.

Article 3 (art. L.312–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Mesure de coordination avec le nouveau dispositif sur l’occultation des mentions personnelles et des secrets protégés

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (art. L.312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l’administration) : Élargissement du champ de diffusion des documents administratifs par l’administration

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL619 de la commission des Affaires économiques et CL317 rectifié de Mme Laure de La Raudière.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration dispose que certains documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret en matière commerciale et industrielle ne peuvent être communiqués qu’à l’intéressé. L’amendement précise que ce secret couvre les compétences spécifiques de l’entreprise.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement CL317 rectifié a le même objet mais une rédaction légèrement différente ; je le retire au bénéfice de celui de la commission des Affaires économiques, que j’ai co-signé.

Sur un autre plan, je comprends parfaitement, monsieur le président, votre manière de conduire nos débats, mais je ne peux m’empêcher de penser que la proposition de M. Martin-Lalande tendant à systématiser la méthode de la consultation publique qui a été employée pour ce texte aurait toute sa place dans un projet intitulé « Pour une République numérique » – bien davantage que beaucoup des articles qui y figurent.

L’amendement CL317 rectifié est retiré.

M. le rapporteur. Aux termes de l’article L. 311-6 du code précité, ne sont transmissibles qu’à l’intéressé les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle. La précision proposée par la commission des Affaires économiques étant superfétatoire, je préfère le maintien de la rédaction actuelle.

La Commission rejette l’amendement CL619.

Puis elle examine l’amendement CL620 de la commission des Affaires économiques

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement vise à étendre le champ d’application de l’ouverture des données publiques à celles qui sont susceptibles d’être aisément numérisées.

M. le rapporteur. Il me paraît difficile de déterminer quels critères – techniques ou financiers – déterminent le caractère aisément numérisable d’un document. Je demande donc le retrait de l’amendement, sur lequel j’exprimerai, sinon, un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL529 du rapporteur, CL131 de M. Philippe Gosselin, CL227 de M. Sergio Coronado et CL304 de Mme Laure de La Raudière, ainsi que les amendements CL686 du Gouvernement et CL132 de M. Philippe Gosselin.

M. le rapporteur. Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet, a estimé que « la nature du seuil à partir duquel l’obligation [de publication des données] s’imposerait, lequel serait fixé par rapport à l’effectif de l’administration en cause, n’était pas pertinente au regard de l’objectif poursuivi par cette disposition ». De fait, de petites structures administratives peuvent produire des données très riches. En conséquence, je propose de supprimer le seuil relatif au nombre d’agents d’une administration, que le texte fixe à 250. Mais je constate que le Gouvernement a déposé cette nuit un amendement qui tend à abaisser le seuil à 50 agents.

M. Philippe Gosselin. L’obligation de publication des données est une très bonne chose, mais la faire dépendre de l’effectif de l’administration concernée est contestable – et contesté par le Conseil d’État. Le Gouvernement propose désormais d’abaisser ce seuil à 50 agents ; est-ce vraiment plus pertinent ? La sagesse consisterait à adopter l’amendement CL132, qui tend à fixer le seuil par décret au lieu de le graver dans le marbre de la loi. Nous y gagnerions en souplesse.

Mme Isabelle Attard. Outre qu’il suffit d’un clic pour mettre les données en ligne, conditionner l’obligation de publication à l’effectif des administrations considérées est d’autant moins pertinent que l’intérêt pour la transparence de la vie publique des données qu’elles peuvent mettre à la disposition du public est sans relation avec le nombre de leurs agents.

Mme la secrétaire d’État. Il faut en effet dissocier la taille d’une administration et la qualité des informations qu’elle produit. L’amendement CL686 va dans ce sens, en fixant à 50 agents ou salariés le seuil au-dessous duquel les personnes publiques sont exclues des nouvelles obligations de mise en ligne des données. L’ouverture des données publiques par défaut se fera progressivement, ce qui permettra aux plus petites administrations de s’adapter à leur nouvelle obligation. Opter pour un décret, comme le recommande M. Gosselin, c’est prendre le risque de retarder l’application de la disposition.

M. Philippe Gosselin. La nouvelle proposition du Gouvernement et les amendements de mes collègues traduisent une hésitation manifeste. Je continue de penser que mieux vaudrait fixer un seuil par décret.

M. le rapporteur. En fixant pour le moment à 50 agents le seuil au-delà duquel les administrations sont tenues de publier les données en ligne, l’amendement du Gouvernement ne modifie pas mon opinion sur le bien-fondé du critère lui-même. Mais renvoyer à un décret, comme le propose M. Gosselin, c’est prendre le risque que la barre soit placée largement plus haut. Le seuil de 50 agents me semble un juste équilibre ; je retire donc l’amendement CL529 et me rallie à l’amendement CL686.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement CL227, mais une remarque de méthode s’impose. Les membres de la commission préparent leurs observations en ayant connaissance des amendements du rapporteur ; ils apprennent ensuite que le ministre a déposé au dernier moment, dans la nuit, un amendement relatif à une question importante. Il serait bon que le rapporteur et le Gouvernement se présentent en Commission au terme d’une concertation suffisamment aboutie pour que le travail des commissaires en soit facilité.

M. Philippe Gosselin. Puis-je suggérer au Gouvernement de donner un avis favorable à l’amendement CL132 tendant à ce que le seuil soit fixé par décret, en annonçant d’emblée que le seuil retenu sera celui de 50 agents ou salariés ?

Mme Laure de La Raudière. Je me rallie à l’amendement de M. Gosselin.

Les amendements CL529, CL131, CL227 et CL304 sont retirés.

Mme la secrétaire d’État. La lisibilité et la sécurité de la loi imposent de maintenir l’amendement CL686. Les administrations doivent savoir dès maintenant si la nouvelle disposition leur est applicable, et vous n’ignorez rien du délai de rédaction et de mise en œuvre des décrets d’application des lois. Suivre cette voie retarderait l’ouverture des données publiques voulue par le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Je ne doute pas de la diligence du Gouvernement, et personne, d’évidence, ne sachant déterminer exactement quel seuil est le bon, il serait plus sage de s’en remettre à un décret. Cela permettra de juger à l’usage et de modifier plus aisément ce qui pourrait devoir l’être.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le recours au décret me paraît pertinent. Décidons-en, et faisons en sorte, avant la séance publique, que la disposition soit applicable immédiatement.

Mme Isabelle Attard. Cette suggestion est bienvenue. Aucune étude d’impact ne permet d’apprécier pourquoi il faut un seuil et en quoi il est préférable de le fixer à 50 agents plutôt qu’à 250, 75 ou 25. Le Gouvernement n’a avancé aucun argument qui permettrait de nous éclairer.

Mme la secrétaire d’État. L’abaissement du seuil qui vous est proposé par cette nouvelle rédaction répond au souhait d’une plus grande ouverture exprimé par la grande majorité des membres de votre commission. Dans le même temps, il faut répondre aux préoccupations des élus locaux et des petites collectivités qui redoutent les conséquences de cette obligation nouvelle en termes financiers et d’effectifs, et ne pas mésestimer les difficultés qu’auront les petites administrations au budget réduit à la mettre en œuvre – et, pour cette raison, continuer de fixer un seuil. Je crains que renvoyer la fixation du seuil à un décret n’ait pour effet d’obscurcir la disposition : le risque existe que l’on en vienne à définir des seuils différents en fonction des types d’administration. Il me semble donc raisonnable de fixer dans un premier temps le seuil à 50 agents, puis de faire le bilan de cette mesure. Ainsi donnera-t-on l’impulsion nécessaire sans pénaliser les plus petites administrations.

M. Patrice Martin-Lalande. Par l’amendement CL5, dont je déplore qu’il ait lui aussi été déclaré irrecevable, je proposais de retenir pour critère celui des moyens, tels qu’évalués par la CADA, dont les administrations disposent pour assurer cette mission.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’évolution technique fait que le maintien d’un seuil ne me paraît pas pertinent ; tenir compte des moyens le serait davantage. M. Gosselin propose un bon compromis, adoptons-le.

La commission rejette l’amendement CL686.

Puis elle adopte l’amendement CL132.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL509 du rapporteur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL468 de Mme Anne-Yvonne Le Dain et CL530 du rapporteur.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mon amendement tend à supprimer les mots « dans un standard ouvert aisément réutilisable ». Ainsi garantira-t-on que l’authenticité des documents originaux, tels que mis en ligne par l’administration, ne peut être altérée.

M. le rapporteur. Par « standard ouvert et aisément réutilisable », il faut entendre que le document peut être réutilisé par celui qui le consulte ; le document original demeure inchangé et inaltérable sur le site de l’administration qui l’a publié. Je suggère donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Quant à mon amendement CL530, il vise à ce que les informations mises à la disposition du public lui soient accessibles aisément, mais aussi gratuitement.

Mme la secrétaire d’État. Avant d’aborder ce débat important, je souhaite répondre à M. Coronado. En ma qualité d’ancien membre de votre commission, je suis sensible au fait que le Gouvernement ne devrait pas déposer d’amendements tardivement, et c’est la démarche qui me guide. Le Gouvernement a déposé onze amendements en tout, dont la plupart portent sur le très haut débit ; ils ont été déposés tard car des arbitrages financiers étaient nécessaires. Quant à l’amendement relatif au seuil au-delà duquel l’obligation est faite de publier les informations en ligne, il visait à répondre aux nombreux amendements à ce sujet des membres de votre commission.

J’en viens à l’amendement CL530. La loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques a affirmé le principe de la gratuité, avec des dérogations : les administrations peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu’elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. Lors des débats, le Gouvernement s’était engagé à mener une réflexion avec les principaux organismes concernés – l’INSEE et l’IGN par exemple – pour dégager de nouveaux modèles économiques, car si la gratuité est imposée de manière systématique, il en découlera de très importantes pertes de ressources pour ces organismes publics.

Depuis la promulgation de la loi, ce travail a été mené très activement, avec deux résultats principaux. Les bases de données de l’INSEE, notamment la base de données SIRENE sur les entreprises, vont être ouvertes gratuitement aux réutilisateurs. À l’instar de ce qu’ont fait les Britanniques, le Gouvernement s’est engagé à ce que l’État compense intégralement les recettes ainsi perdues par l’INSEE, soit plus de 10 millions d’euros. Pour la statistique publique, base actualisée plus de 10 000 fois par jour et principale source d’informations pour le secteur économique, la gratuité totale s’est imposée comme la meilleure solution. Des modèles innovants de financement de l’open data ont été mis au point pour l’IGN, qui souhaite que le référentiel à grande échelle soit utilisé sous une double licence : gratuité en cas de « repartage » à l’identique du résultat de l’exploitation des données examinées, ou redevance si le réutilisateur n’accepte pas cette clause. Il en ira de même pour les établissements publics industriels et commerciaux, qui doivent pouvoir continuer à percevoir des redevances pour la partie commerciale de leur mission.

L’amendement de votre rapporteur ne tient pas compte de ces progrès substantiels et ne chiffre pas la perte qu’induirait la gratuité totale. Le Gouvernement invite donc à son retrait, au bénéfice de l’amendement relatif à la gratuité de l’accès aux bases de données de l’INSEE.

M. le rapporteur. Chacun sait mon attachement à la gratuité de l’accès aux données publiques. Je me félicite donc que le Gouvernement ait avancé pour la base de données SIRENE et pour l’ensemble des données statistiques et je vous en remercie, madame la ministre. On est sur le bon chemin mais, vous l’avez compris, je souhaite que l’on aille plus vite et plus loin. Étant donné ce que vous nous avez dit, je ne doute pas que cela sera le cas. Je retire donc l’amendement.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ayant pris acte des assurances du rapporteur, je retire l’amendement CL468. Je demanderai ultérieurement que tout utilisateur de données publiques cite explicitement sources et auteurs. Enfin, j’apprécie la distinction subtile faite par la Mme la ministre entre ce qui relève du service public et ce qui relève des activités commerciales. Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), qui élaborent des données de grande valeur scientifique, technique et morale, sont une force pour notre pays ; parce qu’ils doivent affronter une concurrence nationale et internationale, il ne faut pas, en leur demandant de donner accès à leur fonds, les mettre en difficulté. La prudence avec laquelle vous avez procédé me paraît légitime.

Les amendements sont retirés.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je profite de ce moment pour faire un point de méthode afin que tout le monde se souvienne des règles que nous avons adoptées. Autant nous sommes très compréhensifs à l’égard du Gouvernement quand il dépose, même tard, des amendements aux textes que nous étudions en commission – cinq amendements déposés cette nuit, ce n’est d’ailleurs pas beaucoup –, autant nous sommes hostiles aux amendements déposés entre nos travaux et l’examen en séance. Madame la ministre, j’appelle donc votre attention sur la doctrine de cette commission : si vous déposez des amendements entre l’examen en commission et la séance, ce qui revient à réduire à néant l’utilité de nos travaux, nous voterons contre.

M. Philippe Gosselin. Sévère mais juste !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est l’état d’urgence… (Sourires.) Mais la commission n’est souveraine que pour ses propres travaux !

Mme Laure de La Raudière. Merci de m’accueillir dans cette commission où je découvre cette règle avec intérêt. Est-ce à dire que le Gouvernement ne peut amender le texte de la commission, celui que nous examinons en séance ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nos règles tiennent à un contrat implicite : en général, le Gouvernement s’entend avec sa majorité avant l’examen en commission. Si des amendements interviennent juste avant la séance, c’est une négation du travail du rapporteur qui s’exprime au nom de la commission. Nous souhaitons que cette règle, dont nous avons longuement débattu, continue à être appliquée comme c’est le cas depuis plusieurs mois. En ce début d’année, je voulais le rappeler au Gouvernement. Comme souvent, madame la ministre, les présents paient pour les autres : vous n’êtes pas particulièrement concernée.

M. Guy Geoffroy. Est-ce qu’elle va s’appliquer pour la révision constitutionnelle ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Oui, mais c’est, je le rappelle, le texte du Gouvernement qui sera examiné en séance et non celui de la commission.

M. Lionel Tardy. C’est une excellente règle, que devrait aussi appliquer la commission des Affaires économiques dont je suis membre.

La Commission examine l’amendement CL13 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Avant de défendre mon amendement, et puisque nous parlons d’un texte sur la République numérique, je voudrais signaler que les internautes se plaignent d’avoir du mal à suivre nos débats en ligne, certains d’entre eux allant jusqu’à proposer de réaffecter une partie du budget de la buvette au financement du serveur de streaming de l’Assemblée nationale. (Sourires.) J’ai fait le test : on ne peut pas suivre les débats concernant ce texte important sur le site de l’Assemblée.

Quant à mon amendement, il tend à harmoniser la rédaction de ce texte avec celle qui a été retenue dans la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, dite « loi Valter ». Pour l’open data, nous y avions retenu la formulation suivante : « standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. » Ce n’était pas ma rédaction préférée mais c’est celle que nous avons adoptée il y a à peine un mois dans l’hémicycle et qui figure dans la loi, promulguée le 28 décembre dernier. Dans le présent texte, nous avons une formulation différente car tronquée : il manque l’expression « lisible par une machine ». En harmonisant les deux rédactions, il s’agit d’affirmer que nous sommes bien dans le même cadre.

M. le rapporteur. C’est parfaitement juste. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CL13.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement de précision CL621 de la commission des Affaires économiques, puis les amendements rédactionnels CL375 et CL376 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL622 de la commission des Affaires économiques, CL685 du Gouvernement et CL510 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise deux objets. D’une part, il revient sur la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article L. 312-1-1 nouveau du code des relations entre le public et l’administration, qui autorise une interprétation extensive, sinon intégrale, des données détenues par les administrations et les personnes, publiques ou privées, chargées d’une mission de service public. D’autre part, en supprimant le mot « estimer » dans la rédaction actuelle de l’alinéa 6 du même article, il réduit l’importante marge de manœuvre laissée aux administrations dans la sélection des données pouvant être ouvertes car présentant un intérêt économique, social ou environnemental.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement vise à restreindre l’exception à l’obligation de publication prévue par l’alinéa 3. Cette exception s’appliquerait aux bases de données qui font l’objet par ailleurs d’une diffusion publique dans un standard ouvert aisément réutilisable, alors qu’elle concerne actuellement toutes les bases de données qui font l’objet d’une diffusion publique par ailleurs.

M. le rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui que vient de présenter Mme la ministre. Concernant l’amendement CL622, je suis d’accord avec l’appréciation de Mme la rapporteure pour avis sur la rédaction actuelle, mais la nouvelle proposition du Gouvernement me paraît plus juste. Pour ma part, j’avais le souci de pouvoir demander l’avis de l’administrateur général des données mais, si j’en juge par les discussions que j’ai pu avoir au cours des dernières heures, il semble que ce soit compliqué. Dans tous les cas, il est possible de saisir la CADA pour un refus de publication, et c’est l’un des éléments de nature à garantir l’objectivité des « estimations » des administrations. Cet amendement étant satisfait, je propose que l’on s’en tienne à celui du Gouvernement.

Les amendements CL510 et CL622 sont retirés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rédaction de l’amendement du Gouvernement pose un problème car il ne tient pas compte de l’amendement de M. Tardy que nous venons d’adopter. Pour être cohérent, il faut ajouter « c’est-à-dire lisible par une machine ».

La Commission adopte l’amendement CL685 ainsi rectifié avec l’accord du Gouvernement.

Puis elle examine les amendements identiques CL331 de M. Philippe Gosselin et CL632 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Gosselin. La rédaction trop générale de l’alinéa 6 risque de conduire à la diffusion de données sensibles. Cela étant, je suis assez rassuré par le débat que nous venons d’avoir et je vais retirer cet amendement qui me semble satisfait.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je retire également le mien.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques CL147 de Mme Delphine Batho et CL151 de M. Patrice Martin-Lalande.

Mme Delphine Batho. Ces amendements qui tendent à réécrire l’alinéa 6 soulèvent le même genre de risque que les précédents qui proposaient de le supprimer et, pour ma part, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils seraient satisfaits. Mon amendement reprend d’ailleurs les termes utilisés par Mme Erhel dans son amendement CL622 à l’alinéa 5, qu’elle a également retiré. La rédaction actuelle de l’alinéa 6 est trop restrictive, laissant l’administration seule juge des documents communicables. Je propose de reprendre les termes de l’avant-projet de loi et de rédiger ainsi l’alinéa 6 : « 4° Les données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ».

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit de remplacer l’appréciation subjective de l’administration par des considérations plus objectives : l’intérêt économique, social ou environnemental. Sinon, le texte aura une application limitée puisque la publication des données relèvera du bon vouloir des administrations.

M. le rapporteur. Mon argumentaire est le même que pour les deux amendements qui ont été retirés tout à l’heure. Il s’agit d’objectiver l’estimation. C’est la CADA, en tant qu’autorité, qui sera chargée de le faire et qui pourra être saisie d’un refus de publication. C’est suffisant pour remplir les conditions que vous souhaitez. Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Mme Batho a bien cerné la problématique, autant y répondre aussi directement : l’étude d’impact nous montre qu’il est irréaliste de vouloir imposer la publication de l’ensemble des informations qui présentent un intérêt économique, social ou environnemental car la charge serait extrêmement lourde pour les administrations. Tel que rédigé, le texte permet la saisine de la CADA, qui sera amenée à jouer un rôle de plus en plus important, y compris en amont pour conseiller les administrations qui s’interrogent sur la pertinence d’ouvrir ou non des documents. Cette procédure permet aussi un contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration, ce qui constitue une avancée très importante par rapport à l’état actuel du droit.

Mme Delphine Batho. Que la CADA estime, lorsqu’elle est saisie, de ce qui présente un intérêt économique, social ou environnemental, c’est une chose. Que le texte dise que c’est l’administration qui l’estime, c’en est une autre. Or c’est ce qui est écrit. Avec ce que nous proposons, une administration pourra refuser une publication et, si elle est saisie, la CADA se prononcera sur le point de savoir si les données présentent un intérêt économique, social ou environnemental. Mais dans sa rédaction actuelle, le texte dit autre chose : c’est l’administration qui décide de ce qui présente un intérêt. Faisons attention. La rédaction que je propose permet de répondre parfaitement aux conséquences pratiques que vous évoquez, tout en signifiant plus clairement que la CADA est le juge de paix ; le texte actuel permet à l’administration de faire ce qu’elle veut, ce qui peut avoir des conséquences absolument significatives notamment dans un domaine que je connais bien, celui de l’environnement.

Mme Isabelle Attard. Nous sommes plusieurs à avoir des amendements semblables à celui de Mme Batho, qui concerne bien l’alinéa 6 et non l’alinéa 4. Nous en avons débattu hier en commission des Affaires économiques, et nous avons indiqué clairement que nous ne voulons pas que l’administration, à la fois juge et partie, se retrouve à décider elle-même de l’intérêt de la mise à disposition de ces données. Au moins cinq amendements se réfèrent aux « données dont la publication présente un intérêt économique, social ou environnemental » et non plus au pouvoir d’estimer de l’administration.

M. Philippe Gosselin. J’ai retiré mon amendement CL331 mais, à la lumière de nos derniers échanges, j’ai l’impression que le problème n’est pas complètement résolu. Les amendements soutenus me semblent pertinents.

La Commission rejette les amendements identiques CL147 et CL151.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL104 de M. Lionel Tardy et CL228 de M. Sergio Coronado, ainsi que l’amendement CL81 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Lionel Tardy. Dans le même registre, je vous cite le quatrième critère de libération des données : « les données dont l’administration, qui les détient, estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental ». Sachant que certaines administrations sont réticentes à fournir leurs données, il ne me paraît pas judicieux de les laisser apprécier cet intérêt économique. Plutôt que de les laisser être juge et partie, je propose une rédaction plus objective avec des critères qui pourront être développés dans le décret d’application prévu à cet article.

M. le rapporteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je persiste à penser que la rédaction est un peu compliquée et je bute moi-même sur le mot « estime » depuis plusieurs semaines. Une chose me rassure : la CADA peut être saisie afin de contribuer à rendre accessibles des données qui ne le seraient pas. Je souhaite m’en tenir à cette réalité et à la qualité du travail de la CADA. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements identiques CL104 et CL228.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Par mon amendement, je propose une solution pour remédier au problème du mot « estime » sur lequel vous butez, monsieur le rapporteur. Il s’agit de remplacer « qui les détient, estime » par « qui les détient ou tout autre tiers estiment ». Cette formulation permet de garder le verbe estimer mais en ouvrant le champ des acteurs possibles : davantage de données deviennent communicables dans le cadre des garanties prévues par le texte.

M. le rapporteur. Les tiers que vous souhaitez introduire sont les mêmes que ceux qui pourront saisir la CADA. Cette précision étant inutile, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais votre rédaction oblige à passer par la CADA !

M. le rapporteur. De toute façon ce sera le cas, y compris avec votre rédaction. Les tiers en question n’auront d’autre recours que de saisir la CADA si l’administration estime que les données ne peuvent pas être publiées.

La Commission rejette l’amendement CL81.

L’amendement CL591 du rapporteur est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL146 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je m’interrogeais sur l’absence du mot « sanitaire » dans la liste des critères d’intérêt et je propose de le rajouter.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL146.

L’amendement CL474 de Mme Anne-Yvonne Le Dain est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL511 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous en venons à un nouveau débat particulièrement important : la nécessaire cohérence entre ce texte et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée cet été, dont l’article 106 concerne les enjeux d’open data pour les collectivités. Si nous estimons que des règles différentes doivent s’appliquer, il faut qu’elles soient extrêmement lisibles, compréhensibles. Or, au regard de nos auditions, il semble que les représentants des collectivités n’aient pas totalement intégré – et c’est un doux euphémisme – la portée de cet article 106 de la loi NOTRe. Dès le début des auditions, nous avons insisté sur ce point qui a fait l’objet de nombreux échanges. Mon amendement vise à supprimer l’alinéa 7 mais, compte tenu des complexités qui subsistent, je propose de le retirer afin d’y retravailler d’ici à la séance, en fonction des éléments de réponse de Mme la secrétaire d’État.

Mme la secrétaire d’État. Si le président de la commission m’y autorise, je veux bien retravailler le texte avec le rapporteur. (Sourires.) La question cruciale est la suivante : la politique d’ouverture des données publiques est-elle applicable de la même manière aux administrations de l’État et aux collectivités locales, sans que ne soient fixés des seuils pour ces dernières ? L’article 106 de la loi NOTRe rend applicable, sans aucun seuil, ces obligations d’ouverture des données publiques. Or, depuis l’adoption de ce texte, certains élus locaux nous alertent sur les difficultés de sa mise en œuvre. Il est vrai que bon nombre de collectivités n’ont pas encore pris la mesure de la portée de cette loi NOTRe. Je suis tentée d’accepter la proposition du rapporteur et de poursuivre ce travail notamment avec la ministre en charge de la décentralisation, Mme Marylise Lebranchu, et avec les représentants des collectivités locales, afin que cette question soit abordée avec les principaux concernés.

L’amendement CL511 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL332 de M. Philippe Gosselin.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement qui, à mon avis, n’apporte pas de garantie supplémentaire par rapport au texte du Gouvernement. S’il était maintenu, j’émettrais un avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Je le maintiens, car je ne suis pas sûr que la rédaction actuelle offre les garanties nécessaires.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL377 et l’amendement de cohérence CL378 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CL6 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous proposons d’ajouter le mot « préalablement » après le mot « consenti » à l’alinéa 10. Il s’agit d’empêcher qu’un accord ne soit extorqué, si je puis dire, par une administration qui aurait mis en ligne certaines données sans avoir consulté les personnes concernées, afin de faire pression sur elles. Cet amendement met clairement au point la procédure à suivre.

M. le rapporteur. Dans la rédaction actuelle, les documents comportant des données à caractère personnel ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement rendant impossible l’identification des personnes concernées. Je pense que la précision que vous demandez n’est pas utile et je demande le retrait de votre amendement, à défaut de quoi j’appellerai à son rejet.

La Commission rejette l’amendement CL6.

Elle examine ensuite l’amendement CL229 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA note que l’article 4 maintient « un régime d’interdiction absolue de publication des données personnelles, alors que certaines de ces données, qui n’intéressent ni la vie privée ni la réputation des personnes concernées, ne sont pas exclues du droit à communication, et peuvent, par ailleurs, être utilement diffusées, ce qui est par exemple le cas des organigrammes administratifs ou des documents rendant compte des activités de nombreuses instances administratives qui, dès lors qu’ils mentionnent le nom des personnes qui y interviennent ou permettent de les identifier, comportent des données à caractère personnel ».

C’est pourquoi nous proposons de limiter les informations non communicables à celles qui portent atteinte à la protection de la vie privée ou de la réputation des personnes, afin de limiter les obstacles inutiles au droit de réutilisation.

M. le rapporteur. Je suis très partagé : d’un côté, je suis extrêmement sensible à l’équilibre qui a été trouvé en matière de vie privée ; d’un autre côté, je suis très réceptif aux arguments soulevés. Je penche pour un retrait de l’amendement, mais l’avis du Gouvernement m’éclairera peut-être davantage.

Mme la secrétaire d’État. L’objectif visé, qui correspond à une demande que la CADA a formulée dans son avis sur le projet de loi, est pertinent. La CADA souligne que le droit actuel impliquerait de disposer d’une base légale ad hoc pour la publication des organigrammes des administrations car ces tableaux comportent des données personnelles même si leur publication ne porte pas atteinte à la vie privée. Une distinction est potentiellement possible entre respect de la vie privée et respect des données personnelles.

Pour autant, à ce stade, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement, qui soulève des interrogations juridiques. Nous travaillons sur le sujet avec la CNIL, qui est particulièrement défavorable à ce genre de proposition, redoutant que la protection des données personnelles ne soit mise en cause. En l’état, il semble moins important d’améliorer le régime de publication que le régime de réutilisation de ces données. Nous pouvons continuer à avancer sur le sujet afin d’opérer une distinction entre vie privée et données personnelles.

Mme Isabelle Attard. Notre rédaction est plus précise afin de répondre, par exemple, au problème des organigrammes. On ne peut pas considérer que la vie privée et la réputation d’une personne sont menacées par la publication d’un organigramme où apparaissent son nom et sa photo, qui sont pourtant des données personnelles. Disposer d’un organigramme est fondamental pour qui – usager ou fonctionnaire – veut comprendre l’organisation d’une administration. Il est donc nécessaire d’affiner la rédaction de l’alinéa 10 dans le sens demandé par la CADA. Pourquoi devrions-nous attendre d’autres rédactions ou d’autres discussions alors qu’en étant précis dans ce texte nous pouvons accorder au public des informations nécessaires, dans la mesure où celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée ou à la réputation des personnes concernées ? Les informations sont d’ailleurs fournies par les personnes elles-mêmes. En l’absence de telles modifications, nous pourrions en arriver à des absurdités : la diffusion d’organigrammes avec des photos de personnes dont les noms seraient rayés au feutre.

Mme Delphine Batho. Je suis très réservée face à cette logique, car la réflexion n’est pas mûre. Il faut mesurer ce que l’on peut faire ne serait-ce qu’avec le prénom, le nom ou le visage d’une personne : certains algorithmes peuvent effectuer toute une série d’analyses qui posent des problèmes au regard des valeurs républicaines. Considérer que la protection des données personnelles se limite à la vie privée et à la question de la réputation des personnes serait un recul en matière de protection des droits et des libertés. Je comprends le raisonnement, mais nous devons être prudents, c’est pourquoi je soutiens plutôt l’argumentation de Mme la secrétaire d’État.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL379 et CL380 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CL181 de M. Lionel Tardy et CL230 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Il y a un intérêt à prévoir le libre accès des citoyens à certaines archives publiques – je pense notamment aux documents généalogiques – y compris par le biais de licences. L’alinéa 11 permet pourtant aux administrations de ne pas publier les archives publiques issues des opérations de sélection. Mon amendement tend à remédier à sa rédaction générale trop restrictive qui pourrait nuire aux recherches historiques que j’ai évoquées. On comprend cette restriction pour les archives non numérisées mais pas pour les autres.

M. le rapporteur. Je suis plutôt séduit par l’idée, mais j’ai cru comprendre que cela posait quand même des difficultés d’application. Je suis donc très intéressé par l’avis du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Encore une fois, je crois qu’un objectif ambitieux se heurte à la réalité des territoires et des moyens des administrations locales. Prenons un exemple. Si nous adoptions vos amendements, les départements devraient mettre en ligne tous les documents nativement numériques qui étaient auparavant conservés par toutes les administrations ayant leur siège dans le département, et notamment tous les services déconcentrés de l’État. On voit bien qu’il est nécessaire de pouvoir sélectionner qualitativement les documents d’archives à diffuser en ligne. Ce n’est pas un obstacle à la présence massive des archives sur internet puisque plus de 400 millions de documents numérisés sont d’ores et déjà accessibles gratuitement en ligne : l’état civil, le recensement de la population, les registres militaires, etc. Il n’y a aucune mauvaise volonté de la part des administrations des archives concernées, mais un principe de réalité s’impose à elles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements dont il partage pourtant l’objectif.

M. le rapporteur. À la lumière de ces explications, je demande le retrait des amendements, sans quoi je plaiderai pour leur rejet.

La Commission rejette les amendements.

La Commission examine l’amendement CL421 de M. Bertrand Pancher.

M. Michel Zumkeller. Le code du patrimoine prévoit la possibilité d’opérer une sélection, parmi les archives publiques, entre les documents à conserver et ceux dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique. Par cet amendement, nous proposons de préciser que si, comme le prévoit l’alinéa 11, l’administration n’est pas tenue de publier les archives issues de ces opérations de sélection, cela ne doit pas pour autant remettre en cause le droit de les réutiliser. Il s’agit de bien différencier la publication de ces archives – qui n’est pas obligatoire – de leur réutilisation qui est possible même si les informations qu’elles contiennent ne sont pas publiées.

M. le rapporteur. L’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit effectivement que lorsque des archives sont communiquées, elles sont réutilisables. Mais l’alinéa 11 du présent article dispose que les administrations ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues d’opérations de sélection. Il n’est donc pas utile, à cet alinéa, de faire référence à l’article 10 de la loi précitée car il n’y a pas de réutilisation possible de ces archives. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL413 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous savons tous ici la place qu’ont prise les algorithmes dans la société numérique qui est la nôtre. Cette question a d’ailleurs beaucoup occupé notre commission à l’occasion de l’examen d’un autre texte législatif.

Nous proposons ici de rendre publiques en ligne, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, les règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations françaises. Il nous paraît important que ce principe soit affirmé. On le sait aujourd’hui, les traitements algorithmiques sont multiples dans la vie quotidienne. On peut notamment citer ceux qu’utilise l’administration fiscale pour calculer les impôts des Français, ou l’éducation nationale pour les inscriptions dans les lycées et les universités. Il importe de ne pas laisser s’installer, sur ces sujets essentiels, une forme d’opacité technologique, et de ne pas sacrifier non plus la place de l’humain confronté à une gestion purement algorithmique. Ce serait une avancée de cette « loi pour une République numérique » que d’affirmer ce principe de publicité des algorithmes et des règles qui les définissent.

Nous reviendrons sur ce sujet, qui touche à de nombreux domaines de la vie publique, lorsque nous évoquerons la loyauté des plateformes – dont il conviendra aussi d’exiger ce que nous demandons ici aux administrations.

M. le rapporteur. La question des algorithmes est effectivement importante. Les arguments que vient de donner Christian Paul plaident très largement en faveur de ces publications et communications et de la manière dont elles sont utilisées.

Pour autant, la première partie de son amendement ne me semble pas utile. En outre, nous avons adopté à l’unanimité l’amendement CL132 de M. Gosselin qui supprime le seuil de 250 agents prévu au deuxième alinéa de l’article. Je propose donc à M. Paul de retirer son amendement et de le réécrire d’ici à la séance publique.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où la conjonction des articles 2 et 4 vise déjà à remplir l’objectif de transparence de l’action publique que vous poursuivez. Simplement, le projet de loi le limite aux cas où la communication d’un document, d’une décision prise, a été demandée par un individu – étant entendu que cette décision doit avoir été prise du fait d’un traitement algorithmique et concerner un particulier.

Si nous ne souhaitons pas aller plus loin, c’est que l’obligation que vous souhaitez imposer contraindrait à la publication de traitements qui n’ont pas vocation à être divulgués. Je citerai, par exemple, la fraude fiscale et la fraude sociale, qui débouchent sur des décisions individuelles. Autant, il importe que les personnes concernées comprennent l’origine de la décision, autant la révélation publique de la manière – totalement généralisée et non nuancée – dont cette décision a été prise ne nous paraît pas opportune. J’insiste sur le fait qu’en l’état actuel, la conjonction des deux articles précités renforce l’obligation de diffusion, telle qu’elle est prévue par le présent article. On peut considérer que la communication de l’algorithme ayant permis de prendre une décision individuelle est à la fois une immense avancée et un premier pas à saluer – d’ailleurs issu de la consultation publique.

M. Christian Paul. Je serais éventuellement tenté de me conformer au souhait du rapporteur, mais je n’entends pas si facilement les arguments du Gouvernement : l’amendement proposé n’appelle pas une telle réponse. Tout d’abord, nous ne visons pas la simple communication, à la demande d’un citoyen, de documents – eussent-ils un caractère informatique – mais la publicité autant que la publication de ces traitements algorithmiques, indépendamment d’ailleurs de la demande de tel ou tel individu. La conjonction des articles 2 et 4 ne me paraît pas répondre à cette nécessité de publicité.

D’autre part, l’amendement, tel qu’il est rédigé, laisse toute possibilité au Gouvernement, par voie réglementaire notamment, de prévenir les difficultés évoquées. Mme la secrétaire d’État a notamment cité la question de la fraude fiscale : nous pourrions en discuter afin de savoir s’il convient d’introduire une exception sur ce point-là. Mais la publicité des algorithmes est un principe d’intérêt général qui devrait devenir la règle dans la société de l’information. Les conséquences des traitements algorithmiques peuvent d’ores et déjà être extrêmement graves pour quantité de citoyens – non ceux qui se trouvent en situation de délinquance fiscale ou autre. Je souhaiterais donc qu’avec le rapporteur, nous puissions trouver une rédaction satisfaisante.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je trouve l’amendement de M. Paul très intéressant. Néanmoins, il pose un problème de seuil depuis que nous avons adopté l’excellent amendement CL132 de M. Gosselin. Le présent amendement mérite donc d’être réécrit et l’engagement du rapporteur me convient.

M. Christian Paul. Je serais ravi si le rapporteur acceptait néanmoins que nous votions cet amendement pour le retravailler ensuite, car je ne souhaiterais pas que l’excellent amendement de M. Gosselin nous conduise, pour des raisons de seuil d’effectifs, à ne pas retenir des propositions portant sur des questions de principe essentielles. J’entends cependant le propos du rapporteur et l’engagement de la responsable du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), et j’accepte donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL381 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL15 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Dans son avis, la CADA s’interroge sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et sur l’opportunité d’introduire dans le texte de loi la notion de péremption des informations diffusées en l’articulant avec le droit des archives publiques. C’est là le premier élément permettant d’éviter que les diffusions se fassent une fois que le document n’a plus d’intérêt.

La CADA explique aussi que l’immense majorité des documents administratifs est vouée à l’élimination à l’issue de leur durée d’utilisation administrative. De très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l’administration des archives.

Comment concilier cette réalité administrative avec l’obligation ici créée ? Mon amendement d’appel vise à ce que nous nous saisissions du sujet. Par défaut, il prévoit la présence de précisions supplémentaires dans le décret d’application auquel renvoie le III de l’article.

M. le rapporteur. J’entends vos propos, car les délais sont effectivement définis à l’article 5. Si je suis sensible, moi aussi, à l’avis de la CADA, je ne suis pas sûr que la rédaction ici proposée résolve le problème. J’ai néanmoins bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL512 du rapporteur est retiré.

La Commission aborde l’amendement CL80 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendement vise à instaurer un système de double licence pour les données. Il s’agit de reproduire, pour les données publiques communicables et leur utilisation, le système prévu pour l’open source. Concrètement, si une donnée est utilisée dans un système entièrement gratuit d’un bout à l’autre et si, in fine, la mise en forme de la donnée est elle-même utilisée dans un contexte gratuit, non commercial, il est proposé d’instituer une licence libre. Si, en revanche, la donnée est utilisée dans un système dans lequel à un moment intervient une prise en main commerciale, en milieu ou en bout de ligne, il est proposé d’instaurer par dérogation un système de licence payante. L’objectif est d’éviter un dispositif dans lequel il y aurait, d’un côté, l’internet des petits, des généreux, des ouverts, fonctionnant sur le mode de la licence libre, ouverte, où tout est accessible à tous ; et de l’autre, de grosses entreprises qui, elles, mettent en forme et réutilisent les données, souvent à des fins de marketing, de caractérisation et de criblage : elles ont un accès gratuit à des éléments qui leur permettent d’avoir une activité commerciale.

M. le rapporteur. Nous poursuivons ici la discussion que nous avons déjà eue – à la fois sur le texte précédent et tout à l’heure. Je suis plutôt favorable à la gratuité et au freemium. Nous avons d’ailleurs tenté d’instaurer un freemium lors de l’examen de la « loi Valter ». Aujourd’hui, je préfère maintenir notre attachement fort à la gratuité et aux avancées enregistrées par le Gouvernement concernant les données statistiques de l’INSEE. Je suis plus attaché à la gratuité – même si elle doit prendre plus de temps – qu’au freemium qui pourrait fermer un modèle.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je suis également attachée à la gratuité et j’apprécie toutes les avancées en ce sens que contient le projet de loi. Le problème qui se pose est celui des sociétés cherchant un bénéfice commercial – voire à maîtriser un marché ou à le monopoliser – en utilisant des données publiques qui, à l’origine, avaient vocation à être gratuites. La gratuité peut ainsi se retourner contre le projet qu’elle emportait. Une entreprise qui a déjà une position dominante sur un marché a les moyens, en utilisant la donnée publique et mise à disposition gratuitement, de renforcer sa position dominante – alors que l’objectif était de mettre en place un système ouvert. Le fait d’ouvrir un maximum de données peut paradoxalement conduire à refermer de nombreux marchés. Or, le dispositif de la licence double existe pour l’open source et fonctionne bien : pourquoi ne pas le répliquer ?

Mme Delphine Batho. À titre personnel, je soutiens l’amendement, bien que n’ayant pas le droit de vote dans cette commission. On ne peut débattre de l’ouverture des données sans poser le problème de la création de valeur par de grandes entreprises privées à partir de l’utilisation de données publiques partagées gratuitement. Cette question nous renvoie aussi au débat sur la fiscalité imposée aux grands géants de l’internet.

Mme la secrétaire d’État. Les arguments que vous avancez sont justes et je partage le constat que vous avez établi. Si le Gouvernement est réticent à l’adoption aussi rapide d’une mesure aussi forte, c’est qu’en pratique, imposer un modèle de licence plutôt qu’un autre – en l’occurrence le share alike ou licence de partage, qui est de nature contractuelle au départ – soulève des difficultés techniques, notamment pour vérifier la réalité du partage ou du reversement des données exploitées.

C’est pourquoi l’approche actuellement retenue par le Gouvernement concernant les organismes publics les plus concernés par les enjeux financiers que vous avez soulignés et par la question du positionnement économique sur les marchés, est celle du cas par cas, qui permet à notre avis de trouver le modèle le plus juste.

De mon point de vue personnel, la double licence ou, à défaut, le freemium, qui consiste à accorder la gratuité aux petits acteurs économiques et aux particuliers et à assujettir à une redevance les plus grosses entreprises, est le modèle à poursuivre : il est à la fois très sophistiqué et très innovant. Simplement, l’imposer par voie législative plutôt que de rechercher des arrangements contractuels ou les modèles économiques qui soient les plus viables pour ces organismes publics me paraît, sinon inapproprié, du moins fort prématuré.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous dites qu’il est un peu tôt pour mettre en place un tel modèle. Je l’entends bien, car j’ai moi-même eu du mal à rédiger cet amendement. Cela étant, nous n’avons guère de fenêtres de tir et nous ne remettrons pas l’ouvrage sur le métier avant plusieurs années. Or, dans l’intervalle, certaines entreprises en position dominante pourraient devenir monopolistiques. Je comprends votre intention, mais nous nous trouvons face à de grosses entreprises dont les motivations sont très différentes. N’y aurait-il pas moyen, d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique, de retravailler cet amendement pour trouver ensemble une formule qui permettrait de mettre un pied dans la porte et de concevoir l’architecture d’un dispositif sur le principe duquel nous sommes ici tous d’accord ? Si l’on n’instaure pas maintenant ce mécanisme, on ne le fera jamais.

Je suis prête à retirer mon amendement si vous êtes d’accord pour que nous retravaillions ensemble, d’ici à la séance publique, à cette architecture que vous décrivez et à laquelle je souscris.

M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr que le modèle freemium empêche les entreprises de se mettre en position dominante sur le marché. Même si le système de freemium les conduit à apporter une participation financière, cela n’empêchera pas les plus grands de payer. Et toute la difficulté demeurera. C’est pourquoi le débat est récurrent entre les partisans de la non ouverture des données, ceux de l’ouverture des données et de la gratuité, ceux des redevances et ceux du freemium. De toute façon, les plus gros ont les moyens de payer. Quand Google a besoin de référentiels de grande échelle, il achète pour 4,5 millions d’euros à l’IGN ce dont il a besoin, mais on se trompe si l’on croit qu’il va racheter tous les ans la base de données de l’IGN, car il a trouvé de son côté d’autres solutions de mise à jour. Bref, le développement des géants de l’internet est sans limites, car ils peuvent y consacrer des moyens financiers considérables. Le freemium ne peut freiner une telle expansion : il peut certes apporter des ressources à l’émetteur de données, mais il ne peut en aucun cas contrecarrer les positions dominantes existantes.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je comprends votre argument concernant les positions dominantes, mais je ne puis accepter de vous entendre dire que, tout en étant conscients du problème, vous n’y pouvez rien, qu’il est à la fois trop tôt et trop tard pour agir puisque, de toute façon, les positions dominantes sont prises. Je ne dis pas que le système que je propose soit une arme absolue, mais l’amendement nous permet au moins de manifester notre intention.

M. le rapporteur. Mon propos n’est pas celui que vous me prêtez. Je dis simplement que le frein que vous voulez instituer me semble inefficace, et qu’il est préférable d’assurer la gratuité du système et de le rendre très simple d’accès pour les uns et les autres – sans envisager l’instauration d’une double licence ou d’un potentiel paiement. C’est ainsi que même les nouveaux entrants et les plus petits acteurs seront capables de se saisir des données et d’intervenir.

Nous avons réfléchi à l’instauration d’un freemium lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Valter. J’avais moi-même déposé un amendement de repli sur le freemium, qui a été rejeté. J’ai donc tenté, moi aussi, de transcrire ce dispositif dans la loi : je n’y parviens pas aujourd’hui et je ne pense pas que votre amendement nous permette d’avancer en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

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La séance est levée à 13 heures.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

M. Éric Ciotti, rapporteur sur la proposition de loi de M. Éric Ciotti visant à élargir les capacités d'intervention des forces de l'ordre (n° 3271) ;

M. Guillaume Larrivé, rapporteur sur la proposition de loi de M. Guillaume Larrivé renforçant la lutte contre le hooliganisme (n° 3082).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Philippe Doucet, Mme Laurence Dumont, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Dominique Raimbourg, Mme Maina Sage, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. François-Xavier Villain, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Carlos Da Silva, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - Mme Isabelle Attard, M. Gérard Bapt, Mme Delphine Batho, Mme Karine Berger, M. Dino Cinieri, Mme Catherine Coutelle, Mme Corinne Erhel, M. Guy Geoffroy, M. Mathieu Hanotin, Mme Bernadette Laclais, Mme Laure de La Raudière, M. Serge Letchimy, M. Patrice Martin-Lalande, M. Paul Molac, M. Bertrand Pancher, M. Christian Paul, M. Lionel Tardy