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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 13 janvier 2016

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président

– Suite de l’examen du projet de loi pour une République numérique (n° 3318) (M. Luc Belot, rapporteur)

La séance est ouverte à 14 heures.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission poursuit, sur le rapport de M. Luc Belot, l’examen du projet de loi pour une République numérique (n° 3318).

Après l’article 4

La commission est saisie de l’amendement CL522 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL595 de M. Lionel Tardy.

M. Luc Belot, rapporteur. Cet amendement vise à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Il est possible que sa rédaction évolue d’ici à la séance publique.

M. Lionel Tardy. Il serait préférable de n’évoquer que les « conditions dans lesquelles sont encouragées les démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets » et non « les conditions et limites », ne serait-ce que pour ne pas restreindre le mouvement dans le domaine des déchets. On avait d’ailleurs abouti à cette rédaction, l’année dernière, lors du débat sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », mais elle a été modifiée par la suite.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’adoption de ce sous-amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.

Article 5 (art. L. 311-4 du code des relations entre le public et l’administration) : Entrée en vigueur des nouvelles obligations de diffusion – Soumission de la publication des documents au respect des droits de propriété littéraire et artistique

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL418 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (art. 10 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Principe de libre réutilisation des données pour les services publics industriels et commerciaux (SPIC)

La commission étudie l’amendement CL82 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement vise à lever l’une des restrictions à la communicabilité des données publiques. Ainsi, dans la première phrase du troisième alinéa de l’article – « Les informations publiques figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » –, nous souhaitons supprimer tous les mots placés après « qui le souhaite ».

M. le rapporteur. Monsieur Martin-Lalande, je vous demande de retirer votre amendement ou j’émettrais un avis défavorable à son adoption. Aucune restriction n’existe, si bien que rien ne justifie la suppression de la fin de la phrase.

M. Patrice Martin-Lalande. N’étant pas l’auteur principal de cet amendement, je ne puis le retirer et le maintiens donc.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL450 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL16 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Lors de la commission mixte paritaire examinant le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, porté par Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, j’avais exprimé la déception du groupe Les Républicains devant le choix de faire de la diffusion sous format réutilisable une simple possibilité. Cela représente en effet un frein sérieux à l’ouverture des données publiques, et je demande la suppression des mots « si possible » à la dernière phrase de l’alinéa 3.

M. le rapporteur. J’avais également soutenu cette idée, si bien que je ne peux émettre qu’un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL231 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Nous souhaitons préciser le sens des mots « aisément réutilisable ». Un document possédant cette qualité doit être lisible par une machine et exploitable par un système de traitement automatisé. Les données publiées au format PDF ne remplissent que la première condition, et mon amendement reprend une définition de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public – Public Sector Information (PSI).

M. le rapporteur. J’entends vos arguments, mais une discussion en commission mixte paritaire avec le Sénat sur la transposition de la directive a tranché cette question, et je ne souhaite pas que l’on adopte une rédaction différente dans ce texte. Je vous demande donc de retirer votre amendement à l’adoption duquel j’émettrais un avis défavorable si vous le mainteniez.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie les amendements CL470, CL469 et CL471 rectifié de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il convient de préciser que toute utilisation de documents administratifs contenant des données publiques fasse explicitement référence à leur source, afin que l’on puisse retrouver les textes initiaux. Il s’agit de l’application du principe scientifique de réfutation, qui s’avère d’une importance fondamentale et qui valorise l’activité de notre administration.

M. le rapporteur. Je souscris à votre objectif et à vos arguments, mais l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », satisfait déjà votre préoccupation, puisque l’on y lit : « Sauf accord de l’administration, l’utilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé, que leur source et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. » Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je les retire, mais je réfléchirai d’ici à la séance publique à une éventuelle nouvelle rédaction, car une loi de cette importance doit répéter les éléments fondamentaux et ne pas se contenter de renvoyer à une loi antérieure que l’on révise en profondeur. Quant aux deux autres amendements, ils obéissent au même principe, si bien que je les retire également.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL451 du rapporteur.

Puis elle adopte, suivant l’avis favorable du rapporteur, l’amendement de coordination CL623 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte enfin l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La commission examine l’amendement CL422 de M. Bertrand Pancher.

Mme Maina Sage. Cet amendement vise à reprendre une proposition émise à l’occasion du débat sur le projet de loi défendu par Mme Clotilde Valter : celle d’inscrire le principe du freemium pour la réutilisation des données publiques. Il s’agit d’un dispositif intermédiaire entre le premium et le free, qui nous paraît opportun, équitable et juste. L’option d’une réactualisation annuelle offre une bonne solution.

M. le rapporteur. Le dispositif que vous proposez, et qui diffère de l’exposé sommaire de votre amendement que vous venez de nous présenter, est déjà largement satisfait par l’article 4 du projet de loi tel que nous l’avons amendé et dans lequel nous avons accru les obligations de diffusion des administrations. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.

Mme Maina Sage. Mon amendement fixe une obligation de réactualisation annuelle gratuite, l’offre premium débutant pour une demande plus fréquente. Il ne me semble pas que le texte de l’article 4 aille aussi loin, si bien que je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 7 (art. 11-1 [nouveau] de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Rationalisation du régime de réutilisation des informations publiques

La commission aborde l’amendement CL17 de M. Lionel Tardy. 

M. Lionel Tardy. Comme l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978 a été abrogé par la loi du 28 décembre 2015 dite « loi Valter », il est préférable de rétablir un article 11 plutôt que d’en créer un nouveau.

M. le rapporteur. Je vous remercie de cette excellente proposition, monsieur Tardy. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CL18 de M. Lionel Tardy et CL423 de M. Bertrand Pancher.

M. Lionel Tardy. Comme le recommande l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), il convient de prévoir une rédaction plus générale pour l’alinéa 2 de l’article 7. Sa version actuelle pourrait en effet générer des obstacles à la réutilisation de documents administratifs, dont des bases de données, sur lesquels l’administration détient un droit de propriété intellectuelle.

Mme Maina Sage. Nous avons déposé un amendement qui propose d’inclure les collectivités territoriales dans le régime dérogatoire de l’article 7 pour les bases de données déjà en ligne et de clarifier la distinction entre le contenu du document et le contenant de l’information.

M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement CL18, je rejoins M. Tardy et la CADA sur l’opportunité d’une exclusion plus large des droits de propriété intellectuelle, mais celle que vous proposez s’avère trop étendue et pourrait mettre en péril certains brevets. Je vous propose de retirer ces amendements, afin que nous travaillions ensemble à une autre rédaction d’ici à la séance publique.

M. Lionel Tardy. D’accord.

M. le rapporteur. Quant à l’amendement CL423, il élargit le champ de l’exception aux droits sui generis sur les bases de données. J’ai déposé un amendement similaire, CL452, auquel je vous propose de vous rallier.

Mme Maina Sage. Je retire mon amendement.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CL232 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Le droit d’auteur des fonctionnaires ne doit pas s’opposer à la réutilisation des données, comme cela fut le cas pour la base Mérimée pour le patrimoine. Dès lors, cet amendement prévoit de s’appuyer l’article L. 131-3-1 du code de la propriété intellectuelle, qui porte sur le droit d’auteur des fonctionnaires, pour favoriser la réutilisation des données.

M. le rapporteur. Le sujet du droit d’auteur n’est pas simple, notamment pour les fonctionnaires ; comme pour les « communs », un travail d’ampleur est nécessaire pour examiner l’ensemble de ses implications. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.

Mme Isabelle Attard. Nos amendements portant sur le domaine commun informationnel ne touchent pas au droit d’auteur, monsieur le rapporteur. Je maintiens cet amendement. 

M. le rapporteur. J’ai lié ces deux sujets pour montrer qu’une réflexion approfondie était indispensable, mais j’ai bien compris que votre amendement ne concernait pas le droit d’auteur.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL452 et CL495 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL20 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’idée d’une liste de licence de réutilisation fixée par voie réglementaire émane du Conseil national du numérique. J’avais proposé à Mme Valter d’introduire cette disposition dans son projet de loi, mais elle l’avait jugée inutile ; je souris donc de la voir intégrée dans ce texte. Son but est de limiter le nombre de licences pour garantir l’uniformité de la politique de réutilisation des données dans le pays. Cependant, la deuxième partie de l’alinéa 4 ouvrant la possibilité pour les administrations d’homologuer de nouvelles licences va à l’encontre de cet objectif ; il conviendrait plutôt que le décret fixant la liste des licences soit révisé annuellement, afin que les administrations puissent proposer de nouvelles licences ou adapter les existantes, leur nombre total devant être plafonné. Il faut éviter qu’il y ait autant de licences que d’administrations, le texte actuel n’évacuant pas ce risque.

M. le rapporteur. Une révision annuelle paraît disproportionnée au regard de la faiblesse du nombre de licences gratuites. On pourrait à la rigueur envisager une fréquence quinquennale. Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Lionel Tardy. Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La commission examine les amendements identiques CL19 rectifié de M. Lionel Tardy et CL233 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Cet amendement reprend l’avis de la CADA et propose de revenir à la suppression du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui se trouvait dans la précédente version du projet de loi. Il y a lieu de réintroduire cet abandon, sous peine de doublons avec plusieurs dispositions qui assurent déjà la protection de la vie privée. L’amendemement permettrait de favoriser la réutilisation de données qui ne contreviennent pas aux dispositions de la loi « CADA ».

Mme Isabelle Attard. Comme M. Tardy, nous souhaitons supprimer le premier alinéa de l’article 13 de la loi dite « Informatique et libertés », qui limite strictement la réutilisation des données publiques en cas de présence de données personnelles, même si celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée des individus. Cette modification, utile aux yeux de la CADA, n’affecterait pas la protection de la vie privée, assurée par l’article 9 du code civil et par l’article L. 311-6 du nouveau code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Notre droit prohibe en effet la communication de documents qui porterait atteinte à la protection de la vie privée ou à la réputation des personnes et donc la réutilisation des informations qu’ils comportent. Avec la suppression de cet alinéa, on autoriserait la libre réutilisation des informations publiques comportant des données à caractère personnel, à la condition qu’elle ne contrevienne à aucune de ces garanties.

M. le rapporteur. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a souligné que la suppression de cet alinéa affaiblirait la protection de la vie privée. Il n'y a pas lieu de revenir sur l’équilibre actuel, même si je comprends votre objectif. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces amendements s’ils n’étaient pas retirés.

Mme Delphine Batho. Il convient de veiller à la cohérence du texte, et cette position contredit le principe posé par l’article 26. La même loi ne peut pas affirmer que chaque personne décide de l’utilisation de ses données personnelles tout en contenant une disposition contraire à ce principe.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de ces amendements. Il ne faut pas confondre l’obligation d’anonymisation des données personnelles, qui s’accompagne de l’ouverture des données publiques, avec celle de protection de la vie privée. Or ces amendements présentent un risque pour les données personnelles, ce qu’a souligné le Conseil d’État. Veillons à maintenir l’équilibre entre l’accès aux données publiques et le respect des données personnelles.

La commission rejette les amendements.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CL234 de M. Sergio Coronado, CL484 rectifié et CL689 du Gouvernement.

Mme Isabelle Attard. M. Antoine Fouilleron a remis à la fin de l’année dernière un rapport sur les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations, dans lequel il indiquait que ces transactions généraient une vingtaine de millions d’euros de recettes et ne cessaient de progresser. Il rappelait pourtant que le principe de gratuité des échanges de données entre les services de l’État devait prévaloir, et notre amendement propose de traduire ce principe dans la loi. Mais nous avons adopté tout à l’heure un amendement du rapporteur qui me paraît satisfaire cet objectif, je suis donc prête à retirer le mien.

M. le rapporteur. En effet, nous avons adopté l’amendement CL537 qui fixe le même cadre, si bien que je vous propose effectivement de retirer le vôtre, madame Attard.

Mme Isabelle Attard. D’accord.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement CL484 rectifié se trouvant également satisfait par l’adoption du CL537, je le retire. Le Gouvernement souhaitait imposer la gratuité des échanges entre les administrations et les établissements publics administratifs (EPA), mais pas avec les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Nous ne pouvons pas inclure ces derniers dans le champ du texte, car la Commission européenne pourrait requalifier cette gratuité en aide d’État.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), c’est-à-dire les universités, se trouvent-ils bien inclus dans la catégorie des EPA, madame la ministre ?

Mme la secrétaire d’État. Oui, mais je souhaite que nous ayons une discussion en séance publique sur ce sujet important.

L’amendement CL689 vise à rendre gratuites les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et par les autres services statistiques ministériels. Il propose également de supprimer les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur le système informatique du répertoire des entreprises, la base SIRENE, et sur le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Je salue l’ouverture de l’INSEE qui se montre très allant sur cette question. Grâce à sa coopération et à la volonté politique portée par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, nous sommes en mesure d’aboutir à la gratuité des données élaborées par l’INSEE.

M. le rapporteur. Cette mesure constitue une avancée pour l’INSEE et pour les éléments statistiques. J’émets un avis très favorable à l’adoption de cet amendement.

Les amendements CL234 et CL484 rectifié sont retirés.

La commission adopte l’amendement CL689.

Puis elle en vient à l’amendement CL235 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Les redevances constituent une lourde barrière à l’accès aux informations d’intérêt général, alors qu’elles ne représentent qu’une part très faible des recettes des services publics qui les établissent – environ 3 % pour l’INSEE et 5 % pour l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).

Les modèles économiques mutent sous l’influence des start-up, et de nombreux rapports ont montré l’inconvénient de ces redevances. La libération des données et leur diffusion sont en effet une source d’externalités bien plus positives que le maintien des redevances. Des entreprises françaises pourraient utiliser ces données pour leur développement, que nous freinons en nous acharnant à maintenir sous perfusion un modèle dépassé. Ce système bloque ainsi la création d’emplois.

Notre amendement propose d’ouvrir les données gratuitement, dès lors qu’elles seront rediffusées dans un format ouvert et réutilisable sous licence type « partage à l’identique ». Cela permettrait à des acteurs non marchands qui se fondent sur le contributif et la libre réutilisation d’avoir accès à ces données, tout en les maintenant payantes pour les acteurs économiques importants. Les entités les plus puissantes sur l’internet ne publient d’ailleurs pas de données en open data.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion et, en cohérence, je me prononce contre l’adoption de cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. La majorité des données publiques produites par des organismes publics proviennent de l’INSEE, de l’IGN et des caisses de sécurité sociale. Nous avons déjà enregistré de réelles avancées pour l’INSEE et nous travaillons quotidiennement avec l’IGN pour définir des modèles de licences de partage voire, à défaut, de paiement de redevances. Nous devons étendre cet effort aux caisses sociales. Le Gouvernement souhaite poursuivre cette approche pragmatique, qui répond au cas par cas à la situation des entités publiques. Celles-ci ne sont pas maintenues sous perfusion par des rentes issues de la vente de leurs données publiques, ne serait-ce que parce que les revenus tirés de ces ventes s’avèrent très modestes.

Mme Isabelle Attard. Je ne dis pas que ces établissements soient sous perfusion, mais que l’on a tort de penser que le modèle économique sur lequel reposent leurs recettes subsistera de longues années. Nous devons accompagner un autre système de développement, celui de la mise à disposition des données, qui générera de nouvelles recettes pour notre pays. Nous ne répondons pas aux sollicitations de stimulation de ce secteur qui nous sont adressées dans nos circonscriptions ; nous avons déjà pris du retard et, si l’on peut comprendre la mise en œuvre d’une phase de transition de quelques semaines ou de quelques mois, nous manquerions une occasion importante pour notre société si nous attendions cinq ou six ans.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 (art. 17 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. L. 342-1, L. 342-2, L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration) : Actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique – saisine de la CADA en cas de refus de diffusion d’un document administratif – création d’une procédure simplifiée de réponses aux demandes reçues par la CADA

La commission est saisie de l’amendement CL236 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Comme l’ont recommandé les sénateurs Jean-Jacques Hyest et Corinne Bouchoux, les demandes d’avis portant sur des questions déjà tranchées par la CADA ou par la jurisprudence administrative devraient pouvoir faire l’objet de recours simplifiés en cas d’obstruction d’une administration. La CADA saisirait le juge des référés du tribunal administratif (TA) compétent, dès réception d’une demande d’avis répondant à l’une des exigences requises, ce qui permettrait au requérant de bénéficier d’une ordonnance sous 48 heures. 

M. le rapporteur. Le rapport de Mme Bouchoux et de M. Hyest envisageait la saisine du TA et non celle du tribunal de grande instance (TGI) comme vous le proposez dans votre amendement. J’ai demandé à la CADA son avis sur l’opportunité de lui donner la possibilité de saisir le TA, et la Commission s’est montrée très réservée sur cette idée. Elle estime qu’il n’entre pas dans ses fonctions d’être partie dans une affaire où elle a émis un avis et qu’elle ne pourra exercer cette faculté que dans de très rares occasions à moyens constants. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement concernant le TGI et je ferai de même en séance si vous déposez un amendement sur les TA.

Mme la secrétaire d’État. Je comprends l’objectif de vouloir disposer d’une décision rapide par le biais du référé, mais il reste loisible au juge administratif, saisi d’une affaire de refus de communication, de prescrire des mesures d’exécution par voie juridictionnelle. Il peut notamment prononcer une astreinte dans les conditions prévues par le code de la justice administrative. Cet amendement se trouve donc déjà satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La commission étudie l’amendement CL414 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement vise à imposer à l’Assemblée nationale et au Sénat les mêmes obligations de transparence qu’au pouvoir exécutif en matière d’ouverture des documents et des données administratifs. Cette communication devra s’opérer dans des formats ouverts permettant les traitements automatisés. Les citoyens comprendraient mal que les assemblées parlementaires soient exonérées de ces contraintes, même si cela ne signifie pas qu’elles n’aient rien fait en la matière.

M. le rapporteur. La pratique de l’Assemblée nationale s’avère exemplaire en matière d’open data – la notice de mon rapport sur ce texte est d’ailleurs accessible sous le format de la licence ouverte Etalab –, et on a encouragé la réutilisation des données, notamment sur le site « data.gouv.fr ». En revanche, je ne souhaite pas que la loi fixe la politique d’open data de notre maison. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Cette proposition est intéressante, car la politique d’ouverture des données publiques n’a pas concerné les assemblées parlementaires jusqu’à présent. Au moment où le Gouvernement mène des consultations publiques sur ses projets de loi et où les administrations de l’État et les collectivités locales s’engagent dans la même voie, il pourrait paraître anachronique que le Parlement n’emprunte pas le même chemin. En revanche, le Gouvernement ne souhaite pas imposer une telle décision à l’Assemblée nationale et au Sénat. La séparation des pouvoirs rend le Parlement souverain dans ce domaine, si bien que je m’en remets à la sagesse de votre Commission.

M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, si l’on appliquait votre raisonnement, on ne pourrait pas imposer à l’État ou aux collectivités locales d’ouvrir leurs données. Je comprends que cet amendement surprenne, mais je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir replacé dans un contexte général.

On ne peut pas invoquer la séparation des pouvoirs en l’espèce, puisque cette disposition est proposée par un amendement parlementaire qui ne répond pas à une injonction du Gouvernement. Je ne vois pas ce qui nous empêche de nous fixer des ambitions que nous souhaitons pour les autres, même si je ne méconnais absolument pas les efforts réalisés par l’Assemblée nationale en la matière. Nous générerions de l’incompréhension en refusant d’adopter cette position.

Mme Isabelle Attard. Je soutiens pleinement cet amendement : nos concitoyens nous reprochent suffisamment de ne pas faire ce que nous disons et nous invitent avec force à l’exemplarité. Or nous exigeons souvent cette dernière pour les autres sans toujours nous l’appliquer à nous-mêmes. En ne nous exposant pas à certaines critiques, nous effectuerions nos mandats dans de meilleures conditions – je ne reviendrai pas ici sur l’interdiction de l’alcool sur le lieu de travail. Si nous n’adoptions pas cette mesure, nous ne serions pas crédibles pour demander des efforts à nos administrations en matière d’ouverture des données publiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit d’un sujet compliqué : on comprend l’intérêt d’imposer aux assemblées parlementaires les obligations que la loi a élaborées au fil du temps, mais il me semble difficile de prévoir le contrôle de l’action du Parlement par une autorité administrative indépendante (AAI). L’Assemblée nationale est irréprochable en matière d’ouverture de ses données – notre commission ayant montré la voie pour le suivi de ses travaux –, et ne se montre pas du tout opposée à cette pratique de communication. En revanche, une AAI ou le pouvoir exécutif ne peuvent pas contrôler le Parlement, car cela entamerait sa capacité d’agir ; c’est pourquoi le dispositif législatif ne s’applique pas aux assemblées parlementaires. Maintenir cet équilibre est de l’intérêt de nos compatriotes, car réduire une liberté revient toujours à limiter celle du citoyen.

Le Règlement de l’Assemblée nationale pourrait prévoir les conditions dans lesquelles le citoyen pourrait contester un refus qui serait opposé à une demande de communication de documents et de données publiques, ma position n’excluant absolument pas l’augmentation de l’accès aux travaux du Parlement.

M. le rapporteur. On peut difficilement me faire le procès de ne pas être en faveur de la transparence et de l’open data au vu des amendements que j’ai déposés sur ce texte et sur celui transposant la directive « PSI ». De même, je ne souhaite pas imposer aux autres des règles plus strictes qu’à nous-mêmes. Je défendrai toujours farouchement l’approfondissement de la diffusion en open data de nos travaux, de nos documents et de nos études ; pour autant, cette politique ne doit pas entrer dans le champ de la loi CADA – pour les raisons que vient d’exposer M. Le Bouillonnec – et doit rester du ressort des parlementaires, par le biais du Règlement des assemblées.

M. Christian Paul. On pourrait réécrire cet amendement pour émanciper l’Assemblée nationale du contrôle d’une AAI, car j’entends l’argument avancé par M. Le Bouillonnec. La loi devrait ainsi étendre au Parlement l’objectif de transparence qu’elle assigne à l’État et aux autres collectivités publiques, tout en prévoyant un mode de contrôle qui préserve les libertés parlementaires. Nous ferions œuvre utile en votant un tel amendement aux vertus pédagogiques et d’exemplarité.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 : Création d’un service public de la donnée de référence

La commission examine, en discussion commune, les amendements CL21 de M. Lionel Tardy, CL592 rectifié du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL596 de M. Lionel Tardy, et CL482 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL597 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je propose de supprimer cet article. Quel est l’intérêt de créer la nouvelle catégorie des « données de référence » par rapport à celle déjà existante des documents administratifs ? La CNIL a répondu que cela ne présentait aucun avantage. Le seul effet de cette mesure sera de complexifier la loi CADA. Si des règles spécifiques doivent être appliquées, il serait préférable d’opérer une harmonisation législative avec les autres données plutôt que de renvoyer à un décret, le Conseil d’État ayant dénoncé une incompétence négative. Les amendements de rédaction déposés par M. le rapporteur et par le Gouvernement ne règlent pas le problème posé par cet article, qu’il convient de supprimer.

Mme la secrétaire d’État. Cet article est, au contraire, essentiel, monsieur Tardy, car la création de cette catégorie juridique permettra l’avènement d’une nouvelle mission de service public, celle de la donnée. Il s’agit d’une petite révolution culturelle pour les administrations qui seront tenues de s’interroger sur l’utilisation de leurs propres données. La CNIL s’en étonne, mais elle s’occupe des données personnelles alors que cet article concerne les données administratives, telles qu’entendues par la loi CADA, et, parmi elles, les données pivot que l’on identifie par l’utilisation intensive qu’en font les usagers extérieurs. Elles englobent les grands répertoires – la base SIRENE ou le registre national des associations tenu par le ministère de l’intérieur, la base Adresse nationale de l’IGN et de La Poste, le cadastre et le référentiel à grande échelle de l’IGN, qui réalise les cartes territoriales de notre pays. La mission de service public imposera un critère qualitatif dans le traitement et l’ouverture de ces données, le décret précisant le format, l’interopérabilité et le niveau de qualité exigé pour l’ouverture, l’utilisation et la réutilisation de ce type de données. On espère que cela enclenchera un mouvement vertueux pour l’ensemble des données publiées par les administrations.

M. le rapporteur. Je propose de retirer mon amendement pour soutenir celui du Gouvernement, que M. Tardy a opportunément sous-amendé, en repli, pour codifier l’article 9. J’émets un avis défavorable bien entendu à l’adoption de l’amendement de M. Tardy.

M. Lionel Tardy. Je retire mon amendement de suppression.

Les amendements CL21 et CL592 rectifié ainsi que le sous-amendement CL596 sont retirés.

Mme la secrétaire d’État. Nous n’avons pas été sourds aux remarques du Conseil d’État et de la CNIL et avons réécrit l’amendement CL482 pour mieux expliciter le concept de « données de référence ». La nouvelle mission de service public participe de notre volonté d’élaborer le cadre dans lequel évolueront la société et l’économie françaises de demain.

M. Lionel Tardy. Mon sous-amendement est de repli : il vise à éviter l’absence d’insertion dans un code d’articles de loi.

La commission adopte le sous-amendement CL597, puis l’amendement CL482 ainsi sous-amendé.

L’article 9 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL22 de M. Lionel Tardy, CL279 de M. Patrice Martin-Lalande, CL624 de la commission des affaires économiques et CL91 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet tombent.

Après l’article 9  

La commission étudie, en discussion commune, les amendements CL425 rectifié et CL426 rectifié de M. Philippe Vigier.

Mme Maina Sage. Notre amendement vise à empêcher l’opposition du secret de la vie privée à la consultation et à la communication des diplômes ou titres ouvrant droit à l’exercice d’une profession médicale ou paramédicale. En 2014, l’Ordre national des médecins a recensé 22 568 médecins titulaires d’un diplôme étranger, soit une augmentation de plus de 60 % depuis 2007. Nous ne doutons pas de la qualité des médecins formés à l’étranger et qui exercent dans notre pays, mais certains exercices frauduleux de la médecine ont causé des scandales sanitaires et médicaux graves au cours de ces dernières années. Notre proposition permettra à chacun de vérifier à tout moment la réalité de ces diplômes.

M. le rapporteur. Le projet de loi relatif à la santé, définitivement adopté par notre assemblée, satisfait ces amendements.

Mme la secrétaire d’État. Après consultation du ministère de la santé, je vous confirme que l’article 53 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit bien l’exclusion du secret de la vie privée pour la consultation des diplômes médicaux ou paramédicaux. Votre objectif, madame Sage, est tout à fait compréhensible, mais il n’est pas nécessaire de modifier la loi CADA, qui porte sur les rapports entre le public et les administrations, puisque vos amendements ont trait aux relations entre le public et les médecins, qui exercent une profession libérale.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement CL350 rectifié de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement concerne l’utilisation de données récoltées à partir de la connexion des dispositifs médicaux. Nous avions déjà débattu de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, mais nous n’avions pas pu défendre cette proposition lors de la discussion relative au projet de loi de modernisation de notre système de santé, à cause de la règle dite « de l’entonnoir ». Je tente donc de l’insérer dans ce texte, car il contient une avancée importante pour la qualité des soins ; en effet, le recueil de données de santé, dont la liste sera limitative, peut grandement améliorer l’efficacité d’un traitement. L’adoption d’une disposition législative s’avère nécessaire après l’annulation, à l’initiative d’une association de patients, d’un décret par le Conseil d’État qui prévoyait la possibilité de suspendre la prise en charge de l’assurance maladie lorsque les dispositifs visant à traiter l’apnée du sommeil n’étaient pas observés.

Votre cabinet, madame la ministre, m’a informé que mon amendement présentait le risque de constituer un cavalier, car les tarifs pourraient être modulés en fonction du nombre de données connectées par les prestataires de santé. Je suis prêt à retirer mon amendement et à le retravailler avec vous, d’ici à la séance publique.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à l’introduction d’une telle mesure dans notre droit. L’application de la règle dite de l’entonnoir a empêché le projet de loi relatif à la santé de l’intégrer, ce qui s’avère d’autant plus regrettable que votre amendement constitue bien un cavalier, ce texte n’abordant pas ces questions et ne modifiant pas le code de la sécurité sociale. Nous pourrons l’insérer dans le PLFSS, même si le prochain ne sera pas discuté avant l’automne.

Mme la secrétaire d’État. Ce sujet est crucial pour les patients atteints de maladies chroniques comme le diabète ; grâce à l’utilisation massive des données du big data, la santé deviendra plus personnalisée, prédictive et préventive. Ce progrès nécessite le déploiement de dispositifs médicaux collectant des données relatives au quotidien des patients et une meilleure circulation de l’information entre les personnels traitants. Je suis donc favorable à l’objet de votre amendement, monsieur Bapt, mais ses implications financières l’exposent à la qualification de cavalier. Je vous suggère de renvoyer l’examen de cette mesure à la séance publique, afin que nous puissions l’étudier plus précisément, puis l’adopter si elle satisfaisait l’ensemble des ministères concernés.

M. Gérard Bapt. Je retire mon amendement en espérant que l’on puisse en adopter l’objet avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, car le suivi de l’observance améliore grandement le pronostic pour le patient, en permettant notamment de prévenir la survenue d’accidents secondaires. Madame la ministre, je suis tout à fait disposé à réécrire mon amendement d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

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La séance est levée à 15 heures.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Luc Belot, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Philippe Gosselin, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Elisabeth Pochon, Mme Maina Sage, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Jacques Valax

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Carlos Da Silva, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Daniel Gibbes, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Sandrine Mazetier, M. Bernard Roman, M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Assistaient également à la réunion. - Mme Isabelle Attard, M. Gérard Bapt, Mme Delphine Batho, Mme Corinne Erhel, Mme Laure de La Raudière, M. Patrice Martin-Lalande, M. Christian Paul, M. Lionel Tardy