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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mercredi 15 février 2017

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Dominique Raimbourg, Président

– Examen, en nouvelle lecture, du projet de loi ratifiant les ordonnances du 21 novembre 2016 n° 2016-1561 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (n° 4430) (M François Pupponi, rapporteur)

– Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 4460) (M. Camille de Rocca Serra, rapporteur)

– Examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (n° 4442) (M. René Dosière, rapporteur)

– Examen de la proposition de résolution européenne sur la prévention des conflits d'intérêt dans l’Union européenne (n° 4393) (Mme Danielle Auroi, rapporteure)

Information relative à la Commission

La réunion débute à 11 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi ratifiant les ordonnances du 21 novembre 2016 n° 2016-1561 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (n° 4468) (M. François Pupponi, rapporteur).

M. le président Dominique Raimbourg. Nous allons examiner en nouvelle lecture le projet de loi de ratification des trois ordonnances relatives à la Corse que nous avons adopté en première lecture après son rejet par le Sénat. La commission mixte paritaire, réunie le 13 février 2017, n’est pas parvenue à un accord. Par conséquent, nous examinons le texte tel que nous l’avions adopté le 9 février dernier.

M. François Pupponi, rapporteur. En effet, la commission mixte paritaire n’a pu que constater le désaccord entre nos deux assemblées et nous allons donc reprendre nos discussions sur le texte tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui comprend un nouvel article, introduit par le Gouvernement, relatif à l’affectation des crédits de la dotation de continuité territoriale. Je comprends que ce dernier puisse faire débat mais nous l’avons adopté en première lecture et il convient désormais de voter ce texte, qui sera examiné par le Sénat demain, sans doute pour être à nouveau rejeté. Nous aurons alors une dernière lecture mardi prochain pour définitivement adopter ce texte sur la création d’une collectivité unique en Corse.

M. Camille de Rocca Serra. Comme en première lecture, je suis défavorable à l’ensemble de ce texte qui ne résout pas le problème important de la représentation de proximité en Corse. Contrairement aux autres régions qui conservent des départements, des métropoles et des communautés d’agglomération, en Corse, il n’y aura plus qu’une strate régionale et les autres collectivités, communes et agglomérations, seront totalement sous sa tutelle.

Je suis également opposé à l’article inséré par le Gouvernement qui rend complètement fongible la dotation de continuité territoriale. Ce n’est pas l’objectif de cette dotation. Il est préférable de maintenir sa spécialisation et de l’étendre seulement, au-delà des infrastructures portuaires et aéroportuaires, au réseau routier. Sa fongibilité au sein de la dotation générale de décentralisation entrainera un saupoudrage au bénéfice de politiques clientélistes.

M. Paul Molac. À l’heure où tout le monde se plaint du « millefeuille administratif » qui entasse les strates, nous proposons d’en supprimer une en Corse, ce que je soutiens alors que j’ai moi-même déposé un amendement de suppression des départements dans la loi du 7 août 2015, dite « loi NOTRe », et que j’appelais de mes vœux, qu’en Bretagne, les départements et la région puissent constituer une seule et même collectivité sur le même modèle. Je pense que, comme souvent, les territoires d’outre-mer et la Corse sont les laboratoires qui permettent ensuite d’étendre à certaines régions françaises les bienfaits constatés dans ces territoires.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Ratification de l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Ratification de l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Ratification de l’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4 (art. L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales) : Répartition des crédits de la dotation de continuité territoriale de la Corse

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

La Commission adopte enfin l’ensemble du projet de loi sans modification.

*

* *

La Commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 4460) (M. Camille de Rocca Serra, rapporteur).

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur. Ce texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 8 février dernier. Si les articles 3 à 5, relatifs aux différents dispositifs fiscaux, ont été votés sans modification, les articles 1er et 2, relatifs à la prescription acquisitive et au règlement des indivisions, ont fait l’objet de précisions rédactionnelles tandis qu’un nouvel article, relatif à l’Alsace-Moselle, a été introduit.

L’article 1er consacre tout d’abord au niveau législatif l’acte notarié de notoriété acquisitive, pratique à laquelle le notariat de Corse recourt depuis une trentaine d’années pour reconstituer les titres de propriété. Alors que le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture inscrivait cette procédure dans le code civil, en y insérant à cette fin deux nouveaux articles, le dispositif adopté par le Sénat en limite le champ d’application à la seule Corse, et pour une durée de dix ans. Il transpose en fait à la Corse la rédaction de l’article 34 terdecies du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui vient d’être adopté définitivement par le Parlement : cet article consacre l’utilisation des actes de notoriété acquisitive pour les biens situés dans les territoires ultramarins touchés par le même désordre foncier que la Corse. Le dispositif ainsi adopté par le Sénat étant très proche de celui prévu par la proposition de loi dans sa rédaction initiale, je souscris à cette nouvelle rédaction.

L’article 2 vise à assouplir les règles de majorité requises pour l’accomplissement de certains actes dans le cadre des indivisions constatées à la suite de la reconstitution d’un titre de propriété par prescription acquisitive. Le texte adopté par le Sénat en première lecture comprend deux précisions rédactionnelles, qui consistent, d’une part, à spécifier que cet assouplissement des règles de majorité n’est applicable qu’à défaut de l’existence d’un titre de propriété et, d’autre part, à limiter le champ d’application de cet article à la seule Corse. Ces deux ajouts sont tout à fait pertinents.

L’article 7, enfin, a été introduit en première lecture par le rapporteur du Sénat. Il vise à permettre la pleine application de la prescription acquisitive dans les départements d’Alsace et de Moselle, l’article 24 de la loi du 31 mars 1884 interdisant aujourd’hui l’agrandissement de toute propriété par le biais de cette procédure.

Telles sont, mes chers collègues, les modifications adoptées par le Sénat en première lecture. Compte tenu de la pertinence de ces précisions, j’estime que cette proposition de loi doit pouvoir être adoptée définitivement par l’Assemblée nationale dans la rédaction issue des travaux du Sénat et je vous invite donc à l’adopter sans modification.

M. François Pupponi. Je salue le travail accompli par le rapporteur, qui a eu l’initiative de ce texte. Nous l’avons voté à l’unanimité en première lecture, mais il me semble à moi aussi que les modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens. Je suis donc d’avis que nous le votions sans modification afin de lui permettre d’entrer en vigueur.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Consécration législative des actes de notoriété acquisitive notarié

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Assouplissement des règles de majorité applicables en matière d’indivision

Mme Marie-Françoise Bechtel. Le dernier alinéa de l’article 2 dispose que « le ou les indivisaires sont tenus d’en informer les autres indivisaires ». À quoi renvoie ce « en » ? De quoi faut-il les informer ? Pas, en tout cas, de ce qu’indique le deuxième alinéa puisqu’il s’y agit précisément d’aller les chercher pour les prévenir qu’une opération est en cours. Ce « en » très équivoque est particulièrement gênant en droit civil. Ne veut-on pas plutôt dire que « le ou les indivisaires sont tenus d’informer les autres indivisaires de toutes les opérations mentionnées au présent article » ?

M. le rapporteur. C’est bien le sens de cet alinéa.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Alors on ne peut pas le formuler ainsi. « En » ne renvoie à rien de précis. J’appelle l’attention de la sage commission des Lois sur ce point.

M. le président Dominique Raimbourg. Votre observation est intéressante, mais nous sommes tenus de voter le texte dans les mêmes termes que le Sénat : si nous y changions ne serait-ce qu’une virgule, la loi ne pourrait être adoptée avant la fin de la législature.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Espérons alors que la réponse du rapporteur vaudra travaux préparatoires et suffira à préciser l’intention du législateur.

M. le président Dominique Raimbourg. Vous pourrez également lui reposer la question en séance, afin que sa réponse figure à la fois dans le compte rendu de l’examen en commission et dans le compte rendu de séance, et que son interprétation prévale.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Entendu.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 7 (nouveau) (art. 24 de la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l’impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin) : Application de la prescription acquisitive dans les départements d’Alsace et de Moselle et abrogation d’une disposition désuète

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Puis elle adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

* *

La Commission examine la proposition de loi, modifiée par le Sénat, tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques (n° 4442) (M. René Dosière, rapporteur).

M. le président Dominique Raimbourg. Ce texte, qui est inscrit à l’ordre du jour de mercredi prochain, sera le dernier de la législature dont nous débattrons et, le cas échéant, que nous adopterons.

M. René Dosière, rapporteur. La disposition principale de cette proposition de loi consiste à faire la transparence sur les emprunts des candidats et des partis, en complétant sur ce point la loi n° 88-277 du 11 mars 1988. Cette disposition résulte d’une préconisation formulée par notre collègue Romain Colas dans un rapport d’information qu’il avait rédigé sur le sujet.

Un article avait été voté à cet effet dans la loi dite « Sapin 2 », mais censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un « cavalier ». La disposition en question a donc donné lieu à une proposition de loi déposée au Sénat par notre collègue Alain Anziani, dont le rapporteur était Alain Vasselle et qui a été adoptée à l’unanimité.

Cette proposition de loi est moins anodine qu’il n’y paraît. En effet, les emprunts constituent l’essentiel des ressources propres utilisées par les candidats pour couvrir les dépenses, soit 71 % lors des élections municipales, 75 % lors des élections législatives et 89 % lors des élections départementales. Ces sommes sont remboursées par l’État dans une proportion moyenne de 90 à 95 %. Ce mode de financement a permis la démocratisation des candidatures, qui ne dépendent plus de la fortune personnelle des intéressés.

Il est donc important de s’assurer que le financement public n’est pas détourné par certains groupements politiques dont l’activité principale, voire exclusive, est devenue financière dans la mesure où elle consiste à accorder des prêts aux candidats qu’ils soutiennent en utilisant les ressources obtenues par emprunt dans des conditions plus ou moins opaques.

De même, il convient de vérifier que les obligations comptables des partis incluent la constitution de provisions suffisantes pour dépréciation, tous les prêts n’étant pas systématiquement remboursés, pour diverses raisons.

Jusqu’à présent, certains partis politiques sont demeurés réfractaires à l’idée de fournir les renseignements complémentaires que sollicite la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Certes, une disposition nouvelle que nous avons introduite dans la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique permet à la CNCCFP de demander communication de toutes les pièces comptables et de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle. Mais, en l’absence de réponse, aucune sanction n’est prévue… En outre, la Commission est tenue de transmettre la liste des partis éligibles à l’aide publique dans un délai de quatre mois, ce qui limite la durée de son instruction.

Deux groupements politiques ont retenu l’attention de la CNCCFP du fait même de l’importance de leur activité bancaire. Le premier est « Cotelec », un micro-parti fondé par M. Jean-Marie Le Pen dont les emprunts et dettes financières s’élèvent à 8 294 489 euros au 31 décembre 2015. Le second est « Jeanne », un micro-parti fondé par Mme Marine Le Pen et dont le compte de résultat s’élève en 2015 à 12 833 521 euros. Par son volume, ce micro-parti, s’il est encore possible d’utiliser ce terme, est en réalité le cinquième groupement politique français, presque à égalité avec le Front national, sur un total de 451 partis ! La particularité de « Jeanne » est de fournir aux candidats du Front national un kit de campagne ainsi qu’un prêt leur permettant de faire face au coût de ce kit en attendant le remboursement de l’État. La nature de ses activités a d’ailleurs conduit l’administration fiscale à requalifier ce parti politique en société commerciale, de manière à l’assujettir à la TVA. Ce redressement est contesté par « Jeanne ». Or les prestations fournies sont dissimulées notamment sous la rubrique « Propagande et communication », qui, précise la CNCCFP, ne vise pas en réalité la propagande du parti, mais des dépenses refacturées aux candidats aux élections de 2015. En outre, la rubrique « Facturation des services rendus aux candidats pour les campagnes électorales » n’est pas renseignée alors qu’elle représente un montant de 9 352 091 euros.

Pour la deuxième année consécutive, la CNCCFP n’a reçu aucune réponse à ses demandes d’éclaircissements. En 2014 déjà, elle avait demandé, en vain, sur les postes « Emprunts et dettes financières diverses » et « Dettes fournisseurs », soit 4,5 millions d’euros au total, un récapitulatif indiquant la structure de chaque dette et son encours précis. Ce sont ces renseignements que les partis seront tenus de fournir après l’adoption de la présente proposition de loi.

Quant à « Cotelec », dont les emprunts à 3 % représentent un montant de 8,3 millions d’euros, il a prêté 7,2 millions à 6 %, mais se déclare incapable de répondre à la Commission, « rencontrant des difficultés matérielles pour réunir et transmettre les documents demandés »… L’adoption de la proposition de loi l’obligera désormais à fournir ces renseignements, qui seront rendus publics.

Je relève que « Cotelec » et « Jeanne » sont les seuls groupements politiques dotés d’un budget de cette importance qui ne répondent pas aux demandes d’explication de la Commission.

La présente proposition de loi permettra d’améliorer la connaissance des emprunts réalisés, sans conséquences sur les demandes de renseignements concernant les autres anomalies comptables. Il conviendrait donc de renforcer dans un texte ultérieur les pouvoirs de contrôle de la CNCCFP, notamment en instaurant des sanctions financières.

Plus généralement, en vertu de l’interprétation faite jusqu’à présent de l’article 4 de la Constitution, selon lequel « les partis et groupements politiques […] se forment et exercent leur activité librement », aucun contrôle ne s’exerce sur les comptes des partis politiques, alors même que leurs ressources sont désormais constituées d’argent public à hauteur de 50 % en moyenne, contre 36 % de financement direct, le solde correspondant au produit de la défiscalisation de cotisations et de dons.

Lorsque ce financement public a été institué par la première version de la loi de 1988, la libre administration des partis politiques a été préservée, en précisant même que ceux-ci échappaient au contrôle de la Cour des comptes. Mais, aujourd’hui, l’ampleur du financement public conduit à réexaminer cette position. De même, il convient de s’interroger sur les activités commerciales et bancaires des partis, dont on voit bien comment elles peuvent être utilisées, voire détournées de leur objet.

Sur ce point, je rappelle qu’à la suite d’une instruction judiciaire approfondie portant sur le financement des cantonales de 2011 et des législatives de 2012, une dizaine de personnes, dont le trésorier, l’ancien trésorier et l’expert-comptable de « Jeanne », ainsi que le trésorier et le vice-président du Front national, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et détournement de fonds publics. Il n’est pas question de préjuger du jugement qui sera rendu, mais ces faits montrent qu’il paraît nécessaire de procéder à l’avenir à une refonte beaucoup plus importante de notre législation.

La présente proposition de loi procède à plusieurs modernisations opportunes des obligations pesant sur les candidats et les partis. Elle ne comptait au départ que deux articles ; complétée au Sénat, elle en comporte désormais dix. Les modifications apportées, que l’on peut qualifier de mineures ou d’administratives, correspondent à autant de recommandations formulées par la CNCCFP dans ses anciens rapports.

C’est ainsi que, à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, le Sénat a inséré plusieurs nouveaux articles. Les articles 1er A et 1er B aménagent les délais et les modalités de dévolution en cas d’excédent d’un compte de campagne. Les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral prévoient, dans ce cas, l’affectation du solde positif, dès lors que cet excédent provient de dons de personnes physiques ou de partis politiques. Il convenait simplement de revoir les délais et les modalités de versement de cette affectation.

L’article 1er C corrige une erreur de référence.

L’article 1er, qui complète l’article L. 52-12 du code électoral, prévoit que la publication des comptes de campagne des candidats « indique notamment les montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat ou le candidat tête de liste pour financer cette campagne, répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l’identité des prêteurs personnes morales ». Il réintroduit ainsi les dispositions que nous avions votées dans le projet de loi « Sapin 2 ». En étendant le champ des informations publiées, donc soumises à l’examen de l’opinion publique, ces dispositions sont de nature à renforcer la transparence des financements électoraux et la vigilance des candidats quant à l’identité de leurs créanciers.

L’article 1er bis complète les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons.

L’article 1er ter gèle le montant du plafond des dons et cotisations aux partis politiques. Même si, jusqu’à présent, le Gouvernement n’a pas procédé par décret à la réévaluation du montant des dons, l’article supprime cette réévaluation ; il n’était peut-être pas nécessaire de le faire, mais nous devons voter le texte conforme si nous voulons qu’il entre en vigueur. Voilà d’ailleurs pourquoi je ne vous proposerai aucun amendement, malgré les réserves que l’on pourrait émettre sur l’utilité de tel ou tel ajout.

L’article 1er quater allège l’obligation de recourir à deux commissaires aux comptes pour les partis et groupements politiques ayant une faible surface financière. Seule une quarantaine de partis politiques resteront soumis à cette obligation, leurs ressources excédant 230 000 euros, tandis que les autres, qui sont un peu plus de 400, pourront faire certifier leurs comptes par un seul commissaire aux comptes.

L’article 2 complète les dispositions de l’article 1er, s’agissant cette fois de la transparence du financement des partis. Il prévoyait initialement, outre les dispositions concernant les prêts, la transmission d’informations relatives notamment aux flux financiers entre les partis politiques. Ce volet a été supprimé par le Sénat au motif qu’il risquait d’être censuré sur le fondement de l’article 4 de la Constitution. Il appartient naturellement au Conseil constitutionnel de trancher cette question ; toutefois, le fait qu’il s’agisse non pas d’interdire les flux financiers entre partis mais de transmettre et de publier des informations les concernant me conduit à penser que le risque de censure pourrait n’être pas avéré. Je regrette donc l’excès de prudence des sénateurs.

Le Sénat a également ajouté un article 2 bis qui confère à la Commission nationale un pouvoir de modulation des sanctions qu’elle prononce et de leur durée, en cas de manquement aux obligations comptables. Cette évolution doit permettre de mieux proportionner la sanction à la gravité des faits : la sanction pourra être plus élevée pour les manquements les plus graves – privation pendant trois ans du bénéfice de l’aide publique et de la déduction fiscale – ou, au contraire, ne pas être prononcée en cas d’erreurs matérielles ou de retard.

Enfin, la commission des Lois du Sénat a adopté un nouvel article 3 pour reporter au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de la proposition de loi. Ce choix d’une entrée en vigueur différée n’est pas contestable, dans la mesure où une application immédiate aurait été difficile pour les partis politiques dont les comptes sont ouverts depuis le 1er janvier 2017. Ces dispositions ne s’appliqueront donc qu’à l’exercice 2018, c’est-à-dire aux comptes déposés auprès de la Commission nationale lors du premier semestre 2019.

Mes chers collègues, le temps nous manque pour envisager une réforme électorale plus ambitieuse, bien qu’elle serait nécessaire. Il faut, en cette fin de législature, saisir toutes les occasions qui nous sont offertes de faire progresser la transparence des financements électoraux. Cette proposition de loi sénatoriale y contribue incontestablement. C’est la raison pour laquelle je me suis abstenu, je vous l’ai dit, de tout amendement ; je vous recommande de faire de même et de voter conforme le texte qui nous est soumis.

M. Jacques Bompard. Je ne trahirai pas les Français en disant que leur première volonté en matière d’obligations comptables des partis politiques serait que l’on mette fin au financement de ces derniers par l’État. Le financement public des partis politiques ne se justifie que si ces mouvements contribuent à animer la cité. Or force est de constater qu’ils ne jouent plus, à l’évidence, ce rôle puisque 89 % des citoyens le leur contestent…

Pour ce qui est de la lettre du texte, il est nécessaire et même indispensable de corriger les errements dénoncés par le rapporteur. Par ailleurs, je trouve très opportun d’obliger les partis à préciser sur leur déclaration l’origine des fonds que leur allouent les organismes prêteurs pour mener campagne. C’est la plus pure logique de faire en sorte que toute élection française se déroule dans la transparence vis-à-vis de l’étranger ; c’est aussi de la plus pure logique de renforcer nos exigences quant aux comptes que les partis ont à rendre sur leur gestion – la plupart du temps ruineuse, voire aléatoire.

Cela étant, qu’en est-il des plus petits mouvements ? Les candidats naissants et les mouvements encore modestes pourront-ils concrètement se présenter aux élections sans être désavantagés vis-à-vis des grosses machines qui maîtrisent davantage ces dispositions ?

Ces questions étant posées, je voterai très volontiers cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Le débat sur le financement public ou privé des partis politiques revient de temps en temps ; je rappellerai qu’avant que nous mettions ces règles en place, les partis politiques étaient financés par le secteur privé ; et avant même que nous réglementions ce financement privé, il existait un financement privé occulte… Les dispositions qui ont été prises pour interdire tout financement par une personne morale, à l’exception des partis politiques – ou des micro-partis –, et qui ont été compensées par un financement étatique des partis politiques et des campagnes électorales, représentent un progrès dans notre législation. On a bien vu récemment, dans un pays d’outre-Atlantique où la réglementation en vigueur est facilement contournée, que les dépenses électorales atteignent des montants considérables. En ce qui nous concerne, nous sommes préservés de ce type d’excès grâce aux règles de financement et de plafonnement des dépenses électorales, grâce également au contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne. Un progrès reste néanmoins à faire dans le contrôle éventuel des comptes des partis politiques. Mais s’agissant des campagnes électorales, nous pouvons nous réjouir de bénéficier d’une législation globalement satisfaisante.

M. Jacques Bompard. Je n’ai pas dit qu’il fallait remettre en cause le financement public des partis politiques, monsieur le rapporteur, mais que l’opinion publique y était hostile. Je ne rappellerai pas ici toutes les raisons qui expliquent le rejet populaire de la classe politique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais réagir aux propos de notre collègue Jacques Bompard.

Tout d’abord, le financement public des partis politiques est certes impopulaire, mais il est faux de dire qu’il permet aux partis politiques de vivre normalement. Si les micro-partis existent, c’est bien souvent parce que l’activité de tel ou tel élu, pour être financée, le nécessite. Quand un parti est au pouvoir, il a beaucoup d’argent ; quand il est dans l’opposition, il n’en a quasiment plus. Telles sont les modalités de financement de notre vie politique : quand un parti n’est plus au pouvoir – ce qui arrive alternativement aux uns et aux autres –, il se retrouve dans l’incapacité de financer ses organisations locales. C’est son organisation centrale qui est principalement financée. Par conséquent, même si le financement public des partis n’est pas populaire, je soutiens que la démocratie a un coût ; or il se trouve que ce coût n’est pas assumé par la collectivité, ce qui est assez lâche de la part des différents responsables politiques.

Ensuite, vous avez raison de dire, monsieur le rapporteur, que le plafonnement des dépenses de campagne permet d’éviter les dérives que connaissent d’autres pays ; mais cela tient surtout à l’interdiction de la publicité commerciale. J’insiste sur ce point car c’est à la demande de ma famille politique, et notamment de Pierre Méhaignerie, que Michel Rocard a interdit cette pratique, alors même que des groupes de pression télévisés et radiophoniques se démenaient pour qu’elle soit autorisée… Si les campagnes électorales coûtent si cher aux États-Unis, c’est justement du fait de la publicité commerciale. Bref, notre système de contrôle des dépenses est assez bon ; mais objectivement, le financement public des organisations politiques expose les responsables locaux à des dérives et à des travers.

Je regrette que nous n’ayons pas profité de cette proposition de loi pour traiter le problème bancaire. La complexité du financement des partis politiques par les banques fragilise la démocratie. Je ne vise aucun parti politique en particulier – j’ai moi-même vécu ce problème l’an dernier en tant que président d’un parti –, mais je voudrais parler des candidats aux élections. Si l’on peut être candidat à une élection aujourd’hui, c’est parce que les campagnes étant remboursées, on n’est pas contraint de disposer d’une fortune personnelle pour le faire. Cette règle est démocratique : elle a un coût mais elle permet à tout le monde de se présenter et d’exposer ses idées devant les Français. À l’inverse, la difficulté se pose du côté des banques, qui sont de plus en plus frileuses, pour ne pas dire réticentes et parfois même totalement hostiles à l’idée de prêter de l’argent aux candidats en attendant le remboursement de leurs dépenses par l’État. C’est un sujet que nous devrions traiter au Parlement, même si nous n’en avons plus le temps durant cette législature : il n’est pas normal qu’une banque puisse ainsi s’arroger le droit de vous permettre ou non d’être candidat.

Enfin, si les micro-partis ont une mauvaise image dans notre pays, ils n’en sont pas moins rendus nécessaires par la pauvreté des grands partis politiques. C’est souvent le seul moyen de conduire des actions politiques en toute légalité alors même qu’ils ne sont pas des partis politiques au sens où nous l’entendons.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux candidats

Article 1er A (art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral) : Délai de dévolution du solde excédentaire d’un compte de campagne

La Commission adopte l’article 1er A sans modification.

Article 1er B (art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral) : Modalités de perception de la dévolution du solde positif d’un compte de campagne

La Commission adopte l’article 1er B sans modification.

Article 1er C (art. L. 52-9 du code électoral) : Coordination relative aux indications devant figurer sur les documents d’appel aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale

La Commission adopte l’article 1er C sans modification.

Article 1er (art. L. 52-12 du code électoral) : Publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Chapitre II

Dispositions relatives aux partis politiques

Article 1er bis (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Ajout d’indications supplémentaires sur les appels aux dons des partis et groupements

La Commission adopte l’article 1er bis sans modification.

Article 1er ter (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Suppression de l’actualisation de certains plafonds applicables aux dons et cotisations aux partis et groupements politiques

La Commission adopte l’article 1er ter sans modification.

Article 1er quater (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Limitation de l’obligation de certification par deux commissaires aux comptes à certains partis et groupements politiques

La Commission adopte l’article 1er quater sans modification.

Article 2 (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Obligation de transmission d’une annexe aux comptes annuels et publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les partis et groupements politiques

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 2 bis (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Pouvoir de modulation par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des sanctions prononcées en cas de manquement des partis ou groupements politiques à leurs obligations comptables

La Commission adopte l’article 2 bis sans modification.

Article 3 (nouveau)

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Puis elle adopte la proposition de loi sans modification.

M. le président Dominique Raimbourg. Ce texte sera examiné en séance publique le 22 février prochain, et marquera la clôture de ces cinq ans de travaux de notre Commission.

M. le rapporteur. Ce sera aussi mon dernier discours à l’Assemblée, après vingt-cinq années de vie parlementaire…

M. le président Dominique Raimbourg. Avec toutes nos félicitations, monsieur le rapporteur !

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La Commission examine la proposition de résolution européenne sur la prévention des conflits d'intérêt dans l’Union européenne (n° 4393) (Mme Danielle Auroi, rapporteure).

M. le président Dominique Raimbourg. Nous souhaitons la bienvenue à notre collègue Danièle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes, ainsi qu’à deux administrateurs de l’Assemblée nationale du Niger, MM. Ibrahim Yansambou et Abdouraoufou Sidi, actuellement en stage au service des comptes rendus des commissions. (Applaudissements.)

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes, rapporteure. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie de m’accueillir à la commission des Lois pour rapporter cette proposition de résolution européenne, déposée sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution, sur la prévention des conflits d’intérêts dans l’Union européenne.

Je veux saluer, plus particulièrement, la décision du président Dominique Raimbourg qui a accepté d’inscrire à l’ordre du jour de la Commission ce texte portant sur une exigence désormais fondamentale pour les opinions publiques, européennes ou nationales : la transparence et l’exemplarité des décideurs publics.

Le point de départ des travaux que j’ai conduits avec notre collègue Nathalie Chabanne, et dont cette proposition de résolution n’est que l’aboutissement, est évidemment à rechercher dans les conditions du pantouflage de l’ancien président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, et de plusieurs membres de son équipe qui ont remis la question de la lutte contre les conflits d’intérêts au cœur de l’actualité européenne. Dans un contexte déjà marqué par un eurosceptisme grandissant parmi nos concitoyens, un tel scandale ne pouvait qu’alimenter la défiance.

L’Union européenne est pourtant, à maints égards, en avance sur les États membres. La Commission et le Parlement européen se sont ainsi dotés, dès 2011, d’un registre commun des représentants d’intérêts alors que nous venons tout juste d’en voter le principe, au plan national, dans le cadre de l’article 25 de la loi dite « Sapin 2 ». Le statut des fonctionnaires européens prévoit de nombreuses obligations déontologiques en matière de conflit d’intérêts ou de pantouflage, encore renforcées en 2013. L’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne rend toute activité professionnelle incompatible avec les fonctions de membre de la Commission européenne. Le code de bonne conduite créé en 1999 prévoit, pendant une période de « refroidissement » de dix-huit mois suivant la cessation des fonctions, que les anciens commissaires doivent informer la Commission lorsqu’ils envisagent d’exercer une activité professionnelle.

Ces règles se sont néanmoins révélées insuffisantes et ont été prises en défaut par les récents scandales. Les institutions européennes ont réagi tardivement et trop timidement.

Sous l’impulsion de la Commission Juncker, un accord interinstitutionnel a pu être conclu en septembre dernier entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil afin de créer un registre de transparence du lobbying – sur lequel l’inscription sera désormais obligatoire pour les représentants d’intérêts souhaitant rencontrer les commissaires, les députés européens et les plus hauts fonctionnaires de nos institutions. Remarquons néanmoins que cette liste n’est pas complète puisque, par exemple, les organisations religieuses et les sectes n’y sont pas répertoriées.

Pour positive qu’elle soit, cette avancée demeure limitée. Comme vous le savez, un accord interinstitutionnel n’a pas la même portée qu’un texte législatif européen. Il ne sera juridiquement contraignant que pour les institutions qui y seront parties et non pas pour les représentants d’intérêts. En particulier, il ne s’appliquera aux représentations permanentes des États membres à Bruxelles que sur la base du volontariat.

La définition du lobbying retenue dans cette nouvelle proposition constitue par ailleurs un important recul par rapport à l’accord interinstitutionnel précédent, car elle n’inclut plus la notion de lobbying indirect.

Le président Juncker a également proposé de modifier le code de conduite des commissaires en étendant la période de « refroidissement » de dix-huit mois à deux ans pour les anciens commissaires et à trois ans pour les anciens présidents de la Commission européenne.

Cette proposition ne remédie toutefois pas aux problèmes récemment mis en lumière, en particulier la faiblesse institutionnelle des comités d’éthique de la Commission européenne et du Parlement européen.

Dans ces conditions, la proposition de résolution européenne que je vous propose d’adopter vise plusieurs objectifs.

En premier lieu, elle a pour objet de rappeler le soutien constant de l’Assemblée nationale aux dispositifs de prévention des conflits d’intérêts et l’accueil favorable réservé à la proposition d’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire pour les représentants d’intérêts – c’est la première partie.

Certaines des modalités retenues par la Commission européenne dans sa proposition pourraient toutefois être substantiellement revues afin d’assurer l’efficacité des nouvelles règles. La définition des activités relevant de l’accord devra inclure toutes les activités de lobbying direct ou indirect : c’est le paragraphe 3. L’inscription au registre devrait être obligatoire pour rencontrer n’importe quel fonctionnaire européen, et pas seulement les hauts responsables : c’est le paragraphe 4. La proposition de résolution appelle aussi, dans l’alinéa 7, la Commission européenne à appliquer au lobbying de l’industrie du tabac les règles spécifiques définies par l’Organisation mondiale de la Santé, qui pour l’heure ne sont aujourd’hui observées que par la direction générale de la Santé.

La seconde partie de cette proposition de résolution formule une série de recommandations et d’observations relatives aux règles déontologiques applicables aux responsables européens. Elle préconise l’extension de la période de refroidissement à trois ans pour l’ensemble des commissaires européens – paragraphe 9. Elle recommande la création d’une Haute autorité pour la transparence de la vie publique européenne, sur le modèle forgé ici même en 2013, qui remplacerait les comités d’éthique internes à la Commission européenne et au Parlement européen – paragraphe 13.

Enfin, dernière préconisation qui ne devrait pas laisser insensible la commission des Lois, la proposition de résolution recommande l’adoption de règles plus protectrices pour les lanceurs d’alerte – paragraphe 14.

En conclusion, je précise que j’ai déposé une série d’amendements visant à apporter des améliorations rédactionnelles à cette proposition de résolution. Je vous invite bien entendu à les adopter.

Mme Marietta Karamanli. Je tiens à saluer cette initiative qui a d’abord été soutenue en commission des Affaires européennes. Je me félicite que ce thème soit abordé aujourd’hui à la commission des Lois tant « l’affaire Barroso » a jeté une lumière crue sur les conflits d’intérêts concernant d’anciens membres haut placés dans les instances européennes. Pour la première fois, un ancien président de la Commission européenne est parti rejoindre une entreprise privée – et pas n’importe laquelle : la très controversée banque d’affaires Goldman Sachs, soupçonnée d’avoir contribué à cacher la vérité sur les comptes de la Grèce puis d’avoir spéculé sur sa dette ! Parallèlement, l’ex-commissaire chargée de la concurrence puis des nouvelles technologies a été au centre de nombreuses interrogations sur de possibles conflits d’intérêts. Le Wall Street Journal soulignait pourtant en 2004, au moment de sa nomination : « Jamais des officiels européens n’ont eu affaire à une candidate ayant autant de liens dans les affaires et autant de conflits d’intérêts potentiels ». Depuis son départ, elle est devenue chef lobbyiste d’Uber et salariée de Bank of America. Ces quelques affaires montrent l’actualité et l’importance de ce sujet.

À plusieurs reprises, dans ses résolutions du 8 mai 2008, du 11 mai 2011 et du 15 avril 2014, le Parlement s’est engagé en faveur de la mise en place d’un registre obligatoire pour les lobbies. Il faut se réjouir que la Commission européenne soit désormais sur la même position que le Parlement européen et qu’elle soit déterminée à aller de l’avant pour rendre ce registre obligatoire, ce qu’il n’est toujours pas, et faire en sorte que le Conseil joue le jeu dans cette partie.

Je voudrais néanmoins insister sur le fait que la déclaration, elle aussi, reste facultative, et que bon nombre d’activités ne sont pas visées : celles qui dépendent des gouvernements des États membres, des pays tiers et des organisations internationales, des missions diplomatiques, qui ne sont pas censées s’enregistrer, des églises et des communautés religieuses, des autorités régionales et locales… Sont également exclues de l’obligation déclarative les activités de fourniture d’avis juridiques et de conseils professionnels dans le cadre de procédures judiciaires et administratives, les activités des partenaires sociaux agissant en tant qu’acteurs du dialogue social – syndicats et associations patronales – et les activités effectuées à la demande directe et individuelle d’une institution de l’Union européenne ou d’un député européen.

S’il y a encore matière à améliorer les choses, le groupe socialiste, écologiste et républicain n’en tient pas moins à saluer cette initiative. Sans doute conviendrait-il d’articuler ce registre avec les règles en vigueur en matière de conflits d’intérêts et les codes de conduite existants et d’assurer un suivi de cette initiative – même si c’est un peu difficile en cette fin de législature. Nous espérons en tout cas que ce sujet sera repris dans les travaux de l’Assemblée nationale lorsqu’elle aura été renouvelée. Enfin, il serait intéressant de connaître la position des différents États membres et de prendre contact avec les autres parlements nationaux afin qu’ils se saisissent de ce sujet et qu’ils soutiennent l’initiative parlementaire française dans les mois qui viennent.

En tout état de cause, je tiens à remercier la rapporteure, même si nous restons un peu sur notre faim. Sylvie Guillaume, qui a défendu ce registre au Parlement européen, sera sûrement heureuse de voir cette initiative portée par les parlementaires français.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je voterai bien entendu cette proposition de résolution européenne et je souhaiterais prolonger les propos de Mme Karamanli, mais dans un sens qu’elle n’approuvera pas nécessairement.

Sans aller jusqu’à dire que ce dispositif est un cautère sur une jambe de bois, il intervient d’une manière un peu artificielle sur un mal extrêmement profond. Une chose est le départ d’un commissaire, et même d’un commissaire en chef, si je puis dire, comme M. Barroso, vers un groupe d’intérêts dont le rôle dans l’évolution et le contenu des politiques européennes a été particulièrement remarquable et même nocif, une autre chose est l’origine même des commissaires européens. Vous savez très bien qu’à chaque nomination de commissaires européens se pose la question de leur lien d’origine avec des lobbies. À cet égard, l’affaire Neelie Kroes a été particulièrement emblématique. Là, il ne s’agit pas de son départ vers des lobbies mais de savoir qui est le commissaire européen, quels intérêts il peut représenter.

Lors de la nomination d’un commissaire européen, on doit s’assurer de son indépendance vis-à-vis de l’État membre dont il est originaire, mais personne ne s’assure de son indépendance vis-à-vis du marché. Il est arrivé que le Parlement proteste – c’est le cas de l’affaire Neelie Kroes, mais elle n’est pas la seule –, puis les choses s’arrêtent là et l’on nomme tout de même le commissaire européen. Il y a là un phénomène très dangereux pour la démocratie, et directement lié, me semble-t-il, au système de nomination des commissaires européens compte tenu des pouvoirs de la Commission, organe partiellement exécutif et partiellement législatif qui, et je le dis sans esprit de polémique, ne correspond pas au standard démocratique dans la mesure où elle ne procède d’aucun vote populaire, ni direct, ni indirect. C’est un problème sérieux, comme le montrent certains mouvements, en Europe et hors de l’Europe. Tant que la Commission européenne fonctionnera avec des commissaires qui, alors qu’ils exercent un pouvoir semi-législatif et semi-exécutif, ne sont ni contrôlés, comme le sont tous les gouvernements et les parlements, ni issus d’un vote populaire, nous serons condamnés à courir derrière des maux que le système engendre lui-même.

C’est la raison pour laquelle, tout en approuvant cette résolution, je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur son efficacité dans l’avenir.

M. Jacques Bompard. Prévoir de résoudre le problème des conflits d’intérêts dans l’Union européenne où des lobbyistes sont admis au sein du Parlement semble être un noble objectif mais qui paraît effectivement bien peu atteignable. D’ailleurs, nous devrions nous garder de nous prévaloir d’une singulière exemplarité en cette matière puisque, ne serait-ce que du côté de la santé, nous venons de connaître un gouvernement qui a fait beaucoup pour conforter les intérêts des grandes entreprises pharmaceutiques, ainsi d’ailleurs que pour nos sociétés concessionnaires des autoroutes.

Je tiens tout de même à saluer l’initiative. Quand on sait que le représentant des semenciers français est financé par Monsanto, on entrevoit le scandale institutionnel en cause dans nos pays ! On ne pouvait en effet que comprendre l’indignation des Européens quand ils apprirent que M. José Manuel Barroso rejoignait Goldman Sachs. On comprenait également leur indignation quand toute la presse subventionnée par les États, que toutes les communications des institutions européennes, allaient contre le Brexit.

Pour mesurer la profondeur du mal, on peut citer cette phrase de la proposition de résolution : « Se félicite que le règlement intérieur du Parlement européen interdise désormais à ses membres de s’engager à titre professionnel dans des activités rémunérées de représentants d’intérêts auprès de l’Union européenne ».

Bien évidemment, je suis favorable à ce texte, mais je me demande pourquoi il passe sous le boisseau le nombre de scandales largement évoqués en France, il est vrai plus souvent dans la presse spécialisée que dans les grands médias.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je partage en grande partie les propos de Mme Bechtel sur l’évolution positive que cette proposition de résolution semblerait dessiner, mais également sur la profondeur du mal : ce n’est pas d’une évolution dont l’Europe a besoin, mais bien d’une révolution. D’abord parce que l’Europe s’occupe aujourd’hui essentiellement de choses accessoires, de réglementations qui touchent beaucoup d’intérêts ; et ces intérêts ne manquent évidemment pas de se manifester, et de surcroît dans une Commission et un Parlement dont la culture n’est pas la culture française – chez nous, le Parlement ne décide de rien et l’exécutif décide de tout –, mais plutôt une culture à l’anglo-saxonne où le Parlement accepte cette logique de lobbying.

Si l’Europe se concentrait sur l’essentiel, elle y regagnerait en crédibilité vis-à-vis des peuples, dans sa capacité à nous protéger contre le grand banditisme ou le terrorisme, sa capacité à avoir, au moins pour la partie qui a choisi l’euro, une politique monétaire au service de nos intérêts et pas d’autres choses, comme c’est le cas malheureusement aujourd’hui, sa capacité à développer des stratégies industrielles, commerciales. Bref, l’Europe devrait être faite pour cela, certainement pas pour multiplier des réglementations qui intéressent surtout telle ou telle industrie, tel ou tel lobby, tel ou tel groupe. J’ajoute que l’on y gagnerait à recentrer l’Europe sur ce que nous savons le mieux faire ensemble et à la libérer de tout ce qui est inutile et insignifiant en intérêts collectifs – mais pas en intérêts particuliers.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme l’a dit M. Bompard, c’est une maladie française que de regarder ce qui ne va pas en Europe. Et Dieu sait qu’il y en a beaucoup ! Mais regardons aussi ce qui se passe chez nous : le pantouflage ou la prédestination entre une majorité et l’autre – si je perds le pouvoir alors que j’étais dans une fonction administrative importante à tel ou tel endroit, je trouve dans le privé un positionnement en attendant la prochaine alternance, etc. Voilà une pratique que nous devrions interdire parce que cela veut dire en réalité, au-delà d’une forme de technocratie que l’on sanctifie, que l’on sacralise, que l’entreprise qui recrute la personne qui vient de quitter ses fonctions publiques en attendant de les retrouver, ne fait pas autre chose qu’un pari sur l’avenir. Nous avons eu l’exemple, au cours de cette législature, d’un ancien ministre dont on a découvert a posteriori que, nommé conseiller d’un ministre, il était parti dans le privé pour revenir ensuite !

Enfin, je pense que les activités accessoires, notamment des parlementaires, devraient être bien plus fermement réglementées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Si certains métiers ne posent pas de problèmes de conflits d’intérêts – les professeurs, les médecins – d’autres, en revanche, devraient être interdits à l’avenir.

Oui, l’Europe a besoin de fonctionner différemment pour être plus morale, mieux acceptée auprès de nos concitoyens et surtout plus efficace.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Plus démocratique !

M. Jean-Christophe Lagarde. Sans doute devrions-nous faire au moins le même effort dans notre pays qui, de ce point de vue, n’a aucune leçon à donner à aucun autre pays européen.

M. le président Dominique Raimbourg. Le travail que nous présentons aujourd’hui est évidemment important et intéressant, mais la somme de travaux qui reste à effectuer est tout aussi impressionnante – je fais référence ici aux travaux qui ont été menés par Karine Berger et Pierre Lellouche sur la question des sanctions à l’égard des banques et de certaines institutions.

J’ai du mal à comprendre que la banque Goldman Sachs, qui a trafiqué les comptes de la Grèce puis a spéculé contre ce pays, n’ait pas fait l’objet de poursuites de la part de l’Europe, qu’elle n’ait pas perdu son agrément bancaire et que nous n’ayons pas agi à son encontre avec la même fermeté que celle dont font preuve les autorités américaines vis-à-vis de la BNP et de la Deutsche Bank à qui elles font payer des amendes colossales.

Si l’on pouvait réactiver des poursuites à l’encontre de cette banque, on ferait un pas dans le sens d’une forme de propreté un peu plus affirmée de nos institutions.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faudrait au moins créer les instruments permettant de le faire !

M. le président Dominique Raimbourg. Tout à fait. Et si j’ai souhaité que vous veniez nous présenter cette proposition de résolution, madame la rapporteure, c’est parce que cela nous donne l’occasion de réagir ici à des scandales tels que le pantouflage de l’ancien président de la Commission, et de mesurer le chemin qui reste à parcourir.

Mme la rapporteure. Je partage tout à fait votre conclusion. Il faut prendre ce texte pour ce qu’il est : un premier pas, pour plus de transparence et plus de démocratie au niveau de l’Union européenne. Il me semble que des avancées sont obtenues et que notre proposition de résolution propose d’aller plus loin, sans vouloir donner de leçon : comme l’a dit M. Lagarde, nous ne sommes pas là pour donner des leçons, mais pour faire partager.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument !

Mme la rapporteure. Quant aux remarques de Mme Bechtel, elles sont tout à fait pertinentes, mais c’est tout le problème de la construction européenne : c’est le Conseil qui dirige, autrement dit d’abord et avant tout les gouvernements.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce n’est pas si simple !

Mme la rapporteure. Je me permets de rappeler que les commissaires sont proposés par chacun des États, et ce sont bien les États qui ont fait leur choix. D’ailleurs, comme vous l’avez remarqué, lors de l’audition des futurs commissaires par le Parlement européen, on en voit toujours un ou deux qui se font taper sur les doigts. Pour avoir été parlementaire européenne, je peux vous assurer que l’audition qu’on leur fait passer au Parlement européen est un vrai grand oral !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Quelle en est la conséquence ?

Mme la rapporteure. Pour le reste, je le répète, la logique qui continue à prédominer dans l’Union européenne est celle de la structure intergouvernementale : tant que nous en resterons à cette structure et à l’empilement des traités, il sera difficile d’aller plus loin, même si personnellement je le regrette.

Enfin, monsieur Lagarde, la commission des Affaires européennes a travaillé sur l’évolution de l’Union européenne bien en amont, c’est-à-dire dès 2013. Nous avons publié un rapport prospectif, en particulier sur un Parlement de l’euro. Elle a également réfléchi sur les institutions, mais pas dans ce texte-là. Mme Karamanli est témoin que nous avons déjà essayé de faire des propositions. Mais on sait que c’est du long terme, qu’il y a vingt-sept États, qu’ils doivent débattre et se mettre d’accord. La construction du compromis est toujours compliquée.

Comme l’a dit le président Raimbourg, ce texte est un premier pas qui permettra, s’il est adopté, d’aller plus loin. D’autres parlements ont déjà engagé la même réflexion, en particulier nos collègues des pays nordiques : il y a longtemps qu’ils se sont exprimés sur la transparence bien plus fermement que ce que propose la Commission européenne et que nous avons déjà essayé d’amender.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ce que nous ne ferons pas aujourd’hui !

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un sujet passionnant qui permettrait d’ouvrir un débat sur les institutions européennes. C’est ce que nous ferons peut-être. En tout cas, j’espère que nos successeurs poursuivront ce travail de transparence au sein de l’Union européenne.

La Commission en vient à l’examen des amendements.

Article unique

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1, CL2, CL3, CL4, CL5, CL6, CL7, CL8 et CL9, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte la proposition de résolution européenne modifiée.

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La réunion s’achève à 12 heures 15.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Patrice Verchère, rapporteur en vue de l’audition des personnalités dont la nomination est envisagée par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale à la fonction de président et de membre de la Commission prévue à l’article 25 de la Constitution.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Danielle Auroi, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, M. Gilles Bourdouleix, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-Yves Caullet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, Mme Pascale Crozon, M. Jean-Pierre Decool, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Guy Geoffroy, M. Bernard Gérard, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Philippe Houillon, Mme Marietta Karamanli, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Olivier Marleix, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Edouard Philippe, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. François Pupponi, M. Dominique Raimbourg, M. Camille de Rocca Serra, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Marc-Philippe Daubresse, Mme Laurence Dumont, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Michel Zumkeller

Assistait également à la réunion. - M. Sergio Coronado