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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 4 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi organique

Rappel au règlement

M. Jean-Christophe Lagarde

Discussion des articles

Article 1er (suite)

Amendement no 88

M. Christophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Amendements nos 32, 355, 97, 243, 98, 244, 30, 245, 246, 73, 247, 312, 248, 239, 249, 250

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 1er (suite)

Rappel au règlement

M. Jean-Christophe Lagarde

Article 1er (suite)

Amendements nos 251, 308, 176, 253, 252

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 305, 205, 201

Rappel au règlement

M. Jean-Frédéric Poisson

Article 1er (suite)

Amendements nos 204, 137, 138, 99, 202

Après l’article 1er

Amendements nos 240, 242, 241

Article 1er bis

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Philippe Baumel

M. Yannick Favennec

Mme Annie Genevard

M. Nicolas Dhuicq

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Francis Vercamer

M. Sergio Coronado

M. Jean-Luc Laurent

M. Christophe Caresche

M. François Loncle

Mme Barbara Romagnan

Amendements nos 354, 3, 25, 71, 136, 165, 185, 210 deuxième rectification, 235, 356

Après l’article 1er bis

Amendements nos 296, 203, 297

Article 1er ter

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Annie Genevard

M. Philippe Baumel

Mme Chantal Guittet

M. Pierre-Alain Muet

M. Nicolas Dhuicq

M. Martial Saddier

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Daniel Fasquelle

M. Sylvain Berrios

Amendements nos 4, 310, 311, 254, 222, 223

Article 1er quater

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Annie Genevard

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 5, 314, 316

Article 2

M. Daniel Fasquelle

Amendements nos 6, 65, 105, 151, 236, 292, 173, 115, 69, 162

Après l’article 2

Amendements nos 214, 328

Article 2 bis

Amendement no 7

Article 3

M. Jean-Frédéric Poisson

Amendements nos 8, 66, 146, 152, 178, 212, 301, 307

Article 3 bis

M. Jean-Frédéric Poisson

Amendements nos 9, 255, 256, 257, 258

Après l’article 3 bis

Amendements nos 233, 361, 224, 227, 227, 271, 270, 273, 226, 225, 272, 275, 276, 279, 274, 277, 278, 280, 357, 358, 359, 229 rectifié, 230 rectifié, 231 rectifié, 103, 184, 147, 24 rectifié, 329, 148

Article 3 ter

Article 4

Amendements nos 67, 238, 293, 303, 302, 319 rectifié, 188, 295, 70

2. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen

Discussion des articles

Article 1er

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 13, 39, 52 rectifié, 15, 14, 22, 43, 42

Article 1er bis

Article 2

Amendement no 1

Article 2 bis

Amendement no 2

Article 3

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 3, 4

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (nos 885, 1173).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, nous débattons depuis hier du renforcement des pouvoirs du Parlement. Dans ma motion de procédure, je soulignais qu’il était inquiétant que le Parlement ait si peu de pouvoirs pour contrôler l’activité de nos services de renseignements.

Un grand journal du soir, Le Monde pour ne pas le citer, explique dans son édition d’aujourd’hui qu’il existe en France un dispositif qui permet d’enregistrer et d’écouter les communications, les mails, les SMS, les fax de toute Française, de tout Français, dispositif qui serait jugé illégal par la CNIL.

La DGSE, qui n’est pas sous votre autorité, monsieur le ministre, met à disposition de la direction centrale du renseignement intérieur et d’autres services de renseignement qui, eux, sont placés sous votre autorité, « les relevés téléphoniques de millions d’abonnés – l’identifiant des appelants et des appelés, le lieu, la date, la durée, le poids du message. Même chose pour les mails (avec possibilité de lire l’objet du courrier), les SMS, les fax… Et toute l’activité internet, qui passe par Google, Facebook, Microsoft, Apple, Yahoo !... »

Pire encore, Le Monde explique que ce dispositif destiné à lutter contre le terrorisme « permet d’espionner n’importe qui, n’importe quand. La DGSE collecte ainsi des milliards et des milliards de données, compressées et stockées, à Paris, boulevard Mortier, dans les sous-sols du siège ».

M. Christophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous ne sommes pas dans une séance de questions au Gouvernement, monsieur le président !

M. Jean-Christophe Lagarde. « Les demandes de consultations », ajoutent les journalistes qui ont mené l’enquête, « sont loin de se limiter au seul terrorisme ou à la défense du patrimoine économique. Le libellé très flou de la protection de la sécurité nationale permet notamment d’identifier les entourages de personnalités au plus haut niveau de l’État, quelles que soient leur qualité et la nature des liens espionnés. »

M. le président. La lecture d’un journal du soir ne peut faire office de rappel au règlement, monsieur Lagarde !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, je tenais simplement à expliquer au ministre ce sur quoi portait mon rappel au règlement.

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, qu’aucun parlementaire n’est visé par ce dispositif et que ces informations sont fausses ? On ne peut pas vouloir revaloriser le Parlement et laisser nos échanges professionnels être surveillés.

Discussion des articles

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 88 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 88.

Mme Annie Genevard. Défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Christophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur pour donner l’avis du Gouvernement

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Défavorable.

(L’amendement n° 88 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour les parlementaires d’exercer des responsabilités dans des établissements publics sans fiscalité propre. Il a été assez largement dit dans l’après-midi que l’une des spécificités des systèmes fédéraux est que les grandes régions ont la possibilité de lever l’impôt alors que dans notre pays, elles ne l’ont pas. C’est une différence essentielle.

Le fait de pouvoir lever la fiscalité est une marque de plénitude exécutive spéciale. Nous n’avons pas compris pourquoi la commission avait ajouté dans la liste des incompatibilités les établissements publics sans fiscalité propre. Le présent amendement vise à permettre aux parlementaires d’y exercer des responsabilités pleines et entières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Notre commission des lois a introduit par amendement l’extension de l’interdiction de cumul aux syndicats mixtes à fiscalité propre, compte tenu de leurs compétences parfois aussi importantes que celles d’un exécutif local. Il nous a semblé cohérent de l’intégrer dans le périmètre des incompatibilités prévu à l’article 1er.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. La disposition que nous voulons supprimer symbolise assez précisément le bloc dogmatique que vous nous proposez. Tous ceux qui exercent des fonctions exécutives locales et qui sont en même temps parlementaires savent qu’il y a des syndicats à fiscalité propre dont les compétences et les ressources atteignent un volume inférieur à celles qui s’attachent à des regroupements intercommunaux sans fiscalité propre.

Cette séparation que vous avez voulu instaurer, toujours à mi-chemin entre deux je ne sais quoi, va entraîner des difficultés de compréhension sur le terrain de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas.

C’est la raison pour laquelle, nous considérons qu’il n’y a que deux solutions possibles : la première, à laquelle nous ne souscrivons pas, est l’interdiction de tout cumul, ce qui met fin à toute ambiguïté ; la seconde est la possibilité d’un cumul avec quelques fonctions bien déterminées, utiles à l’exercice d’une fonction parlementaire diversifiée, comme celles de maire ou de président d’une structure intercommunale.

(L’amendement n° 32 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 355.

Mme Annie Genevard. Défendu.

(L’amendement n° 355, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 97 et 243.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 97.

Mme Annie Genevard. Nous restons cohérents : de la même façon que nous considérons que la fonction de maire adjoint n’a pas à entrer dans le champ de l’interdiction du cumul, nous estimons que la fonction de vice-président de conseil départemental ne doit pas y être intégrée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 243.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout d’abord, j’exprimerai le regret de ne pas avoir obtenu de réponse à la question que j’ai posée au début de la séance.

J’en viens à l’amendement. Nous avons débattu cet après-midi de la nécessité à nos yeux de rendre possible le maintien des parlementaires qui le souhaiteraient dans l’exercice des responsabilités directes, concrètes, exécutives au niveau local. Ce qui est vrai pour les maires ou les maires-adjoints l’est tout autant à nos yeux pour les présidents ou les vice-présidents de conseils départementaux qui ont, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire ou de la politique sociale, une vision de leur territoire très différente.

Il n’y a rien à voir entre celui qui gère l’ensemble d’un département – et pas seulement une circonscription, qui n’est qu’une fraction de département – extrêmement rural, comprenant très peu d’habitants, parfois à peine 200 000, et celui qui gère un département comme le Nord, très fortement peuplé, et divisé en vingt-deux circonscriptions, dont les députés ne peuvent évidemment pas avoir une vision d’ensemble ?

Permettre à l’Assemblée nationale ou au Sénat de compter parmi ses membres des présidents ou des vice-présidents de conseil départemental nous semble d’une utilité réelle, s’agissant par exemple de volets entiers de la politique sociale sur laquelle nous légiférons régulièrement. Ce sont des fonctions qui permettent d’avoir une vision d’ensemble du département, car elles supposent de prendre en compte la globalité d’un territoire. Quand nous légiférons – pardonnez-moi d’attirer votre attention sur l’outre-mer –, nous légiférons sur des textes qui portent sur la totalité de certains territoires, qui se confondent parfois avec des départements pour certains articles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 97 et 243 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 98 et 244, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour défendre l’amendement n° 98.

Mme Annie Genevard. Une fois cette loi adoptée, un député ne pourra plus être en même temps vice-président d’un conseil régional mais pourra présider sa commission des finances, sa commission des transports ou sa commission de la formation, qui sont des compétences-clefs des conseils régionaux.

Nous voyons bien là les limites de la loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre l’amendement n° 244.

M. Jean-Christophe Lagarde. Mesdames, messieurs de la majorité, monsieur le ministre, vous êtes en train de transformer radicalement ce qu’est un parlementaire.

Oui, il va falloir prendre en compte le fait que certains de nos collègues qui abandonneront des responsabilités exécutives locales souhaiteront entrer dans des conseils régionaux. Ils auront une vue de l’activité régionale – et j’ai été moi-même membre d’un conseil régional –, mais ils n’auront pas la capacité d’avoir une vision d’ensemble de leur territoire. Les conseillers régionaux sont aujourd’hui élus par section, dans leur département. On nous dit depuis des heures que les élus peuvent toujours réunir les élus de leur secteur pour avoir une vue d’ensemble. Mais pour certaines régions, comme l’Île-de-France que je connais bien, ce n’est tout simplement pas possible.

Il y a toutefois quelques personnes qui peuvent avoir une vision de la problématique particulière d’un territoire.

Ces élus sont par définition les présidents et les vice-présidents des conseils régionaux, qui seuls doivent embrasser l’ensemble des départements du territoire dans lequel ils sont élus. Refuser à un président de conseil régional, par exemple M. Rousselet, de siéger parmi nous et d’exercer en même temps sa responsabilité exécutive locale nous semble être une erreur.

J’ai bien compris que le rapporteur et le ministre ne répondront plus à nos arguments, mais je pense tout de même qu’empêcher, à l’Assemblée nationale comme au Sénat – nous légiférons pour les deux puisque les règles électives sont les mêmes –, la représentation dans les débats de territoires entiers, départementaux et régionaux, me paraît infiniment regrettable : cela ne permet pas d’en avoir une vision d’ensemble et appauvrit tant les débats que la législation française.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable. Je précise à M. Lagarde, afin qu’il n’ait pas le sentiment que nous refusons de lui répondre, que les arguments ont été déjà largement développés sur ces questions.

M. Guy Geoffroy. Pas assez !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pas sur les régions !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Puisque nous changeons de collectivité, il faut en dire un mot. Vous nous avez expliqué tout à l’heure qu’à partir d’une commune, un député-maire pouvait embrasser l’ensemble de sa circonscription ; maintenant, vous nous expliquez qu’il faut avoir une vue d’ensemble de la région. Or le texte n’interdit aucunement à un parlementaire, vous l’avez suffisamment évoqué, de siéger au sein de l’assemblée régionale.

M. Guy Geoffroy. C’est bien le problème !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Par conséquent, votre argument tombe !

Cela peut poser problème, monsieur Geoffroy ; mais l’argument de notre collègue Lagarde me semble devoir tomber puisque si un parlementaire estime que pour son ancrage local, il a besoin d’avoir une vue globale de la région, il peut toujours se présenter aux élections régionales et y siéger comme simple conseiller régional. Ce n’est pas une incompatibilité prévue par le texte de loi.

Par ailleurs, s’il veut expérimenter une autre manière de faire du terrain, il peut travailler avec les élus régionaux du département où se trouve sa circonscription à la définition de la politique régionale en interaction avec son activité à l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Un mot, monsieur Lagarde : comme ministre et comme ancien parlementaire, je m’oppose totalement à la conception que vous développez dans ce débat !

Les parlementaires, notamment les députés, ont bien évidemment un rapport au terrain, dans le cadre d’un mode de scrutin quel qu’il soit – en l’occurrence, il s’agit du scrutin majoritaire –,…

M. Guy Geoffroy. Jusqu’à quand ?

M. Manuel Valls, ministre. …qui nécessite un enracinement, une confiance.

Nous n’avons pris aucun engagement, fait aucune annonce, prévu aucun changement en la matière, monsieur Geoffroy.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’en reste pas moins que c’est une vraie question !

M. Manuel Valls, ministre. Précisément, j’y réponds : le scrutin majoritaire est là, qui permet cet enracinement, ce lien.

Tous les territoires sont représentés à l’Assemblée – tous, de métropole comme d’outre-mer, sans exception. Leur représentation est assurée à l’Assemblée nationale comme au Sénat – de même d’ailleurs que nos compatriotes de l’étranger. Cela signifie donc que chaque député, même ceux qui ne cumulent pas – et ils sont nombreux –, représentent ces territoires et les défendent.

Pour autant, vous n’êtes pas ici – et je ne l’étais pas moi-même – pour représenter un territoire. Comme vous l’avez très bien dit tout à l’heure, monsieur Lagarde, nous nous nourrissons de notre expérience. Mais loin de représenter un territoire, nous détenons une part de la souveraineté nationale, nous faisons la loi, nous contrôlons ; nous ne sommes pas ici dans un département, et nous ne représentons pas un bout de canton.

L’on pourrait sinon pousser le raisonnement jusqu’à l’absurde : le député-maire battu aux élections municipales – cela peut arriver – se retrouve simple député et conseiller municipal d’opposition. Comme il n’est plus maire, avec votre logique, il devrait démissionner immédiatement de son mandat de député, car il aurait perdu toute légitimité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Syllogisme !

M. Manuel Valls, ministre. Syllogisme peut-être, mais c’est implacable ! Vous partez du principe que le député obtiendra à chaque fois la confiance du citoyen ; mais cela peut changer, nous le savons bien, car c’est déjà arrivé par le passé.

Deux conceptions différentes s’affrontent donc. Que le député garde, d’une part, son ancrage sur le terrain et, d’autre part, légifère et contrôle l’exécutif, oui, mais on ne peut pas instituer dans la loi, comme vous nous le proposez, le député-maire à vie. Ce n’est pas possible ! Si un choix doit être fait, dans le cadre de la décentralisation, alors le parlementaire démissionne et passe le relais pour prendre la responsabilité de la collectivité territoriale dans laquelle il ne manquera pas de s’épanouir.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement, comme tous ceux qui lui sont apparentés, doit vous permettre de nous répondre enfin à la question que nous ne cessons de vous poser : qu’est-ce qui, selon vous, différencie le mandat d’un maire adjoint d’une commune de 1 000 habitants du mandat d’un conseiller régional « de base » de la région Île-de-France ?

M. Manuel Valls, ministre. Pas d’un conseiller régional : d’un exécutif ! Essayez de vous en souvenir !

M. Guy Geoffroy. Qu’entendez-vous par exécutif ? Qu’avez-vous contre l’exécutif ?

M. Manuel Valls, ministre. Rien !

M. Guy Geoffroy. Pourquoi refusez-vous à un député d’occuper une fonction d’exécutif dans une commune de 1 000 habitants, tout en lui permettant de consacrer la moitié, le tiers ou les deux tiers de son temps à sa représentation en tant que conseiller régional, au détriment de la présence, de l’activité et de l’efficacité dans son mandat parlementaire ?

M. Manuel Valls, ministre. Consacrer les deux tiers de son temps à un mandat de conseiller régional ? C’est le seul mandat que vous n’avez pas dû avoir !

M. Guy Geoffroy. Expliquez-nous votre conception de la notion d’exécutif, car nous voulons vraiment la connaître ; or vous ne nous l’expliquez pas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je tiens tout d’abord à vous rassurer, monsieur le ministre de l’intérieur : non, je ne pense pas qu’un député obtiendra systématiquement la confiance de ses concitoyens. Je pense même que nous pourrons le constater assez fortement en 2014…

Ce n’est pas parce que quelqu’un obtient la confiance des citoyens qu’il doit être sanctionné ; or c’est par pure idéologie que vous imposez le choix en question à l’ensemble des parlementaires de ce pays – et à eux seuls, car vous laissez le reste des élus cumuler allègrement tout ce qu’ils souhaitent sans que cela vous dérange, même si cela soulève des problèmes de conflits d’intérêts.

Je vais vous faire une confession, puisque nous sommes entre anciens collègues du conseil régional : lorsque j’étais conseiller régional d’Île-de-France, je ne parvenais pas à embrasser la totalité des problématiques du territoire, concernant tant la partie rurale de l’Île-de-France, qui n’est pas rien, que la partie la plus urbanisée, que je connaissais sans doute beaucoup mieux.

M. Christian Jacob. Venez découvrir la Seine-et-Marne rurale !

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, je voudrais appeler votre attention sur un point, monsieur le ministre, vous qui aimez les syllogismes : le Président de la République a semble-t-il promis d’instaurer à l’Assemblée nationale une part de proportionnelle.

Voilà des élus qui n’auront strictement aucun ancrage territorial, ou en tout cas pas nécessairement, puisqu’ils pourront être recrutés par les partis politiques simplement en fonction de leurs affinités.

Vous refusez à ces élus sans aucun ancrage territorial la possibilité d’en acquérir un – nous aurons le même débat tout à l’heure lorsque nous traiterons des députés européens. C’est extraordinaire ! Pour permettre la représentativité, vous refusez à quelqu’un qui n’a jamais été élu de l’être demain, et d’avoir ainsi la chance d’exercer une responsabilité locale ! Vous êtes exactement dans la contradiction que vous me reprochiez !

S’il y a bien des élus pour lesquels vous devriez faire une exception, ce sont ceux qui demain seront élus à la proportionnelle, afin de leur permettre d’avoir un véritable ancrage local, ou de l’acquérir postérieurement à leur élection comme député.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. J’ai l’impression que nous tournons toujours autour des mêmes arguments : cela commence à devenir lassant. Nous avons consacré trois heures de discussion générale à expliquer la logique de ce texte.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’y a pas de logique !

M. Alain Calmette. Si ! Nous avons passé trois heures sur ce sujet !

C’est pourtant simple. Un parallélisme des formes est institué entre toutes les strates de notre pays : des députés conseillers municipaux pourront représenter le maire, s’ils le souhaitent ; des députés conseillers communautaires pourront représenter le président de l’établissement public de coopération intercommunale ; des députés conseillers généraux représenteront le président du conseil général ; enfin, des députés conseillers régionaux représenteront le président du conseil régional.

M. Guy Geoffroy. Ils représenteront donc l’exécutif !

M. Alain Calmette. La logique repose donc sur le parallélisme des formes, mais vous refusez de l’entendre : cela fait pourtant des heures qu’on vous le répète !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christian Jacob. Ah ! Écoutez la France rurale !

M. Christophe Caresche. Je savais que cela vous ferait plaisir !

Monsieur Geoffroy, vous êtes à la fois un élu local et un élu national : vous savez donc faire la différence entre des fonctions exécutives et des fonctions délibératives ! La fonction exécutive vise à gouverner une collectivité, à prendre diverses décisions et à les exécuter, tandis que la fonction délibérative est une fonction essentiellement de contrôle. Vous le voyez, la différence est très importante.

Le texte est à cet égard cohérent car il fait en sorte, à chaque strate et non seulement au niveau des collectivités territoriales et de leurs regroupements, de distinguer entre les différentes fonctions. La cohérence est donc absolue.

Par ailleurs, j’ai le sentiment, en vous écoutant, que vous voulez faire de l’Assemblée nationale une assemblée d’élus locaux.

M. Yves Albarello. Mais non ! Nous n’avons jamais dit ça !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas ce que nous prétendons !

M. Christophe Caresche. Si : une assemblée d’élus locaux – cela ressort très clairement de vos propos –, avec des élus qui représentent des territoires. Le ministre a eu ainsi parfaitement raison de rappeler que nous représentons ici la nation et non un territoire.

Les arguments que vous développez manifestent une dérive évidente de la conception de la représentation nationale, qui n’est pas acceptable !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est affligeant !

(Les amendements identiques nos 98 et 244 ne sont pas adoptés.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela se recompte !

M. le président. Ne vous inquiétez pas ! J’ai mes comptages et n’ayez aucun doute !

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je voudrais d’abord poser une question à notre collègue Caresche, qui était excellent, comme d’habitude : où avez-vous vu, cher collègue, qu’une fonction délibérative était essentiellement une fonction de contrôle ? D’où cela sort-il ?

J’ajoute par ailleurs, pour objecter à votre démonstration et aux propos tenus un peu plus tôt par notre collègue Calmette, que l’argument qui nous est servi depuis une bonne partie du débat cet après-midi est celui de la disponibilité.

M. Sergio Coronado. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Or nous prétendons, sans avoir reçu jusqu’ici d’objection ou de contre-argument clair, que certaines fonctions non visées dans ce texte, bien que n’étant pas des fonctions exécutives, exigent beaucoup plus de temps dans leur exercice que nombre de fonctions exécutives.

Nous avons cité, pour mémoire, les fonctions de présidents de commission des conseils généraux, des conseils régionaux, d’intercommunalité, voire de mairies : vous m’accorderez que, même si ce ne sont pas des fonctions exécutives au sens de votre texte, monsieur le rapporteur, elles obèrent ou sont susceptibles d’obérer largement la disponibilité de ceux qui les occupent.

Puisque votre argument de principe est faussé, et puisque le point de départ de votre démonstration ne tient pas, acceptez au moins, cher collègue Calmette, que nous continuions et que nous persévérions dans notre volonté d’obtenir des éclaircissements sur ce point de départ qui n’est pas le bon ! Quand le point de départ n’est pas le bon, je ne vois pas comment le reste pourrait tenir !

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je ne peux qu’abonder, sans refaire la démonstration, dans le sens de notre collègue Poisson.

Je souhaite revenir sur ce que disait il y a quelques instants notre collègue Christophe Caresche. Qu’il m’excuse de le lui dire : il a vraiment tout faux !

Quelle est justement la particularité des assemblées communales, départementales et régionales ? C’est, à l’inverse de ce qu’il a voulu démontrer, la confusion des pouvoirs. Dans les conseils municipaux, généraux et régionaux, on est à la fois le législateur et l’exécutif.

Si je dis cela, c’est pour reprendre ce que j’évoquais et à quoi personne ne répond de manière pertinente : je suis et parlementaire et conseiller régional, la plupart du temps pas loin de la circonscription où je suis élu – certaines ambitions régionales se réduisent parfois à des ambitions locales, chacun comprendra ce que je veux dire. Dès lors, qui suis-je ?

M. Manuel Valls, ministre. C’est une vraie question : qui est M. Geoffroy ?

M. Guy Geoffroy. Je ne suis pas le législateur régional, mais le représentant de l’exécutif régional et, à ce titre, je représente le président ou l’ensemble de l’exécutif régional, même si formellement je ne suis pas membre de l’exécutif régional.

Vous ne voulez pas comprendre cela ; mais les Français comprendront que votre affaire, c’est la plus grosse mistoufle que vous nous ayez proposée depuis longtemps !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Mon intervention sera dans la même veine que celle de Guy Geoffroy.

L’un de nos collègues de la majorité a dit qu’il y aurait des parlementaires conseillers municipaux, conseillers généraux ou conseillers régionaux qui représenteront l’exécutif.

M. Christophe Caresche. Non !

M. Pierre-Alain Muet. Absolument pas !

M. Christian Jacob. Si, c’est exactement ce que vous avez dit ! Vous n’assumez pas votre vision des choses : vous la contournez en disant que si l’on ne peut pas être à la fois maire et député, on pourra tout de même représenter le maire. Vous dénaturez la représentation de notre Assemblée !

On a pourtant besoin de diversité dans cet hémicycle. Imaginez ce que seront les débats sur l’urbanisme, les métropoles ou l’intercommunalité par exemple, le jour où plus un seul parlementaire n’exercera un exécutif local. Quelles âneries voterons-nous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Personne ne pourra plus en effet témoigner ici de son expérience sur le terrain.

Comment peut-on imaginer pouvoir débattre d’urbanisme en ayant interdit à tout député d’être maire, c’est-à-dire de porter la parole d’un exécutif local ? Et il en irait de l’intercommunalité comme de l’urbanisme. Voyez nos discussions, qui sont d’ailleurs transpartisanes, sur le projet de loi d’affirmation des métropoles, on voit bien qu’il y a des positions différentes entre ceux qui sont élus de la ville capitale et ceux qui le sont d’une zone rurale : si ces débats peuvent avoir lieu entre nous c’est justement parce que des parlementaires ont l’expérience de l’exécutif. Or c’est cela que vous voulez interdire. Vous êtes en train d’affadir et d’affaiblir l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur Caresche, ce n’est pas parce que vous allez répéter des contrevérités qu’elles vont devenir une vérité ou une évidence.

M. Franck Riester. C’est sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne sommes pas en train de demander qu’il n’y ait qu’une assemblée d’élus locaux, nous cherchons à vous empêcher de faire en sorte qu’il n’y ait plus d’élus locaux exécutifs dans nos assemblées. N’inversez pas la charge de la preuve. Personne n’a dit ici qu’il fallait obligatoirement être en charge d’un exécutif pour pouvoir siéger dans cet hémicycle. En revanche, vous êtes les seuls à expliquer qu’il faut interdire à toute personne exerçant un exécutif local de siéger ici.

À force d’entendre des explications emberlificotées et contradictoires, j’ai le sentiment que vous n’êtes pas convaincus vous-mêmes de ce que vous défendez.

Vous estimez qu’il y a une différence entre la fonction délibérative et la fonction exécutive. Je vous ferai observer, monsieur Caresche, que dans un conseil municipal classique – je ne parle pas du conseil de Paris – il n’y a pas d’exécutif. Le seul exécutif réel qui prend une décision, c’est le maire, même par délégation. Pour tout le reste, il n’y a pas d’assemblée exécutive, contrairement à un conseil départemental, un conseil régional où une commission permanente – qui peut être considérée comme exécutif.

Cette confusion entre mandat exécutif et mandat délibératif vous conduit, comme le disait M. Poisson, à commettre une erreur structurelle. Comment concevoir que le vice-président d’un syndicat mixte, qui s’occupera de domaines relativement subalternes et qui est nommé vice-président sans avoir de fonction ni de pouvoir de décision réels, aura plus de travail qu’un conseiller régional ou le président d’une commission au conseil régional ? Vous ne répondez pas à cette question. En réalité, vous voulez afficher un symbole pour des raisons électoralistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je suis assez étonné des arguments que vient de tenir M. Guy Geoffroy. Il vient d’inventer la confusion des pouvoirs au sein des assemblées locales pour justifier son opposition à ce texte.

M. Guy Geoffroy. Ah bon ?

M. Pierre-Alain Muet. Ce texte est clair : il vise la séparation des pouvoirs. C’est un principe fondateur de notre République que l’on retrouve d’ailleurs dans toutes les grandes démocraties. C’est pourquoi, la plupart d’entre elles autour de nous n’autorisent pas le cumul des mandats.

J’ai été adjoint au maire de Lyon. Lorsque je suis devenu député, je n’ai pas renouvelé mon mandat d’adjoint pour être pleinement député, pas seulement à l’Assemblée nationale mais aussi dans ma circonscription car le mandat de député est aussi un mandat local. Ce rôle, ce n’est pas la même chose que celui d’un adjoint qui prend des décisions, qui gère des problèmes d’urbanisme ou autres. Le député a un rôle à jouer sur le terrain, et parfois il est plus facile de le faire quand il n’y a pas de conflits d’intérêts entre un mandat exécutif local et le mandat de député.

M. Christian Jacob. Ne parlez pas de conflits d’intérêts !

M. Pierre-Alain Muet. Je parle de conflits d’intérêts au sens noble du terme.

Quand vous êtes adjoint, vous êtes membre d’un exécutif. Or beaucoup de Lyonnais viennent me voir pour me dire qu’ils sont en désaccord avec ce que fait la mairie, que je soutiens pourtant. Ce mandat unique me permet de m’exprimer en toute indépendance.

Le mandat de député est un mandat local et national, bref un mandat total. Avec ce texte, on lui redonne toute sa justification.

M. Martial Saddier. Quand est député de Lyon, on n’est pas loin du conseil régional. Vous avez moins de dix minutes de déplacement !

(L’amendement n° 30 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 245.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai été stupéfait de l’argumentation de notre collègue Pierre-Alain Muet. Il nous a expliqué, en effet, qu’il y avait un risque de conflits d’intérêts entre la fonction de maire-adjoint d’une ville comme Lyon et la fonction parlementaire. J’aimerais qu’il nous cite des exemples montrant qu’il s’est senti en conflit d’intérêts. Comment, dans ce cas, n’y en aurait-il pas entre le mandat de conseiller régional et celui de député puisque les députés votent des lois qui s’appliquent à des régions, parfois même à l’institution régionale ?

Votre argument, monsieur Muet, est destiné à la presse. En tout cas, pardonnez-moi de vous le dire avec tout le respect que j’ai à l’égard de l’économiste que vous êtes, il est politiquement et juridiquement fallacieux. Il vise seulement à égarer les commentateurs de la vie politique.

M. Franck Riester. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. On sait que la charge de travail du président d’un syndicat mixte est faible. Ces structures ont en effet été créées dans des communes rurales pour gérer des chemins vicinaux, des systèmes d’adduction d’eau très anciens. Au nom de quoi le président d’un syndicat mixte n’aurait-il pas le droit d’être député ? En raison de la charge de travail ou de conflits d’intérêts ? À ce moment-là, interdisez aux députés toute forme de mandat et toute forme d’activité professionnelle ! Chacun concevra le ridicule et l’hypocrisie qu’il y a à interdire à quelqu’un d’être député parce qu’il exerce une fonction qui, en réalité, ne l’engage que quelques heures par mois !

M. Franck Riester. C’est très hypocrite !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’aurais compris un système qui soit l’aboutissement d’une réforme institutionnelle. Or vous la refusez – tout en voulant nous faire porter le chapeau. J’aurais compris un système qui tienne compte de la charge de travail. Or le système que vous nous proposez est purement idéologique et d’affichage politique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. La notion de fonction exécutive est assez claire. Elle recouvre la fonction de maire, d’adjoint au maire, de président et de vice-président d’une intercommunalité, d’un département ou d’une région.

Monsieur Lagarde, vous pouvez dire qu’une commission permanente serait une sorte d’exécutif au sens où l’est le Gouvernement de la France. Mais cela ne correspond à aucune réalité juridique. Nous nous en sommes donc tenus uniquement à ceux qui, parfois par délégation du maire pour les communes, ont des fonctions exécutives locales dans un sens que tout le monde comprenait avant que vous n’essayiez d’introduire de la confusion.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, depuis hier soir nous avons bien compris que vous vouliez une Assemblée nationale et un Sénat unitaires, avec une seule saveur et une seule odeur. Les députés ou les sénateurs pourront être conseillers généraux ou régionaux mais le premier échelon territorial, c’est-à-dire la commune et la communauté de communes, ne sera pas représenté. C’est une catastrophe car vous faites ainsi disparaître tout le monde de la ruralité, de la montagne et de la mer. Je répéterai ces arguments autant de fois que ce sera nécessaire.

Je souhaiterais vous poser une question pour savoir si nous sommes face à un texte de conviction ou de symbole. Vous ne souhaitez pas qu’un parlementaire puisse être président ou vice-président d’un syndicat mixte. Ce texte permettra-t-il, demain, au maire d’une commune chef-lieu du département, président de la communauté d’agglomération la plus importante du département, conseiller général du département, qui plus est employé à mi-temps dans une entreprise, y compris une entreprise publique dans lequel l’État est majoritaire, de continuer à exercer, conformément à la loi actuelle, ce cumul de fonctions,…

M. Guy Geoffroy. Et de rémunérations !

M. Martial Saddier. Effectivement !

…alors que nous députés, nous nous verrions reprocher d’être député et maire-adjoint d’une commune de moins de cinquante habitants en zone de montagne ou vice-président d’un syndicat intercommunal qui s’occupe par exemple de la gestion des rivières de son département ? Les Françaises et les Français qui nous regardent ce soir ont envie d’entendre votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, la réponse que vient de nous donner le rapporteur me semble toujours incomplète. Aussi, je souhaite qu’il éclaire l’Assemblée.

Je lui demande à nouveau si un président de commission dans un conseil régional ou un conseil général a plus de travail que le président d’un syndicat mixte qui s’occuperait de l’entretien des ruisseaux de tel ou tel canton de ce pays.

M. Franck Riester. Très bonne question !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pensez-vous que la législation que vous nous proposez soit raisonnable et équilibrée ? Vous vous accrochez aux symboles de l’exécutif !

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, vous avez oublié d’interdire le cumul de la fonction de député avec celle de président de centre communal d’action sociale puisque, pour reprendre votre raisonnement, il est l’exécutif d’une institution indépendante.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Lagarde, travaillez au lieu de pérorer ! C’est prévu dans le texte !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas la charge de travail qui vous conduit à faire raisonnablement le tri. Vous préférez englober toutes les fonctions qui vous passent par la tête plutôt que de prendre en compte celles qui demandent en réalité fort peu de travail obligeant ainsi leurs titulaires à dégager de leur territoire s’ils veulent rester députés.

(L’amendement n° 245 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 246.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement tend à nouveau d’essayer de trouver un équilibre. Je ne développerai pas mes arguments, préférant le faire sur les amendements suivants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 246 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 73.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre, cet après-midi vous nous avez dit que vous défendriez la Constitution de la Ve République. Malgré cette précaution, il ne reste plus qu’à instaurer la proportionnelle pour que la représentation nationale n’ait plus aucun lien avec nos concitoyens.

J’ai été maire d’une commune. C’est là qu’on a la vision la plus globale de la vie de notre société. C’est là qu’on voit tout ce que nos concitoyens vivent et c’est là que nous pouvons au mieux les servir.

Ici, dans cet hémicycle, nous sommes la représentation nationale et celle-ci se doit d’être au service de l’ensemble de nos concitoyens, et rien ne remplacera à cet égard l’expérience d’un exécutif local. Je n’approuve donc pas la dichotomie que vous voulez instaurer entre représentation nationale et représentation locale.

En tout cas, vous conviendrez que mon amendement ne porte pas sur un exécutif, puisque le président de l’Assemblée de Corse n’a pas une fonction exécutive. Il préside une assemblée, mais à votre initiative, la loi Joxe, confortée par la loi Jospin, distingue bien l’exécutif de l’Assemblée. D’ailleurs, une décision de la cour administrative d’appel de Marseille, a reconnu, au sujet de la voix prépondérante du président que j’avais utilisée, que cela ne valait que pour les exécutifs et que le président de l’Assemblée de Corse n’avait pas une fonction exécutive. Je vous demande donc de retirer de la liste des interdits la présidence de l’Assemblée de Corse qui n’est pas une fonction exécutive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

M. Martial Saddier. Et sagesse du Gouvernement !

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’écouterai avec intérêt ce que dira le ministre, mais pour le moment nous en sommes à l’avis de la commission, mon cher collègue.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous anticipons sur votre carrière ! (Sourires.)

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous examinerons des amendements similaires pour d’autres collectivités territoriales. Personne ne peut contester, au-delà du débat strict que vous engagez sur le caractère exécutif ou non de la présidence en question, l’importance de cette fonction. Je ne méconnais pas le fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, je m’en étais même occupé il y a quelques années au moment de son renouvellement. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Vous n’avez pas forcément tort dans le détail, mais vu l’importance de ces collectivités, nous avons la volonté assumée de ne pas enlever leur présidence de la liste des incompatibilités.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas une explication !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Il y a une explication, cher collègue Geoffroy. Que vous ne la partagiez pas, je peux le comprendre, mais à chaque fois que vous ne partagez pas une explication, vous nous dites que vous ne la comprenez pas. C’est votre droit, mais ces explications, elles existent quand même.

Vu l’importance de ces collectivités, nous avons fait le choix assumé de compter leur présidence au nombre des incompatibilités prévues par ce texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. J’avoue avoir eu du mal à suivre M. de Rocca Serra dans la première partie de son intervention.

M. Martial Saddier. Si ce n’est que la première partie, ça va !

M. Manuel Valls, ministre. La seconde était claire, le rapporteur y a répondu et le Gouvernement est d’accord avec ce qui vient d’être excellemment dit.

Au fond, monsieur de Rocca-Serra, vous avez une drôle de vision du rôle du député. Vous n’êtes d’ailleurs pas le seul dans les rangs de l’opposition.

Vous voulez nous amener dans un débat sur les collectivités locales et sur les élus locaux.

M. Martial Saddier. Vous voulez les faire disparaître !

M. Manuel Valls, ministre. Nous, nous voulons débattre de la représentation nationale. C’est ce que M. Geoffroy et M. Lagarde ont du mal à comprendre.

M. Guy Geoffroy. C’est vous qui ne voulez pas comprendre !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vous, monsieur Geoffroy. Comme vous posez les mêmes questions, je vois bien qu’il y a chez vous un problème de compréhension. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Et vous un problème d’expression !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Jacob, arrêtons de jouer ! Vous ferez la liste des mots qui ont été utilisés. Il n’y a que de la gentillesse dans mes propos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si nous pouvions nous passer des jeux de rôle, ce ne serait pas plus mal ! En tout état de cause, il y a une incompréhension. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je suis content pour vous !

Il y a une incompréhension parce que vous êtes dans un débat sur les élus locaux et nous, nous parlons du rôle du parlementaire. Mais surtout, ce qu’il y a de terrible dans ce que je viens d’entendre c’est que pour vous, un député qui n’est pas maire n’est pas en capacité d’être un bon député. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Pardon de vous le dire, monsieur de Rocca Serra : par choix personnel, vous n’êtes plus maire de la belle ville de Porto-Vecchio puisque vous aviez une autre responsabilité. Or personne, en tout cas pas vos collègues du groupe UMP je l’espère, ne viendra vous dire que vous êtes un sous-député, que vous ne représentez rien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Personne n’a dit cela !

M. Manuel Valls, ministre. Vous n’êtes que député et vous êtes élu à la collectivité territoriale, mais ici vous légiférez, vous contrôlez l’exécutif…

M. Christian Jacob. Vous allez le lui interdire !

M. Manuel Valls, ministre. Pardon, monsieur Jacob, nous ne lui interdisons rien. Je vous rappelle que M. de Rocca-Serra n’est président ni de l’exécutif, ni de la collectivité territoriale. Il n’est plus adjoint ni maire – il ne peut pas l’être, parce qu’il est député et membre de la collectivité territoriale : on ne peut détenir que deux mandats, je vous le rappelle. Est-ce que M. de Rocca Serra représente mal le territoire de la Corse ? Non ! Est-ce qu’il défend les intérêts de la Corse, de son point de vue ? Oui, bien évidemment ! Est-ce qu’il légifère et nous fait profiter de son expérience ? Oui, bien sûr ! Arrêtez donc de nous expliquer qu’il y a deux sortes de députés, celui qui est maire et qui comprend tout, et celui qui n’est pas maire.

Nous voulons, nous, à travers cette loi, faire clairement en sorte que le parlementaire joue pleinement son rôle : il représentera un territoire parce qu’il sera l’élu d’une circonscription, parce qu’il aura reçu la confiance des citoyens, parce qu’il connaîtra le terrain et qu’il défendra toutes les collectivités, mais de l’autre côté il légiférera et contrôlera l’exécutif.

Il n’y a pas deux sortes de députés, il n’y en a qu’une seule : le député représente la nation.

Vous voulez, vous, nous entraîner dans un débat sur la représentation des villages. Qui va nous faire croire qu’il y a ici des députés qui seraient adjoints dans des communes de cinquante habitants ? Il doit y en avoir une poignée !

M. Martial Saddier. Ils ne pourront plus faire ce choix.

Mme Chantal Guittet. Est-ce grave ?

M. Manuel Valls, ministre. Est-ce qu’ils pourront bien représenter leur circonscription et bien faire leur travail de député ? Oui !

Monsieur Geoffroy, monsieur de Rocca Serra, vous l’avez compris, il y a deux conceptions : pour vous, le député n’est là que pour représenter le territoire ; nous, nous pensons qu’il doit à la fois représenter le territoire, légiférer et avoir tous les moyens pour le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, excusez-moi de vous dire que c’est vous qui ne voulez pas nous entendre. Et c’est parce que vous ne voulez pas nous entendre que vous ne réussissez pas à nous comprendre.

Ce que vous dites ne correspond pas à la réalité de ce que nous disons. Nous ne disons pas : « Tous les députés doivent être maires. » Nous disons : « Les députés doivent avoir la possibilité de choisir. » Cela, vous ne voulez pas l’accepter.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question. Je suis député, je suis délégué par ma commune, dont je ne suis que simple conseiller municipal, à un syndicat mixte. Comme le président de ce syndicat mixte a de l’estime pour le député que je suis et qu’il me croit capable de diriger de manière raisonnable et responsable une instance importante, il me confie, par un arrêté qu’il signe, la présidence de la commission d’appel d’offres. À ce titre, je préside une instance qui, dans le cadre des délégations de service public, attribue des investissements d’un montant de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Est-ce que j’ai le droit de le faire ? Vous me dites oui et vous m’interdisez d’être adjoint au maire d’une commune de mille habitants. Je n’y comprends plus rien.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre, il y a un fossé entre nous.

M. Manuel Valls, ministre. La Méditerranée !

M. Camille de Rocca Serra. Pendant des décennies sur ces bancs, il y a eu des députés responsables d’exécutifs locaux qui ont su servir la République, qui ont su servir la nation. Or voilà que l’on voudrait démontrer que tout ce qui était avant ne servait pas la nation contrairement à ce qui se fera demain !

M. Manuel Valls, ministre. Pas du tout !

M. Camille de Rocca Serra. L’expérience acquise n’est pas la même lorsque vous détenez un exécutif et lorsque vous êtes conseiller municipal – mais je sais que nous n’allons pas nous comprendre sur ce point.

Vous avez saisi, monsieur le ministre, l’Assemblée de Corse pour avis sur ce texte. Elle a voté à l’unanimité qu’il fallait distinguer sa présidence des fonctions exécutives. Le président de l’Assemblée de Corse n’a en effet que des fonctions délibératives.

M. Sébastien Denaja. Soyez bref ! C’est trop long !

M. Camille de Rocca Serra. Le président de l’exécutif, lui, n’a aucune fonction délibérative : il ne vote pas, il construit, il est l’exécutif.

L’Assemblée de Corse vous a donné un avis unanime pour distraire son président de la nomenclature des fonctions non cumulables et vous maintenez cette interdiction. Je le regrette fortement, d’autant que cela montre qu’il ne sert à rien de demander son avis à une assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Contrairement à ce qui vient d’être dit par notre collègue M. de Rocca Serra, le ministre nous a parfaitement compris.

M. Martial Saddier. Il a dit qu’il préférait être maire !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous savez bien, monsieur le ministre, que ce cumul n’a pas fait dysfonctionner la République et que votre projet ne vise que l’affichage. C’est la raison pour laquelle vous cherchez à déplacer le débat à votre tour.

Nous ne sommes pas en train de chercher à ouvrir un débat sur les élus locaux : vous avez décidé et endossé la responsabilité de présenter ici, devant la représentation nationale, un projet de loi dont le seul objet est de sortir de cet hémicycle, comme de celui du Sénat, ceux qui exercent des responsabilités locales. Vous avez décidé de porter le débat sur ce point.

Vous auriez interdit au citoyen exerçant la profession noble de médecin d’être en même temps député, nous aurions eu un débat sur les médecins. Vous auriez décidé que les agriculteurs n’avaient plus le droit d’être députés, nous aurions eu un débat sur les agriculteurs.

Vous avez choisi, non de centrer le débat sur la représentation nationale, mais de sortir de l’Assemblée nationale et du Sénat les responsables des exécutifs locaux.

Mme Chaynesse Khirouni. Mais non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous êtes une fois de plus dans l’incohérence s’agissant de l’amendement présenté par M. de Rocca Serra.

Les maires d’arrondissement ne sont pas exécutifs, le président de l’Assemblée de Corse non plus. Mais la seule chose qui vous intéresse dans ce projet, c’est le symbole politique.

M. Yves Albarello. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous continuez d’englober dans les interdictions des élus qui n’exercent pas de responsabilités exécutives. Ce faisant, vous faites tomber tout le raisonnement que vous essayez de servir à l’opinion publique depuis plusieurs heures.

(L’amendement n° 73 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 247.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit en la matière des assemblées particulières de la Guyane et de la Martinique, très différentes de celles que nous connaissons puisque nos concitoyens ultramarins ont choisi par référendum de leur donner les compétences des conseils généraux et des conseils régionaux.

Vous voulez leur appliquer la même logique. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez également une certaine vision de l’outre-mer et qui prévoyez d’ailleurs de vous y rendre prochainement, vous pouvez comprendre, en tant que ministre chargé des collectivités locales, que toutes ne se ressemblent pas. Et, bien souvent, nous légiférons en faisant des exceptions.

L’un d’entre vous me disait tout à l’heure que je prenais cette affaire à cœur. En effet, même si ce n’est pas un sujet personnel. Il y a régulièrement une différence, dans notre législation, entre les collectivités d’outre-mer et celles de métropole, et il me paraîtrait particulièrement justifié de faire un sort particulier aux deux collectivités en question, récentes puisqu’elles ont à peine quelques années d’existence, ne serait-ce que parce que, sans doute, la législation concernant ces collectivités sera amenée à évoluer.

Bien sûr, un député qui n’est pas membre de cet exécutif, qu’il soit métropolitain ou ultramarin, pourra parfaitement venir faire part de son expérience, de son opinion, de son avis, émettre des votes, puisqu’il est député de la nation avant tout. Mais interdire, comme vous voulez le faire, à ceux qui font l’expérience de ces nouvelles collectivités, de venir au sein de nos assemblées pour développer leur argumentation, pour essayer de faire progresser la législation, me paraît inadapté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Il se trouve que je suis allé en Guyane et que je me rendrai évidemment dans les autres départements d’outre-mer, même si c’est mon collègue Victorin Lurel, ministre à part entière des outre-mer, qui suit ce dossier attentivement. Le Premier ministre s’y trouvait il y a encore quelques jours, et je suis pour ma part chargé des relations de l’État avec les collectivités territoriales et notamment de la question très lourde de l’ordre public.

Je connais bien ces départements et la Guyane est un cas très intéressant qui montre que l’outre-mer nous indique parfois le chemin à emprunter. Aucun des responsables des collectivités territoriales n’y cumule en effet ses fonctions avec un mandat de parlementaire. C’est vrai, si je ne me trompe, en ce qui concerne le conseil régional – je parle sous le contrôle de Mme Berthelot –, c’est vrai pour le conseil général et c’est vrai pour la ville de Cayenne. Et, à part, peut-être, le sénateur-maire de Kourou, aucun parlementaire ne cumule son mandat avec des fonctions locales.

M. Christian Jacob. Il a été élu sous le mandat précédent !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne dis pas le contraire, mais nous n’allons pas parler de tous les parlementaires élus à l’occasion des mandats précédents, d’autant que leur sort a parfois été compliqué. En tout état de cause, aucun ne cumule.

Je suis loyal, fidèle, un ministre qui met en œuvre ce que le Président de la République a pris comme engagement devant les Français ; mais, qui plus est, je présente ce texte avec conviction. Et cette conviction se renforce au fur et à mesure de nos échanges. (Sourires.) Ne créez pas avec cet amendement une confusion supplémentaire : ces collectivités ont besoin d’élus à part entière qui s’occupent d’elles pleinement. Chantal Berthelot, ici présente, défend son territoire sans cumuler son mandat national avec un exécutif local.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et elle le défend très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Quand elle est à Paris, auprès des ministères, a-t-elle besoin d’avoir une collectivité derrière elle pour faire passer son message sur les problèmes de développement économique, d’orpaillage clandestin, de pêche et de marine ? Non, pas du tout.

M. Christian Jacob. Mais cumuler n’est tout de même pas une tare !

M. Manuel Valls, ministre. Est-elle connue sur place ? Oui : il suffit de s’y trouver avec elle ou avec les parlementaires de ce département.

Vous avez donc pris un bon exemple, monsieur Lagarde, et je vous en remercie. Cette loi doit s’appliquer, le non-cumul doit être inscrit dans la réalité et il ne faut surtout pas suivre la proposition que vous nous faites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Monsieur le ministre, je souhaite revenir quelques instants sur la Corse, la plus belle île du monde. Vous la connaissez bien et j’ai pour ma part la chance de bien connaître les Porto-vecchiais et les Porto-vecchiaises. J’ai bien connu le père de Camille de Rocca Serra, « le renard argenté », et, aujourd’hui, je sens que la population de Porto-Vecchio a une envie, c’est que Camille se présente aux futures élections municipales.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il en a le droit !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Eh bien, qu’il se présente !

M. Yves Albarello. J’ai une question à vous poser, monsieur le ministre : à quel titre voulez-vous lui interdire de redevenir maire de Porto-Vecchio ?

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne risque pas d’être accusée de défendre mon pré carré car je ne suis pas maire. En revanche, monsieur le ministre, vos propos m’ont interpellée ; je trouve que vous caricaturez les positions de nos collègues du groupe UMP.

M. Manuel Valls, ministre. Pas du tout !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce que nous défendons, c’est la liberté.

M. Guy Geoffroy. Absolument, et eux, c’est l’interdiction !

M. Manuel Valls, ministre. Vous défendez le renard dans le poulailler !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous nous avez tout à l’heure prêté des propos absolument infondés selon lesquels seul le député-maire serait compétent. Nous ne disons pas cela mais juste qu’on peut à la fois être maire, député et compétent. On peut être président d’un exécutif local et député et compétent. Seul l’électeur peut en juger. C’est une affaire entre l’électeur et celui qui se présente, au nom de la liberté.

M. Camille de Rocca Serra et M. Guy Geoffroy. Très juste !

Mme Brigitte Bourguignon. Quel choix a l’électeur ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le ministre de l’intérieur a parfaitement raison, pour une fois : il n’est pas nécessaire d’être responsable d’un exécutif pour pouvoir être parlementaire. Cependant, le fait d’être responsable d’un exécutif local n’empêche en rien d’être un bon parlementaire.

M. Christian Jacob. Et ce n’est pas une tare !

M. Jean-Christophe Lagarde. Et ce n’est pas devenu une tare au bénéfice de l’affichage politique que vous souhaitez, monsieur le ministre.

Vous soutenez que votre conviction se fortifie ; j’ai le regret de vous dire qu’elle me semble de moins en moins partagée tant on perçoit les incohérences et les excès de ce que vous nous avez présenté à la tribune comme un projet équilibré. Nous en constatons, article après article, tous les déséquilibres et je comprends votre gêne et votre volonté de déplacer le débat. Je souhaite néanmoins que nous puissions le continuer, pour permettre à nos concitoyens qui nous regardent, se renseignent, cherchent à se faire une opinion, de se rendre compte que ce texte n’est qu’un projet de loi d’affichage qui va malheureusement renforcer à l’excès les pouvoirs d’un exécutif déjà très bien garni.

Enfin, nous avons souvent entendu parler de l’engagement de François Hollande. Je reconnais ne pas avoir fait l’exégèse de sa campagne électorale et de ses écrits.

M. Manuel Valls, ministre. À tort !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais il est arrivé, pendant la campagne électorale, que je l’écoute, à la télévision, à la radio, et je ne l’ai jamais entendu expliquer qu’on ne pourrait pas être vice-président d’un syndicat intercommunal, simple membre de tel ou tel exécutif, en même temps que parlementaire. Il avait simplement annoncé une limitation plus stricte du cumul des mandats. Cette promesse floue, comme disait Mme Aubry, s’est finalement muée en un projet excessif et c’est en cela qu’il est condamnable et qu’il finira, vous le verrez, dans l’avenir, par être corrigé.

(L’amendement n° 247 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 312.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit, à l’alinéa 9, qui prévoit l’incompatibilité du mandat de député avec « les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique, de président et de membre du conseil exécutif de Martinique », de substituer aux mots « de président et de membre », les mots « et de président ».

On sait que, dans ces exécutifs, la charge de travail n’est pas à ce point écrasante qu’elle justifie l’impossibilité du cumul avec un mandat parlementaire. C’est d’autant plus vrai que les députés ultramarins, bien souvent, ne peuvent pas participer – et c’est bien normal du fait de leur éloignement géographique – à la totalité de nos travaux. Ils le font par séances regroupées. Quand ils sont présents, ils sont massivement assidus et quand ils sont dans leurs territoires, ils y restent longtemps.

On pourrait donc parfaitement accepter que le rythme des travaux de l’Assemblée, je vais y revenir, leur permette d’assumer ces fonctions. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable pour exactement les mêmes raisons que pour les amendements précédents.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. M. Lagarde a le don de la vision et je le lui reconnais volontiers : c’est un visionnaire. Mais comment pouvez-vous avancer, monsieur le député, qu’il y aura peu de travail dans ces collectivités qui ne sont pas encore installées ? Je pense au contraire que présider ces collectivités jeunes et qui vont devoir s’organiser nécessitera évidemment du travail. Donc, comme la commission : négatif.

M. Daniel Fasquelle. Voilà un langage militaire, c’est comme à l’armée : dégagez !

M. Yves Albarello. C’est la « negative attitude » !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, nous en revenons à la question de la représentativité des territoires spécifiques. Vous connaissez bien la loi montagne de 1985, mais aussi le traité européen, qui reconnaissent la spécificité des territoires, des îles et des montagnes. Malgré ce que nous avons voté ensemble, je ne pense pas que vous puissiez revenir sur cette loi ou remettre en cause ce traité.

En refusant nos amendements, vous êtes en train de créer deux types d’élus. Vous rendez impossible, à terme, le fait que des parlementaires représentent ces territoires, qui ne seront pas des territoires urbains, puisque nous aurons une majorité de députés et de sénateurs qui seront surtout des conseillers généraux et, surtout, des conseillers régionaux.

Lorsque vous serez parlementaire, vous ne pourrez pas cumuler et lorsque vous ne serez pas parlementaire, vous pourrez cumuler…

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout ce que vous voudrez !

M. Martial Saddier. …tout ce que vous voudrez, en effet. Puisque les parlementaires ne pourront plus cumuler, cela va libérer des places et les non-parlementaires pourront cumuler encore plus.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ça, c’est sûr !

M. Martial Saddier. Ça va être une vraie gabegie.

Je m’inscris en faux contre votre démonstration : nous n’avons jamais dit que le mandat idéal était celui de député-maire et, demain, il n’y aura pas plus de travail en tant que député-maire qu’en tant que député-conseiller général ou député-conseiller régional à 300 kilomètres de sa circonscription.

M. Guy Geoffroy. Et voilà !

M. Martial Saddier. Vous verrez que les Français, qui élisent en grande majorité, et parfois dès le premier tour, leur député-maire, comprendront ce que nous avons défendu jour et nuit dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 312 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 248.

M. Jean-Christophe Lagarde. Dans notre tour des territoires ultramarins, nous voilà arrivés en Nouvelle-Calédonie avec un système institutionnel particulier, là aussi, qui comprend un congrès rassemblant les trois provinces, un exécutif par province, un gouvernement lié et soumis au congrès, bref, un dispositif, je le conçois bien, plus complexe et moins connu en métropole que celui des autres collectivités de ce type.

Rien que les provinces sont d’importance très inégale. La province des Îles, ce n’est pas la province du Sud ni la province du Nord. C’est une province comprenant trois petites îles pourvues d’une capacité d’action, de délibération, de moyens financiers, de responsabilités sans commune mesure avec une population relativement peu nombreuse. Et vous allez traiter à égalité le président du congrès, équivalent du président d’une assemblée nationale sur le plan local, le président du gouvernement, qui exerce réellement le pouvoir exécutif, le président de la province du Sud, celui de la province du Nord et le président de la province des Îles qui, certes, avec votre volonté martelée de mettre tout le monde sous la même toise, est un exécutif, mais d’un niveau bien plus modeste que celui de certaines villes moyennes de métropole ? C’est une erreur, en particulier dans ce territoire dont les équilibres politiques sont déjà assez complexes, parfois tendus – il arrive même qu’ils puissent dégénérer –, et il nous semble donc qu’il serait raisonnable de faire une exception pour la Nouvelle-Calédonie. Et n’allez pas me dire que la législation française ne peut le prévoir : voilà bien un territoire, le seul de la République à ma connaissance, dans lequel, pour une certaine élection, on reconnaît un droit de vote à certains citoyens français et où on le refuse à d’autres !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable. Monsieur Lagarde nous a fait un long dégagement sur les provinces, mais il s’agit avec son amendement des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et des assemblées de province !

M. Bernard Lesterlin. Laissez M. le rapporteur s’exprimer !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Votre amendement porte sur les membres du gouvernement.

L’article 108 de la loi organique de 1999 régissant la Nouvelle-Calédonie dispose explicitement que l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie est le gouvernement. Aussi, nier la réalité des fonctions exécutives, en l’espèce, me paraît particulièrement infondé ; c’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L’exemple de la Nouvelle-Calédonie qu’a exposé de manière assez partielle et partiale notre collègue Lagarde montre bien que ce type d’amendement n’a qu’un seul objet : faire traîner les débats.

M. Jean-Christophe Lagarde, M. Daniel Fasquelle et M. Yves Albarello. Procès d’intention !

M. René Dosière. Quel est l’objet de l’amendement de Jean-Christophe Lagarde ? Éviter le cumul entre une fonction de député et la fonction de membre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

M. Daniel Fasquelle. Il n’a pas lu le texte et vient donner des leçons, c’est incroyable !

M. René Dosière. Or le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, comme vient de le rappeler le rapporteur, est un exécutif collégial. Il y a neuf membres du gouvernement et, compte tenu des pouvoirs qui ont été transférés de manière définitive à la Nouvelle-Calédonie, les membres du gouvernement Nouvelle-Calédonie sont comparables, toutes choses égales par ailleurs, aux ministres du gouvernement français.

Vouloir que ces exécutifs qui gèrent les crédits, la Nouvelle-Calédonie comme les ministres gèrent la métropole, puissent cumuler, c’est tout à fait curieux et étonnant de la part de Jean-Christophe Lagarde.

Je note d’ailleurs que le bon connaisseur de la Nouvelle-Calédonie qu’est notre collègue Gomes n’a pas signé cet amendement. Il en a signé un autre qui pourrait se défendre, mais il n’a pas signé celui-là. On voit bien que cet amendement est parfaitement inutile et n’a qu’un objet : retarder nos débats. Je m’étonne que Jean-Christophe Lagarde puisse raconter de telles bêtises à l’égard de la Nouvelle-Calédonie qu’il devrait mieux connaître. Et tout à l’heure, il fera la même chose avec la Polynésie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Dosière avec qui j’ai partagé quelque intérêt pour la Nouvelle-Calédonie semble manquer d’intérêt pour ce texte de loi. Nous ne sommes pas en train de parler des seuls membres du gouvernement. Peut-être n’avez-vous pas le texte sous les yeux, cher collègue ? L’alinéa 10 dispose que le mandat de député est incompatible avec « les fonctions du président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; de président, et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ».

M. Daniel Fasquelle. Il vient faire le malin alors qu’il n’a pas lu le texte !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous et le rapporteur, n’ayant pas lu le texte sur lequel je présente cet amendement…

M. René Dosière. Mais si !

M. Jean-Christophe Lagarde. …vous venez me faire des leçons sur la Nouvelle-Calédonie.

L’amendement n° 248 vise à supprimer, à l’alinéa 10, les mots de « vice-président » et « membre » et donc à supprimer par deux fois le mot « vice-président ».

J’ai argumenté sur l’incapacité pour les assemblées de provinces d’être là. Monsieur le rapporteur, vous avez fait comme si ce n’était dans le texte mais c’est bien de cela dont nous discutons. Je vous demande de m’en donner acte.

M. Christian Jacob. Ils n’ont pas lu le texte !

M. Guy Geoffroy. Et on nous parle de moralisation des débats !

M. Daniel Fasquelle. Quelle légèreté !

(L’amendement n° 248 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 239.

M. Jean-Christophe Lagarde. Voyant que la conviction progresse parmi les membres de la majorité, je vais prendre un autre territoire ultra-marin annoncé par avance par M. Dosière, mais sous un angle différent.

Le président de l’assemblée de la Polynésie française dont il s’agit…

Mme Chantal Berthelot. Mais ce n’est pas le bon amendement !

M. Bernard Lesterlin. Il faut lire !

M. le président. Nous en sommes à l’amendement n° 239, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pardon ! Nous allons en venir au président et au vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le raisonnement étant le même, mieux vaut le détailler pour que chacun puisse parfaitement le comprendre et pour éviter à M. Dosière d’essayer de reprendre mon propos en le déformant.

Le président du Congrès de Nouvelle-Calédonie – je parle sous votre haute autorité, cher collègue – n’exerce pas de mandat exécutif. Il est le président d’une assemblée délibérative…

M. René Dosière. D’une assemblée législative !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et n’a en réalité que peu d’autres pouvoirs que ceux de présider cette assemblée. Il est exactement dans la même situation que le membre de l’assemblée, que le membre du Congrès. Ce dernier n’est rien d’autre en réalité que l’équivalent d’un membre de conseil régional.

M. René Dosière. Mais enfin, il a un pouvoir législatif !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a certes le pouvoir législatif. En quoi cela l’empêcherait-il d’exercer le pouvoir législatif à Paris alors que vous l’autorisez à le faire à Nouméa ? Soyons sérieux ! Ces arguments ne peuvent pas tenir.

Une fonction au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, quand on connaît la périodicité de ses réunions, n’est pas incompatible avec l’exercice d’un mandat parlementaire de député ou de sénateur. Obliger certains de ses élus à faire ce choix nous paraît déplacé, voire dangereux sur ces territoires.

(L’amendement n° 239, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 249.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous nous sommes déplacés de quelques milliers de kilomètres pour arriver à Papeete où je peux largement comprendre ce que vous dites sur le gouvernement quels qu’aient été ses responsables passés ou futurs.

L’assemblée de Polynésie française se réunit peu pour des raisons pratiques et elle détient, elle aussi, un pouvoir d’adaptation réglementaire que nous lui avons transféré. Le président de l’assemblée de Polynésie n’exerce aucun pouvoir exécutif si ce n’est la police de l’assemblée – et il y a parfois fort à faire, monsieur le ministre ! Pourquoi voulez-vous lui interdire d’être aussi parlementaire ici ?

C’est un sujet d’importance sur ce territoire-là. Bien souvent, même si ce n’a pas été le cas lors des dernières élections législatives, les députés ou les sénateurs sont élus grâce à l’influence qu’exerce le gouvernement de la Polynésie française. Vous avez ainsi une capacité de contre-pouvoir, y compris ici où le mandat de parlementaire ne serait pas la condamnation à l’exil comme ce fut le cas par le passé pour certains, mais la reconnaissance de la capacité à faire fonctionner une assemblée dont les aléas politiques majoritaires, les retournements, les revirements ont conduit à plusieurs dissolutions.

Je trouve regrettable que vous rompiez avec votre logique, monsieur le ministre. De ce point de vue, je voudrais une réponse. Quelle est la logique de l’interdiction dans leurs cas puisqu’ils ne sont pas des exécutifs ? Vous classez dans les exécutifs même les maires-adjoints de villages de cinquante habitants mais dans le cas présent, il n’y a pas d’exécutifs, pas plus que dans les arrondissements, pas plus que pour M. Rocca Serra.

C’est donc pour le symbole que l’on dit aux Polynésiens que le président de leur assemblée n’aura pas le droit d’être député ou sénateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Monsieur Lagarde, vous avez évacué assez vite la première partie de votre amendement, disant que vous compreniez la signification du projet de loi. Et pour cause ! L’article 63 de la loi organique de 2004 dispose explicitement : « Le gouvernement de la Polynésie française est l’exécutif de la Polynésie française dont il conduit la politique. » J’en conclus que dès la présentation de votre amendement, sa première partie tombait.

Pour ce qui est de la deuxième partie, vous avez dit vous-même qu’il y a fort à faire, quand on préside l’assemblée de Polynésie française. En cohérence avec ce que nous avons fait pour les présidences des autres territoires d’outre-mer et pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable.

(L’amendement n° 249, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 250.

M. Jean-Christophe Lagarde. On ne pouvait pas terminer le tour du Pacifique sans Wallis et Futuna, deux îles assez particulières.

M. Bernard Lesterlin. Pourquoi particulières ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, le personnel politique de Wallis et Futuna est à la fois remarquable et variable : il arrive que l’on y soit élu d’un mouvement politique pour en changer avant d’arriver à Paris pour des raisons bien pires que le décalage horaire.

M. Christophe Caresche. C’est la liberté !

M. Jean-Christophe Lagarde. Non, pour le coup, il s’agit de conflit d’intérêts, cher collègue !

M. Christophe Caresche. Vous accusez un collègue, c’est grave !

M. Jean-Christophe Lagarde. Et ce n’est pas le premier !

S’agissant de la fonction de président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, quand on connaît le nombre d’élus nécessaires – vingt et un, de mémoire –, cette interdiction me paraît excessive.

Les campagnes électorales à Wallis et Futuna sont un peu particulières parce que liées à certaines traditions, aux deux îles, aux trois rois. Il me paraît regrettable d’éliminer deux personnes – sur un personnel politique très restreint – de la vie politique locale et de la capacité à exercer des responsabilités locales de député et de sénateur.

Quand on sait que l’on parle d’un territoire à la fois éloigné de la France et très réduit en nombre d’élus, cela me paraît déplacé et contre-productif. J’avais souhaité le dire à l’Assemblée nationale et je pense que vous le verrez dans quelque temps, malheureusement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Nous avons fini le tour des départements et territoires d’outre-mer…

M. Jean-Christophe Lagarde. Pas encore !

M. Bruno Le Roux. …ce qui montre que M. Lagarde aurait eu toute capacité à occuper de grandes responsabilités sous la législature précédente dans ce domaine. Dans le même temps, je trouve qu’il n’est pas digne – et c’est pour cela que je voulais intervenir – de tenir les propos que vous avez tenus, cher collègue, sur notre collègue Napole Polutélé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Si vous connaissez la manière dont les choses se passent sur ce territoire – et je sais que c’est le cas –, vous savez qu’il n’y avait pas de candidat du parti socialiste ou de l’UMP, et qu’il y a peut-être un parti qui, en donnant un peu d’argent, a cru pouvoir acheter un candidat.

M. Christian Jacob. Oh !

M. Bruno Le Roux. Cela ne se passe pas comme ça. Je refuse que soient maintenus dans cet hémicycle des propos qui vont à l’encontre de la liberté d’un élu de la République de s’apparenter au groupe de son choix.

M. Guy Geoffroy. Les débats se déroulaient bien et il vient mettre le bazar ! Il aurait mieux fait de rester dans son bureau !

M. Bruno Le Roux. Je le redis, quand on connaît bien ce territoire, ce député n’a absolument aucune autre raison d’avoir fait le choix qui l’a conduit à participer aujourd’hui à notre groupe. Il serait temps de faire cesser les procès que vous lui faites. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je fais un rappel au règlement car je ne peux pas laisser passer cette intervention.

M. Martial Saddier. Scandaleuse !

M. Christian Jacob. Monsieur Le Roux, comme à votre habitude, vous êtes incapable d’argumenter sur le fond. On ne vous a jamais entendu sur le fond. Vous n’avez pas été capable de livrer deux phrases d’argumentation.

En revanche, vous venez polémiquer à propos d’un parlementaire qui était soutenu par l’UMP et qui est passé au groupe socialiste pour des raisons qu’il serait d’ailleurs intéressant d’éclairer. Pourquoi est-il parti au groupe socialiste ? Quelle a été la contrepartie ?

M. Christophe Caresche. C’est absolument inadmissible !

M. René Dosière. Nous ne sommes pas en Nouvelle-Calédonie, ici !

M. Christian Jacob. Est-ce que c’est une contrepartie gouvernementale ? Est-ce avec le groupe PS ? Quelle est la nature de cet arrangement ? Monsieur Dosière, vous qui êtes toujours fort pour vouloir faire la lumière sur tout, j’aimerais bien que vous ayez le courage de la faire sur ce ralliement qui est une trahison des électeurs.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Non !

M. Christian Jacob. Quelle est la contrepartie ? A-t-elle été financière, monsieur Le Roux ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une contrepartie financière ?

M. Christian Jacob. De quelle nature a-t-elle été ? Si vous voulez aller sur ce terrain, nous allons y aller.Quels moyens avez-vous utilisés ? Est-ce que la contrepartie a été financière, oui ou non ? Voilà ma question.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il parle de contrepartie financière, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, c’est moi qui préside, jusqu’à preuve du contraire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais il a parlé de contrepartie financière !

M. le président. J’ai entendu et je suis encore capable de présider la séance.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tenais à ce que ce propos figure au compte rendu !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

Article 1er (suite)

(L’amendement n° 250 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je veux simplement faire observer qu’une fois de plus on nous reproche de faire de la polémique alors qu'elle est entretenue depuis maintenant plusieurs semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je réponds de la façon la plus calme qui soit.

Monsieur Jacob, votre groupe n’a peut-être pas la même organisation que le nôtre, mais il y a ici tous ceux qui sont capables de répondre aux arguments – peu nombreux et assez d’arrière-garde – que vous développez dans ce débat.

M. Martial Saddier. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Bruno Le Roux. Nous pouvons argumenter sur tous les débats que vous souhaitez mais vous ne recherchez que la polémique. Vous avez pu être élevé à un biberon qui faisait de la finance le moteur de la décision, ce n’est pas ce que nous pratiquons.

M. Martial Saddier. Voulez-vous que l’on parle de la directrice de cabinet du Président de la République ? Voulez-vous aller sur ce terrain ?

M. Bruno Le Roux. En ce qui concerne Napole Polutélé, je vous suggère de cesser de dire qu’il y aurait eu des contreparties financières à un soutien qui est un soutien de conviction.

M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas !

M. Bruno Le Roux. Je vais vous répondre, mais êtes-vous capable de comprendre qu’un apparentement se fait en fonction des convictions de servir au mieux son territoire ? Êtes-vous capable de comprendre cela, monsieur Jacob ?

M. Daniel Fasquelle. Vous en avez assez dit !

M. Bruno Le Roux. À Wallis-et-Futuna, la majorité était composite, une majorité issue de tous les camps présents sur ce territoire. M. Polutélé a pensé que c’était dans notre groupe qu’il trouverait le meilleur soutien pour faire en sorte que son territoire puisse être écouté, et je crois qu’il n’a pas tort.

Mais je vous demande de bien vouloir retirer votre allusion à des « contreparties financières ».

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’étais presque prêt à retirer les mots de « conflit d’intérêts », mais je viens de vous entendre, monsieur Le Roux, dire que l’élu en question, qui avait d’autres engagements politiques et qui a manifestement changé d’opinions et d’avis – tout comme l’avaient fait en leur temps M. Besson, que vous n’avez pas manqué d’agonir, ou M. Kouchner, que vous avez régulièrement fustigé dans cet hémicycle –, l’avait fait parce qu’il pensait plus intéressant de siéger au groupe socialiste qu’ailleurs pour défendre les intérêts de son territoire.

M. Guy Geoffroy. Absolument ! C’est ce que nous avons entendu !

M. Jean-Christophe Lagarde. En clair, il allait pouvoir obtenir pour son territoire des avantages qu’il n’obtiendrait pas en siégeant dans d’autres groupes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cela me paraît assez discutable, si je puis me permettre. Toute l’argumentation du Gouvernement, toute l’argumentation de votre groupe, monsieur Le Roux, repose sur l’idée qu’il ne faut surtout pas que les députés soient en proie à un conflit d’intérêts, notamment en raison de leur engagement local.

Le ministre de l’intérieur nous disait tout à l’heure que nous devions être non pas les députés d’un territoire mais bien les élus de la nation. Diriez-vous donc qu’au moment des élections les candidats se présentent au nom de la nation et que quand le député arrive ici il devient l’élu d’un territoire, raisonnant en fonction de l’intérêt de celui-ci ? Voilà qui me paraît de nature à démonter quelque peu la démonstration que vous cherchez à faire depuis deux jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 251.

M. Jean-Christophe Lagarde. La spécificité des collectivités en question, que je connais bien à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon dont je ne veux donc pas parler plus avant, est de concentrer la totalité des pouvoirs d’une commune, d’un département et d’une région ; c’est par exemple le cas à Saint-Barthélémy ou à Saint-Martin. Quand on connaît ces territoires, on sait que l’élection concerne peu de gens. En plus, objectivement, à Saint-Barthélémy, il n’y a quasiment aucune chance que le président de la collectivité puisse être un jour député. Il pourrait être sénateur, mais il n’y a aucune chance qu’il soit un jour député, puisqu’il est englobé dans la circonscription de celui qui est aujourd’hui ministre de l’outre-mer.

L’interdiction me paraît, encore une fois, déplacée. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement.

(L’amendement n° 251, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 308.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est défendu.

(L’amendement n° 308, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 176.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement permet de rappeler le danger, que nous avons déjà dénoncé, que comporte la présentation que je qualifierai de saucissonnée de l’ensemble des textes qui régissent l’avenir de nos collectivités. En effet, il est question ici de l’incompatibilité entre le mandat de député et l’exercice concomitant de fonctions exécutives locales, tandis qu’un autre projet de loi fait son chemin, celui relatif aux métropoles, que nous avons examiné en commission cette semaine.

L’amendement n° 176, que nous sommes plusieurs à avoir cosigné, a pour objectif de compléter l’alinéa 14 de l’article premier, en ajoutant à la liste des fonctions dont l’exercice serait incompatible avec un mandat parlementaire concomitant celle de président de métropole. Je pense qu’il n’est pas inutile d’anticiper sur ce que sera bientôt la réalité de notre organisation territoriale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mon cher collègue, il y a un texte qui était celui du Gouvernement et il y a celui qui est issu des travaux de la commission.

M. Guy Geoffroy. Nous le savions !

M. Christophe Borgel. Oui, mais l’amendement que vous avez évoqué est satisfait, pour partie par le texte du Gouvernement et pour partie par les modifications apportées en commission des lois sur proposition de notre collègue Pascale Crozon et de moi-même.

Dans le droit en vigueur, les métropoles créées par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 sont des EPCI à fiscalité propre. Elles sont donc couvertes par l’alinéa 4 de l’article 1er.

Quant aux futures métropoles qui seront créées par la future loi Lebranchu, elles seront couvertes par l’article 1er soit en tant qu’EPCI – je viens d’en parler – soit en tant que syndicat mixte soit en tant que collectivité territoriale à statut particulier créée par la loi.

Pour être précis sur les trois métropoles dont on parle beaucoup, disons que la métropole de Lyon aura le statut de collectivité territoriale et sera donc couverte par l’alinéa 11. La métropole d’Aix-Marseille aura le statut d’EPCI à fiscalité propre et sera donc couverte par l’alinéa 4. La métropole de Paris sera, si l’on suit les travaux de la commission des lois, un syndicat mixte couvert par l’alinéa 7.

Si j’émets donc un avis défavorable, c’est non pas tant en raison d’un désaccord avec les propos que vous tenez que parce que votre amendement me semble complètement satisfait par le texte issu des travaux de la commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je remercie le rapporteur de la précision de sa réponse. Compte tenu de tous les éléments qu’il nous fournit, je retire cet amendement.

(L’amendement n° 176 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 253.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il semble que cet amendement soit, pour des raisons analogues à celles que vient de développer le rapporteur, satisfait par les modifications apportées en commission. Je le défends naturellement, mais pour faire gagner du temps à notre assemblée, je souhaiterais que le rapporteur me le confirme. Si tel était le cas, je retirerais cet amendement n° 253.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je confirme à notre collègue Jean-Christophe Lagarde que cet amendement est satisfait par l’alinéa 2 de l’article 1er dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois.

En supprimant les mots « à fiscalité propre », nous avons inclus l’ensemble des EPCI, y compris, donc, les syndicats intercommunaux ; nous avons d’ailleurs déjà eu ce débat tout à l’heure, à propos d’un amendement qui visait non à confirmer la suppression de ces mots, ce qui est un peu le sens du vôtre, mais à les rétablir. Votre amendement est donc satisfait, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le retire !

(L’amendement n° 253 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 252.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette fois, on ne parle pas de la même chose, et il ne me semble pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que cet amendement ait été satisfait.

Un certain nombre de parlementaires peuvent se retrouver, pour différentes raisons, président ou vice-président d’une société d’économie mixte. Chacun peut comprendre que cela peut représenter une charge de travail importante, et, puisque vous voulez des parlementaires qui n’aient aucune autre forme de responsabilité que celle de siéger dans cet hémicycle, il me paraîtrait logique, même si je le regrette et que je le dénonce, d’interdire ce cas de cumul. J’essaie de faire retrouver quelque cohérence à un texte qui la perd au fur et à mesure que nous avançons la discussion.

Ainsi pourrions-nous atteindre deux objectifs, du moins deux objectifs parmi ceux que vous affichez, qui, à mon avis, sont en réalité trompeurs et dissimulent de pures arrière-pensées politiciennes. En faisant en sorte qu’un parlementaire ne soit pas président ou vice-président d’une société d’économie mixte, vous lui libérerez du temps et vous éviterez les conflits d’intérêt que ce cas de cumul peut comporter. Votre législation, que, par ailleurs, je n’approuve pas, aurait au moins le mérite de la cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Si l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Lagarde, est satisfait par le texte issu des travaux de la commission des lois, tel n’est pas tout à fait le cas de l’amendement lui-même.

L’article 1er ter prévoit l’extension de l’incompatibilité à la présidence des SEM locales, c’est-à-dire de celle à laquelle on accède en étant soi-même élu local, par délégation de la collectivité, en la représentant. C’est très exactement ce que vous visez dans l’exposé sommaire de l’amendement que vous venez de présenter.

Le dispositif lui-même porte sur toutes les SEM possibles. On sort donc du champ des SEM locales. Vous avez le droit de proposer un amendement ainsi rédigé mais il ne correspond pas à votre exposé sommaire. Si l’on s’en tient à celui-ci, il est totalement satisfait par l’article 1er ter du texte issu des travaux de la commission, qui est le fruit d’un amendement que j’avais déposé en tant que rapporteur et que la commission a adopté.

Si vous vous en tenez à la formulation précise de votre amendement, j’émets un avis défavorable, parce qu’on sort très largement du champ des incompatibilités tel qu’on l’envisage. Pour les SEM locales, auxquelles on accède parce qu’on est élu local, il y a une incompatibilité absolue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je comprends parfaitement, monsieur le rapporteur pour la première partie, qui serait donc satisfaite. Je ne comprends en revanche absolument pas votre interprétation du texte même de l’amendement. Vous interdisez le cumul dans le cas des SEM locales mais vous l’autorisez pour toutes les autres SEM ! Où est la logique ? Pourquoi un député pourrait-il être président d’une SEM qui ne serait pas une SEM locale alors qu’il ne pourrait pas être celui d’une SEM locale ? Il n’y a aucune raison.

Je refuse totalement votre projet de loi. Je pense que la logique que vous avez appliquée depuis le début est à la fois perverse pour nos institutions et totalement inutile pour le Parlement, mais, franchement, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas me dire que, si l’on ne peut pas présider une SEM locale ou en être le vice-président, on peut présider une autre SEM, une SEM nationale par exemple, ou pire encore, une SEM d’un autre territoire, ou en être le vice-président. Soyons au moins cohérents !

Il y a beaucoup d’incohérence dans le texte qui nous est présenté, et nous l’avons démontré au cours des débats. Acceptez au moins cet amendement pour aller jusqu’au bout, à moins que cela ne gêne un collègue député ou sénateur, un camarade, qui tiendrait absolument à garder la présidence ou la vice-présidence d’une SEM, qu’il occuperait actuellement. Faites en sorte d’être cohérents jusqu’au bout.

M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ne croyez vraiment pas, cher collègue, que j’essaie d’empêcher que l’on fasse droit à l’un de vos amendements dans ce débat. (Sourires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Non !

M. Nicolas Dhuicq. Jamais !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Non, ce n’est pas mon propos, nous avons des désaccords mais, en l’occurrence, l’amendement est couvert.

M. Jean-Frédéric Poisson. On vous dit que non, on ne croit pas une chose pareille ! (Sourires.)

M. Christophe Borgel, rapporteur. Merci, monsieur Poisson.

Le titre de la loi est le suivant : « interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur ». Je ne nie pas du tout la réalité des questions que vous posez, mais cela me semble relever plus du texte qui a été débattu et adopté ces dernières semaines, relatif à la transparence.

M. Daniel Fasquelle. C’est aberrant !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous avons retenu une acception large de la notion de fonctions exécutives locales, qui couvre donc aussi les fonctions dites dérivées, pour reprendre un terme de la commission Jospin. On s’en tient donc à ces fonctions, parce que c’est l’objet du texte. Le problème que vous posez est un problème réel, mais il ne concerne pas ce projet de loi.

M. Martial Saddier. Non, mais attendez : nous sommes le législateur, c’est nous qui écrivons la loi !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, excusez-moi de vous le rappeler, mais nous sommes le législateur et nous sommes en train de faire la loi. Or vous êtes en train d’expliquer et de confirmer que je ne pourrai plus être député et maire ou maire-adjoint de ma commune, petite ou grande, dans ma circonscription, mais que je pourrai en revanche être député et conseiller général et être désigné par l’assemblée départementale pour présider une SEM du conseil général et, en plus, être rémunéré à ces trois titres ! Si tel devait être le cas, je vous le dis, ce serait un véritable scandale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Chers collègues de la majorité, monsieur le président du groupe socialiste, cet amendement ne vise en rien à valider l’ensemble de votre raisonnement. Mais tout de même, quand vous sortirez de cet hémicycle, comment expliquerez-vous que les députés ou les sénateurs ne peuvent pas diriger ou participer à la direction d’une SEM locale, mais peuvent le faire pour tout autre SEM ?

M. Nicolas Dhuicq. C’est du délire !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous justifiez cela en arguant que votre projet de loi se borne à interdire le cumul des fonctions exécutives. Mais lorsque, tout à l’heure, vous évoquiez les cas du président de l’Assemblée de la Polynésie française, du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie et des maires d’arrondissements, vous avez reconnu qu’il ne s’agissait pas d’exécutifs locaux. Vous avez néanmoins choisi de les assimiler à des exécutifs locaux.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, au secours !

M. Jean-Christophe Lagarde. À la suite des travaux de M. le rapporteur et de la commission des lois, vous avez décidé de considérer également les présidents des SEM locales comme des exécutifs locaux. Vous nous dites à présent que l’amendement n° 252 pose une vraie question, mais qu’on ne peut y répondre car cela ne relève pas de la même logique que le projet de loi. C’est pourquoi, selon vous, on ne peut englober la totalité des présidents et vice-présidents de SEM dans le champ de l’article 1er.

Il me semble que vous devriez voter pour cet amendement, au moins au nom de la cohérence des travaux de notre Assemblée – s’il en reste une ! Si vraiment vous pensez que cela pose un problème juridique majeur, eh bien nous verrons ce que le Sénat fera de cette disposition. Nous exposerons-nous au ridicule d’inclure certaines SEM dans le champ d’application de la loi, et pas d’autres ? Ce serait un beau sujet de débat, franchement, car cela démontrerait la totale hypocrisie de ce que vous nous demandez.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je sais que vous trouverez toujours des arguments pour dénoncer ce texte en dehors de cet hémicycle, mon cher collègue.

M. Daniel Fasquelle. Non, franchement, il n’est pas question de cela !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique prévoit déjà, dans sa rédaction actuelle, des interdictions relatives à toute une série de SEM ! C’est déjà prévu ! Ce projet de loi est toujours en discussion au Sénat. Il reviendra à l’Assemblée nationale dans le cadre de la navette parlementaire : complétez-le !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi refusez-vous d’inclure cette disposition dans le projet de loi dont nous discutons ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Légiférons !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mais là n’est pas le problème ! Mon cher collègue, vous dites : « nous sommes législateurs ». Essayons donc de faire correspondre un minimum le contenu des textes législatifs avec leur intitulé !

M. Martial Saddier. Acceptez cet amendement, et ce sera réglé !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous avons la possibilité de compléter un texte dans lequel cette question est déjà en partie traitée. En effet, dans le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, on interdit aux parlementaires d’exercer des fonctions dans toute une série de SEM.

M. Martial Saddier. Donc vous ne réglez le problème qu’en partie.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mais enfin, il vaut mieux compléter le projet de loi dans lequel cette question est déjà en partie traitée ! Sauf à vouloir monter cette question en épingle pour provoquer un incident, cela n’a pas de sens !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne voulons pas provoquer d’incident : c’est vous qui refusez nos amendements quand nous essayons de régler les problèmes !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Deux projets de loi sont actuellement en cours d’examen au Parlement, qui traitent de sujets différents : honnêtement, nous devrions inclure cette mesure dans le texte qui correspond le mieux.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, au secours !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Non, monsieur Saddier, M. le rapporteur fait parfaitement son travail.

Si j’ai bien compris M. Lagarde, il propose d’interdire le cumul d’un mandat de parlementaire avec les fonctions de président et de vice-président d’une société d’économie mixte.

M. Jean-Christophe Lagarde. Amendement de cohérence !

M. Manuel Valls, ministre. M. le rapporteur a rappelé que ce débat pourrait avoir lieu au moment de l’examen d’un autre texte.

M. Guy Geoffroy. C’est jamais le bon texte !

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président, si la séance pouvait être suspendue pendant quelques minutes, nous pourrions traiter de cette question et de celle de la suite de nos débats.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, je crois comprendre que la séance va être suspendue pour permettre à la majorité de se mettre d’accord. Notre groupe propose plutôt à la majorité d’accepter cet amendement, puis d’ajuster au cours de la navette parlementaire les dispositions des deux projets de loi, celui dont nous discutons et celui qui porte sur la transparence de la vie publique. Cela satisferait tout le monde et réglerait la question.

M. le président. Sur l’amendement n° 252, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je propose à l’Assemblée d’accepter la proposition de nos collègues du groupe UMP, notamment Jean-Frédéric Poisson puis par la suite d’ajuster les dispositions des deux textes au cours des navettes.

Je donne donc un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 252.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 88

Nombre de suffrages exprimés 88

Majorité absolue 45

(L’amendement n° 252 est adopté.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a deux présidents de SEM dans l’hémicycle !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 305, 205 et 201, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado pour défendre l’amendement n° 305.

M. Sergio Coronado. Nous avons réformé, il y a quelque temps, l’Assemblée des Français de l’étranger, et mis en place les conseils consulaires. Lors de nos discussions, notre objectif était d’élargir le corps électoral – je le rappelle à l’intention de ceux qui n’ont pas assisté à ces débats.

Cet amendement vise simplement à rendre incompatibles les fonctions de parlementaire et de conseiller consulaire ou de membre de l’Assemblée des Français de l’étranger. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous appelle à un peu de cohérence : je voudrais que l’on prît conscience des conséquences qu’emporterait le rejet de ces amendements.

À l’issue de nos débats, alors même que nous discutons de limiter le cumul des mandats, certains cas pourraient en effet subsister. J’ai déjà parlé hier de celui du député de la dixième circonscription des Français de l’étranger, qui est à la fois conseiller général de la Haute-Vienne, membre d’un conseil consulaire d’Afrique du Sud, et représentant à l’Assemblée des Français de l’étranger. Vous voyez bien que cette situation est un peu loufoque !

Je sais que l’amendement n° 305 va plus loin que les autres amendements que nous examinerons au cours de cette discussion commune, présentés entre autres par M. Cordery, Mme Lemaire et M. Leroy. Je crois cependant qu’il est plus logique, car il englobe l’ensemble des problématiques qui ont trait à la représentation des Français de l’étranger.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement de l’Assemblée nationale.

Je souhaite simplement m’assurer que nous n’avons pas manqué une marche : il y a, dans la liasse d’amendements que les huissiers nous ont distribuée, un amendement n° 304 que M. Coronado devait défendre. Cet amendement ne figure pas sur la feuille jaune…

M. le président. Il a été retiré.

M. Sergio Coronado. Je l’ai retiré car il était déjà satisfait par les travaux de la commission des lois.

M. Jean-Frédéric Poisson. Veuillez m’excuser, alors.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Rien n’échappe à M. Poisson !

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n° 205.

M. Philip Cordery. Il s’agit, comme Sergio Coronado le proposait également, de mettre la représentation des Français de l’étranger en cohérence avec la loi que nous sommes en train d’examiner. Le non-cumul des mandats est une avancée démocratique :…

M. Nicolas Dhuicq. Dites plutôt : une avancée oligarchique !

M. Philip Cordery. …les Français de l’étranger aussi ont droit à cette avancée. Eux aussi doivent bénéficier de cette chance de renouvellement. C’est ce que nous proposons avec cet amendement, cosigné notamment par mon collègue Arnaud Leroy.

Comme l’a rappelé M. Coronado, nous avons voté il y a quelques semaines une loi sur la représentation des Français établis hors de France. Au cours de l’examen de ce texte, un certain nombre d’amendements ont été adoptés, limitant – entre autres – le cumul des mandats dans le temps. Pour parachever cette évolution démocratique, nous proposons d’étendre le champ des fonctions incompatibles avec un mandat parlementaire à celles de conseiller consulaire.

M. le président. Dois-je considérer, monsieur Cordery, que l’amendement n° 201 est défendu ?

M. Philip Cordery. Cela dépendra du sort que connaîtra l’amendement n° 205.

M. le président. Vous devez en tout état de cause le présenter dès maintenant, car il est en discussion commune.

M. Philip Cordery. Dans ce cas, il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune, nos 305, 205 et 201 ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 201. Cet amendement est cohérent, car il propose d’étendre le champ des incompatibilités aux fonctions de président et de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger, et à celles de vice-président de conseil consulaire.

La commission est en revanche défavorable aux deux autres amendements, nos 305 et 205, qui prévoient d’étendre l’incompatibilité aux fonctions de simple conseiller consulaire, ou de simple membre de l’Assemblée des Français de l’étranger. On retrouve là le débat opposant, d’une part, l’interdiction du cumul d’un mandat de parlementaire avec les fonctions de président d’exécutif, et d’autre part, le mandat unique. Nous en avons déjà discuté.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je comprends, monsieur le rapporteur : vous défendez une sorte de parallélisme des formes. Mais, parfois, cela n’a aucun sens :…

M. Daniel Fasquelle. Souvent !

M. Sergio Coronado. …c’est le cas avec les Français de l’étranger. L’Assemblée des Français de l’étranger n’est pas une instance délibérative : elle est uniquement consultative. C’est également le cas des conseils consulaires. Je ne plaide donc pas dans le même sens que vous : je me fais simplement l’avocat d’une plus grande cohérence.

Trouvez-vous normal qu’il soit possible d’être à la fois conseiller consulaire des Français résidant en Afrique du Sud, conseiller général de la Haute-Vienne, et député ? Il me semble que cela devrait être totalement impossible.

Je voudrais simplement que la question de la représentation des Français de l’étranger soit traitée de façon cohérente.

Je rappelle, car vous ne connaissez peut-être pas la réforme que nous venons de voter, que les conseils consulaires mis en place ont des dimensions quasi continentales. Dans ma circonscription, il y a un conseil pour l’Argentine, trois pour le Brésil et un pour le Chili. Dans ces conditions, un conseiller consulaire représente presque tout un pays. Pensez-vous qu’il soit possible d’être à la fois un bon conseiller consulaire et un bon parlementaire ? Le parallélisme des formes ne s’applique pas, car ces assemblées consultatives n’ont en fait aucun pouvoir.

(L’amendement n° 305 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 205 est retiré.)

(L’amendement n° 201 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n° 204.

M. Philip Cordery. Par cet amendement, nous proposons d’étendre l’incompatibilité aux parlementaires étrangers et aux membres d’exécutifs locaux étrangers, car il me paraît de bon sens qu’un parlementaire français ne puisse pas être maire d’une grande ville étrangère ni siéger dans un Parlement étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par l’article L.O. 143 du code électoral, qui dispose que : « L’exercice des fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds est également incompatible avec le mandat de député. » Je vous propose, en conséquence, de le retirer.

M. Martial Saddier. Qu’en est-il des sénateurs ?

(L’amendement n° 204 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 137.

Mme Annie Genevard. Il est possible que, compte tenu de ce que vient de préciser M. le rapporteur, je retire ces deux amendements. Je vais toutefois les présenter au nom de Mme Schmid, députée des Français de Suisse, qui en est l’auteure.

Il s’agit d’empêcher les cas sans doute rares, mais théoriquement possibles, où un parlementaire français serait législateur ou membre d’un exécutif local dans un pays étranger où il résiderait – c’est le cas des députés des Français de l’étranger – et dont il posséderait la nationalité en plus de la nationalité française.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je vous confirme que nous sommes dans la même situation que précédemment. Je vous propose donc de retirer ces amendements.

(Les amendements n°s 137 et 138 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 99.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement vise à préciser le seuil de population à partir duquel les dispositions de la présente loi s’appliqueront. À l’heure actuelle, en dessous de 3 500 habitants, l’exercice d’une fonction de maire n’est pas visé par les règles limitant le cumul. Ce que je propose, par cohérence avec l’abaissement de 3 500 à 1 000 habitants du seuil d’application du scrutin de liste aux élections municipales, c’est de limiter l’interdiction du cumul des fonctions de maire ou d’adjoint aux communes dépassant ce seuil de 1 000 habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous avons largement débattu de ce sujet depuis le tout début de la discussion des articles, et je comprends la logique de cet ultime amendement de repli, si je puis dire. L’un de nos collègues évoquait précédemment les villages de cinquante habitants, mais l’on peut constater que, plus le nombre d’habitants décroît, plus le cumul avec un mandat parlementaire est rare : il est pratiquement inexistant chez les maires de communes de cinquante ou cent habitants, et extrêmement rare en dessous de 1 000 habitants. L’amendement nuirait inutilement à la bonne compréhension de la loi par tous et ne changerait strictement rien à la réalité du phénomène. Je m’en tiens donc à la position de la commission, qui a refusé d’introduire un seuil. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je vous poserai une question sur les commissions d’appels d’offres des communes, monsieur le rapporteur. Vous avez décidé, la main sur le cœur, que je ne pouvais plus être maire de ma commune. Je suis donc simple conseiller municipal. Le maire décide de ne pas exercer la présidence, qui lui revient de droit, de la commission d’appel d’offres, et le conseil municipal me désigne président de ladite commission. Cela représente davantage de travail, soit une réunion par semaine, chaque mercredi, et la connaissance directe de tous les appels d’offres de ma commune. Ma question est précise : est-ce ou non compatible avec le mandat parlementaire ?

M. Alain Calmette. Ce n’est pas vous qui allez signer les marchés !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’imagine parfaitement qu’un parlementaire apprécie d’être conseiller municipal et de faire partie de la commission des appels d’offres, voire de la présider. Cela n’entre pas dans le champ des incompatibilités et n’a que peu de rapport avec l’amendement dont nous venons de débattre.

(L’amendement n° 99 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l’amendement n° 202.

Mme Laurence Dumont. Cet amendement évoque le cas d’un recours consécutif à une élection et l’hypothèse où le parlementaire en situation de cumul continue d’exercer, tant que le recours est pendant, le ou les mandats incompatibles avec celui de parlementaire. Il est nécessaire, pour éviter des recours de complaisance, de limiter les possibilités de cumul d’indemnités durant ce laps de temps. Ne serait donc versée, en pareil cas, que l’indemnité parlementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Favorable, pour les raisons découlant de l’argumentation développée par notre collègue Laurence Dumont.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Je ne comprends pas !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas grave ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne comprends pas et je ne suis pas le seul. La position de M. le ministre me laisse d’ailleurs penser que je n’ai pas tout à fait tort de m’interroger. L’auteure de l’amendement peut-elle nous en dire un peu plus ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Il peut se trouver qu’il y ait un recours contre l’élection d’un parlementaire. Tant que ce recours reste pendant, le parlementaire peut se trouver amener à demeurer dans une situation de cumul qu’interdit le présent projet de loi.

M. Christophe Caresche. Absolument !

Mme Laurence Dumont. Ce que nous proposons, c’est que, même si le parlementaire continue d’exerce plusieurs mandats incompatibles entre eux dans l’attente du jugement définitif sur le recours, seule l’indemnité parlementaire lui soit versée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’argumentation développée par Mme Dumont est intéressante. Elle rejoint d’ailleurs celle que nous avons tenté tout à l’heure de faire valider par l’Assemblée. Ainsi, aux termes de cet amendement, en cas de recours – éventuellement abusif –, il ne pourra y avoir cumul des indemnités.

L’absence de cumul des indemnités serait, me semble-t-il, un message bien plus fort en direction de nos concitoyens – je prends toutefois à témoin notre collègue Dosière, qui a fait cette proposition à plusieurs reprises – si elle n’était pas limitée au cas traité par cet amendement, mais devenait la règle générale. Il est tout de même assez extravagant qu’un vice-président de conseil régional qui serait maire ou maire-adjoint d’une ville d’une certaine taille gagne davantage qu’un parlementaire astreint au mandat unique. Si vous voulez éviter que l’on puisse, en situation de cumul provisoire, cumuler les indemnités, pourquoi acceptez-vous que cela reste possible ad vitam aeternam pour les élus locaux ? Pourquoi ne pas l’interdire à un député qui serait conseiller général ou conseiller régional ? Cela ne me paraît pas conforme à la logique que Mme Dumont vient de défendre et que je puis faire mienne. Il ne faut pas se limiter à éviter les recours abusifs, il faut décider que la rémunération maximale d’un élu, local ou national, soit au niveau de l’indemnité parlementaire – ce qui n’est, après tout, pas si mal !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. J’adhère totalement à l’idée sous-tendue par cet amendement, mais j’avoue ne pas comprendre l’explication qui en est donnée. Imaginons que je sois député et devienne maire, ou que je sois maire et devienne député : peu importe que mon élection comme maire ou comme député soit contestée, puisque la loi interdit le cumul de ces deux mandats. Vous voulez éviter une situation qui ne peut pas se produire.

M. Christophe Caresche. Mais si, justement !

M. Guy Geoffroy. Par définition, tant que le recours contre une élection n’est pas purgé, on est considéré comme exerçant la fonction. Or il sera impossible, du fait de la loi que nous examinons, de cumuler les deux mandats, qu’il y ait ou non recours contre l’un ou l’autre.

J’avoue ne pas comprendre. C’est probablement la raison pour laquelle le ministre s’en est remis à la sagesse de l’assemblée. L’intention est bonne, mais cela ne sert à rien.

(L’amendement n° 202 est adopté.)

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Puisque nous avons un peu de temps avant le scrutin, je donne la parole à M. Jean-Frédéric Poisson, qui me l’a demandée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette que, aucun de ses auteurs n’étant présent, l’amendement n° 349 ne soit pas appelé. Il posait en effet la question du statut des députés suppléants, qu’il est difficile de considérer comme étant pleinement députés, étant donné que leur situation est très précaire et qu’il peut être mis fin à leur fonction du jour au lendemain – ainsi que le montre un exemple tout récent puisqu’il date d’hier seulement... Vous me répondrez que c’est notre lot à tous en cas de dissolution, mais reconnaissez tout de même que la situation n’est pas la même. J’aurais été intéressé d’entendre le rapporteur et le ministre sur ce point particulier.

M. le président. L’amendement n’étant pas défendu, ce sera difficile.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous y reviendrons peut-être en deuxième lecture.

M. le président. Je n’en doute pas, cher collègue !

Je mets aux voix l’article 1er.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 94

Nombre de suffrages exprimés 94

Majorité absolue 48

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir l’amendement n° 240, portant article additionnel après l’article 1er.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit d’un amendement déposé par les deux députés de Nouvelle-Calédonie.

Dans un souci de clarté, il vise à mettre en conformité la loi organique statutaire relative à la Nouvelle-Calédonie avec les dispositions de la présente loi organique. Cela ne vaut en rien approbation de celle-ci, mais mieux vaut éviter des différences d’interprétation qui viendraient ensuite nourrir des conflits juridiques et une jurisprudence inutile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais tout de même avoir des explications : pourquoi ne pas écrire la même chose dans le présent texte et dans la loi organique statutaire relative à la Nouvelle-Calédonie ? Vous me direz peut-être que c’est juridiquement inutile, mais il ne me semble pas que ce soit le cas.

Dans la mesure où cet amendement résulte d’un avis voté à l’unanimité par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, il me semble qu’il mérite davantage qu’un simple avis défavorable non assorti d’explications.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Monsieur Lagarde, je me suis efforcé d’apporter à chaque fois d’apporter des réponses, et lorsque, parfois, je me permets de dire simplement « défavorable », c’est qu’il y a quelques raisons à cela.

Vous affirmez qu’il s’agit d’un amendement de cohérence, mais il ne reprend pas l’incompatibilité avec les fonctions de président ou de vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. C’est normal, dans la mesure où vous aviez déposé un amendement témoignant de votre opposition à cette incompatibilité, mais il paraît, dès lors, compliqué de parler d’amendement de cohérence...

De surcroît, le dernier alinéa est rédigé trop largement, puisqu’il rend incompatible avec le mandat de parlementaire tout mandat au sein d’une assemblée de province.

En pleine cohérence avec ce que je défends, en tant que rapporteur, au nom de la commission, depuis le début de notre débat, et qui consiste à viser les fonctions exécutives – président, vice-président, maire, maire-adjoint –, je ne suis pas favorable à une telle extension.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement et je considère qu’il serait cohérent, compte tenu de ceux que vous avez défendus précédemment, de le retirer.

(L’amendement n° 240 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 242.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’imagine, monsieur le rapporteur, que votre argumentation sera la même. La mienne également, mais je vous remercie d’avoir expliqué votre position, ne serait-ce que pour nos collègues et pour les élus du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui avaient droit, me semble-t-il, à vos explications.

Pour faire gagner du temps à notre assemblée, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 241. Le premier concerne les provinces, le second les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements n°s 242 et 241 ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable. Peut-on en rester là, monsieur Lagarde ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je viens de vous remercier de vos explications !

(Les amendements n°s 242 et 243, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 1er bis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article, ajouté au texte initial par un amendement des commissaires socialistes lors du débat en commission des lois, prévoit que nul ne peut exercer plus de trois mandats successifs. Il s’agit évidemment des mandats parlementaires, puisque cet article est placé dans le code électoral dans le titre consacré à l’élection des membres de l’Assemblée nationale.

Cela pose un problème de principe et un problème de forme.

Sur le principe, nous sommes opposés à ce que les électeurs soient restreints dans leur possibilité de choisir trois, quatre, cinq ou six fois la même personne si cela leur chante. Nous défendons depuis le début le droit pour les électeurs de choisir leurs représentants dans cette assemblée, et cet article additionnel nous paraît restreindre de façon abusive la liberté du corps électoral.

Sur la forme, la notion même de mandat mériterait d’être précisée. Si l’objectif est que personne ne siège plus de quinze ans, soit trois mandats pleins, il faut l’écrire, mais les mandats peuvent être plus courts, parfois sensiblement. Je le redis, l’un de nos collègues va devoir regagner ses chers pénates dans un mois, et je suis bien placé, moi aussi, pour savoir comment les choses peuvent se passer…

Pour une raison de principe, qui tient au libre choix des électeurs, et en raison de l’imprécision de la notion de mandat, il faut supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Cet amendement a été déposé par une partie seulement des commissaires socialistes, une trentaine, pour tenter d’aller au bout de la logique du texte, en faisant sauter ce qui est en quelque sorte le second verrou au renouvellement de la vie politique, par la limitation à trois du nombre de mandats consécutifs.

M. François Loncle. C’est n’importe quoi !

M. Philippe Baumel. La notion de mandat paraît assez claire, sauf peut-être pour M. Poisson, mais je comprends, ayant lu dans un journal du soir le palmarès de ceux qui cumulent depuis le plus longtemps, notamment dans sa ville même, qu’il ait du mal à accepter cette logique.

L’objectif, l’essentiel de la philosophie du texte, c’est de favoriser le renouvellement des acteurs politiques, de faire que des jeunes, des femmes accèdent plus facilement aux responsabilités, au lieu que ce soient toujours les mêmes qui développent leurs talents dans de longs mandats successifs, d’autant que la longévité n’est pas toujours synonyme de sagesse : il peut y avoir de l’épuisement, un manque d’imagination, un manque de renouvellement dans la façon d’aborder les difficultés et de comprendre la société qui nous environne.

Nous vous suggérons donc, mes chers collègues, de faire preuve d’un peu plus d’audace. Il ne s’agit pas de heurter, il s’agit de nourrir la réflexion. D’autres que nous, dont un grand nombre sont ici, avaient d’ailleurs déjà émis une telle proposition il y a quelques années. Nous vous demandons donc de pousser plus loin cette volonté de renouvellement.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Cet article 1er bis est un véritable hold-up, car il tend à voler aux électeurs leur liberté de choix.

Le fondement de notre démocratie, qui trouve sa plus parfaite expression dans le suffrage universel direct, c’est qu’il est permis à chaque électeur de choisir, en son âme et conscience, de voter ou de ne pas voter pour un candidat. Pourquoi lui retirer cette liberté ? C’est au citoyen de déterminer si un parlementaire, après plusieurs mandats successifs, peut continuer à exercer sa fonction au regard des idées politiques et des valeurs qu’il défend, de son expérience et du travail législatif déjà effectué.

L’argument invoqué est le nécessaire renouvellement de la classe politique, mais le renouvellement s’opère naturellement puisque la durée moyenne est d’un mandat et demi. Laissons donc l’électeur décider.

Mes chers collègues, laissez les électeurs décider et choisir, et supprimez l’article 1er bis.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Le texte de la commission durcit nettement les règles d’incompatibilité initialement prévues, notamment en interdisant d’exercer plus de trois mandats successifs. La question est légitime, mais elle cache bien des effets pervers.

Vous voulez des parlementaires détachés des fonctions locales : vous aurez donc de jeunes candidats issus du sérail politique puisqu’ils n’émaneront plus de la base ni des mandats locaux.

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. Leur perspective se limitera à quinze ans dans le meilleur des cas, et ils devront envisager à terme, non pas une reconversion, mais le début d’une vie professionnelle à plus de quarante ans. Croyez-vous que ce soit le meilleur moyen d’attirer de jeunes candidats ?

En réalité, tous auront deux activités, l’une publique et l’autre privée. Est-ce un cumul plus vertueux que celui de deux mandats dédiés à l’intérêt général ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Après le premier article, qui reprenait en quelque sorte La ferme des animaux d’Orwell en décrétant qu’il y a des animaux plus égaux que d’autres, c’est-à-dire des députés qui pourraient être conseillers généraux ou conseillers régionaux et cumuler les indemnités des deux fonctions, voici qu’au mépris de l’état actuel de la démocratie et de la démographie française vous voulez nous priver de talents.

Je prendrai un exemple, celui d’un des derniers Compagnons de la Libération, que nous avons perdu l’année dernière, qui a débarqué avec les chars pour libérer le pays occupé et qui fut l’un des pères de l’indépendance énergétique et militaire de la France : Robert Galley, que j’ai eu la chance de connaître. Au nom de quoi, par ces amendements totalement orwelliens et jeunistes, voulez-vous priver le pays d’hommes et de femmes d’expérience ? Je suis certain que, lorsque Robert Galley siégeait ici, ceux qui l’ont connu savaient qu’en dépit de son âge il pouvait apporter à l’Assemblée nationale et donc à notre pays sa sagesse et ses connaissances.

Vous êtes en train de céder une fois de plus à toutes les modes, à la tyrannie de l’opinion et à la démagogie, et vous détruisez une fois de plus l’esprit républicain.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je trouve cet amendement curieusement rédigé, au moins pour deux raisons.

Plusieurs députés du groupe SRC. Cet article !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Un article issu d’un amendement, qui ne figurait pas dans le texte déposé par le Gouvernement : C’est donc un apport extérieur, quelque peu insolite.

Il y est question de « trois mandats » tout court, non de trois mandats parlementaires. Cela veut dire qu’on ne pourra pas cumuler plus de trois mandats de conseiller général, par exemple.

M. Yannick Favennec. Exactement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est déjà une première difficulté.

La seconde difficulté, c’est l’adjectif « successifs ». Qu’entend-on par ce terme ? Littéralement, c’est le fait d’être formés d’éléments entre lesquels il n’y a pas d’interruption. Votre amendement ne viserait donc que ceux qui exercent coup sur coup trois mandats parlementaires.

Il suffirait par conséquent, pour détourner la rigueur de cet amendement, soit de ne pas se représenter une fois à une élection, soit de se faire battre, ce qui est plus facile encore. (Rires.) Dans un cas comme dans l’autre, il n’y aurait pas trois mandats successifs.

Enfin, cet amendement, déposé par trente collègues et amis du groupe socialiste, est un peu étonnant, car il aboutirait à une décapitation de ce groupe. (Nouveaux rires.)

M. Martial Saddier. Ça va si mal que ça ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce n’est pas du tout une critique : je partage avec eux cette situation monstrueuse. Beaucoup d’entre eux ont plus de trois mandats, soit comme président de l’Assemblée nationale, soit comme président de groupe, soit comme Premier ministre, soit comme deuxième ministre dans l’équipe actuelle… J’abrège pour n’être pas trop long, mais c’est la situation dominante au sein du Gouvernement.

J’ajouterai un tout dernier élément. Si l’on imagine qu’à la suite de circonstances électorales un peu agitées et d’alternances successives, trois dissolutions aient lieu, le parlementaire se bornerait à passer trois ans à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et encore !

M. René Dosière. Il a très bien parlé !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce qui prouve que l’article est clair !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Au risque de surprendre, j’avais déposé le même amendement, non pas l’amendement de suppression du Gouvernement, mais celui adopté en commission. Ainsi que je l’ai développé en présentant notre motion de renvoi en commission hier, si nous voulons vraiment renouveler ou, pour reprendre l’expression d’une de nos collègues que j’ai sans doute mal comprise et à qui j’ai mal répondu tout à l’heure, ce dont je la prie de m’excuser, si nous voulons rafraîchir nos assemblées, il faut éviter – là, monsieur le ministre, la loi est nécessaire – la succession indéfinie de mandats.

Certains maires, certains présidents de conseils généraux renouvellent leurs mandats trente, trente-cinq, quarante ou cinquante ans. Ce n’est pas sain pour une collectivité. Je suis devenu maire d’une ville qui a eu pendant quasiment cinquante ans le même maire ; ce n’est pas contre la personne que je m’exprime, mais, institutionnellement, ce n’est pas sain.

Je reconnais bien volontiers qu’à défaut de limite fixée par la loi, on ne peut décemment demander à un élu de sacrifier son mandat. Cette limite, nous pouvons en discuter ; une navette parlementaire aura lieu. On peut dire qu’il est possible d’exercer un mandat, de l’interrompre, d’en exercer d’autres. Ce serait bien plus de nature à aérer la vie politique française que l’interdiction du cumul entre mandat exécutif local et mandat législatif que vous voulez introduire, car, pour le coup, vous obligeriez à un renouvellement régulier, annoncé, programmé, incontournable. Je voterai contre l’amendement du Gouvernement, car le présent article permettrait un réel renouvellement de la démocratie française et de ses élites politiques.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis désolé d’avoir à contredire mon collègue Lagarde. Nous vivons dans un pays démocratique où le peuple élit ses représentants dans les différentes collectivités, au Parlement, et jusqu’à la fonction suprême de Président de la République. Si l’on peut comprendre la fixation de limites pour le Président de la République, car il y a peut-être une usure du pouvoir et nous voyons bien que les Français ont tendance à « zapper » les élus, sommes-nous obligés de légiférer pour empêcher nos concitoyens de voter pour qui ils veulent ?

Le texte est entièrement bâti autour de cette idée. L’article 1er limite le cumul des mandats, en interdisant à quelqu’un ayant un mandat de se présenter devant les Français, qui selon moi doivent pouvoir s’exprimer et choisir la personne qu’ils veulent, qu’elle ait un mandat ou non. Le présent article limite, quant à lui, l’exercice à trois mandats successifs. Je respecte cette conviction que portent notamment les Verts, mais ce n’est pas du tout la mienne : je pense que la démocratie doit pouvoir s’exprimer, que les Français doivent décider s’ils veulent ou non reconduire un élu dans sa fonction, selon le travail qu’il a effectué et non d’après une volonté de l’Assemblée dans laquelle il siège. Car c’est notre assemblée qui vient fixer la règle du jeu pour dire aux élus s’ils ont le droit de se présenter à nouveau. Or ce sont les Français qui votent, ce sont eux qui désignent leurs représentants.

M. Yannick Favennec. Absolument !

M. Francis Vercamer. Je suis atterré par cette volonté de brider la démocratie française alors que, dans de nombreux pays, on le voit actuellement, la démocratie n’existe pas et des gens se battent pour l’obtenir.

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Au début de la discussion, j’ai pu partager quelques interpellations de l’opposition, appelant le rapporteur et le Gouvernement à plus de cohérence. J’ai tendance à penser que la cohérence à laquelle vous faites appel, chers collègues, n’est pas la ligne de conduite que vous avez choisie pour vous opposer à cet article. Quand j’ai suivi la réforme de 2008, qui comprenait la limitation à deux du nombre de mandats successifs possibles pour un Président de la République, j’ai cru comprendre, en écoutant les orateurs de la majorité d’alors, qu’il s’agissait de renouveler la vie politique, de l’aérer, de permettre une respiration, de crainte que l’on puisse s’encroûter et s’user à la tête de l’État. Je ne vois pas pourquoi seul le Président de la République serait soumis à l’usure du temps et des responsabilités, tandis que le député, « Superman des temps modernes » comme le disait hier ma camarade Isabelle Attard, échapperait à cette usure. Donc, un peu de cohérence !

M. Martial Saddier. Un Congrès !

M. Sergio Coronado. J’appelle à la même cohérence celles et ceux qui pensent que l’on peut rester indéfiniment parlementaire. Je crois qu’il est sain, dans une démocratie, de fixer une limite, comme il en existe pour le Président de la République, et comme nous sommes parvenus à la fixer – à trois mandats – pour les élus des Français de l’étranger, dans le projet de loi réformant la représentation des Français de l’étranger.

M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord pour aller à Versailles, monsieur le ministre !

M. Sergio Coronado. Il n’est pas question ici de liberté, mais de la conception que nous avons de la démocratie.

Chers collègues de l’opposition, dans les débats qui portent sur la manière dont la France doit affronter la mondialisation et la crise, j’entends, depuis vos bancs, un appel à nos concitoyens, qui doivent selon vous s’adapter, être capables de changer de métier, car ils ne pourront plus consacrer toute une vie à la même activité. Ainsi, les Français doivent s’adapter et être capables de changer de métier, mais vous, vous pouvez passer toute votre vie assis sur les bancs de l’Assemblée !

M. Martial Saddier. Pas vous ?

M. Sergio Coronado. Non, pas moi.

M. Guy Geoffroy. Vous promouvez les apparatchiks !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Sur cet article additionnel adopté en commission des lois, et dont le Gouvernement demande la suppression, j’ai moi-même déposé un amendement tendant à le supprimer. Dans ce domaine comme dans d’autres, abordés à l’article 1er du projet, la richesse du Parlement repose sur la diversité des expériences et des parcours. Le Parlement s’appauvrit s’il se prive de l’expérience acquise par ceux de nos collègues auxquels le suffrage universel a permis d’être réélus et d’acquérir une certaine longévité.

M. René Dosière. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Dans ce domaine, c’est le citoyen qui est maître du jeu. C’est lui qui peut dire « stop » ou « encore », par son vote, et, comme le rappelle opportunément le Gouvernement dans l’exposé sommaire de son amendement, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus ». Il convient de préserver à la fois la liberté de l’électeur et l’indépendance de l’élu, d’où la nécessité de revenir sur cette disposition adoptée par la commission des lois. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je voudrais également exprimer mon hostilité à cette disposition. Malgré ce qui est affirmé un peu partout, le renouvellement existe déjà, c’est une réalité de notre assemblée. Le chiffre est connu : la durée moyenne d’exercice du mandat de député est de sept ans. Cela signifie que la majorité des députés font au maximum un mandat.

M. Francis Vercamer. Surtout ceux qui ne cumulent pas !

M. Christophe Caresche. Le renouvellement existe donc bien. Par ailleurs, les dispositions que nous adoptons sur le cumul accéléreront ce renouvellement, car elles créeront au plan local une plus grande concurrence.

L’argument le plus important reste toutefois juridique. Cette disposition instaure une restriction excessive de la liberté de candidature. Il s’agit d’interdire à une personne de se présenter à une élection, ce qui n’est pas le cas, je le dis à l’attention de Jean-Luc Laurent, dans le cadre du cumul des mandats, car nous n’interdisons à personne de se présenter.

M. Christian Jacob. Vous interdisez l’exercice !

M. Christophe Caresche. Un député peut se présenter à des élections aux conseils municipaux ou généraux, tandis qu’il s’agit ici d’interdire à une personne de se présenter à une élection, et je pense que le Conseil constitutionnel ne l’accepterait pas. On nous parle du Président de la République, mais le cas relevait d’une loi constitutionnelle.

M. Martial Saddier. Le Congrès !

M. Christophe Caresche. Il n’appartenait donc pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la limitation du nombre de mandats pour le Président. En revanche, si nous adoptions la présente disposition, je pense qu’elle serait censurée par le Conseil.

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. J’ai peu de choses à ajouter à ce qu’ont dit Roger-Gérard Schwartzenberg et Christophe Caresche, et j’ai beaucoup de respect pour ceux qui ont introduit cet article, Philippe Baumel en particulier.

L’Assemblée nationale compte 577 députés. Sur ce nombre, nous sommes quinze « affreux », entre guillemets, qui avons été investis et élus un nombre considérable de fois. Je ne donne pas le chiffre…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça ferait fuir M. Coronado !

M. François Loncle. …parce que cela me vaudrait quelques diatribes. (Sourires.) J’ai connu plusieurs expériences de dissolution. Je me souviens de celle de 1988, de celle, très bienvenue, de M. de Villepin et M. Chirac en 1997, qui a permis à un certain nombre d’entre nous de revenir. Le renouvellement existe, et je suis absolument ravi chaque fois que je vois arriver une nouvelle génération de députés (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs), notamment les femmes, très nombreuses. Je trouve cela magnifique, mais laissez tranquilles les quinze députés investis et élus régulièrement et pour longtemps ! (Mêmes mouvements.)

M. Christophe Borgel, rapporteur. M. Bapt et M. Loncle l’un à côté de l’autre : il y a une photo à prendre !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Il ne s’agit pas du tout d’un amendement dirigé contre les camarades qui ont réussi à se faire investir à de nombreuses reprises. Il ne s’appliquerait au demeurant qu’à partir de son adoption ; ceux qui sont déjà élus ne seraient pas concernés. L’idée est de poser des limites, d’encadrer les choses. À notre sens, c’est une façon de favoriser la diversité des parcours car, lorsque des personnes restent longtemps, c’est plus difficile pour les autres, notamment pour une question de respect, de se présenter contre elles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les citoyens n’ont pas vraiment le choix. C’est un des arguments qui ont été utilisés pour la parité. Ils ont le choix entre les candidats qu’on leur présente ; cela ne veut pas dire que ces candidats ne sont pas bons, mais, pour la démocratie, indépendamment des gens concernés, il est important que le renouvellement des candidatures soit plus fréquent. C’est le seul but de cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 354.

M. Manuel Valls, ministre. Le débat est déjà engagé, mais je veux commencer par rappeler que ce texte s’inscrit dans une volonté claire : permettre l’exercice plein et entier de chaque mandat accompli à des fonctions exécutives afin de mettre fin à ces critiques incessantes, et d’ailleurs infondées, du travail exemplaire de nos élus. Si je mesure la volonté des auteurs de l’amendement adopté en commission des lois, il ne faut en aucun cas remettre en cause le point d’équilibre trouvé dans ce texte. Nous avons, je le crois, proposé un texte ambitieux qui va de l’avant et annonce un progrès durable, même si cela suscite des oppositions, au regard de notre situation actuelle. Il n’est pas question de remettre aujourd’hui en cause cet édifice.

Par ailleurs, le principe d’une limitation dans le temps du nombre de mandats effectués n’est pas exempt de risques juridiques.

M. Daniel Fasquelle. Absolument !

M. Manuel Valls, ministre. Il importe d’examiner plus avant les difficultés causées par l’article 1er bis adopté par la commission.

L’article 6 de la Constitution dispose, depuis la révision constitutionnelle de 2008, que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » en tant que Président de la République. Ce principe est toutefois propre à la fonction de chef de l’État. Il prévaut également dans d’autres pays : en Allemagne, où le mandat n’est renouvelable qu’une fois, ou aux États-Unis, où le nombre de mandats est limité à deux, qu’ils soient successifs ou non.

En revanche, aucune disposition constitutionnelle ne peut garantir le non-cumul dans le temps des mandats parlementaires et locaux.

M. Christophe Caresche. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. La seule limitation validée par le Conseil constitutionnel est celle qui concerne le cumul des mandats de manière simultanée : elle est destinée à garantir l’exercice satisfaisant de chaque mandat.

À l’inverse – comme l’un d’entre vous le soulignait –, une décision du Conseil constitutionnel incite à une extrême prudence en la matière. Dans sa décision du 18 novembre 1982, le Conseil a en effet considéré que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ». En l’espèce, le cumul prolongé d’un mandat dans le temps ne semble pas de nature à remettre en question la liberté de l’électeur, qui pourra toujours s’opposer à la réélection du candidat. Il en est de même pour l’indépendance de l’élu, celui-ci se voyant davantage mis en question pour d’éventuels intérêts privés.

D’autres décisions, d’autres juridictions étrangères se sont également ralliées à ce type d’interprétation. La Cour suprême des États-Unis, tout en acceptant la limitation dans le temps du mandat présidentiel fondée sur la constitution américaine, a estimé que celle d’un mandat parlementaire n’était pas conforme à la Constitution – la situation serait similaire en France.

De manière plus politique, des États américains prévoient la limitation du cumul pour les gouverneurs ou pour les maires. Ce choix a toujours été fait par les constituants américains. D’ailleurs, lorsque l’on regarde les exemples – voyez ici Gérard Bapt et François Loncle –, l’un des débats qui s’était tenu aux États-Unis avait été suscité par la personnalité de Ted Kennedy, l’un des plus grands parlementaires du tournant du siècle qui a accompli un nombre de mandats tout à fait exceptionnel – mais il s’agissait du législatif et non de l’exécutif.

Pour conclure, je vous laisse méditer un cas, débusqué grâce au travail de nos services : la Constitution mexicaine reste l’exemple le plus connu d’interdiction faite aux députés et aux sénateurs d’être candidats à leur réélection – de même pour leur président. La logique est poussée jusqu’au bout. Si nous avons des liens étroits avec le Mexique, je ne vous invite pas à faire vôtre cette tradition… (Sourires.)

Il semble donc préférable, mesdames et messieurs les députés, de supprimer l’article 1er bis. Lorsqu’un parlementaire ou un élu local n’est plus en mesure de répondre à leurs attentes, les électeurs savent prendre position de façon autonome pour un autre candidat, sans qu’il soit besoin de prévoir une telle limitation dans le temps. Cela diffère donc de la question du cumul, puisqu’il existe toujours, dans cette situation, un choix possible.

M. Christophe Caresche. Bien sûr !

M. Manuel Valls, ministre. Un choix est toutefois également possible dans le cas du cumul, puisque celui qui veut être député continue à être député et ne sera plus maire, ou le contraire. En l’occurrence, on lui interdirait tout simplement d’être député : c’est pourquoi le Gouvernement s’oppose clairement et fermement à cet article 1er bis. L’équilibre du texte doit être préservé. Il appartient maintenant à tous, et notamment à la majorité, de comprendre que lorsqu’un texte équilibré propose des avancées considérables, il faut savoir les prendre et s’en féliciter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je souscris pleinement à l’argumentation développée par le ministre. Une fois n’étant pas coutume, il me plaît de le dire au micro. Je remarque, non sans plaisir, que l’on respecte pleinement en cette circonstance le choix des électeurs, quand nous considérons depuis le début de cette discussion que les électeurs doivent pouvoir également choisir d’élire leur maire député ou député leur maire, sans qu’on n’entrave leur liberté de décision.

M. Christophe Caresche. Mais ils le peuvent !

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Christian Jacob. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Guy Geoffroy. Je serai bref, puisque je partage les propos du ministre. Je voudrais seulement savoir quel est le nombre de cosignataires de l’amendement n° 356, car je vois qu’il est présenté par MM. Le Roux, Raimbourg, Le Bouillonnec, Caresche et les membres du groupe SRC. Or, j’ai cru comprendre que l’amendement qui nous vaut le texte que nous essayons de supprimer émanait de certains membres du groupe SRC. La présentation de cet amendement signifierait-elle que ceux qui ont introduit l’article 1er bis sont aujourd’hui signataires de l’amendement qui tend à revenir dessus ?

Je voudrais que l’on m’informe du degré de clarté de ce qui se passe du côté de la majorité.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n° 136.

M. Christophe Caresche. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 165.

M. Jean-Luc Laurent. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n° 185.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement n° 210, deuxième rectification.

M. Yannick Favennec. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 235.

M. Francis Vercamer. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais la dernière phrase du ministre m’a fait réagir. Pendant toute la matinée, on a accusé l’UMP d’avoir une discipline de groupe ; or je viens d’entendre le ministre interpeller les parlementaires de la majorité en leur disant qu’il s’agit de l’« équilibre du texte » et qu’il leur faudrait prendre leurs responsabilités, le petit doigt sur la couture du pantalon, et respecter la volonté du Gouvernement.

Je rappelle qu’il n’existe pas de mandat impératif et que chacun pourra voter indépendamment. Le vote est personnel.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n° 356.

M. Martial Saddier. Oh, il est revenu !

M. Bruno Le Roux. Monsieur Geoffroy, nous avons en effet eu un débat.

M. Guy Geoffroy. Il y a des hauts et des bas… (Sourires.)

M. Bruno Le Roux. Je veux dire que j’ai entendu les arguments de ceux qui ont déposé cet amendement, notamment quand ils font référence à un certain nombre de situations qu’a pu rappeler tout à l’heure mon collègue François Loncle. Quand ils regardent quelquefois les résultats électoraux, quand ils font le constat par exemple que sur ces circonscriptions – François Loncle en est l’exemple –, il n’y a jamais aucune femme élue…

M. Nicolas Dhuicq. Qu’est-ce que ce charabia ?

M. Bruno Le Roux. Aucune femme n’occupe un mandat depuis plusieurs législatures. Il y avait donc des arguments pour défendre cette idée, et nous en avons débattu durant notre dernière réunion de groupe. Le Gouvernement ayant par la suite rouvert la possibilité de déposer des amendements, nous en avons déposé un pour revenir sur notre première idée et, partant, pour demander le retrait de ce qui avait été voté en commission au nom de l’ensemble du groupe socialiste.

M. Jean-Frédéric Poisson. La suppression, pas le retrait !

M. Bruno Le Roux. Je voudrais ici en donner deux raisons. D’abord, puisque nous faisons ici la loi, les arguments de forme que donne le ministre de l’intérieur sont puissants, et il n’apparaît pas possible aujourd’hui, sous peine de censure certaine,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Bruno Le Roux. …d’aller et d’avancer sur ce terrain.

Le deuxième élément, c’est que depuis 1985 – ce débat avait déjà eu lieu à l’occasion de la question du cumul – nous avons choisi d’avancer, d’abord avec Laurent Fabius, ensuite avec Lionel Jospin, aujourd’hui avec Jean-Marc Ayrault, sur des limitations de cumul simultané. Pour autant, je voudrais dire que cette question des cumuls dans le temps, si elle ne me semble pas pouvoir être réglée par cette loi, ni même par la loi, compte tenu des éléments que vient de donner le ministre de l’intérieur, me semble être un sujet de réflexion pour chacun d’entre nous, dans le cadre de ce que nous avons tous : des commissions d’investiture. Les partis en effet n’ont pas bon dos, quand nous parlons de l’activité que nous menons à l’Assemblée nationale.

M. Martial Saddier. Eh bien, donnez l’exemple !

M. Bruno Le Roux. Nous sommes tous ici membres de partis politiques qui fonctionnent avec des commissions d’investiture. Dans ces commissions, des choix sont faits, notamment, depuis plusieurs années, en matière de parité : il peut donc y avoir demain des critères qui relèvent du cumul dans le temps. Si cela ne peut être réglé de façon législative, il existe d’autres moyens, dans d’autres espaces, d’avancer aussi sur la prise en compte de ces critères. C’est pourquoi je soutiens la volonté d’équilibre du ministre de l’intérieur et je demande que nous votions cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je ne reprendrai pas les arguments juridiques et constitutionnels développés par le ministre, puisque je les partage. Je voudrais cependant ajouter deux éléments en faveur des amendements de suppression.

Tout d’abord, certains inscrivent le travail du parlementaire dans une durée, en faisant comme si ce travail était immuable. Or je crois que les réalités de l’opposition et de la majorité diffèrent – même si, en tant que nouveau député, je ne connais qu’une position – et avec elles les visions et le travail.

Ensuite, nous voulons que ce texte de loi permette de renforcer le Parlement. Or son poids tient aussi à un certain nombre de parlementaires expérimentés auxquels cette expérience a conféré une autorité, qui fait qu’ils sont de vraies voix dans le débat avec l’exécutif.

M. Guy Geoffroy. Comme les députés-maires !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous n’avez pas convaincu sur les députés-maires, mais je crois que nous vous convainquons sur ce nouveau sujet. L’article 1er bis affaiblit le Parlement ; c’est pourquoi je suis favorable à sa suppression.

Enfin, les chiffres ont été cités à plusieurs reprises : la vie démocratique elle-même se charge du renouvellement. Je partage les propos du président Le Roux : il appartient, en la matière, aux partis politiques de jouer leur rôle, et nous avons, monsieur Saddier, donné l’exemple.

(Les amendements identiques nos 354, 3, 25, 71, 136, 165, 185, 210 deuxième rectification, 235 et 356 sont adoptés, et l’article 1er bis est supprimé.)

Après l’article 1er bis

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 296.

Mme Valérie Lacroute. Cet amendement vise à aller au bout de votre raisonnement. Vous allez interdire aux parlementaires de cumuler – dont acte –, mais regardez plutôt sur les bancs de notre hémicycle la diversité et la richesse des profils de l’ensemble des députés. Nombre d’entre eux ont fait le choix d’avoir un mandat local. Cette articulation est, à mon sens, parfaitement naturelle et démontre son efficacité. C’est d’ailleurs le choix que j’ai fait, après une carrière professionnelle, puisque j’ai choisi de me présenter devant les électeurs en 2008 : j’ai été élue maire.

M. Christian Jacob. Elle a repris une ville à la gauche !

Mme Valérie Lacroute. En 2012, j’ai été élue députée. Ce sont les électeurs qui l’ont voulu, non le législateur. C’est pourquoi je vous propose de maintenir la diversité et la richesse de profil des parlementaires et, pour ce faire, de réserver le droit de candidature au Parlement aux personnes justifiant ou ayant justifié d’un mandat local. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ma chère collègue, indépendamment du fait que, si l’on regardait les CV de ceux qui ont été élus sur les bancs de cette assemblée, la plupart montreraient qu’ils ont eu une fonction dans la vie locale et que cette proposition vise surtout à allonger nos débats (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), l’amendement serait très vraisemblablement frappé d’inconstitutionnalité du fait même des conditions qu’il pose à l’exercice de la liberté d’être candidat. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n° 296, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l’amendement n° 203.

Mme Laurence Dumont. C’est un amendement de cohérence avec l’amendement n° 202 que nous avons voté précédemment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse.

(L’amendement n° 203 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 297.

Mme Valérie Lacroute. Je sais que je fais à chaque fois réagir certains d’entre vous, même si nous sommes d’accord sur le principe d’engager une refonte du statut de l’élu local. Je ne le suis que depuis quelques années seulement, mais je sais que c’est un sujet dont on parle depuis bien longtemps.

Cet amendement vise, non à interdire le cumul, façon quelque peu négative de percevoir la fonction des parlementaires, mais à le soutenir tout en limitant les abus d’une telle pratique. Il est en effet important de limiter le cumul des fonctions exercées par les parlementaires. Il est actuellement possible pour le maire d’une commune de moins de 3 500 habitants d’exercer un autre mandat local en plus de son mandat de parlementaire. Toujours dans un souci de cohérence et de conciliation, l’amendement vise à supprimer cette exception et ainsi à appliquer stricto sensu la limitation du cumul des fonctions parlementaires avec un seul mandat local.

(L’amendement n° 297, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 1er ter

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 1er ter.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article étend les incompatibilités avec le mandat de parlementaire, en privant son titulaire de la possibilité d’exercer la présidence du conseil d’administration d’un établissement public local ou d’une société publique locale. Cette extension me paraît abusive, pour des raisons que nous avons déjà développées cet après-midi ; de surcroît, elle est incohérente avec le reste du texte, pour deux motifs.

Premièrement, monsieur le rapporteur, cet article est satisfait par l’amendement n° 252 adopté tout à l’heure.

Deuxièmement, je ne comprends pas pourquoi vous considérez dans tout le texte les vice-présidences comme des fonctions exécutives, sauf dans cet article. Cela signifie-t-il qu’on pourrait être vice-président d’un établissement ou d’une société de droit public sans exercer une fonction exécutive alors que, dans d’autres cas, l’un n’irait pas sans l’autre ? Il y a là quelque chose qui m’échappe, à moins que certaines vice-présidences soient exécutives et que d’autres ne le soient pas, auquel cas, nous aurions besoin d’une précision sémantique sur la notion de fonctions exécutives.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. De par cet article, le mandat de député sera désormais incompatible avec la fonction de président d’un établissement public local, par exemple une caisse des écoles ou un centre communal d’action sociale. Quel est le motif déterminant d’interdire ce type de cumul ? En plus, comme le président du CCAS est obligatoirement le maire et qu’on ne pourra plus être à la fois maire et parlementaire, est-il nécessaire de mentionner dans la loi cette incompatibilité ? Monsieur le rapporteur, expliquez-nous la raison déterminante qui empêche un parlementaire d’être président de la caisse des écoles.

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Avec l’article 1er ter, nous renforçons strictement les incompatibilités et les étendons aux fonctions de présidents des établissements publics locaux, des sociétés d’économie mixte locales ou encore des sociétés publiques locales. C’était une préconisation forte du rapport Jospin Pour un renouveau démocratique.

Il va de soi que ce que nous avons fait pour les fonctions exécutives locales, il faut le faire également pour les fonctions dites dérivées. En effet, ces structures et ces établissements ont pris dans nos territoires, avec l’approfondissement régulier de la décentralisation, une place considérable, et disposent dans certains cas de moyens financiers parfois bien supérieurs à ceux de certaines collectivités locales.

Nous avons voulu, en créant ce nouvel article en commission avec le soutien du rapporteur, aller jusqu’au bout de la logique du texte pour que les parlementaires se concentrent exclusivement sur leurs missions et qu’ils soient des élus à temps plein, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. À quoi sert-il en effet d’interdire le cumul d’un mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, si on laisse au parlementaire la possibilité de cumuler son mandat avec, par exemple, la présidence d’une société publique locale d’aménagement, un office public d’aménagement et de construction ou un syndicat départemental d’électrification ? Ces responsabilités dérivées d’un mandat local sont extrêmement chronophages, peuvent par ailleurs faire naître des conflits d’intérêts, et sont souvent source d’une inégalité de moyens.

Partager le pouvoir, clarifier les responsabilités de chacun, voilà l’exigence que nous défendons.

M. Jean-Luc Laurent. Exigence qui vous fait marcher sur la tête !

M. Christian Jacob. C’est du délire !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Dans la ligne de M. Baumel, je note moi aussi que cet article est en cohérence avec l’article 1er. Je sais que vous avez été nombreux à défendre le cumul en affirmant qu’on était moins crédible si l’on n’était pas à la fois maire et député, et vous allez sans doute ajouter qu’il en est de même si l’on n’est pas à la fois député et président d’un conseil d’administration d’un organisme public…

À vous entendre, j’ai quelquefois eu l’impression que vous aviez la chance d’avoir une seule commune ou une seule intercommunalité dans votre circonscription puisque vous n’arrêtiez pas de répéter : « Que vais-je dire aux habitants de ma commune si je ne suis plus maire ? Comment aurais-je sauvé mon hôpital ou ma caserne si je n’étais pas député-maire ? » Je suis assez étonnée et inquiète d’entendre des députés exposer de tels arguments, alors qu’ils sont là pour défendre l’intérêt général de la nation et non pas un clientélisme local. Si ces propos reflètent votre conception, mes chers collègues, nous avons de fortes divergences. Personne ne vous empêchera d’être élu local avant de devenir député si vous voulez acquérir cette expérience. Ces arguments ont tendance à renforcer ma position, à savoir que le cumul des mandats, notamment le cumul avec les fonctions mentionnées dans le texte de loi, présente un risque de clientélisme et de conflit d’intérêts.

De plus, le non-cumul avec des fonctions dont les titulaires ne sont pas choisis par les électeurs – y compris les maires car, lorsque j’entends dire que ceux-ci sont choisis par les électeurs, je rappelle que ce sont les conseillers municipaux qui les élisent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – facilitera le contrôle citoyen. En effet, le cumul de ces fonctions a pour conséquence qu’on ne sait jamais d’où l’élu parle, sous quelle casquette, ni quelle est l’institution concernée.

Par conséquent, si vous vouliez améliorer la démocratie comme vous le prétendez, vous auriez intérêt à voter cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls, ministre. Ne les provoquez pas trop !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je profite de l’examen de cet article qui étend le nombre des fonctions donnant lieu à incompatibilité pour dire un mot du projet de loi organique, sur lequel je ne me suis pas encore exprimé.

Ce texte va enfin mettre notre pays dans la même situation que tous les autres qui, soit du fait de leur législation, soit pour des raisons d’usage, ne pratiquent pas le cumul des mandats. Quant à dire que le cumul serait absolument nécessaire pour avoir une implantation locale, comme on l’a entendu toute la journée, je rappelle que notre mandat est bien sûr national, mais aussi local : que l’on cumule ou non, on passe la moitié de son temps dans sa circonscription parce que nous avons aussi des missions à accomplir sur place. À quoi sert vraiment le cumul des mandats ?

M. Christian Jacob. Ça sert à défendre les territoires !

M. Pierre-Alain Muet. On le sait très bien : il permet d’accumuler des pouvoirs, de constituer des baronnies locales.

Ce texte, c’est un grand souffle démocratique ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Manuel Valls, ministre. Ne le provoquez pas !

M. Nicolas Dhuicq. Je vois que M. le ministre apprécie mes interventions. (Sourires.) Je vous propose d’imaginer la France dans cinq ans : les territoires sont constitués de conseils généraux et de conseils régionaux, peuplés de conseillers départementaux et de conseillers régionaux présidents de commissions, à la tête de tous les postes clefs par le fait du président de leur assemblée ; dans le même temps, une majorité introuvable dans une Chambre rose, bleue et noire n’arrive pas à gouverner et le Président de la République lui-même a décidé, dans sa grande sagesse, de dissoudre à plusieurs reprises, ce qui rend le pays totalement ingouvernable.

M. Martial Saddier. Ce sera la fin ! Terrible !

M. Nicolas Dhuicq. Je caricature à peine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est de la science-fiction !

M. Christophe Caresche. L’apocalypse !

M. Nicolas Dhuicq. Au nom de quoi cherchez-vous cette pureté absolue qui va arriver à détruire toute la richesse humaine, tous les parcours, tout ce qui fait que nous sommes différents, que nous avons tous des logiques et des discours qui nous sont propres ? Vous souhaitez un monde uniforme et gris, des élus qui n’aient rien à dire, qui soient totalement aux ordres. Vous allez créer deux types d’élus : ceux qui seront des féodaux, des barons dans leur conseil général ou dans leur conseil régional, et, au niveau de la Nation, uniquement des élus de zones urbaines qui viendront faire quelques tours de piste et qui, dans leur souci de pureté absolue, appliqueront à toutes les professions des règles de non-cumul dans tous les domaines. Les territoires ruraux, qui sont la richesse de ce pays, auront disparu totalement. J’y reviendrai, mais ce sera vraiment la fin de la Nation et de la République.

M. Martial Saddier. Tout ce qui n’est pas urbain sera mort !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, puisque vous avez décidé de jeter la suspicion sur tous les parlementaires, admettons qu’il y ait conflit d’intérêts dans le cas du CCAS ou de la caisse des écoles ou encore de la commission d’appels d’offres – j’ai fait tout à l’heure la démonstration que vous l’aviez oubliée dans votre dispositif alors que ce n’est pas rien, tout de même –, mais grâce à l’intervention d’un certain nombre d’entre nous, nous avons pu rétablir les SEM – attendons toutefois le Sénat pour savoir ce qu’il va en rester.

S’agissant de l’hôpital public, nous sommes les uns et les autres sollicités afin d’entrer au conseil de surveillance pour exercer un mandat complètement bénévole, le législateur ayant déjà par ailleurs rééquilibré les pouvoirs entre le directeur, ledit conseil et son président.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Le maire est membre de droit !

M. Martial Saddier. Non, ma chère collègue, le maire n’est membre de droit que s’il s’agit de la commune d’accueil de l’hôpital. Sont également représentées les deux communes qui fournissent le plus grand nombre de patients et l’intercommunalité concernée, dont le représentant au conseil d’administration est désigné par le conseil communautaire, plus un représentant des usagers nommé par le préfet ou par le directeur de l’agence régionale de santé, qui peut parfaitement être n’importe quel citoyen, donc éventuellement un sénateur ou un député. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mesdames et messieurs, considérez-vous, oui ou non, comme une chance qu’un conseil de surveillance puisse compter un parlementaire en son sein ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine et Mme Marie-Françoise Clergeau. Ça suffit !

M. Martial Saddier. Et considérez-vous, a contrario, qu’un député ou un sénateur qui siégerait bénévolement dans un conseil de surveillance pour défendre la santé de ses concitoyens doive systématiquement être soupçonné de conflit d’intérêts ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame Guittet, je vous ai écoutée avec attention et je vous ai entendue dénoncer le risque potentiel de conflits d’intérêts, qui existe dès lors que l’on exerce deux fonctions.

J’aurais aimé vous voir aussi indignée lorsque, tout à l’heure, votre président de groupe a expliqué qu’un député choisissait le groupe dans lequel il siégeait pour mieux défendre son territoire. Malheureusement, la leçon de morale que vous faites aux élus qui voudraient éventuellement défendre leur territoire n’est pas venue à ce moment-là, pas plus qu’hier, lorsque le ministre de l’intérieur a souligné – à juste titre, selon moi – que le président de la commission des lois avait défendu son territoire local d’une façon remarquable. Vous voyez là un conflit d’intérêts, mais il me semble, comme le disait M. Muet, que cela fait partie du mandat de député.

Lire l’explication préparée par le groupe peut parfois s’avérer dangereux, car à mesure qu’avance le débat, on voit qu’en réalité un député a aussi pour mission de défendre des sujets, des objets et des projets au niveau local.

Vous nous avez expliqué, monsieur Muet, que nous allions enfin faire comme dans d’autres pays. Mais ne vous gênez pas ! Vous qui aimez bien le benchmarking en économie – pardonnez cet anglicisme –, faites-le aussi en politique ! Car il n’y a pas que le cumul des mandats qui nous distingue des autres pays. Il y a aussi l’excessive concentration du pouvoir dont dispose l’exécutif sous la Ve République, qu’on ne vous a jamais vu modifier lorsque vous avez eu l’occasion de gouverner notre pays,…

M. Daniel Fasquelle. Au contraire !

M. Jean-Christophe Lagarde. …c’est-à-dire à peu près la moitié du temps depuis 1981, date de votre première accession au pouvoir. Jamais vous n’avez essayé de revaloriser le Parlement ! Citez-moi un seul exemple de loi ou de modification institutionnelle qui vous aurait permis de renforcer les pouvoirs du Parlement !

Pour en venir, monsieur le président, à l’article lui-même, il y a une chose que je ne comprends pas : on vient de nous expliquer qu’il ne serait plus possible d’être président d’un OPAC ou d’un OPAH local. En quoi la présidence d’un conseil d’administration est-elle une fonction exécutive ? Présider le conseil d’administration d’un OPAC ou d’un OPAH,…

M. le président. Merci de bien vouloir conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde. …cela consiste essentiellement à présider les débats du conseil d’administration. Le pouvoir et l’exécutif sont aux mains du directeur général. Les réunions sont rares et ne prennent pas beaucoup de temps. En réalité, vous voulez simplement évincer le président, une fois encore pour le symbole.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. L’argumentation de M. Muet est très révélatrice, puisqu’il nous explique que le député a en fait un rôle national et un rôle local. Voilà qui est intéressant. Il nous explique que le député devra être trois ou quatre jours par semaine dans sa circonscription, mais il nous a expliqué un peu plus tôt, et on nous répète depuis hier, qu’il faudra désormais des députés à temps plein, qui soient ici du lundi au vendredi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut rétablir le décadi ! (Sourires)

M. Daniel Fasquelle. Il faudrait savoir ! Vous êtes en pleine contradiction…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Pierre-Alain Muet. Pas du tout !

M. Daniel Fasquelle. …et, puisque le député doit avoir un rôle local, pourquoi voulez-vous empêcher les élus locaux de siéger dans cette enceinte ? Vous êtes complètement empêtrés dans vos contradictions.

Je ne comprends plus rien non plus à la question des conflits d’intérêts : on nous explique qu’on pourra être conseiller régional et qu’on pourra donc voter – or certaines délibérations se jouent à une voix près –, qu’on pourra être conseiller municipal ou conseiller départemental, mais qu’on ne pourra pas exercer d’autres responsabilités, pour cause de conflits d’intérêts. Les conflits d’intérêts sont une tarte à la crème qu’on nous ressort à tire-larigot, mais je ne vois pas très bien où est le conflit d’intérêts dans le fait d’exercer une responsabilité locale et d’être élu dans cette enceinte.

Vous allez par ailleurs exclure les députés d’un certain nombre d’organismes et j’aimerais à ce propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous poser une question : il existe des instances dans lesquelles les députés ne sont pas systématiquement désignés parce que, jusqu’à présent, beaucoup d’entre eux y siégeaient en tant qu’élu local. C’est le cas, par exemple, des conseils de surveillance de l’hôpital. L’hôpital est principalement de la compétence de l’État, et les sommes qui lui sont allouées sont vérifiées ici lors de l’examen du PLFSS ; or les députés ne siègent pas dans les conseils de surveillance des hôpitaux. Avez-vous l’intention de modifier cette anomalie ? Puisque nous devons avoir un rôle local, comme l’expliquait M. Muet, je pense que ce serait nécessaire.

C’est le cas aussi des missions locales, qui sont censées mettre en place, ou contribuer à la mise en place, des emplois d’avenir.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure.

M. Daniel Fasquelle. Je n’interviendrai plus sur cet article et je n’ai pas déposé d’amendements, monsieur le président (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais je voulais tout de même appeler l’attention de mes collègues sur ce point. S’agissant des missions locales, ne serait-il pas intéressant de prévoir que les députés puissent y siéger, s’ils le souhaitent ? Il serait utile de faire aussi ce balayage.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. On a entendu, sur cet article, deux argumentations très contradictoires. On nous a expliqué tout à l’heure que nous étions d’abord des élus de la nation, et que c’est pour cette raison qu’il fallait absolument supprimer tout lien avec nos circonscriptions, et en tout cas avec l’activité locale. Dans ces conditions, nous ne serions plus des élus de la nation, mais des élus d’un parti politique, et il y aurait là un vrai conflit d’intérêts entre la nation et ce que pourrait supposer un mandat impératif.

On nous a dit par ailleurs que nous étions aussi des élus locaux, avec un rôle local. Mais à cet élu local, on supprime la possibilité d’un ancrage local, et notamment sur des missions qui sont de la compétence de l’État, comme l’a rappelé M. Fasquelle. Il y a donc là une vraie contradiction, et vous poursuivez, à travers ce projet de loi, des objectifs qui sont très contradictoires. La confusion règne vraiment dans les rangs de la majorité.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 4, 310 et 311.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 310.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement montre, une fois de plus, qu’à trop vouloir entrer dans les détails, comme la commission a voulu le faire, on risque fort de se mettre dans la nasse. Nos collègues ont exposé un certain nombre de cas de figure auxquels vous n’aviez pas pensé, et auxquels il faudra sans doute penser un jour.

Par ailleurs, les cas que vous évoquez vous-même dans l’article 1er ter sont tout de même assez troublants. Votre ligne, c’est : « sus aux exécutifs ! » Soit, mais cet article ne mentionne que les présidents, et non les vice-présidents. Prenons un exemple très précis, celui des centres communaux d’action sociale. Le maire en est président de droit et, dans tous les CCAS, le vice-président est l’un des élus représentant le conseil municipal au sein du conseil d’administration. Ce vice-président exerce des fonctions exécutives, puisqu’il arrive assez fréquemment qu’il préside les séances du CCAS, lorsque le maire est absent et qu’il lui délègue ses pouvoirs. Il peut même arriver que le maire n’assiste jamais aux réunions ordinaires du CCAS.

Le texte sur lequel nous vous proposons de revenir présente un problème, puisqu’un député qui serait conseiller municipal et qui siégerait au conseil d’administration du CCAS pourrait demain en devenir le vice-président, exercer une fonction exécutive et ne pas tomber sous le coup de votre loi.

Avec cet article nouveau, vous avez voulu aller le plus loin possible dans la ligne qui était la vôtre et entrer dans les détails. Mais chacun sait que le diable est dans les détails, et ceci se retourne contre vous.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 311.

M. Christian Jacob. Nos collègues de la majorité argumentent en faveur du texte, ce qui est légitime, mais ils le font en utilisant des arguments contestables, puisqu’ils tiennent systématiquement en suspicion les parlementaires qui exercent un mandat exécutif.

La suspicion se lit d’abord dans l’argument du député à temps plein. Regardez, mes chers collègues, les taux de présence des parlementaires, pas seulement depuis un an, mais au cours des dernières années ! En tête des tableaux de présence et de participation des députés, vous retrouverez bien souvent des députés-maires ou des députés qui sont en même temps président d’un conseil général et président d’un exécutif.

M. Daniel Fasquelle. Eh oui ! Nous sommes là !

Mme Monique Iborra. Mais si vous êtes là, vous n’êtes pas là-bas !

M. Christian Jacob. Vos propos ne correspondent à aucune réalité. Vous jetez la suspicion, en disant que ces députés ne sont jamais là ou qu’ils ne sont pas des députés à plein-temps. C’est un mensonge ! Vous mentez en tenant de tels propos !

M. Guy Geoffroy. En effet : c’est tout l’inverse !

M. Christian Jacob. Il suffit de vérifier les taux de participation : j’ai toujours été classé parmi les dix députés les plus présents, alors que je suis aussi maire, président de mon intercommunalité et président du conseil d’administration d’un hôpital. C’est essentiellement une question d’organisation, et je mets au défi beaucoup de parlementaires d’être aussi présents que je le suis.

Mme Monique Iborra. Mais comment pouvez-vous soutenir un raisonnement pareil ?

M. Christian Jacob. Vous jetez également la suspicion avec la question des conflits d’intérêts. Mais enfin, soyez sérieux ! Vous allez interdire les conflits d’intérêts avec la caisse des écoles ? Ou, comme cela vient d’être dit, avec la présidence du CCAS et le conseil de surveillance de l’hôpital ? Mais où est le conflit d’intérêts, alors que vous allez par ailleurs autoriser un député à être conseiller général, et pourquoi pas président d’une commission d’appel d’offres ? Ou conseiller municipal et président d’une commission d’appel d’offres ? Cela ne rime à rien et ne contribue qu’à jeter la suspicion. Ces attaques, dirigées contre une partie des parlementaires, sont vraiment infondées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. Daniel Fasquelle. Le rapporteur est à court d’arguments !

(Les amendements identiques nos 4, 310 et 311, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 254.

M. Jean-Christophe Lagarde. Quitte à être ridicules, allons jusqu’au bout. Je propose qu’il ne soit pas seulement interdit d’être président d’un conseil d’administration, mais aussi vice-président. Prenons le cas des OPAC ou des OPAH, que j’ai commencé d’évoquer tout à l’heure. Le président préside les conseils d’administration et, le cas échéant, les commissions d’attribution et les commissions d’appels d’offres. Mais quel est le rôle du vice-président ? De remplacer le président lorsqu’il n’est pas là.

Le président a-t-il un rôle exécutif ? Nullement ! La loi nouvelle, qui a maintenant trois ou quatre ans, dispose que c’est le directeur général qui dirige le personnel, qui signe les actes et qui engage l’établissement, pas le président du conseil d’administration, ni son vice-président ! C’est donc bien une hypocrisie que d’interdire aux députés de présider un conseil d’administration, sous prétexte qu’il s’agirait d’une fonction exécutive : c’était le cas il y a cinq ou six ans, mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Et vous poussez l’hypocrisie à son paroxysme, quand vous interdisez l’exercice des fonctions de président, tout en autorisant l’exercice des fonctions de vice-président. C’est parfaitement illogique, et on finit par tomber dans le ridicule.

Je vous propose donc, par cet amendement, d’éviter le ridicule : puisque vous ne voulez pas qu’un député puisse présider un conseil d’administration qui se réunit une fois par mois, alors même qu’il n’y disposera d’aucune fonction exécutive, puisqu’il ne signera pas et que n’engagera pas l’établissement concerné, je vous propose que les vice-présidents ne puissent pas non plus être députés, et que les membres de ces conseils d’administration ne le soient pas non plus.

Allez donc au bout de votre logique ! Mais comme il n’y a plus de logique, vous n’irez au bout de rien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement est cohérent : entre les deux lectures du texte, on pourrait se pencher sur les différentes vice-présidences. Vous voulez jouer…

M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux vous permettre d’être logiques !

M. Manuel Valls, ministre. …et vous allez de plus en plus loin. Je vais donc vous suivre dans cette logique.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Puis-je aller jusqu’au bout ? Vu l’heure avancée de la nuit, nous irons jusqu’au bout…

Le Gouvernement est favorable à votre amendement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Caresche. Excellent ! Merci Lagarde !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais alors, la majorité va voter cet amendement !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je veux tout de même appeler l’attention de tous sur le fait que cet amendement vise la qualité de vice-président et de membre de structures locales : on sombre vraiment dans le ridicule. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est clair !

M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement est favorable au ridicule.

M. Daniel Fasquelle. Je comprends tout à fait la volonté de démonstration par l’absurde de notre collègue Lagarde, mais franchement… On pourrait donc être conseiller municipal, et pas membre du comité directeur d’un EPIC qui gérerait un office de tourisme ? Il ne faut quand même pas aller trop loin et, en ce qui me concerne, je ne voterai pas cet amendement.

M. Guy Geoffroy. On est au bout de la stupidité !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. S’agissant des conflits d’intérêts, je vous renvoie au rapport d’information sénatorial de MM. François-Noël Buffet et Georges Labazée. Ils citent cette définition du conflit d’intérêt : « Le conflit d’intérêt vise la divergence entre l’intérêt général et des intérêts privés et ne saurait concerner plusieurs intérêts publics, qu’ils soient nationaux ou locaux ». Écoutez la sagesse des sénateurs !

(L’amendement n° 254 est adopté.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Merci, monsieur le ministre, d’avoir écouté l’opposition !

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas sans contrepartie, monsieur Lagarde !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 222.

M. Francis Vercamer. Que l’on ne se méprenne pas : je ne suis pas d’accord avec l’article 1er. Mais, dès lors que l’on interdit le cumul des fonctions de parlementaire et de président de collectivité territoriale ou de maire, il est bien évident qu’il faut en tirer les conséquences.

Je propose d’ajouter un cinquième alinéa à cet article 1er ter, précisant qu’un parlementaire ne peut pas exercer les fonctions de président d’un organisme d’habitations à loyer modéré, puisque c’est une compétence des maires, qui font partie des commissions d’attribution et qui réfléchissent à la politique de peuplement.

Dès lors que le parlementaire n’est plus maire et n’a plus de fonctions locales, je ne vois pas quel intérêt il aurait à être président d’un organisme d’habitations à loyer modéré.

(L’amendement n° 222, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 223.

M. Francis Vercamer. Il s’agit du même problème que l’amendement précédent, cette fois pour la fonction de président du conseil d’administration d’une agence de l’État.

M. Christophe Caresche. Bien sûr !

M. Francis Vercamer. La situation est un peu différente. Ce ne sont pas des fonctions locales, mais si l’on veut que les parlementaires soient dans l’hémicycle, on ne peut leur demander en même temps de présider le conseil d’administration d’une agence de l’État.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y aurait conflit d’intérêts !

M. Francis Vercamer. Suite à l’adoption de l’amendement précédent, je pense à une personnalité qui est maire de Dunkerque, président d’office HLM, et qui vient d’être nommée président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine où elle n’a pas encore mis les pieds !

Il n’est peut-être pas possible de cumuler tous les mandats, et peut-être pourrait-on permettre à d’autres de présider une agence de l’État…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous pourrions faire durer ce débat et discuter d’amendements contradictoires jusqu’au bout de la nuit.

L’amendement précédent tenait la route, j’ai donc émis un avis favorable.

M. Christian Jacob. Il ne tenait pas plus la route que celui-ci !

M. Christophe Borgel, rapporteur. En revanche, la notion d’agence telle que mentionnée dans l’amendement n’existe pas juridiquement.

Je ne reprends pas l’argument, que vous avez développé vous-même, monsieur Vercamer, rappelant que l’on discute ici de fonctions nationales alors que notre débat porte sur les fonctions locales.

M. Christian Jacob. Cet amendement est aussi stupide que le précédent !

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est votre avis, monsieur Jacob.

Je signale par ailleurs, monsieur Vercamer, que l’esprit de l’amendement que vous présentez est satisfait partiellement par l’article 2 du projet de loi organique sur la transparence de la vie publique adopté la semaine dernière par l’Assemblée nationale. Il interdit en effet à un parlementaire de présider une autorité administrative indépendante et d’y siéger en tant que personnalité qualifiée.

Nous entrons donc dans un champ qui est trop flou pour être traité de façon générale. Votre amendement étant de plus satisfait par un autre texte, peut-être pourriez-vous le retirer ? À défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. Christian Jacob. C’est-à-dire ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, j’ai renoncé à défendre dix amendements. Je comprends que l’on puisse souhaiter terminer l’examen d’un texte, mais, sur ce point particulier soulevé par l’amendement de M. Vercamer, il existe réellement une possibilité de conflit d’intérêts.

Au-delà des arguments juridiques de notre rapporteur, je connais des parlementaires siégeant parmi nous ou au Sénat qui sont en même temps présidents d’une agence de l’État – c’est parfois même la loi qui impose que ce soit un parlementaire qui la préside. Il faudrait interdire cette double fonction si l’on veut respecter votre logique, car elle crée des conflits d’intérêt. Ce parlementaire va beaucoup influencer son groupe, puisque c’est le groupe majoritaire qui le désigne, et dans le même temps, il exercera une responsabilité importante pour le compte de l’État.

Ce conflit d’intérêt doit être réglé lors de la navette parlementaire si vous souhaitez être cohérents.

(L’amendement n° 223 n’est pas adopté.)

(L’article 1er ter, amendé, est adopté.)

Article 1er quater

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 1er quater.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’en profite pour défendre l’amendement de suppression de cet article, tout en notant qu’au fur et à mesure que ce débat progresse, nous allons dans deux directions qui ne sont pas convergentes. La première est celle de la surenchère, la seconde est celle de l’incohérence. Malheureusement, lorsqu’elles se réunissent, elles ne se télescopent pas nécessairement. Nous évoluons donc en zone de danger élevé.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Le texte issu des travaux de la commission tend à supprimer l’article L.O. 148 du code électoral, qui dispose que : « Les députés membres d’un conseil régional, d’un conseil général ou d’un conseil municipal peuvent être désignés par ces conseils pour représenter la région, le département ou la commune dans des organismes d’intérêt régional ou local, à la condition que ces organismes n’aient pas pour objet propre de faire ni de distribuer des bénéfices et que les intéressés n’y occupent pas de fonctions rémunérées. »

Autrement dit, on ne pourra plus exercer demain qu’un mandat simple, qui consistera simplement à siéger en plénière ou en commission, mais ne pourra comporter aucune fonction de représentation au sein d’une agence de développement économique, d’un conseil d’administration d’établissement scolaire, d’un comité du tourisme ou d’une agence régionale de santé. Bref, ce sera un mandat simple de reclus.

Tout cela est en réalité une forme de mensonge. On permet le cumul avec un mandat simple, mais on le vide de sa substance.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, je me demande où nous allons nous arrêter dans ce souci de légiférer à tous crins, de détruire la vivacité de notre démocratie et de notre République, de couper un maximum de têtes parce qu’elles sont trop âgées ou parce qu’elles ont fait trop de mandats. Certains jeunes à haute qualification ne voudront plus s’engager dans la vie politique française, comme beaucoup de jeunes de haut niveau quittent déjà le territoire national du fait de la politique économique que mène le Gouvernement.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 5, 314 et 316, tendant à supprimer l’article.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement n° 5 est défendu.

M. Guy Geoffroy. L’amendement n° 314 également.

M. Christian Jacob. L’amendement n° 316 également.

(Les amendements identiques nos 5, 314 et 316, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er quater est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, inscrit sur l’article 2.

M. Daniel Fasquelle. Je souhaite revenir sur un point. Vous dites souhaiter, mes chers collègues, développer les fonctions de contrôle des députés. Il faut pour cela que les députés soient impliqués dans des organismes nationaux, et puissent aussi être impliqués dans des organismes locaux. C’est le fameux rôle local que M. Muet nous reconnaît enfin.

Je repose la question des conseils de surveillance des hôpitaux. Aujourd’hui, la loi ne prévoit pas que les députés puissent y siéger. Est-ce normal ? De même, les missions locales ont à mobiliser de l’argent de l’État et mettent aujourd’hui en œuvre les contrats d’avenir, et les députés n’y siègent pas.

La plupart d’entre nous sommes membres de ces organismes en qualité d’élus locaux. Il n’y a pas eu, lors de l’adoption de ces textes, de demandes particulières de la part des députés, puisqu’ils savaient qu’ils siégeraient dans ces organismes de par leurs mandats locaux.

Le texte que vous souhaitez faire voter va nous priver de cette possibilité de siéger, en tant qu’élu local, dans ces organismes. J’appelle votre attention sur la nécessité de dresser la liste de ces organismes et d’étudier dans quelle mesure il serait utile de modifier les textes pour permettre aux députés de siéger dans ces organismes sur les territoires. Ils correspondent complètement au rôle sur lequel vous voulez recentrer les députés, qui est de légiférer et de contrôler l’action locale.

Il me semble que le texte va trop loin, et que c’est un aspect que vous n’avez absolument pas pris en compte jusqu’à présent.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques tendant à supprimer l’article 2.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite que l’on puisse, à l’occasion de l’examen des articles 2, 2 bis et 3, expliquer clairement à notre Assemblée la façon dont les successions d’élections vont affecter l’exercice des différents mandats, parce que je ne suis pas sûr que chacun ait perçu de manière précise la mécanique de l’enchaînement des élections en 2014, 2017 et 2020.

S’agissant de l’article 2 lui-même, je ne vois pas de raison de modifier le régime actuel en retirant la liberté aux élus en situation de cumul de choisir le mandat qu’ils souhaitent exercer. Il me semble important de laisser cette liberté à celui qui est en situation de cumul. Après tout, il ou elle a le droit de décider de la manière d’exercer les fonctions que les électeurs lui ont confiées. Pourquoi entre-t-on une fois de plus dans une réglementation rigide alors que la liberté pourrait prévaloir ?

En second lieu, vous allez dire que nous cherchons la petite bête, mais je lis à l’alinéa 5 de l’article la phrase suivante : « En cas d’élections acquises le même jour, le député est tenu, dans les mêmes conditions, de faire cesser l’incompatibilité en démissionnant du mandat acquis dans la circonscription comptant le moins grand nombre d’habitants. » Or, on pourrait imaginer qu’un jour les députés d’arrondissements ou de secteurs dans les grandes villes seront élus sur un territoire équivalent à celui du secteur dont ils sont maires. Ce jour-là, nous aurons bien du plaisir à appliquer cet article !

Je sais que ces circonstances ne sont pas très nombreuses, mais il s’agit d’une question de principe. Si nous écrivons la loi organique, il faut faire un effort pour couvrir le plus précisément possible toutes les situations.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 65.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 105 est également défendu.

M. Daniel Fasquelle. L’amendement n° 151 est défendu.

M. le président. La parole est à Francis Vercamer, pour présenter l’amendement n° 236.

M. Francis Vercamer. Combien de fois avons-nous vu, dans tous les partis politiques, des personnalités se présenter en tête de liste aux élections régionales, puis démissionner au lendemain de celles-ci car leur liste n’avait malheureusement pas obtenu les suffrages suffisants pour les propulser à la présidence ?

C’est une pratique à bannir, et l’article 2 de cette loi tend à la moraliser. Lorsque l’on se présente à une élection ce sont les mandats antérieurs qui sont caducs et non pas celui pour lequel on se présente.

J’appelle votre attention sur ce fait, car nous aurons des élections régionales en 2015 et des élections européennes en 2014. Cet article ne s’appliquera peut-être pas alors, mais je ne vois pas comment il serait possible de le voter aujourd’hui sans l’appliquer dès 2014 et 2015.

Je voulais simplement vous faire remarquer cette inconséquence, car je serai le premier à la dénoncer.

On peut imaginer qu’un candidat se présente aux élections régionales ou européennes, pensant pouvoir gagner une région ou une circonscription, avant de démissionner le lendemain du scrutin parce que son camp a perdu. Ce cas de figure se présente régulièrement, on le sait bien. Cependant, dès lors que la loi sera votée, on ne pourra moralement plus agir ainsi.

C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement de suppression de l’article 2 : je pense en effet que de tels comportements existeront encore. Prendre les Français pour des gogos – excusez-moi cette expression – n’est pas bon pour la démocratie et risque de mener le Front national au pouvoir.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l’amendement n° 292.

Mme Valérie Lacroute. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. J’avoue ne pas très bien comprendre l’objet de l’article 2, notamment de son alinéa relatif aux élections « acquises le même jour ».

Ces dispositions concernent un député qui deviendrait maire ou président d’un autre exécutif local. Or une élection législative et une élection municipale peuvent éventuellement avoir lieu le même jour. Cependant, le maire n’est élu que quelques jours plus tard, à l’occasion de la réunion de l’assemblée qui désignera le maire en son sein ; il en est de même pour le président du conseil départemental ou régional. J’avoue avoir une difficulté à comprendre mais, si je me trompe, expliquez-le moi et mon inquiétude sera immédiatement levée.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je veux également poser une question à M. le rapporteur. Je souscris complètement à l’argumentation de Guy Geoffroy, mais je souhaite revenir sur un autre point. L’interdiction pour des parlementaires de siéger dans les missions locales et conseils de surveillance pose un vrai problème.

Vous avez bien compris que nous ne partageons absolument pas votre point de vue sur le cumul des mandats. Dans votre logique, nous devons nous concentrer sur notre mandat de parlementaire, tout en ayant un ancrage territorial, notamment grâce à nos permanences, et en exerçant notre pouvoir de surveillance et de contrôle sur les politiques nationales déclinées dans les départements. L’exemple d’une mission locale est éloquent car celle-ci est uniquement financée par l’État. Le fait d’interdire à un parlementaire de pouvoir siéger dans une mission locale ou un conseil de surveillance d’hôpital pose quand même un vrai problème.

M. Daniel Fasquelle. En effet !

M. Christian Jacob. Où est la cohérence ?

Monsieur le rapporteur, je vous donne le loisir de me répondre. Comme l’a dit Guy Geoffroy, je me trompe peut-être – dans ce cas, j’accepterai vos explications –, mais faire en sorte qu’un parlementaire ne puisse siéger nulle part, ce qui revient à l’empêcher de contrôler des politiques nationales déclinées sur le plan local,…

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas possible !

M. Christian Jacob. …paraît invraisemblable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Chers collègues, si nous voulons faire avancer nos débats, essayons de discuter de l’article que nous examinons actuellement.

M. Christophe Caresche. Ils reviennent en arrière !

M. Martial Saddier. Nous avons posé des questions aux articles précédents, mais vous n’y avez pas répondu !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Nous sommes passés à l’examen de l’article 2.

Nous en avons longuement parlé en commission des lois et nous pourrons y revenir : l’abrogation de l’article L.O. 148 du code électoral, que nous avons votée à l’article 1er quater, n’empêchera pas demain un parlementaire de siéger au conseil d’une mission locale, si c’est par ce biais que vous estimez exercer votre fonction de contrôle – il existe bien d’autres manières d’exercer cette fonction, qui ne se limite pas aux missions locales de nos circonscriptions, mais s’étend peut-être à un contrôle plus général. Notre collègue Jean-Patrick Gille, qui siégeait tout à l’heure sur les bancs de cette assemblée, pourrait en parler.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il nous entend sûrement !

M. Martial Saddier. Et l’hôpital ? Nos concitoyens n’ont-ils plus le droit à la santé ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’hôpital n’est pas du tout concerné par les dispositions que nous avons adoptées.

Restons-en donc à l’article 2. Notre collègue Poisson estimait qu’il convenait d’expliquer l’avis de la commission en quelques mots au lieu de dire simplement « défavorable ».

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, monsieur le rapporteur !

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’article 2 est indissociable de l’article 1er. Je comprends qu’il soit logique, pour les parlementaires de l’opposition qui ont demandé la suppression de l’article 1er, de demander ensuite la suppression de l’article 2.

M. Martial Saddier. Non, nous posons simplement des questions !

M. Christian Jacob. Des questions précises !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Cependant, si nous supprimions cet article, nous ne déterminerions pas la manière dont seront mises en œuvre les incompatibilités définies à l’article 1er. Tel est l’objet de l’article 2.

Notre collègue Vercamer affirme qu’il est globalement d’accord avec le sens et le contenu de cet article, mais il en propose la suppression. Pour ma part, je suis cohérent : quand j’approuve un article, je n’en propose pas la suppression. J’émets donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Christian Jacob. Et la question de Guy Geoffroy ?

M. Guy Geoffroy. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question sur les élections acquises le même jour !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Excusez-moi, mon cher collègue : vous participiez à la réunion de la commission des lois au cours de laquelle nous avons déjà abordé cette question.

M. Christophe Caresche. Il n’a toujours pas compris !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous avez posé cette question en commission, et j’y ai répondu en votre présence.

Mme Annie Genevard. Votre réponse nous intéresse aussi !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Absolument, madame Genevard : je ne doute pas que tout ce que je dis ce soir vous intéresse. Je vous remercie de votre intérêt ! (Sourires.)

Monsieur Geoffroy, le cas que vous avez évoqué est extrêmement rare. La commission des lois a jugé, assez largement, que le mandat à abandonner en cas d’incompatibilité doit être le mandat antérieur – c’est la logique des lois précédentes. Il peut arriver qu’un candidat soit élu député par les citoyens un dimanche, et que le conseil municipal se réunisse le même jour pour élire son maire. Ce cas est extrêmement rare, mais il peut se produire : autant le traiter si nous voulons accomplir avec précision notre travail de législateur.

M. Jean-Frédéric Poisson. Est-ce déjà arrivé ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. L’élection concernée n’est donc pas l’élection municipale par les citoyens, mais l’élection du maire dans le cas où le conseil municipal se réunirait un dimanche. Un conseil régional ou un conseil général ne se réunit pas le dimanche : c’est pourquoi cette question se limite aux conseils municipaux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans une commune de moins de cinquante habitants !

M. Christian Jacob. En zone de montagne ! (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 6, 65, 105, 151, 236 et 292 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 173.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

(L’amendement n° 173, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 115, 69 et 162, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 69 et 162 sont identiques.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 115.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 69.

M. Nicolas Dhuicq. Tout système obéit à une cohérence interne ; or je ne vois pas la cohérence interne du système que vous voulez mettre en place, monsieur le ministre. Vous mentez aux Français : cela devient une spécialité du Gouvernement.

M. Manuel Valls, ministre. Allons !

M. Nicolas Dhuicq. Vous allez autoriser des députés à cumuler des indemnités en étant à la fois conseillers généraux et nommés par leur président pour présider des commissions. Vous allez faire en sorte que l’idée soit complètement coupée de la chose, puisque vous voulez construire des députés abstraits, qui ne vivraient que dans le monde des idées, lequel doit être pur et dégagé de toute tâche matérielle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Julie Sommaruga. Quel est le rapport avec l’amendement ?

M. Nicolas Dhuicq. Vous allez également faire en sorte qu’un pouvoir, qui contrôlera l’Assemblée nationale et le fonctionnement de la République, se trouve dans les régions et les départements, lesquels seront complètement déconnectés de la vie nationale. Que vont faire nos concitoyens et nos entreprises ?

Mme Laurence Dumont. Ce n’est pas le sujet de votre amendement, monsieur Dhuicq !

M. Nicolas Dhuicq. J’en viens à mon amendement. Il s’agit de donner aux parlementaires qui seraient soumis à votre loi délétère…

M. Manuel Valls, ministre. Moi, il me fait rire !

Mme Laurence Dumont. Monsieur Poisson, faites quelque chose !

M. Nicolas Dhuicq. …des délais correspondant à ceux qui leur sont accordés pour déclarer leur patrimoine.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 162.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je me permets de revenir un instant à la question de la présence des députés dans les missions locales et les conseils de surveillance d’hôpitaux, par exemple. La question n’est pas de savoir si les députés en auront la possibilité, même si nous nous demandons, au vu de certains amendements adoptés, si cela restera possible. Vous ne m’écoutez pas, monsieur le rapporteur.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Si, je vous écoute !

M. Daniel Fasquelle. La question est de savoir si la loi pourrait prévoir la présence des députés dans un certain nombre d’organismes – je ne comprends pas pourquoi la présence des députés dans les conseils de surveillance des hôpitaux vous fait éclater de rire, monsieur le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Ce n’est pas à cause de vous ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Fasquelle. Écoutez, monsieur le ministre…

Mme Laurence Dumont. Quel est le rapport avec votre amendement ?

M. le président. M. Fasquelle a seul la parole.

M. Daniel Fasquelle. Plusieurs d’entre vous l’ont dit : il faut maintenir un minimum d’ancrage local pour les députés. Je vous demande donc d’étudier très sérieusement cette question, qui mérite que vous lui accordiez un minimum d’attention : il existe des organismes dans lesquels les députés auraient besoin d’être présents pour pouvoir exercer leur fonction de contrôle de l’action publique à l’échelon local.

Mme Laurence Dumont. Cela n’a rien à voir avec votre amendement !

M. Daniel Fasquelle. J’en reviens à l’article 2. Mon amendement n° 162 vise à porter le délai d’option à deux mois au lieu de trente jours, par cohérence avec le délai accordé au candidat élu pour déposer ses comptes auprès de la commission pour la transparence financière de la vie politique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable. Mon cher collègue Dhuicq, j’essaierai de ne pas vous mentir,…

M. Nicolas Dhuicq. C’est déjà un début de mensonge !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …si tant est que cela soit possible à cette heure tardive ! (Rires sur tous les bancs.)

Monsieur Fasquelle, vous avez compris pourquoi je riais tout à l’heure, puisque nous venons de le faire ensemble : cela ne vous concernait pas, je vous l’assure !

M. Nicolas Dhuicq. Cela va bien se passer ! Suivez-nous, ce ne sera pas douloureux !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Franchement, pour un élu se trouvant en situation d’incompatibilité, nous aurions pu réduire le délai d’option à une semaine. Il n’a pas besoin de trente jours pour se décider : il a réfléchi avant !

En commission, un certain nombre de nos collègues de l’opposition ont fait remarquer qu’il existait un délai, et qu’il convenait de ne pas y toucher. Nous avons donc choisi de conserver le délai de trente jours, sans le diminuer ni l’augmenter.

Monsieur Fasquelle, vous posez à nouveau une question sur les conseils de surveillance des hôpitaux, qui n’est pas traitée dans ce projet de loi. Vous nous proposez de la traiter au cœur de la nuit,…

M. Christian Jacob. Il n’est qu’une heure trente !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …sans que personne ne l’ait étudiée.

M. Daniel Fasquelle. Je ne vous posais pas la question pour traiter ce problème, mais pour appeler votre attention sur celui-ci !

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est ce que j’allais vous dire, monsieur Fasquelle ! Je propose d’étudier la question. Je ne suis pas sûr qu’elle relève de ce projet de loi, mais nous allons l’examiner et nous y reviendrons.

M. Martial Saddier. Cela fait seulement dix fois que nous vous posons cette question !

M. Christophe Borgel, rapporteur. J’y ai déjà répondu à deux reprises !

M. Martial Saddier. À moi, vous ne répondez jamais ! Vous allez finir par me vexer ! (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle et M. Christian Jacob. Fait personnel ! (Sourires.)

M. Christophe Borgel, rapporteur. Pouvons-nous donc estimer, cette fois-ci, que j’ai répondu à votre question ? Si vous proposez d’étudier ce sujet, nous l’étudierons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Fasquelle, je prends l’engagement de transmettre à ma collègue Marisol Touraine…

M. Daniel Fasquelle. Pas seulement à Mme Touraine !

M. Manuel Valls, ministre. Écoutez, monsieur Fasquelle, je vous apporte une réponse… (Sourires.)

Par ailleurs, quand on est député ou sénateur, on peut siéger dans un conseil de surveillance pour deux raisons. Cependant, il peut y en avoir une troisième, et c’est peut-être celle qu’il faudra chercher. On peut siéger dans un conseil de surveillance parce qu’on est conseiller municipal ou intercommunal tout en étant député, ce qui n’est pas interdit par la loi,…

M. Martial Saddier. Soit parce qu’on est usager – je l’ai dit tout à l’heure.

M. Manuel Valls, ministre. …ou parce qu’on est usager, ou parce qu’on a été nommé en tant que personnalité qualifiée…

M. Martial Saddier. Par le préfet ou le directeur de l’agence régionale de santé.

M. Manuel Valls, ministre. …par le préfet – c’était le cas dans le conseil de surveillance de l’hôpital d’Évry-Corbeil, où Serge Dassault a été nommé par le préfet.

M. Martial Saddier. Ou par le directeur de l’ARS !

M. Manuel Valls, ministre. En effet, on peut également être nommé par le directeur de l’ARS, ce qui revient souvent au même. On peut enfin siéger dans un conseil de surveillance quand on est conseiller général – il me semble que ce n’est plus le cas des conseillers régionaux.

Ainsi, il convient d’étudier cette question, qui sera transmise à la ministre intéressée. Monsieur Saddier, nous avons enfin bien compris votre question !

M. Daniel Fasquelle. Vous avez eu du mal !

(L’amendement n° 115 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 69 et 162 ne sont pas adoptés.)

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 214.

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme je le soulignais dans la motion de procédure que j’ai défendue, ce texte, du fait du bouleversement des règles électorales que vous souhaitez imposer, met aussi en jeu l’égalité d’accès aux mandats publics, notamment au mandat parlementaire.

La sociologie de nos assemblées au cours des dernières législatures montre une très nette surreprésentation des titulaires d’un emploi public, autrement dit des fonctionnaires.

Il y a une explication tout à fait simple à cela : une personne titulaire d’un emploi public peut s’engager électoralement, gagner, exercer son mandat, être battue puis retourner dans son administration d’origine, retrouver son traitement, voire bénéficier d’avancement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est plus possible !

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet. Mais elle est au moins assurée que son engagement politique ne pénalisera pas sa vie professionnelle et sa vie familiale au-delà de son mandat.

En revanche, toute autre personne – salarié, chef d’entreprise, profession libérale – qui s’engage dans l’action publique, qui obtient un mandat de parlementaire puis le perd, doit recommencer sa carrière, parfois à un âge relativement avancé.

L’objet de notre amendement est très simple : il vise à ce que tout détenteur d’un emploi public démissionne s’il veut se représenter à l’issue d’un premier mandat. Cela permettra de rétablir une égalité d’accès au mandat public et d’obtenir une sociologie de nos assemblées plus proche de la sociologie de la population française prise dans son ensemble. Actuellement, les membres de la fonction publique sont surreprésentés à hauteur de 70 % au sein des assemblées parlementaires, ce qui est à la fois déraisonnable et inéquitable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ce sujet a été longuement évoqué lors de l’examen d’un précédent texte, mais je comprends que vous veuillez y revenir.

Pour être tout à fait complet, il faut préciser qu’il existe une incompatibilité entre l’exercice d’un mandat de député et la plupart des emplois publics, alors qu’il n’existe rien de tel pour la plupart des emplois privés. Certains parlementaires continuent ainsi à exercer un emploi privé. L’inégalité joue aussi en ce sens.

Vous proposez une solution qui consiste, si je puis dire, à aligner vers le bas l’égalité devant la candidature. On pourrait aussi songer à procéder autrement.

Je rappelle que la loi sur la transparence, en cours de discussion dans les deux chambres, prévoit que les fonctionnaires élus députés sont désormais placés, durant leur mandat, en disponibilité et non plus en détachement. Cela me paraît aller dans votre sens.

Nous pourrions réfléchir à une amélioration des garanties et sécurités offertes aux salariés du privé au lieu d’envisager une suppression totale de celles dont bénéficient les fonctionnaires. Si nous voulons vraiment aller vers une égalité complète en matière de candidatures, il importerait d’assurer à l’ensemble des salariés de retrouver du travail, une fois battus. C’est un débat que nous avons déjà eu : ces solutions font partie de l’amélioration du statut des parlementaires. Je ne crois pas que votre amendement apporte une réponse en ce sens. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous ne permettrez jamais par la loi ni par tout autre moyen à un médecin de retrouver sa patientèle, à un agriculteur son exploitation agricole, à un chef d’entreprise son entreprise. Je me souviens très bien d’un député qui, lors d’une législature précédente, est arrivé pour la première fois à l’Assemblée en bleu de travail pour marquer son appartenance au monde ouvrier. Comment obliger son ex-patron à le réembaucher ? Si l’entreprise a fermé entre-temps, comment lui garantir de retrouver une place ?

L’argument que vous invoquez revient à empêcher une réelle égalité dans l’accès aux mandats publics. La disponibilité au lieu du détachement a une incidence sur l’avancement, mais non sur la sécurité. Si les fonctionnaires sont surreprésentés parmi les parlementaires, c’est bien parce qu’ils bénéficient d’une protection.

Or, si un fonctionnaire bénéficie d’un emploi à vie, c’est pour éviter qu’il subisse des pressions internes de la part de ses supérieurs ou des pressions externes. Il n’y a aucune raison de garantir à une fonctionnaire qui deviendrait parlementaire de bénéficier à nouveau de sa qualité de fonctionnaire ultérieurement. Il faut qu’il fasse des choix !

Certes, il serait excessif d’aller jusqu’à la règle en vigueur en Grande-Bretagne, qui veut que tout candidat au Parlement démissionne de son emploi public s’il en exerce un. Mais quand on exerce la fonction de parlementaire et que l’on prétend la poursuivre, il est légitime que l’on cesse de bénéficier d’une garantie que rien ne justifie plus.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Cet amendement, s’il n’est pas voté, sera une occasion manquée. Pour ma part, j’y suis favorable car il ouvre le débat sur le statut de l’élu et sur l’égal accès aux mandats électifs, inséparable de celui sur le cumul des mandats.

Vous n’arriverez pas à me convaincre ce soir que cette égalité existe déjà. D’abord, ceux qui ne sont pas parlementaires peuvent cumuler toutes sortes de mandats locaux tout en conservant un emploi public à mi-temps. Nous avons tous des exemples dans nos départements. Le scandale va un jour exploser lorsque ce texte aura été voté.

Par ailleurs, l’amendement de Jean-Christophe Lagarde prévoit que la personne titulaire d’un emploi public doit faire un choix au bout du premier renouvellement. Dans la perspective des débats qu’il y a autour du choix qui s’imposera en 2017 entre le mandat de maire et le mandat de député, ce serait la moindre des choses qu’un fonctionnaire qui a la chance de savoir qu’il gardera son emploi puisse faire librement un choix à l’issue de son premier mandat.

À titre personnel, pour ma première campagne, j’ai dû prendre un congé sans solde de six mois et souscrire un emprunt. Le lendemain de mon élection, mon employeur – privé – m’a expliqué que j’étais formidable, que j’étais sympathique, que j’étais exceptionnel, mais que je devais démissionner. J’avais alors trente ans : j’ai dû démissionner, je n’avais plus de filet.

Je soutiens donc avec force l’amendement de M. Lagarde.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Lors du débat sur la loi sur la transparence de la vie publique, j’ai fait partie de ceux qui ont souhaité qu’on n’empêche pas, par des chemins détournés et malencontreux, les forces vives de notre économie, autrement dit ceux qui travaillent dans les entreprises, d’accéder à la vie d’élu, notamment la vie d’élu parlementaire.

Je suis très à l’aise sur ce sujet, bien qu’étant moi-même issu de la fonction publique. Mais je voudrais quand même, comme je l’ai fait à l’occasion de cette loi, insister sur un sujet qui n’est pas souvent évoqué.

Pourquoi a-t-on donné à des personnes en charge d’une action publique la sécurité de l’emploi ? Pour qu’elles puissent, avec la totale disponibilité qu’on attend d’elles, se consacrer au bien public. Là se pose la question de la sécurité qu’on a acquise et de la sécurité qu’on n’a plus.

Inversement, un député fonctionnaire, du fait de la séparation des pouvoirs, ne peut plus exercer son métier alors qu’un député issu du privé peut, dans les conditions difficiles que l’on sait, continuer son activité.

Les choses sont peut-être inégales, mais elles sont balancées.

Il me semble que vous oubliez une deuxième chose : c’est qu’on entre dans la fonction publique après avoir réussi un concours,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Par pour tous les métiers !

M. Guy Geoffroy. …et non pas en ayant simplement eu la moyenne à un examen. Un effort a été consenti, qui a abouti à un résultat. Je pense qu’il serait un peu délicat de passer par profits et pertes ce concours en obligeant celui qui l’a réussi à reconquérir le droit de regagner la fonction publique. Je trouve que ce serait exagéré.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est un choix !

(L’amendement n° 214 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 328.

M. Sergio Coronado. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 328 est retiré.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 7 tendant à supprimer l’article 2 bis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n° 7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 3.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article a trait au remplacement définitif d’un député par son suppléant. Je n’ignore pas que c’est une conséquence des articles 1er et 2. Il n’en fait pas moins problème.

Lors de la révision constitutionnelle de 2008, le Conseil constitutionnel a statué sur la question du remplacement définitif des ministres quittant le Gouvernement et ne souhaitant pas retourner siéger au Parlement. La loi organique avait été écrite en ce sens, et le Conseil a censuré cette disposition en expliquant que l’article 25 de la Constitution ne prévoit qu’un remplacement temporaire dans cette situation.

La révision de 2008 n’a pas traité la question des députés qui seraient amenés à être remplacés de manière définitive parce qu’ils auraient choisi le mandat de maire puisque, par définition, nous n’étions pas encore dans le cadre d’une législation interdisant le cumul de ces deux mandats.

Cela dit, il me semble que l’esprit même de la Constitution a été consacré par la décision de 2009 du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle le remplacement par le suppléant ne saurait être que temporaire au motif que la titularité de l’élection ne s’exerce que pour le député lui-même et non pour son suppléant.

Cet article 3 soulève donc au moins une difficulté constitutionnelle, ce qui risque d’aboutir à une censure des dispositions relatives au remplacement définitif. Je pense en particulier aux alinéas qui concernent les députés plus que les sénateurs.

Compte tenu de ce risque constitutionnel, je demande donc la suppression de cet article.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 66.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 146.

M. Jean-Luc Laurent. Quelques mots pour présenter cet amendement, qui tend à la suppression de l’article 3 du projet de loi organique. La proposition de renforcement des cas dans lesquels on s’abstiendrait d’organiser des élections partielles n’a en effet pas lieu d’être.

La législation actuelle est suffisante à nos yeux, et l’élection partielle ne doit pas être considérée comme une gêne ou un obstacle : elle constitue au contraire une respiration démocratique légitime et nécessaire, qui doit demeurer pour les cas non prévus dans le code actuel.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 152.

M. Daniel Fasquelle. Je reprends cet argument à mon compte : je ne vois pas pourquoi on devrait avoir peur des élections partielles – ou plutôt, je comprends trop bien que certains craignent aujourd’hui les élections partielles !

Je veux également mettre en garde mes collègues contre le risque de non-conformité à la Constitution de cette disposition.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Pourquoi ? Soyez précis !

M. Daniel Fasquelle. Je reprends également à mon compte les arguments de Jean-Frédéric Poisson, qui me semblent tout à fait pertinents.

Pour conclure sur le sujet qui nous a animés un peu plus tôt, je pense, monsieur le ministre, qu’il est de votre responsabilité de faire le balayage ; cela ne concerne pas que Marisol Touraine ni les conseils de surveillance des hôpitaux.

Se pose également la question des commissions locales de l’eau et des missions locales : dans ces organismes siègent les services de l’État, représentés par le préfet. Il pourrait être utile que ces services ne soient pas seuls à siéger, et que le député ait également la possibilité, dans le cadre de sa fonction de contrôle, de siéger dans un certain nombre d’organismes appliquant localement des politiques de l’État, et dépensant le budget de l’État au plan local.

Faisons ensemble ce balayage, monsieur le ministre : c’est tout ce que je vous demande !

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n° 178.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cet article 3 modifie très profondément les règles de remplacement des parlementaires, puisqu’il prévoit notamment qu’en cas de démission pour incompatibilité ceux-ci seront remplacés par leur suppléant.

Actuellement, conformément à l’article 25 de la Constitution, la loi organique ne prévoit que cinq cas dans lesquels ce remplacement par le suppléant intervient. Le premier cas, et le plus simple, est le décès ; puis viennent la nomination au Gouvernement, la désignation comme défenseur des droits, etc. En dehors de ces cas, si un député décide de renoncer à son mandat de parlementaire, il ne peut être fait appel à son suppléant pour le remplacer : une élection partielle doit être organisée.

En revanche, l’article 3 du présent projet de loi organique prévoit que, désormais, un parlementaire se trouvant en situation de cumul et choisissant d’opter pour sa fonction locale sera remplacé par son suppléant.

Cette nouvelle disposition paraît doublement inopportune. D’une part, il paraît difficilement envisageable de changer les règles relatives au remplacement des députés en cours de législature. En 2012, les électeurs ont voté pour qu’un candidat déterminé, le candidat titulaire, siège à l’Assemblée nationale, et non pour qu’y siège le candidat suppléant, qui ne bénéficie peut-être pas au même degré de leur confiance.

Il serait bien sûr excessif de parler de tromperie, mais il s’agirait, en tout cas, d’un choix imposé et non d’un choix librement consenti. Cette atteinte à la liberté de choix des électeurs pourrait poser problème devant le Conseil constitutionnel, à qui les lois organiques sont soumises avant leur promulgation.

D’autre part, et l’étude d’impact le souligne, ces nouvelles règles de remplacement seraient établies pour éviter l’organisation d’un grand nombre d’élections partielles. Il y a là une sorte de volonté d’évitement du suffrage universel, qui n’est guère conforme à la démocratie. Il importe, au contraire, de donner la parole aux électeurs et de ne pas esquiver les élections partielles, qui leur permettent de s’exprimer entre deux consultations générales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 212.

M. Jean-Christophe Lagarde. À la suite du président Schwartzenberg, je voudrais dire que cette disposition a déjà été adoptée assez récemment pour ce qui concerne les conseillers généraux, qui demain s’appelleront conseillers départementaux. Elle avait pour but d’éviter les élections partielles en cascade.

Mais convenons, chers collègues, que le nombre relativement faible de parlementaires – un peu moins de mille – permet de limiter le nombre d’élections partielles dans le cas de figure que vous évoquez.

Toutefois, s’agissant de parlementaires se lançant avec succès à la conquête d’exécutifs locaux, deux scénarios sont possibles.

Soit le nombre de cas est relativement faible, et se méfier du choix des électeurs au point de les empêcher de choisir leur nouveau représentant à l’Assemblée paraît tout simplement incongru.

Soit le nombre de cas est élevé et, lors d’un prochain renouvellement – municipal, départemental ou régional –, l’on pourra compter jusqu’à cinquante, soixante, voire cent collègues qui, dans l’une ou l’autre des assemblées, viendraient à démissionner et seraient ainsi remplacés par leur suppléant.

Nous savons tous très bien que le suppléant n’est pas le candidat réellement choisi par nos électeurs au moment où nous nous présentons. De plus, ceux-ci n’ont pas nécessairement à l’esprit, lorsque nous nous présentons à une élection parlementaire, que nous sommes susceptibles de quitter notre mandat.

Nous allons donc potentiellement changer jusqu’au cinquième d’une assemblée sans repasser devant le corps électoral ! C’est aujourd’hui possible lorsque l’on devient ministre ou que l’on disparaît ; reconnaissez que le nombre de cas est alors bien plus limité. Mais avec les élections municipales, les élections départementales et les élections régionales, on peut changer jusqu’à 20 % ou 25 % d’une assemblée : cela me paraît de nature à attirer l’attention du Conseil constitutionnel.

M. Manuel Valls, ministre. À partir de quand ce texte va-t-il s’appliquer, monsieur Lagarde ?

M. Jean-Christophe Lagarde. 2017 !

M. Manuel Valls, ministre. Alors ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rappeler à nos collègues que la commission des lois a ramené à de plus justes proportions ce nouveau cas de vacance : pas de principe général, même si cela peut être débattu, mais une limitation aux seuls cas d’incompatibilité prévus par le projet de loi.

Par ailleurs, certains de nos collègues ont tenté de préciser le risque d’inconstitutionnalité, tandis que d’autres l’ont évoqué de manière générale, sans indiquer les motifs qui pouvaient alimenter leurs craintes ; je ne pourrai donc pas répondre de façon très précise.

J’ai relu l’article 25 de la Constitution, qui évoque ces cas de vacance, et je ne vois nul risque d’inconstitutionnalité : l’article 25 prévoit que la loi organique fixe les cas où la vacance du titulaire permet un remplacement par son suppléant. Ce remplacement est toujours définitif, jusqu’à la fin du mandat, sauf dans une hypothèse explicitement prévue par la Constitution : un député démissionnant pour devenir ministre est remplacé de façon temporaire.

La Constitution autorise certes à définir des cas de vacance par la loi organique, mais ces cas entraînent toujours un remplacement définitif. J’indique ainsi à notre collègue Poisson qu’il n’y a pas de débat sur le remplacement temporaire : le remplacement est de toute façon définitif, car la loi organique ne permet pas de créer un nouveau cas de remplacement temporaire, l’article 25 de la Constitution est explicite sur ce point. Si nous le faisions malgré tout, la censure constitutionnelle ne serait pas un risque, mais une certitude !

Certains de nos collègues font semblant de croire que cette mesure a été faite pour éviter les partielles.

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous êtes en retard d’une date d’application ! La loi s’appliquera en 2017.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et alors ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Si certains parlementaires venaient à démissionner avant cette date, il y aurait des partielles. Mais, cher collègue, vous savez très bien que la question se posera de façon extrêmement forte, sinon vous n’évoqueriez pas les partielles !

Vous les évoquez – et vous n’êtes pas le seul – en nous disant que nous le faisons parce que nous craignons de perdre ces élections partielles.

M. Christian Jacob. C’est la réalité !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Mais si j’en crois ce que vous nous avez dit toute la soirée, nous allons non seulement perdre les partielles, mais également les élections générales en 2017.

M. Christian Jacob. Oui, c’est vrai aussi !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Or, après 2017, si j’en crois la règle qui veut qu’en général la majorité perd les élections, c’est plutôt la majorité suivante qui perdra les partielles. Cela ne nous concerne donc pas !

M. Martial Saddier. Ce rapporteur est un visionnaire !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Vous pouvez ne pas partager notre volonté, mais n’invoquez pas une hypothétique manœuvre de la part de l’actuelle majorité contre les partielles. Notre seul objectif est que, si demain un député est frappé d’incompatibilité en cours de mandat parce qu’il devient maire, il soit remplacé par son suppléant.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous vous sentez tellement coupables que vous nous soupçonnez !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai sous les yeux l’article 25 de la Constitution auquel le rapporteur faisait référence à l’instant. L’alinéa 2 de cet article dispose que la loi organique « fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ».

Cela recouvre donc deux hypothèses : quand la loi organique fixe les conditions du remplacement jusqu’au renouvellement de l’assemblée, cela vise le décès et l’acceptation d’une fonction de parlementaire en mission – qui est une fonction exécutive – d’une durée supérieure à six mois.

Ces deux cas sont connus ; le problème est que vous en inventez un troisième ! Les deux cas existants dans la loi organique tiennent d’une certaine façon soit à la mort du titulaire, soit à la mort des institutions, c’est-à-dire à l’atteinte à la séparation des pouvoirs : voilà de quoi traite la loi organique.

Nous avons donc une divergence d’interprétation, sur laquelle le Conseil constitutionnel statuera sans nul doute : nous prétendons en effet que cet article vise les cas stricts de séparation des pouvoirs ou d’incapacité d’exercer la fonction.

En créant une hypothèse supplémentaire tenant au cumul des mandats, vous entrez certes dans le cadre de la loi organique, à laquelle la Constitution confie le soin de fixer les modalités de remplacement ; mais le cas que vous créez n’entre en conflit ni avec la capacité d’exercer le mandat, ni avec la séparation des pouvoirs.

De ce fait, je prétends que le nouveau cas de remplacement définitif n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution, laquelle ne consacre en cette circonstance qu’un remplacement temporaire. Je pense que la situation du député-maire est comparable à celle d’un député qui redeviendrait député après avoir siégé au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pardonnez-moi, mais la loi organique n’est pas faite pour régler les situations jusqu’en 2017 seulement !

Vous vous sentez peut-être coupables, à moins que vous ne redoutiez un risque de « mini-dissolution », mais ce n’est pas du tout ce à quoi je faisais référence ! En 2017, il y aura des élections législatives ; en 2020, il y aura des élections municipales ; en 2021, des élections départementales et régionales. Au cours de la prochaine législature, vous risquez des mini-dissolutions, que vous ayez perdu les élections législatives – ne soyez pas si pessimiste, monsieur Borgel, il vous reste encore quelque espoir !

Mais, que vous soyez battus ou non, la composition des assemblées élues risque de changer de façon très importante. Vous pouvez me rétorquer que les suppléants sont élus en même temps que les titulaires et que les gens le savent. Foutaise ! La plupart des électeurs sont évidemment incapables de citer le nom du suppléant de leur député.

Il s’agit là d’un problème démocratique : il serait préférable de retourner devant les électeurs. Après tout, qu’auriez-vous à craindre ?

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

(Les amendements identiques nos 8, 66, 146, 152, 178 et 212 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n° 301.

Mme Eva Sas. Je vais défendre les amendements n° 301 et 307 en même temps : cela nous fera gagner un peu de temps.

Le premier de ces amendements vise à permettre aux députées d’être suppléées en cas de congé maternité. Il est temps que nos institutions évoluent pour tenir compte de la féminisation progressive de nos assemblées.

Actuellement, comme vous le savez, rien n’est prévu en cas de congé de maternité d’une élue : c’est le cas au Parlement comme dans les collectivités locales. Or, une suppléance existe dans d’autres pays, notamment aux Pays-Bas.

Vous me direz qu’il existe peut-être une difficulté constitutionnelle liée à l’article 25 dont vous venez de parler. Je vous répondrai qu’il est plus que temps de faire évoluer nos institutions, qui ont été modelées par des hommes, avec une assemblée qui en 1958 ne comptait que 1,3 % de femmes. Nous sommes aujourd’hui 25 % : il faut le prendre en considération.

L’amendement suivant ne concerne pas seulement les femmes, puisqu’il vise tous les jeunes parents. Il a pour objet de permettre aux députés qui choisissent de prendre un congé parental d’être remplacés par leur suppléant pendant leur absence.

Les jeunes parents ont le droit de mieux concilier leur vie familiale et leur mandat. Parallèlement, les citoyens de nos circonscriptions ont le droit de continuer à être représentés à l’Assemblée nationale.

Avec ces ceux amendements, je vous propose de faire un pas pour moderniser nos règles de représentation et je vous demande solennellement ce soir, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, d’envoyer tout particulièrement un message en direction des femmes pour leur dire qu’elles ont toute leur place dans la vie politique et dans cette Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable pour les raisons que je viens d’évoquer dans un échange avec M. Poisson : il prête à l’article 25 de la Constitution des choses qu’il ne me semble pas du tout possible d’y lire. Mais le Conseil constitutionnel nous le dira puisqu’il sera saisi étant donné qu’il s’agit d’une loi organique.

Madame Sas, pour régler un problème que je comprends tout à fait, vous proposez de créer non un nouveau cas de remplacement, mais un nouveau cas de remplacement temporaire en cas de vacance du titulaire. Pour le coup, je suis sûr que la mesure que vous proposez sera déclarée inconstitutionnelle puisque l’article 25 prévoit très précisément le seul cas de vacance possible : quand le titulaire est nommé au Gouvernement. Le seul moyen de résoudre le problème pour celles et ceux qui seraient concernés…

M. Jean-Christophe Lagarde. Entrer au Gouvernement !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …serait en effet d’entrer au Gouvernement – encore faudrait-il qu’il n’y en ait pas trop en même temps ! (Sourires.) Trêve de plaisanterie, il s’agit d’un vrai problème, mais nous n’avons pas la possibilité d’y répondre.

Je vous propose donc de retirer cet amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Monsieur le rapporteur, j’entends votre argumentation et je la comprends. Je ne doute pas de l’engagement du Gouvernement en direction des droits des femmes et de la modernisation de la vie politique de façon générale.

Toutefois, je souhaite maintenir cet amendement afin de marquer mon attachement à cette cause car la question va se poser très précisément lors des prochaines élections municipales. J’aurais d’ailleurs souhaité vous entendre me répondre que vous alliez faire progresser d’une façon ou d’une autre cette question au cours de la mandature afin que l’on puisse avancer d’ici à la fin la législature.

(Les amendements nos 301 et 307, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 3 bis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, si vous le permettez, mon intervention vaudra défense de mon amendement n° 9 tendant à supprimer, dans le droit fil de ce que nous défendons depuis maintenant quelques heures, l’article 3 bis.

La notion de délégation ne correspond pas du tout à ce que nous entendons dire par la majorité, voire par le Gouvernement, depuis le début de la discussion puisque cette notion ne couvre pas de droit un certain nombre de situations dans lesquelles, à l’évidence, de vraies responsabilités sont exercées ou peuvent être exercées par les parlementaires dans le cadre des assemblées territoriales, notamment des présidences de commission. Cela n’est donc pas cohérent avec l’argument de la disponibilité que vous évoquez puisque cette notion de délégation, je le répète, ne couvre pas toutes les situations qui pourraient nous empêcher d’exercer une grande partie, voire la totalité de notre temps, à l’exercice du mandat parlementaire.

M. le président. L’amendement n° 9 est donc défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 9 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 255.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette thèse a souvent été défendue. Aussi, je serai bref.

On est dans l’excès lorsque l’on refuse à un parlementaire européen d’être conseiller municipal délégué chargé des relations européennes d’une commune. On est dans l’excès lorsque l’on refuse à un conseiller municipal délégué d’être chargé des anciens combattants ou du jumelage.

Dans ma circonscription, et plus précisément dans une commune de vos amis, il y a un conseiller municipal chargé de la mémoire. Pensez-vous que nous soyons raisonnables en lui interdisant d’être parlementaire ?

Monsieur le rapporteur, je sais que vous ne me répondrez pas. Je partage la lassitude qui peut s’exprimer sur certains bancs, mais ce n’est pas du fait de l’opposition si vous programmez l’examen d’un tel texte dans une session extraordinaire et en fin de semaine.

M. Manuel Valls, ministre. Nous ne sommes que jeudi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je me demande ce qui se passera si un député qui devient membre d’un exécutif ou qui veut exercer une fonction de conseiller municipal délégué a pour suppléant quelqu’un qui est lui-même dans l’impossibilité d’exercer ce mandat, pour les mêmes raisons. Lorsqu’elle a accepté d’être suppléante, cette personne ne savait peut-être pas qu’elle allait devenir membre d’un exécutif. Des élections partielles devront être organisées à moins qu’elle soit déchue de son mandat le plus anciennement acquis, c’est-à-dire celui de conseiller pour lequel elle s’est présentée alors qu’elle n’avait jamais imaginé devenir parlementaire. Il sera intéressant de revenir sur ce sujet lors de la deuxième lecture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

Je doute qu’un député démissionne pour accepter cette fonction, pourtant tout à fait honorable et extrêmement importante, de conseiller municipal délégué en charge de la mémoire – et cela même dans une commune de votre département dirigée, me semble-t-il, par des amis politiques.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est même en l’occurrence un conseiller municipal socialiste !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Et s’il est vraiment intéressé par la question de la mémoire, il pourra toujours travailler sur ce sujet sur les bancs de cette assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 255 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 256.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 256 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 257.

M. Jean-Christophe Lagarde. Défendu.

(L’amendement n° 257, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 258.

M. Jean-Christophe Lagarde. Défendu.

(L’amendement n° 258, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 bis est adopté.)

Après l’article 3 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 233.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement vise à instaurer la concomitance de l’élection présidentielle et des élections législatives. Plus précisément, lorsque le calendrier normal conduit à ce que les élections législatives aient lieu moins de six mois avant ou après les élections présidentielles, il prévoit que le mandat législatif sera modifié d’office pour que le premier et le deuxième tour des élections législatives se tiennent en même temps que le premier et le deuxième tour de l’élection présidentielle.

Monsieur le ministre, vous savez que c’est le gouvernement de Lionel Jospin qui a choisi de faire élire les députés postérieurement à l’élection présidentielle. Nous voyons bien le caractère mécanique et donc de dépendance de nombreux députés élus dans la foulée d’une victoire présidentielle.

La concomitance des élections aurait un effet moins mécanique et permettrait une plus grande indépendance des députés qui ne seraient pas candidats sous l’influence d’un président élu. Ce serait beaucoup plus sain et de nature à préserver la capacité d’indépendance de chacun des députés qui siègent dans cet hémicycle et particulièrement ceux de la majorité présidentielle qui vient d’être élue. On voit bien, au cours de l’examen de ce texte notamment, combien l’exécutif peut arguer auprès des parlementaires de sa majorité qui lui doivent une partie de leur élection. Avec la concomitance des élections, ce serait moins le cas. En donnant aux parlementaires une plus grande indépendance vis-à-vis de l’exécutif, on permettrait de revaloriser le rôle du Parlement.

M. le président. Monsieur Lagarde, peut-on considérer que l’amendement n° 361, qui est dans la même veine, est défendu ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Indépendamment de l’avis sur le fond que je peux avoir sur ces amendements qui sont assez loin du projet de loi organique dont nous débattons depuis deux jours – en milieu et non en fin de semaine –, je dois dire qu’il s’agit là d’un cavalier législatif assez caractérisé. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si tel avait été le cas, le président de la commission des lois l’aurait refusé !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sur la forme, je rejoins ce que vient de dire le rapporteur. On voit bien qu’il s’agit d’un tout autre débat et vous le dites vous-même, monsieur Lagarde.

La disposition proposée changerait profondément l’élection présidentielle et l’équilibre de nos institutions. Vous participez ce soir à une fable qui consiste à faire croire, je ne sais pour quelle raison, qu’avant les députés n’étaient pas assujettis à l’élection présidentielle. Or la plupart des élections de ces dernières années – je pense à celles de 1981, 1988, 2002 et 2007, à l’exception de celles de 1997 suite à la décision de Jacques Chirac de dissoudre l’Assemblée nationale – ont eu lieu après l’élection présidentielle.

La mesure que vous proposez créerait une grande confusion. Les institutions de la VRépublique que vous voulez apparemment démolir avec une certaine constance, monsieur Lagarde, doivent permettre à la majorité présidentielle la stabilité. Il appartient aux électeurs de donner au Président de la République une majorité pour pouvoir gouverner. À côté de la situation de crise que nous connaissons, de doute à l’égard des institutions politiques en général et de la parole publique, vous voulez créer une instabilité supplémentaire.

Ce n’est donc ni le sujet, ni le moment, ni nécessaire.

M. Jean-Christophe Lagarde. 1978, 1986, 1993, 1997 !

M. Manuel Valls, ministre. Il s’agissait de septennats !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Le sujet est fondamental. L’évoquer ce soir – mais nous sommes tout aussi capables de légiférer à cette heure-ci que dans la journée – au travers de ce texte me semble un peu incongru, d’autant que vous semblez, monsieur Lagarde, oublier un certain nombre d’éléments.

Premièrement, contrairement à ce que l’on veut faire croire aux Français, le fait que les élections législatives, se soient déroulées trois fois consécutivement – en 2002, 2007 et 2012 – cinq à six semaines après l’élection présidentielle est strictement conjoncturel. Il n’est inscrit nulle part dans la Constitution qu’il en sera ainsi systématiquement. Ce que vous proposez, monsieur Lagarde, c’est la dissolution automatique. C’est un vrai débat qu’il faudrait d’ailleurs coupler avec celui de la dissolution non automatique et avec les différents cas de figure de dissolution – on pourrait gloser. Souvenez-vous des élections de 1962, de 1981, de 1988 et de 1997. Il y a eu des dissolutions de trois natures différentes. Il faut donc bien analyser les choses.

Je concède que la donne nouvelle, telle qu’elle semble s’être installée dans les faits et non dans le droit, correspond à la grande évolution institutionnelle dans notre pays qu’a constitué le passage du septennat au quinquennat. Où irions-nous si nous instaurions, comme le propose cet amendement, et à la sauvette, une dissolution automatique qui, comme toutes les dissolutions, empêche le chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale dans l’année qui suit.

Je crois qu’il faut être un peu sérieux, et ce n’est pas péjorativement que je le dis, quand on aborde ces questions. Ne légiférons surtout pas à l’occasion d’un texte sur le cumul des mandats.

(L’amendement n° 233 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 361 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 224.

M. Francis Vercamer. Nous évoquons le conflit d’intérêts. Mon amendement vise à faire en sorte que les agents salariés d’un établissement public de coopération intercommunale ne puissent être élus au conseil municipal d’une des communes membres.

Si un élu est en même temps salarié de l’EPCI dont sa commune est membre, il peut utiliser sa fonction pour apporter un avantage à celle-ci. L’objectif est de prévenir un tel conflit d’intérêts et d’éviter que certaines villes soient avantagées de manière détournée au sein de l’EPCI. Toutes les communes ont un élu au sein de l’EPCI. Si, en plus, des élus sont fonctionnaires au sein de l’EPCI, cela fausse l’égalité entre les communes. Cet amendement vise donc à interdire aux agents salariés des EPCI d’être élus d’une commune membre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Cet amendement, mon cher collègue, est un parfait cavalier législatif.

J’en profite pour répondre à mon collègue Lagarde que je ne crois pas que la commission des lois ait l’habitude de demander le retrait d’un amendement parce que c’est un cavalier législatif. Le débat se passe dans l’hémicycle.

En l’espèce, cet amendement ne porte ni sur les incompatibilités, puisqu’il s’agit d’instaurer une inéligibilité, ni sur le mandat parlementaire, puisqu’il porte sur les mandats locaux, ni sur les fonctions exécutives locales : il s’agit de modifier les règles applicables au mandat de conseiller municipal.

J’ajoute que cet amendement a déjà été repoussé par l’Assemblée nationale en février dernier, lors de la discussion du projet de loi sur les élections locales. Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n° 224, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 227.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je répondrai une fois, puis j’émettrai le même avis pour la série d’amendements suivants.

Cet amendement vise à réglementer des cumuls de mandats locaux. Nous examinons une loi organique, ce type du cumul relève d’une loi simple : indépendamment de l’opinion qu’on peut avoir au fond, il est évident que l’avis est défavorable

(L’amendement n° 227, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 271.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’argumentation de notre rapporteur, outre qu’elle me fait sourire, me permet, si vous le permettez, monsieur le président, de défendre en même temps tous mes amendements suivants.

M. le président. Je suis en effet saisi de plusieurs amendements de M. Jean-Christophe Lagarde nos 271, 270, 273, 226, 225, 272, 275, 276, 279, 274, 277, 278 et 280.

Vous avez la parole pour les défendre, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tous visent le même objectif, et l’argutie sur la loi organique et la loi ordinaire n’y changera rien.

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas une argutie.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous ne vous êtes attaqués qu’à une forme de cumul des mandats,…

Mme Laurence Dumont. C’est un premier pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. …en nous parlant beaucoup de conflits d’intérêts alors qu’il n’en existe quasiment jamais, en réalité, entre mandat national et mandat local, tandis qu’entre deux mandats locaux, le conflit d’intérêts est permanent et quotidien. C’est ainsi qu’un élu peut utiliser le mandat qu’il détient au sein d’une collectivité pour favoriser une autre collectivité dont il est aussi l’élu. De cela, vous ne voulez pas en entendre parler.

Certes, aujourd’hui vous dirigez la plupart des communes, des départements et des régions de France. Est-il pour autant logique et moral qu’on puisse cumuler les mandats locaux ? Sans même parler qu’en plus certains élus vont bénéficier d’indemnités jusqu’à 50 % supérieures à celles d’un parlementaire, au moins sur le conflit d’intérêts vous devriez nous entendre.

Vous ne le ferez évidemment pas : cela froisserait trop d’intérêts particuliers, trop d’intérêts locaux, trop d’intérêts partisans. La série d’amendements que j’ai déposée vise à stigmatiser le manque de complétude de la loi, ou son hypocrisie si je veux être plus direct.

J’entends la responsable du groupe SRC chargée du texte, Mme Dumont, me dire que c’est un premier pas. Mais le second ne viendra jamais, vous le savez bien, en tout cas tant que vous dirigerez toutes ces collectivités.

Vous aurez stigmatisés les seuls parlementaires et totalement ignoré les réels conflits d’intérêts qui ont lieu chaque jour au sein des collectivités locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je maintiens mon « argutie » juridique, pour reprendre la formule de notre collègue Lagarde. La réalité, quel que soit l’avis au fond, c’est que ces amendements ne peuvent absolument pas être intégrés au texte.

Sur le fond, nous l’avons dit à plusieurs reprises depuis le début de cette discussion, en commission comme sur les bancs de cet hémicycle : c’est un autre chantier. On peut dire que c’est repousser la réforme aux calendes grecques. Il se trouve que celle-ci relève d’une loi ordinaire et que nous examinons une loi organique. Vous pouvez estimer que c’est une argutie juridique, je n’y peux strictement rien.

Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Quand on parle de cumul et qu’on ne traite que celui d’un mandat parlementaire avec un mandat local, on reste au milieu du chemin. Nous sommes dans une loi d’affichage qui ne traite absolument pas le problème local qui est tout de même crucial : si des élus ne peuvent siéger ici parce qu’ils sont dans une autre assemblée, c’est vrai aussi sur le plan local. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas légiférer.

Je sais, on va nous répondre que nous examinons une loi organique et qu’il faut une loi ordinaire. Le fond de l’affaire, c’est que vous ne faites que de l’affichage et que vous n’avez absolument pas envie de traiter le problème. Les Verts…

M. Christian Jacob. Le Vert !

M. Francis Vercamer. …ont assez évoqué ce sujet. Je ne suis pas toujours d’accord avec les Verts, mais là, au fond, ils ont raison. Vous voulez réformer, mais vous n’allez pas jusqu’au bout. Je soutiens les amendements de Jean-Christophe Lagarde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’argument sur la loi organique tient pendant ce débat, mais dans quelques instants, à propos de la loi ordinaire, on verra que vous n’avez pas souhaité le faire. Ne dites pas que, sur le fond, vous êtes d’accord : le fait est que vous ne voulez surtout pas toucher aux situations locales acquises par vos amis.

(Les amendements nos 271, 270, 273, 226, 225, 272, 275, 276, 279, 274, 277, 278 et 280, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 357.

M. Sergio Coronado. Je serai bref, compte tenu de l’heure tardive. Je partage en grande partie les amendements qui viennent d’être développés par mes collègues du groupe UDI.

Je voudrais dire au rapporteur que les deux arguments qui ont fondé ce projet – le conflit d’intérêts, l’impossibilité de remplir deux mandats – s’appliquent dans le cas du cumul des mandats locaux.

On peut être clair en adoptant la fin du député-maire, c’est cela l’objet de ce texte, mais il faut mesurer la manière dont les Français vont interpréter cette décision. Nous parlons du cumul des mandats, mais une fois la loi votée, ils pourront constater que les cumuls vont continuer à se développer localement. Il y aura encore des maires qui seront vice-présidents ou présidents de conseil général ou régional, ce qui va affaiblir considérablement la portée du texte. Par souci de cohérence, nous défendons la limitation du cumul des mandats dans les collectivités locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Notre collègue Coronado, qui a déjà déposé cet amendement en commission, le sait : ce n’est un problème ni de calendrier électoral ni d’amis à protéger, mais un problème de droit. Vous pourrez répéter que les problèmes de droit cachent des problèmes de protection politique, mon cher collègue Lagarde, cela n’y changera rien. Ils restent des problèmes de droit que les législateurs que nous sommes doivent prendre en compte. Défavorable.

(L’amendement n° 357, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 358 et 359.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 358.

M. Sergio Coronado. Dans le même esprit que l’amendement n° 329, il s’agit de limiter le cumul des indemnités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 359

M. Jean-Christophe Lagarde. Avec votre autorisation, je défendrai aussi les amendements nos 229 rectifié, 230 rectifié et 231 rectifiés, qui ont le même objet pour différents mandats.

M. le président. Je vous en prie.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il existe une hiérarchie politique. Dans un Gouvernement, selon qu’on est ministre, ministre délégué ou secrétaire d’État, les indemnités ne sont pas les mêmes.

Nous proposons que le sommet de la hiérarchie indemnitaire des élus soit l’indemnité parlementaire et que personne, cumulant plusieurs mandats, puisse dépasser cette indemnité qui demeure suffisante et raisonnable pour vivre correctement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable, non que le problème ne se pose pas, mais parce qu’il est évident qu’il s’agit de purs cavaliers législatifs. Désolé d’invoquer des arguments juridiques quand nous jouons notre rôle de législateurs. Avis défavorable.

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 358 et 359 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 229 rectifié, 230 rectifié et 231 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 103.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

(L’amendement n° 103, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 184 et 147, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n° 184.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cet amendement concerne le non-cumul des indemnités. Nous savons tous ici que les parlementaires ne sont pas des femmes ou des hommes d’argent, qu’ils font acte de militantisme et n’agissent pas par intérêt matériel.

M. Manuel Valls, ministre. Ça dépend lesquels !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cela sera encore plus visible si l’on posait en règle qu’il ne doit pas y avoir de cumul d’indemnités.

L’indemnité parlementaire de base semble en effet suffisante pour exercer cette fonction. Ne devrait donc pas s’y ajouter soit une indemnité liée à ce que le texte appelle un simple mandat local, soit une indemnité liée à ce qu’on peut appeler une fonction exécutive locale si le cumul avec celle-ci devait être maintenu. Dans les deux cas, nous souhaitons qu’il n’y ait plus de cumul d’indemnités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement propose également de mettre fin au cumul des indemnités et prévoit que, lorsqu’un parlementaire exerce une autre fonction élective, dans le cadre de la législation actuelle – cumul de fonctions dans la limite de deux mandats exécutif ou de base : conseiller général, régional, maire, président d’intercommunalités… –, il ne perçoive que son indemnité de député ou de sénateur.

Il s’agit d’introduire un esprit de justice attendu par nos concitoyens. Cette mesure paraît plus importante que d’autres dont nous avons discuté au cours de l’examen de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet au tout début de la discussion, à l’occasion de l’examen d’un amendement déposé par notre collègue Vercamer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(Les amendements nos 184 et 147, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 24 rectifié.

M. Christophe Borgel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L’amendement n° 24 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 329.

M. Sergio Coronado. Cet amendement de repli vise lui aussi à empêcher le cumul de plusieurs indemnités par un parlementaire qui aurait décidé d’exercer un autre mandat et à limiter la sienne à l’indemnité de base qu’il reçoit en tant que député ou sénateur.

(L’amendement n° 329, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n° 148.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit, dans l’hypothèse où un parlementaire continue d’exercer une activité professionnelle réelle mais réduite, du reste compréhensible et même souhaitable, de limiter sa rémunération globale à 150 % du montant de son indemnité de député ou de sénateur. Cet amendement avait été examiné et je l’avais voté au cours de l’examen du texte sur la transparence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Comme vient de l’indiquer notre collègue Laurent, nous avons déjà discuté de ce sujet à l’occasion de l’examen du texte sur la transparence. L’Assemblée a cherché les moyens d’y parvenir et je vous renvoie aux excellentes explications du président de la commission des lois de l’époque. Avis défavorable.

(L’amendement n° 148, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 3 ter

(L’article 3 ter est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 67, 238 et 293, qui visent à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 67.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 238 est-il défendu, monsieur Vercamer ?

M. Francis Vercamer. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement n° 293, madame Lacroute ?

Mme Valérie Lacroute. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 67, 238 et 293 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 303.

M. Sergio Coronado. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai conjointement mon amendement suivant n° 302.

L’amendement n° 303 propose que le parlementaire soit obligé de choisir entre ses différents mandats au terme du premier mandat parlementaire échu, 2014 pour un mandat municipal, 2015 pour un mandat régional ou départemental.

Repousser à la prochaine législature une promesse faite par les députés de la majorité actuelle ne serait pas compris par les électeurs. Il n’y a en effet pas lieu de tolérer le cumul des mandats des sénateurs qui seraient élus en 2014, et ne seraient donc pas soumis aux élections partielles.

J’ai entendu les arguments constitutionnels exposés notamment par le rapporteur mais avancer l’application des règles de suppléance et d’incompatibilités des élus ne nous semble pas contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le législateur a déjà à plusieurs reprises, d’ailleurs, modifié les règles électorales en cours de mandat, par exemple en allongeant ou raccourcissant la durée des mandats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 303 ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Défavorable. Je l’ai déjà dit, l’ensemble des constitutionnalistes que nous avons auditionnés en amont de ce débat nous ont recommandé, pour des raisons de solidité juridique du texte, la date d’application de 2017. Même le plus allant pour choisir une date plus avancée, soit 2014, soit 2014-2015 – ce que vous proposez – a commencé son propos, il s’agissait de Dominique Rousseau, en nous donnant des arguments en faveur de ces dates mais en précisant néanmoins que la plus sûre était 2017. Je vous suggère d’en rester à l’hypothèse qui donne la plus grande solidité juridique au texte et donc à la date proposée, soit 2017.

(L’amendement n° 303, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 302, 319 rectifié, 188, 295 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 302 a été défendu.

La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 319 rectifié.

M. Jacques Valax. Marie Chapdelaine et moi-même saluons votre courage, monsieur le ministre, d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour, texte que nous allons voter dès la semaine prochaine. La qualité de vos interventions mérite d’être soulignée.

M. Christian Jacob. Voilà une intervention nécessaire !

M. Jacques Valax. Je sais aussi le principe qui a guidé l’ensemble de vos interventions, à savoir le respect de l’équilibre du texte.

M. Guy Geoffroy. Comme vous élevez le débat, mon cher collègue !

M. Jacques Valax. Au cours de la discussion générale, j’ai souligné qu’il s’agissait d’un bon texte, précis, clair, équilibré et, vous l’avez dit vous-même, d’un bon compromis.

M. Martial Saddier. Oh, là, là !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai !

M. Jacques Valax. Vous savez mon engagement pour que ce texte s’applique le plus rapidement possible et j’ai rappelé que depuis plus de trente ans nos concitoyens attendaient un signe fort de notre part.

M. Martial Saddier. Mais quelle est votre demande au ministre, une nouvelle gendarmerie ?

M. Jacques Valax. Je sais aujourd’hui qu’il sera donné dans les jours qui viennent.

M. Nicolas Dhuicq. Un nouveau commissariat ?

M. Martial Saddier. Et la réserve parlementaire ?

M. Jacques Valax. Je sais aussi que nos concitoyens veulent une concrétisation rapide de nos engagements.

M. Nicolas Dhuicq. À moins que M. Valax n’espère tout simplement un déplacement du ministre dans sa circonscription.

M. Jacques Valax. Je connais les risques constitutionnels qui viennent d’être rappelés mais je sais aussi, et je l’évoque très objectivement, le risque politique d’une certaine déception de nos concitoyens. Je défends donc cet amendement et reste à l’écoute de vos observations, monsieur le ministre.

M. Martial Saddier. Oh, là, là !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 188.

M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

M. le président. Est-ce le cas de l’amendement n° 295, madame Lacroute ?

Mme Valérie Lacroute. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 70.

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement traduit l’inquiétude que nous pouvons éprouver, nous députés, au sujet du traitement qui pourrait être réservé à nos collègues sénateurs, en particulier ceux de la majorité, au regard du dernier article de ce projet de loi. Je redoute en effet qu’il n’y ait des négociations auprès des sénateurs pour les autoriser à exercer leur mandat de maire pour ceux qui seraient élus maires en 2014 et élus ou réélus sénateurs la même année puisque le Sénat est désormais renouvelé par moitié.

M. Christian Jacob. Ah, la petite cuisine politique !

M. Nicolas Dhuicq. Je crains vraiment que vous ne nouiez des accords pour autoriser certains sénateurs connus soit à devenir ministres, soit, s’ils ne devenaient pas ministres, à pouvoir exercer non pas un mandat de député-maire, comme nous, pendant trois ans, mais de sénateur-maire pendant six ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Ces amendements ne sont pas de même nature. Je crois avoir fourni à plusieurs reprises à notre collègue Valax…

M. Christian Jacob. Qui a prononcé une bien belle intervention !

M. Christophe Borgel, rapporteur. …les arguments en faveur de l’année prévue initialement par le texte, à savoir 2017. Je comprends votre constance à préférer 2014, mon cher collègue, mais je vous propose de retirer votre amendement et d’en rester au texte.

Certains collègues proposent, pour leur part, de repousser l’application du texte à 2020 à cause du fait que des députés-maires risquent d’être réélus maires en 2014 et qu’il faudrait leur permettre de terminer leur mandat de maire en 2020. On pourrait ainsi repousser la date d’élection en élection.

M. Martial Saddier. Et le Sénat ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je vais y venir, ne vous inquiétez pas, monsieur Saddier.

Je suggère de choisir la date la plus sûre et qui, en même temps, ne donne pas le sentiment à nos concitoyens que nous repoussons l’application des incompatibilités prévues par le texte aux calendes grecques, si je puis dire.

Enfin, monsieur Dhuicq, j’entends bien vos inquiétudes et je vais y répondre, mais, avant cela, j’ai du mal à comprendre, puisque vous nous soupçonnez de tenter quelque chose pour les sénateurs de la majorité, comment nous pourrions, dans un texte de loi, trouver une date qui ne s’applique qu’aux sénateurs de la majorité.

M. Christian Jacob. C’est que nous vous savons capables de tout !

M. Christophe Borgel, rapporteur. Je vous remercie du talent que vous nous prêtez, monsieur le président Jacob.

Nous l’avons dit en commission et répété en séance et je le fais une dernière fois en essayant d’être parfaitement clair : le texte commencera à s’appliquer à partir de mars 2017 au premier renouvellement de chaque assemblée, ainsi que le précise le texte. Autrement dit, sous réserve de l’absence de dissolution, le texte s’appliquera en juin 2017 pour les députés, en septembre 2017 pour les sénateurs des deux séries et en 2019 pour les parlementaires européens.

Il n’y a donc pas lieu de repousser à 2020 l’application du texte pour la série renouvelée en 2014 puisque, si nous travaillons assez rapidement, la loi sera promulguée au moment de leur élection. Ils auront donc connaissance des règles d’incompatibilité et on ne pourra pas arguer que leur mandat a été interrompu par de nouvelles règles. Les raisons qui conduisent à repousser l’application du texte à 2020 ne seront plus valables puisque la loi sera connue et s’appliquera de la même manière pour tous les sénateurs des deux séries qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Je prends acte des observations de M. le rapporteur et, en accord avec Marie Chapdelaine qui a cosigné mon amendement, je le retire.

(L’amendement n° 319 rectifié est retiré.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien !

(Les amendements nos 302, 188, 295 et 70, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 4 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi organique. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi organique auront lieu le mardi 9 juillet après les questions au Gouvernement.

2

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant
au Parlement européen

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission, les articles du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (nos 886, 1174).

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, inscrit sur l’article 1er.

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans la mesure où nous traitons d’un sujet tout à fait identique et de dispositions similaires pour les députés européens, je ferai grâce à notre assemblée, à cette heure tardive, de reprendre tous les arguments…

M. Guy Geoffroy. Dommage, c’était une chance pour la majorité de saisir le problème !

M. Jean-Frédéric Poisson. …qui nous conduisent à devoir repousser également et pour les mêmes raisons l’interdiction de cumuler pour les députés européens.

Je ferai une remarque, si l’on me le permet, même si cela a déjà été évoqué…

M. Martial Saddier. Moi, je n’ai pas compris.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour M. Saddier alors, à titre exceptionnel (Sourires.)

Il y a quelques jours, nous avons discuté – et d’ailleurs c’était un débat d’anthologie – d’une proposition de loi de nos collègues du groupe RRDP sur la restauration d’une circonscription électorale unique aux élections européennes.

Je me souviens qu’à l’époque, le groupe socialiste avait ardemment défendu l’idée du maintien des circonscriptions régionalisées, si je puis dire, pour ce scrutin, reprenant notre argument sur le fait que nous devions veiller à la proximité des députés européens avec leurs circonscriptions et leurs territoires.

Dans le cas présent, nous sommes en train de déraciner définitivement les députés européens puisqu’ils n’auront plus le droit d’exercer des responsabilités locales – je ne reprends pas les raisons qui sont les mêmes.

J’ajoute, si vous me le permettez, que l’application définitive du texte, en vertu de l’article 3 de ce projet de loi ordinaire, se fera après le renouvellement du Parlement européen suivant le 31 mars 2017, et donc, en toute hypothèse, en 2019 ou 2020. En matière de rotation rapide et de renouvellement de la classe politique, on pourrait faire plus vif ! C’est la raison pour laquelle je m’interroge sur la cohérence de vos intentions. Voilà la ligne que nous défendrons dans l’examen de ce projet de loi ordinaire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français boudent majoritairement les élections européennes, si ce n’est pour transmettre des messages de protestation.

Ce n’est pas ici le lieu de rappeler le problème posé par l’administration bruxelloise et nos pertes de souveraineté majeures. Néanmoins c’est une question sur laquelle nous reviendrons.

Les parlementaires européens souffrent d’un manque d’ancrage territorial. Contrairement aux députés allemands, ils sont élus sur des scrutins de listes qui favorisent, dans la tradition des partis politiques, l’installation sur les listes de ceux qui sont en fin de parcours ou en attente d’autres positions…

M. Sergio Coronado. C’est sympa pour Rachida Dati !

M. Nicolas Dhuicq. …ou qui ne pourraient pas exercer pour une autre raison d’autres fonctions plus nationales, va-t-on dire.

Ce projet de loi va à l’encontre de cet ancrage – qu’affectionnent particulièrement nos compatriotes – du député européen sur un territoire comme l’ensemble des élus. Je ne vois personnellement aucune raison pour empêcher un excellent maire d’arrondissement parisien, que vous venez de citer fort justement, de pouvoir continuer à exercer son métier de député parallèlement.

Voilà pourquoi nous pensons que cette loi doit aussi être abrogée et supprimée et que vous devez revenir à la raison.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 13.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous allons considérer qu’il a été défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Notre collègue Jean-Frédéric Poisson a commencé sa défense en indiquant qu’il ferait grâce à l’assemblée, à cette heure, des arguments en faveur de la suppression de l’article au motif qu’ils rappelleraient un peu la discussion que nous avons eue sur l’article 1er du projet de loi organique. Pour les mêmes motifs que lui, je me contenterai de rappeler les arguments que j’ai développés à l’article 1er du projet de loi organique et d’émettre un avis défavorable au nom de la commission.

(L’amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 39.

M. Sergio Coronado. Je serai aussi courtois que M. Poisson avec cette assemblée et je vais donc éviter de répéter les arguments que nous avons donnés lors du précédent débat.

Je me contenterai de vous dire, par expérience, que les écologistes n’envoient pas à Bruxelles des responsables politiques en fin de parcours mais des élus pleins de talent, et qu’aucun des parlementaires ne cumule avec un mandat local, tout simplement parce que c’est impossible au regard du fonctionnement du Parlement européen et de son organisation : les commissions se réunissent le lundi et les travaux se poursuivent jusqu’au jeudi après-midi. Les cumuls existants se font au détriment de l’un des deux mandats et nous le savons pertinemment parce que les taux d’absentéisme de certains parlementaires français suscitent des commentaires européens savoureux, notamment de la part d’un journaliste bien connu.

Nous défendons pour ce texte les mêmes principes que ceux que nous avons défendus pour le précédent : un mandat unique pour les parlementaires européens. Si l’assemblée n’était pas sensible à nos arguments, nous avons déposé un amendement de repli, n° 52 rectifié – sachant que l’amendement n° 43 sera retiré –, prévoyant que la seule et unique possibilité de cumuler se fasse avec un mandat de conseiller municipal.

En revanche, je suis totalement d’accord avec mon collègue Poisson sur un point : pourquoi permettre aux parlementaires européens d’échapper à la règle commune qui va s’appliquer jusqu’en 2019 ? Nous pouvons aller plus vite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. Notre collègue Coronado nous a dit qu’il nous ferait grâce des explications. Pour ma part, je vais vraiment le faire. Avis défavorable.

(L’amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 52 rectifié.

M. Sergio Coronado. Défendu.

(L’amendement n° 52 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l’amendement n° 15.

Mme Laurence Dumont. Défendu.

(L’amendement n° 15, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Borgel, rapporteur. C’est un amendement qui a été présenté dans les mêmes termes dans le cadre du projet de loi organique. La commission y est défavorable pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l’amendement n° 22.

Mme Laurence Dumont. Défendu.

(L’amendement n° 22, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 43.

M. Sergio Coronado. Retiré.

(L’amendement n° 43 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 42.

M. Sergio Coronado. Défendu.

(L’amendement n° 42, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 1er bis

(L’article 1er bis est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Au moment où va s’achever ce débat de façon fort heureusement favorable, je voudrais rendre hommage à un constitutionnaliste qui s’est longtemps battu contre le cumul des mandats, Guy Carcassonne, en disant : cumulatio delenda est.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. À mon tour, je vais prendre une dernière fois la parole à cette heure avancée.

Monsieur le ministre, vous prétendez que ce n’est pas grave si le parlementaire national n’a plus d’ancrage local puisque la taille de sa circonscription élective lui garantit cet ancrage local. Pour ma part, je soutiens l’amendement de mon collègue Poisson parce que je pense que l’on ne peut pas faire cette comparaison. C’est un élément d’incohérence de plus.

Compte tenu de son mode d’élection et de la taille de sa circonscription, le législateur européen sera encore plus déconnecté sans ancrage local. Or c’est ce que nous reprochons régulièrement aux instances européennes et à nos collègues européens.

(L’amendement n° 1, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n° 2, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. En quelques mots, je voudrais revenir sur l’échéance de l’application de la loi ordinaire. Elle ne pourra pas survenir qu’après le renouvellement du Parlement européen, non pas le prochain mais le suivant, c’est-à-dire que nous avons la perspective de légiférer à une échéance de six ans.

Je loue la capacité d’anticipation du Gouvernement, monsieur le ministre, et sa capacité de vision à long terme. Mais, je le répète, par rapport aux objectifs de renouvellement rapide et massif du personnel politique de ce pays, on est un peu décalé en matière de pertinence et de cohérence d’objectifs.

M. Guy Geoffroy. C’est de l’affichage !

M. Martial Saddier. Du symbole !

M. Jean-Frédéric Poisson. De plus, j’ai l’honneur d’avoir été nommé co-rapporteur de la commission des lois pour l’application de cette loi. Je ne suis pas tout à fait certain que je serai encore en situation de veiller à la bonne application de cette loi pendant le mandat de 2017, car cela suppose que je sois réélu en juin 2017 dans cette belle maison. Je m’en réjouis d’avance parce que cela me permettrait de remplir normalement mes obligations de co-rapporteur pour l’application de cette belle loi, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. À cette heure tardive, je voudrais faire une petite remarque : le loup revient en France. Dans mon département, il y a trois loups qu’il est impossible de tirer avant au moins un an puisqu’il faut huit mois d’analyses ADN. Il faut donc attendre que les brebis soient égorgées, sachant que vous payez dix fonctionnaires de l’Office national de la chasse pour les surveiller et seulement prendre des photos. Et si nous, Français, nous tirons plus de vingt-quatre loups hors du plan de chasse, nous devons payer 1,5 million d’amende à Bruxelles par loup tiré.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Quelqu’un pourrait-il éteindre la lumière ? (Sourires.)

M. Nicolas Dhuicq. Et le berger, qui en a assez de voir ses bêtes égorgées, devra payer au moins 60 000 euros et faire de la prison.

M. Martial Saddier. Il a raison, c’est scandaleux !

M. Nicolas Dhuicq. Cela n’a l’air de rien mais puisque le loup fait 80 à 100 kilomètres par jour, vous aurez des loups y compris en région parisienne. Peut-être qu’à ce moment-là, les urbains qui légifèrent aujourd’hui se souviendront qu’il est important que les eurodéputés aient un ancrage territorial, qu’ils aient une fonction locale et qu’ils soient liés à un mandat local et à une circonscription pour eux et eux seuls par un scrutin uninominal.

Cessez de faire des lois qui sont dans les idées, faites des lois qui soient dans le concret, faites-nous des élus de terrains, cessez d’avoir des idées abstraites et de purification absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. L’amendement n° 3 de suppression de l’article a déjà été défendu par M. Jean-Frédéric Poisson.

(L’amendement n° 3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Sergio Coronado. Je voudrais rassurer mon collègue Dhuiq : nous avons un vrai débat sur cette question au sein de la délégation du parti écologiste au Parlement européen, et je crois savoir que le parlementaire européen José Bové est plutôt sur votre position alors qu’il n’occupe aucun mandat local. Voyez que l’on peut être très près de son territoire et défendre les intérêts des ruraux sans avoir à cumuler deux mandats !

Revenons à notre collègue Poisson qui se demande s’il sera encore là pour vérifier l’application de cette loi. C’est une vraie question – en dehors de sa dimension affective. Rien ne s’oppose à ce que cette loi s’applique aux parlementaires européens dès l’année prochaine puisqu’ils ne sont pas concernés par les élections partielles.

(L’amendement n° 4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 9 juillet, après les questions au Gouvernement.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 9 juillet à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Votes solennels sur les projets de loi organique et ordinaire interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur ou de représentant au Parlement européen ;

Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche ;

Projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État ;

Proposition de loi relative à la journée nationale de la Résistance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 5 juillet 2013, à trois heures.)