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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 9 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Réforme des retraites

M. Patrice Carvalho

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Programme Mobilité 21

M. Gérard Charasse

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Emplois a domicile

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Investissements d’avenir

Mme Frédérique Massat

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique environnementale

M. Philippe Plisson

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Hausse du prix de l’électricité

M. Patrick Balkany

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Résultats en matière économique et sociale

M. Jean-Paul Bacquet

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Occupations de terrains par les gens du voyage

M. Christian Estrosi

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Conséquences de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur la politique agricole

M. Paul Molac

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Schéma national des infrastructures de transport

M. Dominique Bussereau

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

Mme Nathalie Appéré

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Situation en Égypte

M. Philippe Folliot

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Prélèvements obligatoires

M. Dominique Tian

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Infractions au stationnement

M. Francis Hillmeyer

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Aides à la presse

M. Patrice Martin-Lalande

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Suspension et reprise de la séance

2. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur – Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen

Votes solennels

Explications de vote communes

M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Michel Piron, M. Sergio Coronado, M. Alain Tourret

Vote sur le projet de loi organique

Vote sur le projet de loi

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Enseignement supérieur et recherche

Commission mixte paritaire

Présentation

M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission mixte paritaire

Discussion générale

M. Thierry Braillard

Mme Marie-George Buffet

Mme Sandrine Doucet

M. Patrick Hetzel

M. Rudy Salles

Mme Isabelle Attard

M. Jean-Yves Le Déaut

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 1, 2, 3, 4, 5

Vote sur l’ensemble

4. Admission en qualité de pupille de l’État

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Présentation

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Mme Linda Gourjade, rapporteure de la commission des affaires sociales

Discussion générale

Mme Annie Le Houerou

Mme Bérengère Poletti

M. Francis Hillmeyer

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Dominique Orliac

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Jean-Pierre Vigier

Mme Sylviane Bulteau

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Guillaume Chevrollier

Articles 1er bis à 3

Vote sur l’ensemble

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu, jeudi dernier, les organisations syndicales et patronales, et lancé ainsi votre réforme des retraites. Elle suscite d’ores et déjà, vous le savez, inquiétude et mécontentement, tant elle ressemble comme une sœur à son aînée, la réforme Fillon.

Vous avez décidé d’avancer au pas de charge, afin d’éviter la mobilisation populaire. La concertation est censée être bouclée pendant l’été, le projet adopté en conseil des ministres début septembre puis soumis au Parlement à la rentrée, afin de se traduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. L’avenir de notre système de retraites mérite mieux qu’un débat à la hussarde qui camoufle une nouvelle régression sociale.

Nous ne toucherons pas à l’âge légal de la retraite, dites-vous, mais au cœur de votre réforme figure l’allongement de la durée de cotisation. De fait, cela dynamite l’âge légal. Le rapport Moreau propose de passer la durée de cotisation à quarante-trois ans, puis quarante-quatre. Si nous considérons l’allongement de la durée d’études et l’insertion de plus en plus difficile dans un emploi stable, cela repousse l’âge légal réel de départ à la retraite à soixante-six ans !

Comme vos prédécesseurs, vous êtes obsédé par les dépenses. Il faut regarder du côté des recettes. Il y a de quoi faire : 30 milliards par an d’exonérations de cotisations patronales, 300 milliards de revenus financiers des entreprises et des banques qui, soumis à cotisations, rapporteraient 24 milliards… Les pistes existent et exigent un vrai débat.

Monsieur le Premier ministre, renoncez à ce calendrier précipité et prenez le temps du débat public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que la réforme menée par le précédent gouvernement nous a conduits dans l’impasse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) puisque nous héritons aujourd’hui d’une situation grave, les retraites n’étant plus assurées dans la durée et les injustices s’étant accumulées. (Protestations sur les mêmes bancs.)

La volonté du Gouvernement est précisément de restaurer la confiance de nos concitoyens, et des jeunes générations en particulier, dans l’avenir de leur régime de retraites.

M. Bernard Deflesselles. C’est mal parti !

M. Arnaud Robinet. Ce n’est pas crédible !

Mme Marisol Touraine, ministre. Restaurer la confiance, monsieur le député, c’est garantir que dans dix, vingt ou trente ans, les retraites continueront d’être versées grâce à la solidarité nationale. Cela impose, contrairement à ce qu’a fait la droite, de ne pas en rester à une réforme de court terme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Restaurer la confiance, monsieur le député, c’est parler de justice et faire en sorte que la retraite des femmes soit comparable à celle des hommes ; c’est faire en sorte que celles et ceux qui ont connu des carrières pénibles soient mieux considérés. Cela, la droite ne l’a jamais fait !

M. Bernard Deflesselles. Mensonge !

Mme Marisol Touraine, ministre. Restaurer la confiance, monsieur le député, c’est aussi faire en sorte que les efforts nécessaires soient justement répartis alors que, dans sa réforme, le gouvernement de droite qui nous a précédés a fait reposer l’essentiel sinon la totalité de l’effort sur celles et ceux qui avaient commencé à travailler jeunes.

Vous le voyez, le temps de la concertation s’ouvre. Toutes les propositions sont sur la table, et seront entendues. Le Gouvernement souhaite aller de l’avant dans un esprit de responsabilité et de justice, contrairement à ce qu’a fait la droite jusqu’à maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Programme Mobilité 21

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Monsieur le Premier ministre, ma question concerne le rapport « Mobilité 21 » remis le 27 juin au ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche. Vous n’êtes pas sans connaître l’importance que revêt la qualité de la desserte des réseaux ferroviaires et routiers pour la sécurité, l’attractivité et le développement de nos territoires. Selon ce rapport, à défaut d’une extension des réseaux, l’entretien et la modernisation des infrastructures existantes devraient être la priorité des investissements de l’État. Il est juste que chaque région puisse se prévaloir de transports sûrs et performants. Le rapport de la commission n’a pas été attendu pour accorder la priorité aux projets qui concernent l’Auvergne, et en particulier ceux du département de l’Allier, dans la mise en œuvre du schéma national des infrastructures de transport.

Tout d’abord, la commission reconnaît l’évidence : l’aménagement de la route Centre-Europe Atlantique est crucial pour notre développement économique, mais surtout pour la sécurité de nos concitoyens. Par ailleurs, 2030, pour le Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, est un horizon lointain, qui repose sur des estimations de surcharge de la LGV 1, lesquelles ont toujours été dépassées par la réalité. Nous avons compris qu’après avoir payé les promesses de l’ancienne majorité, il reste seulement 9 milliards, ce qui correspond au dixième des engagements pris précédemment. De fait, si l’on conserve la date de 2030, il devient impératif de moderniser significativement la ligne actuelle Paris-Nevers-Moulins-Vichy-Riom-Clermont-Ferrand.

Ma question, monsieur le Premier ministre, est donc simple : quelles mesures concrètes votre gouvernement entreprendra-t-il pour offrir à l’Auvergne et en particulier à l’Allier une bonne accessibilité, sûre et juste sur le moyen comme sur le long terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Mes chers collègues, il y a trop de bruit ici, pendant les questions comme pendant les réponses !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous avez raison de le souligner, nos concitoyens attendent des transports qu’ils soient réguliers, sûrs, et qu’ils désenclavent les territoires. De ce point de vue, la commission Mobilité 21, présidée par M. Duron, a débouché sur des conclusions en rupture avec le passé pour éviter que les territoires ne soient sacrifiés sur l’autel des grandes infrastructures, au mépris de leur attente légitime d’un quotidien meilleur, dans le respect de l’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Un constat a été dressé dont nous tirons toutes les conséquences. Pas moins de 15 % du réseau national et des ouvrages d’art sont aujourd’hui de mauvaise qualité. Les dotations allouées ces dernières années aux infrastructures ont été deux fois inférieures à ce qu’elles auraient dû être, ne serait-ce que pour simplement les maintenir à niveau.

Dès cet après-midi, M. le Premier ministre annoncera et engagera un grand programme de mobilisation et d’investissement qui témoignera de notre détermination à relever le défi des transports et de la mobilité. L’État mais aussi les collectivités seront mobilisés, tout comme les grands opérateurs, SNCF et RFF.

La RCEA que vous avez évoquée illustre parfaitement une réalité que nous dénonçons : de grandes infrastructures n’accordant pas la priorité au transport local quotidien, ni aux grands flux. Cette infrastructure est des plus accidentogène.

Je me rendrai dès jeudi dans l’Allier, aux côtés d’Arnaud Montebourg, et en Saône-et-Loire l’après-midi. Je proposerai aux élus ce plan de mobilisation et de financement, ce qui n’obérera pas l’enjeu des grandes infrastructures qui dresseront le cap de la modernisation du transport de demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Emplois a domicile

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le Premier ministre, les particuliers qui emploient des personnes à domicile ne sont pas que des riches. Vous matraquez tellement les Français qu’aujourd’hui, dans un couple, il faut que les deux parents travaillent pour gagner l’argent du foyer !

Or, pendant leur absence, qui s’occupe des enfants ?

Plusieurs députés SRC. Caricature !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Qui fait le ménage ? Qui garde un malade ? Qui garde une personne âgée dépendante ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Machisme !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Depuis un an, votre majorité ne vote que des lois contre le travail ! Vous augmentez les taxes ! Vous augmentez les impôts ! Vous prenez le moindre euro à ceux qui ont encore la chance d’avoir un poste ! Vous pénalisez les entreprises en les forçant à détruire les emplois ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un peu de sérieux, mes chers collègues, car il s’agit de l’emploi de chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Croyez-vous qu’une personne sans emploi continuera à employer une personne à domicile ? Non, elle fera le travail elle-même ! Et quand les deux parents ont encore la chance d’avoir chacun un travail, ils se débrouillent !

C’est ainsi que le volume d’heures déclarées a baissé de 8 % en un an.

Monsieur le Premier ministre, vous incitez au travail au noir en France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

C’est vous et votre majorité qui développez le travail au noir en France ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, préférez-vous que les 2,2 millions de Français qui travaillent dans le secteur des emplois à domicile soient payés par des particuliers, c’est-à-dire avec de l’argent privé, ou indemnisés par Pôle Emploi, c’est-à-dire avec de l’argent public ?

Quand allez-vous comprendre que le système « je te donne d’une main, je te reprends de l’autre » ne fonctionne plus ?

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Quand allez-vous comprendre que nous sommes au bout du bout ?

Quand allez-vous cesser de détruire le travail en France et de faire avaler des couleuvres aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cachez votre joie, mes chers collègues !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je vais vous répondre précisément. C’est vrai, les emplois à domicile font l’objet d’une fiscalité qui a évolué ces derniers mois, pour des raisons que je vais vous expliquer.

Tout d’abord, un certain nombre d’emplois à domicile se voyaient appliquer un taux de TVA réduit qui lui-même avait fait l’objet de contentieux européens très nombreux et potentiellement fort coûteux pour la France.

Je vais vous rappeler, monsieur le député, ce que vous n’êtes pas sans savoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au travers des multiples contentieux ouverts devant l’Union européenne, qu’il s’agisse des organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou des emplois à domicile, un risque très important pesait sur nos finances publiques. Aussi avons-nous, au terme d’une négociation très poussée avec la Commission, décidé d’en sortir en appliquant le taux de TVA à taux réduit aux métiers pour lesquels la Commission avait donné son accord.

Une deuxième raison tient à ce que nous avons décidé l’an dernier de modifier les dispositions relatives à la protection des salariés employés à domicile. Un certain nombre d’entre eux étaient déclarés au forfait, d’autres au réel, afin de leur garantir un haut niveau de protection sociale de nature à lutter contre le travail au noir. Désormais, les salariés seront déclarés au réel et non plus au forfait.

Ces dispositions avaient été compliquées, d’ailleurs, par une décision prise en 2011 qui mettait fin à un excellent abattement mis en place par Jean-Louis Borloo pour inciter les employeurs à déclarer leurs salariés sur la base forfaitaire. Vous me parlez des statistiques mais vous savez bien qu’en période de crise, les personnes réduisent l’embauche à domicile. C’est ainsi très significativement le cas depuis 2008, sans lien avec les mesures fiscales que nous avons prises. Par ailleurs un certain nombre de personnes ont recours à des sociétés prestataires de services qui offrent un service clé en main beaucoup plus pratique pour les employeurs à domicile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Investissements d’avenir

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le Premier ministre, vous allez présenter dans quelques heures un plan d’ampleur d’investissements pour la France. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce plan portera les priorités de notre pays, celles de demain et celles des dix prochaines années.

Il répond à une double ambition, celle de la compétitivité de notre économie et de l’ambition durable de son développement.

Ce plan s’inscrit également dans le contexte de sérieux budgétaire qui est celui du Gouvernement et de sa majorité. Car investir pour la croissance n’est pas incompatible avec une gestion responsable des finances publiques. C’est donc un plan de vérité, non d’affichage, à l’inverse de ce que nous avons connu avec l’ancienne majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette ancienne majorité qui a fait croire aux Français qu’on pouvait porter un plan d’investissement de 250 milliards d’euros en vingt ans. Cette ancienne majorité qui s’était fait la spécialiste des projets colossaux non financés, reportant ainsi sur les générations futures le poids de l’addition. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont et M. Michel Ménard. Très bien !

Mme Frédérique Massat. Ce n’est pas votre méthode, monsieur le Premier ministre. Vous êtes dans le concret, le réel, le réalisable, non dans la démagogie, l’incantatoire et l’affichage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est du violon !

Mme Frédérique Massat. Ce plan concrétise la doctrine d’investissement de la majorité gouvernementale. Cette doctrine privilégie l’efficacité, l’efficacité réelle au service de tous les territoires, sans discrimination entre le rural et l’urbain.

Il portera, entre autres, les priorités de la transition écologique qui aura pour objectif de refonder notre modèle énergétique, de répondre aux enjeux liés à la mobilité, de permettre à la France de rester à la pointe de l’innovation et de la recherche, d’accompagner la reconquête industrielle.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pouvez-vous dresser les grandes lignes de ce plan et nous donner un premier calendrier de sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous avez raison, madame la députée, lorsque vous parlez de la maîtrise de nos comptes publics et du sérieux budgétaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) non comme un but en soi, mais pour dégager les marges de manœuvre nécessaires pour préparer l’avenir. Et pour préparer l’avenir, il faut investir et changer de méthode, en faisant des choix et en se fixant des priorités. C’est ce que je vais annoncer dans le détail après cette séance de questions au Gouvernement.

Mais vous me demandez des orientations, madame la députée, et je vous les donne volontiers.

Le Gouvernement s’appuie sur les capacités de la France. Je rappelle que la France mérite mieux qu’un dénigrement systématique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je le dis pour l’opposition, qui montre ici sa facilité à hurler.

M. Nicolas Bays. Ils n’aiment pas la France !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous sommes la deuxième puissance économique d’Europe, la cinquième puissance économique et industrielle du monde. C’est en nous appuyant sur nos atouts et en ayant le courage d’engager des réformes en profondeur que nous ferons les choix nécessaires à la préparation de l’avenir.

Au-delà du sérieux budgétaire, il y a les réformes de structure. Parmi elles, il y a la refondation de l’école et la réforme de notre système de formation professionnelle. Ce matin, Michel Sapin a engagé la négociation à ce sujet.

Puis, il y a la transition écologique. Je voudrais vous dire les priorités qui sont les nôtres.

D’abord, le ministre des transports l’a rappelé il y a quelques instants, nous voulons un plan de mobilité résolument tourné vers les transports du quotidien sans négliger pour autant les grands travaux.

M. Jean-Luc Reitzer. Le projet est abandonné !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’objectif, c’est que les territoires soient reliés et fonctionnent les uns avec les autres. Je puis d’ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement a choisi le scénario le plus ambitieux proposé par la commission Mobilité 21, présidée par votre collègue Philippe Duron.

Un député du groupe UMP. C’est un effet d’annonce !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. S’agissant des investissements d’avenir, la moitié sera consacrée à des investissements directs ou indirects pour la transition écologique, dont un plan sans précédent d’économies d’énergie, d’efficacité énergétique et de rénovation thermique.

M. Éric Straumann. Et la LGV Rhin-Rhône ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Enfin, les projets qui seront dans les appels d’offre du programme d’investissements d’avenir, dotés de façon très importante et gérés par le Commissariat général à l’investissement que dirige Louis Gallois, auront tous des règles d’éco-conditionnalité et cela, effectivement, c’est une rupture ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant des investissements dans le domaine de la santé, nous ne nous contentons pas de vagues promesses, comme cela avait été fait pour les transports, où des centaines de millions ou de milliards ont été annoncés sans un euro de financement ! Pour l’hôpital, nous proposons un plan ambitieux chaque année, dans les territoires de l’hexagone, dans les métropoles.

Par ailleurs, nous lançons un nouveau programme de rénovation urbaine, car le premier arrive à sa fin. Le ministre de la ville prépare de nouvelles règles du jeu. Tous les projets seront financés.

Enfin, la révolution numérique n’exclura aucun territoire. Un plan de 20 milliards d’euros sera mis en œuvre.

M. Sylvain Berrios. Ils sont où, les 20 milliards ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’attends du Parlement son appui, celui de la majorité et, je l’espère, celui de l’opposition. J’attends aussi l’engagement des régions, des métropoles, des départements et de tous les territoires pour redonner confiance dans l’avenir, redonner de l’élan et de la force ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Politique environnementale

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Plisson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

J’interviens aujourd’hui au nom du président Chanteguet et des députés SRC de la commission du développement durable, auxquels j’associe Henri Jibrayel, récemment converti à l’écologie, pour vous présenter nos félicitations et surtout vous exprimer nos espoirs et nos attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. Fayot !

M. Philippe Plisson. Nous connaissons vos convictions, votre sincérité et votre engagement. Il va vous falloir les concrétiser et vous pouvez pour cela compter sur notre entier et vigilant soutien.

Le Président de la République a dit avec force le 12 septembre qu’il entend faire de la France la nation de l’excellence environnementale, et cette volonté a été confirmée tout à l’heure par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Il n’est nul besoin d’en rappeler l’urgente nécessité et il vous appartient d’être l’artisan de cette transition écologique qui doit conjuguer l’exigence environnementale et l’activité économique par la relance de l’économie verte.

Le premier levier concerne la fiscalité écologique, qui ne doit pas être punitive, mais pédagogique.

Les premières mesures doivent consister dans le rééquilibrage de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques du gazole vers l’essence en préservant les prélèvements sur les petits budgets des Français dépendant de leur voiture pour leur trajet domicile-travail.

La seconde mesure consiste en la mise en place d’une contribution climat énergie sur le carbone, fortement symbolique, là encore assortie d’un taux progressif dans le temps. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, pouvons-nous espérer voir ces mesures connaître un début de mise en œuvre dans la loi de finances pour 2014 ?

Le second chantier est celui de la promotion des énergies renouvelables.

Pouvez-vous nous préciser l’agenda de la loi sur la transition énergétique à l’ordre du jour de nos travaux à l’automne ?

Enfin, confirmez-vous l’engagement du président Hollande concernant l’interdiction de l’exploitation des gaz de schiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent.)

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Plisson, votre question me permet de réaffirmer ici que la transition écologique et énergétique reste une priorité absolue pour le Gouvernement et une volonté forte du Président de la République et du Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Une ambition écologique, vous le savez, ne saurait se résumer à un exercice budgétaire ou extrabudgétaire, fussent ces exercices importants. Une ambition écologique, c’est une conviction à partager avec les Français et avec tous les parlementaires de cette assemblée.

La fiscalité écologique sera l’un des outils de cette transition. (« Encore des impôts ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le Premier ministre s’est engagé à amorcer le verdissement de notre fiscalité dès la loi de finances pour 2014, avec un principe et un objectif. Le principe sera d’inciter au changement de comportement en veillant au pouvoir d’achat des Français et à la compétitivité de nos entreprises. L’objectif sera de définir une trajectoire claire et adossée à une montée en charge progressive des instruments fiscaux qui la rendront possible.

Le président du Comité pour la fiscalité écologique, Christian de Perthuis, remettra au Gouvernement, dans les prochains jours, un rapport d’étape. Puis viendra le temps des arbitrages.

S’agissant de l’exploitation des gaz et des huiles de schiste par fracturation hydraulique, le Gouvernement restera ferme sur l’application rigoureuse de la loi du 13 juillet 2011, qui l’interdit sur le sol français. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous le voyez, monsieur Plisson, et la feuille de route du Gouvernement en porte témoignage, l’excellence environnementale est un objectif de tout le Gouvernement. Je le redis solennellement ici, ma détermination à réaliser cette feuille de route sera totale et le seul lobby qui aura de l’influence sur moi, c’est celui de l’intérêt général et de l’avenir des générations futures ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Hausse du prix de l’électricité

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Transparence !

M. Patrick Balkany. Monsieur le Premier ministre, 5 % ! Ce n’est malheureusement pas le taux de croissance de la France, mais la hausse du prix de l’électricité prévue au 1er août 2013, soit quatre fois l’inflation ! C’est aussi la double peine pour les Français car vous avez déjà décidé, monsieur le Premier ministre, une nouvelle hausse de 5 % en 2014.

M. Patrice Verchère. C’est un scandale !

M. Patrick Balkany. Une fois de plus, vous vous en prenez au pouvoir d’achat de nos concitoyens, dont beaucoup souffrent de la crise et de votre politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Car cette augmentation est directement liée à votre politique. Depuis le général de Gaulle, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont développé et maintenu la filière nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Elle constituait la garantie de l’indépendance énergétique de la France et d’une électricité moins chère. Vous avez délibérément fait le choix, monsieur le Premier ministre, de sacrifier cet outil aux lubies des Verts ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Éric Straumann. Fessenheim !

M. Patrick Balkany. Aujourd’hui, vous en faites payer le prix aux Français. Ils doivent le savoir, vous devez l’assumer ! Une telle hausse des prix est intolérable pour les familles qui ont déjà du mal à boucler les fins de mois. Écoutez enfin les Français et revenez sur votre décision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. La Commission de régulation de l’énergie a analysé la couverture des coûts d’EDF entre 2007 et 2012. Il aurait dû en résulter, effet de rattrapage inclus, une hausse du prix payé par les ménages de 17 %. Le Gouvernement a fait un autre choix, celui de protéger le pouvoir d’achat des Français (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) en lissant les hausses sur plusieurs années tout en assurant la couverture des coûts d’EDF. Le Conseil supérieur de l’énergie a proposé une hausse moyenne des tarifs de l’électricité pour les ménages de 5 % au 1er août prochain puis au 1er août 2014.

Mais en même temps, le prix des abonnements de faible puissance a été réduit afin d’atténuer le coût d’accès à l’électricité pour plusieurs millions de consommateurs. Mais en même temps, nous aidons les ménages en lançant avec Cécile Duflot un plan pour la rénovation thermique de l’habitat visant à réduire les factures.

M. Jacques Pélissard. Ça n’a rien à voir !

M. Philippe Martin, ministre. Mais en même temps, nous avons lancé une consultation sur le décret relatif à l’automatisation des tarifs sociaux pour les quatre millions de ménages les plus modestes. L’objectif du Gouvernement est de faire reculer la précarité énergétique pour huit millions de personnes.

M. Éric Straumann. Et Fessenheim ?

M. Philippe Martin, ministre. La vérité, monsieur le député, c’est que les coûts commerciaux ont été systématiquement sous-évalués entre 2007 et 2012 ! La vérité, c’est que nous devons gérer votre politique de fuite en avant ! La vérité, monsieur Balkany, c’est que vous et vos amis avez décidément un problème avec la vérité des comptes publics ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Démagogie !

Résultats en matière économique et sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Bacquet. Les chiffres du chômage, monsieur le ministre de l’économie, se sont stabilisés le mois dernier après vingt-quatre mois de hausse ininterrompue. Certes, ce n’est pas encore l’inversion de la courbe, mais comment ne pas y voir une amélioration de la situation ? (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Celle-ci se traduit aussi par l’augmentation de 0,5 % de la consommation des ménages en mai, par un rebond de la production industrielle, par un climat des affaires dont l’INSEE dit qu’il s’améliore et par la réévaluation de la prévision de croissance de la Banque de France.

M. Philippe Le Ray. Bref, tout va bien !

M. Jean-Paul Bacquet. Grâce au CICE, le coût du travail a diminué de 1,9 %. La gestion rigoureuse de l’État a permis de faire décélérer le déficit grâce à un effort inédit depuis plus de quinze ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ces premiers résultats sont encourageants. Ils prouvent que l’effort justement réparti demandé aux Français commence à porter ses fruits.

Certes, les temps sont difficiles. Cela ne date pas d’hier : François Fillon déclarait il y a six ans être à la tête d’un État en faillite. C’est d’ailleurs certainement pour vous aider, monsieur le ministre, qu’il vous a laissé une dette accrue de 600 milliards d’euros, 700 000 chômeurs en plus, un triple A disparu et une désindustrialisation massive !

Seul l’intérêt du pays doit compter ! En suscitant inquiétude, angoisses et incertitudes, l’opposition se discrédite aux yeux des Français.

M. Éric Straumann. Rien n’est moins sûr !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est pourtant le moment d’unir nos forces. De même, la démagogie facile dans laquelle certains se complaisent ne peut mener qu’au populisme. Sortons du déclinisme, du défaitisme et du pessimisme pour considérer la situation objectivement ! La situation s’améliore. Elle s’améliore lentement, certes, mais elle s’améliore tout de même, grâce à des mesures courageuses que le Premier ministre a engagées et qui laissent présager une reprise de l’activité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Puisse votre sage appel au reflux du déclinisme et de la démagogie être entendu, monsieur le député ! Cette petite musique du décrochage économique de la France n’est pas nouvelle, et se fait plutôt entendre lorsque la gauche est aux responsabilités. Je pense comme vous que c’est une exécrable façon de faire de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Cela nourrit l’anxiété et le pessimisme tout en minant la confiance dans le pays. On peut critiquer le Gouvernement, telle est la démocratie. On peut faire d’autres propositions, telle est la démocratie. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Ce n’est pas possible, mes chers collègues !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais dénigrer son pays, voilà qui n’est pas une attitude patriotique et saine et que nous ne devons pas accepter !

C’est vrai, la situation est difficile. C’est vrai, la politique de redressement exige des efforts et prend du temps. C’est vrai, l’héritage qu’on nous a laissé est lourd. Mais le redressement n’en est pas moins en marche !

M. Yves Censi. C’est le Soviet suprême !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je citerai trois éléments. La crédibilité de la France, d’abord. Si nous n’étions pas crédibles, aurions-nous vu le spread, c’est-à-dire l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne, se réduire ? Non ! Nous sommes crédibles, donc ça va mieux.

M. Yves Censi. Vous en bénéficiez !

M. Pierre Moscovici, ministre. La résistance de la France à la crise, ensuite. Certes, nous avons connu deux trimestres de récession, mais nous avons fait mieux que l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie.

M. Éric Straumann. Mieux que l’Allemagne ? (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Moscovici, ministre. Et enfin les faits et les résultats. La consommation résiste, le pouvoir d’achat retrouve une dynamique, l’investissement industriel repart.

Mme Claude Greff. Bravo ! Formidable !

M. Pierre Moscovici, ministre. Tout cela conduit en effet l’INSEE comme la Banque de France à prévoir qu’au deuxième trimestre nous sortirons de la récession grâce à une croissance de 0,2 % et nous avons des raisons de penser que ce sera le cas. Voilà pourquoi vous avez raison, monsieur le député. Le redressement, telle est la tâche du Gouvernement, avec le soutien de la majorité. Nous y parviendrons grâce aux mesures que nous prenons, et un peu d’unité nationale en sus ferait du bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Occupations de terrains par les gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues, nous écoutons la question !

M. Christian Estrosi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

« Comme beaucoup d’entre vous, je ne peux admettre des occupations illégales (...). C’est la raison pour laquelle je me bats contre des associations, des squats sauvages souvent mis en place par des réseaux mafieux ». Ces propos, ce sont les vôtres, monsieur Valls, tenus ici même en 2003 alors que vous étiez député-maire d’Évry, lors de l’examen de la loi de sécurité intérieure dont j’étais rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Eh oui, ça fait mal !

M. Christian Estrosi. Désormais, vous êtes chargé de faire respecter cette loi.

Face à des réactions excessives et tendant à des amalgames insupportables, je veux rappeler les faits. Le 30 juin dernier, 130 caravanes, tirées par de belles et grosses voitures, ont pénétré par effraction, à l’aide de pinces-monseigneur, sur plusieurs terrains de sport de la ville de Nice, saccageant des équipements refaits à neuf. Ma ville dispose pourtant d’une aire d’accueil conforme à la loi, avec des places disponibles.

Suite au refus de l’État de prendre les mesures nécessaires, j’ai utilisé tous les moyens de droit dont je dispose – caméras, relevé des immatriculations, procédures judiciaires, saisie conservatoire des véhicules (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) – et mis ainsi un terme à cette situation inacceptable car, quand on entre par effraction sur la propriété d’autrui et qu’on la détruit, on est tout simplement un délinquant.

Oui, il y a violation de la loi, et tous ceux qui nous écoutent savent que nous soulevons un vrai problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est le cas de très nombreux maires de tout bord ; et je pense notamment à notre collègue Christophe Priou, député-maire de Guérande qui, pour ces raisons, a démissionné avec son conseil municipal.

Monsieur le ministre, je vous le demande, avec la sérénité et le sang-froid que ce sujet mérite : approuvez-vous les propos du porte-parole du PS qui parle de « pogroms » ou, au contraire, allez-vous agir pour mettre un terme à des comportements inqualifiables sur le territoire de la République ? (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le respect de la loi est une exigence pour tous, et le droit et l’ordre public doivent être respectés en toutes circonstances.

Sur un sujet difficile comme celui-ci, l’État a le devoir de veiller à l’équilibre entre les droits des gens du voyage, notamment la liberté de circuler (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et leurs devoirs de citoyens, dont le premier est de respecter les lois. J’ajoute qu’il n’est pas acceptable que des personnes s’installent illicitement sur la propriété d’autrui, qu’il s’agisse de celle des particuliers ou de celle des collectivités publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Teissier. Nous ne disons pas autre chose !

M. Manuel Valls, ministre. Des procédures existent. Ainsi, après mise en demeure, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des caravanes. Je vous rappelle toutefois qu’il existe aussi, depuis 2000, une loi relative à l’accueil des gens du voyage, qui impose que les collectivités territoriales disposent d’aires d’accueil adaptées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Bernard Deflesselles. Il y en a !

M. Manuel Valls, ministre. …conformément au schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

Votre ville a une aire d’accueil, mais je constate que le département des Alpes-Maritimes, qui ne dispose pas lui-même d’une aire de grand passage, compte seulement quatre communes de plus de 5 000 habitants proposant une aire d’accueil, sur vingt-huit qui pourraient le faire. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour ce qui est de la ville de Guérande et du département de la Loire-Atlantique, tous deux exemplaires, je donnerai raison à M. Christophe Priou, et le préfet du département prendra les mesures qui s’imposent, après les décisions de justice à venir.

Cela étant, monsieur le député, le retour d’un discours fait d’amalgames et de raccourcis hâtifs est nuisible à la paix sociale et à la concorde qui doit exister dans notre pays. De ce point de vue, le discours que vous avez tenu il y a quelques jours fait mal à la France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Sur un sujet aussi sensible, je vous invite à ne pas confondre les populations, et à ne pas oublier que la plupart des gens du voyage sont français – bref, à tenir un discours républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Agissez ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Conséquences de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne sur la politique agricole

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste. (M. le Premier ministre quitte l’hémicycle – « Au revoir ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Molac. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Il n’est plus là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne sur un accord de libre-échange se sont ouvertes hier à Washington. La reconnaissance de l’exception culturelle, au crédit du Gouvernement français, a été accueillie comme une bonne nouvelle. Pour autant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. La question de l’harmonisation par le bas des normes et réglementations fait peser de nombreuses craintes sur notre modèle économique, industriel, social et écologique européen.

Par exemple, dans le cadre des accords de libre-échange de l’ALENA, le gouvernement du Québec, qui a prononcé un moratoire sur la fracturation hydraulique, est traîné devant la justice par l’entreprise américaine Lone Pine, qui lui réclame 250 millions de dollars.

En ce qui concerne l’alimentation, cela pourrait être la porte ouverte à l’alignement sur les normes américaines, des normes tellement rabotées qu’elles n’encadrent plus grand-chose, comme le disait récemment un commissaire européen. Si l’on s’alignait sur ces normes, les consommateurs européens n’auraient plus d’autre choix que de manger des OGM et de la viande aux hormones, ainsi que d’accepter que les carcasses de poulet soient nettoyées au chlore et les carcasses de bœuf à l’acide lactique.

En matière d’agriculture, la menace vient également des énormes capacités d’augmentation de la production par les agriculteurs américains qui pourront, à court terme, inonder le marché européen, avec des conséquences néfastes sur notre production de viande bovine et de céréales, ainsi que sur nos agriculteurs.

Le modèle agricole français, soutenu par l’actuel ministre de l’agriculture, développe les méthodes de l’agro-écologie, qui permet de limiter, voire de se passer du recours aux intrants et autres produits de synthèses. Ce n’est pas ce type d’agriculture que promeuvent les grands groupes américains de produits phytosanitaires et de semences OGM, qui veulent tout simplement emprisonner nos agriculteurs dans un système où ils ne deviendraient que de simples exécutants.

Monsieur le Premier ministre, quelles garanties peut-on attendre du gouvernement français quant au respect des normes et réglementations sanitaires et environnementales européennes dans l’accord qui se dessine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et, du groupe GDR, et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, vous m’avez posé une question sur le début de négociation entre les États-Unis et l’Union européenne, et l’incidence de cette négociation en matière agro-alimentaire.

Dans cette négociation, un mandat a été confié à la Commission, chargée de négocier pour l’Europe. Si on a beaucoup parlé de l’exception culturelle, on a oublié de préciser que des lignes avaient été tracées, dans le cadre du mandat de négociation confié à la Commission, sur trois grands sujets.

Le premier de ces sujets, que vous avez oublié de mentionner, est celui de la conception de l’agriculture, en particulier celle liée aux indications géographiques protégées – je viens moi-même de donner aujourd’hui la 200e appellation d’origine protégée. C’est là une conception de l’agriculture qui n’est pas celle des États-Unis, et qu’il faut protéger.

Le deuxième sujet est celui des productions sensibles en Europe, que nous devons également protéger – c’est la raison pour laquelle un accord avec le Canada portant sur la viande bovine, qui fait partie de ces productions sensibles, n’a toujours pas été signé.

Le troisième sujet, que vous avez évoqué, est celui des normes. Il serait paradoxal et inacceptable que l’Europe fixe des normes pour les agriculteurs européens – que ce soit dans le domaine sanitaire, dans celui du bien-être animal, ou encore dans le secteur environnemental – et que, dans le cadre d’un accord de libre-échange, on en vienne à accepter des produits ne respectant pas ces normes.

À partir de maintenant et pour les années qui viennent – car cet accord ne va pas être signé tout de suite –, la vigilance sera de mise sur les trois axes que je viens d’indiquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Schéma national des infrastructures de transport

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Bussereau. M. le Premier ministre a indiqué tout à l’heure que, dans le cadre des investissements d’avenir, il retenait plutôt, parmi les propositions du rapport Duron, le schéma n° 2 : si c’est en partie une bonne nouvelle, elle n’est cependant pas suffisante.

Sans mettre en cause les qualités de notre collègue Duron, ni de l’ensemble des collègues qui ont participé à cette commission, force est de reconnaître que son rapport, quoique de qualité, fait une place excessive au déclinisme et à la décroissance.

Je veux rappeler que, non seulement les socialistes avaient voté en faveur du SNIT au Sénat et s’étaient abstenus à l’Assemblée nationale, mais qu’ont été introduites dans le SNIT un certain nombre d’infrastructures demandées par des collègues situés sur tous ces bancs – ils doivent s’en souvenir – dont certains appartiennent à l’actuel gouvernement.

Nous avions introduit dans le SNIT, le schéma, non du possible, mais du souhaitable : la mise en œuvre d’un schéma d’infrastructures s’étend en effet sur vingt ans, et nous savions bien que tout ne serait pas financé immédiatement.

Ce qui est inquiétant dans le rapport Duron, c’est qu’au moment où notre pays a besoin de compétitivité et d’infrastructures pour l’avenir, il se tourne vers le déclin et la décroissance : dans quinze ou vingt ans, nous subirons les conséquences de tous les investissements que nous n’aurons pas faits.

Enfin, monsieur le ministre en charge des transports, êtes-vous bien conscient qu’en faisant fi de certaines promesses et de la parole de l’État, par les retards pris sur la ligne Bordeaux Toulouse Espagne, vous remettez en cause le financement des infrastructures actuellement construites, pour lesquelles nous avions sollicité les financements de régions bénéficiant de futures infrastructures.

Le financement des infrastructures actuelles n’est ainsi plus assuré. Je peux vous donner l’exemple d’un certain nombre de collectivités, dont la mienne, qui ne s’estiment plus liées par notre parole, puisque la parole de l’État n’est plus respectée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans connaître la réalité du schéma national des infrastructures de transport, de ces soixante-dix projets, qui s’inscrivaient à l’horizon 2025, de ce schéma lesté de 245 milliards, qui était, en somme, constitué de fausses promesses, financées de manière illusoire – tout simplement par des chèques en blanc remis aux collectivités.

Nous souhaitons – et c’est là que, monsieur le ministre, vous commettez une erreur – conférer rigueur et crédibilité à la parole de l’État. Il ne s’agit pas d’allonger, par de nouvelles promesses, un inventaire à la Prévert : est en jeu, tout au contraire, la crédibilité de la parole de l’État lorsqu’il s’engage sur des projets aux côtés des collectivités territoriales.

Qu’attendent les collectivités territoriales ? Que l’État soit au rendez-vous du transport du quotidien. Elles attendent certes de grandes infrastructures : vous vous trompez en parlant de déclinisme, alors que ce qui est en cause, ce sont la réalité et le sérieux budgétaire. Vous n’êtes pas sans savoir qu’entre la date de lancement d’un grand débat et la réalisation d’une infrastructure, par exemple ferroviaire, entre quinze et vingt ans sont nécessaires. Que fait-on et que dit-on à nos concitoyens au cours de ce laps de temps ? Sommes-nous en situation de répondre aux enjeux du quotidien ?

Vous connaissez, par exemple dans votre région, le cas d’agglomérations traversées par un flux routier et sujettes, de ce fait, à des problèmes de sécurité et de santé. Comment fait-on pour remettre à niveau ce type de situations ?

À cet égard, l’école polytechnique de Lausanne a dressé un constat éloquent concernant le secteur ferroviaire : si nous ne modernisons pas, si nous ne remettons pas à niveau nos infrastructures, il ne sera alors point la peine d’évoquer le fret ferroviaire, la compétitivité portuaire ni les transports du quotidien – TER et TET.

Nous avons – et le Premier ministre l’annoncera dans quelques instants – un grand projet d’investissement, et les transports en feront partie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme du Conseil supérieur de la magistrature

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Nathalie Appéré. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Depuis un an, l’opposition conservatrice rejette systématiquement toutes les réformes que nous mettons en œuvre pour une République exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons réformé le mode de scrutin pour garantir la parité au sein des conseils départementaux : la droite s’y est opposée.

Nous avons voté des mesures pour assurer plus de transparence dans la vie publique et pour mieux lutter contre la fraude fiscale : là encore la droite s’y est opposée. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Cochet. Et Cahuzac ?

Mme Nathalie Appéré. Nous allons, cet après-midi, avancer dans la limitation du cumul des mandats pour donner plus de souffle à notre démocratie : la droite s’y oppose encore.

Et que dire des attaques indignes dont ont fait l’objet un certain nombre de magistrats et même, ces derniers jours, le Conseil constitutionnel, parce qu’il a fait son travail, dit le droit et appliqué les règles qui s’imposent à tous – y compris à un ancien Président de la République qui les connaissait parfaitement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L’indépendance de la justice dérange. Il s’agit pourtant d’une condition indispensable à son impartialité, à son efficacité et donc à sa crédibilité pour nos concitoyens.

Voilà pourquoi nous nous sommes réjouis, madame la garde des sceaux, de l’interdiction de toute instruction individuelle dans les affaires qui concernent la justice. C’est d’ores et déjà un changement essentiel.

Mais, comme le Gouvernement, la majorité souhaite aller plus loin encore. Nous avons voté ici, à l’Assemblée nationale, une réforme du Conseil supérieur de la magistrature pour garantir l’indépendance de la justice. Pourtant, au Sénat, le blocage de l’opposition a mis à mal cette réforme qui nécessite une modification de la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la garde des Sceaux, comment entendez-vous avancer sur ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je partage totalement votre constat et votre analyse sur la transformation du projet de réforme constitutionnelle : il est en effet sorti profondément dénaturé des débats au Sénat.

Nous avons procédé à une concertation depuis octobre 2012, et nous avons sollicité toutes les sensibilités politiques. Les principes, les finalités et les dispositions de cette réforme étaient et demeurent clairement énoncés et affichés.

Il s’agit en premier lieu de lever toute suspicion envers les procureurs et les procureurs généraux, en alignant leur mode de nomination, ainsi que leur régime disciplinaire, sur ceux des magistrats du siège.

Il convient ensuite de garantir l’impartialité du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations et les sanctions disciplinaires ainsi que, plus généralement, de préserver l’impartialité des magistrats dans leur ensemble. Nous poursuivons cet objectif en assurant l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Nous voulons aussi éteindre les accusations de corporatisme. Nous le faisons en instaurant la parité entre magistrats et personnalités extérieures, et en confiant la présidence du Conseil supérieur de la magistrature à une personnalité extérieure.

Nous voulons enfin mettre un terme aux soupçons de pressions politiques, en renonçant à la désignation des personnalités extérieures par le pouvoir politique. (Exclamations sur les bancs du groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Menteuse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous l’avons vu ces dernières semaines : tous font l’objet de critiques – juges d’instruction, procureurs généraux et même le Conseil constitutionnel. Le même mécanisme de discrédit frappe les instances et l’institution judiciaires.

M. Jean-Luc Reitzer. Et le « mur des cons » ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En clair – et vous avez raison de lier ce projet de loi à celui qui interdit les instructions individuelles, car les deux s’articulent de manière cohérente et complémentaire –, tandis que certains choisissent l’instrumentalisation de la justice, d’autres préfèrent œuvrer à son indépendance.

Le Gouvernement étant attaché à cette réforme, il la réengagera dans le processus parlementaire dès la rentrée prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation en Égypte

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’Égypte est au bord du chaos, à deux doigts de la guerre civile. Au nom du groupe d’amitié France-Égypte de l’Assemblée nationale, que j’ai l’honneur de présider, je veux vous faire part de nos plus vives inquiétudes sur la situation dans le pays, préoccupations du reste partagées par mes deux prédécesseurs, Patrick Bloche et Hervé Gaymard, que je tiens à saluer.

L’heure est grave : des massacres ont eu lieu, les morts se comptent déjà par dizaines dans les deux camps d’une société divisée, fracturée. Ce face-à-face, c’est le choc des légitimités entre un président islamiste démocratiquement élu, mais qui a déçu, et une opposition portée par l’élan populaire de la révolution du 30 juin, qui réclame en vain des élections législatives depuis plus d’un an.

Face à cette situation chaotique, l’armée, institution incontournable et puissante, vient de prendre les rênes du pouvoir.

L’Égypte, puissance majeure de la région, a des relations historiques et ancestrales avec la France ; elle est mère d’une des plus belles civilisations qui soient. C’est un pays clé, car à la confluence de trois mondes : les mondes africain, arabo-musulman et méditerranéen.

Au-delà d’un appel au respect des institutions, à la tenue rapide d’élections, à la paix, au calme et à la retenue, quelles actions la France compte-t-elle mener pour aider l’Égypte à surmonter cette grave crise ? Nous ne pouvons en effet nous permettre l’ouverture d’un nouveau pôle d’instabilité si près de chez nous.

Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale des mesures que vous comptez prendre si la situation vient à empirer et à dégénérer pour protéger nos intérêts et nos ressortissants ? Envisagez-vous notamment d’évacuer nos compatriotes si besoin est ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur Folliot, vous avez décrit d’une façon malheureusement juste la situation. Pour répondre à la dernière partie de votre question, sachez que, bien évidemment, les dispositions sont prises dès aujourd’hui pour renforcer la protection de nos entreprises et faire en sorte que tous nos concitoyens qui sont recensés sur le territoire égyptien soient prévenus.

M. Dominique Tian. Ils regardent la télévision !

M. Laurent Fabius, ministre. La France a également pris des dispositions pour assurer la protection des bâtiments égyptiens.

Votre question porte, au-delà de ces considérations de sécurité, sur la situation égyptienne. Comment la résumer en un mot ? La réalité, ce sont les violences, et l’urgence c’est, au contraire, le rassemblement. C’est autour de ces deux idées que la France a rappelé sa disponibilité.

Concernant les violences, vous l’avez rappelé, plus de cinquante morts ont été recensés lundi. Il faut qu’il y ait une enquête ; ces violences sont inacceptables. De l’autre côté, l’appel au soulèvement l’est tout autant. Le rassemblement, c’est ce que nous demandons à chacun, en particulier au nouveau président, au Gouvernement, de façon que les élections soient rapidement organisées et qu’on retrouve un chemin démocratique. Voilà ce qui est conforme à la tradition de la France.

J’ai fait connaître aux nouvelles autorités égyptiennes, en particulier au ministre des affaires étrangères, notre disponibilité et j’ai l’intention de prendre contact, ainsi que le Président de la République me l’a demandé, avec le nouveau président égyptien.

Ces deux thèmes – refus de la violence, nécessité du rassemblement – sont conformes à la fois à la tradition de la France et aux intérêts supérieurs de l’Égypte qui, comme vous l’avez rappelé, est un grand pays dont il faut assurer autant que possible la stabilisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Prélèvements obligatoires

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le ministre de l’économie a déclaré ce week-end à Aix-en-Provence qu’il faudrait augmenter les impôts de 12 à 18 milliards d’euros en 2014. Ségolène Royal, que beaucoup connaissent ici, a déclaré non pas par tweet mais à la télévision qu’il ne fallait pas augmenter les impôts. Quant à Delphine Batho, elle a été débarquée du Gouvernement pour avoir commenté son budget. Bref, telle est la vie de la gauche.

M. Philippe Meunier. Excellent !

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Dominique Tian. Ces augmentations d’impôts viendront s’ajouter aux 30 milliards d’euros de prélèvements obligatoires instaurés depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Ces mesures impactent tous les Français : les ouvriers et les employés avec la fiscalisation des heures supplémentaires, les familles, qui sont touchées par la suppression de la réduction d’impôts pour frais de scolarité et le rabotage du quotient familial, etc.

Mais ce n’est pas fini : le rapporteur socialiste du budget, Christian Eckert, indique qu’il faudra encore trouver 2 à 4 milliards d’euros en s’appuyant sur la création d’une fiscalité écologique, l’augmentation du prix du diesel et l’alourdissement de la fiscalité pesant sur l’assurance-vie. S’il a déjà été prévu d’augmenter la TVA au 1er janvier, il est en outre envisagé d’augmenter les cotisations retraites.

En ce qui concerne les retraites, personne ne s’accorde au parti socialiste sur ce qu’il faut faire : impréparation, amateurisme, désaccord, le débat ne fait que commencer. La seule certitude, c’est que les retraités verront leur pension diminuer tandis que les cotisations retraites augmenteront, ainsi que M. Sapin l’a déjà indiqué.

Monsieur le Premier ministre, face à cette spirale infernale de la pression fiscale, ma question est simple : quelle est votre stratégie ? Pourquoi encore créer 60 000 postes inutiles dans l’enseignement ? Pourquoi mettre en place une réforme des rythmes scolaires dont personne ne veut et qui va coûter 250 millions d’euros de plus à l’État dès cette rentrée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pourquoi ne pas vous attaquer enfin aux dépenses publiques inutiles au lieu de faire atteindre à notre pays un niveau de pression fiscale record en Europe ? Monsieur le Premier ministre, vous devriez vous souvenir que trop d’impôt tue l’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je vous remercie de cette question, qui permet d’apporter des précisions utiles. Cette question serait d’ailleurs intéressante, pertinente si les éléments d’information qu’elle comporte étaient justes ; or ils sont quasiment tous faux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Et la suppression des heures supplémentaires défiscalisées, c’est faux ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je les reprendrai l’un après l’autre.

Vous indiquez tout d’abord que nous allons augmenter les impôts de 18 milliards d’euros dans le courant de l’année 2014. Ce chiffre est absolument fantaisiste. Nous avons présenté devant la commission des finances nos engagements de finances publiques et indiqué à cette occasion que, pour 2014, la pression fiscale augmenterait de 0,3 %, ce qui correspond à une augmentation en produit de 6 milliards d’euros. Nous sommes donc loin des 18 milliards d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ces 6 milliards d’euros de recettes correspondent d’ailleurs en grande partie à l’augmentation de recettes attendue de la lutte contre la fraude fiscale, pour laquelle nous avons pris des dispositions qui ont d’ailleurs été reçues de façon assez positive dans cet hémicycle. Cela m’a conduit à prendre une circulaire proposant des conditions totalement transparentes de mise en conformité au droit de la situation des fraudeurs ayant placé des avoirs à l’étranger.

Par ailleurs, nous avons également l’intention de procéder au toilettage d’un certain nombre de niches sociales et fiscales. En outre, des taxes qui avaient été prévues l’an dernier et qui n’ont pas été mises en œuvre en application des décisions du Conseil constitutionnel – je pense notamment au projet de taxe à 75 % – seront prélevées en 2014.

Les chiffres que vous donnez sont donc faux et ne visent qu’à faire peur : ils relèvent d’une propagande réitérée question après question mais ne correspondent en aucun cas aux intentions du Gouvernement.

M. Yves Censi. C’est une parole d’expert !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je conclurai en vous indiquant que si nous n’avons pas l’intention de recourir aux impôts aussi massivement que vous le sous-entendez, c’est parce que nous avons décidé d’équilibrer les comptes de notre pays par un effort considérable de contrôle des dépenses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : ce sont 14 milliards d’euros d’économies que nous sommes en train de documenter et que nous présenterons à la représentation nationale au moment du débat sur le projet de loi de finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Infractions au stationnement

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

L’article 36 bis du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale, introduit par voie d’amendement au Sénat, prévoit une dépénalisation de la contravention concernant un acquittement insuffisant de stationnement payant.

Ce texte dispose que le montant de l’amende sera désormais fixé par les mairies, pour l’adapter aux contraintes de chacune, et qu’il ne pourra dépasser le prix d’une journée de stationnement. L’avantage à relever est le fléchage de cet argent vers les transports publics – au lieu qu’il soit dilué dans le budget général –, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les finances communales.

Toutefois, dans certaines villes, l’amende peut atteindre 36 euros, soit plus du double par rapport aux 17 euros fixés par la loi du 1er août 2011. La voie est ouverte à de possibles dérives. Des garde-fous sont donc nécessaires, car les automobilistes ne doivent pas devenir la variable d’ajustement des finances publiques.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Francis Hillmeyer. Par ailleurs, le tribunal de police deviendrait incompétent en matière de contestation d’un PV litigieux et l’automobiliste devrait se tourner vers le tribunal administratif, ce qui l’obligerait de facto à accompagner son courrier d’un timbre fiscal de 35 euros.

Loin de moi l’idée de banaliser les stationnements indélicats. Toutefois, force est de constater que chaque automobiliste peut un jour éprouver le besoin de contester une amende. Par ailleurs, c’est une rupture d’égalité entre les Français selon leur lieu de résidence.

Ce que les conducteurs vous demandent, monsieur le ministre, c’est l’instauration d’un plafond de cette amende et l’exonération du timbre fiscal de 35 euros pour les contestataires d’un PV de stationnement litigieux.

Monsieur le ministre, ce projet de loi arrive dans notre hémicycle la semaine prochaine. Pouvez-vous nous dire quelle est votre position sur un sujet qui touche de nombreux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le Gouvernement n’est pas opposé à cette évolution qui fait suite au vote du Sénat et est défendue depuis longtemps par le Groupement des autorités responsables de transport.

M. François Rochebloine. On n’est pas forcé de suivre le Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. À mon avis, sur ce sujet, il n’y a pas de besoin de crier, monsieur le député ! (Sourires.)

Toutefois, conscient des difficultés juridiques, financières et, plus largement, opérationnelles d’une telle évolution, le Gouvernement souhaite apporter toutes les garanties nécessaires à la bonne mise en œuvre de cette réforme.

C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a mandaté une mission. Celle-ci doit notamment identifier les procédures afin que cette réforme ne se traduise pas par une perte de recettes, tant pour les collectivités locales que pour l’État. Le Gouvernement est en effet très attentif au maintien de la logique actuelle de péréquation – sur laquelle repose la répartition du produit d’une partie des amendes de police, au profit des communes de moins de 10 000 habitants – et, d’une manière plus générale, à l’égalité des territoires.

Le dispositif de contestation des titres de recettes qui se substitueront aux amendes doit également être expertisé de façon très rigoureuse pour apporter à nos concitoyens toutes les garanties de transparence, d’égalité et de respect des droits de la défense et éviter – j’imagine que vous y serez sensible – toute saturation de notre système judiciaire, notamment à travers le choix de la juridiction compétente.

Dès que le rapport sera remis au Gouvernement, les modalités concrètes de mise en application du dispositif pourront être débattues et arrêtées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Aides à la presse

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrice Martin-Lalande. Ma question était destinée à M. le Premier ministre.

La presse quotidienne régionale est lue chaque jour par 19 millions de lecteurs ; elle fait vivre 16 000 salariés, dont 5 000 journalistes et entretient, comme nous le savons tous, un réseau unique de 30 000 correspondants locaux.

Hier, pour la première fois de son histoire, la presse régionale unanime a publié un appel solennel aux pouvoirs publics à ne pas « casser » l’outil du portage.

Comme ancien rapporteur spécial du budget des médias, je peux témoigner que le portage constitue l’un des outils les plus efficaces pour la reconquête des lecteurs.

À juste titre, le gouvernement précédent, à la suite des états généraux de la presse écrite de 2008, avait considérablement augmenté l’aide au portage. Il l’avait maintenue, en 2012, au niveau de 45 millions d’euros.

Aujourd’hui, les décisions prises par votre gouvernement menacent gravement le portage de la presse régionale, qui est une activité de main-d’œuvre. Non seulement vous avez réduit cette aide au portage à 38 millions d’euros dans la loi de finances pour 2013, mais vous avez gelé le quart de la somme allouée.

Pour assurer le pluralisme de l’information et permettre la reconquête des lecteurs face à la concurrence de l’internet, le Gouvernement doit arrêter d’entraver le développement du portage, voire de l’étrangler.

C’est là l’exemple même de la mauvaise économie budgétaire car, avec le renoncement à ce qui constitue le meilleur outil de reconquête des lecteurs, ce sont toutes les autres aides à la presse qui perdent de leur efficacité.

Enfin, déjà privée des petites annonces, confrontée à un marché publicitaire en pleine régression et lourdement concurrencée par l’internet, la presse régionale a peur d’une nouvelle hémorragie de ses ressources si le Gouvernement remet en cause les règles du marché publicitaire.

La fourniture d’une information locale de qualité est une mission d’intérêt général. Votre gouvernement s’engage-t-il à maintenir les aides à la presse régionale pour lui permettre de remplir cette mission et de réussir son adaptation à l’ère numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, c’est la situation de la presse écrite dans son ensemble qui préoccupe le Gouvernement.

À l’automne dernier, les messageries Presstalis ont connu un certain nombre de mouvements sociaux qui ont considérablement fragilisé nos diffuseurs de niveau trois, notamment les kiosquiers. Nous avons pris des mesures d’urgence pour améliorer la situation sociale des kiosquiers, qui sont aujourd’hui le maillon le plus fragile de la chaîne de la presse. J’ai débloqué à cette fin un fonds de 1 million d’euros.

Le Gouvernement a aussi obtenu un accord historique des partenaires sociaux avec Presstalis pour permettre, pas à pas, de rétablir la situation de cette grande entreprise de distribution de la presse, sans laquelle il n’y aurait tout simplement plus de presse dans notre pays. Cet accord – historique, je le répète – se met en place petit à petit.

Il est vrai que l’aide au portage a vu ses crédits légèrement diminuer, mais il faut replacer cela dans une réflexion globale – celle que j’ai confiée à un groupe de travail sur les aides à la presse, présidé par Roch-Olivier Maistre. Ce groupe de travail a identifié un certain nombre de réformes à mettre en place pour éviter les doublons entre les aides.

Comme vous le savez, l’ensemble des aides à la presse dans notre pays représente, si l’on prend en compte la TVA, plusieurs centaines de millions d’euros. Il faut que ces aides soient efficaces. J’annoncerai demain matin un certain nombre de pistes de réforme qui permettront d’accompagner le secteur de la presse dans sa transition numérique et technologique. Tel est bien, en effet, l’enjeu : pouvoir cibler ces aides sur les évolutions technologiques et numériques et donner la priorité au niveau trois des diffuseurs, en particulier aux kiosquiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur – Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen

Votes solennels

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (nos 885, 1173) et sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au parlement européen (nos 886 et 1174).

Explications de vote communes

M. le président. Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Aujourd’hui, le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités exécutives locales est une pratique courante. Le non-cumul est l’exception et le cumul la règle. Près de 90 % des parlementaires français exercent un mandat local, alors que la proportion n’excède pas 20 % dans les autres démocraties européennes.

Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens qui, toutes les études le démontrent, portent un jugement particulièrement sévère sur leurs responsables politiques.

Il est temps de prendre des mesures fortes pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus, pour réconcilier les Français avec leurs représentants et leur démocratie. C’est pourquoi, favorables à une stricte limitation des mandats, nous approuvons l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaire.

Par ces deux projets de loi, le champ des incompatibilités est considérablement élargi, puisque les fonctions exécutives locales prises en considération recouvrent non seulement celles qui reviennent aux présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales – quelle que soit leur importance démographique – mais aussi celles d’adjoint au maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué, de vice-président de conseil général ou régional, ainsi que les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale, sans oublier de nombreuses fonctions dérivées que nos débats ont permis d’intégrer.

La date retenue pour l’entrée en vigueur de la loi nous apparaît à la fois justifiée par le risque d’inconstitutionnalité et plus lisible, puisque effective à partir du prochain renouvellement.

Ce dispositif, équilibré dans son périmètre comme dans son calendrier, lève un obstacle à la rénovation de la vie publique. Le non cumul est d’abord une question de principe ; il permet aux parlementaires de se consacrer à l’exercice de leur fonction et de se saisir pleinement des pouvoirs qui leur sont conférés par la Constitution. Il représente aussi une exigence démocratique ; il permet de revaloriser le rôle du Parlement et de mieux articuler le niveau national avec les échelons locaux.

Enfin, une limitation stricte du cumul des mandats favorisera l’indispensable renouvellement en ouvrant l’accès aux fonctions électives à davantage de femmes, de jeunes, d’ouvriers et d’employés, de Français issus de l’immigration.

Concernant la modification des règles de remplacement des parlementaires, nous approuvons l’extension des cas de remplacement par le suppléant aux seules situations de cumul, ce qui nous paraît plus conforme au respect de la souveraineté populaire.

La réforme proposée constitue une avancée réelle sur le chemin de la modernisation et de la rénovation de notre vie politique. Une avancée nécessaire, mais insuffisante, puisqu’elle en appelle d’autres, nous l’espérons, dans le courant de la législature : non cumul des mandats locaux ; création d’un statut de l’élu ; instauration de la représentation proportionnelle.

Sous cette réserve, et pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront majoritairement pour ces deux projets de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Godillots !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, seule la gauche s’y est employée, pour l’instant !

1985 : le Parlement interdisait le cumul entre les fonctions de président de conseil général et président de conseil régional, une évidence aujourd’hui ; c’était à l’initiative de la gauche.

2000 : le cumul était limité à deux mandats électifs, une autre évidence ; c’était encore à l’initiative de la gauche.

M. Jean-Luc Reitzer. Et cela suffisait !

Mme Laurence Dumont. 2013 : c’est toujours la gauche qui porte le travail de démocratisation de la vie politique française.

M. Antoine Herth. Comme pour les retraites ?

Mme Laurence Dumont. Demain, la limitation du cumul des mandats contribuera à améliorer le fonctionnement de nos institutions, j’en suis intimement persuadée.

M. Yves Fromion. Ce qu’il faut, c’est créer de l’emploi !

Mme Laurence Dumont. Les Français plébiscitent d’ailleurs cette réforme.

M. Jean-Frédéric Poisson. Non !

M. Jean-Luc Reitzer. C’est sans doute pour cela qu’ils élisent des députés-maires !

Mme Laurence Dumont. Nous, nous portons la responsabilité de les réconcilier avec la vie publique et politique, et ce texte peut grandement y contribuer. C’était d’ailleurs un engagement de François Hollande : il sera tenu, et nous en sommes fiers.

Je veux enfin, devant la représentation nationale,…

M. Guy Geoffroy. Qui est unanime !

Mme Laurence Dumont. …comme responsable de ce texte pour le groupe socialiste, saluer le remarquable travail du rapporteur Christophe Borgel, que je remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Bravo !

Mme Laurence Dumont. Nous avons là un texte qui a le mérite d’être clair et précis.

M. Guy Geoffroy. Clair et précis ? Nous n’avons pas lu le même !

Mme Laurence Dumont. Ce texte constitue la première étape d’une petite révolution démocratique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il en faudra d’autres : le cumul des mandats locaux devra lui aussi être limité, et accompagné de la mise en œuvre d’un véritable statut de l’élu. Nous en sommes tous convaincus.

Sur ce texte, qui ne concerne que les parlementaires, nos débats ont pu être houleux : mettons cela sur le compte de la passion et de la fougue que peut susciter ce sujet, pour les élus que nous sommes.

M. Jean-Luc Reitzer. La passion d’être maire, madame !

Mme Laurence Dumont. Mais je veux revenir ici sur certains arguments.

Limiter le cumul des mandats s’impose pour que les parlementaires le soient à 100 %, entre le travail qu’ils fournissent à l’Assemblée, et celui qu’ils fournissent dans leur circonscription.

M. Jean-Luc Reitzer. Mais les deux se complètent !

Mme Laurence Dumont. Limiter le cumul des mandats permettra d’ouvrir la vie politique, grâce à un réel partage des pouvoirs et à un véritable renouvellement. Ce renouvellement est devenu une exigence, pour que l’exercice de la démocratie s’ouvre à tous, dans le respect de la parité, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la diversité des origines, des générations et des classes sociales.

Limiter le cumul des mandats garantira la liberté de choix de l’électeur. En effet, lorsque le candidat qui représente les convictions de l’électeur détient déjà un mandat, celui-ci n’a pas d’autre alternative que de se résigner au cumul ou de voter contre ses convictions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avec cette loi, le choix sera clair.

M. Jean-Luc Reitzer. N’importe quoi !

Mme Laurence Dumont. Limiter le cumul des mandats ne fera pas de nous, comme on l’a trop souvent entendu, des parlementaires hors sol.

M. Jean-Luc Reitzer. Mais si !

M. Jacques Myard. Des apparatchiks !

Mme Laurence Dumont. Bien au contraire : un élu rendu plus disponible sera plus présent sur le terrain.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est l’inverse !

Mme Laurence Dumont. Mes chers collègues, il faut en finir avec l’idée selon laquelle on n’aurait de lien avec un territoire qu’en le dirigeant. N’est-ce pas plutôt le cumul des fonctions et des responsabilités électives qui tend à couper les élus des préoccupations de leurs concitoyens ?

Limiter le cumul des mandats, enfin, et c’est là l’essentiel, renforcera les pouvoirs du Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. C’est le contraire ! On en reparlera !

Mme Laurence Dumont. Comme le soulignait Guy Carcassonne (Mêmes mouvements) – chers collègues, si vous ne m’écoutez pas, écoutez au moins Guy Carcassonne…

M. le président. Chers collègues, vous aurez bientôt l’occasion de voter et nous saurons alors ce que pense chacun d’entre vous. Pour l’instant, écoutez l’oratrice.

Mme Laurence Dumont. Comme le disait Guy Carcassonne, « le Parlement ne manque pas de pouvoir, mais de parlementaires pour les exercer. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Le Mèner. Il n’était pas député !

Mme Laurence Dumont. La revalorisation du Parlement et la recherche d’un nouvel équilibre entre le législatif et l’exécutif imposent cette réforme. De cette manière, les parlementaires auront vraiment les moyens d’accomplir leur triple mission : faire la loi, évaluer la loi et contrôler le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Et représenter, madame !

Mme Laurence Dumont. Par ailleurs, on sait bien que la décentralisation et le développement de l’intercommunalité nécessitent des élus locaux présents et concentrés sur la gestion de leur collectivité. Ce texte est d’ailleurs une belle occasion de leur rendre hommage, à ces élus locaux. (Mêmes mouvements.)

Alors, chers collègues députés, ayez du courage ! Ayez surtout l’audace de rompre avec cette exception française, qui gangrène notre démocratie et limite le renouvellement et la parité en politique ! Cette spécificité de la France doit cesser.

Parce que des élus plus divers seront plus représentatifs, parce que des élus plus disponibles seront plus responsables, parce que des élus recentrés sur leur fonction propre seront plus justes et plus efficaces, le groupe socialiste votera bien évidemment ce texte.

Les Français nous le demandent…

M. Jean-Luc Reitzer. Les Français demandent du travail et des emplois !

Mme Laurence Dumont. …nos engagements nous y obligent, notre conscience l’exige, alors faisons-le ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat qui a précédé notre vote d’aujourd’hui s’est malheureusement inscrit sous le double signe de la méfiance et de la suspicion, à l’égard du Parlement en particulier, et des élus en général.

Il eût pourtant été possible, durant la période qui a précédé notre vote, de valoriser le Parlement aux yeux de l’opinion publique. Malheureusement, le vocabulaire que vous avez choisi d’employer dès l’automne et le calendrier que vous nous avez soumis, avec l’examen successif du texte sur la transparence, des textes institutionnels relatifs au mode d’élection des conseillers départementaux et, la semaine prochaine, du texte sur les métropoles, rien de tout cela n’a permis d’aborder sereinement la question du rôle essentiel du Parlement dans notre République, et donc celle de notre rôle dans les institutions et le fonctionnement de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.)

Nos débats ont révélé votre farouche et inexplicable volonté d’en finir avec l’enracinement ou l’ancrage local des parlementaires, chers collègues de la majorité. Ils ont fait voir également votre acharnement tout particulier contre les fonctions exécutives locales, alors même que d’autres fonctions et d’autres mandats demeurent compatibles avec un mandat de parlementaire, dans le texte que vous nous proposez.

M. Jean-Luc Reitzer. Tout à fait !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous voulez revaloriser le rôle du Parlement en interdisant aux parlementaires, non pas d’exercer d’autres mandats, mais d’exercer des fonctions exécutives dans les collectivités locales. Or ce n’est pas du tout la même chose. Votre argument consiste à dire que l’exercice d’autres mandats serait chronophage et empêcherait les parlementaires d’exercer correctement leurs fonctions. Vous affichez l’ambition de renforcer notre institution, d’améliorer son fonctionnement, et donc de renforcer dans le débat public notre place et celle du Parlement.

En réalité, quelles seraient les conséquences de votre projet, s’il était adopté en dernière lecture ?

La première conséquence serait, à l’évidence, une uniformisation de notre parlement. Le fait de rompre avec la diversité des engagements et des parcours qui sont les nôtres et de ne plus laisser le choix aux parlementaires qui le souhaitent de s’engager dans des exécutifs locaux aurait à l’évidence pour effet de n’envoyer ici qu’un seul type de parlementaires, avec un seul type de parcours et un seul type d’expérience. Or, mes chers collègues, ce qui fait la vie de cette enceinte, c’est précisément la diversité de nos origines, de nos expériences et de nos engagements. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

La deuxième conséquence consisterait dans un enrégimentement du Parlement et dans un affaiblissement de son fonctionnement et de son pouvoir. Est-ce qu’un Parlement coupé de ses origines, qui sont majoritairement locales, ne serait pas sous la tutelle directe des administrations, voire des partis politiques ?

M. Jacques Myard. Des apparatchiks !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ceci n’est évidemment souhaitable ni pour notre institution, ni pour la démocratie, ni pour le peuple français.

La troisième conséquence, – notre collègue Marc Dolez y a fait allusion tout à l’heure et il semble qu’elle soit déjà « dans les tuyaux », comme on dit trivialement – c’est que demain les élus locaux seront eux aussi soumis à cette interdiction stricte de cumuler leur mandat avec l’exercice de responsabilités dans un établissement public. Vous avez déjà inscrit dans la loi sur laquelle nous nous apprêtons à voter l’interdiction pour les parlementaires d’être à la tête d’établissements publics à fiscalité propre ou sans fiscalité propre.

Votre argument, c’est la disponibilité : les parlementaires seraient plus disponibles. Comment imaginer qu’un parlementaire présidant la commission des finances d’un conseil régional serait plus disponible qu’un parlementaire qui serait maire adjoint d’une commune de 3 500 habitants ?

M. Jean-Luc Reitzer. Très juste !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous dites que les Français attendent cette mesure, mais il n’y a aucune trace de cette attente et de cette urgence dans l’opinion publique.

Vous dites que le travail des parlementaires profiterait d’un abandon de leurs fonctions exécutives locales. Or rien ne démontre que les parlementaires qui ont un ancrage local travaillent moins que ceux qui n’en ont pas.

Vous dites qu’il est urgent de rénover la vie politique, mais votre texte ne s’appliquera qu’en 2017 pour le Parlement national, et en 2019 pour le Parlement européen : vous parlez d’une urgence !

Vous dites, enfin, qu’il s’agit là d’un engagement du Président de la République.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est un talisman !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous attendons encore impatiemment la liste des engagements du Président que vous entendez respecter, et la liste de ceux que vous ne respecterez pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Mes chers collègues, vous êtes incapables de présenter aujourd’hui la République rénovée que vous vantez texte après texte ; vous êtes incapables de préciser le mode de fonctionnement auquel nous serons soumis à l’avenir ; vous êtes incapables d’évoquer le statut de l’élu, qui est attendu par tous et qui serait l’aboutissement de la réforme que vous proposez. Au fond, votre projet global alternatif de VIe République, qui avance rampante, n’est pas précisé à ce jour.

Nous, nous voulons respecter les électeurs, respecter notre propre diversité, et respecter la possibilité pour les députés et les sénateurs d’exercer un mandat exécutif. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, le cumul des mandats est un vrai problème, et un problème très français. Mais, madame Dumont, l’évidence peut quelquefois n’être pas évidente, comme nous le rappelle Vladimir Jankélévitch au début de son Traité des vertus. Il est vrai que chez nous, 82 % des députés et 77 % des sénateurs sont en situation de cumul, alors qu’ils sont moins de 20 % en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, qui en compte même moins de 10 %.

Mais pourquoi cela ? Parce qu’une autre organisation institutionnelle et territoriale caractérise tous ces pays.

M. Yves Fromion. Eh oui ! C’est cela, le problème !

M. Michel Piron. Fédéraux, de droit ou de fait, ils accordent en effet beaucoup plus de pouvoir aux instances territoriales. Dans les régions de ces pays – qu’on les appelle Länder ou comunidades, qu’on parle de l’Écosse ou du pays de Galles – les trois quarts des règles sont fabriquées par les élus territoriaux. Qu’il s’agisse d’accompagnement des entreprises, de formation professionnelle, d’éducation, ou même de santé, on légifère dans toutes ces régions, – et nous n’en demandons pas tant – alors qu’on réglemente à peine dans les nôtres. En France, en effet, on fabrique la quasi-totalité des règles au niveau national, dans cet hémicycle, dans celui du Sénat et au Gouvernement, lequel est assisté par l’administration centrale.

En conséquence, un élu local, un conseiller régional, n’a pas d’autre possibilité, pour modifier les règles du jeu et peser sur elles, que d’être également élu au niveau national. C’est vrai pour les maires de grandes villes, mais aussi pour les présidents de grandes agglomérations ou de régions, qui savent parfaitement que, non seulement l’exercice des responsabilités territoriales se fait sous des contraintes réglementaires fortes – qui sont parfois même étouffantes –, mais que le seul moyen d’influer sur leur définition, c’est d’être parlementaire. On ne peut donc pas séparer la réflexion sur le cumul d’une réflexion sur notre système de gouvernance

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Michel Piron. C’est bien là une invitation à aller beaucoup plus loin dans le sens de la décentralisation.

Nous ne résoudrons pas correctement la question du cumul, si nous ne posons pas en même temps celle de la gouvernance en général, et celle du rapport entre les collectivités locales et l’État. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI et UMP.) Vous le voyez donc bien : faute de vous demander – de nous demander – pourquoi le cumul est si répandu dans notre pays, vous ne traitez pas la cause, mais seulement l’effet, car le cumul est au fond l’enfant naturel de la centralisation.

M. Claude Goasguen et M. Francis Vercamer. Bravo !

M. Michel Piron. Nous ne croyons donc pas que l’on puisse régler, au détour d’un projet de loi, disons de circonstance, une question qui est en réalité beaucoup plus vaste et profonde. Pire, on peut même craindre que demain, dans un système de gouvernance inchangé, ce texte n’aggrave la situation actuelle, en renforçant la centralisation des décisions et en multipliant les normes, dont l’applicabilité sur les territoires est déjà souvent douteuse et contestée.

M. Dominique Le Mèner. Très bien !

M. Michel Piron. De surcroît, l’interdiction faite aux parlementaires de cumuler des mandats exécutifs locaux accroîtrait encore les pouvoirs du Président de la République, déjà exceptionnels dans notre pays, et qui ont encore été renforcés par la réforme de 2000, parachevée par l’inversion du calendrier électoral.

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

M. Michel Piron. Les députés de la majorité, désormais élus dans la foulée du président, seront, plus encore qu’hier, dans sa dépendance, alors que ceux qui, aujourd’hui, ont un mandat local, ne dépendent pas de leur mandat parlementaire.

Aussi bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, si vous tenez, malgré tout à légiférer sur le seul cumul, je vous invite à tempérer au moins votre projet, en autorisant certains cumuls entre mandats territoriaux et nationaux. Ce ne serait certes qu’un pis-aller, mais au moins, que l’on n’aggrave pas la situation dans laquelle nous nous trouvons, avec, je le rappelle, une réforme territoriale qui s’est enlisée, et qu’à la profonde crise économique et sociale, voire sociétale, qui affecte notre pays comme d’autres en Europe, on n’ajoute pas, chez nous, les prémices d’une crise de gouvernance majeure à venir !

Nous vous avons invité à emprunter cette voie, monsieur le ministre, mais vous n’y avez pas consenti. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe UDI se prononce majoritairement contre ce projet, même si, compte tenu des intentions qui ont animé ces deux textes, certains de mes collègues s’abstiendront. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les projets de loi que le Gouvernement a présentés au Parlement mettent fin au cumul des mandats de parlementaire avec les fonctions exécutives locales. C’est en effet, comme certains ont paru le regretter, la fin de la figure du député-maire.

C’était l’engagement n° 48 de François Hollande, et par là même de l’ensemble de la majorité parlementaire.

Pour autant, ce n’est pas la fin des cumuls de mandats, de ces carrières politiques qui durent le temps d’une vie et de ces dizaines de fonctions et de responsabilités que d’aucuns se plaisent à occuper. C’est néanmoins un pas supplémentaire vers la fin d’une regrettable exception française.

Au moment où nous nous apprêtons à voter ces textes, je voudrais rappeler, comme l’a fait Laurence Dumont, que c’est toujours à l’initiative de gouvernements de gauche que des restrictions au cumul des mandats ont été votées. C’est en effet en 1985, sous l’autorité de François Mitterrand, que le gouvernement de Laurent Fabius fit adopter les premières restrictions. C’est ensuite le gouvernement de Lionel Jospin qui renoua avec cette volonté politique, de manière énergique, en demandant dès 1997 à ses ministres d’abandonner progressivement leurs fonctions exécutives locales, et par le recours à la loi.

La loi du 5 avril 2000 ne fit que renforcer les règles existantes en plafonnant les indemnités et en rendant plus strictes les incompatibilités. Elle fut freinée dans son ambition par l’opposition du Sénat, majoritairement acquis à la droite à l’époque.

La droite a en effet toujours soutenu le cumul des mandats, multipliant les dérogations à la loi, défendant l’idée que le cumul serait une garantie de proximité et de connaissance du pays réel.

Mettre fin au cumul des mandats, c’est permettre le renouvellement de la classe politique. C’est permettre la diversité et la parité dans la représentation. Seuls 27 % des députés sont des femmes, et 22 % des sénateurs. L’âge moyen des membres de notre assemblée avoisine les cinquante-cinq ans.

Mettre fin au cumul des mandats, c’est réduire en partie les conflits d’intérêt qui existent entre la défense des intérêts locaux, des baronnies, des clientèles, et celle de l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mettre fin au cumul des mandats, c’est redonner du sens à notre démocratie, c’est encourager les élus à s’investir pleinement dans chacun de leurs mandats, c’est leur permettre d’être chaque jour disponibles pour leurs électeurs.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Sergio Coronado. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez choisi de défendre, au cours de nos débats, le parallélisme des formes. Seul est désormais banni le cumul du mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.

Nous, écologistes, avons préféré défendre une certaine cohérence, et l’idée que pour mettre fin au cumul il faut intégrer dans la même démarche mandats nationaux et mandats locaux, sans oublier les établissements publics.

Nous avons défendu l’idée qu’il n’est pas sage de laisser cumuler les indemnités, et que le mandat de parlementaire se suffit à lui-même. Nous pensons qu’il faut en effet aller vers le mandat unique.

Nous pensons que limiter le cumul, c’est aussi le limiter dans le temps. Nous nous étions félicités du vote de la commission des lois limitant à trois le nombre de mandats parlementaires successifs. Et nous avons vu à l’œuvre, au nom d’un obscur équilibre, tous les conservatismes pour supprimer cette disposition. Quel dommage et quelle erreur !

Par le dépôt de deux amendements sur le congé parental et le congé maternité, nous avons voulu poser la question de la couverture maladie et du remplacement temporaire pour les élus qui seraient empêchés d’exercer leur mandat. Pour l’heure, cette question n’a pas trouvé de réponse.

La Constitution de 1958 a été adoptée par une assemblée ne comptant que 1,3 % de femmes.

M. Jacques Myard. Non ! Elle a été adoptée par le peuple !

M. Sergio Coronado. Rien d’étonnant à ce que nos institutions ne soient pas adaptées aux réalités de la vie : à la maternité, à la paternité, ou encore à la maladie.

M. Jean-Luc Reitzer. Ayatollah !

M. Sergio Coronado. Nous avons constaté la difficulté des parlementaires à conduire sereinement une réforme qui les concerne au premier chef. Jamais d’ailleurs le Parlement n’a été à l’initiative sur le sujet, il a toujours débattu à contrecœur sous la pression de l’exécutif.

Pour notre part, ce n’est pas à contrecœur que nous voterons ces textes, conscients qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la politique est une affaire de consensus, terme si cher au Président de la République. La majorité doit faire des propositions, mais il lui appartient d’écouter ses alliés et de ne pas négliger l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Jean-Luc Reitzer. La majorité divise !

M. Alain Tourret. La gauche a toujours voulu limiter le cumul des mandats. Elle le montra sous Lionel Jospin, mais décida de prendre en compte les observations du Sénat et d’une partie de sa majorité. Elle décida à l’époque qu’un élu ne pourrait diriger plus d’un exécutif, qu’il soit ou non parlementaire. Cette règle fit consensus, et elle est inscrite sur les tables de la loi.

Il est vrai qu’en tant que parlementaires et partenaires de la majorité présidentielle, nous sommes tenus par la proposition n° 48 du Président de la République. Mais prévoit-elle ? « Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. » Le Président de la République s’est-il alors engagé sur le mandat unique ? À l’évidence, non. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) D’ailleurs le projet de loi qui nous est soumis prévoit le cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de conseiller régional, départemental ou municipal.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Alain Tourret. L’interprétation de l’engagement présidentiel par le Gouvernement est donc libre. Or qu’on le veuille ou non, le projet de loi que l’on nous propose aujourd’hui est dogmatique, cassant, frontal. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RRDP ainsi que des groupes UMP et UDI.)

Nous ne le voterons pas pour les raisons suivantes. La première est que nous n’avons pas à faire les frais des divisions du Parti socialiste. (Mêmes mouvements.)

Si votre loi est l’alpha et l’oméga de la politique, pourquoi ne l’appliquez-vous pas à vos élus, députés et sénateurs, qui se sont engagés par écrit à se l’appliquer aussitôt ? (Mêmes mouvements.)

Pourquoi renvoyez-vous l’application de la loi à l’année 2017, et non pas à 2014 ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Parce que ce ne serait pas constitutionnel ! Nous respectons le Conseil constitutionnel.

M. Alain Tourret. Deuxièmement, pour une raison qui nous échappe totalement, vous avez décidé de faire des maires les boucs émissaires de la vie politique de France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RRDP ainsi que des groupes UMP et UDI.) Selon vous, un parlementaire maire serait par définition moins présent, moins efficace et moins actif. Vous vous moquez totalement des analyses des professeurs de science politique qui affirment le contraire.

Le maire d’une commune de quarante habitants, comme celui de Malloué dans ma circonscription, ne pourrait donc pas être député, mais il pourrait être conseiller régional. Comprenne qui pourra. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

Les conséquences seront calamiteuses pour l’équilibre des pouvoirs, qui penche déjà bien fortement en faveur de l’exécutif dans la Constitution de 1958. Les maires de Château-Chinon, de Lille, La Rochelle, Nantes, Tulle, Bordeaux ou Marseille n’auraient donc pas pu siéger à l’Assemblée. L’absence de bon sens ne peut tenir lieu de politique. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

En éliminant les élus locaux du Parlement, vous brisez les digues qui s’opposent à la montée du populisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous brisez les digues qui s’opposent à la montée du Front national. Le propre d’un maire est justement d’avoir du bon sens, d’être un repère consensuel, et par-là même de s’opposer au populisme.

Vous avez refusé toutes nos propositions. Nous acceptions le non-cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de président de conseil régional ou départemental, ou de maire de grande ville. Vous avez refusé jusqu’à la notion de seuil, que pourtant vous aviez admise pour l’application de la parité aux élections municipales.

Mais surtout, vous avez refusé de nous entendre quand nous avons proposé d’instituer le non-cumul des indemnités d’élus. Avec votre loi, un parlementaire pourra toucher ses indemnités de conseiller régional et de conseiller départemental. Qui est le ringard : celui qui propose le cumul des fonctions ou celui qui accepte le cumul des indemnités ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Catherine Vautrin. Bravo !

M. Alain Tourret. Les ringards, ce n’est pas nous ! Les modernistes, c’est nous !

Vous pensez vous inscrire dans le politiquement correct, vous êtes en réalité à la recherche d’une opinion qui vous échappe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Jadis, le philosophe Alain, ce grand normand, écrivait dans La Dépêche de Rouen que le radical était le citoyen contre les pouvoirs. Le parlementaire-maire, c’est l’humaniste décrit par Alain, qui sait s’opposer au pouvoir exécutif, qui sait s’opposer à l’administration, bien loin de la république des apparatchiks que produira votre loi. (Applaudissements sur certains bancs du groupe RRDP. Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

C’est pourquoi, avec gravité mais avec conviction, nous voterons contre un texte inabouti et dogmatique, en espérant que vous aurez la sagesse de nous écouter pour parvenir avec l’appui du Sénat à une loi consensuelle et républicaine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI. Certains députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent l’orateur.)

Vote sur le projet de loi organique

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 553

Nombre de suffrages exprimés 528

Majorité absolue 265

(Le projet de loi organique est adopté.)

(Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont de nombreux membres se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Vote sur le projet de loi

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 553

Nombre de suffrages exprimés 533

Majorité absolue 267

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux membres et quittent l’hémicycle.)

M. Patrick Balkany. Vous allez dégager, et on reviendra dessus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. En prison, Balkany !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, je voudrais saluer d’un mot tous les parlementaires qui ont participé aux travaux en première lecture, enrichissant nos débats.

Je voudrais remercier la majorité, les présidents de groupe qui se sont prononcés en faveur de ce texte ainsi que le rapporteur, Christophe Borgel, qui a permis l’adoption de ce texte. Enfin, je remercie la majorité qui s’est dégagée autour d’un texte équilibré, qui respecte l’avis de nos hautes juridictions et qui permettra la mise en œuvre d’un engagement du Président de la République et une rénovation profonde de notre vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Tourret, vous étiez avec François Hollande pour mettre en œuvre un engagement important. C’est devant le peuple que le Président de la République s’est engagé : nous respectons le mandat du peuple en rénovant la vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comme vous, monsieur Tourret, j’ai un phare, une personnalité qui éclaire mon action et qui, sur bien des sujets – notamment celui du cumul des mandats –, ne s’était pas trompée. Je veux parler de Georges Clemenceau. Réfléchissez, et rejoignez le changement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Enseignement supérieur et recherche

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 1208).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, chers collègues, nous sommes appelés à examiner le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est tenue au Sénat le 26 juin et s’est conclue sur un accord.

Le texte que nous allons examiner est le fruit d’un travail effectué en amont par le Gouvernement à l’issue des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, le fruit du travail de fond que nous avons réalisé à l’Assemblée nationale, le fruit du travail important effectué par le Sénat, et enfin le fruit des quelques heures que nous avons passées en commission mixte paritaire. Je tiens à remercier Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, qui a présidé la CMP, et M. Patrick Bloche, le président de notre commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui a exercé la fonction de vice-président de la CMP.

Je citerai quelques chiffres et rappellerai quelques éléments. Le Sénat a voté cinquante articles sans modification par rapport au texte issu de nos travaux ; en revanche, il a fait évoluer de manière notable un certain nombre d’articles que nous avions adoptés – j’en dirai quelques mots dans un instant. En commission mixte paritaire, quelque quatre-vingt-neuf articles ont été examinés.

Après quelques dizaines d’heures de débats, d’échanges et de discussions d’amendements, il est toujours bon de prendre un peu de recul pour analyser les perspectives et examiner les évolutions. Nous adopterons dans quelques minutes ce projet de loi…

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas sûr !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Mon cher collègue, le suspense est limité : nous venons de le voir à propos des textes relatifs au non-cumul des mandats ! (Sourires.)

Nous adopterons donc le quatrième texte structurant pour la jeunesse de notre pays. Après la refondation de l’école de la République, les emplois d’avenir et les contrats de génération, nous adopterons enfin aujourd’hui le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Ce texte a trois vocations : la réussite étudiante, avec l’objectif – étroitement corrélé avec la lutte contre le chômage – de 50 % d’une classe d’âge atteignant le niveau bac+3, l’organisation interne de l’université, notamment à travers les communautés, et le retour d’une stratégie nationale de la recherche.

Nous avons également fait évoluer ce texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, en apportant un certain nombre de précisions. Je pense notamment au débat riche et symbolique que nous avons eu sur l’article 2, qui instaure la possibilité, absolument nécessaire mais encadrée par des règles très précises, de dispenser un certain nombre de cours en langues étrangères. Il n’était pas concevable de laisser coexister deux régimes, l’un pour les étudiants à l’université et l’autre pour les élèves des grandes écoles.

Nous avons aussi apporté des précisions quant aux valeurs qui tiennent à cœur à la majorité gouvernementale. Je pense notamment à tous les sujets relatifs à la parité, déjà présents dans le projet de loi mais qui ont fait l’objet d’un certain nombre d’amendements avec l’avis favorable du Gouvernement, du rapporteur et de la commission.

Par ailleurs, nous avons souhaité, lors de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, aller un peu plus loin dans un certain nombre de directions qui nous sont chères. Je citerai quelques exemples.

En premier lieu, la reconnaissance du titre de docteur est une évolution extrêmement structurante pour notre pays. Le fait que le titre de docteur n’était pas considéré au juste niveau était une anomalie française. Le projet de loi comportait quelques premières orientations en la matière : nous les avons considérablement renforcées, en permettant notamment aux docteurs d’accéder à un certain nombre de concours administratifs. Ce n’est pas neutre !

M. Thierry Braillard et M. Régis Juanico. Très bien !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Mon deuxième exemple a trait au rapprochement entre l’université et les grandes écoles et à l’obligation pour tout élève de classe préparatoire d’être également inscrit à l’université. Cette disposition est issue d’un long cheminement : dans un premier temps, un amendement visant à rendre payantes les classes préparatoires a été adopté à l’Assemblée nationale ; ensuite, le Sénat a souhaité instaurer la double inscription pour l’ensemble des filières sélectives ; enfin, une position commune s’est dégagée lors de la CMP afin d’imposer aux élèves de classe préparatoire une double inscription. Cette pratique est déjà commune, mais nous souhaitions aller un peu plus loin.

Concernant toujours les grandes écoles, nous avons instauré la possibilité, pour les meilleurs bacheliers de tous les lycées, y compris en zone rurale et en zone urbaine sensible, de faire l’objet d’une inscription quasi-automatique en classe préparatoire. Les rectorats devront effectuer un travail de repérage de ces élèves et leur rappeler cette possibilité.

En commission mixte paritaire, nous avons également trouvé un certain nombre de points d’accord que je me permets de mentionner rapidement.

Le premier point concerne la notion de droit opposable au stage pour les étudiants. Nous avons beaucoup discuté, dans cet hémicycle, de la possibilité de faire des stages, de l’encadrement de ceux-ci, de la rémunération et de la protection des stagiaires ; en CMP, nous avons donc trouvé un accord sur ces sujets.

Deuxième élément, très important : la qualification, qui a fait l’objet d’un amendement au Sénat. En effet, le Sénat avait, nuitamment, décidé de supprimer la procédure de qualification, suivant en cela une recommandation des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cependant, le débat ne nous a pas semblé suffisamment mûr et nous avons choisi de nous donner un peu de temps pour réexaminer cette procédure.

Troisième point, le droit de veto du président, dont les Assises avaient également proposé la suppression. Nous avons trouvé un bon compromis en distinguant ce qui est relatif aux enseignants chercheurs et aux personnels administratifs et techniques. Le compromis auquel nous sommes parvenus supprime, de fait, le droit de veto du président, lequel perdure dans les grandes écoles ou les directions d’IUT.

Nous avons encore amélioré le texte par des amendements de coordination. Nos discussions ont permis de rétablir les pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES – ainsi que l’article 38 sur la gouvernance, qui avaient été supprimés. Cet article 38 a fait l’objet de nombreux débats. Sur la question de l’élection du président par les communautés, nous sommes parvenus à un point d’équilibre entre scrutin direct et scrutin indirect en introduisant un seuil de dix membres, ce qui permet une certaine souplesse, ainsi que l’obligation que les listes comprennent 75 % des représentants des communautés, ce qui constitue une protection pour l’ensemble des entités.

En conclusion, je tiens à saluer la qualité de nos travaux et des échanges que nous avons eus avec Mme la ministre et son cabinet. Il nous reste cependant un certain nombre de questions à résoudre, celle des moyens budgétaires notamment. C’est pourquoi nous avons, en première lecture, adopté le principe d’un livre blanc. Nous disposons désormais d’un cadre et de bases solides et sommes animés d’une volonté de réussir. Mais nous savons aussi que tout ne fait que commencer. Comme pour la refondation de l’école, la remise en route de notre modèle éducatif prendra un peu de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est aujourd’hui l’aboutissement d’un long processus qui a débuté, il y a déjà plusieurs mois, par les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un long processus de discussions et de concertations devenues nécessaires à la suite des insuffisances de la loi du 10 août 2007 dite loi LRU, nous avons eu l’occasion de les rappeler.

Dans le même temps, des constats s’imposaient : la persistance de disparités trop importantes selon la filière de formation dans laquelle le jeune s’est initialement engagé et le type de baccalauréat qu’il détient ; la trop faible synergie entre lycée et université, qui conduit les étudiants de premier cycle à découvrir un « autre monde » et à se spécialiser trop rapidement ; la lisibilité des offres de formation, devenues trop nombreuses – il existe ainsi quelque 10 000 masters.

C’est pourquoi ce texte, qui se fixe pour priorités la réussite des étudiants et la valorisation de la recherche, nous agrée, tout comme en première lecture. Nous l’avions d’ailleurs voté, ce qui n’a pas été le cas de tous les groupes, mais peut-être aurons-nous fait des émules depuis…

Le taux d’échec demeure élevé à l’université et nous nous éloignons de l’objectif fixé par le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, selon lequel 50 % d’une classe d’âge doivent être titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur. Mais au-delà de l’objectif affiché, c’est bien la qualité et l’excellence qu’il faut rechercher.

La clarification du paysage des formations grâce à la procédure d’accréditation, la spécialisation progressive en licence et la création de passerelles entre formations contribueront à améliorer la réussite des étudiants.

De même, en matière d’orientation, l’instauration d’un pourcentage minimum de bacheliers technologiques et professionnels au sein des IUT et des STS peut contribuer à la réussite de ces étudiants. Le rapprochement entre universités et grandes écoles va également dans le bon sens.

Nous sommes aussi favorables au rapprochement avec le secteur professionnel : pour faciliter la possibilité pour les étudiants d’effectuer des stages au cours de leur cursus universitaire, mais aussi pour valoriser le travail des chercheurs. La question de savoir s’il fallait organiser des stages en été ou en été et en hiver a été longuement débattue ; l’essentiel est qu’ils soient facilités.

La sanctuarisation des crédits budgétaires est rassurante, tout comme les 5 000 emplois qui seront créés durant le quinquennat et les crédits supplémentaires déjà accordés à la vie étudiante dans le dernier budget.

À nos yeux, il était essentiel d’accentuer la place et la reconnaissance de la recherche et de ses acteurs dans la société. Cela passe par une valorisation et par un usage plus pratique du titre de docteur, résultant d’amendements de notre groupe à l’article 47.

Enfin, concernant le gouvernance de nos universités – même si je n’apprécie guère le terme de gouvernance –, le texte maintient un certain pouvoir au président, qui assure la direction de l’université, mais il impose les conditions d’un dialogue nouveau avec le conseil académique, nouvel organe consultatif et délibérant, sans que ce dialogue ne crée un blocage institutionnel.

Dernièrement, madame la ministre, vous étiez à Lyon avec le ministre de l’éducation nationale pour préparer la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. C’est un signe fort qui montre l’ambition de renouer un lien étroit entre la refondation de l’école de la République et l’enseignement supérieur et la recherche. C’est la raison pour laquelle le groupe RRDP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici au terme du débat parlementaire sur le projet de loi concernant l’enseignement supérieur et la recherche. C’est avec beaucoup de déception que nous abordons cette dernière phase. Les mesures qui avaient motivé notre opposition n’ont pas été levées et vous avez refusé de prendre en compte les amendements issus des organisations syndicales représentatives. En revanche, au Sénat vous avez donné votre feu vert à d’autres amendements, notamment celui favorisant les établissements privés à l’article 42, ou encore celui supprimant le CNU, annulé en CMP grâce à la mobilisation. Le vote final du Sénat semble justifier bien des compromis !

L’université et la recherche méritent une autre vision. Vous auriez pu, madame la ministre vous appuyer sur les attentes des étudiants, chercheurs et enseignants, entendre leurs propositions. Vous avez préféré légiférer en urgence. Mais les vraies urgences ne sont pas liées au calendrier parlementaire.

Oui, il y a urgence pour les conditions de vie et de réussite des étudiants, urgence pour le rayonnement de l’Université française, urgence pour une nouvelle dynamique de la recherche.

Des urgences justifiées par dix années de sabordage de l’enseignement supérieur et de la recherche,…

M. Patrick Hetzel. Oh !

Mme Marie-George Buffet. …dix années de paupérisation et d’aggravation de la sélection sociale, dix années de cadrage de la recherche.

M. Patrick Hetzel. Ça nous manquait !

Mme Marie-George Buffet. Oui, il était urgent de rompre avec une logique mise en place par la droite, dangereuse pour le développement des connaissances et de la pensée scientifique.

Malheureusement, votre loi ne donne pas de signes clairs de rupture avec la logique de la loi LRU, au grand dam de la communauté des universitaires, des chercheurs qui manifestent leur mécontentement. Ils sont aujourd’hui rejoints par les étudiants qui, avec leur principal syndicat, expriment leur inquiétude quant à l’évolution de ce texte.

Un mécontentement justifié quant au rôle assigné par l’article 4 à l’université et à la recherche : la compétitivité de l’économie. En fondant cette loi sur le « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi », vous persistez dans votre volonté de substituer à l’essor économique, social, culturel, industriel le concept de compétitivité, dernier avatar du néolibéralisme.

Quelle ambition pour l’université et la recherche ? Quelle ambition pour le devenir intellectuel des générations futures ? Nous ne trouvons toujours pas de réponse à ces questions dans ce qui nous est proposé. Le diktat de la compétitivité, tel que l’entendent les marchés financiers, ne peut constituer l’horizon vers lequel tout projet devrait tendre.

Ce chemin a montré son inefficacité en France comme en Europe : il mène à la récession, au chômage de masse.

Pour contribuer à la croissance, au bien-être des individus, au développement durable, la recherche et l’université ont besoin de moyens, de temps, de coopérations autant à l’intérieur de l’hexagone qu’à l’extérieur.

La marche forcée vers la mise en place de grands complexes universitaires, mettant en concurrence régions ou métropoles ne correspond ni aux aspirations, ni à la pratique scientifique du monde universitaire et de la recherche. Et l’article 12 ter n’est pas là pour nous rassurer, puisqu’il confie à la région la « définition du schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation », précisant en outre que cette même région « fixe les objectifs des programmes pluriannuels en matière de recherche et détermine les investissements qui y concourent ».

Une telle mise en concurrence présage de la disparition à terme d’un certain nombre d’universités de proximité, ce qui posera problème à de nombreux étudiants. N’est-ce pas ainsi qu’il faut comprendre le glissement vers des diplômes de groupements d’universités en lien avec l’acte III de la décentralisation ? Et celui entre habilitation et accréditation, avec la création des communautés d’établissements et la possibilité pour les établissements privés de délivrer des diplômes nationaux ?

Avec le nouvel article 42 bis, il nous est en effet proposé d’inclure dans le code de l’éducation un statut spécifique pour les établissements d’enseignement supérieur privés non lucratifs créés par des associations ou des fondations reconnues d’utilité publique ou des syndicats professionnels dont l’existence n’aurait comme seule contrainte que la durée d’un contrat pluriannuel. Qu’advient-il alors de la valeur nationale des diplômes, de l’égalité républicaine entre les étudiants ?

Plus globalement, nous restons toujours sur notre faim sur les mesures annoncées mais non présentes dans la loi pour assurer l’accueil et la réussite de plus en plus d’étudiants, ce qui était pourtant l’objectif affiché par Mme la ministre.

Nous regrettons que nos propositions visant cet objectif n’aient été prises en compte. Nous restons perplexes sur les moyens réels visant à une meilleure réussite des bacheliers professionnels et technologiques.

Nous sommes toujours dans l’ignorance du contenu de ce que sera la réforme du cycle de licence, qui, on le sait, est la pierre angulaire de la poursuite ou non des cursus universitaires pour le plus grand nombre.

Enfin, non seulement rien n’est préconisé pour traiter à la source ce qui ronge la réussite étudiante – les inégalités sociales –, mais le dernier texte issu de la CMP risque d’aggraver encore la situation.

Nous n’avons toujours pas d’allocation d’autonomie, toujours pas de prérecrutement pour les futurs enseignants. Et en dépit de vos engagements en première lecture, madame la ministre, il est proposé avec cette dernière mouture de fragiliser notre système des œuvres universitaires avec la modification de l’article 38, après l’alinéa 13. En effet, « L’établissement d’enseignement supérieur chargé d’organiser la coordination territoriale dans les conditions fixées par l’article L. 718-3 élabore avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires un projet d’amélioration de la qualité de la vie étudiante et de promotion sociale sur le territoire […]°».

C’est un coup dur pour le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, qui, depuis 1955, a en charge la cohérence et le pilotage du réseau des œuvres universitaires sur tout le territoire national. Comment ne pas évoquer les menaces pesant actuellement sur la cité universitaire Jean-Zay d’Antony, « largué » par le CROUS et abandonné à une collectivité départementale plus soucieuse d’affaires immobilières que de logements étudiants ?

Concernant la recherche, nos préoccupations initiales demeurent malheureusement intactes. Sur le transfert, nous ne partageons pas l’encadrement des relations entre le monde scientifique et l’entreprise comme devant être l’objectif des missions de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les articles 55 et 55 bis le laissent supposer. Nous demeurons inquiets sur le devenir de la recherche fondamentale et sur celui de la recherche en sciences humaines et sociales ; 550 chercheurs viennent de lancer un manifeste intitulé Champ libre aux sciences sociales. Il faut les entendre !

Je partage l’exigence des scientifiques, acquis de longue date aux coopérations de toute nature, et qui refusent de se soumettre à des exigences ou à des injonctions extérieures à la logique scientifique.

Nous déplorons que l’AERES – Agence pour l’évaluation de la recherche scientifique – n’ait disparu que dans sa dénomination, et que le crédit d’impôt recherche n’ait même pas été écorné au profit des laboratoires publics.

Sur la gouvernance, enfin, si je continue de me féliciter de l’instauration de la parité dans les structures, je reste perplexe sur la création du conseil académique

C’est pourquoi, madame la ministre, chers collègues, les députés du Front de gauche ne pourront pas voter cette loi, alors qu’ils avaient voté celle relative à la refondation de l’école. Nous espérons que les étudiants, chercheurs et universitaires seront un jour mieux écoutés !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il s’agissait, par ce texte, de faire œuvre de démocratisation et d’ambition pour notre pays.

Il s’agissait pour nous, parlementaires, de réagir à la situation de déstabilisation liée au fait que 19 % de bacheliers sortent de l’université sans diplôme, soit 68 000 par an. Il s’agissait de réagir aussi à la concurrence peu productive de la politique des appels à projets qui a détourné les chercheurs français des programmes européens.

Il s’agissait également d’apporter une réponse au manque de reconnaissance des doctorants, d’assurer un cadre à tous les étudiants qui ne doivent pas vivre l’université comme un aléa de l’orientation.

Il s’agissait encore de permettre à notre pays de faire face aux enjeux internationaux de la croissance et du développement durable.

Autrement dit, il fallait donner à l’université et à la recherche une lisibilité à l’intérieur de notre système et une visibilité à l’extérieur de nos frontières. Il fallait répondre à ces impératifs et garder le cap fixé par le programme du Président de la République : concilier l’intérêt pour la jeunesse, la justice sociale, le respect des valeurs républicaines et le retour de notre pays sur la scène européenne et internationale.

Comme le texte sur la refondation de l’école plaçait l’élève au centre du système, le projet de loi sur l’enseignement et la recherche place l’étudiant au cœur de la législation. À cet égard, nous devons saluer cette volonté républicaine de mettre l’éducation au cœur de l’action du Gouvernement en déroulant dans une même temporalité la loi sur l’école et la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Et cela alors même que les institutions européennes mettent en place un nouveau programme pour les mobilités et consacrent des moyens supplémentaires pour lutter contre le chômage des 6 millions de jeunes en Europe : la France elle aussi refuse l’idée d’une génération sacrifiée.

Depuis 1970, le nombre d’étudiants a été multiplié par trois, avec cinq fois plus d’inscrits dans les IUT et dix fois plus dans les BTS. Comment faire face à cette massification et à cette diversification du monde étudiant ?

La volonté qui a animé la commission mixte paritaire de consolider le lien entre facultés, classes préparatoires et sections de techniciens supérieurs concrétise la réponse à cet enjeu. L’université est traitée à part égale avec les classes préparatoires : elle doit être un lieu d’études et de perspectives tout aussi prometteur que les grandes écoles. Cette perspective est renforcée par le programme de mobilité Erasmus Plus, qui viendra amplifier l’échelle des espaces d’études de nos jeunes.

Ainsi l’article 2, dont la philosophie a été conservée, crée une université accueillante, dynamique, ouverte sur le monde. Notre logiciel à penser les frontières de nos savoirs doit être revu. C’est la leçon du monde que nous recevons aujourd’hui, loin de la circulaire Guéant, peureuse et rédhibitoire pour notre rayonnement.

J’en veux pour preuve les propos tenus il y a quelques jours par l’une de nos plus brillantes économistes, Esther Duflo. Elle vit et travaille aux États-Unis, mais ce n’est pas tant sur les raisons de son installation outre-atlantique qu’elle s’interroge que sur la nécessité pour nous de créer de l’attraction et cette fusion dans la pensée du monde qui nous a fait tant défaut sous la précédente législature, durant laquelle notre pays s’est posé en donneur de leçons au lieu d’insister sur l’altérité.

M. Patrick Hetzel. Voilà qui nous manquait !

Mme Sandrine Doucet. Comment en effet accueillir les étudiants, les enseignants chercheurs des puissances émergentes notamment ? L’article 47 septies fait œuvre de réparation, mais aussi d’universalité, tout en se plaçant en cohérence avec le travail et les perspectives du ministère de l’intérieur.

Un meilleur rayonnement est aussi assuré par la création de grands pôles que seront dans leur appellation définitive les communautés d’universités et d’établissements, communautés qui garantissent la reconnaissance de leurs composantes dans leur rôle et leur histoire. La question des IUT a été le vecteur de cette recherche d’équilibre et je salue ici le partenariat constructif de l’opposition à cette fin.

Ce débat sur les composantes était aussi alimenté par la concomitance du parcours des deux lois sur l’éducation en vue de la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Aujourd’hui, nous scellerons définitivement leur place par le vote des amendements du Gouvernement, mettant en cohérence le présent projet de loi avec la loi sur la refondation de l’école.

Le retour de la formation des enseignants est acté. L’intégration des ESPE comme composantes à part entière des communautés d’universités parachève cette volonté de considérer l’enseignement comme un métier dans des lieux ad hoc, liés à l’université, donc à la recherche, créant une dynamique autour de toutes les sciences de l’éducation.

Il y a un an, madame la ministre, débutaient les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd’hui, par ce texte et au-delà de ce texte, nous assignons une ambition à notre pays. Vous l’avez décrite en évoquant le dessein d’une trajectoire ambitieuse et durable.

Là où la course au financement par projet avait détourné les chercheurs français de l’espace européen et mondial, nous redonnons à l’État un rôle de stratège en matière de recherche afin de consolider la recherche fondamentale et renforcer les financements. L’espace européen est le premier cercle dans lequel la recherche française doit marquer sa progression.

Vous l’avez souvent souligné, le taux de retour est insuffisant. En baisse, il est bien en deçà du taux de contribution globale au budget communautaire alors que le taux de succès des propositions françaises reste excellent – 25 % d’entre elles sont retenues.

L’une des solutions réside dans le retour d’un État stratège déclinant au niveau national les objectifs européens. Les enjeux environnementaux, la santé, le bien-être, le défi démographique, le numérique, les sciences humaines font partie des huit thématiques qui inscriront notre pays dans la recherche européenne et répondront aux besoins sociétaux.

L’article 7 issu de la CMP assigne à l’enseignement supérieur et à la recherche un objectif de valorisation des résultats de la recherche au service de la société. Cela implique de veiller au développement de l’innovation et au transfert de technologies, de valoriser la capacité d’expertise et d’appui d’associations et de fondations reconnues d’utilité publique afin de répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux et aux enjeux du développement durable.

Le texte de la CMP fait aussi œuvre d’équité tout en laissant la place au débat et à l’expertise future.

En supprimant l’article 43 et en rétablissant le rôle du Conseil national des universités, il assure la qualité du recrutement des enseignants chercheurs. Quant aux modifications apportées à l’article 47, elles parachèvent la reconnaissance du doctorat.

Je tiens à souligner ici le moment particulier qui a entouré les débats autour de l’article 42 C sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur à but non lucratif. Le vote des députés socialistes contre cet article est l’expression de leur vigilance sans faille à l’égard des principes de laïcité, au-delà de tout considération pour la contribution de l’enseignement privé à la communauté éducative de notre pays. C’est notre devoir républicain qui dirige nos consciences et nos convictions.

Toujours par égard pour le respect des valeurs républicaines, nous saluons l’article 26 qui prévoit la publication d’un bilan social faisant état de la résorption de la précarité, trop souvent utilisée dans le supérieur.

S’agissant de justice, je tiens à souligner le souci pour la parité qui apparaît tout au long des dispositions relatives aux élections dans les différentes instances dirigeantes des communautés d’universités, particulièrement à l’article 7, avec la lutte contre les préjugés sexistes. La place faite aux femmes est aussi un facteur de progrès. Elles sont nombreuses, notamment dans les emplois administratifs – trop souvent dans les fonctions de secrétariat. Gageons que le bilan social fera état de l’évolution positive des indicateurs. Permettez-moi ici de saluer le travail des 53 000 agents administratifs de l’université, qui sont au service des 100 000 enseignants et des quelque 2,5 millions d’étudiants.

Le Président de la République et le Gouvernement ont voulu donner à l’enseignement supérieur et à la recherche une place essentielle dans le redressement du pays. Le travail de nos deux chambres a confirmé la prise en compte de cette préoccupation en conciliant les exigences d’un monde en mutation et les besoins d’une jeunesse en quête d’avenir. Il s’agissait aussi d’assortir à ces défis la volonté d’un retour à un État stratège en matière de recherche, une meilleure visibilité ainsi qu’une meilleure gestion des cadres de l’université. Voilà qui servira notre volonté de redonner à la France le rang de puissance universitaire et scientifique.

Je salue ici tous ceux qui, par leur volonté de construire ensemble le pays de demain, un pays qui s’ouvre aux autres et cherche la justice pour tous, y ont contribué.

Je m’engage, au nom de tous les députés du groupe SRC, à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, madame la ministre chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord déplorer l’absence de Mme Fioraso. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle illustre sans doute son refus de défendre un texte en recul par rapport au projet de loi initial.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous savez bien que ce n’est pas cela !

Mme Valérie Corre. C’est nul !

M. Patrick Hetzel. Reconnaissez tout de même qu’une telle attitude est assez méprisante à l’égard du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – M. Rudy Salles applaudit également.)

M. Yves Durand. Ça commence mal !

M. Patrick Hetzel. En effet !

Ce week-end, Pierre Dubois, universitaire en retraite et auteur de l’un des blogs les plus lus parmi ceux consacrés à l’enseignement supérieur écrivait à propos de la présente loi : « Les universités se désintéressent de cette loi inutile. »

Cela traduit parfaitement ce qui vient déjà de se passer avec ce texte, alors même qu’il n’est pas encore définitivement adopté ni promulgué : il nous conduit tout droit vers des universités ingouvernables. Nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises dans cet hémicycle. À chaque fois, on nous a rétorqué que ce ne serait pas le cas. Nous maintenons notre affirmation : les fameuses communautés d’universités et d’établissements seront particulièrement ingouvernables !

Si la loi LRU de 2007, l’opération Campus, le plan « Réussite en licence », les investissements d’avenir ont contribué à faire progresser notre enseignement supérieur et notre recherche par le développement de la gestion par projets et par une dynamique inédite, le présent projet de loi va marquer un coup d’arrêt à cette évolution positive.

Personne ne peut souhaiter une régression en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Et pourtant, c’est hélas ! ce qui va arriver. En effet, là où il fallait aller plus loin dans l’autonomie, l’expérimentation, l’accélération du développement de filières d’excellence au sein de nos universités, vous nous proposez une régression.

Votre texte est marqué par une vision bureaucratique : là où les statuts juridiques venaient soutenir et accompagner les projets, vous préférez un modèle unique où le projet doit s’adapter à la structure plutôt que l’inverse. Tous les spécialistes de la théorie des organisations vous diront que c’est faire fausse route.

À une gouvernance resserrée et efficace de nos universités, vous préférez une dyarchie entre deux présidents et deux conseils. Celle-ci porte en germe des risques de blocages institutionnels au sein de nos universités. Nombreux sont désormais les universitaires qui le disent publiquement.

Là où nous avions développé des incitations positives, vous préconisez une vision uniforme et réductrice. Avec un modèle unique pour tous – toujours votre obsession pour l’unicité –, vous figez dangereusement le système, vous interdisez toute innovation organisationnelle.

Là où nous avions fait confiance aux acteurs et où nous les avions accompagnés dans leurs choix volontaires, vous allez leur imposer des coopérations fondées non plus sur leur volonté mais sur leur seule localisation géographique. Belle conception de la vision stratégique ! Comment des projets innovants pourront-ils naître et de réelles avancées être suscitées ?

Là où il conviendrait de procéder par la négociation, vous voulez imposer des quotas à l’entrée des filières de STS et d’IUT, ce qui créera inévitablement de la frustration parmi les bacheliers généraux évincés de ces filières.

Mais, au-delà de ces premiers constats, vous portez une lourde responsabilité pour les années à venir car, avec la méthode que vous avez employée au cours des derniers mois, vous avez finalement esquivé les vrais débats, ce qui est encore plus dommageable.

Votre projet ne dit rien sur les enjeux internationaux ni sur la compétition mondiale qui règne en matière de création et de diffusion des savoirs. Le texte passe totalement sous silence la question de la contribution de l’enseignement supérieur et de la recherche à la compétitivité de notre nation par rapport aux autres pays.

Votre loi reste une loi d’orientation, et nous n’avons aucune idée des moyens qui seront mobilisés au cours du quinquennat. Nous savons en revanche que, si l’on neutralise le compte d’affectation spéciale relatif aux pensions, le budget 2013 est déjà en recul par rapport à celui de 2012 pour l’enseignement supérieur et la recherche en France.

En outre, le budget 2014, pour ce que l’on en sait, sera du même ordre. Aussi, lorsque vous affirmez que l’enseignement supérieur et la recherche constituent les priorités du Gouvernement, peut-on s’interroger sur ce que seraient ces budgets s’ils n’étaient pas prioritaires !

De plus, vous avez totalement écarté la possibilité pour nos universités de bénéficier d’une autonomie renforcée, pourtant nécessaire dans le contexte international et pour leur permettre de développer des projets ambitieux.

De même, vous avez refusé d’aborder la question de l’avancement de la sélection d’un an en master, qui aurait assuré une véritable cohérence pédagogique au système licence-master-doctorat.

Comme vous pouvez le constater, vous avez mis les vrais sujets de côté.

Par ailleurs, vous supprimez l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, devenue votre bouc émissaire. Alors que chacun sait que l’évaluation est un fantastique outil pour faire progresser un système, vous décidez purement et simplement de supprimer cette agence.

Créer un Haut Conseil qui évaluera les procédures d’évaluations n’est rien d’autre qu’une mise en abîme dangereuse, démagogique et totalement incompréhensible. Lors d’une récente réunion de l’EUA, European University Association, la France a été la risée des autres pays, qui ont tout d’abord pensé que la suppression de l’AERES était une farce, une blague lancée par leurs collègues français. Cela montre bien à quel point la difficulté est réelle !

Vous avez refusé la possibilité d’une approche différenciée concernant les droits d’inscription des étudiants étrangers. Vous affirmez ainsi implicitement que le contribuable français, alors que nos finances publiques sont en difficulté, devra payer la scolarité des étudiants étrangers : vision surprenante, au regard de l’état de nos finances publiques d’une part, et de celle de nos établissements d’enseignement supérieur d’autre part !

Vous avez rejeté les différentes possibilités d’expérimentation que nous avons proposées, comme par exemple la création de filières d’excellence ou la définition de prérequis pour entrer dans certaines filières.

Enfin, pour conclure, le grand absent de ce texte est tout simplement l’étudiant ! La France compte 2,5 millions de jeunes dans ses formations post-bac pour 60 millions d’habitants, alors que l’Allemagne, avec 80 millions d’habitants, en compte 1,7 million.

La question de l’insertion professionnelle, en raison du nombre important de jeunes présents dans notre enseignement supérieur, est essentielle. En négligeant aussi cette dimension, votre projet ignore les étudiants, les familles et l’intérêt général de la nation.

De même, quel dommage de constater que, par pur dogmatisme, vous avez décidé de supprimer les bourses au mérite, qui constituaient pourtant un fantastique levier pour les étudiants les plus méritants, ainsi récompensés par la nation ! Cela montre bien que votre vision, avant tout idéologique, ne prend pas en compte la défense de l’intérêt général.

Madame la ministre, votre texte est un fantastique retour en arrière. Pour toutes ces raisons, nous voterons – hélas ! – contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à mon tour, comme Patrick Hetzel, à déplorer l’absence de Mme Fioraso pour ce dernier vote, qui me paraît pourtant très important.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Elle arrive !

M. Rudy Salles. Certes, mais la moitié des interventions sont déjà passées ! J’aurais souhaité sa présence dès le début ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Chers collègues, c’est grâce à un enseignement supérieur de haut niveau, accessible et attractif, que nous créerons les conditions d’une croissance durable créatrice d’emplois. C’est grâce à une culture partagée que nous rendrons notre société plus humaine, en renforçant le lien social et l’espérance d’un avenir meilleur.

D’une certaine façon, à travers le présent projet de loi, nous parlons de l’avenir de la France. D’ailleurs ce texte pouvait dessiner, avec la loi pour la refondation de l’école de la République et le projet de loi sur la formation tout au long de la vie, en préparation, un projet que l’on pouvait supposer global et que l’on pouvait espérer cohérent.

Incontestablement, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il y avait là les prémisses d’une démarche prometteuse. Une loi sur l’enseignement supérieur et la recherche devait nécessairement et prioritairement porter cette ambition en visant la réussite de tous les étudiants, dans toutes ses dimensions.

Alors pourquoi ne pas lui faire le crédit d’améliorations possibles du dispositif mis en place par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU – même si cela semble un peu prématuré, cinq années seulement après son adoption, sa durée d’application par les universités étant plus brève encore ?

Encore convenait-il de commencer par le commencement : il fallait accompagner le projet de moyens. Las, vous avez d’emblée fait le choix de présenter une loi d’orientation, sans aucune dimension de programmation. Et, malgré le long cheminement de ce texte, sa nature initiale annonçait son indétermination finale.

De fait, aujourd’hui pas plus qu’hier, nous n’avons la moindre idée des moyens qui permettront, après avoir promis, de passer aux actes. Or, la situation financière de nombre d’universités méritait une attention toute particulière sur ce point déterminant. Et malgré le long cheminement de ce texte, rien de ce qui le caractérisait n’a fondamentalement évolué, même si, à certains égards, il s’est enrichi et précisé.

De quelques-unes des plus heureuses évolutions, mes collègues du groupe UDI-UC du Sénat ont été les inspirateurs. Nous saluons ainsi tout spécialement la création d’un statut des établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif, qui était pour nous un élément déterminant ; la publicité de statistiques concernant les inscriptions étudiantes et leur insertion professionnelle, qui a été maintenue ; l’élargissement à toute structure accueillant des stagiaires de l’interdiction d’occuper un poste permanent, qui a été maintenu et mieux replacé dans le texte ; l’élargissement de la priorité de valorisation des résultats de la recherche aux PME-PMI et aux entreprises de taille intermédiaire, qui était, pour le groupe UDI-UC, une condition nécessaire d’un meilleur développement de notre recherche et, surtout, de sa valorisation ; enfin, la nouvelle rédaction de l’article 38 définissant les coopérations et regroupements d’établissements, issue des travaux du Sénat.

Cet article 38 prévoit la possibilité de fusion et de création de communautés d’universités et établissements pour coordonner l’offre de formation et la stratégie de recherche. Il prend désormais en compte la possibilité de créer des structures confédérales entre établissements d’enseignement supérieur.

Je pourrais citer par ailleurs l’article 27, qui permet désormais au président de l’université de présider le conseil académique ; c’était une de nos demandes.

Je pourrais également rappeler le long débat sur l’article 2, qui a heureusement abouti à ce que la langue française demeure la règle, et l’enseignement en anglais une exception strictement encadrée.

À côté de ces dispositions figurent des demi-mesures, transformant ce texte en une sorte de législation « en crabe ».

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Rudy Salles. Je prendrai l’exemple de la gratuité des classes préparatoires aux grandes écoles dans les lycées publics. L’idéologie égalitariste avait conduit l’Assemblée nationale à supprimer cette disposition. Puis le Sénat a décidé de remplacer cette suppression de la gratuité par un principe de double inscription de tous les élèves suivant une formation d’enseignement supérieur dans un lycée et à l’université.

Finalement, puisque les bacheliers professionnels intégrant les sections de technicien supérieur, les STS, sont majoritairement motivés par l’obtention d’une formation diplômante en deux ans afin d’intégrer la vie active, la commission mixte paritaire n’a maintenu cette double inscription que pour les élèves des classes préparatoires.

Les fondamentaux de ce texte sont par ailleurs demeurés inchangés, et se caractérisent par un esprit de système accouchant d’un système sans esprit.

M. Patrick Hetzel. Bravo!

M. Rudy Salles. Nous parlons bien sûr de l’esprit de liberté, de souplesse, d’innovation, qui nous semble constituer ici, peut-être plus encore que dans nombre d’autres domaines, l’alpha et l’oméga du progrès.

À propos de la loi sur la refondation de l’école de la République, dont le rapporteur est ici présent, le ministre de l’éducation nationale reprochait à certains parlementaires de raisonner davantage en termes de structures qu’en termes d’objectifs pédagogiques. Mais le présent projet de loi ne parle que d’instances, juxtapose des formations diverses comme on construit des châteaux de cartes, initie à grande échelle des fusions au risque de confusions et institutionnalise l’imbroglio au risque du méli-mélo !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Rudy Salles. Cela est resté globalement inchangé : certes, le texte prévoit des efforts pour donner plus de densité à la mission de service public de l’enseignement supérieur, mais cela ressemble étrangement à un catalogue.

La mission de l’enseignement supérieur est désormais constituée d’un patchwork de mots accumulés les uns aux autres, des mots qui sonnent bien, qui font plaisir, qui flattent même, mais qui bavardent, avec des expressions comme la diffusion des connaissances dans leur diversité, la lutte contre les discriminations, la réussite des étudiants, l’attractivité des territoires à l’échelon local, régional et national – j’en passe et des meilleures !

M. Patrick Hetzel. C’est vrai !

M. Rudy Salles. Derrière ce voile de slogans, il manque l’essentiel : l’autonomie.

Vous ressuscitez des structures fermées aux périmètres de plus en plus étendus et vous nivelez une organisation plurielle. Vous accumulez les contraintes institutionnelles et administratives, conduisant à la disparition de spécialités qui contribuent pourtant à l’attractivité de notre enseignement supérieur.

La gouvernance des universités est en effet le gros morceau du projet de loi – et ce sera son poids mort. Le conseil académique est pachydermique et malheureusement pas stratégique, bien au contraire, dans la mesure où l’on introduit là assurément des risques de concurrence avec le conseil d’administration.

L’autre pièce du gros morceau est constituée par les dispositions relatives aux regroupements des établissements. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée sont supprimés au bénéfice d’une structure de communauté scientifique s’appliquant à tout regroupement qui n’est pas une fusion. Après le mariage pour tous, nous en arrivons maintenant aux mariages forcés !

On ne voit pas bien à quel objectif répond la création de ces Léviathans standardisés, qui signent une approche administrative et étatique, non pas d’un État stratège mais d’un État sénescent, sans substance inventive et créative. C’est une sorte de retour en arrière, tant du point de vue des politiques publiques en général que des grandes réformes universitaires.

M. Patrick Hetzel. Absolute!

M. Rudy Salles. Il est vrai que certains assouplissements ont été introduits, relatifs notamment aux conditions de création et de gestion des regroupements des universités. Mais c’est une avancée insuffisante, d’autant que nous en sommes restés à une sorte de centralisme très peu démocratique.

Le texte du projet de loi précise en effet que la politique territoriale de coordination est organisée par un seul établissement pour un territoire donné. Il ajoute que, sur la base du projet commun, un seul contrat est conclu entre le ministre chargé de l’enseignement supérieur et les établissements regroupés. Que se passera-t-il si la communauté a un projet commun dont les stipulations spécifiques propres à chacun des établissements regroupés sont refusées par les intéressés ?

Le texte traite également de coordination, tout en spécifiant que la communauté scientifique est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel – tout comme une université.

Il crée donc en réalité des super-universités dotées d’organes décisionnels qui se superposent à ceux des universités membres. Tout comme une université, une communauté est dotée d’un conseil d’administration et d’un conseil académique, auxquels s’ajoute un conseil des membres.

Il existe cependant une différence capitale dans la composition du conseil d’administration : outre des représentants des établissements et organismes de recherche, le conseil comprend 30 % de personnalités qualifiées et 40 % de représentants élus, au suffrage direct ou indirect, des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, des autres personnels, des étudiants.

Ainsi, les élus ne sont pas majoritaires au conseil d’administration de la communauté, alors qu’ils le sont nettement dans les conseils d’administration des universités membres.

Comment faire coexister ces deux niveaux de conseil d’administration construits sur des principes aussi différents ? C’est en tout cas un pari d’arriver à les faire fonctionner sans blocage.

La disparition des spécialités de master procède de la même logique. Elle aboutit à des conséquences tout aussi inquiétantes, l’anonymat des diplômes et le nivellement par le bas. À terme, on risque de voir se développer, pour les professions techniques comme celles du droit, un enseignement supérieur privé à vocation étroitement professionnelle.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Rudy Salles. L’enseignement numérique relève de la même logique d’uniformisation. Sur ce sujet, il faut de la cohérence, mais elle doit être placée au service de la diversité, de la création et de l’innovation. C’est dans cet esprit que le groupe UDI avait suggéré que l’Agence de mutualisation des universités soit chargée de la mutualisation en logiciels libres des ressources entre les universités, pour leur gestion, pour les dispositifs d’enseignement et pour les outils destinés à la recherche, et de la mutualisation des contenus numériques dans des formats ouverts.

En conclusion, la France, ce pays où les professeurs des universités sont encore nommés par décret du Président de la République, s’engage à contre-courant de toutes les grandes organisations universitaires du monde. Au lieu de faire le choix de la souplesse des organisations, de l’excellence et de la diversité des enseignements, elle opte pour des rigidités empilées, au prétexte d’une idée de l’égalité qui produira, au final, exactement l’inverse.

Pour ces raisons, le groupe UDI votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Mme la ministre Geneviève Fioraso nous avait présenté un projet de loi qui ne répondait ni aux vraies attentes des communautés universitaires et de la recherche, ni aux conclusions des Assises.

M. Rudy Salles. Ah !

M. Patrick Hetzel. Mieux vaut tard que jamais !

Mme Isabelle Attard. Selon nous, il ne rompait pas avec les idées de la LRU de Valérie Pécresse et, au contraire, en perpétuait certains travers : marchandisation du savoir, démantèlement de la recherche publique, précarisation de tous les personnels enseignants, chercheurs et administratifs.

Nous avons proposé de nombreuses modifications à ce texte, afin d’inscrire l’université au cœur du système d’enseignement supérieur et de recherche. Nous n’avons pas été entendus. Cela nous a malheureusement conduits à nous opposer à ce projet en première lecture à l’Assemblée.

Les sénateurs écologistes ont repris le flambeau de la défense de l’université française. Grâce à un travail collectif, ils sont parvenus à un texte qui, sans être bon à nos yeux, est tout de même sensiblement meilleur. Nous avons obtenu que l’université soit mise au cœur de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur. Une série d’amendements a aussi reconnu les nécessaires interactions entre science et société. Les idées de recherche participative et de concertation avec la société civile pour l’élaboration de la stratégie nationale ont pu être introduites dans le projet.

Si nous n’avons pas obtenu l’inscription du statut de doctorant dans le code de l’éducation, nous avons tout de même inscrit une meilleure reconnaissance du doctorat, comme une meilleure formation professionnelle.

À l’Assemblée nationale, notre amendement prévoyant une double inscription entre les classes préparatoires aux grandes écoles et les universités avait été repoussé. Nous nous réjouissons donc qu’il ait été repris par Dominique Gillot au Sénat.

Certains de nos amendements adoptés visaient à lutter contre les recours abusifs aux contrats précaires dans les établissements. D’autres ont contribué à démocratiser les structures prévues dans le projet de loi. Le conseil d’administration des futures communautés d’universités et établissements auront 50 % de membre élus au scrutin direct.

Dans les universités, le droit de veto sur le recrutement des enseignants-chercheurs est transféré du président au conseil d’administration en formation restreinte.

Nous avions à cœur de garantir que seules les universités pourraient utiliser le titre d’université et délivrer des diplômes nationaux. Nous nous réjouissons d’avoir été entendus sur ce point.

Enfin, le texte final contient quelques améliorations, maigres mais néanmoins réelles : lutte contre la précarité, rapport sur l’évolution du statut d’ATER et rapport sur l’évolution du recrutement des enseignants-chercheurs.

Il n’en reste pas moins que le texte issu de la commission mixte paritaire passe à côté de la plupart des enjeux principaux. Les plans de titularisation annoncés ne sont pas à la hauteur de la précarité dramatique qui sévit dans nos établissements. Ce projet de loi ne contient rien pour résoudre ce problème. Les bruits qui circulent sur la baisse du budget du CNRS sont d’ailleurs extrêmement préoccupants. La démocratisation des structures n’est pas allée au bout des ambitions affichées. La prime majoritaire reste en place dans les scrutins et la proposition du CNESER – que nous soutenions – de revoir la composition des conseils d’administration n’a pas été adoptée.

Le transfert de la recherche vers le monde économique a été quant à lui nuancé. Le projet évoque aujourd’hui le transfert de technologie « lorsque celui-ci est possible ». Cependant, cette notion est maintenue : les universités devront donc se préoccuper de transferts, non seulement dans leur mission de recherche, mais aussi dans leur mission d’enseignement.

M. Patrick Hetzel. Ben oui !

Mme Isabelle Attard. Concernant les regroupements d’établissements, le scrutin indirect et la possibilité d’avoir moins de 50 % de membres élus spécifiquement sur ces postes sont maintenus pour les communautés de plus de dix membres. Le statut confédéral n’a pas été réellement créé. L’absence de déclinaison concrète le rend de facto inexistant. En outre, les rapprochements restent obligatoires, l’État n’ayant plus qu’un seul interlocuteur par académie.

La création des communautés, tandis que les fondations de coopération scientifique et les grands établissements à statut dérogatoire sont maintenus, montre que le mikado institutionnel tant décrié lors des Assises demeure.

L’AERS est supprimée par le projet de loi, mais l’évaluation telle qu’elle l’avait mise en place, elle, reste. Nos demandes de transformer le futur HCERES en instance démocratique de méta-évaluation n’ont pas été entendues. Ses membres sont exclusivement nommés. Sa mission principale reste l’évaluation directe des établissements, des unités de recherche et des équipes.

Concernant ces unités de recherche, il faudra un accord unanime pour avoir une évaluation par un comité autre que le HCERES. Nous avions pourtant demandé le contraire : que l’évaluation par des comités soit la norme et l’évaluation par le Haut conseil, l’exception.

Enfin, deux amendements ont aggravé le texte. Le premier concerne la mobilité entre les différents statuts des personnels de l’enseignement supérieur, le privé compris, qui risque d’affaiblir le statut des enseignants-chercheurs et des chercheurs des organismes publics. Le second concerne le droit d’accès des meilleurs bacheliers des zones sensibles aux filières sélectives, qui va contribuer encore un peu plus à élargir la fracture entre classes préparatoires et universités. Le message est clair : si tu es bon élève, ne va pas perdre ton temps à l’université !

Nous faisons donc aujourd’hui le choix de l’abstention, tout d’abord parce qu’il y a plusieurs dispositions dans ce texte qui vont dans le sens de l’université telle que nous la défendons.

Enfin, nous souhaitons que cette loi ne mette pas un point final à la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche. La réussite étudiante est censée être au cœur de la loi, mais les mesures annoncées relèvent plus de la cosmétique que d’une réelle réforme. On attend toujours l’allocation d’étude pour réformer le système des aides. Il faudrait absolument que toutes les disciplines aient leur place dans les universités et les laboratoires français. Ce n’est pas le transfert économique à marche forcée qui garantira les résultats de nos doctorants et de nos chercheurs, c’est la création d’un environnement de travail où la créativité et la sérénité pourront s’épanouir.

M. Patrick Hetzel. La majorité s’effrite !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je voudrais vous remercier, madame le ministre, pour la démarche d’adaptation législative inédite dont vous avez pris l’initiative, consistant à organiser des Assises et à associer le Parlement en amont de l’élaboration du texte gouvernemental, contrairement à la pratique courante l’impliquant seulement à partir du dépôt d’un projet de loi.

Cette implication anticipée a reposé sur deux axes : d’abord une mission parlementaire que j’ai conduite et dont j’ai remis le rapport au Premier ministre avant que paraisse le rapport de la commission, puis la mobilisation de l’office parlementaire, au mois de décembre, avec les principaux acteurs concernés et les parlementaires, leur donnant l’occasion de s’approprier les principaux éléments du débat.

Les propositions des Assises, celles que j’ai faites et celles du rapporteur, Vincent Feltesse, se retrouvent très largement dans le texte final qui nous est soumis aujourd’hui.

La réussite des étudiants et leur insertion professionnelle sont au cœur de la priorité définie par le président Hollande pour la jeunesse.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas dans le texte !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il s’agit de répondre mieux aux souhaits d’épanouissement individuel des étudiants, de valoriser leur parcours, de favoriser leur insertion professionnelle, de permettre aux universités de contribuer au développement des compétences tout au long de la vie. C’est l’un des points importants de ce texte.

Pour réussir, il est nécessaire d’avoir un accès correct à l’information et à l’orientation, de sorte que chacun puisse définir son parcours. Cela doit profiter tout particulièrement aux jeunes des quartiers défavorisés et à ceux qui viennent des zones rurales.

Mais la réussite doit être accompagnée. Qu’il s’agisse des conventions obligatoires entre les lycées hébergeant des classes préparatoires aux grandes écoles et les universités, des expérimentations ouvertes dans l’accès aux écoles de médecine, de l’accréditation des formations ou du développement d’outils technologiques issus du numérique, sur un grand nombre de points, ce texte se différencie de celui que nous n’avions pas voté en 2007 parce qu’il ne se préoccupait que de gouvernance. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Malgré ce que dit M. Hetzel, un nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche est en train de se dessiner paisiblement, sans les heurts d’une révolution, et je m’en réjouis. Il s’agit de rejeter un modèle de concurrence généralisée qui n’est pas pertinent dans un pays de taille moyenne comme la France, où les ressources sont comptées. Il faut mutualiser autant que possible les forces et les motivations, favoriser les échanges, en veillant à protéger les identités et les spécificités de chacun.

À l’excellence par la compétition, nous avons préféré la performance par la coopération. La solution institutionnelle souple des communautés d’universités et établissements va permettre d’en finir avec ce mal français qui empêchait les universités et les écoles d’ingénieur de travailler en étroite collaboration.

Enfin, sur le plan institutionnel, on ne peut tout dire et son contraire, comme certains viennent de le faire : la revendication majeure issue des Assises, la simplification, se traduit par une réduction du nombre des structures.

M. Patrick Hetzel. Et davantage de bureaucratie !

M. Jean-Yves Le Déaut. Cette lisibilité va renforcer la crédibilité internationale de notre système, en lui donnant un ancrage régional solide.

L’ouverture à l’espace international est bien entendu symbolisée par l’élargissement des possibilités d’enseignement dans d’autres langues que le français. Nous avons eu ce débat : aujourd’hui, la défense de la francophonie milite pour la diversité des langues déployées.

La formation par la recherche devient un atout stratégique pour le pays. Il faut donc se réjouir de l’accord unanime du Parlement pour renforcer la reconnaissance sociale des docteurs, avec notamment cette mesure hautement symbolique d’un accès reconnu aux concours d’entrée à l’École nationale d’administration. Le doctorat est le plus haut grade de l’université. Par cette mesure, il est reconnu comme tel.

Mais le projet de loi conserve et renforce les fonctions touchant à la cohésion nationale, ce qui était un message fort des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Surtout, l’État sort renforcé de ce texte dans son rôle de pilotage stratégique. À cet égard, je me réjouis du rôle du Parlement, et particulièrement de l’OPECST, dans l’évaluation de la stratégie nationale de la recherche.

En conclusion, avec ce projet de loi, qui a intégré au cours du processus législatif les propositions des Assises, ainsi que celles du rapporteur, l’enseignement supérieur et la recherche français sont redynamisés. Ils sont mis au service de nos concitoyens, de notre société qui évolue et de notre économie.

Cette loi, n’en déplaise à M. Hetzel, est une loi utile, car elle ne renforce pas seulement la gouvernance des universités. Merci madame la ministre, merci mes chers collègues pour ce texte que nous devons appuyer par notre vote : j’espère que les prochains budgets permettront sa mise en œuvre pleine et entière – nous vous soutiendrons ! – pour résoudre notamment un problème qui continue de nous préoccuper, celui des contrats précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Patrick Hetzel. Mme Fioraso ne nous a pas écoutés, elle va avoir beaucoup de mal à argumenter !

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation cher Patrick Bloche, monsieur le rapporteur de la CMP cher Vincent Feltesse – les rapporteurs pour avis sont quant à eux retenus en commission, mesdames et messieurs les députés, je vous prie d’excuser mon absence au cours de cette dernière heure. Nous étions en effet réunis autour du Premier ministre pour présenter le deuxième programme des investissements d’avenir, et je suis très heureuse de vous annoncer que la recherche et l’université figurent parmi ses priorités. Quelque 4 milliards d’euros seront en effet directement dédiés à l’université et à la recherche, avec des fonds consentibles et non consentibles.

M. Thierry Braillard. Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Dans les autres programmes, liés à la transition énergétique, au numérique, à la mobilité durable, à la santé, la recherche tiendra également toute sa place et nous ferons en sorte d’adapter les enseignements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mais je tiens à rassurer Patrick Hetzel. Je n’ai pas vu qu’il innovait beaucoup par rapport aux nombreux débats auxquels j’ai participé, et en commission, et naturellement en séance…

M. Patrick Hetzel. Comment pouvez-vous dire cela, madame la ministre ? Vous ne m’avez pas entendu !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ces longs débats n’ont pas été contraints puisque nous n’avons même pas utilisé toute l’amplitude horaire qui nous était attribuée. Reste que nous sommes allés au bout de ces débats très bien préparés, exhaustifs, en commission et je remercie, une fois de plus, Patrick Bloche et Vincent Feltesse mais aussi l’ensemble des députés qui ont participé à la discussion, avec un bon esprit, sur le fond du texte. C’est cela qui nous intéresse, car si les critiques portent sur la forme, c’est que, finalement, on n’a pas beaucoup d’idées pour contester le fond.

Le Sénat a voté, il y a une semaine, une nouvelle version du projet de loi pour l’enseignement supérieur et la recherche. Cette version était issue des travaux de la commission mixte paritaire, à quelques amendements gouvernementaux près, que je vais vous présenter. Ces amendements de coordination visent à assurer la cohérence du texte avec la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, puisque le projet de loi pour la refondation de l’école de la République n’était pas encore voté au moment de la CMP.

Ces écoles seront pour la première fois dans l’université et non plus à côté, ce qui me paraît essentiel. Je reprendrai les termes d’Albert Camus qui, bien mieux que je ne saurais le faire, disait déjà, il y a soixante ans, de façon prémonitoire : « Le monde change, et avec lui les hommes et la France elle-même. Seul l’enseignement français n’a pas encore changé. Cela revient à dire qu’on apprend aux enfants de ce pays à vivre et à penser dans un monde déjà disparu. » Voilà pourquoi la réforme sur la refondation de l’école, créant notamment les ESPE, était essentielle et pourquoi il était indispensable de la poursuivre avec l’enseignement supérieur et de la recherche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Yves Durand. Très juste !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La réforme sur les ESPE prévoit, vous le savez, cette question a été longuement discutée, une approche disciplinaire plus diversifiée, plus approfondie et progressivement professionnalisante du métier d’enseignant – car la transmission des savoirs s’apprend, apparemment, ce que nous avons redécouvert car cela avait été quelque peu oublié. C’est cette version enrichie que je vais vous présenter avant qu’elle ne soit soumise à votre vote.

Ce texte a traversé de nombreuses étapes. Il a été modifié au cours de chacune d’elles par de nombreux amendements. Il a suscité divers débats sans que soient jamais compromises les priorités qui le fondent et qui ont été définies par le Gouvernement. Les débats parlementaires ont pleinement joué leur rôle : renforcer ce qui était prioritaire, préciser ce qui devait l’être et approfondir les objectifs. Ce texte a désormais atteint un équilibre qui lui permet de répondre à l’intérêt général des étudiants, des enseignants, des chercheurs et de l’ensemble des personnels qui contribuent à la richesse et à la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’Assemblée nationale a tout particulièrement consolidé les deux priorités que nous avions fixées : la réussite des étudiants, tous les étudiants – c’est important – et une nouvelle ambition pour la recherche.

La réussite des étudiants, c’est la garantie d’une élévation du niveau de qualification des générations futures, c’est le choix de l’avenir, un avenir qui repose sur la jeunesse, priorité du Président de la République et du Gouvernement. La réussite de tous les étudiants, quelles que soient leurs origines sociales et culturelles, quel que soit le baccalauréat qu’ils ont obtenu, la filière qu’ils ont choisie, c’est le cœur de la mission du service public de l’enseignement supérieur : compenser les inégalités au lieu de les amplifier – amplification attestée par toutes les études aujourd’hui.

Vous avez été particulièrement attentifs à maintenir et renforcer ces conditions de la réussite pour tous. Je citerai : l’orientation prioritaire, et négociée sur le terrain, des bacheliers professionnels et des bacheliers technologiques dans les STS et les IUT, la continuité et la progressivité de l’orientation du lycée à l’université – c’est le dispositif bac moins trois-plus trois, le rapprochement par convention entre les différentes filières de formation des écoles et des universités dès les classes préparatoires dans les lycées, la diversification et le renouvellement des méthodes pédagogiques, avec, notamment, un plan numérique national doté de financements adaptés – et je puis vous assurer que ces financements nous ont été confirmés : ils sont intégrés dans le programme des investissements d’avenir numéro deux.

M. Patrick Hetzel. Nous verrons bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’ajouterai : un suivi plus personnalisé, grâce à une priorité d’affectation de 1 000 créations de postes par an pendant cinq ans pour la réussite en licence, et la simplification des intitulés de formation de la licence au master. En effet, 10 000 intitulés et 11 000 formations proposées à l’élève par le système Admission post-bac, c’est tout simplement inadmissible et absolument incompréhensible, en particulier pour les jeunes issus de milieux modestes qui ne disposent pas dans leur entourage des « décrypteurs » nécessaires.

Ce texte prévoit par ailleurs : l’amélioration de l’insertion professionnelle grâce à l’intégration, dans le temps de formation lui-même, des expériences dans l’entreprise, soit par l’alternance, que je veux doubler d’ici à 2020 – le Premier ministre vient de réaffirmer son souhait de développer davantage l’alternance à tous les niveaux de la formation – soit par des stages davantage encadrés et intégrés dès le premier cycle dans les formations, car le stage sert aussi à découvrir un milieu professionnel, et non de test de première embauche. Ce type de stage permettra soit de confirmer une vocation, soit, au contraire, de préparer une réorientation en douceur, sans redoublement, grâce à la spécialisation progressive au cours du premier cycle de licence.

L’autre priorité consiste à redonner ambition et cohérence à la recherche. Vous avez conforté l’existence et le rôle d’une stratégie nationale de la recherche, déclinée en neuf défis sociétaux, compréhensible par le plus grand nombre et mise en œuvre par les cinq alliances thématiques qui regroupent les organismes de recherche et un conseil d’experts diversifié placé auprès du Premier ministre. Tout cela en cohérence avec la stratégie européenne et avec les priorités du grand programme européen Horizon 2020.

Vous avez également approuvé la double exigence définie par le Gouvernement. La première est de préserver et renforcer la recherche fondamentale – toute la recherche fondamentale, des humanités aux sciences dites sociales en passant par les sciences humaines et sociales – dont la qualité est reconnue dans le monde entier et grâce à laquelle nous sommes placés au sixième rang mondial, le CNRS étant le premier « publiant » scientifique mondial, et de très loin. De l’autre côté, il s’agit d’améliorer notre capacité à transformer les résultats de cette recherche en innovations dans tous les domaines, économique, industriel, sociétal, culturel et environnemental, car nous ne figurons plus, à cette étape, qu’entre le vingtième et vingt-cinquième rang mondial. Au moment où 25 % de notre jeunesse est au chômage, cela devient un impératif de mission de service public.

Il s’agit donc de transformer ce que l’on appelle « vallée de la mort » en « vallée de la vie » et en emplois nous permettant aussi de monter en gamme notre industrie et nos services, qui en ont bien besoin.

Vous nous avez également soutenus dans notre engagement pour la simplification du système d’enseignement supérieur et de recherche, le fameux mikado si souvent décrié lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, cela en simplifiant l’accréditation des établissements et des intitulés pour donner davantage de lisibilité à notre offre de formation et en simplifiant aussi des strates structurelles et des statuts d’établissements – certains les ont appelées des couches géologiques stratifiées – que les trop nombreux appels à projets ont multipliés au cours du dernier quinquennat sans jamais en supprimer.

Vous avez souhaité et encouragé l’amélioration de la gouvernance des universités, mais surtout de la gouvernance territoriale de l’enseignement supérieur et de la recherche, gouvernance fédérale ou confédérale des regroupements d’établissements, sous forme de fusions, de communautés ou d’associations. Nous avons laissé une grande liberté d’organisation aux sites car nous considérons que c’est la base de l’autonomie. Nous n’avons pas voulu, comme par le passé, imposer des fusions, y compris entre les deux tours de l’élection présidentielle, car ce n’est pas notre conception de l’autonomie.

La gouvernance est donc mise au service d’une stratégie de site avec toutes ses composantes, avec une ouverture sur le monde socio-économique. Au lieu d’être une fin en soi, la gouvernance s’adapte enfin à l’intérêt général des étudiants, des enseignants, des chercheurs, à l’objectif d’une ouverture des universités sur leurs écosystèmes. Ce n’est plus une fin en soi comme c’était le cas dans la loi LRU : nous voulons des universités ouvertes sur leur environnement, ouvertes au monde.

En outre, l’Assemblée a également amélioré et renforcé le texte de loi, notamment sur quatre points importants.

D’abord, vous avez apporté des compléments indispensables à la formulation de l’élargissement des dérogations à la loi Toubon à l’article 2 : nous avons su ensemble en expliciter les conditions et faire en sorte que cette mesure donne une nouvelle impulsion à l’expansion de la francophonie tout en accueillant les étudiants venus des pays émergents aujourd’hui freinés par l’obstacle de la langue.

Ensuite, vous avez renforcé le principe de la tutelle conjointe du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, ce qui donne tout son sens au rôle de coordination de la stratégie nationale d’enseignement supérieur.

Par ailleurs, vous avez réuni les deux stratégies nationales de la recherche et de l’enseignement supérieur en un seul Livre blanc, en les complétant notamment par une programmation des moyens.

Enfin, vous avez amélioré les possibilités et les modalités d’accès des docteurs à la haute fonction publique, et cela va contribuer à valoriser la formation universitaire de plus haut niveau qui soit en France, celle des docteurs, que nous voulons aussi faire reconnaître dans toutes les branches de notre économie et de notre industrie – ce n’est pas le cas aujourd’hui. Une négociation est engagée par mon ministère, à laquelle je participe moi-même, et nous avons préservé le budget des CIFRE, doctorats en alternance, qui sont favorables aux PME-PMI à fort potentiel d’innovation. Nous avons élargi le dispositif aux entreprises de taille intermédiaire, en les favorisant tout comme les PMI et les PME.

Le Sénat a ensuite apporté plusieurs compléments et enrichi à son tour le texte. Il a également introduit plusieurs garanties supplémentaires dans la gouvernance territoriale, des garanties en matière de collégialité mais aussi des garanties pour que les établissements puissent affirmer, davantage qu’aujourd’hui, leur autonomie au sein des regroupements.

Les missions de l’enseignement supérieur et de la recherche ont été complétées, en faisant la place aux interactions entre science et société. Je sais que nombre d’entre vous teniez à ce point important. Cela pouvait se lire dans l’exposé des motifs, et c’est désormais inscrit, grâce aux parlementaires, dans le texte de loi lui-même.

Un statut « d’établissement privé à but non lucratif concourant au service public » a été établi. Ce statut inscrit dans la loi de bonnes pratiques qui existaient déjà, en matière de diplômes et de contrats pluriannuels, et n’en ajoute aucune autre. Il permet surtout de protéger les diplômes et grades nationaux et de garantir les étudiants contre des pratiques abusives, révélées dans le cas Pessoa, à Béziers et Toulon. Je rappelle que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a porté plainte contre ces abus inacceptables, par la voie des deux recteurs concernés. L’instruction est en cours et l’affaire est entre les mains du tribunal correctionnel, ce qui prouve que nous avions bien raison de déposer ces plaintes.

Le Sénat a souhaité introduire davantage d’égalité entre les établissements regroupés par associations, et cette réécriture de l’article 38 sera de nature à faciliter la décision des universités ou des écoles au moment de choisir entre une intégration dans la communauté ou une simple association. Les dispositions concernant les régions ont été renforcées, notamment par leur association obligatoire au processus de contractualisation entre les regroupements de site et l’État. Le texte a été voté par le Sénat à une large majorité qui comprenait alors les écologistes et l’UDI, laissant en suspens quelques points décisifs.

Lors des travaux de la commission mixte paritaire, les représentants de l’Assemblée ont obtenu le rétablissement des articles supprimés au Sénat, ce qui redonne au texte sa cohérence d’ensemble. Que les députés en soient remerciés. Elle a rétabli les articles 25, 40 et 41 qui définissent notamment les modalités de l’élection du président du conseil d’administration et du conseil académique, en cohérence avec l’ensemble de l’article 38 réécrit et adopté au Sénat.

Pour éviter des tensions inutiles dans des gouvernances souvent sensibles, le président du conseil d’administration pourra soit présider lui-même le conseil académique, soit en proposer le président, que son conseil d’administration aura à valider.

Par ailleurs, deux décisions du Sénat, proposées par amendement, contre l’avis du Gouvernement, avaient immédiatement soulevé l’émotion des communautés universitaires : la suppression de la qualification préalable des candidats aux fonctions d’enseignant-chercheur et la régionalisation de l’examen classant pour l’internat de médecine. Ces deux propositions n’émanaient pas du groupe socialiste.

La commission mixte paritaire a fait preuve de sagesse en rétablissant dans le processus de recrutement des enseignants-chercheurs la qualification par le CNU. Elle a aussi rétabli le caractère national de l’examen classant pour l’internat de médecine, sachant que je me suis engagée à trouver des solutions plus efficaces pour remédier aux déserts médicaux constatés dans certains territoires, qui sont un vrai problème.

La commission mixte paritaire a également abouti à plusieurs équilibres, qui s’inscrivent dans les priorités du projet de loi.

Elle améliore l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, en prévoyant notamment des visas pluriannuels et un statut particulier pour les docteurs formés en France qui participent à la richesse culturelle de notre pays et à qui sera accordé un droit de visite permanent. Ces mesures seront complétées par un projet de loi porté dans les mois qui viennent par Manuel Valls, mais vous teniez, à juste titre, à affirmer dès le présent projet notre volonté d’ouvrir grand nos portes. C’était indispensable après l’infamante circulaire Guéant, même si nous l’avions supprimée. C’est ça aussi, la francophonie !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Absolument !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Elle renforce aussi la protection des stagiaires, notamment contre le harcèlement, malheureusement plus fréquent qu’on ne le souhaiterait. Elle maintient enfin la possibilité du suffrage indirect pour l’élection au conseil d’administration des communautés, quand celles-ci comportent plus de dix membres.

Au cours de l’ensemble du processus démocratique auquel il a été soumis, ce texte a été enrichi, précisé, renforcé et très largement amélioré. L’enjeu méritait de tels efforts : il s’agit en effet de jeter les bases de l’enseignement supérieur et de la recherche au xxie siècle ; il s’agit du redressement de notre pays ; il s’agit de l’avenir de notre jeunesse et de notre société.

Je vous remercie très chaleureusement de votre contribution décisive à la qualité de ce texte, et je me félicite de la bonne tenue et de l’intérêt des débats dont il a été l’occasion, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Je remercie tout particulièrement Vincent Feltesse, rapporteur, Christophe Borgel et Olivier Véran, respectivement rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales, ainsi que Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ; je remercie également Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, et François Brottes, président de la commission des affaires économiques, ainsi que tous les responsables de groupes, qui ont – ou non – partagé nos priorités et porté le projet de loi, mais contribué quoi qu’il en soit à mobiliser l’attention des Français sur ce texte.

Le Premier ministre a choisi pour présenter le deuxième programme d’investissements d’avenir une méthode qui, sans tout casser et en conservant les bonnes idées, diffère fondamentalement de ce qui a été fait par le passé, notamment en termes d’objectifs et d’implication des collectivités territoriales. Il a tenu à présenter ce plan depuis le campus rénové de Jussieu, qui dépend de l’université Pierre-et-Marie-Curie, ce qui constitue un symbole important. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Nos débats sur ce projet de loi, qui porte pour la première fois sur l’enseignement supérieur et la recherche enfin rassemblés, ont été riches, respectueux, parfois passionnels mais sans attaques interpersonnelles, ce dont je vous remercie.

Beaucoup sur ces bancs et au Sénat ont regretté que ce texte ne soit pas un projet de loi de programmation mais d’orientation.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je leur rappelle que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a bénéficié d’une augmentation globale de 2,3 % en 2013 – la plus forte depuis plusieurs années…

M. Patrick Hetzel. C’est faux !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est vrai, monsieur Hetzel, car nous refusons, comme vous l’avez fait et comme l’a noté la Cour des comptes, d’additionner des choux et des carottes !

Ce budget, donc, sera maintenu à ce même niveau en 2014, dans un contexte budgétaire globalement contraint. En outre, mille créations de poste par an sont prévues en loi de programmation des finances pluriannuelle pour tout le quinquennat, ciblées sur la réussite en premier cycle, point faible de notre système universitaire, qu’il convenait donc d’améliorer. Les dernières créations de poste remontent à 2006, et il s’agissait de six cents postes. Cinq mille contre six cents : je vous laisse juges…

En outre, au-delà des projets d’investissements d’avenir en cours de réalisation, le Premier ministre vient d’annoncer une dotation de près de 4 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche, dans le cadre du deuxième programme d’investissement d’avenir.

Dans le même temps, car c’est un vrai sujet sur lequel vous avez été nombreux à insister, je me suis engagée à résorber la précarité qui touche 8 400 personnels dans les universités. Cela se fera en quatre ans et concernera donc chaque année 2 100 personnes, que l’on oublie souvent : les BIATSS, les personnels techniques ou de catégorie C, pourtant indispensables au déroulement des enseignements comme au fonctionnement des laboratoires. Je tenais à leur rendre ici un hommage particulier et à les assurer qu’en quatre ans la précarité sera totalement résorbée.

J’ai fait en sorte que l’Agence nationale de la recherche opère les modifications nécessaires et que les organismes de recherche soient sensibilisés au problème de la précarité, laquelle s’est considérablement accrue du fait de la multiplication frénétique des appels à projet sous le précédent quinquennat. Je me suis donc engagée à ne pas renouveler mécaniquement le flux des CDD, notamment grâce à une programmation pluriannuelle de projets de moyen et long termes.

Tout cela montre clairement que l’enseignement supérieur et la recherche sont redevenus des priorités nationales pérennes. Au-delà de la communication, ils font l’objet, dans un climat de confiance mutuelle, de modifications en profondeur vouées à soutenir notre rayonnement européen et international.

La qualité du résultat auquel nous aboutissons appelle une confirmation : vous avez approuvé une première version de ce texte, vous avez fortement contribué à son amélioration par la commission mixte paritaire et je vous demande donc de l’approuver dans la version qui vous est présentée aujourd’hui.

C’est un projet susceptible de tous nous rassembler car il porte, à travers ces deux priorités que nous partageons tous, la réussite étudiante – surtout dans le premier cycle, où nous sommes le plus défaillants – et l’ambition internationale de notre recherche, des enjeux d’avenir, décisifs pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons maintenant au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisie.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 1.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai successivement les amendements nos 1 à 5, qui concernent les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Il s’agit de mettre ce projet de loi en cohérence avec la loi sur la refondation de l’école de la République votée entre-temps.

L’amendement n° 1 complète l’alinéa 31 de l’article 38 par la phrase suivante : « Parmi ses composantes, la communauté peut comporter une école supérieure du professorat et de l’éducation. »

L’amendement n° 2 est rédactionnel. Il porte toujours sur l’article 38 et substitue, à l’alinéa 63, le mot « troisième » au mot « deuxième ». Il fallait les ESPE pour nous apprendre à compter… (Sourires.)

L’amendement n° 3 vous propose d’insérer, avant l’article 56 A, un article modifiant l’article 83 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. À la seconde phrase du cinquième alinéa, les mots « ou de l’établissement public de coopération scientifique » sont supprimés ; au dernier alinéa, les mots « ou à l’établissement public de coopération scientifique » sont supprimés aussi.

L’amendement n° 4 vous propose d’insérer avant l’article 56 A un article modifiant l’article L. 721-1 du code de l’éducation dans sa rédaction résultant de l’article 70 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République : à la fin du premier alinéa, les mots « soit au sein d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, soit au sein d’un établissement public de coopération scientifique » sont remplacés par les mots : « au sein d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel » ; à l’avant-dernier alinéa, les mots « ou de l’établissement public de coopération scientifique » sont supprimés.

Enfin, l’amendement n° 5 est également un amendement de coordination avec la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Comme l’a dit Mme la ministre, ce ne sont que des amendements de précision et de coordination avec la loi sur la refondation de l’école, qui n’avait pas encore été adoptée lors de la première lecture de ce texte. L’avis de la commission est donc favorable sur les cinq amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Pour ce qui est de l’amendement n° 1 tout d’abord, il va au-delà du simple amendement de cohérence puisqu’il donne un statut spécifique à ces écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

À la lecture du projet de loi, on s’aperçoit en effet que les autres écoles et instituts – IUT, instituts d’administration des entreprises, écoles d’ingénieurs – ne sont pas mentionnés explicitement. Or voici que, pour les ESPE, on complète l’alinéa 31 de l’article 38 !

Nous sommes donc bien au-delà de l’amendement de cohérence. Je suis extrêmement surpris que l’on isole ainsi ces écoles, et encore plus que cette modification intervienne à cet instant de notre discussion, alors que cela aurait pu être fait lors de la commission mixte paritaire. Cela n’a pas été le cas et nous pouvons le déplorer.

Je trouve regrettable que l’on n’énumère pas l’ensemble des composantes susceptibles de rejoindre ces fameuses communautés. Le fait de traiter les ESPE de manière spécifique montre bien qu’on veut leur donner un statut particulier et que l’on considère, par voie de conséquence, qu’elles ont plus d’importance que les IUT, les instituts d’administration des entreprises ou les écoles d’ingénieurs.

Je ne m’attarderai pas sur l’amendement n° 2, qui est bien un amendement de cohérence. En revanche les amendements nos°3, 4 et 5 appellent un commentaire. Je déplore le fait que l’on substitue les communautés au PRES et que l’on supprime le statut d’établissement public de coopération scientifique.

Depuis le début, nous indiquons que cette suppression équivaut à une réduction du dispositif que peuvent utiliser les universités. Elle relève d’une vision très différente de celle qui prévalait jusqu’à présent, puisque auparavant, c’était le projet qui prévalait et que les statuts de l’établissement public de coopération scientifique étaient susceptibles d’être adaptés en fonction du projet.

Supprimer cette disposition et faire retour au droit commun, c’est-à-dire à celui de l’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, l’EPSCP, revient à uniformiser notre système d’enseignement supérieur. Depuis le début nous sommes en total désaccord avec le Gouvernement sur cette vision très réductrice, voire totalitaire (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC), je pèse mes mots, parce qu’elle ne permettra pas de développer l’innovation nécessaire.

Depuis le début, nous ne cessons de répéter que ces dispositions feront régresser l’enseignement supérieur. Le fait que le Gouvernement dépose ces amendements prétendument de cohérence à la fin du texte prouve bien qu’il n’assume pas ses positions sur le fond. C’est fort dommage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’aimerais simplement que Mme la ministre m’apporte un éclaircissement sur l’amendement n° 1. Sans me montrer aussi suspicieuse que M. Hetzel, je me pose des questions. Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation sont déjà des composantes des universités, me semble-t-il.

M. Patrick Hetzel. Mais oui, bien sûr.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ces universités étant déjà rassemblées dans des communautés, cet amendement signifie-t-il que l’on veut créer une ESPE commune à l’ensemble des universités pouvant déjà en disposer au sein de la communauté, ou veut-on créer une structure spécifique spécialement fléchée en tant que composante ? Mais dans ce dernier cas, ne serait-ce pas contraire à l’idée forte, que la ministre a encore rappelée, d’intégrer les ESPE au sein des universités ? Ne les intègre-t-on pas pour ensuite les désintégrer lorsque l’université rejoint une communauté ? Voilà la question que je me pose en toute bonne foi, madame la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Comme souvent, la réalité est beaucoup plus simple et il n’y a vraiment pas lieu de se montrer suspicieux, sauf à avoir un certain plaisir à prolonger le débat. Je pense que nous ne manquerons pas d’en discuter à nouveau dans les prochaines années avec Patrick Hetzel, car nous sommes vraiment en désaccord sur le fond.

M. Patrick Hetzel. Parfaitement.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je précise au passage qu’il ne s’agit que d’une possibilité de rattachement, et que nous avons été contraints de prendre ces dispositions de mise en cohérence car dans la loi sur la refondation de l’école de la République, vous avez adopté le principe d’une possibilité de rattachement des ESPE aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas l’amendement !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Les PRES n’existant plus, puisqu’ils ont été remplacés par les communautés, qui sont des EPSCP, nous devions dans ce projet prévoir la possibilité de rattacher les ESPE à des EPSCP.

Il s’agissait vraiment d’un amendement de cohérence. L’Assemblée a voté dans la loi sur la refondation de l’école la possibilité de ce rattachement – mais peut-être n’avez-vous même pas le souvenir de ne pas l’avoir votée… Je sais, monsieur Hetzel, que vous aimez beaucoup les débats mais je ne voudrais pas vous donner l’idée de relancer celui sur la refondation de l’école, car il est temps à présent de voter le présent projet ! (Sourires.)

Il s’agit donc vraiment d’une mise en cohérence et je vous renvoie à vos précédents votes sur le projet de loi concerné.

Notre conception de l’autonomie veut que nous laissions une marge de liberté. Le rattachement est possible, mais pas obligatoire et il peut revêtir n’importe quelle forme. Le principe d’autonomie implique en effet, pour nous, que les sites restent libres de s’organiser suivant plusieurs configurations. C’est le contraire du mot que vous avez prononcé, monsieur Hetzel, et que je ne répéterai pas tant il était incongru dans ce cadre.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Non seulement Mme la ministre n’a pas répondu à la question posée par Mme Bechtel,…

Mme Marie-Françoise Bechtel et plusieurs députés du groupe SRC. Si !

M. Patrick Hetzel. …mais surtout, si je reprends son argument, l’amendement n° 1 est superflu !

(Les amendements nos 1, 2, 3, 4 et 5 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets maintenant aux voix l’ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(Le projet de loi est adopté.)

4

Admission en qualité de pupille de l’État

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État (nos 1219, 1224).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. L’objet du projet de loi qu’au nom du Gouvernement je vous présente est de mettre en conformité avec la Constitution l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.

Cet article prévoit les modalités de recours contre l’admission d’un enfant en qualité de pupille de l’État. Les dispositions visées ont été inscrites en 1984.

Ce projet de loi tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel. Suite à un litige dans lequel étaient impliqués des grands-parents qui n’avaient pas pu exercer leur droit de recours, le Conseil a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le 27 juillet 2012, il a rendu sa décision et déclaré les dispositions de l’article L. 224-8 inconstitutionnelles : « Si le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie et qui ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification de l’arrêté en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ».

Le Conseil constitutionnel considère donc que les personnes les plus proches de l’enfant doivent être effectivement mises à même de s’opposer à l’arrêté, conformément à l’exigence du droit à un recours effectif consacré par l’article 16 de la Déclaration de 1789. Faute de notification de l’arrêté, l’exercice de ce droit est rendu impossible dans le délai imparti de trente jours.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a fixé au 1er janvier 2014 l’effet de sa décision, à savoir l’abrogation de l’alinéa 1er de l’article L. 224-8.

Nous devons par conséquent adopter une nouvelle rédaction avant cette date, d’où le calendrier retenu pour présenter ce texte au Parlement.

Si nous ne légiférions pas pour trouver de nouvelles dispositions avant le 1er janvier 2014, les conséquences seraient graves. L’alinéa 1er est la base légale de l’arrêté d’admission et du recours contre lui. En son absence, toute admission de pupille de l’État pourrait être empêchée. Ces enfants seraient alors privés d’un statut destiné à assurer leur protection et tout projet d’adoption serait impossible à mettre en œuvre pour eux.

L’examen auquel nous procédons ce soir est donc particulièrement important pour le millier d’enfants qui, comme chaque année, pourraient être admis en qualité de pupille en 2014.

Le projet de loi s’efforce de concilier le droit au recours effectif des proches de l’enfant et l’intérêt de l’enfant à ce que sa situation soit stabilisée le plus rapidement possible et dans le sens le plus conforme à sa protection.

Le présent texte précise tout d’abord le champ des personnes qui ont le droit de contester l’admission de l’enfant en qualité de pupille. Il s’agit des parents de l’enfant, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, des membres de la famille de l’enfant, du père de naissance ou des membres de la famille de la mère ou du père de naissance lorsque l’enfant est né sous X, et de toute personne ayant assuré la garde de droit ou de fait de l’enfant.

Je sais que vous vous êtes interrogés, les uns et les autres, en commission, sur la possibilité, pour le père de naissance ou les membres de la famille de la mère ou du père de naissance, de contester l’admission en qualité de pupille de l’enfant quand il est né sous X et d’en demander la charge. Cette question a fait l’objet d’une réflexion lors de la préparation du projet.

Il s’agit en effet de situations particulièrement sensibles, tant sur le plan juridique qu’humain, dans lesquelles pourraient s’opposer le droit de la mère au secret de son identité et le droit du père de naissance et des membres de la famille de la mère et du père de naissance à élever l’enfant, sur le fondement du droit à la vie familiale.

Rappelons tout d’abord que ces personnes ne peuvent être informées de la naissance que par la mère de naissance elle-même puisque le secret professionnel auquel sont tenus les professionnels ayant accompagné la mère de naissance s’oppose à ce qu’ils informent des tiers.

Par ailleurs, par cette disposition, nous nous contentons d’inscrire explicitement dans la loi ce que la jurisprudence avait déjà rendu possible : aujourd’hui, l’accouchement sous X ne fait plus obstacle à l’établissement de la paternité et des juges ont également annulé des arrêtés d’admission en qualité de pupille à la demande de grands-mères qui avaient justifié d’un lien affectif avec l’enfant.

Précisons enfin que le juge décide souverainement s’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être recueilli par la personne qui fait recours contre l’arrêté, par exemple sa grand-mère. Il examine les circonstances de fait et les éléments de preuve rapportés. C’est à lui ensuite de déterminer si la situation familiale permet que l’enfant soit pris en charge dans de bonnes conditions.

J’en viens au deuxième point de ce texte, qui est une nouveauté : la notification aux personnes les plus proches de l’enfant. Nous avons défini comme telles les personnes qui ont le droit de contester l’admission en qualité de pupille et qui ont manifesté un intérêt pour l’enfant.

Ces personnes devront recevoir une notification de l’arrêté. Elles disposeront alors d’un délai de trente jours à partir de la réception pour le contester. Celles qui ont le droit de contester mais qui n’ont pas reçu de notification ne peuvent se voir opposer ce délai. Une limite absolue est en revanche posée à l’exercice du recours : le placement de l’enfant en vue de l’adoption.

Enfin, par le biais d’un amendement adopté par votre commission, le projet de loi prévoit désormais, à l’article 1er bis, que lors du recueil de l’enfant par les services de l’aide sociale à l’enfance, les personnes qui remettent l’enfant soient informées des modalités de l’admission définitive comme pupille de l’État qui interviendra deux ou six mois plus tard. Je remercie Mme la rapporteure pour cet amendement en plein accord avec l’esprit du projet.

S’agissant du champ d’application géographique de cette loi, l’article 2 du projet prévoit qu’elle s’appliquera sur tout le territoire de la République sauf en Nouvelle Calédonie, car la compétence pour légiférer en matière de droit civil lui a été transférée le 1er juillet 2013.

L’article 3 fixe la date d’entrée en vigueur de la loi : afin de permettre aux conseils généraux d’anticiper la réforme et d’être en mesure de l’appliquer pleinement, l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2014, date à laquelle la déclaration d’inconstitutionnalité prendra effet.

Ainsi, mesdames et messieurs les députés, le texte que nous vous présentons est guidé par la volonté de respecter nos principes constitutionnels et de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel.

La procédure accélérée selon laquelle nous l’examinons est aussi dictée par l’intérêt des enfants qui doivent pouvoir continuer à obtenir ce statut protecteur qu’est le statut de pupille de l’État. Lors de l’examen du texte en commission, les commissaires aux affaires sociales l’ont adopté à l’unanimité. Je vous invite donc aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, à adopter ce texte sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Moignard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Linda Gourjade, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a un objet précis : l’arrêté, prévu à l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, par lequel le président du conseil général procède à l’admission d’un enfant en qualité de pupille de l’État.

Pour les parents de l’enfant ou les personnes présentant un lien avec lui qui demandent à assumer la charge de l’enfant, cet article ouvre une voie de recours contre l’arrêté, dans un délai de trente jours, devant le tribunal de grande instance.

Nous devons réexaminer cet article en raison d’une décision du Conseil constitutionnel prise sur le fondement d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Lors d’une affaire dans laquelle un recours avait été rejeté comme tardif, la requérante n’avait pas été mise à même de connaître le point de départ du délai qui lui était opposé.

L’article L. 224-8 ne prévoit en effet pas de mesure de publicité ou de notification de l’arrêté et ne fixe pas de point de départ du délai de recours. Ceci porte atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Il revient donc au législateur de mieux préciser les cas et les modalités de recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État.

C’est l’objet de l’article 1er du présent projet de loi.

Sont admis en qualité de pupilles de l’État des enfants que le service de l’aide sociale à l’enfance et des conseils généraux ont recueillis parce qu’ils se trouvent privés de liens familiaux : ils sont dans une situation d’abandon du fait de la volonté, de la carence ou de l’absence de leurs parents. L’admission en qualité de pupille de l’État leur apporte la sécurité d’une tutelle spécifique et rend possible leur adoption.

Or il est dans l’intérêt de l’enfant de s’assurer que les services de l’aide sociale à l’enfance tiennent pleinement compte des aides auxquelles il peut être fait appel dans l’environnement de l’enfant avant son admission comme pupille de l’État.

Le recours juridictionnel offre une possibilité supplémentaire de faire bénéficier l’enfant du maintien de liens familiaux, si le tribunal le juge conforme à son intérêt. Et le recours devant le juge constitue, en tout état de cause, un droit pour tout citoyen visé par une décision de l’administration.

Un recours spécifique a donc été institué par l’article 1er de la loi du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance, et au statut des pupilles de l’État. La compétence exclusive du recours a été attribuée au tribunal de grande instance dans l’intérêt de l’enfant.

De nombreuses dispositions figurant à l’article L. 224-8 dans sa rédaction actuelle ne sont pas remises en cause par la décision du Conseil constitutionnel, comme l’absence de publication générale de l’arrêté d’admission, la durée réduite à trente jours du délai de recours, ou le fait que le recours est subordonné à une demande d’assumer la charge de l’enfant.

Mais le Conseil constitutionnel a indiqué de façon précise que le législateur ne saurait s’abstenir – je cite – « de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ».

L’article 1er répond à cette exigence sans supprimer les spécificités du recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Il fait également figurer dans la loi des précisions nécessaires.

En premier lieu, l’article 1er permet d’établir sans conteste la distinction entre la phase de recueil de l’enfant par le service de l’aide sociale à l’enfance et la phase d’admission en qualité de pupille de l’État.

À l’exception de l’admission immédiate des enfants confiés sur décision de justice, l’admission doit être réalisée en deux étapes. Pendant une période transitoire de deux mois ou de six mois, selon les cas, l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État ne saurait être pris. Or il semble que certains départements prennent parfois un arrêté d’admission dès la phase de recueil de l’enfant, non un simple procès-verbal de déclaration provisoire.

L’article 1er précise les titulaires d’un droit au recours. La plupart d’entre eux sont déjà expressément mentionnés dans la rédaction actuelle, tels les parents de l’enfant ou toute personne ayant assuré sa garde de droit ou de fait.

La rédaction est améliorée pour ce qui concerne les « membres de la famille de l’enfant » et la qualité pour agir est accordée expressément au « père de naissance » et aux « membres de la famille de la mère ou du père de naissance » dans les cas où la filiation est inconnue. Elle l’est déjà par la jurisprudence et cette disposition ne porte pas atteinte au secret protégé par la loi qui autorise la mère à effectuer un accouchement « sous X ».

L’article 1er satisfait l’obligation, énoncée par le Conseil constitutionnel, de notification aux « personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant ». Il s’agira des personnes ayant qualité pour agir qui, avant la date de l’arrêté, ont manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance.

Ainsi, la loi assigne aux conseils généraux une obligation nouvelle de notification, mais en prenant bien soin de ne pas la rendre impossible à satisfaire : l’arrêté ne devra être notifié qu’à des personnes qu’il sera aisé d’identifier.

Ceci est en outre dans l’intérêt de l’enfant : à court terme, la notification ouvrira le délai de recours et permettra de stabiliser au plus vite la situation juridique du pupille. À long terme, le jeune adulte, ancien pupille de l’État, qu’il ait été adopté ou non, ne sera pas confronté à la situation, douloureuse et encore trop fréquente, de découvrir dans son dossier que des demandes émanant de tiers qui ont manifesté un intérêt pour lui sont restées sans réponse.

L’article 1er prévoit expressément que la date de réception de la notification constitue le point de départ du délai de trente jours au terme duquel le délai de recours est expiré.

Il en résulte a contrario une absence de délai de recours pour les personnes ayant un intérêt à agir et auxquelles l’arrêté n’a pas été notifié, qu’elles aient été éligibles ou non à une telle notification.

Ce recours restera cependant bien privé d’effet en cas de placement de l’enfant en vue de l’adoption, car celui-ci met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine et fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance, conformément à l’article 352 du code civil.

Mes chers collègues, il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur ce texte qui vise à sécuriser les modalités d’admission en qualité de pupille de l’État. Je me félicite d’ailleurs de l’adoption unanime de ces articles en commission des affaires sociales et j’en remercie l’ensemble des commissaires.

Ces enfants sans famille doivent bénéficier d’une situation stable, soit en tant que pupilles de l’État, avec un statut protecteur qui leur permettra, le cas échéant, d’être adoptés, soit en étant confiés, sur décision du juge, à la personne qui a introduit utilement un recours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs.)

M. Jacques Moignard. Très bien !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, ce projet de loi vient modifier les modalités d’admission en qualité de pupille de l’État, non pas sur le fond, mais sur la forme, afin de sécuriser la qualité de pupille et de prévenir tout risque de recours ultérieur à l’admission d’un enfant dans cette situation.

Ce texte a pour objectif de régler un problème soulevé au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil constitutionnel et ayant fait l’objet d’une décision du Conseil le 27 juillet 2012.

Le Conseil a estimé que le recours contre l’arrêté d’admission du président du conseil général n’était pas suffisamment garanti, faute d’information aux personnes désireuses d’assumer la charge effective d’un enfant admis provisoirement en qualité de pupille de l’État.

Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, répond au droit des proches de pouvoir exercer un recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État et à l’intérêt de l’enfant de voir son statut clarifié dans les meilleurs délais.

Il est en effet impératif de sécuriser ces arrêtés d’admission en qualité de pupille de l’État avant l’abrogation du texte actuel, prévue au 1er janvier 2014.

Les conseils généraux ont la compétence en matière de protection de l’enfance. Ils sont chargés d’instruire les dossiers des enfants se trouvant en situation de défaillance de leurs parents et de leurs proches dans leur rôle de prise en charge et d’éducation.

Ces enfants sont placés sous la responsabilité de l’aide sociale à l’enfance.

Les pratiques des conseils généraux sont différentes d’un département à l’autre du fait de différences d’interprétation d’un texte peu clair. La loi, plus précise, permettra désormais l’harmonisation de ces pratiques. Cette loi, si elle est votée en juillet, permettra aux conseils généraux d’anticiper la réforme et d’être en mesure de l’appliquer pleinement dès le 1er janvier 2014.

Les pupilles sont des enfants qui n’ont pas ou plus de famille susceptible d’en assumer la charge. Au 31 décembre 2011, 2 345 enfants avaient ce statut. Les enfants peuvent être admis comme pupilles de l’État selon six critères : 39 % d’entre eux sont des enfants qui n’ont pas de parents, sans filiation établie ou de filiation inconnue ; 14 % ont été remis par l’un ou les deux parents auprès de l’aide sociale à l’enfance ; 9 % sont des orphelins ; 9 % ont été admis suite à une décision judiciaire de retrait de l’autorité parentale et 30 % ont été admis suite à une décision judiciaire qui les a déclarés judiciairement abandonnés.

Le représentant de l’État dans le département exerce la fonction de tuteur et le conseil de famille des pupilles de l’État l’accompagne dans cette mission.

Ce texte sécurise les étapes du parcours de l’enfant dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en précisant le champ des personnes pouvant exercer un recours contre la décision d’admission en qualité de pupille de l’État. Tout droit de recours contre l’arrêté d’admission est donc ensuite définitivement éteint.

Pour autant, il garantit le droit des membres de la famille de l’enfant en les informant de leur possibilité de recours contre cet arrêté avant que l’enfant ne soit confié en vue de son adoption. Ce droit est aussi ouvert à toute personne ayant assuré la garde de l’enfant de droit ou de fait et connue des services de l’aide sociale à l’enfance.

Toutefois, les recours abusifs sont évités puisque la recevabilité de l’action est conditionnée à la volonté et à l’engagement d’assumer la charge de l’enfant.

Les modalités de notification individuelle de cet arrêté sont précisées dans le point 3, ainsi que les conditions d’exercice du recours, pour éviter toute ambiguïté et contestation ultérieure, notamment celles relatives au point de départ du délai de recours.

Ce texte crée les conditions pour éteindre définitivement le droit d’agir et, dans tous les cas, le placement de l’enfant dans une famille en vue de son adoption fait obstacle à toute restitution de l’enfant. Si le recours est recevable, si la demande est conforme à l’intérêt de l’enfant, le tribunal prononce l’annulation de l’arrêté d’adoption et confie l’enfant au demandeur, à charge, le cas échéant, pour le demandeur de requérir l’organisation de la tutelle ou de la délégation de l’autorité parentale.

Si le recours est rejeté, le tribunal peut autoriser le demandeur, dans l’intérêt de l’enfant, à exercer un droit de visite dans les conditions qu’il détermine.

L’ensemble de ces dispositions est de nature à sécuriser la situation de l’enfant, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, à garantir les droits de la famille biologique, mais aussi ceux de la famille d’adoption.

Au nom du groupe SRC, je donne un avis favorable à l’adoption du texte. C’est un texte de précision qui est nécessaire au regard des risques susceptibles de peser sur le statut de pupille de l’État. En la matière, le risque zéro doit être recherché. Son adoption permettra aussi de mettre en œuvre un projet d’adoption et de rendre adoptables les enfants ayant acquis le statut de pupille de l’État en limitant au maximum le temps nécessaire pour donner une famille à un enfant, soit trois mois au moins à partir de leur recueil. Le code de l’action sociale et de la famille prévoit en effet que « les pupilles doivent faire l’objet d’un projet d’adoption dans les meilleurs délais ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le texte que nous examinons aujourd’hui paraît très technique. Il comporte en réalité des applications très concrètes pour des centaines d’enfants particulièrement fragiles. En effet, la reconnaissance comme pupille de l’État d’un enfant orphelin ou d’un enfant dont les parents ne sont pas en mesure d’exercer leur responsabilité lui ouvre la possibilité d’être adopté. C’est donc un moment particulièrement décisif, le lien avec sa vie précédente étant soit préservé, soit au contraire coupé, ce qui lui permet de se construire hors du champ de sa famille naturelle grâce à une adoption plénière.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

Mme Bérengère Poletti. La reconnaissance d’un tel statut étant définitive, il est impératif qu’il soit entouré de toutes les précautions nécessaires, en particulier la possibilité de recours des personnes de l’entourage de l’enfant à même d’en obtenir la garde. Si nous sommes réunis aujourd’hui à ce sujet, c’est parce que le Conseil constitutionnel a censuré l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles issu de la loi du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de l’enfance et au statut des pupilles de l’État. L’article n’assurait pas effectivement aux personnes habilitées à contester la reconnaissance d’un enfant comme pupille de l’État le droit de le faire.

Je salue une fois de plus la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, mise en place par la réforme constitutionnelle de 2008. En effet, la décision du Conseil met en exergue un article du code de l’action sociale et des familles dont la rédaction n’est pas assez précise et que nous allons donc corriger. Je regrette en revanche que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion de légiférer sur le sujet en reprenant au moins partiellement, car je suis bien consciente que les délais impartis sont assez courts, les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Michèle Tabarot sur l’enfance délaissée et l’adoption votées tout à la fin de la législature précédente.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

Mme Bérengère Poletti. Je pense en particulier à la question du délaissement parental qui concerne une grande partie des enfants ayant vocation à être admis comme pupilles de l’État. En effet, l’adoption d’enfants nationaux concerne aujourd’hui entre 800 et 900 enfants chaque année, soit moins du quart des enfants adoptés. En 1985, la proportion était tout autre. Adoptions nationales et internationales représentaient chacune environ 1 700 enfants, comme le montre le rapport sur l’adoption de M. Jean-Marie Colombani remis au Premier ministre en 2008. Une telle baisse est d’autant plus frappante que le nombre d’enfants placés ne diminue pas. Plus de 127 000 mineurs faisaient l’objet d’un placement sur décision de justice en 2005 au titre de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme le rappelait Michèle Tabarot dans le rapport de la commission spéciale ayant examiné sa proposition de loi, le nombre de pupilles de l’État présentés à l’adoption est resté stable de 1987 à 1995 et diminue depuis. En 1987, 1 424 pupilles étaient placés en vue d’une adoption ; de 1995 à 2003, on en compte 1 000 par an et ils étaient 841 en 2005, soit un tiers des pupilles de l’État. D’après les études menées sur le sujet, ce sont essentiellement l’âge des pupilles, leur état de santé, leur handicap ou encore l’existence d’une fratrie qui expliquent que certains enfants ne sont pas placés en vue d’une adoption.

Depuis 2000, le nombre de déclarations judiciaires d’abandon oscille entre 150 et 200 par an, comme le montrent les statistiques transmises par la chancellerie en 2012, ce qui semble bien peu élevé au regard du nombre d’enfants placés. Un rapport de l’observatoire national de l’enfance en danger a par ailleurs montré en décembre 2006 que les enfants admis comme pupilles de l’État à la suite d’une déclaration judiciaire d’abandon le sont après une prise en charge des services de l’aide sociale à l’enfance d’environ six ans. Le dernier rapport de l’ONED sur la situation des pupilles met en exergue de fortes disparités départementales. Il recommande d’ailleurs d’approfondir la question, en examinant en particulier l’impact d’une culture ou d’une pratique des services départementaux en matière de protection de l’enfance.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

Mme Bérengère Poletti. La proposition de loi sur l’adoption adoptée le 1er mars 2012 proposait de modifier la rédaction de l’article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d’abandon, dont le prononcé permet de donner à un enfant placé le statut de pupille de l’État. Il s’agissait de substituer à la notion de désintérêt manifeste jugée trop floue celle de délaissement parental, définie par des carences dans l’exercice des responsabilités parentales compromettant le développement de l’enfant. L’article avait été adopté de manière consensuelle. La QPC date de juillet 2012, madame la ministre, et il est vraiment regrettable que vous n’ayez pas jugé utile d’élargir quelque peu le champ du texte que nous examinons aujourd’hui. Une année complète suffisait amplement à y intégrer une question si essentielle pour des centaines d’enfants délaissés qui attendent pendant des années que leur situation soit clarifiée, si tant est qu’elle l’est, car le parent qui n’assume pas sa responsabilité envoie une carte postale de temps en temps ou refait surface à intervalles irréguliers. Nous sommes maintenant en juillet 2013 et l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles sera caduc dans six mois. La question du recours effectif contre l’arrêté de reconnaissance du statut de pupille de l’État est trop importante. Ne compliquons pas la tâche des personnes ou des départements confrontés à des situations difficiles. Nous n’avons pas déposé d’amendements et soutiendrons le texte en vue de son adoption rapide.

M. Jean-Pierre Vigier et M. Pierre Lequiller. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. En revanche, nous regrettons beaucoup l’occasion manquée alors que le Gouvernement choisit, semaine après semaine, d’encombrer notre ordre du jour de textes qui ne répondent pas aux attentes des Français.

M. Pierre Lequiller. Et qui n’ont aucun intérêt !

Mme Bérengère Poletti. Vous aviez là, madame la ministre, l’occasion d’aller un peu plus loin pour clarifier la situation d’enfants en souffrance. Il est bien dommage d’être passé à côté. Pour autant, comme le Gouvernement n’hésite pas à réinscrire à l’ordre du jour certaines propositions de loi, nous espérons qu’il fera prochainement le choix d’inscrire celle sur l’enfance délaissée à l’ordre du jour du Sénat auquel elle a été transmise après son adoption en mars 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien ! Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui remplir un vide juridique pour des enfants nés dans un vide familial et qui constituent à eux tous la plus grande famille de la République, celle des pupilles de l’État. Il faut donc d’abord savoir quelles sont les personnes et les situations que recouvre ce statut. Un pupille de l’État est un enfant dont l’autorité parentale est exercée par le préfet du département. Il s’agit des enfants sans filiation, des enfants remis par leurs parents à l’aide sociale à l’enfance en vue d’une adoption, des orphelins pour lesquels aucune tutelle n’a pu être organisée et des enfants dont les parents se sont vus retirer l’autorité parentale ou qui font l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon.

Selon l’observatoire national de l’enfance en danger, la France comptait à la fin de l’année 2011 2 345 pupilles de l’État, inégalement répartis sur le territoire. 1 007 nouveaux enfants ont obtenu le statut de pupille, 1 065 en sont sortis et 22 747 agréments sont en cours de validité. Lors de leur admission comme pupilles, les enfants ont en moyenne entre quatre et cinq ans, leur âge variant d’un mois pour les enfants sans filiation à dix ans et demi pour les orphelins.

Les pupilles sont donc des enfants qui n’ont pas ou plus de famille susceptible d’en assumer la charge et qui ont particulièrement besoin d’être protégés. L’accès au statut de pupille de l’État, qui permet l’adoption d’un enfant, suppose un arrêté du président du conseil général susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal de grande instance dans un délai de trente jours par les parents, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, les alliés de l’enfant et toute personne justifiant d’un lien avec celui-ci et qui demande à en assurer la charge.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 avril 2013, était précisément saisie d’une question relative au délai de recours applicable à l’article L. 224-8 du code des affaires sociales et familiales. En l’espèce, un enfant né le 7 avril 2009 sans filiation paternelle établie fut placé de façon provisoire à sa naissance par décision de l’autorité judiciaire. À la suite du décès de la mère le 20 octobre 2009, un procès-verbal de recueil de l’enfant par l’aide sociale à l’enfance fut rédigé le 30 novembre 2009 afin qu’il soit admis en qualité de pupille de l’État. Le président du conseil général l’admet par arrêté du même jour puis par arrêté du 1er décembre 2009. Sur le fondement dudit code, la grand-mère maternelle de l’enfant demande au TGI l’annulation de l’arrêté d’admission de son petit-fils en qualité de pupille de l’État et sa désignation en qualité de gardien de l’enfant. Après avoir été jugée recevable mais rejetée en première instance, sa demande fut déclarée irrecevable en appel en raison du caractère tardif du recours, le délai de trente jours courant à compter de la date de l’entrée en vigueur de l’arrêté, soit le 1er décembre 2009.

La grand-mère joint alors à son pourvoi en cassation une question prioritaire de constitutionnalité dont le Conseil constitutionnel est saisi par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 juin 2012. Les Sages déclarent alors l’alinéa 1er de l’article L. 224-8 du code des affaires sociales et familiales contraire à la Constitution sur le fondement de la méconnaissance du droit des personnes intéressées par l’exercice d’un recours effectif devant une juridiction. En effet, le législateur donne qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie et qui ne sauraient par conséquent recevoir toutes individuellement la notification de l’arrêté. Mais il ne pouvait s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels les personnes présentant un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement à même d’exercer un recours sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif.

Cependant, sur le fondement de l’article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a fixé la date de l’abrogation du premier alinéa de l’article L. 224-8 du code des affaires sociales et familiales au 1er janvier 2014, ce qui en a reporté les effets aux arrêtés d’admission en qualité de pupille de l’État postérieurs au 1er janvier 2014. Ainsi, la décision du Conseil constitutionnel est favorable à la grand-mère de l’enfant devenu pupille de l’État mais ne peut s’appliquer en l’espèce en raison de l’effet différé de ladite décision. Celle-ci n’a rien de théorique : par un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a annulé pour de tels motifs un arrêté du président du conseil général des Hauts-de-Seine prononçant l’admission d’un enfant comme pupille de l’État.

Le projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État qui nous est présenté aujourd’hui vise à éviter de tomber dans un vide juridique au 1er janvier 2014. Il redéfinit les cas et modalités de recours contre un tel arrêté devant le tribunal de grande instance. L’exercice est délicat car, comme l’indique l’exposé des motifs, le projet de loi « recherche un équilibre entre les droits des proches à pouvoir exercer un recours et l’intérêt de l’enfant de voir son statut clarifié dans les meilleurs délais ». Malgré un tel rééquilibrage, l’intérêt de l’enfant semble toutefois continuer de l’emporter. L’exposé des motifs ne manque pas en effet de relever que « l’admission en qualité de pupille de l’État est en général, sauf pour les enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance à la naissance, l’aboutissement d’un parcours de prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance consécutif au délitement des liens familiaux et à l’absence de proches en capacité de se substituer aux parents pour prendre en charge l’enfant ».

Outre les parents naturels – en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale –, le projet de loi précise les personnes auxquelles est ouvert le recours.

Il fait ensuite une distinction – réaliste, mais qui pourrait se révéler juridiquement fragile – entre le périmètre des personnes autorisées à agir contre l’arrêté et celui des personnes auxquelles l’arrêté est notifié. Faute de connaître l’existence des personnes concernées, la notification sera en effet limitée aux parents naturels et aux personnes « qui ont manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance avant la date de l’arrêté d’admission ».

Mesdames et messieurs les députés, dans un pays comme le nôtre, pays des droits de l’homme, pays de la protection de l’enfance, du droit à la dignité, du droit à la famille, pays où chacun peut et doit réclamer le droit d’être secouru, assisté, aidé, on ne peut envisager le silence du droit qui protège, du droit qui libère, comme le disait Lacordaire.

Au-delà de cet agencement technique, le texte qui nous est proposé a, au fond, un objet unique : ne pas gâcher des destins qui s’engagent, d’emblée, sous des auspices peu favorables. Ce texte, qui évoque le libre épanouissement des enfants, suppose qu’ils trouvent en une famille le premier des repères, le lieu où ils peuvent se construire en tant qu’individus autonomes. Ceci correspond au principe de subsidiarité qui veut qu’autant que possible, une responsabilité soit assurée par l’échelon de base. Il en découle que, dans une société libre, les parents, quels qu’ils soient, sont et demeurent la référence des enfants ; à ce titre, ils ont le devoir et la responsabilité de pourvoir à leur éducation selon les principes qui sont les leurs.

Ce texte évoque encore le rôle du législateur à l’égard de l’enfant, ce qu’écrivait le doyen Jean Carbonnier au sujet de « l’intérêt de l’enfant » : « C’est la notion magique ! Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l’arbitraire judiciaire. Il est des philosophes pour opiner que l’intérêt n’est pas objectivement saisissable, et il faudrait que le juge décide de l’intérêt d’autrui ! L’enfance est noble, plastique, et n’a, du reste, de signification que comme préparation à l’âge adulte : de ce qui est semé dans l’enfant à ce qui lèvera dans l’homme. »

Voilà pourquoi, bien entendu, le groupe UDI votera pour ce projet de loi.

Mme Linda Gourjade, rapporteure et Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, la qualité de pupille de l’État réaffirme le caractère solidaire et protecteur de la République, en particulier pour les enfants nés sous X ou, plus largement, tous ceux à qui il n’a pas été donné de bénéficier d’une cellule familiale sereine et épanouissante.

Les présidents des conseils généraux assument la responsabilité d’octroyer le statut de pupille par arrêté, dans des conditions prévues par l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles. Dans un délai de trente jours après la date de l’arrêté, cet arrêté peut être contesté par un proche via un recours qui peut l’amener à assumer la charge de l’enfant et le soustraire à un placement en vue d’adoption. Encore faut-il pour cela que les tiers et les proches motivés soient dûment informés, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

C’est pourquoi les conditions actuelles de ce recours ont été contestées par le Conseil constitutionnel, qui a enjoint au législateur d’apporter une modification au 1er janvier 2014. Le Conseil d’État a délibéré lors de sa séance du mardi 25 juin 2013 et proposé de remplacer l’article L. 224-8 par des dispositions nouvelles et clarifiées, soumises ce jour à notre assemblée. Il fallait mettre fin à cette incertitude juridique, dommageable d’abord aux enfants eux-mêmes, mais aussi aux proches et tiers motivés par la prise en charge de l’enfant et son accompagnement.

Contrairement à ce qui a pu être dit, il faut souligner la diligence du Gouvernement à agir, ainsi que le travail pertinent et argumenté accompli par Mme la rapporteure, notre collègue Linda Gourjade, dont la représentation parlementaire ne peut que se réjouir. Au-delà de ce texte, madame la ministre, nous savons vos engagements et votre volonté d’agir au service des familles, en particulier des enfants les plus pauvres.

En France nous pouvons et nous devons améliorer la situation de ces enfants. L’Unicef nous y engage, en rappelant que, chez nous, un enfant sur cinq est pauvre. Il s’agit d’aider les parents à être parents, d’aider les mères à être mères et les pères à être pères ; de mettre fin à la multiplication des contentieux, qui fragilise l’harmonie familiale, notamment celle des familles monoparentales, de plus en plus nombreuses et particulièrement touchées par le risque de pauvreté. Parmi elles, quatre familles sur cinq sont dirigées par des femmes seules et un tiers vivent sous le seuil de pauvreté.

Nous vous apportons, en tant qu’écologistes, un soutien volontaire pour l’examen de la politique familiale à venir et nous souhaitons que le budget pour 2014 remplisse ces objectifs. Il s’agit de donner toutes ses chances à chaque enfant né ou accueilli sur notre territoire, il s’agit de pacifier les relations et de favoriser le dialogue et la médiation familiale.

Le groupe écologiste salue cette initiative de bon sens et soutient ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Linda Gourjade, rapporteure et Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui de nous prononcer sur le projet de loi concernant l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Ce texte, découlant d’une question prioritaire de constitutionnalité, sert avant tout à combler un vide juridique concernant l’admission d’enfants au titre de pupille de l’État, un statut qui permet aux enfants de pouvoir être placés en vue d’une adoption.

D’après le dernier rapport publié par l’Observatoire national de l’enfance en danger en février 2013, portant sur les chiffres de l’année 2011, 2 345 enfants bénéficiaient du statut de pupille et 761 ont été placés en adoption. Si nous constatons que, plus les années passent, plus le nombre d’enfants bénéficiant du statut de pupille de l’État diminue, et nous félicitons de cette tendance à la baisse qui démontre notamment que l’aide de l’État apportée aux familles joue bien son rôle, il paraît essentiel aux radicaux de gauche que le vide juridique soit rapidement comblé. La loi actuelle permet à la famille biologique ou aux personnes entretenant un lien avec l’enfant de faire recours sur l’arrêté déclarant un enfant « pupille de l’État » sur une période de trente jours.

Toutefois, jusqu’à présent, la loi ne fait aucunement mention du fait que ce recours de trente jours doit être notifié à la famille ou aux personnes ayant un lien avec l’enfant, notamment les personnes exerçant la garde tutélaire. Il apparaît donc que certaines personnes dans l’entourage de l’enfant, sans connaissance de ce délai de trente jours, peuvent se trouver hors délai pour faire recours contre l’arrêté offrant le statut de pupille à un enfant. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a donc pour objectif de préciser les modalités de recours contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État et de s’assurer que toute personne ayant un lien proche avec l’enfant pourra être informée en temps et en heure du recours qu’elle est en droit de faire.

L’adoption est un sujet sensible. Bien que la procédure d’adoption puisse couper l’enfant de sa famille biologique, elle permet cependant de redonner à l’enfant un cadre stable et une famille lui assurant la protection et l’amour dont il aura besoin tout au long de sa vie, mais principalement dès son enfance, afin de devenir un citoyen épanoui de la République. Il est donc extrêmement important que l’accès au statut de pupille de l’État soit clairement défini et que toutes les parties concernées soient tenues informées des tenants et aboutissants dans les délais impartis.

La séparation entre des parents biologiques et leurs enfants se fait très souvent dans la douleur. L’abandon de son enfant est certainement très difficile mais, si nous n’avons pas à juger des décisions de certains parents, il est de notre devoir, en tant que législateur, de nous assurer que cette transition puisse se faire le plus paisiblement et calmement possible, dans l’intérêt unique de l’enfant.

Cet arrêté prévoyant d’informer clairement l’entourage de l’enfant pouvant être admis en tant que pupille de l’État permet donc de clarifier les délais de recours et de s’assurer que la famille biologique proche puisse éventuellement reprendre à sa charge l’enfant et son destin.

Concernant la nouvelle rédaction de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, nous estimons donc qu’il est important, dans l’intérêt de l’enfant, d’avoir un texte qui précise le champ des personnes pouvant exercer un recours, en l’élargissant en particulier à la famille de naissance, par le père de naissance notamment. Bien que non explicité aujourd’hui dans la loi, ceci n’est pas un bouleversement du droit actuel puisque, dans la pratique, les tribunaux l’admettent déjà. Cependant, toute précision ne peut qu’être utile et ce, dans l’intérêt de l’enfant et dans celui de la famille de naissance.

Les nouvelles dispositions éteindront définitivement le droit d’agir après trente jours pour les personnes ayant reçu la notification de possibilité de recours ; il faudra toutefois veiller à ce que le plus grand nombre de personnes ayant qualité pour agir et qui n’auraient pas été en mesure de manifester un intérêt pour l’enfant avant la date de l’arrêté, faute d’en avoir eu connaissance, puissent être informées le plus rapidement possible. En effet, le projet de loi permet à ces personnes de voir leur action de recours recevable tant que l’enfant n’aura pas été placé en vue d’une adoption. De plus, le fait que le tribunal puisse toutefois autoriser le demandeur dont le recours n’aurait pas abouti, à exercer un droit de visite dans l’intérêt de l’enfant, ne peut qu’être positivement apprécié.

D’autres points du texte nous paraissent importants, notamment le fait qu’il conditionne la volonté d’assumer la charge de l’enfant à la recevabilité : cela permet d’éviter les recours abusifs. En outre, les nouvelles dispositions introduites permettront de créer les conditions pour éteindre définitivement le droit d’agir, en garantissant le placement de l’enfant dans une famille en vue de son adoption et en faisant obstacle à toute restitution ultérieure de l’enfant par la nouvelle famille adoptive. Toutes ces dispositions sécuriseront l’intérêt et la situation de l’enfant, garantiront les droits de la famille d’adoption, ainsi que les droits de la famille biologique.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est, par conséquent, favorable à l’adoption de ce texte, qui apporte des précisions importantes et nécessaires concernant le risque actuel qui pèse sur le statut de pupille de l’État. Avec ce texte, la protection de l’enfant est renforcée tant au niveau de sa famille biologique que de sa potentielle famille d’adoption. Il permettra, en outre, de rendre adoptables les enfants ayant acquis le statut de pupille de l’État sur décision du président du conseil général, et permettra aussi que l’adoption qui pourrait s’ensuivre puisse se faire en toute sécurité, toujours dans l’unique perspective de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pour conclure, les députés du groupe RRDP voteront ce texte, qui permettra enfin de combler un vide juridique important et de sécuriser le statut de pupille de l’État, mais aussi de sécuriser la famille adoptive et la famille biologique dans leurs droits respectifs. Ce texte protégera également, et avant toute chose, l’enfant et son intérêt supérieur, qui consiste notamment à pouvoir bénéficier d’une protection familiale et d’un entourage aimant et bienveillant, lui permettant de lui offrir la stabilité qu’il est en droit de recevoir, afin de lui offrir tous les outils nécessaires en vue de devenir citoyen de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte que nous examinons a pour unique objet de réécrire le premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.

Il fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la cour de Cassation au Conseil constitutionnel le 6 juin 2012. Cette question portait sur la légalité des dispositions de l’article L. 224-8 du code, relatives aux recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 27 juillet 2012, déclaré le premier alinéa de cet article contraire à la Constitution.

Le recours contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État permet à un parent ou un proche de contester l’arrêté pour obtenir la prise en charge de l’enfant.

L’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit, certes, un délai raisonnable de trente jours pour former ce recours devant le tribunal de grande instance, mais il ne prévoit aucune notification formelle de l’arrêté.

En l’absence de notification, les personnes disposant de la légitimité pour déposer un recours contre cet arrêté peuvent donc en ignorer l’existence et se trouver forcloses.

Aussi le projet de loi précise-t-il l’identité des personnes pouvant exercer un recours contre l’arrêté, en l’étendant notamment à la famille de naissance, y compris pour un enfant né sous X.

Nous ne pouvons que saluer cette avancée, qui conforte une jurisprudence timide en la matière.

De même, nous ne pouvons qu’approuver la réponse que ce texte apporte au Conseil constitutionnel : désormais, toute personne ayant un lien étroit avec l’enfant se verra notifier l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État.

Pour ces personnes, le terme du délai de trente jours suivant la notification éteindra leur droit à agir. Ce délai ne sera pas applicable aux autres personnes ayant qualité à agir qui n’auraient pas été en mesure de manifester un intérêt pour l’enfant avant la date de l’arrêté, faute d’avoir été destinataires de sa notification. L’action de ces personnes sera recevable tant que l’enfant n’aura pas été placé en vue de son adoption.

Nous approuvons sans réserve la nouvelle rédaction de l’alinéa censuré par le Conseil constitutionnel.

Il apporte une garantie légale au droit des proches de l’enfant à exercer un recours juridictionnel effectif et met ainsi fin à une insécurité juridique qui leur était préjudiciable. Il est également plus favorable – il convient de le souligner – aux intérêts des enfants.

Telles sont les raisons pour lesquelles les députés du groupe GDR voteront ce texte.

Toutefois, je regrette et je dénonce ses conditions d’examen.

En effet, le 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel rendait la décision qui motive ce texte. Le Gouvernement disposait d’un délai confortable – une année et demie – pour légiférer sur cette question technique, puisque le Conseil constitutionnel a reporté l’effet de sa décision au 1er janvier 2014.

Ce sujet n’aurait-il pas mérité d’être très rapidement examiné et voté par la représentation nationale ? Pourquoi avoir attendu près d’un an avant de présenter ce texte, alors que son contenu concerne au premier chef des enfants fragilisés par la vie ainsi que leurs proches, parfois leurs parents ? Pourquoi avoir attendu la présente session extraordinaire, dont le programme est déjà surchargé ?

Qu’est-ce qui peut justifier que le texte du projet de loi n’ait été mis en ligne que le mercredi 3 juillet à 17 heures 15, en vue d’un examen en commission des affaires sociales le jeudi 4 à 10 heures ?

Ce n’est pas tolérable ! Ce n’est pas admissible ! Nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement, madame la ministre. Ces erreurs, délibérées ou non, sont le signe, au mieux, d’une coupable légèreté, au pire, d’une absence totale de considération s’agissant d’un sujet qui touche à la vie de centaines d’enfants.

En tout état de cause, cela révèle encore une fois le manque de respect de l’exécutif pour la représentation nationale, quelle que soit la couleur de la majorité en place, dans les institutions de la Ve République.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je veux tout d’abord souligner la qualité des travaux conduits par Mme la rapporteure et par notre commission, qui devraient permettre de dégager une position commune de l’Assemblée nationale sur ce texte.

Par ailleurs, nous connaissons, madame la ministre, votre attachement à la situation de tous les enfants et le travail important que vous menez en leur faveur.

Le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré inconstitutionnel le premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles. En effet, afin de préserver l’intérêt de l’enfant, les arrêtés pris par les présidents des conseils généraux portant admission en qualité de pupille de l’État ne sont ni publiés, ni notifiés. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette absence de publication et de notification méconnaissait le droit des proches à exercer un recours.

Toutefois, le Conseil constitutionnel ne s’est pas, pour autant, substitué au législateur : sans décrire aucunement ce que devrait être le nouvel équilibre à trouver entre l’intérêt de l’enfant et l’exercice du droit de recours, il a laissé au législateur jusqu’au 1er janvier 2014 – date à laquelle l’abrogation du premier alinéa de l’article en question doit intervenir – pour y parvenir.

Le travail que nous menons n’est pas motivé par la correction d’un oubli ou d’une erreur du législateur. En effet, l’exercice du droit de recours avait été volontairement limité pour que l’enfant voie son statut clarifié et stabilisé dans les meilleurs délais.

Nous nous assignons pour tâche d’écrire une règle générale conciliant plusieurs exigences. Ce faisant, nous nous situons au cœur du travail législatif et de l’adaptation du droit aux exigences de notre époque.

Le projet de loi relatif à l’admission en qualité de pupille de l’État rend effectif le droit à un recours juridictionnel, comme nous y invitait le Conseil constitutionnel : l’enfant bénéficiera d’une possibilité supplémentaire de voir ses liens familiaux maintenus. Les modalités de ce recours permettront de s’assurer que rien ne peut être sauvé de l’ancienne vie de l’enfant et que son abandon est donc bien définitif.

Comme l’a rappelé notre collègue Bérengère Poletti en commission des affaires sociales…

M. Jean-Pierre Vigier. Excellente collègue !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Oui, elle peut l’être parfois ! (Sourires.) Comme vous l’avez rappelé, ma chère collègue, en commission des affaires sociales, le dispositif qui nous est proposé s’inscrit dans le prolongement de la loi du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de l’enfance, et au statut des pupilles de l’État. Cette loi a consacré le droit pour les parents d’être associés à toutes les décisions concernant l’enfant et a unifié le régime juridique de contestation, qui ne pouvait désormais avoir lieu que devant le seul juge judiciaire.

Cette loi reposait sur le principe fondamental suivant : ce n’est pas en ignorant les parents qu’on les rendra moins défaillants ; ils seront d’autant plus enclins à assumer leurs responsabilités qu’on leur conférera des droits et les moyens de les exercer. L’esprit de cette loi reste d’actualité : le travail que nous menons aujourd’hui en est la preuve.

La durée du recours reste cependant inchangée et limitée à trente jours, puisque ce n’est pas la brièveté du délai qui a été remise en cause par le Conseil constitutionnel.

L’article 1er du projet de loi permet d’informer les personnes susceptibles d’intenter un recours, c’est-à-dire celles ayant un lien avec l’enfant et demandant à en assumer la charge. La courte durée du recours permet ainsi à l’enfant un accès rapide à une vie nouvelle, au sein d’une famille d’adoption.

D’après l’étude d’impact, en 2011, 780 enfants ont été admis en qualité de pupilles de l’État. Si l’administration n’a pas une connaissance exhaustive des recours formés contre les arrêtés portant admission en qualité de pupille de l’État, elle les évalue à quatre à cinq par an. C’est dire si nous avons à légiférer sur une population numériquement peu importante. Là réside la noblesse de la tâche législative, qui appréhende chaque situation, même les plus particulières, afin de protéger les intérêts des citoyens, si peu nombreux soient-ils. C’est la grandeur de notre société d’être régie par le droit, qui protège le faible contre le fort ou le puissant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’intérêt des enfants est pour nous tous une priorité, quel que soit leur statut.

Cela est particulièrement vrai s’agissant d’enfants en position de fragilité et suivis par les services de l’aide sociale à l’enfance.

Dans nos départements, nous connaissons tous des cas difficiles. Nous connaissons l’inquiétude des enfants ballottés çà et là, réclamés par les uns ou les autres, ou pire, quelquefois, par personne.

Nous connaissons aussi, à l’inverse, des personnes généreuses…

Mme Isabelle Le Callennec. Il y en a encore !

M. Jean-Pierre Vigier. …qui ont l’esprit familial et qui ont donné ou donnent beaucoup aux enfants dont ils assument la charge.

Nous savons que, parfois, la garde n’est pas accordée pour des raisons plus administratives que morales, matérielles ou financières.

C’est pourquoi, dans sa décision du 27 juillet 2012, rendue à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions du premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles.

Ces dispositions concernent le recours que peuvent former contre l’admission en qualité de pupille de l’État, les parents, les alliés de l’enfant ou toute personne justifiant un lien fort avec lui, notamment la garde.

Si un délai de trente jours existe bien pour se pourvoir contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État, le Conseil constitutionnel a jugé que, ce délai n’étant ni publié ni notifié, les personnes concernées n’étaient pas correctement informées. Aussi la procédure actuelle risque-t-elle de mener à une déclaration de la qualité de pupille de l’État, alors qu’elle pourrait être évitée, et ne permet pas de déterminer rapidement et clairement si un enfant est adoptable. Elle induit par conséquent un risque de priver l’enfant d’un foyer accueillant.

L’abrogation du premier alinéa de l’article L. 224-8 doit intervenir au 1er janvier 2014, c’est-à-dire dans six mois. Il est donc temps d’agir pour éviter que s’installe un vide juridique, qui serait préjudiciable à tous, à commencer par les enfants concernés.

Il est nécessaire d’instaurer un équilibre entre les droits des proches et l’intérêt de l’enfant.

Aussi le présent projet de loi définit-il d’une façon plus claire et plus stricte la liste – exhaustive – des personnes qui peuvent exercer un recours contre la décision de placement et précise les cas d’ouverture de la contestation.

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

M. Jean-Pierre Vigier. L’arrêté d’admission sera obligatoirement notifié aux seuls parents et personnes ayant qualité pour exercer un recours.

Il conviendra cependant que ces personnes aient préalablement manifesté un intérêt pour l’enfant, ce qui est une condition juste.

Nous pouvons espérer que ces dispositions atteindront leurs objectifs : définir un cadre juridique plus adapté et offrir une meilleure qualité de vie à l’enfant placé près de ses proches.

Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiendrai ce projet de loi, qui me semble aller dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

Mme Catherine Lemorton. C’est rare, cela mérite d’être applaudi !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente Lemorton, madame la rapporteure, chers collègues, le statut de pupille de l’État a été créé dans un souci de protection de l’enfant et concerne des enfants sans filiation établie, remis par leurs parents ou l’un d’eux au service de l’aide sociale à l’enfance, orphelins ou admis à la suite d’une décision judiciaire, de retrait d’autorité parentale ou les déclarant judiciairement abandonnés.

Ce statut permet de prendre en charge ces enfants qui n’ont pas ou plus de famille susceptible d’en assumer la charge et, notamment, de garantir leur droit à une vie familiale, en les plaçant aux fins d’adoption.

Une réforme de la législation dans ce domaine était impérative, compte tenu du flou induit par des textes complexes aboutissant à une application peu rigoureuse de la loi et à des négligences quant à l’intérêt même de l’enfant.

En effet, alors qu’une procédure précise est définie par les textes actuels, les conseils généraux appliquent la loi avec souplesse et adoptent des pratiques divergentes.

De surcroît, l’absence de fondement légal de certaines dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’admission d’enfants en qualité de pupille de l’État rend une révision des textes nécessaire et incontournable.

Dans sa décision du 27 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a en effet considéré que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 224-8 ne permettaient pas aux personnes ayant qualité pour ce faire d’exercer pleinement leur droit de recours juridictionnel contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions, en ne prévoyant aucune notification obligatoire de l’arrêté d’admission aux personnes ayant un lien de proximité avec l’enfant, n’établissaient pas les conditions propres à exercer un recours juridictionnel effectif et, par conséquent, qu’elles étaient contraires à la Constitution.

Ce projet de loi vise donc à remédier à l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles en rétablissant la possibilité d’un recours effectif contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. Il a également pour objet d’apporter des éclaircissements importants quant aux modalités de la procédure d’admission et quant aux personnes jugées capables de s’opposer à l’admission d’un enfant en tant que pupille de l’État. En cela, il cherche à concilier le droit des proches à exercer un recours et l’intérêt même de l’enfant, notamment son droit à une vie familiale et à une situation stable à partir de laquelle il puisse se construire.

La proximité affective est mieux prise en compte dans la définition des personnes ayant qualité pour agir contre l’arrêté d’admission – en dehors des situations où la remise de l’enfant résulte d’une décision judiciaire – et dont la liste n’est pas limitative. L’ouverture du recours aux parents de l’enfant, aux membres de la famille de l’enfant, au père de naissance et aux membres de la famille de la mère ou du père de naissance dans la situation d’une naissance sous X, et à toute personne ayant assuré la garde de l’enfant, de droit ou de fait, fait ainsi reposer le lien de proximité avec l’enfant soit sur un lien de parenté, soit sur sa prise en charge. Faciliter l’accès au recours au père de naissance ainsi qu’aux membres de la famille de la mère ou du père de naissance de l’enfant né sous X ou sans filiation déclarée à l’état civil permet de valoriser le droit de ces personnes à reconnaître et à élever l’enfant.

Ce projet de loi apporte plus de clarté quant à la procédure d’admission de l’enfant en tant que pupille de l’État, ce qui permettra une harmonisation des pratiques aujourd’hui divergentes des conseils généraux et, au-delà du respect formel de la loi, un plus grand respect de l’intérêt de l’enfant. En effet, le respect strict des différentes phases d’admission et des délais de recours pour les admissions autres que celles faisant suite à une décision judiciaire permettra de préserver au mieux le lien de proximité qui peut exister au sein de la famille de l’enfant ou entre ses proches en leur donnant le temps et l’opportunité réelle de revendiquer leur lien avec l’enfant.

L’instauration d’une obligation de notification de l’arrêté aux seules personnes qualifiées pour émettre un recours et qui auront manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance avant la date de prise de l’arrêté – ces personnes étant ainsi connus des services de l’ASE – répond à un tel souci. Il lève ainsi l’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel.

La nouvelle législation s’efforce encore de maintenir et de conserver le mieux possible les attaches affectives ou liens de proximité avec l’enfant en supprimant le délai de recours pour les personnes auxquelles l’admission de l’enfant en tant que pupille de l’État n’aurait pas été notifiée, écartant ainsi la menace d’irrecevabilité du recours déposé hors délais.

En définitive, une telle réforme témoigne de la volonté du législateur de renforcer la protection des enfants admis en tant que pupilles de l’État en leur apportant plus de sécurité juridique. Cette nouvelle loi permettra de clarifier la procédure d’admission, sans impact financier, et de créer les meilleures conditions possibles pour que cette situation instable et parfois difficilement vécue par l’enfant soit résolue avec humanité et le plus rapidement possible dans l’intérêt même de ce dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, sur l’article.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons eu l’occasion, depuis le début de la législature, d’échanger sur les questions familiales, en particulier celles qui sont liées à l’adoption.

En tant que présidente du Conseil supérieur de l’adoption, j’ai pu constater que la préoccupation de ses membres – associations d’adoptés, association d’adoptants, professionnels et acteurs des politiques de protection de l’enfance – est identique à la nôtre : créer un cadre juridique sécurisant pour les enfants et les familles. Et je sais votre attachement à cette cause, madame la ministre.

Plus précisément, ce projet de loi permet de préserver l’intérêt de l’enfant, notamment par son premier article. Il apparaît qu’une harmonisation des pratiques des conseils généraux sur l’admission en qualité de pupille de l’État était nécessaire, et ce pour que la loi puisse s’appliquer au bénéfice de l’enfant et de ses proches sur l’ensemble du territoire.

Je ne m’étendrai pas sur les améliorations issues de ce projet de loi ; les collègues qui m’ont précédée en ont déjà parlé. Je soulignerai seulement qu’elles peuvent se résumer en deux mots : clarté et lisibilité.

Par ailleurs, il est nécessaire de nous appuyer sur cette volonté pour aborder dans nos futurs projets un certain nombre de points – je pense notamment au délaissement parental, aux réflexions sur l’accompagnement en amont et en aval du processus d’adoption ou aux problématiques relatives aux enfants à besoins spécifiques.

Parce qu’il clarifie les voies et les délais de recours, ce projet de loi permet une harmonisation des pratiques professionnelles des services de l’aide sociale à l’enfance. Il rend le recours plus lisible pour les proches, et donc plus effectif, avec la perspective d’un maintien des liens. Cet article et, plus largement, ce projet de loi ont été guidés par le souci de répondre au double besoin d’une mise en sécurité juridique et sociale des enfants et d’un accès au droit facilité pour leurs proches.

Mme Sylviane Bulteau et Mme Linda Gourjade, rapporteure. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi concerne une catégorie d’enfants que l’on se doit d’aider, à savoir les pupilles de l’État. Ce sont le plus souvent des enfants abandonnés ou dont les parents se sont vu retirer l’autorité parentale sur décision judiciaire.

Ce texte a pour objet la recherche d’un équilibre entre les droits des proches à pouvoir exercer un recours et l’intérêt de l’enfant de voir son statut clarifié dans les meilleurs délais. Il illustre toutefois les méthodes de travail imposées par l’actuel Gouvernement : nous discutons d’un projet que nous ne connaissions pas il y a une semaine car il n’a été présenté en conseil des ministres que mercredi dernier.

Cependant, je soutiendrai ce projet de loi, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sur la forme, ce texte est le fruit d’une question prioritaire de constitutionnalité, procédure instituée par la précédente majorité et dont l’intérêt est ici bien démontré. Ensuite, sur le fond, ces dispositions concernent des enfants qui arrivent dans notre société dans des conditions difficiles.

Nous avons souvent défendu ces derniers temps le droit des enfants d’être élevés par leur père et leur mère. Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, il s’agit de favoriser autant que faire se peut la possibilité pour ces enfants d’être élevés par des proches. Notre soutien montre donc une fois encore l’importance que nous accordons à la famille.

Je voterai donc ce texte, dont le but est de préserver l’intérêt de l’enfant, contrairement à certains textes votés récemment par votre majorité.

Mme Isabelle Le Callennec. Le mariage pour tous !

(L’article 1er est adopté.)

Articles 1er bis à 3

(Les articles 1er bis, 2 et 3 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je n’ai pas de demande d’explication de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Je mets donc aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Proposition de loi relative à la journée nationale de la Résistance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)