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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 17 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

. Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

Discussion générale (suite)

Mme Dominique Nachury

M. Henri Jibrayel

M. Patrick Ollier

Mme Estelle Grelier

M. Jacques Pélissard

M. Yves Albarello

M. Alexis Bachelay

M. Guy Teissier

M. Jean-Luc Moudenc

M. Jean-David Ciot

Mme Valérie Boyer

M. Philippe Goujon

Mme Pascale Crozon

M. Christian Kert

M. Patrice Verchère

M. Jean-Louis Touraine

M. Dominique Tian

M. Claude Goasguen

M. Carlos Da Silva

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Michel Destot

M. Philippe Meunier

M. Sylvain Berrios

M. Alain Calmette

M. Philippe Cochet

Mme Colette Capdevielle

M. Jacques Kossowski

Mme Cécile Untermaier

M. Patrice Martin-Lalande

M. Julien Aubert

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (nos 1120, 1216, 1207, 1177, 1205, 1178).

Cet après-midi, l’Assemblée a continué d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures vingt-quatre minutes pour le groupe SRC, dix heures cinq minutes pour le groupe UMP, trois heures neuf minutes pour le groupe UDI, une heure trente-sept minutes pour le groupe écologiste, une heure quarante minutes pour le groupe RRDP, une heure six minutes pour le groupe GDR et vingt-neuf minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, nous attendions avec intérêt un grand texte sur les collectivités territoriales et la décentralisation. Arrive un texte plus particulièrement axé sur l’affirmation des métropoles, et l’on nous promet deux autres textes : mobilisation des régions et solidarité territoriale ; démocratie locale. On s’étonne d’ailleurs de trouver déjà dans celui-ci des dispositions concernant la région. Convenez que cela n’est pas bon pour la clarté.

On ne peut pas être satisfait de ce traitement « à la découpe ».

M. Philippe Cochet. Très bien !

Mme Dominique Nachury. Il eût même fallu envisager la question du non-cumul des mandats en lien avec ce texte, parce que les collectivités territoriales ont des exécutifs liés, n’ayant pas la maîtrise des outils juridiques et financiers nécessaires. Vous avez choisi la formule de la division, sans doute pour mieux régner.

Nous examinons donc un texte de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

J’ai regretté la suppression, opérée par la loi d’avril 2013, du conseiller territorial, qui, siégeant dans son département et sa région, devait assurer la cohérence et la coordination des politiques.

Je regrette tout autant le retour de la compétence générale pour la région et le département alors que lisibilité, efficacité et économies imposent d’affirmer les champs d’action et que le pacte de cohérence territoriale, présenté comme une mesure phare et comme le pendant du retour à la compétence générale, est mort.

Par contre, on affirme le chef de filat, mais avec quels moyens et promesses de résultats ? J’ai l’expérience du chef de filat en protection de l’enfance confié aux conseils généraux. J’ai fait vivre ce partenariat dans le Rhône, mais que d’énergie déployée, de réunions multiples et de temps passé à la diplomatie et à la pédagogie ! Et puis, reste toujours la question du financement et du lien entre décision et prise en charge financière. « Qui commande paie et qui paie commande », c’est une belle formule mais elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre.

Sur les métropoles, vous êtes aujourd’hui promoteurs de ce que vous avez combattu hier. Nous pouvons en être heureux, même si vous excluez la démarche volontaire d’hier pour imposer par décret dès lors que les conditions sont réunies.

Il n’y a aucune évocation des rapports entre métropole et région. En Rhône-Alpes, trois métropoles sont envisagées ou envisageables, plus l’organisation des Savoies. Que restera-t-il de la région Rhône-Alpes, sans oublier les difficultés créées pour les zones restées hors de ces grandes structures ?

M. Marc Le Fur. C’est un sujet !

Mme Dominique Nachury. S’agissant de la métropole de Lyon, j’ai toujours adhéré et j’adhère à cette idée de simplifier, sur le territoire de l’agglomération, l’organisation de l’action publique. Lorsque j’étais maire d’arrondissement, conseillère du Grand Lyon et conseillère générale, j’ai souvent eu l’impression d’un grand manque de pertinence et d’un gâchis certain des moyens.

M. Philippe Cochet. Tout à fait !

Mme Dominique Nachury. Il faut admettre l’intérêt de la démarche pour l’intégration des services aux populations, mais avoir l’honnêteté de reconnaître qu’elle ne participe en rien à l’affirmation européenne de l’agglomération et ne crée pas cette cité-mère – c’est l’étymologie du mot métropole – au cœur d’un réseau.

Je m’interroge sur la pertinence du territoire, mais l’on peut admettre qu’il fallait bien partir d’une base existante.

Je m’interroge sur l’absence de données financières globales permettant de fonder une décision,…

M. Étienne Blanc. C’est le problème !

Mme Dominique Nachury. …car la collectivité nouvelle doit assurer un exercice des compétences rassemblées plus économe.

Je m’interroge encore sur l’absence de démocratie. Il s’agit là non pas de la consultation préalable des citoyens mais de la désignation des élus de la nouvelle collectivité. C’est promis pour 2020, mais peut-on accepter que le 1er janvier 2015, les conseillers communautaires deviennent métropolitains, donc élus d’une collectivité territoriale, sans que les électeurs se soient clairement prononcés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je m’interroge aussi sur l’exercice des compétences régaliennes de protection maternelle et infantile et de protection de l’enfance par la métropole. Il a été évoqué de regrouper les services sociaux territorialisés du conseil général avec les CCAS des communes. Un émiettement de la PMI et de l’aide sociale à l’enfance ferait prendre le risque de réduire leurs actions à des prestations rendues au détriment de vrais programmes de prévention.

Enfin que cachent les alinéas 127 et 128 de l’article 20 autorisant, par décret, les transferts à titre gratuit de grands équipements ou infrastructures d’État ? S’agit-il de l’aéroport Saint-Exupéry ?

Je reste favorable à la création de la métropole, mais je m’abstiendrai sur l’article 20 en attendant des réponses aux interrogations légitimes qui subsistent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri Jibrayel.

M. Henri Jibrayel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui constitue une véritable opportunité pour Marseille et pour la France tout entière.

Unir les forces, rassembler les talents et promouvoir la solidarité, voilà quelque chose de cohérent pour la deuxième ville de France et le premier port méditerranéen. C’est pourquoi je soutiens et je défends le projet du Gouvernement d’instituer une métropole d’Aix-Marseille-Provence regroupant un ensemble de communes.

Ce texte est l’occasion de donner à Marseille et à son agglomération toutes les chances pour réussir. La métropolisation va placer la ville et ses environs dans une nouvelle dynamique qui lui sera sans nul doute favorable.

La métropole n’est pas un gadget. Ce n’est pas un niveau de plus dans un millefeuille administratif. Elle aura de vraies compétences et apportera de vraies solutions sur l’ensemble de son territoire.

Elle permettra tout d’abord de développer un réseau unique de transport. Il sera enfin possible de raccorder les bassins de vie aux bassins d’emplois, d’épouser les dynamiques urbaines qui se sont développées ces dernières années.

Ensuite, la métropole est une chance d’un point de vue économique. Le regroupement territorial est en effet la seule façon de se faire entendre à l’échelle internationale, un guichet d’entrée unique pour les investisseurs dont Marseille a tant besoin.

Pour les entreprises, la métropole ouvre aussi de nouvelles possibilités, comme la mise en place d’un établissement public métropolitain chargé de faciliter leur implantation.

D’un point de vue urbanistique, le projet de loi va enfin autoriser la mise en place d’un aménagement du territoire plus cohérent et plus rationnel. Les communes ne nous ont pas attendus pour se développer de manière interdépendante. La métropole permettra, grâce à un PLU unique, de répondre collectivement aux questions qui se posent aujourd’hui à notre ensemble urbain.

Le projet du Gouvernement s’inscrit parfaitement dans une vision sociale du territoire. C’est un beau projet, qui fait honneur à la gauche.

Avec la métropole, le partage équitable des richesses sera possible. Les synergies entre les communes de la métropole vont augmenter notre capacité globale d’investissement. Dans le même temps, les transferts financiers de l’État devraient augmenter.

Plusieurs députés du groupe UMP. « Devraient » ! Il faut y croire !

M. Henri Jibrayel. Oui, j’y crois fortement. Depuis tout à l’heure, vous êtes ironiques sur Marseille mais vous ne mesurez pas l’attente des Marseillais et des habitants du département. Cette ville est sinistrée. Croit-on qu’elle puisse vivre tandis que les autres villes du département pratiqueraient une sorte de protectionnisme ? Je n’y crois pas. Le quotidien des Marseillais est difficile, 30 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté, le taux de chômage est élevé dans certaines cités, et les transports sont inadaptés. La métropole est un espoir, un avenir pour Marseille.

La métropole va surtout nous permettre de faire reculer la misère et la pauvreté dans l’agglomération, et de répartir de manière plus juste les logements sociaux sur l’ensemble du territoire métropolitain, afin d’empêcher la constitution de ghettos.

Voter en faveur de ce texte permettra à Marseille, Aix et leur aire urbaine de préparer l’avenir. Ce changement d’échelle ne peut être que positif pour la cité phocéenne, porte d’entrée de la France et de l’Union européenne sur la Méditerranée. Elle pourra efficacement relever le défi de la compétitivité économique et rivaliser avec les grandes métropoles européennes que sont Barcelone, Gênes ou Hambourg.

Ne fermons plus les yeux. Il est temps de donner à la capitale de la Provence des proportions à la mesure de ses potentiels. D’un point de vue économique, sociale ou urbanistique, la métropole est une évidence.

La métropole, ce n’est pas une absorption, encore moins une fusion. C’est la mise en commun de nos forces. C’est pourquoi je soutiens ce texte aujourd’hui et je voterai en sa faveur sans hésitation, avec le groupe socialiste.

Je remercie le rapporteur et, surtout, Marylise Lebranchu, qui s’est investie à plein temps dans ce projet pour Marseille et dans la préparation de ce texte. Elle n’a pas hésité à se déplacer à Marseille à plusieurs reprises. Cette métropole, elle l’a portée. Nous la porterons avec elle et nous voterons pour sa création. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 octobre 2012, le Président de la République a présenté à grand renfort de publicité, à l’occasion des états généraux de la démocratie territoriale, l’acte III de la décentralisation, qu’il a voulu fonder sur quatre principes : confiance, clarté, cohérence et démocratie.

Aucun de ces principes ne résiste à l’analyse du texte que vous nous présentez, madame la ministre. Comme je l’ai dit à Mme Lebranchu, les périples de cet acte III ont été nombreux depuis cette date, et d’un monstre législatif de plusieurs centaines de pages, nous en sommes à examiner la première tête d’une hydre législative, puisque vous avez décidé de fragmenter votre texte initial en trois projets de lois. C’est probablement ce que vous appelez la cohérence.

Pourtant, la volonté de décentralisation affichée aurait dû aller de pair avec l’organisation du territoire. La hiérarchie ou la complémentarité des pouvoirs aurait dû être traitée, tout comme, d’ailleurs, les moyens de l’aménagement du territoire, par exemple.

Au lieu de cela, la montagne a accouché d’une souris, et l’incohérence vous tient lieu de méthode. J’ai beaucoup de respect pour Mme Lebranchu et pour vous, vous le savez. Comment avez-vous fait pour cautionner tout cela ?

Nous parlons aujourd’hui d’un projet concernant les métropoles. C’est le premier texte que nous examinons. Commencer par celui qui aurait dû venir en dernier n’est pas cohérent pour la lisibilité de votre projet global, qui est atteinte.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Philippe Cochet. Et ils le savent !

M. Patrick Ollier. La méthode n’est pas logique. Le Sénat, lui, a appliqué le principe de la coproduction législative pour en faire un texte, manquant d’ailleurs toujours de clarté, empilant les strates administratives et, en somme, toujours aussi illisible. En vérité, il s’agit d’un texte non pas de décentralisation ou de simplification mais plutôt de complexification de notre organisation territoriale.

Il manque la clarification des compétences, et, en plus, vous recréez la clause de compétence générale pour les départements et les régions, qui avait été supprimée par notre gouvernement, ce qui ajoute à la confusion.

On peut certes comprendre les notions de contrat et de chef de file, mais, comme l’a très bien dit Mme Nachury, ce dernier exercera, qu’on le veuille ou non, une tutelle de fait sur les autres collectivités. C’est en réalité la négation de la libre administration des collectivités que vous introduisez de manière insidieuse dans notre droit positif.

Le Président de la République souhaitait que cette réforme se fasse en respectant les règles démocratiques. Cela signifie donc que l’on ne devrait pas pouvoir créer de nouvelles collectivités sans consulter les Français concernés. C’est exactement le contraire que vous faites. Vous refusez de les consulter et vous préférez le décret. Là encore, le Président ne respecte pas son engagement du 5 octobre 2012. En plus, bravo pour la démocratie !

Vous créez une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier à Lyon, sur la base de l’article 72 de notre Constitution, et vous décrétez la création de près de onze métropoles, sans même demander aux Français concernés ce qu’ils en pensent. C’est un déni flagrant de démocratie.

M. Alexis Bachelay. Vous êtes expert en la matière !

M. Patrick Ollier. Cela m’étonne de vous, monsieur le rapporteur, que vous acceptiez cela. Lorsqu’en Guyane et à la Martinique, ou encore en Alsace, il y a eu une volonté de fusionner la région et le département, les populations ont été consultées, et elles ont décidé démocratiquement.

En réalité, le premier épisode de votre acte III de décentralisation s’avère bel et bien incohérent, peu lisible et anti-démocratique. Je suis étonné que le groupe socialiste se conduise ainsi.

Je suis particulièrement attaché à un aménagement du territoire conquérant, tel que le général de Gaulle l’avait mis en œuvre dès la naissance de la VRépublique. Oui, il faut remodeler les administrations, clarifier les compétences et les financements entre les divers échelons institutionnels, mais votre projet de loi ne propose pas de vision d’organisation de l’espace ni de conception dans le temps permettant de définir une hiérarchie et des lignes directrices pour l’aménagement du territoire. Cet acte III aurait pu être l’occasion de reconstruire une politique aujourd’hui inexistante ; c’est une occasion manquée. Nous, gaullistes, nous croyons en un État-nation stratège, capable de vaincre les particularismes locaux, qui peuvent malheureusement trop souvent sacrifier l’intérêt général.

D’ailleurs, la réforme d’ensemble que j’appelle de mes vœux se retrouve, en écho, dans les observations cinglantes de la Cour des comptes au sujet de l’organisation territoriale de l’État. En effet, dans son récent rapport du 11 juillet, la Cour observe qu’ « à côté du millefeuille des collectivités territoriales existe une organisation de l’État d’une excessive complexité ». C’est le président Didier Migaud qui le dit, au nom de la Cour. Oui, à côté d’une réforme nécessaire de la République décentralisée doit être également conduite une réforme de l’État, de ses services et de son administration territoriale. Sans cette réforme d’envergure que vous ne poursuivez pas, alors que nous l’avions engagée, la réforme que vous proposez est vaine.

Nous avions engagé la réforme, madame la ministre. Le conseiller territorial, créé par la loi du 26 juillet 2011, correspondait à la première étape d’une vraie réforme de fond. Votre majorité s’est empressée, dans une logique que je qualifierai de dogmatique, de le supprimer. Par quoi remplacez-vous cette réforme ?

S’agissant du Grand Paris Métropole, ce projet de loi appelle de ma part plusieurs critiques : sur la gouvernance ; sur la disparition des intercommunalités dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; sur l’absence de statut juridique du conseil de territoire, un objet juridique non identifié, sur lequel nous avons besoin d’explications ; sur la définition des périmètres des territoires au regard des contrats de développement territorial ; sur le rétablissement de la clause de compétence générale, qui accentuera la confusion ; sur les financements croisés, qui sont rétablis ; sur l’absence d’étude d’impact financier – qu’une telle réforme d’envergure,…

M. Alexis Bachelay. Merci de le reconnaître !

M. Patrick Ollier. …qui aura forcément des conséquences financières terribles au niveau des collectivités, ne fasse l’objet d’aucune étude d’impact financier, c’est un comble.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

M. Philippe Cochet. C’est tout simplement incroyable !

M. Patrick Ollier. Au sujet de la métropole capitale, j’ai effectivement beaucoup travaillé, et j’en suis très heureux, dans le cadre du syndicat mixte Paris Métropole, auquel participent plus de 210 communes de toutes appartenances politiques. J’ai été heureux d’y fréquenter M. Le Bouillonnec, avec lequel nous avons fait un très bon travail. J’en suis vice-président, et je veux dire ici avec force et conviction que le rythme de l’intercommunalité n’est pas celui du quinquennat.

S’agissant de l’intercommunalité, à Paris Métropole, nous avons eu une vision et conduit un travail qui correspondent aux réalités vécues. Quel destin avons-nous en commun ? C’est à nous, élus locaux, qui vivons au quotidien les problèmes de proximité, de le décider. Comment travailler ensemble ? C’est nous qui apprenons à travailler ensemble, au quotidien, parce que nous sommes ensemble.

M. Alexis Bachelay. C’est le monde des Bisounours : tout le monde s’aime !

M. Patrick Ollier. Comment nous faire confiance, entre élus et entre villes ? La coopération intercommunale, madame la ministre, est le fruit d’une volonté démocratique, d’un dialogue long et construit entre élus locaux, et d’un dialogue d’ensemble avec l’État. L’intercommunalité doit être un projet d’envergure au service d’une population en mouvement et d’un développement polycentrique. C’est en tout cas ce que nous avons défini à Paris Métropole. Cette démarche de construction repose principalement sur la volonté de mettre en œuvre une intercommunalité apaisée, au-delà des clivages politiques et dans l’intérêt des populations que nous administrons. C’est l’expérience d’élu local qui me permet de parler avec tant de conviction.

Cette expérience, à Paris Métropole, nous l’avons partagée tous ensemble. C’est cette dynamique librement construite que vous allez casser en supprimant les intercommunalités au bénéfice de vos conseils de territoire. Une machine infernale s’est mise en marche. Des députés que l’on n’avait jamais vu travailler à Paris Métropole – n’est-ce pas, monsieur Bachelay ? –…

M. Alexis Bachelay. Jamais !

M. Patrick Ollier. Oui, jamais. Mais personne ne vous empêchait de venir.

M. Alexis Bachelay. Je suis élu de la nation !

M. Patrick Ollier. Pas pour longtemps, monsieur Bachelay, heureusement !

Des députés que l’on n’avait jamais vu travailler à Paris Métropole ont organisé un coup de force en proposant cette nouvelle forme de la métropole du Grand Paris. Le projet de loi va à l’encontre de la démarche de construction que nous avons engagée pour déterminer les axes d’action et de projets communs, aujourd’hui totalement occultés.

Le plus dur pour nous,…

M. Carlos Da Silva. C’est de partager !

M. Patrick Ollier. …les 210 maires de Paris Métropole,…

M. Alexis Bachelay. Vous n’êtes pas leur porte-parole !

M. Patrick Ollier. …qu’ils soient UMP, centristes, socialistes ou communistes, c’est le manque de respect pour notre travail ; c’est la prétention de ces députés, M. Le Guen, M. Bachelay et les autres, qui n’ont aucune expérience locale, aucune responsabilité locale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Henri Jibrayel. Nous sommes parlementaires !

M. Patrick Ollier. Et alors, monsieur Jibrayel, le fait d’être parlementaires vous donne-t-il une autorité au plan local ? (Mêmes mouvements.)

Mme Nathalie Appéré. Cela nous donne l’autorité de faire la loi !

M. Patrick Ollier. Voilà pourquoi le cumul des mandats est utile : parce que, quand on est à la fois parlementaire et élu local, on peut juger des questions de proximité tout en faisant la loi.

M. Henri Jibrayel. Ce n’est pas vrai !

M. Alexis Bachelay. Vous êtes un mandarin, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier. Voilà ce que je pense, monsieur Jibrayel, et vous n’êtes pas qualifié pour porter des jugements sur un travail que nous, élus locaux, avons construit pendant des années, sans esprit partisan, sans considération de nos appartenances politiques respectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Vous êtes dépassé par les événements !

M. Patrick Ollier. C’est cela, madame la ministre, qui nous touche le plus : le manque de respect, l’arrogance, dont témoigne cet amendement arrivé à minuit et dont avons eu quelque quinze minutes pour prendre connaissance, avant que la machine de la commission des lois se mette en marche le lendemain.

M. Philippe Cochet. C’est inacceptable !

M. Marc Le Fur. Ça ne s’est jamais vu !

M. Alexis Bachelay. Avec Sarkozy, ça n’arrivait jamais, bien sûr !

M. Patrick Ollier. Ce coup de force a été organisé avec le soutien du Gouvernement.

Vouloir régler ces problèmes, qui sont des problèmes humains, contre la plupart des 210 maires – même si ce n’est pas l’unanimité, j’en conviens, monsieur Le Bouillonnec –, quelle arrogance ! Les problèmes ne font que commencer pour vous et le Gouvernement.

Chaque matin, à huit heures trente, au sein du bureau exécutif de Paris Métropole, depuis près d’un an, nous mettons nos positions partisanes de côté.

Mme Estelle Grelier. Ça n’a pas l’air !

M. Patrick Ollier. C’est dans cet esprit de consensus qu’ont été établies les quatorze propositions que nous avons communiquées au Gouvernement. Certes, ces propositions, comme vous l’avez dit, monsieur Le Bouillonnec, ne représentent pas un projet alternatif global, mais elles ont néanmoins le mérite de poser les principes. Vous n’avez pas voulu, madame la ministre, en tenir compte. Et ce ne sont pas les explications de Mme Lebranchu en commission des lois qui nous ont convaincus.

Je prends trois exemples. Premièrement, Paris Métropole défend la spécificité de la métropole parisienne à travers une « coopérative de villes ». Loin de renforcer les EPCI existants sous cette forme, le texte qui nous est proposé vise à les supprimer. Première contradiction.

Deuxièmement, alors que Paris Métropole se prononce contre le phénomène de relégation entre les première et deuxième couronnes, votre texte sanctuarise la première couronne en limitant l’extension du périmètre.

Troisièmement, alors que Paris Métropole propose de préparer l’entrée en vigueur des outils métropolitains, en prévoyant une période de préfiguration, pour travailler ensemble afin d’améliorer le système, vous vous opposez à toute clause de revoyure en ce sens.

Je veux rappeler qu’en novembre 2010 – c’était hier –, Mme Lebranchu avait voté avec son groupe contre la loi créant les pôles métropolitains, au motif, je cite les propos du représentant socialiste, que cette loi n’avait « d’autre objectif que de casser ce qui existe et fonctionne bien ». Le groupe socialiste ajoutait qu’« au sein d’un département qui compte une métropole, il y aura des territoires à deux vitesses, car la métropole disposera vraisemblablement des moyens les plus importants. Cela remet en cause l’égalité républicaine qui figure dans notre devise. » C’est un comble : vous faites exactement le contraire de ce que vous avez dit.

M. Philippe Cochet. C’est normal : ils sont socialistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Ollier. C’est vrai. Aujourd’hui, chers collègues socialistes, vous faites le contraire de ce que vos prédécesseurs annonçaient ici il y a quelques années.

M. Alexis Bachelay. Et vous ? Qu’est-ce que vous proposez ?

M. Patrick Ollier. J’espère, madame la ministre, que vous nous direz ce qui vous a conduit, en deux ans, à un changement si radical, car vous avez complètement tourné le dos à vos convictions d’alors.

L’examen des statuts juridiques proposés depuis le texte initial du Gouvernement est intéressant. Le projet initial, quelles que soient les critiques qui pouvaient lui être adressées, avait le mérite de tenir compte de certaines propositions que nous avions faites. Il prévoyait ainsi la création d’un établissement public regroupant les EPCI existants consolidés à partir de 300 000 habitants en première couronne et 200 000 en deuxième couronne. C’était bien, et l’on aurait pu en discuter de manière positive. Mais le texte issu des travaux de notre commission des lois propose la création d’un super-EPCI à statut particulier composé de conseils de territoire dont le statut juridique n’est pas précisé à ce stade – je les ai qualifiés d’objets juridiques non identifiés. Vous supprimez toutes les intercommunalités que nous avons mis des années à construire, patiemment, au-dessus de nos différences, de nos oppositions, de nos appartenances politiques.

M. Alexis Bachelay. On la connaît, votre intercommunalité ! Il n’y a pas de projet !

M. Patrick Ollier. Qu’est-ce qu’un territoire qui se trouve à la tête de ce qui n’existe plus ?

M. Philippe Cochet. Un OJNI !

M. Patrick Ollier. Un OJNI, oui ! Cette métropole se trouvera à la tête de conseils de territoire qui, eux-mêmes, sont à la tête des EPCI que vous faites disparaître. C’est compliqué à comprendre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Très compliqué, en effet !

M. Patrick Ollier. De même, quels seront l’utilité et le pouvoir de telles structures, dont le statut juridique n’est pas précisé dans la loi ?

Non seulement le projet de loi dépossède les maires de l’essentiel de leurs missions et pouvoirs de décision – il leur restera, c’est vrai, l’état civil et les cimetières –,…

M. Alexis Bachelay. Caricature !

M. Patrick Ollier. …mais Grand Paris Métropole recentralise toutes les compétences : aménagement, logement, développement durable… C’est le contraire de ce qu’il faut faire.

M. Alexis Bachelay. Pour vous, il ne faut rien faire !

M. Patrick Ollier. Les conseils de territoire et les communes n’auront que ce que veut bien leur déléguer la métropole. Dans quelles conditions seront organisées ces délégations ? Dieu seul le sait ; en tout cas, le projet n’en dit rien.

L’architecture proposée par le Gouvernement ne permet pas d’entrevoir la clef de répartition fiscale de la nouvelle structure. À partir de là, plusieurs hypothèses sont ouvertes. Je vous demande d’y réfléchir, chers collègues, car les conséquences fiscales du projet de loi sont occultées, faute de l’étude d’impact financier que j’ai demandée.

Madame la ministre, allons-nous vers une remontée de l’ensemble des fiscalités additionnelles vers la métropole, qui redistribuera, ou plutôt saupoudrera, sous forme de dotations aux conseils de territoire ? Ces conseils de territoire, qui ne sont plus des regroupements de communes, des EPCI, auront-ils la possibilité de lever l’impôt ? Que deviendront les personnels des communautés d’agglomération que nous avons constituées, dès lors que celles-ci disparaissent ? Ce sont de grandes inconnues, puisque tous ces points ne sont pas précisés dans le texte. Nous avons eu, madame Lebranchu, de longues discussions à ce sujet, mais je n’ai pas malheureusement pas eu de réponse.

Tout cela s’inscrit dans un contexte généralisé de réduction annoncée des dotations aux collectivités locales : 3 milliards d’euros en moins sur deux ans, 2014 et 2015. Je le répète : ceci rend indispensable une étude d’impact financier, qui n’existe toujours pas.

Je terminerai en évoquant les dispositions du texte prévoyant d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances en ce qui concerne les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables de la métropole du Grand Paris. C’est tout à fait scandaleux : non seulement vous ne voulez pas consulter les populations concernées pour créer démocratiquement les métropoles, mais en outre le Parlement sera contourné. Vous voulez un chèque en blanc vous permettant de prendre, sans les élus concernés, la décision la plus importante pour le budget des territoires : la décision fiscale.

Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, je vais terminer en vous donnant quelques principes lisibles et intelligibles pour tous, que je souhaiterais voir préserver.

Premièrement, il faut préserver les départements et leur vocation de proximité.

Deuxièmement, il faut préserver les intercommunalités existantes et permettre de les élargir. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le maire de Paris, M. Bertrand Delanoë – et je suis d’accord avec lui. Pourquoi ne pas s’appuyer sur ce qui fonctionne ? Pourquoi créer un nouvel étage, une nouvelle structure qui va se confondre, dans le millefeuille, à travers les conseils de territoire ?

Troisièmement, il faut élargir le périmètre de la métropole sur la base du volontariat, avec de la souplesse, pour éviter l’effet de seuil entre la première et la deuxième couronne.

Quatrièmement, il faut mettre en place un système de gouvernance favorisant l’harmonisation et la coordination, selon les décisions prises par les élus locaux.

M. Alexis Bachelay. C’est abstrait !

M. Patrick Ollier. Si vous étiez venu à Paris Métropole, monsieur Bachelay, vous auriez vu du concret.

Mme Estelle Grelier. C’est une idée fixe !

M. Patrick Ollier. Ce n’est pas une idée fixe, c’est trois ans de travail en commun.

Cinquièmement, il faut prévoir une étude d’impact sur les conséquences de la mise en œuvre du système financier.

Sixièmement, il faut organiser une préfiguration avec Paris Métropole, qui permettrait à titre expérimental de gommer toutes les aspérités du texte qui va être voté, avant la mise en œuvre définitive du dispositif pour préciser les compétences et les modalités des délégations.

Enfin, il faut nous appuyer sur la dynamique des territoires pour les contrats de développement territorial. Je considère que ces CDT sont de beaux outils, utiles à l’aménagement du territoire de proximité. Cette dynamique ne doit pas être cassée ; au contraire, il faut l’encourager. La mise en œuvre des CDT, qui permet de concevoir sur une quinzaine d’années les actions à conduire dans les domaines économiques, du transport et du logement, par exemple, doit être respectée voire renforcée. Pour cela, vous devriez profiter de ce texte pour étendre les CDT, le plus largement possible, parce qu’il faut qu’ils répondent aux exigences du bassin d’emplois le plus large possible et qu’ils incluent plusieurs intercommunalités. Mais comment pourront-ils les inclure alors que vous allez faire disparaître ces malheureuses intercommunalités ?

M. Alexis Bachelay. Pas partout !

M. Patrick Ollier. Il faut que vous prévoyiez leur harmonisation, par la mise en place d’une grille de lecture qui permettra, au niveau de la métropole, un peu plus de cohérence entre ces CDT.

J’en ai terminé avec ce que je voulais vous dire et, à ce moment précis, la modernité du Général de Gaulle…

M. Hervé Gaymard. Ah !

M. Patrick Ollier. …me revient à l’esprit. Le 24 mars 1968, à Lyon,…

M. Philippe Cochet. À Lyon ! C’est un symbole !

M. Patrick Ollier. …il a dit : « L’évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L’effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire à notre pays pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain ».

M. Marc Le Fur. Il l’a dit à Quimper également !

M. Patrick Ollier. Nous y sommes ! Mais à vouloir créer de nouveaux dispositifs sans concertation, sans la participation des élus locaux, vous risquez de construire cela sur du sable.

M. Marc Le Fur. C’est ce que l’on appelle la démocratie participative.

M. Patrick Ollier. Ces élus ne peuvent accepter une telle évolution qui s’organise sans eux, peut-être même contre eux, et en tout cas, certainement, sans le peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme de l’action publique territoriale voulue par ce projet de loi est bien plus qu’un exercice de réorganisation des collectivités et de leurs compétences. Elle vise l’adaptation de l’architecture publique territoriale aux évolutions démographiques, économiques et sociétales du pays, auxquelles il nous revient d’apporter des réponses.

M. Philippe Cochet. Quel est le nom de l’architecte ?

Mme Estelle Grelier. J’aborderai la question des métropoles de droit commun. Le fait métropolitain s’est imposé sur le territoire français : plus de 60 % de la population réside dans des aires urbaines de plus de 100 000 habitants ; l’usage de l’espace géographique par la population tend à spécialiser, de fait, les territoires, et rend obsolètes les distinctions entre « rural » et « urbain » pour laisser place à une appropriation fonctionnelle du territoire.

Quand une personne habite un village, travaille dans une grande ville centre et fréquente le cinéma d’une ville moyenne limitrophe, elle ne se soucie pas de savoir si sa vie est urbaine, périurbaine ou rurale. Elle souhaite, en revanche, une organisation administrative qui tienne compte de son mode de vie, des services publics organisés de manière cohérente et optimale, ainsi qu’une économie locale dynamique.

La mise en concurrence des territoires, aussi au niveau européen, a profondément bouleversé des équilibres souvent établis depuis des décennies et rendu nécessaire la création de métropoles aux pouvoirs d’action suffisants pour tenir un rang stratégique dans le développement économique du pays et pour renforcer la cohésion urbaine et sociale.

Pour répondre à ces enjeux, la métropole ne doit pas être un simple label partagé par des grandes villes ; elle doit – au contraire du cadre très ineffectif et inefficace qui a été institué par la loi du 16 décembre 2010, à l’exception de Nice – être dotée d’un statut clair, cohérent, pour des intercommunalités qui ont l’ambition de jouer un rôle premier et levier au plan régional. Sur ce point, nous ne pouvons que nous féliciter des dispositions adoptées en commission des lois pour faciliter la transformation automatique en métropole de certaines grandes agglomérations et de celles qui vont permettre à des agglomérations plus petites mais appelées à peser fortement dans l’économie régionale de faire le choix de cette transformation.

Les défis auxquels sont confrontées ces grandes agglomérations urbaines sont nombreux. En matière d’emplois, de logements et de transports, la nouvelle métropole permettra de mettre en place des politiques publiques plus cohérentes, répondant aux besoins des habitants. Pour cela, il est nécessaire de lui conférer des compétences qui vont au-delà de celles d’une simple communauté urbaine. Sur ce point, il convient d’approfondir et d’aboutir sur la question du transfert automatique ou quasi-automatique de certaines compétences, notamment en matière de voirie départementale.

Bien évidemment, un statut renforcé doit également s’accompagner d’un nouvel élan démocratique. La loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, dite loi Valls, a engagé l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, grâce au système de fléchage sur les listes électorales. Il convient, dès aujourd’hui, de réfléchir aux modalités d’une élection directe à l’échelle de la métropole. De même, la question de la gouvernance est essentielle car ces agglomérations devront trouver un équilibre entre la diversité de leurs territoires, l’exigence de la proximité et le besoin d’une prise de décision efficiente reflétant une vision globale des problématiques métropolitaines.

L’affirmation du fait métropolitain n’obtiendra les effets escomptés que si – et seulement si – elle s’organise dans un cadre apaisé et cohérent. Pour cela, cette réforme doit s’inscrire dans une démarche générale visant à renforcer l’intercommunalité. C’est pourquoi j’ai défendu, et que je continuerai à défendre, monsieur le rapporteur, le rapatriement de certaines mesures urgentes, qui ne peuvent en effet attendre l’examen d’un troisième projet de loi de décentralisation prévu pour une période ultérieure aux élections municipales et communautaires de 2014.

En effet, si nous n’agissons pas dès maintenant, les nouveaux conseils communautaires constitués suite aux élections, ainsi que les nouvelles communautés issues des fusions au 1er janvier 2014 ne pourront agir de manière forte, malgré les échéances cruciales qui les attendent.

C’est dans le cadre de ce récit global de l’intercommunalité – cette révolution tranquille à laquelle nous sommes tous attachés –,…

M. Patrick Ollier. C’est pour cela qu’on supprime les intercommunalités !

Mme Estelle Grelier. …qui a permis de construire de nouveaux projets et de déconstruire des frontières, que doit s’inscrire ce nouveau chapitre de la métropole. Je voudrais remercier, pour leur grande implication, les ministres Lebranchu et Escoffier, et adresser un mot particulier à M. le rapporteur, qui a examiné tous ces amendements intercommunaux avec beaucoup de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. En la forme, madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, vous avez conduit, avec votre ministre déléguée, une démarche d’écoute que je tiens à saluer.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Merci !

M. Jacques Pélissard. Vous avez reçu à plusieurs reprises les élus locaux. Nous avons débattu, nous avons été écoutés, mais nous n’avons pas été entendus.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On ne peut pas tout avoir !

M. Jacques Pélissard. Deux observations liminaires : nous attendions une loi cadre fixant des orientations et des principes fondateurs, un texte court avec des déclinaisons thématiques par des lois spécifiques – je pense à l’urbanisme, au logement, à l’énergie, à la biodiversité et même au statut de Paris.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

M. Jacques Pélissard. Or nous avons un texte scindé en trois, qui nous laisse un peu interrogatifs quant à la réelle vision de l’État sur l’organisation territoriale. Le projet de loi met très partiellement en œuvre le principe de subsidiarité : il développe une vision descendante de la décentralisation. Le bloc local – communes et intercommunalités – n’est pas l’exécutant des multiples schémas des différents pactes, ni le sous-traitant des chefs de file.

Nous souhaitions également, dans un contexte financier dégradé, un texte permettant d’améliorer l’efficacité de la dépense publique, et, surtout, un texte dont l’impact financier aurait été mesuré. Or le projet de loi ne propose pas de réelles études d’impact financier. La création des métropoles et l’ouverture du statut des communautés urbaines vont être à l’origine de dotations majorées au sein de l’enveloppe normée des concours de l’État. Lors de la conférence des finances locales, hier matin, à Matignon, l’amputation en 2014 de 840 millions d’euros pour les communes et intercommunalités a été décidée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Un drame pour l’investissement local !

M. Jacques Pélissard. Or avec un montant réduit, il y aura une ponction amplifiée, au détriment de toutes les collectivités qui ne vont pas changer de statut. Cette question financière n’a pas été évaluée. Cela étant, le rôle de Parlement est de tenter d’améliorer les textes qui lui sont soumis. Les propos que je vais tenir sont validés par le bureau de l’Association des maires de France, bureau pluraliste – et c’est à l’unanimité que les propositions qui suivent ont été approuvées.

Il y a, à mon sens, deux impératifs, sur lesquels je souhaite me focaliser. Le premier impératif, c’est d’organiser le dialogue entre le Gouvernement et les collectivités territoriales.

Depuis des années, sous tous les gouvernements, nous avons souhaité la mise en place d’une instance de dialogue. L’instauration du Haut Conseil des territoires est une réelle avancée. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre esprit d’ouverture sur ce sujet. Ce Haut Conseil est nécessaire pour toutes les politiques d’État qui, toutes, déclinées sur nos territoires, sont toujours supportées, en tout ou partie, par nos collectivités. C’est, par exemple, l’augmentation de la CNRACL, la réforme des rythmes scolaires, ou encore les différentes augmentations des différents taux de TVA. Et je passe sur d’autres mesures.

Il est impératif qu’il y ait, en amont des décisions étatiques, une nécessaire concertation. Elle devra, à mon sens, être conduite au sein du Haut Conseil.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est juste.

M. Jacques Pélissard. Mais il faut compléter cette avancée sur trois plans.

Tout d’abord, il faut resserrer la composition du Haut Conseil. Dans la mouture émanant de la commission des lois, il y a soixante-dix élus – soixante-dix ! Hier matin, à la conférence des finances locales, nous étions vingt élus. Tous n’ont pas pris la parole, mais imaginez une assemblée de soixante-dix élus complétée par une vingtaine de ministres, dont le Premier ministre : il serait difficile, dans ces conditions, d’organiser un travail qui est important pour mener une négociation. Ce Haut Conseil n’est pas une assemblée : c’est une instance de travail et de négociation. Or on ne négocie pas avec soixante-dix interlocuteurs. Il faut resserrer sa composition.

M. Jean-Luc Laurent. C’est exact.

M. Jacques Pélissard. Deuxièmement, il faut que les trois grandes associations – l’Association des régions de France, l’Association des départements de France et l’Association des maires de France – soient au cœur du dispositif. Or seules l’ADF et l’ARF sont constituées en autorités de désignation, alors que l’AMF représente l’ensemble du bloc local. Ici, sur tous les bancs, et même à la tribune, nous savons tous que ce sont toutes les communes et les intercommunalités, les communes du littoral comme celles de la montagne, les communes urbaines comme les périurbaines et les rurales, celles de métropole comme celles d’outre-mer, qui sont représentées par l’AMF, association reconnue d’utilité publique. Je souhaite donc que le bloc local soit représenté, avec un rôle éminent donné à l’AMF, dans le respect scrupuleux – nous le faisons au quotidien, et vous le savez – d’un triple équilibre : géographique, démographique et politique.

Troisièmement, il nous faut affirmer les compétences du Haut Conseil. Il est destiné à débattre de toutes les questions qui ont une incidence sur la gestion locale. Or le texte de l’article 1er AA, dispose que le Haut Conseil « peut être consulté ». Or, très franchement, il ne faut pas qu’il « puisse être consulté ». Il doit l’être, et sur toute une série de sujets.

Prenons un exemple précis et simple, celui des rythmes scolaires. S’il y avait eu un Haut Conseil et une concertation en amont, on aurait pu, avec le ministre de l’éducation nationale, évacuer toute une série de difficultés qu’on a identifiées après et qu’on a réglées après coup. Avec le ministère de la famille, on aurait pu, en même temps et de façon conjointe, régler les questions liées à la CAF, à la convention d’objectifs et de gestion, aux normes d’encadrement. Aujourd’hui, la mise en place d’une démarche triangulaire entre le ministère de l’éducation, le ministère de famille et les collectivités permettrait de mener une vraie action commune et de trouver ensemble de vraies solutions.

Il est également nécessaire, mesdames les ministres, de prévoir un pouvoir de saisine du Haut Conseil par un pourcentage significatif de ses membres sur tel ou tel sujet intéressant les collectivités locales.

Pour résumer ma pensée sur ce point, je dirai que le Haut Conseil aura du sens et de l’efficacité pour dégager des consensus pour la gouvernance de notre pays et sa nécessaire réforme s’il constitue une instance de travail resserrée, représentative et dotée de compétences effectives.

Le deuxième impératif qui me paraît important, c’est l’organisation du fait métropolitain, mais en y associant les communes. Il est nécessaire, chers collègues, de reconnaître le fait urbain, mais je voudrais faire quatre observations.

La première, c’est que l’aménagement du territoire ne peut pas se limiter à quelques métropoles. Le Gouvernement doit développer une vision globale du territoire national qui assure les grands équilibres, la solidarité et les synergies : je veux parler des réseaux de villes, qu’elles soient petites ou moyennes, du monde rural comme des espaces situés en périphérie des métropoles ou entre elles.

En deuxième lieu, l’AMF revendique la création de métropoles d’équilibre européennes, avec un statut adapté aux enjeux de leur développement et de leur rayonnement, mais il faut appliquer le principe de subsidiarité, qui pour nous est essentiel : le consentement d’une majorité qualifiée de communes doit être un préalable à leur constitution, tout particulièrement quand leur périmètre est étendu, quand leurs compétences sont élargies. En effet, une commune ne peut pas se trouver, de fait et de droit, dans une métropole sans avoir pu se prononcer dans le cadre de la règle protectrice de la majorité qualifiée.

Mesdames les ministres, les métropoles seront fortes de la cohésion des communes membres, cohésion qui sera possible si celles-ci sont volontaires et non pas contraintes.

En troisième lieu, je tiens à évoquer l’institution d’une DGF territoriale et l’unification de tout ou partie des impôts ménages. À mon sens, ce type de mesures ne peut entrer en vigueur qu’après et avec l’accord des communes. Mesdames les ministres, que l’on ne s’y trompe point : ce n’est pas une position de circonstance face à ce projet de loi puisque l’AMF a toujours défendu ce point de vue, y compris lors de la discussion de la loi du 16 décembre 2010. Nous l’avons dit : pour la DGF territoriale, pour l’unification des impôts ménages, il faut l’accord des communes. Sinon, il s’agit d’un délitement de leur rôle et de leurs missions.

Quatrième point : qu’il s’agisse de métropoles, de communautés urbaines, de communautés de communes ou d’agglomération, la notion d’intérêt métropolitain ou d’intérêt communautaire est essentielle, elle permet de déterminer localement, dans le cadre d’un projet de territoire, la répartition et la complémentarité des interventions.

Votre texte, mesdames les ministres, peut être l’occasion d’une modernisation de l’action publique, mais il nous faut le co-construire, organiser une plus grande lisibilité pour le citoyen, une action plus efficace et plus économe, une meilleure adaptation des services aux nouveaux besoins de la population. Faites confiance aux maires et aux présidents d’intercommunalités pour, avec vous, y procéder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que le Sénat, dans sa grande sagesse, avait retiré du texte les articles néfastes sur la métropole du Grand Paris, le Gouvernement a réussi à rétablir les dispositions initiales du texte.

M. Jean-Luc Laurent. Non, ce n’est pas le cas !

M. Yves Albarello. Rapporteur de la loi du Grand Paris sous la précédente législature,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Excellent rapporteur !

M. Yves Albarello. …puis de nouveau nommé co-rapporteur du suivi et de l’application de la loi avec mon collègue Alexis Bachelay, je me suis évidemment intéressé aux articles portant sur le Grand Paris. Non seulement, madame la ministre de la décentralisation, votre projet conserve tous les échelons d’administration territoriale actuels, mais avec la création de la métropole de Paris, vous ajoutez un niveau supplémentaire au millefeuille administratif. De plus, votre projet accroît la complexité de l’organisation territoriale actuelle.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Yves Albarello. Alors que dans la loi anti-cumul, on a voulu nous faire croire que les maires seraient valorisés, ce texte de loi va au contraire réduire à néant leur rôle. (« Absolument ! sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Alors que nous avions voulu supprimer des échelons administratifs et regrouper département et région, dans un souci d’efficacité et de réduction des coûts financiers, ce texte, au contraire, va créer une strate administrative supplémentaire, et bien sûr des dépenses nouvelles. Les socialistes veulent, de façon autoritaire, imposer une nouvelle organisation administrative dont je ne veux absolument pas car, je le répète, le projet de loi bafoue l’expression des élus. Même les sénateurs de gauche, lors de son examen en commission des lois, se sont opposés à ce texte, que le Sénat a ensuite repoussé lors du vote solennel.

M. Alain Chrétien. Quelle sagesse !

M. Yves Albarello. Le texte dont nous débattons aujourd’hui a même été qualifié de « déni de démocratie » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) par de nombreux maires de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine !

Le territoire de la métropole Grand Paris sera dirigé par un conseil métropolitain, avec à sa tête un président.

M. Alexis Bachelay. Quelle horreur !

M. Yves Albarello. Est-ce un poste que l’on crée sur mesure pour M. Delanoë ? C’est une vraie question. On l’avait cru grand seigneur quand il avait annoncé abandonner son fauteuil de maire de Paris, mais c’est pour revenir aussitôt afin de diriger, non plus une ville, mais un territoire plus vaste ! M. Jean-Paul Huchon, président de la région, doit apprécier.

Avec cette loi, les communes perdront une grande partie de leurs compétences en matière de logement, d’aménagement, d’hébergement d’urgence, de transition énergétique et de développement. Il a été rappelé que les syndicats – gaz, eau, traitement des déchets –, nombreux en Île-de-France, dépendront également de la métropole.

M. Alexis Bachelay. Bonne nouvelle !

M. Yves Albarello. Dans mon département de Seine-et-Marne, des collectivités regroupant 200 0000 habitants seront créées, là aussi autoritairement. Madame la ministre, comment expliquer aux maires des petites communes de ma circonscription ou de mon intercommunalité qu’ils seront absorbés dans une collectivité de 200 0000 personnes ! C’est réellement la fin programmée du rôle historique des maires.

M. Alain Chrétien. Ils sont éliminés !

M. Yves Albarello. Mais ce sont surtout des échelons supplémentaires et coûteux. Qui paiera ? La métropole aura une dotation importante chaque année, mais sera-ce au détriment des communes et des départements ? Y aura-t-il alors des impôts nouveaux ? Je pose la question aux socialistes, qui sont les spécialistes des impôts.

La métropole décidera aussi en matière de mobilité durable. Dès lors, la région aura-t-elle toujours la compétence en matière de transport ?

M. Alexis Bachelay. Oui !

M. Yves Albarello. Les investissements seront décidés à la majorité du conseil métropolitain, contre les minoritaires. Je rappelle que la ville de Paris aurait à elle seule 25 % des droits de vote !

M. Jean-David Ciot. Ce n’est rien : Marseille, elle, en aurait 47 % ! Estimez-vous heureux !

M. Yves Albarello. Et vous voulez aller vite, vous êtes très pressée, madame la ministre : tout doit être prêt pour le 1er janvier 2015 ! Pourquoi une telle précipitation ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On va en parler.

M. Yves Albarello. Notre région d’Île-de-France rencontre malheureusement de véritables problèmes : logements, transports, emplois… Est-ce que ce texte va résoudre les difficultés que connaissent les Franciliens ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Yves Albarello. Non. Parlez des transports, parlez des logements aux habitants de notre région, et vous verrez leur réaction.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui, justement !

M. Yves Albarello. Beaucoup de nos concitoyens franciliens n’en peuvent plus :…

Mme Nathalie Appéré. C’est bien là le problème, mon cher collègue !

M. Yves Albarello. …longueur des transports, retards et, pour le logement, listes d’attente interminables. Que leur propose-t-on, quelle est la réponse pour résoudre leurs problèmes ? La création d’un tout nouveau président de la métropole Grand Paris. Est-ce cela que les Franciliens attendent ? Bien sûr que non ! Ils savent que leurs problèmes quotidiens continueront !

La venue de ce texte va cependant me permettre de vous parler des CDT – les contrats de développement territorial.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est bien d’en parler.

M. Yves Albarello. L’article 21 de la loi du 3 juin 2010, relative au Grand Paris, institue ces contrats qui permettent la réalisation des objectifs définis pour le Grand Paris, à savoir le développement économique de la région capitale, la réduction des déséquilibres territoriaux mais aussi fiscaux et sociaux, la fourniture d’une offre de logements adaptée en assurant la maîtrise du développement urbain, ainsi que la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Yves Albarello. Dans un souci de cohérence des CDT entre eux, il est nécessaire de déterminer des règles objectives pour harmoniser le développement des territoires à l’échelle métropolitaine. Mais ces contrats se terminent en décembre de cette année. Je vous propose de prévoir un report des délais dans la limite du 31 décembre 2014.

Mon propos global n’est en rien négatif et je veux proposer une alternative, mes chers collègues : la création d’une métropole soit au niveau de la région, soit au niveau des quatre départements du cœur de l’agglomération,…

M. Alexis Bachelay. Mais c’est ce qu’on propose !

M. Carlos Da Silva. Avez-vous lu le texte, monsieur Albarello ?

M. Yves Albarello. …mais par la coordination des maires et des présidents des conseils généraux, et non pas par des méthodes autoritaires ou arbitraires.

Le projet de loi qu’on nous impose est une véritable usine à gaz, créant des strates supplémentaires – conseils territoriaux, conseils métropolitains – qui réduiront à néant le rôle essentiel des maires, au profit de structures technocratiques très coûteuses en fonctionnement.

De plus, comme d’habitude, aucune étude d’impact financier n’a été réalisée.

En réalité, ce texte va accentuer le chaos en Île-de-France et ne réglera aucun problème. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay.

M. Christian Jacob. Ça va être beaucoup moins bien !

M. Alexis Bachelay. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, chers collègues,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Jusque-là, ça va ! (Sourires.)

M. Alexis Bachelay. …la gauche a souvent porté les grandes réformes de la décentralisation, de Gaston Defferre en 1982 à Jean-Pierre Chevènement en 1999, et le projet de loi présenté aujourd’hui s’inscrit dans cette filiation. Il s’agit à la fois d’une étape et d’un aboutissement. Ses propositions engagent en effet une troisième étape de la décentralisation. Mais c’est aussi un aboutissement pour les métropoles à Lyon, Marseille et Paris.

Je tiens à saluer l’important travail de Mme la ministre de la décentralisation et du rapporteur Olivier Dussopt, qui ont su, après la difficile discussion sur le projet de loi au Sénat, faire l’effort de concertation et de synthèse nécessaire pour présenter devant notre assemblée un texte, perfectible, certes, mais fondateur d’une nouvelle gouvernance pour la région capitale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce projet est en effet l’aboutissement d’un long processus de réflexion et de débats dans la région Île-de-France : débats au sein de la conférence métropolitaine, à l’initiative de Bertrand Delanoë, entre Paris et sa proche banlieue depuis 2001 ; débats entre les collectivités territoriales membres de Paris Métropole à partir de 2009, sous l’impulsion de Jean-Yves Le Bouillonnec, son premier président, dont je salue l’action ; débats sur le Grand Paris Express, projet de transports fruit des initiatives croisées de la région et de l’ancien Président de la République, un projet d’inspiration métropolitaine qui a abouti, vous le reconnaîtrez, chers collègues de l’opposition, après les annonces cohérentes et financées du Premier ministre le 6 mars dernier,…

M. Philippe Goujon. Financées par qui ?

M. Alexis Bachelay. …à la mise en place du Nouveau Grand Paris.

M. Patrick Ollier et M. Sylvain Berrios. Vous ne parlez pas du texte !

M. Alexis Bachelay. Mais après plus de dix années de débats, notamment au sein de Paris Métropole, qui a fait de nombreuses contributions utiles, il n’existe aucune unanimité autour d’une nouvelle gouvernance, dont chacun reconnaît pourtant que la région a besoin. Or la proposition d’une métropole intégrée a su fédérer autour d’elles beaucoup d’élus : elle est déjà partagée par une cinquantaine de députés et de sénateurs franciliens, par des présidents de conseils généraux, le président de la région Île-de-France et de nombreux élus de Paris, dont Anne Hidalgo – ce n’est pas rien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Dites-le sans rire !

M. Alexis Bachelay. Nous avons voulu ce sursaut métropolitain pour promouvoir une métropole dynamique, efficace, démocratique et solidaire. Il relève de l’évidence car face aux difficultés actuelles en matière de logements – qui ne devraient pas vous amuser –, d’inégalités territoriales et de ségrégation urbaine, le statu quo est devenu insupportable ; l’immobilisme et le conformisme de ceux qui ne veulent rien changer, aussi.

M. Alain Chrétien. Le changement, c’est autrement !

M. Patrick Ollier. Et pas maintenant !

M. Alexis Bachelay. L’affirmation du fait métropolitain dans la région capitale repose sur quelques principes.

Tout d’abord, il repose sur une échelle adaptée et comparable aux autres villes mondes. Ainsi, le périmètre choisi, celui des quatre départements de la première couronne, intègre une population de 6,5 millions de personnes. Les aires de gouvernance des grandes métropoles sont dans cette strate : Madrid, 3,2 millions d’habitants, le Grand Londres, 8 millions ; le Grand Moscou, 15 millions et le Grand New York, 18 millions.

M. Jean-Luc Laurent. Ça n’a rien à voir.

M. Alexis Bachelay. Vue de l’étranger, la description que vous faites d’un monstre technocratique fait sourire : elle est totalement déphasée par rapport à ce qui se passe dans l’ensemble des métropoles du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Second principe : un renforcement des politiques publiques en matière de logement et d’aménagement, de transition énergétique, avec, demain, des projets métropolitains structurants.

M. Alain Chrétien. Cela ne veut rien dire !

M. Alexis Bachelay. Troisième principe : des communes confortées par l’intégration des maires au sein du conseil métropolitain, partenaires incontournables de la métropole. Des conseils de territoire, échelon intercommunal où se concrétiseront les orientations stratégiques de la métropole. Enfin, des intercommunalités plus fortes dans la grande couronne et une région garante d’un développement polycentrique.

M. Philippe Cochet. Ce n’est pas cela, le développement polycentrique !

M. Alexis Bachelay. En commission des lois, notre collègue Patrick Ollier a qualifié ce projet de « réforme révolutionnaire ». Lui et ses amis semblent le regretter. Faute de vision et de propositions concrètes, ils veulent donner du temps au temps.

Pour être totalement révolutionnaire, il est vrai qu’il aurait peut-être fallu ajouter la suppression du département. Mais là aussi, vous êtes probablement contre, puisque vous êtes contre l’ensemble des réformes que nous proposons. Vous ignorez totalement les urgences qui sont celles des Franciliens : logement, transport, énergie, santé, cohésion sociale, solidarité.

M. Patrick Ollier. Vous dites des bêtises, vous n’avez jamais été confronté à la réalité du terrain !

M. Alexis Bachelay. Écoutez-moi, monsieur Ollier. Je vous ai écouté. Je suis moins ancien dans le grade que vous, mais j’ai moi aussi droit à la parole, ici. Je suis élu de la nation tout comme vous et vous ne pouvez pas m’interdire de légiférer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Colette Capdevielle. Il a raison. Laissez-le parler !

M. Patrick Ollier. Il ne faut pas qu’il m’insulte !

M. Alexis Bachelay. Mesdames les ministres, chers collègues, nos concitoyens sont déjà plus métropolitains dans leurs vies quotidiennes que beaucoup d’élus ne le croient ici sur ces bancs. Ils vivent déjà dans un espace métropolitain.

Comme eux, nous sommes nombreux à croire que cette métropole du Grand Paris permettra de créer un nouvel espace de solidarité, d’innovation au service de ses habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier. Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, en attendant la discussion des articles, permettez-moi en quelques mots de vous préciser ma pensée mais aussi mes doutes et mes déceptions sur le texte que vous nous présentez aujourd’hui.

Vous le savez, madame la ministre, je fais partie de ces rares élus provençaux qui sont favorables au principe de la métropole marseillaise. J’y suis favorable car la métropole peut être une réponse intelligente, pour ne pas dire nécessaire, à la féroce concurrence à laquelle se livrent les territoires, décrite par plusieurs orateurs des deux côtés de l’hémicycle.

J’y suis favorable car la métropole peut être un formidable outil de développement du territoire et donc aider l’aire marseillaise à s’installer dans son rôle, en principe naturel, de capitale de l’Euroméditerranée.

J’y suis favorable car elle crée la possibilité d’une solidarité des EPCI environnants en direction de la ville qui supporte seule, d’une manière difficile et sans doute injuste, le poids d’une ville centre.

J’y suis favorable, enfin, car c’est le moyen, a priori le plus pertinent, pour unir nos forces, nos talents, nos expériences et relever les défis qui vont s’imposer à nous dans les années à venir, quand ils ne s’imposent pas déjà. Je veux parler bien entendu du développement économique, d’un schéma de transport cohérent ou des enjeux d’urbanisme, par exemple.

Toutefois, le mécanisme institutionnel que vous nous présentez ressemble davantage à un objet institutionnel inquiétant…

Mme Dominique Nachury. Inquiétant, en effet !

M. Guy Teissier. …qu’à un outil simple, efficace, réactif pour les populations. Et là réside le premier écueil de votre texte.

En effet, entre le conseil de métropole, la conférence métropolitaine des maires et les six conseils de territoire que votre projet de loi établit, vous proposez de mettre en place une structure lourde dans son fonctionnement, et surtout coûteuse pour les contribuables.

Là où nos administrés sont en droit d’attendre de la simplification, il me semble que vous complexifiez. Là où nos administrés sont en droit d’attendre de la réactivité, il me semble que vous alourdissez. À mon sens, le premier principe qui aurait dû conduire vos réflexions aurait dû être l’allégement de notre millefeuille administratif, comme vient de le dire notre collègue Albarello.

M. Yves Albarello et M. Alain Chrétien. C’est une évidence !

M. Guy Teissier. Je vous l’ai dit lors de nos entretiens préalables – j’ai d’ailleurs déposé des amendements en ce sens, qui ont tous été repoussés en commission –, vous auriez dû saisir l’occasion de ce débat pour supprimer l’échelon départemental comme cela a été fait pour la métropole lyonnaise et, a minima, accepter nos propositions de donner à la future métropole la compétence exclusive de la gestion, entre autres, des voiries, y compris départementales.

À mon sens, vous auriez dû aussi reconnaître l’intérêt ou la pertinence, c’est selon, de donner aux métropoles et aux régions seulement la compétence de la promotion du territoire. Sur ce dernier point, cela aurait permis d’éviter que chaque institution ait sa propre politique en ce domaine, avec ce que cela entraîne comme déperditions d’énergie et de crédibilité et comme dilapidation d’argent public. Vous l’avez refusé, et j’en suis désolé.

Deuxième élément de réflexion : pour moi, comme pour beaucoup d’autres élus d’ailleurs, la métropole ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique de coordination de certaines politiques publiques structurantes à l’échelle du territoire. La métropole doit coordonner le développement économique pour créer les synergies indispensables à l’essor et à l’attractivité de ce grand espace et permettre ainsi, notamment, la création d’un guichet unique de marketing territorial, comme je vous en avais fait la proposition, madame la ministre.

Qu’en est-il aujourd’hui ? La métropole doit coordonner la politique des transports, qui est le pendant du développement économique et la pierre angulaire du développement tout court. La métropole doit aussi coordonner la politique de développement urbain. Même si les maires restent maîtres de leur droit du sol, une coordination a minima à l’échelle des conseils de territoire s’imposait, à mon humble avis.

Vous avez refusé ces avancées qui étaient pourtant modestes et essentielles à la fois. Je le regrette car j’ai l’impression que nous manquons là une occasion unique de combattre les égoïsmes, quand ce n’est pas le clientélisme, pratique assez répandue au bord des rivages de la Méditerranée.

M. Gaby Charroux. Sauf à Marseille !

M. Jean-David Ciot et M. Marc Dolez. Pas dans les quartiers nord, en tout cas !

M. Guy Teissier. Sauf à Marseille, bien sûr. Mais à Martigues peut-être un peu. (Sourires.)

Mais ma vraie déception tient au fait que, face à cet objet institutionnel inquiétant, vous n’avez pas pris l’option de permettre aux communes et aux maires d’arrondissement qui le souhaitaient de se réapproprier certaines missions de proximité.

Ainsi, l’incongruité du système que vous nous proposez réside dans le fait que s’agissant des problématiques d’entretien quotidien de la voirie ou de propreté – ce sont de simples exemples, mais ô combien prégnants, à Marseille notamment –, nous aurons un lien toujours aussi distendu, sinon plus, entre l’autorité politique, démocratiquement élue, et l’autorité fonctionnelle administrative. C’est déjà un écueil sérieux aujourd’hui, il le serait encore plus demain.

Si les maires de plein exercice ou d’arrondissement ne maîtrisent même pas ce type de compétences, vous renforcerez, à votre corps défendant, la frustration chez les élus et l’incompréhension chez les administrés. C’est une occasion ratée.

Cette frustration, cette incompréhension risquent d’être d’autant plus tenaces que le président de la métropole ne sera pas élu au suffrage universel direct et qu’avec ce système, la co-gouvernance ou la gouvernance partagée sera érigée en mode de gestion. Bref, nous aurons un président de métropole, proche d’un président du Conseil de la IIIe ou de la IVe République, englué dans des accords à court terme, plutôt qu’un président prêt à mener une politique clairement identifiée et voulue par les citoyens.

Alors, madame la ministre, autant vous dire qu’à l’instant où je vous parle, c’est une grande perplexité qui m’anime. Cette métropole est une nécessité, comme je l’ai dit en préambule. C’est un objet monde dont ma ville et ma région, la terre où je suis né et où j’ai grandi a besoin. Mais, vous l’avez compris, ce que vous nous proposez me déçoit. Ma déception est d’autant plus grande que pour une réforme de cette nature, on aurait pu espérer un vrai débat parlementaire constructif.

M. Henri Jibrayel. Il fallait le faire en 2010 !

M. Guy Teissier. Or le rejet de tous nos amendements laisse à penser une volonté de confiscation du débat parlementaire, une volonté de s’en tenir aux travaux du Sénat. La vérité est qu’avec ce texte nous sommes très loin de l’esprit de la loi de décentralisation de Gaston Defferre. Aussi, à ce stade, madame la ministre, mes chers collègues, je réserve mon vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc.

M. Jean-Luc Moudenc. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je suis favorable à l’idée de la métropole et je rappelle que c’est l’ancienne majorité qui avait posé le principe de cette nouvelle collectivité avec la loi du 16 décembre 2010.

M. Jean-David Ciot. Exact !

M. Jean-Luc Moudenc. Cependant, il est fort regrettable qu’en termes de compétences et d’attributions, ce projet soit peu audacieux et peu ambitieux. On est loin, une fois encore, de ce que préconisait l’excellent rapport Balladur de 2009.

Nous le savons tous, l’avenir est à l’échelle européenne, et il faut doter la France de métropoles structurées et puissantes, qui seront autant d’atouts pour nos territoires car ce sont les métropoles qui tireront le dynamisme de nos régions. Or ce projet de loi révèle une méthode de gouvernement pour le moins étonnante, qui nous prive du saut qualitatif que l’on pouvait légitimement espérer.

Pendant la campagne présidentielle, François Hollande parlait solennellement d’un acte III de la décentralisation. Finalement, au lieu de cet acte, on a trois pièces séparées, dont une sur les métropoles. Ce morcellement est inopportun car il aurait fallu établir une passerelle entre le premier texte, relatif aux métropoles, et le second, qui traite des régions. Je crois en la fertilité et en l’utilité du couple région-métropole, dont la complémentarité est évidente sur le plan de l’action économique.

Aussi, je déplore cette présentation séparée en trois textes et je vois déjà s’amonceler les risques de dissonance et de contradiction, là où la cohérence exigeait un texte unique. Il aurait plutôt fallu organiser la coopération entre la région et la métropole, au service d’une politique équilibrée du territoire, entre le noyau urbain et l’espace rural.

Au-delà de cette critique sur le fond du texte, j’ai également un regret sur la méthode. Selon ce projet de loi, il y aura quatre types de métropoles : Paris, Lyon, Marseille et un statut général destiné aux agglomérations de plus de 400 000 habitants. Certes, on admet sans difficulté le statut particulier accordé à la ville capitale, mais pas l’éclatement des autres situations car elles s’appuient sur des principes totalement opposés.

À Lyon, par exemple, il y a eu un consensus local entre le président du conseil général et celui de la communauté urbaine du Grand Lyon qui a permis une sorte de Yalta des compétences, avec l’attribution à la métropole des compétences départementales. C’est cet accord local qui fonde le statut de la métropole de Lyon.

À l’inverse, à Marseille, ce statut a été refusé par une écrasante majorité d’élus de toutes tendances, cela a été dit et redit. Malgré tout, le Gouvernement l’a imposé. Il y a donc bien deux poids, deux mesures.

Pour les autres collectivités concernées, il s’agira plutôt de sous-métropoles. Car on ne va pas aussi loin que Lyon dans l’intégration métropolitaine, ce que je regrette. L’avancée est moins forte que ce qui aurait été souhaitable. Je défends l’idée que les métropoles puissent avoir la faculté de choisir le statut de Lyon. Je note d’ailleurs que vous-même, madame Escoffier, vous avez hier dans cet hémicycle jugé « exemplaire » l’accord sur le statut métropolitain de Lyon pour « la simplification » qu’il apporte.

Ainsi, hormis à Lyon, aucune compétence départementale ne sera transférée de plein droit aux métropoles, ni immédiatement ni plus tard.

À quoi cela sert-il de maintenir le conseil départemental dans la petite dizaine de départements qui vont être dotés d’une métropole quand l’application de votre récente loi sur les scrutins va diviser par deux les cantons et surreprésenter les cantons urbains au sein des conseils départementaux concernés ?

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Jean-Luc Moudenc. Avec ce texte, le millefeuille a de beaux jours devant lui !

Autre anomalie : la représentativité entre ville centre et périphérie urbaine. Dans cinq cas – Marseille, Toulouse, Strasbourg, Montpellier et Rennes –, la représentation de la ville centre est écrêtée. Résultat : tout citoyen habitant ces cinq villes centres est sous-représenté dans les instances dirigeantes de la métropole. Ces citoyens contribuables subissent une double peine : ils paient plus que les habitants des communes périphériques en supportant les charges de centralité – les grosses structures culturelles et sportives, par exemple –, tout en pesant moins dans les décisions.

La persistance de cette injustice contredit le mouvement législatif initié par votre gouvernement, qui revendique d’établir une meilleure adéquation entre démographie urbaine et représentativité élective, que ce soit au Sénat, dans les conseils départementaux ou au Conseil de Paris. Pourtant, la juste représentation des citoyens n’est-elle pas un fondement constitutionnel majeur ?

Pour toutes ces raisons, et quelques autres, je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Vous avez tort !

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot.

M. Jean-David Ciot. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, chers collègues, je tiens, de manière liminaire, à associer à cette intervention mes collègues Vincent Burroni, député de Vitrolles et Marignane, ainsi que Jean-Pierre Maggi, député de Salon-de-Provence ; j’ajoute un salut amical à mon ami Gaby Charroux, député-maire de Martigues.

C’est avec beaucoup de déception que je m’exprime aujourd’hui devant notre assemblée. Alors que nous examinons une loi portant, entre autres, sur la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, le Gouvernement, de manière identique à ce que fit la majorité précédente en 2010,…

M. Alain Chrétien. Aujourd’hui, il procède par décret !

M. Jean-David Ciot. Je vous rappelle que c’est d’une loi que nous débattons.

…nous propose pour les Bouches-du-Rhône une métropole centralisée, concentrant la décision et les moyens sur la ville centre du département.

Cette approche déséquilibrée, qui n’a jamais pu évoluer au fil des mois de discussions, suscite l’opposition ferme et résolue de 109 maires sur les 119 que compte notre département, comme celle de l’écrasante majorité des élus locaux, y compris d’une partie importante des élus marseillais, et de plus de la moitié des parlementaires des Bouches-du-Rhône. Tous vous ont inlassablement exposé, madame la ministre, de manière constructive, leurs craintes de voir votre métropole ingouvernable, engorgée, paralysée dans son action par une gouvernance conflictuelle, autour de compétences trop lourdes et mal définies.

M. Philippe Cochet. La méthode socialiste !

M. Jean-David Ciot. C’était la même avant, malheureusement, et l’opposition des élus était la même ! La différence, c’est que moi, je n’ai pas changé d’avis !

M. Alain Chrétien. On ne créait pas les métropoles par décret !

M. Jean-David Ciot. Ils vous ont également alerté sur les dangers d’une métropole à fiscalité unique, qui conduira à une augmentation inéluctable des impôts pour les ménages et les entreprises.

Ils vous ont proposé, en lieu et place de ce modèle, un outil politique plus efficace : un établissement public, sur le modèle des structures qui ont su conduire les grandes opérations d’aménagement en Provence. Cette solution aurait pu transférer, de manière obligatoire et avec les moyens financiers adéquats, les compétences liées au développement économique, aux déplacements et à la cohésion urbaine, dans un outil métropolitain au fonctionnement simplifié, qui respecte les problématiques spécifiques à chaque bassin de vie et à chaque territoire – en cela, je rejoins les propos de Guy Teissier.

Malheureusement, vous avez opposé une fin de non-recevoir à cette expression quasi unanime des élus locaux. De même, et je le regrette, vous avez verrouillé notre débat parlementaire : en décidant de faire voter l’article 30 conforme, vous avez refusé à l’Assemblée nationale le droit d’améliorer et d’amender le texte, sous le prétexte d’un accord politique avec le maire de Marseille. C’est désormais avec tristesse et impuissance que je vois des maires, fidèles soutiens de la majorité présidentielle, quitter nos rangs.

Je ne peux m’empêcher de penser que nous avons raté l’occasion historique qui nous était donnée de construire, sur le territoire des Bouches-du-Rhône, un outil politique susceptible de fédérer l’ensemble des acteurs locaux, autour de la construction d’un projet métropolitain ambitieux et visionnaire.

Je suis donc très déçu de ce rendez-vous manqué et très pessimiste sur la qualité du projet que la future bureaucratie métropolitaine, forte de 7 000 fonctionnaires, pourra élaborer. C’est pourquoi, au nom de la majorité des élus du département, je défendrai, avec Jean-Pierre Maggi et Vincent Burroni, des amendements pour tenter d’améliorer le texte.

Il est encore possible, madame la ministre, en acceptant ces amendements à l’article 30, de trouver une issue consensuelle et fédératrice permettant de réussir le lancement d’un projet métropolitain conforme à l’intérêt de Marseille et de tous les territoires des Bouches-du-Rhône. Je vous invite à ne pas craindre le débat et à ne pas rester figée de manière défensive sur la position arrêtée par le Sénat. Vous avez su modifier votre position sur Paris, pour tenter de trouver une solution plus consensuelle. Je suis convaincu que nous pouvons faire de même pour Marseille.

En revanche, si la discussion parlementaire demeure à ce point fermée et si la parole des élus locaux reste lettre morte, vous comprendrez que nous aurons du mal à voter ce texte, notamment son article 30. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et GDR, et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, chers collègues, vous le savez, je fais partie des élus marseillais favorables à la métropole, et ce, dès l’origine.

Marseille, qui supporte à elle seule toutes les charges de centralité, avait, avec les autres communes, besoin de la métropole. Beaucoup d’espoirs ont donc été placés dans ce texte, qui améliore certaines choses, notamment la représentativité de notre ville – le fameux article 30 B voté au Sénat, qui permet de rendre aux communes les plus peuplées, et en particulier à Marseille, un nombre de sièges conformes à son poids démographique – ou encore le financement des marins-pompiers ; mais le projet de loi ne peut se résumer à ces deux aspects.

Hervé Gaymard disait que le Sénat avait beaucoup modifié le texte initial, sous l’impulsion de notre maire. Sans doute l’organisation – ou l’inorganisation métropolitaine – ne peut-elle rester en l’état, mais la position de la quasi-totalité des maires, démocratiquement élus, ne doit-elle pas être écoutée, puis entendue, pour améliorer le texte, comme nous l’espérons encore, et éviter un débat figé, un vote conforme ?

La métropole envisagée ressemblera furieusement au département des Bouches-du-Rhône, sans que le sort de ce dernier soit précisé – nous n’avons pas la même chance qu’à Lyon. A-t-il vocation à concentrer son action, et avec quels moyens, sur Arles, la Camargue et les Alpilles, qui ne sont pas dans la métropole ?

Aujourd’hui, je m’interroge sur la cohérence du texte, et je suis inquiète. En effet, après des années de lois de décentralisation boursouflées et essoufflées, j’espérais que l’outil métropolitain pourrait constituer une réponse pour Marseille et les Bouches-du-Rhône. Or, je suis particulièrement dubitative, puisque, en effet, tout est conservé : le millefeuille est intact, auquel viendra s’ajouter la métropole ! Les tuilages vont perdurer, en particulier dans le domaine économique, où il appartient aux collectivités de donner l’impulsion.

Je m’interroge aussi sur la cohérence du projet. Prenons l’exemple des conseillers qui vont siéger à la métropole : comment votre majorité a-t-elle pu nous imposer – et se l’imposer à elle-même, d’ailleurs, dans la douleur – le non-cumul des mandats et présenter aujourd’hui un texte qui favorise le cumul ? En effet, sauf erreur de ma part mais j’espère que vous me contredirez, j’ai compris qu’il n’y aurait plus aucune souplesse et que seuls les premiers élus de la liste d’arrondissement se trouveraient, en cas de succès, en position d’être conseillers métropolitains. Vous fabriquerez ainsi des cumulards d’office, et ces cumulards de mandats locaux sont un exemple supplémentaire de ce système qui devient de plus en plus complexe et de plus en plus rigide.

Je ne voudrais pas qu’à l’occasion de ce texte la population, et celle de Marseille en particulier, découvre la métropole par le biais d’une ligne supplémentaire figurant sur sa feuille d’imposition. La création de la métropole doit se faire à coût constant pour nos concitoyens, grâce aux économies d’échelle. Alléger la fiscalité des particuliers et des entreprises, tel doit être l’objectif qui nous guide dans la création de cette métropole ; or cela ne semble malheureusement pas être le cas.

J’avais espéré que ce texte rapproche les habitants de leurs élus ; c’est malheureusement l’inverse qui est en train de se profiler. J’ai peur que ce texte engendre frustration chez les élus et une méfiance accrue envers ces derniers chez nos administrés.

Quant aux compétences, j’ai bien peur que nous votions pour un dispositif qui n’est qu’une coquille vide. Nous avons certes besoin d’outils pour soutenir notre dynamisme, mais je n’en vois pas dans l’organisation qui nous est proposée. En fait, j’ai l’impression que vous ne nous laissez le choix aujourd’hui qu’entre plusieurs inconvénients, alors que nous espérions tant pour notre pays et pour Marseille.

Je crains que ce projet ne se fasse sans la population. Plusieurs ministres ont dit que Marseille était une priorité nationale, mais où est l’aide promise ? Elle ne peut se réduire aux quelques milliers d’euros alloués aux marins-pompiers, pour régler un problème pendant depuis plusieurs années, même si nous nous en réjouissons. Elle ne peut se réduire à l’aumône qui nous est proposée au cas où nous accepterions ce texte métropolitain pour Marseille.

Ce projet n’est malheureusement pas à la hauteur des enjeux auxquels est confrontée Marseille en matière de sécurité, de transports ou de développement économique.

J’espère cependant beaucoup du débat parlementaire, pour ma ville et pour l’aire métropolitaine, et j’aimerais, madame la ministre, que vous arriviez à me convaincre et que vous me rendiez l’enthousiasme que j’avais pour la métropole au début de l’examen de ce texte, dont j’espère qu’il ne sera pas un texte de plus qui décevra nos concitoyens et frustrera les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Sylvain Berrios. Paris, nous voilà !

M. Philippe Goujon. Oui, Marseille, Paris, même combat !

Mme Nathalie Appéré. Ce n’est pas sûr !

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, chers collègues, le Gouvernement nous propose donc un bouleversement complet de la gouvernance francilienne, en réalité une recentralisation mettant un terme à la libre administration des collectivités territoriales.

La métropole du Grand Paris – subrepticement réintroduite par voie d’amendement gouvernemental dans la nuit précédant la fin de l’examen de ce texte par la commission des lois – est bien ce monstre technocratique qui a conduit le Sénat à la supprimer purement et simplement.

Au moment même où la Cour des comptes, dans son rapport sur l’organisation territoriale de l’État, dresse un tableau au vitriol des enchevêtrements de compétence, de la mauvaise gestion des effectifs et de l’insuffisante coordination entre services, vous en rajoutez une couche, et une couche épaisse !

Loin de l’ambition du Grand Paris portée par Nicolas Sarkozy, qui reliait des pôles d’attractivité économique répartis sur l’ensemble du territoire francilien à un réseau de transports métropolitain performant, tout en associant les collectivités et leurs élus, votre métropole du Grand Paris ne fait qu’ajouter une strate supplémentaire au millefeuille territorial existant. En effet, vous déconnectez la compétence logement et urbanisme, monopolisée par la métropole, de la compétence transports, qui continuera, elle, à être assumée par la région, et on sait à quel point celle-ci peine déjà à pallier les déficiences du réseau existant !

M. Philippe Cochet. Absolument !

M. Philippe Goujon. Vous réalisez un tour de passe-passe qui masque aussi l’échec de la majorité socialiste parisienne sur le logement…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On en a quand même construit plus que vous !

M. Philippe Cochet. 40% en moins !

M. Philippe Goujon. Les chiffres sont têtus, cher collègue : 93 000 demandeurs de logement en 2001 contre 126 000 aujourd’hui, avec un prix moyen du mètre carré à Paris qui a dépassé 8 000 euros : c’est un record historique ! Une majorité socialiste qui brade ses responsabilités à la métropole, sans même se soucier de la question de la desserte en transports et de la proximité avec les lieux de travail des futurs ghettos qui seront construits au-delà du périphérique !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour M. Goujon, au-delà du périphérique, il ne peut y avoir que des ghettos ! C’est extraordinaire !

M. Philippe Goujon. Ce que dit l’opposition vous gêne, cher collègue. Laissez-la s’exprimer !

Vous engagez, de surcroît, une véritable recentralisation, puisque les maires franciliens seront dépouillés de leurs compétences les plus essentielles, l’urbanisme et l’aménagement. Ils ressembleront – comme l’ont regretté des maires communistes du Val-de-Marne il y a quelques jours – à quelque chose que Claude Goasguen et moi-même connaissons bien, les maires d’arrondissement, qui sont dépourvus de pouvoirs décisionnels tout en devant rendre des comptes à leur population. J’en profite pour dénoncer l’oubli des maires d’arrondissement – voyez comment on les considère – dans les instances de la métropole, ce que nous proposerons de corriger par voie d’amendement, cet oubli ne leur évitant pas, cependant, la double peine du non-cumul des mandats.

Et quel avenir réservez-vous aux départements de la petite couronne ? On ne sait pas très bien si vous en prévoyez la pérennité à l’instar de ce que souhaite M. Delanoë ou s’ils sont condamnés à court terme à disparaître selon le vœu contraire de sa première adjointe, Mme Hidalgo, qui recherche vraisemblablement là un moyen de s’affranchir d’une lourde, très lourde tutelle.

Ce texte porte gravement atteinte aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales, d’égalité devant le suffrage et de sincérité du scrutin, puisque vous créez des maires à deux vitesses selon leur département d’élection – maires franciliens et maires du reste de la France –, sans que l’organe délibérant de cette nouvelle structure toute-puissante soit directement élu par la population qu’il administrera.

L’objectif constitutionnel de pluralisme politique, inscrit à l’article 4 de notre Constitution, est également menacé, puisque ce projet de loi ne fixe aucune règle quant à la représentation des différents courants politiques au sein des instances de la métropole, qu’il s’agisse des conseils de territoire, de l’assemblée des maires, ou de son organe délibérant, le conseil de la métropole du Grand Paris, dont l’effectif s’affranchit même des limites légales, ce qui nous laisse à penser qu’il sera pléthorique ! Cette métropole ne porte d’ailleurs de Paris que le nom, puisque la capitale, qui représente 35 % de la population, n’aura que 25 % des sièges, comme le dénonce justement Nathalie Kosciusko-Morizet, et ses avis ne seront que consultatifs.

La désinvolture avec laquelle vous avez éludé la question du coût et du financement de cette « usine à gaz », en omettant toute étude d’impact et en la reléguant à une loi de finances ultérieure, sans vous soucier de l’état critique de l’endettement public, ne peut qu’alarmer nos concitoyens. Combien coûtera votre nouvelle chimère ? On parle d’ores et déjà de 2 000 nouveaux agents, d’un budget de 2 à 3 milliards auquel Paris devra contribuer à hauteur de 400 millions, sans oublier la mutualisation des dettes qui pèsera sur les collectivités aux finances saines.

Le maire de Paris reste déjà étrangement discret sur la dette de l’État à l’égard de Paris, à hauteur de plus d’1 milliard – une dette qu’il ne cessait pourtant de fustiger –, et sur l’effondrement des concours de l’État, diminués de 43 millions pour le budget 2013 de la Ville de Paris. Il est vrai que la hausse des droits de mutation qui vient d’être autorisée compensera. Encore des impôts !

M. Sylvain Berrios. Achetez maintenant, payez plus tard !

M. Philippe Goujon. Madame la ministre, écoutez la voix des élus de proximité, la voix du peuple de Paris et de la région capitale. Retirez ce texte de l’ordre du jour et engagez, comme mes collègues l’ont souhaité, un débat public suivi, pourquoi pas, d’un référendum, au lieu d’improviser un bouleversement si profond de la gouvernance francilienne, qui va ajouter au désordre, à la gabegie financière et à l’inefficacité d’un projet qui, loin d’être à la hauteur des défis lancés à la région capitale, n’apparaît plus aujourd’hui que comme une médiocre manœuvre politicienne dont, hélas, votre gouvernement est coutumier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

M. Philippe Cochet. Sera-t-elle en accord avec son maire ?

Mme Pascale Crozon. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, favorable de longue date à une simplification de notre millefeuille territorial, je me félicite de la création d’une nouvelle collectivité lyonnaise exerçant à la fois les compétences de la communauté urbaine et du département. L’action publique n’en sera que plus lisible et plus cohérente pour nos concitoyens.

M. Philippe Meunier. C’est mal parti.

Mme Pascale Crozon. En confiant au Parlement, et à lui seul, la responsabilité de créer de nouvelles collectivités territoriales, la Constitution n’a pas souhaité nous limiter à ratifier des accords locaux. Voilà pourquoi, tout en soutenant la naissance de la métropole de Lyon, il nous appartient aujourd’hui d’en examiner les modalités d’installation, au regard des principes généraux de notre droit et de notre conception de l’intérêt général.

Le projet de loi utilise en effet le même mot de métropole pour désigner deux réalités juridiques totalement différentes. À Lyon, contrairement à toutes les autres, la métropole sera une collectivité territoriale de plein exercice, c’est-à-dire un objet constitutionnel parfaitement identifié.

Le principe de libre administration, en particulier, suppose l’indépendance organique d’une assemblée élue au suffrage universel, qui ne peut donc plus représenter des communes mais des citoyens vivant sur ce territoire, dans le respect de l’égalité du suffrage. La mise en place d’une période transitoire de cinq ans durant laquelle ces principes ne seraient pas respectés constitue, à l’évidence, un vrai problème.

Tout d’abord, je me félicite de l’adoption en commission du principe de parité de l’exécutif métropolitain, conforme à ce que nous avons voté pour les départements dont la métropole exercera les compétences. Cependant, je m’inquiète du recul en matière de cumul des mandats : alors que nous venons d’adopter de nouvelles dispositions pour les parlementaires, la métropole de Lyon sera la seule collectivité dont les élus ne seront pas soumis aux lois de 2000. Ils pourront, par conséquent, cumuler trois mandats.

Madame la ministre, la disparition de l’intercommunalité doit nous conduire à réinventer la coopération entre collectivités désormais indépendantes, et je remarque que la partition des compétences entre la métropole et les communes ne peut pas ici résulter d’un simple copier-coller des compétences reconnues aux autres métropoles. Les compétences transférées ne seront en effet plus exercées, à la différence des EPCI, au nom des communes, dans leur intérêt et sous leur contrôle, mais de façon totalement indépendante. Il est donc important de veiller à une partition rigoureuse, où aucun transfert n’entrave ni la libre administration de la métropole, ni celle des communes. Cela me paraît très important et je compte sur vous, madame la ministre, pour rassurer les élus, dont certains sont particulièrement inquiets.

M. Claude Goasguen. Ceux de Villeurbanne, par exemple !

Mme Pascale Crozon. Pas seulement.

Les amendements que je défendrai sont donc soucieux de cet équilibre et rejoignent, madame la ministre, les préoccupations de nombreux élus locaux qui soutiennent votre projet tout en regrettant d’avoir été écartés d’un dialogue quasi exclusif avec la ville de Lyon.

M. Philippe Cochet. Quel aveu !

Mme Pascale Crozon. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause un texte que je voterai, mais il est nécessaire de suivre sa logique jusqu’au bout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Je vous l’avais dit, madame la ministre, je suis favorable, à Marseille, à l’idée métropolitaine et j’étais prêt à voter un texte, pourvu qu’il fût bon.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quelle mauvaise foi : ce texte, c’est le vôtre !

M. Christian Kert. Or, j’en suis désolé, ce texte est décevant, pour plusieurs raisons déjà exprimées ici et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Surtout, il risque de conduire à un véritable désordre institutionnel : comment dégager une vision d’ensemble cohérente en annonçant trois textes éclatés alors qu’à l’époque, madame la ministre, convenez-en, vous nous aviez parlé d’un seul ?

Oui, comment s’y retrouver dans l’enchevêtrement des compétences des collectivités locales avec le retour de la clause de compétence générale, des financements croisés de nouveau possibles et la création d’une strate supplémentaire par cette métropole accompagnée de ses satellites ?

Je fais partie, et nous sommes nombreux, de celles et ceux qui sont favorables à l’idée métropolitaine, y compris pour Aix-Marseille, qui fait polémique, car je crois, comme notre rapporteur, qu’il est temps de clarifier le rôle de chacun dans la stratification des compétences.

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. Christian Kert. Or, cet objectif de clarification est loin d’être atteint et les modalités qui nous sont proposées ne sont pas acceptables en l’état.

Dans la vaine polémique qui oppose depuis quelques mois les villes de Marseille et d’Aix, je persiste à croire que, du fait de leur formidable histoire commune, ces deux cités aux destins croisés, ne doivent pas être antagonistes. Elles doivent au contraire trouver ensemble et de façon volontaire, une entente sur des compétences partagées. Marseille ne veut rien voler au reste du département, lequel veut bien partager mais ne veut pas tout assumer. Là est l’enjeu. Et c’est bien là le principal reproche que nous pouvons formuler à ce texte. Nous ne sommes plus en présence d’un consentement démocratique des parties prenantes mais bien d’une automaticité imposée.

La loi oblige et retire de nombreuses compétences aux communes, qui ne pourront plus s’y opposer ni choisir les compétences qu’elles souhaitent soit assurer elles-mêmes, soit déléguer aux structures métropolitaines.

Nous vous l’avons rappelé, madame la ministre : dans le département des Bouches-du-Rhône, 109 maires sur 119 s’opposent à votre projet. Mais ils ne se contentent pas de s’opposer : ils vous font une contre-proposition. Les communautés d’agglomération existantes ont mis plus de dix ans à fonctionner et aujourd’hui, les résistances que l’on connaissait à l’époque sont d’une tout autre ampleur. Vous avez accepté, et c’est tout à votre honneur, madame la ministre, de rencontrer à plusieurs occasions ces maires du département, dont beaucoup sont politiquement très proches de vous. Vous les avez rencontrés mais les avez-vous entendus ? Vous ne pouvez pas, me semble-t-il, ignorer et repousser leurs légitimes revendications. Quels regrets, en effet, pouvons-nous avoir ? Ils étaient à l’unisson pour fusionner l’économie, les transports, la culture, l’environnement mais pas pour fusionner toutes les compétences.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais elles ne sont pas toutes fusionnées !

M. Christian Kert. Il devrait revenir aux collectivités de décider elles-mêmes ce qu’elles veulent voir exercer par la métropole. Elles sont les mieux à même de savoir ce que l’intérêt général préconise.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument.

M. Christian Kert. Or, votre texte fige tout à l’avance. Aucune latitude n’est donnée en fonction des spécificités des territoires. C’est un chèque en blanc qui est ainsi tiré.

M. Philippe Cochet. En plus d’un chèque en bois !

M. Christian Kert. S’ajoute à ce reproche essentiel d’un engagement à marche forcée la question de la simplification de notre organisation territoriale. Comment s’articulera l’exercice entre conseils de métropole, conférences métropolitaines des maires, conseils de territoire, conseils de développement ? D’autres questions restent sans réponse. Qu’en est-il, par exemple, de la garantie des ressources pour les communes ? Vous devez répondre à ces questions, madame la ministre, car il y va de l’enjeu de ce texte.

De même, le niveau des taxes augmentera substantiellement pour certaines catégories de contribuables.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Christian Kert. Qu’en est-il de la CFE ? De la taxe d’ordures ménagères ? Ceux qui bénéficient jusqu’à présent d’un taux relativement modéré subiront-ils ou non une sorte de rattrapage ? Nous le craignons.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai passé des heures à vous l’expliquer.

M. Christian Kert. Ce sont ces questions sans réponse qui viennent artificiellement – artificiellement ! – opposer Marseille au reste du département.

Enfin, il me semble, madame la ministre, que vous commettez une erreur formidable en privant les maires du pouvoir sur l’urbanisme de leur commune. Le PLU ne relèvera plus de leur compétence. Rendez-leur ce pouvoir : vous pouvez encore regagner la partie.

Nous avons le sentiment, madame la ministre, que Belphégor vous inspire : ce personnage maléfique sous le déguisement duquel se cache une très belle femme.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce serait plutôt vous, Belphégor !

M. Christian Kert. L’idée de la métropole est belle mais la façon dont vous l’habillez l’est beaucoup moins.

Madame la ministre, il faut vous ressaisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, jacobine par tradition, décentralisée par nécessité, notre République a vu, notamment ces trois dernières décennies, son action se métamorphoser.

Si le fait local s’est imposé, le corollaire ne fut pas pour autant un partage rationnel des compétences et des ressources. Du coup, la confusion règne très souvent. Comment pouvez-vous, mesdames les ministres, remédier à cela ?

Vous nous parlez de modernisation de l’action publique territoriale. Soit ; le terme est rutilant… Malheureusement, à la lecture de votre projet de loi, le veau d’or de la modernité tend à se confondre avec une vision illisible des collectivités.

De la sorte, et il convient de prendre son souffle, on obtient les communes, les intercommunalités, les départements, les métropoles, les régions, l’État, l’Europe, sans oublier les schémas, les conférences et que sais-je encore…

M. Alain Chrétien. Les territoires !

M. Patrice Verchère. Croyez-vous sincèrement que cet empilement de structures supplémentaires tend davantage vers une simplification que vers une complexification ?

Comprenez qu’il est difficile d’apercevoir ici une lueur de clarté dans les actions de ces collectivités, ou même un début d’économie pour les finances locales, mais surtout pour le contribuable.

Mesdames les ministres, nous commençons par discuter d’un texte relatif à l’organisation de nos territoires et, d’ores et déjà, nous sommes nombreux à penser que l’on met la charrue avant les bœufs : vous avez partagé en trois textes votre projet de loi initial sur la décentralisation, qui était d’une telle amplitude que nous étions à la limite de l’indigestion ! Vous craigniez probablement, et à juste titre, que tout faire figurer dans un seul texte n’aboutisse à le tuer.

Ainsi, vous avez choisi, pour ce premier projet de loi, d’affirmer le fait métropolitain et d’essayer de l’organiser. Force est de constater que vos propositions ne font pas l’unanimité pour Paris et pour Marseille.

M. Philippe Cochet. Ni pour Lyon !

M. Patrice Verchère. Pour ce qui concerne Lyon, le projet de loi est plus abouti et assurément moins contesté – j’y suis plutôt favorable, comme d’autres collègues –, même si des questions et des interrogations demeurent.

Votre texte est avant tout le fruit d’un accord entre le maire de Lyon, Gérard Collomb, et l’ancien président du conseil général du Rhône, Michel Mercier, leur volonté étant de créer une collectivité territoriale nouvelle à statut particulier sur le fondement de l’article 72 de la Constitution. C’est donc une collectivité totalement inédite que votre texte – en fait, celui de MM. Collomb et Mercier – souhaite créer sur l’aire de l’intercommunalité lyonnaise puisqu’elle regroupera les compétences communales, intercommunales et départementales, voire, si la région le souhaite, certaines de ses compétences.

Cependant, la création de la métropole de Lyon ne sera pas sans incidences sur l’actuel département qui va perdre une partie de son territoire et près des trois quarts de sa population. Ce bouleversement nécessite d’organiser le transfert des services, des biens, du personnel et des diverses ressources entre le département et la métropole.

Toutefois, j’observe que des points essentiels de ce projet de loi restent bien flous. Pour commencer, il pose les grandes règles fiscales, budgétaires et financières qui s’appliqueront à la métropole, tout en renvoyant à une ordonnance, compte tenu de la technicité de ces matières, le soin d’adapter ces règles. Ce n’est pas acceptable. Comment pouvons-nous nous prononcer sur un texte dont nous ne connaissons pas les impacts financiers, notamment pour les contribuables ?

Si le nouveau département du Rhône est appelé à devenir, après la création de la métropole, le cinquante et unième département de France par sa population, il n’en reste pas moins que de nombreux élus s’inquiètent de ses futures ressources. Sera-t-il viable dans sa future configuration ? J’aurais envie de dire oui, avec 440 000 habitants. Mais rien, absolument rien dans votre texte ne le démontre.

Si la simple application de ce projet de loi devait entraîner un alourdissement de la fiscalité pour le département du Rhône, comme pour la métropole, cela ne serait accepté ni par nous ni par nos concitoyens contribuables. Or nous manquons à ce jour cruellement d’informations sur les incidences financières de cette réforme.

Le Gouvernement avait pris l’engagement, au Sénat, de mettre en place un groupe de travail entre le Grand Lyon, le département et l’État pour étudier l’impact financier de votre projet, tant pour la future métropole que pour le Rhône résiduel. Les parlementaires UMP du Rhône l’ont également demandé par écrit. Mais cette demande est restée sans réponse. Êtes-vous en mesure, aujourd’hui, de nous donner des informations précises, à tout le moins un point d’étape ?

De même, à l’article 20, a été rajouté un alinéa 127 qui dispose que l’État pourra transférer à la métropole de Lyon, sur sa demande, la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures, le cas échéant situés en dehors de son périmètre. Êtes-vous en mesure de nous donner des exemples de transferts de grands équipements et infrastructures ? Êtes-vous en mesure de nous dire quelles en seront les conséquences, notamment fiscales et financières, pour les territoires sur lesquels ils se trouvent ?

S’agissant des modalités d’élection des conseillers métropolitains au terme de la période transitoire, la commission des lois a adopté un amendement de principe précisant qu’ils devront, à partir de 2020, être élus au suffrage universel direct. Pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser les conditions de sa mise en œuvre ? De même, quelles seront les conséquences de cette coexistence, voire de cette concurrence de représentants élus au suffrage universel direct ?

En 2020, qui seront les laissés-pour-compte du texte que vous présentez aujourd’hui ? Cela intéresse au plus haut point l’ensemble des maires et élus composant le Grand Lyon.

Je constate cependant que la création probable de la métropole de Lyon va largement atténuer l’un des effets pervers de la loi instituant le conseiller départemental, qui aurait vu la création de cantons de 70 000 habitants – autrement dit la mort du Rhône rural.

Enfin, des interrogations demeurent également quant à la représentation de ces futures collectivités que sont le département et la métropole au Parlement ainsi qu’à la Région Rhône-Alpes. Là encore, aucune réponse dans votre texte.

Face à toutes ces inconnues et lacunes pour la partie métropole lyonnaise, je ne pourrai que m’abstenir, en espérant que nous aurons, d’ici à la deuxième lecture, connaissance des ressources et des dépenses respectives de ces deux collectivités. Ce qui me permettrait, comme à d’autres Rhodaniens et Lyonnais – je le présume – de disposer de toutes les informations pour nous prononcer favorablement sur les articles liés à la métropole lyonnaise. Celle-ci disposerait dès lors de nombreux atouts pour compter en Europe parmi les métropoles les plus attractives.

Pour ce qui est en revanche du texte pris dans son ensemble, je me prononcerai contre, car il m’est difficile d’entrevoir le gain que ces nouvelles structures ou collectivités rapporteront à nos concitoyens et à nos finances locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous examinons actuellement ce qui sera sûrement l’un des textes très importants de cette législature.

La gauche, depuis 1981, a toujours été à l’avant-garde de la reconnaissance des territoires, de leur liberté et de leur autonomie…

M. Philippe Cochet. Et des impôts !

M. Jean-Louis Touraine. …à l’avant-garde de la décentralisation.

M. Alain Chrétien. Là, c’est l’arrière-garde !

M. Jean-Louis Touraine. Après dix années de tâtonnement sur un nouvel acte de la décentralisation, le temps est venu de mettre en place des changements concrets, de simplifier notre organisation territoriale, de la rendre plus efficace et surtout de l’adapter à la diversité des territoires de notre pays.

La France est diverse, n’en déplaise à certains, et lorsque nous parlons aujourd’hui « de fait métropolitain », nous n’inventons rien, nous regardons la France telle qu’elle est, telle que son histoire et sa géographie l’ont façonnée. Depuis l’Antiquité et plus encore depuis la Renaissance, les grandes villes ont structuré leur territoire. Elles sont le lieu de la création, de l’échange et du commerce. Elles ont tissé des liens étroits avec les zones voisines, au sein du bassin de vie.

Pour relever le défi de la mondialisation, nous savons que la France ne pourra pas s’appuyer sur sa seule capitale, mais devra intégrer toutes ses grandes villes de dimension européenne dans cette bataille.

Mais surtout, reconnaître le fait métropolitain, c’est prendre en compte la réalité de la vie de dizaines de millions de Français qui vivent, travaillent, étudient, se déplacent, créent de l’emploi, innovent, se cultivent, font du sport et se soignent dans les grands pôles citadins. C’est à partir de cette réalité de la vie quotidienne des 1 300 000 habitants du Grand Lyon qu’est née l’idée de la métropole de Lyon.

Dès 1966 et sa création par la loi, la communauté urbaine s’est imposée comme la structure apte à répondre aux besoins de ses habitants et à relever le défi de son développement. On ne peut s’empêcher de sourire quand on se souvient que les critiques exprimées à l’époque étaient les mêmes que celles que nous entendons aujourd’hui !

Par la suite, la communauté urbaine n’a cessé de répondre aux attentes nouvelles des citoyens, recevant ainsi les compétences urbanisme, transports, développement économique et logement. Plus récemment, elle est devenue compétente en matière de grands événements culturels, de très haut débit ou encore d’énergie.

Il faut désormais donner à ces grandes villes de nouveaux moyens pour leur action et leur développement économique, puis, comme ce sera le cas pour la métropole de Lyon, les moyens de la mise en œuvre d’une politique sociale couplée avec les politiques d’aménagement urbain. Dans la métropole de demain, l’humain rejoindra l’urbain. C’est une évolution dont les socialistes peuvent être fiers.

Mme Valérie Boyer. Si c’est pour faire comme à Marseille, il n’y a pas de quoi être fier !

M. Jean-Louis Touraine. La métropole de Lyon reposera également sur un équilibre subtil, sur un principe de subsidiarité, où la métropole exercera les compétences les plus à même d’être portées efficacement à son niveau, mais pourra « redéléguer » par convention à toutes ses communes de nouvelles compétences de proximité.

Si cette métropole de Lyon est aujourd’hui possible, c’est grâce à la volonté de ses élus et au consensus trouvé entre Michel Mercier, alors président du conseil général du Rhône, et Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon.

M. Philippe Cochet. Des potes !

M. Jean-Louis Touraine. C’est cet accord entre des entités politiques d’origines différentes qui rend concrète la création d’une collectivité territoriale nouvelle, aux compétences étendues et définies au plus près des besoins quotidiens de ses habitants. De cette fusion sur le territoire métropolitain découlera une simplification, une plus grande efficacité et, en définitive, des économies d’échelle, précieuses dans les temps actuels.

Ce projet sera pour le Gouvernement la marque du changement que nous appelons de nos vœux. C’est pourquoi, dans ce débat, je m’attacherai à défendre le respect du consensus trouvé au niveau local.

M. Philippe Cochet. Quel consensus ? Même à Villeurbanne, il n’y a pas de consensus !

M. Jean-Louis Touraine. Je pense notamment à l’amendement que je vous proposerai concernant le sujet, ô combien sensible, de la police municipale, compétence à laquelle les maires des communes sont très attachés, pour certains des aspects de la sécurité de chaque commune.

Je souhaite enfin que l’expérience que nous conduisons à Lyon puisse donner rapidement des résultats encourageants et utiles à d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Ça promet !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi visant à créer la métropole du Grand Marseille – il ne peut s’agir d’autre chose : on ne parle pas de la métropole Villeurbanne-Lyon ou Issy-les-Moulineaux-Paris ! – dont nous parlons ce soir vient corriger des erreurs qui remontent à 1966 et aux années Gaston Defferre qui avaient enfermé Marseille dans l’immobilisme.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai ! Il avait défiguré Marseille !

M. Dominique Tian. Nous essayons aujourd’hui de rattraper le retard accumulé, particulièrement dans l’organisation territoriale en matière d’infrastructures et de transports. Que penser du projet de la communauté du pays d’Aubagne d’implanter un tramway de onze kilomètres uniquement sur son territoire sans le relier à Marseille, pourtant distante de quelques centaines de mètres ?

Aix a gagné 23 000 emplois, notamment industriels, entre 2004 et 2011, grâce à de nouvelles zones d’activités, mais la desserte routière est restée la même. Des centaines de milliers de voitures entrent et sortent à Marseille avec des difficultés incroyables tous les jours, faute d’infrastructures. En l’occurrence, le conseil général dont on vient d’évoquer l’existence à Marseille a montré son inutilité : il serait peut-être intéressant, madame la ministre d’envisager la suppression du conseil général des Bouches-du-Rhône…

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. Alain Chrétien. Carrément !

M. Dominique Tian. Cela rendrait service au Gouvernement et peut-être même au parti socialiste !

L’organisation des transports en commun reste éclatée entre onze autorités concurrentes, incapables d’harmoniser les liaisons, les dessertes et les fréquences, alors que les trajets domicile travail ont bondi de plus de 20 % entre Marseille et les villes environnantes.

Je peux comprendre, comme mes collègues, l’inquiétude des maires qui craignent de perdre leur autorité en matière d’urbanisme ou de droit des sols. Un amendement adopté au Sénat à l’initiative de Jean-Claude Gaudin permet d’intégrer la totalité des maires dans la gouvernance de la métropole. Il faut que ce soit la métropole de tous.

Une autre disposition permet aux communes les plus peuplées, dont évidemment Marseille, d’avoir un nombre de sièges s’approchant de leur poids démographique. Ainsi, dans une assemblée de 199 sièges, 106 seraient dévolus à Marseille. Peut-être est-il bon de souligner que Marseille ne serait en rien surreprésentée : elle ne représenterait que 44,54 % des sièges de la métropole pour 46,45 % de la population.

Reste toutefois un problème non résolu. Marseille ne compte que 101 conseillers municipaux alors que la loi prévoit 106 représentants de la ville de Marseille. Il faut donc permettre aux conseillers d’arrondissement de la ville d’être élus à la communauté urbaine, faute de quoi nous disposerions de plus de sièges que d’élus pouvant y siéger. Ce serait totalement absurde. J’ai déposé un amendement en ce sens, mais il a été refusé au titre de l’article 40. Mon collègue Patrick Mennucci s’en est ému tout à l’heure. Je compte sur le Gouvernement pour redéposer un amendement en ce sens.

Je voudrais également m’attacher à la défense et même à la survie du bataillon des marins-pompiers de Marseille. Ce bataillon, qui est une unité militaire, coûte 100 millions d’euros par an, dont 70 millions à la seule charge de la ville de Marseille. Depuis des années, le conseil général des Bouches-du-Rhône refuse de prendre en charge une partie de ces dépenses, comme il le fait pour le service départemental d’incendie et de secours, alors qu’il reçoit une dotation à cet effet de la part de l’État par le biais d’une taxe sur les polices d’assurance. Cette situation incroyable a été dénoncée par la Cour des Comptes dans son audit du bataillon en 2011.

En outre, il est important de prévoir le transfert automatique de la participation financière de la communauté urbaine, qui n’existera plus, à la métropole, soit 7 millions d’euros. La métropole doit reprendre à sa charge cette participation, ce qui n’est pas indiqué dans le texte. Faute de quoi, il manquerait 7 millions d’euros pour le bataillon des marins-pompiers.

En conclusion, la partie du texte relative à la création de la métropole de Marseille nous convient, ainsi qu’à Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, mais nous serons attentifs à l’effort financier de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je me suis demandé à la lecture de votre texte, mesdames les ministres, s’il traitait vraiment de décentralisation. Et en lisant très attentivement vos discours, je me suis aperçu que vous employez assez rarement le terme, et vous avez raison. En effet, vous avez suggéré en guise de décentralisation cette phrase qui à mon avis restera dans les annales du droit administratif : votre texte consiste en « l’élaboration partagée de conventions territoriales d’exercice concerté d’une compétence ». (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est mon discours ?

M. Claude Goasguen. Absolument. C’est votre propre discours, absolument, tel qu’il figure dans le rapport.

M. Alain Chrétien. C’est un peu techno !

M. Claude Goasguen. Voilà qui est certes de la décentralisation, mais de la décentralisation craintive – nous y reviendrons. Ce n’est pas de la centralisation, ce n’est pas de la décentralisation non plus… À vrai dire on ne sait pas ce que c’est !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est dans le rapport ?

M. Claude Goasguen. Oui, c’est dans le texte, je n’ai rien inventé, je citais précisément votre introduction.

J’évoquerai essentiellement le problème de la région Île-de-France et de ce que vous appelez le Grand Paris. En toute gentillesse, madame la ministre, dans l’intérêt même de votre texte, madame la ministre, je vous conseille d’écouter ce que vous dont dit les sénateurs. Il y a quand même là un moment politique exceptionnel : votre majorité, car vous êtes majoritaires au Sénat, retoque complètement tous les articles relatifs à la région Île-de-France. Une semaine passe, au cours de laquelle on n’entend plus parler de rien. Et tout d’un coup, en commission des lois, des articles nous reviennent. Élaborés comment, et par qui ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Par moi !

M. Claude Goasguen. Faute d’information, on se pose des questions. Des articles élaborés dans des discussions d’alcôve, on voit bien comment cela a pu se passer ! C’est vrai que la Seine-Saint-Denis a des problèmes d’argent.

M. Alexis Bachelay. Plus que le seizième !

M. Claude Goasguen. C’est vrai que Bertrand Delanoé a des problèmes de pouvoir et sent que la majorité parisienne se dérobe sous ses pieds. C’est vrai enfin qu’il y a un cadavre exquis : M. Huchon.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure pour avis. Ce n’est pas gentil !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Parlons-en, des cadavres politiques !

M. Claude Goasguen. L’aboutissement de ce cocktail, madame la ministre, c’est ce projet, disons-le, totalement inapplicable et que vous n’avez vraiment aucun intérêt à l’appliquer.

Car ce projet, lorsqu’on en examine les articles un à un, constitue un véritable monstre. Pour commencer, l’article 12 vous donne la possibilité de fixer par ordonnance dans un délai de dix-huit mois les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables de la métropole ainsi que celles relatives à l’administration du territoire, aux concours de l’État et au transfert du personnel. Très franchement, je ne vois pas dès lors à quoi sert le débat d’aujourd’hui ! Non seulement nous n’avons aucune étude d’impact…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est exact !

M. Claude Goasguen. …mais pour les problèmes financiers et les problèmes essentiels, on verra plus tard, par ordonnance !

L’article 10, tel qu’il a été rétabli par l’amendement CL 739 adopté par la commission, traite quant à lui des pouvoirs du monstre :…

M. Erwann Binet. C’est vous, le monstre !

M. Claude Goasguen. Intercommunalité de droit commun, plus les compétences propres en matière de logement et d’aménagement, délégation au territoire sur l’environnement, l’énergie et le climat, plus les compétences de l’État par délégation en matière d’aide à la pierre, de droit opposable au logement et de réquisition, compétences du département en matière d’hébergement plus, pour les EPCI ou les communes qui ne sont pas loin, la possibilité de s’agglomérer sur demande à la métropole – au monstre ! Un peu plus loin, vous attrapez la Défense, puis Saclay… En réalité, madame la ministre, vous êtes en train de constituer une deuxième région à côté de celle qui est en voie de disparition, c’est-à-dire le cadavre exquis de la région Île-de-France !

M. Alain Chrétien. C’est le kolkhoze du Grand Paris !

M. Claude Goasguen. Encore mieux : des EPCI ou des communes n’appartenant pas à l’unité territoriale que vous mettez en place pourront s’y agréger avec un simple accord de l’organisme délibérant de la métropole. On se demande où s’arrêtera son pouvoir ! Vous allez entrer dans un maquis de contestations qui ont d’ailleurs déjà commencé. Vous créez, madame la ministre, un maquis politique tellement dense dans la région Île-de-France que vous n’êtes pas près de voir poindre le pouvoir dans ladite métropole !

Face à une telle exubérance juridique, il ne peut y avoir que deux possibilités. L’intelligence consisterait à rediscuter le texte, indépendamment de la loi, comme d’ailleurs cela se fait en général. La région Île-de-France, qui a sa spécificité, a toujours bénéficié d’une disposition législative à part. Je rappelle qu’elle représente douze millions d’habitants et six millions d’emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Très bien, docteur !

M. Alexis Bachelay. Vous rêvez !

M. Claude Goasguen. Première possibilité : cela ne marchera pas et n’aboutira qu’à un alourdissement, un avatar. Ce ne sera pas le plus grave : après tout, les ordonnances que vous prendrez, il nous suffira de les défaire par ordonnances, vous nous en avez donné la leçon. Mais il y a une deuxième possibilité, autrement plus grave : si ça marche, vous aurez alors un golem, le monstre de la légende juive du Moyen-Âge créé par l’homme qui prétend vainement le dominer. Et ce golem que vous aurez créé se retournera contre les collectivités locales.

M. Alexis Bachelay. Il va les manger ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Votre projet de loi de décentralisation prétendument mesurée, madame la ministre, se retournera contre les collectivités locales. Vous allez faire apparaître un monstre, c’est-à-dire une espèce d’organisation administrative autour de la région Île-de-France qui la dépossédera ainsi que les communes et les départements. Votre système n’est pas viable, madame la ministre. Soyez raisonnables, cela facilitera vos débats avec les sénateurs que vous déshabillez. Car avec votre haut conseil des territoires, à quoi sert le Sénat ? À quoi sert un Sénat où il n’y aura plus de cumul ni de cumulards ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Écoutez M. Pélissard !

M. Claude Goasguen. Le haut conseil des territoires, c’est la fin des sénateurs ! Écoutez les sénateurs, si vous les respectez ! Respectez au moins votre majorité et retirez le texte au moins pour ce qui touche à l’Île-de-France ! Il y va de l’intérêt général et nous pourrons avoir un débat serein sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Mais non ! Vous n’avez rien à proposer !

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Alexis Bachelay. Voilà le visage de l’avenir ! (Sourires.)

M. Carlos Da Silva. Merci, cher collègue !

Madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, je tiens tout d’abord à saluer la méthode que vous avez utilisée. Certains impatients ont raillé le temps que vous avez pris et votre volonté d’écouter toutes et tous.

M. Philippe Meunier. Quel comique !

M. Carlos Da Silva. Certains imaginaient même, j’en vois à droite, que vous ne réussiriez pas à trancher ni à trouver l’arbitrage qui convient. Ce projet de loi, mes chers collègues, est une réponse cinglante.

M. Philippe Cochet. Cinglée, oui !

M. Carlos Da Silva. Certains, parfois les mêmes, glosent et discutent à l’envi sur la capacité d’initiative des élus ou la place du Parlement. Ils appellent cela la sixième République.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Bravo !

M. Carlos Da Silva. En réalité, madame la ministre, avec la métropole lyonnaise, vous avez montré votre respect des élus locaux, de la concertation et du travail accompli. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas !

M. Carlos Da Silva. Avec la métropole marseillaise, vous avez prouvé que vous saviez prendre vos responsabilités et trancher. Avec la métropole du Grand Paris, vous démontrez que le Parlement a un droit d’invention et peut être entendu.

Bien sûr, vous décevez la droite, madame la ministre, vous l’énervez même : elle espérait tellement que vous ne réussiriez pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Réussir quoi ?

M. Carlos Da Silva. La droite espérait tellement, en Île-de-France, garder ses intercommunalités de confort, où elle aurait tranquillement continué à servir ses clientèles et à interdire la mixité sociale sans construire de logements sociaux. Tel Harpagon dans L’Avare, elle aurait tellement aimé ne pas avoir à partager ! Dommage, c’est raté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Bravo ! Très bien !

M. Claude Goasguen. Ça, c’est signé Huchon !

M. Carlos Da Silva. Au cours de vos interventions à la tribune, mes chers collègues de droite, vous vous êtes évertués à prôner l’immobilisme en Île-de-France sous couvert de ne pas accepter le statu quo. Nous, nous avons décidé d’avancer. Le Sénat nous a remis une page blanche, rendant de fait impossible l’idée d’un modèle coopératif élargi à des centaines de communes de l’aire urbaine. Dès lors, il nous revenait de prendre nos responsabilités. La métropole du Grand Paris est la meilleure réponse pour assurer immédiatement, au service de tous et dans la solidarité, le développement efficace du cœur de la région Île-de-France.

C’est un élu de l’Essonne, un élu de grande couronne, qui vous le dit : nous avons besoin d’une grande métropole autour de Paris, d’une métropole forte dans la compétition européenne et mondiale entre territoires. Le développement du cœur de l’Île-de-France, c’est le développement de toute l’Île-de-France. Les amendements que vous avez déposés en commission des lois, madame la ministre, permettent aux départements de grande couronne de s’organiser et de peser dans l’équilibre. Grâce à eux, aucun des territoires d’Île-de-France ne sera un territoire de relégation et l’Île-de-France sera à la fois région de l’excellence et région populaire. Personne aujourd’hui n’imagine le développement de Paris sans les pôles d’Évry Centre Essonne, de Saclay, de Marne-la-Vallée, de Saint-Quentin-en-Yvelines, d’Orly Athis-Mons ou de Roissy.

M. Claude Goasguen. Le golem !

M. Carlos Da Silva. Eh bien, madame la ministre, c’est ce que nous allons faire ! Aujourd’hui nous vous disons merci, nos concitoyens vous le diront demain et, dans dix ou vingt ans peut-être, comme elle l’a fait tout à l’heure à Defferre et Chevènement, c’est la droite qui vous dira merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Permettez-moi deux remarques préliminaires. Premièrement, la manière dont M. Da Silva insinue que les élus de droite ne seraient pas sensibles à la nécessité de construire des logements sociaux et de répondre aux besoins divers de la population est proprement injurieuse. Je vous le dis de cette tribune, monsieur le député : vous n’avez pas le monopole de la construction de ces logements.

M. Stéphane Travert, rapporteur. La formule a déjà servi !

M. Alexis Bachelay. C’est pourtant la vérité !

M. Jean-Frédéric Poisson. Non, cher monsieur, ce n’est pas la vérité. Si vous veniez chez nous, vous vous en rendriez compte.

Deuxièmement, j’observe que l’enthousiasme du parti socialiste ne l’a pas empêché de déposer environ 600 amendements sur le texte, ce qui témoigne d’une lecture à tout le moins critique. Nous constaterons à quel point cet enthousiasme mesuré au fur et à mesure de l’étude du projet de loi.

M. Alexis Bachelay. C’est la coproduction !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais j’en reviens à mon propos.

Pour commencer, il faudrait visiblement donner droit ce qu’il est convenu d’appeler le fait métropolitain. J’entendais parler tout à l’heure des exemples de Moscou, New York et d’autres villes. Mais la seule chose que nous enseignent ces expériences étrangères, c’est la nécessité de prendre en compte la diversité des représentations pour permettre aux grandes villes de se battre dans la compétition mondiale ; mais leur compétition ne se résume pas à la compétition mondiale. On invoque des comparaisons avec New York ou Madrid mais faut-il rappeler que New York ne compte que 51 conseillers municipaux et que son maire ne préside pas le conseil municipal ? Que l’assemblée de Madrid est dirigée par un gouvernement exécutif lui-même contrôlé par une assemblée législative locale dans une province autonome ? Qu’à Moscou on trouve une douma dirigée par un maire ? Bref, ces systèmes n’ont rien de comparable avec ce que vous êtes en train de concocter, madame la ministre, pour les trois métropoles de France.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. L’exemple de ces grandes villes vous donne raison sur un point, madame la ministre, c’est que les systèmes sont divers et que vous avez sans doute raison de laisser les grandes villes de France s’organiser comme elles le souhaitent. Mais précisément, la diversité pouvait être traitée de deux façons. Vous aviez le choix : ou bien assurer un cadre général de droit commun pour les métropoles dans lequel s’inscriraient Paris, Lyon, Marseille et toutes les autres avec la possibilité pour chacune d’entre elles de développer par convention des spécificités locales ; ou bien, et c’est ce que vous avez choisi de faire, préparer autant de lois spéciales qu’il y a de situations particulières à traiter, plus une loi générale qui tente malgré tout préserver l’essentiel. Ce second choix vous oblige à légiférer à un niveau de détail qui, pour une loi, est proprement décalé : y figurent ainsi les noms des futures métropoles de Lille, de Strasbourg et d’Aix-Marseille, ou Marseille-Aix selon que l’on est marseillais comme mon ami Tian ou aixois comme M. Christian Kert. La métropole d’Aix-Marseille m’offre un deuxième exemple. Il est même préciser qu’en aucun cas les six offices de tourisme des EPCI actuels situés dans le périmètre de la future métropole marseillaise ne pourront se constituer en office de tourisme unique, ce qui tout de même, pour une loi, est un peu fort !

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si jamais les présidents d’office de tourisme changent d’avis, comme cela arrive parfois, il faudra changer la loi pour qu’ils puissent se constituer en office local de tourisme unifié. Vous m’accorderez que c’est là une utilisation de la loi un peu intrusive !

Tout ce que vous nous promettez depuis tout à l’heure, à savoir la confiance, la lisibilité, le progrès, la dynamique et toutes ces choses merveilleuses qui nous attendent demain, tout cela ne serait possible que si trois conditions étaient réunies – dont aucune n’est satisfaite par ce texte.

Première condition : un large accord des élus locaux, un accord absent des trois statuts spécifiques prévus pour Paris, Lyon et Marseille – et il en est de même des élus nationaux, comme les débats l’ont déjà amplement montré. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. À Paris, c’est le cas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas du tout, monsieur Bachelay. C’est une plaisanterie…

Deuxième condition : le respect des collectivités existantes. Le texte que vous nous proposez d’adopter, mesdames les ministres, aura un impact majeur sur la région Île-de-France et la région Rhône-Alpes, comme l’a très bien montré notre collègue Étienne Blanc.

En ce qui concerne la région Île-de-France, il est clair qu’une métropole comptant aujourd’hui quatre à six millions d’habitants, et demain bien davantage, sans doute, du fait de ses capacités d’expansion, tuera la collectivité région d’Île-de-France.

Pour la région Rhône-Alpes, la perspective d’avoir, à terme, trois grandes métropoles – une dans le bassin de Genève, une à Lyon et une dans les vallées de montagne, chères à Hervé Gaymard – provoquera également, à l’évidence, un affaiblissement de la région en tant que telle. Si c’est là un choix politique, il faut l’assumer plutôt que le camoufler.

Dans la région parisienne, je ne sais pas si les conseils généraux de la grande couronne existeront encore dans quinze ans – c’est la question que mon collègue Carlos Da Silva et moi-même nous posions tout à l’heure dans les couloirs. Je n’ai pas une telle capacité de prévision ; ce que je sais, en tout cas, c’est qu’il nous appartient, à nous aussi, d’en décider – mais pas seuls, et pas en trente heures de débat parlementaire, qui plus est insuffisamment préparées. En tout état de cause, en Île-de-France, nous allons vers la disparition programmée des trois départements de la petite couronne. Faut-il les supprimer ou pas ? Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour en juger à ce stade, mais j’estime qu’en tant que représentants nationaux, nous sommes en droit de savoir à quelles conséquences vous souhaitez aboutir pour les collectivités.

Dans les périmètres constitués des métropoles elles-mêmes ainsi que de leurs potentielles extensions ou excroissances, qu’il s’agisse de Paris, Lyon, Marseille ou des autres territoires régis par le droit commun à l’article 31 du projet de loi, quand on voit la liste interminable des compétences exercées en droit commun par les métropoles, il est clair que les communes ne disposeront plus d’aucune capacité d’action, d’aucune compétence, si ce n’est enregistrer l’état civil, célébrer les mariages et assurer la police de la voirie – dans ces conditions, il sera permis de se demander si les communes doivent être maintenues ou non.

La troisième condition pour que revienne un climat de confiance, de progrès, de dynamique, bref, les jours qui chantent que l’on nous promet depuis hier, c’est la clarté et la lisibilité des dispositifs. En la matière, l’invention d’un haut conseil des territoires va sans doute, d’une part, tuer en partie la représentation nationale, d’autre part, poser très clairement la question de l’utilité des associations de maires, de départements et de régions. À quoi serviraient ces associations, si ce n’est à servir d’interlocuteurs au Gouvernement sur un certain nombre de sujets ? Pour le reste, je ne suis pas sûr de tout à fait comprendre la manière dont s’articulent les différentes instances que vous voulez créer – qui varient d’ailleurs d’un territoire à l’autre. Là où vous voyez de la concertation renforcée ou de la coopération entre les communes, je ne vois pour ma part que des échelons qui s’additionnent pour former un ensemble qu’il sera très difficile de faire vivre sur chacun des territoires, mais en aucune manière les conditions d’une démocratie renforcée.

Pour conclure, je veux aborder la question de l’impact sur les collectivités situées en dehors des métropoles. Notre collègue Étienne Blanc s’est inquiété tout à l’heure pour ces pays qui, dans sa région, vont certainement se trouver affaiblis par la création de la métropole lyonnaise. En Île-de-France, à l’évidence, les zones rurales vont souffrir de la présence d’un mastodonte territorial à proximité : cela va inévitablement avoir des conséquences sur nos capacités d’investissement, a fortiori dans un contexte général de fort ralentissement de l’investissement pour toutes les collectivités locales.

La répartition des crédits d’investissement et des dotations entre la métropole et les régions frontalières se fera sans aucun doute selon des modalités défavorables à ces dernières, alors qu’elles ne disposent déjà pas forcément des moyens de faire face à toutes leurs obligations.

M. Alexis Bachelay. Mais non, pas du tout !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ne dites pas non, monsieur ! Si vous viviez chez nous, vous sauriez que j’ai raison ! Je veux bien que vous soyez compétent chez vous, mais laissez-moi parler tranquillement de ma région.

En ce qui concerne la capacité à prendre en compte les impératifs de ces territoires, j’observe que l’article 31, au chapitre V du texte proposé pour l’art. L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, consacré aux compétences, prévoit que la métropole est associée de plein droit à l’élaboration de tous les schémas d’urbanisme qui pourraient avoir une incidence sur elle – autrement dit à tous les schémas d’aménagement d’urbanisme et de réalisation, quels qu’ils soient. (« Eh oui ! sur les bancs du groupe UMP.) Et « associée » ne veut pas dire « consultée » : elle entrera de plain-pied et de plein droit dans l’ensemble des projets concernant les collectivités frontalières, ce qui ne me paraît pas constituer une marque de respect à l’égard de ces collectivités.

Telles sont les critiques que je souhaitais formuler à l’égard d’un projet de loi qui, en l’état actuel, ne me paraît pas pouvoir inspirer autre chose que la méfiance chez les élus locaux. À titre personnel, je m’y opposerai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd’hui, 80 % de nos concitoyens vivent en zone urbaine, et 60 % dans les grandes villes. Le texte qui nous est proposé reconnaît cette réalité pour la première fois. C’est une véritable révolution dans un pays de tradition jacobine, un pays centralisateur pour qui la grande ville, depuis la Commune de Paris, toujours représenté une menace. Longtemps, on a considéré la population urbaine comme « stérile », estimant que seule la terre produisait de vraies richesses. Cette croyance, dominante sous la IIIe République, construite sur l’antagonisme entre agriculture et industrie, a nourri un front anti-urbain qui a perduré jusqu’à nos jours.

Avec les communautés urbaines et les pôles métropolitains, déjà introduits dans la loi de décembre 2010, le fait d’accorder aux plus grandes agglomérations le statut de métropole, échelon majeur du développement dans une économie mondialisée, nous offre l’occasion de redéfinir un chemin de croissance durable et solidaire pour notre pays.

En ce sens, ce projet de loi constitue un véritable projet de territorialisation fondé sur la mobilisation des territoires, pour ne pas dire sur la libération des territoires – bref, un projet où l’État n’agit plus seul, mais en coopération avec les collectivités territoriales : la création du Haut conseil des territoires en est une parfaite illustration.

Cette dynamique doit être une bonne occasion de consolider l’existence des conseils de développement, qui ont déjà fait preuve de leur efficacité, mais doivent voir leur rôle davantage reconnu. Sans vouloir opposer les territoires les uns aux autres, disons tout de même que les grandes villes créent de la richesse. Leur production économique est souvent bien supérieure à leur poids démographique. De puissants flux de redistribution sont à l’œuvre et irriguent les territoires qui les environnent, amenuisant ainsi les oppositions entre l’urbain et le rural. Certaines grandes villes affichent des taux de croissance largement supérieurs à 2 % et jouent indéniablement un rôle économique majeur pour notre pays.

En créant des métropoles de droit commun en plus de Paris, Lyon et Marseille, le texte conforte et valorise, aux côtés des régions – je le dis en accord avec mon collègue Alain Rousset, président de l’Association des régions de France –, la place des grandes agglomérations dans une synergie gagnante entre régions et métropoles. Cela doit donner à notre pays les moyens d’améliorer sa trajectoire économique au service de l’emploi. Demain, ces grandes agglomérations, dans une bonne synergie avec les régions, auront la taille suffisante pour se comparer à d’autres grandes métropoles européennes.

Je prends acte avec satisfaction, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, du fait que la commission des lois ait rétabli l’automaticité de la transformation des métropoles de droit commun, qui permettra, comme en 1966, de donner une véritable et rapide impulsion à cette orientation. Je prends également acte du fait que la commission ait adopté une ouverture de ce statut à d’autres grandes agglomérations qui ne remplissent pas les conditions démographiques, mais remplissent les conditions de fonctions métropolitaines requises.

Mes chers collègues, la métropole n’est pas seulement un outil au service de la croissance. Les grandes villes concentrent des zones de pauvreté qui comptent de nombreux habitants. Il y a vingt ans, le pauvre de la statistique était une personne âgée vivant en milieu rural. Aujourd’hui, c’est plutôt un jeune vivant en milieu urbain, généralement issu d’une famille monoparentale et d’origine étrangère. La métropole doit être en mesure d’y apporter des réponses en termes de logement, de politique de la ville, bref, en termes de solidarité, en définissant avec les départements, par convention, les compétences qu’elles assureront – en tenant compte de la diversité des situations dans notre pays, car l’unité nationale peut s’enrichir de la diversité de nos territoires.

La réussite de cette politique de territorialisation passe, bien sûr, par la réussite de la métropole parisienne, qui ne doit pas être considérée comme un enjeu uniquement francilien, j’insiste sur ce point, mais comme un enjeu national. Il est temps de changer de regard. Il est temps de comprendre qu’entre Paris et les autres métropoles, la coopération s’impose. L’enjeu de cette vision territoriale est directement lié à la capacité de notre pays de renforcer sa place dans le monde, sa vitalité, sa créativité, sa capacité à capter les bénéfices de l’ouverture au monde.

Je veux conclure en plaidant pour une dimension plus démocratique à conférer aux nouvelles structures. Il faut qu’au-delà du mode de fléchage prévu en 2014 pour l’élection des conseillers communautaires, on indique le sens dans lequel on veut aller. Il importe, mesdames les ministres, que l’on rappelle l’engagement du Président de la République, alors candidat, dans son discours de Dijon, appelant à ce que les représentants des exécutifs intercommunaux des plus grandes agglomérations de notre pays soient élus au suffrage universel direct.

Enfin, mes derniers mots seront pour remercier Mmes les ministres et M. le rapporteur de la commission des lois pour leur travail, leur engagement, leur esprit de responsabilité et de concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre démocratie est malade des combinaisons politiciennes et des manœuvres partisanes, à mille lieues des attentes de nos compatriotes.

M. Alain Chrétien. Ça commence fort ! Très bien !

M. Alexis Bachelay. Parole d’expert !

M. Philippe Meunier. Ce projet de loi, notamment lorsqu’il prévoit la création d’une métropole lyonnaise et d’un département du Rhône résiduel, fait partie de ces petits arrangements entre amis qui décrédibilisent l’action politique. Les élus du Rhône n’ont jamais été consultés. Il suffit de se pencher sur le périmètre de ce futur département croupion du Rhône pour comprendre que ce projet de loi ne sert qu’à protéger les intérêts électoraux des uns et des autres et qu’il est bien éloigné de ce qu’attendent nos compatriotes, à savoir une décentralisation au service des citoyens, respectueuse de leurs impôts.

Avec ce projet de loi, madame la ministre, il n’y a pas un député sérieux pour croire que la métropole lyonnaise puisse sortir renforcée, sur le plan européen et mondial, de se voir attribuer les compétences sociales ou la construction des collèges. Au contraire, vous allez déstabiliser, entre autres services, l’ensemble des services à la personne, aujourd’hui géré par le conseil général, qui répond correctement aux attentes de nos concitoyens.

S’occuper des personnes âgées ou des personnes handicapées nécessite de l’expérience, et d’autres compétences que le ramassage des ordures ménagères et la pose de bordures de trottoirs, qui relèvent des compétences actuelles du Grand Lyon.

Avec ce projet de loi, vous allez accroître les doublons, car il faudra, si cette loi est adoptée par le Parlement, créer de nouvelles directions et de nouveaux services. En ce qui concerne la métropole lyonnaise et ce département croupion du Rhône, ce projet de loi n’est donc que le faux nez de ces petits arrangements entre deux présidents d’exécutifs – des arrangements qui se font dans et sur le dos des populations et des élus qui les représentent.

Que dire d’autre, en effet, devant l’absence d’étude d’impact fiscal de la nouvelle organisation territoriale proposée ? Que dire d’autre de cet article 20 qui dispose que l’État peut transférer à la métropole de Lyon, à sa demande, la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures, situés, le cas échéant, en dehors de son périmètre ?

Oui, je le répète pour nos compatriotes qui suivent ces débats : « situé, le cas échéant, en dehors de son périmètre. » Cela signifie, et ce pour la première fois dans l’histoire de la République, qu’une collectivité pourrait aller « faire ses courses » sur le territoire d’une autre pour le seul compte de ses intérêts.

En l’espèce, je pense à une zone aéroportuaire en développement économique, localisée sur un tout autre territoire dans le périmètre de la métropole lyonnaise. La communauté de communes qui accueille cet aéroport pourrait ainsi, tout simplement, selon le fait du prince, se faire littéralement dépouiller de cet équipement, exception faite des nuisances liées au trafic aérien qui resteraient bien, quant à elles, à la charge des populations locales et des communes concernées.

Que devient notre État, garant de l’intérêt général, avec ce projet de loi et cette politique qui nous rappellent l’Ancien Régime et ses potentats locaux ?

J’alerte la représentation nationale sur les conséquences de l’adoption de cet article 20 pour notre organisation territoriale. J’ose espérer, madame la ministre déléguée, que vous n’allez pas laisser faire cela.

Mesdames les ministres, les Français sont excédés de cette politique au service de la carrière de quelques élus. Le peuple en a assez de cette façon de faire de la politique, qui nous rappelle les années précédant 1789, lorsque les dirigeants du pays ne voulaient pas entendre la lassitude et la colère sourde des Français.

Depuis quelques mois, vous détricotez, chaque jour un peu plus, ce qui a fait et continue à faire la France.

M. Erwann Binet. Nostalgique !

M. Philippe Meunier. François Mitterrand avait compris que le fait majoritaire ne pouvait et ne devait pas tout permettre.

Vous prenez, une fois de plus au cours de cette législature, le risque de fracturer notre nation.

Écoutez le député Chassaigne et les collègues de son groupe lorsqu’ils vous alertent sur les conséquences de votre entêtement.

Ensemble, avec le Conseil national de la résistance, nous avons rebâti notre pays après le second conflit mondial sur des valeurs communes, que vous remettez en cause, projet de loi après projet de loi. Qu’il s’agisse de la politique familiale ou du respect de la démocratie, vous n’écoutez plus le peuple.

Mme Pascale Crozon. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Alexis Bachelay. Vous êtes fatigué !

M. Philippe Meunier. Espérons pour notre pays que cela se termine au mieux, comme en 1958, mais je crains que l’aveuglement présidant à votre politique finisse par nous entraîner sur les chemins désastreux des années trente.

Je voterai donc contre ce projet de loi avec tous les républicains qui refusent de voir resurgir les baronnies de l’Ancien Régime et ses petits arrangements entre amis, si contraires à l’intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement présente un projet de loi visant à moderniser l’action publique territoriale et à affirmer le rôle des métropoles.

En voyant disparaître le terme de décentralisation, certains ont regretté un manque d’ambition ; d’autres, hier, ont parlé d’improvisation. En ce qui me concerne, je parlerai de supercherie.

Supercherie parce qu’en réalité ce texte ne poursuit pas l’objectif d’affirmer le rôle des métropoles, ni même de moderniser l’action publique : si c’était le cas, on ne rajouterait pas une couche – épaisse – au millefeuille administratif. Ce texte poursuit un objectif obsessionnel du Gouvernement : déposséder les maires de leurs compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement, et imposer toujours plus de logement social.

M. Alexis Bachelay. Construisez-en à Saint-Maur !

M. Sylvain Berrios. Il y a d’abord eu la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui impose aux communes un taux de 25 % de logement social, une amende quintuplée pour les villes n’ayant pas atteint ce taux et la confiscation de leurs droits de préemption.

Il y a eu ensuite la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction – chèque en blanc donné au pouvoir exécutif pour agir à sa guise et qui permet de modifier le droit des sols.

Il y aura demain une loi pour l’accès au logement et à un urbanisme dit rénové, qui affiche comme ambition de bétonner prioritairement les territoires déjà très urbanisés, et notamment les zones pavillonnaires, en s’appuyant sur les nouveaux pouvoirs conférés aux métropoles.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’était la position de M. Benoist Apparu il y a un an et demi !

M. Sylvain Berrios. Il y a, aujourd’hui, madame la ministre, votre loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui confisque aux maires, au profit des métropoles, toutes leurs compétences en matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de logement.

Pour atteindre votre objectif, vous usez de toutes les manigances.

Vous cachez aux commissaires de la commission des lois votre projet de métropole de Paris afin d’éviter toute discussion.

M. Alexis Bachelay. Mais non ! Ne soyez pas paranoïaque !

M. Sylvain Berrios. Vous ignorez l’obligation de produire une étude d’impact budgétaire afin de taire le coût réel de votre réforme et les augmentations d’impôts qui en découleront inévitablement.

Vous présentez ce texte de loi, qui piétine les compétences des maires et le choix des habitants, au cœur de l’été, afin d’éviter un débat à la veille des élections municipales.

Vous camouflez votre objectif réel derrière un texte abscons qui conduit à créer un Haut conseil des territoires présidé par le Premier ministre, des métropoles, des pôles ruraux, une conférence territoriale de l’action publique, des conseils des territoires et un schéma régional de coopération intercommunal présenté à une commission régionale de coopération intercommunale, elle-même constituée de commissions départementales de la coopération intercommunale ! Et cet ensemble doit s’articuler avec les collectivités existantes : régions, départements, intercommunalités et communes.

Vous donnez naissance à un monstre technocratique, sorte de démocratie administrative qui se substitue à la démocratie locale représentative.

M. Alexis Bachelay. Rendez-nous Plagnol ! (Sourires.)

M. Sylvain Berrios. Vous allez jusqu’à supprimer d’autorité les intercommunalités existantes pour les remplacer par des conseils des territoires, dont les limites seront définies en opportunité par le représentant du Gouvernement, sans que les conseils municipaux ne puissent s’y opposer.

Vous vous trompez si vous pensez que la centralisation peut apporter une solution durable aux problèmes de logement et de cadre de vie dans les zones urbaines.

Nous avons connu dans les années soixante des politiques publiques utilisant les mêmes ressorts pour les mêmes urgences et nous en connaissons aujourd’hui le résultat : ce sont des banlieues torturées par un urbanisme inhumain, source de tous les maux de notre société urbaine.

M. Alexis Bachelay. Caricature ! À Saint-Maur, il n’y a rien !

M. Sylvain Berrios. Madame la ministre, il aura fallu plus de trente ans de décentralisation, de courage et d’abnégation de la part de maires pour corriger partiellement ces erreurs et redonner un peu d’espoir.

L’échelon communal a prouvé son efficacité : source d’équilibre et de cohérence des territoires et des politiques publiques, c’est un relais de proximité indispensable, le reflet de choix et d’aspirations légitimes des habitants ; il est capable de créer des coopérations intercommunales intelligentes.

Vous décidez de livrer l’avenir des communes à un monstre technocratique qui exhale le poison d’un centralisme exacerbé, idéologique et destructeur de nos territoires et de la démocratie locale. Vous vous trompez si vous pensez bâillonner les maires et si vous croyez que les habitants accepteront ce hold-up institutionnel.

Certains demandent un référendum que vous refusez : sachez qu’il aura lieu en mars 2014 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, chers collègues, je veux aborder un aspect un peu moins visible et bien moins commenté de ce texte : les pôles ruraux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Annie Le Houerou. Très bien !

M. Alain Chrétien. C’est inutile !

M. Alain Calmette. Cela sera sans doute l’occasion d’une parenthèse un peu plus champêtre et bucolique dans ce débat très urbain.

Il était en effet très important pour nous, élus des territoires ruraux, de voir ce texte s’équilibrer, grâce à l’introduction d’un chapitre consacré à ces territoires dès le premier volet du projet de loi.

Le fait urbain, en particulier le fait métropolitain, est bien là : personne ne le conteste. Mais si l’on veut avoir une vision polycentrique de notre organisation territoriale, il faut pouvoir envisager une meilleure efficacité des espaces interstitiels situés entre les agglomérations ou parfois très loin d’elles. Les métropoles s’organisent, et il est nécessaire qu’à côté se mettent en place des structures rurales…

M. Alain Chrétien. Elles existent déjà !

M. Alain Calmette. …capables d’atteindre la taille critique…

M. Philippe Meunier. C’est quoi, la taille critique ?

M. Alain Calmette. …pour envisager de prendre en main leur destin à l’échelle d’un bassin de vie, qui présente une cohérence forte en termes sociologiques, géographiques, historiques, d’accès aux services, de transports, d’habitat, d’éducation, de santé, et cætera.

M. Philippe Cochet. Le problème, c’est le et cætera !

M. Alain Calmette. Tel est l’enjeu des pôles d’aménagement et de coopération : …

M. Alain Chrétien. C’est nous qui les avons créés !

M. Alain Calmette. Trouver une dimension supplémentaire aux territoires ruraux, non pas pour entretenir une opposition urbain-rural ou villes-campagne, mais au contraire pour donner à ces pôles ruraux un poids supplémentaire pour entretenir des relations d’équilibre, d’échanges, voire de coopérations avec les pôles métropolitains. J’espère d’ailleurs qu’un autre intitulé moins restrictif pourra être retenu.

M. Alain Chrétien. Les pays existent depuis vingt ans !

Mme Annie Le Houerou. Vous vouliez les supprimer !

M. Alain Calmette. Je rappelle que c’est vous qui avez supprimé les pays.

Je souhaite que les amendements issus des débats de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, que j’ai signés avec plusieurs collègues, soient adoptés. Ils assureront une consolidation des pôles ruraux introduits par le Sénat en créant non pas un niveau supplémentaire mais en offrant l’opportunité de constituer une structure collaborative entre EPCI, en vue d’exprimer et de décliner en actes concrets leur communauté de destin au travers d’un projet de territoire construit en commun.

Nous proposons, par ces amendements, que ces pôles puissent aller au-delà des pays existants, en se saisissant s’ils le souhaitent, et seulement s’ils le souhaitent, de certaines compétences exercées par les EPCI qui les composent.

Il ne faudrait pas, mes chers collègues, que l’affirmation des métropoles aboutisse à l’aggravation des inégalités territoriales au détriment des zones à faible densité démographique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai.

M. Alain Calmette. Il faut aujourd’hui changer l’approche de la ruralité par les politiques publiques. Cette droite – je m’adresse à nos collègues de l’opposition – qui veut aujourd’hui préempter la défense du monde rural a pourtant été responsable, depuis dix ans, du décrochage territorial de certaines zones en favorisant notamment la compétition entre les territoires plutôt que la contractualisation, et en provoquant, par une RGPP aveugle, la rupture de l’égalité républicaine d’accessibilité aux services publics.

II faut donc, au-delà de l’organisation territoriale, donner aux territoires ruraux les moyens financiers de leur développement. Pour cela, il y a une solution : une péréquation financière réelle et pérenne qui, bien que n’étant pas le sujet de ce texte, est indissociable de toute évolution de notre organisation territoriale.

Je terminerai par un sujet induit par les amendements que nous proposons : l’évolution vers une rationalisation des intercommunalités. Je suis persuadé que les pôles ruraux, par les habitudes de travail en commun qu’ils vont générer, vont inévitablement poser la question de la fusion des EPCI…

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Alain Calmette. …qui les composent, à terme, certes, et de façon volontaire, bien sûr, car il ne faut rien forcer en la matière.

Cela nécessitera sans doute du temps mais cette évolution donne une vision, un sens à l’organisation territoriale des zones rurales, conforme, me semble-t-il, non seulement à la marche de l’histoire, mais aussi et surtout à la capacité des territoires ruraux à mieux s’organiser pour mieux peser sur leur propre destin (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

Mme Annie Le Houerou. Il y a donc deux Cochet ?

M. Philippe Cochet. Non, madame, il n’y en a plus qu’un, l’autre est sorti de l’Assemblée nationale depuis déjà quelque temps, vous devriez vous tenir au courant !

Permettez-moi au préalable une petite parenthèse : je vous admire, mesdames les ministres, en vous voyant défendre un texte auquel vous ne croyez absolument pas. La chance qui est la nôtre de vous avoir pour ministres est que vous êtes des élues locales : aussi avons-nous bien compris que la boîte à outils si célèbre actuellement a pour résultante que vous avez bricolé ce texte.

Nous sommes dans cet hémicycle pour faire la loi. Or – et là réside la difficulté – faire la loi de la République, ce n’est pas la quinzaine du BHV. Je regrette profondément de devoir dire cela, car il eût été préférable de travailler de manière différente sur un texte de cette importance.

Dans la motion de rejet préalable qu’il a défendue, notre excellent collègue Hervé Gaymard a résumé l’ensemble de nos réserves et les arguments – je dis bien : « les arguments » – qu’il a développés sont sans appel. L’expression : « Ni fait, ni à faire » prend ici toute sa dimension.

Si vous me le permettez, j’insisterai sur le cas de la métropole lyonnaise.

Pour ma part, j’étais favorable à cette métropole. Votre texte a tout de même réussi un exploit assez incroyable : convaincre des personnes qui y étaient a priori favorables de voter contre ! Permettez-moi de m’en expliquer.

Tout d’abord, je condamne la méthode utilisée : l’annonce faite par le président du Grand Lyon et le Président du conseil général, car en s’affranchissant de leurs exécutifs et de leurs élus, ces derniers ont démontré le peu de considération qu’ils avaient pour ceux auxquels ils doivent aussi leur légitimité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Philippe Cochet. La vision métropolitaine ne peut se résumer à un tripatouillage uniquement électoral ; elle exige au contraire une vraie vision d’aménagement du territoire. J’en veux pour preuve que le futur projet de métropole lyonnaise exclut l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. La raison en est toute simple : ce territoire aurait pu apporter de la richesse, mais il a l’outrecuidance de ne pas voter à gauche. Les lois de la République s’établissent ainsi ; je vous laisse juge d’une telle attitude…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous dites n’importe quoi !

M. Philippe Cochet. On ne peut pas élaborer la loi de la République avec un Yalta local : à M. Colomb la métropole, à M. Mercier le département résiduel issu de la création de la métropole. Si on a une vision républicaine de l’aménagement du territoire et de sa bonne administration, on ne peut accepter cela ; j’espère que cette conception est partagée bien au-delà des bancs de l’UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Vous dites cela parce que vous n’avez plus rien !

M. Philippe Cochet. L’autre erreur originelle est l’absence d’étude d’impact financier, qui est le summum de la notion de bricolage législatif. Mes collègues parlementaires élus dans le département du Rhône et moi-même avions dès le départ demandé des études chiffrées afin d’éviter la méthode socialiste qui peut s’énoncer comme suit : « Je décide et le citoyen contribuable payera ».

À ce jour, nous n’avons aucun élément sérieux à notre disposition et personne – pas même vous, mesdames les ministres – ne prends l’engagement que la création de la métropole lyonnaise et du résidu du département du Rhône n’augmentera pas les impôts, impôts que les contribuables citoyens ont au demeurant de plus en plus de mal à payer.

Ne serait-ce que pour cette simple raison, il est incompréhensible que vous envisagiez de telles évolutions sans qu’elles se traduisent par une baisse sensible de la pression fiscale et une amélioration de la performance vis-à-vis de nos compatriotes.

Un autre point n’est pas assumé par votre majorité : à terme, en 2020, on assistera à une quasi-disparition des communes, qui deviendront au mieux des mairies d’arrondissement, autrement dit des mairies soumises au courroux des habitants et qui n’auront pas le pouvoir d’appliquer une politique adaptée à un territoire. Vous allez créer, mesdames, messieurs, deux types d’élus : les élus métropolitains, qui pourront se jucher dans les stratosphères, et les élus locaux, qui devront gérer les problèmes de proximité de leurs administrés et qui répondront en bon Lyonnais : « je n’y peux rien, cela dépend de la métropole ».

MM. Philippe Meunier, Jean-Frédéric Poisson et Alain Chrétien. Très bien !

M. Philippe Cochet. Soyons sérieux ! Si vous voulez creuser la distance entre nos concitoyens et leurs élus, vous êtes sur la bonne voie, mesdames les ministres.

Si vous n’avez pas compris la lassitude de nos compatriotes, qui sont exaspérés de devoir toujours, in fine, payer l’incurie du Gouvernement, si vous n’avez pas compris qu’il faut faire mieux avec moins, si vous n’avez pas compris que la rupture avec les politiques s’accentuera avec ce texte qui n’est ni fait ni à faire, alors préparez-vous à des lendemains difficiles !

C’est dommage : c’est un rendez-vous raté alors que cela aurait pu être un vrai tournant politique. Vous comprendrez que pour toutes ces raisons je voterai contre ce texte, à regret. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Quelle surprise !

Mme Annie Le Houerou. Quel dommage !

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, l’unité n’est pas l’uniformité, Paris n’est pas Lyon, Lyon n’est pas Brest, Brest n’est pas Bayonne.

Je m’interroge sur les raisons qui motivent une résistance aux demandes spécifiques de certains territoires. Jusqu’où pouvons-nous décentraliser ? Il faut être résolument visionnaire, et pas seulement pour les métropoles, mais pour tous les territoires.

D’une part, l’organisation territoriale de notre pays manque encore singulièrement de cohérence. La Cour des comptes nous le rappelle avec force : ce projet de loi de modernisation de l’action publique devrait être celui d’un repositionnement global de l’État et de l’ensemble des collectivités. L’État et les collectivités se chevauchent et s’enchevêtrent. La dilution des responsabilités va de pair avec la complexité de gestion qui en découle. De nouveaux transferts de compétences auraient sans doute contribué à une meilleure clarification de celles-ci.

D’autre part, l’amélioration de la démocratie locale adossée à l’intelligence des territoires est le résultat d’une exigence démocratique et citoyenne et probablement l’un des moyens de sortir de la crise systémique actuelle.

Élue du Pays Basque, je me suis concentrée, à ce stade des débats et puisque le Sénat en a voulu ainsi, sur les pôles : leur conception est potentiellement audacieuse et innovante. En l’état, ils ne sont qu’un lot de consolation pour les nostalgiques des pays. Mais comme modèle égalitaire, ils sont une réelle opportunité structurelle de repenser un pacte entre tous les élus et la société civile, à condition que le législateur s’en donne les moyens.

Le Pays Basque, comme d’autres territoires, travaille depuis des décennies à son organisation avec un souci permanent d’amélioration des performances. Il met en œuvre des politiques novatrices au service de ses spécificités : une agriculture paysanne raisonnée, une économie résolument sociale et solidaire, la défense et la promotion de son patrimoine linguistique et culturel, la mixité territoriale entre l’urbain, le rural, le littoral et la montagne, la coopération transfrontalière.

Grâce à l’originalité de sa gouvernance, qui associe le conseil des élus et le conseil de développement au sein d’une commission mixte plénière capable de concevoir et de valider les grands chantiers du territoire, le Pays Basque incarne le succès des forces vives territoriales, qui sont organisées selon un modèle territorial propre susceptible de faire école.

À l’issue de cet effort, l’attente forte et légitime est anéantie par le tranchant sans appel de l’article 40 de la Constitution, qui aura eu raison des amendements que j’ai déposés en amont de la séance publique pour aller dans le sens d’un réel progrès territorial et avec une volonté nourrie d’une expérience probante.

Pour que la demande de création d’une collectivité territoriale à statut particulier, qui n’a pas reçu le même accueil enthousiaste que pour Lyon, ou, à défaut, d’un syndicat mixte ouvert soit formulée dans cette enceinte, il eût fallu que j’y inscrive trois mentions qui auraient rendu le projet proprement inadapté : la création aurait dû être demandée à titre expérimental, pour une durée limitée de trois ans et elle n’aurait été acceptée que sous réserve que l’État l’autorise. Y souscrire n’aurait eu aucun sens à mes yeux. En tant que législateur, j’ai donc pris mes responsabilités et j’ai proposé ce qui me paraissait adapté ; dont acte.

La mission historique de la gauche aujourd’hui n’est pas d’accomplir un énième acte de déconcentration. Décentraliser est un acte de confiance réciproque, un acte courageux. C’est ce qu’attendent les territoires, tous les territoires, mais aussi et surtout ceux qui y vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Kossowski.

M. Philippe Cochet. Enfin un élu de la montagne !

M. Jacques Kossowski. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, j’associe à mon intervention Jean-Pierre Vigier, député de la Haute-Loire.

Du texte initialement unique et désormais séparé en trois volets, nous examinons aujourd’hui la partie relative à l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles. L’acte III de la décentralisation, malgré ce qu’indique cet intitulé, renforce la puissance publique. C’est un peu contradictoire, il faut l’avouer. Ce projet poursuit la logique de détricotage des réformes engagées sous la précédente majorité.

Avec les nombreux niveaux de décision créés, les commissions, les acteurs variés, le fonds de solidarité pour l’Île-de-France, je crains qu’il ne reste plus de financement pour le troisième projet de loi à venir. Bien sûr, le renforcement des compétences des métropoles est nécessaire pour redonner à notre pays une certaine vitalité économique. Mais l’accent est mis sur le rôle majeur des trois métropoles – Paris, Lyon, et Aix-Marseille-Provence – dans l’attractivité des territoires concernés. Elles vont obtenir des compétences appartenant actuellement au département et à la région. Les inégalités entre les territoires risquent alors fortement de s’accroître : le développement et la compétitivité bénéficieront aux seules zones proches des métropoles, au détriment des autres territoires ruraux. Or, vous le savez, certains territoires ruraux ne comptent ni métropole, ni grande ville. La Haute-Loire en est un exemple. Comment peut-on assurer l’égalité de la compétitivité des territoires ruraux dans cette nouvelle situation ?

Jean-Pierre Vigier, qui est un élu local d’un département rural de moyenne montagne, souhaite insister sur quelques points.

Premièrement, la commission des lois a souhaité que soit créé dès à présent un Haut conseil des territoires. Celui-ci était prévu dans un autre texte, le projet de loi relatif au développement des solidarités et de la démocratie locale. Cette instance pourra se substituer aux instances sectorielles, notamment aux comités des finances locales. Il y a un risque que les collectivités territoriales rurales soient oubliées. Nous connaissons des situations, des problèmes et des projets bien particuliers qui ne sont pas adaptés aux grandes villes et aux métropoles. Or le pacte de gouvernance territoriale brouille les compétences des collectivités territoriales et les financements.

Deuxièmement, depuis la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la spécificité des territoires de montagne est reconnue. Des politiques différenciées peuvent être menées grâce aux conventions interrégionales de massif. Les régions peuvent se grouper en un groupement d’intérêt public pour assurer la gestion des programmes pluriannuels. C’est le cas du Massif central, pour lequel six régions sont concernées. C’est pourquoi, en ce qui concerne les fonds européens, il me semble nécessaire que la gestion des programmes opérationnels interrégionaux puisse être confiée par l’État à des GIP mis en place par plusieurs régions.

Troisièmement, tous les élus locaux le savent, l’électricité joue un rôle majeur dans l’aménagement, la compétitivité et le développement des territoires. Remettre en cause le rôle des syndicats d’énergie départementaux me semble donc aussi une erreur. La fracture entre territoires urbains et territoires ruraux n’est pas loin en raison du déséquilibre qui existera entre, d’un côté, les concessions rentables et, de l’autre, les petites concessions. Or la péréquation tarifaire est une nécessité sur laquelle repose la qualité du service public. Quel avenir sera réservé au fonds d’amortissement des charges d’électrification rurale ?

Quatrièmement, en ce qui concerne le tarif du forfait de post-stationnement, sur lequel des amendements ont été déposés, il est impératif d’établir un plafond. En effet la mesure de dépénalisation prévue risque de créer une inégalité des conducteurs devant la loi : dans les grandes villes ou dans les zones touristiques, le forfait pourrait atteindre 36 euros, soit le double de l’amende actuelle. C’est très exagéré au regard de l’échelle des sanctions. D’autre part, cela empêcherait les conducteurs de contester en cas d’amende inférieure à 36 euros : qui paierait plus cher que le forfait de post-stationnement pour accéder au tribunal administratif ?

En conclusion, mesdames, messieurs, ce texte ne présente pas de vision d’ensemble. Semant la confusion, créant des niveaux de décision multiples, il manque d’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, si le développement des métropoles constitue un axe fondamental du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, il ne faut ni oublier ni négliger l’importance du monde rural et des villes, petites et moyennes, qui font la richesse et la diversité de la France. Il faut rééquilibrer cette loi sans oublier aucun acteur de notre tissu institutionnel.

À l’instar de ce qui est présenté pour les métropoles, nous proposons de créer une conférence territoriale des maires sur le territoire des pôles ruraux. Le développement du monde rural ne se construira pas sans les maires, principaux et souvent derniers interlocuteurs de la population locale. Le dynamisme dont nous avons besoin viendra non pas d’en haut mais bien d’une volonté de la base.

Il ne s’agit pas de protectionnisme, de conservatisme, ni de faire obstacle à une intercommunalité en ordre de marche, mais bien d’accompagner l’agrandissement de ce périmètre de projet en préservant un dialogue républicain, utile et respectueux avec ces maires dont l’action est essentielle sur ces territoires. Ne décourageons pas cette démocratie de proximité, ces 500 000 bénévoles qui oeuvrent pour l’intérêt général. Au même titre que nous recherchons la participation des citoyens, n’oublions pas de leur donner la parole, additionnons les compétences.

Dans quelques territoires éclairés, une démarche spontanée en ce sens a été effectuée, mais elle reste l’exception. Voilà pourquoi, mesdames les ministres, je vous demande d’inscrire cette conférence territoriale dans la loi. Il me semble qu’il ne faut pas avoir d’hésitation à inviter chaque année autour de la table tous ces maires, qui donnent sans compter, pour discuter de leurs territoires, qu’ils connaissent et qu’ils aiment.

Dans le prolongement de cette proposition, nous soutenons bien sûr la création d’un conseil de développement sur le territoire de chacun de ces pôles ruraux. Un tel conseil, vous le savez, est l’expression de la voix populaire et des forces vives des territoires.

Portons l’innovation jusqu’à rechercher la parité dans ces conseils de développement – je le dis tout en sachant que l’article 40, ce redoutable couperet, a eu raison de cette dernière proposition.

J’espère que notre assemblée, dans sa grande sagesse, acceptera l’amendement proposé en ce sens à l’article 45 quinquies s’agissant de la conférence territoriale des maires ; il s’inscrit dans la logique de ce texte et de nos efforts pour en conforter la cohérence. Pour conclure, mesdames les ministres, je vous remercie pour votre travail et votre écoute. Je n’oublie pas non plus, bien entendu, les rapporteurs et le président de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, je voudrais m’en tenir à deux questions : la première sur le rôle de chef de file qui serait attribué à la région par le nouvel article 3 du projet de loi pour l’exercice des compétences relatives au déploiement des réseaux de communication électronique et de leurs usages ; la seconde sur l’absence de solution pour sortir d’un conflit opposant un président de communauté de communes à son conseil communautaire.

Pour parler très directement, l’idée de confier aux régions le rôle de chef de file en matière d’aménagement numérique ne me semble pas une bonne idée.

Les départements sont déjà fortement engagés puisqu’ils assument l’élaboration et la mise en œuvre de la quasi-totalité des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ils jouent également un rôle très actif en faveur du déploiement des usages, que ce soit dans les collèges, les bibliothèques, les médiathèques, les nombreux services relevant du conseil général ou les secteurs comme la domotique pour les personnes âgées ou handicapées.

Comme chacun le sait, l’essentiel de l’investissement à faire et des décisions localisées à prendre pour l’aménagement numérique des territoires concerne, non pas le réseau de collecte, mais le réseau de desserte très haut débit. En Loir-et-Cher, par exemple, sur les 113 millions prévus pour le SDTAN, 9 millions seulement concernent la collecte. C’est vous dire s’il s’agit d’un travail local, de co-construction opérationnelle entre les EPCI et le département. Je vous le dis très franchement : le conseil régional, pour toutes ces questions de desserte locale, est trop loin du niveau d’analyse et d’action « à la parcelle ».

Tous ceux qui, comme moi, ont la charge de présider un comité de pilotage pour élaborer le schéma de leur département sont bien conscients que le projet départemental a aussi besoin de s’articuler avec les projets des départements voisins pour mutualiser un certain nombre d’investissements et, plus sûrement encore, la commercialisation des réseaux.

Cette coordination interdépartementale existe déjà et fonctionne très correctement à travers la conférence régionale d’aménagement numérique, coprésidée par le préfet de région et par le président du conseil régional et par l’intermédiaire des syndicats mixtes ouverts, créés dans beaucoup de départements pour réunir les EPCI, le conseil général et le conseil régional dans une même structure d’aménagement numérique.

Je souhaite donc que nous puissions revenir à l’architecture antérieure en conférant au département la responsabilité principale de l’aménagement numérique et en écartant l’ajout d’un niveau supplémentaire qui est inutile dans la mesure où d’autres outils de concertation interdépartementale fonctionnent. J’invite notre assemblée à renoncer à la disposition introduite par l’amendement n° 730 de notre rapporteur. La maintenir serait un très mauvais signal, contrariant ce qui est déjà engagé par les départements et retardant donc l’aménagement numérique de nos territoires, ce dont nous n’avons vraiment pas besoin !

Je veux aussi profiter de l’examen de ce projet de loi pour appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur l’absence de moyen de sortir d’une crise opposant un président de communauté de communes à son conseil communautaire.

Nous vivons malheureusement – et douloureusement –, en Loir-et-Cher, le blocage complet d’une communauté de communes, celle de la Sologne des Rivières, dont le président a perdu depuis plusieurs années la confiance des autres membres du conseil communautaire. Les conséquences de ce blocage sont très lourdes : projets abandonnés, impossibilité de modifier la répartition des compétences entre la communauté de communes et les communes du fait du pouvoir de veto du président, lequel est également maire de la commune principale, sans oublier la perte de nombreuses subventions en raison de l’absence de décision pour engager des actions.

Lorsqu’un conflit existe dans un conseil municipal, deux solutions sont possibles : la dissolution par décret en Conseil des ministres ou les élections complémentaires suite à la démission d’au moins un tiers des conseillers municipaux. La dissolution s’applique certes au conseil communautaire, mais elle n’a jamais été mise en œuvre. La démission, quant à elle, n’est pas une solution pour une communauté de communes, puisqu’elle ne permet pas de renouveler 1’exécutif. En effet, la démission d’un membre du conseil communautaire est immédiatement comblée par l’élection obligatoire de son remplaçant et, s’il n’y a pas remplacement, par la désignation de droit de son maire ou de son premier adjoint. Du coup, au mépris de la démocratie, un président peut se maintenir seul contre tous les autres conseillers communautaires.

L’invention d’une solution devient d’autant plus indispensable, mesdames les ministres, mes chers collègues, que les communautés de communes couvrent aujourd’hui tout le territoire et exercent des compétences de plus en plus larges : le blocage de l’une d’entre elles est une catastrophe pour le territoire et ses habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, dernier orateur inscrit.

M. Alexis Bachelay. Quel bonheur ! On a gardé le meilleur pour la fin !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Ce n’est pas forcément celui qui parle en dernier qui a raison !

M. Julien Aubert. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le débat issu de l’examen de ce projet de loi aurait pu nous offrir un cadre idéal pour réfléchir à l’organisation territoriale convenant à notre pays. Mais il n’en est rien.

M. Alain Chrétien. Eh non !

M. Julien Aubert. Le Gouvernement mélange souplesse et confusion des genres. Faute d’assumer des choix politiques courageux – diminution drastique des élus locaux et rationalisation de la carte des collectivités –, il propose à travers ce texte une multiplication des structures et un schéma affaiblissant les communes par des transferts verticaux de compétences. J’appellerai cela, si vous me le permettez, la « décentralisation gazeuse » : un parfum diffus de réforme qui masque un avachissement de la structuration jacobine de la France. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Au contraire, c’est avec souplesse et pragmatisme qu’il convient d’agir, en permettant à l’échelon territorial le mieux adapté d’exercer chaque compétence. J’ai déposé un amendement en ce sens, visant à faire reconnaître un principe de subsidiarité dans le cadre des projets de métropole.

M. Alain Chrétien. Très bien !

M. Hervé Gaymard. Bonne idée !

M. Julien Aubert. En réalité, votre texte vient complexifier davantage le millefeuille administratif existant.

Comme vous le savez, le millefeuille est un dessert déjà bien lourd à digérer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annie Le Houerou. Ce n’est pas vrai !

Mme Cécile Untermaier. Un millefeuille, ce peut être très léger !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Quand il est bien fait !

M. Julien Aubert. Mais un millefeuille sans crème, cela devient totalement indigeste. Or les dispositions de ce texte viennent substituer la pâte feuilletée à la crème. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je note que mes métaphores culinaires ont réveillé le parti socialiste à cette heure tardive de la nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Nous sommes des élus de la nation !

M. Julien Aubert. Prenons l’exemple de la métropole. C’est une belle idée – nous l’avons d’ailleurs eue avant vous –, à condition que l’on ne remplace pas le mot : « métropole » par le mot : « mégalopole », car ces deux termes ne signifient pas exactement la même chose.

Pourquoi intégrer à des métropoles des villes qui n’ont aucune relation avec le cœur de ces ensembles ? Je prendrai pour exemple Pertuis, ville principale de ma circonscription du Vaucluse. Eh bien, cette ville, quoique située dans le département du Vaucluse, va se retrouver dans la métropole de Marseille. Pourquoi ? Parce que Pertuis se trouve dans les marches de la communauté de communes du Pays d’Aix, elle-même avalée par la métropole. S’il est vrai que le bassin de vie et d’emploi du Pays d’Aix correspond à celui de Pertuis, vous comprendrez bien que les Pertusiens n’ont rien en commun avec les Marseillais, qui vivent à une heure et quart de là en voiture. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Ben voyons ! Il ne manquerait plus qu’on mélange tout !

M. Julien Aubert. Ce n’est pas une question de mélange, mon cher collègue. Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limite ! (Sourires.) Si vous intégrez Pertuis, pourquoi ne pas englober également l’hinterland de Pertuis ? Et pourquoi pas Apt, qui est à un quart d’heure de Pertuis, ou Carpentras, qui est à une heure et demi de là ? Et pourquoi pas Lyon ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Bonne idée : ils pourraient créer une métropole Lyon-Marseille !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Et pourquoi pas Maubeuge, pendant que vous y êtes ?

M. Julien Aubert. Demain, si votre texte est voté en l’état, la ville vauclusienne de Pertuis sera membre d’une mégalopole marseillaise et devra en assumer les coûts, sans en tirer de réels bénéfices.

Le fait de transférer tant de compétences aux métropoles aurait dû impliquer une nouvelle approche de la décentralisation. C’est du moins ce qu’aurait pu laisser présager le fameux « choc de simplification » annoncé par le Président Hollande le 28 mars dernier.

M. Alain Chrétien. On l’attend toujours !

M. Julien Aubert. Mais il n’en est rien. Au choc de simplification, vous avez préféré le choc de complexité. En effet, si je prends le cas de la future métropole marseillaise, aux communes, intercommunalités, départements et région – vous vous abstenez évidemment de supprimer tous ces échelons, que vous renommez parfois en leur attribuant des vocables divers – s’ajouteront de nouveaux acteurs : le conseil des territoires, avec son lot d’élus, son président et ses vice-présidents, la conférence métropolitaine des maires, qui sera convoquée par le président de la métropole, avec encore une fois son lot de vice-présidents, sans oublier la métropole elle-même, avec son président et ses vice-présidents.

On connaissait le ratio : un actif pour un inactif dans le cadre de la sécurité sociale. Vous venez d’innover avec le concept : un élu pour un citoyen, approche originale de la société de production. Malheureusement, la loi économique de la politique électorale est inversée par rapport à la loi normale de l’économie, où généralement ce qui est pléthorique est bon marché. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Excellent !

M. Julien Aubert. En d’autres termes, tout cela coûte très cher.

Une autre structuration des métropoles est possible, chers collègues. C’est ce que je vous propose à travers mes amendements. Pourquoi ne pas envisager l’association d’un certain nombre de territoires périphériques avec un cœur de métropole, pour que celle-ci ne soit pas la cause de nouvelles fractures territoriales ? La métropole elle-même disposerait de compétences élargies sur le cœur de son territoire et de compétences alternatives ou conditionnelles sur les territoires associés, à savoir l’espace métropolitain. Une telle association pourrait notamment se faire s’agissant des transports.

J’ajoute qu’il y a quelques problèmes sur le périmètre de la future métropole, puisque certaines communes vont appartenir à un même département, mais pas à la même métropole, avec des syndicats mixtes qui vont se retrouver coupés en deux. Il va falloir faire très attention pour garantir l’équilibre des territoires entre la ruralité et le domaine urbain.

Mes chers collègues, si l’ours blanc est maître au pôle, votre métropole est pour l’instant surtout un ornithorynque, c’est-à-dire un animal bizarre qui ne permettra pas d’identifier les preneurs de décisions et qui, au final, coupera encore plus l’électeur de l’élu. Je vous invite donc à écouter ce que dit le Président Hollande : il est simple de simplifier. Ne soyez pas une majorité de Shadocks ; faites un effort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Ce fut laborieux !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Et pas très brillant !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs, madame les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, vous me permettrez de ne pas répondre aux cinquante-sept intervenants qui sont exprimés l’un à la suite de l’autre.

M. Philippe Cochet. Quel dommage !

M. Sylvain Berrios. Nous sommes bien déçus !

M. Hervé Gaymard. Quel mépris envers le Parlement ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. J’essaierai toutefois de faire une synthèse aussi exacte que possible.

Je remercie les uns et les autres pour ce débat parfois posé, souvent enflammé, toujours intéressant ; agrémenté de quelques allusions littéraires : Fernand Braudel, le Golem, Harpagon – que sais-je encore ?

M. Julien Aubert. N’oubliez pas les Shadocks !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Dans tous les cas, il y a eu des critiques légitimes venant de l’opposition, des critiques vives, parfois passionnées et enflammées. Le plus souvent, voire toujours, les observations ont été faites de façon impartiale. Toutes ces critiques, Marylise Lebranchu et moi-même les avons entendues. Je tenais à souligner combien, pendant toutes ces heures de débat, nous avons été attentives aux propos des uns et des autres.

Nous avons entendu des critiques souvent contradictoires, parfois paradoxales. D’abord, sur la méthode. Vous avez parlé de dialogue, évoquant un manque de concertation, une absence de prise en compte de l’avis de nos concitoyens et le refus d’un référendum – en particulier pour Paris.

Vous avez souligné l’impréparation du texte.

M. Alain Chrétien. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Pas d’étude d’impact, dites-vous, pédagogie insuffisante, texte incohérent en trois volets, illisibilité d’un texte venant du Sénat, dont on ne sait ce qu’il est devenu ici, après son passage à la commission des lois. Enfin, vous auriez manqué de temps, à vous entendre.

Au-delà de la méthode, sur le fond, vous avez souligné que, d’un côté, il n’y avait pas assez d’État et qu’il fallait de nouveau un vrai préfet, qui soit le patron au niveau du département. Mais dans le même temps, vous nous avez accusés de favoriser un État trop recentralisateur.

Vous avez souligné la fracture territoriale, tout en disant que nous ne tenions pas compte de la diversité des territoires.

M. Julien Aubert. Ce qui est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Pour la décentralisation, vous vouliez un acte d’audace. Mais pour peu que nous fassions preuve d’audace – avec Lyon, Marseille ou Paris –, vous condamnez aussitôt.

Vous nous avez dit qu’il fallait maintenir le conseiller territorial, tout en rappelant que la proximité est essentielle, ce qui revient à dire exactement le contraire…

Sur tous ces points, je veux vous dire le point de vue du Gouvernement.

Pour ce qui est de la méthode, voilà près d’un an que nous travaillons régulièrement avec les uns et les autres. Je ne compte pas les réunions que le Premier ministre et le Président de la République lui-même ont tenues avec les grands élus de ce pays. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Parce qu’il y a de grands et de petits élus !

M. Philippe Meunier. Très révélateur !

M. le président. S’il vous plaît ! Laissez Mme la ministre déléguée répondre !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Combien de fois Marylise Lebranchu et moi-même vous avons-nous rencontrés ? Nous vous avons reçus chaque fois que vous l’avez demandé. Ces consultations ont été menées avec rigueur, avec la volonté d’écouter, mais aussi d’entendre.

M. Marc Dolez. Des mots, tout cela !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Quant à la pédagogie, nous en avons fait…

M. Philippe Cochet. Avec quel succès !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Malheureusement, il n’y a pas de plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Vous nous reprochez de ne pas avoir fourni d’études d’impact. Or elles figuraient dans le texte initial.

M. Philippe Cochet. Il n’y a pas un seul engagement de l’État. C’est scandaleux !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais vous ne voulez pas admettre que le texte que nous examinons est celui qui est issu, comme le prévoit la Constitution depuis sa révision, de la commission des lois. Par la force des choses, il ne pouvait comporter de nouvelles études d’impact. Elles arriveront au fur et à mesure et nous vous apporterons les renseignements nécessaires.

Vous dites que nous avons fait d’un texte unique un texte à trois volets. C’est avec le souci de simplifier…

M. Alain Chrétien. C’est raté !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …que nous l’étudierons en trois temps. Chacun de ces volets a son sens et les trois sont complémentaires.

Sur le fond, je veux souligner combien notre texte a une réelle cohérence, puisqu’il met à chaque fois en exergue la complémentarité de l’État et des collectivités territoriales. Leur action n’est jamais redondante et apporte, dans tous les cas, une solution aux problèmes de nos concitoyens.

Ce texte obéit à un triple principe, auquel Marylise Lebranchu et moi-même ne cessons de faire référence et que vous avez relevé les uns et les autres : l’unité de la République, la diversité et les spécificités de nos territoires, et la subsidiarité qui répond au besoin d’une proximité que nous appelons tous de nos vœux.

M. Julien Aubert. Cela n’apporte rien au débat !

M. Philippe Cochet. Un quadruple principe, puisqu’il faut y ajouter l’impôt !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Ce triple principe permet de maîtriser les dépenses. Vous nous reprochez l’absence dans ce texte de dispositions financières ou fiscales. Dès hier, dans le cadre d’une réunion qui faisait suite à de nombreux travaux et à une longue concertation, nous avons arrêté les termes d’un pacte de confiance et de responsabilité, qui reprend l’ensemble des éléments financiers qui seront inscrits dans le projet de loi de finances et qui correspondront au débat que nous avons actuellement.

Par ailleurs, Mme Lebranchu était aujourd’hui auprès du Premier ministre pour finaliser la réunion d’amélioration et de simplification de l’action publique dans le cadre du CIMAP et arrêter un ensemble de mesures, correspondant à cette volonté de simplification.

Je voudrais maintenant apporter quelques précisions sur les différents domaines que vous avez évoqués. Toutefois, je serai brève dans la mesure où notre débat, qui se poursuivra avec l’examen des articles, apportera les réponses aux problèmes soulevés.

Que n’avons-nous entendu ! S’agissant de la conférence territoriale de l’action publique, vous avez dénoncé la remise en cause de la clause de compétence générale, en soulignant son inefficacité et son impact sur les dépenses. Je veux rappeler, mesdames et messieurs les députés, que la loi de 2010 n’a pas supprimé la clause de compétence générale. Il était simplement prévu qu’elle serait, éventuellement, supprimée – et dans quelles conditions ! – le 1er janvier 2015.

M. Alain Chrétien. Il s’agissait d’une suppression progressive, et non brutale !

M. Philippe Cochet. Rappelez-moi quel avait été le vote des socialistes en 2010 !

M. Julien Aubert. Ne s’agirait-il pas plutôt de la clause d’incompétence générale ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Vous aviez aussi prévu dans la loi de 2010 des sanctions financières, les mêmes dont vous nous faites grief aujourd’hui.

Vous nous reprochez le chef de filat, mais il figurait dans les textes antérieurs. Nous vous proposons seulement aujourd’hui les modalités pratiques de sa mise en œuvre.

S’agissant des régions, les uns ont dénoncé un manque d’ambition, les autres ont souligné leur rôle majeur en matière d’économie, d’emploi, de formation. C’est précisément ce que nous inscrivons dans le texte.

Et que n’avons-nous entendu sur les métropoles !

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas terminé !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous leur consacrerions tous les moyens, ce seraient des monstres technocratiques,…

M. Julien Aubert. Des ornithorynques ! (Sourires.)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …les besoins des citoyens ne seraient pas pris en compte.

Plusieurs députés UMP. Parfaitement !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais dans le même temps, d’autres y ont vu un espace de solidarité des territoires, un échelon majeur.

Les départements ont été peu évoqués, mais chacun a reconnu qu’ils étaient des vecteurs puissants d’aménagement du territoire.

Quant aux communes et blocs intercommunaux, aux pôles de coordination et de développement rural, chacun en reconnaît l’absolue nécessité.

Venons-en aux trois métropoles majeures. Lyon est-il un nouveau millefeuille ? Pas du tout ! Au contraire, les communes et le département seront réunis dans une collectivité nouvelle, ce qui est bien un nouveau moyen de supprimer, comme vous le souhaitiez, un niveau.

Le cas de Marseille a attiré bien des remarques : manque de moyens, absence de referendum, structure centralisatrice, selon certains.

M. Julien Aubert. Oui !

M. Philippe Meunier. Ils veulent surtout prendre l’argent des autres villes !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais nous avons entendu d’autres voix, celles des députés qui ont travaillé…

M. Jean-David Ciot. C’est faux, madame la ministre ! Il n’y a pas ceux qui auraient travaillé et les autres ! C’est scandaleux de dire cela !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …et compris la nécessité de faire de la métropole Marseille-Aix-en-Provence un véritable lieu de vie, un cadre institutionnel, une porte d’entrée dans la modernité, un territoire d’équilibre, et de donner à Marseille une vision sociale.

Sur Paris, nous avons, là encore, tout entendu…

M. Sylvain Berrios. Vous avez entendu toute la vérité !

M. Philippe Meunier. Mais vous n’avez encore rien vu !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Technostructure, retour au centralisme, fracture sociale, périmètre mal défini, fin du respect des identités locales.

M. Alain Chrétien. Et désastre de 2014 !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais il fallait faire de Paris et de la métropole parisienne un bassin de vie, ancré dans le quotidien, un territoire de fonctionnalités, une métropole intégrée. Grâce à ce projet de loi, auquel ont contribué un grand nombre de députés ici présents, nous y sommes parvenus.

Je voudrais terminer en évoquant le Haut conseil des territoires. À la demande de M. Pélissard, avec M. Destot et bien d’autres élus, le Gouvernement a accepté que ce Haut conseil soit intégré. Celui-ci aura à examiner des problématiques lourdes, du type de celles qui se sont posées récemment et auxquelles il aurait pu apporter des réponses, comme la question des rythmes scolaires. Il sera l’un de ces lieux de dialogue privilégiés, qui ne sera pas du tout redondant avec la Haute assemblée.

Ce premier débat, qui se prolongera avec l’examen des articles, a été riche. Je suis certaine que la raison, notre volonté d’améliorer le texte, le travail excellent accompli par nos rapporteurs, dont je les remercie, nous permettront d’aboutir à un texte ordonné et de sortir du chaos…

M. Sylvain Berrios. Ah ! Vous reconnaissez qu’il y a chaos !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …que certains ont cru bon de dénoncer.

Assise à ce banc durant toutes ces heures, j’ai contemplé la tête du Janus qui orne le bas de la tribune. Je souhaite qu’à la fin de ce débat, ses deux faces se réunissent et que nous trouvions ensemble la voie de cette unité et du troisième œil, enfin formé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Julien Aubert. Bravo pour la conclusion !

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 18 juillet 2013 à neuf heures trente :

Suite du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 18 juillet 2013, à une heure.)