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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 17 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Débat préalable au Conseil européen

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

M. Bernard Deflesselles

M. Gilles Savary

M. Henri Plagnol

Mme Barbara Pompili

M. Thierry Braillard

M. François Asensi

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Projet de loi de finances pour 2013

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

M. Pierre-Alain Muet

Mme Annick Girardin

M. Nicolas Sansu

Mme Eva Sas

Mme Valérie Pecresse

M. Guillaume Bachelay

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Thierry Mandon

Mme Arlette Grosskost

Mme Estelle Grelier

M. François Baroin

Mme Monique Iborra

M. Jean-Claude Mathis

M. Jean-Michel Clément

Mme Laure de La Raudière

M. Dominique Lefebvre

M. Jean-François Mancel

Mme Christine Pires Beaune

M. Laurent Baumel

M. Bruno Le Maire

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christophe Castaner

M. Jean-Marc Germain

M. Olivier Carré

M. François Pupponi

M. Olivier Dassault

M. Jean Launay

M. Daniel Fasquelle

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Débat préalable au Conseil européen

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable au Conseil européen des 18 et 19 octobre 2012.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mesdames et messieurs les députés, nous sommes à la veille du Conseil européen qui devra s’attacher à la mise en œuvre des décisions prises à l’occasion du dernier Conseil des 28 et 29 juin, où a été engagée la réorientation de la politique de l’Union européenne.

M. Guy Geoffroy. Rien que ça !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’Europe est confrontée à une crise extrêmement profonde, crise économique, financière, monétaire, crise de l’emploi et de la croissance, qui s’enkyste, et l’ensemble des dirigeants européens ont bien conscience de la nécessité, face à la gravité de la situation, de prendre dans l’urgence les mesures qui s’imposent pour que cette crise puisse être surmontée dans les meilleurs délais.

C’est cette volonté qui a présidé aux décisions arrêtées à l’occasion du Conseil européen du mois de juin. Le Conseil de demain veillera, je l’ai dit, à l’application de ces décisions et préfigurera celui du mois de décembre, à l’occasion duquel l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement prendront connaissance de la feuille de route d’Herman Van Rompuy, préparée en liaison avec les institutions européennes et les États, qui donnera un avenir à l’union économique et monétaire,…

M. Pierre Lellouche. Il était temps !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …jusqu’à l’union politique.

Je voudrais rappeler quels sont les sujets à l’ordre du jour du Conseil européen de demain, redire ce que nous en attendons et quel est notre agenda, avant de conclure en quelques mots sur la suite, c’est-à-dire sur les échéances ultérieures concernant l’avenir de l’union économique et monétaire.

Tout d’abord, quelques éléments sur les décisions arrêtées au mois de juin, à l’application desquelles nous devons scrupuleusement veiller. Nous nous étions fixé trois objectifs.

Le premier était l’engagement d’initiatives fortes de l’Union européenne en faveur de la croissance, parce que nous étions convaincus qu’il n’était pas possible de rétablir durablement les comptes publics sans de telles initiatives.

Nous avions également la volonté, deuxième objectif, de remettre de l’ordre dans la finance. Une grande partie des difficultés auxquelles les économies sont confrontées résulte d’actes multipliés de spéculation, qui justifiaient une remise en ordre durable, définitive, de la finance, pour que celle-ci soit au service de l’économie réelle et de la croissance plus que de la spéculation.

Enfin, troisième objectif, nous avions la volonté de renforcer la solidarité au sein de l’Union européenne, notamment dans la zone euro, pour que la solidarité monétaire et financière entre les pays de l’Union devienne un élément permettant de surmonter la crise.

S’agissant, tout d’abord, des initiatives de croissance, je vous confirme que le plan de 120 milliards d’euros est en cours d’exécution, et je souhaite profiter du présent débat pour faire un point précis sur son état d’avancement.

Nous avons, comme chaque État, en liaison très étroite avec la Commission, demandé à l’ensemble des secrétaires généraux pour les affaires régionales des préfectures de nous indiquer quelles étaient les enveloppes pouvant être mobilisées en France au titre de ce premier axe de mobilisation des fonds structurels, pour des projets susceptibles d’être mis en œuvre dans les meilleurs délais, afin qu’il puisse y avoir sans tarder des investissements réels, concrets en faveur de la croissance.

Les premières expertises de l’État montrent que près de 2,5 milliards d’euros, correspondant à un plancher et non à un plafond, peuvent d’ores et déjà être mobilisés pour accompagner dans les régions des projets concrets en faveur de la transition énergétique, du développement des transports, de l’équipement numérique des territoires, de l’innovation, du transfert de technologies, dans les filières d’excellence de notre industrie.

En ce qui concerne la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, le conseil d’administration de cette institution s’est réuni au mois de juillet, et les gouverneurs se réuniront de nouveau en décembre pour libérer en une seule fois les 10 milliards d’euros de recapitalisation, qui permettront de consentir 60 milliards d’euros de prêts, qui eux-mêmes enclencheront 120 milliards d’euros d’investissements. Cela me donne l’occasion de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un plan à 120 milliards mais à 240 milliards, qui représente 2 % du PIB de l’Union européenne et près de vingt-quatre mois de budget de la Commission puisque ce dernier, en cours de négociation pour la période 2014-2020, est de près de 1 000 milliards d’euros.

Enfin, s’agissant des obligations de projets, les eurobonds, 100 milliards d’euros ont été mobilisés pour des projets en faveur du transport, 130 milliards le seront pour des projets en faveur de l’énergie et de l’équipement numérique du territoire. Ces montants sont des moyens que nous mobilisons en garantie pour débloquer les obligations de projets à hauteur de 4,5 milliards d’euros. En liaison avec la BEI, la Commission et le commissariat général à l’investissement, nous sommes en train d’arrêter la liste des projets susceptibles d’être éligibles à l’ensemble de ces dispositifs.

Nous prolongerons cette ambition de croissance – il en sera sans doute question au Conseil de demain – par d’autres initiatives, d’autres instruments. Je pense notamment au budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, en cours de négociation. Nous n’avons pas la même approche de ce budget que le précédent gouvernement, puisque nous n’entendons pas imposer les mêmes coupes que celles envisagées par nos prédécesseurs, et nous souhaitons que la taxe sur les transactions financières soit l’occasion de doter ce budget de ressources propres pour que nous puissions, par-delà la politique agricole commune, à laquelle nous tenons, par le biais des fonds de cohésion, du budget en faveur de la recherche ou du financement des grands projets innovants de demain – ITER et GMES –, faire de la croissance durable en Europe.

Toujours pour prolonger l’ambition de croissance, nous avons également mis sur le métier – la question a été traitée lors du Conseil « affaires générales » d’hier – la volonté qui est la nôtre de faire respecter les principes du juste échange au sein de l’Union européenne. Il n’y a aucune raison d’ouvrir les marchés de l’Union à des industries provenant de pays qui n’ouvrent pas leurs marchés à nos propres industries. Nous souhaitons que le juste échange, qui permettra un développement du commerce international protecteur d’un certain modèle industriel en Europe, devienne une réalité.

Par ailleurs, à l’instigation du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, une lettre a été signée par sept ministres européens des affaires industrielles, invitant la Commission, laquelle a d’ailleurs fait une communication hier, à engager une nouvelle politique industrielle favorisant, dans nos filières d’excellence, les logiques d’innovation et de transfert de technologies, la formation des personnels, de manière que la compétitivité de l’industrie européenne passe aussi par la montée en gamme de ses produits.

Le deuxième sujet que nous avons souhaité traiter au mois de juin et qui sera demain à l’ordre du jour, c’est la remise en ordre de la finance. Vous savez qu’il a été décidé, au Conseil de juin, de créer un dispositif de supervision des banques. Ce dispositif doit permettre la supervision par la Banque centrale européenne de la totalité des banques de l’Union, afin d’éviter que les errements spéculatifs d’hier ne se reproduisent.

Ce travail doit encore être achevé. La Commission européenne a rendu public, le 12 septembre, les dispositions à caractère législatif qui permettront à cette supervision bancaire d’être mise en œuvre effectivement dans les semaines qui viennent, avant, nous l’espérons, la fin de l’année. Il reste quelques calages à opérer pour que le calendrier soit respecté. Nous nous attacherons à ce que le Conseil européen soit l’occasion de confirmer tant le dispositif que le calendrier.

La supervision bancaire est la première étape de l’union bancaire : nous devrons poursuivre l’action engagée par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts qui dotera l’Union européenne d’une union bancaire efficace garantissant la capacité des banques à financer durablement l’économie réelle davantage que la spéculation.

S’agissant toujours de la régulation de la finance, je voudrais évoquer l’envoi à la Commission d’un courrier signé par onze États et visant à mettre en œuvre, en coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons que cette taxe soit un instrument de régulation de la finance, mais permette aussi d’engager demain des actions en faveur du développement ou de fournir des ressources propres au budget de l’Union européenne pour qu’il puisse être durablement un budget de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Enfin des obligations européennes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Bien entendu, il reste beaucoup à faire pour que les décisions que nous avons prises se poursuivent et se prolongent. Vous savez qu’il était prévu, dès lors que la supervision bancaire serait mise en place, que le Mécanisme européen de stabilité puisse intervenir en recapitalisation directe des banques espagnoles, afin d’éviter que le gouvernement espagnol ne se trouve contraint de financer ses banques en devant affronter des taux d’intérêt extrêmement élevés sur les marchés financiers. Nous nous mobiliserons fortement pour que ce soit le cas, parce qu’une grande partie de la crédibilité des décisions de l’Union face aux marchés et face aux peuples dépend de la capacité des institutions européennes à respecter scrupuleusement les calendriers qu’elles se sont fixés elles-mêmes sur les sujets essentiels.

Le Mécanisme européen de stabilité a été approuvé par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Son conseil des gouverneurs s’est réuni le 8 octobre et le dispositif est désormais en vigueur ; cette recapitalisation est possible.

De même, la possibilité d’intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, par le biais de la mobilisation du Fonds européen de stabilité financière, a permis de faire baisser les taux d’intérêt et d’éviter des attaques spéculatives pendant l’été.

Le 6 septembre, la Banque centrale européenne a décidé d’intervenir sans limite sur le marché à court terme des dettes souveraines pour éviter de nouveaux phénomènes spéculatifs, ce qui aura permis de stabiliser la situation en Europe.

Il nous faut aller plus loin encore dans ce dispositif de pare-feu en renforçant la solidarité, et c’est le troisième sujet que je veux évoquer. Cela renvoie à la suite, à la feuille de route préparée actuellement par Herman Van Rompuy et à propos de laquelle nous prendrons connaissance d’un rapport d’étape demain, lors du Conseil européen.

Il nous faut réussir à trouver un équilibre entre trois objectifs.

Le premier, c’est la convergence des politiques budgétaires, garantie que la monnaie unique tiendra dans le temps. La mise en œuvre des dispositifs résultant du six-pack, et demain du two-pack et du TSCG, garantit qu’au sein de l’Union européenne, la convergence des politiques budgétaires sera rendue possible grâce à l’effort que feront les États pour maîtriser leurs comptes. Mais la maîtrise des comptes n’aura de sens que si elle permet davantage de solidarité, car leur rétablissement sans croissance ni solidarité serait une étape sans issue, une impasse pour l’Union européenne. Dès lors qu’il y a discipline budgétaire, il faut donc qu’il y ait aussi solidarité et croissance. Et si davantage de solidarité justifie demain davantage d’union politique, nous sommes bien entendu prêts, nous l’avons déjà dit, à franchir un pas vers davantage d’intégration.

Dans les documents qui nous ont été transmis figurent des éléments intéressants qui témoignent du fait que le combat que nous avons engagé pour la solidarité, pour la mutualisation, pour davantage de cohérence et de convergence commence à produire des résultats. Je pense notamment à la possibilité évoquée de mettre en place un fonds spécial pour la zone euro, qui permettrait d’alimenter des dispositifs de croissance, sans préjudice d’ailleurs des moyens mobilisés par les États eux-mêmes pour accompagner les politiques de cohésion ou la politique agricole commune à vingt-sept. La création de ce fonds est désormais envisagée comme une possible conclusion du prochain Conseil européen. J’évoquerai également les émissions de dettes à court terme. Celles-ci constituent une étape vers les euro-obligations dont on nous disait qu’elles n’étaient pas envisageables. Or les euro-obligations sont bien profilées comme une hypothèse de travail qui permettrait de conforter la solidarité.

Budget de la zone euro, émissions de dettes communes et mutualisation possible, demain, de ces dettes dès lors que la discipline budgétaire est là, autant de perspectives qui vont dans le sens de la réorientation pour laquelle le Gouvernement s’est mobilisé, et qu’il entend poursuivre en profitant du Conseil européen des 18 et 19 octobre comme d’une opportunité nouvelle.

J’insiste sur le fait, et je conclurai par là, que ce que nous faisons pour que l’Europe approfondisse sa réorientation, qu’elle aille plus loin dans la solidarité et dans la croissance, n’aboutira que si nous parvenons à articuler demain le pilotage de la zone euro en mettant en place des mécanismes permettant une concertation accrue entre les pays qui la constituent. Je pense bien entendu à des sommets plus réguliers de la zone euro et à un renforcement du rôle du président de l’Eurogroupe en vue d’assurer une meilleure coordination des décisions et des politiques.

Mais il faut aussi que ce que nous faisons à dix-sept ne soit pas orthogonal par rapport à ce que nous faisons à vingt-sept dans le cadre du marché unique afin qu’il y ait de la croissance pour tous les pays. Nous devons trouver cette articulation. La feuille de route d’Herman Van Rompuy la profile de façon intelligente et astucieuse, et c’est autour de ses orientations, dans le respect de nos partenaires et dans la volonté d’une relation équilibrée avec l’Allemagne, que nous abordons ce Conseil européen. Ce doit être à la fois un Conseil de consolidation de la réorientation engagée au mois de juin, sous l’impulsion du Président de la République, et une étape annonciatrice de ce qui pourrait se faire demain, à l’occasion notamment du Conseil de décembre. Il s’agira alors, à travers la version définitive de la feuille de route qui nous engagera durablement vers l’avenir, de définir les conditions dans lesquelles nous irons plus loin vers la croissance, vers la solidarité, vers la coordination des politiques économiques et monétaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, mon groupe ne partage pas – vous le comprendrez, monsieur Cazeneuve – la vision angélique de l’action du Gouvernement que vous venez d’exposer.

Pour la troisième fois en moins de quinze jours, nous nous retrouvons pour débattre des questions européennes. Il faut reconnaître que le sujet européen est au cœur de nos préoccupations depuis déjà de très longs mois.

Tout d’abord, il y a eu la campagne électorale pendant laquelle vous nous avez expliqué à longueur de discours, mes chers collègues de l’opposition d’alors, qu’il fallait mettre fin à l’ère « Merkozy ». Heureusement qu’il était solide ce couple car, au paroxysme de la crise, lorsque beaucoup avaient perdu leurs repères, il faisait face.

M. Jean Glavany. Il y en a un qui cédait tout à l’autre !

M. Bernard Deflesselles. Vous nous avez dit ensuite – gonflant vos muscles – que vous alliez renégocier le traité que vos prédécesseurs avaient mis des mois à négocier et à signer, et qu’on allait voir ce qu’on allait voir… Mais on n’a rien vu ! (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour reprendre une phrase bien connue, vous sautiez sur vos chaises comme des cabris en disant « l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! » mais, au final, vous vous êtes déchirés sur le traité constitutionnel.

Après six mois de présidence Hollande, à la veille de ce nouveau sommet européen, où en sommes-nous ?

Le groupe majoritaire est divisé, vous en avez fait l’éclatante démonstration il y a peu ; la majorité est divisée – peut-on d’ailleurs parler de majorité lorsque l’on voit l’attitude des Verts et du Front de gauche ? Vous connaissez la formule de Voltaire : « Gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! ».

Le vote de la semaine dernière sur la ratification du traité en témoigne : reconnaissons à nos collègues de la majorité qui ont voté contre cette ratification qu’ils ont bien eu conscience de l’imposture : pas une virgule du traité n’a été modifiée.

Et ce ne fut pas la seule imposture ! Le pacte pour la croissance et l’emploi que vous nous survendez depuis des mois, monsieur le ministre, et encore à l’instant, pour tenter de masquer vos renoncements, ne fait que reprendre et compléter des projets, des programmes déjà existants. C’est en fait un simple codicille sans grande portée. Les 120 milliards promis ne sont qu’un banal recyclage de crédits, quelques-uns d’ailleurs émanant des fonds structurels européens. Tout au plus ce codicille a-t-il permis de mettre un peu d’ordre dans les nombreux méandres européens.

M. Bernard Roman. Tout de même !

M. Bernard Deflesselles. Alors, si vous voulez vous gargariser, mes chers collègues, d’une réorientation de la politique européenne comme je viens encore de l’entendre – « Vaste programme ! » aurait dit un célèbre homme d’État –, faites-le, libre à vous ! Mais personne n’est dupe !

Enfin, vous n’avez eu de cesse, depuis six mois, d’affaiblir le couple franco-allemand, dont tous s’accordent à dire qu’il est le moteur de l’Union. Les échanges aigres-doux que vous avez eus hier, monsieur le ministre, avec votre homologue allemand, Michael Link, au sujet des euro-obligations et de la supervision bancaire de la zone euro montrent une fois de plus que le fossé se creuse dangereusement entre nos deux pays. Vous vouliez vous débarrasser du couple Merkozy, mais ne vous en déplaise, Angela Merkel est toujours là et il faudra composer avec elle ! Vous ne pouvez pas paralyser l’Union parce que la couleur politique de vos partenaires vous déplaît. C’est contraire à tout ce que les prédécesseurs de François Hollande ont accompli.

M. Bernard Accoyer. Évidemment !

M. Bernard Deflesselles. Pour compléter ce bien pauvre bilan, nous avons assisté la semaine dernière, en direct, à l’échec d’un vrai projet en matière de défense européenne : la fusion EADS-BAE. Monsieur Cazeneuve, vous qui avez siégé à la commission de la défense, vous savez de quoi je parle : c’était un projet de souveraineté et de politique industrielle, un projet européen qui faisait sens. Lorsque l’Eurogroupe l’a annoncé, nous avons eu droit à un communiqué laconique prenant acte et annonçant que le Gouvernement se prononcerait le moment venu… Ce moment n’est apparemment jamais venu ! L’échec du projet symbolise votre manière d’agir ou plutôt de ne pas agir : aucune initiative, un flou permanent et une absence de prise de décision.

Aujourd’hui, vous persévérez à envoyer de bien mauvais signaux.

Tout d’abord, le débat du 2 octobre dernier sur les nouvelles perspectives européennes nous a tous laissés sur notre faim. Nous n’y avons vu qu’un Premier ministre pressé d’en finir avec la ratification d’un traité maintes fois dénoncé par vos amis pendant toute la campagne électorale, et nous attendons toujours les nouvelles perspectives !

M. Pascal Popelin. Parlez-nous de l’Europe !

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le ministre, où sont les réponses de notre pays aux propositions du groupe sur le futur de l’Europe créé au début du printemps par le ministre des affaires étrangères allemand ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Sûrement pas à l’UMP !

M. Bernard Deflesselles. Quelle est la position de la France sur la démocratisation générale du système européen ? Quelle est sa position sur l’élection du président de la Commission au suffrage universel et sur la création d’une véritable armée européenne ? Pendant que vous appeliez un à un vos députés récalcitrants et frondeurs à rentrer dans le rang, nos partenaires, eux, réfléchissaient et proposaient !

Par ailleurs, je doute qu’en ces moments difficiles pour tous, ils apprécient vos déclarations, monsieur le président de l’Assemblée, sur le respect « absurde » de la règle consistant à ramener le déficit à 3 %. Chers collègues, quelle cacophonie ! Quel signal envoyé à nos partenaires européens, la veille d’un sommet aussi délicat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Heureusement que le ministre du budget, sans doute plus conscient que vous des effets désastreux de telles déclarations, s’est évertué tout récemment à nous expliquer ce que le président de l’Assemblée voulait vraiment dire.

Enfin, ultime mauvais signal envoyé par le Gouvernement, le décrochage manifeste de notre pays : décrochage économique, décrochage de la croissance et décrochage de la compétitivité. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Leroy. Qu’avez-vous fait durant dix ans ?

M. Bernard Deflesselles. Le budget que nous avons commencé à examiner hier en témoigne. Alors que tous nos partenaires s’imposent des efforts de redressement et procèdent à des réformes structurelles, la France prend des décisions altérant la compétitivité de ses entreprises, tout en ne diminuant pas suffisamment la dépense publique et en matraquant fiscalement les Françaises et les Français de toutes conditions. Après le choc de compétitivité promis, espéré, attendu… on évoque aujourd’hui une « trajectoire de compétitivité ». Quelle litote ! Espérons juste que cette fameuse trajectoire ne soit pas synonyme de décrochage de compétitivité, à l’instar de la courbe de vos sondages.

Seul rayon de soleil dans cette actualité – mais vous n’y êtes pour rien – : le comité Nobel a décidé, de manière très symbolique, de récompenser la vision, l’action et le travail de tous les promoteurs de la construction européenne. Prenons ensemble cette distinction pour ce qu’elle est : la célébration d’une formidable inspiration née sur un champ de ruines, un modèle de dialogue et de politique pacifique, certes imparfait, mais un modèle tout de même. Ne boudons pas notre plaisir, mes chers collègues, tels des enfants gâtés. Oui ! l’Europe a dit des choses. Oui ! l’Europe dit encore des choses. Oui ! l’Europe aura encore à dire des choses sur l’incroyable volonté commune de construire ensemble un avenir.

Ce prix nous engage.

Nous le savons tous, notre continent traverse des difficultés majeures. Paradoxalement, elles nous ont permis de réaliser qu’il nous est impossible d’y répondre seuls.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, demain et vendredi se tiendra un nouveau Conseil européen. L’ordre du jour sera quasi exclusivement économique puisqu’y seront évoqués, outre la mise en œuvre du pacte pour la croissance et l’emploi, le cadre financier intégré avec la mise en place d’un mécanisme de surveillance unique et la recapitalisation directe des banques. Les conclusions du sommet devraient de nouveau insister sur la nécessaire légitimité démocratique et l’obligation de rendre des comptes dans un cadre budgétaire intégré. Nous serons appelés à adopter le paquet législatif relatif à la surveillance budgétaire – le two-pack – d’ici à la fin de l’année.

Le groupe UMP se réjouit de savoir que le Président de la République se rendra à ce sommet avec l’acquis de la ratification par la France du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de la zone euro. Nous nous félicitons d’avoir, dans notre immense majorité, adopté ce traité que le président Nicolas Sarkozy a longuement négocié et signé. C’est en effet une excellente nouvelle pour nos partenaires européens qui voyaient avec une inquiétude certaine – nos collègues CDU du Bundestag nous l’ont dit la semaine dernière – les tergiversations de la nouvelle majorité à ce sujet.

M. Jean-Yves Caullet. Ils doivent pourtant avoir d’autres soucis !

M. Bernard Deflesselles. L’essentiel est maintenant fait ; c’était l’étape primordiale qu’il fallait franchir. Vous aurez à appliquer et à mettre en œuvre le travail que nous avions au préalable réalisé.

Mais la France a-t-elle encore une voix qui porte en Europe ?

M. Arnaud Leroy. Quelle mauvaise foi !

M. Bernard Deflesselles. Y a-t-il un cap ? Y a-t-il une vision ? Y a-t-il un souffle que vous puissiez transmettre à nos compatriotes ?

Nicolas Sarkozy n’est plus là pour servir de bouc émissaire. Vous êtes maintenant, monsieur le ministre, avec le Premier ministre et avec le Président de la République, face à vos responsabilités, responsabilités imminentes, responsabilités de faire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. On ne vous a pas attendu !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Bernard Deflesselles. Je conclus, monsieur le président (« Il serait temps » sur les bancs du groupe SRC.) Nos partenaires ne nous attendront pas pour avancer. Qu’avons-nous à leur dire ? Qu’avez-vous, monsieur le ministre, messieurs les députés de la majorité, à leur dire ? Là, est la seule question qui vaille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gilles Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires européennes, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, avant de vous présenter la position de notre groupe, je voudrais à mon tour me réjouir de l’attribution du prix Nobel à l’Union européenne et m’associer à l’hommage qui lui est ainsi rendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Eh oui, chers collègues de l’opposition, vous n’avez pas l’exclusivité de l’Union : quand elle s’est créée le général de Gaulle y était hostile, souvenez-vous ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je comprends que ce rappel vous dérange. Si nous pouvons avoir des sensibilités différentes, il demeure évident que l’Union européenne est une merveilleuse réussite politique en faveur de la paix : ma génération est sans doute la première depuis le fond des âges à n’avoir jamais connu la guerre sur le continent. C’est un prix Nobel qui est bienvenu, je le pense au nom de tous les Européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour quelqu’un qui a siégé dix ans au Parlement de Strasbourg, c’est une aventure singulière que de se retrouver à cette tribune. L’orateur précédent a envie de nous voir échouer. Il veut montrer qu’il n’est pas d’accord avec la France qui est aujourd’hui incarnée par un gouvernement d’une autre tendance que la sienne, alors que nous, au Parlement européen, nous avions l’habitude d’unir nos forces pour faire en sorte que l’intérêt national soit préservé et que nous puissions amener nos gouvernements dans les meilleures dispositions possibles au moment des discussions difficiles du Conseil.

Mon cher collègue, j’ai été surpris par le manichéisme de votre intervention que je reprendrai point par point. Que vous l’ayez vu ou non, bien des choses ont bougé depuis le mois de juin dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

D’abord, nous avons obtenu 120 milliards d’euros, avec un effet de levier considérable sur les financements. C’est toujours plus que ce que vous n’aviez pas obtenu ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît.

M. Gilles Savary. En deuxième lieu, nous avons introduit du pluralisme par rapport à la dyarchie qui régnait au sein du Conseil. Si cela vous a échappé, chers collègues, M. Monti, qui n’est pas spécialement socialiste, a très vite rallié M. Hollande. M. Rajoy, la semaine dernière, a expliqué les raisons de son soutien au président français. Et même, deuil pour ce qui vous concerne, Mme Lagarde nous a envoyé un message de Tokyo pour expliquer que, en effet, il fallait que l’on soutienne absolument la croissance du continent européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Jusqu’à présent, quelles étaient les initiatives ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Accoyer, je vous en prie, vous n’avez pas le privilège de la vocifération ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons commencé ce débat dans de bonnes conditions, nous allons le poursuivre de même.

M. Gilles Savary. Nous abordons un Conseil extrêmement important, d’abord parce qu’il s’agit de mettre en œuvre le pacte pour la croissance et l’emploi. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Seul M. Savary a la parole.

M. Gilles Savary. S’agissant du pacte, le groupe socialiste souhaite que les collectivités territoriales soient associées le plus étroitement possible, comme M. Cazeneuve l’a suggéré, à la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, qu’elles utilisent souvent mal. Nous souhaitons surtout être associés le plus étroitement possible au redéploiement du Fonds européen de développement régional et du Fonds social européen, c’est-à-dire de ces 55 milliards d’euros.

Nous souhaitons que les project bonds soient mobilisés pour le financement des importants projets du schéma national des infrastructures terrestres, que nous ne sommes pas capables de financer seuls car ils s’élèvent à 260 milliards d’euros.

Nous aurons aussi à examiner les conclusions préliminaires du rapport Van Rompuy : ajouter aux efforts de la Banque centrale européenne et, désormais, du Mécanisme européen de stabilité pour essayer de mutualiser les dettes, ce qui pourrait être l’esquisse d’un budget de la zone euro. Nous n’y sommes pas à priori hostiles, mais ce budget de la zone euro pose des problèmes qu’il convient de traiter avec beaucoup de discernement et de prudence avant que nos conclusions définitives ne soient rendues.

Premier problème : comment s’articulera-t-il avec le budget de l’Union européenne ? Nous ne voudrions pas que ce projet offre à certains dirigeants l’occasion d’expliquer que les perspectives financières de l’Union doivent être moindres ou moins ambitieuses. C’est notre souci car nous devons défendre le budget de l’Union pour soutenir les politiques structurelles, à commencer par la politique agricole commune et la politique industrielle.

Deuxième objection : comment sera assuré le contrôle démocratique de ce budget supplémentaire ? Qui le contrôlera ? Ces interrogations ne nous permettent pas de prendre une position définitive sur le sujet.

Autre proposition du rapport Van Rompuy : la mise en place de contrats de réformes structurelles avec chaque État membre, ce qui, d’une certaine façon, revient à pointer les limites du semestre européen et des procédures existantes. Nous n’y sommes pas hostiles non plus, mais nous en mesurons quand même les limites, compte tenu de ce qui se passe en Grèce : ce pays a effectivement des difficultés à mettre en place les contreparties de politiques structurelles qui lui sont demandées.

En revanche, nous souhaitons que l’union bancaire soit finalisée le plus rapidement possible. Vous savez qu’un État membre, et non des moindres, s’y oppose : l’Allemagne. Nous espérons que, les uns et les autres, nous mettrons toute notre influence à la convaincre de finaliser cette union bancaire qui est essentielle.

En écho au FMI, nous devons faire en sorte que l’Europe ne sombre pas dans la récession, ce qui serait un motif supplémentaire de rejet par les peuples et probablement une source de grands désordres sociaux et politiques. Aussi souhaitons-nous que toutes les souplesses permises par les traités sur la surveillance budgétaire soient mises en œuvre avant que la ligne rouge de la récession ne soit franchie. Il ne faut pas être dogmatique en matière de surveillance et d’assainissement budgétaire, même s’il faut nous désaliéner de la finance. Actuellement, tout endettement supplémentaire est un pouvoir de plus donné à la finance sur nos budgets publics. Cependant, l’indispensable effort doit être équilibré de façon que, si nous en avons besoin, comme jadis avec le pacte de stabilité, nous puissions soutenir la croissance.

Nous devons surtout encourager notre président à demander à ce que les perspectives financières soient ambitieuses. Le mécanisme européen d’interconnexion, qui doit faire passer le budget des grands réseaux de transport de 8 à 31 milliards d’euros, doit absolument être soutenu par la France.

Nous devons réussir à mettre en place de nouvelles ressources propres, en particulier la taxe sur les transactions financières, que nous réclamons depuis vingt ans, souvent sous les sarcasmes. Cette taxe pourrait enfin voir le jour puisque onze États membres y sont favorables, alors que l’assentiment de neuf États suffisait. Tout ou partie de cette taxe doit être versé au budget de l’Union européenne.

Nous devons mettre en place les euro-obligations, qui sont souhaitées par le président français et qui seraient un outil puissant puisque l’Union européenne n’est pas endettée à l’heure actuelle. Ces euro-obligations pourraient créer un choc de relance sur la base d’une politique comme celle préconisée par l’ensemble des économistes mais aussi par le FMI et la Banque mondiale, ainsi que l’indique le message envoyé de Tokyo par Mme Lagarde. De Tokyo, on voit bien que c’est la zone euro qui s’enfonce et qui est en difficulté.

Mes chers collègues, nous n’avons pas le sentiment que nous sommes sortis d’affaire. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) La crise grecque est encore là. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Gilles Savary. Puisque la relance n’est pas suffisante pour la soutenir, nous avons absolument besoin de convaincre certains États membres, comme nous avons convaincu M. Monti ou M. Rajoy, qui sont maintenant derrière la France. Certains États membres, dont vous vous recommandez en permanence dans l’opposition, ne veulent offrir que de l’austérité aux Européens. Or tout le monde constate que l’austérité risque de nous enfoncer dans une crise qui détruirait l’Union européenne elle-même. Il est très important que vous nous aidiez à les convaincre puisque vous revendiquez leur amitié particulière. Il est très important qu’à côté d’une politique d’assainissement budgétaire, l’Europe mette en place une politique de relance.

Mes chers collègues, d’un mot je voudrais…

M. le président. Conclure, monsieur le député.

M. Gilles Savary. …dire ce qui nous menace et conclure.

Nous sommes menacés par la récession, si nous n’y prenons garde, mais aussi par le rejet des peuples. Les politiques de l’Union doivent donc préserver le plus possible ce qui, dans le budget européen, concerne très directement les peuples : les fonds structurels, qui doivent absolument continuer à profiter à nos régions, nos communes et nos départements. Alors que l’orientation précédente privilégiait la PAC, nous voulons défendre aussi les fonds structurels. Il est très important que le FEDER et le FSE continuent à irriguer nos circonscriptions, que nous gardions Erasmus, les programmes pour la jeunesse.

M. le président. Il faut vraiment conclure.

M. Gilles Savary. J’en termine. Il est très important que nous gardions les programmes pour les banques alimentaires et que nous ouvrions très vite une grande réflexion sur la démocratisation de l’Union.

Plusieurs députés du groupe UDI. Au suivant !

M. Gilles Savary. Telle est, mes chers collègues, la position du groupe SRC. Le suivant va bientôt vous éclairer de ses lumières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Henri Plagnol. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le Président de la République a tout récemment émis un pronostic hasardeux, disant que nous étions « tout près de sortir de la crise de la zone euro ».

M. Jean-Paul Bacquet. D’autres ont parlé de sortie du tunnel !

M. Henri Plagnol. Nous souhaitons tous, au-delà de nos divergences, que le Président de la République ait raison. Mais à la veille d’un Conseil européen crucial, force est de constater que, pour le moment, la crise est là, qu’elle s’aggrave, que les Français en souffrent et que beaucoup de peuples européens en souffrent encore davantage.

Le devoir de la France, monsieur le ministre des affaires européennes, c’est d’arriver à la table du Conseil avec une parole claire et une feuille de route forte. Pour cela, il faut d’abord mettre en œuvre sans tarder ce qui a déjà été décidé : union bancaire, union économique, véritable gouvernement de la zone euro. Telle est l’urgence.

Maintenant que vous avez enfin ratifié le traité, cessez de vous adresser à votre majorité dont une partie, nous le savons, est hostile à l’Europe (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et tenez un discours franc à vos partenaires.

M. François Rochebloine. Voilà !

M. Henri Plagnol. La première condition est que la France cesse d’avoir une trajectoire nationale divergente de celle de tous les autres pays de la zone euro.

Que font les autres gouvernements confrontés aux mêmes nécessités, parfois encore même plus durement ? Ils mettent en œuvre des réformes de compétitivité qui créent de vrais leviers de croissance à terme. Ils ne se contentent pas de matraquer à coup d’impôts pour colmater les brèches. Si vous voulez aller vers une harmonisation fiscale et sociale, c’est cela le chemin courageux qu’il faut prendre. Il n’y en a pas d’autres.

La deuxième condition, c’est d’arriver avec des propositions communes avec l’Allemagne. C’est la règle d’or de tous les Conseils européens. Il est temps de vous inscrire dans la continuité de cette histoire extraordinaire qui fait du couple franco-allemand l’élément moteur de l’Europe. Arrêtons les petits jeux, les ni-ni, les prétendues positions de synthèse qui déconcertent nos partenaires, à commencer par l’Allemagne.

La troisième condition, et je m’y arrête parce que c’est un des fondements mêmes de l’Union des démocrates et indépendants, c’est de ne plus être à l’arrière-garde de l’Union mais à l’avant-garde.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Henri Plagnol. La France doit être la locomotive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) La France, fidèle à sa vocation historique, doit dire banco à ceux de nos partenaires, nombreux, qui sont prêts à aller enfin vers une union fédérale.

La seule méthode face à la crise, si vraiment le Président de la République veut en sortir vite – et je n’ai aucun doute sur notre sincérité à tous dans ce domaine –, c’est plus d’Europe, et vite. C’est que l’Europe ait enfin les leviers budgétaires et politiques qui lui sont nécessaires, ainsi qu’une co-souveraineté. C’est ainsi que nous serons à la hauteur du prix Nobel de la paix.

Par cette décision, le jury du prix Nobel a voulu montrer au monde entier que l’Europe était une entreprise unique, où des États tournent le dos à la guerre pour aller vers un partage de souveraineté exemplaire sur le plan de la démocratie – car je rappelle qu’il n’y a à la table du Conseil que des chefs d’État élus, responsables devant des parlements élus.

La France, dont c’est encore une fois la vocation, et je le dis avec émotion, doit continuer d’éclairer l’histoire de l’Europe. Parler vrai, parler fort, parler européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames les présidentes des commissions, mes chers collègues, que ce Conseil européen ne se présente pas comme une énième réunion de la dernière chance est en soi un bon signe. Cela signifie que les décisions prises en juin dernier, sous l’impulsion française notamment, ont permis de faire sortir l'Union européenne d’une logique du fonctionnement par à-coups et de revenir à une gestion plus cohérente des affaires.

Nous formulons le vœu que cette gestion devienne régulière, comme le préconise le Président de la République. Il faut sortir enfin de cette succession de rendez-vous formels qui sont trop souvent autant de déceptions pour entrer dans un pilotage au long cours de l'Europe.

Ce sommet sera-t-il l'un des derniers du genre ? Nous l'espérons. Pour autant, il ne sera pas sans enjeux. Il y a d'abord ce rapport du président Van Rompuy, qui comporte quelques opportunités à saisir mais beaucoup d'hypothèques à lever. Nous ne nous faisons pas d'illusions excessives sur cet exercice de style, incomplet, qui ne constitue qu'une base de travail dont la conclusion ne sera pas écrite demain ni après-demain.

C’est plutôt sur les autres enjeux de ce sommet que je souhaite, au nom des écologistes, vous dire quelques mots.

Disons-le tout net : au cours des dernières semaines, le climat a changé. Aux avancées techniques obtenues en juin s'ajoute désormais une conscience de plus en plus répandue du danger que ferait connaître à nos économies – et aux comptes publics, c'est un comble ! – la tentation de l'austérité généralisée. Que Mme Lagarde, qui n'est pas réputée pour ses convictions keynésiennes, …

M. François Sauvadet. Qu’en savez-vous ?

M. Guy Geoffroy. C’est une interprétation !

Mme Barbara Pompili. …reconnaisse elle-même cette impasse est le signe de cette prise de conscience.

Si la rigueur est un impératif que nous devons collectivement assumer, l'austérité est sans avenir. L'Europe doit en tirer les conséquences. Cela suppose en premier lieu que les avancées arrachées en juin dernier soient confortées pour les unes, mises en œuvre pour les autres.

Ainsi, l'engagement que les conditions de la mise en œuvre des aides européennes n'aillent pas au-delà des recommandations déjà émises par la Commission européenne doit être rappelé. La situation espagnole demeure critique, tout le monde en convient, et les réticences ibériques à déclencher l'aide européenne demeurent fortes. Elles retardent la sortie de crise de l'Espagne, paralysent son économie et ont des conséquences pour nous tous.

Ces réticences sont certes le fruit d'un choix politique national, d'ordre idéologique. Mais ce choix politique ne vient pas de nulle part. Il puise sa justification dans une crainte qu'il faut entendre, et à laquelle il faut répondre : celle de voir le déclenchement du mécanisme d’aide assorti de conditions insupportables pour une société déjà extrêmement éprouvée par la crise, pour une économie que l'austérité a plongée dans la récession. Les décisions annoncées en juin avaient commencé à desserrer l’étau. Le sommet de demain doit dissiper définitivement cette menace de garrot budgétaire.

Rappeler les avancées de juin sera donc essentiel, mais pas suffisant. Il faut donner des signes, il faut rappeler un cap. De ce point de vue, rappelons que l'octroi d'un délai supplémentaire à la Grèce ne doit pas être vu comme une faiblesse, mais bien comme un acte de retour à un réalisme économique salvateur. Sans doute la question de la Grèce ne sera-t-elle pas réglée en un jour. Mais les décisions de novembre se préparent aujourd'hui et rien ne serait pire que de donner le sentiment, par des déclarations intempestives, d'ajouter des conditions aux conditions.

Chacun sait que l'Allemagne entre en année électorale, période qui n’est pas des plus propices à la construction de solutions durables. Raison de plus pour ne pas entrer dans des discussions qui ne seraient que des leurres et pour se concentrer sur la mise en œuvre effective des décisions annoncées. Je veux bien entendu parler de la question de la supervision bancaire, avancée majeure de juin, qui semble aujourd'hui marquer le pas.

S'il est une attente que nous avons, avant ce Conseil, c'est bien celle-là : préparer sans tergiverser plus longtemps un accord sur la supervision bancaire, qui aboutisse avant la fin de l'année. Les conditions d'une adoption rapide de la législation – début 2013 – doivent être réunies afin que la BCE devienne réellement le superviseur des banques européennes.

Lors du débat sur la déclaration générale du Premier ministre, il y a quinze jours, je vous avais indiqué clairement la manière dont, sur ces questions européennes, les écologistes entendaient se positionner. Nous aspirons à un autre fonctionnement de l'Europe et à un vrai saut fédéral démocratique. Mais nous savons que nous n'en sommes pas là. Compte tenu des modalités de fonctionnement actuelles de l'Union, aux grandes déclarations nous préférons les pas en avant, aux incantations les résultats concrets.

C'est donc essentiellement sur ces deux questions du rappel des conditions de déclenchement des plans d’aide et de la supervision bancaire que nous appuyons notre soutien à l'action de la France et que nous jugerons de l'utilité ou non de ce Conseil européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, François Hollande doit se rendre au Conseil européen demain et après-demain avec détermination et ambition pour l'avenir de l'Europe.

La détermination qu'on lui connaît doit également prendre sa source dans la récente ratification par le Parlement du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire.

La France était attendue par ses partenaires européens. Elle n'a pas déçu. Le vote, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, a été clair et sans équivoque. Il a démontré que nous voulions non pas plus d'Europe, mais mieux d'Europe, avec un horizon, un idéal fédéral et des compétences nationales transférées vers l'Union.

Je pense bien sûr à la diplomatie et à la politique étrangère – et nous saluons à ce propos l’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.) Je pense à une défense et à une politique environnementale communes, à une coopération décentralisée qui serait mutualisée, à la création de grands services publics européens.

Je pense surtout, car c'est l'objet même du débat actuel, à une politique économique et financière commune. Mais elle ne peut se construire sans un traité social, sans des minima sociaux européens pour une Union qui doit être plus solidaire et plus démocratique.

Certes, la construction européenne avance à petits pas, mais elle avance, avec le TSCG et son codicille. C’est bien là l'essentiel. Le vote du traité a également prouvé au Président de la République qu'une majorité de gauche s'était dégagée dans notre assemblée. Il me semble, mais je sais que le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, l’avez remarqué, que le vote des députés radicaux de gauche a été important. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.) Il a même été plus qu'important, il a été déterminant.

Le vote du traité a montré enfin qu'au-delà d'un texte imparfait il y avait une forte réorientation politique tendant, au-delà de la nécessaire discipline budgétaire, à la relance économique, au travers du pacte de croissance.

Il y a une prise de conscience pour changer les méthodes d'action. La sortie volontaire de la Banque centrale européenne d'une neutralité à effet mortifère en est également l'expression. Le choix opportun du président Draghi d’autoriser le rachat de titres de dette d'États de la zone euro sans fixer de limite quantitative, couplé au préalable avec le Mécanisme européen de stabilité installé officiellement depuis neuf jours, montre bien qu'une autre voie est possible.

Sur ce point encore, il est temps que l'Europe se donne enfin la possibilité d'intervenir sur les marchés financiers, au même titre que la Réserve fédérale américaine ou la Banque de Chine.

La détermination du Président de la République doit également se lire dans ses relations avec les autres chefs d'État ou responsables gouvernementaux européens. Le rapport avec l'Allemagne, qui reste le socle de la construction européenne, doit être respectueux et équilibré. Un rapport qui concilie la discipline et la solidarité. Un rapport plus synallagmatique, comme diraient les civilistes, fait d'obligations réciproques et évitant l'égoïsme et le repli sur soi.

Là encore, l'action de François Hollande est visible. La confiance que nous lui portons, ainsi qu’au Gouvernement, ne nous laisse aucun doute sur la détermination dont il fera preuve en cette fin de semaine – ainsi que vous, monsieur le ministre.

M. Maurice Leroy. Restez prudent !

M. Thierry Braillard. Les élus du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont tout aussi confiants dans la mise en place de la nouvelle architecture institutionnelle de la zone euro pour garantir sa stabilité financière.

C'est d'ailleurs le principal objet de ce Conseil européen. Comme je le disais en introduction, il faut de la détermination, mais également de l'ambition. Une double ambition : répondre au présent de l'Europe économique et financière et préparer l'avenir de l'Europe sociale.

Dès demain, il faudra poursuivre la mise en œuvre d'une véritable union économique et monétaire, avec une feuille de route précise et des actions à respecter jusqu'au sommet européen des 13 et 14 décembre.

Les avancées de cette feuille de route doivent permettre d’abord la création d'un cadre financier intégré, avec une autorité de surveillance, ensuite la création d'une autorité de résolution commune, dotée d'un mécanisme de soutien approprié, et enfin l'harmonisation des systèmes nationaux de garantie des dépôts, avec des normes communes. Toutes choses qui ne sont pas simples à obtenir, puisqu’elles restent à ce stade des compétences nationales. Mais il faut enclencher une mise en place graduelle de cette union bancaire, et c’est un des objectifs de ce Conseil européen.

Nous ne doutons pas de votre détermination et de vos ambitions. Et, comme le rappelait récemment Antonio Vitorino, président de Notre Europe - Institut Jacques Delors, au-delà des urgences de court terme, il faut surtout prolonger le rêve des pères fondateurs en affirmant plus clairement que, pour l'Europe dans la mondialisation, seule l'Union fait la force. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Je voudrais commencer en rappelant un événement qui s’est déroulé il y a cinquante et un ans. Le 17 octobre 1961, une répression brutale s'abattait dans les rues de Paris. Une violence inouïe frappait des dizaines de milliers de manifestants algériens pacifiques parce qu’ils protestaient contre un couvre-feu injuste. Sur les ordres du sinistre Papon, 11 000 personnes furent arrêtées par la police française, enfermées, torturées. Des militants furent même achevés dans la cour de la préfecture de police. Combien de victimes ? Tout ce qu’on sait, c’est que les chiffres officiels ont évidemment menti pendant des dizaines d’années.

Il est temps que la France reconnaisse officiellement ce massacre. Il est temps d’adresser ce geste de concorde au peuple algérien, ce peuple ami.

Nous déposons aujourd’hui une proposition de résolution pour que le Parlement français procède à cette reconnaissance. Nous attendons du gouvernement de gauche un acte fort en ce sens. Peut-être, monsieur le ministre des affaires européennes, aurez-vous tout à l’heure un commentaire à faire sur mes propos.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. François Asensi. Je ne m’éloignais pas du sujet inscrit à notre ordre du jour en évoquant ces événements et cette proposition de résolution, car je crois que tout acte de justice nous rapproche de l’Europe, que tout acte de justice est consubstantiel à la construction européenne.

Or celle-ci avance comme un navire à la dérive. À marche forcée, l’Union européenne poursuit sa course folle vers l’austérité, sans voir que cette austérité nous mène droit à la récession, à un chômage encore plus massif, à une aggravation de la pauvreté sans précédent depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Le prochain Conseil européen, consacré à la mise en œuvre du famélique pacte de croissance et au projet d’approfondissement de l’union économique et monétaire, accentuera encore la soumission de l’Europe aux diktats de la finance.

Une réalité s’impose : la France est en échec pour promouvoir une réorientation de l’Europe. Comment interpréter autrement, messieurs les ministres, le ralliement de votre gouvernement au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance rédigé par M. Sarkozy, Mme Merkel et les libéraux européens ?

L’Europe économique va droit dans le mur. Le prochain Conseil européen doit tirer le bilan, enfin, de l’échec des politiques d’austérité.

Après neuf plans d’austérité en Grèce, et des sacrifices considérables imposés par la troïka aux jeunes, aux retraités, aux fonctionnaires, l’endettement ne fait qu’augmenter.

En France, l’objectif de réduction du déficit à 3 % du PIB, qualifié d’intenable par de nombreux membres de votre majorité, pourrait entraîner 300 000 chômeurs supplémentaires, soit un nombre trois fois supérieur à celui des emplois d’avenir.

L’Europe a besoin d’investissements pour relancer la politique industrielle, l’emploi, le progrès social. Las, le traité budgétaire l’interdit en gravant l’austérité dans le marbre.

Annexé à ce corset budgétaire, le pacte de croissance européen est une goutte d’eau. Que représentent les 15 milliards de project bonds et de recapitalisation de la BEI face aux 240 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques imposés par les mesures d’austérité partout en Europe ? Le premier objectif inscrit dans ce pacte de croissance est l’assainissement budgétaire. La lutte contre le chômage n’est que le quatrième.

Cessons les doubles discours ! Le budget 2013 de l’Union européenne est tout sauf un budget de relance. Amputé par les coupes franches des États membres, ce budget ne suffira même pas à honorer les engagements, chacun le sait.

Le président de la commission du budget du Parlement européen a annoncé que le Fonds social européen était en cessation de paiements. Des programmes aussi fondamentaux que le programme Erasmus ou le programme pour la recherche et l’innovation sont remis en cause. Le continent européen a cessé d’être un espace de progrès, et le modèle social européen se réduit comme une peau de chagrin.

Malgré cela, les dirigeants européens proposent de prolonger une Europe soumise aux marchés financiers, à travers l’approfondissement de l’union économique et monétaire et la renégociation des traités. Disons-le clairement : c’est hors de propos !

À la place du beau rêve européen, l’Europe des comptables, des financiers et des technocrates trace un horizon funeste : la guerre économique, la concurrence entre les peuples, la balkanisation rampante des État, comme en Catalogne, en Belgique ou en Écosse. Cette Europe souhaite rayer d’un coup de crayon les États-nations, alors qu’ils incarnent la démocratie, la coopération entre les peuples et le développement de politiques publiques fortes.

Il y a urgence à radicalement changer l’orientation européenne, pour la mettre au service de l’emploi, du développement durable et du progrès social. Il est impératif de mettre en place sans tarder une véritable harmonisation sociale et fiscale – je parle d’une harmonisation sociale par le haut –, la taxation des transactions financières, encore reportée, la réorientation de la BCE au service de l’économie réelle et du prêt aux États, la lutte contre la spéculation et l’évasion fiscale.

Les députés du Front de gauche continueront à défendre ce projet et cet idéal européen. Ils attendent du Gouvernement le respect des engagements pris devant les Français pour remettre l’Europe au service des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, souvenons-nous de l’atmosphère avant le dernier Conseil européen, celui des 28 et 29 juin. Ce sommet devait être le dix-neuvième sommet de la dernière chance. Certains pressentaient même que la zone euro ne passerait pas l’été et que l’Union européenne ne s’en relèverait pas.

Pourtant, quatre mois plus tard, la zone euro apparaît beaucoup moins fragile. Lors de ce Conseil européen, les dirigeants européens ont réussi à définir, pour la première fois, une réponse équilibrée et cohérente à la crise de la zone euro. Nous savons que c’est grâce à la détermination du Président de la République que l’Union s’est engagée dans une nouvelle voie, qui doit permettre de retrouver la croissance, de lutter contre le chômage et la pauvreté et de réduire les déficits et la dette. Même si ce n’est qu’une première étape, ce changement politique est considérable et il va falloir le consolider par une volonté politique sans faille.

D’autres bonnes nouvelles sont venues conforter l’Union : la décision prise cet été par la Banque centrale européenne d’intervenir plus massivement sur le marché secondaire de la dette et, si nécessaire, de façon illimitée ; l’avis favorable qu’a rendu, le 12 septembre dernier, la cour de Karlsruhe sur la ratification du Mécanisme européen de stabilité et du pacte budgétaire ; les élections législatives aux Pays-Bas, le 13 septembre, qui ont donné une majorité aux partis pro-européens et sanctionné le parti d’extrême droite qui voulait sortir le pays de la zone euro ;…

M. Jean-Paul Bacquet. Tant mieux !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …l’entrée en vigueur, le 27 septembre dernier, du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, outil permanent d’aide aux États en difficulté et aux banques qui auraient besoin d’être recapitalisées ; enfin, la ratification du traité budgétaire par l’Assemblée nationale et par le Sénat, dans les deux cas avec une large majorité.

Évidemment, il reste encore un très long chemin à parcourir pour parvenir à la consolidation durable de l’intégrité de la zone euro. Nous savons tous que la crise est encore présente et menaçante. C’est notamment le cas en Grèce, où la nouvelle tranche de prêts n’a toujours pas été débloquée. C’est également le cas en Espagne.

Dans l’immédiat, il faut appliquer les décisions prises au mois de juin, mais il faut aussi les consolider et les compléter.

Le Gouvernement a rappelé les décisions importantes prises lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers. Je ne les détaillerai donc pas à nouveau mais je souhaiterais, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, obtenir des précisions sur trois points.

D’une part, concernant la Banque européenne d’investissement, avez-vous prévu de simplifier les procédures pour que les prêts soient plus facilement et rapidement accordés ?

D’autre part, quelle est votre estimation du montant du produit de la taxe sur les transactions financières et à quoi cette nouvelle ressource serait-elle affectée ? J’ai noté que, dans l’interview qu’il vient d’accorder à plusieurs grands journaux européens et qui est publiée cet après-midi, le Président de la République mentionne les projets d’investissements et la formation des jeunes. Précédemment, il avait évoqué l’aide au développement ; est-ce toujours au programme ? Je l’espère en tout cas.

Enfin, avez-vous réussi à vaincre les réticences allemandes au sujet de la supervision par la BCE de l’ensemble des banques, y compris les banques locales ?

Nous savons aussi que le Conseil européen de demain a une lourde responsabilité : transformer l’essai et proposer des perspectives d’avenir.

L’intégration solidaire dans la zone euro exigera une mutualisation des capacités d’emprunt. C’est, à nos yeux, une première priorité. Nous souhaitons vivement que soient créés des eurobonds.

Il est par ailleurs indispensable de relancer le combat pour l’harmonisation fiscale et sociale afin de mettre un terme à une concurrence déloyale et mortelle entre États membres d’une même union.

Je pense en particulier à l’impôt sur les sociétés, à la fiscalité de l’épargne et, dans le champ social, à la nécessité de faire en sorte que le niveau des salaires corresponde, dans l’ensemble de l’Union, aux conditions de vie. Nous savons par exemple qu’en Allemagne il n’y a pas de conventions collectives dans certains secteurs, notamment agricole et alimentaire ; il n’est pas normal que les salariés soient payés, par exemple, au tarif polonais ou bulgare.

Quant au budget de l’Union européenne, je trouve insupportable que l’un des plus grands succès européens, le programme Erasmus, soit aujourd’hui en cessation de paiements, alors que la question devrait plutôt être de le renforcer, si tant est, toutefois, que notre objectif soit de continuer à rapprocher l’Europe des citoyens.

M. François Rochebloine. Ça, c’est vrai !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Enfin, nous aimerions beaucoup avoir des éclaircissements supplémentaires sur les négociations concernant le prochain cadre financier pluriannuel et sur les chances d’obtenir des ressources propres pour l’Union européenne.

M. Van Rompuy présentera demain ses propositions pour une véritable union économique et monétaire. Il propose l’idée d’un budget de la zone euro. Quelle est, monsieur le ministre délégué, la position de la France à ce sujet ? Si un tel budget était créé, il pourrait sûrement contribuer au renforcement de la zone euro, mais comment s’articulerait-il avec le budget de l’UE ? Comment le Parlement français et le Parlement européen seraient-ils associés à son contrôle ? Surtout, sommes-nous certains que ce budget, s’il était créé, ne remplacerait pas la mutualisation de la dette ?

Au-delà de ces questions de fond, nous avons besoin de formuler des propositions pour redonner du sens au projet européen, en tracer les perspectives futures, afin que concitoyens se réconcilient avec l’Europe et que l’Union européenne renoue avec le succès qu’a salué l’attribution du prix Nobel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, je veux à mon tour rappeler que le prix Nobel attribué à l’Union européenne nous engage tous.

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Ce prix souligne – je vous rejoins sur ce point, monsieur Asensi – que tous les devoirs de mémoire comptent.

Résultat d’un travail patient, cet espace de paix, si nous n’y prenons garde, pourrait se défaire sous les coups des nationalismes et des intolérances de tout poil – n’est-ce pas, chers collègues ? – comme sous les coups des spéculateurs. Alors, soyons à la hauteur de cette récompense.

Le Conseil européen de demain prend dans ce contexte une place particulière. Espérons qu’il continuera sur le chemin de la solidarité. Alors que le sommet précédent avait donné beaucoup d’espoir, celui-ci saura-t-il répondre à l’angoisse de nos concitoyens ?

Depuis le mois de juin dernier, les différentes strates de l’Union paraissent moins bousculées, mais nous pouvons regretter que ni la situation de la Grèce ni le sauvetage de l’Espagne ne soient directement abordés lors de ce sommet.

Ce sommet est préparatoire à de grandes décisions. Seront-elles prises d’ici à la fin de l’année ? Nous espérions pour certaines une mise en œuvre rapide, je pense notamment à la supervision bancaire. Hélas, nos amis allemands ne sont pas pressés d’aboutir sur ce sujet, mais j’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous rassurer.

Plutôt que de me concentrer sur les désaccords entre partenaires, je souhaiterais insister sur quelques-unes des propositions du président du Conseil européen à propos de la reprise en main de la zone euro, et sur son indispensable corollaire, la démocratisation de l’Union.

Le rapport d’étape du président Van Rompuy contient en effet une perspective d’importance : il propose de transformer l’architecture de l’union économique et monétaire en dotant la zone euro d’un budget central, en complément du budget communautaire. Cette innovation pourrait contribuer à une meilleure solidarité entre nos économies. Il faut donc l’étudier avec attention.

Par exemple, la mutualisation des assurances chômage, évoquée par le ministre de l’économie, pourrait s’inscrire dans cette démarche audacieuse. Cela redonnerait-il aux jeunes qui doutent aujourd’hui de l’Europe une perspective positive ? J’ose l’espérer.

Ce rapport d’étape souligne aussi la nécessité d’examiner plus avant l’émission commune d’instruments de financement souverain, voire l’institution d’un fonds d’amortissement des dettes accumulées par les États. Quoique timidement, c’est bien l’enjeu essentiel des eurobonds, défendus vivement par la nouvelle majorité, qui revient là au cœur des débats, même si, nous le savons, certains de nos partenaires européens y sont toujours hostiles.

Malheureusement, je dois aussi souligner les impasses de ce rapport, qui donne des gages importants aux rudes gardiens de l’orthodoxie libérale.

Nous savons toute la difficulté de votre tâche, monsieur le ministre, vous qui devez rappeler la nécessité d’un équilibre qui respecte les peuples et écarter des formes de tutelle qui se sont révélées non seulement humiliantes mais aussi bien peu efficaces. Il faut cesser de punir les peuples pour des fautes commises par les banques !

Je regrette en particulier que demeure à ce point négligée la question, pourtant cardinale dans une union intégrée, de l’harmonisation fiscale, sociale et environnementale.

La concurrence, pour ne pas dire le dumping fiscal ou social, encore pratiquée par certains États, est une menace mortelle pour l’Union. Dans un esprit comparable, la taxe sur les transactions financières avance très lentement, certes, mais elle avance. Notre gouvernement a montré son engagement sur ce chantier. Souhaitons qu’à brève échéance puissent être lancés aussi les travaux sur une taxe carbone européenne.

Mais il ne pourra y avoir d’avancées budgétaires sans que l’Europe sorte de la panne démocratique qui la paralyse aujourd’hui. C’est ce que souligne aussi le rapport du président Van Rompuy.

Cela ne vient-il pas du déséquilibre actuel entre les rôles respectifs du Conseil, de la Commission et du Parlement européen ? Ne faut-il pas que les Parlements nationaux soient suffisamment associés à la réflexion pour corriger ce déséquilibre, et cela en faveur des citoyens ?

Les rédacteurs des conclusions de ce prochain Conseil européen suggèrent d’ailleurs aux chefs d’État et de gouvernement d’encourager la création de la conférence budgétaire interparlementaire prévue par le traité sur la stabilité. Comme vous le savez, chers collègues, cette idée est née au sein de notre assemblée, et plus précisément au sein de sa commission des affaires européennes.

Nous approchons d’un consensus sur l’idée que les Parlements nationaux devraient mieux faire entendre leurs voix dans le concert européen. M. Antonio Vitorino, que nous avons auditionné ce matin, nous a dit qu’il faudrait peut-être aussi, chers collègues, prêter une oreille plus attentive à l’Union européenne au sein même de cet hémicycle, qui est en effet un peu vide à l’heure de ce débat !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est bien vrai !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. C’est là un enjeu que la commission des affaires européennes vous propose de continuer à approfondir. Je conclurai mon propos en filant une métaphore sur le thème de la musique, car on dit que la musique adoucit les mœurs !

Pour certains, l’Union européenne ressemble à une symphonie, où chaque État doit pouvoir se faire entendre tout en respectant les autres ; pour d’autres, c’est une marche funèbre.

M. Guy Geoffroy. Et avec la gauche, c’est une cacophonie !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Peut-être faudrait-il nous rappeler, chers collègues, que l’hymne européen est avant tout une ode à la joie. En ces temps difficiles, la joie se fait humble et discrète.

M. François Rochebloine. Avec vous, c’est sûr !

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Pourtant l’Union européenne pourrait, si nous lui en donnons la force et l’ambition, s’avérer pleine de ressources plutôt qu’être la cause de tant de désillusions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés, quels que soient les bancs où ils siègent, pour leurs interventions et leur apport à ce débat. Je remercie notamment Mmes les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes pour leurs observations toujours judicieuses, l’importance des questions qu’elles ont posées et la contribution que leurs idées nouvelles ont apportée à la politique européenne du Gouvernement. J’ai pu mesurer, à l’occasion du débat relatif au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, à quel point les initiatives de vos commissions sont utiles. Je pense notamment à la résolution concernant la mise en œuvre des dispositions de l’article 13 du traité, article qui permet, en prévoyant l’organisation d’une conférence interparlementaire, d’associer davantage le Parlement à l’exercice de ses prérogatives souveraines en matière budgétaire, notamment lorsqu’il s’agit des relations entre l’État français et la Commission européenne dans le cadre du semestre européen.

J’essaierai de répondre de manière succincte aux orateurs, en suivant l’ordre dans lequel ils se sont exprimés.

Je m’adresserai donc d’abord à M. Deflesselles qui, avec beaucoup de nuance, une absence totale d’esprit polémique et une pondération absolue,… (Sourires.)

M. Bernard Deflesselles. Ça vous fait envie !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …s’est exprimé sur la politique européenne du Gouvernement. Cela me conduira à répondre avec beaucoup de mesure à quelques-uns des propos qu’il a tenus devant votre assemblée.

D’abord, monsieur le député, vous vous inquiétez de l’affaiblissement de notre pays face à ses partenaires, qui résulte de sa situation économique. Vous avez raison de vous en inquiéter. Vous et vos amis avez exercé pendant dix ans les responsabilités de l’État. Lorsque vous avez quitté le pouvoir, nous étions dans un état de quasi-anémie par rapport à nos partenaires.

M. Bernard Deflesselles. Et ça change, maintenant ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. À cet égard, je veux rappeler quelques chiffres, qui ne sont pas le résultat des politiques que nous menons depuis quatre mois, mais de l’exercice du pouvoir par votre famille politique pendant dix ans ! Vous avez raison, monsieur Deflesselles, de vous inquiéter de la situation de la compétitivité de notre pays, puisque vous avez laissé un déficit du commerce extérieur de 75 milliards d’euros. C’est dire à quel point il est légitime que vous nous interpelliez sur cette situation après seulement quatre mois d’exercice du pouvoir !

M. Bernard Deflesselles. L’opposition n’aurait pas la légitimité nécessaire pour contester les choix de la majorité ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez raison de vous inquiéter du montant de la dette, puisqu’elle a doublé au cours du précédent quinquennat et qu’elle a augmenté considérablement pendant les dix ans d’exercice des responsabilités par votre famille politique. Vous avez raison de vous inquiéter des déficits, puisque quand on regarde leur évolution au cours des dix années d’exercice du pouvoir par la majorité UMP, on constate qu’ils n’ont cessé de se creuser.

M. Bernard Deflesselles. Il n’y a pas eu de crise, peut-être ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce bilan excellent ne vous donne aucun titre pour nous donner des conseils, à nous qui sommes aux commandes depuis seulement quatre mois.

M. Bernard Deflesselles. Ne regardez pas toujours le passé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si la France est en situation de faiblesse par rapport à l’Union européenne en raison de sa situation économique et financière, ce n’est pas aux quatre mois d’exercice des responsabilités par la majorité actuelle que cela est imputable, mais au bilan des dix années de pouvoir que vous nous avez laissé. Je vous confirme – rejoignant en cela vos propos – que ce bilan a été un facteur considérable d’affaiblissement de notre pays dans sa relation avec l’Allemagne.

Vous vous inquiétez ensuite, ainsi que votre collègue Henri Plagnol, de l’état de la relation franco-allemande. Je dois reconnaître clairement, devant la représentation nationale, que nous avons complètement changé d’orientation, de politique, de comportement et de méthode. Vous semblez considérer, messieurs Deflesselles et Plagnol, que la relation franco-allemande n’est jamais aussi forte que lorsque le gouvernement français devance les attentes du gouvernement allemand, sans se préoccuper de la vision qu’il aurait intérêt à défendre devant lui.

M. Guillaume Bachelay. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous confirme que nous n’en sommes plus là. Nous voulons approfondir considérablement la relation franco-allemande. Nous considérons que la relation franco-allemande est consubstantielle à la dynamique de l’Union européenne. Elle n’est jamais aussi forte, monsieur Deflesselles, que lorsque les Allemands et les Français s’expriment clairement les uns face aux autres, sans être nécessairement d’accord dès le début.

M. Bernard Deflesselles. S’exprimer, oui, mais sans que cela tourne au pugilat !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce qui compte, c’est qu’in fine les compromis soient solides. Le temps long de la construction européenne le montre. Il est donc tout à fait normal qu’un ministre des affaires européennes allemand exprime ses souhaits en matière d’évolution de l’union économique et monétaire, qu’il dise ce avec quoi il est d’accord, et ce avec quoi il ne l’est pas. Dès lors que l’on accepte ce principe consubstantiel au fonctionnement de l’Union européenne, on doit accepter le fait que, de la même manière, un ministre français puisse s’exprimer avec la même franchise et dire ce qu’il croit bon pour l’Europe et pour son pays, dans le même respect de la relation franco-allemande.

C’est parce que nous avons réussi à instaurer une telle franchise dans notre relation avec l’Allemagne que nous sommes parvenus à bâtir en juin un compromis solide. C’est parce que nous avons réussi à rééquilibrer cette relation que nous avons pu l’ouvrir à d’autres pays, comme l’Espagne et l’Italie. C’est enfin parce que nous avons procédé à ce rééquilibrage et à cette ouverture que nous sommes aujourd’hui capables d’avancer des idées nouvelles pour sortir de la crise et de bâtir des compromis forts qui sont bons pour l’Union européenne.

Vous nous invitez, avec M. Plagnol, à répondre aux propositions allemandes concernant l’avenir de l’union économique et monétaire. Vous vous inquiétez du fait que nous n’y répondrions pas. Je me suis fait apporter, dans l’intervalle entre votre intervention et ma réponse, la liste des réunions organisées par le groupe de M. Westerwelle. Je vous en donnerai les dates, ainsi que le niveau des participants français à ces réunions. Le groupe Westerwelle sur le futur de l’Europe a été lancé en février 2012, par une lettre adressée par M. Westerwelle au gouvernement français. La première réunion a eu lieu le 20 mars 2012. Nous étions représentés par notre ambassadeur à Berlin, qui est talentueux, remarquable et fait un travail excellent, mais n’est pas de rang ministériel. Le 19 avril, à Bruxelles, c’est notre ambassadeur, représentant permanent auprès de l’Union européenne, qui a représenté la France à la réunion du groupe Westerwelle. Le 13 mai, à Vienne, c’est notre ambassadeur en Autriche.

Il y a eu cinq réunions du groupe Westerwelle invitant l’ensemble du gouvernement français à débattre de l’avenir de l’Union européenne. Vous nous expliquez, aujourd’hui, qu’une relation franco-allemande très étroite est nécessaire et qu’il faut participer à ce groupe, alors que sur cinq réunions vous n’avez participé qu’à trois, sans jamais envoyer un représentant de niveau ministériel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la considération que vous avez témoignée au gouvernement allemand et à l’initiative de M. Westerwelle !

Le 20 juillet, une réunion du groupe Westerwelle s’est tenue à Palma de Majorque. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, y était. Le 17 septembre dernier, au moment où le groupe Westerwelle a conclu ses travaux, le ministre des affaires étrangères m’a demandé de l’y représenter, et j’y suis allé. Nous avons donc été représentés à un niveau ministériel à deux réunions de ce groupe depuis le début de notre mandat.

M. Bernard Deflesselles. Il ne suffit pas de participer, il faut proposer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous n’avez, pour votre part, ni participé ni proposé ! Cela ne vous autorise pas à être vindicatifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons indiqué, lors de la réunion du 17 septembre, que nous étions tout à fait prêts à nous engager dans un processus de renforcement de l’union politique. Puisque vous-mêmes, messieurs Deflesselles et Plagnol, nous invitez à répondre aux initiatives prises par d’autres gouvernements que nous respectons et avec lesquels nous voulons approfondir nos relations, je voudrais vous poser la question suivante : entendez-vous soutenir les propositions de la France ? Puisqu’il faut faire des propositions, nous en faisons ! Je vais d’ailleurs vous les exposer. Puisque vous avez le sens de l’intérêt général et que vous êtes amoureux de l’Europe, je vous demanderai de bien vouloir nous soutenir autant que vous soutenez les propositions allemandes lorsqu’elles nous sont adressées. Cela sera utile à la France, à l’Europe et à la relation franco-allemande, à laquelle vous semblez tant tenir.

Premièrement, nous proposons que l’union bancaire, dont nous avons besoin pour stabiliser la finance à l’échelle de l’Union européenne, soit effectivement mise en place. Nous proposons plus précisément à nos partenaires européens – parmi lesquels figure notre partenaire allemand – de faire en sorte que la totalité des banques européennes soit supervisée par la Banque centrale européenne. Pour cela, il nous faut trouver, au sein du dispositif européen actuel, une bonne articulation entre les interventions de l’Autorité bancaire européenne et celles de la Banque centrale européenne. Nous souhaitons arriver à un consensus pour que la supervision soit effective et qu’elle permette de renforcer les institutions de l’union économique et monétaire. Nous soutiendrez-vous sur ce point ?

Deuxièmement, nous proposons que le budget de l’Union européenne ne fasse pas l’objet d’une coupe de 200 milliards d’euros, comme le prévoyait la précédente mouture gouvernementale, mais qu’au contraire il soit doté de ressources propres par l’affectation de la taxe sur les transactions financières. Nous soutiendrez-vous, ou soutiendrez-vous les positions d’autres gouvernements qui préfèrent que le budget de l’Union européenne soit revu à la baisse, qu’il ne soit jamais doté de ressources propres et qu’à aucun moment il n’échappe à la discipline budgétaire ?

Troisièmement, la France propose, en contrepartie à la discipline budgétaire et à la remise en ordre des comptes publics, des initiatives de solidarité, notamment le renforcement des modalités d’intervention de la BCE, pouvant aller jusqu’à la mutualisation de la dette. Soutiendrez-vous ces initiatives ? Cela permettrait à l’Union européenne de disposer des moyens nécessaires pour faire face à la spéculation lorsqu’elle attaque les économies.

Voilà trois propositions concrètes, pour lesquelles nous sommes reconnus par l’ensemble des pays de l’Union européenne comme étant à l’avant-garde de la construction européenne. Nous les adressons aux pays de l’Union européenne. Messieurs Deflesselles et Plagnol, êtes-vous prêts à nous dire, à la tribune, que vous soutiendrez ces propositions, bien qu’étant dans l’opposition, et que vous nous aiderez à convaincre les autres pays de l’Union européenne de la pertinence de ces mesures d’avant-garde qui visent à renforcer l’union économique et monétaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. On vous soutiendra comme vous nous avez soutenus lors des négociations sur le traité européen !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, monsieur Deflesselles, vous regrettez l’absence de proposition française en matière de politique industrielle. Vous qui avez été membre de la commission de la défense nationale, vous devriez vous inquiéter de ce qui se passe pour le dossier EADS. J’ai été membre de cette commission avec vous : vous savez bien que son fonctionnement est consensuel et que l’on essaie d’y éviter les approximations sur les sujets les plus sérieux. Permettez-moi par conséquent de vous répondre ceci : pourriez-vous me donner un seul exemple de restructuration industrielle européenne réussie au cours des cinq dernières années, à l’exception des accords franco-britanniques de défense de Lancaster House, dont il y aurait beaucoup à dire, notamment concernant leur mise en œuvre ? Il n’y en a aucun exemple !

La France possède une industrie de défense, dans laquelle la construction navale occupe une place importante, avec des entreprises telles que les Constructions mécaniques de Normandie et DCNS.

M. Bernard Deflesselles. Vous ne vous êtes pas exprimé à ce sujet !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. DCNS a d’ailleurs peut-être la possibilité de s’allier avec TKMS pour former un véritable groupe européen d’industrie navale. Que s’est-il passé ? Rien du tout ! Notre industrie de défense terrestre est émiettée : les entreprises concernées ne sont pas rassemblées, qu’il s’agisse de Renault Trucks ou de Panhard.

M. Bernard Deflesselles. Vous aviez une occasion en or, il fallait la saisir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez eu la possibilité, pendant dix ans, d’opérer des restructurations afin de doter la France d’une véritable industrie de défense terrestre. Qu’avez-vous fait ? Rien du tout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Et vous nous expliquez aujourd’hui que nous devrions rendre des comptes sur un projet qui a échoué non pas du fait de la France mais de l’opposition d’autres pays, et sur ce que vous n’avez pas fait pendant dix ans ! Même de la part de l’opposition, monsieur Deflesselles, un minimum de bonne foi devrait présider aux débats dans cet hémicycle ! Ce serait nécessaire, notamment sur des sujets de cette nature.

M. Charles de Courson. Un « noniste » converti !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous faites bien fait de m’interpeller sur ce sujet, monsieur de Courson. Je ne vous ai pas entendu en effet qualifier de « noniste » M. Fillon qui, après avoir voté « non » au traité de Maastricht en 1992, nous a expliqué pendant dix-huit mois dans cet hémicycle que, s’il fallait voter le TSCG, c’était pour mettre en œuvre les principes de Maastricht ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC). Voilà maintenant que la mémoire vous revient subitement me concernant : au moins ce débat aura-t-il servi à quelque chose ! (Mêmes mouvements). Pour autant, il ne faut pas avoir la mémoire sélective, monsieur de Courson ! Si vous voulez que l’on dresse la liste des « nonistes » et des « ouiistes », il y en aura pour tout le monde dans cette salle !

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Pas pour nous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’en conviens : vous et les députés radicaux avez été les seuls à être constants – vous êtes d’ailleurs, rassemblés dans cet hémicycle. Je retire donc ce que j’ai dit. Mes propos étaient peut-être un peu trop approximatifs et je n’aime pas les approximations.

Je conclurai en répondant précisément aux questions que m’ont posées les deux présidentes, Mme Auroi et Mme Guigou.

Vous avez raison, mesdames, d’affirmer, s’agissant du dispositif de prêt de la BEI, que nous ne parviendrons à mettre en œuvre rapidement le plan de croissance que lorsque les procédures en cours auront été simplifiées. C’est ainsi que dans les règlements que la Commission élabore, nous plaidons pour la simplification de l’instruction des dossiers et des conditions d’attribution des fonds afin de garantir le délai le plus court possible entre la décision prise de la recapitalisation et l’entrée en vigueur des prêts à des fins de croissance.

Concernant la taxe sur les transactions financières, le projet de la Commission – fondé sur une assiette large, car incluant les produits dérivés, et sur un taux significatif – avait conduit à envisager un produit de 57 milliards d’euros. Nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de préciser le montant de la taxe dès lors que tout doit se décider entre les onze pays concernés et que nous ne connaissons pas, à l’heure actuelle, quel sera le point d’aboutissement sur l’assiette et le taux. Ce que nous pouvons simplement dire, c’est qu’elle représentera plusieurs milliards, voire plusieurs dizaines de milliards d’euros de rendement.

Vous m’avez également demandé si, pour ce qui est de la supervision, notre discussion avec l’Allemagne aboutira. La proposition concrète avancée à cet égard le 12 septembre par la Commission européenne est en tout cas suffisamment astucieuse dans sa rédaction en termes de phasage possible, pour que nous puissions trouver, comme nous le souhaitons, un compromis avec nos partenaires permettant de rendre effective cette supervision.

Pour ce qui est du budget de la zone euro, nous sommes favorables à tout dispositif permettant de renforcer la solidarité au sein de l’Union européenne. Nous devons simplement nous assurer que la mise en place d’un tel budget ne remettra pas en cause celui de l’Union européenne qui dépend des vingt-sept et qui permet de faire de la croissance. Il ne sera en tout cas pas présenté comme une alternative à la mutualisation de la dette parce que nous avons besoin des deux outils : le budget de la zone euro ne saurait être un solde d’évacuation de la mutualisation de la dette et de la mise en place des Eurobonds.

Enfin, je remercie M. Asensi pour son intervention. S’agissant en particulier de sa question relative au rapport entre croissance et austérité, qu’il avait déjà soulevée lors de notre débat de la semaine dernière, il a indiqué, rapportant les 120 milliards d’euros du pacte de croissance aux mesures de réduction des déficits prises par l’ensemble des États, qu’il y avait un risque de déséquilibre. Je veux rappeler que ces 120 milliards ne sont pas la seule mesure dont nous souhaitons la mise en œuvre pour accompagner la croissance au sein de l’Union européenne. N’oublions pas en effet les 1 000 milliards du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Nous n’avons d’ailleurs pas la même approche que le précédent gouvernement : nous souhaitons que ce budget soit doté de ressources propres.

Des initiatives ont été prises en matière de juste échange et d’accompagnement de la politique industrielle, et nous devons nous consacrer entièrement au chantier qui est devant nous. Ainsi, les investissements qui découleront de la politique énergétique, des transports et de l’équipement numérique, c’est-à-dire des mécanismes d’interconnexion européens, devront permettre une compétitivité durable de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 -
Projet de loi de finances pour 2013

Suite de la discussion générale commune

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion générale commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (n°s 234, 246), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2013 (n°s 235, 251).

Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

Nous allons dès maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé du budget, mes chers collègues, le projet de loi de finances que nous aurions pu approuver aurait assumé la rigueur dont notre pays a besoin et revendiqué une ambition de compétitivité. Tel n’est pas le cas.

La France aurait eu besoin d’un projet ayant des objectifs ambitieux en termes d’économies. Certes, faire des économies n’est pas facile : elles ne viennent pas toutes seules. Mais il aurait par exemple été important de réduire les effectifs de la fonction publique. Or, vous faites le contraire. Il n’y a pourtant de véritables économies que s’il y a une évolution des politiques publiques. Des économies solides et durables supposent un changement systémique, un changement de paradigme dans la vision que l’on peut avoir de l’État. Vous n’avez pas cette ambition, vous n’avez pas cette vision.

La rigueur que nous pourrions appeler passe davantage, nous le répétons, par des économies que par un surcroît d’impôts.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Lesquelles ?

M. Hervé Mariton. Je viens de le dire, monsieur le rapporteur général : il faut en particulier engager une réforme de l’État, sujet sur lequel vous faites l’impasse.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui, mais comment l’engager ?

M. Hervé Mariton. Nous n’avons pas la religion du non-impôt mais, en France, qu’il s’agisse de la fiscalité sur les entreprises, sur les personnes, sur les revenus ou sur les patrimoines, nous sommes champions d’Europe…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Du déficit !

M. Hervé Mariton. …dans la plupart des domaines. Puisqu’il n’y a raisonnablement pas de marge pour une augmentation des impôts, la rigueur passe donc par des économies.

S’agissant du volet compétitivité, plutôt que de voir se créer des outils qui ne sont, pour l’essentiel, que le résultat d’un changement de nom, comme la Banque publique d’investissement, et plutôt que de voir relever du pénal – ce que je trouve bien curieux – le non-respect des délais de paiement par les entreprises, ce dont a besoin l’économie de notre pays, c’est de liberté. Il faut limiter la contrainte normative – en matière par exemple de seuils – et faire en sorte qu’en France comme en Europe, l’évolution réglementaire donne davantage d’oxygène aux entreprises. Il faut aussi considérer l’Europe et le monde avec ambition et non, comme vous le faites, éviter de s’y projeter.

Telle est la stratégie budgétaire dont nous rêverions : rigueur et compétitivité, économies, réformes et liberté. Mais comme le projet de loi de finances qui est à l’ordre du jour est le vôtre, c’est donc de lui qu’il faut parler.

Le problème, même si on l’examine ce projet avec bénévolence, c’est que l’on est surtout frappé, monsieur le ministre, par ce qu’il n’est pas – je m’attarderai également un peu sur ce qu’il est.

Ce que n’est pas votre projet de loi de finances c’est être ambitieux en matière de compétitivité. Vous l’avez d’ailleurs théorisé puisque vous avez retardé de quelques semaines la présentation d’un plan dans ce domaine : vous avez sollicité une personnalité de grande qualité, respectée dans notre pays, en lui fixant une feuille de route et des éléments de langage – qui, manifestement, ne sont pas à la hauteur de sa réputation – je veux parler de Louis Gallois.

Voilà un budget important, le premier de la mandature, qui pourrait marquer votre ambition pour notre pays. Or voilà que vous faites l’impasse – cela a le mérite d’être très explicite et très honnêtement reconnu de votre part – non seulement sur la stratégie en matière de compétitivité, mais aussi sur la stratégie européenne : n’acceptez-vous pas en effet, au sein de votre majorité, de nombreuses contradictions, à l’exemple du président de notre assemblée qualifiant l’objectif de 3 % d’absurde ?

Ni plan de compétitivité ni fondement d’une stratégie européenne, ce que n’est pas non plus votre budget c’est être ambitieux en matière de réforme. Où est la réforme de l’État ? D’après le tableau qui faisait partie des documents que vous avez distribués en commission après le conseil des ministres, les effectifs 2013 seront supérieurs de 5 491 unités à ceux de 2012 s’agissant du périmètre de l’État. Vous ne pouvez pas le contester, vous l’écrivez vous-même.

Votre action, ce n’est pas la réforme, c’est le laisser-faire et le laisser-aller. Mais si la croissance des effectifs permet de répondre à des engagements de campagne électorale et, sans doute, à des promesses clientélistes, elle ne correspond pas à l’impératif de réforme de notre pays. J’ai toujours eu le sentiment que notre majorité, hier, n’était pas assez vigoureuse sur ce terrain, mais, si je pouvais alors exprimer quelques nuances, je ne puis qu’être affolé par ce que vous faites ou ne faites pas en la matière.

Ce que votre projet n’est pas, c’est assumer des choix. Assez astucieusement, vous avez choisi de présenter les mesures les plus rudes, les plus impopulaires, celles qui frappent le plus nos concitoyens les plus modestes, non dans le projet de loi de finances, mais dans la loi de finances rectificative de l’été dernier ou – nous l’avons vu ce matin en commission – dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nos concitoyens ne seront pas dupes.

M. Marc Le Fur. Les Français comprennent !

M. Hervé Mariton. Quand le citoyen français paie, il lui est assez égal de savoir si cela est dû à la loi de finances, à la loi de financement de la sécurité sociale ou à un collectif.

Il est vrai que, pour essayer de limiter les dégâts, vous avez su soigner l’esthétique du budget en mettant l’accent sur ce qui vous paraissait moins coûteux politiquement, le collectif de l’été dernier et la loi de financement de la sécurité sociale.

Ce que votre budget n’est pas non plus, et c’est grave, monsieur le ministre, c’est être une œuvre de pédagogie. Un budget, ce n’est pas seulement un acte politique, c’est aussi un choix partagé avec les Français. Quand on passe à côté d’enjeux majeurs comme la compétitivité et l’emploi, quand l’on est en contradiction avec les engagements européens, quand les débats dans la majorité reflètent des orientations aussi contraires, et quand l’on cherche à se cacher derrière d’autres textes, comment peut-on avoir la moindre ambition pédagogique à l’égard des Français ?

Voilà ce que votre budget n’est pas. Voyons maintenant ce qu’il est.

La terre étant dure, il y a tout de même des contraintes qu’il vous faut respecter. Vous expliquez ainsi qu’il y a des contraintes de raison que vous assumez, en particulier qu’il faut limiter les déficits si l’on ne veut pas que le coût de la dette explose. Tout cela est bel et bon, mais on sent bien que ce n’est pas spontané, car vous êtes tout entier dans la culture de la dépense : vous ne le faites que parce que vous y êtes contraint. Votre budget est d’abord un budget de contrainte.

Il est aussi le résultat d’un choix idéologique, celui de l’impôt,...

M. Marc Le Fur. Complètement !

M. Hervé Mariton. …mais pas de l’impôt des plus favorisés de nos concitoyens. Ceux qui ont beaucoup de relations, ceux qui ont une grande capacité d’expression, ceux qui peuvent volontiers se déplacer, tous ceux-là, dans votre schéma initial ou dans les corrections que vous apporterez, seront certes frappés par l’alourdissement de l’impôt, mais moins que d’autres. Ceux qui, en revanche, sont moins favorisés, moins mobiles, moins dégourdis, moins riches en relations, ceux-là seront le cœur de cible. Ce sont les classes moyennes supérieures, qui auront beaucoup à souffrir de votre budget.

Au-delà des contraintes, votre budget est donc celui du choix idéologique de l’impôt. Il y a quelques années, les responsables du parti socialiste expliquaient qu’ils n’avaient plus la culture de l’impôt. Nous avons bien compris que ces temps sont révolus.

Votre budget est aussi un pari. Vous vous dites qu’avec un peu de chance, la reprise peut venir aux États-Unis et en Chine au deuxième semestre 2013 et qu’alors ce que vous prévoyez peut marcher. Ce n’est pas comme cela qu’on construit un projet de loi de finances.

En fin de compte, votre budget réussit à être à la fois lourd et léger. Lourd par le coût qu’il représente pour nos concitoyens et par le coup qu’il porte à l’espoir, dès lors que les acteurs économiques n’osent plus regarder l’avenir et se protègent de peur d’avoir à payer beaucoup d’impôts. Léger par l’absence de stratégie hormis un seul espoir, que vous souhaitez vainement partager avec les Français, celui d’arriver à surfer sur la conjoncture en guettant le moment où elle s’améliorerait.

On ne fait pas de bonnes finances pour le pays comme cela, pas davantage de bonne politique. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe UMP vote contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.).

M. Thierry Mandon. Amnésique ! C’est de l’Alzheimer précoce !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDI.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, porter une appréciation sur la stratégie gouvernementale en matière de finances publiques revient à répondre à deux questions : cette stratégie répond-elle à la situation économique et sociale de notre pays ? Est-elle juste à 1'égard de nos concitoyens ?

La première partie de mon discours va vous ravir, monsieur le ministre. Vous y entendrez en effet que la gauche socialiste a quelque peu progressé en matière de bonne gestion des finances publiques. Il lui reste néanmoins à faire de très grands progrès pour obtenir au moins la moyenne.

M. Thomas Thévenoud. Merci, professeur !

M. Charles de Courson. La gauche a quelque peu progressé concernant le budget de l'État,…

M. Pierre-Alain Muet. Nous sommes les seuls à avoir réduit la dette…

M. Charles de Courson. …en retenant certains principes qui étaient ceux de l'actuelle opposition lorsqu'elle était au pouvoir.

En premier lieu, la gauche socialiste s'est ralliée, à grand-peine et parfois à son corps défendant, à la règle d'or défendue par l’UDI depuis quinze ans ou au retour à l'équilibre des finances publiques, ce qui revient quasiment au même, en votant la semaine dernière le traité de bonne gouvernance avec l'opposition. C’est un progrès.

En deuxième lieu, elle s’est ralliée, en matière de dépenses, à la double règle dite du zéro volume et du zéro valeur. Cette règle du zéro valeur, que nous avions adoptée et qui est encore trop laxiste, fixe que les dépenses du budget de l'État, hors pension et intérêts de la dette mais y compris les prélèvements sur recettes des collectivités territoriales et de l’Europe, devaient être maintenues stables en euros courants. Quant au zéro volume, vous financez la hausse continue du régime des pensions civiles et militaires de l'ordre de 2,5 milliards par an, ainsi que la hausse des charges d’intérêts sans excéder l'enveloppe correspondant à la croissance en volume. C’est aussi un progrès.

En troisième lieu, vous vous être ralliés à la règle selon laquelle la masse salariale de la fonction publique de l'État doit être maintenue en euros courants. Hélas, En arrêtant la baisse globale des effectifs et en stabilisant voire en augmentant le nombre de fonctionnaires de l'État, y compris les opérateurs, vous ne pourrez pas respecter cette troisième règle, comme l'a démontré la Cour des comptes.

En revanche, en matière de financement de la protection sociale, vous ne progressez pas. En matière de dépenses consolidées de l’ensemble des régimes de protection sociale, vous acceptez une hausse de l'ensemble des dépenses sociales de 3.4 %, soit 469,8 milliards d’euros en 2013 contre 454,7 milliards en 2012, alors que votre prévision trop optimiste sur la croissance du PIB en valeur pour 2013 est de 2.6 %. Vous relevez d’ailleurs légèrement l’objectif de l'ONDAM que nous avions fixé de 2,5 % à 2,7 %. Vous ne poursuivez pas la réforme des retraites et vous avez même rajouté un bon milliard à travers l’extension aux 18-19 ans du maintien de l’âge du départ en retraite à soixante ans. Enfin, vos efforts sont inférieurs à ceux de l’ancienne majorité en matière de réduction des régimes de base, FSV compris.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet orateur n’est pas meilleur que le précédent !

M. Charles de Courson. Parlons chiffres : en 2011 et en 2012, l’ancienne majorité avait réduit de 10,3 milliards le déficit des régimes de base, y compris le FSV, alors que vous ne le réduisez que de 4 milliards en 2013 et de 5,6 milliards, soit seulement 1,4 par an, au cours des quatre années suivantes. On voit bien que tout cela n’est pas à la hauteur et que nous allons encore accumuler, au cours de ces cinq années, 64,2 milliards supplémentaires de dette sociale. En 2017, nous serons encore à 10 milliards de déficit, d’après vos propres prévisions.

L'ensemble des dépenses publiques, c’est-à-dire celles de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales, augmente aussi vite que la croissance de la richesse française. Cela aboutit à maintenir en 2013 le poids de l'ensemble des dépenses publiques dans la richesse nationale à 56,3 %, soit la même proportion que l'année précédente.

La deuxième partie de mon discours sera moins laudative, monsieur le ministre, car ces quelques progrès n’empêchent pas le groupe UDI de formuler, à l’encontre de la stratégie gouvernementale en matière de finances publiques, cinq critiques graves.

Tout d'abord, la présentation gouvernementale est erronée. Vous prétendez faire un effort de redressement de 30 milliards répartis par tiers égaux, soit 10 milliards d'économies, 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les 10 % des ménages français les plus riches et 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les grandes entreprises. Ce n’est pas exact. Y a-t-il en effet de réelles économies ? La proportion des dépenses publiques dans le PIB restera en 2013 à son niveau de 2012, c’est-à-dire 56,3 %. Il n’y a donc pas là d’économies, mais seulement un freinage de la hausse des dépenses. Vous n’arrivez pas à faire baisser la part de la dépense publique dans la richesse nationale.

M. Marc Le Fur. Très juste !

M. Charles de Courson. La deuxième critique que nous vous adressons, c’est que la quasi-totalité de la réduction des déficits publics de 4,5 % à 3 % du PIB, autrement dit d’un point et demi, est réalisée par une augmentation massive des prélèvements obligatoires qui passent de 44,9 % du PIB en 2012 à 46,3 % en 2013, soit 1,5 point de plus. Cette augmentation va en outre se poursuivre jusqu’en 2015, date à laquelle le taux de prélèvements obligatoires devrait culminer à 46,7 %, record historique depuis la guerre !

La troisième critique est relative à l'absence de réalisme des hypothèses macroéconomiques que vous retenez. La prévision révisée à la baisse de la croissance pour 2012 à 0,3 % est aujourd'hui dépassée. Le taux de croissance en 2012 sera probablement très légèrement positif, de l’ordre de 0,1 %. Nous allons en effet bientôt cumuler quatre trimestres de totale stagnation. Mais pour 2013, plus personne ne croit à un taux de croissance de 0,8 % du fait de la situation internationale. Un taux de 0,3 ou 0,4 % serait plus réaliste.

Quant à l'hypothèse retenue dans votre loi de programmation d'un taux de croissance en volume du PIB de 2 % de 2014 à 2017 sans discontinuer, personne n'y croit. D'après la Commission européenne elle-même, le taux de croissance potentiel de l'économie française est de l'ordre de 1,1 %, ce qui paraît au groupe UDI une prévision prudente. Si l'on retenait ces hypothèses réalistes, le gouvernement socialiste devrait ou bien accélérer encore l'augmentation de la pression fiscale, ou bien commencer à faire de vraies économies à travers de vraies réformes structurelles, lesquelles sont totalement absentes de votre stratégie alors même que vous y serez contraints.

La quatrième critique est relative à l'absence de justice en matière fiscale.

M. Pierre-Alain Muet. Ça, il faut l’oser !

M. Thierry Mandon. Mieux vaut entendre ça qu’être sourd !

M. Charles de Courson. Tout d'abord, vos 10 milliards sont en réalité 14 milliards, car il faut ajouter à la loi de finances rectificative de juillet 2012 le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2013. Oser prétendre, comme l’a fait le Premier ministre, que ces 14 milliards sont payés par les 10 % de Français les plus riches est un grossier mensonge.

Combien y a-t-il de riches parmi les presque neuf millions de salariés effectuant des heures supplémentaires ou complémentaires qui vont perdre 1,6 milliard d’euros, par la fin de l'exonération de charges sociales et par la majoration de leur impôt sur le revenu ? Pas même 5 % !

Combien de riches parmi les 7,5 millions de retraités imposables qui vont voir leur retraite amputée de 0,3 % à compter du 1er avril 2013, pour un montant en année pleine de 700 millions, alors même qu’on ne réévaluera heureusement pas les pensions parce qu’on ne le peut pas ?

Combien de riches parmi plus de la moitié des vingt millions de foyers fiscaux imposables qui seront frappés par le gel du barème, que vous aviez condamné lorsque vous étiez dans l’opposition et que vous maintenez à présent, en atténuant son coût de plus d’un milliard par un système de décote qui ne concerne que la première tranche ?

M. Jean-Jacques Bridey. La deuxième !

M. Charles de Courson. Non, je parle des foyers non imposables.

Combien de riches parmi les élus locaux dont vous augmentez de 140 millions les cotisations sociales dès qu'ils bénéficient d’une indemnité dépassant 900 euros par mois ?

Combien de riches, enfin, parmi les 827 000 travailleurs indépendants et auto-entrepreneurs, dont on augmente de 1,1 milliard d’euros en année pleine les prélèvements sociaux alors que 334 000 d'entre eux gagnent moins que le plafond de la Sécurité sociale ? Je pourrais continuer cette litanie.

Le groupe UDI s'est toujours battu pour davantage de justice fiscale. Certaines de vos propositions sont d’ailleurs des propositions que nous avons défendues dans le cadre de l'ancienne majorité. Par exemple, la tranche à 45 % d’impôt sur le revenu mais avec suppression des majorations exceptionnelles de 3 % et 4 %, ou encore la barémisation des revenus du patrimoine pourvu qu'on n'assimile pas indûment les plus-values à un revenu puisque, pour l’essentiel, elles n’en sont pas un.

M. Marc Le Fur. Je croyais qu’il y avait des engagements du candidat à la Présidence de la République ?

M. Charles de Courson. C’était sans compter vos mesures démagogiques, notamment la tranche d’impôt à 75 % ! Je ne vous en veux pas, monsieur le ministre : je sais quelles sont vos pensées profondes en la matière. Vous avez toujours combattu ces dérives démagogiques. Vous n’en êtes pas moins solidaire d’un gouvernement qui est bien obligé d’expliquer que cette tranche d’impôt à 75 % frappe uniquement les revenus du travail. Vous apprécierez, mes chers collègues, d’apprendre que les revenus du capital ne sont pas soumis aux 75 % ! Merci pour les riches, cette fois !

Taxer 1 500 foyers pour une recette espérée de 210 millions, cela n’aboutira pas à une recette supplémentaire, mais à une perte de recettes due à la délocalisation d'une partie de ces familles. Quant à la réduction des niches fiscales, le parti socialiste avait promis 50 milliards en cinq ans et le Président, plus prudent, 29 milliards en cinq ans. Savez-vous quel est le coût, mes chers collègues, des niches fiscales en 2013 ? Près de 71 milliards !

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Charles de Courson. Aucune baisse ! Où est la justice fiscale, monsieur le ministre ? Sans parler de la sortie du plafonnement d’un certain nombre de niches que vous-même vous condamniez quand vous étiez dans l’opposition.

La cinquième et dernière critique est probablement la plus grave. Non seulement il ne figure dans la loi de finances ou dans la loi de financement aucune mesure favorable à la compétitivité des entreprises et à l'encouragement des entrepreneurs, mais vous accablez les grandes entreprises de près de 14 milliards d'impôts supplémentaires, alors que la France souffre d’une perte de compétitivité depuis le début de ce siècle !

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Charles de Courson. Vous multipliez les impôts sur les grosses et grandes entreprises françaises, sans vous rendre compte que les PME sont souvent dépendantes de ces grandes entreprises ni que ces dernières ont beaucoup plus de facilité que les petites et moyennes à délocaliser leurs investissements.

Ce qui vous manque, monsieur le ministre, c’est une vraie vision européenne, c’est une convergence fiscale. Or, vous divergez fiscalement par rapport aux autres pays de l’Union.

Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur de Courson.

Les conséquences économiques et sociales de cette stratégie de finances publiques vont être catastrophiques pour notre pays : accélération de la perte de compétitivité, chute de l'investissement, chute de l'emploi salarié et explosion du chômage. Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, en particulier de la majorité, l'heure est grave.

M. Thomas Thévenoud. Elle est surtout passée ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Et ces cinq critiques conduiront le groupe UDI à voter contre la loi de programmation, contre la loi de finances et contre la loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la première vertu de ce budget, c’est de commencer à corriger dix années de dérive financière.

Dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler, c’est-à-dire qu’en dix ans, les gouvernements de droite qui se sont succédé ont accumulé autant de dette que tous les gouvernements qui les ont précédés dans l’Histoire ;

Dix années qui ont vu notre excédent extérieur fondre et notre déficit se creuser tous les ans à partir de 2004 pour atteindre le montant abyssal de 74 milliards d'euros ;

Dix années qui ont vu les inégalités s'accroître au même rythme que les déficits, en raison des cadeaux fiscaux faits aux plus fortunés ;

Dix années qui ont vu le chômage exploser dans notre pays quand il baissait en Allemagne qui connaissait pourtant le même taux de chômage que nous avant la crise.

M. Philippe Le Ray. On verra où vous en serez dans un an !

M. Pierre-Alain Muet. Redresser notre pays exige certes de réduire tous ces déficits, mais il faut le faire de façon ordonnée, sélective et adaptée à la situation conjoncturelle. C'est cette voie étroite, difficile, courageuse que trace ce budget.

Monsieur le ministre, le projet de loi de finances a deux vertus.

Tout d’abord, il réduit la dette en préservant les moteurs de la reprise que sont l'emploi et la consommation. Ensuite, il réalise la plus importante réforme de la fiscalité faite depuis longtemps.

Le Gouvernement a raison de tenir l'objectif de 3 % de déficit non seulement parce qu’il s’agit d’un engagement européen, mais aussi, parce qu’il s’agit du seuil de déficit qui permet d’arrêter l’explosion de la dette et de commencer à la réduire.

Préserver la croissance dans la conjoncture actuelle marquée par une stagnation de la demande et par un excédent considérable des capacités de production, c'est ne rien faire qui puisse peser sur la consommation des ménages. C'est pour cette raison que nous avons supprimé la TVA dite sociale non parce qu’il s’agissait de TVA – encore que cela le justifie en partie –, mais surtout parce qu’il s’agissait d’un transfert d’impôts des entreprises vers les ménages, qui aurait enfoncé notre économie dans la récession. Et ce qui était vrai en juillet le reste aujourd'hui.

Ce budget réduit les dépenses de 10 milliards d’euros, non par des mesures aveugles d'austérité, par un rabot uniforme qui fut l’instrument utilisé pendant des années, ni par des coupes brutales dans les dépenses. Il le fait par une politique sélective supprimant des dépenses inefficaces tout en affirmant trois priorités : l'emploi, l'éducation et le logement.

L’emploi est bien une priorité dans la conjoncture actuelle, et je salue un budget qui non seulement maintient les crédits de la politique de l'emploi, mais qui crée 100 000 emplois d’avenir pour l’année 2013. Ainsi, il soutient la croissance en répondant à la fois à une urgence sociale et à une urgence économique. Parce qu'en créant un emploi d'avenir on donne un revenu durable à un jeune et on redonne confiance à la jeunesse et aux familles.

M. Jean-Marc Germain. C’est très vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Du côté des recettes, je relève que ce budget ne propose aucune hausse générale d’impôts, que ce soit sur les ménages ou sur les entreprises.

M. Charles de Courson. 28 milliards, ce n’est pas rien !

M. Pierre-Alain Muet. En revanche, il supprime des niches injustes et inefficaces. Il rétablit aussi, j’allais dire « enfin », la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il corrige les grandes inégalités devant l'impôt, caractéristiques de notre fiscalité : celle qui existe entre les grandes entreprises et les plus petites, celle entre les fiscalités du travail et du capital. En faisant porter l'effort sur les revenus les plus élevés, il rétablit la justice fiscale tout en préservant la consommation et la croissance.

Seconde vertu de ce budget : il comporte l'une des plus importantes réformes fiscales réalisées ces dernières années.

Notre fiscalité est à la fois opaque et injuste. Elle est opaque parce qu’elle est truffée de niches fiscales – dont nous avons beaucoup parlé dans cet hémicycle – avec, en conséquence, des taux d’imposition affichés qui ne correspondent pas du tout à la réalité de l’imposition.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Mais quelles mesures prenez-vous pour y remédier ?

M. Pierre-Alain Muet. Notre fiscalité est injuste parce ces niches concernent, pour l’essentiel, l'épargne ou les relations entre les grandes entreprises et leurs filiales, de sorte que ceux qui en bénéficient sont les personnes qui ont les revenus les plus élevés et les entreprises les plus grosses.

M. Charles de Courson. Que faites-vous donc contre cela ?

M. Pierre-Alain Muet. Notre fiscalité est injuste, enfin, parce que la progressivité de l'impôt sur le revenu ne concerne que les revenus du travail.

Nous savons tous parfaitement ce qui résulte de ce mitage et de ces injustices : si l’impôt sur le revenu est bien progressif quand le revenu des salariés augmente, il n’en est plus de même quand on atteint de très hauts niveaux constitués de revenus du capital. Le taux d’imposition effectif est alors en baisse. Le paradoxe est que les dix plus gros contribuables du pays sont ainsi soumis à un taux moyen d’imposition qui n’est guère supérieur à 20 %, ce qui est tout de même très éloigné des taux marginaux que nous votons.

La situation est identique pour les entreprises, qui devraient toutes être assujetties à un taux d’impôt sur les sociétés de 33 %. Or nous savons bien que si cela se vérifie pour les PME, il n’en est rien pour les grandes entreprises : celles de plus de 2 000 salariés ont un taux moyen d’imposition de 12 % et celles appartenant au CAC 40 de 8 %. Quand au deux plus grandes d’entre elles, dans les faits, elles ne sont pas imposées au titre de l’impôt sur les sociétés.

En supprimant les prélèvements libératoires sur les intérêts et dividendes et le prélèvement forfaitaire sur les plus-values de cession de valeurs mobilières, le projet de loi de finances aboutira pour la première fois dans notre pays à ce que les revenus du capital soient enfin taxés comme les revenus du travail au barème de l'impôt sur le revenu.

Cette réforme des plus-values a soulevé la fronde d'entrepreneurs se déclarant « pigeons », relayée aussitôt par le MEDEF. Il s’agit là d’une communication habile, mais qui prend toutefois quelques arrangements avec la vérité.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. Trouvez-vous normal, chers collègues, qu'un cadre moyen soit imposé à 30 % sur chaque euro supplémentaire à partir de 2 500 euros par mois, alors que celui qui réalise une plus-value considérable ne sera imposé qu’à 19 %, quel que soit le montant considéré ? Certains peuvent trouver cela juste ; nous, nous disons que c'est injuste, et nous allons corriger cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. Chers collègues, trouvez-vous normal qu'un retraité non imposable complétant sa modeste retraite par la vente d'une partie de ses actions paie sur la plus-value qu'il réalise le même taux de 19 % que le titulaire d'un gros portefeuille d'actions disposant d'un revenu considérable – alors même que l’opération effectuée par ce retraité, soumise au barème de l’impôt sur le revenu comme nous le proposons, aurait des chances de ne pas être imposée ? Certains trouvent cela juste ; nous, nous considérons que c’est injuste et nous réformerons cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La justice fiscale, c'est que chacun contribue à l'impôt en fonction de ses revenus, qu'ils proviennent du travail ou du capital.

Dire que la taxation des plus-values augmente la pression fiscale est inexact. Pour les contribuables qui n'atteignent pas un taux d'imposition moyen de 19 %, correspondant au prélèvement forfaitaire, ce ne sera pas une hausse, mais une baisse : ils sont 57 000. Pour ceux qui ont des revenus qui les mettent au-delà de ce taux, ce sera une hausse, une hausse naturelle s’inscrivant dans le barème de l’impôt sur le revenu :…

M. Jean-Marc Germain. Un retour à la normale !

M. Pierre-Alain Muet. …ils sont 75 000.

Dire que l'imposition des plus-values au barème empêcherait la création d'entreprise, c'est oublier toutes les exonérations qui ont été mises en place ou maintenues : le dirigeant actionnaire de son entreprise qui vend ses parts au moment de partir à la retraite reste totalement exonéré ; le créateur d'une jeune entreprise innovante cédant ses parts est exonéré en totalité sur sa plus-value ; le dirigeant actionnaire de son entreprise qui revend ses parts pour réinvestir dans une autre société et qui continue à être chef d’entreprise, c'est-à-dire à créer et à diriger une entreprise, est totalement exonéré.

Par ailleurs, un système de lissage sur plusieurs années est appliqué auquel s'ajoute un abattement en fonction de la durée de détention. Certes, des aménagements méritent d'être apportés, par exemple en faisant démarrer la durée de détention des titres au moment de la création d'entreprise, ou encore en ajustant le profil des abattements. Mais revenir en arrière en abandonnant la taxation des plus-values au barème, ce serait perpétuer la situation qui voit les salariés supporter l’essentiel de l’impôt.

Ce budget est remarquablement construit, pertinent, juste et bien calibré. Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer un regret : j'aurais aimé que le budget de la culture soit mieux préservé. (Murmures sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Et si je comprends que certains de nos collègues souhaitent intégrer les œuvres d'art dans l'ISF, j'y suis pour ma part opposé, car le signal serait profondément négatif pour un bénéfice insignifiant. (Mêmes mouvements.)

En conclusion, le groupe socialiste votera un budget marqué par le courage, la justice et l'efficacité économique. Il faut le répéter : dans la situation conjoncturelle de notre pays, la justice fiscale se conjugue parfaitement avec l'efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe RRDP.

Mme Annick Girardin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette année, le traditionnel marathon budgétaire est particulièrement intense, année de transition politique oblige. Collectif budgétaire en juillet, nombreux débats budgétaires, TSCG puis loi organique, loi de finances et loi de programmation, désormais, tous ces textes vont redessiner le paysage fiscal et budgétaire du pays et l’orienter vers plus de justice fiscale et de sérieux budgétaire.

Le projet de loi de finances que nous examinons ne laisse personne indifférent tant la rupture avec la politique menée par les gouvernements précédents est réelle. Depuis hier j'ai d’ailleurs pu constater l'intensité de nos premiers échanges.

L'augmentation des recettes fiscales cristallise les discussions depuis plusieurs semaines et se retrouve au cœur de toutes les interventions. Ces hausses d'impôt sont nécessaires et utiles, puisqu'elles permettront de rétablir la progressivité de notre système fiscal, progressivité à laquelle les radicaux, vous le savez, monsieur le ministre, sont très attachés.

Le rapport budgétaire pointe parfaitement cette dégressivité de notre système fiscal devenue très préoccupante. Avec les réformes menées depuis plusieurs années, les particuliers très aisés, notamment au sein du dernier centile, paient moins d'impôts en proportion de leurs revenus que le reste de la population : plus les revenus sont importants, moins ils sont taxés. La progressivité de l'imposition des personnes est pourtant érigée en principe constitutionnel depuis 1993. Pour les radicaux de gauche, la progressivité de notre système fiscal est le fondement même de la justice fiscale. Il est donc absolument nécessaire et urgent de mettre fin à cette course à la réduction d'impôt pour les plus riches, menée par de nombreux gouvernements libéraux depuis l'ère Reagan-Thatcher.

De plus, en renforçant la justice fiscale, nous favorisons le consentement à l'impôt : chacun acceptera de prendre sa part au nécessaire effort de redressement des comptes si aucune catégorie n'apparaît comme mieux traitée. Et aucune catégorie n'a été privilégiée dans le projet de loi de finances, contrairement à ce que prétend l'opposition.

Dans ce budget, trois mesures qui renforcent la progressivité du système méritent un commentaire.

La première est la taxe au taux marginal de 75 % sur les revenus dépassant 1 million d'euros par an, qui concernera évidemment les très riches. Cette taxe est avant tout un symbole pour combattre ce que certains économistes appellent « le triomphe de la cupidité ». Les plus aisés doivent davantage contribuer à la solidarité nationale, et cela d'autant plus que la France leur a permis de devenir immensément riches. Cette taxe, temporaire, n'a rien de confiscatoire car elle ne s'applique que sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros et n'empêchera pas ceux qui la payent de vivre très convenablement.

La deuxième mesure, que les radicaux demandent depuis longtemps, est la création d'une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu de 45 % au-delà de 150 000 euros par part. Cette mesure est une traduction de la solidarité nationale qui implique une justice fiscale. Elle ne s'appliquera qu'à 50 000 contribuables. Autant dire qu'elle est loin de concerner les classes moyennes si âprement défendues par nos collègues de droite.

La troisième mesure est le retour du barème de l'ISF en vigueur avant l'allégement de 2 milliards d'euros voté en 2011. Cette mesure est nécessaire, mais je m'interroge toujours sur le seuil d'entrée qui est passé de 800 000 euros à 1,3 million d'euros en 2011. Pourquoi est-il aujourd’hui maintenu à 1,3 million d'euros ?

Du fait de ces nouvelles dispositions, il serait utile que le Gouvernement nous transmette des projections sur le rétablissement de la progressivité du système fiscal. Qu'en sera-t-il notamment au sein du dernier centile ? Et qu'en sera-t-il dès lors que la taxe temporaire sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros n'existera plus ?

En privilégiant l'imposition directe plutôt que la taxation indirecte, en dégageant 30 milliards d'euros dont 20 milliards de recettes nouvelles, c'est le rétablissement de nos finances publiques qui est en cours, c'est le redressement de la France !

Côté dépense publique, l'effort de redressement est de 10 milliards d'euros. En commission des finances, j'ai déjà fait part de mes inquiétudes sur le fait de ponctionner 10 milliards d'euros sur l'économie. Alors que la croissance ralentit et qu'une croissance quasiment nulle se profile pour 2013, décider de réduire la dépense publique est risqué : 10 milliards de baisse de la dépense publique, plus 20 milliards de hausses d'impôt, c'est 30 milliards en moins dans le circuit économique, soit près d’un point et demi de PIB.

Dans une logique keynésienne de relance contra-cyclique, lorsque la croissance n'est pas au rendez-vous, il faut la stimuler par une hausse des dépenses publiques. Mais, dans le même temps, il est impératif de respecter un objectif : celui de la limite de 3 % de déficit en 2013. C'est un véritable dilemme : la croissance est nécessaire à la réduction du déficit, mais relancer la croissance via la dépense publique creuse notre déficit. L'équation doit être subtile.

Néanmoins, deux raisons m’incitent à l’optimisme.

Premièrement, ce redressement budgétaire rassurera les marchés financiers quant à la volonté du Gouvernement de rétablir l’équilibre de nos finances publiques. Le coût du financement de notre dette sera donc moindre, facilitant ainsi le respect du critère des 3 % de déficit. Grâce à ce sérieux budgétaire, la France devrait échapper au cercle vicieux – renchérissement du financement de la dette et accroissement du déficit budgétaire – que connaissent nombre de pays européens. Ce budget est également un nouveau message de sérieux et de respect à l’égard de nos partenaires européens, après l’adoption, la semaine dernière, du TSCG, que les radicaux de gauche ont tous voté.

Deuxièmement, ces 30 milliards d’euros de redressement ciblent davantage l’épargne des plus riches que la consommation des plus nombreux. La consommation des ménages, moteur de la croissance française, est donc préservée.

Nombre d’orateurs m’ayant précédée à la tribune ont dénoncé le fait que ce budget était bâti sur une prévision de croissance de 0,8 %. En effet, comme chacun sait, si la croissance est moindre, nos rentrées fiscales seront mécaniquement moindres, donc la limite de 3 % de déficit sera dépassée. C’est un scénario possible, mais, s’il se réalisait, il serait inutile d’empiler les plans d’austérité, mortifères pour la croissance et, par ricochet, pour le solde budgétaire. Ne tombons pas dans le cercle vicieux de la dépression économique. Pour éviter cela, il faut simultanément restaurer rapidement la compétitivité de nos entreprises, préserver, bien entendu, les dispositifs spécifiques aux PME inclus dans le projet de budget et débattre rapidement d’une stratégie de croissance.

Nous examinons simultanément le projet de programmation des finances publiques 2013-2017. Pour le groupe RRDP, ce n’est pas le déficit budgétaire de 2013 qui compte, mais c’est la trajectoire de retour à l’équilibre en 2017. Le TSCG et la loi organique offrent la possibilité, en cas de circonstances économiques inhabituelles, de s’écarter provisoirement de notre objectif de moyen terme. Si tel devait être le cas en 2013, cela ne remettrait absolument pas en cause la trajectoire de retour à l’équilibre pour 2017, puisque les mesures structurelles pour y parvenir auront été adoptées. Mais restons optimistes et gardons le cap que vient de fixer le Gouvernement.

Les efforts demandés en 2013 sont, certes, importants, mais ce budget est un passage obligé sur la voie du rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques. Éponger les 600 milliards de dettes supplémentaires créées entre 2007 et 2012 est nécessaire pour se tourner vers l’avenir avec espoir. Puisqu’il est rigoureux, ce budget redonnera une capacité d’action à long terme et permettra, demain, de soutenir les secteurs d’avenir et l’excellence de nos filières. Contrairement à ce que certains laissent entendre, il est donc résolument optimiste : il trace une feuille de route pour les cinq années à venir vers plus de croissance, de développement économique et de réindustrialisation. C’est un point de départ, certes ambitieux, qui nous permettra de relever les grands défis qui nous attendent, qui attend la France tout entière.

Le groupe RRDP votera donc le projet de loi de programmation des finances publiques et le projet de loi finances pour 2013, car c’est un projet de budget courageux, juste et équilibré, compte tenu de l’état dans lequel nos prédécesseurs ont laissé les finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe GDR.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre débat sur le projet de loi de programmation et sur le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit pleinement dans le round budgétaire qui a commencé avec l’autorisation de ratification du traité budgétaire d’austérité, s’est poursuivi avec le projet de loi organique et se conclura par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. La cohérence est parfaite entre ces différents textes, et donc, hélas ! avec la vision économique qui prévaut depuis des décennies, c’est-à-dire la vision libérale.

Comme nous y a invités M. le ministre de l’économie et des finances hier, nous devons faire du débat budgétaire un débat sur la stratégie économique.

Commençons par les faits. Les conséquences des politiques conduites depuis des décennies sous l’égide du principe de concurrence libre et non faussée sont édifiantes : explosion du chômage et de la précarité, accroissement de la pauvreté et des inégalités, désindustrialisation dramatique de notre pays – dont la dernière victime est Petroplus – et casse des régimes de solidarité. À cette revanche prise sur le modèle socio-économique issu du Conseil national de la Résistance, la droite a pris une part active, en faisant payer par l’endettement public la faillite du système financier, en faisant payer par les plus modestes le gavage des plus fortunés et en attisant les haines et les peurs. Ce triptyque est celui qui sous-tend le fameux message « TINA » : « There is no alternative ».

Voilà trop d’années que les misères, les inégalités, la compétition mortifère entre les hommes et entre les territoires sont justifiées au nom de ce principe. Chers collègues de la majorité, nous avons rendez-vous avec le peuple pour écrire l’alternative, pour ne pas nous laisser enfermer dans ce cadre néolibéral qui étouffe nos entreprises et qui étrangle nombre de nos concitoyens. Les députés du front de gauche ont la volonté de porter cette exigence de transformation qui a participé à la victoire de toute la gauche.

En effet, que s’est-il passé depuis 2008 ? Les marchés financiers, appliquant, avec la complicité des institutions financières et des gouvernements, la règle de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes, ont transféré les pertes financières des établissements bancaires privés, notamment les fameuses subprimes, vers les États. Or, on nous présente aujourd’hui la dette publique comme la source de tous nos maux sans jamais souligner l’inconséquence du système financier et l’insuffisance des procédures de contrôle.

Cette crise systémique, aujourd’hui profonde, s’appuie en fait sur deux grandes évolutions intervenues au cours des trente dernières années : tout d’abord, le déplacement, au sein de la valeur ajoutée, du curseur entre salaires et profits au détriment des salaires – en trente ans, neuf points de PIB, soit 180 milliards d’euros, sont passés du travail au capital : quel gâchis ! – ; ensuite, l’épuisement des ressources naturelles dans le cadre d’un système productif qui néglige, et c’est un euphémisme, la nécessaire transition écologique. Une véritable alternative implique donc d’instaurer une autre logique de partage des richesses.

La réorientation de l’épargne vers le système productif, l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés, des pensions et des minima sociaux, le combat contre les gâchis financiers et le pillage des ressources : voilà ce qui doit sous-tendre toute notre action.

Même si des avancées intéressantes sont à noter, telles que la création de la Banque publique d’investissement, l’abandon du pouvoir monétaire aux hérauts des marchés financiers – la BCE est dirigée par un ancien haut responsable de Goldman Sachs : cela veut tout dire –, le recul qui se profile sur l’exigence de séparer banque d’affaires et banque de dépôt montre que les marchés financiers n’ont pas désarmé.

Rien ne peut justifier, sauf à vouloir marcher dans les pas des néo-libéraux, le glissement du principe selon lequel « l’ennemi, c’est la finance », affirmé par le Président de la République, à l’affirmation selon laquelle « l’ennemi, c’est la dette », maintes fois entonnée par les ministres. La dette est d’abord le résultat du désarmement fiscal organisé par la droite durant ces dix dernières années. Il n’est jamais inutile de rappeler que le rapport Carrez de 2010 expliquait qu’en l’absence des cadeaux fiscaux consentis aux plus fortunés et aux grandes entreprises, le déficit budgétaire aurait été en 2009 de 3,3 %, et non de 7,5 %, et, en 2007 et 2008, le budget aurait été en équilibre.

La dette est également pour les marchés financiers un formidable moyen de faire pression sur les États, afin qu’ils orientent les politiques publiques vers moins de dépenses et moins de solidarité, en agitant le spectre des taux d’intérêt. Il faut sortir de ce jeu de dupes en soumettant la BCE à un réel contrôle démocratique et en l’autorisant à prêter directement aux États, comme cela se fait dans toutes les zones du monde sauf en Europe. Cela permettrait de diminuer la charge de cette dette, dont les intérêts représentent, avec 46 milliards d’euros, le deuxième poste budgétaire, et de soutenir la demande intérieure et extérieure. Par ailleurs, il ne faut pas que les établissements bancaires continuent à spéculer sur les dettes avec des produits financiers pourris en sachant pouvoir compter in fine sur le soutien de la BCE.

Monsieur le ministre, plutôt que d’avoir l’œil rivé sur la ligne bleue des 3 %, au nom desquels on sabre dans les dépenses sociales et publiques utiles, organisons le réarmement fiscal. À cet égard, nous faisons nôtres les idées de bon sens contenues dans le programme économique et fiscal du Président de la République

La première consiste à diminuer les niches fiscales et sociales de 30 milliards d’euros. C’est urgent et c’est possible, compte tenu du maquis existant. Est-ce le chemin emprunté par le budget pour 2013 ? Je ne le crois pas, car celui-ci renforce la part des dégrèvements et des remboursements. Certes, parmi ces dégrèvements, certains sont utiles et socialement justes. Mais comment justifier auprès des acteurs de la culture et du sport, des collectivités territoriales et des personnels des fonctions publiques, qu’ils doivent se serrer la ceinture quand la niche Copé, la plus injuste, la plus symbolique des « années fric » de la droite, n’est pas purement et simplement supprimée ? Sa suppression apporterait pourtant 4 milliards d’euros supplémentaires qui rendraient de grands services à nos populations et à nos territoires.

Deuxième idée : lancer la révolution fiscale pour assurer une meilleure progressivité et une plus grande justice fiscale de l’impôt. À ce propos, nous saluons la création d’une nouvelle tranche d’imposition à 45 % au-dessus de 150 000 euros. Toutefois, cette mesure ne nous permet même pas de revenir à la progressivité qui existait avant 2001, et nous sommes encore loin des taux marginaux en vigueur pendant les Trente glorieuses, qui atteignaient 60 % dans tous les pays d’Europe.

Au cours du débat, nous proposerons donc une refonte totale du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques intégrant le dégel du barème. En effet, son gel avait été très critiqué par la gauche, à juste titre ; il avait même été supprimé par le Sénat lors du débat sur le PLF 2012. Créons donc deux ou trois tranches supplémentaires, pour les très hauts revenus, afin de compenser le dégel ; l’impôt n’en sera que plus juste et plus progressif.

Troisièmement, l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail est un engagement fort du Gouvernement. Nous saluons avec grande satisfaction la fin du scandale des prélèvements libératoires forfaitaires. Mais il ne faut pas que la main du Gouvernement tremble quand, derrière les ailes de frêles pigeons, vrombissent les exigences des vrais rapaces que sont notamment les LBO. Si la modification proposée par le Gouvernement conduisait à vider la mesure de son contenu, le signe envoyé à celles et ceux qui sont dans la difficulté serait dévastateur. Faut-il protéger le PDG de Meetic ou l’ouvrier de Florange ? Je rappelle que les fameux « pigeons », qui seraient imposés à 60 %, le seraient parce qu’ils se trouveraient dans la tranche à 45 %. Ils seraient donc loin d’être défavorisés – excusez-moi, mais j’ai du mal à pleurer. Nous nous opposerons à ce recul !

Quatrièmement, en matière de fiscalité du patrimoine, il est nécessaire de retrouver des dispositifs qui pénalisent la rente et réduisent les fortunes d’héritage, contraires au principe d’égalité républicaine. Monsieur le rapporteur général, vous aurez notre soutien pour élargir l’assiette de l’ISF.

Cinquièmement, s’agissant de l’impôt sur les sociétés, nous accueillons avec satisfaction la diminution de la déductibilité des charges d’emprunt, qui permettra d’améliorer le taux réel de l’impôt sur les sociétés pour les grands groupes. Tout le monde a en tête ce rapport de 2011 démontrant que les entreprises du CAC 40 n’acquittent que 8 % d’impôt sur les sociétés alors que les PME sont assujetties à un taux réel de 28 %. Nous ferons une proposition symbolique de création d’une cotisation minimale de 25 %, pour susciter le débat. En effet, il n’est plus acceptable que les niches fiscales et, surtout, la fraude fiscale organisée mitent le rendement de cet impôt au bénéfice des dirigeants et des gros actionnaires.

Dans le même esprit, il convient d’engager résolument la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui représentent 40 à 50 milliards d’euros. C’est un combat que nous devons mener vigoureusement avec nos partenaires européens. La Commission et l’Union européenne s’immiscent dans notre budget, donnons-leur plutôt pour mission de faire cesser ce véritable vol organisé.

Monsieur le ministre, nous attendons beaucoup du paquet antifraude que vous présenterez à la fin de l’année ; je puis vous assurer que l’ensemble des députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine seront mobilisés pour mettre fin à ces pratiques.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Nicolas Sansu. Ces mesures permettraient de dégager 50 à 80 milliards d’euros sans toucher aux classes moyennes et modestes et seraient en cohérence avec ce qui avait été imaginé, sous la houlette de Nicole Bricq, rapporteure générale, par la majorité de gauche au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

C’est ce chemin, chers collègues de la majorité, que nous vous proposons, non pas d’emprunter, mais de retrouver, pour financer les dépenses sociales et publiques capables de relancer le pays et la production réelle. Car, si nous soutenons l’effort réalisé dans l’éducation, la justice et la police, nous sommes inquiets des conséquences de certains des choix qui nous sont proposés. Ainsi, l’arrêt d’un certain nombre d’investissements publics, auquel s’ajoutent la baisse des dotations aux collectivités locales, le gel du point d’indice des fonctionnaires et les coupes dans les budgets de tous les ministères, ne sont pas de bon augure pour soutenir la croissance et l’activité.

Monsieur le ministre, notre pays, notre continent vont mal. La compétition mortifère, la guerre engagée par les marchés financiers contre les peuples nous conduisent dans l’impasse – impasse économique, sociale et, peut-être, politique. Le budget ne saurait être réduit à une course à la réduction de la dépense publique et sociale et à l’obéissance aux canons du néolibéralisme, qui ont failli. L’austérité n’est pas la solution, c’est le problème.

Ce budget sera, ou non, le signe que la gauche, dans son ensemble, retrouve le peuple, agit pour le peuple et engage la bataille contre la résignation. Oui, monsieur le ministre, il y a une alternative : prenons-en le chemin, ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous tenons, tout d’abord, à saluer un projet de loi de finances courageux. C’est en effet un budget de justice, un budget de rétablissement des comptes publics, un budget de responsabilité. Nous appelions de nos vœux le renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, l’alignement de la taxation des revenus du capital sur celle du travail, le retour sur la réforme de l’impôt sur la fortune ; le Gouvernement prend ces mesures, et ce n’est pas chose aisée. Nous saluons un budget courageux, qui opère le nécessaire redressement des comptes publics, après des années de baisses d’impôts décidées par la droite et de cadeaux fiscaux faits aux plus aisés.

Le paquet fiscal, la niche Copé, la réforme de l’ISF, ont creusé les déficits et alourdi la dette.

Sur ce point, et en réponse à ceux qui accusent la majorité de matraquer les plus aisés de nos compatriotes, dois-je rappeler que la contribution de 75 % sur les revenus ne devrait rapporter à l’État que 210 millions d’euros, alors que le bouclier fiscal devrait encore constituer en 2013, malgré sa suppression, un cadeau de 350 millions d’euros aux plus aisés ? C’est cet héritage que la majorité de gauche doit aujourd’hui assumer, un héritage qui nous contraint aujourd’hui à un effort budgétaire sans précédent, certes difficile, mais qui sera opéré dans la justice.

Nous soutenons ce budget parce qu’il opère le redressement par la réhabilitation de l’impôt, qui a trop longtemps été stigmatisé, et parce qu’il concentre l’effort, pour un tiers au moins, sur les 10 % des contribuables les plus aisés. C’est la façon la plus juste de redresser les comptes publics, c’est également celle qui affectera le moins l’économie française, car elle touchera plus l’épargne que la consommation.

Ces choix, nous les partageons, nous les défendons, et nous serons unis derrière vous pour les porter, n’en déplaise à ceux qui traquent les dissensus dans la majorité.

Qu’il me soit permis, toutefois, monsieur le ministre, de vous faire part d’une inquiétude et d’un regret. Une inquiétude d’abord, parce qu’il serait, à notre sens, contre-productif de vouloir maintenir coûte que coûte l’objectif d’un déficit réduit à 3 % pour 2013. Le budget repose en effet sur des prévisions de croissance de 0,8 % pour l’année prochaine – des prévisions fort optimistes, vous en conviendrez, quand le FMI vient de publier une prévision de croissance à 0,4 % pour la France. L’acquis de croissance pour la fin 2012 sera, vous le savez, probablement nul. Il nous reste donc fort peu de chances d’atteindre le taux de 0,8 % attendu. Or, si la croissance n’était pas au rendez-vous, c’est encore 20 milliards d’euros supplémentaires qu’il faudrait aller chercher.

Notre pays n’est pas en situation de faire face à une restriction budgétaire supplémentaire qui aurait immanquablement un impact très négatif sur l’emploi.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, nous avons vu reculer le nombre d’emplois en France au deuxième trimestre 2012 : sur un an, c’est près de 40 000 emplois que nous avons perdus. Notre priorité commune, c’est la lutte contre le chômage. Et nous vous le disons solennellement, monsieur le ministre, nous ne tiendrons pas les engagements que nous avons pris ensemble devant les Français en matière d’emploi si nous restons enfermés dans la contrainte des 3 %.

Après cette inquiétude, je voudrais maintenant exprimer un regret. Nous avons salué le courage de ce budget en matière de justice fiscale, nous aurions aimé pouvoir en saluer le courage en matière d’écologie. Or, nous sommes contraints de constater qu’aucun signe n’aura été donné en faveur de l’écologie dans ce budget, notamment pour réduire les niches fiscales anti-écologiques.

Les Français comprennent difficilement qu’en période de réduction des déficits, on continue d’une main à encourager fiscalement le diesel, le kérosène, les agrocarburants alors que, de l’autre, on finance le transport ferroviaire, les économies d’énergie ou les énergies renouvelables. Nous le comprenons d’autant moins que cette incohérence fiscale a été pointée depuis longtemps par les écologistes et par les associations environnementales, bien sûr, mais aussi par la Cour des comptes elle-même, qui a souligné à plusieurs reprises l’incohérence du budget sur ce point. Dans son rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne de mars 2011 ainsi que dans son référé de novembre 2011, la Cour rappelait que les articles 26 et 48 de la loi Grenelle I prévoyaient qu’un rapport examinant l’impact environnemental des aides publiques serait publié et que ces aides seraient progressivement « revues de façon à s’assurer qu’elles n’incitent pas aux atteintes à l’environnement ». Elle notait que sur les 26 niches identifiées, seules deux avaient été remises en causes à ce jour, et elle chiffrait à 19,3 milliards d’euros les dépenses fiscales défavorables à l’environnement en y incluant clairement les exonérations accordées au diesel et au kérosène.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de réorienter notre fiscalité pour qu’elle décourage les atteintes à l’environnement et qu’elle soutienne les activités économes en ressources. Ce sont en effet ces activités qui feront l’économie et les emplois de demain, une économie sobre, robuste, qui résiste aux chocs environnementaux et à l’augmentation inexorable du prix de l’énergie et des matières premières. Et comme les écologistes sont, contrairement à ce qu’on entend trop souvent, des gens réalistes, vous verrez, au travers de nos amendements, que nous vous proposons de réaliser progressivement cette réorientation de la fiscalité. En effet, nous sommes conscients que les ménages et les entreprises doivent avoir le temps de s’adapter. Et parce que, nous aussi, nous partageons votre volonté de justice fiscale, nous vous proposons également de commencer par les avantages fiscaux accordés aux plus aisés : la détaxation du diesel pour les voitures de fonction ou l’exonération du kérosène pour les amateurs de voyages en avion.

Une fois réalisées, ces économies pourront être utilement réinvesties dans la transition écologique, notamment dans deux domaines qui nous paraissent prioritaires et qui sont fortement créateurs d’emploi : les transports collectifs et la rénovation thermique. Que dire d’une loi de programmation prévoyant, pour le budget de l’écologie, une baisse de 11,5 % en trois ans et, en particulier, une autre de 330 millions d’euros du budget de l’Agence pour les infrastructures de transport en 2013 ? Vous me direz que cette baisse est compensée par l’écotaxe poids lourds, mais cette taxe était, à l’origine, prévue comme un financement complémentaire pour développer des alternatives aux transports routiers.

Je voudrais, pour finir, citer deux exemples de niches que nous souhaiterions voir progressivement disparaître. La première est l’exonération sur le kérosène, dont nous savons qu’il est le seul carburant échappant à toute taxe, alors que le transport aérien est aujourd’hui le mode de transport qui émet le plus de CO2 par passager transporté. Si nous souhaitons qu’il ne soit progressivement plus exonéré – nous proposons un plan sur quatre ans –, c’est pour permettre une transition vers des modes de déplacement moins polluants, tel le rail. Conscients des réalités économiques, nous ne proposons pas de taxer toutes les lignes aériennes, mais seulement les vols pour lesquels il existe une alternative crédible beaucoup moins polluante.

Le second exemple est celui des raffineries. Comment justifier que les produits pétroliers qui y sont consommés soient aujourd’hui défiscalisés ? Cela semble aberrant dans la situation actuelle de raréfaction des matières premières et d’un prix de l’essence élevé pour nos concitoyens – surtout quand on sait que les bénéficiaires de cette niche sont les grands groupes pétroliers, comme Total, et qu’elle coûte à l’État 105 millions d’euros par an. Cette niche n’a pas d’utilité sociale, elle est anti-écologique et ne fait qu’accroître les bénéfices de quelques entreprises qui en font déjà beaucoup.

La suppression des niches anti-écologiques sera longue, complexe, mais elle est nécessaire pour amorcer la transition écologique qui permettra la création d’emplois pérennes. C’est aussi parce que cela sera long et complexe qu’il faut commencer dès maintenant.

Ce budget est un budget juste, nécessaire. Il va dans la bonne direction et, je le redis, c’est un budget courageux. Nous vous soutiendrons donc sans réserve, tout en espérant que nous pourrons aller plus loin, ensemble, dans la justice fiscale, mais aussi dans la transition écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Les porte-parole des groupes s’étant exprimés, nous en revenons aux orateurs inscrits, que nous avons commencé d’entendre hier soir.

La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le budget présenté par le Gouvernement s’inscrit, en apparence, dans une trajectoire vertueuse de réduction du déficit budgétaire à 3 %. Cette trajectoire ayant été engagée par vos prédécesseurs, dans les traces desquels vous vous placez, monsieur le ministre, je ne peux évidemment pas être opposée à la volonté que vous exprimez de réduire le déficit et d’engager le désendettement de la France.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Alors, tout va bien !

Mme Valérie Pecresse. Néanmoins, je crains…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais non, ne craignez rien ! (Sourires.)

Mme Valérie Pecresse. …que la vertu que vous affichez ne soit qu’un trompe-l’œil. Je crois en effet que votre budget va casser la croissance et qu’il ne pourra permettra d’atteindre les 3 % de déficit. Il repose en effet sur trois erreurs économiques.

La première erreur a trait aux dépenses. L’une de vos premières décisions a constitué à honorer des promesses de campagne pour un montant global de 20 milliards d’euros sur le quinquennat – je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des finances –, dont vous n’aviez évidemment pas le premier euro de financement. En croyant ramener la croissance par la dépense publique avec ces 20 milliards d’euros, vous n’avez fait que rendre l’équation budgétaire radicalement insoluble. Cela vous conduit à diminuer les dépenses d’investissement dans le budget 2013, ce qui est irresponsable. Les grandes infrastructures, le Grand Paris, sont des dépenses qu’il faut engager dès aujourd’hui, parce qu’elles permettront la croissance de demain. Augmenter les dépenses de fonctionnement, baisser les dépenses de fonctionnement est votre première erreur économique.

La deuxième erreur réside dans le fait d’avoir mis à mal tous les dispositifs d’amélioration de la compétitivité de l’économie française, qui avaient été votés sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy. Je pense évidemment à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui permettait d’alléger le carcan insupportable des 35 heures, notamment pour l’industrie française (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Mandon. Si vous n’étiez pas d’accord avec les 35 heures, pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?

Mme Valérie Pecresse. Je pense également à la TVA anti-délocalisation, qui permettait de baisser le coût du travail. Alors que vous avez prétendu, trois mois durant, qu’il n’y avait pas de problème du coût du travail en France, on entend maintenant M. Hollande admettre qu’il y a peut-être un problème de charges sur les salaires et qu’il vaudrait mieux transférer ces charges sur un autre impôt. Vous avez refusé de les transférer sur la TVA, uniquement, soyons clairs, parce que cette mesure avait été décidée du temps de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, après avoir proposé de les transférer sur la CSG, vous vous rendez compte que c’est injuste et insupportable pour le pouvoir d’achat des Français, et vous apprêtez donc à reculer. Je vous le dis, la France ne tiendra pas cinq ans sans un choc de compétitivité ; à défaut de créer les conditions de ce choc, vous serez confrontés au mieux à la stagnation, au pire à la récession et au chômage.

Votre troisième erreur économique, c’est d’avoir fait le choix du « tout fiscal » – pour reprendre, là encore, une expression du président de la commission des finances. Votre ami Jacques Attali considère lui-même qu’il s’agit d’un véritable « suicide fiscal »,…

M. Jean Launay. Il s’est souvent trompé, M. Attali !

Mme Valérie Pecresse. ...car quand on accable d’impôts les classes moyennes, on tue la consommation ; quand on accable d’impôts ceux qui innovent, ceux qui créent, qui entreprennent, on tue l’investissement, on tue la croissance et on augmente le chômage.

Il y a donc trois erreurs économiques majeures dans ce budget, trois erreurs reposant sur trois mensonges datant de la campagne présidentielle, monsieur le ministre.

Le premier de ces mensonges, c’est quand François Hollande a dit à la télévision – je m’en souviens encore – que la crise n’était pas en France, mais en Espagne. Je crains, malheureusement, que la crise ne soit en train de se rappeler à vous, de la façon la plus dure qui soit.

Le deuxième mensonge, que vous ne cessez de répéter, porte sur la dette, dont vous faites une spécificité française, dont vous faites quasiment une faute morale du sarkozysme…

M. Thierry Mandon. Ah ! C’est une bonne expression !

Mme Valérie Pecresse. Or, soyons clairs : la dette n’est pas une spécificité française. Certes, elle a augmenté de 30 % en cinq ans dans notre pays, mais il en a été quasiment de même en Allemagne, sans parler de l’Espagne ou de la Grande-Bretagne, où elle a augmenté beaucoup plus.

M. Pascal Terrasse. Ce n’est pas nous qui avons parlé d’État en faillite !

Mme Valérie Pecresse. Si les États-Unis et le Japon n’avaient pas de problèmes de dettes souveraines, cela se saurait !

Aujourd’hui, les dettes souveraines concernent toutes les économies développées, qui se sont trouvées confrontées à la plus grave crise économique qu’elles aient jamais connue, et qui ont toutes décidé de relancer leurs économies en s’endettant. Certes, la dette doit être réduite, mais ne venez pas dire, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’une spécificité du sarkozysme : on ne se grandit jamais en essayant de rejeter la faute sur ses prédécesseurs au lieu d’assumer ses propres responsabilités !

Votre troisième mensonge, tous nos compatriotes l’ont remarqué quand vous avez affirmé que seul un Français sur dix serait concerné par les hausses d’impôt de ce budget. Il n’y a pas lieu d’isoler telle ou telle catégorie d’impôt : quand on regarde l’ensemble formé par le projet de loi de finances rectificative de juillet, le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, on se rend bien compte que neuf Français sur dix seront touchés, peu ou prou, par des hausses de charges, des hausses de taxes et des hausses d’impôt.

Votre budget n’est pas un budget de redressement et il n’est pas non plus un budget de justice, car il n’y a rien de juste, monsieur le ministre, à taxer ceux qui font des heures supplémentaires, à taxer les entrepreneurs autant que les rentiers, à taxer les familles tout en laissant les plus riches défiscaliser les emprunts outre-mer.

Je vous appelle à faire preuve de lucidité en rétablissant la défiscalisation des heures supplémentaires et la TVA anti-délocalisation, et en diminuant la masse salariale de la fonction publique pour rétablir enfin les investissements d’avenir dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de budget est le premier de la mandature de la gauche et du redressement de la France.

Le Gouvernement, dans une crise d’une gravité exceptionnelle, agit après une décennie de gestion conservatrice qui aura marqué les livres d’histoire en établissant quatre anti-records : un record d’endettement, avec 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires ; un record de déficit commercial, à 70 milliards d’euros, alors que la balance était excédentaire en 2002 ; un record de désindustrialisation, avec 700 000 emplois industriels rayés de la carte de nos territoires ; enfin, un record d’aggravation du chômage, avec un million de sans-emploi supplémentaires en cinq ans.

Pour la majorité, cette réalité est matière à volonté. Pour l’opposition, elle devrait être source, à tout le moins, d’humilité. Ce budget de redressement, ce budget de gauche, se fonde sur quatre piliers. Le premier, c’est la lucidité. Il y a un an, jour pour jour, un autre gouvernement, présentant un autre budget, promettait une croissance de 1,75 % pour 2012.

Personne n’y avait cru, pas même les ministres de l’époque, à commencer par Mme Pécresse, qui réussit alors la performance de présenter sa copie à l’Assemblée, en séance comme en commission, sans jamais évoquer son hypothèse de croissance, sans doute par crainte du fou rire !

M. Nicolas Sansu. Eh oui !

M. Guillaume Bachelay. Respecter le Parlement – et donc les citoyens –, c’est présenter, comme c’est aujourd’hui le cas, un objectif de croissance sincère ; 0,8 % en 2013, c’est un horizon crédible et accessible, parce que l’effort de stabilisation et de relance de la zone euro porté par le Président de la République avec nos partenaires est manifeste, parce que les États-Unis montrent les signes d’une reprise fragile mais certaine, et parce qu’en France le rattrapage de croissance potentielle est encouragé par les mesures qui ont été prises dès les printemps en faveur du pouvoir d’achat : relèvement du SMIC, encadrement des loyers et abrogation de la TVA Sarkozy.

Le deuxième pilier, c’est la justice. En 2007, l’ex-majorité avait promis de baisser les impôts de quatre points de richesse nationale ; ils ont finalement augmenté de 28 milliards, avec en prime l’inégalité. En 2011, les mêmes, qui divisèrent par plus de trois l’ISF des plus riches, pour près de 2 milliards, augmentèrent d’autant le taux réduit de TVA acquitté par tous les autres sur les livres, les sandwichs, les cantines d’entreprise ou encore les transports scolaires. Pour l’UMP, la politique fiscale consistait à baisser l’ISF et à relever la TVA ; pour nous, c’est l’inverse !

En 2013, il est donc proposé de rétablir un véritable impôt sur la fortune ; de créer un taux marginal à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par an et par part ; de plafonner des niches fiscales injustes et inefficaces à 10 000 euros, contre 18 000 auparavant, mais aussi d’instaurer une contribution exceptionnelle de 75 % sur les très hauts revenus. La progressivité est de retour ; c’est cela, le changement.

En même temps, le pouvoir d’achat des ménages et des classes moyennes sera préservé. En témoigne la décote sur les deux premières tranches d’impôt sur le revenu, qui concerne plus de 7 millions de contribuables. Même chose pour la politique familiale, à travers le quotient : non seulement aucun avantage fiscal n’est remis en cause pour les ménages en dessous de six fois le SMIC, mais 3 millions de ménages modestes ont pu bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire revalorisée.

Le troisième pilier, c’est le soutien à l’investissement industriel et le rééquilibrage de la fiscalité en faveur des PME. Avec la niche Copé, mais aussi un impôt sur les sociétés favorable aux très grandes entreprises cotées et crédit impôt recherche happé par les holdings financières des multinationales de la banque, de l’assurance et de la grande distribution, les aberrations n’ont pas manqué ces dix dernières années.

Nous proposons, nous, de supprimer la subvention fiscale au titre des participations. Nous souhaitons que les entreprises d’assurance ayant bénéficié d’avantages fiscaux en 2011 soient assujetties à une contribution spécifique. Surtout, nous donnons aux PME la possibilité de bénéficier du crédit impôt recherche au titre des dépenses d’innovation. Au total, entre grands groupes et PME, ce sont trois points de fiscalité qui sont transférés au bénéfice des secondes. C’est bon pour la croissance, bon pour l’emploi et pour la compétitivité.

Le dernier pilier de ce budget, c’est le réarmement de la puissance publique. La législature précédente a été marquée par un démantèlement de l’État sans précédent, au niveau central comme dans les territoires. Cela avait été très justement dénoncé par le regretté Philippe Séguin, qui présida notre assemblée avant la Cour des comptes. Avec l’alternance, prévaut enfin une autre logique, qui conjugue le sérieux budgétaire et le respect des priorités des Français, c’est-à-dire l’emploi, l’éducation, la sécurité et la justice.

Mes chers collègues, le budget pour 2013 est un budget de redressement, parce qu’il combat tous les déficits : déficits financiers, mais aussi déficits de croissance, d’emploi, de compétitivité et de services publics. C’est aussi un budget de gauche, car il demande l’essentiel de l’effort national aux plus favorisés, à ceux qui, ces dernières années, ont reçu beaucoup – beaucoup trop. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le ministre, vous nous présentez votre premier budget du quinquennat que, fin septembre, le Premier ministre, jamais avare de formules, nous annonçait fièrement comme étant un budget de combat.

M. Jean Launay. Eh oui !

M. Jean-Marc Germain. Vous l’avez !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il est vrai que l'on voit bien, dans ce budget, les combats que vous voulez mener. Les ennemis sont nombreux ; ils ont plusieurs visages. Il y a les entreprises, les retraités, les salariés qui font des heures supplémentaires ou encore les ménages employeurs à domicile. Oui, vraiment, l’ennemi a plusieurs visages et il y aurait beaucoup à dire. Comme il faut choisir et comme beaucoup a été déjà dit, je vous parlerai de la jeunesse qui entreprend, car, plutôt que d’inviter les jeunes à construire la croissance de demain, vous les incitez à la fuite.

D’autres choix étaient pourtant possibles. Vous auriez pu faire, à l’occasion de ce budget, la preuve que vous aviez compris les problématiques d’aujourd’hui. Vous auriez pu poursuivre les efforts déjà engagés lors du quinquennat précédent avec la suppression de la taxe professionnelle, la réforme des universités, l’investissement dans les énergies vertes ou encore les investissements d’avenir – il reste tant à faire.

Pour mener une telle politique, il fallait de l’audace et, faute de courage, vous avez abandonné l’idée d’un budget d’avenir. Il fallait pourtant bien trouver le moyen de boucler le budget. Vous avez donc regardé d’abord du côté de la croissance, mais vous avez finalement compris qu’une crise était passée par là…

M. Jean-Marc Germain. Sans oublier votre passage à vous !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …et que ce serait difficile. Vous avez alors regardé du côté des dépenses. Notre groupe croit qu’un État fort n’est pas incompatible avec un État sobre.

M. Thierry Mandon. On a vu ce que cela a donné !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est même le contraire : nous pensons que résorber nos excès de dépenses publiques, d’impôts et de déficits nous renforce plutôt que de nous fragiliser.

Mais pour cela aussi il faudrait remettre l’ouvrage sur le métier – par exemple en reprenant la RGPP –, revisiter les missions et les méthodes des administrations publiques. Or, vous semblez très timides sur le sujet.

Rien, par conséquent, du côté de la croissance et des dépenses. Que vous restait-il ? L’impôt, cette vieille recette, repeinte sous le doux nom de « redressement dans la justice ». Ah, l’innovation sémantique dans ce gouvernement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi tant de haine ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il fallait cependant faire croire aux Français que neuf foyers fiscaux sur dix ne verraient pas leurs impôts augmenter. Rassurez-vous, ils ne le croient pas ; ils ont bien compris. Quel écran de fumée, quelle diversion !

Il est de notre responsabilité de vous alerter – de les alerter – sur les conséquences de vos choix, notamment pour la jeunesse de France.

Quel message délivrez-vous, depuis votre arrivée, à cette jeunesse ? Vous lui dites qu’il y a un plafond de verre, un moment à partir duquel la réussite devient répréhensible.

M. Jean-Philippe Mallé. Que tout cela est mesuré !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. À la lecture du PLFR pour 2012 – à supposer qu’ils l’aient consulté, ce qui est peu probable –, les jeunes peuvent constater que, aujourd’hui, en France, il n’est pas bon de travailler plus ; que, au-delà de 35 heures hebdomadaires, les heures supplémentaires sont refiscalisées, socialisées en quelque sorte, au motif que travailler davantage pour permettre à son entreprise d’honorer son carnet de commandes bloquerait l’embauche de Français sans emploi, comme si le travail était un gâteau à partager en parts toujours plus petites, alors que c’est le travail qui crée le travail.

Mme Karine Berger et M. Thierry Mandon. On l’a bien vu avec vous !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous leur dites, avec ce projet de loi de finances, qu’ils peuvent toujours chercher à créer leur start-up, innover, investir, travailler parfois jour et nuit pour bâtir une stratégie de développement qui leur permette d’émerger dans un contexte concurrentiel, mais qu’ils ne seront jamais pour vous que des rentiers.

Ils auront de toute façon bien du mal à trouver des investisseurs français pour décoller, car le système fiscal prévoit que celui qui prend des risques, qui a une chance sur deux au moins de perdre tout ce qu’il a investi, doit, en admettant qu’il ne perde pas, donner à l’État plus de 50 % de ce qu’il a gagné.

M. Nicolas Sansu. Mais il gagne beaucoup !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Où est l’encouragement à se dépasser ? Où est l’écosystème propice à la croissance, notamment dans le domaine du numérique, qui attire tant les jeunes ?

Vous ne les encouragez pas non plus à tester leurs bonnes idées sous un statut plus souple. Ils auraient pu choisir, étant donné ce que vous faites aux autres statuts, celui d’auto-entrepreneur. Peut-être auraient-ils échoué ; peut-être auraient-ils rebondi une fois que le projet aurait mûri davantage. Eh bien, le PLFSS portera à son tour un coup à cette belle idée qui permet de s’essayer facilement et rapidement à l’entreprenariat en parallèle de son activité.

Enfin, vous dites à cette jeunesse, qui renouvellera après nous les générations – ce sont quand même les jeunes qui font les enfants – que le quotient familial est une idée dépassée et que, à partir d’un seuil, on ne sera plus accompagné par l’État à l’occasion d’une nouvelle naissance.

Bref, monsieur le ministre, si vous aviez vingt-cinq ans aujourd’hui,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais il les a ! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous qui avez donc vingt-cinq ans aujourd’hui (Nouveaux sourires),que vous inspire votre projet ? Vous inspire-t-il l’envie de vous dépasser, de déplacer les lignes, d’avancer et d’inventer ? Ou bien vous inspire-t-il la résignation et la conviction que votre destin serait peut-être meilleur ailleurs ?

Le soir de son élection comme Président de la République, François Hollande a dit aux Français qu’il voulait être jugé en fonction de réponse que l’on apporterait à la question suivante : « Est-ce que j’ai permis à la nouvelle génération de prendre toute sa place au sein de la République ? ».

Dès votre premier budget, vous mettez fin au suspense : nous n’aurons pas besoin d’attendre cinq ans pour savoir que cet engagement, comme les autres, ne sera pas tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Germain. C’était consternant !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais concentrer mon propos sur un sujet à propos duquel il faut rendre justice à ce projet de budget et à la majorité qui va le voter : le sort réservé aux PME-PMI.

L’effort de rigueur est considérable. Ce budget est difficile à réaliser et il demande des efforts à tout le monde, mais, au milieu de ces efforts, il faut souligner que la volonté du Gouvernement a été de protéger nos PME-PMI. Cette volonté est salutaire. Elle suffit à elle seule à marquer la réorientation du cours de la politique de soutien à notre économie.

En effet, l’effort de redressement demandé aux entreprises, qui représente un tiers de l’effort global – le deuxième concerne les ménages et le troisième consiste en des économies – est principalement ciblé sur les grandes entreprises, lesquelles supporteront pour plus de 80 % les produits nouveaux.

Les prélèvements seront réalisés grâce à un certain nombre de dispositifs. D’abord, la déductibilité des charges financières, qui était à ce jour presque sans limite, sera demain réduite à 85 %, puis 75 % en 2014, ce qui met un terme à une situation anormale qui faisait de la France le pays d’Europe le plus favorable au financement de la croissance par l’endettement plutôt que par les fonds propres, ce qui, chacun le sait, est parfois dangereux, économiquement malsain et profite d’autant plus aux entreprises qu’elles sont grosses.

Ensuite, l’encadrement de l’avantage lié à l’exonération des plus-values à long terme, avec suppression de la niche Copé, mettra un terme aux optimisations fiscales que pratiquaient abondamment nos plus grands groupes. Ce régime alignera en fin de compte le droit français sur le droit allemand et sur le droit italien, lequel ne mérite donc pas toujours l’opprobre qu’il porte.

Je pense aussi au mécanisme des aménagements de report des déficits des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Là encore, ce dispositif ne s’appliquera qu’aux mieux portantes d’entre elles.

Il y a la volonté, non seulement de protéger nos PME-PMI, mais aussi d’aller un peu plus loin, de les accompagner avec les marges budgétaires dont nous disposons.

Je n’évoquerai pas la Banque publique d’investissement, qui a fait l’objet d’une présentation aujourd’hui en conseil des ministres et qui est un élément central de cette stratégie. Le projet de loi de finances prévoit l’élargissement du crédit impôt recherche au bénéfice des PME-PMI par la simplification de l’usage du rescrit fiscal spécifique du dispositif – c’est un peu technique, mais très important –, mais aussi, et surtout, en faisant entrer dans les dépenses éligibles au CIR celles qui sont consacrées à l’innovation.

Les PME se trouvent donc protégées, voire aidées davantage par un projet de loi de finances qui, par ailleurs, est dur pour tout le monde.

On nous dit que nous n’aimons pas les grandes entreprises. Rien n’est plus inexact. Toutefois, il n’est pas tolérable que les taux d’imposition implicites des grandes entreprises et ceux des petites entreprises soient aussi différents. Il n’est pas normal que, quand une PME indépendante est taxée en moyenne à 22 %, une grande entreprise du CAC 40, qui bénéficie de tous les outils fiscaux permettant d’alléger sa charge, le soit à 8 %. Grâce à ce projet de loi de finances, cet écart sera réduit de trois points au bénéfice des PME.

On nous dit encore, à l’exemple de Mme Kosciusko-Morizet il y a quelques minutes, que nous n’aimons pas les entrepreneurs. Là encore, rien n’est plus faux. La protection des PME, que j’évoquais à l’instant, montre le contraire. Par ailleurs – et je voudrais, à cet égard, dire un mot du débat sur les « pigeons » –, il est normal d’aligner l’imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail.

Il me semble d’ailleurs, même si l’intéressé l’a lui-même oublié – tout comme certains qui, dans cet hémicycle, souffrent d’amnésie –, que, il y a à peu près un an, Alain Minc, l’excellent conseiller du Président de la République, avait évoqué cette possibilité. Il avait dit que la gauche, si elle cherchait des bonnes idées, devrait réfléchir à un alignement des taux d’imposition du capital sur ceux du travail.

Mme Arlette Grosskost. Maintenant, il ne dit plus la même chose !

Mme Laure de La Raudière. Cela ne marche que si les taux sont bas !

M. Thierry Mandon. Évidemment, il a entre-temps oublié cette proposition.

L’article 6 du projet de loi est un article de justice. Il soulève un vrai problème, qui ne sera d’ailleurs sans doute pas réglé par cette discussion budgétaire : celui de l’économie du futur, des nouvelles entreprises innovantes dans les secteurs du numérique, des biotechnologies ou encore des nanotechnologies. Ces entreprises fonctionnent sur des modèles qui n’ont rien à voir avec ceux de l’industrie traditionnelle. Ce sont des industries à haut risque, dont la durée de vie est extrêmement incertaine et qui ne trouvent pour leur développement que des moyens privés, d’ailleurs trop rares en France.

Il est logique qu’après concertation le Gouvernement ait choisi d’amender l’article 6 afin de conserver le principe d’alignement des revenus du capital sur les revenus du travail pour la majorité des entreprises, tout en accordant aux entrepreneurs à risque un régime différencié.

Je propose d’ailleurs de considérer cet amendement comme le début d’une réflexion qu’il conviendrait d’approfondir ces prochains mois sur le financement de l’économie du futur et l’adaptation du cadre réglementaire et fiscal au développement de ces entreprises qui, dans les années qui viennent, représenteront une part importante de la croissance économique et de la création d’emplois.

Mme Laure de La Raudière. Chiche !

M. Thierry Mandon. Pour conclure, je me félicite de la volonté du Gouvernement de soutenir nos PME…

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. Thierry Mandon. Oui, mais je suis bien en deçà du temps dont ont disposé Mme Kosciusko-Morizet et Mme Pécresse !

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Thierry Mandon. Je me félicite, enfin, que le Gouvernement concilie ainsi justice sociale et efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je rappelle que le temps de parole est de cinq minutes.

M. Thierry Mandon. Vous avez une montre à géométrie variable, madame la présidente !

Mme la présidente. Je vous prie de retirer ce que vous venez de dire ! Il est possible de vérifier la façon dont je préside. Les temps de parole de chacun sont respectés. Vous savez parfaitement que vous avez parlé presque sept minutes ; vous n’avez donc pas de leçons à donner aux autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Voilà une présidente qui préside !

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le ministre, si l’effort budgétaire est normal, il faut proportions garder ! Or votre budget apparaît punitif, mettant in fine les citoyens dans la difficulté. Cela a été dit et je le répète : le choc fiscal que vous nous imposez ne peut avoir qu'un impact récessif, d'autant plus que vous l'avez construit sur une hypothèse de croissance aujourd'hui largement dénoncée par un grand nombre d'instances.

Bien des experts, d’ailleurs, ont fait la preuve du non-sens économique de votre budget. Vous parlez d'effort juste, mais vous oubliez ces 30 % de citoyens qui, du fait de la modicité de leurs revenus, sont à la peine lorsque les prix augmentent : 30 à 50 euros par mois de dépenses supplémentaires leur posent problème. Or, de par la taxation des heures supplémentaires, vous avez enlevé à la plupart d’entre eux la possibilité de gagner d'avantage. Ils ne comprennent pas, ils ne se l'expliquent pas.

Leur seule solution sera de moins consommer ; c'est d'ailleurs le point commun qu'ils auront avec ces classes laborieuses qui ne comptent pas leurs heures – artisans, commerçants, professions libérales – et qui seront obligées d'épargner d'avantage pour payer ce surcroît d'impôts. Comment booster la consommation dans un tel cas de figure ? Comment relancer la croissance dans de telles circonstances ?

Par ailleurs, charger la barque des entreprises par des taxations diverses et variées, y compris dans le PLFSS, n'est certainement pas la solution pour faire face à l'effondrement économique dont notre pays est victime.

Vous portez le coup de grâce à une industrie qui souffre déjà énormément d'une conjoncture défavorable, dans un contexte mondial plus que jamais concurrentiel.

Limiter la déductibilité des intérêts des emprunts des entreprises peut être une réponse pour certaines LMBO, mais cela obligera nombre d'entreprises françaises aux ramifications internationales à revoir leur business plan à la baisse, alors que, justement, ce sont elles qui investissent dans les secteurs stratégiques dont notre pays a tant besoin.

Pourtant, vous avez conscience que le milieu des affaires, celui qui crée de la richesse, celui qui crée des emplois, est en train de broyer du noir. Il redoute à juste titre les conséquences de la double panne de la consommation et de l’investissement.

Certes, vous avez réagi à certaines inquiétudes, notamment celles exprimées par nos start-up, mais dans l'improvisation et de façon très éloignée de la logique des affaires.

La France est à l'arrêt, le chômage bat des records. De grâce, ne revenez pas sur l'excuse du passé ! Vous comprenez comme nous tous que l'atonie économique est la conséquence malheureuse des crises successives partagées dans la zone euro.

Il faut donc inventer de nouveaux leviers. La relance keynésienne n'est plus de mise, mais vous n'en avez cure, et au lieu de faire de la réduction des dépenses publiques la priorité, vous vous contentez de les stabiliser en valeur, délivrant ainsi un message tronqué à la place financière.

Vous le savez bien, pour mettre de l'huile dans les rouages de l'économie, une nouvelle voie s'impose impérativement, celle qui saura redonner confiance à nos entrepreneurs, quelle que soit leur taille. Une banque publique d'investissement n'y suffira pas, d'autant plus qu'elle est un objet non identifié et plutôt bricolé, dont aucune étude d'impact n'a été réalisée quant aux divers modèles prudentiels des partenaires concernés. Il y a un vrai danger de faire de la BPI un fonds de retournement aux mains des politiques locaux et des commissaires au redressement productif.

En tout état de cause, elle ne remplacera jamais l'actionnariat privé, dont le rôle est de financer les hauts de bilan, mais qui, malheureusement, de par votre surfiscalisation, sera découragé en amont.

Mesdames et messieurs de la majorité, avez-vous conscience que pendant que vous usez d'un langage économique à rebours, d'autres pays font du dumping fiscal pour attirer les talents et les marchés ?

À l'instar de nos voisins allemands, il est fort possible de soutenir un capitalisme tonique avec un coût du travail révisé et une économie sociale de marché modernisée. Mais pour cela, il faudra abandonner votre vision idéologique et dogmatique pour adopter une vision prospective logique, et surtout concertée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, en préambule de mon propos, je tiens à exprimer notre satisfaction que l’Assemblée ait débuté avant-hier la discussion sur le budget par une mise en perspective européenne de la loi de finances, grâce à un débat sur les enjeux du semestre européen. En effet, il est nécessaire que le Parlement entretienne un dialogue direct et régulier avec les différents acteurs européens concernés.

L’Europe est l’objet de mon propos, car c’est en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères sur le prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État au profit de l’Union européenne que je vais m’exprimer.

Comme tous les membres de la commission des affaires étrangères, et ainsi qu’ils l’ont exprimé ce matin à l’occasion de l’examen de mon rapport, je déplore la suppression du débat sur les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne. Ce débat, à l’issue duquel était organisé un vote spécifique, avait le mérite d’éclairer les enjeux d’une part non négligeable du budget national.

En effet, l’article 44 du projet de loi soumis à notre examen évalue à 19,6 milliards le montant qui sera prélevé en 2013 sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union, montant en hausse de 2,9 % par rapport à la prévision d’exécution 2012 du budget communautaire, rectificatif budgétaire inclus. Je précise qu’il s’agit d’une dépense à caractère obligatoire, que le solde net de notre contribution est de 6,4 milliards, et que nous sommes le quatrième contributeur au budget communautaire.

L’évaluation du PSR est indicative ; elle repose notamment sur l’hypothèse que le budget pour 2013 de l’Union européenne sera celui retenu par le Conseil européen, qui a nettement réduit la proposition initiale formulée par la Commission européenne. En effet, le projet de budget porté par la Commission s’élève à 137,9 milliards en crédits de paiements – soit une augmentation de 6,85 % –, que le Conseil a réduits de 5,2 milliards, et à 150,9 milliards en autorisations d’engagement – en hausse de 2,05 % –, réduits de 1,2 milliard par les États.

La Commission, qui sait les besoins en financement pour les suivre au plan opérationnel, justifie les augmentations précitées par la fin de la programmation du cadre financier provisionnel (CFP) 2006-2013, qui voit toujours un accroissement de la demande de mobilisation de crédits en fin de programmation.

Lors de sa séance plénière du 23 octobre, le Parlement européen – seconde branche de l’autorité budgétaire européenne – devrait rétablir quasiment à l’identique le projet de budget de la Commission. Commencera alors la procédure de conciliation. Le résultat, qu’il est difficile de préjuger, sera connu fin novembre.

Le montant de ce PSR, 19,6 milliards, est établi sur la base d’une hypothèse basse du budget européen. Trouver un équilibre entre la limitation, inévitable, de la charge sur les finances publiques nationales et le soutien, nécessaire, aux investissements européens est un exercice difficile. C’est ce qu’a bien compris le Gouvernement, qui, à notre satisfaction, a quitté le club des États « les plus pingres des radins » – pour reprendre l’expression du ministre délégué aux affaires européennes.

Il reste cependant que le budget communautaire souffre d’un sous-dimensionnement chronique, comme en témoignent les récentes ruptures de trésorerie que connaissent le programme Erasmus, le fonds social européen et le programme innovation-recherche.

J’ajoute qu’en l’état actuel des négociations de la Commission sur le futur cadre financier pluriannuel, la contribution française connaîtrait un ressaut très important pour atteindre 25 milliards en 2020, perspective peu compatible, monsieur le ministre, avec la trajectoire de nos finances publiques si le mode de financement du projet européen n’évoluait pas.

Ainsi que l’a rappelé aujourd’hui le Président de la République, « le budget européen est aussi un élément de stimulation de l’économie, notamment à travers les fonds structurels. Nous pouvons aller plus loin, en mobilisant des ressources supplémentaires » – c’est-à-dire des ressources propres. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition de la Commission européenne, qui vise la suppression actuelle de la ressource TVA – dont l’avantage collatéral est de remettre à plat le chèque britannique –, son remplacement par un prélèvement à taux fixe sur une partie des recettes de la TVA et la mise en place d’une taxe sur les flux financiers.

Faire financer le projet européen par des ressources propres permettrait non seulement de le libérer des contraintes des budgets nationaux – et inversement –, mais également de retrouver l’esprit des traités fondateurs, d’enterrer la recherche du juste retour – fossoyeur de l’idée de solidarité – de relever le niveau du budget communautaire par l’affectation de ces ressources dynamiques, et de le mobiliser en faveur des mesures pour la croissance et l’emploi.

Je pensais utile d’évoquer, dans le cadre de cette discussion générale, les enjeux qui s’attachent au budget européen – il bénéficie, comme vous le savez, aux salariés, aux demandeurs d’emploi, aux entreprises, à nos territoires – et plus particulièrement la mobilisation de notre budget national en faveur du projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin.

M. François Baroin. Monsieur le ministre, je n’avais pas prévu de m’inscrire dans cette discussion générale. Nous avons quitté le pouvoir il y a peu, et si vous n’êtes aux affaires que depuis quelques mois, vous connaissez cette matière. Vous avez été un président de la commission des finances de qualité, un adversaire politique redoutable : je sais vos compétences. Il n’y aura donc dans mon propos rien de personnel, si ce n’est des réflexions de nature politique pour fixer un cadre à ce qui nous attend dans les années qui viennent.

Au fond, tout part du discours de Châlons, dans cette belle région de Champagne-Ardenne, à la fin de l’été, lorsque le président de la République, enterrant la campagne présidentielle, tourne le dos à ses promesses, accepte le traité Sarkozy-Merkel et fixe l’objectif des 3 %. C’est le tournant de la rigueur. En 1981, il vous avait fallu deux ans pour vous apercevoir que vous alliez dans le mur. En 2012, il vous a fallu trois mois.

Devons-nous, à l’UMP, contester ce tournant ? Non. À titre personnel, je m’en félicite. Pour avoir été l’un des négociateurs du traité, accompagné le président Sarkozy dans les négociations et vu l’évolution de la position allemande, je me réjouis que l’objectif soit maintenu. Je sais vos convictions et votre détermination : je vous fais pleine et entière confiance pour atteindre cet objectif intangible que nous avions nous-mêmes fixé.

Puisque le traité fixe le cadre de notre discussion budgétaire et les objectifs de ce projet de loi de finances pour 2013, il trace également la ligne de conduite. C’est là où, évidemment, nos points de vue divergent, à savoir quelle part d’équilibre doit exister entre l’effort porté sur les dépenses et celui sur les recettes ?

Je regrette d’abord l’abandon de la RGPP et la moindre implication de l’État en matière de non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite : la règle du « un sur deux » produisait ses fruits ; la bonification – des fonctionnaires, en moins grand nombre, mais mieux payés – était une bonne idée. Ce dispositif, qui n’a pas suscité de mobilisation sociale trop dure, a demandé du temps pour être mis en place. Les syndicats n’ont pas bloqué le système. Nous étions parvenus à faire bouger les mentalités. Malheureusement, un peu d’idéologie est passé par là et vous avez tourné le dos à ce qui n’était pas, non plus, l’un de vos engagements de campagne.

Je regrette ensuite la contribution de 75 %. Je n’oublie pas, à ce sujet, votre première réaction à la télévision, monsieur le ministre, lors de la campagne présidentielle (Sourires). Vous vous en souvenez comme moi. Nous partageons quelques interrogations. Mais je ne veux pas vous mettre en difficulté :…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Qu’est ce que ce serait ! (Sourires)

M. François Baroin. …j’ai trop d’estime pour vous. Malgré tout, cette affaire de 75 % est un message absolument désastreux.

Elle s’additionne aux mesures sèches sur l’ISF et au terrible dossier des « pigeons », qui vous est revenu comme un vol de moineaux en l’espace de quelques jours, après une phase d’improvisation et d’impréparation. Je n’ai toujours pas compris pourquoi vous n’avez pas attendu le débat parlementaire pour modifier ce que vous aviez annoncé la veille, avec le ministre des finances, au conseil des ministres. Ce n’est certainement pas vous, d’ailleurs, qui avez encouragé le Gouvernement à changer de position.

Tout cela pousse les forces vives de notre pays à réfléchir, et pour certains acteurs économiques, pour certaines richesses à se délocaliser, dès à présent. Pour les faire revenir, il faudra du temps, de l’énergie et, je le crains pour vous, monsieur le ministre, un changement de gouvernement à la fin de cette législature.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quelle impatience !

M. François Baroin. Que dire encore sur ce budget ? Qu’on y trouve des points positifs, et je tiens à les souligner. Je me félicite du maintien du statut de la jeune entreprise innovante ; je me félicite de votre détermination à préserver le crédit impôt recherche, qui fut souvent et longtemps contesté sur les bancs de la gauche ; je me félicite enfin de la préservation de l’ISF-PME.

Je regrette néanmoins que l’orientation générale de votre budget soit très déséquilibrée, et j’ai des doutes sérieux sur l’évaluation d’un certain nombre d’opérations budgétaires : je ne crois pas une seconde, par exemple, aux 2 milliards de la fameuse niche Copé.

Il me semble, pour conclure, que l’exécution de l’exercice budgétaire risque pour toutes ces raisons de s’avérer extrêmement difficile. Je doute que la France atteigne ses objectifs, mais je vous soutiendrai pour réduire le déficit à 3 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons cette semaine du projet de budget pour 2013, marqué par un effort inédit de réduction des dépenses de 30 milliards d’euros. Il s’agit à bien des égards d’un budget courageux, qui non seulement marque une rupture avec les choix politiques de ces dernières années, dénoncés pour leur injustice et leur inefficacité, mais confirme également le souci de respecter – contrairement à ce qu’en dit M. Baroin – les engagements du candidat Hollande.

La tâche est ardue et le défi immense, dans un contexte économique européen préoccupant, où dominent des politiques de rigueur qui désespèrent les peuples ; c’est ce que vous préconisez pour la France, mes chers collègues de l’opposition, mais ce n’est pas le choix du Gouvernement ni le nôtre. Politique sérieuse et rigoureuse, oui ; politique de rigueur, non.

La France est en panne : déficit de croissance, déficit de crédibilité, déficit de confiance… Votre héritage est lourd, vous qui semblez vouloir nous donner des leçons, oubliant votre échec patent. Souffrez donc que notre gouvernement mette en place une autre politique.

Nous devons redresser, réorienter, reconstruire. Redresser dans la justice, réorienter pour favoriser la confiance, construire un nouveau cadre, respectueux de notre modèle social qui n’a cessé d’être remis en cause ces dernières années, respectueux enfin des équilibres environnementaux.

Le budget que vous présentez, monsieur le ministre, est un budget de combat, qui s’attaque à toutes les causes de la crise économique et sociale : le surendettement de l’État, les inégalités fiscales, l’économie de la rente et celle des privilèges.

Mme Laure de La Raudière. N’oubliez pas de parler de la lutte des classes !

Mme Monique Iborra. Jamais sous la Ve République un gouvernement n’avait consenti un tel effort de désendettement, non pour faire plaisir aux marchés financiers, mais précisément pour se libérer de leur tutelle.

L’effort, vous le savez, mes chers collègues, est demandé prioritairement aux ménages les plus favorisés, rompant ainsi avec ce qui a été fait ces dernières années ; l’effort, vous le savez, est demandé prioritairement aux grandes entreprises, auxquelles de coûteux dispositifs d’optimisation fiscale permettaient de payer dix points d’impôts en moins que les PME. La Banque publique d’investissement que nous créons pourra mobiliser du crédit bancaire pour ces PME, qui forment la clef de voûte de la politique de réindustrialisation.

C’est un budget qui revalorise le travail, en alignant la fiscalité des revenus du capital sur celle du travail, préservant l’épargne populaire à laquelle nos concitoyens, notamment les classes moyennes, sont légitimement attachés – je veux parler du livret A et de l’assurance-vie.

Ce budget permet également de réorienter et de mobiliser la fiscalité pour accroître l’offre de logements ; il permet enfin d’amorcer la transition vers une fiscalité écologique.

En même temps, et contrairement à ce qu’affirment nos collègues de l’opposition, la masse salariale de l’État est maîtrisée, et ce malgré la priorité accordée à l’éducation, l’emploi, la police et la justice, autant de secteurs que votre politique a sinistrés et que nous devons reconstruire.

Alors, mes chers collègues de l’opposition, je sais que vous rêvez – ou qu’en tout cas vous rêviez, comme l’ont montré vos choix politiques – de refondre le modèle social français, prétextant la crise et la nécessité de réformes, qui n’ont d’ailleurs souvent été que des réformettes. C’est en effet une politique d’austérité que vous auriez mise en place si les Français vous avaient fait confiance, une politique faite de coupes douloureuses, affectant d’abord les classes populaires et les classes moyennes. Vous rêvez d’une politique de réduction des dépenses, allant, pourquoi pas, jusqu’à la baisse des salaires, à l’instar des politiques d’inspiration anglo-saxonne mises en place dans certains pays européens.

Alors oui, aujourd’hui encore et malgré vous, la France a un système social parmi les plus généreux d’Europe ; oui, les dépenses de protection sociale représentent un poste important du budget en France, peut-être plus que dans d’autres pays de l’OCDE ; oui, nous devrons avec sérieux, courage mais dans la justice, mettre en place les réformes nécessaires pour protéger ce modèle social, menacé par la crise, en protégeant ceux qui sont au bas de l’échelle, qui, eux, ne se sont jamais posé la question de savoir s’ils étaient des « pigeons », tant ils sont préoccupés et souvent dans l’impossibilité de se projeter ou d’imaginer pour eux et leurs enfants un avenir meilleur.

Monsieur le ministre, soyez assuré d’un soutien sans faille à votre politique faite de sérieux, de courage, et conforme à nos engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, élaborer un budget est toujours un acte politique majeur, porteur de choix forts en matière de dépenses et de fiscalité.

Si, pour préserver notre souveraineté financière et respecter nos engagements européens, tout le monde s’accorde sur l’objectif d’un retour à 3 % des déficits publics, les mesures prises par le Gouvernement pour y parvenir ne paraissent pas des plus appropriées.

En effet, ce projet de loi de finances pour 2013 n’apporte aucune réponse structurelle aux faiblesses de notre économie, qu’il s’agisse de la réduction de la dépense publique ou de l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Au contraire, les choix faits par le Gouvernement sont de nature à faire chuter les investissements des entreprises et la consommation des ménages, ce qui risque d’être totalement destructeur pour notre économie.

Première constatation : le budget établi par le Gouvernement repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 % en 2013. Or le consensus des économistes se situe plutôt autour de 0,4 %, certains évoquant même une croissance quasiment nulle. Pour tenir l’objectif d’un déficit à 3 % du PIB, la Cour des comptes estime à 44 milliards d’euros l’effort à fournir si le PIB est stagnant. Ce budget 2013 risque donc d’être insuffisant avant quelques mois.

Deuxième constatation : le Gouvernement a prévu un effort supplémentaire de 30 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux quelque 6 milliards de hausses d’impôts déjà votées en juillet dans le budget rectificatif 2012 et aux 2,5 milliards d’économies annoncées pour l’assurance maladie, soit environ 40 milliards. Globalement, entre 2011 et 2013, cela portera à une soixantaine de milliards les augmentations de prélèvements en France. Le taux des prélèvements obligatoires va ainsi grimper de 45 % en 2012 à 46,2 % en 2013.

Cet effort reposera pour deux tiers sur une augmentation des prélèvements obligatoires – 10 milliards pour les ménages, 10 milliards pour les entreprises – et pour seulement un tiers – 10 milliards également – sur une réduction de la dépense publique. C’est le contraire de ce que préconisait la Cour des comptes en juillet dernier.

Concernant l’augmentation des prélèvements obligatoires, le Gouvernement martèle que ce budget est « juste », qu’il épargne les ménages modestes, les petites entreprises, et frappe en priorité les ménages aisés et les grandes entreprises. En effet, on peut estimer que les plus aisés supporteront les trois quarts des hausses d’impôts sur les ménages prévues l’an prochain. À une exception près, et de taille : le gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui est en fait une hausse générale de l’impôt. Un système de décote va épargner les vingt millions de foyers les plus modestes, mais les seize millions restants, dont une partie des classes moyennes, subiront une augmentation significative de leurs impôts.

Concernant la prétendue baisse des dépenses de l’État, quels sacrifices le Gouvernement consent-il en échange de ceux qu’il demande aux autres ? Il annonce 10 milliards d’économies, qui consistent non pas à réduire la dépense, mais à ne pas dépenser plus que l’an dernier. La participation à l’effort national est, vous en conviendrez, toute relative. À titre de comparaison, le PLF 2012 avait marqué une rupture en engageant une diminution stricte de 250 millions d’euros des dépenses du budget général.

Ce projet de budget est de la poudre aux yeux qui cache des mesures à court terme sans réelle vision politique. On se demande par exemple en quoi l’augmentation de plusieurs milliers du nombre de fonctionnaires prévue en 2013 participe au redressement de notre pays, que l’on estime plutôt suradministré que le contraire.

En effet, aucune mesure de fond n’est mise en œuvre en matière de réduction de la dépense publique ou d’amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Pire, le niveau record des prélèvements obligatoires est de nature à avoir des effets désastreux en termes de financement de nos entreprises, de délocalisation des capitaux mais également de pouvoir d’achat des classes moyennes.

Il faut vraiment avoir la foi d’un charbonnier de gauche pour se persuader que le budget 2013 est « porteur de redressement » : avec un choc fiscal inédit et un plan d’économies très insuffisant, cela est absolument irréaliste. Qui peut croire qu’un pays supportant un taux de prélèvements obligatoires de plus de 46 % et une dépense publique égale à 56 % du PIB, battant ainsi tous les records européens, est en mesure de retrouver le chemin de la croissance !

Avec 27 milliards supplémentaires prélevés sur les particuliers et les entreprises, la machine s’emballe ! Avec des recettes d’impôt sur le revenu en augmentation de 23 % et une taxation accrue de l’épargne, vous ne ferez pas croire aux ménages que seuls 10 % des Français seront concernés.

Quant aux entreprises, qui souffrent d’un manque cruel de compétitivité, elles devront supporter 10 milliards d’euros de taxes supplémentaires. On a déjà connu plus subtil pour soutenir l’investissement, la croissance et l’emploi…

Mes chers collègues, comme le disait si justement Michel Audiard, « le jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os » ! En fait, grâce au socialisme, il n’y aura bientôt plus que deux partis en France : ceux qui vivent de l’impôt et ceux qui en meurent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. C’est du poujadisme moderne ! On se croirait en 1981 ; c’est le retour des deux-chevaux et des DS chez Citroën !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis hier nous n’entendons dans cette discussion générale, que surenchères, excès en tous genres, raccourcis annonciateurs des pires desseins.

Nous serions responsables de ces hausses présentées comme confiscatoires, alors même que nombre d’entre elles, qui n’ont rien de tel, n’ont pour effet que de corriger les injustices des budgets précédents. Il faut rappeler à chacun ses responsabilités, et assumer ses choix politiques. C’est ce que nous faisons, mais c’est ce que la majorité d’hier fait semblant d’oublier.

Dans la hausse des prélèvements obligatoires, il y a la part liée à l’évolution de l’économie et celle liée au vote du Parlement. Et la remontée du taux des prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut est très largement liée à des mesures prises par les gouvernements précédents.

Rappelons que les hausses d’impôts ont représenté 16 milliards d’euros en 2011 – et même 22 milliards si l’on intègre le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle et l’arrêt des mesures de relance.

L’examen détaillé des mesures permet aussi de chiffrer l’impact des hausses d’impôts votées par le gouvernement précédent en fin de législature – budget 2011, plans de rigueur Fillon 1 et Fillon 2. Ces hausses d’impôts représentent près de 30 milliards d’euros : les 16 milliards de 2011 – coup de rabot sur les allégements de charges, taxes sur les assurances, fin de la TVA réduite sur les offres triple play, entre autres – auxquels s’ajoutent les 13,4 milliards de hausses effectives en 2012 – TVA à 7 %, gel du barème de l’impôt sur le revenu, hausse des cotisations sur les revenus du capital…

À chacun ses responsabilités. Les nôtres, nous les assumons à travers ce budget, qui marque un véritable effort dans le contexte de crise que nous connaissons. Mais cet effort est marqué du sceau de la justice : contrairement aux budgets précédents, chacun contribuera en fonction de ses moyens.

Pour ma part, je voudrais m’arrêter sur deux points qui m’apparaissent essentiels : l’acceptabilité de l’impôt par nos concitoyens et l’injustice trop grande encore de notre système fiscal actuel.

Nos compatriotes ne savent plus guère ce qu’ils paient ni pourquoi, à tel point que certains ont su, en leur temps, les prendre à témoin pour se faire élire sur des mesures qui, en fait, ont profité à d’autres, les plus favorisés : rappelons-nous la hausse des abattements sur les droits de succession, miroir déformant pour des contribuables qui n’en auront jamais à payer ! Rappelons-nous aussi la déduction des frais financiers sur les prêts immobiliers pour l’acquisition de son habitation principale, restée dans les oubliettes.

Mais, plus grave encore, ce sentiment d’incompréhension alimente petit à petit le refus de l’impôt et répand le sentiment que chacun contribue plus que son voisin.

Ceux qui se sentent plus visés que d’autres, dans le débat actuel, sont souvent ceux qui profitent justement de tous les mécanismes fiscaux : report ou sursis d’imposition, étalement de l’impôt ou crédit d’impôt, imputation de déficit de certains revenus sur d’autres, exonération sous condition de réemploi…

Et pourtant, je reprendrai bien ici l’expression de Thomas Piketty qui constate qu’au final 10 % des contribuables fixent eux-mêmes l’impôt qu’ils doivent payer : les véritables pigeons, ce sont les autres.

La complexité actuelle de notre système fiscal conduit à ce que les plus riches peuvent largement s’inscrire dans toutes les catégories de revenus et profiter de tous les mécanismes favorables, réservés au départ seulement à ceux qui ne disposent que d’une catégorie de revenus particuliers.

Nous le savons bien, la meilleure optimisation fiscale est celle qui consiste à disposer de toutes les sources possibles de revenus. C’est pour cela que la première des mesures à prendre était bien d’aligner la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail.

Parce qu’au surplus, nombre de nos concitoyens ne peuvent compter que sur le revenu de leur propre travail et seront, eux, toujours privés des avantages fiscaux que d’autres vont s’ingénier à optimiser. Mais « si nul n’est censé payer plus d’impôt qu’il ne doit », pour reprendre les propos du professeur Cozian, « l’ingénierie fiscale ne saurait devenir un métier profitable. »

Alors oui, il nous fallait un budget de justice pour accompagner les efforts demandés aux Français.

Il nous en faudra d’autres animés du même esprit pour faire de la fiscalité l’outil de redistribution qu’elle se doit d’être et rendre acceptable l’impôt pour lui redonner tout son sens : l’équité et la progressivité constituent les deux piliers de cette acceptation, parce qu’au final, il s’agit avant tout de démocratie. Sans impôts, il ne peut exister de destin commun et de capacité collective à agir. Il en a toujours été ainsi pour nous et c’est ce que nous commençons à faire avec ce budget, grâce à la détermination du Gouvernement et à la vôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Madame la présidente, monsieur le ministre, le vendredi 28 septembre, lorsque nous avons eu connaissance de ce projet de loi de finances pour 2013, je me suis demandé naïvement si nous vivions dans le même pays que le Gouvernement.

Rien, absolument rien dans votre projet de loi de finances ne répond aux préoccupations des Français : la lutte contre le chômage, l’augmentation du pouvoir d’achat ou encore l’avenir des jeunes.

Passons sur le fait qu’aucune réforme majeure des dépenses publiques n’est proposée, passons sur le fait que vous avez supprimé en juillet la TVA antidélocalisation qui permettait de baisser les charges sociales dans les entreprises afin d’améliorer leur compétitivité, passons sur le fait que vous avez supprimé le dispositif d’exonération des charges sociales et de défiscalisation des heures supplémentaires, entraînant l’augmentation des coûts dans les entreprises, la baisse de la paye et la hausse des impôts pour les 9 millions de salariés qui effectuaient des heures supplémentaires.

Mais, alors que le Premier ministre avait annoncé un choc de compétitivité pour les entreprises, vous avez, monsieur le ministre, présenté un projet de loi de finances avec des dispositions totalement antiéconomiques, je veux parler de la taxation au barème de l’impôt sur le revenu des plus-values de cessions mobilières et aussi des « surtaxes » de « carried interest » des investisseurs de capital-risque.

Je ne comprends toujours pas comment, monsieur le ministre, compte tenu de votre expérience, vous qui étiez il y a peu président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, vous avez pu valider les dispositions se trouvant dans l’article 6 de cette loi. C’est un vrai mystère pour moi, une incompréhension complète ; ou alors, c’est une énorme boulette qui montre un inquiétant manque de préparation et de connaissance des sujets. J’espère que vous aurez à cœur de me l’expliquer !

Permettez-moi de prendre l’exemple des entreprises dans le domaine du numérique. Vous le savez, le numérique est un des rares secteurs en croissance. À lui seul, il est responsable du quart de la croissance nette d’emplois en 2010 en France.

Au côté de quelques grands groupes bien établis dans le monde, se développent de petites start-up qui seront les futurs Google et Facebook de demain si elles réussissent. Ces entreprises ont toutes une spécificité : ce sont des entreprises d’hypercroissance, avec une dépense forte en recherche, nécessitant un développement international rapide. Elles méritent toute notre attention puisqu’elles créent des emplois et qu’elles préparent les positions économiques de la France dans une filière en très forte croissance.

Au dire des experts, grâce à l’action des précédents gouvernements de droite, nous avons en France des dispositifs attractifs, favorables à l’innovation. Je salue le fait que vous les mainteniez : c’est une reconnaissance de l’action du précédent gouvernement. Je pense aux pôles de compétitivité, au triplement du crédit impôt recherche, aux jeunes entreprises innovantes. Il existe un vrai dynamisme, avec des jeunes hommes et femmes brillants, avec de vrais talents, des idées. Il existe encore des entrepreneurs en France qui ont décidé de se lancer à l’aventure, de prendre des risques, de suer sang et eau pour faire aboutir leur projet, trouver des financeurs, recruter des équipes, les former et les motiver, se battre avec l’administration pour obtenir une autorisation d’exploitation dans les délais ou effectuer les démarches administratives d’export avec la douane. Ils font aussi l’effort de comprendre les 1 600 pages du code du travail et ses subtilités, ils font en sorte d’être conformes à la législation du travail chaque fois que l’on passe le seuil de dix, de vingt ou de cinquante salariés ; ils supportent sans broncher que le passage de quarante-neuf à cinquante salariés entraîne le respect de vingt-quatre lois supplémentaires et coûte 1,5 emploi administratif en plus…

Oui, il existe encore des entrepreneurs en France, et tout cela, ils le font sans se décourager, en arrivant motivés, le matin, au bureau, car le chef, l’entrepreneur doit être motivé afin que les salariés croient à l’entreprise et acceptent de donner le meilleur travail possible.

Alors pourquoi, monsieur le ministre, avoir ainsi rédigé l’article 6 de votre projet de loi de finances ? La réaction des entrepreneurs a été immédiate, violente et spontanée. Ils vous ont dit qu’ils en avaient ras le bol de ne pas être compris, ras le bol de ne jamais être entendu, ras le bol de la surréglementation française, ras le bol d’entendre « patron voyou » dans la bouche d’un ministre qui jette ainsi l’opprobre sur l’ensemble des chefs d’entreprises, ras le bol d’être pris pour des pigeons, ras le bol tout simplement !

Vous vous êtes rendu compte de votre erreur tardivement, parce qu’erreur il y a. Mais au lieu d’abroger purement et simplement l’article 6 – nous n’avons pas encore les amendements, mais peut-être que ce qui a été annoncé se concrétisera à l’Assemblée nationale –, vous préférez persister, prévoir des exceptions, bref, créer une usine à gaz fiscale qui viendra profiter à ceux qui ont les moyens de s’entourer de conseils, mais découragera la majeure partie des entrepreneurs. Vous envisagez de modifier ces dispositions pour les créateurs d’entreprises…

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure !

Mme Laure de La Raudière. Apparemment, je ne suis pas la seule à m’interroger, puisque M. Missika, adjoint au maire PS de Paris, a clairement soulevé la question lors d’un colloque, le 11 octobre dernier, en déclarant que « nous avons l’obligation de rendre le territoire plus attractif pour les investisseurs, je dis plus attractif, et non pas moins attractif, quitte à déroger, parfois, à un certain nombre de principes dont on se réclame ».

Voilà mes interrogations attristées face à un projet de loi de finances qui ne permettra pas de développer l’entreprenariat en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Respectant la trajectoire de retour à l’équilibre à la fin du quinquennat sur laquelle le Président de la République s’est engagé devant les Français, le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, engage l’indispensable redressement des finances publiques.

Il l’engage d’abord avec un effort, sans précédent sous la Ve République, de baisse des dépenses de l’ordre de 10 milliards d’euros. Oui, il s’agit là d’un effort sans précédent, un effort que vous n’avez pas su, mesdames et messieurs de l’opposition, réaliser depuis dix ans !

Oui, nous devons l’affirmer haut et fort, ce gouvernement socialiste entend d’abord maîtriser la dépense publique et cela contribuera pour moitié au retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à la fin du quinquennat.

Quant aux hausses d’impôts, elles ne sont, hélas ! pas sans précédent, puisqu’elles sont équivalentes à celles réalisées par le gouvernement Fillon ces dernières années. C’est l’autre moitié de l’effort d’ajustement, un effort nécessaire, sous peine de devoir présenter un budget de récession et d’austérité qui irait à l’encontre de l’objectif de retour à l’équilibre.

Mais contrairement à ce qu’a fait la droite, les hausses d’impôt seront réparties de manière équitable entre les ménages et les entreprises et elles reposeront avant tout sur ceux qui le peuvent le plus, c’est-à-dire les plus fortunés qui ont bénéficié des largesses du précédent gouvernement et les grandes entreprises, tout simplement parce que leur taux moyen d’imposition est bien inférieur à celui de nos entreprises de taille intermédiaire et de nos PME qui seront préservées par votre projet de budget.

Une étape importante de la réforme fiscale va être franchie puisqu’il va être mis un terme à la sous-taxation aussi injustifiée que scandaleuse et économiquement inepte de la rente par rapport au travail.

C’est là une question de justice sociale et, alors que, mesdames et messieurs de l’opposition, vous avez fait porter ces dernières années l’effort sur tous les Français, à commencer par les classes moyennes et populaires, et bien oui, nous, nous assumons ce choix incontestable de demander d’abord à celles et ceux qui ont le plus, et donc, peuvent le plus, de contribuer à l’effort de redressement national.

M. Jean-Philippe Mallé. Très bien !

M. Dominique Lefebvre. C’est aussi une question d’efficacité économique pour ne pas pénaliser la consommation et l’emploi, et donc, le retour vers la croissance.

Mais plus fondamentalement encore que la répartition des efforts nécessaires, mes chers collègues, le vrai débat et le vrai choix, à droite comme à gauche, c’est d’abord l’ampleur de l’ajustement nécessaire.

À gauche, parce qu’on s’inquiète légitimement du risque d’effet récessif d’un tel ajustement, on s’interroge sur la réelle nécessité d’un tel effort. Outre que les choix que vous nous proposez, monsieur le ministre, préservent la consommation et l’investissement, donc la croissance, sa nécessité ne fait pourtant, hélas, aucun doute. C’est d’abord un enjeu pour la stabilité de la zone euro que la parole de la France soit respectée. C’est surtout que nous n’avons plus les moyens d’augmenter davantage notre dette. Nous ne pourrons supporter dans les années à venir une augmentation inconsidérée de plusieurs milliards d’euros des intérêts de la dette qui serait autant d’argent en moins pour l’éducation, l’emploi, la sécurité et la justice. Nous ne pouvons plus augmenter l’impôt qui frappe désormais nos enfants dès leur naissance.

À droite, on nous joue depuis des semaines, toute honte bue, une petite musique sur l’air fameux du donneur de leçons de gouvernance budgétaire : cet effort serait insuffisant, notamment en matière de dépenses, nous dit-on, mais sans jamais préciser quelles dépenses devraient être supprimées. À l’occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative en juillet, la semaine dernière encore lors du débat sur le projet de loi organique sur le pilotage et la gouvernance des finances publiques, l’UMP et l’UDI nous jouent d’ailleurs la même partition à longueur d’intervention, en commission comme dans l’hémicycle : « La gauche est laxiste, la gauche n’entend pas maîtriser la dépense publique, la gauche ne saurait qu’augmenter les impôts, la gauche n’aime pas les entreprises et les entrepreneurs, la gauche n’aime pas les familles ».

Je vais vous faire un aveu, mes chers collègues de l’opposition : à gauche, ce qu’on n’aime pas, c’est l’injustice sociale associée à l’inefficacité économique, et la duplicité, celle qui vous conduit à confondre les ménages les plus aisés du pays et les classes moyennes !

Que vous préfériez critiquer le Gouvernement, vous que les Français ont sanctionnés, dans l’amertume d’une défaite que vous n’avez toujours pas acceptée, plutôt que de vous demander où vous avez failli, c’est humain – à défaut d’être glorieux.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Très bien !

M. Dominique Lefebvre. Mais que vous choisissiez précisément de faire porter vos attaques sur le thème de la responsabilité budgétaire et de l’efficacité économique, cela laisse pantois au regard de votre bilan.

Car enfin, qui a multiplié la dette par deux en dix ans, la faisant passer de 900 milliards d’euros en 2002 à 1 800 milliards aujourd’hui ? Qui a, du même coup, fait grimper le coût des intérêts de cette dette, qui mangent aujourd’hui presque tout ce que ce rapporte l’impôt sur le revenu ? Qui a multiplié les cadeaux fiscaux à sa clientèle électorale, jusqu’à 110 milliards d’euros de manque à gagner en 2010, soit autant que le total des charges de personnel de l’État, le tout financé exclusivement par la dette ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et pour parler d’efficacité économique, qui a fait passer en dix ans notre balance commerciale de l’équilibre à 70 milliards d’euros de déficit ?

À ces questions, vous n’avez qu’une seule réponse car, et c’est admirable, vous avez toujours réponse à tout : ce serait la faute à la crise. Ce serait donc à l’insu de votre plein gré !

Dois-je vous rappeler que c’est dès septembre 2007 que le Premier ministre, collaborateur de Nicolas Sarkozy, déclarait être à la tête d’un État en faillite, soit plus d’un an avant le déclenchement de la crise, mais au lendemain du vote du paquet fiscal qui avait opéré de nouvelles coupes claires dans les ressources publiques et engagé 15 milliards de dépenses nouvelles ?

Mesdames et messieurs de l’UMP, vous avez conduit les Français au bord du gouffre. D’autres tentent aujourd’hui de les en éloigner.

Mme Laure de La Raudière. Et les œuvres d’art ?

M. Dominique Lefebvre. Que vous n’appréciez pas de les voir faire ce que vous avez été incapables d’entreprendre, soit. Mais, de grâce, dans vos critiques, gardez un minimum de pudeur à défaut de pertinence !

Pour notre part, parce que c’est nécessaire et puisque c’est difficile, c’est sans états d’âme, monsieur le ministre, que nous vous soutiendrons et que nous voterons ce budget de redressement pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le ministre délégué, j’ai eu l’immense plaisir de travailler pendant cinq années à la commission des finances avec vous ; j’ai pu y apprécier votre talent, votre brio, votre intelligence, et je trouve vraiment malheureux que vous soyez aujourd’hui contraint de présenter le pire des budgets que l’on ait pu imaginer. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Philippe Mallé. Quelle subtilité !

M. Jean Launay. De la dentelle !

M. Pascal Terrasse. Le budget du conseil général de l’Oise aussi était bien meilleur à une époque ! Mais c’est fini, les bouteilles de champagne !

M. Jean-François Mancel. Vous y êtes contraint, dis-je. Alors vous avez dû user de votre brio, et nous l’avons retrouvé hier : pour éviter de parler du budget, vous avez fait le procès du passé pendant les quatre cinquièmes de votre intervention.

Quant à l’assommoir fiscal, vous l’avez découpé en trois temps : un premier temps en juillet, avec 7 milliards d’impôts supplémentaires ou de suppressions d’exonérations de cotisations – nos compatriotes qui font des heures supplémentaires l’ont constaté dès la fiche de paie du mois de septembre ; un deuxième mauvais coup fiscal dans ce projet de loi de finances pour 2013, avec 20 milliards d’impôts répartis entre les ménages et les entreprises, sans que l’on sache très bien encore comment vous allez manger les uns et les autres ; nous terminerons enfin avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, où tout le monde y passera de nouveau : les retraités ne seront pas épargnés, ni même les buveurs de bière !

Pour ces trois coups, vous avez choisi, par idéologie, de tout faire porter sur les recettes, sur les impositions, et rien sur les économies de dépenses publiques. Nos concitoyens en ont bien conscience : vous pouvez dire au Premier ministre qu’il est inutile d’essayer de faire croire à nos concitoyens que neuf Français sur dix ne sont pas concernés. Du plus riche au plus pauvre, nos compatriotes savent que, de toute façon, ils devront payer cash les dépenses et les promesses du candidat à la Présidence de la République François Hollande.

L’erreur fondamentale que vous avez commise, monsieur le ministre du budget, c’est de ne pas faire porter l’effort sur la dépense. Nous vous l’avons dit et la Cour des comptes vous y a exhorté dans tous ses rapports, mais cette réduction des dépenses n’a pas lieu. Vous utilisez l’impôt pour réduire le déficit, pour pratiquement les trois quarts de l’effort, tout en soutenant que vous diminuez tout de même les dépenses. Ce n’est pas vraiment le cas. Nous l’avions fait, nous, en 2012 : le président de la commission des finances se rappelle que nous avions réellement diminué les dépenses publiques, pour la première fois.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oui, de 220 millions d’euros !

M. Jean-François Mancel. Ce n’est pas le cas en 2013 puisque vous faites des économies sur les dépenses que vous auriez éventuellement pu augmenter ! Ajoutons que les seules économies que vous réalisez portent généralement plus sur l’investissement plutôt que sur le fonctionnement. On le voit notamment pour les économies au ministère de la culture ; c’est tout à fait caractéristique.

Vous avez renoué avec les créations d’emplois à la pelle, notamment dans l’éducation nationale. Vous avez abandonné toute réflexion sur l’efficacité de l’action publique, alors que nous, nous nous y étions précisément astreints. Inéluctablement, nous nous retrouverons en 2013 avec des entrepreneurs qui ne pourront plus investir parce que les charges pesant sur eux seront trop fortes, des ménages qui ne pourront plus consommer parce que leurs impôts seront trop lourds, et vous n’atteindrez, hélas ! pas les objectifs prévus dans le budget initial. Du coup, sachant que vous refuserez, une fois de plus, par idéologie, d’agir sur la dépense, vous serez certainement obligés d’augmenter encore la fiscalité. Ce n’est pas à un choc de compétitivité que vous nous conduisez, c’est véritablement à un carambolage des fiscalités pendant toute l’année 2013.

À ces erreurs fatales, à ces fautes inexcusables, viennent s’ajouter les contradictions permanentes du Gouvernement. Nous en avons été témoins, sur le présent budget, s’agissant de la taxation des œuvres d’art, de la redevance télé sur les résidences secondaires, des profits des entreprises. Nous en saurons peut-être un peu plus ce soir, à la réunion de la commission des finances prévue à vingt et une heures.

En outre, vous êtes soumis à une difficulté majeure : vous devez en permanence réaffirmer votre attachement à la réduction du déficit à 3 % du PIB pour 2013, alors que le quatrième personnage de l’État considère que ce n’est pas important, à l’instar du futur premier secrétaire du parti socialiste !

La politique de Nicolas Sarkozy protégeait les Français, celle de M. Hollande les agresse. Vous nous avez demandé, monsieur le ministre délégué, en présentant votre budget, de reconnaître votre bonne foi. Je la reconnais évidemment : vous voulez essayer de bien faire. Mais vous avez dit aussi que vous ne vouliez pas nuire, et je ne vous reconnais pas la bonne foi sur ce point. Nuire, c’est ce que vous faites ! Le parti socialiste se trompe lorsqu’il affirme que ce budget est un budget de combat contre la crise. C’est un budget de combat contre les Français et contre la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le 28 septembre 2012, sur France 2, nous avons eu le plaisir d’entendre notre Premier ministre exalter l’idéal républicain. Nous avons entendu sa volonté de voir de nouveau fonctionner l’ascenseur social, en panne depuis des années.

Mais pour y parvenir, il nous faut des moyens, car il faut aider des millions de gens : les trois millions de chômeurs, les huit millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ou encore les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans aucune formation, pour ne prendre que ces exemples. Depuis dix ans, mais plus encore ces cinq dernières années, les gouvernements de droite ont fait le choix stratégique de distribuer des cadeaux fiscaux aux plus riches, au détriment du budget de l’État. Ce choix s’est avéré catastrophique, sauf pour les plus riches, évidemment. Ces cadeaux indus ont dramatiquement accru la dette publique : plus 600 milliards en cinq ans, faut-il le rappeler ?

Élaborer un budget, c’est prévoir, c’est se projeter dans l’avenir, mais comment peut-on avoir confiance dans l’avenir quand, chaque année, les déficits publics se creusent et que la dette atteint le pourcentage faramineux de 90 % de notre richesse ?

Nous traversons une crise majeure et notre situation financière est préoccupante. Notre priorité aujourd’hui, c’est de retrouver des marges de manœuvre pour reconstruire. Le budget 2013 en prend le chemin. Ce premier budget de la législature est la première étape qui nous mènera vers l’équilibre des comptes en 2017, comme le Président de la République s’y est engagé. C’est la seule solution, si nous ne voulons pas condamner dès la naissance les nouvelles générations à payer toujours plus d’impôts.

Cette première étape consiste à ramener le déficit public à 3 % de la richesse du pays. Ce chiffre de 3 % n’est pas un critère sans fondement : c’est le seuil à partir duquel nous nous désendettons et retrouvons un peu d’indépendance vis-à-vis des marchés.

Ramener le déficit public de 4,5 % en 2012 à 3 % en 2013 suppose de réaliser un effort budgétaire sans précédent de 30 milliards d’euros. Ce n’est pas rien, vous en conviendrez. Où allons-nous les trouver ?

Ce seront en premier lieu 10 milliards d’économies sur le budget de l’État, tout en préservant les secteurs sanctuarisés : éducation, justice, emploi, police, sécurité, sans oublier la santé, à travers le PLFSS. Ce seront ensuite 10 milliards de recettes supplémentaires prélevées sur les ménages aisés. Les plus favorisés vont être mis à contribution. Ce seront enfin 10 milliards supplémentaires prélevés sur les entreprises disposant des plus grandes marges de manœuvre, en préservant les TPE et PME.

Parallèlement aux ménages et aux entreprises, il est demandé aux opérateurs de l’État et aux collectivités de participer également à l’effort. Au nom de quel principe devraient-ils être exonérés ?

Les concours versés par l’État aux collectivités territoriales s’élèveront à 60 milliards d’euros en 2013. Afin de participer à l’effort de redressement des finances publiques, l’enveloppe normée des concours de l’État est stabilisée en valeur ; son montant en 2013 sera égal à celui de 2012, ce qui représente un effort de 400 millions d’euros demandé aux collectivités. Effort qui devra être amplifié puisqu’une baisse des concours versés est annoncée à hauteur de 750 millions d’euros en 2014 puis de nouveau en 2015.

Cette politique de réduction des dépenses du budget de l’État envers les collectivités aura pour corollaire l’acte III de la décentralisation, qui devra redonner aux collectivités l’autonomie financière indispensable que la loi relative à la réforme de la taxe professionnelle leur a ôtée.

Il est à noter également que le projet de loi de finances pour 2013, pour tenir compte des fortes disparités entre collectivités, accentue sensiblement la péréquation verticale et horizontale. Cette évolution permet de renforcer la solidarité entre les territoires et de rendre plus équitable la participation des collectivités au redressement des comptes de la nation.

Aujourd’hui, nous engageons le redressement des finances publiques dans la justice. Il ne s’agit pas de corseter notre pays mais de retrouver notre souveraineté en étant moins dépendants des marchés. C’est une mission difficile. Le chemin est étroit et la voie européenne est le passage obligé. Le projet de loi de finances pour 2013 concilie la nécessaire réduction des inégalités et les impératifs de réussite économique. Nous avons l’impérieux devoir de réussir pour faire taire tous les chantres de la remise en cause du contrat social.

Mme la présidente. Merci de conclure.

Mme Christine Pires Beaune. Je conclus, madame la présidente.

L’effort fiscal demandé sera, il est vrai, porté par les plus aisés. Privilégiés durant les cinq dernières années, ils vont dorénavant participer à un juste niveau au redressement des finances nationales. Qu’ils en soient fiers, qu’ils s’en félicitent. Qu’ils montrent leur amour pour ce pays à qui ils donnent beaucoup, il est vrai, mais qui leur a permis de réussir.

Sur le chemin de l’effort justement partagé et du redressement des finances, vous pourrez compter, monsieur le ministre délégué, sur notre soutien plein et entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, parce qu’à travers lui un gouvernement français affronte pour la première fois depuis longtemps et sans équivoque la question lancinante des déficits publics, le présent projet de loi de finances restera dans l’histoire, une fois passées les passions du moment, comme un budget courageux.

Mais si cette question de la rigueur budgétaire retient l’attention, elle n’occultera pas l’autre trait majeur de ce premier budget du quinquennat de François Hollande : le retour qu’il initie à une certaine justice fiscale.

Tout le monde connaît, dans cette assemblée, le diagnostic sans appel qu’il convient, hélas, de porter sur la fiscalité française : la destruction organisée depuis des années de l’impôt sur le revenu, jointe au poids des cotisations proportionnelles et des impôts sur la consommation, a conduit à ce fait scandaleux que, dans la France du XIXe siècle, les taux effectifs d’imposition supportés par les couches modestes sont supérieurs à ceux des couches aisées.

Tout le monde sait aussi que les multiples niches fiscales inventées à tour de bras entre 2002 et 2012 ont aggravé cet état de fait.

Tout le monde voit ou devrait voir, dans cette assemblée, à quel point cette situation contredit lamentablement le principe fondamental posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel chacun doit payer l’impôt à proportion de ses facultés contributives.

Dans ce contexte, il était essentiel que le prélèvement supplémentaire de 20 milliards d’euros demandé en 2013 aux entreprises et aux familles françaises soit concentré sur les plus aisées d’entre elles, sur celles qui ont les meilleures facultés contributives. Même si l’opposition tente d’exploiter, non sans démagogie, l’appréhension que chaque Français peut naturellement avoir, dans cette période de crise, d’être mis à contribution, l’examen attentif de votre texte montre, monsieur le ministre délégué, que ce projet a au contraire l’immense mérite de bien respecter cette prescription fondamentale de justice inscrite dans notre Constitution.

À travers l’instauration d’un taux marginal de l’impôt sur le revenu à 45 %, l’instauration de la taxe exceptionnelle de 75 %, les nouveaux plafonnements du quotient familial et des avantages fiscaux, le rétablissement de l’ISF, mais aussi l’augmentation de la décote pour compenser le gel du barème pour les deux premières tranches, vous nous proposez bel et bien un système qui, à la faveur de l’effort général demandé au pays, accroît la progressivité de l’impôt sur les ménages.

Mais si votre projet emporte toute notre adhésion, c’est aussi parce qu’au-delà de cette notion conjoncturelle d’effort fiscal, il pose, au passage, les premiers jalons d’une réforme structurelle.

Il faut saluer, de ce point de vue, l’alignement des revenus du capital sur ceux du travail, qui est l’innovation la plus substantielle de cette loi de finances pour 2013 et qui met fin à une vieille anomalie dépourvue de toute justification. Comme vous l’avez fort justement indiqué il y a quelques jours sur un plateau de télévision, l’harmonisation des assiettes ainsi réalisée cette année constitue un préalable incontournable pour pouvoir envisager à terme la mise en place en France d’un impôt personnel réellement progressif.

Permettez à un nouveau parlementaire de votre majorité d’exprimer devant vous son sentiment que la question fiscale sera cruciale dans le rapport de confiance que votre gouvernement nouera avec le pays sur la durée d’un mandat qui ne fait en réalité que commencer.

Elle sera cruciale, en premier lieu parce que les Français veulent de la justice sociale et que, contrairement à l’impression qu’on peut parfois avoir en observant diverses réactions, ils sont prêts à accepter des mouvements importants de la fiscalité dès lors que ceux-ci sont équitables et qu’ils font sens, et, en second lieu, parce que les couches populaires et moyennes de notre pays, qui ne vivent que de leur travail, attendent et espèrent de votre action l’amélioration nécessaire de leur pouvoir d’achat et que le Gouvernement aurait tort de se priver, pour peu qu’il retrouve des marges de manœuvre suffisantes, de l’outil de la redistribution fiscale pour répondre à cet enjeu majeur.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, pour l’audace réformatrice dont vous avez déjà fait preuve à travers ce budget, et puisse le soutien sans faille de votre majorité vous encourager… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Daniel Fasquelle. À persévérer dans l’erreur !

M. Laurent Baumel. …à aller encore de l’avant dans les mois et les années qui viennent !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre du budget, il doit falloir une sacrée dose de schizophrénie pour être un homme aussi lucide que vous et présenter devant la représentation nationale un budget aussi aveugle. Un budget, c’est la réponse à l’état d’un pays. Nous savons dans quel état est la France.

M. Jean Launay. En effet ! C’est vous qui l’avez mise dans cet état !

M. Bruno Le Maire. Le pays est lourdement endetté ; les capacités de production s’effondrent, on le voit avec la multiplication des plans sociaux à Aulnay, à Florange, à Grand-Couronne ; nous avons des ménages qui n’en peuvent plus de payer des impôts nationaux, locaux, des taxes et qui s’inquiètent pour leur avenir.

Dans une telle situation, qu’eût-il fallu faire ? De toute évidence, et vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, il aurait fallu mettre tout l’effort sur la réduction des dépenses en réduisant massivement la dépense publique…

M. David Habib. Laquelle ?

M. Pascal Terrasse. L’agriculture peut-être ? La justice ?

M. Nicolas Sansu. En révisant les niches ?

M. Bruno Le Maire. …et en proposant une nouvelle organisation de l’État et des collectivités locales. Puisque vous voulez savoir quelle réforme il fallait faire, je vous le dis : engager la fusion des départements et des régions, recentrer les activités de l’État sur les domaines régaliens – sécurité, justice, éducation et santé –, engager la réduction des prescriptions médicales, poursuivre dans la limitation des délais de séjour à l’hôpital pour faire des économies sur la dépense sociale. Vous le savez aussi bien que moi, mais vous faites rigoureusement l’inverse en n’engageant dans votre budget qu’un tiers de réduction de dépenses pour deux tiers de recettes supplémentaires.

M. Jean-Marc Germain. C’est un réquisitoire contre votre politique, monsieur Le Maire !

M. Bruno Le Maire. Je reconnais, monsieur le ministre, que vous avez le courage de vous attaquer à certaines niches. Et vous faites bien. Je regrette seulement que vous ne soyez pas allé au bout de votre démarche…

Mme Laure de La Raudière. Eh oui !

M. Bruno Le Maire. …en laissant intactes des niches aussi injustes que les déductions fiscales dans les DOM-TOM. Vous présentez ainsi aux Français un budget dans lequel on abaisse, par exemple, de 150 000 à 100 000 euros les transmissions de patrimoine libres de droit – ce ne sont pourtant pas les gens riches, pas même les classes moyennes qui possèdent des patrimoines de ce niveau, mais bien des gens modestes –, mais qui laisse la possibilité aux Français les plus riches d’aller acheter un yacht à Saint-Martin ou à Saint-Barth et de déduire cet investissement de leur fiscalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. C’est vous qui avez voté ces niches !

M. Jean-Marc Germain. Déposez un amendement ! On attend l’amendement Le Maire qui mettra fin à cette injustice !

M. Bruno Le Maire. Cela représente 1,3 milliard d’euros de niches fiscales, qui profitent à 95 % aux 3 % les plus riches des Français. Vous n’avez pas osé y toucher. Vous n’avez pas le courage d’aller jusqu’au bout de vos convictions : où est la justice sociale dans un budget qui laisse intactes des niches aussi injustes ?

Il aurait fallu également faire un effort de compétitivité massif et progressif, et soutenir les entreprises et l’investissement. Vous ne l’avez pas fait. Vous faites rigoureusement l’inverse : rien sur la compétitivité, et même moins que rien, puisque vous supprimez la TVA sociale que vous ne remplacerez ni par une augmentation de la CSG ni par une fiscalité écologique – l’augmentation des prix du diesel. Vous vous contenterez de nier le problème comme vous le faites pour tous les problèmes économiques de la nation ; rien sur l’investissement, et même moins que rien, puisque vous supprimez la déduction des intérêts d’emprunt des investissements ; rien sur les projets d’avenir, et même moins que rien, puisque vous rayez d’un trait de plume tous les grands investissements d’infrastructures : le canal Seine-Nord, la ligne à grande vitesse Paris-Rouen-Le Havre ou encore le financement du Grand Paris.

M. Jean-Marc Germain. Votre gouvernement n’avait pas prévu un seul euro pour ces investissements !

M. Bruno Le Maire. Il aurait fallu soutenir la consommation des ménages. Vous faites rigoureusement l’inverse : vous réduisez le pouvoir d’achat de neuf millions de salariés en supprimant l’exonération de charges sur les heures supplémentaires.

Vous vous lancez dans une grande « foire à tout » fiscale où chaque jour apporte son lot de surprise, la dernière en date étant la taxe sur la télévision des résidences secondaires… avant que le Premier ministre ne vous tape sur les doigts. Pourquoi pas une taxe sur les frigidaires ? Pourquoi pas une taxe sur les fours ou sur les grille-pain ? Vous êtes en quête du moindre euro que vous pourriez prendre aux Français (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC) et vous avez tort !

Ma conclusion est simple, monsieur le ministre. Votre budget est sans cap, sans vision et sans ambition. C’est un budget de bricolage qui va à contre sens des nécessités économiques du pays. J’ai lu et entendu M. Hollande nous promettre des lendemains qui chantent pour l’année 2013 ; j’ai peur que votre budget nous prépare, hélas ! pour tous les Français, des lendemains qui pleurent. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, ce n’est pas l’usage, pour un membre du Gouvernement, de s’exprimer au cours de la discussion générale, mais j’ai trop d’estime pour l’ancien ministre Bruno Lemaire pour laisser perdurer un malentendu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a pas de malentendu de notre côté !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement et sa majorité ont suffisamment de désaccords avec l’opposition pour éviter que, de surcroît, des malentendus viennent obscurcir nos débats.

Monsieur le député, vous avez eu des mots très forts, et qu’au fond j’approuve, sur certaines niches à vos yeux scandaleuses. Je ne porterai pas de jugements sur les niches outre-mer, je voudrais seulement lever un malentendu. Je vous rappelle que les niches outre-mer, dans le projet de budget, sont soumises à un plafond. Vous le connaissez bien, puisque c’est celui qui prévaut depuis que le gouvernement auquel vous participiez avait demandé à la majorité qui vous soutenait de l’établir. Ce plafond, c’est 18 000 euros plus 4 % du revenu fiscal de référence. Vous pourriez nous reprocher de ne pas l’avoir abaissé, c’est-à-dire de ne pas avoir durci les conditions de défiscalisation qui vous convenaient alors ainsi qu’à votre majorité qui vient de vous applaudir : vous auriez eu tout à fait le droit de nous faire ce reproche. Mais vous n’avez pas le droit de nous reprocher de privilégier cette niche par rapport au régime préexistant, car nous maintenons l’existant. Vous avez le droit, je le répète, de nous critiquer de maintenir ce que vous avez fait, mais pas le droit d’aller au-delà dans cette critique. Au moins ce malentendu-là, je l’espère, est-il levé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je crois, après la longue litanie de l’opposition frappée d’amnésie et découvrant des vertus qu’elle avait perdues ces dernières années, qu’il est bon de redire notre fierté. Nous sommes fiers, monsieur le ministre, de vous accompagner dans ce rendez-vous pour le redressement du budget de la nation.

Avec le budget 2013, le Gouvernement poursuit son action contre la crise et met en œuvre des outils indispensables à la préparation de l’avenir. Demain seront ainsi financés nos priorités pour l’emploi, l’éducation, les PME, le logement et le pouvoir d’achat, conformément aux engagements du Président de la République.

Ce budget est un budget de gauche. Je me rassure à cet égard en entendant la litanie de la droite faite de reproches piochés dans le Bescherelle du MEDEF, ou encore Étienne Blanc le qualifier hier soir de « socialiste », avec une morgue insupportable. Je pense aussi à Luc Chatel inspiré, hier soir également, par Jean de la Fontaine, qui ne devrait pas oublier ce qu’il advint de son mentor – pas Nicolas Sarkozy, mais celui du fabuliste : je veux parler de Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Mazarin et qui, au nom de sa vision de la fiscalité et de ses principes fiscaux, amassa une si grande fortune que Louis XIV lui-même finit par ne plus le supporter et le condamna au bannissement, puis à l’emprisonnement à vie. Quant à M. Lemaire, il vient à l’instant de nous montrer, en évoquant la schizophrénie de Jérôme Cahuzac, qu’il sait manifestement de quoi il parle puisqu’il semble lui-même souffrir de troubles dissociatifs : le député d’aujourd’hui a manifestement oublié le ministre d’hier.

Mme Sandrine Mazetier. Très juste !

M. Christophe Castaner. Mais revenons au budget 2013. Nous faisons face à une équation compliquée : le contexte mondial de crise impose une vigoureuse remise en ordre de nos finances publiques tandis que la conjoncture poursuit depuis cinq ans sa dégradation et doit être soutenue. Le Gouvernement est responsable et doit tenir compte de ces réalités. Face à toutes ces contraintes, il a fait des choix qui se traduisent dans un PLF sérieux et judicieux. L’exigence des 3 % de déficit en 2013 était un impératif et grâce aux mesures courageuses qui sont prévues, nous sommes sur la bonne voie pour atteindre cet objectif. Si certains d’entre nous pensent que le calendrier est trop serré pour l’atteindre, qu’il est trop ambitieux de vouloir corriger dix années de gestion de droite en si peu de temps, personne ici ne remet en cause l’objectif.

Ce budget est de gauche quand il lève avec justice et solidarité 20 milliards de recettes supplémentaires. La réforme de l’impôt sur le revenu fera peser 90 % de l’effort sur les 10 % de contribuables ayant les revenus les plus élevés.

M. Philippe Gosselin. Non, c’est le contraire !

M. Christophe Castaner. À l’inverse, un seul exemple de l’injustice de votre politique, mesdames, messieurs de l’opposition : ce fut votre choix de geler le barème et, s’il fallait illustrer votre amnésie fiscale, il suffit de vous entendre pleurer aujourd’hui sur ce sujet. Je le rappelle une nouvelle fois : nous ne reprenons pas le dispositif existant puisque si nous maintenons cette mesure, nous augmentons en contrepartie la décote afin de permettre aux ménages les plus modestes de ne pas se retrouver imposés ou de ne pas passer à la tranche supérieure trop brusquement.

Quant aux mesures concernant les entreprises, elles ont été spécifiquement étudiées afin de ne pas nuire à la compétitivité. Les hausses d’impôts sont ciblées principalement sur les grandes entreprises et les secteurs protégés de la concurrence internationale. Être de gauche, c’est aussi faire converger le taux d’imposition des grandes et des plus petites entreprises pour plus de cohérence et d’équité. Le Gouvernement a également souhaité, à juste titre, favoriser les PME, qui sont au cœur de la création d’emploi.

Mais cet effort pour les recettes ne doit pas occulter la maîtrise des dépenses publiques.

Permettez-moi, en tant que rapporteur spécial des budgets du travail et de l’emploi, de m’arrêter sur cette priorité gouvernementale qu’est l’emploi. Nous le savons, la situation est inquiétante. Depuis dix ans, le chômage n’a cessé d’augmenter et nous devons faire face à une recrudescence de la précarité. Le défi qui nous attend en vue d’inverser la tendance implique des prises de décisions claires et courageuses. C’est ce qu’a fait le Gouvernement à travers notamment le PLFR ou le projet de loi portant création des emplois d’avenir, et c’est ce qu’il poursuit aujourd’hui avec le PLF. Parallèlement à toutes ces mesures, le Gouvernement a aussi décidé de prendre en charge les plus personnes éloignées de l’emploi. Les effectifs de Pôle Emploi seront renforcés à cet effet.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le Gouvernement, tout en maîtrisant les dépenses publiques, poursuive sa politique volontariste en faveur de l’emploi.

Ce budget, monsieur le ministre, combat la dette, doublée par la droite en dix ans. Nous voulons ainsi préserver notre liberté de décider face aux marchés. Ce budget combat pour l’emploi, le pouvoir d’achat et les PME ; ce budget combat la domination du plus fort en mettant en œuvre une fiscalité plus juste : au fond, ce budget est bien un budget de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, un budget est toujours un moment de vérité, le moment où les paroles deviennent actes, le moment où les promesses deviennent les lois du pays ou bien sont renvoyées aux oubliettes de l’histoire.

Que nous disent les textes soumis aujourd’hui à notre examen ?

Ils nous disent d’abord la priorité : l’emploi, l’emploi et encore l’emploi. Le Président de la République a fixé l’ambition : inverser la courbe du chômage en un an. Je ne sais si nous y parviendrons tant la difficulté est grande, mais je l’espère. Ce que je sais en tout cas, c’est que le budget nous en donne les moyens : 150 000 emplois d’avenir, 500 000 contrats de génération, voilà un vrai traitement de choc. C’est un traitement de choc contre le chômage, mais aussi un traitement de choc pour la croissance comme l’a excellemment dit Pierre-Alain Muet. Pour être efficace, il devra s’accompagner du maintien des autres aides à l’emploi. Les emplois d’avenir et les contrats de génération ne doivent pas être seulement un vrai mieux, mais aussi un vrai plus pour l’emploi.

Ce budget, c’est ensuite la préparation de l’avenir : investissement dans l’industrie d’abord, avec la banque publique d’investissement dont la création a été décidée en Conseil des ministres ce matin même ; investissement dans la recherche ensuite, avec notamment l’élargissement du crédit impôt-recherche à l’innovation dans les PME ; investissement dans l’éducation enfin, avec un effort sans précédent pour l’école, à travers des embauches bien sûr mais aussi une refonte des rythmes scolaires, des pédagogies et de la formation des enseignants. Là est la vraie compétitivité, n’en déplaise à M. Lemaire – mais il n’est plus là.

Ce budget, c’est enfin l’assainissement des comptes publics dans la justice. Je fais partie de ceux qui ont défendu l’objectif des 3 % dès 2013 car j’y suis profondément attaché : c’est le seuil en dessous duquel, on l’a rappelé maintes fois, la courbe de l’endettement s’inverse.

Je l’ai fait aussi parce que c’est un objectif atteignable, ce PLF en apporte la démonstration. Il y avait, en effet, dans les multiples niches fiscales, les marges de manœuvre suffisantes dans lesquelles nous avons pu puiser sans porter atteinte à la croissance.

J’ai défendu l’objectif des 3 %, mais je défends aussi une approche des 3 %. Je suis contre les ajustements permanents au gré des aléas. Vous avez fixé, monsieur le ministre, une hypothèse de croissance volontariste mais réaliste à 0,8 % ; maintenons-la. Vous avez arrêté un dosage subtil entre sérieux et croissance, entre maîtrise des dépenses et augmentation des recettes, et entre les contribuables aisés et les autres. Ne le changeons plus.

Les dés sont jetés. Mobilisons-nous désormais entièrement pour la création d’emploi, le redressement productif, le logement, la réforme de l’école, le droit à la sécurité.

Pour atteindre ces 3 %, contrairement à ce qu’ont dit les orateurs de l’UMP qui m’ont précédé – mais répétition ne fait pas raison –, tout n’est pas recettes supplémentaires dans ce budget. C’est deux tiers, un tiers. Ni plus ni moins.

Ce budget propose surtout une autre approche de la dépense publique. Pour vous, chers collègues de l’opposition, un bon euro d’argent public est un euro qui n’est pas dépensé : cela a conduit au désastre de la RGPP, qualifiée d’imbécile par Philippe Seguin lui-même. Votre méthode a été la hache en matière de dépenses publiques. La nôtre, c’est le peigne fin.

M. Philippe Gosselin. Pour nous chercher des poux dans la tête !

M. Jean-Marc Germain. Pour chaque euro dépensé, nous nous demandons : est-ce utile ? Si c’est utile, on garde ; si cela ne l’est pas, on coupe. C’est ainsi qu’ont été dégagés 10 milliards d’euros d’économies dans ce budget pour 2013.

Autre approche pour les dépenses, autre approche aussi pour les recettes. Notre conception des efforts, c’est la justice. La justice, pour nous, c’est que les grandes entreprises contribuent plus que les petites, que les hauts revenus et les gros patrimoines soient davantage sollicités que les petits, que les entreprises qui créent, innovent, investissent et embauchent soient encouragées et que celles qui spéculent et délocalisent soient dissuadées.

Voilà quel est notre horizon fiscal. Chacune des dispositions de ce PLF nous en rapproche. Chacune des propositions du PLFSS nous en rapprochera. Et chacune des décisions que nous prendrons tout au long de ce quinquennat nous en rapprochera plus encore.

Chers collègues, je voterai pour ce budget parce qu’il est conforme à nos convictions et à l’intérêt du pays. Je l’approuverai parce qu’il affronte les urgences et prépare l’avenir. Je l’approuverai parce qu’il est sérieux et juste.

Nous demandons 30 milliards d’euros, c’est beaucoup. Mais nous demandons à ceux qui ont beaucoup reçu au cours des dernières années : cessez de nous parler de matraquage ; c’est du rattrapage. Nous demandons beaucoup à ceux qui ont beaucoup.

Cet effort est demandé pour une grande cause : le redressement du pays. Cet effort a un nom, non pas « pigeon » mais « patriotisme fiscal ». Au bout de cet effort, je vous dis ma conviction, il y aura la réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Le 6 juillet 2012, donc avec l’aval du gouvernement nouvellement désigné, le Conseil européen émettait ses recommandations à la France pour les quatre années qui viennent.

Ce document explore dix-huit pistes. Il allie à la fois des recommandations chiffrées et des orientations structurelles sur lesquelles la France doit se pencher et qui font l’objet d’un consensus dépassant souvent les clivages habituels de notre assemblée.

Les points 10 et 11, par exemple, recommandent de suivre la trajectoire de réduction des déficits, soit 3 % en 2013 et l’équilibre en 2016. Comme beaucoup de mes collègues, je félicite le Gouvernement d’avoir repris cet engagement. À entendre M. le ministre du budget, je veux croire qu’il y mettra la même détermination que son prédécesseur a mis à tenir l’exécution du budget 2011.

Mais sur les autres points, à ce jour, nous sommes loin des recommandations approuvées par le Conseil européen et la France : flexibilité du marché du travail, encouragement à la formation continue des seniors, développement de l’apprentissage, amélioration du suivi des demandeurs d’emploi, mise en place de la TVA sociale, dérégulation des secteurs économiques protégés, renforcement du rôle du consommateur, investissements dans les infrastructures, soutien aux marges des entreprises, etc.

Plusieurs décisions allant dans ce sens étaient déjà prises au moment de l’alternance, mais vous les avez annulées pour les remplacer par des missions de réflexion dont nous connaissons les conclusions, puisqu’elles traduiront l’engagement que le Gouvernement de la France a pris devant la Commission.

Par ailleurs, plusieurs sujets abordés dans le PLF pour 2013 révèlent un recul et une remise à plus tard de ce que votre gouvernement s’est pourtant engagé à faire rapidement.

Les marges des PME françaises, source de leur autofinancement et donc de la fameuse compétitivité hors prix dont nous allons sans doute beaucoup parler pendant les semaines à venir, au lieu d’être soulagées, vont être amputées de près de 7 milliards d’euros. Précisons que ce sera 3 milliards d’euros de plus pour les grosses entreprises. Ce n’est pas du tout ce qu’attendaient les PME, en tout cas les plus petites d’entre elles.

Autre exemple : de nouvelles rigidités apparaissent sur leur financement en raison d’une réforme franco-française de l’impôt sur les sociétés alors que la réforme de cet impôt devait être engagée à l’échelle de la zone euro.

La compétitivité de nos entreprises est-elle améliorée par cette loi de finance ? Non. Le marché du travail est-il assoupli par un allégement de cotisations ? Non. Les niches fiscales bénéficiant à certaines professions qui accroissent les rigidités de notre économie sont-elles éteintes ? Non, la plupart d’entre elles demeurent. Et encore, je passe sur l’impôt du patrimoine qui va encore accroître l’importance de la fiscalité dans les choix d’investissement, alors que nous devrions tendre vers sa neutralité.

Notre tissu économique sort-il renforcé de cette loi de finance alors même que les prélèvements vont s’accroître d’environ 1,5 % du PIB ? La réponse est clairement non.

Lundi dernier, salle Lamartine, nous avons assisté à un dialogue très intéressant entre Mme Reding, vice-présidente de la Commission européenne, et le Gouvernement. Ce dernier disait en gros : peu importe la façon dont on tient les 3 %, l’important est d’y parvenir. Mme Reding avait un autre point de vue : « C’est plus dans la façon dont une politique est mise en place que nous observons si elle est coopérative ou non avec les autres pays de l’Union et si en conséquence elle améliore l’efficience de la zone Euro. »

Pour résumer, sans réformes structurelles profondes, le risque d’échec de la rigueur budgétaire est très élevé.

M. Philippe Gosselin. Bien sûr !

M. Olivier Carré. C’est celui qu’ont connu les pays aujourd’hui en crise. Paradoxalement, la Commission européenne relativisait l’objectif budgétaire alors que le Gouvernement relativisait l’urgence des réformes structurelles.

M. Philippe Gosselin. Et le président de l’Assemblée nationale relativise les 3 % aussi !

M. Olivier Carré. Cette stratégie a été approuvée par le Gouvernement dès le sommet européen de juin et non pas, comme l’a indiqué François Baroin, dans le discours du Président de la République à Châlons-en-Champagne au mois de septembre. Faute d’avoir mis en place cette stratégie dans les cent jours suivant votre arrivée, vous convoquez l’arme fiscale car il faut aller vite, comme le rapporteur général l’a souligné.

Il faut aller vite, car si le doute s’installe sur notre capacité à nous réformer, seule reste la réputation de sérieux de la gestion de nos déséquilibres budgétaires. La fiscalité à ce point, c’est une arme de dissuasion. Mon inquiétude, c’est qu’elle en vienne à dissuader les gens de consommer, d’investir et d’entreprendre dans les semaines à venir, au moment même où un mieux se dessine en Italie, en Espagne, en Belgique ou au Royaume-Uni, pays qui pratiquent une politique fiscale exactement inverse de celle qui nous est proposée.

Si la France devenait le problème de l’Europe, faute de réformes en profondeur et par une panne de croissance, nous ne nous en remettrions pas car nous ne serions pas en position de force, une fois l’élection allemande passée, au moment où s’entamera l’indispensable refondation européenne.

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. Olivier Carré. C’est là le vrai rendez-vous et je souhaite de tout cœur que la France y ait une parole forte. Le projet de loi de finances pour 2013 m’en fait douter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la commission des affaires économiques m’a fait l’honneur de me désigner comme rapporteur pour avis sur les crédits de la politique de la ville, et il ressort des auditions que j’ai pu mener une grande satisfaction.

Ce projet de loi de finances, le premier de notre législature, représente un effort sans précédent en matière de péréquation entre les territoires.

La décision du Gouvernement d’accompagner la montée en puissance du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales à hauteur de 350 millions d’euros et du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France qui dépassera cette année les 200 millions d’euros, et celle de doubler l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale pour la porter à 120 millions d’euros, en particulier pour les communautés les plus pauvres, vont permettre à de nombreux territoires en difficulté de mettre enfin en œuvre les politiques de droit commun dont leurs populations ont besoin.

Je tiens également à saluer les mesures d’ores et déjà prises pour promouvoir l’emploi dans ces territoires relevant de la politique de la ville, et en particulier la loi portant création des emplois d’avenir pour 2013. Ce projet de loi de finances permettra la création de plus de 100 000 de ces emplois prioritairement tournés vers les jeunes des quartiers défavorisés.

Je me réjouis également de l’inscription dans ce projet de loi de finances d’une expérimentation des emplois francs. Ce dispositif consiste à inciter les entreprises du secteur marchand à embaucher de jeunes diplômés vivant dans les zones urbaines sensibles, en allégeant les cotisations patronales sur ces emplois. L’exonération est attachée au lieu de résidence des salariés et non au lieu d’implantation de l’entreprise comme c’était le cas précédemment avec les zones franches urbaines.

À l’inverse des emplois d’avenir, ce dispositif vise des jeunes diplômés et s’applique au secteur marchand. Ces deux dispositifs sont donc parfaitement complémentaires. Ils permettront de nous attaquer enfin au fléau qui ravage les quartiers populaires : le chômage des jeunes y atteint parfois 50 %.

Je prends également note avec satisfaction du maintien des moyens alloués à l’Agence nationale de rénovation urbaine. Ils permettront de poursuivre les opérations immobilières essentielles à l’amélioration de l’habitat des moins privilégiés de nos concitoyens.

En ce qui concerne plus particulièrement la région Île-de-France et le Grand Paris, j’ai bien pris acte des annonces et des engagements du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le phasage des projets et la recherche d’autres recettes fiscales pour abonder la Société du Grand Paris. Le président et des membres de mon groupe vont déposer des amendements en ce sens et je vous encourage à les regarder d’un œil bienveillant.

Enfin, je salue les efforts réalisés afin de renforcer les moyens alloués à la prévention de la délinquance dans nos quartiers.

Mes chers collègues, ces avancées majeures tiennent directement compte du rapport rendu par la Cour des comptes sur la politique de la ville et marquent l’engagement fort du Gouvernement en faveur des quartiers défavorisés.

Le budget de la ville comme le projet de loi de finances qui nous est soumis sont porteurs de changements pour nos concitoyens et permettront de réaliser le redressement de notre pays dans la justice.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dassault.

M. Olivier Dassault. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, j’interpellais votre collègue, M. Moscovici, lui demandant : pourquoi le Gouvernement a-t-il tant de haine envers les entrepreneurs ? Ce soir, je suis venu vous parler d’amour : de l’art et de la liberté, notamment celle d’entreprendre.

Vous connaissez mon tempérament et mon goût pour les arts, aussi aimerai-je débuter mon propos par des remerciements. Je remercie le Gouvernement pour son opposition ferme, répétée par le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, à l’amendement déposé par le rapporteur général de la commission des finances visant à inclure les œuvres d’art dans le calcul de l’impôt sur la fortune.

Cet amendement, que je qualifierai de serpent de mer parlementaire, est plus que regrettable : il dessert la place de Paris en faisant planer une menace inutile sur le marché français de l’art, tout comme il va à l’encontre de la philosophie de la protection du patrimoine en poussant les œuvres d’art à quitter le territoire.

Mon amour pour les entrepreneurs, ceux qui créent, inventent et innovent m’a été transmis par mon grand-père et est inscrit dans mes gènes. C’est pour cela que le message envoyé par votre projet de loi de finances à ces gens qui sont le fondement de notre économie me pose un problème fondamental.

Pourtant, en écoutant Jean-Marc Ayrault protester de son respect et de son attachement à l’entreprise devant l’université du MEDEF, on aurait pu croire les socialistes assagis.

Pourtant, en entendant le Président de la République dénoncer la contrainte de l’instabilité fiscale durement vécue par les entrepreneurs, lors de la remise du prix de l’audace créatrice à l’Élysée en septembre dernier, j’ai sincèrement cru qu’après dix années d’opposition la gauche était enfin réconciliée avec l’entreprise. Quelle ne fut pas mon erreur ! Quelle ne fut pas ma surprise !

Les campagnes électorales donnent régulièrement lieu à des escalades verbales et à des exhibitions de posture. Celle de François Hollande n’a pas fait exception. Rappelez-vous : à l’époque, l’ennemi désigné à la vindicte populaire était la finance internationale. Depuis, ayant constaté son impuissance face à cette hydre moderne, le Président s’est trouvé une nouvelle cible : les entrepreneurs.

M. François Loncle. Mais non !

M. Olivier Dassault. Dans les années 1950, Jean-Paul Sartre disait « Il ne faut pas désespérer Billancourt » pour justifier le fait qu’il ne fallait pas forcément dire la vérité aux ouvriers de peur de les démoraliser. S’il va sans dire que vous devez la vérité aux Français, notamment à propos de la situation économique gravissime dans laquelle se trouve notre pays, vous avez également le devoir de ne pas désespérer les entrepreneurs. Or, avec ce projet de loi de finances, c’est exactement ce que vous faites.

Yvon Gattaz, patron parmi les patrons, nous l’a rappelé : il est indispensable d’espérer pour entreprendre. Mais en cherchant à confisquer aux créateurs d’entreprises le produit de leurs efforts, notamment par le biais du tristement célèbre article 6 de votre projet de loi de finances, comment ne pas voir que vous êtes en train de tuer l’espoir, moteur puissant, s’il en est, de la création d’entreprise ?

Je parle ici de l’espoir de réussir, de créer de la richesse à la fois pour soi et pour son pays. La solidarité nationale à laquelle nous sommes tant et tous attachés en dépend.

Le poète anglais William Wordsworth disait : « Le pouvoir se manifeste beaucoup plus facilement dans la destruction que dans la création. » Il avait raison.

À peine revenus au pouvoir, vous vous êtes empressés de défaire méthodiquement tout ce que le gouvernement précédent avait mis en place, que ce soit la défiscalisation des heures supplémentaires, la TVA sociale ou encore l’allégement de l’ISF.

M. Thierry Benoit. Grave erreur !

M. Olivier Dassault. Vous vous êtes même attaqués au statut de l’auto-entrepreneur, malgré l’immense succès populaire de cette réforme. Vous n’étiez pas guidés par une vision, mais par un désir de revanche. C’est regrettable.

Face à cette entreprise de destruction systématique, la résistance s’est organisée. Ainsi votre idée de taxation des plus-values de cessions a-t-elle provoqué une jacquerie « 2.0 » sans précédent.

M. Thierry Benoit. Une croisade !

M. Olivier Dassault. Monsieur le ministre, les entrepreneurs n’ont pas l’habitude de se révolter ainsi. Ils ne descendent pas dans la rue ni ne se mettent en grève pour se faire entendre. C’est à nous, parlementaires, issus de l’entreprise ou sensibles à leurs problématiques, de nous faire les porte-voix de leurs préoccupations. C’est pour cela que nous venons de créer G2EA : « Génération entreprise – entrepreneurs associés ». Car ce ne sont pas des aides ou des subventions que me demandent les entrepreneurs que je rencontre. Ils ne réclament qu’une chose : un environnement réglementaire et juridique stable.

Voilà pourquoi, en matière fiscale, nous devons cesser le bricolage : il faut de la stabilité, de la cohérence et de la lisibilité.

Je propose de commencer par proscrire toute rétroactivité fiscale, à l’inverse de ce qui est prévu aux articles 5, 6 et 7 de votre projet de loi de finances. Et, pour prévenir toutes tentations futures, d’inscrire cette interdiction dans la Constitution.

Je terminerai sur les mots du théologien William Channing, en guise de conseil d’un parlementaire expérimenté à un nouveau gouvernement : « Le but du gouvernement n’est pas de donner le bonheur, mais de donner aux hommes la possibilité de le trouver ou de le chercher ».

Monsieur le ministre, donnez la possibilité à ceux qui veulent entreprendre en France de le faire, cessez de faire la promotion fiscale de nos voisins européens et laissez à ceux qui prennent des risques la jouissance du fruit de leur labeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Puisque nous commençons la discussion de la première loi de finances de la première présidence Hollande, et du premier gouvernement Ayrault, je voudrais axer mon propos sur son article 1er. C’est celui qui est consacré à l’autorisation de percevoir les ressources publiques, autrement dit les impôts, qui découle du principe posé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il ne me semble pas inutile de rappeler la double condition inscrite dans la Déclaration.

Tout d’abord, la nécessité de la contribution publique. Le budget initial est l’acte fondateur de l’action publique, révélateur des choix de l’État, via son gouvernement, pour l’exercice qui se prépare. À cet égard, beaucoup de choses nous séparent déjà de l’opposition. La législature précédente a fait le choix, assumé d’ailleurs, de la réduction des moyens de l’action publique. Ainsi que Jérôme Cahuzac l’a rappelé hier, le texte TEPA voté en juillet 2007 a entraîné une baisse annuelle de 11 milliards de recettes, d’une part au nom du moins d’État, d’autre part pour favoriser à sens unique les catégories sociales les plus aisées.

Il n’est donc pas étonnant d’entendre, alors que nous faisons le choix du rétablissement des finances publiques, ceux-là mêmes qui ont bénéficié de largesses inconsidérées de la majorité précédente hurler au matraquage fiscal. La volonté du Gouvernement, c’est de rattraper en urgence ce que vous avez dégradé : la dérive du déficit public, l’augmentation de 700 milliards du stock de dette sur les cinq années écoulées, l’accroissement du déficit du commerce extérieur, les chiffres dégradés de l’emploi, la flambée du chômage et l’augmentation de la précarité.

La volonté du Gouvernement, et nous le suivons, c’est de réhabiliter l’impôt et de redonner à l’impôt sur le revenu la progressivité qu’il a perdue régulièrement, du fait du bouclier fiscal et de l’accroissement des dépenses fiscales. Faut-il rappeler à cet égard que le précédent gouvernement n’a pas fourni les montants constatés des dépenses fiscales à l’issue des exercices 2009 et 2010 ? Probablement parce que l’objectif annoncé n’a pas été respecté.

Nos choix sont différents, légitimités par l’élection et l’aspiration à plus de justice. Et la justice doit aussi être fiscale. C’est pourquoi ce projet de loi de finances plafonnera à 10 000 euros par foyer l’ensemble des niches fiscales. Il contient aussi de nombreuses mesures préservant les contribuables les plus modestes, en particulier le relèvement de la décote sur les deux tranches les plus basses de l’impôt sur le revenu. Enfin, il préserve les foyers de condition modeste pour qu’ils continuent de bénéficier des dispositifs d’allégement de la fiscalité directe locale.

La deuxième condition inscrite dans l’écrit fondateur que constitue la Déclaration des droits de l’homme est le libre consentement à la contribution publique. Nous renouvellerons cette année avec conviction notre autorisation à la perception des ressources publiques, en particulier parce que le projet de loi de finances pour 2013 comporte un réel effort de réduction de la dépense publique, à hauteur de 10 milliards.

Nous le faisons aussi parce que nous partageons avec vous, monsieur le ministre, l’idée qu’il est primordial de rétablir l’équilibre général des finances publiques. Parce que nous ne pouvons plus dépendre des marchés pour financer les dépenses de l’État, car c’est la souveraineté de la France qui est en cause. Parce que nous voulons arrêter de faire peser sur nos enfants et petits-enfants la charge des dépenses que nous engageons.

Nous le faisons enfin en conscience, parce que ce projet de loi de finances combine trois éléments : résorption de la dette, réduction des inégalités et redressement de l’emploi, dont nous pensons qu’ils sont la voie pour renouer avec une croissance durable et une confiance retrouvée dans l’action publique.

Chers collègues de la majorité, abordons ce débat budgétaire avec humilité, mais détermination. Les choix fiscaux et budgétaires du gouvernement que nous soutenons sont lucides et courageux. Le temps nous donnera raison. Et à ceux qui hurlent avant d’avoir mal, alors qu’ils ont largement contribué à la dégradation globale de nos comptes publics par une politique fiscale déséquilibrée et injuste, nous disons qu’il est temps d’arrêter de nous faire ce procès permanent en illégitimité à gouverner et à faire d’autres choix que les leurs.

Notre légitimité, c’est le choix fait par les Françaises et les Français en mai et juin dernier.

Mme Annie Genevard. Ils le regrettent déjà !

M. Jean Launay. Notre légitimité, c’est le vote de cet article 1er, alliant nécessité et consentement à la contribution publique. Notre légitimité, c’est la rupture avec les politiques publiques précédentes, dont la pratique a conduit à un endettement insupportable. Notre premier travail, Pierre Moscovici l’a justement rappelé hier, sera d’opérer ce redressement en refusant le fatalisme et en sauvegardant notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre, je ne voterai pas votre budget car il est inefficace, incohérent et injuste.

Inefficace car, avec 30 milliards d’impôts supplémentaires, vous allez éteindre les deux moteurs de la croissance française : la consommation et les entreprises.

Pour ce qui est de la consommation, le journal Le Monde en fait la démonstration dans son numéro du 2 octobre, que je tiens à la disposition du ministre, sous le titre « Impôts, tout le monde va payer ». Pour les foyers concernés, la hausse ne sera pas négligeable : entre 3 et 7 %. Pour certains, et pas les plus riches, elle pourra même atteindre 10, voire 20 %. Ces augmentations s’ajoutent aux mesures déjà prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et qui touchent de plein fouet la classe moyenne, comme c’est le cas notamment de l’exonération des heures supplémentaires.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais non !

M. Daniel Fasquelle. Vous tapez donc sur les contribuables consommateurs, et à travers eux sur notre économie. On pourrait s’attendre à ce que les entreprises créatrices d’emplois soient épargnées ; il n’en est rien. Pas de politique de la demande, pas de politique de l’offre et finalement, pas de politique économique du tout. Le résultat en est que tous ceux qui croient dans le travail, le mérite et l’esprit de réussite sont découragés, quand ils ne deviennent pas pigeons… voyageurs en envisageant de quitter notre pays pour des cieux plus sereins.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mon Dieu !

M. Daniel Fasquelle. Inefficace, ce projet de loi est également incohérent.

Incohérence d’abord à l’égard des entreprises, que vous matraquez fiscalement dans ce texte alors que votre gouvernement compte un ministre du redressement productif – on se demande bien à quoi il sert – …

M. Christian Eckert, rapporteur général. À réparer vos erreurs !

M. Daniel Fasquelle. … et que vous lancez une réflexion sur la compétitivité.

Pour améliorer la compétitivité des entreprises, j’ai une proposition à vous faire. Elle est simple et peut s’appliquer immédiatement, sans besoin d’un rapport, Gallois ou autre : acceptez nos amendements ! Retirez du projet de loi de finances toutes les mesures qui vont nuire aux entreprises et à l’emploi !

Si vous ne voulez pas écouter l’opposition – puisque M. le ministre préfère lire son journal et M. Eckert bavarder avec son voisin – écoutez au moins vos amis ! Au premier rang desquels Didier Migaud – je cite un ancien député socialiste, voyez que je suis plein de bonne volonté –, Premier président de la Cour de comptes, qui n’a de cesse de vous demander de réduire vos dépenses plutôt que d’augmenter les impôts.

Incohérence également vis-à-vis de vos engagements européens. Vous avez soutenu le traité dont l’article 9 vous demande d’œuvrer à la convergence et à la compétitivité ; or vous faites tout l’inverse. Votre projet acte la divergence avec l’Allemagne et porte atteinte à la compétitivité des entreprises. Vous avez voté un traité la semaine dernière et vous vous en écartez aujourd’hui. Sans compter bien évidemment l’incohérence entre les déclarations du président de l’Assemblée nationale et celles du ministre du budget sur les 3 % de déficit : on ne sait plus qui écouter, qui croire, qui suivre !

Inefficace et incohérent, ce projet est aussi injuste. Injustice à l’égard des neuf millions de travailleurs que vous mettez dans la difficulté avec la fin de l’exonération des heures supplémentaires. Injustice à l’égard des travailleurs agricoles, injustice à l’égard des familles, alors qu’elles devraient être préservées, injustice enfin à l’égard des services à la personne.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez cassé tout le dispositif ! Vous devriez avoir honte de ce que vous avez fait il y a deux ans !

M. Daniel Fasquelle. C’est pourtant l’un des rares secteurs pourvoyeurs d’emplois nouveaux et, face à une population vieillissante, il joue un rôle social majeur. Allez sur le terrain, monsieur Eckert, allez à l’écoute des Français, à l’écoute de ceux qui sont à la tête de ces entreprises…

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai rencontré la fédération des employeurs ! Si vous saviez ce qu’ils pensent de vous…

M. Daniel Fasquelle. Allez à l’écoute de ceux qui travaillent dans ces entreprises. J’en ai rencontré ce week-end, je peux vous assurer qu’ils sont scandalisés par votre politique.

Injustice également à l’égard des brasseurs, nombreux dans ma région et qui dénoncent à juste titre une mesure insensée, injuste et dangereuse qui va détruire de nombreux emplois. Pourquoi vous en prendre tout à coup aux brasseurs ? Il y a quantité de petites brasseries dans ma région, qui créent de l’emploi et de l’activité, qui renforcent l’attractivité économique et touristique de nos territoires. Pourquoi vous en prendre à elles ? Tout cela n’a décidément aucun sens et est profondément injuste.

Injustice enfin et surtout vis-à-vis de tous ceux qui vont perdre leur emploi à cause de votre manque de courage et de vision. Monsieur le ministre, vous annoncez le redressement dans la justice. Votre projet de loi prépare en réalité la récession dans l’injustice. C’est pourquoi je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

Suite du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)