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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 23 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (suite)

Motion de renvoi en commission

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, M. Arnaud Richard, Mme Véronique Massonneau, Mme Jacqueline Fraysse, M. Gérard Sebaoun, M. Philippe Vitel

Discussion générale

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Dominique Orliac

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Marc Germain

M. Jean-Pierre Door

Mme Véronique Massonneau

M. Jean-Noël Carpentier

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Gérard Sebaoun

M. Denis Jacquat

Mme Véronique Besse

M. Jérôme Guedj

Mme Bérengère Poletti

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Bernard Perrut

M. Olivier Véran

M. Dominique Tian

Mme Gisèle Biémouret

M. Philippe Vitel

Mme Ségolène Neuville

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Arnaud Robinet

M. Christian Hutin

M. Denys Robiliard

M. Rémi Delatte

Mme Monique Iborra

M. Michel Liebgott

Mme Joëlle Huillier

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Véronique Louwagie

Mme Linda Gourjade

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2013 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (nos 287, 302, 301).

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons ce PLFSS à un moment où, contrairement aux allégations du Président de la République, la crise n’est pas derrière nous. Elle pourrait même s’amplifier, au rythme des mauvais signaux adressés aux acteurs économiques. Avec un taux de croissance proche de zéro, une ponction de 18 milliards d’euros sur les entreprises entre le PLFR de juillet et ce PLFSS 2013, une augmentation des impôts de 10 milliards, qui touche l’immense majorité des ménages, avec l’incapacité du Gouvernement à geler les dépenses publiques et à réduire les effectifs dans les fonctions publiques, le risque est réel de voir notre pays contracter une affection longue durée.

PLFSS : dans le jargon parlementaire, il s’agit du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Traduit simplement pour les Français, concernés au premier chef, il s’agit des recettes et des dépenses du budget 2013 de la sécurité sociale, sécurité sociale à laquelle ils sont très attachés, depuis sa création par le Conseil national de la Résistance en 1945.

Pour ce qui me concerne, comme pour tous les nouveaux députés UMP, comme il s’agit de notre premier PLFSS, il nous inspire les remarques de celles et ceux qui ont un regard neuf, remarques suffisamment nombreuses pour prescrire un renvoi en commission.

Première remarque : sur ce texte, comme sur nombre d’autres, il y a fort à parier que vous allez nous administrer une forte dose de « bilan de la droite », madame la ministre. Accepterez-vous au moins de reconnaître que la trajectoire amorcée par la précédente majorité pour faire reculer la dette sociale a été particulièrement volontariste ? Le déficit du régime général a baissé de 6,5 milliards d’euros entre 2010 et 2011, et baissera probablement de 4,4 milliards entre 2011 et 2012. Pour la troisième année consécutive, l’ONDAM – l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie – devrait être respecté en 2012. Alors, est-ce trop vous demander de reconnaître que vos prédécesseurs sont parvenus à faire baisser la fièvre ?

Question subsidiaire : Défierez-vous le Premier président de la Cour des comptes, qui recommande de fixer l’ONDAM à 2,4 %, alors que vous l’établissez à 2,7 % ? Un écart de 0,3 point, soit la modique somme d’environ 600 millions d’euros ! Et le thermomètre de remonter…

Deuxième remarque : les projets de loi doivent faire l’objet d’études d’impact avant leur vote. Or, s’agissant de ce PLFSS, des zones d’ombre demeurent quant aux conséquences de certains articles.

Au lieu de réaliser les efforts nécessaires de maîtrise des dépenses, le Gouvernement choisit d’alourdir les taxes : prélèvement supplémentaire de 0,3 % au titre de la contribution solidarité autonomie pour les retraités imposables, dès avril 2013 ; élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires ; hausse des cotisations employeurs, dans les hôpitaux et les collectivités locales ; augmentation de 150 % des droits d’accise sur la bière, et j’en passe.

Le Gouvernement insiste également pour relever les cotisations et autres contributions : hausse de 1,3 milliard des cotisations sociales des indépendants, augmentation du taux pour les auto-entrepreneurs, soumission des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social, suppression de la possibilité de déclaration au forfait pour les particuliers employeurs… autant de mesures qui vont procurer des ressources supplémentaires à très court terme, mais qui risquent fort d’avoir un impact excessivement négatif sur l’activité productive.

Quand notre économie s’enrhume, c’est l’emploi qui éternue et les caisses de l’État qui se grippent.

M. Arnaud Robinet. Bravo !

Mme Isabelle Le Callennec. Cette avalanche de nouvelles taxes ne parvient pas même à conférer une véritable ambition de maîtrise à votre texte, puisque vous créez 3,4 milliards d’euros de taxes nouvelles mais réalisez seulement 2,6 milliards d’économies !

Troisième remarque : le texte que nous examinons en séance est le même que celui qui nous a été soumis en commission des affaires sociales. Nous allons donc réexaminer les mêmes amendements. À en juger par le rejet systématique de toute proposition du groupe UMP depuis le début de cette législature, nous risquons d’avoir les mêmes débats… mais aussi les mêmes refus opposés à nos amendements. Que l’opinion publique le sache : nos nombreuses propositions visent par exemple à ne pas alourdir les charges qui pèsent sur les entreprises ; à ne pas pénaliser des classes moyennes déjà largement victimes de votre politique ; à ne pas condamner l’intéressement et la participation ; à rapprocher autant que faire se peut les différents régimes de retraite, par souci d’équité ; à lutter efficacement contre les déserts médicaux ; à ne pas reporter la mise en place de la tarification à l’acte dans les hôpitaux ; à agir avec discernement et à rationaliser les doublons entre les agences intervenant dans le secteur de la santé et le médico-social.

Tout au long de l’examen en commission, nous avons recherché les signes d’une volonté de poursuivre les réformes structurelles engagées courageusement ces dernières années. La crise ne s’est pas évanouie avec l’élection de François Hollande. Les déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse n’ont pas disparu ; ils avoisineront bientôt les 14 milliards d’euros. Des objectifs de maîtrise des dépenses sont certes affichés… mais bien modestes, voire homéopathiques. Vous annoncez vouloir ramener le déficit du régime général à 11 milliards d’euros, mais vous tablez sur une croissance à 0,8 % : hallucination, monsieur le ministre du budget !

Ce que nous avons surtout constaté une nouvelle fois, c’est l’acharnement à étouffer ce qui avait été engagé et allait porter ses fruits à terme. Je pense tout particulièrement à l’abrogation de la TVA antidélocalisation ou TVA sociale, qui aurait donné des marges de manœuvre réelles et durables. Madame la ministre, parviendrez-vous dans les cinq ans qui viennent à reconnaître ce qui a été fait de positif avant vous et à ne pas rejeter tout ce qui ne vient pas de vous, surtout lorsque l’intérêt général est en jeu ?

Quatrième remarque : les députés de la commission des affaires sociales ont auditionné un certain nombre d’institutions, d’organisations et d’associations, dans le but de recueillir leurs attentes. Nous avons par exemple été questionnés par la Mutualité au sujet de la promesse du candidat Hollande de revoir la taxe supplémentaire sur les complémentaires santé : nous n’avons pas entendu votre réponse, madame la ministre ; à moins que nous ne l’ayons que trop bien entendue…

Nous aurions apprécié d’auditionner aussi les représentants des départements et des communautés de France, des maires de France et des agences régionales de santé. Cela nous aurait permis d’établir un diagnostic partagé de la situation. Cela nous aurait surtout permis de mesurer à quel point le souhait d’une meilleure coordination entre les multiples intervenants est immense. N’oublions pas que les lois que nous votons s’appliquent ensuite sur le terrain. En matière d’action sociale, les collectivités locales, et désormais les ARS, jouent un rôle majeur. Elles peuvent être force de proposition.

Il aurait été ainsi particulièrement éclairant d’entendre les représentants des conseils généraux, puisque le Président de la République vient d’annoncer que les départements se verraient confier l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors du champ de l’assurance maladie, provoquant déjà l’inquiétude des acteurs de la politique du handicap.

Il aurait été également utile d’entendre les agences régionales de santé, nées de la loi HPST, Hôpital, patients, santé et territoires. Ce sont en effet les ARS qui annoncent aux hôpitaux – et je pense en particulier aux hôpitaux de proximité – s’ils pourront bénéficier ou non de financements pour réaliser les investissements nécessaires. Or, aujourd’hui, nombre d’établissements sont dans l’attente.

J’entends déjà votre réponse, madame la ministre : les promesses de l’ancien gouvernement ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais vous pourrez également y ajouter l’engagement pris ce week-end par le président de la République de mettre chaque Français à moins de trente minutes d’un service d’urgences ! Et chacun de mesurer la difficulté de votre tâche… Bonne chance, madame la ministre !

Pourriez-vous à tout le moins annoncer un calendrier des plans de financement des nouveaux investissements hospitaliers, puisque vous prévoyez, à l’article 57, une augmentation substantielle de 370 millions d’euros de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au Fonds pour la modernisation des établissements publics ?

Cinquième remarque : nous avons repéré dans ce texte plusieurs dispositions qui nous ont fait dire que le Gouvernement administrait un remède sans diagnostic préalable. Ainsi en est-il de la décision de faire évoluer le dispositif d’exonérations de charges patronales sans attendre les conclusions du Haut conseil sur le financement de la protection sociale, saisi par le Gouvernement. Imaginez un seul instant qu’à l’instar du rapport commandé à M. Gallois ses conclusions conduisent à une ordonnance où figureraient baisse des dépenses, recours à la CSG, recours à la TVA, avec la précision « non substituable » rédigée à la main !

Ainsi en est-il également des mesures relatives au financement de la dépendance et à l’amendement visant à affecter à la CNSA 95 % du produit de la contribution additionnelle, alors que la réforme de la dépendance ou de la perte d’autonomie ne nous a toujours pas été présentée.

Ainsi en est-il encore de la décision de rembourser l’IVG à 100 %, alors même qu’il conviendrait d’évaluer, pour mieux les renforcer, l’information, l’accès à la contraception et l’accompagnement des femmes sur un sujet aussi sensible.

Ainsi en est-il de la disposition de l’article 57, qui prévoit le recrutement de 4 000 emplois d’avenir non qualifiés dans les hôpitaux publics, alors que nous ne disposons pas de l’évolution des effectifs dans les hôpitaux ni de la répartition entre personnel de soins et personnel administratif.

Ainsi en est-il enfin de la décision de ne pas attendre la fin de l’expérimentation sur les visites médicales collectives à l’hôpital pour certains produits de santé. Pour bien légiférer, il nous faut bien évaluer, et éviter ainsi les effets indésirables.

Sixième remarque : j’ai été frappée par les réflexions de certains collègues de la majorité, qui s’apparentent pour moi à du dogmatisme. Je prendrai deux exemples. Le premier concerne la remise en cause de la convergence tarifaire.

M. Bernard Accoyer. Très bon exemple !

Mme Isabelle Le Callennec. Quand cesserez-vous d’opposer public et privé ? Quand accepterez-vous de travailler à la meilleure complémentarité possible, à la plus grande efficience de l’offre de soins dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J’entends parfaitement les arguments de ceux qui disent que l’hôpital assume des missions que les cliniques privées n’assumeraient pas. Mais, lorsqu’elles se voient confier les mêmes actes, en vertu de quel principe les tarifs seraient-ils différents ? J’entends aussi parfois que les cliniques privées ne soigneraient que des personnes aisées, triées sur le volet. Quelle est la réalité ? Les hôpitaux publics reçoivent chaque année environ 8,5 millions de patients ; environ 3,5 millions sont accueillis dans les hôpitaux privés à but lucratif et 1,2 million dans les hôpitaux privés d’intérêt collectif. Où iront tous ces patients demain ?

Le deuxième exemple m’est inspiré par toutes ces insinuations sur les laboratoires et l’industrie pharmaceutique, dont vous donnez une image pour le moins sulfureuse et à qui vous infligez une cure d’amaigrissement sans précédent. Dans quel but ? Ces industries emploient plus de 100 000 personnes, investissent 12 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche, comptent 200 sites de production en France, apportent 6 milliards d’excédent commercial à notre pays… Le monde n’est pas à ce point manichéen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Septième et avant-dernière remarque : au cours de nos débats, la majorité que vous représentez s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur d’une grande loi de santé publique, qui serait tant attendue. Avouez que cela prête à sourire, quand, au sein même du Gouvernement, un ministre et non des moindres puisqu’il s’agit du ministre de l’éducation nationale, évoque l’utilité d’un débat sur la dépénalisation du cannabis ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Et qu’une autre ministre propose l’ouverture de salles de shoot. Quel que soit le nom qu’on leur donne, le résultat est le même : vous légitimez et normalisez le trafic et la consommation de drogues. L’indignation des parents, qui vivent dans l’angoisse que leur enfant y touche, voire leur révolte face à de telles propositions, nous semblent donc particulièrement fondées, et nous les relaierons.

À l’inverse de ces déclarations dangereuses, nous aurions tellement apprécié de trouver dans ce PLFSS, la traduction d’une volonté réelle de favoriser la prévention de toute conduite à risque, notamment chez les jeunes, dont nous prétendons également connaître les difficultés.

Pour nous, la prévention, sous toutes ses formes, et quels que soient les publics, devrait faire partie intégrante de notre système de santé publique. Elle est gage d’amélioration de la vie quotidienne, d’implication des familles et de milliers de bénévoles, mais aussi source d’économies à terme. Elle doit s’exercer au plus près des territoires, et nous ne verrions qu’avantage à laisser des marges de liberté aux acteurs locaux dans le domaine de la prévention. Nous suivrons d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt l’expérimentation du parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, qui vise à prévenir les hospitalisations, expérimentation décidée, une fois de plus, par vos prédécesseurs.

Huitième et dernière remarque. À l’occasion de ce PLFSS, nous aurions aimé engager un débat dépassionné sur la refonte complète du mode de calcul des charges sociales et des taxes, sur leur affectation, sur la simplification des procédures, sur le parcours de soin et le rôle central des médecins généralistes, sur le soutien aux maisons médicales en milieu rural, sur le développement des communautés hospitalières, sur la restauration pérenne de l’équilibre des comptes et l’optimisation de la dépense sociale, sur la lutte contre la fraude. En somme, nous aurions voulu un vrai débat sur la redéfinition de notre modèle social.

Mme Geneviève Levy. Tout à fait !

Mme Isabelle Le Callennec. Alors, comme c’est un droit élémentaire de l’opposition, parce que vous avez désormais tous les pouvoirs, mais pas celui de nous empêcher de proposer, nous allons défendre, ou redéfendre, nos amendements, non pas pour chercher à faire durer les discussions pour le principe, mais plutôt en caressant l’espoir de vous convaincre, dans l’intérêt des Français.

Vous convaincre que la priorité, c’est de favoriser les meilleures conditions possibles à la création de richesses, préalable à toute redistribution.

Vous convaincre que, pour relever les défis qui sont devant nous, le défi du vieillissement, le défi du handicap, le défi de la santé, nous devons revoir le fonctionnement de notre système de protection sociale, car notre pays ne peut en supporter les déficits. Nous n’avons plus les moyens de financer toutes les prestations. Nous ne devons pas dépenser plus, mais dépenser mieux.

M. Michel Issindou. C’est un poncif !

Mme Isabelle Le Callennec. Nous espérons vous convaincre qu’il nous faut retrouver le juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale, de la solidarité locale, de la solidarité intergénérationnelle, mais aussi, et même avant tout, de ce qui relève de la responsabilité individuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Le Callenec, nous le savons tous, la défense d’une motion de renvoi en commission est surtout destinée à obtenir du temps de parole et à répéter les mêmes arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous sous-entendez que la commission aurait mal travaillé, ce qui n’est pas le cas et vous le savez parfaitement. Nous avons fort bien travaillé. Que nous ayons des points de divergence, c’est le jeu démocratique de l’opposition et de la majorité.

J’observe que vous avez beaucoup interrogé Mme la ministre. Vous aurez tout le loisir, lors du débat, de lui poser des questions qui seraient restées en suspens.

M. Philippe Vitel. Ne vous inquiétez pas pour cela !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez également regretté que le débat en séance ressemble beaucoup à celui qui a eu lieu en commission la semaine dernière puisque beaucoup d’amendements sont les mêmes. Alors, pourquoi recommencer le débat que nous avons eu en commission ?

Mme Geneviève Levy. Pour vous convaincre !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien entendu, nous rejetons cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui me frappe dans ce texte, c’est la manière de faire prévaloir les statuts sur les missions.

Si nous prenons, par exemple, le secteur de l’assurance maladie, vous décidez de mettre un terme au processus de convergence tarifaire – conclusion qui est d’ailleurs, je vous l’accorde, conforme à celles de la MECSS, vous l’avez dit cet après-midi, votées à l’unanimité au Sénat –, mais vous n’évoquez nulle part les missions de service public transversales et une façon équitable de les redistribuer, notamment la fameuse enveloppe MIGAC, de près de 10 milliards d’euros dans notre pays.

Pour ce qui est de l’offre médicale sur le territoire, vous vous polarisez sur les 200 postes de jeunes médecins et quelques avantages fiscaux pour lutter contre les déserts médicaux, mais vous ne poussez guère la réflexion sur la consolidation du rôle des ARS ou les synergies territoriales qui pourraient exister entre les acteurs de santé.

À ce propos, la majorité a eu l’honnêteté d’accepter l’un de nos amendements sur la manière dont les ARS devraient examiner, tous les ans, la répartition géographique des nouveaux praticiens. C’était un peu comme si, en l’occurrence, nous en étions toujours à la médecine des hospices et du docteur Knock. Pourtant, de nos jours, tout ne se concentre plus sur un espace, l’hôpital, et ne se résume pas non plus à une personne, le médecin.

Au fond, ce que révèle votre méthode, mes chers collègues, c’est simplement une vision assez inadaptée au monde qui est en train de se transformer sous nos yeux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Car, dans le secteur de la maladie, les techniques et surtout le nombre et la diversité des acteurs de santé ont changé bien des choses depuis que vous étiez au pouvoir – il y a longtemps.

Aujourd’hui, il faut réunir, mobiliser, coordonner ces talents, non les opposer, parce que l’offre médicale, c’est aussi une ressource humaine très importante sur notre territoire. Là, encore une fois, vous n’avez regardé les choses que de façon sectorielle et séquentielle, alors qu’il aurait fallu, comme le disait très clairement la Cour des comptes, viser à une refondation sociale du pacte de santé français, non pour le dégrader ou pour tenter de le préserver, mais pour le moderniser…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Laissez-le finir !

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’a pas indiqué quel serait son vote !

Mme la présidente. Monsieur Richard, pour une explication de vote, vous disposez de deux minutes. Cela étant, nous l’avons compris, vous voterez la motion.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Les écologistes, sans aucun suspense, voteront contre cette motion de renvoi en commission.

Madame Le Callennec, vous avez raison lorsque vous commencez votre propos en déclarant que la crise n’est pas derrière nous. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Là où vous avez tort, c’est dans les solutions que vous souhaitez apporter. C’est d’ailleurs la raison qui vous pousse aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, non sur ceux de la majorité.

Vous avez tout à l’heure filé la métaphore de la santé, j’en ferai autant.

Vous avez raison sur les diagnostics. Oui, il y a crise. Vous avez tort sur les soins à prodiguer.

Non, ce n’est pas la politique que vous qualifiez de volontariste qui apportera une solution aux Français qui souffrent de cette crise. Le seul volontarisme dont votre majorité a fait montre, c’est celui de masquer les inégalités, comme en témoignent vos propositions sur l’AME.

Ne penser que chiffres, c’est ce qui a amené vos collègues et l’ancienne majorité à la situation actuelle : une situation de crise sociale intenable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Non, il ne faut pas penser que chiffres. Il faut trouver les solutions réelles, les solutions pratiques pour accompagner les populations qui souffrent, afin de leur faciliter l’accès aux soins, notamment. Ces populations que vous dites victimes de la politique gouvernementale, y avez-vous seulement pensé une seule fois lors de la précédente législature ? Jamais les inégalités sociales ne se sont autant creusées. Vous déclarez vouloir lutter contre les déserts médicaux. De quelles mesures votre parti peut-il se targuer pour attaquer le dispositif expérimental innovant que présente ce texte ?

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Aucune ! Ou si peu…

Mme Véronique Massonneau. Vous auriez souhaité des signes de continuité avec la politique menée par la précédente majorité. Du côté des écologistes, c’est justement parce que le PLFSS marque un tournant à l’égard de cette politique que nous ne voterons pas ce renvoi en commission qui n’a pas lieu d’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais rappeler à mes collègues de l’opposition tout ce qu’ils ont mis en place ces dernières années (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), qui a conduit à réduire l’accès aux soins pour un nombre grandissant de nos concitoyens : les franchises, les forfaits, les déremboursements en tous genres, ainsi que les mesures de désorganisation des hôpitaux publics (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui a abouti à la situation catastrophique que nous connaissons aujourd’hui. Sans oublier la désorganisation de la permanence des soins, ce qui conduit à engorger les urgences et à aggraver encore la situation,…

M. Alain Chrétien. Ça relève du slogan !

Mme Jacqueline Fraysse. …et sans parler du déficit chronique des comptes sociaux qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne se sont pas arrangés sous votre règne. Aussi, je pense sincèrement que le groupe UMP n’est pas bien placé pour donner des conseils, encore moins des leçons ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vous en prie, mesdames et messieurs de l’opposition, laissez parler Mme Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gérard Sebaoun. Ma chère collègue Le Callenec, jeune député comme vous, non par l’âge, mais par ma présence à l’Assemblée, je souhaitais un débat apaisé. Mais après avoir entendu votre réquisitoire, je pense que vous avez manqué votre vocation : vous auriez dû être procureur !

Quant à la forme, j’aurais aimé vous entendre sur le travail en commission, comme l’a dit Mme Lemorton. Il a été de grande qualité. Nous nous sommes réunis longtemps, nous avons examiné tous les amendements – environ 250 – et vous avez déposé dix-huit amendements de suppression, lesquels ont été largement discutés. Et vous prétendez que le travail n’a pas été fait ? Ce n’est pas sérieux !

M. Patrick Hetzel. Vous n’avez pas écouté !

M. Gérard Sebaoun. Sur le fond, quand vous ouvrez le feu avec votre bilan, vous avez raison, car il est vraiment accablant ! Vous avez parlé d’économies et d’emplois : regardez le bilan que vous laissez aujourd’hui à la majorité qui arrive ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez pris comme recommandation le rapport de la Cour des comptes. Vous avez raison, car c’est un rapport sérieux. Mais, que je sache, la Cour des comptes, dans son remarquable exercice, donne un avis, et c’est le Gouvernement et le Parlement qui décident.

M. Alain Chrétien. C’est comme le rapport Gallois…

M. Gérard Sebaoun. Par conséquent, décidons sur le projet de loi qui, aujourd’hui, est sur la table et a été amendé par notre commission.

Vous avez parlé des auditions. J’ai participé, avec Christian Paul et Gérard Bapt, à la totalité des auditions de la branche maladie – je ne peux pas parler pour les autres. Je n’y ai vu ni rencontré aucun membre de votre groupe. Jamais ! Pas une fois ! Aussi, quand vous nous dites aujourd’hui qu’il faut à nouveau débattre en commission, je vous propose, madame Le Callennec – parce que vous êtes apparemment dans une position très offensive – d’ouvrir le débat ici. Il n’y a pas de temps à perdre. Commençons dès maintenant !

Bien évidemment, je propose à mes collègues de repousser la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Madame la présidente, madame la ministre, j’ai peu de choses à ajouter après le merveilleux plaidoyer d’Isabelle Le Callennec pour ce renvoi bien mérité en commission.

M. Christian Paul, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’était plutôt un réquisitoire !

M. Philippe Vitel. Elle était dans la droite ligne de son prédécesseur, le président Méhaignerie, pour lequel, ce soir, nous avons tous une pensée.

Oui, elle a bien fait de rappeler la trajectoire volontariste de l’ancienne majorité et la diminution de près de 12 milliards d’euros de déficit sur trois ans, ce qui a permis, pour la première fois depuis 1996, de respecter l’ONDAM ces trois dernières années.

J’éprouve une grande déception devant ce PLFSS. En écoutant Isabelle Le Callennec, je me souvenais, madame la ministre, de l’époque où vous-même présentiez à la tribune ces mêmes motions de renvoi, et de l’agitation qui était la vôtre contre la politique de l’ancienne majorité.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est vrai que vous êtes tous très sereins…

M. Philippe Vitel. Aujourd’hui, nous sommes déçus de voir un PLFSS rempli de zones d’ombre qui nous laisse sur notre faim. En réalité, c’est un emplâtre sur une jambe de bois ! Sans oublier au passage les taxes multiples et variées, les augmentations de cotisations, en particulier pour ceux qui, aujourd’hui, fournissent du travail dans notre pays, car je suis certain que ces différentes mesures auront un impact très négatif sur l’emploi en France.

Nous sommes aussi très étonnés de vous voir présenter un PLFSS en déficit de 11 milliards, appuyé sur une prévision de croissance de 0,8 %. Où avez-vous trouvé cette prévision ? Aujourd’hui, tous les économistes se demandent à combien s’élèvera réellement la récession que nous connaîtrons en 2013. Je pense que ces 11 milliards seront totalement dépassés.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député !

M. Philippe Vitel. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, madame la ministre déléguée chargée de la famille, chers collègues, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est toujours une étape essentielle du marathon budgétaire que notre assemblée entame chaque automne. Le PLFSS touche en effet à la plus grande partie des dispositifs qui protègent nos concitoyens des accidents de la vie et de leurs conséquences, parfois très lourdes. La sécurité sociale est au cœur du quotidien de tous nos compatriotes et de toutes celles et tous ceux qui vivent sur notre territoire.

Elle est l'expression d'une conception généreuse de la solidarité qui fait toute la singularité de notre système social. La responsabilité du législateur, à l'occasion du débat budgétaire, n'en est que plus importante. Elle suppose d'assurer à tous l'accès aux soins, le paiement des retraites, l'aide et l'accompagnement par le biais des prestations sociales, le tout dans un cadre financier qui garantisse la pérennité de notre protection sociale. Celle-ci doit être adossée à des principes forts. Ses différentes branches doivent tenir compte des évolutions de la société, des transformations des modes de vie et des progrès technologiques et médicaux, car tout cela a des impacts sur les modes de financement, sur les ressources, sur les pratiques médicales, sur l'administration des soins et sur les modes de prise en charge.

Bref, examiner le budget de la sécurité sociale, c'est essayer de répondre en permanence aux défis d'une société toujours plus complexe. C'est essayer d'y répondre avec, là comme ailleurs, des comportements à changer et des réformes à engager, afin de répondre à la volonté largement partagée par nos concitoyens d'être toujours mieux protégés. À cette volonté, ce gouvernement, comme les précédents, entend manifestement apporter sa réponse. Cette réponse est-elle à la hauteur des enjeux ? C'est finalement la principale interrogation qui est la nôtre, au vu des différentes mesures qui sous-tendent ce budget.

Vous ne vous étonnerez pas si nous estimons que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale passe à côté de l'essentiel de son sujet, qui consiste à mobiliser les assurés sociaux et les acteurs professionnels de notre protection sociale autour d'enjeux clairement formulés permettant de porter des réformes partagées grâce à une véritable pédagogie des objectifs à atteindre. Au lieu de cela, que retiennent nos concitoyens de ce projet de loi ? Une augmentation drastique des taxes au service d'une politique dont les contours restent flous, une hausse des cotisations sur les emplois à domicile et sur les auto-entrepreneurs, l’imposition d'un forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle, l’élargissement du périmètre de la taxe sur les salaires au détriment de l'épargne salariale, des prélèvements sur les indépendants, une taxe supplémentaire sur la bière, une contribution additionnelle imposée aux retraités : la liste est longue.

Elle témoigne plus d'un réflexe facile pour trouver des ressources à tout prix que d'une volonté réfléchie d'inscrire l'effort de nos concitoyens dans une perspective de financement durable de notre protection sociale. Vous augmentez, de façon significative les recettes du PLFSS, à hauteur de 3,4 milliards d'euros, mais l'effort de maîtrise des dépenses n’est que de 2,6 milliards d'euros. Ce budget, c'est le budget de la facilité : taxer toujours plus pour réformer toujours moins.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Francis Vercamer. J'en veux notamment pour preuve l'exemple symptomatique de la hausse de la fiscalité sur la bière.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Allez ! C’est parti !

M. Francis Vercamer. Elle ne relève en rien d'une politique publique visant à lutter contre l'addiction à l'alcool et porte atteinte au secteur brassicole.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et les jeunes dans l’addiction, ça ne vous dérange pas ?

M. Éric Straumann. Ce n’est pas à la bière !

M. Francis Vercamer. Encore cette liste ne vient-elle que compléter des décisions qui ont été prises cet été, comme la refiscalisation des heures supplémentaires ou la suppression de la TVA compétitivité. Ces décisions ont deux conséquences, réduire le pouvoir d'achat des salariés et porter un coup à la compétitivité de nos entreprises, voire à l'envie même d'entreprendre. Mais, surtout, elles frappent nos concitoyens alors même qu'aucune perspective claire de réforme de notre protection sociale n'est dessinée. Dans votre projet en effet, il n'y a pas de cap.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'effort sur les dépenses n'est pas à la hauteur. Il ne peut pas prendre appui sur une véritable stratégie de moyen et long terme dans les domaines de la santé, de la famille, du travail ou des retraites. Il ne le peut pas pour une raison simple : cette stratégie et cette vision d'ensemble de l'avenir de notre protection sociale sont absentes de votre projet de loi. Elles font défaut.

Et si nous en croyons votre projet de budget, en 2013, le paquebot de la sécurité sociale avancera sans cap ni boussole. Nous savons tous que ce paquebot, auquel nous sommes tous attachés, est particulièrement lent à manœuvrer. Nous savons tous que, pour imposant qu'il soit, il est aussi fragile, et que tout changement de cap demande du temps. Il demande aussi de la volonté et de la détermination. C'est pourquoi il est si urgent d'indiquer la direction nouvelle.

Nous avons tous conscience que les réformes dans le domaine de la protection sociale sont difficiles. Soyons honnêtes : cette difficulté, l'ancienne majorité n'a pas toujours réussi, loin s'en faut, à la surmonter. D’ailleurs, le groupe Nouveau Centre n’avait pas voté le dernier PLFSS de la législature.

Les réformes sont difficiles pour les raisons que nous avons évoquées toute à l'heure. Elles touchent directement à la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment pour l'accès aux soins, la couverture maladie, les modes de garde, l'accès à la retraite. Raison de plus pour indiquer, en début de législature, une orientation précise, un cap clair, une perspective qui rassemble et qui, au lieu de cacher les efforts, indique un objectif à atteindre.

Il ne suffit pas de dire que les efforts sont justes pour qu'ils soient acceptés. Il faut aussi savoir expliquer vers quoi tendent ces efforts, dans quel but ils sont accomplis, et indiquer quels résultats ils visent. Or, ici, pas de lisibilité : vous taxez, mais où sont les objectifs ?

Le ministre du budget invoquait la semaine dernière, non sans talent, lors du débat sur le projet de loi de finances, la sincérité qu'il reconnaissait à ses prédécesseurs ayant mis en œuvre des politiques que lui-même condamnait. Il ne s'agit évidemment pas davantage pour nous de contester la sincérité de l'actuel gouvernement. Mais au service de quelle politique, en l'occurrence ? Redresser les comptes sociaux ? Conforter l'avenir de notre système de santé et de notre protection sociale ? Rendre les prélèvements sociaux plus justes ? Qui ne partagerait pas ces objectifs ? Avec plus ou moins de succès, ce sont ceux qu'ont visés tous les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, tout au moins depuis que les comptes de la sécurité sociale sont votés dans le cadre d'une loi de financement.

Mais qu'impliquent ces objectifs ? Quelle politique familiale allez-vous très précisément mettre en œuvre ? Quelle politique de santé allez-vous mener en termes d'accès aux soins ? Quelles impulsions allez-vous donner dans le domaine hospitalier, notamment dans le domaine de la modernisation des équipements ? Quelle action allez-vous mettre en œuvre pour assurer une répartition territoriale équitable des équipements hospitaliers ou médico-sociaux ? Quelles décisions allez-vous prendre en matière de retraites, en particulier quant à l'existence des régimes spéciaux ?

Autant de questions pour lesquelles nous ne voyons pas pour l'instant se dessiner de réponses tangibles dans ce projet de loi de financement dépourvu de lisibilité. C'est le cas, par exemple, des décisions de fond que le Gouvernement entend prendre afin d'assurer un financement pérenne de notre protection sociale. Vous avez supprimé la TVA compétitivité ou TVA sociale, créée par la précédente majorité.

M. Éric Straumann. Grande erreur !

M. Francis Vercamer. Mais vous n'apportez pas à ce jour de solutions pour éviter que nos dépenses de protection sociale ne reposent pour l'essentiel sur le travail. On entend bien qu'un recours plus important à la CSG est une solution éventuelle, mais on reste dans le flou, alors que cette question est essentielle tant pour l'avenir de notre protection sociale que pour la compétitivité de nos entreprises.

Le rapport Gallois s'apprête lui-même à préconiser, si on en croit la presse, un choc de compétitivité de 30 milliards d'euros, reposant sur une baisse des cotisations patronales et salariales compensée par une hausse de la TVA ou de la CSG, qui aurait pour corollaire une réduction de la dépense publique. Ce rapport n'est pas encore publié que le Président de la République, qui l'a pourtant lui-même commandé, ainsi que le Gouvernement prennent déjà leurs distances.

M. Éric Straumann. Quelle honte !

M. Francis Vercamer. On se prépare déjà à enterrer des conclusions qui vont dans le sens de réformes structurelles permettant de concilier le financement pérenne de notre protection sociale et la compétitivité de nos entreprises. Le tout en attendant, sur ce sujet essentiel, un nouveau rapport demandé au Haut conseil du financement de la protection sociale. Le Gouvernement n'aurait pas pu mieux dissimuler son embarras et le flou de ses intentions.

Ce même flou, on le retrouve autour de la stratégie que compte développer le Gouvernement pour améliorer l'organisation de l'offre de soins et encourager les coopérations et complémentarités hospitalières. En matière d'offre de soins, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a avancé un certain nombre de préconisations dans son avis du 22 mars dernier. Elles concernent le fonctionnement du système de soins ainsi que la prise en charge des soins chroniques et des maladies multiples. L'enjeu pour l'amélioration de la prise en charge du patient est très clairement posé par le Haut conseil, qui recommande l’émergence d’une « médecine de parcours » pour mieux organiser l'offre de soins dans un cadre pluridisciplinaire. Vous mettez en œuvre une expérimentation sur le parcours de santé des personnes âgées. Elle est bienvenue. Sans doute gagnerait-elle à être étendue à tous les patients, tant cette évolution vers une logique de parcours de santé est une nécessité.

Par ailleurs, quelles sont les orientations du Gouvernement en matière de restructurations hospitalières ? La Cour des comptes l'année dernière et l’IGAS en début d'année 2012, en marge d'un rapport sur les fusions, sont venues rappeler que les opérations de restructuration restaient d'actualité pour développer une meilleure organisation de l'offre hospitalière. Il ne s'agit pas d'opérer des fusions ou des restructurations pour elles-mêmes, mais de mieux coordonner l'offre hospitalière sur la base d'un diagnostic de l'état sanitaire d'un territoire et d'une stratégie d'offre partagée par les différents acteurs de ce territoire.

L'impératif est également d'assurer une répartition territoriale équitable des établissements de santé afin d'assurer à chacun le même accès aux soins, quel que soit son lieu de vie. Alors que nous commençons l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons tous à l'esprit les heures terribles et le traumatisme vécus par cette famille du Lot qui a perdu son bébé.

Nous verrons en temps et en heure quelles conclusions l'enquête administrative qui a été diligentée tirera de ce drame au regard des circonstances et des faits. D'ores et déjà, en termes de santé publique et afin de lutter contre l'extension des déserts médicaux, il ne s'agit pas simplement de dire qu'il faut plus, il faut surtout mieux. Mieux répartir, mieux organiser.

Cela suppose une répartition des équipements qui prenne en compte les besoins des populations dans les bassins de vie, ainsi qu’une répartition et une organisation des soins basées sur la complémentarité et la coordination, permettant la prise en charge sécurisée des patients au moment adapté. Nous savons tous, en effet, le rôle structurant que jouent les hôpitaux dans l'accès aux soins, en particulier pour les populations modestes.

Député de Roubaix, je vois chaque jour le rôle irremplaçable que joue le centre hospitalier de cette ville. Je défends cet équipement auprès de tous les gouvernements depuis plus de 10 ans. Cet hôpital attend de l'État et de votre part, madame la ministre, un soutien ferme pour engager les crédits de construction d'une nouvelle maternité dans le cadre du plan Hôpital 2012. Nous attendons des garanties pour la mise en œuvre effective des opérations prévues dans le cadre de ce plan.

M. Christian Paul, rapporteur. Vous ne les avez pas obtenues du précédent gouvernement ? Comme c’est étrange !

M. Francis Vercamer. C'est une équation particulièrement complexe à résoudre, pour concilier l'accès de tous à des équipements modernes et prendre en compte les réalités et les spécificités des territoires dans les limites des contraintes budgétaires.

En ce qui concerne par ailleurs l'accompagnement des personnes âgées ou dépendantes, c'est avec une attention vigilante que notre groupe attend les suites que le Gouvernement donnera aux propositions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie relatives à l'accompagnement des auxiliaires. Ce sont plus de 8 millions de personnes qui sont aujourd'hui davantage reconnues dans leur rôle auprès de leurs proches. Ce sont plus de 8 millions de personnes qu'il est nécessaire de mieux accompagner encore, avec une aide personnalisée, notamment par le déploiement de plateformes de proximité qui permettent l'écoute, le conseil et le répit.

L'engagement des pouvoirs publics dans ce domaine est essentiel. Il est également souhaitable pour la question du reste à charge, c'est-à-dire la différence entre les dépenses de santé et les remboursements de l'assurance maladie. 15 % des Français déclarent renoncer à se soigner pour des raisons financières. Dans le même temps, les ménages les plus aisés ont en moyenne les mêmes restes à charge que les plus modestes. Il y a sans doute sur ce point une réflexion à engager pour assurer l'équité des remboursements. L'une des solutions envisagées réside dans la mise en œuvre d'un bouclier sanitaire.

Le rapport Briet-Fragonard s'est penché sur ce sujet en 2007. Il estimait alors que le taux de personnes ayant un reste à charge annuel supérieur à 500 euros pour les soins de ville s'élevait à 15,9 % parmi les assurés en affection de longue durée, contre 8,8 % pour les autres assurés, soit 5 millions de personnes. La mise en œuvre d'un bouclier sanitaire permettrait sans doute de réformer structurellement notre système de santé et d'assurer la pérennité de son avenir, en instaurant un plafonnement du reste à charge pour l'ensemble des assurés. Il a des avantages et des inconvénients. C'est pourquoi nous proposons que le Gouvernement se penche sur ce problème et présente d'ici un an à notre assemblée un rapport permettant de mesurer l'ensemble des paramètres de ce système et de décider de l'opportunité de sa mise en œuvre.

C'est enfin pour mieux prendre en compte les réalités des territoires, dans la logique de la création des ARS puis des fonds d'intervention régionaux, que nous défendons, depuis plusieurs années, la mise en œuvre d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie. Nous pensons que les ORDAM pourraient mieux prendre en compte les disparités territoriales, non pour les figer, mais pour les corriger et aussi pour responsabiliser encore davantage les acteurs locaux.

Vous nous avez confié en commission, madame la ministre, que vous ne demandiez qu'à être convaincue de cet apport des ORDAM dans la mise en œuvre d'une politique de santé publique. Nous proposons donc, dans l'un de nos amendements, que le Gouvernement s'empare de ce sujet et qu'il rende un rapport sur cette question d'ici l'année prochaine, permettant de mieux mesurer les inconvénients mais aussi les avantages de la création de ces objectifs régionaux.

Voilà, mesdames les ministres, les inquiétudes et les attentes du groupe UDI en abordant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les premières sont nombreuses, les secondes portent sur des points cruciaux. Pour ces raisons, notre groupe ne votera pas votre budget. L'augmentation drastique des prélèvements et des cotisations ne fait pas une stratégie pour assurer la pérennité de notre protection sociale. Toutefois, autour des propositions que nous formulons dans nos amendements, nous espérons pouvoir mener un débat constructif permettant de mieux envisager l'avenir de celle-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le débat qui s’ouvre aujourd’hui s’inscrit dans un acte de transition qui combine les contraintes budgétaires tout en veillant à préserver et à réhabiliter le socle commun d’une institution majeure de la société française, une institution qui, au sortir de la Seconde guerre mondiale, a posé les principes d’un nouveau contrat social fondé sur le principe de solidarité

Inspirons-nous de ses créateurs qui dans le drame, la ruine, la destruction, ont posé des principes courageux ! L’un des plus précieux tient en cette phrase tirée de l’ordonnance du 4 octobre 1945 : « Chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. » Soixante-sept ans après avoir été écrits, ces mots résonnent encore et nous obligent.

Nous tenons à cet égard à saluer le volontarisme social qui caractérise ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement fait le choix de garantir et d’améliorer l’accès aux soins pour tous, et cela dans la contrainte budgétaire, malgré le déficit persistant des comptes sociaux.

De nombreuses mesures attestent cette volonté de justice sociale.

Il en est ainsi de la décision du relèvement à 2,7 % de croissance de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, prise en s’affranchissant des préconisations de la Cour des comptes. C’est également le cas de la pérennisation de certains dispositifs à destination des citoyens et des familles les plus en difficulté ; de la taxation de l’industrie pharmaceutique et de l’encadrement de la publicité du médicament – pour notre part, nous n’acceptons pas que le médicament soit considéré comme une marchandise comme les autres. Il faut encore citer l’annonce de la prise en charge à 100 % de l’IVG ; celle du retour du service public hospitalier, qui est tout simplement le retour de l’hôpital public, dont le nom même avait été banni ; la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé.

M. Arnaud Robinet. Quelle erreur !

M. Jean-Louis Roumegas. Sans oublier le renforcement des parcours de soin des personnes âgées en perte d’autonomie et celui de la prise en charge de la petite enfance. Ajoutons que des propositions de réponses sont apportées au problème des déserts médicaux. Elles sont certes expérimentales mais elles sont destinées à être généralisées.

Il s’agit d’autant de signes positifs qui nous permettent d’ouvrir ce débat avec confiance et sérénité, tant il est vrai que nous revenons de loin. En effet, pendant des années, nous avons subi – nous les subissons d’ailleurs encore – des mesures rétrogrades telles que la multiplication des déremboursements, l’augmentation du reste à charge des patients, la multiplication des abus tarifaires, l’abandon de l’hôpital public, sans parler de la gestion calamiteuse des risques épidémiques – personne n’a oublié l’affaire de la grippe H1N1.

Cela dit, pour nous, écologistes, il faut aujourd’hui aller plus loin.

Il faut d’abord mettre en place et garantir une véritable démocratie sanitaire dans laquelle les assurés, les patients et les praticiens recouvreraient enfin un véritable pouvoir d’initiative et de responsabilité. Cette démocratie sanitaire que nous appelons de nos vœux s’appuiera sur une politique de prévention et de santé environnementale. L’éducation à la santé et l’indépendance face au lobby du tout-médicament nous garantiront une inversion des déficits et une population protégée, en bonne santé pour longtemps.

Pour passer d’une logique de soins, de réparation, à une véritable politique de santé, nous devons agir sur les causes environnementales, et repenser le système de soins qui doit être mieux coordonné et évalué, reflétant un pluralisme thérapeutique et pas seulement la performance technique ou la logique comptable. Dès lors, on pourra sourire de l’adage un peu cynique qui a fait florès selon lequel « un citoyen en bonne santé ne rapporte rien ». Nous sommes pragmatiques ; mieux vaut prévenir que guérir, les risques sanitaires ne sont pas une fatalité.

Les exemples de crise sanitaire se multiplient pourtant. Citons les cas de l’amiante, des perturbateurs endocriniens, des pesticides, de la malbouffe, des addictions. Les affections de longue durée touchent 12 % des patients mais elles représentent 48 % des dépenses. La mortalité par cancer est quinze fois plus élevée que celle liée aux maladies infectieuses. Les études montrent une progression des cancers de 63 % entre 1980 et 2000. Il résulte de cette seule évolution une augmentation des dépenses de santé équivalente au déficit de la sécurité sociale. Il s’agit évidemment d’un problème réel qu’il faut traiter, mais pour notre part nous proposons de commencer à agir en amont. Le nombre de diagnostics d’asthme a doublé en trente ans, tout comme l’ensemble des allergies ; l’épidémie de diabète, en grande partie provoquée par l’obésité, progresse chez les jeunes et les adolescents. Cela nous rappelle qu’un enfant sur dix en France est obèse avant l’âge de dix ans, deux fois plus que dans les années 80.

Cette crise sanitaire trouve ses origines dans nos modes de vie, elle a des causes environnementales mais également une dimension sociale. Les ouvriers sont trois fois plus touchés par les cancers que les cadres et professions libérales et cinq fois plus par le diabète.

Qu’en est-il du coût de ces crises et des scandales sanitaires ?

Le coût global des indemnisations des victimes de l’amiante depuis la création du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est supérieur à 3 milliards d’euros.

Si on ne prend en compte que les dépenses liées à l’asthme, le coût du traitement des victimes de la mauvaise qualité de l’air s’élève en 2006 à 1,5 milliard d’euros selon l’IRDES, l’Institut de recherche en économie de la santé.

Sur tous ces sujets, nous sommes actifs et nous avons fait des propositions claires, en particulier pour la réduction de l’obésité. Elles concernent la lutte contre la malbouffe, les excès des industries agroalimentaires, la désintoxication de la junk food, source de nombreuses pathologies et de mal-être.

Nous sommes également sensibles à la régression de l’accès aux soins de nombreux jeunes et nous soutenons la mise place de mesures incitatrices leur permettant d’accéder plus facilement aux soins, que ce soit grâce aux complémentaires santé ou au tiers payant.

Nous refusons aussi la fuite en avant des dépassements d’honoraires. À ce sujet, nous ne sommes pas satisfaits de l’accord minimaliste trouvé aujourd’hui sous la pression du chantage des professionnels qui ne veulent pas reconnaître les scandales que cachent ces dépassements.

M. Arnaud Robinet. C’est encore une stigmatisation !

M. Jean-Louis Roumegas. Tout comme les déserts médicaux, ces dépassements consacrent une médecine à deux vitesses.

Nous soutiendrons les aides consacrées aux victimes de l’amiante. Il ne faut pas oublier aujourd’hui le cas des travailleurs du désamiantage qui, après les travailleurs de l’amiante, constituent une nouvelle catégorie de victimes.

Après des années de développement non durable, de fuite en avant, de toujours plus, plus vite, à n’importe quel prix, avec son cortège d’inégalités, de mal vivre et de dépendance, le nouveau contrat social que nous vous proposons s’appuie sur la médiation, le dialogue, la réparation et la prévention. Les bons choix d’aujourd’hui seront les économies de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la ministre chargée de la famille, monsieur le rapporteur, chers collègues, ma satisfaction est grande d’intervenir cette année devant une majorité de gauche pour analyser le PLFSS pour 2013.

M. Éric Straumann. Cela ne va pas durer !

Mme Dominique Orliac. Je relève cependant que ce budget ne compte, à mon sens, pas assez de mesures structurelles, pourtant jugées indispensables par l’IGAS et l’inspection générale des finances, mais un ensemble de mesures traditionnelles, des propositions classiques d’ajustement avec, une nouvelle fois, des économies faites sur le médicament. Nous attendions pourtant une vraie réforme structurelle, notamment sur les modes de prélèvement et sur l’ensemble du dispositif.

Sur un montant potentiel d’économies de 1,3 milliard d’euros sur les produits de santé, soit 60 % du montant de ce PLFSS, 1 milliard d’euros concerne le médicament, qui devient la seule variable d’ajustement. Or le médicament ne représente que 20 % des dépenses d’assurance maladie qui correspondent à 40 % du budget de la sécurité sociale. M. Cahuzac, qui connaît bien ce secteur, l’a dit lui-même : « Cette année il y a un gros effort sur le médicament ».

Il est à craindre qu’il s’agisse d’une décision de court terme potentiellement destructrice pour ce secteur d’activité. M. Gilles Johanet, ancien président du Comité économique des produits de santé, qui n’est pas un ennemi politique, a dit récemment que le médicament en matière de prix était « à l’os » et qu’il était devenu « déflateur » pour les comptes de l’assurance maladie.

Le Gouvernement a pris un certain nombre de positions : donner la priorité à l’hôpital public, refus de dérembourser des médicaments, modification du calcul des recettes sociales sur tous les revenus, refus des dépassements d’honoraires excessifs – mais je relève que rien n’a été dit sur le prix du marché du remplacement médical tel qu’il s’impose aujourd’hui aux établissements hospitaliers publics dans un jeu déséquilibré de l’offre et de la demande.

J’approuve pleinement ces orientations et j’attends leur mise en œuvre.

Il faut constater que, malgré les contraintes fortes des derniers PLFSS, l’assurance maladie reste en déficit, soit 8,6 milliards en 2011, avec par ailleurs un ONDAM de plus en plus respecté.

La France maîtrise ses dépenses de médicaments qui ne représentent qu’un cinquième des consommations de soins et de biens médicaux. L’IRDES et les comptes nationaux de la santé placent, dans ce domaine, la France en cinquième position derrière les États-Unis, le Canada, la Turquie, et l’Allemagne, ex aequo avec le Japon et la Belgique.

L’information, en ce qui concerne le médicament, doit être objective, scientifique et indépendante. Il s’agit là d’un sujet propre à susciter les passions. Nous l’avons constaté avec les nombreuses réactions déclenchées par la parution d’un livre caricatural et imprécis sur ce sujet, dont je ne nommerai pas l’auteur.

Le Gouvernement a dit son intérêt pour la mise en place d’un répertoire officiel des médicaments qui doit être mené au niveau européen, comme les AMM aujourd’hui. Nous y sommes depuis longtemps favorables.

J’en reviens au contenu du texte.

L’ONDAM à + 2,7 %, équilibré entre soins hospitaliers et soins de ville, est positif.

Pour l’hôpital, peu de chose, même si nous approuvons la fin de la convergence tarifaire entre public et privé, que vous avez confirmée. Dans ce domaine une mission globale vient d’être confiée à Édouard Couty, dont on connaît la compétence, qui fait suite à de nombreux rapports sur l’hôpital. En tant que députée du Lot, après le drame que nous venons de vivre, je ne peux passer sous silence les effets néfastes des restructurations hospitalières et la suppression des maternités de proximité, que nous avons d’ailleurs dénoncée depuis longtemps.

Nous avons critiqué la politique de Nicolas Sarkozy à l’égard de l’hôpital public asphyxié faute de moyens. Une perspective de modernisation de l’offre de soins est donc nécessaire avec une diminution de l’hospitalisation classique et une véritable médecine de proximité coordonnée, sans oublier que beaucoup de promesses faites par le précédent gouvernement ne sont pas financées.

Je voulais aussi affirmer que la pérennisation de la visite collective à l’hôpital me semble être une utopie trop idéaliste pour quiconque connaît la vie hospitalière et l’individualisme des professionnels, surtout dans le domaine de la prescription.

J’en viens au point essentiel de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : les taxations prioritaires que vous avez choisies sur le médicament.

J’ai relativisé tout à l’heure la part des médicaments par rapport aux dépenses de santé ; c’est une vérité.

En ce qui concerne les médicaments génériques, la substitution associée au tiers payant et l’action des pharmaciens se sont montrées efficaces. Mais, dès 2015, les pertes de brevets ne seront pas significatives : il y aura donc un palier dans cette évolution. Le seul levier disponible sera alors la pression sur les prix avec pour conséquence la concentration des laboratoires de génériques et leur délocalisation. Cette perspective serait dévastatrice pour le réseau pharmaceutique, grossistes-répartiteurs et officines. Elle mettrait en péril la bonne répartition sur le territoire national et l’égal accès aux soins pour tous.

L’officine doit évoluer pour devenir une véritable profession de santé et être un partenaire essentiel du parcours de soins. Mais il faut que par contrat on lui en donne les moyens ; ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Cinq cents pharmacies ont fermé ces dernières années ; cinq cents vont fermer dans les deux ans selon la profession. La pharmacie ne peut pas être l’éternel contributeur pour combler le déficit de l’assurance maladie, comme c’est le cas depuis cinq ans.

À l’hôpital, la diminution de 150 millions d’euros du budget consacré aux médicaments hospitaliers suscite des difficultés avec la sortie de la T2A de certains médicaments, surtout en oncologie. On note de plus des disparités de traitement dans un même hôpital ou entre hôpitaux.

L’article 50 du PLFSS sacrifie 4 000 pharmacies, détruisant ainsi proximité et maintien des officines dans les zones fragiles, avec un montage donnant au marché et aux marchands la distribution des médicaments dans les EHPAD.

Vis-à-vis de ces malades, le Gouvernement prend une lourde responsabilité en matière de sécurité sanitaire en rendant caduc l’acte global pharmaceutique, qui repose sur la validation des prescriptions, suivie de la dispensation vers les unités de soins. Cette disposition va à l’encontre de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients. C’est pourquoi je défendrai un amendement de suppression de cet article.

Néanmoins, le projet de modernisation de notre système de santé présente des avancées que nous approuvons : la rémunération au forfait des équipes de soins de proximité pour la prévention, l’éducation thérapeutique et le dépistage ; le recrutement de 200 praticiens locaux de médecine générale dans les zones fragiles ; l’expérimentation d’un parcours de soins pour les personnes âgées ; l’indemnisation à 100 % de l’IVG ; l’extension des AMM par l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui mettra fin au monopole coûteux d’un médicament dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. En ce qui concerne l’ophtalmologie, il est du reste vital de définir un cadre légal et sécurisé pour la collaboration entre ophtalmologistes et orthoptistes libéraux, afin de pouvoir assurer la pérennité de la prise en charge des patients.

J’ajoute que nous soutenons la taxe sur les boissons énergisantes proposée par Gérard Bapt. J’avais d’ailleurs moi-même attiré, il y a un certain temps, l’attention de Mme la ministre sur les dangers de la taurine dans une question écrite.

Par ailleurs, nous voudrions voir avancer, sur le plan législatif et réglementaire, certains dossiers santé.

S’agissant, tout d’abord, des études médicales, il est indispensable de valoriser financièrement les maîtres de stage en médecine générale, de développer l’aide au logement et au transport pour les étudiants en stage dans les zones rurales et semi-rurales, de favoriser le développement des maisons et des pôles de santé universitaires, futurs moteurs de la prise en charge globale en soins primaires, notamment en augmentant le nombre d’enseignants de médecine générale. Des mesures doivent être prises pour développer la coopération interprofessionnelle, et ce dès la formation.

Les mesures incitatives qui ont été proposées pâtissent d’un manque d’information. Ainsi, actuellement, 95 % des internes de médecine générale déclarent ne pas connaître les aides à l’installation ; un travail de proximité doit donc être entrepris au niveau des ARS, avec un guichet unique efficace. Quant aux mesures coercitives, absentes du projet présidentiel, elles doivent être abandonnées. À cet égard, le retrait de l’amendement n° 553 à l’article 40 est un impératif.

S’agissant de l’exercice de la médecine générale, des décisions de nature à restaurer la confiance, à libérer les capacités d’innovation et à donner à nos jeunes et futurs confrères le désir de reprendre le flambeau sont indispensables.

Parmi les autres dossiers essentiels, je citerai la clarification de la gouvernance de la santé. Le pilotage des ARS doit être plus performant et les agences remises en ordre ; les déclarations de leurs présidents, lors de leur audition par la commission, ne nous ont pas vraiment convaincus.

En outre, une véritable politique industrielle et de recherche sur le médicament doit être mise en œuvre. Mme Touraine a déclaré que l’industrie pharmaceutique ne devait pas faire payer sa mutation vers les biotechnologies par la sécurité sociale, mais, depuis des années, en dépit du crédit d’impôt recherche, la France n’a rien fait, à la différence de nombreux autres pays, pour mettre en œuvre une véritable politique destinée à renforcer la collaboration entre recherche privée et recherche publique et une politique de prix soutenant les brevets nationaux. Cette industrie représente 7 milliards d’euros d’exportations pour notre commerce extérieur, qui va si mal ; elle représentait le double il y a trois ans. En outre, il nous faut déplorer une grave perte de brevets nationaux ; nous sommes déjà tributaires de l’étranger pour les nouvelles thérapeutiques.

Nous, radicaux de gauche, serons particulièrement vigilants sur les dossiers de bioéthique et de fin de vie, qui avaient été inscrits dans le programme présidentiel à notre demande. La réponse qu’a récemment apportée la ministre déléguée aux personnes âgées à un membre de notre groupe, Olivier Falorni, qui l’interrogeait sur la fin de vie lors des questions d’actualité, était assez éloignée de ces engagements et ne nous a pas du tout satisfaits.

Nous devons répondre à l’urgence de justice sociale, criante dans notre pays. Mais, nous le savons, le véritable enjeu pour notre protection sociale, c’est le retour d’une économie en expansion, donc une dynamique de recettes. Il est compréhensible qu’en quelques mois vous n’ayez pu engager toutes les réformes structurelles nécessaires, mais il est indispensable de conforter notre système de santé, fondé sur la solidarité. Ce texte n’est pas encore celui que nous souhaitions : rendez-vous en 2014 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, après dix ans de gouvernement de droite, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par la gauche suscite des attentes et des exigences fortes.

Favoriser l’accès aux soins pour tous en restaurant les droits des patients après toutes ces mesures qui, de franchises en déremboursements et autres forfaits, ont conduit un nombre de plus en plus important de nos concitoyens à renoncer à des soins ou à les différer ; développer des réponses publiques sans lesquelles un accès à des soins de qualité pour tous est impossible, notamment en commençant à rétablir un mode de financement qui permette un fonctionnement efficace de nos hôpitaux publics, si gravement désorganisés ces dernières années ; résorber le déficit des comptes sociaux – ce qui est parfaitement possible, comme je vais le démontrer – grâce à des mesures de financement équitables et courageuses, pour prendre l’argent là où il est : telles sont les attentes légitimes de nos concitoyens, qui vous ont accordé leur confiance.

Certes, ce texte comporte des mesures positives. En matière de recettes, tout d’abord, nous nous félicitons notamment de l’augmentation de la C3S à la charge des entreprises d’assurance, de l’élargissement de la taxe sur les salaires aux éléments de rémunération complémentaires ou de l’incitation au développement des génériques. Nous saluons également la prise en charge intégrale des IVG et l’augmentation des moyens consacrés au secteur médico-social. En ce qui concerne les victimes de l’amiante, la possibilité de liquider, dès l’âge de 60 ans, les pensions de retraite pour les bénéficiaires de l’ACAATA est également une décision importante.

M. Marc Dolez et M. Christian Hutin. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. Le renforcement des moyens de lutte contre la fraude aux cotisations employeurs et la responsabilisation des donneurs d’ordres s’attaquent enfin aux sources principales de la fraude sociale.

Nous ne sous-estimons pas ces avancées, mais que de manques dans ce texte ! Comment se fait-il qu’à aucun moment il ne remette en cause les mesures prises lors des précédentes législatures, qui ont tant contribué au recul de l’accès aux soins dans notre pays et contre lesquelles les députés socialistes avaient pourtant beaucoup bataillé ?

M. Marc Dolez. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Je pense principalement aux franchises médicales, que je proposais de supprimer dans un amendement qui a été refusé par les services de la commission des affaires sociales, mais aussi aux nombreux déremboursements, à l’augmentation du forfait hospitalier ou à la taxe sur les mutuelles. Autant de prélèvements injustes dont Mme la ministre indiquait elle-même, l’année dernière, à cette tribune, qu’ils n’ont « d’autre effet que d’accroître les inégalités en matière de santé ».

M. Arnaud Robinet. Paroles, paroles !

Mme Jacqueline Fraysse. Pas de remise en cause non plus de la journée de carence pour les agents de la fonction publique,…

M. Arnaud Robinet. Heureusement !

Mme Jacqueline Fraysse. …ni même de la scandaleuse fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail. « De l’injustice à l’état pur ! », dénonçait pourtant, à juste titre, Mme Touraine.

M. Marc Dolez. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. Bien entendu, il aurait fallu, pour revenir sur ces mesures, davantage de moyens pour financer un objectif de dépenses d’assurance maladie plus ambitieux que celui que vous proposez. De 2,5 % l’an dernier, il est de 2,7 % cette année : sont-ce donc ces 0,2 % qui distinguent votre PLFSS de celui de votre prédécesseur ? Cet ONDAM est à l’évidence globalement insuffisant, particulièrement l’ONDAM hospitalier. Certes, vous annoncez pour ce dernier une progression de 2,6 %, mais, dans le même temps, la Fédération hospitalière de France indique que les dépenses des hôpitaux vont augmenter de 3,1 % à 3,2 % l’an prochain, du fait de la hausse des prix des médicaments et de l’énergie ou de la revalorisation des salaires dans la fonction publique. Le différentiel entre la croissance incompressible du budget des hôpitaux et l’enveloppe qui leur sera allouée est donc de 0,5 % : exactement le même chiffre que l’an dernier !

Comment ne pas faire le constat que vous poursuivez la réduction des moyens de l’hôpital public ? Je ne vous cache pas notre déception et celle des personnels concernés, dont vous connaissez l’ampleur des difficultés. Les seules bonnes nouvelles de nature à éclaircir l’horizon toujours sombre des hôpitaux sont la fin du gel des enveloppes consacrées au financement des missions de service public, le retour – dans les textes – à la notion de service public hospitalier et la fin annoncée de la convergence tarifaire, sans que vous reveniez pour autant sur les tarifs du public déjà alignés sur ceux du privé.

Il n’est pas question non plus de revenir sur les fermetures et les restructurations des hôpitaux, comme celle imposée, contre toute logique de réponse aux besoins, par l’ARS à l’hôpital de Nanterre, en dépit de l’opposition tant du personnel de l’hôpital que des citoyens, et malgré l’existence d’un projet alternatif sérieux, élaboré avec les professionnels de santé, prenant en compte les réalités du terrain.

Si le retour du parti socialiste au pouvoir a permis de lancer une concertation sur l’avenir de l’hôpital public – ce qui est une très bonne chose –, je crains que celle-ci ne s’inscrive toujours dans le même cadre, la même logique : celle du financement par la T2A, celle des restructurations imposées par la réduction des moyens, de l’hôpital-entreprise et du management vertical instauré par la loi HPST, que vous n’envisagez d’ailleurs pas d’abroger.

M. Denis Jacquat. Mme Fraysse est plus sévère que nous !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette même logique conduit les praticiens hospitaliers à quitter l’hôpital public, comme à Saint-Louis ou à Saint-Antoine, en raison de leurs conditions de travail déplorables et au nom de l’idée qu’ils se font du service public hospitalier. Je souhaite vivement que la suite de la concertation engagée et la réforme qui en sera issue apaisent ces craintes, qu’elle rompe clairement avec les choix politiques précédents, catastrophiques et dangereux, comme vient encore, hélas ! de l’illustrer l’actualité.

La réalité est que l’on ne peut pas changer résolument de braquet sans engager une véritable réforme structurelle du financement de la sécurité sociale qui dégage des moyens suffisants et pérennes pour assurer à l’ensemble de nos concitoyens une protection sociale digne de notre époque.

Je passe sur les éternelles mesures de taxation de l’alcool et du tabac – qui, en tout état de cause, ne risquent pas de régler le problème –, pour m’arrêter sur la regrettable décision que vous avez prise de taxer les personnes retraitées, alors que vous avez refusé d’autres propositions de recettes que nous avions formulées. Nous pensons en effet que les moyens existent, non seulement pour revenir sur les mesures les plus injustes du précédent gouvernement, mais aussi pour résorber le déficit de la sécurité sociale. Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens, qui permettraient à la fois de dégager des moyens financiers supplémentaires et de favoriser l’emploi en réorientant l’économie vers l’investissement utile et la création de richesses.

L’an dernier, alors qu’elle était députée, Mme Touraine…

Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’est pas là !

Mme Jacqueline Fraysse. …avait déclaré : « Rechercher de nouveaux financements, c’est d’abord mettre les revenus du capital à contribution au même niveau que les revenus du travail ». C’était vrai, et ça l’est toujours. C’est du reste ce que nous proposons dans un amendement visant à taxer les revenus des placements financiers des banques et des entreprises, une mesure juste et efficace. En effet, pourquoi les revenus issus des placements financiers ne contribueraient-ils pas autant que ceux issus de notre travail ? Comment justifier que ces sommes d’argent, dès lors qu’elles ne sont pas investies dans le développement économique et l’emploi, aillent à la spéculation sur les marchés financiers plutôt qu’à la réduction des déficits sociaux et de la dette sociale ?

C’est pour enclencher ces changements que nos concitoyens ont majoritairement voté à gauche en mai et juin dernier. C’est cette rupture qu’ils attendent du Gouvernement.

Notre sévérité à l’égard de ce texte n’a d’égal que notre crainte d’être déçus, notre crainte de voir échouer le changement annoncé, et c’est bien parce que nous voulons que le gouvernement de gauche réussisse que nous avons déposé autant d’amendements, notamment sur le volet financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Patrice Carvalho. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a deux façons de prédire l’avenir : la première est de le lire dans une boule de cristal, la seconde, celle des esprits rigoureux, est l’exercice auquel nous nous livrons ce soir ; il consiste à disséquer les lois de finances et de financement de la sécurité sociale : dis-moi quel est ton budget, je te dirai qui tu es. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce premier budget social du quinquennat nous dit beaucoup sur ce que nous sommes et où nous voulons aller. Il dit d’abord notre volonté de justice et de progrès social. La France, que l’on dit irréformable, ne l’est pas. Mais la condition de la réussite des réformes, leur clé même, c’est qu’elles soient synonyme de progrès. C’est d’ailleurs, chers collègues de l’opposition, l’une des raisons de vos échecs répétés en la matière ces dix dernières années, car les réformes que vous avez portées ont le plus souvent rimé avec injustices et reculs sociaux. Alors, oui, quelles que soient les difficultés du pays, la marche du progrès doit reprendre. Et elle reprend, comme en témoigne ce PLFSS.

M. Philippe Vitel. Quelle prétention !

M. Jean-Marc Germain. Progrès pour les familles, avec l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire et l’expérimentation d’une avance de frais pour les ménages modestes employant une assistante maternelle. Progrès pour les retraités, avec la possibilité de partir à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et l’attribution de points gratuits aux non-salariés agricoles qui ont dû cesser leur activité pour cause de maladie ou d’infirmité.

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Jean-Marc Germain. Progrès pour les femmes et l’égalité réelle avec le remboursement à 100 % de l’IVG et de la contraception pour les mineures de 15 à 18 ans – une mesure au sujet de laquelle, madame la ministre, vous nous avez annoncé tout à l’heure un amendement dont nous nous réjouissons et que nous voterons.

Mme Bérengère Poletti. Nous ne l’avons pas vu !

M. Jean-Marc Germain. Progrès pour la santé, enfin, avec un ONDAM augmenté de 4,6 milliards d’euros. La dégradation de la santé des étudiants nous inquiète également : ils sont deux fois plus nombreux que le reste de la population à ne pas être couverts par une mutuelle. Nous souhaitons également des avancées dans ce domaine. Exonération de la taxe sur les mutuelles étudiantes, développement du tiers payant intégral, quelle est la meilleure manière d’y parvenir ? Ce sera l’un des débats que nous souhaitons avoir dans les heures qui viennent.

Porteur de progrès, ce PLFSS 2013 engage aussi les grandes réformes de structure nécessaires, à commencer par la réforme de l’organisation de l’offre de soins. Il n’y a pas d’autre voie pour préserver l’excellence de notre système de santé, comme l’a excellemment dit Christian Paul cet après-midi. Il faut notamment l’adapter à la montée des pathologies chroniques liées au vieillissement de la société et aux nouvelles attentes des patients.

Notre philosophie est simple : le bon soin, au bon moment. Cela veut dire recentrer l’hôpital sur ses missions et lui donner les moyens de les assurer en mettant fin à l’absurde convergence tarifaire. Cela veut dire développer les alternatives à l’hospitalisation. Cela veut dire installer des médecins dans les déserts médicaux – 200 dès cette année, et nous poursuivrons dans le dialogue. Cela veut dire développer les équipes de professionnels de proximité pour assurer de nouveaux services aux patients : prévention, éducation thérapeutique. Cela veut dire expérimenter des parcours de soins vraiment décloisonnés pour les personnes âgées. En somme, il s’agit de faciliter l’accès aux soins pour chaque citoyen, sur tout le territoire.

Réforme du système de santé, mais aussi réforme des retraites – Michel Issindou en a parlé, avec une concertation qui sera engagée dès le printemps 2013 sur le fondement d’un diagnostic établi par le COR. Réforme de la prise en charge de la dépendance : mille fois annoncée par Nicolas Sarkozy, mille et une fois repoussée, cette réforme, nous l’amorçons dès 2013 en lui affectant une ressource nouvelle de 600 millions d’euros par an. Cette ressource fait appel à la solidarité intergénérationnelle. L’aide à l’autonomie est aujourd’hui financée par les actifs à travers la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ; demain, elle le sera par tous.

Sur ce point, nous ferons des propositions d’amélioration du texte du Gouvernement, évoquées par notre rapporteur Gérard Bapt : extension de l’exonération prévue pour les plus modestes à 2,5 millions de retraités supplémentaires et affectation à la Caisse nationale de solidarité autonomie dès 2013. Les retraités sont prêts, me semble-t-il, à cet effort de solidarité, mais ils veulent qu’il serve clairement à la prise en charge de la dépendance.

Ce PLFSS dit enfin notre volonté de rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale dans la justice. Comme M. le ministre du budget l’a très bien dit tout à l’heure, si nous avions laissé filer les choses, le déficit des comptes de la sécurité sociale aurait été de 25 milliards d’euros : voilà l’ardoise des années Sarkozy du côté de la sécurité sociale ! Nous le réduisons dès cette année de 11 milliards d’euros – ce qui représente près de la moitié du trou comblé en un seul budget –, c’est dire l’esprit de responsabilité qui nous anime après des années de laisser-faire.

Ce rééquilibrage, nous le faisons sans faire appel aux patients, ce qui constitue la première rupture. C’en est fini de la hausse sans fin des franchises et des déremboursements. Un effort de baisse du prix des médicaments et des produits de santé sera demandé aux laboratoires pharmaceutiques, et les dépassements d’honoraires du secteur 2 seront encadrés. Nous saluons l’opiniâtreté de la ministre, qui n’a pas ménagé ses efforts afin de rendre possible la signature de l’accord qui vient d’être conclu avec les professionnels de santé.

Ce rééquilibrage, nous le faisons également en demandant des efforts, c’est vrai, mais dans le respect d’un principe simple : faire contribuer chacun en fonction de ses moyens. Les travailleurs indépendants vont maintenant cotiser comme tout le monde à l’assurance maladie, à un taux proportionnel à l’ensemble de leurs revenus d’activité, alors que ces cotisations étaient jusqu’à présent plafonnées : c’était l’inverse de la justice fiscale !

La taxe sur les salaires intégrera désormais l’ensemble des accessoires de rémunération, et une nouvelle tranche sera créée pour les salaires supérieurs à 150 000 euros. Nous demandons aussi aux particuliers employeurs de cotiser sur le salaire réel : il est temps, il est grand temps que les salariés à domicile aient la même couverture que tous les autres. Le groupe socialiste soutiendra avec force l’amendement rédigé par le rapporteur général Christian Eckert et la rapporteure spéciale Valérie Rabault, visant à atténuer le surcoût de cette mesure pour les employeurs.

Enfin, pour des raisons de santé publique, ce PLFSS augmente à juste titre les droits d’accise sur le tabac et la bière. Dans le même esprit, le groupe socialiste proposera également une contribution sur les boissons énergisantes à haute teneur en caféine et en taurine. Je salue la perspicacité de Gérard Sebaoun et du rapporteur Gérard Bapt, qui sont à l’initiative de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le même temps, parce que nous estimons que la fiscalité doit aussi être au service de l’emploi, donc des PME, nous abaissons la cotisation minimale pour 500 000 travailleurs indépendants. En ce qui concerne la bière, nous proposerons une mesure d’accompagnement pour les petits brasseurs, consistant à appliquer des droits inférieurs de 50 % à tous les producteurs de moins de 200 000 hectolitres.

M. Arnaud Robinet. Merci à l’opposition !

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. S’il vous plaît de le croire !

M. Jean-Marc Germain. Enfin, 2013 sera l’année où nous réformerons le financement de la protection sociale. Alors que la droite a attendu le dernier souffle du quinquennat pour s’en préoccuper, nous allons nous y attaquer dès l’année prochaine. Nous le ferons sans faire croire qu’il s’agirait là d’un remède miracle pour la compétitivité. En effet, même en transférant toutes les cotisations patronales, le gain en compétitivité prix est de l’ordre de quelques points : c’est toujours cela de gagné, mais l’avenir de notre économie ne se joue pas là. La compétitivité, c’est d’abord la recherche et l’innovation, c’est une nouvelle politique industrielle, c’est l’investissement dans la formation, en commençant par l’école. Et c’est une autre conception de l’organisation du travail, à travers sa valorisation et la coopération entre salariés, plutôt qu’une mise en concurrence stérile.

Je n’ai pas lu le rapport Gallois, mais je connais Louis Gallois, qui habite une circonscription que j’affectionne particulièrement, et mon petit doigt me dit que c’est une vision qu’il partage totalement. Bien sûr, il nous faudra corriger ce défaut spécifique à notre pays, un prélèvement fiscalo-social pesant excessivement sur le travail. Beaucoup de décisions fiscales déjà prises en loi de finances vont dans ce sens, et nous allons faire de même pour l’assiette des prélèvements sociaux.

L’écueil à éviter, c’est celui de la TVA Sarkozy : un prétendu choc de compétitivité, qui vire au choc de décroissance du fait d’une ponction massive de pouvoir d’achat. Pour éviter cela, la réforme devra obéir à un principe simple : la division en deux compartiments étanches. Pas une, mais deux réformes : d’un côté, la réforme des cotisations salariales – avec, pourquoi pas, l’utilisation de la CSG pour élargir l’assiette ; de l’autre, la réforme des cotisations patronales, sans cotisations patronales financées par la CSG et la TVA.

Nous allons débattre pendant quatre jours de ce texte, auquel nous allons apporter des améliorations. Mais, je vous le dis, le groupe socialiste votera ce PLFSS, parce qu’il reprend la marche du progrès social. Il votera ce PLFSS, parce qu’il engage les grandes réformes de structure nécessaires, en commençant par celle de l’offre de soin. Il votera ce PLFSS, parce qu’il fait, dans la justice, un grand pas vers le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

Le groupe socialiste votera ce PLFSS parce que, au fond, ses dispositions visent toutes un même objectif, celui voulu par le Conseil national de la Résistance : « donner à chacun les moyens d’une vie pleinement humaine ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voulais dire à Mme la ministre de la santé que nous nous retrouvons dans des circonstances différentes de celles de l’année dernière. Sans doute se rappelle-t-elle que, cinq années de suite, elle a discouru, de façon souvent percutante, lors de l’examen des PLFSS successifs. Elle ne nous a rien épargné !

M. Denis Jacquat. Oh non !

M. Jean-Pierre Door. Durant le dernier week-end, j’ai pris le temps de relire toutes ses interventions…

M. Philippe Vitel. Quel courage ! Vous parlez d’un week-end ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. …avec un intérêt certain et je dois dire que j’attendais autre chose que les mesures proposées pour 2013. Quand Mme Touraine disait, en 2009 : « Le contexte dans lequel nous examinons ce PLFSS est loin d’être anodin », que dire d’autre aujourd’hui, car le projet de loi que nous examinons ne se montre malheureusement pas à la hauteur du défi…

M. Christian Paul, rapporteur. Ah, vous trouvez ?

M. Jean-Pierre Door. …alors que la crise, que Mme la ministre ignorait en 2009-2010, est de plus en plus présente et s’accentue malgré les déclarations gouvernementales ? De ce point de vue, le PLFSS n’offre guère de motif d’enthousiasme.

Prévoir une croissance à 0,8 % et une masse salariale à 2,5 %, voire 2,8 %, pour construire votre PLFSS…

M. Christian Paul, rapporteur. Nous ne serons pas otages de l’héritage !

M. Jean-Pierre Door. …est une équation déjà obsolète, qui va vous conduire droit dans le mur. Je m’explique : la trajectoire de retour à l’équilibre que vous avez imaginée va être considérablement ralentie. L’ONDAM, fixé à 2,5 % l’an dernier et respecté, va être rehaussé à 2,7 %, alors que la Cour des comptes, dans son dernier rapport, préconisait une progression limitée à 2,4 % pour favoriser le retour à l’équilibre. Même le rapport IGAS-IGF de juillet dernier vous orientait dans cette direction et, l’an passé, le comité de pilotage de l’ONDAM présidé par Raoul Briet évoquait plutôt un ONDAM à 2,1 % ou 2,2 % pour atteindre l’équilibre.

Avec une croissance qui, selon certains organismes, sera malheureusement divisée par deux, et une masse salariale réduite, liée à un chômage galopant que personne – et surtout pas vous – ne maîtrise, vous ne pourrez éviter un déficit important : de toute évidence, vous allez franchir la ligne jaune, en déclenchant le comité d’alerte de l’ONDAM vers le mois de mars. À ce moment, votre seule issue sera la réduction des dépenses – lesquelles, je ne sais pas – ou, à nouveau, la recherche d’autres recettes, je ne sais pas non plus lesquelles.

Souvenez-vous du rapport de Didier Migaud, qui déclarait que « l’augmentation des recettes sera inévitable pour compléter l’effort », avant d’inviter à augmenter le taux d’impôt à assiette large, c’est-à-dire la CSG ou la TVA, en faveur du rééquilibrage des comptes sociaux.

Alors oui, cette idée d’évoquer la TVA vous donne certainement une allergie, mais il faudra bien que vous en guérissiez ! D’ailleurs, le rapport de M. Gallois, commandé par votre gouvernement, serait assez éloquent, si l’on en croit certains.

Votre projet de loi est construit sans réformes de structure et sans réduction des dépenses. En revanche, une avalanche de taxes et de prélèvements obligatoires va toucher la plupart des ménages et des assurés sociaux, mais surtout les petites et moyennes entreprises, les artisans, les commerçants et les professions indépendantes, ainsi que les retraités, dès que ceux-ci seront « impôts-dépendants ». C’est une grave erreur, car cela risque bien entendu de toucher au pouvoir d’achat, comme à la croissance et au cœur de notre économie.

Au-delà des chiffres, ce PLFSS n’engage pas les réformes structurelles de l’offre de soins dont nous aurions besoin pour rejoindre les standards européens. Je cite à nouveau Mme la ministre de la santé : « À part ceux qui croient encore aux contes de fées, qui peut croire à la réussite d’un tel scénario alors qu’aucune réforme de structure n’est prévue ? ». Elle prononçait ces mots en 2008. J’ai donc envie de lui demander : « Et vous, que faites-vous dans ce premier PLFSS ? » On n’y trouve aucune réforme de structure.

En ce qui concerne les soins hospitaliers, vous tournez manifestement le dos à toute évolution, au nom de la défense de l’hôpital public. À notre sens, c’est une grossière erreur de stopper la T2A, alors que quasiment tous les pays européens l’ont mise en place. Il faut ouvrir les yeux et comparer notre système de santé, par exemple avec celui de l’un de nos voisins, l’Allemagne.

Le nôtre est en déficit chronique quand le sien est chaque année excédentaire, au prix, il est vrai, de réformes structurelles constructives qui ont été accomplies depuis celle de M. Schroeder. Pourtant, nous avons des points communs : la qualité des soins est à peu près identique dans nos deux pays, de même que la densité médicale ou le taux de morbi-mortalité.

Le courage et la lucidité sont indispensables. L’hôpital public est un chaînon essentiel de notre système de soins, mais il est hypertrophié et trop dispendieux. Non, en effet, nous n’avons pas le même diagnostic que vous sur les difficultés qu’une minorité des centres hospitaliers peut rencontrer.

Le plan d’économies que vous avez présenté pour infléchir la croissance tendancielle est inacceptable. Vous faites reposer l’essentiel de l’effort sur les soins de ville, à hauteur de 1,7 milliard d’euros ; vous ménagez l’hôpital public, qui contribuera modestement à l’effort, à raison de 650 millions d’euros ; vous mettez surtout à contribution le médicament – pour 1 milliard d’euros –, au risque d’altérer l’industrie pharmaceutique française, qui est pourtant, comme vous le savez, l’un des fleurons de l’économie de notre pays.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot au sujet de la démographie médicale. Vous semblez, avec le praticien territorial, découvrir le Graal qui va tout résoudre. Rappelons quand même que tous les outils sont sur la table grâce au gouvernement précédent – je sais bien que cela vous donne des boutons, mais cela n’en est pas moins vrai –, avec les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, les 250 maisons de santé programmés, les pôles de santé, les contrats d’engagement de service public, qui ont quand même donné quelques résultats, ou encore les bourses d’étude.

On peut être tenté de se réjouir de l’accord sur les dépassements d’honoraires, que l’orateur précédent a évoqué, mais, en le lisant – on vient de me le donner –, on s’aperçoit que c’est quasiment la copie conforme du secteur optionnel, qui était également dans les cartons.

M. Jérôme Guedj et M. Olivier Véran. Pas du tout ! Vous devriez le relire !

M. Jean-Pierre Door. Vous attaquez le gouvernement précédent – c’est votre rôle, vous êtes maintenant dans la majorité –, mais force est de reconnaître qu’il a mené des réformes structurelles.

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door. N’oublions pas, entre autres, la réforme des retraites, ou encore la loi HPST, même si elle est parfois critiquée.

M. Christian Paul, rapporteur. Ne vous inquiétez pas, les Français n’ont pas oublié !

M. Jean-Pierre Door. Je rappelle également que nous avons protégé les Français pendant la période de crise la plus aiguë, survenue en 2008 et 2009.

Mme Bérengère Poletti. Très juste !

M. Jean-Pierre Door. Nous nous retrouverons l’an prochain pour évaluer les résultats de ce PLFSS. Je pense qu’auparavant – je vous le dis sincèrement – nous aurons été inquiétés par le comité d’alerte de l’ONDAM. Pour ces raisons, notre groupe ne votera pas votre projet de loi, mais vous vous en doutiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Guedj. Jusqu’au bout nous avons eu des doutes !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a quelques jours, une enquête du Centre d’études et de connaissance sur l’opinion publique et de l’institut CSA nous a appris qu’un Français sur cinq renonce plus souvent qu’auparavant aux soins ou les retarde. En outre, 19 % des jeunes n’ont pas de complémentaire santé et la plupart d’entre eux, faute de moyens, privilégie l’automédication. C’est dire si la question de l’accès aux soins doit devenir prioritaire dans nos politiques de santé.

L’étude que je citais montre justement que 47 % des personnes interrogées pensent que l’amélioration de l’accès aux soins est l’enjeu le plus important. En ce sens, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le premier de la nouvelle législature, marque d’ores et déjà un tournant. En effet, il est le fruit d’une politique courageuse, devant faire face à une situation sociale qui n’a cessé de se dégrader sous la précédente majorité.

Cette politique courageuse se traduit donc par un texte qui garantit l’accès aux soins à tous les Français, même les plus défavorisés. Elle se traduit également par une certaine humilité ; en témoignent les différents dispositifs expérimentaux, qui ont le mérite de chercher à améliorer la situation socio-médicale, sans pour autant s’affirmer de manière péremptoire comme la solution idoine.

Plusieurs articles, plusieurs mesures, illustrent mes propos. Je pense notamment au praticien territorial de médecine générale, prévu à l’article 40. Les déserts médicaux sont un véritable fléau dans notre système de santé. En cela, ce dispositif expérimental est intelligent, notamment parce qu’il n’est qu’incitatif, et non pas coercitif. Le schéma prévu en association avec les ARS est innovant et semble adapté. Deux communes rurales situées dans ma circonscription ont créé un centre de soins, avec le soutien de l’agence régionale de santé. Il regroupe de nombreuses activités médicales et accueille des internes pour la formation. Les praticiens échangent sur la prévalence des pathologies dans leur patientèle et forment à l’éducation à la santé et à la prévention. Ces internes reviennent souvent à la fin de leurs études comme remplaçants et deux d’entre eux vont devenir titulaires. Cette expérience est un vrai succès. C’est pourquoi il me semble que le rôle des médecins de proximité, loin de se limiter à dispenser des soins, est de prévenir, de conseiller et d’éduquer à la santé. C’est d’ailleurs le sens de l’un de nos amendements, adopté en commission et sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Concernant les autres points clés de ce texte qui témoignent de la volonté du Gouvernement d’œuvrer pour l’accès aux soins, je tiens, par exemple, à remercier Mme la ministre pour l’article 43, qui prévoit une prise en charge à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse par l’assurance maladie. Par souci d’égalité, il était indispensable d’assurer un accès à l’IVG pour toutes les femmes.

Malgré cela, il nous faut être réalistes et objectifs : ce texte peut encore être amélioré. La commission a permis quelques avancées, en particulier dans le domaine de la santé publique, avec la taxe sur les boissons énergisantes ou l’exonération de taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour les étudiants, afin de garantir l’accès aux soins à cette population en situation précaire.

Mais cela ne suffit pas. Dans cette même optique de l’accès aux soins, je citais tout à l’heure l’étude du CEPOP et de CSA, laquelle montre que, parmi les personnes renonçant aux soins, 57 % le font par manque d’argent. L’une des mesures qui permettraient d’apporter une première réponse est l’encadrement des dépassements d’honoraires. Je sais que de longues discussions ont eu lieu avec les syndicats de médecins et l’assurance maladie, mais, si cet après-midi des accords ont été trouvés pour l’encadrement des dépassements, nous pensons qu’il faut aller jusqu’à la voie législative pour encadrer ces dépassements qui peuvent parfois prendre une ampleur plus que démesurée. Un médecin me confiait récemment que, si elle le désirait, elle pourrait facturer l’établissement d’un certificat médical pour la pratique du sport – acte non remboursé – six fois plus qu’une simple consultation, soit 138 euros ! Il est donc indispensable d’agir rapidement pour éviter ces débordements.

D’autres points du texte nécessitent quelques ajustements, mais ils seront discutés lors de l’examen des amendements. Les écologistes aimeraient que les questions de la prévention, de l’éducation à la santé ou encore de la santé environnementale soient davantage prises en compte. Mais nous savons que notre ministre est attachée à ces sujets. Nous savons aussi que le texte que nous allons examiner dans cet hémicycle est une première étape. Il s’agit d’un texte équilibré, d’un PLFSS qui s’inscrit dans un objectif de justice sociale auquel les écologistes souscrivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, ce PLFSS s’inscrit à l’évidence dans une double perspective : la maîtrise des déficits publics et l’engagement d’une tout autre logique que celle de la restriction des soins, installée à marche forcée par la droite ces dix dernières années. Je m’en félicite, car la santé est, vous le savez, l’une des premières préoccupations de nos concitoyens.

Sur les déficits publics, vous amorcez une réparation des dégâts causés par la politique précédente, qui, en vérité, faisait des cadeaux fiscaux aux plus fortunés, au détriment des comptes sociaux.

Oui, c’est vrai, des recettes nouvelles, il y en a – et c’est tant mieux ! À l’avenir, elles devront aussi s’appuyer sur des mesures fiscales plus ambitieuses et sur des cotisations fondées sur une plus grande justice et une meilleure répartition des richesses. Il faut notamment procéder à un rééquilibrage des contributions sur les revenus du capital et sur ceux du travail.

Quant aux économies, il y en a aussi. Pas assez, dira la droite, mais ce n’est pas le chemin que nous, dans la majorité, nous avons choisi. Laissons l’austérité à d’autres et trouvons les voies d’une solidarité améliorée. Tel doit être le projet de notre majorité de gauche.

Aussi, et malgré le fait que l’objectif de dépenses de l’assurance maladie soit en très légère augmentation, je m’interroge : compte tenu du retard pris au cours des années précédentes, n’aurait-il pas pu bénéficier d’un coup de pouce plus significatif ? Il faudrait davantage de recettes, ce qui permettrait d’améliorer l’offre de soins, alors même que trop de Français disent encore se priver de soins pour des raisons financières.

Au final, il est clair qu’une nouvelle tendance est perceptible avec ce PLFSS. D’abord parce que, contrairement aux années passées, le budget proposé ne comporte quasiment plus de transferts de charges vers les assurés sociaux. Il n’y a pas non plus de remise en cause des prestations de l’assurance maladie obligatoire. Je note également des progrès significatifs, comme le remboursement à 100 % des IVG ou la retraite à soixante ans pour les travailleurs de l’amiante. Tout cela est positif et vient enrichir utilement les mesures du printemps dernier – je pense à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire et au retour partiel à la retraite à soixante ans.

Enfin, je tiens à réaffirmer ici le rôle fondamental que doit jouer l’hôpital public dans notre système de santé. Si je me réjouis de la reconnaissance de ses missions particulières dans le service public et de l’abandon des convergences tarifaires entre le public et le privé, je regrette tout de même que la loi Bachelot, dite Hôpital, patients, santé et territoires, ne soit pas plus profondément modifiée.

M. Éric Straumann. Parce qu’elle est bonne !

M. Jean-Noël Carpentier. Cette loi visait à aligner les hôpitaux sur le modèle de rentabilité des entreprises et prévoyait des fermetures et des suppressions de postes, qui ont abouti à certaines situations difficiles que nous connaissons aujourd’hui.

D’ailleurs, nombreux sont, dans nos territoires, les élus locaux et les usagers qui contestent la vision malthusienne de certains schémas régionaux d’organisation des soins, les fameux SROS, particulièrement en zone rurale.

Sans vouloir établir une relation de cause à effet, j’ai comme vous à l’esprit le terrible drame qui s’est produit à Figeac le week-end dernier. Si les raisons en sont sans doute multiples – l’enquête administrative le démontrera certainement –, nul doute qu’elles ont un lien avec la politique strictement comptable qui a conduit à la fermeture d’établissements de santé, en particulier de certaines maternités, de services hospitaliers de proximité et de services d’urgences.

De même, ainsi que je l’ai souligné en commission, il serait particulièrement opportun de traiter les dettes accumulées par une soixantaine d’hôpitaux du fait des emprunts toxiques, et de les soulager ainsi d’un fardeau qui – vous le savez, mesdames les ministres – grève dangereusement leurs activités au service des malades. 

Enfin, il conviendra de développer davantage une politique de prévention, insuffisamment mise en avant dans ce PLFSS.

En conclusion, j’émets un avis positif sur ce texte, mais il demande à être largement conforté ces prochains jours par la discussion et par la prise en compte des remarques et des amendements de notre groupe.

M. Jean-Louis Roumegas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le PLFSS pour 2013 intervient dans une conjoncture ardue et laborieuse : caisses en déficit, retraites menacées, hôpital public mal en point.

Dans le même temps, la situation en Martinique est telle qu’il y a urgence à intervenir audacieusement.

Malgré les efforts directs du Gouvernement en soutien à l’hôpital public, les inquiétudes persistent, tant les déficits à résorber sont importants, tant les dégradations des structures sont alarmantes, tant la situation du personnel demeure préoccupante. Il y a trois semaines, des engagements ont été pris. Pouvez-vous les confirmer aujourd’hui ?

Les inquiétudes persistent également quant au devenir des pensions et au financement des politiques sociales. Il faut ajouter à cela le vieillissement de la population, lié à un exode massif des jeunes et à un retour de personnes âgées en fin de carrière.

Les circonstances m’obligent à revenir sur des sujets désormais récurrents, puisqu’ils n’ont pas reçu de solutions malgré de nombreuses interpellations.

Le premier sujet concerne le paiement des retraites le 1er du mois. Depuis le décret du 28 janvier 1986 et l’arrêté du 11 août 1986, le paiement des retraites du régime général de la sécurité sociale s’effectue mensuellement. Or ces pensions sont mises en paiement entre le 8e et le 15e jour du mois. Ce versement à une date aussi tardive porte préjudice aux titulaires des pensions les plus modestes, qui doivent supporter les coûts des découverts bancaires, les échéances tombant le plus souvent en tout début de mois.

Le deuxième sujet concerne précisément ces modiques retraites. Un simple rappel, édifiant : le revenu moyen des retraités en Martinique s’établit à 777,16 euros, ce qui signifie qu’il existe des revenus nettement inférieurs à cette moyenne. Certains perçoivent des retraites encore plus minimes – les retraites « mench-mench » –, faute d’avoir suffisamment cotisé alors qu’ils ont travaillé pendant de longues années, non prises en compte. Il est nécessaire, madame la ministre, de tenir compte de ces périodes lacunaires.

Le troisième sujet concerne les retraites complémentaires des salariés agricoles, dont beaucoup, rappelons-le, n’atteignent pas le minimum vieillesse pour les raisons que je viens d’évoquer. De surcroît, ces salariés ne sont pas affiliés à la mutuelle sociale agricole. L’ancien ministre de l’agriculture, Michel Barnier, a reconnu cette carence. En réponse à ma question du 8 avril 2009, il notait que « les personnes concernées ne bénéficient pas d’une affiliation à la MSA, elles sont affiliées au régime général. Cela explique qu’en 1975, lorsque plusieurs décrets ont généralisé la retraite complémentaire pour les salariés relevant de la MSA, cette mesure n’a pas été appliquée dans les départements d’outre-mer ».

Dois-je rappeler que les exploitants agricoles bénéficient d’un régime d’assurance-vieillesse complémentaire obligatoire depuis la loi du 4 mars 2002 et le décret du 26 décembre 2003 ? Comment comprendre que ces mêmes ouvriers agricoles, qui ont travaillé dans le secteur de la banane depuis 1972 et ont été exposés à la nocivité du chlordécone, n’aient bénéficié à ce jour ni d’un suivi médical approprié ni de la MSA ?

Le quatrième sujet, tout aussi épineux, est celui de la pension des marins pêcheurs. Pendant une vingtaine d’années, un système de demi-rôle a été établi. À la demande de qui ? Je ne sais pas. Qui a été consulté, qui a donné son accord ? Je l’ignore. Et pour quoi faire ? je m’interroge. La conséquence logique est que, à demi-rôle payé, demi-pension versée. Cette mesure a été supprimée paraît-il en 2000. Mais la faiblesse des pensions est bien effective aujourd’hui. Est-il possible d’y remédier ? À quel coût ?

En conclusion, je voudrais dire un mot sur l’allocation de solidarité aux personnes âgées, récupérable sur la succession dès le décès de l’allocataire. Cette allocation est remboursée par les héritiers du bénéficiaire si la valeur du patrimoine immobilier est supérieure à 39 000 euros. Ce seuil doit être réévalué car ce patrimoine a connu une hausse considérable depuis plusieurs décennies. Cette solution de rechange au minimum vieillesse ne produit pas l’amélioration recherchée.

Madame la ministre, voilà quelques éléments que je tenais à soumettre à votre sagacité, pour mûre réflexion et positives décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’histoire de la sécurité sociale française se confond avec l’histoire moderne de notre pays.

La grande majorité des Français sont nés avec elle et y sont très attachés. Les enquêtes de la direction des recherches, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère – la DREES – montrent qu’ils sont plus de 80 % à déclarer leur attachement au système de protection sociale, notamment à l’assurance maladie. La France est l’un des pays de l’OCDE qui y consacrent une part importante de leur richesse nationale. C’est pourquoi il est indispensable de s’assurer que cet effort profite bien à l’ensemble de nos compatriotes .

Le PLFSS n’est pas seulement un mécano technique très sophistiqué ou un simple exercice comptable. Je reprends volontiers à mon compte les mots de Marisol Touraine, qui déclarait lors de la première présentation du texte : « l’équilibre des comptes sociaux ne peut pas être une fin en soi ; l’équilibre pour l’équilibre n’est pas un projet politique ; en tout cas, pour la gauche, c’est l’autre nom de l’austérité ».

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault entend rompre dès ce PLFSS avec la doxa libérale, et notamment avec la volonté de la majorité précédente de faire de l’hôpital une entreprise, l’UMP ayant même renoncé à la notion de « service public hospitalier » dans la loi HPST. Il propose de poser les jalons d’une nouvelle politique, que vient de développer devant nous la ministre des affaires sociales et de la santé…

M. Gérald Darmanin. Elle est absente !

M. Gérard Sebaoun. Mais elle était là tout à l’heure.

Les Français plébiscitent l’universalité du système et considèrent que chacun doit pouvoir en bénéficier sans distinction, partout sur le territoire. Mais, dans leur grande majorité, ils n’entendent pas voir leurs prestations baisser ou le reste à charge augmenter régulièrement, comme cela a été le cas les années précédentes, sous la droite. S’ils restent majoritairement hostiles à la hausse des cotisations, entre 30 et 40 % d’entre eux se déclarent désormais prêts à cotiser davantage pour parvenir à ces objectifs. Enfin, ils sont à 63 % hostiles à la mise en concurrence des caisses publiques et des assurances privées.

En résumé, nos concitoyens sont lucides, ce ne sont pas des bisounours. Ils veulent un système de protection public, un système de soins de proximité efficace et moderne. Ils savent que ce système a un coût et ils sont prêts à l’assumer solidairement. Ce PLFSS est en adéquation avec leurs aspirations, car il entend assurer durablement l’équilibre des comptes et améliorer l’accès aux soins de tous.

Je tiens à évoquer plus particulièrement trois points.

D’abord, il est nécessaire de lutter contre les déserts médicaux au plus près des situations de terrain, en s’extrayant de moyennes nationales parfois faussement rassurantes. Je sais à cet égard l’engagement de notre rapporteur de la branche maladie, Christian Paul.

Il convient également de réguler les honoraires libres de ceux qui ont oublié depuis longtemps le tact et la mesure, jetant le discrédit sur l’ensemble d’une profession injustement montrée du doigt. L’accord signé aujourd’hui va dans le bon sens, mais nous serons très exigeants pour un encadrement strict à l’hôpital public.

Enfin, il est nécessaire de réduire rapidement le nombre de ceux qui déclarent renoncer aux soins, nombre qui a augmenté entre 2006 et 2010, particulièrement pour ce qui concerne les soins dentaires et optiques. Ce sera le sens de la future grande loi d’accès aux soins, que nous appelons de nos vœux pour 2013.

La prévention, parent pauvre de notre système, et la médecine curative ont un seul objet : l’amélioration de l’état de santé de la population. Le vieillissement de celle-ci est une donnée incontournable. Nous avons devant nous le chantier du grand âge et de la dépendance. Aujourd’hui, quand une Française fête ses 60 ans, elle peut espérer vivre jusqu’à 87 ans, le Français se contentant pour sa part de 82 ans. Il convient cependant d’apporter un bémol à ces chiffres, car l’espérance de vie en bonne santé recule.

Le nombre de maladies chroniques explose, qu’il s’agisse des cancers, des maladies cardio-vasculaires, des maladies respiratoires ou du diabète. On estime les cas à 15 millions ; ces maladies seraient à l’origine de 63 % des 555 000 décès recensés en France en 2011. Elles sont liées à nos conditions de vie : alimentation trop riche, tendance à l’obésité, consommation de tabac et d’alcool, pollution de l’air, conditions de travail. Le surpoids et l’obésité sont des marqueurs sociaux : les plus pauvres ont quatre fois plus de chance d’être atteints que les plus riches. Selon certaines études, la plupart des tumeurs déclarées chez les agriculteurs auraient pour origine l’utilisation des pesticides. La pollution liée aux microparticules est aujourd’hui extrêmement préoccupante, quelle que soit son origine. Enfin, l’organisation du travail est délétère : les phénomènes d’épuisement, les suicides se multiplient. Le chantier est immense.

Je vous invite à vous mobiliser autour de ce projet de loi, qui propose de nouvelles ressources, recherche l’équilibre indispensable entre la ville et l’hôpital et met fin à de nombreuses inégalités. Oui, chers collègues, avec ce PLFSS, le changement, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Belle ordonnance !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les retraités français ne doivent pas se sentir aujourd’hui stigmatisés.

Après une vie de labeur qui a contribué à la grandeur de la France et pendant laquelle ils ont sans difficulté versé leurs cotisations sociales, ils se sentent aujourd’hui montrés du doigt : 1 015 euros de retraite en moyenne dans le cadre du régime général, est-ce trop ? Le Gouvernement, a priori, le pense. Les retraités et nous-mêmes le contestons. Après la loi de finances rectificative de l’été, avec le projet de loi de finances et le PLFSS maintenant, ils se sentent, comme leurs associations représentatives me l’ont indiqué, assiégés.

Les remarques de plus en plus insidieuses sur leur patrimoine les agacent fort justement : celui-ci n’est constitué bien souvent que de leur appartement ou de leur maison, acquis par des économies et des efforts réalisés tout au long de leur vie.

Ces fourmis se demandent si elles n’auraient pas dû être cigales, puisque l’État rapine aujourd’hui le fruit de leurs efforts. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas vrai !

M. Denis Jacquat. Comme je l’ai indiqué en commission, l’article 16, créant une contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite et d’invalidité, me laisse perplexe. On met la charrue avant les bœufs. Le texte n’indique pas les détails de la future loi sur la perte d’autonomie. Il semblerait que persiste la volonté d’affecter une partie de cette CASA au FSV la première année. Cette contribution sera-t-elle suffisante ?

À ce propos, les conclusions des assises nationales décentralisées, organisées récemment par Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp, sont claires. Notre pays a choisi de faire du maintien à domicile une priorité.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Absolument !

M. Denis Jacquat. Adapter notre société au vieillissement, madame la ministre, est donc logique. Un projet reposant sur trois volets, les « 3 A » – anticipation, adaptation, accompagnement – a notre agrément, car c’est la demande unanime de tous depuis des années.

À ce sujet, je le répète une fois de plus, dépendance et perte d’autonomie ne signifient pas la même chose.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Très bien !

M. Denis Jacquat. La notion de perte d’autonomie est plus vaste que celle de dépendance. Notre pays veut une loi sur la perte d’autonomie. Le seul et vrai problème résiduel est son financement. À une prestation universelle, ne faut-il pas un financement universel, lisible et pérenne ?

Enfin, je tiens à nouveau à tirer la sonnette d’alarme : depuis cet été, les habitants de notre pays nous disent qu’ils cotisent de plus en plus pour avoir de moins en moins.

Ils se demandent si le rendez-vous retraite de 2013 aura bien lieu. Ils sont inquiets car, comme nous, ils trouvent que les mesures proposées sont incohérentes. On est en présence d’une liste à la Prévert. Les prélèvements complémentaires – PLF et PLFSS – sont nombreux et lourds, et le chiffre retenu pour la croissance ne semble pas réaliste. C’est d’ailleurs l’analyse du conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocation vieillesse.

En conclusion, mesdames les ministres, je dirai qu’avec les mesures actuelles, on peut prédire que l’équilibre concernant les retraites ne tiendra pas, comme il était prévu, jusqu’en 2017. Si l’on n’y prend garde, on va tout droit dans le mur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le contexte exceptionnel dans lequel nous abordons l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale renforce, plus que jamais, l’exigence de vérité envers nos concitoyens. À l’heure où la crédibilité de notre pays est remise en cause, où le poids de la dette fait peser une menace sans précédent sur les épaules des jeunes générations, le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale doit être notre règle d’or. Pourtant, le compte n’y est pas. Le déficit abyssal de la sécurité sociale atteindra près de 12 milliards d’euros en 2013. Ce projet de loi est donc déraisonnable pour trois raisons.

Première raison, il tourne autour d’un maître mot : l’impôt. Je citerai quelques exemples.

Une taxe supplémentaire sur les retraites a été créée. Au moment même où près de sept Français sur dix se sont prononcés contre une augmentation de la ponction sur les retraités pour financer les déficits, vous décidez de diminuer leur pension en créant ce nouveau prélèvement. Les retraités, déjà fragilisés par la crise, n’ont pas vocation à servir de boucs émissaires pour que vous puissiez réaliser 20 milliards de recettes supplémentaires.

L’augmentation du coût des services à la personne augmentera le prix d’une heure de service à domicile de 20 %. Cette décision mettra un coup d’arrêt à un secteur dynamique qui représente des milliers d’emplois de proximité et elle encouragera le travail illégal.

Le relèvement des taxes sur la bière pénalisera durablement l’ensemble de la filière, des agriculteurs à la distribution, un secteur qui représente près de 71 000 emplois. Cette mesure ne peut que fragiliser les entreprises qui doivent, déjà, faire face à une baisse de la consommation.

Enfin, dernier exemple, l’augmentation des taxes sur le tabac. Pourquoi pas ? Mais qu’avez-vous prévu pour soutenir les buralistes frontaliers, pour lutter contre le fléau de la contrebande ? Qu’avez-vous prévu pour soutenir la prévention contre les méfaits du tabac ?

Ce projet de loi est également déraisonnable parce qu’aucune mesure de bon sens n’est prévue pour éviter le gaspillage. Il fait peser sur le dos des Français de nouvelles charges, alors que la lutte contre la fraude et le gaspillage devrait être une priorité nationale ! Les arnaques à la sécurité sociale représentent, nous le savons tous, un coût très important qui pèse sur les contribuables et porte atteinte à la cohésion sociale. Parmi les prestations les plus fraudées, on trouve d’abord le RSA puis les aides au logement et les allocations familiales, qu’il s’agisse d’omissions ou de fausses déclarations.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Non ! Ce n’est pas de la fraude !

Mme Véronique Besse. Les fraudes à l’assurance chômage restent également importantes. La Cour des comptes a estimé que l’assurance chômage subissait une perte annuelle de 2 milliards d’euros.

En ce qui concerne le gaspillage, on peut, par exemple, pointer du doigt les agences d’État, notamment à vocation sociale, créées selon l’inspection générale des finances « de façon ponctuelle et sans cohérence d’ensemble ». Elles coûtent aujourd’hui au contribuable plusieurs milliards d’euros et leurs effectifs ont augmenté de 6 % de 2007 à 2012.

Enfin, ce projet de loi est déraisonnable parce qu’il ne protège pas les Français. Le vieillissement de la population et la période difficile que nous traversons imposent des dépenses parfois importantes, mais toujours nécessaires pour faire face aux besoins de tous. Notre système social est juste, car il est universel et s’appuie sur la solidarité nationale. Mais il est aussi exigeant et impose de développer des politiques de prévention audacieuses, volontaristes, afin que les dépenses ne soient pas uniquement destinées à réparer des maux, mais à les prévenir.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. C’est vrai !

Mme Véronique Besse. Or qu’en est-il de la prévention, pourtant connue et reconnue pour coûter moins cher et mieux correspondre au bien-être de nos concitoyens ? Au lieu de proposer de dépénaliser la consommation du cannabis ou de financer des salles de shoot,… (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Guedj. N’importe quoi !

Mme Véronique Besse. …l’accent devrait être mis sur la prévention et l’accompagnement personnalisé. Au lieu de banaliser l’interruption volontaire de grossesse en la remboursant intégralement, le Gouvernement devrait apporter un soutien matériel et moral aux jeunes mères. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Veran. Caricature !

Mme Véronique Besse. Aucune mesure n’est prévue non plus pour lutter efficacement contre la désertification médicale. N’attendons pas que le drame survenu vendredi dernier se reproduise pour agir ! L’égal accès aux soins sur tout le territoire est un impératif auquel l’État ne saurait se soustraire.

Ce projet de loi n’est définitivement pas à la hauteur des attentes des Français. C’est la raison pour laquelle il ne peut être voté en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames, messieurs, il n’y a pas de citadelle imprenable, il n’y a que des forteresses mal assiégées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous nous attaquons, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à une forteresse que le précédent gouvernement, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy, avait pourtant identifiée : la réforme de la dépendance, que je préfère, pour ma part, appeler perte d’autonomie.

M. Denis Jacquat. Très bien !

M. Jérôme Guedj. Promise sans cesse, repoussée de six mois en six mois par le Président de la République ou le Premier ministre pour des raisons à chaque fois fallacieuses, elle a consisté à faire miroiter à nos aînés la mobilisation de la collectivité nationale pour répondre à ce défi majeur que sont l’avancée en âge et le vieillissement de la population.

Durant la campagne présidentielle, François Hollande a très clairement annoncé à tous nos concitoyens sa volonté de réaliser aujourd’hui cet engagement et a confié cette mission au Gouvernement et particulièrement à Michèle Delaunay. Ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale, n’en déplaise aux commentaires souvent faciles, pose, avec force et volontarisme, les jalons de la mise en œuvre de la réforme du financement de la perte d’autonomie. Jusqu’à présent, l’argument majeur pour justifier l’immobilisme et l’inertie a consisté à dire que les ressources n’étaient pas disponibles et que la réforme ne pourrait voir le jour que lorsque la situation des finances publiques serait plus favorable. C’était le dernier argument de François Fillon. Notre gouvernement, lui, envisage, à l’horizon 2014, de présenter une loi…

Plusieurs députés du groupe UMP. Quelle loi ?

M. Jérôme Guedj. …sur l’accompagnement de la perte d’autonomie et de l’avancée en âge, mais il n’attend pas que cette loi soit adoptée pour s’attaquer à ce projet. En effet, le PLFSS, au-delà de la création de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, tend à répondre aux besoins du moment. Quels sont-ils ?

S’agissant, d’abord et avant tout, de la dimension sanitaire, il convient de s’attaquer aux déserts médicaux et de s’assurer de l’accès aux soins pour tous et partout, donc de rendre crédible la question du soutien à domicile. Il n’y a, en effet, pas de vieillissement possible à domicile sans la proximité d’un médecin généraliste et de spécialistes.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas gagné !

M. Jérôme Guedj. Par exemple, la création de 200 postes de praticiens libéraux de médecine générale pose les jalons de ce qui figurera, demain, dans la future loi d’accès aux soins. Il faut s’attaquer aux dépassements d’honoraires, car c’est aussi faciliter le soutien à domicile et l’accès aux personnels soignants pour nos aînés. En hausse de 4 %, l’ONDAM médico-social progresse de 4,6 % au bénéfice des personnes âgées. Au-delà de ces chiffres qui, dans leur présentation globale, peuvent apparaître quelque peu virtuels, nous avons du concret. Ces 4,6 % supplémentaires représentent ainsi un coup de pouce de 147 millions d’euros en faveur de la médicalisation des maisons de retraite. Lors des auditions auxquelles j’ai procédé avec Mme Martine Pinville, j’ai alors rencontré des responsables de fédérations, qu’elles soient associatives, publiques ou même du secteur privé commercial, qui ont tous reconnu qu’il y avait longtemps que l’ONDAM médico-social et la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes n’avaient pas été aussi favorables.

Mme Bérengère Poletti. C’était l’année dernière !

M. Jérôme Guedj. Concrètement, 900 maisons de retraite sont concernées, celles auparavant prévues dans le plan « Solidarité grand âge ». À l’époque, ce plan affichait des objectifs ambitieux et louables, sans pour autant disposer des moyens de leur mise en œuvre. Ainsi, 900 conventions tripartites pourront être conclues et 7 000 emplois de personnels soignants – métiers non délocalisables – seront créés.

Mme Bérengère Poletti. Nous verrons ! Rendez-vous l’année prochaine !

M. Jérôme Guedj. Ils permettront d’améliorer le quotidien des personnes âgées dépendantes dans les maisons de retraite.

Le PLFSS s’attaque, enfin, à la question des défaillances des services d’aide à domicile. L’année dernière, plus de 8 100 emplois ont été supprimés dans ces services, ce qui a remis fortement en question la capacité d’assurer le soutien à domicile. À l’époque de Nicolas Sarkozy, quand 8 000 emplois étaient supprimés dans le secteur de l’industrie ou de l’automobile, une réunion au sommet était organisée à l’Élysée ! Mais rien n’a été fait pour le secteur de l’aide à domicile.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas vrai !

M. Jérôme Guedj. Grâce au plan de soutien pour l’aide à domicile et aux perspectives aujourd’hui ouvertes, des mesures efficaces pourront être mises en œuvre. Comme disait Groucho Marx, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures, mais regarder sa montre et mettre les pendules à l’heure ! C’est que nous faisons aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous voici face à la prise de responsabilités de la gauche sur un des textes les plus importants de notre travail parlementaire : le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et nous y lisons déjà, dans la suite logique du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 et du projet de loi de finances pour 2013, votre gestion démagogique et dogmatique des finances du pays.

M. Olivier Véran. Ça commence bien !

Mme Bérengère Poletti. Dans ce PLFSS pour 2013, on ne trouve aucune réforme de structure, aucune réduction des dépenses et rien pour la compétitivité. C’est à se demander si vous avez conscience des préoccupations des Français, si vous vous souciez de leurs emplois et de nos entreprises.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. La décennie 2000 a été caractérisée par une maîtrise renforcée des dépenses, mais l’ONDAM continue de progresser plus vite que le PIB. Dans un contexte économique difficile, la maîtrise de l’ONDAM constitue pourtant un enjeu majeur. Le rapport de l’IGAS recommande donc que soit au minimum poursuivil’effort engagé au cours des cinq dernières années, contrairement à ce que vous prétendez. Il préconise également, et vous le savez, mesdames les ministres, que des réformes structurelles soient engagées. Ces réformes structurelles, permettant certes des économies, peuvent améliorer également la qualité et l’égalité d’accès aux soins.

Dans ce PLFSS, on découvre des taxes et prélèvements obligatoires à n’en plus finir qui pèsent sur les ménages, sur les indépendants, sur les artisans, sur les auto-entrepreneurs, sur les entreprises, sur l’industrie pharmaceutique et même sur les retraités. Tout cela s’ajoute allègrement aux taxes prévues dans la loi de finances rectificative de juillet 2012 et dans le projet de loi de finances pour 2013.

Vous dites vouloir ramener le déficit des finances publiques à 3 % en 2013. Vous dites que c’est une condition du retour à la croissance. Vous dites même qu’il y va de la crédibilité et de la souveraineté de la France. Mais vous le faites à coups de taxes, d’impôts, de prélèvements, sans privilégier les réformes structurelles et d’économie, ce qui risque malheureusement d’aboutir pour notre pays à une récession économique, sans compter que ces projets reposent sur une hypothèse de croissance trop optimiste.

Quand la Cour des comptes préconise un ONDAM en progression de 2,4 %, vous choisissez de faire de la politique et de ne pas trop vous éloigner des promesses incongrues de François Hollande qui, pourtant, connaissait très bien l’état de nos comptes sociaux, et pour cause : le président de la commission des finances et le Premier président de la Cour des comptes étaient alors à ses côtés et ne lui ont rien caché. Le candidat Hollande annonçait une progression de l’ONDAM de 3 %. Vous coupez la poire en deux : ce sera 2,7 % au lieu de 2,4 %. Que nos concitoyens le sachent : cela représente environ 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Nous verrons comment vous exécuterez cet ONDAM que nous jugeons trop important et irréalisable. Et je ne parle pas de la nouvelle sortie de François Hollande voulant mettre une maternité à trente minutes de chaque femme enceinte,…

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

Mme Bérengère Poletti. …sans même connaître exactement les causes qui ont mené au décès de l’enfant né prématurément dans le Lot. Avant, cela s’appelait de « l’hyper-présidence », maintenant, cela s’appelle de la « présidence normale » !

Vous avez vilipendé et critiqué, toutes ces dernières années, les franchises médicales. Les communistes l’ont d’ailleurs rappelé tout à l’heure. Chaque intervenant socialiste, durant les PLFSS passés, nous expliquait combien les franchises médicales fragilisaient les plus pauvres et les plus vulnérables. Mais vous les maintenez ! Vous ne les réformez même pas !

Vous avez vilipendé et critiqué, durant toutes ces dernières années, les prélèvements sur les mutuelles. Mais vous les maintenez ! Vous ne les réformez même pas !

Comment les Français peuvent-ils vous croire encore ? Vous faites l’inverse de ce que vous avez dit, et vous ne faites pas ce que vous avez promis. Vous découvrez une crise que vous faisiez semblant de ne pas voir avant les élections.

C’est vrai, le PLFSS est un exercice difficile, entre ce que l’on peut faire, et ce que l’on veut faire. Vous nous proposez de bloquer la convergence tarifaire. Coût : 150 millions d’euros par an. Vous tournez le dos aux préconisations des inspections générales des affaires sociales et des finances et refusez de restructurer les hôpitaux publics.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. Mais non !

Mme Bérengère Poletti. Vous taxez les bières, l’industrie pharmaceutique, pour financer des prévisions de dépenses sûrement trop élevées dans un contexte budgétaire extrêmement tendu.

Je souhaite aborder précisément plusieurs sujets.

Le premier, c’est le dispositif de remboursement des IVG à 100 %, à propos duquel j’avais déjà interrogé Mme la ministre des affaires sociales en commission. Elle m’avait répondu : « Je n’oppose pas IVG et contraception. » Moi non plus. Je pense même que les deux sont étroitement liés. Lorsqu’une femme accède facilement et correctement à une contraception choisie, cela diminue considérablement le risque qu’elle ait recours à une IVG, et proposer dans le PLFSS un dispositif isolé sur l’IVG sans parler de la contraception est une bien curieuse manière de vouloir aider les femmes.

Je l’ai écoutée ce matin à la télévision, et bien m’en a pris, car il m’a été révélé ce sur quoi je n’avais pas eu de réponse le 10 octobre dernier : une prise en charge possible de la contraception pour les quinze-dix-huit ans dans ce PLFSS. Je ne connais malheureusement pas le contenu de cet amendement mystère annoncé aux journalistes, lequel semble proposer la contraception gratuite pour les mineures. Mais qu’en est-il de l’anonymat qui doit obligatoirement accompagner cette mesure ? Sur un accès anonyme et gratuit à la contraception pour les mineures, Mme la ministre aura mon entier soutien.

Autre sujet, l’ONDAM médico-social, annoncé en progression de 4,6 % pour les personnes âgées, soit 360 millions d’euros de mesures nouvelles. Je disais ici même l’année dernière ma satisfaction de voir le précédent gouvernement afficher lui aussi une grande ambition pour l’ONDAM médico-social, avec plus de 300 millions de mesures nouvelles. Pourtant, cette année comme l’année dernière, nous devons nous interroger sur le problème récurrent de la non-consommation des crédits. (« C’est vrai ! » sur divers bancs.)

Sur les mesures nouvelles, la délégation des crédits de la CNSA vers les ARS se fait trop tardivement, et des crédits de fonctionnement des EHPAD remontent chaque année, notamment parce qu’il est très difficile de recruter des personnels qualifiés. Nous devons donc penser autrement la manière de dépenser ce que nous affichons à nos concitoyens pour que nos promesses ne restent pas sans lendemain, pour vous comme pour nous.

Est annoncée la médicalisation de deuxième génération des EHPAD, appelée « pathossification », avec une enveloppe de 147 millions d’euros. La pathossification de toutes les places d’hébergement de personnes âgées dépendantes ne pourra se terminer qu’en 2014, au mieux, à ce rythme, mais il faut saluer la volonté du Gouvernement de poursuivre le plan Alzheimer engagé par Nicolas Sarkozy.

On ne peut pas évoquer la perte d’autonomie des personnes âgées sans parler des services d’aide et d’accompagnement à domicile. L’année dernière, Roselyne Bachelot m’avait confié une mission sur le sujet, et nous avions débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros pour soutenir des services fragilisés par une tarification désuète. Le Gouvernement a annoncé une nouvelle enveloppe de 50 millions d’euros. De quelle manière et selon quels critères est-il envisagé de les répartir ?

Enfin, pour les personnes handicapées, envisagez-vous une réforme de la tarification basée sur les besoins de la personne, conformément aux principes de la loi du 11 février 2005 ? De nombreux partenaires dans le monde du handicap soutiennent cette réforme et l’attendent, dans le cadre d’une contractualisation pluriannuelle. Ils appellent également de leurs vœux un système d’information fiable. L’article 53 du PLFSS prévoit une réduction des délais dont disposent les établissements de santé pour transmettre leurs factures à l’assurance maladie. Les députés de tous les groupes politiques ont fait remonter les difficultés engendrées par cet article 53, qui mettrait en difficulté les établissements ou services concernés. J’ai déposé un amendement à ce sujet.

Pour terminer, je me permets de soulever la question cruciale des structures permettant d’accueillir des personnes handicapées âgées, qui nous manquent cruellement. N’est-il pas temps de dégager des moyens dédiés à ce projet dans le cadre d’une enveloppe fongible entre l’ONDAM personnes âgées et l’ONDAM personnes handicapées ?

Je me souviens que, les années précédentes, Mme Touraine exprimait, notamment à Mme Bachelot, sa satisfaction de voir que les débats sur un tel texte étaient sereins et se déroulaient dans le respect de l’opposition. Je pense que le Gouvernement aura lui aussi le souci de respecter son opposition, de l’écouter, voire de la suivre en acceptant ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 marque le fort engagement de la majorité en faveur de la politique familiale.

Cet engagement se traduit d’abord par l’ambition des objectifs poursuivis. C’est ainsi que la politique familiale ne se limite plus à la traditionnelle promotion de la natalité, elle s’enrichit clairement d’un objectif de justice sociale, d’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore de prise en compte des nouvelles formes familiales.

Justice et solidarité sont d’ailleurs les deux maîtres mots de ce projet de loi. Côté recettes, chacun doit contribuer selon ses moyens : c’est le sens de la justice. Côté dépenses, chacun doit recevoir les prestations correspondant à ses besoins : c’est le sens de la solidarité.

Pour la politique familiale aussi, le changement c’est maintenant.

Le bilan de la précédente majorité montre en effet que les beaux discours rituels n’ont pas toujours été suivis d’effets réels. Il est ainsi arrivé que les crédits de la branche famille soient diminués ou transférés aux autres branches.

Je vous invite, mes chers collègues, à lire le rapport de Mme Lévy, qui est très éclairant sur l’action du précédent gouvernement. Où sont passés les jardins d’éveil qui devaient remplacer l’accueil des moins de trois ans à l’école maternelle ? Ils ont disparu. Aveu d’échec. Où sont passées les 100 000 places d’accueil supplémentaires chez les assistants maternels ? On n’en parle pas dans ce rapport. Nouvel aveu d’échec.

Durant le dernier quinquennat, les annonces se sont succédé en matière d’accueil de la petite enfance, comme un monceau de profiteroles. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) La promesse de créer 200 000 places d’accueil n’a, hélas, pas été tenue. Seules 60 000 places ont été physiquement créées quand, dans le même temps, 55 000 enfants âgés de deux à trois ans n’ont pas pu être scolarisés en école maternelle. Le bilan, là encore, est très peu convaincant.

Dans ce secteur, je soutiens donc le changement de méthode que souhaite la ministre déléguée chargée de la famille, Dominique Bertinotti.

Il était temps de mobiliser l’ensemble des partenaires et d’impliquer les territoires pour redéfinir la politique de développement des structures d’accueil, avec une nouvelle démarche de co-construction de l’accueil de la petite enfance entre usagers, État et collectivités locales.

Il était temps de prendre en compte toutes les dimensions de ce défi, y compris l’amélioration de la scolarisation des enfants de deux à trois ans. Non, ce n’est pas à l’école maternelle que des personnels qualifiés sont payés à surveiller les siestes ou à changer les couches des enfants, comme ironisait, en se trompant, un ancien ministre de l’éducation, mais c’est bien là qu’ont lieu les premiers apprentissages de la vie en société.

Il était temps de prendre en compte toutes les dimensions de ce défi, y compris l’organisation d’un véritable accueil avec un volet indispensable d’éveil et de socialisation, parce que, dans une République qui lutte contre les inégalités, la simple garde ne peut être une solution.

Dans la branche famille, le changement s’incarne très concrètement avec le milliard de crédits supplémentaires décidé entre la loi de finances rectificative de juillet dernier et ce PLFSS. Sur ce milliard, 400 millions ont déjà permis d’augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire pour les familles les plus modestes, ce qui fait plus de 70 euros par enfant. François Hollande s’y était engagé pendant la campagne présidentielle, cela a été fait dès l’été. Trois millions de familles sont concernées par cette revalorisation et, parmi elles, une grande part des familles monoparentales, qui représentent une famille sur cinq en France avec, dans 85 % des cas, la mère à la tête de la famille.

Notre engagement en faveur des familles se traduit encore par la nouvelle mesure qui est proposée dans le cadre d’une expérimentation : le versement en tiers payant du complément du mode de garde pour les familles touchant le RSA. En effet, si la politique familiale bénéficie à tous, elle doit être accentuée pour ceux qui en ont le plus besoin.

Plusieurs doutes ont été formulés en commission. Certains, avec Mme la rapporteure, se sont demandé si cette mesure devait passer par une disposition législative. Oui, tout simplement parce que, selon l’article L. 531-5, du code de la sécurité sociale, l’aide est versée au parent-employeur et non directement à l’assistante maternelle. Les mêmes se sont alors demandé si la mesure devait figurer dans le PLFSS pour 2013 ? Oui, car la mesure nouvelle concerne des assistantes maternelles volontaires qui gardent un nombre d’enfants inférieur à celui pour lequel elles ont un agrément, et vise des parents qui, ne pouvant faire l’avance des frais, n’ont pas encore accès à ce mode de garde. Ce sont donc bien des dépenses nouvelles générées par l’extension attendue du nombre de bénéficiaires.

Le PLFSS, acte essentiel et récurrent de notre politique familiale, ne résume pourtant pas toute la politique familiale que nous souhaitons mettre en œuvre. D’autres lois, d’autres mesures suivront pour soutenir les mères, les pères et les conjoints dans l’exercice de leur parentalité, pour les accompagner sur les chemins de leur vie, car notre vision de la famille se fonde sur la solidarité et le réalisme.

La population française continue d’augmenter grâce au dynamisme de sa natalité. C’est loin d’être le cas partout en Europe. La réalité, c’est que la fécondité est la plus haute dans les pays qui permettent de concilier vie familiale et vie professionnelle, dans les pays où le taux d’emploi féminin est le plus élevé. Voilà de beaux sujets pour une politique familiale de notre temps. Voilà de beaux sujets pour la politique familiale que nous voulons construire.

La France que nous voulons, c’est celle de l’égalité des droits, celle qui reconnaît différents modèles familiaux. Nous serons bientôt, je l’espère, dans la France du congé d’accueil de l’enfant, pour mettre fin à une discrimination de notre droit fiscal et social qui reconnaît les couples homosexuels seulement quand cela l’arrange. J’ai déposé un amendement en ce sens qui a été adopté par la commission des affaires sociales et devrait être repris, je le souhaite, par le Gouvernement. En transformant l’actuel congé de paternité créé en 2001 par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille, en congé d’accueil de l’enfant, nous allons permettre au conjoint de mieux connaître l’enfant et de mieux participer à son éducation. Nous allons permettre au père ou à la personne qui partage la vie de la mère de l’enfant de disposer du temps nécessaire pour être aux côtés de l’enfant dans les premiers jours de sa vie.

Nous allons également suivre une recommandation en ce sens déjà formulée par la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, en septembre 2007. Le pays tout entier rejoindra ainsi les entreprises et les collectivités pionnières, publiques ou privées, qui ont déjà accordé des congés de parentalité à tous les conjoints.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Exactement !

Mme Marie-Françoise Clergeau. L’opposition peut toujours continuer à agiter ses caricatures habituelles pour mobiliser son camp. Son discours est connu et daté. Selon elle, nous n’aimerions pas la famille, comme, la semaine passée, elle a tenté de faire croire aux Français que nous n’aimions pas l’entreprise. Les Français vivent des situations familiales multiples. Ce sont ces réalités que nous prenons en compte. Lorsque nous sommes accusés d’être anti-famille, comme nous étions accusés hier de faire preuve de « racisme anti-entreprise », les Français ne se trompent pas : ils savent que le réalisme a changé de camp et que ce réalisme ne nous servira jamais de prétexte pour renoncer à toujours plus de justice et à toujours plus de solidarité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi le PLFSS pour 2013 ne contient ni mesure de déremboursement, ni gel de prestations.

On peut continuer à nous accuser de préparer l’apocalypse pour la famille, mais la gauche sait faire la différence entre la fin du monde et la fin d’un monde. N’en déplaise aux « déclinistes » et autres oiseaux de mauvais augure, nous n’avons à faire qu’à la fin d’un monde, et nous constatons que le modèle unique familial évolue, se diversifie. C’est pourquoi nous aimons non seulement la famille mais aussi les familles. Le pluriel a son importance. Il signifie qu’avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comme avec les autres réformes portées par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, nous savons prendre en compte les réalités de la société française, dans sa diversité, dans les choix et les orientations de chacun.

Nous sommes avec la France de toutes les familles, celles qui maintiennent le foyer traditionnel, celles qui vivent en couple comme celles qui ont vécu des séparations et des recompositions, bref, avec toutes celles et tous ceux qui s’inventent chaque jour dans l’amour du conjoint et l’amour des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le PLFSS qui nous est présenté constitue, à mon sens, un texte d’attente, qui ne vise à réformer ni le financement ni l’organisation de notre système de protection sociale. Le terme de « redressement » utilisé pour sa présentation ne doit pas faire illusion, puisque, au mieux, ce PLFSS prévoit seulement un déficit en recul par rapport aux années précédentes grâce à un accroissement sensible des recettes obtenu par des prélèvements supplémentaires. Mais il révèle surtout une action qui demeure bien incertaine sur les dépenses.

Osons le dire, les recettes sont autant de nouveaux prélèvements. Après les 7,2 milliards d’impôts de la loi de finances rectificative, après les quelque 20 milliards d’impôts supplémentaires pour 2013, vous poursuivez avec l’augmentation des cotisations sociales des travailleurs indépendants – une augmentation de 1,3 milliard d’euros pour les commerçants, artisans et professions libérales –, l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires, la suppression de la déclaration au forfait pour les particuliers employeurs, la création d’une contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite et d’invalidité, l’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social.

Et pour les dépenses, disons-le, rien de nouveau, si ce n’est le coup d’arrêt porté aux réformes structurelles engagées par la précédente majorité, que ce soit la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé prévue par la loi HPST ou bien le report de la mise en place de la tarification à l’activité s’agissant de la réforme de l’hôpital. C’est bien dommage.

Rappelons la démarche volontariste de la précédente majorité. Le déficit du régime général est passé de 23,9 milliards d’euros en 2010 à 17,4 milliards en 2011, il faut le reconnaître. Et la prévision du déficit du régime général de la sécurité sociale fin 2012 s’élève à 13,3 milliards d’euros, en baisse de 4,4 milliards d’euros par rapport à 2011.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Grâce à nous !

M. Bernard Perrut. La trajectoire de retour à l’équilibre sera considérablement ralentie, puisque l’ONDAM, qui avait été fixé à 2,5 % l’année dernière, sera rehaussé à 2,7 %, alors que la Cour des comptes préconisait une progression de 2,4 % et que d’autres, l’IGF, l’IGAS, recommandaient un ONDAM à 2,5 % par an. Vous mettez l’accent sur certaines économies, au titre des soins de vie ou de l’efficience interne des établissements de santé, mais on peut douter de la réalisation de cet objectif.

Mesdames les ministres, le 9 septembre, à la télévision, le Président de la République exprimait sa volonté d’engager une réforme du financement de la protection sociale, avec l’objectif de diminuer le coût du travail qui handicape actuellement la compétitivité des entreprises. Prévoyez-vous un PLFSS rectificatif au printemps 2013, reprenant les propositions du rapport Gallois, du Haut Conseil du financement de la protection sociale, que sais-je encore ? Plusieurs pistes sont sans doute à l’étude pour diversifier les recettes de la sécurité sociale et alléger le coût du travail : TVA, CSG ou bien d’autres leviers peuvent être envisagés.

Mais il existe, c’est vrai, une certaine cacophonie au sein du Gouvernement,…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ah bon ?

M. Bernard Perrut. …si j’en juge par la presse d’aujourd’hui, entre ceux qui contestent le diagnostic car ils ne perçoivent pas de problème de coût du travail, ceux qui refusent d’augmenter la CSG, ceux qui refusent de revenir à une TVA telle que nous l’avions voulue, une TVA anti-délocalisations, une TVA de productivité, une TVA d’avenir. Je crains que, si vous ne délivrez pas un message commun, vous ne puissiez agir, et ce serait grave.

Je voudrais terminer, d’un mot, sur la politique familiale. Je l’ai entendu évoquer. Peut-on parler d’ambition en matière de famille ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Vous ne nous avez pas écoutés !

M. Jérôme Guedj. Plus 25 % pour l’allocation de rentrée scolaire !

M. Bernard Perrut. Je n’en suis pas sûr car, pour la première fois depuis trois ans, les recettes nouvelles de la branche ne lui permettront pas de réduire son déficit d’une année sur l’autre. Vous ne montrez pas votre détermination à redresser les comptes, vous renoncez à tout choix stratégique, et vous retirez 500 millions d’euros aux familles sur le quotient familial, sans que cette recette de l’État ne contribue à financer des mesures pour les familles ni à réduire le déficit de la branche.

Nous avons sans doute une vision différente de la famille. Mesdames les ministres, je vous demande en tout cas d’organiser un débat national sur le projet de loi, que vous allez bientôt nous présenter, ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe. Les Français ne peuvent être privés d’un tel débat, qui concerne tout le monde, tant le sujet est important, puisqu’il concerne les droits de l’enfant et les fondements même de la famille et de la filiation dans notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je salue les députés de l’UMP qui nous font encore l’honneur de leur présence. L’intérêt de la droite pour la protection sociale me laisse songeur…

J’aimerais commencer en disant ma fierté de participer à un travail aussi ambitieux, pragmatique et juste que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

M. Christian Paul, rapporteur. Nous en sommes fiers également !

M. Olivier Véran. Ambitieux parce qu’il porte en lui un vrai projet politique, celui de la lutte contre l’insécurité sociale. Pragmatique parce que, tout en tenant compte des fortes contraintes budgétaires qui s’imposent à la France, il permet de faire progresser la protection sociale. Juste, enfin, parce que plus égalitaire. Il était temps !

En dix ans, les inégalités de santé ont progressé en France plus que n’importe où ailleurs en Europe de l’Ouest. Chaque jour, les Français nous disent leur peur de voir notre système public de soins disparaître. En cause, personne ne le nie désormais, les politiques publiques menées ces dix dernières années, qui ont privilégié la maîtrise aveugle des coûts en actionnant le seul levier de la diminution des prestations. Un véritable travail de sape :…

M. Jean-Marc Germain. C’est vrai !

M. Olivier Véran. …ticket modérateur, déremboursements, assignation à un médecin réfèrent, difficultés d’accès à des mutuelles aux primes toujours plus élevées, discours sur une sécurité sociale à bout de souffle, enquêtes montrant les plus vulnérables renonçant aux soins en raison de leur coût.

Il n’y a pas là qu’une question de valeurs et de principes, mais bien la lecture en continuum d’indicateurs qui pointent vers un changement de modèle. Là est tout l’enjeu : les gouvernements de droite ont souvent présenté comme des ajustements nécessaires ce qui touchait en réalité à l’architecture même. Ce que les usagers perçoivent, c’est que, sous couvert du principe de réalité, c’est bien la réalité des principes qui est remise en cause.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. Olivier Véran. Un indice de plus, un indice de trop, perçu au prisme du désengagement de l’État.

D’autres exemples ? Citons la disparition pure et simple du service public hospitalier, l’application à l’hôpital de l’idéologie de la gouvernance, des structures de proximité qui partent en confiture (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC), sans oublier l’exclusion de l’accès aux soins. Ce mois-ci encore, l’UMP revenait à la charge avec une proposition de loi visant à vider l’aide médicale d’État de sa substance, une façon de plus, une façon de trop de réduire les droits de l’homme à ceux du citoyen.

Les conséquences sont là : notre système est désorganisé, il ne répond plus aux attentes des usagers, ne satisfait plus les professionnels et ne mobilise pas suffisamment les responsables politiques sur le fond.

Tout en respectant les engagements de redressement du pays, le PLFSS 2013 est un PLFSS de progrès, pour la première fois depuis dix ans. Désormais, les exploitants agricoles bénéficieront d’indemnités journalières en cas de maladie ou d’accidents de la vie privée ou d’arrêt de leur activité. L’interruption volontaire de grossesse, ce droit acquis depuis 1974, cette liberté de choix, mise à mal par les gesticulations incessantes des réactionnaires, sera désormais prise en charge à 100 %. Les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles pourront être aidées dans les actes de la vie quotidienne quand ils en auront besoin. Les familles modestes auront accès au versement, en tiers payant, du complément du mode de garde, ce qui leur permettra de financer la garde de leurs enfants en bas âge et donc de mieux accéder à l’emploi. Ainsi, les besoins sociaux seront assurés.

L’ONDAM permettra de développer des soins ambulatoires de proximité, notamment dans les zones où la fracture médicale est la plus importante. Des équipes de professionnels de proximité seront créées et valorisées. La coordination des acteurs sera encouragée. Nous irons même plus loin, en créant des postes de praticiens territoriaux de médecine générale. C’est un panel de mesures incitatives à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, ce qui est proposé dans le PLFSS 2013 préfigure le pacte de confiance avec l’hôpital public. Celui-ci sera réhabilité dans ses missions de service public, et des moyens supplémentaires seront consacrés à l’investissement hospitalier. La fameuse convergence tarifaire, qui était une mauvaise idée, sera bientôt un mauvais souvenir.

Enfin, je tiens à souligner l’accord historique signé cet après-midi entre les partenaires sociaux et l’assurance maladie. Cet accord conventionnel répond pleinement aux objectifs qu’avait fixés Mme la ministre de la santé. Il améliore les conditions d’accessibilité financière aux soins pour tous les usagers. Il conforte l’assurance maladie dans son rôle de prestataire de la protection sociale.

M. Arnaud Robinet. Copier-coller !

M. Olivier Véran. Il met un terme aux pratiques abusives d’une petite minorité de professionnels, pour mieux soutenir et valoriser l’immense majorité des médecins qui exercent leur profession comme une vocation, en respectant pleinement les règles de l’éthique, ceux-là mêmes qui se sentent stigmatisés dans l’opinion, conséquence injuste du laisser-aller qui était devenu la seule règle ces dernières années.

Vous le voyez, ce premier PLFSS de gauche depuis dix ans marque une rupture avec les précédents exercices.

Quand l’UMP ferme les yeux sur l’onde sociale du séisme qu’a constitué la crise, la gauche doit, elle, apporter des réponses. Quand l’UMP ne fait qu’agiter le chiffon rouge des déficits, justifiant une politique indigne, la gauche inscrit son action dans le respect des valeurs de justice et de solidarité, fondatrices de notre système de protection sociale.

Voilà ce qui caractérise le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 : la justice, qui veut que tous contribuent en fonction de leurs moyens ; la solidarité, qui fait que chacun reçoit en fonction de ses besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les orientations de ce projet de loi suscitent beaucoup d’inquiétudes, du fait de la hausse considérable des prélèvements obligatoires sans réduction des dépenses publiques. Je rappelle à M. Véran que le total des déficits cumulés, ce n’est pas un fantasme de droite, c’est 135 milliards d’euros ! Je n’ai pas le sentiment que votre politique permettra de contenir ce déficit abyssal.

M. Christian Paul, rapporteur. Cette dérive est la vôtre !

M. Dominique Tian. Nous avons affaire à un budget de ponction des classes moyennes, avec des mesures contre-productives. Je prends un exemple. Selon une étude du BIPE de mars 2012, le secteur des services à la personne a permis ces dernières années la création de 450 000 emplois. Les mesures, assez stupides, que vous allez prendre surenchériront de 25 % le coût du travail, et cette augmentation brutale aura deux conséquences évidentes : un retour du travail non déclaré et la reprise de la sous-déclaration. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. C’est trop facile !

M. Dominique Tian. C’est malheureusement logique. Il s’agit d’une mesure contre-productive, d’une grande bêtise.

Dans le champ de l’assurance maladie, vous n’engagez pas les réformes structurelles dont nous aurions besoin pour rejoindre, tout simplement, les standards européens. Votre budget agit comme un couperet vis-à-vis de certaines réformes que nous avions engagées avez courage. Je pense notamment à la convergence tarifaire,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis. Vous avez vu le résultat ?

M. Dominique Tian. …que vous avez décidé de supprimer, ce qui sera, là encore, totalement contre-productif. Il y allait de l’équité de traitement entre les établissements publics et privés. L’écart de tarifs entre le public et le privé est souvent supérieur à 20 %, à prestations égales. Pourquoi, à prestations identiques, des tarifs qui ne le sont pas ? Vous renoncez malheureusement à cette convergence qui permettait d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros par an ; c’est fort dommage.

M. Philippe Meunier. Eh oui !

M. Dominique Tian. La réduction du déficit doit être une priorité absolue et la convergence y participait.

Nous aurions pu aussi nous inspirer du système de protection sociale de nos voisins. L’Allemagne, souvent évoquée, a réussi à équilibrer ses comptes sociaux.

M. Olivier Véran. Vous, vous avez échoué !

M. Dominique Tian. Nous aurons 15 milliards de déficit cette année,…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Après dix ans où vous étiez au pouvoir !

M. Dominique Tian. …alors que, par les réformes courageuses que notre voisin a su mener, l’assurance maladie allemande a dégagé en 2011 un solde positif de 4 milliards d’euros. Les Allemands sont capables d’équilibrer leur système et de le rendre bénéficiaire, alors que nous sommes condamnés à des déficits de plus de 130 milliards cumulés.

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est ce déficit que nous avons récupéré !

M. Dominique Tian. Ce ne sont donc plus nos enfants, mais nos petits-enfants qui paieront l’aspirine que vous consommerez ce soir après m’avoir écouté. (Sourires.)

Lors du dernier PLFSS, quelques mesures de bon sens, d’intelligence et d’équilibre avaient également été décidées. Je pense notamment au jour de carence maladie : vous savez qu’il y en a trois dans le privé alors qu’il n’y en avait pas dans le public. Cette mesure de bon sens a permis d’économiser entre 60 et 75 millions d’euros. Ce n’est pas moi qui le dis, ce n’est pas l’UMP, mais les directeurs d’hôpitaux publics, et ils demandent au Gouvernement de ne pas revenir sur cette mesure de bon sens, car ils ont réalisé ainsi des économies extrêmement importantes. Je pense qu’il faut même aller plus loin en l’appliquant à ceux qui n’y sont pas encore astreints, tels que les personnels de la RATP, de la SNCF,…

M. Philippe Meunier. Très bien ! Ça s’appelle l’égalité !

M. Dominique Tian. …et l’ensemble de ceux qui ne sont pas soumis à ce jour de carence. Il n’y a aucune raison que, dans le privé, on soit pénalisé financièrement quand on est absent et que ce ne soit pas le cas dans le public.

M. Philippe Meunier. Quel scandale !

M. Dominique Tian. Malheureusement, vous savez que les chiffres sont consternants : quatorze jours de maladie par salarié dans le privé, et, par exemple, quasiment le double dans les conseils régionaux et les conseils généraux. Rien ne le justifie. Il faut simplement prendre quelques mesures courageuses. J’ai donc déposé des amendements en ce sens.

Pour conclure, je crois que votre PLFSS va handicaper lourdement les classes moyennes, les entreprises et l’emploi.

M. Jean-Marc Germain. Vous n’en êtes pas sûr, c’est déjà ça !

M. Dominique Tian. Votre stratégie est malheureusement la mauvaise, tout simplement parce que vous manquez de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la nouvelle législature et de la nouvelle Présidence de la République.

M. Philippe Meunier. Hélas !

Mme Gisèle Biémouret. Le tragique événement de ce week-end l’a rappelé : outre la nécessaire remise à niveau des comptes de l’assurance maladie, il est primordial de rétablir la confiance en notre système de santé en privilégiant un meilleur accès aux soins en toutes circonstances.

Il faut saluer les mesures restaurant plus de justice : la possibilité de départ à soixante ans des travailleurs de l’amiante ; le remboursement à 100 % de l’IVG ; l’avance des frais pour les ménages les plus modestes embauchant une assistante maternelle ; enfin, et j’y suis particulièrement sensible, la possibilité de percevoir des indemnités journalières pour les exploitants agricoles et la possible attribution à titre gratuit de points de retraite pour les non-salariés agricoles en situation d’invalidité ou de maladie.

Mme la ministre de la santé et des affaires sociales l’a souligné en commission : le combat contre les inégalités sociales et les inégalités territoriales d’accès aux soins doivent être la base de notre action.

Il y a inégalité sociale quand la pauvreté limite l’accès aux professionnels de santé. Deux spécialités sont particulièrement concernées : l’optique et l’odontologie. Il reviendra au Gouvernement et à la majorité de se donner les moyens de lutter contre ces intolérables inégalités. Celles-ci sont relayées par certains spécialistes qui considèrent les malades comme des clients et non comme des patients. Dans un contexte de crise économique, leurs exigences deviennent très subjectives. Si j’en juge par les récentes déclarations de l’ordre des médecins publiées dans la presse locale, ils attendent ainsi du département du Gers qu’il soit « attractif, avec une voirie adaptée pour permettre aux conjoints de médecins d’aller travailler ailleurs si nécessaire ».

Il y a aussi des inégalités territoriales et, en tant qu’élue d’un territoire rural, je ne peux qu’être préoccupée par la question des déserts médicaux. La création de postes de praticiens territoriaux de médecine générale et l’instauration de nouveaux modes de rémunération incitant au travail en équipe vont dans le bon sens. Mais les territoires ruraux cumulent plusieurs handicaps : d’un côté, le nombre de leurs médecins libéraux s’amenuise et, dans certaines spécialités, le délai d’attente est préjudiciable à la santé des patients ; de l’autre, leurs structures hospitalières souffrent de restructurations qui réduisent l’accès aux soins. Loin des CHU hyper-médicalisés, les centres hospitaliers de proximité permettent un maillage territorial de l’accès aux soins. Ils assurent les soins médicaux courants. S’ils sont faiblement médicalisés, ils remplissent de plus en plus une mission d’accueil et de soins aux personnes âgées dépendantes à travers la prise en charge des maladies liées à l’âge. Le réseau local doit donc être soutenu dans ses initiatives.

L’argument de la sécurité sanitaire ne peut-être ignoré, mais celle-ci est mise à mal lorsqu’un nombre important de nos concitoyens doivent effectuer de longs déplacements pour trouver une structure pouvant les accueillir. Il convient donc de procéder à une adaptation des petites entités hospitalières, de développer une solution d’accueil alternative en développant les maisons médicalisées avec une permanence des soins. De nombreuses initiatives d’élus locaux visent, par des aides financières, par le développement de systèmes de surveillance des personnes âgées et par des facilitations administratives, à maintenir un maillage territorial de santé. Il faut en tenir compte.

Tant de chantiers en perspective pour notre majorité, et nous serons bien sûr à vos côtés, mesdames les ministres, pour les mener à bien et pour vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Je dispose de cinq minutes et j’ai donc décidé, mesdames les ministres, de les consacrer à vous poser cinq questions.

La première concerne les hypothèses économiques que vous prenez en compte pour les quatre années à venir : croissance de 0,3 % en 2012, 0,8 % en 2013 et 2 % de 2014 à 2017 ; croissance de la masse salariale de 2,5 % en 2013, puis de 4 % de 2014 à 2017. Mais tous les spécialistes sont aujourd’hui unanimes à prévoir une récession dès l’année prochaine. Alors, comment pouvez-vous avoir le culot de construire l’avenir de nos financements sociaux à partir d’hypothèses si éloignées de la réalité ?

La deuxième question concerne la démographie médicale. En 2011, sur les 5 372 médecins qui ont terminé leur cursus de formation, 68,8 % ont choisi le salariat, 20,5 % ne font que des remplacements, seuls 523, soit 9,5 %, ont privilégié la médecine libérale. Vous ne proposez rien dans ce PLFSS qui puisse inverser cette tendance et inciter les jeunes médecins à rejoindre les territoires où l’on a besoin d’eux. Quelles orientations comptez-vous prendre à l’avenir pour vraiment lutter contre la désertification médicale ?

La troisième question porte sur l’hébergement en maison de retraite de nos aînés. Le conventionnement PATHOS de deuxième génération, initié en 2006, basé sur le niveau de dépendance et permettant que les dotations aux soins des établissements soient abondées par l’assurance maladie à hauteur de 30 % à 40 %, connaît un retard préjudiciable puisque seuls 50 % des établissements ont pu renouveler leur convention. Quid des 50 % en rade et quid du conventionnement de troisième génération qui n’a toujours pas été préparé par les pouvoirs publics ?

La quatrième question se rapporte à l’ordre des kinésithérapeutes. Certains députés de la nouvelle majorité veulent rendre facultative l’adhésion à cette institution. Quelle est la position du Gouvernement ?

Enfin, j’en viens à ma cinquième et dernière question. « Les missions de service public ne concernent pas que l’hôpital public. Le rôle des cliniques et hôpitaux privés est essentiel dans l’offre de soins. Les coopérations entre établissements publics et privés de santé constituent souvent une réponse aux enjeux d’accessibilité géographique des patients. » Non, mes chers collègues, ce n’est pas un vilain politique de droite qui a proféré ces vérités ; c’est l’un d’entre vous : Claude Evin, ancien ministre socialiste de la santé. Le Gouvernement explique dans l’exposé des motifs de l’article 47, qui sonne le glas de la convergence, que les secteurs public et privé ont des obligations différentes, ce qui justifierait le maintien d’une double échelle tarifaire et donc l’arrêt de la convergence. N’y a-t-il pas là, mesdames les ministres, un paradoxe total et un déni total de réalité s’agissant de la complémentarité du public et du privé ?

Par avance, je vous remercie de vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ségolène Neuville.

Mme Ségolène Neuville. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS doit marquer les esprits comme étant celui qui, enfin, aura mis un terme à la destruction de l’hôpital public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), celui qui aura mis fin à la logique qui voulait nous faire croire que le secteur privé lucratif remplit les mêmes missions que l’hôpital public, comme je viens encore de l’entendre à l’instant.

M. Philippe Meunier. Leurs missions sont complémentaires !

Mme Ségolène Neuville. Je veux parler de l’article 47 du PLFSS, qui met un terme à la convergence tarifaire entre les établissements. Je veux aussi parler de l’article 49, qui met un frein à la généralisation de la T2A, comme l’a recommandé la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat.

Au cours des débats, j’ai entendu plusieurs fois que l’hôpital public prenait en charge un public particulier. C’est faux. Il a précisément pour mission de prendre en charge l’ensemble de la population, sans sélection, ce qui n’est pas toujours vrai dans le secteur privé lucratif.

M. Philippe Vitel. Ça dépend où vous êtes !

Mme Ségolène Neuville. J’ai aussi entendu beaucoup de commentaires sur la fin de la convergence tarifaire et, à l’instant encore, des regrets du côté droit de l’hémicycle. J’ai peut-être trop d’optimisme, mais je vais tenter de vous convaincre, mes chers collègues, de la toxicité de la convergence tarifaire. Les agents des hôpitaux publics, quels qu’ils soient, ont choisi le service public parce qu’ils défendent notre système de soins basé sur la solidarité et l’universalité. Le problème est que la T2A et la convergence tarifaire ont créé un système de soins qui encourage à faire un tri parmi les patients pour choisir les malades rentables. Évidemment, je me dois de vous préciser à ce stade ce qu’est un malade rentable selon le codage PMSI.

M. Philippe Vitel. Que faisait-on avant, à l’époque de la dotation globale ?

Mme Ségolène Neuville. En tout cas, dans les études de médecine, nous n’apprenons pas ce qu’est un malade rentable ! Il s’agit donc d’un patient porteur d’une maladie suffisamment grave pour avoir un codage rémunérateur, qui accepte de subir beaucoup d’examens en peu de temps et de rentrer vite à domicile.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas vrai !

Mme Ségolène Neuville. La T2A a ainsi créé une inflation des actes puisque le temps instrumental est bien rémunéré, et parallèlement, ce qui est dramatique, une pénurie de réflexion puisque le temps médical est sous-évalué. Bien entendu, le secteur privé lucratif a mis à profit ce système en choisissant les patients en fonction de leur pathologie, pour ne pas dire en fonction de leur codage PMSI, et en renvoyant à l’hôpital public tous les patients âgés polypathologiques pour lesquels une hospitalisation prolongée est prévisible. Ainsi, 80 % des hospitalisations en médecine sont réalisées dans le public, parce qu’elles sont peu rentables, alors que 80 % des endoscopies et 75 % de la chirurgie ambulatoire sont réalisées dans le privé, parce qu’elles sont rentables.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Eh oui !

Mme Ségolène Neuville. On le voit : le privé et le public ne font pas le même métier. Il n’y a donc aucune raison, mesdames, messieurs les députés de ce côté-ci, d’imposer une convergence des tarifs. De plus, la T2A, aggravée par la convergence tarifaire, entraîne directement le séquençage et l’inflation des séjours, on l’a également parfaitement montré. Je vous donne un exemple : pour un diagnostic de cancer, un patient en perte d’autonomie peut être amené à faire quatre allers-retours en quinze jours entre son domicile et l’établissement de soins, seulement pour éviter de faire chuter les statistiques de l’établissement en termes de durée de séjour. Voilà ce qui se passe actuellement, il faut que vous en ayez conscience. Raccourcir la durée de séjour à l’hôpital peut être une bonne chose quand on le fait dans l’intérêt du patient, c’est en revanche peu souhaitable quand on le fait pour des raisons uniquement comptables.

Depuis quelques années, nous avons souvent entendu qu’il fallait rendre l’hôpital public plus efficient. C’est probablement vrai, mais pas de cette façon-là. Surtout, il ne faut pas sous-estimer les agents des hôpitaux publics : les choses ont changé, les mentalités ont évolué, les soignants d’aujourd’hui ont compris les enjeux d’une bonne gestion pour la pérennité de l’hôpital public, plus personne ne garde les patients hospitalisés plus que nécessaire.

Autrement dit, la contrainte de la convergence tarifaire non seulement n’est pas nécessaire mais, en plus, est nuisible pour les patients en favorisant le séquençage des séjours et l’inflation des actes. Aujourd’hui, avec ce PLFSS, nous allons mettre fin à la convergence tarifaire, et c’est une bonne chose. Je sais que le ministère de la santé et des affaires sociales va débuter dans le même temps un travail sur les tarifs de la T2A et sur le parcours de soins dans sa globalité pour rééquilibrer le financement de la prise en charge des patients porteurs de pathologies chroniques, ce qui est une bonne chose également.

Je veux conclure en saluant l’article 43 du PLFSS, qui traduit la volonté du gouvernement de rembourser l’IVG à 100 %. L’IVG chirurgicale va également voir son tarif revalorisé pour inciter les praticiens et les établissements à y consacrer une part de leur activité.

Enfin, la contraception sera gratuite et anonyme pour les mineures, mesure que nous attendions depuis très longtemps.

Ce sont de très bonnes nouvelles pour les femmes en matière de droit à disposer de leur corps et je souhaite, mesdames les ministres, en tant que membre de la délégation aux droits des femmes, vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, je vais centrer mon propos sur la politique du médicament, en essayant de compléter les interventions précédentes de mes collègues spécialistes de la question, Mme la présidente Catherine Lemorton et M. le rapporteur Gérard Bapt.

Alors que les PLFSS précédents invoquaient les déficits sociaux pour justifier le détricotage de notre système de protection collective, ce gouvernement s’emploie à l’inverse à garantir la pérennisation de ce système, en allant chercher les marges de manœuvre là où elles se trouvent.

Ainsi, 876 millions d’euros d’économies vont être effectuées sur les produits de santé, dont 605 millions d’euros de baisses tarifaires sur les médicaments princeps et génériques ainsi que sur les dispositifs médicaux. Le niveau des prix sur les médicaments génériques dans les autres pays européens, notamment en Allemagne, est un argument en faveur de cette mesure.

D’autres mesures importantes et sur lesquelles je souhaite insister visent à casser des stratégies industrielles et commerciales permettant à certains laboratoires de conserver des situations de rente injustifiées, au détriment des objectifs de santé publique et des comptes de l’assurance maladie.

Ainsi, certains laboratoires refusent parfois de demander une extension d’autorisation de mise sur le marché pour un produit dont l’efficacité est avérée mais qui pourrait concurrencer une autre molécule qu’ils commercialisent à un prix plus élevé. Face à cette pratique monopolistique, des patients ne peuvent avoir accès à un médicament d’un moindre coût.

Afin de prévenir ces situations tout en sécurisant les prescriptions hors AMM, il est proposé d’élargir, dans des conditions très encadrées, le champ des recommandations temporaires d’utilisation des médicaments à des cas où il existe une alternative thérapeutique.

Le PLFSS prévoit également de renforcer l’encadrement de la publicité sur les produits de santé, avec l’appui de sanctions financières pour faire respecter les règles édictées. Un amendement de la présidente Catherine Lemorton, qui a été accepté par la commission, renforce d’ailleurs cet encadrement en intégrant à la contribution due au titre des dépenses de promotion les réclames des laboratoires qui font dans la presse grand public leur promotion sur leur seul nom, cherchant ainsi à imprimer leur marque dans les esprits et à augmenter leurs ventes.

Dans le même esprit, le PLFSS prévoit enfin la mise en place d’actions en faveur d’une meilleure maîtrise des prescriptions, avec la recherche d’une augmentation de la prescription dans le répertoire générique et une amélioration des pratiques, le tout pour un montant de 605 millions d’euros. La pérennisation des visites médicales collectives à l’hôpital est également un levier pour freiner la croissance des prescriptions.

Ces différentes mesures constituent bien une action structurelle visant à lutter contre la surconsommation des médicaments en France. Celle-ci est un éternel serpent de mer que nous devons combattre comme le ferait Poséidon (Sourires sur les bancs du groupe SRC), car on en connaît les conséquences en matière de iatrogénie médicamenteuse et de coût pour la collectivité.

L’ensemble de ces mesures a comme toujours suscité de nombreuses réactions, par exemple celle de Mme Le Callennec. Vous voulez ruiner l’industrie pharmaceutique, nous dit-on, évoquant aussi l’amendement adopté en commission qui prolonge la majoration du taux de la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques.

Il est temps de sortir des caricatures. Nul ne s’oppose ici au développement de ces entreprises à condition qu’il ne se fasse pas au détriment des objectifs de santé publique ou de l’accès aux soins pour tous, et en creusant le déficit de l’assurance maladie. Autre condition : que l’industrie pharmaceutique, qui réalise ses bénéfices notamment grâce à la vente de médicaments remboursés par la sécurité sociale et donc grâce à la solidarité nationale, participe à un juste niveau à l’effort collectif.

Les chiffres des profits réalisés par plusieurs groupes ces dernières années montrent, quoi que l’on en dise, qu’il y a des marges de manœuvre. S’il faut encore être plus précis, on peut rappeler que Sanofi, qui prévoit en France la suppression de 914 postes, a réalisé 4,4 milliards d’euros de bénéfice net pour un chiffre d’affaires de 17,4 milliards d’euros au premier semestre 2012. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.

Les différentes mesures proposées et les économies réalisées dans ce secteur visent un double objectif.

Premièrement, il s’agit de dégager des recettes supplémentaires pour le redressement des comptes de la sécurité sociale, sans recourir à des dispositifs qui pénalisent nos concitoyens comme les franchises ou les déremboursements.

Deuxièmement, il s’agit de mettre en place des mesures structurelles en matière de politique du médicament, dans le but de produire des changements à long terme auxquels devront s’adapter l’ensemble des acteurs : usagers, professionnels de santé et laboratoires. Il s’agit d’améliorer encore les prescriptions en génériques, de sortir de la culture du « tout-médicament », de garantir à tous et non pas à quelques privilégiés l’accès aux innovations thérapeutiques.

Telles sont les mesures sur lesquelles je souhaitais insister. À l’image de ce PLFSS, ce sont des mesures de justice et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, s’inscrit – vous le savez tous même si certains ne l’ont, semble-t-il, découvert que récemment – dans un contexte économique extrêmement contraint.

Cette situation n’est pas exclusive à la France, elle s’étend à l’ensemble des pays de l’OCDE. Depuis maintenant plusieurs années, les dépenses de santé, pour des raisons liées majoritairement à l’évolution démographique et à l’allongement de l’espérance de vie, continuent de progresser plus rapidement que la croissance économique dans la plupart de ces pays. En France, elles représentaient en moyenne entre 11 % et 12 % du PIB au cours des dernières années.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’une telle situation de déséquilibre posera dans le temps un problème de soutenabilité économique, fragilisant notre système de santé avec les risques que cela suppose : une médecine à deux vitesses pour deux catégories de patients.

M. Michel Issindou. C’est déjà fait !

M. Arnaud Robinet. Revenons quelques instants sur l’accord prétendument historique qui est intervenu cet après-midi mais qui n’est qu’un « copier-coller » de ce que vous avez combattu au cours des dernières années, le secteur optionnel.

M. Jean-Marc Germain. N’importe quoi !

M. Arnaud Robinet. Je dirai même que la ministre de la santé ne souhaitait pas passer par la loi et que c’est pour cela qu’elle a cédé aux syndicats de médecins. Pourquoi ne pas passer par la loi ? Parce qu’elle n’avait pas confiance en sa majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce n’est pas sérieux !

M. Arnaud Robinet. Une seule question aurait dû guider l’élaboration du PLFSS pour 2013 : comment pérenniser la qualité de notre système de santé sans pour autant faire le sacrifice de l’accès aux soins pour tous ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Que ne l’avez-vous fait !

M. Arnaud Robinet. La réponse tient en peu de mots : en repensant et en rationalisant son architecture.

Un gouvernement amateur de rapports comme le vôtre – il est vrai qu’ils restent généralement lettre morte – aurait pu, si ce n’est prendre pour argent comptant les publications de la Cour des comptes sur la sécurité sociale et le rapport de la direction générale du Trésor comparant les systèmes de protection sociale en France et en Allemagne, tout au moins s’en inspirer. Ces documents laissent en effet entrevoir l’étendue des réformes que notre pays pourrait engager mais, de toute évidence, vous n’y avez pas eu accès.

Dans ce PLFSS, il n’y a aucune réforme structurelle de grande ampleur, aucune proposition courageuse. Vous ne répondez ni aux besoins de santé de la population ni aux exigences des professionnels, et encore moins aux défis de l’avenir.

Le seul point de consensus est le mécontentement que vous avez réussi à créer dans la population : patrons des petites et moyennes entreprises, retraités, industriels, travailleurs indépendants, professions libérales, commerçants, auto-entrepreneurs. Charges, taxes et autres contributions ont remplacé les mesures d’économie.

M. Gérard Sebaoun. Vous auriez fait comment ?

M. Arnaud Robinet. Résultat : 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires mais seulement 2,4 milliards d’euros d’économies sur les dépenses. En tout, seize hausses de prélèvements sociaux, qui touchent l’ensemble des Français et non pas un sur dix comme annoncé.

Je ne peux ici détailler toutes les hausses d’impôts mais j’en citerai pêle-mêle quelques-unes : 3,6 millions de particuliers employant un salarié à domicile, souvent pour la garde de personnes âgées ou d’enfants, devront consentir un effort de 400 millions d’euros supplémentaires ; 2,1 millions d’artisans, commerçants et membres de professions libérales vont payer plus d’un milliard d’euros de cotisations supplémentaires en 2013 ; plus de 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pèseront sur les entreprises ; une contribution de 0,30 % sera demandée aux retraités pour financer un projet sur les dépendances dont nous ne connaissons pas les aboutissants ni l’orientation ; sans oublier l’alourdissement de l’impôt du chef d’entreprise en tant que contribuable mais également en tant qu’investisseur.

Encore une fois, vous sacrifiez les familles et les entrepreneurs sur l’autel du renoncement politique…

M. Michel Issindou. Caricature !

M. Arnaud Robinet. …alors qu’il est absolument nécessaire de trouver une solution qui permette de conjuguer développement des entreprises, pouvoir d’achat et financement de notre système social.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Il est temps, en effet !

M. Arnaud Robinet. Je connais, nous connaissons tous dans l’opposition la réponse que vous allez nous apporter : « Ce n’est pas notre faute mais la vôtre, celle de Nicolas Sarkozy. »

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bonne analyse !

M. Arnaud Robinet. Mais les Français ne sont pas dupes, c’est vous qui êtes au pouvoir et vous devez assumer votre incapacité à proposer, à réformer. Même ce que vous dénonciez par le passé afin de vous donner une posture idéologique, vous n’osez plus le remettre en cause.

À ce propos, j’ai repris quelques déclarations de Mme la ministre de la santé. « Nicolas Sarkozy prévoit dans son plan de relance une taxation plus lourde des complémentaires santé, y compris les contrats dits responsables. Au-delà de cette augmentation, que les mutuelles seront obligées de répercuter sur les assurés, le Parti socialiste déplore la stratégie du Gouvernement consistant à faire participer davantage les complémentaires santé au financement des dépenses de santé, au détriment de l’assurance maladie et donc de la solidarité nationale. »

M. Philippe Meunier. Qu’ont-ils fait d’autre ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Arnaud Robinet. Et ce n’est pas fini, chers amis de la majorité, car le communiqué continue ainsi : « Par ailleurs, en taxant les sodas, le tabac et les alcools, le Gouvernement montre que son objectif est bien de faire contribuer davantage les catégories populaires. »

Ce communiqué de presse est signé Marisol Touraine. Dommage, les écrits restent !

M. Jean-Marc Germain. Dommage, votre temps est écoulé !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Arnaud Robinet. J’en termine, madame la présidente.

Mesdames les ministres, c’est l’ensemble de votre budget qui est totalement inadapté. Ce PLFSS est bâti sur une hypothèse de croissance de 0,8 %, alors que, malheureusement, la croissance sera très certainement cantonnée à 0,2 %.

Mme la présidente. Votre temps est largement dépassé, monsieur le député, je vous demande de vous interrompre.

M. Arnaud Robinet. Oscar Wilde disait : « Je ne remets jamais au lendemain ce que je peux faire le surlendemain. » Force est de constater que vous avez fait vôtre cet art de vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, je suis un mauvais élève : un peu comme le tambour de Nana Mouskouri j’ai tendance à vouloir aller plus vite que la musique, et quand j’ai le PLFSS entre les mains, je vais tout de suite regarder les deux articles qui concernent l’amiante, les articles 69-1 et 69-2 portant sur les fonds d’indemnisation.

S’agissant du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, je tiens à vous dire ma satisfaction de parlementaire et de président du groupe de travail sur l’amiante de l’Assemblée nationale de voir pérenniser ces crédits. Nous pouvons nous réjouir de leur sacralisation politique et de l’abondement prévu, malheureusement nécessaire pour les malades en difficulté.

À l’occasion de cette discussion générale, je voudrais évoquer un événement dont nous avons peu parlé. Il y a quelques mois, les veuves de l’amiante et des victimes défilaient au tribunal de Douai : d’organisme indemnisateur, le FIVA s’était mué en persécuteur réclamant des sommes aux victimes.

Je tiens à remercier le Gouvernement, en particulier le Premier ministre et Mme la ministre de la santé, d’avoir réagi immédiatement, dans la semaine qui a suivi l’élection de François Hollande, en nouant un accord avec les associations et en faisant cesser les persécutions du FIVA, organisme placé sous la tutelle du ministère de la santé, qui avaient pris des proportions absolument inadmissibles et injustes. Les victimes de l’amiante et leurs associations ne pourront qu’en être reconnaissants à ce gouvernement. Rien n’avait été fait au cours des deux années précédentes.

M. Jean-Marc Germain. Eh oui !

M. Christian Hutin. Je voudrais aussi évoquer un amendement extrêmement novateur que je dépose avec mes collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen, l’amendement n° 192.

En cinq ans, il n’y a jamais eu un tel amendement qui ouvre la possibilité, dont nous avons discuté en commission avec M. le rapporteur Christian Paul, dans le cadre d’un rapport qui serait rendu au mois de mars par le Gouvernement, d’une deuxième voie d’accès à tout ce qui peut exister pour les travailleurs qui ont été exposés.

Cette deuxième voie, chaque parlementaire l’espère dans le mesure où la Cour des comptes, en 2004, avait constaté que certains salariés de grandes entreprises avaient été indemnisés à juste titre. Or les salariés de petites entreprises, de sous-traitants ou de sociétés d’intérim qui ont été exposés de manière circonstanciée et pendant une durée très importante n’ont pas accès à ces dispositifs. C’est l’ouverture potentielle à une nouvelle loi sur l’amiante qui pourrait répondre d’une manière humaine et juste à ce drame : des gens n’ont pas droit à l’indemnisation, alors qu’ils ont travaillé au même endroit, au même moment et pendant la même durée d’exposition que ceux qui y ont droit.

L’opposition s’étant abstenue, cet amendement a été adopté à l’unanimité des votants. Il ouvre beaucoup d’espoirs.

Enfin, on parle peu des scientifiques, des cliniciens qui travaillent dans ce domaine si particulier. Il faut dire l’importance des universités, du crédit d’impôt recherche et du travail des collectivités territoriales.

Quelques petits espoirs apparaissent, pour ces gens qui jusqu’à présent n’en avaient aucun. Je pense aux travaux du professeur Arnaud Scherpereel sur les tissus pulmonaires, qui devraient bientôt débuter avec une entreprise innovante du Nord-Pas-de-Calais. Je pense aussi aux travaux de Marc Grégoire, à l’INSERM – il semblerait que le vaccin contre la rougeole puisse avoir des effets extrêmement positifs, mais nous n’en sommes qu’aux tout débuts… Les régions aussi s’engagent et la région Nord-Pas-de-Calais va probablement, sous l’impulsion du président Percheron, soutenir le commencement de cette recherche.

On peut donc être globalement satisfait de la politique menée par ce gouvernement vis-à-vis des victimes de l’amiante et entretenir un petit espoir, pourvu qu’on puisse aider les cliniciens et les scientifiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, enfin un projet pour la protection sociale, pas pour la résorption de la protection, mais qui pour autant ne renonce pas à résorber le déficit. Citons simplement les chiffres : sans la loi de finances rectificative, nous aurions eu en 2012 un déficit de 19,9 milliards.

Mme Martine Pinville, rapporteure. Exactement !

M. Denys Robiliard. Avec la loi de finances rectificative, il est de 17,4 milliards, et doit être ramené à 13,9 milliards en 2013 – tout de même 3,5 milliards de moins !

Ce projet réhabilite l’hôpital, à la fois au plan symbolique, puisque le mot, qui avait disparu de notre droit, réapparaît, et de façon extrêmement concrète avec la fin de la convergence tarifaire.

Il s’attaque aussi aux déserts médicaux. Je viens de la région Centre, celle où la densité médicale est la plus faible en France, quand bien même elle reste un peu plus élevée que la densité des élus de l’opposition sur les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je viens plus particulièrement du Loir-et-Cher, où 40 % des médecins auront l’âge de prendre leur retraite dans les deux années qui viennent. Je suis donc évidemment extrêmement sensible aux dispositions de l’article 39 du projet, qui favorise le travail en équipe, et de l’article 40, qui mobilise 200 médecins pour répondre aux besoins dans les déserts médicaux. Ce n’est évidemment pas à l’échelle du problème, mais c’est un premier pas non négligeable.

Jérôme Guedj m’a coupé l’herbe sous le pied pour ce qui est de l’analyse de l’ONDAM médico-social. Permettez-moi quand même d’ajouter un exemple : celui d’un EHPAD de mon département, qui dépend directement de l’hôpital La Roselière de Blois. Un mouvement social y a lieu depuis maintenant plusieurs mois et les infirmiers et surtout les aides-soignants sont systématiquement réquisitionnés.

J’ai assisté à une réunion associant les familles, les aides-soignants, les infirmiers et la direction de l’hôpital. J’y ai attaché beaucoup de prix parce que les choses se sont dites en présence de tous, sans aucune agressivité ni exagération et avec le respect d’un principe auquel je suis très attaché, celui du contradictoire. J’ai entendu que les aides-soignants n’avaient plus le temps, justement, de passer du temps auprès des personnes hébergées. Qu’il y avait des problèmes de ménage – ce qui ne dépend pas de l’assurance maladie, mais quand même. Et qu’il y avait aussi, cela concerne pour le coup l’assurance maladie, des problèmes d’hygiène – constat qui n’a été contredit par aucune des personnes présentes.

L’analyse est toute simple : dans cet établissement, le GIR moyen pondéré a augmenté de 50 % en l’espace de cinq ans. C’est positif car cela veut dire que les personnes âgées arrivent dans cet établissement plus tard qu’auparavant, ce qui montre le succès de la politique de maintien à domicile. Mais cela s’accompagne de façon indubitable d’une augmentation considérable de la dépendance et du besoin de soins. Or, dans le même temps, l’encadrement médical n’a pas varié d’un iota. De ce point de vue, l’augmentation de 4 % de l’ONDAM médico-social ainsi que la hausse de 4,6 % des dépenses d’assurance maladie pour les établissements et les soins aux personnes âgées – soit 147 millions – vont permettre l’amélioration du taux d’encadrement, notamment, je l’espère en tout cas, dans cet établissement.

Voilà de façon extrêmement concrète ce qu’il y a derrière cette augmentation. On pourrait sur l’ensemble de ces bancs, me semble-t-il, être d’accord avec l’objectif. Nous avons tous des parents, nous courons tous le risque de la dépendance. Il paraît important de se donner les moyens de respecter et de traiter avec dignité les personnes âgées que nous avons tous vocation à devenir. C’est ce que signifie cet ONDAM.

Je ne vous dirai certes pas que ce projet est le prince charmant de Blanche Neige. N’empêche que tous les Grincheux de l’Assemblée ne pourront dissimuler qu’il renforce la protection sociale. (Rires et vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, il y a un an, la discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale se déroulait dans un esprit de gravité et de responsabilité, autour d’un double objectif : la maîtrise des dépenses, indispensable pour assurer la pérennité de notre système de protection sociale, et le maintien d’un haut niveau de prise en charge parce que la solidarité est le fondement même de notre système.

Hélas, nous abordons le PLFSS pour 2013 sous d’autres auspices, et pas des meilleurs. En effet, ce projet de loi se caractérise par un ensemble de mesures hétéroclites, sans ligne directrice et peu en rapport avec la gravité de la situation comme de la conjoncture. Pire, il soumet les ménages et les assurés sociaux à une avalanche de nouvelles taxes. Je ne vous en inflige pas la litanie, nous l’entendons tous chaque jour dans nos circonscriptions tandis que grandissent l’inquiétude et la colère de nos concitoyens.

En réalité, c’est l’absence de mesures structurelles courageuses de maîtrise des dépenses qui est le véritable problème. Pourtant, l’effort est à notre portée. Alors que nous vivons une crise sans précédent, votre gouvernement renonce à poursuivre la politique de redressement des comptes sociaux que le gouvernement de François Fillon avait engagée ces dernières années, permettant ainsi de respecter strictement l’ONDAM depuis trois ans.

Dans ce premier PLFSS de la législature, rien sur les moyens de rationaliser et d’encadrer les dépenses liées aux affections de longue durée, qui génèrent pourtant plus de 80 % d’augmentation des dépenses.

Rien sur le renforcement des contrôles en matière d’arrêts de travail, les 50 millions d’économies obtenus en 2010 par la lutte contre la fraude étant considérés comme un horizon quasiment indépassable.

Rien sur la restriction des conditions d’ouverture de la couverture maladie universelle, dont les coûts sont exponentiels.

Rien sur les modalités d’utilisation des crédits médico-sociaux, dont une partie ne sont traditionnellement pas employés alors que les établissements médico-sociaux expriment des besoins.

Enfin, vous abandonnez le processus de convergence des tarifs entre l’hôpital public et le secteur privé alors que c’est un mouvement à la fois logique, réaliste et salutaire,…

M. Jérôme Guedj. Pour les cliniques privées, oui !

M. Rémi Delatte. …au moins pour les actes standards.

Pour terminer, je voudrais attirer votre attention sur deux sujets.

Le dossier médical partagé d’abord : il doit améliorer l’efficience de notre système de santé, mais il n’y a rien dans ce PLFSS sur sa diffusion. Dans mon rapport sur les crédits de santé de la loi de finances pour 2010, j’avais souligné que la réussite du DMP passait inévitablement par un développement rapide de la diffusion de la carte de professionnel de santé, tant auprès des médecins libéraux que des professionnels hospitaliers. Or on ne retrouve aucune disposition à ce sujet dans votre texte.

Ensuite, l’offre de soins et l’installation des médecins : vous proposez à l’article 40 la création d’un statut de « praticien local de médecine générale », là où des besoins ont été repérés par les ARS. Pourquoi pas ? Mais votre proposition reste floue. Nous n’en connaissons pas les modalités d’application, qu’il s’agisse de la définition des zones concernées ou de la rémunération de référence qui doit déterminer le complément de salaire susceptible d’être versé aux bénéficiaires de ces contrats.

Pour inciter à l’installation dans les zones sous-dotées, la précédente majorité a élaboré plusieurs dispositifs, tels que les contrats d’engagement de service public, assortis de bourses pour les étudiants et encourageant les jeunes médecins à exercer dans ces zones après leurs études, ou la création de maisons médicales pluridisciplinaires, dont 250 sont déjà ouvertes.

En 2010, dans le cade de mon rapport sur la santé et les systèmes de soins, j’avais formulé, après une large concertation avec les professionnels et les étudiants, des propositions simples et de bon sens, reposant sur des mesures incitatives telles que les contrats de bonne pratique, l’approche d’un nouveau mode de rémunération ou encore les stages d’immersion en milieu professionnel pendant les études. Ces dispositions sont utiles à l’amélioration de notre système de santé. Elles permettent d’améliorer la permanence et la couverture territoriale en matière d’offre de soins, dans le respect des exigences budgétaires. Il convient de les encourager.

En conclusion, je vous invite à reprendre les propos du Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, que je cite : « Seule une réforme en profondeur sur tous les postes de l’assurance maladie peut conduire à une maîtrise durable de l’ONDAM en préservant la qualité d’accès aux soins. » Au fond, tout est dit dans cette observation. Puissiez-vous, mesdames les ministres et vous, chers collègues, la faire vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Madame, la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier nos collègues de l’opposition ici présents. Ils sont peu nombreux, il faut leur savoir gré d’être là.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est pleinement cohérent avec le projet de loi de finances pour 2013 dont nous avons voté la première partie cet après-midi. Cohérence dans l’effort, dans les objectifs et les résultats recherchés, dans l’urgence certes : ceux du redressement de nos comptes sociaux malmenés par la majorité précédente. Le ministre du budget faisait remarquer cet après-midi que le poids de la dette avait augmenté de 160 milliards entre 2002 et 2011. Nous n’étions pas au gouvernement !

Mais ce projet de loi dépasse l’objectif, nécessaire, du redressement. Il se veut réformateur et protecteur. Il protège les citoyens, les familles, les personnes âgées et handicapées. Il protège ainsi notre modèle social, fait de solidarité mais également d’efficacité, sans ignorer le contexte budgétaire préoccupant.

Durant la précédente législature, nous avons vu les inégalités se creuser, de pair avec les déficits. Nous avons vu des déremboursements répétés de médicaments. Nous avons vu une protection en matière de santé de plus en plus aléatoire. Nous avons vu l’hôpital public montré du doigt et déstabilisé. Nous avons vu les déserts médicaux dénoncés mollement par le gouvernement de l’époque sans qu’aucune mesure concrète ne soit mise en place, contrairement à aujourd’hui – nous en débattrons prochainement.

On nous avait promis une grande loi pour financer la dépendance. Elle a été ajournée. Vous nous proposez, mesdames les ministres, une contribution qui épargne les retraités non imposables et qui sera versée cette année, à titre exceptionnel, au Fonds de solidarité vieillesse, préparant ainsi la loi sur le vieillissement. D’autre part, vous mettez en place de manière expérimentale des parcours de soins pour les personnes âgées, dont le budget augmente de 4 %.

Ce budget réduit donc les dépenses mais, en même temps, il met en place de nouvelles politiques qui commencent à traiter les dysfonctionnements dont les Français subissent les effets et préfigure également des réformes structurelles.

Vous ne vous contentez pas de diagnostics. Vous mettez en place dans la concertation et la justice des réformes courageuses et indispensables qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens, conciliant l’efficacité économique avec le haut niveau de protection sociale auquel les Français sont légitimement attachés.

Valoriser l’organisation et la coordination pluriprofessionnelle de soins autour d’objectifs de santé publique, en créant notamment le statut du praticien local de médecine générale ; lutter contre les déserts médicaux, par le développement de la médecine salariée notamment ; redonner à l’hôpital public fierté et label d’excellence ; avoir enfin une véritable ambition pour le troisième âge : ce sont autant de défis que nous aurons à relever à vos côtés, mesdames les ministres, dans nos circonscriptions, dans les mois à venir. Nous le ferons avec énergie et avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux souligner ici les premières actions menées par le ministère de la santé, pas seulement ses intentions, car ce ministère a commencé par agir en matière de santé publique, par démontrer sa capacité de négociation, notamment cet après-midi, par manifester, de manière très concrète, quelles étaient ses intentions en matière de réduction des inégalités financières mais également territoriales, en particulier dans certaines régions.

Je signale en particulier le moratoire sur la mise en œuvre du décret pris au mois d’août 2011 par le précédent gouvernement à la suite du rapport d’Yves Bur. Ce moratoire, qui concerne le régime local minier, est pour nous fondamental. Il va, en effet, permettre une négociation ; celle-ci devrait s’ouvrir dans les prochaines semaines, avec la nomination d’un médiateur.

Le régime minier concerne des gens atteints de pathologies lourdes, très invalidantes, qui ont beaucoup donné à notre pays lorsqu’ils extrayaient le charbon et le fer. Encore nombreuses aujourd’hui, ces personnes méritent notre considération. Il y a encore 172 000 affiliés à l’assurance maladie de ce régime, 330 000 pensionnés et 6 861 salariés que l’on ne doit évidemment pas oublier, d’autant que le régime minier peut inspirer une partie de la politique voulue par le Gouvernement, en particulier le développement de centres de santé. On peut parfaitement prendre pour modèle ce qui a été fait à cet égard en Lorraine, mais également dans le Nord et dans quelques autres bassins miniers.

Je veux également indiquer, de ce point de vue, que des efforts considérables ont déjà été faits, avant même l’adoption de ce PLFSS, pour régler des problèmes très spécifiques de surcapacité hospitalière dans les meilleures conditions, en particulier dans les bassins sidérurgiques, à travers des dotations accordées à des établissements qui étaient en quasi-faillite. Sans cela, il y aurait eu des suppressions d’emplois massives, mais également une disparition de l’offre de soins. Et, cela va de pair, la mise en œuvre des garanties communales aurait provoqué la faillite d’un certain nombre de communes. C’est dire qu’avec ce gouvernement, nous ne sommes pas dans l’incantation mais dans l’action, même si beaucoup reste à faire.

Pour ce qui reste à faire, nous pouvons pour partie nous inspirer de ce qui se pratique en Alsace-Moselle, où nous avons souvent dénoncé, ces dernières années, la mise en avant des initiatives privées, en particulier des assurances privées. Je veux donc souligner la particularité du régime d’Alsace-Moselle, en fait un régime complémentaire et obligatoire, qui permet à tout un chacun de bénéficier d’une prise en charge quasiment totale de ses dépenses d’assurance-maladie. C’est dire si nous devons tirer enseignement de ce système, dont la bonne gestion a d’ailleurs permis, en 2010, parce qu’il était excédentaire, une baisse de la cotisation des salariés. Cette bonne gestion est en particulier le fait des organisations syndicales : lorsqu’on implique les principaux partenaires concernés, on peut arriver à des résultats.

J’ai bien entendu les critiques formulées à l’encontre de la politique que veut mener le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Je rappellerai simplement, puisque je siège au Parlement depuis 1997, que les comptes étaient équilibrés jusqu’en 2002 et que, depuis dix ans, nous avons accumulé 150 milliards d’euros de déficit. Surtout, nous avons, alors qu’il n’y avait pas la moindre cohérence en termes de réduction des inégalités financières ou territoriales, accumulé les taxes, avec des transferts qui devaient manifestement profiter aux assurances privées. L’on considérait que la santé n’était jamais qu’un marché comme les autres, où les règles de fonctionnement des entreprises devaient s’imposer. Peu importait que cela fracture notre contrat social.

Ce n’était évidemment pas acceptable, et les assurés sociaux ont payé le prix fort, de manière purement mathématique, avec l’instauration des franchises en 2004, leur extension aux médicaments en 2008, la création d’un ticket modérateur de 18 euros sur les actes lourds à l’hôpital, une politique systématique de déremboursement, qui affectait notamment les plus démunis, les plus fragiles, la taxation des plus pauvres en somme. Au total, en dix ans, le reste à charge a augmenté de 25 % pour les médicaments, et 15 % de nos concitoyens renoncent, pour des motifs financiers, à se soigner.

Aujourd’hui, malheureusement, l’espérance de vie à trente-cinq ans d’un ouvrier est inférieure de cinq ans à celle d’un cadre supérieur. C’est, je crois, l’honneur de ce gouvernement de faire en sorte de réduire des inégalités de santé qui se sont trop aggravées dans ce pays au cours des dix dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis n’est pas seulement un projet de loi qui redresse nos comptes sociaux ou un projet de loi qui rétablit l’égalité d’accès aux soins et qui répare des injustices : c’est aussi un projet de loi qui prépare l’avenir. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la politique de soutien aux personnes âgées.

Ce PLFSS prépare l’avenir en renforçant la prévention de la perte d’autonomie grâce à l’expérimentation des projets pilotes de parcours de santé des personnes âgées. Une meilleure coordination des soins entre acteurs de la médecine de ville, acteurs de la médecine de l’hôpital et établissements ou services d’aide à domicile permettra de proposer au patient la prise en charge la mieux adaptée au bon moment, d’éviter une hospitalisation inutile et coûteuse, voire contre-productive, et de retarder son entrée en dépendance.

Ce PLFSS prépare aussi l’avenir en augmentant de 4,6 % les crédits consacrés aux personnes âgées en 2013, en accordant la priorité aux établissements et services médico-sociaux dans un effort sans précédent sur l’existant, qui s’accompagne aussi de l’ouverture de 3 200 nouvelles places en EHPAD, en SSIAD, en accueil de jour ou en hébergement temporaire.

Ce PLFSS prépare enfin l’avenir en amorçant un financement de la perte d’autonomie fondé sur la solidarité, avec la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la fameuse CASA. Cette participation à l’effort de solidarité n’est, à mon sens, pas outrageante, puisque chaque Française, chaque Français est ou sera concerné, au cours de sa vie, par la perte d’autonomie, pour lui-même ou l’un de ses proches. Du reste, les retraités les plus modestes en seront exemptés et, pour ceux qui l’acquitteront, ce ne sera grosso modo, en raison de la faiblesse relative du taux appliqué – 0,3 % –, qu’une contribution moyenne de quelques euros, soit l’équivalent du prix d’un paquet de cigarettes. Bien sûr, il ne s’agit là que d’une première mesure, et les centaines de millions d’euros ainsi dégagés ne couvriront pas totalement les besoins de financement liés à la perte d’autonomie, qui se chiffrent en milliards. Ce PLFSS n’est donc qu’une première étape d’une politique plus globale de prise en compte du vieillissement, prélude à une réforme indispensable.

Cette réforme, nous en avons souvent entendu parler, nous ne l’avons jamais vue.

Pendant cinq ans, Nicolas Sarkozy n’a cessé de l’annoncer aux Français. Pendant cinq ans, le gouvernement Fillon n’a cessé de la reporter. Au bout de cinq ans, la droite au pouvoir l’a finalement abandonnée, faute de courage politique et l’œil rivé sur le calendrier électoral. L’enjeu est considérable, l’attente était grande, la déception fut immense.

Cette réforme, mes chers collègues, nous devons la faire et, avec le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, avec la majorité présidentielle, nous la ferons.

Nous la ferons, car il n’est plus possible de laisser des personnes âgées et leurs familles démunies devant des restes à charge trop importants, et nous aurons une réflexion à mener sur la réforme de la tarification des établissements et sur l’aide aux aidants.

Nous la ferons, car il n’est plus possible de laisser des services d’aides et de soins infirmiers à domicile fragilisés, des emplois supprimés, des personnels précarisés, et une réforme du secteur sera, là aussi, nécessaire.

Nous la ferons, car il n’est plus possible de laisser les conseils généraux, asphyxiés, supporter de plus en plus le poids du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, ou CARSAT, réviser à la baisse les plans d’aide, la solidarité nationale s’affaiblir, les inégalités territoriales croître, tout cela au détriment des bénéficiaires.

En lieu et place des effets d’annonce de l’ancien président, des renoncements coupables de l’ancien gouvernement et de l’immobilisme irresponsable de l’ancienne majorité, nous devrons donc faire preuve de courage, de détermination et de volontarisme afin d’engager cette grande réforme, dans tous ses aspects.

J’ai toute confiance dans le Gouvernement pour la mener à bien et les différents travaux que vous avez lancés ces dernières semaines, madame la ministre chargée des personnes âgées, vont dans le bon sens, sur le fond comme dans la forme. Sur le fond, car ils ne se concentrent pas uniquement sur le seul aspect du financement et de l’accompagnement, ils abordent aussi les questions de la prévention de la perte d’autonomie et de l’adaptation de notre société au vieillissement. Dans la forme, car ils laissent à la concertation, à la réflexion et au débat le temps et les moyens nécessaires avant la mise en œuvre de cette réforme cruciale pour l’avenir de notre pays.

Mes chers collègues, on répète souvent que le degré de civilisation d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses aînés. Dans trente ans, les personnes âgées représenteront près du tiers de la population française. Il est donc urgent pour la France d’anticiper le défi démographique et ses conséquences.

Le PLFSS répond à cette ambition, dans la mesure où il donne les moyens d’assumer nos responsabilités du présent et où il trace des perspectives qui nous engagent résolument dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous étudions depuis quelques heures déjà le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le premier de la législature, celui qui fixera le cap pour les cinq ans à venir.

Ce projet est résolument tourné vers l’avenir et marque la volonté du Gouvernement de confronter notre nation, dès à présent, aux défis à relever, en particulier la perte d’autonomie. Notre société doit répondre aux besoins des personnes confrontées au grand âge et, plus largement, à la perte d’autonomie. L’accroissement de la longévité, c’est d’abord un privilège des nations occidentales, mais, nous le savons, la perte d’autonomie augmente avec l’avancée en âge.

Selon la prospective démographique, les personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans, qui sont aujourd’hui 1,4 million en France, devraient être au nombre de 2,3 millions en 2020, avec des besoins en constante augmentation qu’il convient d’anticiper.

Il en est de même pour les personnes handicapées vieillissantes, qui sont elles aussi confrontées à cette question dès l’âge de soixante ans et pour lesquelles peu de solutions existent, nonobstant les avancées de la loi du 11 février 2005. 2011, qui a ouvert de nombreuses perspectives, malgré toutes les annonces sur la nécessité de régler la question de l’égalité de traitement des personnes qui ont besoin d’accompagnement en cas de perte d’autonomie, les réflexions des groupes de travail sont restées sans suite. Pourtant, toutes les études démographiques, sociologiques, sanitaires, budgétaires et économiques nous rappellent les réalités et la nécessité de répondre aux questions soulevées par le vieillissement. Il ne s’agit donc pas de fuir ce débat comme un nain grincheux. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 marque une étape historique : non seulement cette question est posée, mais des propositions sont présentées et des mesures volontaristes sont prises afin de garantir à terme une couverture solidaire de la perte d’autonomie. Nous soutenons ces choix qui posent les bases d’un financement pérenne pour une prise en charge universelle et solidaire.

Avec la mesure emblématique qu’est la contribution additionnelle

Malgré le lancement d’un grand débat national sur la dépendance en de solidarité pour l’autonomie, vous permettez de répartir équitablement la charge financière en faisant contribuer les plus aisés afin d’améliorer la situation des plus modestes. Comme je l’ai dit, le cap est fixé en ce début de législature. Le Gouvernement renforce ainsi la solidarité nationale, base d’une réelle prise en considération de la perte d’autonomie.

C’est donc une étape qui vient d’être franchie et qui amorce cette nécessaire réforme d’envergure, au nom du progrès social et d’une solidarité nationale rénovée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir été débattu en commission des affaires sociales, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 arrive en discussion dans notre hémicycle.

Je l’ai déjà indiqué, et j’aurai l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles : ce projet de loi est plus un catalogue de mesures fiscales introduisant des inégalités accrues dans l’accès aux soins qu’un texte équilibré visant à redresser les comptes et protégeant les droits de nos concitoyens en matière de santé.

Mesdames les ministres, contrairement à ce que vous assurez, votre projet induit une diminution de la protection sociale, voire une réduction des droits de nos concitoyens en matière de santé.

M. Michel Issindou. Mais non ! Vous ne l’avez pas lu !

Mme Véronique Louwagie. Le nombre de personnes renonçant à se soigner va grandissant, les assurés sociaux renoncent à recourir à une mutuelle, et la situation ne va qu’empirer en raison de ce PLFSS.

M. Jean-Marc Germain. Non, en raison des années que nous venons de vivre !

Mme Véronique Louwagie. Vous administrez plus qu’une ordonnance à vos patients. Vous les soignez à coup de taxes ! La liste de ces remèdes-taxes est impressionnante : hausse des cotisations sociales, nouvelle contribution pour les retraités, hausse des droits d’accise sur la bière… et la liste n’est pas exhaustive ! Ce sont bel et bien les assurés sociaux qui vont supporter votre cure d’injustices.

Les quelque 3,4 milliards d’euros de taxes supplémentaires que vous avez annoncés me paraissent excessifs. Ils sont anxiogènes pour nos concitoyens. Faire peser 11 milliards d’euros de prélèvements notamment sur les entrepreneurs sera lourd de conséquences en matière de croissance et d’emploi !

Mme la ministre de la santé a déclaré devant la commission des affaires sociales « ne pas vouloir fragiliser les pensions de nos concitoyens retraités ». Cette déclaration est à mettre en regard de la taxe sur les retraités que je viens d’évoquer.

Fidèle à votre tradition de faire table rase du passé, vous remettez en cause les réformes de l’ancienne majorité, comme le report de la T2A pour la réforme de l’hôpital. Renoncer à réformer les hôpitaux s’avère une erreur stratégique, car le mouvement lancé par l’ancienne majorité allait dans le bon sens.

Mais, pour le reste, ce projet laisse planer un sentiment d’inachevé et il culpabilise nos concitoyens. Si vous comptez faire en sorte que les Français se soignent mieux et aillent consulter leur médecin, permettez-moi de vous dire que cet objectif me paraît difficilement conciliable avec les mesures de ce PLFSS ! Accroître les inégalités financières et géographiques n’est pas la bonne solution !

Élue d’un territoire rural, je suis inquiète, comme bon nombre de mes collègues, de la triste réalité que représentent les déserts médicaux en zone rurale.

Je ne reviendrai pas sur l’épouvantable drame qui s’est produit il y a quelques jours. Je m’interroge cependant sur l’engagement pris par le Président de la République qu’aucun Français ne doive se trouver à plus de trente minutes d’un service d’urgences. S’il faut se féliciter de l’engagement pris de lutter contre les déserts médicaux, il faudra faire preuve de vigilance quant aux réponses qui seront apportées par le Gouvernement.

Les hôpitaux de proximité jouent un rôle majeur, et il semble nécessaire de les soutenir.

M. Christian Paul, rapporteur. Vous avez fermé des dizaines de maternités !

Mme Véronique Louwagie. J’évoquerai par exemple l’hôpital de L’Aigle, dans ma circonscription, qui, après quelques incertitudes, a obtenu ces derniers temps des garanties comme le maintien des services de la maternité, de l’anesthésie, de la chirurgie viscérale, grâce notamment à une mobilisation importante du personnel et des élus.

D’une manière plus générale, la suppression de la convergence tarifaire instaurée par la loi HPST va se traduire l’an prochain par un coût supplémentaire de 150 millions d’euros. Aucune mesure significative n’est prise concernant la branche famille, mais nombre de familles seront affectées lorsqu’elles auront recours à un emploi à domicile ; l’heure de service va en effet connaître, du fait de vos mesures, une hausse de 20 % !

Des mesures attendues sont reportées, notamment sur la dépendance…

M. Jérôme Guedj. Vous les avez repoussées pendant cinq ans !

Mme Véronique Louwagie. …et quant à la réforme des retraites, quid du rendez-vous prévu en 2013 ? Voilà autant de questions qui auraient mérité une réponse précise dans le corps même de ce PLFSS.

Néanmoins, car il faut aussi faire preuve d’indulgence, je trouve encourageant le dispositif d’indemnités journalières maladie retenu pour les exploitants agricoles, dans la mesure où une telle couverture n’existait pas.

M. Michel Issindou. C’est bien de le reconnaître.

Mme Véronique Louwagie. De même, j’apprécie l’attribution aux exploitants agricoles invalides de points de retraites couvrant les périodes correspondant au versement d’une pension d’invalidité, d’une rente d’accident du travail ou d’une allocation adulte handicapé. Il conviendra néanmoins de rester vigilant quant à l’application concrète de cette mesure.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : c’est le scepticisme plus que l’optimisme et l’inquiétude plutôt que la confiance qui me saisissent à l’occasion de cette discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je m’inquiète d’abord d’un déficit de la sécurité sociale en baisse, mais dont l’estimation repose sur une hypothèse de croissance précaire. Je m’inquiète ensuite de la ligne de conduite du Gouvernement : on l’a vu pour les retraités et les droits d’accise sur la bière, des aménagements ont été proposés en commission par la majorité. Cela démontre bien que la route suivie n’est pas à l’abri de zones de brouillard !

Ce projet de loi ne me paraît aucunement répondre aux enjeux. Il se résume trop au matraquage de certaines catégories d’assurés sociaux.

M. Michel Issindou. Matraquage, le terme est choisi ! Et avec tact et mesure, encore !

Mme Véronique Louwagie. C’est pourquoi je pense qu’il convient de ne point adopter ce projet de loi péremptoire et difficilement supportable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Linda Gourjade, qui sera la dernière à intervenir.

Mme Linda Gourjade. Madame la présidente, madame la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, madame la ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues…

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien ! (Sourires.)

Mme Linda Gourjade. …je consacrerai mon propos à l’article 71 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Comme nous l’a rappelé Mme la ministre déléguée à la famille, cette mesure sociale est importante. Il s’agit de mettre en place une aide à la garde d’enfant pour les familles bénéficiaires du revenu de solidarité active, et en parallèle d’apporter une réponse aux taux de chômage importants des assistants maternels agréés constatés sur certains territoires.

Ces familles modestes ou en grande précarité socio-économique sont souvent dissuadées de recourir à un mode de garde individuel, considéré comme trop onéreux, ce qui rend souvent plus difficile leur insertion sur le marché du travail et la réalisation de leur projet d’insertion. Peu de familles modestes ont recours à une assistante maternelle, alors que c’est le mode de garde qui leur serait le plus adapté, en particulier pour répondre à une demande immédiate ou pour effectuer des horaires décalés.

Dans le même temps, les assistantes maternelles se trouvent confrontées à une sous-activité chronique ainsi qu’à des accidents de paiement. Leur sous-activité est souvent liée à l’inadéquation de l’offre et de la demande, ou à leur lieu d’habitation. Le versement de l’aide à la garde d’enfant leur assurera des revenus plus stables et renforcera l’attractivité de leur profession.

Pour répondre à ces difficultés, il est proposé, comme l’a indiqué Marie-Françoise Clergeau, de déroger aux dispositions du code de la sécurité sociale en versant directement à l’assistante maternelle l’aide à la garde d’enfant. L’aide à la garde d’enfant, dénommée complément du libre choix du mode de garde, est versée habituellement sans condition de ressources aux familles qui font garder leur enfant de moins de six ans par une assistante maternelle. Elle consiste en une prise en charge maximale de 85 % de la rémunération nette, dans la limite d’un montant maximal de 452 euros par mois, variable selon les ressources et la composition de la famille. La mesure proposée consiste, à titre expérimental, à verser directement cette aide à l’assistante maternelle afin de dispenser les familles les plus modestes de faire une avance d’argent importante.

Cette mesure prend place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et aura un impact de 6 à 12 millions d’euros en faveur des familles les plus modestes. Elle bénéficiera aussi à de nouvelles familles qui, jusqu’à présent, ne faisaient pas garder leur enfant. Elle permettra donc le retour à l’emploi d’assistantes maternelles précédemment inactives ou en situation de sous-activité.

Je formule le vœu que cette mesure soit mise en place le plus rapidement possible et que des partenariats publics entre la CAF, les collectivités territoriales, les services d’insertion, les services de protection maternelle et infantile et les relais d’assistants maternels soient conclus sans attendre pour garantir le succès de cette expérimentation et assurer sa pérennisation. Alors, ceux qui ne croient pas à ce succès seront chocolat ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, aujourd’hui à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (suite).

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 24 octobre, à une heure trente.)