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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 4 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Florange

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Florange

M. Michel Liebgott

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Tarifs réglementés du gaz

M. Franck Reynier

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Epr

Mme Isabelle Attard

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Chômage

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Projet de loi de finances rectificative

M. Laurent Baumel

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Réquisitions de logements

M. Bruno Le Maire

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Décrochage scolaire

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Politique fiscale

M. Bernard Gérard

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Liaison Lyon-Turin

M. Thierry Braillard

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Politique fiscale

M. Guénhaël Huet

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Scolarisation des enfants handicapés

M. Michel Ménard

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Zone des cinquante pas géométriques

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Liaison Lyon-Turin

Mme Sophie Dion

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Sida

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Seconde partie (suite)

Après l’article 24

Amendements nos 4 rectifié, 66

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 359 (sous-amendement), 306 (sous-amendement), 100 (sous-amendement), 220 (sous-amendement), 301 (sous-amendement), 376 (sous-amendement), 31 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 218 (sous-amendement), 303 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Charles de Courson

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 219 rectifié (sous-amendement), 300 (sous-amendement)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Rappel au règlement

M. Charles de Courson

Mme la présidente

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 298 (sous-amendement), 299 (sous-amendement), 397 (sous-amendement), 304 (sous-amendement)

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendements nos 324 (sous-amendement), 275 (sous-amendement)

M. Christian Eckert, rapporteur général

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Florange

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, M. Montebourg nous annonçait mardi dernier : « Nous avons un repreneur crédible qui souhaite investir 400 millions d’euros pour rénover les hauts fourneaux de Florange ». Personne sur ces bancs ne peut imaginer un instant qu’un ministre de la République ait pu mentir à ce point à la représentation nationale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. Polémique inutile !

M. Christian Jacob. Pourtant, vous l’avez désavoué et humilié publiquement vendredi dernier en affirmant qu’il n’y a aucun repreneur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Amnésique !

M. Philippe Martin. Et des repreneurs à l’UMP, il y en a ?

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, vous portez la responsabilité d’un double échec. L’échec de Florange tout d’abord, puisque vous avez confirmé que les hauts fourneaux ne pouvaient pas redémarrer dans un avenir prévisible. Et puis celui de la France, monsieur le Premier ministre, avec ce message catastrophique que vous adressez aux investisseurs étrangers, en laissant un ministre de la République utiliser la menace de la nationalisation comme une arme de négociation. Cela n’est pas acceptable vis-à-vis des investisseurs potentiels.

Monsieur le Premier ministre, je vous demande de vous expliquer solennellement sur trois points. Tout d’abord, y avait-il, oui ou non, un repreneur pour le site de Florange ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxièmement, avez-vous l’assurance formelle que l’alimentation en gaz des hauts fourneaux ne sera pas coupée ? Si tel n’est pas le cas, c’est une véritable trahison à l’égard des salariés. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, veuillez écouter la question de M. Jacob.

M. Christian Jacob. Troisièmement, la presse évoque un accord secret qui vous lierait avec M. Mittal sur des investissements qui seraient réalisés sur un site proche de Nantes. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, oui ou non, démentir immédiatement cette information ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président du groupe UMP – c’est bien cela, je ne me trompe pas ? (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Répondez à la question !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Jacob, vous avez de la mémoire : vous vous souvenez donc certainement qu’en 2006, dans le cadre d’une OPA hostile, M. Mittal et son groupe se sont porté acquéreurs d’Arcelor.

M. Dominique Le Mèner. C’était sous Jospin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce n’est pas une bonne chose pour les grands groupes industriels français et européens, qu’une telle possibilité subsiste dans notre législation. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que le Parlement soit rapidement saisi de propositions propres à faire en sorte que ce genre de situation ne se reproduise plus, et que les OPA hostiles n’imposent plus leur droit aux grands groupes industriels français et européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

À peine deux ans plus tard, monsieur Jacob, venait l’affaire de l’aciérie de Gandrange. Cela aussi vous dit-il quelque chose ? Des investissements devaient y être réalisés, Gandrange devait être sauvée. Aujourd’hui, Gandrange est une friche industrielle : il n’y a plus rien ! Les engagements pris n’étaient pas solides. Pourquoi cela ? Parce qu’ils étaient conditionnés à la situation du marché de l’acier.

Eh bien, les engagements que mon Gouvernement a obtenu de M. Mittal aujourd’hui n’ont rien à de tel. Ce sont des engagements sans conditions dont le premier objectif est de préserver les emplois et l’avenir du site industriel. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Venons-en maintenant aux attaques – assez basses – que vous venez de formuler à mon endroit. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Comment pouvez-vous imaginer un instant que lorsque je prends des décisions en tant que chef du Gouvernement, je ne les prendrai pas dans l’intérêt de la nation et de tous les territoires ? Vous avez rapporté des mensonges, je tiens à les démentir de la façon la plus solennelle !

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ma conception de l’État, ce n’est pas de me soucier d’un seul site industriel. S’agissant de la sidérurgie, je me suis préoccupé, avec le Gouvernement, de trois sites : celui de Florange, celui de Dunkerque, et celui de Fos-sur-Mer. S’agissant du site de Basse-Indre, en Loire-Atlantique, il sera certes préservé, mais une partie de ses activités de conditionnement sera transférée à Florange.

Ne me faites donc pas dire l’inverse de ce que je dis. Toutes les décisions que le Gouvernement a prises l’ont été dans le souci de l’intérêt général, et pour préserver l’emploi partout sur le territoire français. Je rappelle que le groupe dont vous parlez emploie 20 000 personnes en France. L’intérêt des Français, c’est que le Gouvernement s’occupe de l’emploi partout, cela n’était pas la même chose avec la précédente majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Florange

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Liebgott. Monsieur le Premier ministre, depuis l’annonce de la fermeture de la filière liquide de l’usine de Florange et en particulier des hauts-fourneaux de Hayange, vous avez exigé du groupe ArcelorMittal des engagements fermes correspondant à des investissements précis et chiffrés. Ils doivent permettre d’assurer, avec les 5 000 emplois directs et indirects, le maintien sur le long terme de l’activité sidérurgique en Lorraine. Sous la pression du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), le groupe ArcelorMittal vous a indiqué qu’il investirait 180 millions d’euros dans les cinq ans qui viennent – contre 17 millions sous le gouvernement Fillon ! Je veux retenir de tout cela ce qui est essentiel pour les salariés.

Contrairement à ce qui était prévu par ArcelorMittal, le plan social d’entreprise pour la filière liquide concernant 650 emplois est abandonné ; 600 emplois du secteur emballage dont l’avenir était menacé sont préservés, la production susceptible de disparaître dans ce domaine d’activité passant de 200 000 à 500 000 tonnes par an ; enfin, des investissements pour conserver les aciers pour l’automobile sont actés. Il s’agit là de bonnes nouvelles.

Toutefois, demeurent des inquiétudes auxquelles il nous faut répondre. Avez-vous toutes les assurances nécessaires, d’un point de vue industriel, pour le redémarrage de la filière liquide dans le cadre du projet Ulcos ? Surtout, comment allez-vous contrôler le groupe ArcelorMittal, afin qu’il respecte tous ses engagements ? Ce contrôle par l’autorité publique est absolument indispensable. Il doit associer les syndicats, les élus qui ne croient plus aux promesses d’un groupe peu respectueux de ses engagements et, en dépit des dividendes distribués, encore en difficulté.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Marc Francina. Où est Montebourg ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député Michel Liebgott, je voudrais d’abord rendre hommage à tous les élus du territoire que vous représentez pour leur courage et leur détermination aux côtés des salariés que je tiens aussi à saluer. Sans la détermination de ces derniers, sans leur esprit de solidarité, sans leur dignité et sans leur courage, le Gouvernement n’aurait pas eu les moyens de créer le rapport de force nécessaire pour obtenir les engagements auxquels vous venez de faire allusion. Je tenais à le dire devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Oui, le Gouvernement avait deux objectifs : l’emploi et l’avenir du site industriel de Florange.

S’agissant de l’emploi, je rappelle que le site de Florange compte plus de 2 800 salariés dont 650 sont concernés par les hauts-fourneaux. Dans l’objectif de maintenir des emplois, nous avons obtenu un engagement du groupe Mittal. La bataille a été difficile. Il a fallu créer un rapport de force. Mais il n’y aura pas de plan social à Mittal et à Florange. C’est essentiel quand on connaît la difficulté de beaucoup de sites industriels français pour obtenir un tel acquis très important. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Concernant le site industriel de Florange, il y avait des inquiétudes sérieuses quant à l’avenir de la partie « aval », ce que l’on appelle le « froid », en particulier sur l’emballage – le « packaging » comme l’on dit –,…

M. Lucien Degauchy. Montebourg aurait été plus marrant !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …où l’avenir était tout à fait incertain. Nous avons obtenu un engagement sans condition, j’y ai fait allusion tout à l’heure, d’un investissement de 180 millions d’euros sur cette filière, notamment sur l’emballage. Je le répète, l’engagement a été inconditionnel, alors que sous la majorité précédente – M. Jacob m’a permis de le rappeler –, on conditionnait ce type d’engagement à la situation du marché de l’acier. Là est la différence essentielle : alors que le gouvernement précédent n’a pas su sécuriser Gandrange, nous, nous allons développer Florange ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous devons, pour autant, aller au-delà. Il convient, en effet, d’engager des investissements d’avenir avec le projet Ulcos. Ce projet est complexe,…

M. Charles de La Verpillière. Oh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais il est innovant parce qu’il a pour objectif de concilier développement industriel et respect de l’environnement. C’est ce caractère particulièrement innovant qui explique la nécessité d’investissements très importants dans le domaine de la recherche et du développement, et nécessairement du temps. C’est pourquoi, même si Mittal s’est engagé à participer – et c’est le troisième engagement de ce groupe – au développement de ce projet, il est nécessaire d’investir de l’argent public. L’État prendra ses responsabilités. Ainsi, 150 millions d’euros sont déjà réservés dans le cadre des investissements d’avenir, dont une grande de partie ira tout de suite à l’investissement d’un démonstrateur nécessaire pour développer ce projet ambitieux d’une filière industrielle moderne et environnementale de la production d’acier pour le XXIe siècle.

M. Céleste Lett. C’est ce qu’on a déjà fait !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Tel est l’engagement du Gouvernement. Cela représente, c’est vrai, beaucoup d’argent, mais c’est dans l’intérêt de l’avenir de l’industrie française. Et ce qui est vrai pour ce site, l’est pour d’autres.

M. Jean-François Lamour. C’est poussif comme réponse !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’État prendra ses responsabilités : protéger les salariés quand ils sont en difficulté, les défendre quand c’est nécessaire, mais, en même temps, investir, accompagner les projets industriels d’avenir.

S’agissant du contrôle des engagements qui ont été pris, le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités. Je recevrai, demain, l’intersyndicale à laquelle je donnerai toutes les précisions auxquelles elle a droit, et ce dans la transparence la plus totale. J’indiquerai aussi les méthodes de contrôle que le Gouvernement entend mettre en œuvre. Le lendemain, je recevrai les élus de la région, du département et des communes concernés. J’ai, enfin, demandé aux ministres particulièrement en pointe dans ce dossier, d’abord à Arnaud Montebourg (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC) auquel je tiens à rendre hommage, Michel Sapin, Delphine Batho et Geneviève Fioraso (Mêmes mouvements) d’être à mes côtés pour relever le défi du développement économique et industriel de la Lorraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, et RRDP.)

Tarifs réglementés du gaz

M. le président. La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le Conseil d’État vient d’annuler la limitation de la hausse des tarifs réglementés du gaz à hauteur de 2 % au quatrième trimestre de l’année 2012. Cela était inévitable ! Trimestre après trimestre, gouvernement après gouvernement, c’est la même histoire qui se reproduit, toujours au détriment des consommateurs. Comme la loi l’y autorise, GDF Suez demande de respecter et de répercuter la hausse de ses coûts d’approvisionnement sur les consommateurs. Or cette hausse est liée au mode de calcul utilisé, à savoir l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole ! Il faut faire payer aux Français le gaz au prix du gaz ! Le groupe UDI a soutenu, il y a une dizaine de jours, une proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI) rejetée par la majorité.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Franck Reynier. Nous vous redisons qu’il est, aujourd’hui, indispensable de déconnecter totalement le prix du gaz de celui des produits pétroliers. Le pétrole ne cesse d’augmenter, alors que le prix du gaz est historiquement bas. Le consommateur n’en bénéficie pas. Il est l’éternelle victime d’un système datant des années 70, en décalage complet avec la réalité économique. Vous devez sortir de l’absurdité de cette situation et mettre un terme aux contentieux incessants entre GDF SUEZ et l’État, son actionnaire principal.

Madame la ministre, vous devez annoncer la fin de l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole, comme le groupe UDI le propose depuis des mois pour faire baisser enfin la facture de gaz des Français.

Allez-vous, oui ou non, désindexer le prix du gaz sur celui du pétrole ? Allez-vous, oui ou non, mettre un terme à cette situation injuste pour les consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Franck Reynier, je vous demande, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de Delphine Batho qui assiste, aujourd’hui, à la conférence sur le climat de l’ONU à Doha.

Concernant le prix du gaz sur lequel vous nous interpellez, je rappelle, tout d’abord, que les opérateurs de gaz ont demandé, en 2011 et en 2012, des hausses tarifaires extrêmement importantes en application d’une formule héritée du précédent gouvernement, lequel a préféré reporter les augmentations et les décisions après les élections présidentielles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La décision du Gouvernement est de limiter à 2 % les deux dernières hausses du tarif du gaz, de lisser dans le temps le rattrapage de la dette et de laisser aujourd’hui à cette majorité la possibilité de préserver le pouvoir d’achat des Français.

Prenant acte de la décision du Conseil d’État de suspendre l’exécution de l’arrêté du 26 septembre 2012 fixant le tarif du gaz pour le quatrième trimestre, le Gouvernement a, d’ores et déjà, engagé des réformes structurelles.

Il a, tout d’abord, demandé à GDF SUEZ, dès le début du mois de septembre, de renégocier les contrats d’approvisionnement afin de diminuer l’exposition au prix du pétrole, de lisser les hausses du tarif dans le temps et de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.

Mme Delphine Batho travaille, par ailleurs, sur l’optimisation des coûts d’approvisionnement et sur le renforcement des audits de la Commission de régulation de l’énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. François Sauvadet. Hors sujet !

M. François Rochebloine. Il lit mal !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Non seulement nous tenons compte de la décision du Conseil d’État, mais vous serez saisis de la proposition de loi du président Brottes qui, bientôt, sera adoptée par le Parlement. Elle répond à l’urgence sociale, aux attentes de huit millions de Français et permet de sortir de la précarité énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Epr

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

J’habite à cent kilomètres des réacteurs nucléaires de Flamanville. C’est donc la députée, la citoyenne et la cliente d’EDF qui s’interrogent aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La Cour des comptes m’avait avertie en janvier dernier, comme des millions de Français, que le coût au mégawatheure de l’EPR serait d’au moins 70 euros. EDF a annoncé hier une nouvelle augmentation du coût de l’EPR de Flamanville. Revenons rapidement sur l’évolution du coût de ce projet : initialement estimé à 3,4 milliards d’euros, il est passé à 4 milliards en 2008, 5 en 2010, 6 en 2011 pour atteindre aujourd’hui 8,5 milliards d’euros !

Qui peut croire que ce coût n’augmentera pas à nouveau de plusieurs milliards avant l’éventuelle mise en production en 2016, si tant est que l’échéance ne soit pas une fois de plus reportée ?

Ce projet industriel lancé à l’aveugle est déjà un échec. La question de sa rentabilité n’est plus posée, elle est réglée. Comme l’a démontré la commission d’enquête sénatoriale en juillet, jamais le prix de revient du mégawatheure d’origine EPR ne sera compétitif. Il dépasse d’ores et déjà celui du mégawatheure d’origine éolienne. Le coût du traitement des déchets et du démantèlement des centrales a été trop longtemps ignoré, occulté et masqué dans les calculs de rentabilité. De plus, à production égale, la filière éolienne génère au moins deux fois plus d’emplois que la filière nucléaire.

Le choix du développement nucléaire a depuis toujours été partisan plus que financier. Il est largement temps d’ouvrir les yeux sur les vrais chiffres du coût de l’énergie en France.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-nous dire quand sera réorienté l’argent public vers des sources d’énergie renouvelables propres, qui nous offriront enfin notre indépendance énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, l’EPR est le dernier réacteur nucléaire de la troisième génération ; deux têtes de série industrielles sont en construction, l’une à Flamanville et l’autre en Finlande.

Le chantier lancé en 2007 a connu un certain nombre d’évolutions, notamment économiques, puisque le coût, fixé initialement à 3,3 milliards, a été doublé en 2011 et qu’EDF annonce aujourd’hui un surcoût de 2 milliards, ce qui témoigne d’une volonté de transparence et de ne rien cacher de la réalité financière de ce projet.

Aujourd’hui, 93 % des travaux de génie civil sont réalisés et le chantier entre dans une nouvelle phase. Les travaux s’achèveront en 2016 puisque la phase dans laquelle nous nous engageons n’a pas été reportée.

Plus généralement, sur la question énergétique, les engagements pris pendant la campagne électorale sont réaffirmés. Le Président de la République s’était engagé à fermer la centrale de Fessenheim et à achever celle de Flamanville au cours du quinquennat : ce sera le cas. Le cap est fixé pour le Président de la République, le Gouvernement et l’ensemble de sa majorité, faire passer la part du nucléaire dans la part énergétique de 75 à 50 %. Ce sera l’objet du débat sur la transition énergétique lancé par Delphine Batho le 29 novembre dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Bla-bla-bla !

Chômage

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le Premier ministre, la préoccupation principale des Français aujourd’hui, c’est la montée inexorable du chômage : les statistiques nous montrent clairement qu’il aura augmenté deux fois plus vite au second semestre qu’au premier.

Vous pourrez nous parler d’héritage un certain temps, mais vous n’échapperez pas aux conséquences de vos propres décisions.

Votre ministre des affaires sociales, M. Sapin, est devenu le Thierry Roland du Gouvernement : il commente les statistiques mais il n’est plus acteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Que nous propose-t-il concrètement pour nous sortir d’une telle situation ? Des mesures éculées, décongelées de la période Jospin, des contrats d’avenir, qui, nous le savons bien tous, ne feront que remplacer les contrats aidés, et des contrats de génération, qui vont tuer la politique d’apprentissage, si nécessaire à notre pays.

De son côté, le ministre du redressement productif continue ses moulinets et ses rodomontades et, plan social après plan social, engrange ceux qui feront des licenciements économiques demain ; et le chômage continue de monter inexorablement.

Quant au ministre du budget, il nous propose une fiscalité qui ne s’attaque pas aux produits en concurrence avec les produits importés, qui n’est pas une TVA antidélocalisation, mais il taxe le bâtiment, les restaurateurs, les emplois de services à la personne, tous les emplois qui sont chez nous et qui sont sûrs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Pendant ce temps-là, le chômage continue inexorablement de monter et vous, monsieur le Premier ministre, vous voilà empêtré dans cette affaire de Florange, sur laquelle vous ne nous avez pas rassurés. Le journal Le Monde titre : « un accord si secret qu’il en devient suspect ». Mme Filippetti annonce ce matin qu’elle n’a pas confiance en Mittal. Et le chômage continue de monter inexorablement !

Monsieur le Premier ministre, la promesse de M. Hollande est-elle toujours valable ? Qu’allez-vous faire contre le chômage ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Sur le chômage, monsieur Daubresse, je l’ai déjà dit et je le répéterai, nous devrions tous commencer par faire preuve de modestie, et d’abord vous.

Avant de regarder les chiffres de 2012, de comparer la seconde partie de l’année à la première, pendant laquelle vous aviez utilisé la quasi-totalité des contrats aidés pour essayer de dissimuler la montée du chômage (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), regardez ceux des cinq dernières années et commencez par rendre des comptes sur le million de chômeurs supplémentaires que votre politique a créés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Parlez de vos décisions !

M. Michel Sapin, ministre. Avant de considérer avec mépris, non seulement le ministre, ce qui est le moins grave, mais la politique qui est menée alors que certains parmi vous ont voté les emplois d’avenir, vous devriez regarder comment vous les mettez en œuvre, et vous avez raison, parce que cela fait partie de la responsabilité des élus de la République que de mettre en œuvre sur le territoire français l’ensemble des dispositions. Vous êtes nombreux, sur tous les bancs, à mettre en place les emplois d’avenir, qui sont une réponse au chômage des jeunes.

Vous me parlez du contrat de génération. Nous allons l’adopter en conseil des ministres la semaine prochaine. Nous aurons un débat ici. Nous verrons qui votera pour et qui votera contre cette possibilité de faire entrer des jeunes dans les entreprises en y maintenant les vieux alors que vous, vous les chassiez. C’est ainsi que vous avez augmenté le nombre des chômeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marty. Bla-bla-bla !

M. Michel Sapin, ministre. Enfin, il y a une grande négociation sur la sécurisation de l’emploi. Plutôt que de faire des moulinets, vous feriez mieux d’encourager tous les partenaires de cette négociation à réussir parce que, cette fois-ci, les partenaires sociaux et nous allons réussir ce que vous n’avez jamais réussi à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Meunier. Assis !

Projet de loi de finances rectificative

M. le président. La parole est à M. Laurent Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Laurent Baumel. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, notre assemblée examine cette semaine la loi de finances rectificatives pour 2012. Celle-ci est l’expression de l’approche budgétaire rigoureuse voulue par le Président de la République pour préserver la souveraineté de notre pays en réduisant notre dépendance à l’égard des marchés financiers.

Malgré les dérapages de nos prédécesseurs, fruits de leurs cadeaux fiscaux improductifs, nous tiendrons l’objectif de 4,5 % de déficit public pour 2012. Oui, la gauche au pouvoir gère intelligemment les finances publiques du pays (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) et se distingue en cela, comme sur bien d’autres aspects, des gouvernements précédents.

La baisse courageuse des dépenses de l’État de 3,6 milliards d’euros pour 2012 est la preuve que la gauche incarne cet esprit de responsabilité.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. Laurent Baumel. L’effort mérite d’autant plus d’être salué que cet objectif de réduction des déficits n’écrase pas tous les autres, comme en témoigne d’ores et déjà la priorité accordée à l’emploi, à l’éducation et à la sécurité.

Vous apportez la preuve que le sérieux budgétaire peut rompre avec la logique d’austérité initiée par le tandem Sarkozy-Merkel. Oui, la sortie de crise passera par la conjugaison du sérieux et de l’ambition, de l’effort budgétaire nécessaire et du soutien vigoureux à notre appareil productif et au pouvoir d’achat des ménages. C’est tout le sens de la politique que soutient le groupe SRC.

Monsieur le ministre, nous saluons également, à l’occasion de ce collectif budgétaire, votre détermination à mener une lutte sans merci contre la fraude fiscale et sociale. Votre action en la matière est placée sous le signe de l’efficacité. L’arsenal soumis au vote des députés pourrait permettre de générer 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires.

Monsieur le ministre, quel bilan financier tirez-vous des six premiers mois d’action du Gouvernement ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

M. Laurent Baumel. Quels résultats attendez-vous des dispositifs de lutte contre la fraude fiscale et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, c’est à raison que vous soulignez qu’en 2012 la France respectera sa parole. Le déficit public sera bien de 4,5 % du PIB, comme notre pays s’y est engagé auprès de nos principaux partenaires ainsi que des instances européennes. Nos concitoyens peuvent légitimement être fiers de l’effort ainsi consenti pour respecter cette parole, car il est vrai que le sérieux budgétaire a prévalu cette année.

Vous avez raison de souligner que c’est une économie de 3,6 milliards d’euros qui, au total, aura été réalisée en 2012, par rapport à ce que la majorité précédente avait prévu. Mieux : alors que, sous la précédente législature, le dérapage était d’une année sur l’autre de 5 à 6 milliards d’euros en moyenne, nous constaterons cette année une économie, en valeur absolue, de 200 millions d’euros. C’est donc un effort de plus de 6 milliards d’euros que fait le pays, à la suite des dispositions votées par la majorité pour améliorer la trajectoire de nos finances publiques, c’est-à-dire pour éviter cet impôt à la naissance qu’est l’endettement excessif que nos prédécesseurs nous ont, hélas, laissé.

Dans ce cadre, parce que nous demandons des efforts considérables à nos concitoyens, il est normal de réprimer sans pitié toute forme de fraude fiscale. C’est la raison pour laquelle, dans ce projet de loi de finances rectificative, un certain nombre de dispositions seront soumises au Parlement. Qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, nous entendons faciliter le travail de l’administration fiscale afin que celle-ci puisse appréhender au mieux les revenus et les bénéfices des uns et des autres, ainsi que la part due par chacun à l’État, c’est-à-dire à la collectivité nationale.

Je ne doute pas qu’à l’occasion des débats ces dispositions feront consensus. À défaut, il sera intéressant de voir qui, dans cet hémicycle, est favorable à la justice fiscale et qui ne l’est pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Réquisitions de logements

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Le Maire. Madame la ministre du logement, vous avez cru bon de vous en prendre à l’Église catholique pour réclamer la réquisition des logements disponibles. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Vous auriez pu vous en prendre aux banques, qui sont de grands propriétaires à Paris. Vous auriez pu vous en prendre aux compagnies d’assurance, qui y sont également de grands propriétaires. Vous auriez pu vous en prendre au conseil régional d’Île-de-France ou à la ville de Paris. Vous avez choisi, on ne sait pas trop bien pourquoi, de vous en prendre à l’Église catholique. Ce n’est ni digne, ni acceptable, ni respectueux du principe de laïcité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que la solidarité, en France, n’est ni de droite ni de gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) La solidarité n’appartient à aucun groupe, à aucune confession, à aucun parti. La solidarité, en France, est universelle ou elle n’est pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Votre remarque fait injure à toutes les associations, aux 60 000 bénévoles du Secours catholique (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) qui, jour et nuit, servent les plus démunis et essaient de leur trouver des solutions. Elle fait injure aux milliers de personnes qui s’occupent des places d’hébergement permanent, derrière le Secours catholique.

J’ai une proposition à vous faire, madame la ministre. Si vous tenez tant que cela à la réquisition, réquisitionnez les logements de fonction dont disposent la ville de Paris et le conseil régional d’Île-de-France (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI), réquisitionnez tous les logements de fonctionnaires qui ne répondent pas à une utilité de service public !

Au lieu de céder à la polémique facile, madame Duflot, n’oubliez pas un principe populaire : charité bien ordonnée commence par soi-même ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Plusieurs députés se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement. (Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste ; plusieurs députés se lèvent et applaudissent.)

Écoutons la réponse de Mme la ministre !

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Qui crée ici une polémique, mesdames et messieurs ? La question qui nous est posée est de savoir si, oui ou non, il faut s’attaquer à la crise du logement,…

Un député du groupe UMP. Bien sûr que oui !

Mme Cécile Duflot, ministre. …j’oserai même dire « aux crises du logement ». Or, s’attaquer à la crise du logement, c’est faire feu de tout bois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et UDI.)

Peut-être ma réponse ne vous intéresse-t-elle pas ? Dans ce cas, je considérerai que ceux qui lancent une polémique sont ceux-là mêmes qui l’inventent. Il n’y a en tout cas de ma part aucune polémique. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Chers collègues, écoutez la réponse, je vous prie !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il y a simplement la volonté, comme l’a rappelé le Premier ministre, le 1er novembre, de trouver une réponse à celles et ceux qui se trouvent aujourd’hui dans la rue, alors que, dans le même temps, des bâtiments vides existent dans le patrimoine de nombreuses personnes morales.

Ce ne sera pas la seule solution. C’est une solution d’urgence et non une solution durable.

Des milliers d’associatifs, de bénévoles se mobilisent pour lutter contre la crise du logement. C’est le cas aussi du Gouvernement, grâce au vote, la semaine dernière, d’une loi qui permettra de céder du foncier public (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) et de réaliser 25 % de logements sociaux dans toutes les agglomérations, une loi contre laquelle vous avez voté.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Zéro !

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce n’est pas en essayant d’inventer une polémique que vous ferez fléchir notre volonté de répondre à celles et ceux qui en ont besoin. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-François Lamour. C’est vous qui créez la polémique !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je trouve même assez étonnant de vouloir faire un parallèle entre les bénévoles qui s’engagent auprès des sans-logis et les propriétaires fonciers qui disposent de bâtiments vides. (Mêmes mouvements.) Ce sont deux sujets très distincts ; vous les avez liés, c’est de votre responsabilité.

En ce qui me concerne, je sais que celles et ceux qui accompagnent les maraudes chaque nuit n’attendent qu’une chose : que nous trouvions les logements décents et dignes pour loger les hommes, les femmes et les enfants de notre pays qui en ont besoin. Point final. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Décrochage scolaire

M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, 140 000 décrocheurs, c’est une véritable spirale de l’échec dont les conséquences sont chaque année plus graves.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Hier, dans un grand quotidien du soir, on apprenait que le taux de pauvreté des dix-huit à vingt-quatre ans atteignait près de 23 %, et frappait en priorité ceux qui étaient sortis du système scolaire très tôt et sans diplôme.

Il y a une dizaine de jours, vous rappeliez la nécessité de rapprocher redressement productif et priorité éducative, de faire tomber la ligne de fracture entre les matières dites nobles et celles qui ne le seraient pas, entre la culture générale et la culture professionnelle : voilà un des grands enjeux face au chômage, cette réalité qui touche l’ensemble des territoires et des catégories de population, celle des jeunes ayant le triste privilège d’être une exception française !

Dans ma ville de Denain, le taux de chômage des dix-huit/vingt-cinq ans atteint le triste record de 56 % ! Pourtant, dans ma ville comme partout en France, ce sont au total des dizaines de milliers de postes qui sont non pourvus, qu’il s’agisse d’ingénieurs, de techniciens ou d’ouvriers qualifiés : c’est tout le problème de l’orientation qui est posé.

Mais si l’on voit bien où sont aujourd’hui les décrocheurs et l’importance accordée par le Gouvernement à l’orientation et à la valorisation de l’enseignement professionnel, il nous faut également nous interroger sur la façon de prévenir l’échec scolaire qui conduit au décrochage.

Monsieur le ministre, fort de cette volonté que la jeunesse soit la priorité de ce quinquennat, pouvez-vous nous indiquer la façon dont vous entendez lutter contre ce décrochage qui concerne les plus fragiles de nos jeunes, nous l’indiquer à la fois pour ceux qui en sont aujourd’hui victimes et dont les perspectives d’avenir sont des plus précaires et inquiétantes, mais aussi et surtout pour ceux qui n’ont pas encore décroché ? Comment comptez-vous prévenir au plus tôt l’entrée dans cette spirale de l’échec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, vous avez raison de souligner qu’un quart d’une génération de jeunes Françaises et de jeunes Français, 140 000 jeunes par an, en situation de décrochage, et c’est pour nous tous un échec difficile à admettre. Il s’agit à la fois de trajectoires individuelles très douloureuses, l’enquête publiée hier le montre puisque 50 % des jeunes qui n’ont pas obtenu de diplôme sont au chômage, et d’un phénomène particulièrement coûteux pour la cohésion sociale, la compétitivité et la cohésion civique de notre pays.

Il faut donc rassembler nos forces pour être capables d’apporter des solutions.

Tout d’abord, il doit s’agir de solutions qui portent sur le système de formation initiale : lorsqu’on suit les trajectoires de ces élèves, on découvre qu’ils sont en difficulté dès la grande section, le CP et le CE1, et que les difficultés se transforment plus tard en échec, puis en exclusion. C’est le sens même de la refondation de l’école de la République et des moyens que nous allons accorder à la formation des enseignants, le sens même de la priorité au primaire, de la meilleure orientation des élèves, de la valorisation des lycées professionnelles.

Mais il y a aussi ceux qui ont déjà décroché, et il faut leur apporter des réponses. J’ai donc appelé à une mobilisation générale pour atteindre l’objectif de 20 000 raccrocheurs pour l’année 2013, sur la base des 360 plates-formes créées par le gouvernement précédent et qui ont permis d’identifier les décrocheurs. Il faut que nous soyons capables aujourd’hui de mettre en place des solutions de formation en mobilisant l’éducation nationale, l’agence du service civique, les régions et les missions d’insertion. Nous devons être capables de le faire.

M. Yves Censi. Bla-bla-bla !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est l’intérêt de ces jeunes, l’intérêt du pays ; c’est le moment où vont se conjuguer redressement éducatif et redressement productif. Je compte sur tous pour le réaliser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Monsieur le Premier ministre, vous avez pendant six mois répété que vous n’augmenteriez pas la TVA, mais votre collectif budgétaire prouve le contraire ; après avoir supprimé la réforme compétitivité adoptée par l’ancienne majorité et la TVA anti-délocalisation accusée de tous les maux, voilà que, frappé d’une lucidité nouvelle suite à la remise du rapport Gallois, vous faites machine arrière. Cela devient votre marque de fabrique, au grand dam de votre propre majorité.

Alors que le chômage ne cesse d’augmenter, vos choix en matière fiscale révoltent les Français et les entreprises qui, pour beaucoup, si elles survivent, ne verront pas la couleur de votre crédit d’impôt compétitivité-emploi. Par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, vous créez une avalanche de nouvelles taxes, sur les retraités, les employeurs à domicile, les travailleurs indépendants, les entreprises, les brasseurs, pour ne citer qu’eux ! Vous persévérez avec le relèvement du taux intermédiaire de TVA de 7 % à 10 % là où il faudrait agir davantage sur le taux normal pour frapper les produits importés. Relever de trois points le taux intermédiaire aura pour conséquence de toucher les produits et services par nature non délocalisables. La situation financière de nos entreprises se dégrade, et ce ne sont pas les forfanteries calculées de votre ministre du redressement judiciaire – plutôt que productif ! – qui vont restaurer la confiance. Par ses décisions à l’emporte-pièce, il s’est fabriqué une marque, une sorte de pronostic Mittal, guère encourageant pour les investisseurs, et c’est l’effet de ciseaux. Pourquoi dissuader les investisseurs étrangers, monsieur le Premier ministre ? Pourquoi décourager les acteurs économiques français, monsieur le Premier ministre ?

Cela est catastrophique pour l’économie de notre pays. Comment justifiez-vous de tels choix ? Quand allez-vous vous consacrer vraiment à la bataille de la compétitivité pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, dans quelques instants et dans cet hémicycle, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sera soumis aux députés. Cette disposition présente des différences notables avec d’autres politiques que vous semblez regretter – ce que vous appelez la TVA sociale et que d’autres ont appelé la TVA Sarkozy.

La première de ces différences tient au montant. Si vous estimez que 11 milliards à 13 milliards d’euros étaient nécessaires pour améliorer la compétitivité, reconnaissez que l’effort que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault propose, soit 20 milliards d’euros, en faveur de la compétitivité, ne peut être que plus efficace que ce que vous semblez regretter. Si nous partageons le diagnostic que nos entreprises ont de réelles difficultés de compétitivité, notamment par rapport à l’Allemagne, convenez alors que la politique que le Gouvernement propose s’apprête à être plus efficace que celle que vous suggériez.

La deuxième différence tient au fait que, contrairement à vous, nous estimons que l’année 2013 va être trop rude pour les Français pour qu’une nouvelle amputation de pouvoir d’achat, telle que vous l’envisagiez, puisse être supportée par les consommateurs. Nous souhaitons préserver la consommation des ménages, c’est-à-dire le pouvoir d’achat de nos concitoyens (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP),…

M. Patrice Verchère. Vous les matraquez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …quand votre majorité envisageait allègrement de l’amputer de 11 milliards d’euros. Au demeurant, monsieur le député, en expliquant que seuls les produits importés auraient été frappés par votre TVA, vous semblez oublier que ce sont les consommateurs qui la paient, et non les importateurs. Souvenez-vous du vieil adage des économistes : lorsque l’on taxe le lait, il est rare que ce soient les vaches qui le payent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

La troisième différence avec le dispositif que nous proposons, c’est que le nôtre est pour moitié financé par des économies sur la dépense publique, ce que vous étiez bien gardés de faire quand vous étiez majoritaires. Nous, nous les ferons. Faire des économies pour financer la compétitivité, c’est doublement bénéfique : d’abord, cela permet d’aider les entreprises ; ensuite, cela évite à la puissance publique d’assécher le marché des capitaux, lesquels ont bien mieux à s’employer dans le secteur productif que pour la dépense publique, ce que pourtant vous avez fait pendant dix ans lorsque vous étiez majoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Liaison Lyon-Turin

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué en charge des transports,

Hier à Lyon, M. Mario Monti, Président du Conseil italien, et le Président de la République, François Hollande, ont conclu un accord historique confirmant le lancement du projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Thierry Braillard. Cet accord va sensiblement bien au-delà de l’affichage de la détermination de la France et de l’Italie pour construire cette ligne nouvelle de 200 kilomètres avec un tunnel de 57 kilomètres à l’horizon 2025. C’est un grand projet.

C’est un projet européen qui améliorera le lien entre l’Europe méditerranéenne et l’Europe danubienne, qui renforcera les relations entre la région Rhône-Alpes et le Piémont et qui favorisera le trafic de voyageurs.

C’est un projet qui aura des conséquences bénéfiques en matière de sécurité puisqu’il dirigera les camions vers le fret ferroviaire.

C’est un projet pour la croissance et pour l’emploi. Les travaux qui dureront plusieurs années constitueront une occasion exceptionnelle pour le développement économique des territoires concernés et les chantiers généreront plus de 3 500 emplois directs en France et en Italie pour la réalisation de la section transnationale.

C’est un projet qui présente aussi une haute valeur environnementale. Mettre des camions sur des trains aura des conséquences bénéfiques en matière d’écologie, que ce soit pour la réduction de l’émission de gaz à effet de serre, la qualité de l’air ou les nuisances sonores.

L’avis de la commission d’enquête publique rendu le 2 juillet 2012 a été favorable. Le Gouvernement a approuvé en conseil des ministres le 28 novembre dernier un projet de loi autorisant l’approbation de cet accord et le texte viendra au cours des prochains mois en discussion dans notre assemblée. Au début de l’année 2013, un promoteur public unique franco-italien sera désigné. Enfin, MM. Hollande et Monti ont également été rassurants sur les modalités du financement du projet avec un soutien souhaité de l’Europe à hauteur de 40 %.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser en quoi cet investissement vous apparaît essentiel en matière de transports de fret et de vovageurs, et quel est l’échéancier de sa réalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Thierry Braillard, merci d’avoir rappelé combien le sommet franco-italien qui a eu lieu hier à Lyon a été grand sommet.

Cet important sommet a permis d’intensifier les relations entre la France et l’Italie et de donner un cap à l’Europe. Il a permis de concrétiser les relations entre nos deux pays, notamment en les déclinant par des accords internationaux. Qu’il s’agisse de la défense, de la recherche ou des transports, nous avons pu échanger et prendre des décisions fondatrices.

L’accord confirmant l’engagement des deux pays pour la construction de la liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin est majeur.

D’abord parce qu’il fixe un cap et donne une ambition pour l’Europe : il n’est pas régional ou national, mais bel et bien européen puisque d’autres voies de communication en Autriche et en Suisse viennent compléter le schéma général des transports.

Ensuite parce qu’il est essentiel sur le plan de l’environnement ou de la conception des transports de demain, mais aussi sur le plan économique en raison de son impact en termes de croissance et de compétitivité.

Une fois en service, cette infrastructure permettra un report modal de la route au rail de près de quarante-deux millions de tonnes : près d’un million de poids lourds auront la possibilité de ne plus passer ni par le Mont-Blanc ni par Fréjus.

Pour mener cette vraie politique de transfert modal, un enjeu essentiel,…

M. François Rochebloine. Les Verts ne sont pas d’accord !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …nous avons avancé sur trois plans : la ratification nécessaire ; le financement, notamment la demande d’engagement de l’Union européenne à hauteur de 40 % ; les modalités de réalisation de ce chantier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et de plusieurs bancs du groupe SRC.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guénhaël Huet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Chaque jour qui passe voit augmenter le nombre de déçus de votre politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Les retraités qui, pour vous, sont des nantis et qui vont devoir payer une surtaxe.

Les travailleurs qui, pour vous, sont des nantis et dont vous avez fiscalisé les heures supplémentaires.

Les familles qui, pour vous, sont des nanties et qui vont désormais payer plus cher les emplois à domicile.

Les artisans, les commerçants, les petites et moyennes entreprises qui, pour vous, sont des nantis et qui subissent une augmentation de leurs charges.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, ce sont les automobilistes, qui ont cru à votre promesse démagogique et à celle du Président de la République de bloquer les prix de l’essence, qui vont déchanter.

Nous vous avions dit, à l’époque, rejoints par de nombreux économistes, qu’il s’agissait d’un système très artificiel et que, très rapidement, les prix à la pompe augmenteraient de nouveau. Vous annoncez aujourd’hui la fin de ce dispositif transitoire et, bien entendu, vous ne proposez rien d’autre.

Les masques tombent. Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres depuis six mois, vous avez fait preuve de démagogie et d’idéologie, sans doute pour donner des gages à vos alliés écologistes qui sont, il est vrai, de plus en plus critiques à votre endroit.

Les Françaises et les Français veulent des réponses concrètes à leurs problèmes concrets.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin abandonner la démagogie et l’idéologie, retrouver les vertus du réalisme et vous préoccuper des difficultés de notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, votre présentation, en introduction à votre question, me semble souffrir d’un excès de caricature. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il est incontestable que, dans l’effort de redressement nécessaire de nos finances publiques, il est davantage demandé à celles et ceux qui peuvent le plus qu’à d’autres.

Au demeurant, comment imaginer que ceux-là seraient épargnés par l’effort comme ce fut le cas au cours des dix dernières années avec la réforme fiscale de M. Copé en 2006, avec le paquet fiscal de M. Fillon en 2007 ? Nous avons vu que cette politique fiscale – qui consiste à permettre à ceux qui peuvent le plus de moins contribuer à l’effort national – échouait et qu’elle se doublait d’un profond sentiment d’injustice dans le pays.

D’ailleurs, vous avez fini par prendre conscience de cette injustice et par abroger tardivement ce fameux bouclier fiscal, adopté dans l’enthousiasme à l’unanimité de vos bancs, et de plus en plus mal assumé par la suite.

Cette année encore – grâce toujours à vos votes –, ce bouclier fiscal coûte près de 500 millions d’euros au budget de l’État, une somme financée par l’endettement.

M. Guénhaël Huet. Et l’essence ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Notre pays doit malheureusement souscrire cet endettement pour le rembourser ensuite avec les impôts de tous.

M. Guy Geoffroy. La question porte sur le prix de l’essence !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avec votre liste, monsieur le député, vous démontrez que les dettes que vous avez contractées durant les dix dernières années sont actuellement payées par les impôts de tous.

M. Philippe Armand Martin. Ce n’est pas la question !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Peut-être pourrais-je vous demander un peu de lucidité quand vous évoquez les efforts demandés aux Français, en prenant bien conscience que ces efforts-là sont nécessaires pour payer les dettes que vous avez contractées de manière bien imprudente en menant des politiques jamais financées.

Dans le cadre de l’examen des lois de finances initiales ou rectificatives, nous débattrons de chaque impôt et de chaque taxe. Un mot néanmoins, puisque vous évoquez les artisans et les commerçants, pour vous indiquer que la réforme que le Gouvernement a proposée fait près de 450 000 gagnants parmi ceux-ci.

M. Claude Goasguen. Le carburant !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ne les oubliez pas, lorsque vous décidez de présenter le bilan du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Scolarisation des enfants handicapés

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Ménard. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative.

Madame la ministre, ce 3 décembre, la journée internationale des personnes handicapées a permis de mettre en lumière les diverses politiques destinées à favoriser leur insertion dans la vie économique, sociale et politique. Vous-même étiez en déplacement dans le Nord, dans un établissement accueillant des élèves en situation de handicap.

C’est justement sur la question de la scolarisation des élèves en situation de handicap que j’aimerais attirer votre attention. Depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, les choses ont évolué positivement à l’école : de 190 000 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire en 2009, nous sommes passés à 227 000 en 2012.

Rapporteur pour avis du budget de l’enseignement scolaire, j’avais axé mon propos sur la scolarisation des enfants handicapés dans le premier degré et tiens à saluer les efforts financiers importants qui sont faits en leur direction. Ainsi, 1 500 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés dès la rentrée 2012 et en janvier 2013, 200 auxiliaires supplémentaires viendront s’ajouter aux 2 100 déjà en poste.

Néanmoins, à l’heure actuelle, trop d’élèves à besoins éducatifs particuliers ne sont pas scolarisés. En outre, la progression quantitative ne doit pas nous empêcher de nous poser la question de la qualité du processus de scolarisation de ces élèves – je pense à la formation des personnes chargées de s’assurer du bien-être et de l’inclusion de ces enfants en milieu ordinaire, les enseignants bien sûr mais aussi et surtout les accompagnants, EVS comme AVS.

Aussi souhaiterais-je savoir, madame la ministre, quelles actions concrètes sont en cours ou envisagées par votre ministère pour aller encore plus loin dans le sens de l’inclusion à l’école, et quelles réflexions sont engagées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Effectivement, la journée du 3 décembre est la journée internationale des personnes handicapées. Elle a été l’occasion d’échanger autour des situations de handicap, notamment à l’école. Elle revêt une dimension particulièrement importante, non seulement pour le symbole qu’elle incarne mais aussi et surtout parce qu’elle participe de l’évolution de notre société : elle nous aide à changer les regards sur cette situation.

J’ai passé la journée dans le département du Nord, auprès des élèves et des enseignants, afin de mettre en valeur ce qu’ils font pour l’inclusion des jeunes en situation de handicap dans nos écoles et nos établissements. C’est l’occasion pour moi de saluer le travail qui est fait par les équipes enseignantes, par les accompagnateurs et par tous ceux qui se battent pour que ces enfants puissent s’épanouir à l’école et pour que tous les enfants de l’école puissent savoir ce que c’est que de vivre ensemble quelle que soit sa situation.

Aujourd’hui, je le sais, la scolarisation des enfants en situation de handicap relève encore parfois du parcours du combattant. Nous en avons pleinement conscience et nous agissons pour que les choses s’améliorent. Notre objectif est d’offrir aux jeunes la solution la mieux adaptée.

Nous n’opposons pas les établissements médicosociaux et les établissements ordinaires : ces structures sont complémentaires. Elles ne répondent pas aux mêmes besoins. Chaque enfant doit pouvoir trouver une réponse adaptée à ses besoins spécifiques. Tel est d’ailleurs le rôle des Maisons départementales des personnes handicapées, qui orientent les élèves en situation de handicap vers la structure qui convient le mieux, école ou institut médicosocial.

Dès la rentrée dernière, nous avons donc avec Vincent Peillon créé des postes d’accompagnant. Nous mettons également des outils pédagogiques à la disposition des enseignants – j’ai pu voir hier un CD magnifique. Enfin, chaque établissement devra mettre en place un volet handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Zone des cinquante pas géométriques

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Ma question s’adresse à Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

En Martinique, la zone des cinquante pas géométriques représente plus de 1 000 hectares hors forêt domaniale, mais 3 500 avec cette forêt. Sur cette zone, plus de 15 000 constructions hébergent plus de 10 % de la population.

La loi du 31 décembre 1996 a créé pour dix ans des agences devant réguler et régulariser cette occupation, afin d’éviter tout accaparement illicite et toute anarchie incontrôlable. Mais les dossiers de demande de cession étaient déposés en préfecture, en sous-préfectures ou dans les mairies dotées d’un service de régularisation.

Devant l’ampleur de la tâche à accomplir, un délai de cinq ans renouvelable deux fois a été accordé par la LODEOM en 2009. Puis la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 a fait de l’agence des cinquante pas géométriques un guichet unique, avec des résultats probants : 432 dossiers traités en 2010, 650 en 2011 et plus de 750 en 2012.

Contre toute attente, cette même loi a limité ratione temporis le délai de dépôt des dossiers au 31 décembre 2012 et programmé la disparition de l’agence en 2013.

Avec 1 000 dossiers en instruction, 1 400 autres en bornage et 200 en cours d’évaluation, l’agence de Martinique a besoin de plusieurs années de travail supplémentaires, d’autant que ses missions ont été étendues à l’aménagement et à l’assainissement liés au mitage. Une prorogation du délai de dépôt et de la durée de vie de l’Agence paraît tout à fait justifiée.

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. À question claire, réponse brève et directe : oui, le Gouvernement est favorable à la prolongation de la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques pour deux années supplémentaires après le 31 décembre 2013, ainsi qu’à la prorogation pour la même durée du délai de dépôt des demandes de régularisation. Le Gouvernement soumettra les amendements appropriés à l’Assemblée nationale au cours du premier trimestre 2013.

Nous devons clarifier le paysage institutionnel.

M. Guy Geoffroy. Il en a besoin !

M. Victorin Lurel, ministre. Dans le même temps en effet, d’autres institutions ont été créées, notamment les établissements publics fonciers locaux, qui peuvent remplir la même mission.

Par ailleurs, le Gouvernement est tout à fait disposé à modifier l’article 35 de la LODEOM, la loi d’orientation pour le développement économique des outre-mer, afin de créer un groupement d’intérêt public chargé d’une mission de « titrement » dans le but de reconstituer les titres de propriété et de combattre le fléau de l’indivision. Je saisirai très bientôt avec ma collègue Cécile Duflot le Conseil général de l’environnement et du développement durable pour une expertise.

Liaison Lyon-Turin

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Sophie Dion. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. À l’occasion du trentième sommet bilatéral qui s’est tenu hier à Lyon, la France et l’Italie ont confirmé l’intérêt stratégique du projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin.

La réalisation de ce grand projet contribue à construire l’Europe des transports, à augmenter la compétitivité, et à relancer l’économie par les grands travaux. Cette liaison frontalière transalpine contribuera aussi à protéger l’arc alpin de la pollution qui, dans certaines vallées, a des conséquences graves sur l’environnement et devient un réel problème de santé publique, car personne ne conteste qu’il soit écologique de sortir les camions des vallées alpines,…

M. Noël Mamère. Ce n’est pas cela le problème.

Mme Sophie Dion. …tout en reliant deux grands pôles économiques que sont Rhône-Alpes et le Piémont-Lombardie. D’ailleurs, les élus de votre majorité socialiste,…

M. Jean-Paul Bacquet. Excellents élus socialistes !

Mme Sophie Dion. …à commencer par le président de la région Rhône-Alpes, le maire de Lyon et la plupart des élus de notre assemblée, se sont réjouis des avancées conclues hier entre François Hollande et Mario Monti. Pourtant, les membres d’Europe Écologie-Les Verts, membres de votre majorité, s’y opposent.

Monsieur le Premier ministre, vous connaissez l’importance des grands projets comme celui de Notre-Dame-des-Landes.

M. Jean-Paul Bacquet. Le Premier ministre a raison !

Mme Sophie Dion. Pouvez-vous assurer que vous saurez surmonter cette nouvelle forme d’opposition au sein même de votre majorité pour permettre la réalisation de cette liaison ferroviaire hautement stratégique entre la France et l’Italie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Merci, madame la députée, de souligner l’importance de la décision prise et partagée. Merci de souligner le rôle du Président Monti et du Président François Hollande dans l’orientation prise par l’Europe en matière de grands chantiers, de grands travaux. Merci aussi de souligner la cohérence de la politique du Gouvernement, la cohérence d’une politique des transports renouvelée, ayant pour enjeu à la fois l’aménagement du territoire – vous en avez aussi souligné l’intérêt – et les transferts modaux dans le cadre européen.

Nous allons en effet, grâce à cette grande liaison, gagner plus d’une heure et demie sur le trajet entre Lyon et Turin.

Nous allons – je vous ai donné les chiffres – faire en sorte que 42 millions de tonnes de marchandises puissent être transportées par voie ferroviaire plutôt que par la route.

M. François Rochebloine. Qu’en pense Mme Duflot ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous allons faire en sorte que les problèmes de pollution rencontrés dans les vallées alpines, des problèmes extrêmement sensibles, puissent être réglés de la sorte, que la question de la sécurité, qui fut l’enjeu de mes échanges avec mon homologue Mario Ciaccia, puisse, s’agissant des infrastructures, être traitée de concert.

C’est un enjeu majeur, vous le disiez,…

M. François Rochebloine. Et les Verts, alors ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …et il n’est point nécessaire de tenter quelque artificiel rapprochement. Il y a la volonté, sous l’impulsion, donnée par M. le Premier ministre, par son gouvernement, de faire en sorte que ces infrastructures puissent à la fois répondre au problème de la compétitivité nationale, donner de la force et de la croissance et, finalement, faire que l’Europe soit synonyme à la fois d’espoir et d’avenir pour les générations qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Nous n’avons pas de réponse !

Sida

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Chère Marisol Touraine, le virus du SIDA continue à faire des ravages dans notre pays. Chaque année, on dénombre 7 000 nouveaux cas d’infection par le VIH. Dans le même temps, on estime que 30 000 personnes seraient porteuses de la maladie, alors même qu’elles ignorent leur séropositivité. En France, 150 000 personnes vivraient avec le SIDA.

Ces chiffres sont impressionnants, mais ils ne disent rien de la souffrance des patients. Ils n’expriment pas les bouleversements qu’entraîne la maladie ni les difficultés que rencontrent les patients sous traitement dans leur vie quotidienne.

La crise économique que nous connaissons ne doit pas reléguer au second plan les priorités de santé publique. La Journée mondiale de lutte contre le SIDA, ce samedi 1er décembre, a été l’occasion de rappeler qu’il est important de rester mobilisé, sans relâche, j’y insiste. Depuis le début de l’épidémie, notre pays est en première ligne et nous pouvons être fiers du travail conduit dans le domaine de la prévention, de la prise en charge des malades et de notre soutien aux associations. Nous devons continuer à mener cette bataille dans la durée, car il ne manque plus grand-chose pour que les générations qui nous suivront ne connaissent plus ce fléau.

Madame la ministre, à Washington, le 25 juillet dernier, vous déclariez que l’éradication du SIDA n’était peut-être plus une utopie. Ma question est donc la suivante : quelle stratégie proposez-vous pour aller plus loin et lutter efficacement contre le SIDA ? Je vous remercie.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Danièle Hoffman-Rispal, vous avez raison de souligner que la bataille contre le SIDA doit être poursuivie avec volonté et ténacité. Je veux d’ailleurs saluer votre action et la persévérance dont vous faites preuve en ce domaine.

Vous avez raison de souligner que le SIDA n’est pas une maladie du passé. Malgré d’importants progrès de la recherche, à laquelle le Président de la République a lui-même rendu hommage en allant inaugurer en personne, il y a quelques jours, un bâtiment Françoise Barré-Sinoussi à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, malgré des progrès des soins et des thérapies, il nous faut faire preuve d’une vigilance toujours affirmée.

C’est la raison pour laquelle j’ai indiqué que l’action du Gouvernement se déploierait sur deux fronts principaux.

Le premier est celui de la prévention et de l’information. Depuis vendredi dernier, une campagne publicitaire, avec des films, a été lancée pour rappeler qu’il faut se protéger, utiliser le préservatif. Nous devons en particulier nous adresser aux plus jeunes de nos concitoyens.

Le second front, sur lequel nous devons redoubler d’énergie, est celui du dépistage, du dépistage rapide et de la généralisation des dépistages, en particulier au sein des populations dont nous savons qu’elles sont malheureusement le plus à risque, c’est-à-dire les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les populations venant de pays où le virus est largement répandu. À cet effet, le Gouvernement maintient son soutien et ses financements en faveur des associations, auxquelles il faut rendre hommage et sans lesquelles nous ne pourrions pas travailler.

Madame la députée, je vous assure de la volonté et de l’engagement sans faille du Gouvernement à lutter contre la maladie du sida. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances rectificative
pour 2012 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 403, 465).

Seconde partie (suite)

Mme la présidente. À la demande du Gouvernement, nous allons examiner les amendements nos 4 rectifié, 66, 391, 5 rectifié et 93, portant articles additionnels après l’article 24.

En conséquence, les articles 11 à 24 et les autres amendements portant articles additionnels après l’article 24 sont réservés.

Après l’article 24

Mme la présidente. Les amendements no 4 rectifié, présenté par le Gouvernement et n° 66, présenté par Mme Dalloz, peuvent être soumis à une discussion commune.

Après la présentation de ces deux amendements, l’avis du rapporteur général et du président de la commission des finances – ainsi que du Gouvernement sur l’amendement n° 66 –, et les éventuelles interventions d’autres orateurs, nous examinerons une série de sous-amendements portant sur l’amendement n° 4 rectifié du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour soutenir l’amendement n° 4 rectifié.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, l’objectif du Gouvernement est de renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire : c’est ce à quoi nous travaillons depuis six mois, et ce qui va nous mobiliser à présent avec cet amendement n° 4 rectifié.

Il est évidemment très important : Nous agissons pour soutenir la croissance en France, et nous le faisons en remettant en ordre nos finances publiques, car c’est une condition essentielle au retour d’une croissance plus équilibrée et plus durable. Nous soutenons la croissance en réformant en profondeur le financement de l’économie : tel est le sens du vote par votre assemblée, la semaine dernière, du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement – un vote insuffisamment souligné. Par ailleurs, avant la fin du mois de décembre, je présenterai lors du Conseil des ministres un projet de réforme bancaire. Enfin, nous soutenons la croissance à travers le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, dont nous discutons aujourd’hui la première mesure.

Le choix du Gouvernement d’introduire le dispositif de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dès le collectif budgétaire de fin d’année ne répond qu’à une seule exigence : l’urgence d’agir. Les premières traductions du pacte de compétitivité devaient être immédiates, afin d’assurer la visibilité nécessaire pour les entreprises : le crédit d’impôt va redonner aux entreprises les moyens de redresser la compétitivité de la production française et de soutenir l’emploi.

J’insiste sur un point : il s’agit làd’une mesure de soutien conjoncturel, car le crédit d’impôt aura un effet dès 2013 sur les comportements des entreprises, mais tout autant une réponse structurelle au problème de compétitivité-coût de l’économie française, qui, sans être son seul problème, ne peut non plus être ignoré ni minimisé.

Entendons-nous d’abord sur le diagnostic : l’économie française a-t-elle un problème de coût du travail ? Le rapport Gallois a répondu que, dans l’industrie manufacturière, le niveau du coût du travail est identique en France et en Allemagne, à l’exception de certains secteurs où l’Allemagne bénéficie d’un net avantage – c’est le cas de l’industrie agro-alimentaire. En revanche, l’écart de coût est particulièrement net dans les services.

M. Marc Le Fur. Vous le reconnaissez enfin ! Cela vous aura tout de même demandé six mois !

M. Pierre Moscovici, ministre. En dix ans, les coûts salariaux unitaires en France ont évolué comme dans le reste de la zone euro : en fait, c’est l’Allemagne qui est hors norme. De ce point de vue, le rapport Gallois met en évidence le fait qu’il y a eu une dégradation.

Au-delà des problèmes de coût, d’autres facteurs, tout aussi importants, sont également en jeu : le positionnement de moyenne gamme de la France sur les marchés mondiaux la rend vulnérable à la concurrence par les prix ; la recherche, l’innovation et la formation sont mal articulées avec l’industrie ; les flux de financement sont mal orientés vers le tissu industriel ; les solidarités industrielles ou territoriales sont insuffisantes, de même que le dialogue social – que Michel Sapin s’efforce actuellement de restaurer.

Le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi vise à traiter toutes ces dimensions. Dans ce contexte, le crédit d’impôt vise à répondre au problème de compétitivité-coût. J’en viens maintenant au détail et aux paramètres du dispositif.

La première question est celle du champ des entreprises éligibles. Le Gouvernement a souhaité que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi bénéficie à toutes les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel et soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, quel que soit le mode d’exploitation de ces entreprises – entreprises individuelles, sociétés de personnes, sociétés de capitaux, et caetera – et quelle que soit la catégorie d’imposition à laquelle elles appartiennent, dès lors que ces entreprises emploient du personnel salarié. Les employeurs non soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu et les entreprises n’ayant pas de salariés en sont donc a priori exclus.

La seconde question est celle du taux du crédit d’impôt. Comme annoncé par le Premier ministre, le crédit d’impôt sera égal à 6 % de la masse salariale brute supportée au cours de l’année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 fois le SMIC. La fourchette ainsi définie touche 85 % des salariés – 83 % dans l’industrie –, ce qui permet de répondre à la fois au problème de la création d’emploi et au problème de la compétitivité.

La troisième question est celle des modalités d’imputation. Nous avons fait le choix, par souci de simplicité et d’efficacité, de retenir exactement les mêmes règles que pour le crédit d’impôt recherche. Ces règles étant bien connues des entreprises, nous parviendrons ainsi plus facilement à sécuriser et à ancrer les anticipations en matière d’embauches et d’investissements.

Une autre question est celle du préfinancement. Pour s’assurer que les effets jouent à plein dès l’an prochain, un mécanisme de préfinancement sera mis en place en 2013 et mis à disposition des entreprises pour améliorer immédiatement leur situation de trésorerie. Afin de s’assurer que toutes les entreprises peuvent en bénéficier, un adossement à une garantie de la BPI nouvellement créée permettra de faciliter l’obtention de ce préfinancement.

Une question tout aussi essentielle est celle du financement du dispositif. Comme vous le savez, il reposera pour moitié sur des économies supplémentaires en dépenses – dix milliards d’euros – et pour moitié sur des recettes : une réforme de la TVA par modulation des taux à compter du 1er janvier 2014 et une nouvelle fiscalité écologique dont le rendement atteindra trois milliards d’euros. La réforme de la TVA est également introduite par amendement – j’y reviendrai le moment venu.

Au total, le crédit d’impôt sera favorable à la fois à la compétitivité et à l’emploi. D’après les modèles dont nous disposons, il pourrait permettre de créer 300 000 emplois à horizon 2017. Les PME, fer de lance de notre économie, seront particulièrement concernées par ce dispositif. Le crédit d’impôt sera, enfin, doublement favorable à l’industrie : d’une part, dans la mesure où l’industrie percevra plus de 20 % du bénéfice de la mesure, d’autre part, car les services contribuent à l’industrie.

Le dispositif que nous avons conçu est un crédit d’impôt à l’impôt sur les sociétés. Ce choix a le mérite de l’efficacité et de la simplicité. Cela signifie aussi que le périmètre de la mesure ne coïncide pas en tout point avec celui des allégements de cotisations sociales. Ainsi, en sont exclus les administrations publiques, l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics administratifs et les hôpitaux. Ce choix peut donner lieu à débat, et j’entends les préoccupations qui se sont exprimées dans les rangs de la majorité sur les différences de traitement qui pourraient en résulter, notamment entre les hôpitaux publics, hors champ du CICE, et les cliniques privées.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! Tout le secteur médico-social est concerné !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous répondrons à ces préoccupations dans le cours du débat. Il ne faut pas perdre de vue la limite financière des efforts auxquels nous pouvons consentir – en l’occurrence, 20 milliards d’euros.

Un autre secteur qui ne bénéficiera pas du crédit d’impôt est celui des organismes non lucratifs. Dans la mesure où ce secteur est un gisement d’emplois et, au travers de l’économie sociale et solidaire, un moteur de la croissance, je comprends la volonté exprimée par certains, dans la majorité, d’adopter une mesure complémentaire qui puisse bénéficier au secteur associatif. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement triplant l’abattement de taxe sur les salaires en faveur des associations. En portant cet abattement de 6 000 euros par an à 20 000 euros par an, l’amendement allège significativement l’impôt pesant sur 40 000 employeurs associatifs.

Avant de conclure, je voudrais insister sur un dernier point, et non des moindres, à savoir la question des contreparties. C’est pourquoi Michel Sapin siège à mes côtés. Je m’adresse en particulier aux députés de la majorité : je veux les assurer du fait que le Gouvernement partage le souci que le produit du crédit d’impôt soit utilisé pour l’emploi, l’investissement, le développement des entreprises, et non à augmenter des rémunérations des dirigeants ou à verser des dividendes. Il y aura des mécanismes de suivi, mais aussi des contreparties demandées en termes de gouvernance des entreprises et de rémunération des dirigeants – domaine dans lequel on constate parfois des excès insupportables. Par ailleurs, en ce qui concerne le marché du travail, nous souhaitons que les entreprises participent pleinement aux négociations en cours sur la sécurisation de l’emploi, afin d’aboutir à des avancées significatives.

Sur ces sujets importants, le Gouvernement a fait le choix de la simplicité, de la rapidité et de l’efficacité. Soucieux de justice, il souhaite des contreparties. C’est en ayant à l’esprit ces préoccupations que je vous demande d’examiner cet amendement hors du commun qu’est l’amendement n° 4 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 66.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je comprends la préoccupation qui a conduit le Gouvernement à mettre en œuvre ce dispositif. Je l’ai dit hier soir dans le cadre de la discussion générale, il est urgent de répondre aujourd’hui à la problématique de nos entreprises. L’amendement n° 66 vise à intégrer au dispositif les entreprises imposées au bénéfice réel – ce qui est le cas des entreprises agricoles dont nous avons très peu parlé. Il propose surtout une mise en œuvre dès le 1er janvier 2013 du crédit d’impôt, qui serait fondé sur la déclaration annuelle des données sociales, la DADS, de 2012.

Je l’ai répété maintes fois hier : l’urgence nous impose de réagir de manière forte, et maintenant. Vous me dites que les entreprises pourront nantir auprès de leur établissement bancaire le crédit d’impôt éventuellement imputable au titre de 2013 qui sera décompté en 2014. Certes, mais vos critères n’étant pas suffisamment lisibles, les entreprises pourraient bien n’avoir aucune vision et donc aucune possibilité de discussion avec leur établissement bancaire avant 2014. C’est un risque lourd que nous leur faisons courir, me semble-t-il. C’est pourquoi je propose une mise en œuvre du crédit d’impôt dès 2013. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. J’ignore le temps qui m’est imparti, madame la préside nte, pour répondre à une telle question. Monsieur le ministre, l’amendement du Gouvernement est important. Nous en partageons évidemment l’esprit, pour deux raisons. La première, c’est que vous avez fort opportunément mis en place un dispositif qui n’affecte pas le budget de l’État en 2013. Compte tenu de sa structuration et des efforts collectivement demandés aux grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, il aurait été hasardeux que ces mesures pèsent sur le budget 2013. La seconde raison, c’est que vous avez déconnecté cette question de celle du financement de la protection sociale, lequel concerne aussi, et au premier chef, les partenaires sociaux. Ce débat ne me semble pas suffisamment mûr pour être traité dans l’urgence.

Mais l’urgence existe, et vous avez décidé de nous imposer cet exercice dès la loi de finances rectificative. Indépendamment du fait que nous approuvons globalement l’esprit de l’amendement, un certain nombre de points restent ouverts à la discussion. Le Gouvernement a fait le choix – cela lui a été réclamé – de la simplicité, en fixant une assiette large. Nous aurions préféré un ciblage sur les activités de type industriel, probablement plus sensibles à la concurrence internationale. Il est vrai que des difficultés techniques, d’ordre constitutionnel ou ayant trait à la compatibilité européenne rendaient difficile un tel ciblage. Mais tant qu’à choisir une assiette large, il ne faudrait pas que certains secteurs soient oubliés ou « livrés » à une concurrence ou à un traitement qui manquerait d’équité.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ainsi, vous écartez du dispositif, tel qu’il est prévu par l’amendement, l’ensemble du secteur de l’économie sociale et solidaire, notamment les associations, les mutuelles, les coopératives, les fondations. Ce secteur, important pour l’emploi, se trouve parfois en concurrence avec le secteur privé, qui, lui, bénéficiera du CICE. Cette question reste en suspens et n’a pu être traitée aussi finement que nous l’aurions souhaité en commission.

M. Charles de Courson. Comme c’est bien dit !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous débattrons de sous-amendements qui portent sur ce sujet.

Je pense aussi aux établissements de santé, qui ne sont pas seulement sanitaires mais aussi médico-sociaux.

M. Philippe Vigier. Le rapporteur général a raison !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Dans le secteur privé, certains établissements sont gérés de façon lucrative – ce n’est pas un péché, je le constate simplement – d’autres sont gérés par des associations à but non lucratif. Il serait incompréhensible que ces établissements, qui font le même métier et se concurrencent parfois, ne soient pas traités de la même façon.

J’ai bien entendu la réponse qui m’a été apportée en commission et que vous venez de donner à l’instant. La solution proposée par le Gouvernement, qui consiste à jouer sur la tarification des établissements, n’est pas complètement satisfaisante, monsieur le ministre.

M. Philippe Vigier. Tout à fait.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Certes, la tarification est différente selon que l’hôpital est public ou privé, mais la tarification pour les hôpitaux privés gérés par des associations à but non lucratif est la même que celle pour les établissements gérés par des entreprises à but lucratif. Je ne vois pas très bien comment vous ou votre collègue ministre des affaires sociales et de la santé pourrez corriger la distinction qu’introduira le CICE dans un même secteur, pour une même activité. Il faut que nous trouvions des solutions, faute de quoi tout un champ de la mesure se trouvera déséquilibré.

Restent des questions marginales, que la discussion parlementaire et les propos que vous tiendrez dans l’hémicycle, monsieur le ministre, permettront d’éclairer. On me signale par exemple le cas de La Poste, qui bénéficierait du CICE pour une partie des salaires seulement, puisqu’à lire votre amendement, il semblerait que les salaires des personnels ayant statut de fonctionnaires de l’État soient écartés du calcul du CICE. La Poste, notamment de par ses activités bancaires, appartient pourtant, là encore, au secteur concurrentiel.

Comme vous le voyez, messieurs les ministres, il existe beaucoup de questions auxquelles la discussion et le travail parlementaire devront apporter des réponses. Je vous remercie de ne pas m’avoir interrompu, madame la présidente.

Enfin, il me semble que le Gouvernement devrait éclairer et préciser les dispositions qu’il entend mettre en œuvre pour que les entreprises, notamment les plus petites, puissent bénéficier rapidement des liquidités que pourrait leur apporter le CICE – Mme Dalloz y a fait référence. Nous devons effectuer un important travail de précision, messieurs les ministres. Nous y sommes parfaitement prêts et déterminés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je solliciterai de votre part, madame la présidente, la même indulgence que celle dont vous venez de faire preuve à l’égard du rapporteur général.

Monsieur le ministre, vous venez de nous présenter, de façon très concise mais surtout lapidaire, un amendement gouvernemental à 20 milliards d’euros.

M. Charles de Courson. C’est historique !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous ai demandé, il y a déjà trois semaines, de recourir, pour un dispositif d’une telle importance, à une procédure de lettre rectificative. Pourquoi ? La lettre rectificative s’accompagne d’une étude d’impact et elle est délibérée en conseil des ministres. Ce que vient de dire le rapporteur général ne fait que renforcer ma conviction qu’une réflexion de fond est absolument nécessaire.

M. le ministre vient de nous présenter un crédit d’impôt destiné aux entreprises du secteur concurrentiel et soumises notamment à des problèmes de compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. M. le rapporteur général ne nous a parlé que du secteur non concurrentiel. La question, pour lui, est donc d’abord une question d’emplois dans le secteur public abrité. Pour vous, monsieur le ministre, le CICE semble s’adresser d’abord aux entreprises, en particulier aux entreprises industrielles.

Je veux vous poser quelques questions. La première porte sur le schéma budgétaire. Pouvez-vous nous en confirmer les grands principes ? En 2014, le crédit d’impôt atteindra un coût de 10 milliards d’euros.

M. Charles de Courson. 13 milliards !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En 2015, le coût sera porté à 15 milliards et en 2016, à 20 milliards environ. Est-ce le schéma ? Nous n’en savons rien à ce jour.

Face à cette dépense budgétaire, absolument considérable, les recettes seraient tirées dès 2014 d’une réforme de la TVA, pour une somme de 7 milliards.

M. Charles de Courson. 6,4 milliards.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pouvez-vous le confirmer ? Par ailleurs, vous prévoyez 5 milliards d’économies budgétaires, dont il faut absolument que vous nous disiez de quelle nature elles seront. En 2015, apparaît une fiscalité écologique, dont le rendement devrait atteindre 2 à 3 milliards – nul ne sait. Il est de votre responsabilité de nous indiquer quelle sera la nature de cette fiscalité écologique.

Tout un ensemble de questions se posent. Je ne vous parlerai, pour ma part, que de notre industrie.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission. Notre secteur automobile est à l’agonie et il faut se réjouir que vous ayez enfin pris conscience du problème de compétitivité auquel sont confrontées nos entreprises.

M. Marc Le Fur. Il aura fallu six mois !

M. Gilles Carrez, président de la commission. Première question : vous avez choisi une plage allant de 1 à 2,5 SMIC pour calibrer le crédit d’impôt. Cela permet-il vraiment de soutenir notre industrie ?

M. Jean-François Mancel. Non !

M. Gilles Carrez, président de la commission. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage de cet effort considérable – 20 milliards d’euros – ira aux entreprises soumises à la concurrence internationale ?

Mme Dalloz, en présentant son amendement, a souligné un point d’une importance extrême. Elle a rappelé que pour aider les entreprises en grande difficulté et soumises à la concurrence, il fallait mettre en place, au moins en trésorerie, ce crédit d’impôt dans les plus brefs délais. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos interventions lors de l’examen du projet de loi sur la banque publique d’investissement, la BPI. Vous avez indiqué que celle-ci serait susceptible, à travers Oséo, de se porter garante d’un mécanisme de refinancement auprès des banques.

Comment les créances pourront-elles être sûres et certaines dès le début de l’année prochaine si elles sont conditionnées par tout un ensemble de considérations, qui résulteront notamment des amendements adoptés par la majorité à la commission des finances ?

De surcroît, ces créances seront fondées sur des éléments comptables de l’année 2013, alors qu’il serait infiniment plus simple de les fonder sur ceux de l’année 2012, qui figurent dans la DADS.

M. Marc Le Fur. Bien évidemment !

M. Gilles Carrez, président de la commission. Nous souhaitons que ces créances puissent venir en aide aux entreprises le plus rapidement possible.

Je me pose également des questions sur la montée en régime, car les chiffres ne coïncident pas. Il faut que vous répondiez précisément, monsieur le ministre. Pour un coût de 10 milliards d’euros en 2014…

M. Charles de Courson. 13 milliards !

M. Gilles Carrez, président de la commission. … le crédit d’impôt sera égal à 4 % de la masse salariale brute pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. Ce taux sera porté à 6 % en 2015, pour un coût qui n’est pas proportionnel. Il est donc possible que le montant prévu pour 2014 ne soit pas de 10 milliards mais de 13 milliards d’euros. Vous conviendrez qu’il est très désagréable, sur des montants aussi importants, de ne pas disposer des éléments de calibrage de la mesure.

Par ailleurs, s’agissant de l’étude d’impact, il est indispensable que vous nous éclairiez sur le volet TVA. L’opposition est en effet beaucoup plus préoccupée par le sort des entreprises exposées à la concurrence que par celui des entreprises du secteur public abrité.

Dans l’ étude d’impact que vous avez bien dû mener, vez-vous analysé la proportion de produits importés qui font concurrence, par exemple dans le secteur automobile, aux produits de fabrication française et relèvent du taux normal ? Ce sont avant tout les services et les marchandises taxés au taux réduit qui vont subir une majoration, et la mesure de compensation va surtout aggraver la TVA sur les biens et services non délocalisables, alors que sur les produits qui subissent la concurrence des importations et pour lesquels le crédit d’impôt doit représenter un ballon d’oxygène la TVA restera inchangée.

Autrement dit, et j’en termine, il aurait fallu une étude d’impact pour que le Gouvernement et la majorité se mettent d’accord.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Car, si le Gouvernement prend enfin conscience – mieux vaut tard que jamais – de la gravité extrême de la situation économique et de l’ampleur des destructions d’emploi – 50 000 chômeurs de plus par mois, pour l’essentiel dans nos entreprises exposées à la concurrence ! – et en fait un sujet prioritaire, on a le sentiment que, pour la majorité, la vraie question est surtout d’étendre ce crédit d’impôt au secteur coopératif, au secteur public, aux hôpitaux… bref, aux secteurs à l’abri de la concurrence.

M. Pascal Terrasse. C’est le contraire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Dites-nous donc quel est l’objectif de ce crédit d’impôt : s’agit-il d’aider nos entreprises ou d’aider le secteur public ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je suis un peu étonné des propos du président de la commission des finances : c’est Dr Jekyll et Mr Hyde ! Après avoir expliqué en commission que le crédit d’impôt, c’était très bien, le voici qui nous promet en séance, sans doute pour satisfaire l’opposition, tous les malheurs du monde. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Par rapport à l’allègement des cotisations, le crédit d’impôt est un choix excellent, pour deux raisons. La première, c’est qu’un allègement de cotisations, financé par des transferts sur les ménages, aurait pesé sur la consommation et la demande dès 2013.

M. Charles de Courson. Et la TVA ?

M. Pierre-Alain Muet. Mes chers collègues, faire de la politique économique, c’est faire de la politique subtile, qui tienne compte de la conjoncture ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Et la subtilité, c’est précisément de faire en sorte qu’on ne touche pas aux revenus et à la consommation des ménages en 2013, ce qui est le cas de ce crédit d’impôt.

Le second avantage évident de ce crédit d’impôt, c’est qu’on en connaît le montant pour chaque entreprise et qu’il peut donc être suivi.

La grande innovation de ce gouvernement, c’est qu’au lieu de poser des conditions dans la loi, il renvoie à la négociation. En effet, on connaît la faiblesse de la négociation dans notre pays, alors que, comme le rappelle le rapport Gallois, la qualité de la négociation sociale est un facteur de compétitivité.

Le crédit d’impôt va donc faire l’objet d’une négociation, en vue de laquelle nos amendements vont suggérer des lignes directrices et indiquer les directions à éviter ou celles vers lesquelles nous souhaitons aller. Faire en sorte que les partenaires sociaux se saisissent ainsi du crédit d’impôt est une vraie révolution de la part du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. C’est de l’idéologie pure !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il est bien que le Gouvernement se soit emparé de cette question, mais la réponse apportée est très moyenne, et nous continuons à nous demander, monsieur le ministre, ce que vous voulez vraiment.

Sur ce sujet d’intérêt national, qui pourrait être un sujet d’unité nationale, tant l’enjeu est important, nous pourrions, nous pouvons, vous accompagner si toutefois nous savions plus clairement où vous voulez aller.

M. Marc Le Fur. Le savent-ils eux-mêmes ?

M. Hervé Mariton. Le coût de votre amendement de quatre pages est de vingt milliards d’euros, soit cinq milliards la page. Or nous n’avons pas d’étude d’impact, et il règne la plus grande confusion quant au gage. En dépit des discussions en commission, nous n’avons toujours pas compris la nature réelle des économies proposées ni comment elles se décomposent. Il est question de cinq milliards la première année, puis de cinq milliards la seconde année, mais ces cinq milliards se cumulent-ils avec ceux de l’année précédente pour une économie totale de dix milliards d’euros la deuxième année, où s’agit-il chaque fois d’un fusil à un coût, pour un montant de cinq milliards ? Ce n’est pas du tout la même chose, et nous n’avons toujours pas la réponse !

De même, en 2016, les dix milliards de coût s’ajoutent-ils aux dix milliards des années précédentes ou s’agit-il d’un coût global, et qu’en est-il pour les années ultérieures ? Ce n’est pas une mince affaire, si nous voulons comprendre la physionomie d’avenir de nos dépenses publiques.

S’agissant du ciblage sectoriel, nous l’approuvons plutôt. En effet, nous pouvons nous accorder sur le fait que l’enjeu de compétitivité concerne essentiellement le secteur concurrentiel. Quel que soit l’intérêt qu’on porte au secteur public ou à l’économie sociale et solidaire, ils ne sont pas au cœur de notre sujet, qui est notre compétitivité internationale.

Cependant en choisissant de retenir uniformément les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC, vous ne ciblez pas forcément ceux qui mériteraient le plus l’aide de ce dispositif dans le secteur concurrentiel.

La conditionnalité de l’aide, quant à elle, m’inquiète beaucoup. En effet, vous avez beau dire que l’aide ne sera pas conditionnelle pour paraître rassurants et convaincre de l’efficacité de votre dispositif, vous promettez à votre majorité qu’il y aura bien des critères d’attribution. Mais quelle est la différence entre des conditions et des critères ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Les unes sont a priori, les autres a posteriori !

M. Hervé Mariton. Il n’y a pas de demi-mesure : soit vous leurrez votre majorité, soit les entreprises se verront imposer des critères – conditions qui ne diraient pas leur nom – qui rendront le dispositif extrêmement fragile.

Mme la présidente. Monsieur Mariton, s’il est normal que le rapporteur général et le président de la commission des finances dépassent leur temps de parole, ce n’est pas le cas pour les autres intervenants, et il vous faut conclure.

M. Hervé Mariton. Je conclus, madame la présidente. S’agissant enfin des garanties que vous allez demander à la BPI d’apporter, je me permets de penser que vous faites là un choix de gouvernance extrêmement critiquable, qui fragilise l’outil que vous vous apprêtez à créer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Le dispositif du crédit d’impôt qui nous est proposé n’est ni plus ni moins qu’un dispositif qui s’inscrit dans le mouvement libéral…

M. Hervé Mariton. Quelle horreur !

M. Nicolas Sansu. …qui, depuis plus de deux décennies, conduit à transférer des prélèvements des entreprises vers les ménages, et le décalage d’un an n’y change pas grand-chose.

Or cette recette est éculée : la multiplication des exonérations fiscales et sociales, la compression du pouvoir d’achat n’ont jamais eu de résultat positif sur la croissance, l’emploi ou la santé de nos entreprises, et l’on constate depuis dix ans la faillite de cette politique d’inspiration néolibérale.

Si elle n’a pas eu d’effet positif, c’est tout simplement que la valeur ajoutée, les richesses produites ont été de plus en plus accaparées par le capital, au détriment des salaires, de l’emploi et de l’investissement productif. Faut-il rappeler en effet qu’en trente ans les dividendes versés ont été multipliés par 20, alors que les salaires ne l’ont été que par 3,6 ?

Personne ne nie que certains secteurs, notamment l’industrie, directement confrontés à la concurrence internationale, connaissent des problèmes spécifiques. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas envisager un dispositif modulé, qui incite à l’emploi et à l’investissement productif mais pénalise la spéculation et la mainmise des marchés financiers, un dispositif qui n’obligerait pas à trouver vingt milliards d’euros de financement ?

Tous les secteurs concurrentiels n’ont pas besoin de cette aide : je suis désolé, mais les banques et les assurances n’ont pas besoin d’être aidées. Nous saluons d’ailleurs l’amendement Cherki, qui vise à ce que les entreprises du CAC 40 ayant fait 70 milliards de bénéfices cette année ne puissent pas verser quarante milliards de dividendes et bénéficier de ce crédit d’impôt.

En juillet dernier, lors du collectif budgétaire, toute la gauche s’était retrouvée pour contrer un dispositif qui procédait de la même inspiration, à savoir une baisse des cotisations contrebalancée par une hausse de la TVA. Je ne rappellerai pas ici les propos du ministre du budget et de certains de nos collègues, qui s’opposaient avec raison à ce dispositif. Aujourd’hui, la gauche ferait fausse route en acceptant ce marché de dupes, qui place les salariés des entreprises en situation de faiblesse pour aborder les négociations.

J’ajoute que j’ai apprécié les propos du rapporteur général, car, aujourd’hui, il y a peut-être un secteur à cibler mais il y a aussi des secteurs qu’il ne faut pas forcément aider. C’est pourquoi, en cohérence avec notre position du mois de juillet, nous voterons contre le dispositif CICE-TVA. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous, les centristes, qui nous battons depuis plus de dix ans pour persuader nos concitoyens et nos collègues parlementaires qu’il faut baisser les charges sociales patronales et les compenser par une hausse de la TVA, voire de la CSG, nous ne pouvons que nous réjouir qu’enfin une partie de la gauche commence à bouger sur ce sujet et prenne peu à peu conscience que le problème central, c’est la compétitivité des entreprises : il n’y aura pas de croissance de l’emploi en France si nos entreprises ne sont pas compétitives.

Hélas, les deux amendements du Gouvernement créant ce crédit d’impôt nous posent sur la forme et sur le fond des problèmes majeurs. Sur la forme d’abord, il n’est pas excessif de parler d’amateurisme. Aucune étude d’impact, une promesse de dialogue social mais aucun dialogue : on crée une commission nationale pour réfléchir sur la réforme du financement de la protection sociale, et l’on se présente un beau matin avec des amendements à vingt milliards, qui préjugent en fait de la discussion et du dialogue social !

Qu’on se reporte à l’exposé des motifs : trente-huit lignes pour vingt milliards, ce qui fait cinq cents millions d’euros la ligne ! (Sourires sur les bancs des groupes UDI et UMP.) C’est l’amendement le plus énorme que j’ai jamais vu depuis vingt ans que je siège dans cette noble assemblée. Cinq cents millions la ligne et aucune étude d’impact ! Et tout cela dans la plus grande improvisation !

Plus grave, le fond est contestable. On pourrait parler d’une forme de brouillage épistémologique, comme on disait lorsque l’époque s’intéressait à la philosophie. Je passe sur le fait que le Gouvernement fait l’inverse de ce qu’il avait promis. Souvenez-vous de la déclaration du Premier ministre : jamais nous n’augmenterons la TVA pour financer des baisses de charges sociales patronales.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, il faut conclure.

M. Charles de Courson. Mais à tout pécheur miséricorde, et je félicite les nouveaux convertis. Attention cependant à ne pas gâcher une bonne idée…

Mme la présidente. La parole est à Mme Éva Sas.

M. Charles de Courson. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Monsieur de Courson, vous avez dépassé votre temps de parole. C’est maintenant à Mme Sas de s’exprimer.

Mme Éva Sas. Le Gouvernement a appelé ce dispositif « pacte de compétitivité » ; nous souhaiterions donc qu’il s’agisse bien d’un pacte et que, puisqu’il s’agit d’offrir une aide fiscale de vingt milliards d’euros aux entreprises, cela se fasse sur la base d’un donnant-donnant, et donc d’engagements de la part des entreprises.

Dès lors que nous accordons vingt milliards d’aides aux entreprises, ces aides devraient être ciblées sur les faiblesses de l’industrie française et permettre notamment le développement des PME et des secteurs d’avenir – je pense notamment aux énergies renouvelables, mais pas seulement.

Ce dispositif aurait pu, d’autre part, être l’occasion de préparer l’économie de demain, une économie qui épargnerait les ressources et créerait de l’emploi. Malheureusement, faute d’être ciblé et conditionné, le mécanisme proposé ne permet pas d’impulser la nécessaire réorientation de l’économie française. Vous l’aurez compris, nous attendons beaucoup du travail parlementaire : nous soutenons la présentation du rapporteur général qui vise à éviter une distorsion de concurrence au détriment de l’économie sociale et solidaire et nous soutiendrons les sous-amendements que la commission des finances a adoptés pour mieux cibler et encadrer ce dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Un crédit d’impôt, au fond, pourquoi pas ? Ce qui compte, c’est que soit enfin prise une initiative en faveur de la compétitivité. Cela fait six ou sept mois que nous le demandons au Gouvernement, nous avons été entendus, nous pourrions être satisfaits.

La vraie question qui se pose à présent est celle de l’efficacité de l’outil. En l’espèce, il aurait été préférable de prendre des mesures relatives aux charges sociales car c’est la part qu’elles représentent dans le coût du travail qui pose problème aujourd’hui. Or, parce que Nicolas Sarkozy avait pris des dispositions en ce sens, vous avez préféré en changer pour mettre en place un système compliqué de crédit d’impôt sur la masse salariale.

C’est toujours mieux que rien, à condition cependant que cet outil ne soit entouré d’un nombre tel de conditions qu’il en devienne inopérant. Or, les débats que nous avons eus en commission, comme les rumeurs qui circulent, laissent penser que le Gouvernement souhaiterait justement encadrer cet outil d’un certain nombre de conditions, alors même qu’il n’en est qu’une seule qui vaille : que ce crédit d’impôt puisse satisfaire les entreprises en leur permettant de reconstituer leurs marges et d’investir, grâce à la baisse du coût du travail. Pour cette raison, il ne faudrait aucune condition.

On pourrait discuter entreprise par entreprise, territoire par territoire, car aucune entreprise ne se ressemble, mais il est important que les chefs d’entreprise restent libres d’utiliser cet outil. Ce n’est pas un cadeau qu’il leur est ainsi fait : il s’agit de diminuer le coût du travail, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

J’en viens au préfinancement, au sujet duquel Mme Dalloz a déposé un amendement pour en accélérer le processus. Si Oséo ou des banques préfinancent ce crédit d’impôt en mobilisant des créances sur l’État, cela représente bien évidemment un coût pour les entreprises. Comment l’évaluez-vous et quelles en seront les répercussions sur les entreprises ?

Enfin, pourquoi seulement 20 milliards d’euros ? Certes, la somme est importante en soi mais insuffisante pour relancer la compétitivité.

M. Michel Sapin, ministre du travail. Et c’est un ancien ministre du budget qui tient de tels propos ? Envisagez-vous d’aller plus loin ?

M. Éric Woerth. Je sais bien que ce n’est pas rien, 20 milliards, mais ce n’est pas suffisant pour relancer la compétitivité de nos entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce une première étape pour le Gouvernement – et ce serait alors une bonne étape ? M. Gallois préconise dans son rapport une baisse de 30 milliards des charges. Les experts qui sont intervenus jusqu’à présent vont également bien au-delà de 20 milliards. Qu’en est-il exactement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je voudrais intervenir très brièvement sur la forme. Le recours à l’amendement est très discutable quant à la méthode même s’il n’est pas sans précédent. Le seul qui me revienne à l’esprit est hélas celui de janvier 2006 quand M. de Villepin aidé de M. Borloo, alors ministre de l’emploi, a ajouté au projet de loi sur l’égalité des chances des amendements créant le CPE. Cela n’a cependant aucun rapport avec le fond.

M. Charles de Courson. On a vu la suite !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le recours à la méthode de l’amendement présente trois inconvénients.

Le premier est de se priver de la consultation préalable du Conseil d’État qui n’a lieu que pour les projets de loi et non pour les amendements.

M. Hervé Mariton. Très juste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le second est de présenter, sur un sujet essentiel, des dispositions qui ne peuvent être assorties d’aucune étude d’impact. L’exposé des motifs est de surcroît remplacé par un exposé sommaire, plus sommaire que jamais puisque sept paragraphes suffisent à expliquer les 20 milliards de crédits d’impôts et six la restructuration des taux de TVA. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.) C’est sans doute un peu court.

M. Hervé Mariton. C’est cher du paragraphe !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Enfin, cette méthode conduit le Parlement à statuer à la hâte sur des dispositions complexes, sans avoir le temps de les étudier en profondeur.

Je n’en dirai pas plus….

M. Hervé Mariton. C’est déjà beaucoup.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …mais il me semble préférable de favoriser un travail budgétaire et législatif de qualité, ce que ne permettent pas nos conditions de travail actuelles. Respecter les droits du Parlement n’est jamais mauvais. (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je voudrais tout d’abord reprendre à mon compte les propos du rapporteur général. Nous avons fait un choix judicieux car il fallait frapper vite et fort pour relancer la compétitivité.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est plus de la vitesse mais de la précipitation.

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce choix n’obère pas le budget 2013, et c’est un point très important car nous demandons déjà à la nation un effort de 30 milliards. Nous ne pouvions pas provoquer un choc.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas un choc, là est bien le problème !

M. Pierre Moscovici, ministre. Soyez conscients qu’il faut soutenir la croissance française en 2013 et les coûts, j’y reviendrai, seront imputés sur les années suivantes.

Il fallait également préserver, et je remercie M. le rapporteur général de nous en avoir donné acte, le débat sur le financement de la protection sociale qui sera traité plus tard. Des travaux sont poursuivis dans le cadre du Haut conseil sur le financement de la protection sociale et je rappelle que nous devons agir dans l’urgence.

C’est la raison pour laquelle nous soumettons d’ores et déjà ce texte au Parlement, et que nous procédons par amendement : nous voulons en effet que, dès le 1er janvier 2013, j’y insiste, les entreprises qui travaillent sur leurs perspectives d’emploi, d’embauche, d’investissement, sachent de manière certaine sur quels textes elles peuvent s’appuyer et sur quelles créances sur l’État elles peuvent compter. C’est le principe même du crédit d’impôt.

J’entends bien ce qui a été dit sur les bancs de l’opposition. J’ai senti dans les propos un consentement de façade à la démarche du Gouvernement mais aussi, ce qui m’a surpris car ce n’était pas vraiment le ton des débats en commission, une vague condescendance, l’idée que nous pourrions faire mieux, autrement. Franchement, nous n’avons pas de leçon à recevoir de ceux qui ont laissé, pendant dix ans, la compétitivité française se dégrader. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est la vérité !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je le dis au président de la commission des finances que j’aime toujours écouter : quand je vous ai entendu évoquer la situation de l’industrie automobile, je me suis dit que vous ne pouviez pas me dire cela, pas vous, pas à moi qui suis député d’une circonscription où l’automobile est l’activité principale. C’est ce Gouvernement qui a décidé d’un plan en faveur de l’industrie automobile, en juillet. C’est encore ce Gouvernement qui a décidé d’accorder à la banque du groupe PSA une garantie d’État, c’est toujours ce Gouvernement qui engage des efforts pour redresser notre industrie automobile. Essayons d’avoir un débat serein sur ce sujet car la mesure que nous proposons est d’intérêt national. C’est maintenant qu’il faut améliorer la compétitivité française et c’est grâce à ce dispositif que nous y parviendrons.

Il demeure que les questions posées sont légitimes et je vais y répondre à présent.

Monsieur le rapporteur général, vous avez, avec d’autres, appelé l’attention du Gouvernement sur le ciblage de la mesure – pas assez sur les activités industrielles en raison d’une assiette trop basse, un peu trop sur le secteur privé. Rassurez-vous pour ce qui est du ciblage sur l’industrie : en prenant en compte, pour le calcul du crédit d’impôt, les rémunérations comprises entre 1 et 2,5 smic, nous touchons 85 % des salariés et 83 % des salaires.

Nous étions avec M. Michel Sapin à Besançon, il y a dix jours, pour signer de premiers emplois d’avenir et nous avons visité ensemble une très belle entreprise sous-traitante qui réalise des composants microtechniques. Nous avons interrogé le chef d’entreprise devant ses soixante-treize salariés : est-il intéressé par le crédit d’impôt ? Oui. Embauchera-t-il ? Oui. Combien son entreprise industrielle compte-t-elle de salaires supérieurs à 2,5 smic ? Deux, sur soixante-treize ! Le secteur industriel est bel et bien pris en compte. Grâce à cette assiette comprise entre 1 et 2,5 smic, et qui représente 20 milliards d’euros, nous touchons large et nous encourageons la création d’emplois. Personne ne peut oublier que la lutte contre le chômage reste le premier défi de notre société.

Au total, l’industrie sera le premier secteur bénéficiaire en percevant plus de 20 % du produit du crédit d’impôt alors qu’elle ne pèse qu’un peu plus de 10 % du produit intérieur brut de la valeur ajoutée.

L’industrie bénéficiera également indirectement du crédit d’impôt car certains des coûts de l’industrie proviennent des services. Oui, il s’agit bien là d’une mesure forte pour l’industrie.

Le rapporteur général s’interrogeait également sur les administrations publiques, de l’État, des collectivités territoriales, des hôpitaux mais nous devons prendre garde. Accorder un crédit d’impôt à des organismes financés par la dépense publique ne serait pas très logique. L’État s’accorderait, en quelque sorte, un crédit d’impôt à lui-même.

M. Hervé Mariton. Très bien.

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons entendu les préoccupations des uns et des autres et, en accord avec Mme Marisol Touraine, je serai très clair. Il n’y aura pas de traitement inéquitable car le crédit d’impôt perçu par les cliniques sera répercuté sur l’évolution des tarifs qui servent de base au financement des cliniques par l’assurance maladie. L’avantage du crédit d’impôt sera donc compensé par une moindre progression du tarif des cliniques, ce qui permettra d’éviter la distorsion que vous soulignez à juste titre.

Il en ira de même des collectivités territoriales dans leur contrat de délégation de service public.

La préoccupation est juste, mais restons logiques et prenons garde également au coût que cela pourrait représenter pour les finances publiques – jusqu’à plusieurs milliards d’euros.

S’agissant par ailleurs des organismes non lucratifs, de l’économie sociale et solidaire, le Gouvernement a déposé un amendement qui triple l’abattement de taxe sur les salaires en faveur des associations, ce qui permettra d’alléger significativement l’impôt pesant sur 40 000 employeurs associatifs et d’en sortir près de 20 000 redevables. Voilà un amendement qui répond, je pense, à vos inquiétudes.

J’en viens à d’autres observations de M. Carrez dont le jugement a été plus positif et qui sait que le mécanisme du crédit d’impôt est le plus efficace pour créer des emplois, plus en tout cas que les allègements de charge. J’approuve vos réflexions sur ce point. Cela étant, vous vous êtes interrogés, avec M. Schwartzenberg, sur la raison de cet amendement.

Je vous dirai à l’un et à l’autre que ce Gouvernement respecte la qualité du travail parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Philippe Vigier. On peut tout entendre, mais pas ça !

M. Pierre Moscovici, ministre. Et vous le savez très bien !

M. Charles de Courson. Non, c’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le choix du vecteur nous a paru, d’une certaine façon, secondaire par rapport à l’urgence d’agir. Une lettre rectificative aurait, certes, permis un examen par le Conseil d’État. Mais vous le savez, les textes opposés ici sont simples : ils ne soulèvent pas de problèmes constitutionnels.

M. Charles de Courson. Ah bon ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ils ont fait l’objet d’un examen approfondi par la commission des finances…

M. Charles de Courson. Arrêtez ! Vous n’y étiez même pas !

M. Pierre Moscovici, ministre. Si, nous étions là, avec Michel Sapin.

J’ajoute, s’agissant des études d’impact…

M. Charles de Courson. Vous n’en avez aucune !

M. Pierre Moscovici, ministre. …que le Gouvernement éclaire les parlementaires au cours de ce débat.

Vous m’avez interrogé sur le dispositif de préfinancement. Il sera disponible à la fin du premier semestre 2013. Une garantie sera placée chez OSEO, puis à la BPI pour appuyer les préfinancements bancaires aux PME, l’ensemble des réseaux bancaires étant mobilisé.

J’en viens aux questions tout à fait légitimes que vous avez posées à propos d’études d’impact sur les calculs du Gouvernement. Vous m’avez demandé d’être précis. Je le serai.

Calculé sur la masse salariale de 2013 avec un taux de 4%, le montant de la créance fiscale est de 13 milliards d’euros. Elle s’élève à 20 milliards avec un taux de 6% calculé sur la masse salariale prévisionnelle de 2014.

Je vous rappelle que ce sont les mêmes règles d’imputation et de restitution que celles du crédit d’impôt recherche. L’impact négatif sur les recettes fiscales est estimé à 9,9 milliards en 2014 – 0,5 point de PIB – et l’impact sur les rentrées fiscales montera en charge : 10 milliards en 2014, 16,5 milliards en 2015, 18,7 milliards en 2016, 21,5 milliards en 2017. Voilà ce que représente exactement le chiffrage du Gouvernement.

M. Charles de Courson. Ce n’est même pas dans l’exposé des motifs !

M. Pierre Moscovici, ministre. Quant à la réforme de la TVA, elle représente un gain estimé à 6,4 milliards en 2014, puis, avec la croissance escomptée de la consommation, elle devrait progresser jusqu’en 2017 autour de 7 milliards.

La fiscalité écologique est en effet chiffrée à un montant de 3 milliards. J’ai, avec ma collègue Delphine Batho, lancé une réflexion sur la fiscalité écologique. Je rappelle que nous avons quelques années pour monter en charge sur ce point.

Vous m’avez interrogé sur les économies.

C’est à partir de 2014 que les économies supplémentaires commenceront à être recherchées, mais s’agissant des économies, il faut regarder les choses en face : nous sommes en train de débattre par ailleurs du projet de loi de finances pour 2013 et tout cela est budgété. C’est, en plus, budgété dans le projet de loi triennale.

M. Charles de Courson. Non, pas dans le projet triennal !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce ne sont pas des mythes ! Ce sont des réalités. C’est ce que vous votez très précisément dans le budget 2013. Le ministre de l’économie et des finances que je suis peut vous parler à la fois des mesures qui concernent l’emploi dans son ministère comme des mesures catégorielles dans son ministère. Il n’y a pas là de mythe !

M. Hervé Mariton. Mais ce n’est pas sur 2013 !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il s’agit d’économies pérennes, permanentes et, je le dis pour ceux qui n’auraient pas compris cela, il faudra aller plus loin. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a convoqué un séminaire gouvernemental, le 20 décembre, pour envisager une nouvelle démarche de modernisation de l’administration publique en profondeur pour pouvoir faire les choses de façon plus intelligente que cela n’a été fait dans le passé. Je suis ministre de l’économie et des finances et je travaille au quotidien avec Jérôme Cahuzac. Nous savons tous les deux qu’il y a là-dedans une partie budgétaire, mais que le budgétaire seul ne suffira pas, qu’il faut une vraie modernisation de l’administration publique, de toute l’administration publique.

M. Hervé Mariton. Faut-il corriger le projet triennal ?

M. Pierre Moscovici, ministre. J’en viens à quelques réponses complémentaires.

Madame Dalloz, je suis très défavorable à votre amendement n° 66, car une mise en œuvre de la mesure sur les salaires 2012 entraînerait pour le coup un effet d’aubaine absolument caractérisé puisqu’en 2012, les comportements d’embauche des entreprises ne seraient pas affectés par le crédit d’impôt. C’est même totalement nocif à la philosophie de l’affaire. C’est le contraire de ce que nous voulons faire. Nous voulons ouvrir des créances dès 2013 pour une montée en charge et des créations d’emplois dès 2013. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi ce dispositif. Votre amendement, madame Dalloz, paraît sans aucun rapport avec le dispositif, il est même tout à fait contreproductif.

S’agissant des autres orateurs, je les remercie de leur soutien. C’est le cas, notamment, de Pierre-Alain Muet.

Quant à Nicolas Sansu, je ne peux pas le laisser dire que le Gouvernement mène une politique fiscale trop favorable aux entreprises. Certains nous reprochent même le contraire. Allez plutôt regarder ce qui a été dit dans le débat sur la loi de finances initiale, monsieur Sansu !

Mme Sas, elle, souhaite que ce soit un pacte. Je lui donne mon accord sur ce point. Il y aura une évaluation, des contreparties et j’ai, comme elle, le souci que les progrès soient rapides pour ce qui est de la fiscalité écologique.

Mesdames et messieurs les députés, je ne donnerai pas une réponse exhaustive à chacun d’entre vous, car plusieurs de vos réflexions se recoupent. Je vous appelle à réaliser, sur tous les bancs, que la démarche du Gouvernement, rapidité, simplicité, efficacité, avec le souhait de doper à la fois l’emploi et la compétitivité, est la bonne et que c’est maintenant qu’il faut voter cet amendement du Gouvernement.(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Ce sujet pourrait être un enjeu d’unité nationale. J’observe – ce n’est pas de la susceptibilité de ma part – que le ministre n’a répondu ni à M. de Courson ni à M. Woerth ni à moi-même. Que l’un d’entre nous ait formulé des observations qui puissent ne pas appeler de réponse, je peux l’entendre. Soyons modestes ! En revanche, qu’aucun des trois intervenants de l’opposition n’ait de réponse sur un débat de cette importance ne me paraît pas heureux.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Hervé Mariton. J’ajoute, monsieur le ministre, puisque vous avez évoqué 2013, qu’il n’y a pas d’économies en 2013. Puis, dans notre processus et dans nos textes budgétaires – vous avez rappelé le budget – nous votons une loi triennale. Le projet de loi de programmation va-t-il être corrigé de sorte…

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Hervé Mariton. Si ! Il convient d’éclairer le débat.

Mme la présidente. Monsieur Mariton, n’exagérez pas, cela n’a rien à voir avec un rappel au règlement ! Veuillez conclure !

M. Hervé Mariton. Le projet de loi de programmation va-t-il être corrigé de façon à intégrer les économies que vous programmez ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Nous en venons aux sous-amendements à l’amendement n° 4 rectifié du Gouvernement.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement n° 359.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la méthode, mais accordez-moi que, s’agissant de 20 milliards, il est surprenant que l’on ne puisse même pas s’inscrire sur un article et que la représentation nationale soit contrainte de débattre sur un amendement !

Si je me souviens bien, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous n’aviez pas de mots assez durs pour critiquer le Gouvernement lorsqu’il était un peu trop rapide… N’oubliez pas ce que vous avez dit à l’époque ! Il faut en tenir compte une fois qu’on a le pouvoir entre les mains !

Selon moi, ne pas avoir voulu faire une étude d’impact est une erreur, sur l’avis autorisé du Conseil d’État, comme l’a dit le président Schwartzenberg, le Conseil des ministres lui-même n’a pas été saisi du texte…Bref, nous sommes maintenant dans l’hémicycle.

M. Thierry Mandon. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Philippe Vigier. Si ! Nous nous accordons tous au moins sur un point : il y a un problème majeur de compétitivité. J’en vois pour preuve votre conversion à la TVA, monsieur le ministre. Il y a quelques semaines, vous disiez que vous n’augmenteriez jamais la TVA. Puis, tout à coup, vous augmentez de 0,4% ! Je pense que Pierre-Alain Muet est en train d’avaler sa salive, car dans quelques semaines, ce ne sera pas une augmentation de 0,4%, mais un peu plus !

Je voudrais dire mon étonnement à Michel Sapin dont je sais qu’il est très attaché au dialogue social. J’ai lu dans l’exposé des motifs qu’il y aurait une nouvelle loi sur les conditions de mise en place du dialogue social…J’espère qu’il me répondra avec beaucoup de précision.

Nous avons reproché le manque de ciblage et je voudrais dire à M. le ministre Moscovici que ce n’est pas moi, mais M. Gallois qui l’a écrit. Je vous invite à lire ce qu’il a écrit dans son rapport à la page 23. Cela permettra de répondre sur ce qui se passe dans le secteur de l’industrie. Selon le rapport Gallois, les emplois les plus menacés sont dans l’industrie. Toujours selon le rapport Gallois, il faut monter jusqu’à 3,5 fois le SMIC si l’on veut faire en sorte que 35% de l’avantage aille vers l’industrie et les services à haute valeur ajoutée. Si j’insiste sur ce point, c’est qu’il s’agit du haut de gamme, et vous connaissez la comparaison avec l’Allemagne.

Monsieur le ministre, le ciblage a été mal fait. Louis Gallois l’a très bien décrit dans son rapport, c’est un problème de coût du travail. Il avait même émis une proposition qu’il fallait reprendre à votre compte. Vous refusiez d’augmenter la TVA en arguant du fait que cela ferait baisser le pouvoir d’achat. Louis Gallois, lui, avait dit astucieusement qu’il fallait baisser les charges sociales salariales.

Le sous-amendement que nous proposons vise les professions qui ont été oubliées, comme le secteur agricole dans lequel il y a des forfaits. Le ministre de l’agriculture a dit qu’il fallait aussi les aider et qu’elles bénéficieraient du crédit d’impôt compétitivité emploi. Oui ou non, a-t-il perdu l’arbitrage ministériel ?

Ensuite, il y a toutes les entreprises personnelles…

Mme la présidente. Monsieur Vigier, veuillez conclure !

M. Philippe Vigier. Il y a toutes les entreprises personnelles, les travailleurs indépendants, les commerçants et les artisans qui n’en bénéficieront pas. Les entreprises du CAC 40, comme l’a dit Nicolas Sansu, les banques et les assurances, elles, en bénéficieront. Où est le ciblage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je n’ai pas beaucoup entendu parler du sous-amendement, excepté à la fin de l’intervention de M. Vigier. Il semblerait que ses auteurs veuillent faire bénéficier du CICE les entreprises imposées selon le régime du forfait. Mais tel qu’il est rédigé, le sous-amendement rend éligible l’intégralité des entreprises, y compris celles qui sont exonérées d’impôt sur les bénéfices. Sans même se prononcer sur le fond, il faut appeler au rejet de ce sous-amendement.

Si l’on veut parler du fond, il est toujours possible d’opter pour l’imposition au réel si l’on souhaite bénéficier du CICE puisque l’option pour le forfait est facultative.

La commission n’a pas examiné ce sous-amendement, mon cher collègue Vigier, mais le rapporteur général, à titre personnel, y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur général.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je profite de l’examen de ce sous-amendement pour revenir à l’économie générale de l’amendement gouvernemental.

Quelle évolution, monsieur le ministre !

M. Nicolas Sansu. Vous devriez être content !

M. Marc Le Fur. Que de couleuvres avalées ! Que de chapeaux mangés ! Que se passait-il il y a seulement quelques mois ? Vous niiez le problème de la compétitivité. (« Non ! Jamais ! » sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, vous êtes obligé de l’admettre.

Il y a seulement quelques semaines, on nous expliquait que le coût du travail ne posait pas problème. Vous êtes obligé de l’admettre. J’entends encore les propos de M. Muet nous expliquant qu’en matière de recettes, il n’était pas question de recourir à l’impôt indirect ou à la TVA, mais que seuls avaient ses faveurs l’impôt direct et la CSG. M. Muet le keynésien a dû s’en remettre à la théorie de l’offre, car ce n’est pas autre chose ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) C’est admettre que le problème majeur, c’est la compétitivité de nos entreprises face à nos concurrents, et en particulier nos concurrents allemands.

Maintenant, il faut que cela marche, je suis le premier à l’admettre. Pour que cela marche, il faut que ce soit simple. Il faut donc, monsieur le ministre, que vous refusiez toutes les conditions posées par votre majorité. Il faut garder le « de 1 SMIC à 2,5 SMIC ». De ce point de vue, je suis d’accord, car ne pas retenir les salaires modestes exclurait de votre dispositif l’agroalimentaire et ce serait très préjudiciable, au moins dans certaines régions.

Ensuite, il faut que cette affaire soit parfaitement négociable, que la créance dont disposeront les entreprises dès le 1er janvier soit susceptible d’être nantie dans une banque. Or le sujet, le président de la commission l’a dit, c’est que la créance est incertaine puisqu’elle est calculée sur le montant de la masse salariale de 2013, alors que nous avions un chiffre objectif qui était la masse salariale de 2012. Cela aurait été si simple : l’entreprise allait à sa banque, décrivait sa masse salariale et devenait susceptible de bénéficier, non pas de 6%, mais de 4% la première année, dès l’année prochaine. Or vous vous y refusez.

Enfin, la dernière condition nécessaire à la réussite de l’opération, monsieur le ministre, pour que cette affaire soit crédible, il faut que la recette elle-même soit crédible. Or vous nous expliquez que, pour une dépense de 20 milliards, on ne connaît que 7 milliards de recettes liées à la TVA. Le reste nous est inconnu. On ne sait rien sur l’impôt sur la fiscalité environnementale que vous évoquiez de manière très générale dans votre propos et on ne sait rien sur les économies que l’État est susceptible d’accepter dès l’année prochaine ou en 2014.

Comprenez-le bien, monsieur le ministre, la crédibilité de la dépense, du titre dont disposeront les entreprises dès janvier 2013 dans votre logique, c’est que la recette soit assurée pour 2014, faute de quoi nous aurons vraiment un problème budgétaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Le Gouvernement, dans son amendement n° 4 rectifié au présent projet de loi de finances rectificative pour 2012, instaure le crédit d’impôt compétitivité emploi ou CICE.

De quoi s’agit-il ? D’une aide fiscale massive de vingt milliards d’euros financée par les contribuables français et destinée à renforcer notre appareil productif affaibli par les délocalisations, par l’absence d’harmonisation sociale, fiscale et environnementale à l’échelle de l’Europe et par un chômage durable. C’est le résultat de dix ans de gabegie industrielle léguée par le gouvernement de droite sanctionné par les Français le 6 mai dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Dans ce contexte de contraction des recettes publiques, le CICE doit être utilisé avec efficacité et transparence sous le regard vigilant de l’État. Si tel n’était pas le cas, les efforts demandés à chaque Français seraient frappés du sceau de l’iniquité. Surtout lorsque les entreprises du CAC 40, toujours promptes à distribuer de larges dividendes, s’organisent pour échapper à l’impôt ! Les Français ne sont pas dupes de ce déni consommé de patriotisme fiscal.

C’est pourquoi j’ai la conviction qu’il n’y a pas de redressement productif possible sans contrepartie véritable. Dès lors, apportons le soutien financier de l’État seulement là où il est nécessaire et en premier lieu aux entreprises confrontées à la concurrence des pays à bas coûts. Le tissu économique français est constitué à 86 % de PME, de TPE et d’ETI. Aidons-les à investir dans la recherche et le développement et à s’orienter vers les filières d’avenir créatrices d’emplois ! De ces contreparties dépend la réussite de notre action de redressement économique dans la justice. En la matière, le donnant-donnant doit être notre seule boussole.

Les sous-amendements déposés par le groupe SRC répondent en partie à ces préoccupations. Je fais confiance au Gouvernement, à ce stade, pour amplifier la prise en compte de ces éléments de réflexion dans les dispositions législatives annoncées pour le début de l’année 2013. À défaut, le CICE ne sera qu’une réponse technocratique de plus aux éternelles incantations d’une nomenklatura d’économistes ultralibéraux dont l’idéologie trouve sa limite dans l’actuelle situation économique et sociale de la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Eva Sas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je voudrais parler du sous-amendement, premier d’une série élargissant les bénéfices du crédit d’impôt, qui montre bien qu’il y a un vrai problème de ciblage. Travailleurs indépendants, organismes sociaux à but non lucratif, établissements de santé : on va demander l’extension du bénéfice du crédit d’impôt à de nombreux domaines qui aujourd’hui ne sont pas concernés. Cela montre bien qu’il y a un problème de ciblage.

Je veux revenir sur des propos de M. le ministre qui à mon avis sont inexacts. J’ai dit que le Gouvernement ne fait pas assez sur le prélèvement des entreprises. Vous m’avez opposé, monsieur le ministre, le vote du PLF pour 2013. C’est vrai qu’il a été voté par la majorité et qu’il comprend dix milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les sociétés. Mais là, vous en rendez vingt milliards ! Ce changement de pied m’étonne, car il n’a pas de fondement en termes de ciblage. Nous ne comprenons pas cette façon de faire ni ce dispositif.

Je veux enfin répondre à mes collègues de l’opposition. Vous vous plaignez des conditions et des contraintes assorties à ce crédit d’impôt. Ne vous inquiétez pas : il n’y a pas de sanction. Des conditions sans sanction, je doute qu’elles soient extrêmement contraignantes !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, je tiens à votre disposition ce que nous avons voté dans la loi de programmation des finances publiques. Je vous renvoie à l’alinéa 47, page 22. Il n’y a absolument aucune mesure nouvelle concernant l’exercice 2014 ! Cela veut dire que vous auriez d’abord dû modifier la loi de programmation avant de déposer votre amendement. Nous soulèverons ce point devant le Conseil constitutionnel !

M. Thierry Mandon. Vous le faites à chaque fois, à chaque fois vous perdez !

M. Charles de Courson. Quant au sous-amendement que mon collègue Vigier et moi-même avons déposé, il pose la question du fondement économique de l’exclusion de ceux qui choisissent la déclaration au forfait dans le cadre de votre ciblage. Il n’y en a aucun ! Votre seule réponse, ainsi que celle du rapporteur général, est de dire qu’il leur suffit de renoncer au forfait pour passer au réel et bénéficier du crédit d’impôt. Vous reconnaissez vous-même qu’il y a là une rupture d’égalité ! Dans l’agriculture, il y a des forfaitaires qui ont des salariés ! Pourquoi les exclure ? Il y a rupture d’égalité entre les citoyens devant le crédit d’impôt !

(Le sous-amendement n° 359 n’est pas adopté.)

M. Pierre-Alain Muet. Rappel au règlement !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je souhaite répondre à MM. Vigier et Le Fur, qui m’interpellent.

Mme la présidente. Je préfère que nous nous en tenions à la présentation et à la discussion des sous-amendements sans alimenter davantage la polémique. Répondre à M. Le Fur ne serait pas un rappel au règlement.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir le sous-amendement n° 306.

M. Jean-Louis Dumont. Nous aurons tout le temps, mes chers collègues, de débattre, sous-amendement après sous-amendement, de nos éventuelles différences.

J’associe au sous-amendement que je présente mes collègues Goua et Potier, entre autres. Je voudrais dire au président de notre commission des finances qu’on apprécie souvent ses analyses et la pédagogie dont il fait preuve sur des sujets difficiles, même si on ne partage pas ses conclusions.

M. Marc Le Fur. On les apprécie toujours !

M. Jean-Louis Dumont. Je voudrais néanmoins lui rappeler que l’économie sociale, ce sont des coopératives, des mutuelles, des associations et des fondations qui ne bénéficient en aucun cas de privilèges, au contraire ! Les coopératives, en particulier, se sont donné des règles qui évidemment dérogent à l’économie ultralibérale. Il n’y a pas de délocalisation possible, elles ne peuvent faire l’objet d’une OPA ni ne partagent leurs profits, au contraire ! Elles en font un outil pour le développement économique et la création d’emplois. Pourquoi, dès lors, ne bénéficieraient-elles pas du CICE ? En effet, elles sont dans un champ concurrentiel et peuvent être astreintes à l’impôt sur les sociétés. Si elles ne paient pas l’impôt sur les sociétés sur certaines activités, c’est parce que leur unique objet est de rendre des services économiques, mais aussi sociaux voire culturels, à leurs adhérents.

Dans le milieu rural, qui existe encore dans notre pays, monsieur le ministre, il est des outils industriels dédiés à l’agroalimentaire et à l’agrocarburant qui sont des coopératives. Mesurez leur impact économique et social ainsi que le nombre d’emplois ! Cela représente une masse salariale égale, peut-être avec des bonus, surtout le bonus de fin d’année, à celle de l’ensemble des entreprises. Pourquoi donc ces coopératives, qui occupent des millions de salariés, seraient-elles exclues du champ d’application du CICE ? L’objet du sous-amendement est de les réintégrer. Ce n’est que justice économique et sociale ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Dumont. Le rapporteur général va être d’accord ! Il sait ce que c’est que la ruralité et les coopératives !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les sociétés coopératives sont en principe exonérées d’impôt sur les sociétés, sauf pour certaines opérations. Les coopératives agricoles d’approvisionnement et d’achat sont redevables de l’IS pour les opérations effectuées avec des non sociétaires. Les coopératives de production, transformation et vente sont en plus redevables de l’IS pour les opérations de vente au détail ailleurs que dans leur établissement principal et les opérations de transformation de produits non destinés à l’alimentation.

En outre, les coopératives non agricoles, artisanales, de transport fluvial ou maritime sont redevables de l’IS pour les opérations effectuées avec des non sociétaires. Pour ce type d’opérations, elles seraient, d’après le texte actuel, éligibles au CICE pour la part des salaires consacrés à ce type d’activités. Votre sous-amendement ferait bénéficier l’ensemble des opérations des coopératives du CICE. Son coût n’est pas indiqué.

M. Jean-Louis Dumont. Ne soyons pas mesquins !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne vois pas ce qu’il y a de mesquin dans ce que j’ai dit !

M. Pascal Terrasse. Ne l’énervez pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sagesse !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je poursuivrai la réflexion du rapporteur général jusqu’au bout, sans la moindre mesquinerie et sans négliger l’importance de ce secteur ni celle de l’aide que nous devons lui apporter. Je suis toutefois sensible au fait qu’il y a déjà eu des contentieux devant la Commission européenne, portant sur l’éventuel caractère d’aide d’État de ce que nous pouvons faire à ce sujet. Ils ont été jugés favorablement, mais nous n’en devons pas moins faire attention à ne pas déséquilibrer les choses.

Je vais pour ma part au-delà de ce qu’a dit Christian Eckert. Je ne suis pas favorable à cette proposition. Conformément au principe général applicable à l’ensemble des crédits d’impôt, les entreprises éligibles doivent être imposées d’après leurs bénéfices réels ou exonérées d’impôt sur les bénéfices en application des dispositifs temporaires. Il n’est pas envisagé de déroger à cette règle générale, d’autant que les avantages fiscaux octroyés aux coopératives sont d’ores et déjà conséquents. En effet, elles bénéficient déjà d’exonérations d’impôt sur les sociétés couvrant une très grande partie de leur activité sans limite de temps. Bénéficier d’un crédit d’impôt sans être soumis audit impôt me paraît difficilement envisageable.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas de fragiliser un régime, celui des coopératives, placé sous haute surveillance par les instances communautaires. Soyez assuré par ailleurs que les filiales des sociétés coopératives constituées sous la forme de sociétés commerciales, SARL et SA, pourront, elles, bénéficier du CICE, sous réserve bien entendu qu’elles emploient des salariés et satisfassent aux conditions posées. Je suis disponible pour que, dans la suite de la conversation, nous puissions instruire et chiffrer ces possibilités supplémentaires, mais je ne suis pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, nous soutenons le sous-amendement Dumont. Pourquoi ? Prenons l’exemple de petits viticulteurs. Ils ont le choix entre recruter des employés à temps partiel pour les aider à réaliser des travaux dans leur vigne ou faire des coopératives de service exonérées d’IS, puisqu’il s’agit du prolongement de l’activité, embauchant des salariés en CDI à temps complet. Ainsi, embaucher directement permet de bénéficier du crédit d’impôt, mais se mettre en coopérative pour mutualiser les moyens, non. Quelle est la logique ? Il n’y en a pas ! On voit bien, monsieur le ministre, qu’il y aurait rupture d’égalité entre les coopératives, notamment de service aux viticulteurs ou aux agriculteurs, et l’embauche directe si vous n’étendez pas le dispositif du CICE. Il y a rupture d’égalité ! L’un paiera son salarié sans bénéficier de ce crédit d’impôt, l’autre en bénéficiera. Ce n’est pas possible ! Notre collègue Eckert nous a appelés à la sagesse. Eh bien ! La sagesse, c’est de voter le sous-amendement Dumont. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je voterai le sous-amendement de notre collègue Jean-Louis Dumont, et je me réjouis que notre rapporteur général s’en remette à la sagesse de l’Assemblée. Il ne fait d’ailleurs ainsi que confirmer ses positions sur le sujet.

Je constate, tout d’abord, que si nous avions adopté un principe plus simple consistant à baisser les charges, plutôt que celui de cette usine à gaz, nous ne serions pas confrontés au problème que soulève notre collègue. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Tout est dit !

M. Marc Le Fur. Je rappelle ensuite, que la moitié de l’activité du secteur agroalimentaire, que beaucoup d’entre nous connaissent, est réalisée par des structures coopératives. Autrement dit, nous créons une distorsion de concurrence entre les coopératives et les autres acteurs, le « privé pur » si je puis dire. Comment expliquer ou justifier ce choix ? Personne ne le comprendra.

Enfin, il faut savoir que les coopératives dont nous parlons sont souvent les premières à faire des efforts à l’exportation. Elles devraient donc être les premières à bénéficier des dispositifs que vous voulez mettre en place puisqu’elles vont dans le sens de ce que nous souhaitons tous.

Pour toutes ces raisons, il faut à l’évidence adopter ce sous-amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 306.

(Le sous-amendement n° 306 est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que l’Assemblée se prononce en faveur du sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

Mme la présidente. Le Gouvernement accepte-t-il de lever le gage ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois sous-amendements, nos 100, 220 et 301, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir le sous-amendement n° 100.

Mme Eva Sas. Avec l’amendement n° 4 rectifié, le Gouvernement s’attaque à la question de la compétitivité-coût, mais il ne cible que le coût du travail alors que le coût de l’énergie représente plus de 10 % de la valeur ajoutée de secteurs tels que la chimie minérale, l’industrie papetière ou la métallurgie.

Il est donc essentiel de mettre en place des démarches d’économies d’énergie dans ces entreprises ; cela pourrait les conduire à réaliser des économies à hauteur de 40 % de leurs factures énergétiques.

Aux objectifs retenus par la commission des finances, tels qu’ils figurent dans le sous-amendement n° 220, nous proposons en conséquence d’ajouter que le CICE doit servir une économie sobre en ressources.

Il faut cesser de séparer les questions économiques et écologiques. Nous ne parviendrons à aucune relance de l’activité économique si nous ne prenons pas en compte les contraintes environnementales. Nous sommes en train d’aider une économie du passé ; je souhaite qu’il y ait une réelle évolution sur ce point de façon à ce qu’il soit possible de réconcilier l’économie et l’écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour soutenir le sous-amendement n° 220.

M. Pierre-Alain Muet. La logique du dispositif en discussion est de faire en sorte que la négociation sociale se saisisse des contreparties au crédit d’impôt en en assurant le suivi et le contrôle.

Pour qu’elle puisse faire ce travail, il faut que nous lui donnions des lignes directrices. Tel est l’objectif de tous les sous-amendements présentés par le groupe SRC.

Il faut commencer par préciser à quoi sert le crédit d’impôt : c’est la première des lignes directrices et le sens de ce sous-amendement. Il vise à préciser que les entreprises concernées peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt « ayant pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés et de reconstitution de leur fonds de roulement ».

Si vous le permettez, madame la présidente, je profite de l’occasion pour répondre un peu tardivement aux propos de M. Marc Le Fur.

Monsieur Le Fur, politique de l’offre ou politique de la demande, le choix n’est pas une affaire idéologique,…

M. Marc Le Fur. Quelle évolution !

M. Pierre-Alain Muet. …c’est une affaire de situation conjoncturelle.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation conjoncturelle très particulière. Nous enregistrons un déficit de demande, les entreprises ont un excédent de capacité de production de quatre points au-dessus de la moyenne, et, dans le même temps, nous avons un problème d’offre compétitive.

M. Marc Le Fur. C’est votre chemin de Damas !

M. Pierre-Alain Muet. Un problème de demande conjugué à un problème d’offre compétitive : dans l’histoire économique, je crois que le cas ne s’est pas produit souvent. En tout état de cause, pour résoudre cette équation, il faut mener une politique subtile.

Avec l’indispensable annulation de la TVA sociale,…

M. Philippe Vigier. Que vous allez remettre en place !

M. Pierre-Alain Muet. …le projet de loi de finances pour 2013 fait en sorte de ne pas peser sur la consommation des ménages parce qu’il ne touche pas aux revenus de 90 % d’entre eux, ceux qui ont les revenus les moins élevés. Sans peser sur la demande, ce PLF réduit dans le même temps le déficit des finances publiques.

Si nous avions conservé la TVA sociale, nous aurions opéré un prélèvement sur le revenu des ménages, ce qui aurait eu un effet dépressif.

M. Marc Le Fur. Vous le ferez avec une année d’écart !

M. Pierre-Alain Muet. La proposition du rapport Gallois visant à augmenter la CSG aurait d’ailleurs abouti au même résultat.

Au contraire, la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi constitue une politique subtile. Le CICE donne du souffle aux entreprises en 2013. Il leur permet d’investir, d’embaucher et d’anticiper sur l’avenir sans peser sur la consommation, puisque la contrepartie est prévue pour 2014.

Ce gouvernement fait donc ce que vous n’avez jamais su faire en dix ans. (Murmures sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Olivier Carré. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Il fait une vraie réforme en faveur de la compétitivité.

J’ai le souvenir que lorsque la précédente majorité est arrivée au pouvoir il y a dix ans, il y avait en France, depuis des années, un excédent qui se situait entre 20 et 30 milliards d’euros. La situation s’est dégradée sans que vous n’y fassiez rien. Ce gouvernement prend des mesures de façon intelligente, adaptée à la conjoncture, sans peser sur la consommation des ménages. Il mène une vraie politique économique. C’est ce qui a manqué à notre pays pendant dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir le sous-amendement n° 301.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce sous-amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter M. Pierre-Alain Muet.

Notre intention, pas plus que celle du Gouvernement, n’est pas d’offrir un chèque en blanc au patronat et de lui laisser toute liberté pour utiliser 20 milliards d’euros comme bon lui semble. Il est donc nécessaire de préciser très clairement les objectifs visés par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Même si d’autres objectifs sont visés, qui ont été cités par M. Muet, il s’agit principalement de renforcer la compétitivité des entreprises pour qu’elles embauchent, qu’elles investissent et qu’elles innovent davantage.

Il est nécessaire et souhaitable d’énoncer ces objectifs dans la présente loi de finances rectificative car cela contribuera à éviter que ce crédit d’impôt soit utilisé de manière discrétionnaire par les entreprises qui agiraient selon leur bon vouloir, voire qu’il soit éventuellement détourné vers d’autres fins que M. Jérôme Cahuzac appelait fort justement hier des « fins illégitimes » – par exemple la majoration des rémunérations ou des avantages dont bénéficient les dirigeants des entreprises, ou la distribution artificiellement accrue de dividendes aux actionnaires.

Ce crédit d’impôt a évidemment vocation à servir l’emploi et l’investissement et pas l’amélioration des parachutes dorés ou l’augmentation des cours de bourse des entreprises du CAC 40. C’est pourquoi nous souhaitons que les objectifs visés par le CICE soient clairement indiqués dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements en discussion commune ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je souhaite d’abord revenir rapidement sur le sous-amendement n° 306.

Si j’avais pu aller au bout de mon propos sans que l’on me taxe d’être mesquin, j’aurais dit à notre collègue Jean-Louis Dumont que le sous-amendement n° 217 à l’amendement n° 4 rectifié, que nous examinerons tout à l’heure, devrait lui donner satisfaction. Nous en reparlerons plus tard.

Pour en revenir aux sous-amendements, je suis défavorable à celui défendu par Mme Eva Sas, et je suis favorable au sous-amendement n° 220, qui a été soutenu par M. Pierre-Alain Muet, puisqu’il a été adopté par la commission des finances.

Quant au sous-amendement n° 301, qui a été présenté M. Roger-Gérard Schwartzenberg, il sera satisfait par l’adoption du sous-amendement de la commission.

Ces sous-amendements visent à préciser dans la loi les critères relatifs au crédit d’impôt autour desquels pourra se développer le dialogue social.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur général sur les trois sous-amendements.

Nous ne sommes pas opposés aux objectifs présentés par Mme Eva Sas et par M. Roger-Gérard Schwartzenberg, mais il nous semble que le sous-amendement défendu par M. Pierre-Alain Muet englobe les deux autres tout en étant plus précis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Alors que nous sommes aux responsabilités depuis six mois, l’opposition nous parle aujourd’hui comme si les dix dernières années n’avaient pas existé.

En dix ans, 25 milliards d’euros ont été engloutis dans le paquet fiscal et dans la réforme de la taxe professionnelle. Y a-t-il eu la moindre étude d’impact à l’époque alors que nous demandions des informations dans cet hémicycle ?

M. Philippe Vigier. Précisément, vous reprochiez cela au gouvernement de l’époque !

M. Pascal Terrasse. Il n’y en a jamais eu, jamais ! Ces dispositifs avaient pourtant un caractère complexe. Tous les gestionnaires d’une collectivité territoriale le constatent : ils sont illisibles, fragmentés, injustes et, surtout, antiredistributifs.

Aujourd’hui, les 20 milliards d’euros qui sont mis sur la table vont d’abord vers l’emploi. Parce que la réalité de nos territoires, et celle de nombreux autres territoires européens, c’est le chômage, ce cancer qui ronge la société jour après jour. En quelques années, il y a eu un million de chômeurs supplémentaires. Aujourd’hui, la balance du commerce extérieur est déficitaire de 74 milliards d’euros. Ce n’est pas rien.

On peut toujours chicaner sur tel ou tel dispositif qui ne conviendrait pas parce qu’il ne répondrait pas aux attentes de telle ou telle activité. Soyons sérieux ! Voyons les choses telles qu’elles sont !

Le sous-amendement de M. Pierre-Alain Muet est juste parce qu’il correspond à ce que les socialistes attendent.

M. Yves Censi. C’est un sophisme ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. À la différence de ce qui a été proposé ces dernières années, ils veulent que l’on puisse vérifier la bonne utilisation de l’argent public – au fond, c’est bien le rôle des parlementaires. L’argent public qui sera versé aux entreprises servira-t-il réellement l’emploi ?

Tous les autres sous-amendements, accessoires et anecdotiques, si j’en juge d’après ceux dont j’ai pris connaissance, n’ont pas de sens. L’ensemble du dispositif, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, a sa cohérence.

Pour conclure, je veux évoquer la difficulté que nous rencontrons concernant le secteur sanitaire et médico-social. Le ministre a voulu nous rassurer sur ce point ; je ne suis pas certain qu’il y soit totalement parvenu en ce qui concerne les objectifs quantifiés, notamment s’agissant du secteur privé. Il faudra retravailler la question – nous disposons d’un peu de temps pour le faire. On ne peut pas affecter une ressource au secteur privé sans tenir compte du secteur médico-social à but non lucratif, en particulier du secteur public.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Avec ces sous-amendements nous abordons une question qui a été posée par les orateurs de l’opposition : quelles sont les contreparties du nouveau crédit d’impôt ?

Je rappelle que le texte du Gouvernement n’en prévoit aucune. L’exposé des motifs du projet de loi de finances rectificatif envisage seulement qu’une loi ultérieure définisse des contreparties. Cela explique l’attitude de nos collègues de la majorité. « Non seulement on nous fait avaler un boa, mais en plus il n’y a aucune contrepartie » se sont-ils dit, ce n’est pas possible ! Ils ont donc déposé des sous-amendements.

J’appelle d’ailleurs leur attention sur le caractère inapplicable de l’amendement n° 220 de la commission. En effet, sachant que le montant du crédit d’impôt n’est pas affecté à tel ou tel usage, comment voulez-vous que les inspecteurs des impôts vérifient l’affectation du CICE aux différents objectifs du sous-amendement Eckert ?

J’ajoute que l’insertion d’un « notamment » dans la rédaction du sous-amendement pose problème. Il est question de financer l’amélioration de la compétitivité « à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, […]. » Je pourrai toujours prouver que c’est pour financer l’amélioration de la compétitivité de mon entreprise que j’ai fait un plan social afin de réduire les effectifs !

En l’état de la rédaction du sous-amendement, le coût d’un plan social entrerait dans le dispositif puisque l’utilisation du mot « notamment » laisse la possibilité de mettre en avant d’autres moyens d’amélioration de compétitivité que ceux cités. Cela est vrai pour tous les sous-amendements, à l’exception de celui de M. Schwartzenberg, qui n’a pas utilisé un tel adverbe.

Reste un énorme problème auquel vous allez vous heurter : comment l’inspecteur des impôts contrôlera-t-il l’affectation d’un crédit d’impôt sur la base d’une rédaction comme celle du sous-amendement de M. Eckert ?

M. Pierre-Alain Muet. Ce ne sera pas le rôle de l’inspecteur des impôts !

M. Charles de Courson. Il suffira au chef d’entreprise d’expliquer que les financements ont servi à améliorer la compétitivité. Au final, avec cette rédaction, vous ne contrôlerez rien du tout !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Nous sommes au cœur du paradoxe du dispositif. Au fond, d’un côté, la majorité tente d’alléger les impôts qui pèsent sur les entreprises pour que celles-ci retrouvent de la compétitivité, mais, de l’autre, elle alourdit considérablement le dispositif d’un point de vue administratif. Qui contrôlera que le crédit d’impôt aura bien été employé pour le financement des objectifs que vous fixez et comment ce contrôle s’exercera-t-il ? Comment distinguera-t-on, au sein de l’entreprise, les sommes issues du crédit d’impôt du reste du bénéfice : découpera-t-on celui-ci en autant de parts ?

Par ailleurs, comment sécurisera-t-on le préfinancement ? Vous avez décidé – et c’est un élément extrêmement important – que la créance sur l’État serait mobilisable, mais cette créance sera entourée de suspicions considérables. En effet, le banquier qui sera sollicité se demandera si l’entreprise a bien respecté les conditions fixées. Cette conditionnalité est donc contraire au but que vous poursuivez. Faites confiance aux entreprises, chers collègues de la majorité ; ensuite, il y aura des vérifications, notamment des contrôles fiscaux.

Encore une fois, le principe même de la réduction du coût du travail suppose que l’on fasse confiance aux entreprises quant à la manière dont elles utiliseront le crédit d’impôt. Sinon, réduisez plutôt les charges sociales : il n’y aura pas d’ambiguïté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Le groupe GDR soutient le sous-amendement n° 220, car il convient de fixer des objectifs, afin de donner un peu de poids aux partenaires sociaux face au patronat.

M. Michel Sapin, ministre. Voilà !

M. Nicolas Sansu. Mais restons modestes et ne faisons pas croire qu’il s’agit de conditions. En revanche, il manque – l’opposition ne sera pas d’accord, mais cela me rassure – un volet consacré aux sanctions : définissons au moins les interdictions d’utilisation du crédit d’impôt et nous pourrons aller un peu plus loin.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mes chers collègues de la majorité, avec ces sous-amendements, en particulier le sous-amendement n° 220, nous sommes dans l’illusion : c’est le socialisme réduit aux apparences, et rien d’autre. Vous ne fixez ni conditions ni sanctions, mais vous gardez quelques mots qui vont bien – « durable », et j’en passe – pour vous faire plaisir et vous rassurer. En réalité, vous avez totalement changé de politique, monsieur Muet. Admettez-le et tirez-en les conséquences ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. Pas du tout !

M. Pascal Terrasse. C’est vous qui auriez dû changer de politique vu votre bilan !

M. Marc Le Fur. Cependant, ces sous-amendements suscitent une véritable inquiétude. En effet, les entreprises ne bénéficieront de la recette de l’État qu’en 2014, mais on espère bien – c’est en tout cas votre objectif – que, dès 2013, elles pourront utiliser cette créance à venir en demandant à leur banquier l’avance correspondante. C’est là que les choses se compliquent, car nous sommes en train de donner aux banques un pouvoir de censure sur une recette de l’État. En effet, la banque décidera de nantir ou de ne pas nantir ; dans le second cas, il ne se passera rien avant 2014 et l’année 2013 sera très difficile. Au demeurant, la réponse de la banque sera, comme toujours, favorable pour les grandes entreprises, celles du CAC 40, et défavorable pour les PME et les petites entreprises qui éprouvent des difficultés par ailleurs.

Vous vous cachez derrière des apparences, mais, en fait, vous donnez le pouvoir d’attribuer des crédits anticipés de l’État à des banques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je suis très étonné des propos que j’entends sur les bancs du centre et de la droite. On nous dit en effet que les inspecteurs des impôts doivent pouvoir contrôler ce qui est fait. Or, ce n’est pas du tout la logique du dispositif : nous fixons des lignes directrices et nous faisons confiance à la négociation sociale, c’est-à-dire aux partenaires sociaux.

M. Pascal Terrasse. Nos collègues, eux, ne savent pas ce que c’est que la négociation !

Monsieur Le Fur, vous pouvez dire que c’est le socialisme des apparences. Non. Cela fonctionne très bien en Europe du nord et en Allemagne, dans le cadre d’un véritable pacte de compétitivité : cela s’appelle la social-démocratie. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Benoist Apparu. Le mot est lâché !

Mme la présidente. Monsieur Alauzet, maintenez-vous le sous-amendement n° 100 ?

M. Éric Alauzet. Oui, madame la présidente. En réalité, les trois sous-amendements se complètent parfaitement et méritent tous d’être adoptés : celui du groupe écologiste fait référence au développement durable, celui du groupe SRC insiste sur l’investissement, le développement et la compétitivité et celui du groupe RRDP sur l’emploi. Nous avons besoin de tout cela. Ces trois sous-amendements nous offrent donc une vision panoramique, qui donne un éclairage particulier aux réponses apportées par le rapporteur général et le ministre.

Certes, et vous avez raison sur ce point, mes chers collègues de droite, ils fixent des orientations, ils ne sont pas prescriptifs. Mais nous avons besoin de ces éléments pour que, le moment venu, les industriels sachent ce que nous attendons d’eux. Nous leur faisons confiance, monsieur Woerth, mais nous leur indiquons ce que nous voulons : du développement durable, de l’emploi, de l’investissement pour la compétitivité. C’est pourquoi il faut adopter ces trois sous-amendements dans un même élan. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

(Le sous-amendement n° 100 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 220 est adopté et le sous-amendement n° 301 tombe.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 376.

M. Charles de Courson. Par ce sous-amendement, je souhaite appeler l’attention de mes collègues et du Gouvernement sur le problème du travail indépendant. En effet, le texte du Gouvernement exclut celui-ci du bénéfice du crédit d’impôt – à moins que le travailleur indépendant n’ait un salarié : il pourra alors en bénéficier pour ce dernier. Il y a là, monsieur le ministre, une rupture d’égalité. Or, vous savez que l’ancienne majorité a eu quelques déconvenues lorsqu’elle a réformé la taxe professionnelle, puisque le Conseil constitutionnel a annulé la réforme pour rupture d’égalité entre le travail indépendant et le travail salarié. Ce sous-amendement a donc pour objet de traiter tout le monde de la même façon.

Je n’ai toujours pas compris pourquoi le Gouvernement excluait le travail non salarié, c’est-à-dire, notamment, les exploitants agricoles, les professions libérales, les artisans et les commerçants. Il serait intéressant que le Gouvernement nous donne sa position sur la constitutionnalité de sa mesure au regard du principe d’égalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mon cher collègue, je comprends bien la manœuvre, mais laissons au Conseil constitutionnel le soin de statuer, le cas échéant, sur ce point.

Je me permets de vous rappeler que le crédit impôt-recherche a parfois été accusé des mêmes maux que ceux dont vous accusez la mesure du Gouvernement. En l’espèce, il s’agit également d’un crédit d’impôt et je pense que le même traitement lui sera appliqué. Vous avez votre point de vue, vous l’avez exprimé. Quant à nous, nous nous en remettrons bien entendu à la décision du Conseil constitutionnel, s’il est saisi.

Un choix a été fait, parce qu’il faut bien fixer des limites à l’élargissement de l’assiette. Les travailleurs indépendants ont vocation à embaucher et, s’ils ont des salariés, ils bénéficieront du crédit d’impôt. Mais, s’agissant de leur propre salaire, le choix qui a été fait, et que nous partageons, a été de ne pas les inclure dans l’assiette du crédit d’impôt.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je partage l’avis de la commission. Il faut rappeler que le crédit d’impôt est une mesure qui vise à donner aux entreprises les moyens de redresser la compétitivité de l’économie française et, comme l’indique son libellé, à soutenir l’emploi. C’est pourquoi il est calculé sur la masse salariale supportée par les entreprises. Il n’est pas envisagé de prendre en compte la rémunération des travailleurs indépendants – qui sont exploitants individuels – qui, par hypothèse, est représentée par le bénéfice réalisé par l’entreprise.

Le crédit d’impôt compétitivité emploi est institué en faveur des entreprises d’après leur bénéfice réel soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu. Il s’applique quels que soient le mode d’exploitation de ces entreprises et la catégorie d’imposition à laquelle elles appartiennent, dès lors que ces entreprises emploient du personnel salarié. Par conséquent, les travailleurs indépendants sont susceptibles de bénéficier du crédit d’impôt, dans la mesure où ils emploient des salariés. Encore une fois, l’objectif est bien de créer de l’emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’abonderai dans le sens de mon collègue Charles de Courson.

Monsieur le ministre, comme vous ne prévoyez pas de ciblage – nous avons vu, tout à l’heure, un sous-amendement sur les coopératives –, nous appelons votre attention sur les travailleurs indépendants, soit 10 % de la population active, qui sont exclus de ce dispositif. Pourquoi les grandes banques, les assurances, qui peuvent déjà bénéficier du crédit impôt-recherche et du crédit d’impôt innovation, pourront-ils bénéficier de cette mesure et pas ces gens-là, qui participent pourtant, me semble-t-il, à la compétitivité de l’économie française ? Il y a là une véritable distorsion de concurrence. Pour la même raison, nous avons défendu, tout à l’heure, avec Marc le Fur, le secteur agricole, durement éprouvé en raison de la concurrence déloyale dont il souffre par rapport à l’Allemagne, par exemple. Vous écartez tous ces secteurs. C’est le problème de l’absence de ciblage de votre mesure : manifestement, vous avez été dépassés par l’idée de départ. En tout état de cause, nous, nous ne voulons pas laisser en dehors du champ d’application de la mesure des secteurs d’activité essentiels.

Par ailleurs, je reviens sur le contrôle du crédit d’impôt par les salariés. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’il fallait aller vite. Soit. Mais la loi qui permettra d’associer les salariés au contrôle est programmée pour l’année prochaine. Faut-il attendre cette loi pour connaître les critères qui seront définis par les partenaires sociaux ? Les partenaires sociaux n’auront aucun moyen de dire si le crédit d’impôt accordé était justifié ou non : comment va-t-on faire ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez répondu à M. Le Fur !

M. Philippe Vigier. Nous posons donc des questions très précises. Vous n’avez pas ciblé votre mesure, et c’est un échec, car, toutes tendances politiques confondues, nous sommes là – et c’est normal – pour défendre un certain nombre de secteurs d’activité. En outre, monsieur Muet, le contrôle par les partenaires sociaux n’est qu’un habillage d’automne destiné à emballer le bonbon et qui n’apporte rien.

Enfin, vous étiez contre l’augmentation de la TVA d’1,6 point, au prétexte qu’elle aurait limité le pouvoir d’achat, mais ne croyez-vous pas que ce sera également le cas si vous l’augmentez de 0,4 point ? Vous répondrez peut-être à cette question au cours de la soirée.

M. Jean-Marc Germain. Vous avez déjà eu une réponse ! Vous n’écoutez rien !

(Le sous-amendement n° 376 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir le sous-amendement n° 31.

M. Pascal Cherki. L’un de nos collègues disait, à juste titre, que le crédit d’impôt n’était pas un chèque en blanc signé au patronat. Il a raison : ce chèque a un montant de 20 milliards d’euros !

Si j’ai déposé, avec vingt-quatre collègues socialistes, ce sous-amendement – qui n’a pas été adopté par la commission des finances, mais qui a été soutenu par des collègues communistes et écologistes, et je les en remercie –, c’est parce que, d’un débat sur l’industrie, avec une réflexion globale sur les filières et leur compétitivité, nous sommes passés, sous la pression du MEDEF et de l’AFEP, à un débat général sur le coût du travail et à une mesure inconditionnelle et sans contrepartie qui vise finalement à donner 20 milliards d’euros aux entreprises. Cela pose un problème, car la mesure risque de manquer son but. Bien entendu, les membres socialistes de la commission des finances ont travaillé et fixé des orientations destinées afin d’appeler les chefs d’entreprise à utiliser intelligemment le crédit d’impôt et de donner des points d’appui aux partenaires sociaux dans les négociations. Mais un sujet demeure, et c’est l’objet de ce sous-amendement.

Puisque la mesure dont nous discutons n’est assortie d’aucune condition, nous pourrions mener une réflexion sur son périmètre. Le présent sous-amendement vise ainsi à exclure les sociétés cotées au CAC 40 du champ d’application du crédit d’impôt compétitivité emploi. M.

Je n’ai rien contre les sociétés cotées au CAC 40 ; je me réjouis d’ailleurs de leur santé florissante, puisqu’elles ont pu distribuer 37 milliards d’euros de dividendes en 2011. Mais sur les quarante sociétés que compte cet indice, vingt vont augmenter les dividendes qu’elles versent. Elles emploient 1,5 million de salariés, dont un tiers a d’ailleurs un statut assez précaire. Je ne vois donc pas pourquoi nous, qui sommes membres d’une majorité parlementaire de gauche, signerions des chèques à Total, à Axa, à BNP-Paribas, au Crédit agricole, à la Société générale, à Carrefour, ou à Casino ! Je pense que c’est plutôt aux banques et à la grande distribution de réfléchir aux moyens de redonner de l’argent aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas retenu ce sous-amendement.

M. Charles de Courson. Encore heureux !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je partage en partie l’intention qui le motive. Il est d’ailleurs largement satisfait par d’autres sous-amendements qui proposent également de compléter l’amendement du Gouvernement. Mais le critère de distinction qu’il entend introduire n’est pas pertinent.

Je me permets de vous donner un exemple – même si vous pourriez le reprendre à votre compte, mais tant pis ! Si votre sous-amendement pourrait en effet empêcher Carrefour de bénéficier du CICE, ce dont vous pourriez être satisfait, il ne permettrait pas en revanche d’exclure Auchan du dispositif !

M. Pascal Cherki. Là n’est pas la question !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un simple exemple, dont je savais qu’il vous ferait réagir.

Le critère que vous proposez, à savoir de réserver le bénéfice du CICE aux entreprises dont les actions, parts et autres droits ne font pas l’objet de négociations significatives et régulières sur un marché réglementé, souffre d’imprécision, ce qui ne le rend pas très fonctionnel. Cela n’est pas conforme à l’esprit du dispositif.

Nous avons tous en tête les grandes entreprises industrielles françaises dont l’activité est très localisée en France, et qui – me semble-t-il – méritent de bénéficier du CICE. C’est pourquoi votre sous-amendement n’a pas reçu un avis favorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis exactement du même avis que le rapporteur général. Je rappelle que le crédit d’impôt compétitivité emploi est une mesure générale, qui touche toutes les entreprises dès lors qu’elles emploient du personnel salarié. C’est la logique même de cette mesure.

Deuxièmement, comme vient de le dire Christian Eckert, les sociétés cotées sont confrontées aux mêmes difficultés que les autres entreprises en matière de concurrence internationale. Le fait qu’elles aient accès à des financements via les marchés réglementés – et encore, les investisseurs se font rares en période de crise – ne change rien à ce constat. Pour nous, le crédit impôt compétitivité emploi doit aller là où il y a de l’emploi, pour le soutenir et pour le développer.

Les sociétés cotées constituent une catégorie très hétérogène. Elles sont des employeurs importants. Elles doivent être soutenues ; si elles ne l’étaient pas, la portée de cette mesure serait limitée.

J’ajoute que si nous vous suivions, le crédit d’impôt compétitivité emploi pourrait probablement être qualifié d’aide d’État au regard des critères du droit communautaire, en raison de sa trop grande sélectivité. Il faut donc que la mesure ait une portée générale : voilà la raison pour laquelle je suis défavorable à ce sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Vous savez, mes chers collègues, ce que disait Lénine : le gauchisme est la maladie infantile du socialisme.

M. Nicolas Sansu. Erreur : du communisme !

M. Charles de Courson. Le sous-amendement n° 31 présenté par M. Cherki fournit une belle illustration du gauchisme. L’hypothèse implicite qui sous-tend ce sous-amendement est en effet la suivante : le fait pour une entreprise de recourir aux marchés financiers pour augmenter son capital et se développer est un signe de dégénérescence. Mais enfin, même un primate ne défendrait pas ce genre de thèse ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Un peu de mesure et de respect pour tous les parlementaires !

M. Yves Censi. Respect pour les primates !

M. Charles de Courson. J’insiste : c’est vraiment le gauchisme intégral !

Non seulement ce sous-amendement introduirait une rupture d’égalité entre les entreprises, mais il serait néfaste à la croissance. S’il s’agit, chers collègues, d’inciter à la décroissance et de faire plonger la France, il faut alors le voter !

Et puis, qu’en serait-il des entreprises cotées au second marché ? Y avez-vous pensé ? Il n’y a pas que les grosses entreprises qui sont cotées en Bourse !

Franchement, il est atterrant de voir qu’une quinzaine de députés sont capables de signer des sous-amendements comme celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur de Courson, vous avez bien compris qu’il s’agit d’un sous-amendement d’appel, que le groupe GDR soutiendra, car il permet de revenir sur les difficultés de l’absence de ciblage. J’entends bien que si ce sous-amendement était adopté, des entreprises comme PSA et Renault ne bénéficieraient plus du crédit d’impôt au contraire, peut-être, d’Auchan. Mais on sait bien que si cette mesure était généralisée, elle serait également injuste. Le sous-amendement de nos collègues montre, au moins, cette difficulté. Nous le soutiendrons donc.

Quoi que vous en disiez, monsieur de Courson, les entreprises du CAC 40, sur 70 milliards d’euros de bénéfices en 2012, en reversent 41 milliards d’euros en dividendes. Sans doute y aurait-il une autre manière de procéder pour prendre de l’argent sur ces dividendes.

Total, qui a réussi à ne pas être soumis à l’impôt sur les sociétés en 2010…

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela n’a rien à voir !

M. Nicolas Sansu. …va sans doute faire en sorte de n’être imposable qu’à hauteur de 6 % du montant de ses salaires, afin de bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi. Voilà ce qui va se passer dans la réalité ! Je trouve déplorable et inadmissible que de telles entreprises bénéficient ainsi d’aides de l’État !

Bien évidemment, nous soutiendrons ce sous-amendement de nos collègues Pascal Cherki et Henri Emmanuelli – je n’oublie pas que dernier est en effet le deuxième signataire de ce sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Pour ma part, je trouve le sous-amendement présenté par notre collègue Pascal Cherki assez émouvant.

M. Jean Glavany. C’est cela, vous m’avez l’air bien ému !

M. Marc Le Fur. En effet, il est le reflet de votre histoire. Mais il faudrait expliquer à M. Cherki que son parti a évolué. Le socialisme, vous y avez renoncé ! Le keynésianisme, vous y avez renoncé, puisque les mesures dont nous débattons s’inscrivent dans le cadre d’une politique de l’offre !

M. Jean Glavany. Et vous, la bêtise, vous n’y avez pas renoncé !

M. Marc Le Fur. D’ailleurs, Mme Berger ne dit rien : elle se tient coite ! Elle n’a plus rien à dire ! M. Muet, quand à lui, ne trouve plus que des arguments de conjoncture, les arguments jésuites classiques ! Le casuisme permet l’exception. On est en pleine dérive !

M. Alain Fauré. Occupez-vous du texte, au lieu d’attaquer les gens !

M. Marc Le Fur. Je terminerai en posant cette question : parmi les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt annoncés, quel sera le montant consacré aux entreprises du CAC 40 ? Il est important que nous le sachions tous, y compris M. Cherki.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je répondrai d’abord à M. Le Fur qu’en matière de renoncement, c’est plutôt à lui de se poser la question, de manière introspective ! Le général de Gaulle ne disait-il pas que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » ? Je vois que cette corbeille, il la brandit fièrement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quant à M. de Courson qui m’a traité de gauchiste, je veux lui dire que se faire traiter de gauchiste par quelqu’un qui porte un nom à particule, c’est le plus bel hommage qui puisse être rendu à mon combat socialiste ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Yves Censi. Quand on en est réduit à attaquer les gens sur leurs noms, c’est qu’on n’a plus beaucoup d’arguments !

M. Pascal Cherki. Pour revenir au fond du problème qui nous occupe, je rappelle que 37 milliards d’euros de dividendes ont été distribués par les entreprises du CAC 40. Ces entreprises n’ont donc pas de problèmes de financement, sans quoi elles verseraient moins de dividendes ! Nous sommes donc au cœur du sujet : le coût du capital.

Je maintiens donc mon sous-amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je comprends bien le souci qui anime notre collègue Pascal Cherki. Je pense néanmoins que son sous-amendement n’apporte pas la bonne réponse, contrairement à un sous-amendement déposé par le rapporteur général, qui, nous le verrons, complète le sous-amendement que nous avons déjà voté, concernant la destination du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Notre tissu économique en général et notre tissu industriel en particulier font face à un défi de compétitivité extrêmement important. Dans cette bataille pour la compétitivité, l’accès au financement, notamment celui des marchés, est essentiel. C’est d’autant plus vrai que, du fait de la nouvelle réglementation prudentielle bancaire issue des accords de Bâle III, le crédit bancaire se raréfie.

Je ne vois donc pas pourquoi ces entreprises, qui ont besoin de cet allègement du coût du travail, mais qui ont également besoin de faire appel aux marchés financiers, qu’elles soient cotées ou non, ne pourraient pas en bénéficier.

Ce dispositif a un esprit particulier, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir. Il sera contrôlé sur la base du dialogue social : je crois qu’il faut en rester là.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Le propos de notre collègue Cherki m’inspire deux réflexions.

La première, c’est que ce n’est pas une tare, pour une entreprise, d’appartenir au CAC 40. Je vous rappelle, mon cher collègue, l’émoi qui s’empara de nous tous lorsque la menace de sortie de Peugeot du CAC 40 se précisait.

La seconde réflexion est que si vous nous expliquez que votre sous-amendement est guidé par un souci de justice, je ne vous ai pas beaucoup entendu lorsque votre collègue a défendu un amendement concernant les coopératives ! Voilà un des systèmes les plus vertueux qui existent en matière de partage de la valeur ajoutée et de solidarité de filière. Or, on ne vous a pas entendu défendre ce sous-amendement, pas plus, d’ailleurs, que celui relatif aux professions indépendantes. Votre conception de la justice fiscale est à géométrie variable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Rassemblement-UMP.)

(Le sous-amendement n° 31 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, à cette étape de nos débats, je voudrais préciser un point. Je ne suis pas sûre que tout le monde ait bien saisi les nouveautés dans le déroulement de la séance qu’implique la présence d’un nouveau groupe, faute peut-être de connaître toutes les subtilités de notre règlement.

Ce dernier prévoit que dans la discussion d’un amendement, la parole est donnée à son auteur, au rapporteur de la commission saisie au fond et au Gouvernement, puis, éventuellement, à un orateur pour et à un orateur contre. Depuis le début de nos débats sur l’amendement n° 4 rectifié du Gouvernement, l’ensemble des sensibilités représentées dans notre assemblée a pu largement s’exprimer,…

M. Pascal Terrasse. Il y a douze groupes à droite, à présent !

Mme la présidente. …sans que l’on puisse d’ailleurs toujours préjuger l’avis des différents groupes.

M. Pascal Terrasse. Autant de députés, autant de groupes !

Mme la présidente. Il me semble donc que les différentes sensibilités ont pu s’exprimer sur le sujet du crédit d’impôt compétitivité emploi. Nous reviendrons donc à partir de maintenant à une application plus traditionnelle de notre règlement.

M. Pascal Terrasse. Très bien !

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 3, de notre règlement, je me permets de vous faire remarquer, madame la présidente, que les dispositions que vous avez mentionnées n’ont absolument rien à voir avec les groupes parlementaires.

Plusieurs députés du groupe SRC. De quels groupes parlez-vous ?

M. Pascal Terrasse. Lui, c’est l’UMP canal historique !

M. Christian Jacob. Elles ne concernent que l’intervention de députés par rapport à un amendement, sans qu’il soit question de lier cette possibilité aux groupes parlementaires comme vous avez voulu le faire : cela n’a rien à voir !

Mme la présidente. Monsieur Jacob, puisque vous mettez en doute l’explication de la présidence, permettez-moi d’être plus précise.

Quand une main se lève dans la partie droite de cet hémicycle, et que j’ai déjà donné la parole à un membre du groupe UMP,…

M. Christian Jacob. À un député ! Peu importe le groupe auquel il appartient !

Mme la présidente. …comment savoir si cette main appartient à un membre du groupe Rassemblement-UMP, groupe désormais enregistré et qui a été représenté à la Conférence des présidents ce matin ? C’est pourquoi j’en appelle à notre règlement.

M. Pascal Terrasse. M. Jacob fait un putsch !

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 218 et 303, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir le sous-amendement n° 218.

M. Jean-Marc Germain. J’ai trouvé, pour ma part, le rappel fait par Mme la présidente de notre règlement très utile. Quand les orateurs de l’opposition s’expriment, il est difficile de savoir s’ils appartiennent au Rassemblement-UMP ou à l’UMP. Il faut en effet nous en excuser : nous ne connaissons pas encore la nouvelle architecture de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

J’appelle en tout cas nos collègues à élever le débat. M. de Courson et M. Le Fur notamment ont eu des mots assez désobligeants alors que nous discutons d’un sous-amendement important qui, je l’espère, aidera notre pays à sortir de la crise.

J’ai en effet entendu des mots comme « primate, atterrant, émouvant », et vous avez même prononcé celui d’« amateurisme », monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Jean-Marc Germain. Savez-vous ce qu’est l’amateurisme, monsieur de Courson ? C’est d’avoir laissé se dégrader la compétitivité de notre pays pendant dix ans et de n’avoir rien fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. On va voir ce que vous ferez !

M. Jean-Marc Germain. L’amateurisme, c’est d’avoir attendu le dernier jour du dernier mois du quinquennat pour nous soumettre un projet de loi tendant à améliorer la compétitivité ! Si la « TVA Sarkozy » était entrée en vigueur, cela aurait cassé la croissance au 1er octobre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) L’amateurisme, c’est aussi d’avoir passé un quinquennat à donner des cadeaux sans contrepartie aux plus fortunés de ce pays, (Mêmes mouvements) avec, comme premier geste, le bouclier fiscal,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous l’avez restauré !

M. Jean-Marc Germain. …et, comme dernier, la baisse de l’impôt sur la fortune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’en viens à mon sous-amendement, lequel est fondamental. Nous avons soutenu le Gouvernement dans sa volonté d’agir vite et fort parce que la compétitivité de notre pays l’exige – je crois que nous nous retrouvons tous sur ce point.

Comme l’a très bien expliqué Pierre-Alain Muet – et je conseillerai à M. Le Fur d’assister à ses cours de macroéconomie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – un pays peut se trouver simultanément, à des moments de son histoire, face à des problèmes d’offre et de demande. Telle est le cas de la France aujourd’hui.

M. Christian Jacob. Dans quelle entreprise avez-vous travaillé ?

M. Jean-Marc Germain. Ce crédit d’impôt permettra d’avoir un effet sur la compétitivité dès le 1er janvier 2013, avec des conséquences sur les financements en 2014. Je l’ai dit hier, gouverner, c’est l’art d’exécuter. Ici, l’exécution est excellente.

M. Charles de Courson. Excellente ?

M. Jean-Marc Germain. Surtout, le vrai sujet de divergence politique entre vous et nous est que nous n’acceptons pas les cadeaux sans contrepartie. Nous acceptons l’absence de conditionnalité parce que nous comprenons qu’en matière de compétitivité, chaque entreprise doit pouvoir trouver chaussure à son pied. Dans certains cas, l’effort portera sur la recherche, dans d’autres, il portera sur l’innovation et dans d’autres, enfin, sur l’aide à l’exportation. Nous faisons confiance aux entreprises pour trouver les meilleures solutions permettant d’améliorer leur compétitivité.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Marc Germain. Je conclus, madame la présidente, mais je serai plus bref lorsque je présenterai mes sous-amendements suivants, sachant que j’en donne ici la logique.

Nous avons en effet conçu un dispositif qui a sa logique. Notre collègue Muet en a présenté la première étape en expliquant à quoi devait servir ce crédit d’impôt recherche, à savoir à la recherche, à l’innovation et à la formation. Notre collègue Eckert défendra un sous-amendement précisant qu’il ne peut s’appliquer aux dividendes et qu’il ne peut permettre d’augmenter les hautes rémunérations. Par mon sous-amendement n° 218, j’indique que les entreprises devront tracer très précisément la façon dont elles ont utilisé ce crédit d’impôt.

J’en défendrai ultérieurement un autre très brièvement qui portera sur la façon dont les partenaires sociaux devront effectuer dans l’entreprise un contrôle social de l’utilisation de ces sommes et tirer, le cas échéant, les conséquences de leur mauvaise utilisation. Tel sera d’ailleurs l’objet du projet de loi qui sera déposé fin janvier par le Gouvernement, ce qui clôturera l’ensemble des dispositifs préalablement adoptés et permettra d’aller vite et fort pour apporter une réponse à la hauteur des problèmes de compétitivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Jean-Marc Germain vient de décrire parfaitement l’architecture que nous défendons. Il n’y aura pas de conditionnalité, ce qui répond, notamment, aux inquiétudes de notre collègue Le Fur qui s’interrogeait sur la crédibilité d’une créance au niveau de la banque. Toutefois, des critères sont posés. Il devra, ainsi, y avoir de la transparence : le comité d’entreprise sera, en effet, informé, car l’entreprise retracera dans ses comptes ce qu’elle aura fait du crédit d’impôt. Un bilan sera dressé à tous les niveaux.

Le Parlement, quant à lui, conservera, bien entendu, ses prérogatives, comme c’est le cas pour toute loi de finances, afin de corriger d’éventuels abus. C’est un pari de confiance. Il y a plusieurs pièces dans ce puzzle, et la commission est donc favorable à ce sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour présenter le sous-amendement n° 303.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce sous-amendement repose sur le même principe.

Je me rappelle une interview de Bruno Le Roux dans le journal Les Échos du 29 novembre où il disait qu’il n’était pas question que des conditions soient mises à l’attribution de ce crédit d’impôt. Nous l’aurions, pour notre part, souhaité. Comme nous avons le sentiment que nous ne sommes pas totalement majoritaires à nous seuls – ce qui est le moins que l’on puisse dire ! –, il nous semble au moins essentiel, comme l’a souligné le rapporteur général, que des critères permettent de s’assurer que le crédit d’impôt est utilisé conformément aux objectifs énoncés dans le sous-amendement de M. Muet adopté précédemment.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux sous-amendements ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ces deux sous-amendements ont la même philosophie, le même objectif et le même esprit. Je soutiendrai celui de la commission des finances dont la rédaction me paraît parfaite.

Je veux dire, à mon tour, quel est justement l’esprit de ce dispositif. Il n’était, en effet, pas de fixer des conditions, ce qui aurait créé de la complexité là où nous voulons de la simplicité pour que ce dispositif puisse bénéficier à toutes les entreprises. Cela ne signifie toutefois pas qu’il ne doive pas y avoir de contrepartie, de philosophie et d’objectif, en l’occurrence celui de la compétitivité, de l’emploi et de l’investissement.

Dès lors que les objectifs mentionnés dans le sous-amendement n° 218 correspondent très exactement à ce que le Gouvernement souhaite, celui-ci ne peut qu’y être favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je trouve notre débat quelque peu surréaliste à l’heure qu’il est.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il n’est pas tard !

Mme Marie-Christine Dalloz. On nous dit qu’il n’y a pas de conditionnalité. Certes ! Mais on fixe, ensuite, par le biais de sous-amendements, des critères, ce qui est pour moi de la conditionnalité. C’est là toute l’ambiguïté.

Comment des entreprises, quelle soit leur taille – les TPE, notamment – pourront-elles négocier avec leur banque ou auprès de la BPI, si elles sont plus importantes, une avance de trésorerie alors que la réforme ne sera applicable qu’en 2014 et que les critères, parce que fixés ultérieurement dans le cadre d’un nouveau projet de loi présenté en janvier 2013, sont flous ? C’est assez ubuesque. Je trouve, de plus, que c’est dangereux, car il en va de l’avenir de notre économie.

Quand j’ai entendu M. le ministre, alors qu’il s’exprimait sur mon sous-amendement, me répondre que, si ce dispositif était mis en œuvre sur la DAS de 2012, au titre de 2013, ce serait un effet d’aubaine, mais que ce ne serait pas le cas s’il l’était en 2014 sur la DAS 2013, parce qu’il en a été ainsi décidé par le Gouvernement, j’ai cru rêver ! Combien d’emplois seront-ils créés grâce à ce dispositif, monsieur le ministre, en 2013 ? Pourriez-vous nous apporter cette précision, afin de nous éclairer quelque peu ?

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je m’exprimerai au nom des « pour contre » ou des « contre pour » !

Nous voterons évidemment le sous-amendement n° 218, comme nous l’avons fait en commission des finances. Il y a toutefois un « mais » et je m’en explique.

Nous acceptons ces objectifs qui ne sont pas des conditionnalités, bien qu’ils soient flous, ce qui laisse, peut-être, la porte ouverte à la négociation sociale. Je veux tout de même rappeler à mes collègues de tous les groupes de gauche que, dans la proposition de loi contre les licenciements bousiers adoptée l’an dernier au Sénat, il existait des conditionnalités à toutes les aides d’État aux entreprises. En effet, il ne devait pas y avoir de licenciements boursiers pour que ces aides s’appliquent. Or, là, cette condition n’existe pas.

Je reste, pour ma part, persuadé que sans sanction, il n’y a pas de conditionnalité. Donc, je plaide, un peu comme le président Schwartzenberg, pour que des conditions soient mises à l’obtention de ce crédit d’impôt.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. J’ai évoqué, hier, lors de la discussion générale, ce que pouvait être une politique de l’offre de gauche. Le sous-amendement n° 218, présenté par Jean-Marc Germain, me permet de conforter ma pensée et, là encore, je vais devoir me référer à un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, lequel disait, voilà dix ans, que « La nouvelle croissance repose […] sur deux piliers : une révolution structurelle appuyée sur les technologies […] et une réinvention de la politique macroéconomique… ».

Concernant la politique macroéconomique, premier pilier, l’excellent professeur Pierre-Alain Muet a judicieusement rappelé ce qui se passait en bas de cycles de demandes. Je n’y reviendrai pas. Vous n’avez pas compris ses propos, monsieur Le Fur. Je vous invite donc à aller demander un cours particulier à M. Muet ! Je suis sûre qu’il sera volontaire !

M. Christian Jacob. Dans quelle entreprise a-t-il travaillé ?

Mme Karine Berger. Second pilier d’une politique de l’offre de gauche : la révolution technologique, autrement dit le progrès, lequel est notre définition de la compétitivité. C’est, en effet, celle qui fait le pari que l’inventivité humaine est en mesure de franchir toutes les barrières. C’est une approche positive, une approche confiante du progrès. Le progrès ne s’arrête pas craintivement et de manière comptable à la question de la réduction des coûts. Il signifie repenser politiquement et ambitieusement les frontières de la recherche, de l’innovation et de la technologie, donc de la production.

M. Daniel Fasquelle. C’est du baratin !

Mme Karine Berger. C’est pour cela que nous devons savoir, ligne après ligne, comment seront utilisés les 20 milliards d’euros du CICE.

Le sous-amendement n° 218 nous décrit, euro par euro, objectif par objectif, investissement par investissement la façon dont sera utilisé ce CICE. Sa fongibilité signerait son échec. La traçabilité nous permettra de nous assurer qu’il est bien au service d’une politique d’offre de gauche. Il sera aussi précieux pour nos successeurs dans leurs futures décisions de pouvoir confirmer ou annuler la mesure en fonction de son résultat.

Nous voterons donc ce sous-amendement qui nous permettra de montrer qu’il existe, à gauche, une politique de l’offre qui peut-être tracée et qui est au service du progrès. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 218 est adopté et le sous-amendement n° 303 tombe.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour un rappel au règlement.

M. Charles de Courson. Votre attitude, madame la présidente, n’est pas acceptable ! Vous avez donné la parole à tous les groupes sauf au nôtre. Je demande donc une suspension de séance de cinq minutes.

Mme la présidente. La suspension de séance de droit, mais la décision de la présidence est souveraine !

M. Charles de Courson. Le sectarisme aussi !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Nous en venons aux sous-amendements, nos 219 rectifié et 300, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Rabault, pour défendre le sous-amendement n° 219 rectifié.

Mme Valérie Rabault. Nous voulons préciser par ce sous-amendement que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise.

Si, depuis quinze ans, la France investit moins, en tout cas pas suffisamment pour assurer une croissance supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui,…

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Ça, c’est sûr !

Mme Valérie Rabault. Eh oui, monsieur de Courson !

…les dividendes des grandes entreprises ont en revanche progressé depuis dix ans dans des proportions considérables. S’il fallait la comparer aux autres pays européens ou même aux États-Unis, la France, pour une fois, ne serait pas loin de la tête du peloton : l’an dernier, la part du bénéfice distribuée en dividendes dans les plus grandes entreprises représentait 45 % – elle avait même atteint 60 % en 2009 ; or ce pourcentage est largement supérieur à ce qu’il est dans les plus grandes entreprises américaines ou allemandes : l’Allemagne est la référence que vous choisissez systématiquement pour vos comparaisons, mes chers collègues de l’opposition !

Les entreprises n’ont pas de problèmes pour distribuer des dividendes et nous n’avons pas besoin de les aider. Nous proposons donc que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi serve à des objectifs précis et n’aide pas à financer la hausse des dividendes.

Nous serons tous d’accord pour dire qu’il est de notre devoir absolu de veiller à ce que l’argent public soit efficace et aille vers des pôles de créativité. M. le président de la commission des finances lui-même a indiqué mercredi en commission qu’il partageait l’esprit de ce sous-amendement. Je vous invite tous à faire de même.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’avais moi-même présenté ce sous-amendement à la commission et Mme Rabault vient de défendre de façon remarquable. Il fait partie du dispositif qui a été décrit et commenté à de multiples reprises. C’est toute une architecture. Peut-être n’avez-vous pas l’habitude que l’on fasse confiance dans la transparence et l’information au dialogue social ; quoi qu’il en soit, le crédit d’impôt pourra reposer sur des critères précis ; celui-ci en est un sur lequel tout le monde, je crois, pourra être d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable, évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais comprendre ce sous-amendement.

Prenez une société dans laquelle les actionnaires ont capitalisé pendant deux ou trois ans, autrement dit ne se sont pas accordé de dividendes. S’ils veulent bénéficier du crédit d’impôt à partir de 2014, ils ne pourront plus en distribuer.

Plusieurs députés du groupe SRC. Si !

M. Olivier Carré. Ils ne pourront pas augmenter la distribution.

M. Charles de Courson. Non, puisque l’on part de zéro : elle ne distribuait rien. Il y a des sociétés qui ne distribuent pas de dividendes et qui, un jour, parce qu’elles se sont redressées et vont bien, décident de le faire. Maintenant, cela leur sera interdit.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. Charles de Courson. En tout cas tel que votre sous-amendement est rédigé : « Le crédit d’impôt ne peut financer une hausse de la part des bénéfices distribués ». Autrement dit, si cette part est de zéro, il ne sera plus possible ensuite de distribuer des dividendes.

Par ailleurs, je ne comprends pas comment vous aller lier une non-augmentation ou une augmentation de la part des bénéfices distribués au crédit d’impôt. On va vous expliquer que la part des bénéfices distribués a augmenté, mais que le crédit d’impôt est utilisé pour faire de l’innovation ou de la recherche. J’observe au passage que vous ne parlez même pas d’une augmentation du montant des investissements dans la recherche, l’innovation ou que sais-je encore : vous évoquez simplement un montant.

Enfin, pour ce qui est aux rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction, ou bien c’est une interdiction absolue de toute augmentation, ce qui est totalement incompréhensible, ou bien cela signifie que l’on n’a pas le droit de l’affecter. Bien entendu, moi, je ne l’affecterai pas et j’augmenterai la rémunération des dirigeants… Pour moi, ce sous-amendement n’a aucune portée.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour défendre le sous-amendement n° 300.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mon sous-amendement a le même objectif et le même esprit que celui du groupe socialiste : le crédit d’impôt doit essentiellement aider les entreprises à embaucher, investir, innover, et non servir à d’autres fins qui ne seraient pas légitimes.

Il s’agit donc d’éviter les détournements de la loi une fois amendée.

Je suis tout de même attentif à l’objection de M. de Courson. Il serait peut-être préférable de parler d’augmentation artificielle de la distribution de dividendes, car le terme « artificielle » indiquerait une liaison entre l’utilisation du crédit d’impôt et la distribution accrue de dividendes. Si l’on se borne à dire qu’il ne peut y avoir d’augmentation des dividendes, en postulant qu’une augmentation résulterait du bénéfice du crédit d’impôt, il peut se présenter une difficulté juridique, au demeurant mineure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je souhaite intervenir sur la seconde partie de ces deux sous-amendements, qui visent la rémunération des personnes assurant la direction de l’entreprise. Le sous-amendement n° 219 rectifié évoque d’ailleurs les « fonctions de direction » tandis que le sous-amendement n° 300 parle des « dirigeants », ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Je suis l’élue d’un territoire frontalier qui a énormément de mal à retenir le personnel, notamment le personnel d’encadrement et de direction. L’augmentation de la rémunération est quelquefois une garantie du maintien d’un salarié à son poste et, de ce fait, de la compétitivité de l’entreprise, si elle a un bon dirigeant. Je ne vois rien de choquant à ce qu’une entreprise augmente la rémunération d’un bon directeur. Si la première partie du sous-amendement, sur la distribution de dividendes, peut se discuter, celle relative à la rémunération des dirigeants me semble préjudiciable à l’entreprise elle-même.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Sur le principe, nous sommes d’accord avec le sous-amendement n° 219 rectifié : l’idée est louable, mais cela pose la question de la fongibilité, de l’affectation du crédit d’impôt, sur laquelle il faut que le Gouvernement réponde. Je sais que les partenaires sociaux sont grandement mis à contribution, mais je doute qu’ils aient de réelles possibilités de contrôle. De même, dès lors qu’il y a interdiction, il faut des sanctions, à savoir que le crédit d’impôt soit remboursé par l’entreprise qui ne se conformerait pas à l’esprit de la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J’avais prévu de prendre la parole une fois que l’ensemble du dispositif serait apparu dans toute sa force, c’est-à-dire au moment où les amendements sur les mécanismes de contrôle par les partenaires sociaux auraient été discutés, mais je ne peux laisser passer des remarques non fondées.

L’avantage des critères, c’est qu’ils permettent de guider le jugement. Pas celui des contrôleurs du fisc, là n’est pas la question : je parle du jugement de ceux qui auront à se pencher sur l’utilisation de la somme en question. Nous posons donc des critères positifs – dans quelle direction cela doit aller – et négatifs – dans quelle direction cela ne doit pas aller –, afin d’éclairer le jugement.

Le second point, c’est la transparence. Vous venez de voter l’obligation pour les entreprises de faire apparaître dans leurs comptes avec exactitude combien elles ont touché et comment elles ont utilisé ces sommes. Ces chiffres devront naturellement correspondre aux orientations que nous avons fixées.

Ensuite viendra le mécanisme de contrôle par la saisine des partenaires sociaux, des représentants du personnel, en fonction de la taille des entreprises, qui auront à se pencher sur l’utilisation des sommes. Je veux répondre à la question de la fongibilité ou des moyens par lesquels le contrôle s’exercera. Vous prenez vraiment les partenaires sociaux pour des imbéciles : s’ils écoutaient ce que vous dites,…

M. Charles de Courson. Ils nous écoutent !

M. Michel Sapin, ministre. …ils se demanderaient comment vous fonctionnez. Pensez-vous que les représentants des salariés dans l’entreprise n’auront pas quelques critères, quelques éléments leur permettant de porter un jugement ? Que sera le premier de ces critères ? Le niveau de l’investissement, de la formation, des dépenses en matière d’emploi de l’année précédente, en 2012. À partir de là, ont sait si cela augmente ou non ; on sait donc très exactement pour quoi est utilisée la somme en question.

M. Charles de Courson. Absolument pas !

M. Michel Sapin, ministre. Allons, monsieur de Courson ! Imaginez-vous un PDG expliquant : « J’ai touché 10 000 euros et je les ai utilisés pour me rémunérer moi-même…

M. Jean-Louis Gagnaire. Au nom de la compétitivité !

M. Michel Sapin, ministre. …au nom de la compétitivité » ? Vous le voyez faire ça ? Il n’y a pas besoin d’un contrôleur des impôts, car il y a beaucoup plus efficace : la transparence, le contrôle par les partenaires sociaux, et, dès lors, la possibilité de vérifier que la loi est bien mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà le but de tout ce dispositif, et tout cela doit être jugé à travers toute cette série de sous-amendements très cohérents les uns avec les autres et auxquels le Gouvernement est favorable : considérez l’ensemble du dispositif. Et surtout, ne prenez pas les partenaires sociaux pour des crétins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de Courson. Fait personnel !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. J’irai dans le sens de M. Sapin, mais pour lui poser une question précise et importante. Ce ne sont pas les partenaires sociaux qui signeront le chèque et procéderont à l’abondement, mais le Trésor. Un contrôleur des impôts interviendra donc bien dans la boucle à un moment donné, ne serait-ce qu’a posteriori. Ce que je voudrais entendre, en dehors de la règle arithmétique du corps de l’amendement, c’est – et je souhaite que cela soit répété si jamais je n’ai pas compris – qu’il n’y aura aucune condition sur laquelle un contrôleur des impôts pourrait trouver à redire, comme la nécessité d’un rescrit. C’est un exemple important, eu égard à d’autres crédits d’impôt. C’est un point très technique, j’en conviens, mais il me paraît utile pour la suite.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour un rappel au règlement.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, je ne peux pas accepter vos propos : je vous ai dit exactement l’inverse ! J’ai indiqué que ce sous-amendement était inopérationnel. Aucun dirigeant digne de ce nom n’expliquera, pour reprendre votre exemple, qu’il a utilisé les 10 000 euros du crédit d’impôt pour augmenter sa rémunération, quand bien même il l’aurait fait – ce n’est d’ailleurs pas lui qui l’augmente mais son conseil d’administration, dans le cas d’une société. Mais passons…

Mme la présidente. Monsieur de Courson, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Charles de Courson. Bien sûr que si, j’ai été mis en cause par M. le ministre !

Mme la présidente. Je voudrais vous rappeler, monsieur de Courson, qu’il n’est pas acceptable que l’impartialité de la présidence soit mise en cause par qui que ce soit, vous pas plus qu’un d’autre. Si de tels propos étaient réitérés, je serais amenée à rappeler à l’ordre leur auteur, quel qu’il soit. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

M. Philippe Vigier. Ambiance, ambiance !

Mme la présidente. J’ai clairement exposé les conditions dans lesquelles je donne la parole, de manière équilibrée, au plus grand nombre d’intervenants de tous les groupes, tout en veillant à ce que notre discussion progresse à un rythme raisonnable. Je n’y reviendrai pas. J’ai tout à l’heure appelé un orateur pour, un orateur contre,…

M. Philippe Vigier. Un seul !

M. Charles de Courson. Et un groupe n’a pas eu la parole !

Mme la présidente. …en essayant de faire alterner les groupes.

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas dans le règlement !

Mme la présidente. Chacun pourra s’exprimer. Il y a de nombreux sous-amendements, autrement dit de nombreuses possibilités de prendre la parole.

M. Philippe Vigier. Il faut accepter le débat parlementaire, madame la présidente !

Mme la présidente. Enfin, quand vous demandez la parole pour un rappel au règlement, cela ne peut pas être pour autre chose.

M. Charles de Courson. J’ai été mis en cause !

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Je vais à présent mettre aux voix le sous-amendement n° 219 rectifié.

(Le sous-amendement n° 219 rectifié est adopté et le sous-amendement n° 300 tombe.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir le sous-amendement n° 298.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. La dénomination « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » semble mettre sur un pied d’égalité les notions d’emploi et de compétitivité. Je considère pour ma part, avec beaucoup d’autres, que l’objectif essentiel du dispositif est l’emploi et que la compétitivité est un moyen pour y parvenir, non une fin en soi. Bien sûr, il est préférable que les entreprises soient compétitives, mais l’objectif de ce crédit d’impôt est de faire en sorte que l’emploi soit sauvegardé ou développé, l’investissement redynamisé, l’innovation renforcée. C’est pourquoi je suggère d’appeler le dispositif « crédit d’impôt pour l’emploi par la compétitivité », pour indiquer que l’emploi est l’objectif et la compétitivité l’un des moyens d’y parvenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je comprends l’esprit de ce sous-amendement de nature sémantique, mais l’amendement du Gouvernement se contente de parler de « crédit d’impôt », il ne dit pas autre chose. Par ailleurs, le dispositif est aujourd’hui largement connu sous sa dénomination de « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ». Le sigle CICE est désormais entré dans la plupart des esprits, et certains d’ailleurs s’en amusent même ; je vous épargnerai les jeux de mots parfois un peu moqueurs que j’ai pu entendre à ce sujet. Je ne souhaite pas que l’on change cette dénomination passée dans la presse, chez les partenaires sociaux, les entrepreneurs. Mon avis est donc défavorable, même si votre sous-amendement ne change pas grand-chose au fond.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce sous-amendement ne change en effet pas grand-chose au fond. Il n’y a pas d’ambiguïté sur les priorités du Gouvernement : si nous soutenons la compétitivité, c’est évidemment en vue de la croissance et de l’emploi. Le sous-amendement n’a pas de portée normative, et vous comprendrez mieux que quiconque, monsieur Schwartzenberg, qu’il n’est pas souhaitable d’introduire dans la loi une pétition de principe sans portée juridique. Je ne suis donc pas favorable à votre proposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je trouve pour ma part la proposition de M. Schwartzenberg très pertinente. Au demeurant, l’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement parle bien de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Si vous mettez en place cet instrument, c’est pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises et, par là même, conforter et développer l’emploi.

Cela me permet, monsieur le ministre de l’économie, de vous poser une question. Même si aucune étude d’impact générale n’a été réalisée, y a-t-il eu néanmoins des modélisations qui vous permettent de savoir combien d’emplois seront préservés ou créés grâce à ce dispositif ? Nous avons entendu M. Germain tout à l’heure dans son discours de politique générale ; le problème de l’emploi est au cœur du débat, nous en parlons sans arrêt, par exemple lors des séances de questions au Gouvernement. Nous avons constaté la dégradation de l’emploi avant vous, et nous continuons de la constater. Mais, oui ou non, ce puissant dispositif a-t-il été quantifié, pour mieux préserver et développer l’emploi ? M. le ministre Michel Sapin vient de dire que l’impact de ce crédit d’impôt sur l’emploi serait examiné. Ma question est donc simple : quel sera son impact sur l’emploi ? Je vous remercie de nous répondre. Nous soutiendrons le sous-amendement de M. Schwartzenberg.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce sous-amendement n’est pas essentiel, mais on ne peut pas dire que l’expression « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » n’existe pas dans les textes du Gouvernement puisqu’elle figure dans l’exposé des motifs de l’amendement n° 4 rectifié. Cet exposé, même s’il est sommaire,…

M. Philippe Vigier. Très sommaire !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …ce n’est pas rien. Je doute que le Gouvernement se permette d’avancer n’importe quelle assertion, fût-ce dans un exposé sommaire ; je pense même que ce doit être exactement le contraire. Reste que dans l’expression « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », « compétitivité » vient en premier et « emploi » en second. La pétition de principe, monsieur le ministre, c’est dans cet intitulé qu’elle se trouve,…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …qui consiste à dire qu’il faut renforcer la compétitivité et que, par ailleurs, il serait bon aussi que l’emploi soit maintenu ou développé.

C’est une prise de position politique et je comprends que le MEDEF ne s’indigne pas de cette dénomination qui lui convient très certainement. Mais il aurait été préférable, je le répète, de considérer la compétitivité seulement comme un moyen et l’emploi comme une fin, comme la finalité de votre dispositif. C’est d’ailleurs ce qui figurait dans les soixante engagements que nous avons soutenus ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste votera ce sous-amendement pour les raisons qui ont été très bien expliquées par les deux orateurs précédents : il est évident sur un certain nombre de bancs que l’emploi est la question ultime, mais la nature des débats pourrait parfois faire penser qu’elle est un peu oubliée au profit d’autres considérations.

Quand Louis Gallois est venu présenter son plan de compétitivité, salle Lamartine, je lui ai posé la question : « Votre pacte pour la compétitivité va créer combien d’emplois ? » Il m’a répondu : « Je ne sais pas. » Le changement d’appellation de ce crédit d’impôt ne serait donc pas inutile.

(Le sous-amendement n° 298 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir le sous-amendement n° 299.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous considérons tout à fait essentiel que le dispositif puisse être évalué. Il est vrai que le 6 novembre, quand Jean-Marc Ayrault, dont j’approuve l’action, a présenté ce crédit d’impôt, il a déclaré qu’un comité national de suivi serait mis en place pour dresser à intervalles réguliers un constat partagé entre partenaires sociaux. C’était un objectif tout à fait estimable. Or ce comité ne figure pas dans l’amendement du Gouvernement. Certes, il est réintroduit par un sous-amendement déposé par le groupe socialiste, et accompagné de comités régionaux de suivi. C’est une bonne chose, mais il serait préférable, plutôt que de créer un comité national de plus, de s’en remettre à une institution déjà existante et experte : la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. Elles ont l’habitude de procéder à ce type d’évaluation ou de contrôle. La Constitution précise dans son article 47-2 que la Cour des comptes « assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle des lois de finances […] ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques ». Il y aurait donc intérêt à se servir de cet instrument, dont on connaît la qualité des travaux, et aussi des chambres régionales des comptes, présentes sur le terrain, plutôt que de créer un comité national et des comités régionaux de suivi à l’efficacité incertaine.

En tout cas, un rapport d’évaluation est nécessaire. La Cour des comptes le remettrait annuellement au Parlement et au Gouvernement, et ce rapport serait bien sûr rendu public.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Dans votre présentation, vous avez déjà fait les réponses, monsieur Schwartzenberg… Le sous-amendement n° 215 rectifié que nous allons examiner prévoit effectivement la mise en place d’un comité national de suivi, composé de représentants des partenaires sociaux et de l’administration, et, le cas échéant, des comités régionaux de suivi. C’est conforme à l’esprit de la déclaration du Premier ministre que vous avez évoquée et si, en effet, ce dispositif ne figurait pas dans l’amendement, l’erreur sera réparée dans quelques minutes.

Par ailleurs, la Cour des comptes, son Premier président ne cesse de le répéter, est à la disposition du Parlement, vous l’avez vous-même rappelé. Celui-ci peut à tout moment, il ne s’en prive d’ailleurs pas, faire appel à la Cour pour obtenir un rapport sur tel ou tel sujet.

J’ajoute qu’il est parfois utile d’avoir plusieurs sources. Je me souviens d’un travail que j’avais fait avec un collègue de l’actuelle opposition, au cours duquel, en confrontant des chiffres fournis par les uns et par les autres, on s’apercevait que nous n’arrivions pas forcément aux mêmes résultats.

Je pense donc qu’il faut laisser le dispositif prévu se mettre en place. Le comité national de suivi ne pourra bien sûr valablement travailler qu’une fois le premier exercice écoulé, mais la Cour des comptes aussi. Au moment utile, on pourra faire appel à elle comme on le fait déjà régulièrement, et le prévoir dans la loi sur un rythme annuel me paraît superfétatoire. Votre sous-amendement n’a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Schwartzenberg, on peut tout à fait partager votre préoccupation : nous disposons d’un nombre suffisant d’outils d’évaluation, quelle que soit leur nature, de l’utilisation de sommes tout de même non négligeables puisqu’il s’agit de 20 milliards. Il est légitime qu’on en contrôle l’utilisation d’une manière ou d’une autre. Mais créer une telle obligation annuelle pour la Cour des comptes est-elle une bonne méthode ?

Tout d’abord, n’opposons pas la Cour des comptes et le comité national de suivi que l’on vous proposera de créer dans quelques instants et sur lequel le Gouvernement est parfaitement d’accord, le Premier ministre l’ayant lui-même appelé de ses vœux. Dans le Comité national et dans les comités régionaux, il y aura les partenaires sociaux – et en soulignant ce point, je suis dans mon rôle de ministre du dialogue social. La Cour des comptes peut prendre divers avis, peut écouter, mais elle ne va pas délibérer avec les partenaires sociaux en son sein, sinon elle mettrait en cause son propre fonctionnement et éventuellement son indépendance. Le Comité national de suivi est donc indispensable. Qui plus est, il permettra la remontée des informations transmises par les entreprises aux comités d’entreprise et aux délégués du personnel, ce qui permettra d’avoir une vision globale du dispositif et, partant de là, de porter un jugement et, si nécessaire, de proposer d’éventuelles adaptations.

Ne créons pas une obligation pour la Cour des comptes dans le dispositif. Si d’ailleurs vous demandiez à son Premier président ce qu’il en pense, je gage qu’il vous répondrait : « Non, pas encore un rapport obligatoire annuel ! » Mais je suis persuadé que la Cour se saisira de ce sujet au bout d’une ou deux années, comme elle s’est saisie, par exemple, de la réforme de la taxe professionnelle, démontrant que cette réforme avait coûté beaucoup plus cher que ce que l’on avait prévu. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Elle s’est aussi saisie, à l’époque, d’un certain nombre d’autres dispositifs et en a dénoncé le coût et l’inefficacité. Cette fois-ci, elle travaillera sur le nouveau dispositif le moment venu, en fonction de son propre calendrier. La Cour des comptes sera certainement très intéressée à travailler sur le sujet, et sans que vous l’y ayez obligée.

M. Philippe Vigier. Sans conviction !

M. Pierre Moscovici, ministre. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je comprends l’objectif du sous-amendement de notre collègue Schwartzenberg : à dispositif public exceptionnel, évaluation exceptionnelle. Pour autant, je ne suis pas sûr que ce soit à la Cour des comptes de mener systématiquement une telle évaluation. En vertu de la Constitution, elle peut certes assister le Parlement, mais il ne faudrait pas oublier que nous avons, au sein même du Parlement, à l’Assemblée nationale en particulier, des outils d’évaluation et de contrôle, dont le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques…

M. Olivier Carré. Ce n’est pas son objet !

M. Régis Juanico.…et, au sein de la commission des finances, la mission d’évaluation et de contrôle. Je suis persuadé qu’il nous faudra imaginer, toujours en son sein, une structure exceptionnelle sous la forme d’une commission spéciale d’évaluation, vu l’ampleur du dispositif. Mais il faut créer les outils les uns après les autres : il y aura le Comité national de suivi, avec les partenaires sociaux et les administrations, les comités régionaux, une bonne avancée au niveau du dialogue social territorial ; puis, dans la deuxième loi que nous appelons de nos voeux dans l’un de nos amendements, il faudra imaginer le dispositif d’évaluation parlementaire, notamment à travers les commissaires aux finances.

Mme la présidente. Monsieur Schwartzenberg, maintenez-vous ce sous-amendement ?

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je comprends les objections, notamment celles du ministre : il est vrai que les partenaires sociaux ne siègent pas au sein de la Cour des comptes. Ils n’y seraient pas totalement à leur place et ce n’est pas sa fonction. Mais son objet est d’apprécier la sincérité des chiffres et la réalité d’une situation, et elle a évidemment l’habitude de le faire et l’expertise nécessaire pour cela, ce qui ne sera pas nécessairement le cas du nouveau comité national de suivi, dont l’efficacité est incertaine. Il ne constituera pas un comité Théodule, ce serait blessant et inexact de le dire, mais il engendrera en tout cas des frais supplémentaires. Le dispositif est déjà assez coûteux sans qu’on y ajoute des organismes eux-mêmes onéreux et peut-être peu efficaces. Cela dit, je retire mon sous-amendement : puisque je sens bien qu’il ne sera pas adopté, faisons l’économie de quelques secondes…

(Le sous-amendement n° 299 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 397.

M. Marc Le Fur. Le président de la commission des finances a co-signé mon sous-amendement et s’est exprimé sur cette question : à partir de quelle année de référence calculer le crédit d’impôt ? Prend-on en compte la masse salariale de l’année à venir, 2013, ou celle de l’année 2012 ? J’entre dans votre logique, messieurs les ministres : dès lors que l’on fait de cette créance, qui ne sera versée par l’État qu’en 2014, un document susceptible d’être nanti, d’être adressé à une banque en contrepartie du versement d’un crédit, il faut que ledit document mentionne un chiffre précis. Or on ne peut pas donner en janvier, en février ou en mars un chiffre correspondant précisément à la masse salariale annuelle de l’entreprise. Il serait donc plus rassurant pour tout le monde et plus simple de se référer à un chiffre précis et connu, celui de la masse salariale de l’année 2012. Nous aurions ainsi la capacité à agir.

Vous pariez sur le fait que nous allons va subir une année 2013 très redoutable, c’est pourquoi vous proposez de ne lever la TVA qu’en 2014, n’est-ce pas ?

M. Michel Sapin, ministre. On peut dire oui.

M. Marc Le Fur. À partir de là, si l’on veut permettre aux entreprises de bénéficier par anticipation du CICE dès 2013, encore faut-il que ce crédit soit le plus assuré possible. D’où notre volonté de ne laisser aucune scorie dans votre dispositif, mais dans un esprit très positif puisque notre sous-amendement vise à ce que les entreprises puissent dès le début de l’année présenter à une banque un document précisément chiffré – je rappelle que la déclaration annuelle de données sociales est à cet égard parfaitement au point. Si l’on suit votre logique, autant que ce document soit le plus fiable possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le choix a été fait de s’en tenir à la situation de l’entreprise en 2013 pour tenir compte de la situation connue la plus récente. J’entends bien les arguments selon lesquels on ne peut pas calculer exactement le montant du crédit d’impôt, mais à partir de quelques mois, sauf événement exceptionnel, on a tout de même une ligne, une idée du fonctionnement de l’entreprise sur l’année en cours. Quand on dispose d’une déclaration trimestrielle, en multipliant le chiffre par quatre,on obtient le volume annuel. Il s’agira bien sûr d’une estimation, mais il y a bien des domaines où il est procédé de cette façon, quitte à ajuster ou à régulariser après. Si l’entreprise va chercher auprès d’une banque l’avance de ce crédit d’impôt, elle n’en obtiendra probablement que 90 % à 95 % – voire plus si elle subit malheureusement ensuite une baisse de sa masse salariale assujettie –, et votre sous-amendement n’y changerait pas grand-chose. Le choix a été fait de tenir compte de la situation en 2013 pour bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de l’exercice 2013. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même réponse que celle que j’ai faite à Mme Dalloz, complétée par les considérations du rapporteur général.

(Le sous-amendement n° 397 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n° 304.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un sous-amendement de coordination…

M. Pierre-Alain Muet. Exactement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …puisqu’un sous-amendement – de notre collègue Jean-Marc Germain me semble-t-il –, a été finalement coupé en deux parties par la séance pour des questions de paragraphe, faisant sauter dans l’amendement une phrase nécessaire pour préciser que l’assise sera sur la masse salariale annuelle.

(M. Marc Le Fur remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(Le sous-amendement n° 304 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir le sous-amendement n° 324.

M. Olivier Carré. Ce sous-amendement tend à répondre au problème d’effet de seuil créé par le dispositif qui retient dans l’assiette du calcul du crédit d’impôt l’ensemble des salaires compris entre une fois et 2,5 fois le SMIC. Du coup, une entreprise qui augmenterait l’un de ses salariés dans des proportions relativement faibles – 2 % par exemple – mais suffisantes pour que le salaire dépasse 2,5 fois le SMIC, ne pourrait plus du tout comptabiliser ce salaire dans l’assiette de calcul du crédit d’impôt. En clair, les entreprises n’augmenteront pas les salaires qui tangentent les 2,5 fois le SMIC. C’est le problème de tous les effets de seuil.

Cela étant, nous avons parlé des défauts du dispositif choisi et je ne reviendrai pas sur ses vertus dont certaines ne m’ont pas échappé. L’important est de prendre une assiette : le sujet est moins le coût du travail que l’avantage en termes d’autofinancement qui est donné aux entreprises. Nous sommes bien sur un calcul global et vous avez choisi de prendre comme assiette la masse des salaires pour entraîner ensuite le dialogue social tel que vous le décrivez. À ce stade de l’élaboration du dispositif, ces pistes ne sont pas inintéressantes.

Je propose donc que l’on ne tienne pas compte de l’aspect personnel du salaire comme il est proposé dans le dispositif – autrement dit les seuls salaires compris entre un et 2,5 SMIC – mais que l’on prenne la part de tous les salaires jusqu’à un plafond qui serait abaissé de 2,5 à 2,2 fois le SMIC, de façon à rester dans l’enveloppe prévue par le Gouvernement.

Faute d’étude d’impact sur l’amendement, je suis parti de l’estimation qui nous a été donnée selon laquelle environ 85 % des salariés étaient concernés – il en reste donc 15 %, mais tous au plafond de 2,5 fois le SMIC. Le coût serait donc un peu supérieur à celui induit par mon sous-amendement qui abaisse la part du SMIC à intégrer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un bon débat, mon cher collègue, je ne peux le nier. Reste qu’il fallait se résoudre à un choix : c’est ce qui a été fait, après consultation, et ce choix a même évolué au fil des derniers jours et des dernières semaines. Sans trahir de grands secrets puisque la presse l’a relaté, je peux dire qu’il avait été retenu au départ de procéder à une sortie en biseau, c’est-à-dire de prendre la totalité des salaires jusqu’à 2,2 fois le SMIC, si ma mémoire est bonne, pour descendre ensuite progressivement à zéro passé 2,5 fois le SMIC. Certes, le risque d’effet de seuil peut exister, mais le bon sens doit l’emporter dans la discussion entre les partenaires sociaux : s’il venait à se produire un phénomène d’accumulation de salaires à 2,49 fois le SMIC, le dialogue social pourrait permettre de corriger ce genre d’abus.

Vous proposez de prendre 2,2 SMIC quels que soient les salaires, c’est-à-dire une assiette complètement différente sur laquelle nous n’avons aucun chiffrage. Certes, vous pourriez me retourner l’argument ; mais pour être tout à fait clair avec vous, nous avons fait les chiffrages jusqu’à 2,5 fois le SMIC, avec ou sans biseau, même si nous ne les avons pas repris dans un exposé détaillé. Mais nous l’avons déjà dit et nous pouvons le redire très tranquillement. En revanche, votre proposition me semble plus difficile à chiffrer.

Le choix a été fait ; il est simple et lisible. C’est ce qui a été demandé par au moins l’un des côtés des partenaires sociaux qui ne voulait d’ailleurs pas de sortie en biseau, comme l’a aussi raconté la presse. Je propose donc que nous nous en tenions à la version actuelle, telle que proposée dans l’amendement du Gouvernement.

J’émets donc un avis défavorable au sous-amendement n° 324.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis pour les mêmes motifs qui ont été parfaitement bien explicités par le rapporteur général.

(Le sous-amendement n° 324 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir le sous-amendement n° 275.

Mme Sandrine Mazetier. Mon sous-amendement vise à asseoir l’assiette de calcul du bénéfice du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sur le temps de travail habituel des salariés de l’entreprise et donc d’en exclure les heures complémentaires et supplémentaires.

Cela n’enlève rien au bénéfice du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mais cela incitera probablement des secteurs d’activité qui ont massivement recours à du temps partiel subi – la grande distribution ou d’autres – à allonger les temps partiels pour bénéficier à plein du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Notre collègue Sandrine Mazetier soulève, elle aussi, un bon et vrai débat sur le champ de la rémunération qui doit être intégrée d’abord pour déterminer l’éligibilité au dispositif, ensuite pour calculer le crédit d’impôt et l’assiette sur laquelle va être appliqué le taux de 4 % ou de 6 %.

Nous avons décidé de prendre en compte dans l’assiette la part des heures supplémentaires sans leur majoration, ce qui me paraît être un choix d’équilibre. Cela étant, on pourra trouver des salariés à 2,45 fois le SMIC qui vont passer à 2,55 avec les heures supplémentaires et à 2,6 avec la majoration des heures supplémentaires. Sans entrer plus avant dans les calculs, on pourrait même trouver des exemples de salariés qu’on voudrait voir sortir du dispositif et qui vont y entrer, et inversement.

Le choix qui a été fait n’est pas sans signification. La majorité actuelle a récemment pris des dispositions concernant les heures supplémentaires qui marquent sa volonté de privilégier l’emploi plutôt que le recours aux heures supplémentaires. Comme le dirait mieux que moi Pierre-Alain Muet, l’emploi est une priorité en période de chômage.

Beaucoup a été fait. Je pense que l’on peut laisser le texte en l’état.

M. Philippe Vigier. C’est la sagesse !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous comprendrez, ma chère collègue, que je sois plutôt réservé sur votre sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Madame la députée, le Gouvernement partage beaucoup de vos préoccupations notamment en ce qui concerne le secteur de la grande distribution auquel vous avez directement fait allusion.

Ce secteur ne recourt pas tant aux heures supplémentaires qu’au temps partiel imposé et à des contrats un peu exceptionnels comme les contrats à durée déterminée qu’il utilise dans des conditions peu conformes à l’objectif qui leur était assigné à leur création. Dans ces secteurs, le problème n’est pas tant le recours aux heures supplémentaires que les conditions de travail imposées de façon systématique aux salariés qui sont – vous ne l’avez pas dit mais vous le pensiez très fortement – très souvent des femmes. Le dispositif que vous proposez n’atteint l’objectif que vous décriviez.

Ce dispositif, grâce à ce que vient de dire le rapporteur, a neutralisé les heures supplémentaires : autrement dit, elles sont traitées comme les autres, ni avantagées – on ne prend pas en compte les 25 % de plus ou au-delà – ni désavantagées.

En revanche, j’appelle votre attention sur l’un des sujets les plus discutés pour ne pas dire disputés – comme vous avez pu le lire dans la presse – de la négociation en cours sur la sécurisation de l’emploi : la manière de limiter le recours que l’on pourrait qualifier d’abusive à ces contrats à durée déterminée ou à ces mécanismes d’emploi à temps partiel subi.

Les partenaires sociaux, en tout cas les syndicats, songent à mettre en place des pénalités, en faisant en sorte que les cotisations chômage soient plus élevées sur ces contrats, par exemple. Je pense que la solution pour remédier en partie – substantiellement, je l’espère – au mal que vous décriviez se trouve de ce côté-là. C’est aux partenaires sociaux qu’il revient de la chercher dans un premier temps, mais aussi à vous-mêmes puisque les parlementaires auront à adopter des dispositions législatives.

Madame Mazetier, nous avons de la considération pour la préoccupation qui est la vôtre et pour le sous-amendement que vous avez déposé. Cependant, nous considérons qu’il n’est pas adapté au problème que vous décriviez ; d’autres le seront ultérieurement au cours des mois qui viennent.

Aussi, si vous pouviez retirer votre sous-amendement, cela nous éviterait d’y être défavorables.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, je ne doute pas une seule seconde de la détermination de ce Gouvernement à lutter contre la précarité et pour l’emploi. Je le sais particulièrement sensible aux phénomènes dont vous parlez, et résolu à les combattre : cela tient à sa composition paritaire inédite, mais également à la préoccupation personnelle de chacun des ministres en responsabilité.

Vous avez bien compris l’intention de ce sous-amendement et je dois dire, monsieur le ministre, que vous m’avez assez largement convaincue…

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Ah ! Le charme opère ! (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. …de le retirer, consciente que ces préoccupations sont prises en compte dans le dialogue que vous avez lancé entre les partenaires sociaux.

Cela étant, il était souhaitable qu’au-delà de cet hémicycle et du dialogue fructueux que l’exécutif entretient avec le législatif, les secteurs bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sachent avec quelle attention et vigilance nous veillerons au respect des objectifs poursuivis par ce beau dispositif.

(Le sous-amendement n° 275 est retiré.)

M. le président. Je suis désolé de ne pas pouvoir donner la parole aux différents intervenants qui piaffaient d’impatience… (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le président, afin d’être en mesure de discuter d’un sous-amendement que nous allons bientôt examiner, j’aurais besoin d’une suspension de séance d’une dizaine de minutes.

M. le président. Si tout le monde en est d’accord, le plus simple est que nous interrompions nos travaux pour les reprendre à vingt et une heures trente.

La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)