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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 4 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Seconde partie (suite)

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 4 rectifié, 66, 352 (sous-amendement), 358 (sous-amendement), 396 (sous-amendement)

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Amendement no 217 (sous-amendement)

M. Pierre Moscovici, ministre

Amendement no 215 rectifié (sous-amendement)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Amendements nos 216 (sous-amendement), 302 (sous-amendement)

M. Michel Sapin, ministre

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 24 (suite)

Amendements nos 391, 5 rectifié, 93, 351 (sous-amendement), 327 (sous-amendement), 354 (sous-amendement), 22 (sous-amendement)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget

Amendements nos 384 (sous-amendement), 368 (sous-amendement), 394 (sous-amendement), 405 (sous-amendement), 349 (sous-amendement), 349 (sous-amendement)

Rappel au règlement

Mme Annie Genevard

Après l’article 24 (suite)

Suspension et reprise de la séance

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente-cinq.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 403, 465).

Seconde partie (suite)

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant au sous-amendement n° 265 à l’amendement n° 4 rectifié portant article additionnel après l’article 24 – lequel amendement est en discussion commune avec l’amendement n° 66.

Ce sous-amendement n’étant pas défendu, non plus que le suivant, nous en venons à sept sous-amendements, nos 352, 358, 396, 217, 215 rectifié, 216 et 302, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir les sous-amendements nos 352, 358 et 396.

M. Charles de Courson. Le sous-amendement n° 352 pose la question délicate des sociétés fiscalement translucides. Le problème est le suivant : selon le texte du Gouvernement, le crédit d’impôt ne doit être réparti qu’entre les seuls actionnaires participant à l’exploitation. Autrement dit, il y aura une proratisation en fonction des pourcentages de participation. Mais le but du dispositif n’est pas d’enrichir les actionnaires, c’est de rendre l’entreprise plus compétitive ! Le sous-amendement n° 352 vise donc à ce que le crédit d’impôt bénéficie à la société dans son ensemble, et non à tel ou tel actionnaire.

Quant au sous-amendement n° 358, c’est une position de principe : le choix d’un crédit d’impôt qui passe par l’impôt sur les sociétés ou par l’impôt sur le revenu pose le problème des entreprises qui ne relèvent ni de l’un, ni de l’autre. L’idée est donc de trouver un autre impôt sur lequel faire porter le crédit. Je propose la taxe sur les salaires. Cela ne règle pas le cas, hélas, de l’ensemble des entreprises qui ne relèvent ni de l’IS ni de l’IR, mais cela en couvre une partie. Pour le reste, il faudra trouver une solution…

Le sous-amendement n° 396 n’a pas grand-chose à voir avec les deux précédents. Il s’agit de la possibilité de mobiliser la créance. Le texte gouvernemental prévoit un remboursement immédiat pour les PME, au sens communautaire. Ce sous-amendement propose d’élargir cette possibilité aux ETI, définies par un décret de 2008. Le but est de rendre ces entreprises aussi plus compétitives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le sous-amendement n° 352 a été rejeté par la commission. Il est prévu que les sociétés de personnes bénéficient du crédit d’impôt si leurs associés sont redevables de l’IS ou de l’IR et participent personnellement de manière continue et directe à l’exploitation. Vous proposez de supprimer cette condition de participation à l’exploitation. Cela ouvrirait le champ à des sociétés de portage, ce qui aurait peu d’intérêt. Avis défavorable.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 358, nous présenterons un peu plus loin un sous-amendement n° 217 qui traite du même sujet que le vôtre, lequel ne semble pas parfaitement rédigé. La commission a donc rejeté ce sous-amendement.

Enfin, le sous-amendement n° 396, que j’ai découvert il y a peu de temps, propose que les ETI aussi bénéficient du remboursement immédiat de la créance du CICE. Le Gouvernement a fait le choix, ce n’est pas un secret, au lieu d’une montée en puissance progressive avec des taux de 3, de 4,5 et de 6 %, d’un dispositif plus prononcé avec des taux de 4 et de 6 %. Cela l’a conduit, pour des raisons économiques assez évidentes, à réserver le remboursement anticipé du CICE aux PME. Avis donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Même avis que le rapporteur général.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il me semble que vous n’avez répondu qu’à mon deuxième sous-amendement. Le sous-amendement n° 217 de la commission essaye de résoudre le problème qu’il avait soulevé.

En revanche, il est dommage que le ministre ne se soit pas prononcé sur le sous-amendement n° 352. Les sociétés dites translucides posent un vrai problème. Ce ne sont pas que des sociétés de portage – et d’ailleurs, monsieur le rapporteur général, pensez-vous que ces dernières emploient beaucoup de salariés ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas obtenu de réponse sur le fond : pourquoi pénaliser une entreprise au motif qu’un ou deux de ses associés ne travaillent pas directement dedans ? C’est cela qui est dommage, puisque le but est de dynamiser l’entreprise.

Enfin, je ne comprends pas très bien l’argument du rapporteur général sur mon troisième sous-amendement. La possibilité d’un remboursement anticipé pour les ETI correspond bien à la volonté du Gouvernement de dynamiser ces dernières ! Ce sont elles qui font le plus défaut dans notre tissu industriel.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n° 217.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous nous sommes déjà largement exprimés, les uns et les autres, sur la question de l’assiette et sur le fait qu’un certain nombre d’entreprises ne bénéficient pas du crédit d’impôt, notamment dans l’économie sociale et solidaire, dans le secteur médicosocial et dans le secteur sanitaire. Il s’agit des sociétés autres que privées : je pense par exemple aux établissements publics ou au secteur PSPH hospitalier, ou encore aux établissements sanitaires ou médicosociaux gérés par des associations, des fondations, des mutuelles, la Croix-Rouge ou d’autres acteurs importants du secteur…

En l’état, le texte du Gouvernement introduirait une certaine inégalité, certaines entreprises, celles qui sont entièrement privées, bénéficiant du crédit d’impôt et les autres non. J’ai bien entendu, monsieur le ministre, vos arguments de tout à l’heure et il est clair, s’agissant du secteur public en tant que tel, que lui donner d’une main ce qu’on pourrait donner lui de l’autre n’aurait guère de sens. Je comprends donc que le texte ne s’adresse pas au secteur entièrement public. Mais reste le problème de tout ce secteur intermédiaire, dans le domaine sanitaire ou médicosocial, qui est géré par des établissements de type PSPH ou autres. Les départements connaissent bien la question de la tarification entre les services de l’aide sociale et les établissements de cette nature, comme les EHPAD. Ce problème doit être traité.

J’ai entendu vos propositions. J’imagine que nous allons en rediscuter. J’ai également noté qu’un amendement du Gouvernement permet, en introduisant une idée de crédit de taxe sur les salaires, de traiter une partie en tout cas du secteur associatif. Un autre amendement du Gouvernement, qui est d’une importance significative puisqu’il porte sur plus de 300 millions d’euros et concerne 40 000 associations, augmente le forfait déductible de la taxe sur les salaires en le portant de 6 000 euros à près de 20 000. Il répond lui aussi en partie à nos interrogations.

Avec cet amendement, il s’agit donc, vous l’avez compris, d’une mesure d’ampleur. Certains chiffres circulent quant à son coût. Selon les informations diverses que j’ai reçues ces derniers jours, cela varie, disons, entre un et trois milliards d’euros. Effectivement, ce n’est pas rien, mais je suis assez disposé à ce que l’on envisage la possibilité que l’amendement du Gouvernement sur le secteur associatif réponde en partie à nos préoccupations. Peut-être une rédaction plus précise, qui ciblerait parfaitement ce que nous voulons cibler – je parle aussi au nom de Régis Juanico, qui a travaillé sur cette question avec la commission des finances et moi-même –, serait-elle possible en deuxième lecture, une rédaction qui permettrait peut-être aussi de limiter le coût de cette mesure, dont je mesure la portée et dont, je crois, vous mesurez également l’importance.

Voilà donc comment se présente le sous-amendement n° 217.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis sensible à la démarche du rapporteur général, comme il a été sensible à la mienne. En vérité, de quoi s’agit-il ? M. le rapporteur général a soulevé un certain nombre de difficultés concrètes rencontrées par le secteur associatif ou médico-social, auquel, évidemment, nous sommes extraordinairement sensibles et attentifs. De mon côté, j’ai évoqué des difficultés logiques et des difficultés financières incontestables. Qu’il s’agisse d’un milliard d’euros ou de trois milliards et demi, l’ordre de grandeur est très important, y compris par rapport à l’ensemble du dispositif.

Dès lors, je pense que la solution que vous proposez, monsieur le rapporteur général, est la plus sage. Il s’agit d’abord d’examiner, dans la suite de la discussion, un amendement du Gouvernement qui prévoit un abattement de taxes sur les salaires dont bénéficient les associations : cet abattement serait triplé. Cet abattement sera effectivement centré, ciblé sur le secteur en question, ce qui est budgétairement plus soutenable, mais l’effort reste extraordinairement significatif : il s’agit tout de même de 314 millions d’euros.

Cela étant, le sujet n’en serait pas épuisé. Il ne serait pas raisonnable que je me contente de demander que le sous-amendement soit retiré, avec une solution alternative qui demande encore à être expertisée ; je l’ai évoquée tout à l’heure à propos des cliniques privées, mais on sent bien qu’il y a encore du travail à faire. Il ne serait pas raisonnable non plus que le sous-amendement soit maintenu en l’état : le problème du coût est réel.

Je me rallierais donc assez volontiers à la démarche que vous semblez suggérer, monsieur le rapporteur général. D’une part, nous examinons, et vous votez, l’amendement du Gouvernement. D’autre part, dans la suite des débats parlementaires, et à partir de travaux approfondis, nous trouvons une réponse adaptée, précise et budgétairement tenable au problème que vous soulevez et auquel je m’engage, pour ma part, à trouver une solution.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, quelle est votre réponse à cette suggestion du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Poursuivons donc ce dialogue fructueux. S’agissant de la possibilité de jouer sur la tarification du remboursement faite au secteur privé ou au secteur public, quelques interrogations subsistent. J’ai eu au téléphone la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne, la FEHAP ; j’ai eu, bien sûr, votre cabinet, monsieur le ministre, j’ai eu la direction de la législation fiscale, bref, un certain nombre d’acteurs, et il y a encore quelques interrogations sur le fait que la tarification serait commune au secteur purement public et au secteur de type PSPH, ou bien au secteur privé et au secteur PSPH. J’ai eu deux versions différentes, et je ne reviens pas sur le temps qui nous est imparti pour travailler sur ces dossiers qui sont tout de même importants, mais j’en profite pour remercier mon équipe à la commission des finances, qui a fourni un gros travail ces derniers jours, y compris le week-end. Cela a donc besoin de mûrir.

Je pense qu’il faut aussi que nous travaillions avec votre collègue ministre des affaires sociales et de la santé pour examiner la faisabilité de ce que vous nous proposez. J’ai tendance à vous faire confiance, mais il faut quand même que les choses soient parfaitement écrites, quantifiées et calibrées. Or nous n’avons pas eu le temps de les quantifier complètement. J’ose espérer que nous aurons le temps de les écrire ici, en deuxième lecture.

Sous cette réserve, et si Régis Juanico qui a beaucoup travaillé sur cette question en était d’accord, nous pourrions, dans un premier temps, retirer ce sous-amendement au profit de celui que nous examinerons bientôt, qui porte sur le secteur associatif.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je poursuis à mon tour le dialogue.

M. Marc Le Fur. On ne vous dérange pas ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Peut-être me suis-je mal exprimé, je vais donc tâcher d’être plus précis.

Tout à l’heure, j’ai présenté la solution sur laquelle nous travaillons avec Marisol Touraine, mais j’ai aussi indiqué que nous étions conscients qu’il y avait besoin de retravailler cela. Je ne souhaite pas imposer cette solution, je souhaite que nous puissions travailler, par exemple avec M. Juanico, j’y suis tout à fait ouvert, pour qu’en deuxième lecture, de la manière la plus précise, écrite, quantifiée, chiffrée, nous trouvions une solution, en nous fondant sur des réflexions plus approfondies qui nous permettent de rapprocher vraiment nos points de vue et de prendre en compte les préoccupations qui sont les vôtres. Je suis donc extrêmement ouvert, et je m’engage à travailler en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Mes propos font suite à ce que vient de dire Christian Eckert, à quoi je souscris totalement.

Notre objectif était évidemment que le crédit d’impôt emploi compétitivité puisse s’appliquer à l’ensemble des secteurs économiques, donc à l’ensemble des entreprises. Le sous-amendement n° 217 devait permettre de couvrir également tout le secteur des organismes à but non-lucratif qui, tous, effectivement, ne paient pas un impôt sur les sociétés. Il visait donc à créer un crédit sur la taxe sur les salaires qui soit équivalent, pour ces organismes, comme les associations et les mutuelles, au crédit d’impôt.

À partir du moment où nous avons engagé un dialogue avec le Gouvernement pour trouver le meilleur dispositif possible, je pense effectivement qu’il est sage que nous retirions le sous-amendement n° 217 et que nous nous ralliions à la proposition faite par le Gouvernement, qui va quand même permettre de couvrir le secteur associatif de façon assez complète, grâce à un abattement sur la taxe sur les salaires qui pourra atteindre jusqu’à 20 000 euros. Plus de 40 000 associations profiteront de cette aide, dont 20 000 qui seront effectivement exonérées de ladite taxe ; cette aide, je veux le souligner, sera d’autant plus importante que les associations seront de petite taille. Cela veut dire que le taux d’effort sera de l’ordre de 12 % pour les associations de moins de 10 salariés. Cette solution peut donc, effectivement, se révéler très opérationnelle.

Je rejoins Christian Eckert pour dire que nous allons continuer ce dialogue et cet échange avec le Gouvernement d’ici à la deuxième lecture pour pouvoir couvrir l’ensemble du champ visé, notamment le médico-social et le secteur hospitalier.

(Le sous-amendement n° 217 est retiré.)

(Les sous-amendements nos 352, 358 et 396, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 215 rectifié.

M. Dominique Lefebvre. Ce sous-amendement est important. Il vise à donner une traduction législative à une mention qui figure dans l’exposé des motifs du Gouvernement. En effet, il est évoqué un comité de suivi, mais celui-ci n’est pas prévu par le texte.

Il me semble que c’est une disposition importante, qui mesure d’être inscrite dans la loi. Nous le disons depuis le début de ce débat, le crédit d’impôt compétitivité emploi est une mesure importante, qui mérite un suivi attentif sous diverses formes. Je crois que notre assemblée, ses commissions, y participeront.

L’esprit de l’amendement n° 215 rectifié est précisément de donner des points d’appui à la négociation sociale et au dialogue social. Le comité de suivi sera tripartite, composé de représentants des administrations et des partenaires sociaux, employeurs et organisations syndicales. Cette disposition complète bien celle qui est l’objet du sous-amendement n° 216, qui vise à assurer également un dialogue au niveau de l’entreprise. On est bien dans l’esprit de cette loi, dans le donnant-donnant, avec un crédit d’impôt qui a des objectifs, qui est donné a priori, dont les utilisations dans l’entreprise sont fléchées et qui doit faire l’objet, régulièrement, d’un débat, d’un suivi qui nourrit le dialogue social, dont on sait – le rapport Gallois l’a bien rappelé – que c’est un élément essentiel de la restauration de la compétitivité française.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement fait partie du dispositif global que nous avons souhaité. La commission émet évidemment un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nous avons déjà parlé de ce dispositif. Un autre amendement que nous examinerons, très important, a pour objet d’instituer au niveau de chaque entreprise la capacité pour les partenaires sociaux, tout particulièrement les représentants des personnels, d’avoir un dialogue constructif, un dialogue prospectif sur l’utilisation de cette somme au profit de la compétitivité de l’entreprise.

Il s’agit ici de prévoir un suivi au niveau national de ces vingt milliards d’euros d’aide. Il est quand même légitime, je le répète, de prévoir une capacité d’information précise, de suivi, de critique, au bon sens du terme, qu’elle soit positive ou corrective. C’est donc une très bonne démarche, une démarche d’évaluation. Chaque fois que l’on prend une décision, il faut ensuite évaluer son application.

Cette disposition permettra aux parlementaires sociaux d’être présents. C’est un système tripartite, qui ressemble d’ailleurs au Conseil d’orientation pour l’emploi qui a été créé il y a quelques années et qui comprend en son sein et des représentants de l’administration, et des représentants des employeurs et des syndicats.

Je signale d’ailleurs à la représentation nationale que ledit conseil a été saisi dans le cadre de la feuille de route sociale, à la suite de tous les débats de la grande conférence sociale, d’un travail d’évaluation de l’ensemble des aides publiques attribuées au secteur privé. Cela représente plus de vingt milliards d’euros, assurément, mais nous sommes ici exactement dans la même logique.

C’est donc effectivement un amendement important auquel le Gouvernement apporte tout son soutien.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Évidemment, comme en commission, nous voterons cet amendement, puisqu’il concourt à donner un peu de transparence et de contrôle au crédit d’impôt. Je voulais cependant m’exprimer sur le sous-amendement n° 217 mais la célérité avec laquelle la présidente m’a interdit de reprendre l’amendement qui avait été retiré ne m’a pas permis de m’exprimer.

Je formulerai juste une petite suggestion, monsieur le ministre. Je comprends bien que l’instauration du CICE puisse avoir pour conséquence un problème de concurrence entre l’hôpital public et les cliniques privées. Afin de ne pas grever les finances de la Nation, je vous suggère de retirer les cliniques privées du bénéfice du crédit d’impôt. Le PLFSS étant construit et équilibré sur la base de la tarification à l’activité, cela permettrait de régler le problème sans devoir recourir à un autre dispositif pour les établissements de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises l’absence d’étude d’impact, alors qu’il nous paraît nécessaire de connaître parfaitement l’évaluation de ce nouveau dispositif qu’est le crédit d’impôt. Nous sommes donc plutôt favorables au principe de l’instauration d’un dispositif de contrôle, comme le prévoit l’amendement n° 215 rectifié.

Toutefois, en ce qui concerne la composition du comité de suivi national, je m’étonne d’une chose : il est indiqué que le comité est composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour moitié de représentants des administrations compétentes, ce qui ne laisse aucune place pour une représentation du Parlement. Faire figurer le Parlement dans la composition du comité aurait été un bon moyen de le placer au cœur du suivi du dispositif, et je trouve un peu dommage qu’il s’en trouve au contraire exclu.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Si l’on ne peut être que globalement favorable à cet amendement, je m’étonne que l’on nomme « comité de suivi » une instance disposant de pouvoirs bien plus étendus que cette appellation ne le laisse supposer : le titre « comité d’évaluation » m’aurait semblé plus approprié. Certes, il est bien dit que le comité de suivi sera chargé de l’évaluation, mais il me semble tout de même que l’appellation retenue augure mal de l’ampleur des pouvoirs qui seront confiés à cette instance.

Par ailleurs, comme M. Vigier, je regrette l’anomalie que constitue l’absence de représentants du Parlement au sein du comité de suivi. Sans même parler du comité d’évaluation et de contrôle, nous avons des commissions parlementaires dont les compétences auraient eu vocation à être mises en œuvre.

Enfin, la composition du comité de suivi est décrite de manière étonnamment peu précise : « ce comité est composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour moitié de représentants des administrations compétentes ». Il aurait été utile de préciser de quelles administrations il peut s’agir – et pour ce qui est des « représentants des partenaires sociaux », ce n’est guère mieux. Peut-être conviendrait-il de renvoyer à un décret la composition du comité de suivi dont, en l’état, les pouvoirs sont relativement indéterminés et la composition un peu floue.

(Le sous-amendement n° 215 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux sous-amendements, nos 216 et 302, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 216.

M. Jean-Marc Germain. L’amendement n° 216 vise à boucler la boucle entamée il y a quelques heures avec la présentation du dispositif de contrepartie que nous souhaitons pour le crédit d’impôt recherche. Le sous-amendement n° 220, défendu par notre collègue Muet, est venu indiquer à quoi devait servir le crédit d’impôt : la recherche, l’innovation, la formation, l’embauche. Le sous-amendement n° 219 rectifié a, lui, précisé que le crédit d’impôt ne peut servir ni à financer une hausse des dividendes, ni à augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise. Avec le sous-amendement n° 218, nous avons souhaité que l’entreprise retrace avec précision dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt.

Le sous-amendement n° 216 vise, quant à lui, à instaurer un contrôle social : selon un mécanisme qui sera déterminé à l’issue d’une consultation engagée par le ministre du travail, les partenaires sociaux définiront les modalités de contrôle de l’utilisation du crédit d’impôt et les conséquences à tirer en cas de mauvaise utilisation. De ce point de vue, comme l’a dit M. le ministre tout à l’heure, la loi que nous allons examiner à la fin janvier 2013 sera d’une grande importance.

Je conclus en ajoutant que la négociation sociale en cours comporte un volet très important relatif à l’adaptation des entreprises, qui va renforcer les pouvoirs des syndicats. Nos collègues de l’UDI, qui se sont inquiétés tout à l’heure de la capacité des partenaires sociaux à expertiser des comptes, devraient être rassurés par la possibilité de recourir à des conseils si cela se révèle nécessaire.

Le dispositif proposé fait confiance aux entreprises, mais dans le cadre d’un contrat définissant des objectifs précis, un contrôle et même, dans le cas d’une mauvaise utilisation, des conséquences à tirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir le sous-amendement n° 302.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Dans le même esprit que celui du sous-amendement précédent, nous estimons souhaitable qu’une loi vienne fixer la manière dont les entreprises utiliseront le crédit d’impôt. La priorité est évidemment l’emploi. À ce sujet, une entreprise comme Renault, dont l’État détient 15 % du capital – ce qui n’est pas rien –, est en train de négocier en Espagne la baisse des salaires et la flexibilité accrue du travail pour ses ouvriers espagnols ; parallèlement, elle propose aux ouvriers français d’en faire de même, faute de quoi des sites de production pourraient être fermés en France. L’État se comporte-t-il comme un sleeping partner – un partenaire dormant – de cette entreprise naguère publique ? Sans aller jusque-là, nous devons tenir compte de la réalité. Il paraît nécessaire que les contreparties en termes d’emploi soient bien fournies par les entreprises bénéficiaires.

Nous sommes actuellement confrontés à une progression foudroyante du chômage, qui ne date pas d’hier, puisque nous en sommes à dix-huit mois de hausse consécutifs, dont six sous la majorité actuelle, et 3,103 millions de demandeurs d’emploi. Dans un tel contexte, un dispositif visant avant tout à préserver ou à développer l’emploi est évidemment le bienvenu. Il est, par ailleurs, souhaitable que le dialogue social, auquel chacun est favorable, ne soit pas handicapé par des prises de décisions anticipées. Dans le cadre de la négociation en cours entre les partenaires sociaux, le MEDEF a présenté un texte exhaustif sur la flexibilité et sibyllin sur la sécurisation des parcours professionnels. Prenons garde à ne pas infliger un handicap aux syndicats en statuant maintenant, avant que les négociations soient achevées, et sans retenir de contreparties véritables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements nos 216 et 302 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est favorable à l’amendement n° 216, qui fait partie du dispositif d’ensemble.

Elle est, en revanche, défavorable au sous-amendement n° 302, étant un peu gênée par la formulation : « Avant le 31 mars 2013, une loi est adoptée (…)», qui comporte une injonction – au Gouvernement ou au Parlement, on ne sait pas trop – quelque peu choquante, même si on comprend l’esprit de ce sous-amendement. De ce point de vue, la rédaction du sous-amendement n° 216 – « une loi peut fixer (…) » – est plus satisfaisante.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’ensemble de dispositifs très bien décrit par M. Germain : des critères, une transparence, des modalités de contrôle et d’évaluation, au niveau national comme à celui des entreprises concernées.

Les deux sous-amendements en discussion commune poursuivant le même objectif, je ne reviendrai pas sur les questions de rédaction, pour m’en tenir au fond. Au niveau des entreprises, il s’agit de permettre aux représentants des salariés d’être tenus informés de l’utilisation effective du crédit d’impôt et de disposer d’éléments d’appréciation leur donnant les moyens d’exercer leur pouvoir d’expression.

Au-delà du dispositif lui-même, je veux m’interroger sur ses implications en termes de dialogue social. Dans la grande négociation en cours, il existe un deuxième paquet, peut-être le plus discret, le paquet « anticipation », qui fait référence à la capacité des salariés d’une entreprise à disposer d’informations plus tôt qu’aujourd’hui, afin de leur permettre de participer à la définition de la stratégie de l’entreprise, de donner leur avis – éventuellement critique – sur cette stratégie, sans attendre que l’entreprise soit entrée dans une période de grandes difficultés. C’est dans ce cadre que nous souhaitons voir s’inscrire l’information sur l’utilisation du CICE.

Par ailleurs, le sous-amendement n° 216 indique qu’« après concertation avec les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, une loi peut fixer (…) ». Outre que cette rédaction évite l’injonction du sous-amendement n° 302 – je suis désolé d’insister sur ce point, monsieur Schwartzenberg, mais il est certain qu’une telle injonction, contraire à la Constitution, serait sanctionnée par le Conseil constitutionnel –, elle introduit une notion de concertation intéressante, sur laquelle je veux m’attarder un instant. En effet, dans leur concertation, les partenaires sociaux se sont déjà emparés du sujet ; dans le document auquel M. Schwartzenberg fait référence, le patronat fait déjà mention du CICE et prévoit à ce sujet une discussion avec les organisations syndicales. Anticipant sur notre débat, les partenaires vont, dans le cadre d’une discussion que nous espérons voir aboutir, définir de leur point de vue les modalités d’information et de contrôle, ce qui va accélérer les choses. Lorsque la loi dont nous débattons paraîtra au Journal officiel, les partenaires sociaux se seront mis d’accord, du moins je l’espère ; à tout le moins ils auront avancé et, ce faisant, éclairé les propositions du Gouvernement et le vote du Parlement sur ce dispositif. C’est dans ce cadre qu’il sera pertinent que le législateur se prononce.

Vous parlez d’une loi, monsieur Schwartzenberg : peut-être s’agira-t-il de la grande loi de transposition de l’accord entre les partenaires sociaux. En tout état de cause, des modifications sont nécessaires en matière de droit du travail, afin de renforcer la sécurisation de chacun des salariés et de doter les entreprises de nouvelles capacités d’adaptation face aux chocs provoqués par la conjoncture, dans le respect des salariés.

Le Gouvernement est tout à fait d’accord avec la démarche proposée, conforme à ce que le Premier ministre avait déclaré souhaiter dans son discours de présentation du pacte de compétitivité. Vous transcrivez cette démarche dans la loi, ce qui est une bonne chose, étant précisé, une fois de plus, que les partenaires sociaux ont déjà devancé la volonté des parlementaires que vous êtes.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je suis sensible aux observations d’ordre juridique formulées par M. le rapporteur général et M. le ministre, n’étant pas tout à fait inattentif à ces problèmes (Sourires.) Certes, l’utilisation de l’indicatif dans un texte de loi crée une obligation et, en ce sens, je comprends que vous puissiez être gênés par la formule « une loi est adoptée ». Par l’introduction d’une condition purement potestative, les auteurs du sous-amendement n° 216 souhaitent, pour leur part, qu’un texte puisse intervenir, demain, après-demain ou un autre jour, bref, le moment venu, à l’initiative du Gouvernement.

Telle n’est pas mon intention : très respectueux de la séparation des pouvoirs, je ne me permettrais pas de donner des injonctions, ce qui serait ridicule et inconstitutionnel. En revanche, l’article de la Constitution relatif à l’initiative des lois précise que cette initiative appartient à la fois au Premier ministre, au nom du Gouvernement, et aux membres du Parlement ; et, jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas encore été question de priver les parlementaires de cette capacité. Nous pouvons donc nous imposer des obligations à nous-mêmes, ce qui aurait pour avantage de fixer une date. La formule « une loi peut » ne comporte pas, sans doute de manière volontaire, d’obligation, que ce soit sur la forme ou sur le fond du texte. Je remercie le ministre et le rapporteur de ce rappel des règles fondamentales du droit public, que je n’ignorais pas totalement.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. J’ai l’impression que nous sommes en train de créer une sorte de monstre législatif et qu’en réalité vous n’avez pas du tout envie de promouvoir la compétitivité.

Nous sommes là pour faire en sorte d’alléger les coûts supportés par les entreprises. Nous préférerions réduire directement les cotisations sociales – au moins, ce serait clair –, bien plus lourdes que dans d’autres pays. Cette surcharge imposée aux entreprises relève de notre responsabilité dans la mesure où l’on a accumulé les charges depuis longtemps. Mais si l’on soulage un peu les entreprises aujourd’hui, ce n’est pas pour y mettre dix mille conditions.

Évidemment, le dialogue social doit être le plus riche, le plus intéressant, le plus lié à la vie de l’entreprise, le plus sincère et le plus dense possible. Mais en même temps, le rôle des partenaires sociaux n’est pas de gérer les entreprises, notamment lorsqu’il s’agit d’entreprises de taille moyenne ou de taille intermédiaire. Ce qui compte pour la compétitivité, c’est que le chef d’entreprise ait des marges de manœuvre, qu’il puisse apporter des assouplissements, prendre rapidement des décisions.

On pourrait même se poser la question de savoir si une partie du crédit d’impôt que vous désirez affecter aux entreprises ne pourrait pas, de temps en temps, aller à l’actionnaire. Si celui-ci percevait parfois une meilleure rémunération, le capital s’investirait mieux dans l’entreprise. Je sais bien que ce propos peut horrifier certains ! Mais une entreprise fonctionne aussi avec du capital. Que l’actionnaire soit bien rémunéré permet de renforcer le capital de nos entreprises, qui est insuffisant en ce qui concerne les PME.

Il ne faut pas charger les choses. En réalité, tous ces sous-amendements conditionnent le crédit d’impôt, créant un état d’esprit qui n’est pas favorable à votre objectif : rendre les entreprises les plus compétitives possible. La compétitivité, c’est d’abord la souplesse et l’adaptabilité. Ce n’est pas ce que promeut le texte que vous nous imposez aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ce texte devient de plus en plus flou ! Cet après-midi, on posait des conditions qui n’en sont pas tout en en étant, ce qui était bizarre. Ce soir, on fait entrer les syndicats. Mais il s’agit de discuter de l’impôt, pas de négocier des salaires ! L’impôt doit obéir à des règles précises, qui s’appliquent de manière universelle sur l’ensemble du territoire. Il n’y a pas à introduire ici les organisations syndicales. Ce n’est pas le sujet. Est-on éligible ou pas au crédit d’impôt ? Telle est la question.

Vous feriez mieux de donner les précisions que nous attendons. Je me permets de revenir au sous-amendement n° 217, sur lequel nous n’avons pu nous exprimer puisqu’il a été retiré. Prenons l’exemple de l’aide à domicile, secteur dans lequel œuvrent des entreprises, qui bénéficieront du crédit d’impôt, des associations, dont le sort demeure incertain, et les CCAS. Il conviendrait que ces trois types d’organismes, qui assument les mêmes tâches, soient traités de manière équivalente. À ce stade, il n’en est rien. Le cas des entreprises a été traité et elles bénéficieront du crédit d’impôt. Pourquoi pas ? J’entends aussi les efforts du rapporteur général pour que les associations entrent dans le dispositif. Mais il n’est rien dit des structures qui font beaucoup dans ce domaine, les CCAS – lesquels ont de plus en plus tendance à devenir des CIAS, des structures intercommunales – et des aides qui pourraient leur être accordées afin que leur situation soit équivalente à celle de leurs « concurrents ».

Messieurs les ministres, donnez-nous des précisions sur ce point. Nous ne sommes pas là pour faire des commentaires, mais pour définir une règle fiscale, objective, précise, qui s’appliquera de manière universelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourrais-je demander aux auteurs du sous-amendement n° 216 ce que signifie la formule « les modalités du contrôle par les partenaires sociaux de l’utilisation du crédit d’impôt » ? Franchement, j’aime bien l’innovation sociale mais cela relève de la confusion des genres la plus totale ! C’est, à ma connaissance, la première fois qu’un dispositif fiscal est soumis au contrôle des partenaires sociaux. Et rien n’est précisé quant à la sanction de ce contrôle. Il est vrai que cela est renvoyé à une future loi, mais j’aime bien comprendre. Le rapporteur général, M. Germain, ou peut-être même M. le ministre, pourraient-ils nous éclairer sur le sens de ces mots ?

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Je suis choqué d’entendre M. Woerth dire que nous n’avons pas réellement envie de promouvoir cette mesure de compétitivité vis-à-vis des entreprises, parce que nous voulons imposer un contrôle. Lorsque l’on est libéral, on peut avoir envie d’une seule chose, libérer les forces du marché et permettre aux entreprises d’accroître leurs profits. (Protestations sur quelques bancs du groupe Rassemblement-UMP et du groupe UMP.)

Lorsque l’on est social-démocrate, comme ce gouvernement et cette majorité, on peut vouloir poursuivre plusieurs objectifs à la fois : travailler sur les conditions de rentabilité des entreprises et leur permettre d’investir davantage qu’elles ne peuvent le faire sans doute aujourd’hui, tout en ayant le souci que les deniers publics ainsi distribués ne servent pas à améliorer la rémunération des actionnaires ou celle des hauts dirigeants. La social-démocratie poursuit des objectifs qui peuvent vous paraître contradictoires parce que votre vision est partielle, mais cela ne met pas en cause notre motivation à renforcer la compétitivité des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Daniel Fasquelle. Donneur de leçons !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Michel Sapin, ministre. Je ne veux pas relancer le débat, mais je voudrais faire deux remarques. Beaucoup d’entre vous, à droite comme à gauche, se réfèrent au rapport sur la compétitivité présenté par M. Louis Gallois. Je renvoie, particulièrement ceux qui avaient si peur qu’il soit enterré, à la lecture intégrale de ce rapport, en particulier de sa dernière partie qui concerne le dialogue social. Il y est souligné que les économies les plus compétitives, qui ont le mieux réussi à affronter la crise, sont celles où existe un dialogue social réel, de qualité.

Que vous êtes vieux dans vos têtes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC – Protestations sur quelques bancs du groupe Rassemblement-UMP, du groupe UMP et du groupe UDI) J’en ai même entendu certains s’effrayer que les syndicats entrent dans l’entreprise. On se serait cru en 1982... Eh oui, j’étais déjà ici, et nous entendions la même chose sur les lois Auroux, lois vantées par tous aujourd’hui, patronat en premier !

M. Marc Le Fur. Tu parles !

M. Michel Sapin, ministre. Vous n’avez pas tiré le moindre enseignement de l’expérience ! Vous êtes beaucoup plus vieux dans vos têtes que les partenaires sociaux, patronaux ou syndicaux, aujourd’hui. Le patronat lui-même nous a dit qu’il souhaitait cette information, afin de pouvoir en parler avec les organisations syndicales. Et vous êtes là à vouloir protéger le patronat malgré lui ? Faites confiance au dialogue social : vous verrez, ça marchera beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(Le sous-amendement n° 216 est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence le sous-amendement n° 302 tombe.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. J’entends ce que vient de dire M. le ministre. Simplement, nous ne savons toujours pas si ce crédit d’impôt sera nantissable parce que sans condition, ou si l’ensemble des critères que vous voulez ajouter rendra le dispositif inopérant en 2013. Vous ne pouvez pas dire une chose aux entreprises et son contraire à votre majorité. Je demande donc, madame la présidente, une suspension de séance de dix minutes afin que le Gouvernement puisse clarifier sa présentation.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. Sur l’amendement n° 4 rectifié du Gouvernement, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le groupe UMP souhaitait, au début de nos débats, voter pour ou s’abstenir sur le dispositif proposé par le Gouvernement. C’est en ce sens que nous sommes intervenus en commission et dans les premiers moments de cette discussion.

Mais il est apparu que le Gouvernement et la majorité, le Gouvernement sans doute tenu par les exigences de certains membres de sa majorité, ont voulu fixer des critères, en réalité des conditions, qui fragilisent le dispositif.

M. Régis Juanico. C’est le contraire !

M. Hervé Mariton. Vous avez plaidé pour une évolution de ce dispositif, qui l’éloigne de l’objectif initial du Gouvernement que nous partagions, à savoir restaurer la compétitivité des entreprises du secteur concurrentiel. Voilà comment on gâche ce qui pouvait être l’occasion d’une belle unité nationale !

Le rapport Gallois justifiait cette unité nationale ; le Gouvernement et la majorité ont pris la responsabilité de ne pas entendre l’ouverture que nous leur proposions et sont restés sourds, au-delà même des entreprises, aux exigences de nos concitoyens.

Nous sommes arrivés ici avec l’idée que n’allions pas voter contre et que nous pouvions, selon la tournure que prendraient les débats, voter pour ou nous abstenir ; mais, au final, nous voterons contre cet amendement, ce qui n’était notre intention ni la semaine dernière ni ce matin. C’est vous qui avez gâché cette chance d’unité nationale, et c’est grave ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe Rassemblement-UMP.

M. Éric Woerth. Je partage évidemment ces regrets, car nous aurions pu – et je l’aurais fait avec plaisir à titre personnel – voter pour ce crédit d’impôt, parce que c’était mieux que rien. Mais vous compliquez les choses en créant une législation qui, au fond, vous échappe. Vous posez des verrous législatifs sans qu’on sache très bien, dans votre phraséologie, ce qui s’apparente à des obligations, ce qui relève des objectifs ou des intentions, autant d’incertitudes qui ne sont pas faites pour sécuriser les chefs d’entreprise.

Vous parlez sans arrêt de cadeaux, mais il ne s’agit pas de cadeaux ! Baisser la fiscalité, ce n’est pas faire un cadeau !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Jamais le mot n’a été prononcé !

M. Jean-Paul Bacquet. Les cadeaux, c’était vous, avec le bouclier fiscal !

M. Éric Woerth. Il s’agit de rendre le coût du travail compétitif, de faire en sorte, en d’autres termes, qu’il soit équivalent à ce qu’il est dans des pays comme l’Allemagne. Or on n’impose pas de conditions aux entreprises allemandes ! Il s’agit simplement d’alléger un peu les charges qui pèsent sur nos entreprises pour qu’elles puissent s’imposer sur le marché international. Laissez donc l’esprit d’entreprise se développer dans ce pays plutôt que de vous enfermer dans une vision technocratique et lourde. Vous nous dites que nous sommes vieux dans nos têtes, mais peut-être est-ce votre texte qui ressemble à un dinosaure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Personne n’est dupe : vous nous expliquez que notre discussion vous conduit à voter contre le crédit d’impôt, mais nous ne nous faisions guère d’illusions ! Il n’y a aucune différence entre les amendements adoptés par notre assemblée et ceux que nous avons présentés en commission.

Nous avons expliqué la logique de notre démarche, qui consiste à faire confiance à la négociation sociale. Et, pour que la négociation sociale se déroule correctement, notre rôle de législateur est de dire ce que nous voulons faire de ce crédit d’impôt compétitivité emploi. Il doit servir à l’investissement, il doit servir à la recherche, il doit servir à l’innovation, et permettre de gagner des parts sur les marchés extérieurs. C’est un crédit d’impôt pour l’emploi et la compétitivité. Il n’est pas fait pour distribuer des dividendes supplémentaires ni pour augmenter les rémunérations des dirigeants.

M. Hervé Mariton. Comment allez-vous vérifier ?

M. Pierre-Alain Muet. C’est un crédit d’impôt dont nous définissons les objectifs dans la loi, en laissant aux partenaires sociaux le soin d’en définir les modalités de gouvernance.

L’opposition nous explique que nous montons une usine à gaz : non, mes chers collègues ! Vous citez continuellement l’Allemagne, mais qu’est-ce qui fait la force de l’Allemagne ? C’est la capacité à négocier de ses partenaires sociaux. Qu’est-ce qui fait la force des pays qui ont des excédents considérables en Europe du nord ? La négociation sociale !

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas la question !

M. Pierre-Alain Muet. Voilà le changement profond que nous proposons au pays, mais peut-être cela vous échappe-t-il…

M. Patrick Hetzel. Parlez-en aux syndicats de Florange !

M. Pierre-Alain Muet. Il y a dix ans, notre compétitivité était bonne, et je rappelle que nous notre excédent extérieur était compris entre un 1 et 2,5 points de PIB, soit quinze à trente milliards d’euros, et ce jusqu’en 2002-2003.

M. Étienne Blanc. Jusqu’en 2000 !

M. Pierre-Alain Muet. Jusqu’en 2003 ! Je connais très bien les chiffres, monsieur Blanc ! À partir de 2003, le déficit s’est aggravé chaque année de dix milliards d’euros, jusqu’à atteindre 75 milliards d’euros. Qu’avez-vous fait ? Vous êtes restés les bras croisés, sans rien faire, avant d’inventer, à la veille des élections, un dispositif complètement inefficace, la TVA dite « sociale », qui aurait pesé sur la consommation des ménages et n’avait pas l’efficacité de ce crédit d’impôt. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !

M. Pierre-Alain Muet. Tout cela pour vous exonérer de ce que vous n’avez pas fait.

M. Patrick Hetzel. Mensonges!

M. Pierre-Alain Muet. Et une nouvelle fois, vous allez refuser de voter une mesure qui permettra de relancer la compétitivité de notre pays !

Nous, au moins, sommes cohérents. Nous avons promis de redresser les finances de notre pays, de créer des emplois et de relancer la compétitivité : nous le faisons, avec le projet de loi de finances et ce pacte de compétitivité qui opère un véritable changement dans notre pays…

M. Hervé Mariton. Vous abîmez la mesure !

M. Pierre-Alain Muet. ….mais auquel la vieille droite, comme d’habitude, s’opposera. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe GDR.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement est malheureusement marqué du sceau de l’obsession de la baisse du coût du travail, laquelle, l’histoire récente en témoigne, n’a pas donné de résultats probants en termes d’emploi et de croissance, et c’est un euphémisme.

L’absence de réflexion sur le coût du capital et sur une autre répartition de la valeur ajoutée, plus favorable aux salaires, à l’investissement productif, à la formation ou à l’innovation est un vrai problème.

Par ailleurs, l’absence de ciblage est inconcevable. Oui, l’industrie doit être aidée, mais comment le faire en expliquant en même temps qu’il faut soutenir les cliniques privées que l’on ne peut délocaliser, les banques ou les assurances ?

Enfin, il serait incohérent, pour toute la gauche, de voter ce que vous proposez aujourd’hui après avoir, en juillet, refusé, à juste titre, de transférer les prélèvements des entreprises vers les ménages.

MM. Daniel Fasquelle, Philippe Vigier et Patrick Hetzel. Très bien !

M. Nicolas Sansu. D’ailleurs, messieurs de l’opposition, puisque c’est le même dispositif, vous devriez le voter !

Il est encore incohérent de nous proposer en projet de loi de finances d’augmenter l’impôt sur les sociétés de 10 milliards puis, un mois après, de le baisser de 20 milliards. Quelles que soient les circonlocutions des groupes de l’opposition, ce sont les idées néolibérales qui triomphent aujourd’hui.

M. Hervé Mariton. Il reste encore des progrès à faire !

M. Nicolas Sansu. Nous ne pouvons accepter que les ménages soient mis à contribution via la TVA sans réelle conditionnalité. Les organisations syndicales de salariés partent malheureusement dans la négociation sociale avec un sac à dos trop chargé face au patronat. Nous ne pouvons accepter ce dispositif présenté en urgence et dont les débats ont révélé les impérities. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Daniel Fasquelle. Au moins, lui, est-il cohérent.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson pour le groupe UDI.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous êtes en train de gâcher une bonne idée, défendue par les centristes depuis plus de dix ans : il faut baisser les charges sociales patronales et les compenser par une hausse de la TVA et, éventuellement, un peu de CSG.

Vous avez combattu cette idée lorsque vous étiez dans l’opposition. À peine revenus au pouvoir, vous avez annulé la mesure trop tardive que nous avions enfin obtenue, à savoir la baisse des charges sociales et l’augmentation de la TVA. Et voici qu’aujourd’hui vous faites l’inverse. Dès lors, naturellement, vous avez un problème avec votre majorité et vous faites voter des amendements, sans aucune portée, sur les objectifs. Vous voulez faire croire qu’il y aura un contrôle par les partenaires sociaux d’un crédit d’impôt, qui est une décision prise par le Parlement ! Nous sommes en pleine confusion tout simplement parce que vous avez choisi le mauvais outil, le crédit d’impôt.

Parce que nous refusons, à l’UDI, que soit saccagée une bonne idée, essentielle pour l’avenir de notre pays, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Le groupe écologiste s’abstiendra. Nous étions initialement opposés à cet amendement mais je voudrais saluer le travail de sous-amendement du groupe socialiste qui a notamment permis d’éviter, grâce au sous-amendement n° 219, que ce crédit d’impôt ne finance l’augmentation des dividendes ou la rémunération des dirigeants.

Il n’en reste pas moins que cette mesure reste une occasion manquée, celle d’obtenir un vrai pacte, un donnant-donnant avec les entreprises, que ce dispositif n’est ni conditionné ni ciblé, qu’on offre aujourd’hui 20 milliards sans saisir l’occasion de privilégier les PME, les secteurs d’avenir, les démarches d’économie d’énergie, les créations d’emplois. Nous allons donc aider indifféremment les entreprises florissantes, les entreprises sous LBO, les groupes bancaires, ce que nous ne pouvons accepter.

Enfin, je suis étonnée du sort réservé à nos amendements et à ceux du groupe radical. Nous avons le sentiment qu’ils sont refusés pour la seule raison qu’ils émanent de ces groupes.

M. Jean-Paul Bacquet. Mais non !

Mme Eva Sas. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement. Nous regrettons qu’on dépense 20 milliards d’euros sans saisir l’occasion de donner une impulsion nouvelle à l’économie, de développer les entreprises de taille intermédiaire, de préparer la reconversion de l’industrie et de développer les secteurs d’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg pour le groupe RRDP.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Permettez-moi juste, avant de passer au vote, de vous livrer une réflexion : l’industrie, comme l’a rappelé récemment le ministre de l’économie et des finances, ne recevra que 20 % des 20 milliards. Je sais que certaines entreprises de services sont liées à l’industrie, mais le rapport Gallois s’intitule tout de même « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française ». Comment alors ne pas s’étonner que seulement un cinquième du crédit d’impôt soit dévolu à l’industrie proprement dite ?

Par ailleurs, comme l’a dit mon collègue du groupe GDR, il est contradictoire de vouloir, en loi de finances rectificative pour 2013, alléger les entreprises de 10 milliards en créances fiscales, et en loi de finances initiale pour 2013, accroître de 10 milliards leurs impôts. C’est un double coup d’accordéon, mais en sens contraire.

M. Hervé Mariton. C’est vrai.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. De surcroît, parmi les mesures de la loi de finances initiale figure, on peut le comprendre, un aménagement de la déductibilité des charges financières, lequel rapporte 4 milliards mais risque de démotiver les entreprises à investir. Or, ce crédit d’impôt vise précisément à les inciter à embaucher mais aussi à investir, selon la formule classique qui veut que les investissements d’aujourd’hui soient les emplois de demain.

Je terminerai en rappelant, après avoir écouté avec intérêt M. Woerth, que le parallélisme entre les entreprises allemandes et les entreprises françaises est intéressant mais non totalement probant : les entreprises allemandes ne vivent pas pendues aux basques de l’État en lui réclamant des crédits pour les assister face aux échecs économiques qu’elles rencontrent. Cela fait une différence sensible.

Malgré tout, et avec un enthousiasme très relatif, le groupe RRDP votera cet amendement dont il aurait souhaité qu’il soit plus précis et qu’il ait un contenu différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n°4 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 156

Nombre de suffrages exprimés 150

Majorité absolue 76

(L’amendement n°4 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence l’amendement n°66 tombe.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour soutenir l’amendement n°391.

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement, rejoignant les préoccupations du rapporteur général, a souhaité que le secteur non lucratif bénéficie d’une mesure favorable, parallèlement au crédit d’impôt compétitivité emploi qui profitera au secteur lucratif.

Nous proposons ainsi de porter de 6 000 à 20 000 euros le niveau de l’abattement de taxe sur les salaires en faveur des associations. Le coût annuel de cet amendement s’élève à 315 millions d’euros. Pour une association de huit salariés – 80 % des associations en comptent moins de neuf –, cela représente un allègement de la masse salariale de 12 %, soit le double du taux du crédit d’impôt. Si cette association embauche de surcroît un emploi d’avenir, dispositif de soutien que le Gouvernement a mis en place par ailleurs, le taux d’allègement est porté à 21 %.

Ce n’est qu’une fois franchi le seuil des vingt salariés que l’abattement proposé par le Gouvernement devient moins avantageux que le crédit d’impôt, ce qui concerne une très petite fraction des associations.

Cet amendement tend à gommer les disparités entre entreprises lucratives et associations tout en créant un régime qui leur est plus favorable. Les valeurs qui se sont exprimées dans ce débat sont ainsi respectées. Ce n’est pas exclusif, monsieur le rapporteur général, de ce dont nous avons débattu par ailleurs à propos de la prise en compte des problèmes du secteur médico-social et des hôpitaux. Voilà pourquoi je vous invite à voter cet amendement gouvernemental.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je salue cet amendement qui répond à un certain nombre de nos préoccupations relatives au secteur non lucratif, au secteur associatif, à l’économie sociale et solidaire.

J’ai bien compris que le Gouvernement était d’accord avec moi pour, s’agissant des plus petites entreprises, revenir, probablement en seconde lecture, ou avec d’autres dispositions, sur la question du secteur médico-social ou sanitaire afin d’assurer une certaine équité entre les différents types de gestion d’établissements de soin, d’accueil des personnes âgées dépendantes, etc.

J’en profite pour indiquer à notre collègue Marc Le Fur, qui évoquait la question des services à la personne, que sa préoccupation est légitime et que ce sujet n’a pas échappé à la commission des finances, du moins pas au rapporteur général. J’espère que nous trouverons les moyens de traiter cette question dans un amendement ultérieur.

Même si la commission n’a pas examiné cet amendement, il représente un effort significatif et est fidèle à l’esprit d’une partie de l’amendement n° 217 que nous avons retiré tout à l’heure. J’invite par conséquent nos collègues à l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais juste demander une explication au Gouvernement. Certaines associations sont à double secteur, l’un taxable à la TVA et à l’impôt sur les sociétés, l’autre non. L’amendement du Gouvernement pourra-t-il se cumuler entre le crédit d’impôt pour la partie assujettie à la TVA et à l’IS et la partie qui ne l’est pas?

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je voudrais souligner l’effort que fait le Gouvernement à travers cet amendement de nature à conforter le secteur associatif et l’emploi associatif. Il aurait été anormal que le secteur non lucratif soit pénalisé et qu’on crée une distorsion de concurrence, sachant qu’aujourd’hui le secteur associatif est souvent en concurrence avec des entreprises à but lucratif qui, elles, pourraient bénéficier de ce crédit d’impôt.

Cette mesure permettra notamment aux associations de moins de dix salariés de bénéficier d’une mesure parfois encore plus avantageuse que le crédit d’impôt. C’est un signal fort en direction d’un secteur qui emploie aujourd’hui près de 2 millions de personnes et représente 10 % de l’emploi privé dans notre pays.

J’invite à mon tour nos collègues à voter massivement pour cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Les propos de notre collègue Juanico étaient éclairants puisqu’il a évoqué la situation d’associations qui sont en concurrence avec des entreprises. Il y a là un problème, car je ne suis pas sûr que le statut associatif soit conçu pour cela.

Le dispositif dont nous débattons a pour objectif la compétitivité.

M. Régis Juanico. Et alors ?

M. Hervé Mariton. Les associations sont-elles à ce point concernées quand on parle de compétitivité, sauf lorsqu’elles sont en concurrence avec des entreprises, ce pour quoi le statut associatif n’est pas fait ? Il faut alerter constamment sur le risque de dévoiement de ce statut, sans aller nécessairement jusqu’à parler comme certains d’« associations lucratives sans but » – mais il en existe. Les associations ne sont pas dans le champ de la logique de compétitivité. Le président Schwartzenberg évoquait tout à l’heure le rapport Gallois.

Il s’agit d’un amendement de clientèle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Hervé Mariton. Il a un coût élevé, que le budget ne peut pas se permettre. En l’occurrence, il n’est question ici ni de compétitivité ni même d’emploi. Votre pratique clientéliste ruine le pays. Par conséquent, nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 391 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 5 rectifié et 93, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 5 fait l’objet d’une série de sous-amendements.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 5 rectifié.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je voudrais d’abord répondre aux observations de M. Mariton, ainsi qu’à M. de Courson.

Les associations soumises à la taxe sur les salaires sont, par définition, des entités non soumises aux impôts commerciaux, sauf marginalement. Il ne peut donc pas y avoir de cumul.

Par ailleurs, monsieur Mariton, vous avez prononcé des paroles qui resteront, sans doute. Vous avez émis l’idée que les associations de ce pays étaient une « clientèle ». Cela vous marquera et l’on saura s’en souvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez une conception très particulière du monde associatif. Je vous la laisse et vous vous en expliquerez avec les nombreux intéressés qui concourent au bien-être des Français dans de nombreux domaines.

M. Xavier Breton. C’est vous qui en faites une clientèle !

M. Hervé Mariton. Oui, c’est vous qui les méprisez et qui en faites une clientèle !

M. Pierre Moscovici, ministre. Non, nous les aidons et elles en ont besoin. En tout cas, elles ont besoin d’autre chose que de votre mépris, monsieur Mariton !

Madame la présidente, j’en viens maintenant à la présentation de l’amendement n° 5 rectifié du Gouvernement.

Il met en œuvre la réforme des taux de TVA qui participera, à compter de 2014, au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il sera financé, comme annoncé par le Premier ministre, pour moitié par des économies budgétaires et pour moitié par des prélèvements nouveaux. Dans ce cadre, 6,4 milliards d’euros sont attendus de la réforme des taux de TVA, et la restructuration proposée par le Gouvernement met en place un triptyque clair et lisible, avec trois chiffres : 5, 10 et 20.

M. Hervé Mariton. C’est magique !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n’est pas une hausse généralisée et indifférenciée de la TVA, à la différence du gouvernement précédent qui voulait augmenter le taux normal de TVA de 1,6 point, le faisant passer de 19,6 à 21,2 %, opérant ainsi sur un seul taux normal une ponction de 11 milliards d’euros sur le pouvoir d’achat des Français.

Pour notre part, nous faisons deux fois plus de compétitivité avec deux fois moins de TVA et avec une répartition des taux et une modulation très différentes. Ce n’est pas une augmentation aveugle puisque le taux réduit de TVA passera à 5% pour les produits de première nécessité. Je rappelle qu’il s’agit de l’eau, des produits alimentaires, des repas dans les cantines scolaires, des abonnements au gaz et à l’électricité, ce qui concerne de très nombreux Français. S’ajoutent à cela l’appareillage, l’équipement et les services d’aide pour les personnes handicapées, ainsi que les livres et le spectacle vivant pour la culture. Les produits et les services soumis aujourd’hui au taux à 5,5% et qui verront leur taux baisser pèsent pour 20% dans la consommation des 10% de ménages les plus modestes. La hausse de la TVA pèsera d’abord sur les ménages les plus aisés.

Enfin, la mesure que nous proposons n’est pas inflationniste pour une raison simple : l’allégement du coût du travail induit par le crédit d’impôt sera trois fois plus important que les recettes tirées des réformes de la TVA. Presque tous les secteurs économiques seront donc gagnants en cumulant les effets du crédit d’impôt et de la TVA. C’est, par exemple, un gain net de 3,2 milliards pour l’industrie, de 1,1 milliard pour les transports et de 400 millions pour l’agriculture. Les prix seront stables, voire tirés à la baisse.

La réforme des taux de TVA qui vous est proposée, je le dis volontiers, n’est pas un bloc à prendre ou à laisser. Elle n’entre en vigueur qu’en 2014, ce qui laisse du temps – cela a été le sens des débats en commission des finances – pour en corriger les imperfections et en modifier les paramètres. Mais la question ne se pose pas aujourd’hui de savoir si tel ou tel produit doit plutôt relever du taux à 5%, à 10% ou à 20%. Cette discussion peut, à certains égards, avec peut-être une petite exception, être jugée prématurée.

D’ores et déjà, j’appelle votre attention sur le fait que cette discussion, lorsqu’elle aura lieu, devra respecter une règle à la fois simple et exigeante, mais naturelle dans le cadre du Parlement, qui est que toute modification apportée à la structure des taux doit se faire à rendement constant.

La réforme des taux de TVA, qui a été construite pour être simple et juste, est la première pierre du financement du crédit d’impôt compétitivité emploi. Je vous demande de soutenir la stratégie globale de compétitivité voulue par le Gouvernement. Par souci de clarté devant la représentation nationale, nous avons souhaité que cette modulation qui, je le rappelle, prendra effet en 2014, soit présentée dès aujourd’hui. Il y a évidemment cohérence avec le vote émis sur l’amendement précédent. C’est la raison pour laquelle je vous demande de soutenir dans les mêmes termes, voire de manière encore plus large, l’amendement qui vous est maintenant présenté.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, nous n’avons pas été convaincus par votre proposition de structuration visant à mettre en place ce crédit d’impôt compétitivité.

Je pointerai d’abord votre reniement. Lorsque nous avons augmenté la TVA de 1,6 point, que n’avons-nous pas entendu ! « Jamais nous ne l’augmenterons ! C’est injuste ! » Telles étaient les paroles de Jean-Marc Ayrault, aujourd’hui Premier ministre. Pourtant, vous ne dites pas un mot pour expliquer pourquoi vous avez choisi d’augmenter la TVA de 0,4 point.

Ensuite, vous disiez qu’il ne convenait pas d’augmenter le taux le plus élevé de 1,6 point. Or vous faites pire : vous faites passer le taux de 7% à 10%, soit une augmentation de plus de 40%.

Pour notre part, nous proposons un vrai choc de compétitivité, un choc de confiance, comme le dit le rapport Gallois dont on parle beaucoup, lequel rapport Gallois, page 23, nous explique qu’il faut aller chercher 30 milliards.

Monsieur Muet, pourquoi faut-il aller chercher 30 milliards ? Parce que, nous dit M Gallois, c’est pour aller récupérer 50% de la perte des marges des entreprises depuis 2001.

C’est la raison pour laquelle, comme les Allemands – parce que vous faites souvent référence à l’Allemagne, à l’époque où elle avait augmenté la TVA de 3 points –, nous préconisons une augmentation de 5 points d’un coup et, évidemment, deux tiers de baisse des charges sociales patronales. Vous qui parlez tous d’exportation et d’industrie, ce qu’on est en train de mettre en place, normalement, c’est pour soutenir notre industrie. Si nous baissons réellement de 20 milliards d’euros les charges sociales patronales, vous m’accorderez que tous les produits fabriqués en France seront moins chers et plus compétitifs. Et pour protéger le pouvoir d’achat – c’est la remarque que vous aviez faite lorsque nous avions augmenté le taux de TVA de 1,6 point –, nous proposons de baisser les charges sociales salariales. Dès lors chacun comprendra que le pouvoir d’achat des salariés est au rendez-vous.

Et surtout, comme le propose le rapport Gallois, nous portons le dispositif jusqu’à 3,5 SMIC, ce qui veut dire que ce sont vraiment l’industrie et les secteurs industriels qui en bénéficieront.

Sur la TVA, non seulement vous vous reniez, mais vous faites preuve d’aveuglement puisque vous la portez de 7 à 10 points, ce qui revient à en augmenter le montant de 43%, dans un secteur comme le logement. Vous aurez à en répondre.

Enfin, s’agissant du secteur associatif, monsieur le ministre, peut-être nous direz-vous pourquoi tous ceux qui ont des entreprises individuelles sont écartés du dispositif, ainsi que les entreprises du secteur agricole qui sont au forfait. Je pense que les artisans et les commerçants que vous avez écartés d’un revers de main apprécieront de ne pas pouvoir bénéficier de ce dispositif. Nous saurons le leur dire !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tout à l’heure, monsieur Vigier, vous avez dénoncé un amendement inédit à 20 milliards. Vous avez battu le record : pour ce qui est de votre amendement, il s’agit de 33 milliards !

M. Christophe Léonard. C’est vrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Porter le taux de la TVA de 19,6% à 24,6%, comme vous le proposez, aboutit à un amendement à 33 milliards ! Vous comprendrez, monsieur Vigier, que le rapporteur général, même s’il est soucieux d’apporter des recettes au budget, émette un avis défavorable à cet amendement n° 93.

S’agissant de l’amendement n° 5 rectifié du Gouvernement, qui fait l’objet d’une kyrielle de sous-amendements, je vais prendre un peu de temps, madame la présidente, mais je vous garantis que nous en gagnerons ensuite, car je serai laconique lorsque j’émettrai des avis sur les sous-amendements que nous examinerons.

J’ai dit en commission des finances que, la mesure ne s’appliquant qu’au 1er janvier 2014, je souhaitais que nous nous donnions un peu de temps pour voir comment gérer les différents taux de TVA. Or voilà que M. Vigier, au détour d’un « petit » amendement, provoque une avalanche de recettes de 33 milliards d’euros !

Quant aux sujets évoqués dans les sous-amendements, certes, tous sont éminemment respectables.

M. Philippe Vigier. Merci ! J’espère bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela va du logement social à l’assainissement en passant par le tarif de l’électricité, abonnement au kilowatt heure ou transports publics, sans oublier les salades avec ou sans couverts ni les jus de fruits avec ou sans gobelet en plastique !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas pareil !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous allons avoir un débat que les chanceux qui ont connu la précédente législature ont déjà vécu ! Nous avons passé des nuits à parler de l’assainissement, de l’eau propre et de l’eau sale ! Tout cela, mes chers collègues, est légitime et respectable. Tout cela mérite donc d’être discuté calmement, quantifié et motivé.

Je crois savoir que le ministre est ouvert à un certain nombre de modifications, à la condition que cela se fasse à recettes constantes, ce que le rapporteur général de la commission des finances ne peut qu’approuver. Cela veut dire que si l’un quelconque d’entre nous, qui ne manquons pas d’idées sur le sujet, propose des diminutions de taux pour certains produits ou services, nous devons en trouver la contrepartie financière par des mesures relevant tel ou tel taux ou reclassant tel ou tel produit.

J’ai pris le parti de nous donner un peu de temps pour faire ce travail. Chacun pourra le faire au sein de son groupe politique, et la commission des finances le fera. J’y veillerai. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je m’exprimerai défavorablement sur tous les sous-amendements proposant la modification immédiate d’un taux. Je le dis une fois pour toutes. Je crois que c’est une position de sagesse, car si nous touchons aujourd’hui à un taux, nous ouvrons la porte à toutes les réclamations : pourquoi le logement social et pas le cinéma ? Pourquoi les entrées dans les parcs d’animation et pas l’assainissement ? Pourquoi les transports publics plutôt que le kilowatt heure ?

M. Charles de Courson. Ou les chocolats !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je préfère que nous nous donnions un peu de temps. J’en termine, non sans remercier Mme la présidente pour son indulgence quant à mon temps de parole, en vous disant, mes chers collègues, que l’amendement du Gouvernement prévoit la coordination nécessaire pour que les opérations qui sont engagées avant le 1er janvier 2014 ne voient pas changer l’équilibre de leur plan de financement. Je pense en particulier aux opérations en matière de logement, y compris le logement social. Toutes les opérations décidées et signées avant le 1er janvier 2014 à un taux de 7 % conserveront ce taux jusqu’à leur achèvement, même si celui-ci intervient après le 1er janvier 2014. Il n’y a donc pas de changement de taux en cours d’opération dès lors que celle-ci est lancée avant le 1er janvier 2014.

Voilà, mes chers collègues, la position de votre rapporteur sur cet amendement dont vous avez compris que j’y serai favorable. Ce sera notre base de travail. Je suis bien sûr défavorable à l’amendement énorme – 33 milliards d’euros ! – de notre collègue Vigier.

M. Philippe Vigier. Énorme, énorme… pas tant que ça !

Mme la présidente. Merci, monsieur le rapporteur général. Je rappelle que nous avons en discussion commune l’amendement n° 5 rectifié du Gouvernement et l’amendement n° 93 de notre collègue Vigier. L’avis de la commission a été donné. Un certain nombre d’intervenants représentant leurs groupes vont maintenant s’exprimer. Il y a en revanche par la suite de multiples sous-amendements qui seront chacun soumis au vote. À la fin, l’amendement n° 5 rectifié et éventuellement l’amendement n° 93 seront mis aux voix.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nous débattons de l’évolution des taux de TVA. C’est en quelque sorte l’hommage du vice à la vertu, mais le Gouvernement donne pour seul argument sur son barème la simplicité des taux, comme si le sujet était l’esthétique des taux qui nous sont présentés…

Le président de la commission l’a évoqué, et nous pourrons l’évoquer tout à l’heure dans un amendement que nous avons cosigné, il est assez paradoxal de faire porter l’augmentation maximum de TVA sur des produits ou des services qui ne sont pas délocalisables, alors même que vous ne le faites pas pour les produits exposés à la concurrence internationale où l’augmentation du taux de TVA, comme dans le dispositif que nous avions voté il y a quelques années, pouvait être un argument de compétitivité.

Au fond, dans votre projet, monsieur le ministre, vous auriez pu viser la compétitivité par le crédit, mais vous l’avez abîmé par un dispositif trop complexe. Vous auriez pu aussi viser la compétitivité par l’évolution des taux de TVA, mais vous faites l’inverse de ce qui aurait pu être un plan cohérent de compétitivité.

Nous ne sommes pas contre l’évolution des taux de TVA. Nous proposons un amendement dans lequel nous suggérons d’aller plus loin sur le taux le plus élevé et moins loin sur le taux intermédiaire. D’un point de vue strictement rationnel, je ne pense pas qu’il y ait d’enjeux partisans derrière cela. Aussi, pourquoi ne le faites-vous pas ? Nous avons déposé un amendement en ce sens avec Gilles Carrez, dont j’imagine qu’il va être soutenu par le Gouvernement… Cela ne révolutionne pas l’équilibre de votre projet, cela respecte l’équation budgétaire, mais en termes de compétitivité et d’emploi, cela a beaucoup plus de sens. S’il vous plaît, un peu de bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir sur l’exposé sommaire des motifs de cet amendement n° 5 rectifié. Vous indiquez d’abord que la réforme proposée est juste. À y regarder de plus près, il s’agit d’un propos incantatoire car il n’y a dans cet exposé absolument rien attestant du caractère juste de cette mesure.

Un peu plus loin, on lit : « Contrairement à la TVA sociale adoptée par la précédente majorité », rengaine qui n’est pas une argumentation permettant de démontrer quoi que ce soit. On lit ensuite que « la réforme de la TVA proposée n’entraînera pas de hausse des prix des biens et des services produits en France », puis que « très peu d’entreprises seront perdantes, car la baisse du coût du travail est en moyenne trois fois plus forte que l’augmentation de la TVA ». J’aimerais savoir ce qui permet au Gouvernement de parler de « véritable baisse du coût du travail », puisque tout le débat porte là-dessus. En réalité, le rapport Gallois préconise une baisse immédiate du coût du travail, or ce n’est pas ce que vous faites avec la mesure proposée.

M. Philippe Vigier. Exact !

M. Patrick Hetzel. Par ailleurs, nous n’avons pas de note d’impact. Vous êtes donc dans une logique incantatoire. Nous n’avons aucun moyen de vérifier ce que vous affirmez. Pour le Parlement, c’est tout de même extrêmement gênant.

Enfin, je trouve curieux de mettre sur le même plan le coût du travail et l’augmentation de la TVA. Cela n’a strictement aucun sens ! C’est une ineptie ! Qu’un gouvernement s’amuse à présenter un texte pareil avec un coût aussi important, c’est indigne d’une discussion parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement n° 5 rectifié propose d’augmenter la TVA de manière différenciée, mais le choix lui-même d’augmenter la TVA est un peu curieux. Il contredit tout ce qui a été dit en juillet par beaucoup de monde.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Nicolas Sansu. Pour parler comme le poète, « vérité en deçà de l’été, erreur au-delà ». J’ai bien écouté les explications, en juillet, de notre collègue Pierre-Alain Muet, sur les conséquences pour la croissance d’une augmentation de la TVA. Il n’est pas le seul à le dire. Tout le monde s’accorde à dire qu’une augmentation d’un point de TVA coûte 0,8 à 0,9 point de croissance. On fait donc peser un risque préjudiciable à notre croissance sur la consommation des ménages.

D’autre part, la TVA est extrêmement injuste. Je rappelle que la TVA absorbe 8 % du revenu des 10 % de ménages les plus modestes et moins de 4 % du revenu des 10 % les plus riches. Ce n’est donc pas un impôt progressif, pas davantage proportionnel. C’est un impôt régressif et c’est bien là son drame. Il y avait, à notre avis, d’autres choix à faire pour dégager 7 milliards d’euros, si tant est qu’il en était besoin. On aurait pu instituer un crédit d’impôt appuyé essentiellement sur le partage entre les différents secteurs d’activité de l’économie. Je ne peux que vous renvoyer, monsieur le ministre, au budget 2012 adopté par le Sénat sous la houlette de Nicole Bricq qui avait trouvé des ressources nouvelles à hauteur de plus de 30 milliards d’euros notamment en rognant sur les niches fiscales.

J’ai bien entendu les propos de monsieur le ministre qui se dit ouvert à la discussion sur les aménagements possibles, notamment sur le passage de 7 % à 10 %, ce qui est non seulement injuste mais inefficace pour un certain nombre de secteurs, par exemple le logement social. Nous allons quand même avoir beaucoup de mal à faire 150 000 logements nouveaux avec une TVA à 10 %. De même, dans le bâtiment, qui nous concerne tous, cette hausse de la TVA risque de mettre en péril nombre de nos petits artisans. Il en va de même pour les salles de cinéma.

À entendre les propos du rapporteur, je me demande de plus en plus quelle est la raison de la précipitation à présenter cet amendement n° 5 alors qu’on nous dit qu’on va le retravailler. Pourquoi n’y a-t-il pas eu une simple déclaration de principe de manière à ce qu’on travaille sereinement ? Je trouve que cet amendement n’a pas lieu d’être. (Applaudissements sur les banc du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Vous ne vous étonnerez pas que j’aborde cette question sous l’angle du développement durable.

M. Patrick Hetzel. En effet, ça dure !

M. Éric Alauzet. Nous lançons-nous véritablement dans une économie robuste et compétitive, sobre en énergie et économe en rejets polluants, sobre aussi en ressources et matières premières ? Je crains que l’étau ne se resserre sur le développement durable. On l’a vu lors de l’adoption de l’amendement n° 4 rectifié, dans lequel malheureusement nous n’avons pu intégrer aucune orientation sur la question de l’énergie et du développement durable. Nous ne proposions pourtant que des critères. C’est un peu en contradiction avec le travail fructueux que nous avions mené il y a quelques jours sur la BPI, au cours duquel nous avions indiqué l’ensemble de ces critères : l’emploi, le développement durable et l’énergie. Il y a là une forme d’incohérence que je tiens à signaler.

À propos de cet amendement n° 5 rectifié, on voit bien que porter la TVA ciblée sur les services et les biens de 7 % à 10 %- va toucher des besoins vraiment essentiels. Le logement, c’est essentiel. Les déchets sont les résidus inévitables de l’alimentation, qui est soumise au taux de 5 %. L’eau et l’assainissement, par lesquels on assure son hygiène, sont aussi importants que les médicaments qui sont taxés à 5 %. Et les transports, pour aller au travail ! Tout cela est crucial et touche directement au pouvoir d’achat de nos concitoyens, ainsi qu’aux services publics écologiques : l’eau, les déchets, le bâtiment, l’énergie.

Enfin, cela a un impact économique. Ce sont sans doute plusieurs milliers d’emplois qui sont mis en danger. Il ne faudrait donc pas qu’en créant un crédit d’impôt pour favoriser l’emploi on en supprime dans le même temps. Tout cela demande à être évalué. À ce stade, nous considérons que cette annonce d’une TVA à 10 % n’est que conservatoire, puisqu’il fallait gager une recette par une dépense. Je retiens, comme le rapporteur général s’en est fait l’écho, que la discussion s’ouvre sur ce sujet. Pour notre part, nous ne sommes pas opposés à une révision complète de la TVA, y compris à une augmentation de la TVA normale à 19,6 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Puis-je rappeler aux membres de la majorité les propos tenus par le Premier ministre il y a moins de quatre mois ? Il expliquait que jamais le Gouvernement n’augmenterait le taux de la TVA, cet impôt injuste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Vous en souvenez-vous ? Nos collègues communistes l’ont rappelé, et ils ne sont pas les seuls ! Puis-je vous rappeler ce que vous avez dit lorsqu’on a voté le modeste début d’une TVA sociale sous l’ancienne majorité ? Vous souvenez-vous de ce que vous avez dit, du moins ceux qui étaient là ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Douze milliards quand même !

M. Patrick Hetzel. Alzheimer, c’est maintenant !

M. Charles de Courson. Nous avons assisté à des débats torrides, entendu que c’était injuste et abominable. Mais que faites-vous aujourd’hui ?

M. Étienne Blanc. Reniement !

M. Charles de Courson. Non seulement vous vous reniez, mais vous faites pire ! Le rapporteur général ne veut pas que l’on discute du contenu des biens et des services aux taux normal, intermédiaire et réduit. On nous propose trois mesures sur les taux. On baisse de 5,5 % à 5 % le taux réduit. Mais vous êtes-vous posé la question de savoir s’il en résultera une incidence sur les prix ?

M. Marc Le Fur. Aucune !

M. Charles de Courson. Dans l’heureux temps où j’avais le temps de penser, j’ai fait tout un travail, au conseil des impôts, sur toutes les baisses de TVA. La conclusion était simple : toutes les baisses de 0,2 %, 0,3 % ou 0,4 % sont très largement captées par les circuits de distribution. Cela ne sert à rien ! Il faut un décrochage significatif. Cette mesure ne sert donc à rien.

La deuxième mesure, contraire à ce qu’avait proposé l’ancienne majorité, consiste à augmenter le taux intermédiaire. Alors là, je ne comprends pas ! Ce taux intermédiaire touche massivement des biens et des services produits avec de la main d’oeuvre nationale.

Mme Catherine Vautrin. Exactement ! De proximité !

M. Charles de Courson. Quel est donc l’intérêt d’augmenter ce taux ? En revanche, vous n’augmentez que très faiblement le taux normal de 19,6 % en le portant à 20 %, alors qu’il touche les secteurs exposés à la concurrence internationale ! Tout cela est totalement aberrant ! Il n’y a aucune étude d’impact, rien ! C’est une nouvelle illustration du fait qu’on gâche une bonne idée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En matière de restructuration des taux de TVA, il est vrai qu’une loi de finances rectificative peut en cacher une autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.) En effet, comme la plupart d’entre vous, j’ai le souvenir d’avoir abrogé le 31 juillet dernier une mesure qui, sans être identique, était en quelque sorte analogue.

M. Charles de Courson. Très proche ! (Sourires sur les mêmes bancs.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour le reste, je comprends assez mal l’exercice par lequel on nous invite aujourd’hui à déterminer des taux dont on nous dit qu’ils seront réexaminés l’année prochaine, et qu’ils n’entreront en vigueur au plus tôt, en tout état de cause, que le 1er janvier 2014, et cela sans nous avoir indiqué les domaines auxquels ils s’appliqueront.

M. Charles de Courson. C’en est comique !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’activité parlementaire n’étant pas essentiellement une partie de colin-maillard, cela peut tout de même surprendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Je sais bien que l’on oppose une gauche de la demande à une gauche de l’offre. Je pense pour ma part que l’une et l’autre vont de pair. Il reste que si l’on se préoccupe aussi du socialisme de la demande, 10 milliards d’impôts supplémentaires ne semblent pas de nature à stimuler la consommation qui est pour l’instant le moteur principal de l’activité.

Au final, tout cela me paraît intéressant à titre d’analyse mais ne conduit à aucune décision, comme le rapporteur général nous le disait lui-même. Il s’agit uniquement de faire de la prospective en terrain inconnu. L’exercice est donc un peu complexe pour nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Le rapporteur général propose que nous débattions au fond des secteurs soumis aux différents taux de TVA. Cela répond aux interrogations de M. Schwartzenberg.

J’appelle l’attention du ministre chargé du budget sur la situation du logement social. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Je préside un organisme HLM. Nous travaillons sur des prix plafond. Le passage du taux de TVA de 5,5 % à 10 % représente une perte de financement de 5 500 euros par logement. C’est énorme par rapport aux 800 euros que l’État investit dans la construction d’un logement en PLUS.

Chacun peut donc comprendre que j’appelle l’attention du ministre sur cette situation complexe tant il est vrai que l’objectif de construction du logement social repose sur une capacité à construire.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre sous-amendements, nos 351, 327, 354 et 22, à l’amendement n° 5 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Vigier pour soutenir le sous-amendement n° 351.

M. Philippe Vigier. Le rapporteur général était un peu ému tout à l’heure : il n’avait jamais vu un amendement à 33 milliards d’euros.

Monsieur le rapporteur général, vous m’accorderez que nous découvrons au détour d’une nouvelle loi de finances rectificative un amendement à 20 milliards qui n’a même jamais été examiné par le Conseil des ministres. Tout cela est fait au nom de la compétitivité. Pour ma part, en la matière, je me réfère à la bible : le rapport de M. Gallois. Nous souhaitons surtout que l’on puisse donner une véritable impulsion à cette compétitivité déficiente, chacun l’a compris sur tous les bancs.

Je suis tout de même surpris par la remarque concernant les 33 milliards d’euros de mon amendement.

N’avons-nous pas un problème de balance du commerce extérieur ? M. Pierre-Alain Muet ne nous répète-t-il pas sans cesse que nous étions excédentaires en 2001 et qu’année après année nous chutons ?

Mon argument relatif à la pénalisation du logement par la hausse du taux intermédiaire n’est-il pas pertinent ? Un collègue du groupe SRC vient pourtant à l’instant d’appeler l’attention du ministre sur les effets du passage de 7 à 10 % du taux intermédiaire sur le logement social. Nous savons qu’il y a une insuffisance considérable en matière de logements dans notre pays et que nous enregistrons une très forte diminution du nombre des constructions et de réhabilitations alors même que la demande est très forte. Vos choix vont faire considérablement souffrir ce secteur.

Vous avez détricoté en juillet ce que nous avions adopté, pour faire la même chose que nous aujourd’hui. Pour notre part, nous sommes constants. En 2011, nous avions proposé un relèvement massif de la TVA pour pallier le problème de compétitivité. Monsieur le rapporteur général, vous ne nous avez pas répondu. Dites-nous si en baissant le coût du travail nous n’augmentons pas la compétitivité ? Nous pensons que c’est le cas. Il faut flécher ces dispositifs vers les industries. Que n’avons-nous pas entendu sur ce que nous proposions en la matière ? Rien de ce qui venait de nos rangs ne permettait d’aider le secteur industriel, contrairement à ce que vous proposiez.

Pour conclure, je rappelle que les 30 milliards d’euros dont nous parlons seront sans incidence sur le pouvoir d’achat. Une augmentation d’un point de TVA, c’est 0,25 point d’amputation du pouvoir d’achat. Mais l’argument de la TVA anti-pouvoir d’achat, que vous nous avez servi pendant de long mois, ne tient pas puisque nous proposons de diminuer très sensiblement les charges sociales salariales.

Il s’agit d’un sous-amendement cohérent qui crée un véritable choc de confiance. Nos entreprises en ont besoin. J’ai entendu que vous appeliez à la confiance, mais j’ai surtout vu dans votre attitude beaucoup de défiance et compris que certains secteurs seront véritablement écartés. (Applaudissements sur les bancs UDI et sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Patrick Hetzel. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir le sous-amendement n° 327.

M. Olivier Carré. Je recommande à M. Schwartzenberg de consulter le compte rendu du Conseil européen du mois de juin dernier, l’un des premiers auxquels participait le nouveau gouvernement, et de se référer à la conclusion n° 16 de ce document publié en juillet. Il pourra y lire un certain nombre de recommandations. La mesure que nous examinons ce soir en fait partie. Elle était donc quasiment déjà inscrite au début du mois de juillet alors que l’on allait nous expliquer quelques semaines plus tard que la décision relative à la TVA prise en France au mois de février était mauvaise. Il me semble que se déroule un jeu assez curieux.

Je propose dans mon sous-amendement de ne pas toucher au taux intermédiaire dans la mesure où il a déjà été relevé. Les secteurs du logement ou de la restauration ont déjà subi une hausse ; aujourd’hui, il faut les stabiliser.

Faire peser l’effort maximal sur le taux normal revient à taxer une partie des produits consommés importés ce qui ne me semble pas être une mauvaise mesure, d’autant que cela a beaucoup moins d’impact sur le panier de la ménagère que ce que l’on pourrait croire, surtout si on ne touche pas au taux réduit de 5 % comme le fait l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre le sous-amendement n° 354.

M. Charles de Courson. Il faut augmenter le taux normal si l’on veut dégager 6,4 milliards d’euros. En revanche il ne faut pas augmenter le taux intermédiaire. Quant à la baisse du taux réduit, elle ne sert à rien.

Ce sous-amendement tire les conclusions d’une analyse économique au regard de la compétitivité. Nous attendons toujours des explications économiques de la part du rapporteur général et du ministre pour comprendre pourquoi il est plus intelligent, pour agir sur la compétitivité, d’augmenter le taux intermédiaire plutôt que le taux normal alors que toutes les analyses économiques montrent le contraire. Peut-on nous répondre sur ce sujet ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir le sous-amendement n° 22.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La réforme compétitivité comporte deux volets.

L’un consiste, au niveau de l’entreprise, soit à baisser le coût du travail – c’est la proposition que nous avions faite en début d’année –, soit à améliorer la marge par l’intermédiaire du crédit d’impôt.

L’autre volet finance la baisse des prélèvements, que ce soit celle des cotisations sociales patronales ou celle de l’impôt sur les sociétés, en utilisant la TVA qui pèse sur les produits importés.

Aujourd’hui, la consommation française étant constituée à 25 % de produits importés, et les quatre cinquièmes des produits en question relevant du taux normal de TVA, l’évidence s’impose : la réforme n’aura sa pleine efficacité que si elle s’appuie sur une augmentation au demeurant raisonnable du taux normal ; nous proposons une augmentation de 1 % au lieu des 0,4 % prévus. Sans cela, la réforme manquera la moitié de son but. Elle disposera certes d’un volet compétitivité, mais elle ne permettra pas de créer la différence par rapport aux produits importés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre sous-amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’y suis défavorable.

Je m’en remets au travail d’ensemble qui sera effectué par la commission et qui permettra de répondre aux préoccupations de chacun. Il n’exclut rien, et son résultat sera à somme nulle, c’est en tout cas l’engagement que nous prenons par rapport aux équilibres financiers que le Gouvernement propose.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Ces propositions sont intéressantes, qu’elles reprennent l’esprit de la réforme voulue par le Gouvernement ou qu’elles s’en éloignent pour des raisons que je peux comprendre.

Monsieur Vigier, vous proposez, par votre amendement n° 93 une augmentation forte : 32 à 33 milliards d’euros de transferts de charges. D’une certaine manière, vous avez raison de reprocher au Gouvernement de proposer une réforme à 20 milliards d’euros sans étude d’impact ; vous m’accorderez que vous n’en disposez pas davantage. Peut-être est-ce pire car les montants en jeu dans votre proposition sont une fois et demie plus élevés que dans notre amendement.

Certains proposent d’augmenter considérablement le taux de TVA sur la base d’un argument dont je répète qu’il me surprend un peu. Selon eux, ce ne serait pas les consommateurs que l’on taxerait mais les produits importés. Je leur rappelle que les produits ne vont pas payer ; ce sont les consommateurs qui vont le faire.

M. Marc Le Fur. C’est le coup de la vache ! (Sourires sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez retenu cet exemple : il me semble évocateur. Si vous taxez le lait, ce ne sont ni les vaches ni les producteurs qui paient : ce sont les consommateurs de lait. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Les consommateurs sont des vaches à lait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En conséquence, pour la clarté des débats, peut-être pourrait-on cesser d’affirmer, contre toute évidence, que les produits importés vont payer l’augmentation de la TVA, alors que ce sont les consommateurs achetant ces produits qui vont bien évidemment acquitter ce surcroît de taxe sur la valeur ajoutée.

Monsieur Vigier, votre sous-amendement entraînerait un déport massif de l’effort vers les ménages. Cet argument suffit à ce que le Gouvernement y soit hostile.

M. Carré propose l’établissement d’un prélèvement additionnel tout en revenant sur la réforme du taux intermédiaire. Ce n’est pas le choix retenu par le Gouvernement.

Monsieur Carré, je vous signale, ainsi qu’à M. de Courson, que la consommation des produits soumis au taux de TVA intermédiaire est pour 20 % le fait des ménages les plus aisés, et pour 10 % le fait des ménages les moins aisés. L’augmentation de ce taux est donc bien une mesure en partie redistributive puisque les plus aisés seront plus contributeurs que les autres. Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a retenu cette solution.

En conséquence le Gouvernement demande le rejet du sous-amendement de M. Carré et celui de M. de Courson.

M. Gilles Carrez propose de fixer des taux qui sont extrêmement proches de ceux proposés par le Gouvernement. Quand nous proposons 20 % pour le taux normal, il propose 20,6 %. Quand nous proposons 10 % pour le taux intermédiaire, il propose 9 %. Je ne suis pas sûr qu’il y ait entre nous une différence d’approche économique ; elle est peut-être politique, mais probablement pas économique.

Il nous semble que 5, 10, 20 %, c’est plus lisible et plus simple que 5,5 %, 9 % et 20,6 %. Je reconnais bien là le goût de l’ancien rapporteur général de la commission des finances pour les mesures parfaitement calibrées, rigoureusement réfléchies et ciselées, mais peut-être pas toujours compréhensibles ou faciles à retenir. (Sourires.) Au nom de la facilité avec laquelle nos concitoyens pourront retenir les différents taux, pour épargner leur mémoire, le Gouvernement propose d’en rester à 5, 10, 20. En conséquence, monsieur Carrez, il demande le rejet de votre sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous comprenons l’économie générale de votre dispositif : elle consiste à renforcer les marges des entreprises et à faire payer cette augmentation des marges par le consommateur.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour un tiers !

M. Marc Le Fur. Cela ne me choque pas. Trop souvent, en effet, dans notre pays, des arbitrages ont été rendus au détriment du producteur et au profit du consommateur, qui ont fini par pénaliser l’emploi. En outre, nous sommes dans une économie ouverte. Or, dans une économie ouverte, il n’y a guère que l’impôt indirect qui soit permanent, car c’est le seul qui, de fait, prend en compte le commerce international. Du reste, sauf erreur de ma part, monsieur le président de la commission, c’est un tiers, et non pas un quart, de la consommation des Français qui est importé. En tout état de cause, dès lors que l’on adopte la démarche que vous avez choisie, il faut le faire intelligemment. Quitte à augmenter un taux, il faut évidemment augmenter le taux normal, actuellement de 19,6 %, car c’est celui qui est appliqué à la part de produits importés la plus conséquente.

En dépit de tout le respect et de l’amitié que je vous porte, monsieur le rapporteur général, je n’admets pas votre raisonnement selon lequel le moment n’est pas encore venu de débattre de ce sujet. Ce n’est pas vrai, nous n’avons pas le temps. Puisque le crédit d’impôt génère une dépense, la recette doit être fixée, stabilisée, intangible. Il en va de la crédibilité de ce crédit d’impôt. Nous devons poser l’ensemble des problèmes et en débattre dès aujourd’hui. Nous n’allons tout de même pas passer une année à discuter, en subissant les pressions des uns et des autres.

Enfin, il faut revenir à des idées simples : protégeons un certain nombre de secteurs, dont le logement, qui va subir une augmentation de TVA de 3 %. Nous construisions il n’y a pas si longtemps 500 000 logements par an ; l’année prochaine, selon les prévisions, nous en construirons moins de 300 000. Cette augmentation de la TVA va encore pénaliser le logement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous avez utilisé l’argument selon lequel il vaut mieux augmenter le taux intermédiaire plutôt que le taux normal, car il concerne 10 % de la consommation du décile le plus modeste et 20 % de la consommation du décile le plus élevé. Mais cet argument est faux, car ces taux doivent être rapportés aux revenus. Or, pour le décile le plus faible, l’épargne est pratiquement nulle alors qu’elle est de presque 50 %, pour le décile le plus élevé. Toutes les études, notamment celles du conseil des impôts, ont montré que l’utilisation des taux de TVA à des fins sociales a toujours échoué, car c’est contradictoire avec la structure même de cet impôt. Il ne s’agit donc pas de justice sociale, mais d’efficacité économique. Or, vous n’avez toujours pas expliqué pourquoi, de ce point de vue, précisément – celui de la compétitivité du pays –, vous avez choisi d’augmenter le taux intermédiaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, en tant que politique, vous êtes capable d’écouter, voire d’entendre, un certain nombre d’arguments. Vos fonctions vous conduisent à devoir faire des choix cruciaux ; ils sont de votre responsabilité. Permettez que, m’exprimant sur les taux de TVA à venir, j’appelle votre attention sur le retard historique que, gouvernement après gouvernement, depuis des décennies, le logement locatif social a pris dans sa réponse aux besoins. Les mesures qui sont prises sont en général positives, elles sont le fruit d’une réflexion approfondie, compatibles avec l’économie du moment, mais, à chaque fois, la demande croît et l’offre ne suit pas.

Or, je veux rappeler ce que peut représenter le secteur du logement, dont le Président de la République a annoncé lors de la campagne électorale qu’il entendait le favoriser – certes, des gens étaient sourds à cette époque-là. Force est de constater qu’il est nécessaire de produire du logement, que le patrimoine existant – voulu, payé, réclamé par les pouvoirs publics pour répondre aux plus démunis, voire aux classes moyennes – doit faire l’objet de réhabilitations et qu’il est possible d’y réaliser des gains de productivité, notamment en termes d’économie thermique. Tout cela nécessite de faire travailler des entreprises, des salariés. Faut-il rappeler qu’à chaque fois qu’a été prise une mesure en faveur du logement, l’économie nationale y a gagné ? Vous savez que, sous le gouvernement de Lionel Jospin – je n’étais alors que le rapporteur spécial du budget du logement –, les entreprises du bâtiment ont toutes tenu les engagements pris par la profession, qu’il s’agisse de la lutte contre le travail au noir, de la création d’emplois ou des régularisations. Je ne jetterai pas la pierre à d’autres professions, mais l’un de nos excellents collègues a fait un rapport qui a éclairé la situation de certains secteurs ; je l’ai mesuré comme rapporteur du budget du tourisme.

Monsieur le ministre, on peut comprendre qu’un temps de réflexion soit nécessaire, que des choix cruciaux doivent être faits, mais ne vous trompez pas : faites un choix politique, stratégique, économique et social. À cet égard, le logement mérite une attention particulière. Si certains biens de consommation sont considérés comme étant de première nécessité, un toit est absolument essentiel pour démarrer ou repartir du bon pied dans la vie. Je vous demande donc de dépasser peut-être les mauvais conseils de votre entourage (Sourires sur les bancs du groupe UDI) et de regarder ce qui se passe dans votre ville, dans votre région. Écoutez la voix de la raison !

M. Patrick Hetzel. Il ne vous écoute pas !

M. Jean-Louis Dumont. Il fait semblant de ne pas entendre.

Mme la présidente. Monsieur Dumont, veuillez conclure. Vous avez déjà très largement excédé votre temps de parole. Ne vous laissez pas interrompre.

M. Patrick Hetzel. Ce qu’il dit est très intéressant, madame la présidente !

M. Marc Le Fur. C’est beau comme l’antique !

M. Jean-Louis Dumont. Appliquer un taux réduit de TVA à une partie de la production du logement, c’est gagner une bataille économique, donner un toit à une partie de la population et, tout simplement, tenir compte d’une proposition faite par celui qui est aujourd’hui Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, GDR, UMP et Rassemblement-UMP.)

(Le sous-amendement n° 351 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 327 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 354 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 384.

M. Patrick Bloche. Je le retire.

(Le sous-amendement n° 384 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 368.

M. Patrick Bloche. J’ai bien entendu le ministre et le rapporteur général nous indiquer que nous avions toute l’année 2013 pour mener une réflexion aboutie sur le sujet et mesurer les conséquences des décisions que nous prendrons. Toutefois, je souhaiterais profiter de notre débat prospectif sur les taux de TVA pour rappeler à la représentation nationale que les taux réduits qui s’appliquent dans le domaine culturel traduisent la volonté d’accompagner un mouvement de démocratisation culturelle. Du reste, la majorité a pris en compte la priorité qu’est l’exception culturelle, à laquelle nous sommes tous attachés, en modifiant, dès l’examen du collectif budgétaire de juillet dernier, le taux de TVA réduit sur le livre et sur la billetterie du spectacle vivant, qui a été ramené de 7 % à 5,5 %...

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Patrick Bloche. …et qui sera donc fixé à 5 %. Il reste les autres manifestations culturelles, en particulier l’accès aux musées, aux monuments et aux expositions culturelles, les droits d’entrée dans les salles de cinéma, les abonnements souscrits par les usagers afin de recevoir des services de télévision, lesquels bénéficient historiquement d’un taux réduit de TVA en contrepartie de l’effort particulier que les chaînes – je n’ai pas besoin de citer le groupe qui est plus particulièrement concerné – consentent en matière de financement de la production audiovisuelle et du cinéma, et, enfin, les cessions de droits d’auteurs, ces derniers n’étant pas les plus privilégiés de nos concitoyens.

Par ce sous-amendement, je souhaite donc lancer le débat et nourrir la réflexion collective afin que, je l’espère, le taux réduit de TVA de 5 % soit applicable à l’ensemble des biens culturels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’étonne que le sous-amendement n° 384 ait été retiré, car il corrigeait une erreur et je l’aurais donc accepté.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 368, je n’ai pas changé d’avis : je ne souhaite pas que nous décidions, dès aujourd’hui, sans étude d’impact ni simulation,…

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Ah !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …des variations de taux de TVA et que nous anticipions des décisions qui peuvent être lourdes de conséquences.

M. Le Fur a soutenu à l’instant que, dès lors que nous avions pris une mesure concernant la dépense, il nous fallait immédiatement décider de la recette correspondante. Mais je lui rappelle que le crédit d’impôt compétitivité emploi n’aura pas d’impact sur le budget pour 2013. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Il n’est donc pas urgent de traiter ce point, je l’ai dit et je le répète. Telle sera ma position sur l’ensemble de ces sous-amendements. Je suis donc défavorable au sous-amendement n° 368.

M. Hervé Mariton. C’est la cavalerie !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement n° 368 est soutenu par le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et porte sur le taux de TVA applicable aux produits culturels. Vous avez remarqué comme moi que, lors de la campagne présidentielle, le candidat Hollande avait indiqué que le budget de la culture serait le premier budget qu’il considérerait comme devant être privilégié. Or, de toute évidence, ce n’est pas le cas. Je constate donc que, là aussi, il y a une très grande incohérence dans la politique gouvernementale. Le Gouvernement ne tient nullement les engagements qui ont été pris.

J’ajoute que, pour justifier le refus de ces sous-amendements, on nous oppose qu’ils ne font l’objet d’aucune étude d’impact, alors que, tout à l’heure, on ne nous a présenté aucune étude d’impact pour une mesure dont le coût s’élève à 20 milliards d’euros. Je vois où le Gouvernement situe ses priorités ; manifestement, la culture n’en est pas une et l’opposition le note avec intérêt. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Le groupe écologiste soutient ce sous-amendement de Patrice Bloche. Il ne faut pas oublier que pendant quarante ans, le même traitement a été appliqué aux secteurs du livre, du spectacle vivant et du cinéma. Je ne souhaite pas qu’aujourd’hui on introduise des différences de traitement dans la culture. Nous souhaitons en effet soumettre la totalité des activités de ce secteur au taux de 5 %. La culture est un secteur qui entraîne le développement d’un nombre considérable d’emplois dans les territoires, notamment dans l’économie du tourisme. Je pense donc qu’il ne faut pas le traiter à la légère.

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme Isabelle Attard. Le passage en un an d’un taux de TVA de 5,5 % à 7 %, puis de 7 % à 10 %, soit une hausse de 81 %, est totalement insurmontable pour un certain nombre de structures comme les musées et les sites touristiques, qui sont très importants pour nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Le groupe GDR soutiendra évidemment le sous-amendement de M. Bloche, car nous avons soutenu des amendements similaires lors de l’examen du projet de loi de finances et du collectif budgétaire, à propos du spectacle vivant, des salles de cinéma et des musées.

Une question me taraude malgré tout, monsieur le ministre. L’amendement n° 5 rectifié que vous présentez aujourd’hui prévoit le passage du taux intermédiaire à 10 %. J’ai bien compris les propos de M. le rapporteur général : dans l’attente d’une réflexion plus globale, nous laisserons les choses en l’état. Mais cette situation est déplorable pour toutes les personnes travaillant dans les secteurs du spectacle vivant et du cinéma. Ce sera un choc pour elles de voir que l’Assemblée nationale a adopté cet amendement n° 5 rectifié prévoyant le passage du taux intermédiaire à 10 % dans leur secteur d’activité.

On nous dit que ce que nous adoptons maintenant ne sera absolument pas appliqué en 2014. Je pense sincèrement, monsieur le ministre, que retirer directement cet amendement n° 5 rectifié serait un meilleur choix politique, faute de quoi nous mettrons en émoi un certain nombre de personnes qui se battent pour la culture, de la même manière que nous mettrons en émoi d’autres secteurs comme le logement social.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je souhaitais avant tout, en défendant cet amendement, que le débat sur cette question ait lieu. En l’occurrence, à ce moment du débat, et compte tenu du travail qui nous attend, je vais sagement le retirer. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Alors que nous allions voter pour !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est bien pour cela qu’il le retire !

M. Patrick Bloche. Mais je défendrai dans quelques instants le sous-amendement n° 405 qui – je rassure M. le rapporteur général sur ce point – reprend le sous-amendement n° 384, que j’ai retiré précédemment, ou plutôt que je n’ai pas défendu, et qui a été réécrit par des mains expertes.

Je me réjouis donc de pouvoir dans quelques instants, par ce sous-amendement n° 405, réparer dès ce soir l’erreur commise à propos des droits d’entrée dans les salles de cinéma, sans attendre l’année 2013. Le sous-amendement n° 405 est donc une version réécrite du sous-amendement n° 384, dont vous aviez regretté le retrait, monsieur le rapporteur général.

Quoi qu’il en soit, je retire le sous-amendement n° 368 et vous donne rendez-vous pour l’examen du sous-amendement n° 405.

M. Nicolas Sansu. Il est repris !

(Le sous-amendement n° 368 n’est pas adopté.)

M. Philippe Vigier. C’est pas passé loin !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir le sous-amendement n° 394.

Mme Nicole Ameline. Ce sous-amendement va dans le même sens que celui qui vient d’être présenté. Nous considérons que l’économie culturelle est une ressource exceptionnelle pour la France. Nous souhaitons donc que l’on revienne sur la décision d’appliquer une hausse de TVA à un certain nombre de secteurs qui enrichissent l’attractivité culturelle, économique et touristique de notre pays. Je souhaite obtenir une réponse positive sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’avis de la commission est le même que sur les sous-amendements précédents. Une fois de plus, la réponse aujourd’hui négative à toutes ces demandes ne préjuge en rien des décisions que nous pourrons prendre après un travail d’ensemble.

Si tout est prioritaire, alors plus rien n’est prioritaire, mes chers collègues. J’ai bien entendu tous les plaidoyers pour le logement social, pour la culture, pour les biens de première nécessité : tous sont éminemment respectables, mais je préfère que nous nous décidions en connaissance de cause, en disposant d’une mesure de l’impact financier et économique des mesures proposées. Ce débat aura lieu : entamons-le un petit peu. Prenons, par exemple, le secteur de la restauration.

M. Philippe Vigier. Oui, parlons-en !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si nous nous en tenons à la version actuelle de l’amendement n° 5 rectifié du Gouvernement, la TVA applicable à ce secteur augmentera de trois points, ce qui coûterait à ceux qui fréquentent les restaurants – et non pas aux entreprises elles-mêmes – environ 750 millions d’euros. Savez-vous combien le crédit d’impôt compétitivité emploi rapportera en retour aux entreprises ? Environ 1 milliard d’euros. Si je vous demande d’attendre, c’est pour que nous puissions mener ce travail d’évaluation des effets réels de la hausse de la TVA pour les différents secteurs.

Il nous faudra évaluer dans quelle mesure la hausse de la TVA sera supportée par le consommateur, et quels bénéfices le crédit d’impôt compétitivité emploi rapportera à l’entreprise, pour pouvoir apprécier l’impact économique réel des hausses de TVA !

M. Charles de Courson. Et les taxes écologiques !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je le dis donc encore une fois, au risque de me répéter : nous devons mener ce travail d’évaluation. Je m’y engage en votre nom, et je demande à chacun de s’investir afin que nous puissions décider en toute connaissance de cause. N’oublions pas que le crédit d’impôt compétitivité emploi bénéficiera notamment aux secteurs intenses en main-d’œuvre. Je pourrai mener un raisonnement analogue à propos des travaux dans les bâtiments : nous aurons, à l’évidence, ce débat. Il faut en tout état de cause mettre systématiquement en regard les dépenses, dues à la TVA, et les recettes imputables au crédit d’impôt compétitivité emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, pour ces explications. Pour autant, je pense qu’il y a aussi, dans toutes ces annonces, un effet psychologique loin d’être négligeable. On le voit aujourd’hui : les activités dont nous avons parlé ce soir sont des activités de proximité, qu’il s’agisse des cinémas ou des parcs zoologiques ou botaniques. Les emplois concernés ne sont pas délocalisables, et souvent implantés, pour ce qui concerne les parcs zoologiques ou botaniques, dans des zones rurales. Vous le savez comme nous, les saisons hautes pour ces parcs sont souvent à cheval sur deux années civiles. Cela signifie qu’un certain nombre de parcs, sachant qu’ils pourraient avoir à faire face à une augmentation de taux de TVA au 1er janvier 2014, ne procéderont pas à des embauches, de façon à s’adapter aux conséquences prévisibles de ces hausses, à savoir une baisse de la fréquentation.

C’est la raison pour laquelle, malgré vos appels à la prudence, cette annonce non seulement cause de l’émoi, mais a des conséquences négatives en termes d’emplois, et notamment d’emplois de proximité dans les zones rurales. C’est pourquoi mes collègues du groupe UMP voteront pour cet amendement.

(Le sous-amendement n° 394 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux sous-amendements, nos 405 et 349, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 405.

M. Patrick Bloche. Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, le sous-amendement n° 405 est la réécriture particulièrement soignée du sous-amendement n° 384 que j’ai précédemment retiré. Il concerne le taux de TVA applicable aux recettes de billetterie des cinémas. Je pense que nous sortons là du cadre de la discussion qui nous occupe depuis que nous examinons l’amendement n° 5 rectifié du Gouvernement.

Il s’agit, de mon point de vue, de corriger une erreur, un oubli qui a été commis cet été lors de la discussion du collectif budgétaire, lorsque nous avons diminué de 7 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux recettes de billetterie des spectacles vivants, en oubliant de le faire pour celles des cinémas. Le taux applicable aux droits d’entrée dans les salles de cinéma risque donc de passer de 5,5 % il y a peu de temps, à 10 %. Or, vous le savez, le cinéma est l’une des pratiques culturelles les plus populaires en France.

Mme Catherine Vautrin. Exactement !

M. Patrick Bloche. Pourquoi cela ? Parce que le prix moyen d’un billet de cinéma s’élève très exactement à 6,33 euros.

Le problème, c’est qu’une autre taxe s’applique aux billets de cinéma, à hauteur de 10,72 %, qui est reversée au Centre national de la cinématographie.

M. Hervé Mariton. Nous l’avons baissée !

M. Patrick Bloche. Tel est en effet le dispositif vertueux du financement du cinéma dans notre pays : il y a ainsi une redistribution. Puisqu’une taxe de 10,72 % s’applique déjà aux billets de cinéma, l’augmentation du taux de TVA à 10 % aboutira à les taxer à un taux de plus de 20 %, supérieur au taux normal de TVA !

Vous savez que les conséquences ne toucheront pas les producteurs, ni les réalisateurs, ni les industriels du cinéma, mais les exploitants, les distributeurs, c’est-à-dire les maillons les plus fragiles de la chaîne du cinéma. Il y a ici suffisamment de députés qui déploient des efforts considérables pour maintenir des salles de cinéma, notamment dans les territoires, pour savoir quel sera le coût d’un taux de TVA de 10 % sur les recettes de billetterie des cinémas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Tout à fait !

M. Patrick Hetzel. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 349. Monsieur Le Fur, vous êtes l’un des nombreux auteurs de cet amendement.

Mme Catherine Vautrin. Cela montre la justesse de cet amendement, madame la présidente.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il en est le premier signataire !

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, vous avez rassemblé autour de la vôtre une diversité de signataires assez rare pour être notée.

M. Marc Le Fur. Pour une fois, je suis d’accord avec notre collègue Bloche. Il est impensable que nous pénalisions à l’excès, par ce texte, le cinéma, et en particulier la distribution des films dans les salles les plus modestes, celles que nous connaissons dans les territoires ruraux. Je suis, pour ma part, un militant de mon petit cinéma local. Je ne comprendrais pas, et ne serais pas en mesure d’expliquer, une augmentation si brutale de trois points du taux de TVA applicable au cinéma.

Il faut donc, pour le moins, que nous conservions le taux de 7 %, ou, encore mieux, que nous soumettions ce secteur au taux le plus bas, de façon à ce que l’ensemble des dépenses soit taxé de la même manière. Il m’apparaît impensable que, du fait de cette augmentation du taux intermédiaire de TVA, nous pénalisions le cinéma. Le cinéma est un art et une distraction populaire…

Un député du groupe GDR. Très bien !

M. Marc Le Fur. …et un fleuron de l’activité culturelle de la France, que plusieurs de nos voisins européens nous envient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Marc Dolez. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vais devoir contredire mon collègue Patrick Bloche : le sous-amendement n° 384 qu’il a retiré tout à l’heure, était de simple coordination et visait à soumettre une partie des activités de théâtre à un taux de TVA de 5 %, en lien avec l’action du Gouvernement qui ramène le taux réduit de 5,5 % à 5 %. Cela me paraissait logique, et j’étais prêt à l’accepter.

Mais le présent sous-amendement n° 405 a une portée différente, puisqu’il porte, entre autres, sur les billets de cinéma. Ils sont actuellement soumis au taux intermédiaire de 7 %, que le Gouvernement propose de faire passer à 10 %, alors que vous proposez de les taxer à 5 % ! Cela ne correspond pas du tout à l’amendement que vous avez retiré tout à l’heure !

J’ai dit tout à l’heure que je ne souhaitais pas de modification des taux applicables à l’ensemble des biens et services sans évaluation préalable de la perte correspondant à la hausse de TVA et du gain correspondant au crédit d’impôt compétitivité emploi. Je ne peux donc pas être favorable à votre sous-amendement, pas plus qu’à celui que nos collègues de l’UMP et du Rassemblement-UMP ont défendu. Ce dernier a le même objet, mais une portée financière tout autre.

Un certain nombre d’amendements, qui seront examinés plus tard, n’ont pas la TVA pour objet, portent aussi sur l’activité cinématographique.

M. Marc Le Fur. C’est beaucoup plus important !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous les examinerons plus tard au cours de la discussion, mais probablement pas ce soir. Ils ont également un poids financier considérable. Si on additionne l’ensemble, on atteint environ 200 millions d’euros. Je ne sais pas si le contexte actuel nous permet de le faire.

Nous avons donc bien entendu les demandes s’agissant de la TVA. Le débat a eu lieu. Il sera de nouveau lancé en même temps que tous les débats légitimes sur les activités de proximité ou autres. Nous sommes tous d’accord sur ce point. L’artisanat et les travaux sont de l’activité de proximité. Je citerai également les biens et les services de première nécessité.

Je répète ce que j’ai dit tout à l’heure. Je suis défavorable à ces deux sous-amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je comprends très bien l’argumentation du président Bloche. Il n’est pas invraisemblable qu’une forme de malfaçon technique ait abouti à ce que le taux de TVA du cinéma soit, aujourd’hui, celui que nous connaissons. Une fois que l’on a dit cela, je pense qu’il ne faut pas non plus oublier la méthode très opportunément rappelée par le rapporteur général. Nous discutons de taux qui ne s’appliqueront pas en 2013, mais en 2014. L’urgence à débattre, même si j’en vois bien l’intérêt, ne me paraît pas manifeste et encore moins celle à délibérer et à voter. J’ai toutefois bien compris l’argumentation de l’opposition qui estime qu’un signal devait être donné. Il est vrai qu’en matière économique les signaux peuvent avoir leur importance. Toutefois, monsieur le président, il me semble qu’un signal fondamental a été donné avec un crédit d’impôt pour le cinéma lors de la discussion du projet de loi de finances. Vous savez que ce coût pour les finances publiques s’élève à 150 millions d’euros. Ainsi, les tournages de films prévus en France y seront effectivement réalisés. Cela permettra également d’attirer d’autres équipes. Il ne me semble donc pas que le Gouvernement et l’État soient timorés à l’égard d’une éventuelle politique cinématographique qui pourrait rencontrer votre assentiment. Un véritable effort a été réalisé dès 2013. Il ne me semble pas qu’en termes de signal la chose soit négligeable. Y ajouter un signal pour 2013, mais dont l’effet se produirait, en vérité, en 2014 ne me semble pas indispensable. Nous devons prendre le temps, toutes commissions confondues, au demeurant, d’examiner les conséquences de telles dispositions dérogatoires pour tel ou tel secteur avant de décider que cette activité plutôt telle autre doit bénéficier d’un taux réduit plutôt que d’un taux super-réduit.

Je vous suggérerai bien volontiers de retirer ce sous-amendement au bénéfice de l’engagement que prend le Gouvernement d’associer à la réflexion sur cette nouvelle architecture des taux par produit ou par service l’ensemble des parlementaires, toutes tendances confondues, et les commissions qui le souhaiteraient. Il ne convient donc pas de légiférer dans l’instant, d’autant que, je le répète, cette action législative n’aurait pas de conséquences en 2013.

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. Pourquoi vote-t-on maintenant ?

Mme Catherine Vautrin. C’est hallucinant !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ajouterai un dernier argument qui convaincra peut-être celles et ceux, à droite comme à gauche, que je sais parfaitement soucieux de l’équilibre de nos finances publiques. Ce sous-amendement, s’il était adopté, emporterait, en 2014, un coût supplémentaire de près de 75 millions d’euros auxquels il convient d’ajouter 150 millions pour le cinéma. Le signal serait peut-être quelque peu excessif. Sachons nous contenter, dans ces périodes que je qualifierai un peu de « disette budgétaire », des 150 millions d’euros et sachons, pour décider, le cas échéant, d’une mesure complémentaire, prendre le temps de l’arrêter si sa nécessité est collectivement estimée.

Je ne peux donc que rejoindre la position du rapporteur général et vous demander, monsieur le président, de bien vouloir retirer ce sous-amendement. À défaut, et j’espère que chacun pourra le comprendre, le Gouvernement appellera l’Assemblée à le rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, non seulement vos arguments ne sont pas très convaincants, ce soir, mais, et j’ai déjà eu l’occasion de le souligner dans cet hémicycle, je constate que le Gouvernement n’aime manifestement pas le peuple.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quelle honte !

M. Marc Le Fur. Mais c’est exactement cela !

M. Patrick Hetzel. J’écoute avec attention ce que vous dites, monsieur le rapporteur général, alors laissez-moi m’exprimer à mon tour !

Le cinéma est la pratique culturelle la plus populaire chez nos concitoyens, y compris les plus modestes. Les salles de cinéma sont souvent le lieu du premier accès à la culture et souvent le seul. Le taux de TVA réduit a contribué à conserver, aujourd’hui, un parc de salles exceptionnellement dense en France, notamment dans un certain nombre de circonscriptions rurales et dans les zones périurbaines. Si cette mesure s’appliquait, aujourd’hui, au cinéma, elle aboutirait à doubler en deux ans le taux de TVA applicable jusqu’alors. Cela fragiliserait fondamentalement l’équilibre des salles de cinéma et porterait largement atteinte à la possibilité des Françaises et des Français de se rendre dans ces salles. Il faut savoir ce que l’on fait. Vous prenez, là, une lourde responsabilité parce que ce sujet concerne de nombreux Français. Cette demande n’émane pas uniquement de l’opposition, elle est également portée par le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous sommes donc un grand nombre de parlementaires à vous adresser cette demande. Je pense que cela mérite autre chose qu’un simple coup de balai, qu’une argumentation qui ne tient pas !

Mme la présidente. Sur le sous-amendement n° 405, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je reprendrai ce qui a été dit par mon collègue, il y a un instant, sur la pratique culturelle la plus populaire que constitue le cinéma. C’est clairement un lieu utile à l’égalité des chances. Christian Kert me soufflait, à juste titre, qu’un effort considérable a été également consenti en faveur de la numérisation des salles. C’est, en effet, un lieu d’égalité territoriale. On a le droit de bénéficier, sur l’ensemble du territoire, d’une qualité de projection et d’accès à la création.

Le cinéma n’est, finalement, rien d’autre qu’un lieu d’égalité des chances. Le président Bloche le disait tout à l’heure, c’est, souvent, le premier lieu d’accès à la culture.

À partir du moment où vous inscrivez cette hausse dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, il me paraît tout à fait normal, monsieur le rapporteur général, de pouvoir en discuter. Je veux, certes, bien entendre que la disposition sera mise en application le 1er janvier 2014. Avec vous, il faut donc finalement payer pour voir : la mesure sera votée et on en discutera après ! Or, dans un débat parlementaire, on discute d’abord et on vote après !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Le sous-amendement de M. Bloche est tout à fait justifié. Je suis un de ces élus de province qui interviennent dans leur collectivité pour permettre au cinéma de vivre. Je sais ce que l’exploitant du cinéma de ma ville fait pour permettre à cet art et à cette culture d’exister. Je suis donc très sensible à ce sous-amendement et je suis très content qu’il ait été déposé.

Une chose me surprend tout de même. Chacun s’accorde ainsi à dire que ces sous-amendements sont tout à fait légitimes, mais qu’il convient d’en traiter plus tard. Or, je le répète, si cet amendement n° 5 rectifié est voté en l’état, cela posera de très graves problèmes. On ne peut pas se contenter d’entendre que « l’on verra plus tard » ! Ce n’est absolument pas acceptable ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tous ensemble ! Tous ensemble ! L’UMP et le Front de gauche ! Allez au Sénat !

M. Nicolas Sansu. Cela démontre tout simplement, et je l’ai dit lorsque je me suis exprimé sur l’amendement n° 5 rectifié, que ce n’est pas par le biais de la TVA que l’on trouvera de nouvelles ressources. En effet, chacun a une bonne raison de considérer qu’il ne faut pas augmenter le taux de TVA sur tel ou tel secteur. Notre collègue Dumont a expliqué que c’était une ineptie pour le logement social. Notre collègue Bloche nous dit que, s’agissant de la culture, il convient de maintenir le taux de TVA, voire de le baisser sur certains droits d’entrée. Je ne comprends donc pas que le Gouvernement s’acharne à vouloir trouver, via la TVA, les ressources dont il a besoin, alors que tant de niches fiscales et sociales sont encore aujourd’hui inexplorées !

Mme la présidente. Sur le sous-amendement n° 349, je suis également saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour un rappel au règlement.

Mme Annie Genevard. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58. Je souhaiterais m’exprimer au nom du groupe Rassemblement-UMP, Patrick Hetzel ayant parlé en tant que cosignataire de cet amendement.

Mme la présidente. Certes, mais ce n’est pas ainsi que cela se passe, madame Genevard.

Mme Annie Genevard. Pourquoi ? Donnez-moi une explication !

Mme la présidente. Demandez à M. Le Fur de vous expliquer le règlement. Vous pouvez également le lire, car il est en distribution et il est gratuit. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP)

M. Hervé Mariton. Suspension de séance !

Après l’article 24 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je voudrais dissiper un malentendu.

Quelle est l’évolution de la fréquentation des salles en France depuis 2007 ? Cette fréquentation était, en 2008, de plus 6,6 % ; de plus 6 % en 2009 ; de plus 2,7 % en 2010 et de plus de 4,7 % en 2011. On ne peut que s’en féliciter et s’en réjouir, car c’est effectivement bien la preuve que le cinéma est populaire et attractif, ce qui est formidable. J’ajouterai que les recettes moyennes par entrée, entre 2007 et 2011, ont augmenté de 6,4 % au niveau national.

Or nous discutons, aujourd’hui, du soutien de secteurs en difficulté. Le montant de cet amendement s’élève à 80 millions d’euros, le ministre a parlé de 75 millions d’euros ; nous sommes dans l’épaisseur du trait. Cette somme représente quatre fois le montant de l’aide alimentaire nationale prévue dans le projet de loi de finances pour 2013. C’est quasiment le coût du recrutement de 12 000 professeurs, accompagnateurs de vie scolaire, assistants d’éducation, mesure que nous avons votée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012.

Ce secteur continue à progresser et il est prévu, dans ce même projet de loi, d’accorder plus de 150 millions de crédit d’impôt aux entreprises cinématographiques. Si on veut ajouter 80 millions d’euros, grâce à la réforme de la TVA, allons-y ! Je n’y suis pour ma part pas favorable. J’y suis même très défavorable. Nous aurons cette même discussion sur l’assainissement, sur le logement social, sur tous les secteurs qu’il est parfaitement légitime de prendre en considération. Mais je pense, et c’est en tout cas mon point de vue, que ce n’est pas la priorité du moment.

M. André Chassaigne. C’est trop social et c’est trop culturel !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je vous demande une suspension de séance, madame la présidente, pour apporter un peu plus de paix !

Je trouve, sur la forme, que nos débats doivent être marqués d’une certaine courtoisie. Il est quelque peu curieux d’avoir pris un tel ton pour s’adresser à notre collègue dont la parole est, pour nous, très importante.

Sur le fond, je veux aussi préciser, avant que vous n’accordiez la suspension de séance, que le problème n’est pas tant le découpage fin des taux. Le rapporteur général n’a peut-être pas tout à fait tort. Il aurait été préférable d’intervenir sur le taux maximum que de procéder à une augmentation massive du taux intermédiaire comme vous le proposez.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 5 décembre 2012 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre délégué, vous avez développé des arguments auxquels on ne peut être insensible. Le dépôt de cet amendement ne visait absolument pas à contester les efforts que fait le Gouvernement en faveur du cinéma. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Quelles turpitudes dans la majorité !

M. Patrick Bloche. Vous les avez rappelés avec raison et nous en aurons la preuve demain soir avec le crédit d’impôt recherche, qui traduit un effort particulier à l’égard de cette grande industrie culturelle qu’est le cinéma, facteur de croissance et d’emploi. Avec 275 films produits par an, nous sommes fiers d’avoir encore en France ce qu’on appelle un cinéma national.

Reste que ce crédit d’impôt recherche concerne évidemment par nature ceux qui tournent les films, c’est-à-dire les producteurs et les réalisateurs. L’amendement n° 405 concernait l’autre bout de chaîne, c’est-à-dire, une fois que le film est fabriqué, le fait qu’il soit exploité, distribué et que nous puissions le voir dans une salle de cinéma.

De ce fait, et tout en rendant hommage au Gouvernement pour ce crédit d’impôt cinéma que nous aurons plaisir à voter demain soir, je tiens à souligner que le problème des exploitants et des petits exploitants reste entier.

Néanmoins, faisant preuve de responsabilité (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP),…

M. Hervé Mariton. Et de conviction !

M. Patrick Bloche. …compte tenu de l’avis défavorable et du ministre du budget et du rapporteur général du budget, je retire mon amendement.

(L’amendement n° 405 est retiré.)

M. Nicolas Sansu. Je le reprends.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je remercie Patrick Bloche d’avoir retiré son amendement. La méthode que proposent le rapporteur général et le Gouvernement me paraît être la bonne. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Nous allons voter trois niveaux de taux de TVA mais il y aura une réflexion sur le périmètre de chacun. La question du cinéma se pose, comme celle du logement social, et il faudra y réfléchir. Il y a une règle simple, c’est que le rendement doit être constant.

M. Hervé Mariton. Cela s’annonce redoutable !

M. Pierre-Alain Muet. C’est une bonne chose que cet amendement ait été retiré.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 405 a été retiré par son auteur mais repris par M. Sansu.

Je vais maintenant le mettre aux voix.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 82

Nombre de suffrages exprimés 78

Majorité absolue 40

(L’amendement n° 405 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 349.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 82

Nombre de suffrages exprimés 80

Majorité absolue 41

(L’amendement n° 349 n’est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les services de renseignement ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 5 décembre 2012, à minuit quarante-cinq.)