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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 15 janvier 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Situation au Mali

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. André Chassaigne

M. Christian Jacob

M. Razzy Hammadi

M. Philippe Folliot

Mme Danielle Auroi

Mme Annie Genevard

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mariage pour tous

M. Henri Guaino

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Accord sur la sécurisation de l’emploi

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Réforme du mode de scrutin départemental

M. François Sauvadet

Mariage pour tous

Mme Virginie Duby-Muller

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Projet de loi sur la famille

Mme Corinne Narassiguin

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Situation au Mali

M. Gilbert Collard

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Absentéisme scolaire

M. Éric Ciotti

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Droits de plantation viticole

M. Jean-Paul Dupré

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Réforme des rythmes scolaires

M. Didier Quentin

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Nomination de députés en mission temporaire

4. Contrat de génération

Présentation

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Francis Vercamer

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, M. Thierry Repentin, ministre délégué, M. Christophe Cavard, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Jacqueline Fraysse, M. Denys Robiliard, M. Gérard Cherpion, M. Arnaud Richard

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Door

M. Thierry Repentin, ministre délégué, M. Christophe Sirugue, rapporteur, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, M. Guillaume Chevrollier, M. Francis Vercamer

Discussion générale

M. Christophe Cavard

M. Jean-Noël Carpentier

Mme Huguette Bello

M. Olivier Véran

M. Gérard Cherpion

Mme Isabelle Le Callennec

M. Arnaud Richard

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. En cette première séance de l’année 2013, je présente au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, à tous les députés et à l’ensemble de nos compatriotes mes vœux les plus sincères. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Je les adresse également à la délégation de l’Assemblée nationale du Québec, conduite par son président, M. Jacques Chagnon, à laquelle je souhaite la bienvenue. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Ce matin, la Conférence des présidents a décidé qu’un orateur de chacun des groupes pourrait poser une question sur la situation au Mali, le Premier ministre répondant à l’ensemble des orateurs, avant le débat de demain devant la représentation nationale.

Depuis la fin de semaine dernière, nos forces armées interviennent au Mali à la demande de son président. Au nom de la représentation nationale, je rends hommage au lieutenant Damien Boiteux, mort au combat dans cette opération, et je présente à toute sa famille les condoléances attristées de la représentation nationale. (Applaudissements.) Je salue également la mémoire de nos compatriotes tombés en Somalie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) Mes chers collègues, comme vous vous êtes levés spontanément, je vous propose de respecter quelques instants de silence avant de poursuivre nos travaux. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Situation au Mali

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je veux saluer l’action courageuse de nos forces armées engagées au Mali et contribuer à leur exprimer la solidarité de la représentation nationale. Il s’agit de porter secours à un pays attaqué par des groupes terroristes puissamment armés et aussi de protéger les 6 000 ressortissants français présents dans ce pays ami, longtemps lié à la France par un destin commun.

Cette action militaire, décidée à la demande du président malien, s’inscrit pleinement dans la légalité internationale. Elle a reçu le soutien unanime du Conseil de sécurité et de la CDAO, la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest. Il était impossible en effet de laisser des groupes djihadistes, dont Al-Qaïda, s’emparer d’un pays pour le transformer en État terroriste qui aurait servi de base à d’autres opérations.

La France a été la première à agir, et elle a bien fait. Il importe maintenant qu’elle ne soit pas la seule à intervenir et que tous les États concernés prennent leur part dans ce combat qui doit être commun et solidaire. Les États d’Afrique de l’Ouest vont-ils déployer sans tarder la mission internationale de soutien au Mali, ou MISMA, la force multinationale africaine, et nos partenaires européens, dont certains restent passifs, vont-ils enfin activer leur mission de formation de l’armée malienne ?

Ce qui est en jeu au Mali et ailleurs, c’est la liberté, plus précisément la liberté de conscience. Le vingtième siècle avait vu se développer la liberté, la laïcité, la liberté de croire ou de ne pas croire, le respect des convictions d’autrui. Le siècle nouveau voit le retour des dogmatismes, des intégrismes, et la volonté de les imposer par la force, par la violence la plus extrême, comme au Mali : exécutions, mutilations, lapidations.

M. le président. Merci, monsieur le député.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On ne transige pas avec l’intégrisme, on ne compose pas avec le terrorisme. Quand la France se dresse contre ces périls, elle est dans son rôle, elle est dans…

M. le président. Merci, monsieur Schwartzenberg.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer la solidarité des députés du Front de gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine avec le peuple malien confronté à l’offensive de groupes djihadistes qui occupent le nord de ce pays qui nous est si proche. Nos pensées vont aussi aux familles d’otages français et à celles de nos soldats.

Une intervention internationale était urgente et nécessaire pour stopper l’offensive des fanatiques islamistes. Elle n’en suscite pas moins des interrogations. L’opération Serval a été lancée sans débat préalable au Parlement. Selon nous, elle aurait dû s’inscrire aussi dans le cadre d’un mandat précis, défini par l’ONU et l’Union africaine.

La résolution 2085 du Conseil de sécurité autorise le déploiement d’une mission internationale sous conduite africaine. Or l’opération Serval se révèle d’abord être une opération franco-française. Cela ne peut que susciter un certain malaise, au regard de l’ancien statut de puissance coloniale de la France.

Mais, surtout, cette opération militaire, nécessaire, ne saurait constituer une fin en soi. Elle ne réglera pas le problème sur le fond et dans la durée. La crise malienne est d’abord politique. Elle pose la question de la reconstruction d’un pays, dont la déliquescence institutionnelle et politique a abouti à le scinder en deux.

La France ne doit pas mettre seulement ses armes et ses soldats au service de ce pays symbole de la richesse culturelle du continent africain. Elle doit coopérer avec lui, dans le respect mutuel, afin qu’il puisse se doter, par lui-même, d’institutions stables dignes d’un État souverain.

Monsieur le Premier ministre, quelle est notre ambition dans ce registre qui relève moins du militaire que du politique et de la solidarité entre les peuples ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, les institutions de la Cinquième République voulue par le Général de Gaulle ont donné au Président de la République la prérogative d’engager les forces françaises à l’étranger. Nous apportons donc notre soutien à la décision du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Les objectifs qu’il a fixés à nos troupes – stopper et repousser les insurgés et combattre le terrorisme islamiste –, nous les partageons. Lorsque les soldats français sont au feu, l’unité nationale n’est pas une option, c’est une nécessité absolue et un devoir pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Nos pensées vont d’abord aux militaires engagés pour la France, aux trois soldats qui se sont sacrifiés au Mali et en Somalie. La mise en scène monstrueuse et ignoble de la dépouille d’un de nos soldats est une atteinte profonde aux valeurs humanistes qui sont les nôtres. Elle est de nature à renforcer notre détermination à combattre le terrorisme sous toutes ses formes. Les terroristes ne doivent pas douter de la détermination de la représentation nationale, ni de notre soutien à nos armées.

À ce stade, notre soutien est total et nos questions sont simples. La France s’est-elle fixé un calendrier opérationnel ? La France pourra-t-elle, à court terme, bénéficier des soutiens africains de la CDAO et de ses alliés ? C’est, à nos yeux, indispensable.

Monsieur le Premier ministre, qu’êtes-vous en mesure de nous dire quant au sort de nos otages au Mali ? Je sais qu’il mobilise l’ensemble des services de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Razzy Hammadi. Chers collègues, j’associe à ma question Pouria Amirshahi, député des Français de l’étranger pour la circonscription d’Afrique de l’Ouest.

Vendredi 11 janvier, le Président de la République, chef des armées, a pris la décision d’engager notre pays dans une opération extérieure au Mali. Cette intervention est menée dans le strict respect de la légalité internationale, en application de la résolution 2085 de l’ONU du 20 décembre 2012. Il convient de féliciter notre diplomatie pour le travail de mobilisation extraordinaire qu’elle réalise depuis des mois afin de permettre sa mise en œuvre dans les meilleures conditions.

L’opération Serval répond à l’appel du Président de la République du Mali face à l’avancée inexorable des groupes fondamentalistes terroristes et des narcotrafiquants. Menaçant l’unité du Mali et terrorisant la population – au sein de laquelle les femmes sont en première ligne –, ces groupes, qui étaient sur la route de Bamako, remettaient en cause l’existence même de ce grand pays, de cet État ami, naguère vitrine de la démocratie en Afrique.

La rapidité d’exécution, la fermeté, la réactivité et la responsabilité de notre Président de la République doivent être saluées.

Forte de cette légitimité, l’opération décidée par le Président de la République engage nos troupes sur un terrain difficile. C’est pourquoi il convient de rendre hommage à la mémoire du lieutenant Damien Boiteux, du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. Nous pensons à sa famille, à ses camarades et à ses proches. Il est tombé pour défendre ces valeurs qui nous unissent tous, ces principes qui nous rassemblent tous. La communauté malienne, les Franco-maliens de France félicitent notre action et s’associent à cet hommage.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, alors que la situation évolue chaque jour, informer la représentation nationale des actions de nos troupes et de la stratégie mise en œuvre sur place, sachant que les armes seules ne pourront pas résoudre ce conflit à moyen et long terme. En effet, les relations de codéveloppement et de coopération représentent elles aussi l’avenir de la paix au Mali. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Monsieur le Premier ministre, depuis vendredi dernier, dans le cadre de l’opération Serval, les forces françaises sont engagées au Mali, à la demande pressante du gouvernement malien, pour faire face à une attaque djihadiste.

Le groupe UDI, par la voix de son président Jean-Louis Borloo, a immédiatement tenu à apporter tout son soutien à cette opération, et à saluer l’esprit de responsabilité du Président de la République et du Gouvernement dans cette situation d’extrême urgence et de danger tant pour la population malienne que pour les 6 000 ressortissants français de Bamako.

Pour nous, les centristes, il est en effet des sujets à propos desquels l’unité nationale chère à nos vœux doit prévaloir. Toutes nos pensées vont vers nos soldats qui sont actuellement au feu, dont la réactivité et le professionnalisme sont à saluer. Nous rendons hommage au lieutenant Boiteux, mort pour la France au premier jour de l’intervention française, mais aussi aux membres du service Action de la DGSE tombés lors d’une opération de libération d’un otage en Somalie.

Nous tenons également à exprimer notre vive inquiétude quant à la situation des autres otages français dans la région.

Monsieur le Premier ministre, l’intervention française est une réponse à l’agression des groupes fanatiques islamiques armés du nord du Mali qui, à cette heure, semble stoppée. Au-delà, la question de notre implication dans le légitime objectif de reconquête du Nord du Mali se pose.

Compte tenu de la gravité du sujet, et afin de définir la suite de la mission, il nous paraît indispensable que la France ne reste pas seule. Il faut que se réunissent rapidement les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) afin de participer collectivement au soutien des forces maliennes et aux forces africaines de la MISMA.

Une coalition européenne ou internationale nous semble en effet primordiale. Sachez, monsieur le Premier ministre, que le groupe UDI soutient pleinement l’initiative française au Mali. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le Premier ministre, face à l’avancée des islamistes au nord du Mali, l’État malien a fait appel à la France, qui vient de s’engager à ses côtés : dont acte. Il aurait été utile que les parlementaires débattent plus tôt de l’intervention de la France, aussi urgente et légitime soit-elle. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. N’importe quoi !

Mme Danielle Auroi. Le débat prévu demain permettra, du moins je l’espère, d’en clarifier et d’en préciser les objectifs. Nous attendons aussi la résolution de l’ONU qui nous donnera mandat.

M. Jean-Paul Bacquet. Mais c’est n’importe quoi !

Mme Danielle Auroi. Espérons également que l’Union européenne, qui prépare une mission de formation de l’armée malienne, pourra, un jour, jouer un rôle plus important, tant dans l’action que dans la prévention et le règlement des conflits.

En attendant la force internationale sous conduite africaine, la responsabilité de la France est lourde. Sur le terrain, plusieurs ONG ont appelé l’ensemble des belligérants à respecter les civils. Plusieurs voix s’élèvent aussi pour s’inquiéter de la circulation des armes dans la région, alors que le conflit libyen a déjà permis à certains groupes de s’équiper largement.

Le grondement des armes ne doit pas faire oublier des réalités régionales plus larges, par exemple la place de l’uranium dans cette région. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Totalement irresponsable !

Mme Danielle Auroi. Un tiers des centrales nucléaires françaises fonctionnent grâce à cet uranium, extrait au Niger voisin. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Pourtant, cette exploitation n’a profité que ponctuellement aux habitants du désert, et les liens entre pauvreté et terrorisme sont malheureusement bien connus ! Il est temps, comme a commencé à le faire le ministre délégué chargé du développement, de revoir les modalités de l’aide aux pays qui en ont besoin. (Protestations continues sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Je vous interroge donc, monsieur le Premier ministre, sur les mesures concrètes qui pourraient être prises dès aujourd’hui en concertation avec les autorités maliennes et les pays voisins afin d’aider les régions sahéliennes, notamment les peuples touaregs, à mettre en œuvre un véritable plan de développement soutenable, qui respecte les droits de tous et de toutes. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Lellouche. C’est incroyable !

Mme Danielle Auroi. La confiance et la sécurité économique sont les armes les plus sûres pour détourner la population civile des mouvements djihadistes, car il s’agit aussi de toucher, en profondeur, les racines du conflit, et de préparer la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le Premier ministre, j’associe à ma question mon collègue Pierre Lellouche qui représentait François Fillon à la réunion que vous avez organisée à Matignon à ce sujet.

Alors que se termine le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, le Président de la République vient de décider d’engager la France sur le continent africain au nom de la lutte contre le terrorisme international.

La première victime française de cet engagement a été le lieutenant Damien Boiteux, quarante et un ans, pilote du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales basé à Pau, mortellement blessé aux commandes de son hélicoptère dans le Sud du Mali lors de la première phase de l’opération Serval. Il était originaire du village du Russey, dans ma circonscription. Au nom des parlementaires, je voudrais d’abord adresser, depuis cet hémicycle, à sa famille, son fils, sa compagne, ses parents que je connais bien, un message d’émotion et de profonde sympathie. La mort de ce valeureux soldat touche la nation tout entière.

Au-delà de ce tragique événement et consciente de la difficulté qu’il y a à agir contre la pieuvre du terrorisme international, j’aimerais que vous puissiez nous éclairer, monsieur le Premier ministre, sur les circonstances de ce drame et sur les perspectives d’évolution du conflit dont le Président de la République a déclaré récemment : « cette intervention durera le temps qu’il faudra... ». (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP et sur quelques bancs des groupes UDI, SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la France, vous venez de le rappeler, intervient en appui à l’armée malienne. Elle le fait à la demande du Président du Mali et dans le respect de la Charte des Nations unies.

L’agression des mouvements terroristes menaçait l’existence même du Mali et faisait peser un risque majeur sur l’Afrique de l’Ouest, sur l’Europe et aussi sur la France. L’opération fixée par le Président de la République poursuit trois objectifs. Je tiens à les rappeler devant vous après les avoir exposés, hier soir, à Matignon devant les représentants de tous les groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, devant la présidente et les présidents des commissions affaires étrangères et de la défense et devant, bien sûr, les présidents de l’Assemblée et du Sénat. Le premier objectif est d’arrêter l’offensive des groupes terroristes ; le deuxième objectif est de préserver l’existence de l’État malien et de lui permettre de retrouver son intégrité territoriale et sa totale souveraineté ; le troisième objectif est de préparer le déploiement de la force d’intervention africaine qui a été autorisé le 20 décembre dernier par le Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution 2085.

Le dispositif militaire que nous déployons conjugue renseignement, frappes aériennes, moyens d’aéromobilité et unités terrestres. Il répond strictement à ces objectifs. Il continuera de se renforcer dans les prochains jours. En effet, nous avons porté un coup d’arrêt à la première offensive des trois groupes terroristes principaux. Mais leur détermination, nous devons en être conscients, reste entière et il convient, pour y faire face, d’obtenir rapidement des résultats très significatifs.

Cette intervention, le Gouvernement en est conscient depuis le début des opérations, fait peser un risque sur nos otages au Sahel. Mais ce sont ceux-là mêmes qui les détiennent qui menaçaient de s’emparer de la totalité du Mali. Ne rien faire et laisser le Mali devenir un sanctuaire pour les groupes terroristes n’aurait pas contribué à la libération, que nous souhaitons tous, de nos otages.

Pour la protection du territoire national, plusieurs mesures du plan Vigipirate ont été renforcées, notamment dans les transports, les bâtiments publics et les lieux de culte.

Je vous l’ai dit, j’ai réuni hier soir les représentants du Parlement en présence du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se trouvant avec le Président de la République, aux Émirats arabes unis, était représenté par son directeur de cabinet. Nous avons, à cette occasion, présenté les objectifs de l’intervention et répondu à de nombreuses questions particulièrement précises et utiles, conformément au rôle que vous avez à jouer, en tant que représentants parlementaires, dans le cadre de la Constitution : vous avez tous en mémoire son article 35. Un débat sans vote se déroulera donc mercredi après-midi, comme M. le président de l’Assemblée nationale vient de le rappeler. Un débat similaire se tiendra en même temps au Sénat.

Je me félicite en tout cas, d’ores et déjà, du soutien manifesté depuis le 11 janvier par l’ensemble des forces politiques de notre pays.

M. Patrick Balkany. Et les Verts ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je remercie tout particulièrement les représentants et les présidents de groupes qui se sont exprimés cet après-midi. Notre pays est uni dans ce combat contre les groupes terroristes. Ce combat est aussi un combat pour nos valeurs. Il est un combat pour les valeurs des Nations unies. L’intervention de la France bénéficie, en effet, du soutien de la communauté internationale, à commencer par les États africains eux-mêmes. Plusieurs de nos partenaires, notamment le Royaume-Uni, le Danemark, les États-Unis, le Canada et l’Allemagne, nous apportent, déjà, leur appui sous diverses formes. La France est, aujourd’hui, en première ligne, en appui à l’armée du Mali, mais, d’ici à une semaine, les forces africaines commenceront à se déployer sur le terrain. Un échelon précurseur de l’état-major de la MISMA est déjà à Bamako. Plusieurs pays africains ont confirmé la mise à disposition de premiers contingents.

La mise en place de la mission de l’Union européenne de formation et de soutien logistique aux forces armées maliennes est également en train de s’accélérer. Une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne se tiendra jeudi dans cette perspective. La perspective, les uns et les autres l’avez rappelé, est politique. Elle est de redonner au Mali la stabilité à laquelle il prétend à juste titre. Elle est aussi de redonner à ce pays des institutions démocratiques stables et durables au service d’un Mali pleinement souverain et capable de garantir sa propre sécurité. L’ambition du Gouvernement et des forces politiques largement rassemblées est aussi de donner une perspective de développement non seulement au Mali, mais à toute cette région de l’Afrique particulièrement pauvre. Mais il n’y a pas de développement sans sécurité et il n’y a pas de sécurité durable sans développement.

Avant de conclure, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, à mon tour, saluer le courage de nos soldats. Je présiderai dans quelques instants, juste après cette séance, avec le ministre de la défense et le ministre chargé des anciens combattants, la cérémonie d’hommage national au chef de bataillon Damien Boiteux qui a péri vendredi, au premier jour, je dirai aux premières heures, de l’intervention. Mais, mesdames, messieurs les députés, vous lui avez déjà rendu hommage comme la nation tout entière le fera.

Face à la menace terroriste, la détermination du Gouvernement est entière. Fort de votre appui et de celui de toutes les forces politiques nationales, de la nation tout entière et de la communauté internationale, cette détermination ne faiblira pas ! (Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes SRC et RRDP ainsi que quelques députés du groupe Écologiste se lèvent et applaudissent vivement.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Henri Guaino, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Henri Guaino. Monsieur le Premier ministre, dimanche, des centaines de milliers de Français ont manifesté contre le projet de loi sur le mariage pour tous. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Henri Guaino. Ce fut un immense rassemblement, le plus important peut-être depuis quarante ans,…

M. Pascal Deguilhem. Depuis des siècles !

M. Henri Guaino. …de familles, de gens simples dont beaucoup n’avaient jamais manifesté ni fait de politique de leur vie.

Ils sont venus parfois de très loin, supportant le coût et la fatigue du voyage. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ils étaient les représentants de millions de Français qui s’inquiètent des conséquences de cette réforme dont Mme la garde des sceaux a dit elle-même que c’était une réforme de la civilisation.

Qu’ont dit ces Français simples et dignes ? Qu’ils ne voulaient pas que l’on décide sans eux de la civilisation dans laquelle eux et leurs enfants allaient vivre.

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas de véritable débat quand tout est joué d’avance. Regardez ce qui se passe au Parlement, où votre majorité dit aux députés de l’opposition : « Causez, causez encore, causez toujours, de toutes les façons nous ne ferons que ce que nous voulons ! » C’est la règle de la démocratie parlementaire, me direz-vous, mais quand on touche à quelque chose d’aussi profond, qui ébranle tant de consciences, ce n’est plus vrai. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ici, la démocratie exige que le peuple lui-même ait la parole, non que ceux qui le représentent parlent à sa place. (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.) C’est l’esprit de notre République.

Le Président de la République peut prendre la décision de soumettre cette réforme au référendum. La lettre de l’article 11 de notre Constitution lui en donne le droit. Il en est seul juge et sa décision n’est susceptible d’aucun recours.

Alors, monsieur le Premier ministre, ne prenez pas la lourde et grave responsabilité de violer des millions de consciences. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ne méprisez pas les Français, qui ne vous réclament qu’un peu de respect, un peu de démocratie, un peu de république ! (Mêmes mouvements.)

Quand on donne la parole au peuple, on ne recule pas, on se grandit. Soyez un Premier ministre de la Cinquième République et non de la Quatrième. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

M. le président. Merci, monsieur le député.

M. Henri Guaino. Soyez responsable ! Soyez démocrate ! Soyez républicain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. De nombreux députés de ces groupes se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Merci !

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. De nombreux députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP scandent le mot « Référendum ! ») S’il vous plaît, mes chers collègues ! Une question a été posée : laissez le Gouvernement répondre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous auriez été un peu plus crédible, sur le respect des manifestations populaires, si vous aviez montré avec lucidité et constance le respect que ce gouvernement exprime vis-à-vis des inquiétudes des Français. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. – De nombreux députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP continuent à scander « Référendum ! ».)

Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler le contenu de l’article 11 de la Constitution, qui définit les matières pour lesquelles le Président de la République peut, sur saisine des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, organiser un référendum. (Mêmes mouvements.) Je ne vous ferai pas de leçons sur les institutions et la Constitution. (Mêmes mouvements.) Je vous rappelle que, pour les mêmes matières, la réforme constitutionnelle de 2008 a prévu la possibilité d’un référendum d’initiative partagée. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De 2008 à 2012, votre majorité n’a pas trouvé le temps de soumettre aux deux chambres la loi organique qui aurait permis de définir les modalités d’application de ce référendum ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, Écologiste, GDR et RRDP.)

Pour le reste, pendant des années, vous avez essayé de nous donner des leçons sur les institutions, la Constitution, le respect de la démocratie. Quel respect montrez-vous aux membres des chambres du Parlement qui vont se saisir de ce débat, qui le traiteront avec du temps et sur le fond, et qui, parce qu’ils sont des parlementaires éclairés, prendront les meilleures décisions ?

M. Gérald Darmanin. Et vous, quel respect pour le peuple ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement manifeste une fois de plus son respect vis-à-vis des citoyens qui s’inquiètent de la propagande, des fausses annonces que vous faites, ainsi que son respect du Parlement.

M. Dino Cinieri. Ce n’est pas vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un débat que nous animerons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. Référendum ! Référendum ! Référendum !

Accord sur la sécurisation de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (De nombreux députés des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI continuent de scander « Référendum ! ») Regardez le spectacle que vous êtes en train de donner !

Je vous préviens que, si cela continue, je vais suspendre la séance ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) On ne peut pas continuer comme cela ! L’opinion des uns et des autres doit trouver à s’exprimer ! Il faut veiller au bon déroulement de nos séances.

Monsieur Le Roux, vous avez la parole.

M. Bruno Le Roux. Il est étonnant de prétendre défendre la démocratie avec un tel comportement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.) Assumez vos responsabilités, vous qui avez été élus ! Assumez le débat ici, plutôt que d’adopter ce comportement infantile, à vouloir vous protéger derrière le peuple ! (Mêmes mouvements.) Vous n’êtes pas à la hauteur de la responsabilité qui vous a été confiée par le peuple français ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, vendredi, à l’issue de discussions marathons, les partenaires sociaux ont finalisé un accord crucial pour la sécurisation de l’emploi. Habituellement, l’État décide seul et il impose ses vues aux partenaires sociaux. Or vous avez fait un pari, nécessaire mais risqué, et désormais réussi. L’accord trouvé entre les partenaires sociaux est une promesse pour l’avenir de notre pays. Il permet de sortir de la logique de la confrontation et du passage en force qui a trop souvent prévalu dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

Cet accord succède à celui sur les contrats de génération et, pour l’un comme pour l’autre, nous devons veiller à les retranscrire fidèlement dans la loi.

Monsieur le Premier ministre, les partenaires sociaux ont, avec votre feuille de route, trouvé un compromis équilibré. Ils ont réussi à le faire en limitant le recours aux CDD, qui avait doublé au cours des dix dernières années, en facilitant l’accès des travailleurs à la formation et à la santé (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), en élaborant un cadre permettant tout à la fois de rendre le marché du travail plus fluide pour les entreprises et plus protecteur pour les salariés.

Un échec vous aurait été reproché si le dialogue n’avait pu aboutir et si les partenaires sociaux n’avaient pas trouvé un accord vendredi. Or l’accord a abouti, et les députés SRC veulent vous exprimer leur soutien pour cette méthode et ce résultat qui tranchent singulièrement avec la façon dont le rapport de force était systématiquement recherché par l’ancienne majorité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Nous souhaiterions connaître, monsieur le Premier ministre, la lecture que vous faites de ce compromis social, historique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Le Roux, il y a dans notre pays, d’abord, la démocratie politique, c’est-à-dire celle qui s’exprime par le suffrage universel, par l’élection du Président de la République et des députés par tous les Français, dont vous êtes les représentants légitimes. C’est à ce titre, et en toute légitimité, que vous aurez à vous prononcer sur des réformes de droit constitutionnel, de droit public, de droit économique ou social, comme sur beaucoup d’autres sujets ou projets : j’ai entièrement confiance dans vos choix.

M. Gérald Darmanin. Référendum !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais aujourd’hui, vous évoquez un autre volet de notre démocratie : la démocratie sociale. Vous savez que, lors de sa campagne, le Président de la République avait fait de la modernisation de notre pays l’un de ses axes prioritaires. Nous savons que la France doit changer, qu’elle doit se réformer,…

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …mais elle ne peut pas le faire de n’importe quelle façon. L’histoire a montré qu’une réforme du droit du travail qui ne se faisait que par la loi, de façon autoritaire, ne pouvait mener qu’à l’échec. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Ce qui s’est passé vendredi est le résultat d’une volonté partagée. Celle, d’abord, du Gouvernement qui, lors de la grande conférence sociale de juillet, a su créer les conditions d’un renouveau du dialogue social dans notre pays, en fixant, avec les partenaires sociaux, les grandes priorités sur une feuille de route. Cette feuille de route se concrétise par la grande négociation sur la sécurisation des parcours professionnels, qui s’est conclue vendredi par un accord. Il appartient maintenant aux différentes organisations patronales et syndicales de se prononcer pour dire si elles lui donnent une suite concrète, en signant les résultats de cette négociation. Mais nous savons qu’une majorité d’entre elles ont déjà donné leur accord pour que ce qui a été obtenu par la négociation devienne rapidement une réalité, pour les entreprises mais également pour les salariés. C’est ce qu’il vous appartiendra très rapidement, selon la volonté du Gouvernement, de traduire dans le droit du travail, par un projet de loi qui sera minutieusement préparé et soumis à votre délibération.

Cet accord est effectivement sans précédent : sans doute que, depuis plus de trente ans, il n’y a jamais eu de négociation d’une telle ampleur (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP),et je suis sûr que ce n’est pas la dernière. En tout cas, la sécurisation des parcours professionnels, réclamée depuis tant d’années pour les salariés des petites, des moyennes et des grandes entreprises, va devenir une réalité.

Cet accord est un compromis, comme toute négociation. D’un côté, il offre aux entreprises plus de souplesse pour faire face aux mutations économiques et aux nécessaires réorganisations, sans faire peser sur les salariés le risque d’un licenciement, et sans que ceux-ci soient les variables d’ajustement ; de l’autre côté, en contrepartie, ce sont des droits nouveaux qui vont accompagner le salarié tout au long de sa carrière, quelle que soit l’entreprise à laquelle il appartient, que ce soit en matière de couverture complémentaire santé, de droit « rechargeable » aux indemnités de chômage ou à la formation professionnelle – et j’ajoute cette innovation essentielle, réclamée depuis longtemps : les contrats précaires et de courte durée seront, par une taxation accrue, rendus plus difficiles à conclure, de façon à favoriser ce qui doit devenir le contrat principal, c’est-à-dire le contrat à durée indéterminée. Tout cela se trouve dans l’accord et c’est un vrai progrès pour le monde du travail.

Je vous l’ai dit, il vous appartient maintenant, mesdames et messieurs les députés – et c’est votre responsabilité – de traduire dans la loi cet accord. Cela vous demandera un certain travail, mais c’est d’abord le Gouvernement, avec le ministre du travail, Michel Sapin, qui va le faire en rédigeant un projet de loi. Pourquoi faut-il aller vite ? Parce qu’il y a urgence – vous l’avez déjà compris puisque vous avez adopté les mesures relatives aux emplois d’avenir – mais il faut que cela se concrétise désormais sur le terrain. Vous allez débattre, dès cet après-midi, du projet de loi créant les contrats de génération. Mais il y a aussi le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi : le crédit d’impôt pour les entreprises, que vous avez voté avant la fin de l’année, est opérationnel depuis le 1er janvier.

Nous menons une bataille pour l’emploi, et cette négociation est une contribution supplémentaire à cette bataille. Il n’y pas de temps à perdre. Je compte sur le Parlement, je compte sur la majorité, je compte sur ceux qui ont compris et comprendront l’essentiel : l’emploi, des droits nouveaux pour le monde du travail, la compétitivité qui ne peut exister sans dialogue social, sans justice sociale, car sans solidarité il ne peut y avoir d’efficacité économique. Le processus est en marche et je compte sur l’Assemblée nationale, sur le Parlement, pour franchir cette nouvelle étape dans les progrès en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Réforme du mode de scrutin départemental

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union des démocrates et indépendants

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, je veux simplement vous faire observer, puisque vous parlez de légitimité, que tous ceux qui siègent ici sont légitimes, car ils sont tous les élus du peuple (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP), qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition : tous méritent, monsieur le Premier ministre, le même respect. Voilà ce que je tenais à vous faire observer.

Par ailleurs, monsieur le Premier ministre, lorsque vous évoquez tous les défis – nous venons de parler abondamment du Mali – auxquels nous sommes confrontés, je veux vous redire que la seule urgence est de rassembler et de tout faire pour préserver l’unité nationale. Or je pense que vous prenez un lourd risque à continuer à défendre des projets de loi qui, faute d’un dialogue approfondi, divisent et fracturent profondément le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.) Je ne pense pas seulement au mariage pour tous qui suscite beaucoup d’interrogations et mériterait que, comme pour les lois relatives à la bioéthique, nous parvenions dans nos divergences à travailler vers une convergence pour donner un signal à ceux qui l’attendent : ce serait respecter tous ceux qui ont manifesté, car ils portent un message qui doit être entendu. (Mêmes mouvements.)

Mais il y a, monsieur le Premier ministre, une autre fracture à laquelle je voudrais vous sensibiliser : une fracture territoriale. Vous avez décidé récemment de diviser par deux le nombre de cantons et vous avez inventé un nouvel hybride : un couple élu dans de grandes circonscriptions électorales, un homme et une femme qui seraient élus ensemble, mais qui exerceraient différemment et distinctement leur mandat. Si l’on appliquait cette réforme, ce serait la mort annoncée et programmée des territoires ruraux. Je vous le dis au nom du groupe UDI : on ne peut pas assurer l’avenir d’un pays en se fondant exclusivement sur le fait urbain et sur les agglomérations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.) Nous avons besoin d’agglomérations fortes qui soutiennent les activités et l’emploi, mais nous avons besoin aussi de territoires ruraux. Au nom des 115 parlementaires, des présidents des conseils généraux, et du millier d’élus locaux qui se sont exprimés sur ce sujet, je vous demande de reprendre le dialogue avec les collectivités territoriales et de ne pas leur imposer un mode de scrutin qui se traduira par un affaiblissement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président Sauvadet, je présenterai ce soir au Sénat le projet de loi que vous venez d’évoquer et qui vise à moderniser, tout en la conservant et en la renforçant, l’institution départementale, par la modification d’un mode de scrutin aujourd’hui obsolète. Il n’y a pas eu, à quelques exceptions près, de découpage cantonal depuis deux siècles : vous ne pouvez donc pas nous expliquer qu’il faut garder ce mode de scrutin qui, par ailleurs, est une négation de la parité. Aujourd’hui, trois départements n’ont aucune femme élue et il n’y a que 13 % de conseillères générales. Le Président de la République, conformément à ses engagements de campagne, nous a demandé à la fois de préserver cette proximité essentielle que crée le lien entre les élus départementaux et les citoyens et d’instaurer la parité.

M. Hervé Mariton. La parité dans le mariage !

M. Manuel Valls, ministre. C’est ce mode de scrutin que je vais présenter, après une longue consultation des associations d’élus, mais aussi de l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement. Nous voulons un mode de scrutin qui préserve cette proximité et qui soit paritaire. Je vous invite, monsieur le président Sauvadet, à rejoindre le camp de ceux qui veulent une démocratie territoriale renforcée, moderne et adaptée aux temps d’aujourd’hui, et ce notamment grâce à la parité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Virginie Duby-Muller. Dimanche dernier, un million de personnes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – non pas 340 000 comme vous le prétendez, monsieur le Premier ministre, pour minimiser l’ampleur de la mobilisation – de tous âges, de toutes opinions et de toutes confessions ont défilé dans une ambiance bonne enfant afin de défendre l’institution du mariage que vous attaquez. Face à la clameur qui monte des tréfonds du pays (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous avez déjà commencé à reculer en faisant retirer l’amendement du groupe socialiste qui visait étendre la procréation médicale assistée aux couples de même sexe. Mais nous avons bien compris que ce recul n’est que tactique puisqu’une loi sur la famille a d’ores et déjà été annoncée pour le mois de mars, comprenant cette disposition ! Dès lors, qu’on ne nous prenne pas pour des idiots ! Votre objectif à terme est bien le démantèlement de tous les fondamentaux de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – « Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Je m’adresse à nos collègues de la majorité : comment pouvez-vous avoir comme maître à penser M. Pierre Bergé, qui déclarait : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour aller à l’usine, quelle différence ? »

Plusieurs députés des groupes UMP et Rassemblement-UMP. Scandaleux !

Mme Catherine Lemorton. Cela ne figure pas dans le texte!

Mme Virginie Duby-Muller. En tant que femme, en tant que mère de famille, je suis profondément choquée par une telle conception qui mène tout droit à la gestation pour autrui et à la marchandisation des corps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous lance un appel à la raison : quand annoncerez-vous le retrait définitif de cette mesure qui clive les Français, mesure qui conduirait à la reconnaissance d’un droit à l’enfant alors que seul doit compter le droit de l’enfant ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, oui, nous avons vu que l’UMP en est à préempter une manifestation dont les porte-parole passent leur temps à dire que c’est un mouvement apolitique et aconfessionnel. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Le Gouvernement respecte les Français qui s’interrogent sur cette réforme de fond. Il s’agit en effet d’une grande et belle réforme pour l’égalité des droits, et qui a le souci de protéger des enfants dont le statut juridique est extrêmement précaire. (Même mouvement.)

Le Gouvernement a entendu les interrogations, que vous et vos collègues avez d’ailleurs assez largement contribué à propager (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP), sur la disparition du code civil des mots « père » et « mère ». (Protestations sur les mêmes bancs.) Je réaffirme ici solennellement que les mots « père » et « mère » ne disparaîtront pas du code civil.

Sachez bien, madame la députée, que ni vous ni votre groupe n’avez le monopole des préoccupations et des inquiétudes des Français, ni de la traduction des interrogations qu’ils se posent sur l’organisation de la famille. Les Français savent que les familles sont variées, diverses, et ils en voient autour d’eux qui ne correspondent pas au schéma idyllique que vous exposez. Les Français ont le plus grand respect pour toutes les formes de famille, et nous répondons donc à leur préoccupation. Je le redis : non, les mots « père » et « mère » ne disparaîtront pas du code civil (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP) ; non, le livret de famille des personnes hétérosexuelles ne changera pas. (Même mouvement.)

Je rappelle aux députés du groupe UMP que la commission des lois se réunira cet après-midi pour examiner le projet de loi : venez donc participer aux travaux, même si vous n’en êtes pas membre, madame la députée : le règlement vous y autorise. Jusqu’ici, vous avez préféré bouder les auditions organisées par le rapporteur : rattrapez-vous, madame la députée, et dites la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Dites-leur que nous faisons progresser la société…

M. Hervé Mariton. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …avec l’égalité des droits. Ceux qui s’interrogent sincèrement verront tomber leurs dernières réticences parce que c’est finalement l’affection qui l’emportera. (« Référendum ! Référendum ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) À force de voir autour d’eux des familles homoparentales qui élèvent leurs enfants dans l’amour, ils comprendront que l’égalité des droits est un vrai progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste ainsi que sur plusieurs bancs des groupes GDR et RRDP ; de nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – « Référendum ! référendum ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Projet de loi sur la famille

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Corinne Narassiguin. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Madame la garde des sceaux, pour nous, c’est clair. Notre choix, notre combat, c’est l’égalité des droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Hervé Mariton. D’une façon partiale !

Mme Corinne Narassiguin. Les démonstrations de l’opposition nous montrent que beaucoup d’idées fausses circulent encore. C’est pourquoi nous nous attachons à ce que le débat qui va s’ouvrir à l’Assemblée nationale rassemble les Français autour d’un seul objectif : l’ouverture de nouveaux droits pour des citoyens comme les autres.

Les auditions menées à l’Assemblée ont mis en avant la nécessité de protéger toutes les familles de France, de leur garantir une sécurité juridique qui les mette à l’abri des aléas et des accidents de la vie. Pour y parvenir, je sais le Gouvernement déterminé à aller jusqu’au bout de la mise en œuvre de convictions que nous partageons. Et nous vous soutenons, madame la garde des sceaux !

Le projet de loi sur le mariage et l’adoption soulève nécessairement les questions de filiation. Ouvrir la procréation médicalement assistée aux couples de femmes est essentiel pour cesser de fermer les yeux sur une réalité qui existe depuis de nombreuses années déjà. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Notre travail en faveur de l’égalité des droits pour les couples homosexuels permettra aussi de faire progresser le droit pour toutes les familles en traitant les questions essentielles du statut du beau-parent et de l’accès aux origines. Je sais que vous avez déjà commencé à y travailler avec la ministre déléguée chargée de la famille.

Aussi, madame la garde des sceaux, le gouvernement s’étant engagé à présenter un projet de loi plus large sur la famille, plus précisément sur la filiation, pouvez-vous nous dire quels seront le périmètre et le calendrier de ce texte ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, le 7 novembre, à la sortie du conseil des ministres, le Gouvernement a rendu public le projet de loi qui ouvre, avec les mêmes droits et les mêmes obligations que pour les autres couples, le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Le Gouvernement en avait arbitré le périmètre et avait soumis le texte au Conseil d État, et, depuis, il en a défendu et expliqué le contenu avec une constance qui ne s’est jamais démentie. Sans méconnaître les autres sujets liés directement ou non au mariage et à l’adoption, le Président de la République et le Premier ministre ont ainsi confirmé l’engagement solennel du candidat François Hollande, tel qu’il avait été présenté aux Français aussi bien dans la campagne présidentielle que durant la campagne législative. Ces deux rendez-vous démocratiques ont permis de rappeler l’importance de cette réforme qui vise à assurer la protection des enfants, l’égalité des droits et la sécurité juridique des familles telles qu’elles existent aujourd’hui !

M. Philippe Meunier. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parmi les autres sujets, il y a notamment celui des divers modes de filiation – ce qui peut concerner d’ailleurs aussi bien les couples mariés que non mariés. Le texte relèvera du ministère de la famille. Vous avez entendu sur ce point les déclarations récentes et très claires du chef du Gouvernement.

Pour le moment, madame la députée, nous en sommes à cette belle et grande réforme, celle qui nous permettra de traduire dans le droit notre devise républicaine en corrigeant une exclusion qui instaurait deux niveaux de citoyenneté. Nous allons y mettre fin : il y aura une seule citoyenneté, et la diversité des familles étant prise en compte, nous aurons la fierté d’avoir permis que les couples se sentent égaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Situation au Mali

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits.

M. Gilbert Collard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Ne représentant pas un groupe, je n’ai pu évoquer la question du Mali tout à l’heure et je souhaite le faire au nom des quelque six millions de Français, un peu orphelins sur le plan parlementaire, que je représente.

D’abord, comme nos collègues, je voudrais rendre hommage aux trois soldats qui ont été tués au champ d’honneur et rappeler qu’ils sont ensevelis non seulement dans un cercueil, mais également dans un drapeau et dans l’hymne national, ce qui nous oblige aussi à considérer que l’on doit, à travers leur mort, le respect à ces symboles.

Monsieur le Premier ministre, nous approuvons l’intervention de la France au Mali. Nous sommes catastrophés de savoir que, des printemps libyen et syrien, ont fleuri les armes qui sont maintenant aux mains de ces terroristes. Nous avons la certitude qu’il s’agit d’une menace existentielle et, comme le disait M. le président de l’Assemblée nationale, de l’arrivée du règne de la terreur. Il est donc nécessaire et indispensable que nous fassions barrage à l’offensive islamiste et terroriste.

Je voudrais vous poser trois questions. La France a-t-elle, comme le dit un journal télématique plutôt situé à gauche, les moyens de ses objectifs ? Qu’a-t-on prévu pour la sécurisation des villes qui seront arrachées aux mains des rebelles ? Qu’est-ce qui est prévu sur le plan humanitaire à un moment où 150 000 réfugiés sont déjà en train de fuir ? Merci de me répondre, monsieur le Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, le Premier ministre a rappelé les objectifs que la France se donnait pour combattre les groupes terroristes et rétablir l’intégrité du Mali. En qualité de ministre de la défense, j’apprécie l’unité nationale qui se forge autour de cet objectif.

Plusieurs députés du groupe UMP. Sauf les Verts !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Pour compléter les propos du Premier ministre, je voudrais préciser quels sont les engagements de nos forces armées sur le territoire malien.

Premièrement, elles doivent assister les forces maliennes dans leur action pour enrayer la progression des groupes terroristes vers le sud, soit par frappes aériennes soit par l’intervention d’éléments terrestres qui sont en ce moment déployés au sud.

Deuxièmement, elles doivent frapper dans la profondeur les bases arrière des groupes terroristes pour éviter qu’ils ne se ressourcent et ne reviennent vers le sud.

M. Guy Teissier. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Troisièmement, elles doivent sécuriser Bamako pour assurer la stabilité de la capitale malienne et la pérennité de ses institutions.

Quatrièmement, elles doivent préparer l’intervention et l’organisation des forces armées africaines autour de l’état-major nigérian.

Ce déploiement, ces actions sont en cours et je voudrais saluer la qualité et le professionnalisme de nos forces qui, cinq heures seulement après la décision du Président de la République, ont été capables de frapper. La qualité et le courage de nos armées est la garantie du succès de l’intervention de la France au Mali. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Guy Teissier. Il faut leur en donner les moyens !

Absentéisme scolaire

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Rassemblement-Union pour un Mouvement Populaire.

M. Éric Ciotti. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. L’absentéisme scolaire constitue un fléau qui touche dans notre pays plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers d’enfants.

La précédente majorité, à l’invitation du président Sarkozy, du Premier ministre François Fillon et du ministre de l’éducation nationale Luc Chatel, avait porté un texte de loi visant à mettre en place un dispositif équilibré, gradué et proportionné, permettant de combattre ce fléau.

Vous avez décidé, monsieur le ministre, avec votre majorité, d’abroger ce texte.

M. Marcel Rogemont. Analysez ses résultats !

M. Éric Ciotti. Demain, notre assemblée sera saisie d’une proposition de loi venant du groupe socialiste du Sénat, visant à mettre un terme à ce dispositif.

Votre décision est particulièrement dangereuse parce qu’elle ne repose que sur une approche idéologique et irresponsable.

M. Marcel Rogemont. C’est vous qui êtes dans l’idéologie !

M. Éric Ciotti. Idéologique car, en fin de compte, vous refusez toute forme d’autorité, de responsabilisation, de sanction. La loi du 28 septembre 2010 permettait de suspendre les allocations familiales lorsque le principe essentiel de l’autorité parentale n’était pas respecté. Les familles ont des droits, mais aussi des devoirs, dont celui de respecter le principe, fondé par Jules Ferry, de l’obligation scolaire.

Cette loi a eu des résultats très efficaces. Un rapport que vous tenez secret, monsieur le ministre, le démontre : 90 % des élèves retournent à l’école une fois l’avertissement reçu. Je vous pose donc, avant le débat de demain, la question : pourquoi refusez-vous de publier ce rapport ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Monsieur le député, si nous allons soutenir la proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Françoise Cartron, c’est parce que le dispositif que vous avez fait adopter en 2010 nous apparaît injuste et inefficace, voire démagogique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Il est injuste parce qu’il s’applique aux familles les plus pauvres (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Il est inefficace : sur 12 millions d’élèves scolarisés, environ 300 000 sont absentéistes ; les allocations d’environ 619 familles ont été suspendues ; 842 enfants sont retournés à l’école. Par conséquent, dans 80 % des cas, la mesure n’a servi à rien. (Même mouvement.)

M. Jacques Alain Bénisti. C’est faux !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Enfin, cette mesure est démagogique, et d’ailleurs votre parti, l’UMP, ne vous a pas soutenu.

Quelques jours avant le vote de ce dispositif, M. Chatel, ministre de l’éducation nationale, avait pris une circulaire sur l’absentéisme, où il disait précisément que le phénomène relevait d’abord de l’Éducation nationale et que son traitement supposait un dialogue avec les familles. Quant à M. Jacob, ministre de la famille appartenant à votre parti, il avait même fait supprimer le dispositif. Contrairement à ce que vous dites, l’UMP a été très divisée sur ce sujet.

M. Yves Nicolin. Ressaisissez-vous, vous êtes à la dérive !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Le fameux rapport dont vous parlez, et qui n’est pas secret, a bien montré qu’il y avait des difficultés. Nous travaillons à un dispositif différent, en recherchant l’accord des familles, de façon à régler ce problème très important pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Droits de plantation viticole

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Dupré. Monsieur le ministre de l’agriculture, le 31 juillet dernier, j’évoquais ici même le devenir de la viticulture française compte tenu du projet européen de libéralisation des droits de plantation, en insistant sur ses conséquences économiques et sociales désastreuses, que nous avions dénoncées dès 2008 lorsque la France, par la voix de son ministre de l’agriculture de l’époque, Michel Barnier, avait soutenu ce dispositif. Votre réponse a laissé clairement apparaître que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait pris la pleine mesure de l’importance majeure de ce dossier sur lequel vous-même, monsieur le ministre, vous êtes très fortement impliqué.

La Commission européenne est-elle aujourd’hui disposée à revenir enfin sur ce nocif projet de libéralisation des droits de plantation, afin de pouvoir maîtriser la production et de préserver à la fois la qualité et la spécificité de notre viticulture ? Comme vous l’évoquiez, monsieur le ministre, ce sont en effet l’image de la France et celle de l’Europe qui sont en jeu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Avant toute chose, je note que les questions agricoles intéressent fort les députés de l’UMP puisqu’ils partent au moment où nous abordons un sujet très important. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Et ceux de la majorité, que font-ils ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La décision de supprimer les droits de plantation a été décidée fin 2007, avant le débat sur le « bilan de santé » de la politique agricole commune. Elle a eu pour conséquence, à l’époque, de libéraliser la production viticole, dans l’idée que l’Europe pourrait ainsi conquérir les nouveaux et vastes marchés de la consommation de vin dans le monde. La décision prise devait s’appliquer en 2015.

Vous l’avez rappelé, le Gouvernement s’est mobilisé dès les mois de juin et de juillet pour revenir sur cette décision. Le commissaire européen à l’agriculture, lors d’un déplacement dans l’Aude à la fin de l’année dernière, a considéré qu’il fallait revenir sur la suppression des droits de plantation.

Un pas important vient donc d’être franchi, et la discussion va s’engager sur la base du nouveau texte que nous allons proposer prochainement. Je rencontre la semaine prochaine le ministre irlandais de l’agriculture puisque l’Irlande préside l’Union depuis le début de l’année. J’entretiens de bonnes relations avec lui et j’espère que, sur la base des discussions et de la plateforme que nous avons constituée avec quatorze pays, nous allons remettre en ordre ce qui avait été déstructuré. Il était inacceptable qu’un produit comme le vin soit banalisé. C’est terminé à présent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, je souhaite vous interroger sur la réforme des rythmes scolaires. Nous n’en mésestimons pas l’intérêt pour les enfants, même si votre projet de décret a été désavoué par la communauté éducative. Le représentant du principal syndicat du primaire – qui n’est pas UMP, je m’empresse de le dire (Sourires) – a même évoqué « un projet bricolé, incomplet et insatisfaisant ». (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Je tiens surtout à me faire l’écho de nombreux élus locaux qui s’inquiètent des conséquences financières d’une telle mesure. L’aide annoncée de 250 millions d’euros, soit 50 euros par élève, apparaît bien inférieure au coût que les communes devront réellement supporter.

M. Guy Geoffroy. Le triple !

M. Didier Quentin. C’est ainsi que la commission consultative d’évaluation des normes, composée d’élus et de représentants de l’État, a refusé d’émettre un avis sur votre projet de décret au motif que l’impact financier sur les communes n’avait pas été évalué et que le décret devrait reconnaître clairement ce coût supplémentaire.

La charge sera aussi très lourde pour les conseils généraux au titre du transport scolaire. À titre d’exemple, le conseil général de la Charente-Maritime, présidé par notre collègue Dominique Bussereau, a estimé que cette mesure représenterait deux points et demi de fiscalité en plus.

Se pose enfin la question de la responsabilité des élus, soulevée par l’Association des maires de France. Qui sera responsable des activités périscolaires ? Que faire des enfants après ces activités, sachant que les parents viennent généralement chercher leurs enfants entre 17 et 18 heures ?

Monsieur le ministre, plutôt que d’imposer une réforme encore très floue, à l’intérêt pédagogique discutable, ne serait-il pas préférable de revoir votre copie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, je crois sincèrement, et vous pouvez partager ce point de vue, que la charge la plus lourde que nous aurons à supporter sera l’échec de nos enfants, de nos élèves, la régression de leurs performances scolaires qui annoncent, pour les prochaines années, un profond déclin. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Vous ne pouvez pas être à la fois de ceux qui souffrent de ce déclin….

M. Claude Goasguen. Syllogisme !

M. Vincent Peillon, ministre. …et de ceux qui savent, pour les avoir ici approuvées, qu’un certain nombre de pistes existent, autour desquelles nous pouvons rassembler les Français : accorder la priorité au primaire, améliorer la formation des enseignants, donner du temps pour apprendre. Votre génération en a eu ; pourquoi en priver les nouvelles alors que tous les autres pays du monde leur donnent ce temps ?

Oui, nous devons être capables de mener tous ensemble cette réforme.

Est-elle difficile à mettre en œuvre ? Bien sûr.

M. Guy Geoffroy. Elle est surtout précipitée !

M. Vincent Peillon, ministre. Il sera difficile de surmonter un certain nombre de mauvaises habitudes que nous avons prises et qui ont abouti à un tel résultat pour notre jeunesse.

Oui, ce sera difficile, car il faut faire travailler ensemble des collectivités locales, des professeurs, des parents, des caisses d’allocations familiales.

Est-ce nécessaire ? Oui, et c’est même urgent.

M. Patrice Verchère. Vous ne la financez pas !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est pour cette raison que le Président de la République a souhaité dégager un fonds de 250 millions d’euros.

Vous prétendez, avec la bonne foi qui vous est coutumière, que cela représente 50 euros par enfant. En réalité, si vous lisez correctement les dispositions, vous vous apercevez qu’en additionnant les sommes de 50, 40 et 45 euros, c’est à 135 euros par enfant que l’on aboutit !

M. Guy Geoffroy. Pas pour tout le monde !

M. Vincent Peillon, ministre. En 2013 et 2014, pour les territoires, ruraux et urbains, qui sont le plus en difficulté, un certain nombre d’élus, notamment sur vos bancs, ont fait cette demande : elle est juste, elle est dans l’intérêt du pays, et j’espère que vous serez au rendez-vous de l’avenir de nos enfants et du redressement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Nomination de députés en mission temporaire

Mme la présidente. Le président de l’Assemblée nationale a reçu du Premier ministre deux lettres l’informant de sa décision de charger M. Mathias Fekl, député de Lot-et-Garonne, d’une mission temporaire auprès du ministre de l’intérieur, et M. Michel Vauzelle, député des Bouches-du-Rhône, d’une mission temporaire auprès du ministre des affaires étrangères.

4

Contrat de génération

Discussion, après engagement
de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant création du contrat de génération (nos 492, 570).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux que le premier texte de cette rentrée soit consacré au contrat de génération, qui est un engagement présidentiel. Ce dispositif, qui a fait l’objet d’un accord unanime des partenaires sociaux, est un nouvel outil innovant au service de la refondation que nous avons entreprise des politiques de l’emploi.

Après le projet de loi sur les emplois d’avenir, solution d’urgence pour les jeunes les plus en difficultés, voté ici même il y a deux mois – beaucoup d’entre vous étaient acteurs de ce débat et s’en souviennent –, nous poursuivons la bataille pour l’emploi en nous attaquant aux déséquilibres et aux injustices de notre marché du travail.

Le premier déséquilibre que nous devons corriger, c’est la précarité.

L’accord sur la sécurisation de l’emploi, tout juste conclu par les partenaires sociaux, va entraîner une inflexion des pratiques des employeurs, en privilégiant le contrat à durée indéterminée sur l’embauche en contrat à durée déterminée, y compris par l’introduction d’une modulation des cotisations d’assurance chômage. Nous aurons l’occasion de débattre dans quelques semaines de la traduction législative de cet important accord, porteur, me semble-t-il, d’une nouvelle dynamique du marché du travail.

Mais le contrat de génération aussi est une arme dans la lutte contre la précarité qui touche particulièrement les jeunes, dans la mesure où il promeut l’embauche en contrat à durée indéterminée. Ce contrat de génération a été porté par le Président de la République devant les Français durant la dernière campagne électorale. C’est une belle idée, qui séduit beaucoup de Français et qui prend vie aujourd’hui : celle de la réunion des générations, du transfert du savoir, de la cohésion de notre société alliée à la performance de notre économie. L’idée simple de faire davantage de place aux plus jeunes sans pousser dehors les plus anciens.

Notre pays se prive de compétences et de ressources en maintenant les jeunes et les salariés âgés à l’écart de l’emploi. Seul un jeune salarié sur deux est en contrat à durée indéterminée. Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim. Ce n’est qu’après plusieurs années de contrats précaires qu’ils peuvent prétendre à un contrat à durée indéterminée. Ces années retardent l’accès à l’autonomie, car accéder à un logement indépendant, construire une famille ou simplement bâtir des projets s’avère extrêmement difficile sans un emploi stable.

Les salariés seniors, quant à eux, sont certes plutôt moins touchés par le chômage que la moyenne de la population – leur taux de chômage est de 6,5 % –, mais le nombre de demandeurs d’emploi seniors est en forte augmentation et il leur est très difficile, pour ne pas dire impossible, de retrouver un emploi stable lorsqu’ils perdent leur travail à quelques années de la retraite. Le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans était de 41 % en 2011. Il a, certes, progressé ces dernières années, mais il reste largement inférieur à l’objectif de 50 % des seniors en emploi fixé au niveau européen.

Je reçois, comme vous, de nombreux courriers de salariés âgés au chômage. Ils se sentent souvent rejetés par la société, alors même qu’ils sont en pleine possession de leurs compétences et qu’ils ont à transmettre une expérience d’une richesse incomparable. Le sentiment d’inutilité qui peut vous envahir dans une telle situation est profondément dommageable. Dans une économie où les compétences et savoir-faire sont le premier atout, il s’agit d’un gâchis inacceptable. Nous devons donc tout faire pour que les talents de tous soient utilisés au profit de tous.

Le contrat de génération propose donc d’abord un changement de regard : au lieu d’opposer les générations, pour la première fois, il les rassemble. Dans un monde aux repères mouvants, chaque génération a de quoi apprendre de celles qui la suivent ou qui la précèdent. C’est particulièrement vrai au sein des entreprises : les salariés âgés sont souvent détenteurs de savoir-faire qui risquent de se perdre après leur départ ; les jeunes sont souvent mieux au fait du dernier état des savoirs ou des technologies et ont également des compétences à transmettre à leurs aînés. Pour être opérants, ces processus de transmission doivent être organisés. Il importe de repérer les compétences clés et d’assurer leur circulation au sein des entreprises. C’est l’un des objectifs majeurs du contrat de génération.

L’enjeu est massif, pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises. D’ici à 2020, plus de cinq millions d’actifs aujourd’hui en poste seront partis à la retraite et, parallèlement, près de six millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Anticiper ce renouvellement des compétences est une nécessité économique et sociale. Longtemps, nous avons considéré que faire partir les plus âgés permettait de faire place aux plus jeunes. Cela n’a pas fonctionné, dans les faits. Les études montrent en effet que le chômage des jeunes augmente en même temps que l’emploi des seniors décroche. Le Gouvernement a donc décidé de tourner le dos à cette fausse logique. D’un même mouvement, nous voulons traiter trois objectifs : l’insertion des jeunes, le maintien en emploi et l’embauche des seniors et la transmission des compétences. Le contrat de génération apporte ainsi à deux des principaux maux de notre marché du travail, le chômage aux deux bouts de la chaîne des âges, une même solution.

Mais plus qu’une mesure pour l’emploi, le contrat de génération est un dispositif qui permet de donner du sens au travail. Ce sens, pour le senior, c’est de ne pas laisser perdre une vie de travail, d’engagement et de savoirs cumulés. Le contrat de génération lui offre la possibilité de voir son action prolongée. Pourquoi se lever tous les matins pendant plus de quarante ans si tout s’évanouit du jour au lendemain ? Au jeune, le contrat de génération permettra d’apprendre en situation, dans un vrai emploi, au contact des plus expérimentés. Il gagnera ainsi l’expérience qui lui manque, la fera sienne et lui apportera son dynamisme et sa créativité.

Nous voulons faire de ce contrat de génération une source de motivation pour tous, en montrant à chacun qu’il est utile.

Le contrat de génération a été un des premiers actes de la méthode que privilégie le Gouvernement, celle du dialogue social. Lors de la grande conférence des 9 et 10 juillet derniers, les partenaires sociaux ont exprimé le souhait de négocier sur les modalités du contrat de génération. Début septembre, le Gouvernement, dans un document d’orientation, a fixé, comme il se doit, le cadre de cette négociation. Le contrat de génération, au terme d’une négociation de deux mois, a fait l’objet d’un accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des partenaires sociaux le 19 octobre dernier. Il est clair qu’il ne pouvait naître sous de meilleurs auspices. Le texte qui vous est présenté est, pour l’essentiel, la transcription de cet accord pour les dispositions qui relèvent du domaine de la loi.

Le dispositif lui-même fait une très large place à la négociation au sein des entreprises et des branches professionnelles. C’est la meilleure garantie pour que le contrat de génération puisse s’adapter à la situation de chaque entreprise. L’enjeu de la gestion des âges se présente en effet de manière très différente selon la taille, le secteur et la pyramide des âges des salariés. Le contrat de génération sera d’abord l’occasion d’un diagnostic et d’un réexamen des pratiques dans les entreprises et dans les branches. Chaque entreprise de plus de 50 salariés devra réaliser un état des lieux de la situation des jeunes, des seniors, des savoirs et compétences-clés. Il balaiera les dimensions quantitatives et qualitatives et identifiera notamment les métiers dans lesquels la proportion de femmes et d’hommes est déséquilibrée, afin d’accroître la mixité dans le cadre des nouveaux recrutements que permettra le contrat de génération.

Le suivi et le soutien des jeunes entrant dans l’emploi sont un aspect important du contrat de génération pour favoriser à la fois la stabilisation dans l’emploi et la transmission des compétences. Conformément à l’accord national interprofessionnel, les modalités d’organisation de cet accompagnement seront souples et pragmatiques quant au lien de tutorat entre le jeune et le senior, ce dernier n’étant pas toujours le mieux placé pour assurer l’accompagnement effectif du jeune.

L’article 1er du projet de loi, le principal, prévoit les modalités de mise en œuvre du contrat de génération en fonction de la taille des entreprises.

Nous considérons, et les partenaires sociaux avec nous, que les grandes entreprises, celles qui comptent 300 salariés et plus, ont généralement en interne les moyens de mettre en place la dynamique du contrat de génération, sans qu’une incitation financière soit nécessaire. Ces entreprises devront donc obligatoirement engager une négociation sur le contrat de génération, qui devra se traduire par des engagements concrets de progrès. Dans ces entreprises, la réflexion sur les pratiques sera particulièrement importante. Par souci de cohérence et de simplicité, les accords sur le contrat de génération se substitueront aux anciens accords seniors, avec une ambition plus vaste incluant l’emploi des jeunes et leur intégration dans l’entreprise, ainsi que la gestion et la transmission des compétences. Ainsi nous ne créons pas une nouvelle négociation obligatoire, nous en substituons une plus large, le contrat de génération, à une autre plus étroite, les accords seniors.

Les partenaires sociaux ont souhaité que la recherche d’un accord soit privilégiée. Le plan d’action unilatéral de l’employeur ne vient donc qu’en dernier ressort, à l’issue de l’échec d’une négociation menée de bonne foi attesté par un procès-verbal de désaccord. C’est une démarche que nous approuvons, car le précédent des accords seniors a montré qu’en l’absence d’une vraie incitation à négocier, beaucoup d’entreprises se contentent d’un plan d’action. Deux tiers d’entre elles furent dans ce cas.

Tous ces accords et plans d’action feront, bien sûr, l’objet d’une validation par l’administration de mon ministère, à la différence, là encore, des précédents accords seniors, que les entreprises avaient la liberté de transmettre ou non. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, la mise en œuvre des engagements souscrits donnera lieu à une évaluation annuelle qui permettra de mesurer précisément les progrès accomplis. En l’absence d’accord ou de plan d’action, l’entreprise sera soumise à une pénalité, fixée par l’autorité administrative en fonction de la situation de l’entreprise et plafonnée à 10 % du montant des exonérations de cotisations patronales dont bénéficie l’entreprise ou, si ce montant est plus élevé, à 1 % de sa masse salariale. La possibilité laissée à l’administration de moduler le niveau de pénalité, issue d’une jurisprudence du Conseil d’État sur les négociations portant sur l’égalité professionnelle, me paraît introduire une proportionnalité légitime dans la sanction.

Les entreprises de moins de 300 salariés bénéficieront, quant à elles, d’une incitation financière pour s’engager dans la démarche du contrat de génération. Cette aide de l’État sera importante. Elle représentera 2 000 euros par an pour un plein-temps, pour l’embauche d’un jeune comme pour le maintien dans l’emploi d’un senior, soit 4 000 euros par an au total et 12 000 euros sur la durée maximale de l’aide, qui est de trois ans. Nous voulons que les emplois créés soient de qualité et l’obligation de CDI nous paraît essentielle. Elle n’exclut pas les contrats en alternance : le contrat de professionnalisation en CDI est éligible au contrat de génération ainsi que les embauches en CDI à la suite d’un contrat en alternance, y compris d’un contrat d’apprentissage. Thierry Repentin reviendra sur cet aspect extrêmement important du dispositif.

La commission des affaires sociales a souhaité renforcer les exigences en fixant une condition d’emploi à temps plein pour l’embauche des jeunes. Je comprends parfaitement votre volonté légitime, monsieur le rapporteur et madame la présidente, de lutter contre le temps partiel subi. Je partage naturellement cet objectif. Mais il faut être attentif au fait que le temps partiel n’est pas toujours subi. Il peut, dans certains cas, dont les enquêtes emploi nous disent qu’ils sont nombreux, répondre à des choix de vie personnels délibérés ou à l’adaptation à des contraintes ou à des nécessités. Je pense, par exemple, aux travailleurs handicapés, qui ne sont pas toujours aptes à occuper un emploi à temps plein, aux jeunes qui poursuivent en parallèle une formation ou aux personnes, homme ou femme, qui peuvent avoir besoin de s’occuper d’un enfant ou d’un parent, parfois un seul jour dans la semaine. Pour préserver l’ambition d’éviter toute forme d’emploi synonyme de précarité sans exclure injustement des jeunes pour qui cette voie d’accès à l’emploi est susceptible de représenter une opportunité formidable, le Gouvernement proposera au cours de la discussion une solution plus souple que l’interdiction générale du temps partiel.

Les entreprises de 50 à 300 salariés auront accès à cette aide si elles négocient un accord d’entreprise ou, à défaut, mettent en place un plan d’action ou bien sont couvertes par un accord de branche étendu. Leurs obligations seront bien sûr allégées par rapport aux plus grandes. Ainsi, elles n’auront pas à transmettre chaque année un document d’évaluation qui aurait pu représenter une charge importante pour des entreprises de taille limitée.

Conformément à l’accord des partenaires sociaux, les entreprises de moins de 50 salariés, qui sont les plus nombreuses et qui embauchent le plus de jeunes en France, auront accès à l’aide sans obligation de négociation préalable. L’entreprise pourra en effet prétendre à cette aide dès lors qu’elle embauche en CDI un jeune de moins de 26 ans ou un jeune reconnu travailleur handicapé de moins de 30 ans et qu’elle s’engage à maintenir dans l’emploi un salarié de 57 ans et plus ou 55 ans et plus s’il s’agit d’un travailleur handicapé. Elle peut également recruter un senior de 55 ans ou plus : c’est une innovation intégrée par les partenaires sociaux. Ainsi, une entreprise qui n’a pas de salarié senior, comme c’est le cas de beaucoup de petites entreprises, peut néanmoins percevoir l’aide au titre du contrat de génération dès lors qu’elle recrute à la fois un jeune et un salarié âgé de 55 ans ou plus.

L’aide associée au jeune sera individuelle et sera maintenue trois ans au plus. L’aide relative au senior pourra être accordée jusqu’à son départ à la retraite. L’entreprise pourra bénéficier d’autant d’aides au titre du contrat de génération qu’elle compte de salariés seniors de 57 ans et plus, dès lors qu’elle embauche un nombre équivalent de jeunes en CDI. Évidemment, l’aide ne sera pas versée sans conditions. Elle ne pourra pas être accordée lorsque l’entreprise a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédents dans la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l’embauche du jeune.

Le contrat de génération pourra également favoriser le maintien du tissu économique dans son volet transmission d’entreprise – c’est un élément extrêmement important du projet de loi qui vous est présenté. Il pourra en effet lier l’embauche d’un jeune au chef d’entreprise senior, quel que soit par ailleurs son statut, qui envisage de lui transmettre son entreprise. Il s’agit d’un aspect très important qui incitera les chefs d’entreprise seniors approchant de l’âge de la retraite à préparer leur succession et à donner sa chance à un jeune. Le contrat de génération permettra ainsi que soient transmises de très petites entreprises qui, sinon, auraient été vouées à disparaître.

L’article 2 du projet de loi prévoit la complémentarité entre les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les thématiques relevant du contrat de génération. Les deux négociations étant très liées, elles pourront se conjuguer, ce qui sera, là encore, un facteur de simplification pour les entreprises concernées. L’article ouvre également aux entreprises petites et moyennes la possibilité de bénéficier d’un appui en termes d’ingénierie pour concevoir et mettre en place leur politique de gestion active des âges.

L’article 4 concerne Mayotte, où des dispositions d’habilitation sont nécessaires pour la mise en œuvre du contrat de génération.

L’article 5 est relatif à l’entrée en vigueur du dispositif : pour les entreprises de plus de 300 salariés, la pénalité que j’ai décrite sera applicable faute d’avoir déposé un accord collectif ou, à défaut, un plan d’action auprès de l’autorité administrative compétente avant le 30 septembre 2013.

La commission des affaires sociales a souhaité que le contrat de génération puisse s’appliquer aux embauches en CDI conclues dès le 1er janvier pour les entreprises de moins de 50 salariés. J’y suis évidemment favorable, parce qu’il y a urgence pour l’emploi, et parce qu’il n’est pas question de céder à un attentisme qui conduirait les petites entreprises remplissant d’ores et déjà les conditions requises à différer des embauches de jeunes jusqu’au moment de la parution des textes.

Chacun aura compris que l’objectif du contrat de génération est d’infléchir les pratiques des entreprises dans plusieurs directions : l’accroissement des embauches de jeunes en CDI ; l’arrêt des départs anticipés de seniors et, chaque fois que c’est possible, l’accroissement des recrutements de seniors ; enfin, l’anticipation de la transmission de leurs compétences.

En ce qui concerne les jeunes, en plus des embauches nettes qui pourront être favorisées par les dispositions négociées et par les aides financières, on doit attendre du contrat de génération une substitution d’embauches en CDD par des embauches en CDI. Le contrat de génération devrait ainsi contribuer à faire davantage du CDI la norme des embauches, même pour les jeunes, ce qui n’est évidemment pas le cas aujourd’hui.

Environ 500 000 embauches de jeunes en cinq ans pourraient être réalisées dans le cadre du contrat de génération dans les entreprises de moins de 300 salariés, ce qui représente 100 000 embauches par an en régime de croisière. Sur cette base, le contrat de génération représenterait – je veux répondre à ce qui constitue, pour vous, une préoccupation bien légitime – un coût annuel d’un peu moins de 900 millions d’euros, somme à laquelle il faut ajouter les moyens que l’État souhaite consacrer au conseil aux petites entreprises dans la mise en œuvre du dispositif, pour un montant de 40 millions d’euros par an.

Le contrat de génération sera financé par des crédits budgétaires, dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il en constitue en effet une mesure importante, à la fois sur le plan de la compétitivité-coût – 4 000 euros par an et par emploi, ce n’est pas rien –, avec une aide financière ciblée sur les petites et moyennes entreprises, et sur le plan de la compétitivité hors coût, grâce à une plus grande anticipation dans la gestion des compétences, favorable à la performance des organisations.

La montée en charge du contrat de génération sera, bien sûr, progressive la première année, c’est-à-dire cette année. Avec 85 000 contrats de génération aidés d’ici à la fin de l’année, le coût pour 2013 resterait limité à un peu moins de 200 millions d’euros. Dans le cadre des dispositions qui ont été prises par le ministre du budget en ce début d’année, ces crédits seront évidemment mis à la disposition de mon ministère.

Dans les entreprises de plus de 300 salariés, nous devrions compter, dès la fin de cette année, près de 800 000 jeunes de moins de 26 ans déjà en CDI, plusieurs dizaines de milliers d’embauches en CDI de nouveaux jeunes et 400 000 seniors de 57 ans et plus, concernés par les accords collectifs sur le contrat de génération.

Pour conclure, je voudrais rappeler que ce texte est la transcription d’un accord national interprofessionnel, ce qui place le débat parlementaire dans une configuration un peu particulière, car il est important de ne pas trahir la confiance des partenaires sociaux, en ne portant pas atteinte aux équilibres qui ont permis de forger un consensus autour de ce texte. Le travail d’amendement permettra, je n’en doute pas, des améliorations, ce que les travaux de la commission ont déjà démontré, mais sans trahir ces équilibres et la volonté des signataires. Sur ce texte qui fait une place éminente à la négociation collective, je vous appelle à faire confiance au dialogue social.

Je souhaite ici vous remercier, mesdames, messieurs les députés, et remercier tout particulièrement M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’important travail qu’il a effectué dans des délais brefs. Nous nous trouvions hier sur son territoire, en Saône-et-Loire, où nous avons rencontré les dirigeants et les salariés de deux entreprises, et je puis vous dire que notre message passe extrêmement bien – peut-être souhaitera-t-il en dire un mot dans quelques instants. Je remercie également Mme Catherine Lemorton pour son action à la tête de la commission des affaires sociales, qu’elle préside et anime avec talent. Enfin, je remercie les députés membres de cette même commission – notamment celles et ceux présents aujourd’hui, dont les visages me sont familiers – pour le travail qu’ils ont d’ores et déjà fourni.

Je sais bien qu’au sein de l’hémicycle, certains sont hésitants, mais comment s’opposer à un texte conciliant des créations d’emploi en CDI pour les jeunes et le maintien des salariés âgés en emploi, un texte porté par un accord unanime de l’ensemble des organisations patronales et syndicales et qui favorise aussi bien la compétitivité des PME que l’emploi des plus fragiles ?

Nous ne sommes pas obligés d’avoir des débats artificiellement clivants. Au contraire, nous avons ici, avec le contrat de génération, une vraie opportunité de progrès collectif et de changement de regard, et il me semblerait vraiment dommage de rater cette opportunité. Le temps presse ; il nous faut rendre confiance à nos jeunes, à nos seniors, à nos entreprises. Je compte sur vous pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ainsi que le rappelait fort à propos Michel Sapin dans son intervention, les jeunes, quel que soit leur niveau de diplôme, sont aujourd’hui, hélas ! les principales victimes de la précarité sur le marché du travail.

On ne peut se résoudre à accepter cette situation paradoxale. C’est en effet au début de la vie active que l’on a besoin de sécurité professionnelle pour acquérir un logement, disposer de moyens de mobilité, enraciner un couple, bref : démarrer sa vie avec une dose légitime d’espoir et de confiance. En remettant au centre du jeu le CDI comme modalité première d’embauche des jeunes, le contrat de génération va constituer une formidable locomotive pour la sécurisation de leurs parcours professionnels.

Cependant, il n’est pas rare que l’embauche, même en CDI, ne suffise pas à stabiliser un jeune dans une entreprise. Dans certains cas, il peut se sentir mal intégré, avoir du mal à tisser des liens de sociabilité professionnelle. Le savoir académique ou professionnel qu’il a acquis durant sa formation initiale n’est pas, à lui seul, suffisant pour qu’il s’approprie les règles de savoir-faire ou de savoir-être propres à l’entreprise. L’échec est possible, même en CDI, et, faute d’accompagnement, l’intégration professionnelle peut se trouver brutalement abrégée.

C’est pourquoi je souhaite pouvoir mobiliser les leviers de la formation continue au service de l’intégration durable dans l’emploi des jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération. En la matière, la nouvelle convention-cadre 2013-2015 que nous nous apprêtons à signer avec les partenaires sociaux gestionnaires du désormais célèbre Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels – le FPSPP, dont nous avions beaucoup parlé dans le cadre de l’examen du texte sur les emplois d’avenir – va jouer un rôle important, puisqu’elle prévoit le soutien des actions de professionnalisation des jeunes bénéficiaires d’un contrat de génération, dès les premiers mois de leur CDI.

D’autre part, l’accord national interprofessionnel relatif au contrat de génération en date du 19 octobre 2012 prévoit que « tout jeune recruté bénéficiera d’un parcours d’accueil dans l’entreprise et d’un référent ». Le FPSPP interviendra également positivement sur ce plan en finançant l’élaboration de référentiels interbranches relatifs au rôle de tuteur et de référent qui faciliteront l’accueil des jeunes dans l’entreprise ainsi que la transmission des savoirs et des expériences. Grâce aux outils de la formation au sens large, le rôle intégrateur du CDI sera renforcé et le pacte intergénérationnel s’en trouvera conforté au sein de l’entreprise.

Outre le contrat de génération et ses attributs en matière de formation, il est un autre vecteur de l’emploi durable des jeunes auquel, vous le savez, le Gouvernement est très attaché : je veux parler du contrat en alternance. Loin de se concurrencer, comme certains ont pu le craindre – et parfois, le craignent encore –, grâce à ce texte, les contrats de génération et les contrats en alternance seront complémentaires et joueront gagnant-gagnant. En effet, il est utile de préciser que le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation en CDI sera éligible au contrat de génération, tout comme la pérennisation en CDI au sein de l’entreprise d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation précédemment conclu en CDD.

De plus, l’accord national interprofessionnel, dont les dispositions sur ce point seront déclinées dans les textes d’application de la loi portant création du contrat de génération, prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés devront engager la négociation d’un accord collectif intergénérationnel qui précisera les modalités de recours ou de développement des contrats en alternance dans l’entreprise et fixera des objectifs chiffrés en matière de recrutements de jeunes en CDI, y compris lorsque le CDI succède à une formation en alternance.

Ainsi, la dynamique du contrat de génération favorisera la croissance du nombre de jeunes alternants accueillis au sein des entreprises françaises. Mais elle confortera aussi – je sais que certains y sont sensibles – la continuité du parcours des jeunes, en augmentant le taux d’embauche directe à l’issue des contrats en alternance.

La dynamique globale créée au sein de l’entreprise en matière de transmission de savoirs et d’expérience contribuera aussi à la qualité du suivi du jeune, facteur de succès. Car si le contrat de génération n’est certes pas un nouveau contrat en alternance, il n’en demeure pas moins qu’il emprunte à l’alternance la place accordée à l’intermédiation indispensable pour transformer le travail productif en compétences, grâce à un référent qui ne doit pas être forcément le senior maintenu dans l’emploi, mais dont le rôle ressemblera, quoi qu’il en soit, à celui d’un tuteur ou d’un maître d’apprentissage.

Dans la panoplie des moyens disponibles pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat de génération tiendra donc une place de choix aux côtés des emplois d’avenir, votés il y a quelques mois et dont le déploiement est en cours, et des mesures de développement de l’apprentissage que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre d’ici à l’été prochain.

En matière d’insertion professionnelle des jeunes, je veux insister sur le sauvetage de l’AFPA, annoncé hier à Caen par le Premier ministre – chez vous, madame la présidente –, une AFPA que nous avons rénovée et sauvée alors qu’il est permis de se demander si sa disparition n’avait pas été programmée par le précédent gouvernement.

D’autres projets sont en cours. Je pense notamment à la mise en place du compte personnel de formation, sur le principe duquel les partenaires sociaux se sont récemment mis d’accord dans le cadre de l’accord sur la sécurisation de l’emploi, ainsi qu’à la prochaine loi de décentralisation, qui viendra renforcer les compétences des régions en matière de formation professionnelle. Vous aurez à vous prononcer sur ces dispositifs dans les mois qui viennent.

Enfin je veux rappeler que, dans le prolongement de la grande conférence sociale de juillet dernier, les présidents de conseils régionaux et les préfets de région ont été destinataires, il y a quelques semaines, d’un document-cadre préconisant la mise en place de « pactes régionaux pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes », qui établiront des objectifs conjoints et chiffrés de réduction du nombre de jeunes se trouvant sur le marché du travail sans qualification professionnelle.

Comme vous le voyez, le grand ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne néglige aucun des leviers susceptibles d’être actionnés lors de l’examen des textes présentés à l’Assemblée nationale. Ces leviers sont nombreux et divers, mais cohérents et complémentaires. Ils viennent soutenir le combat que nous menons pour l’emploi, dans un esprit de confiance à l’égard de la jeunesse de notre pays et dans une motivation constante pour le développement de la formation professionnelle, qui est l’un des éléments importants de la compétitivité de nos entreprises. Les contrats de génération sont inscrits dans une chaîne d’actions et de décisions dont la logique devait être rappelée. Il vous appartiendra, d’ici à la fin de la semaine, de lui donner corps par votre vote, ce dont je ne doute pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi portant création du contrat de génération.

Comme le chef de l’État et le Gouvernement l’ont confirmé en ce début d’année, la relance de l’économie et de l’emploi constituent la priorité de notre pays. Comment pourrait-il en être autrement ?

Le contrat de génération constitue un des leviers, l’une des réponses, mais une réponse forte, aux objectifs fixés par le Président de la République : « inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année » et « mettre la jeunesse au cœur de nos priorités ».

Ce sont en effet 85 000 contrats de génération qui pourraient être conclus dès 2013 et 500 000 au total sur le quinquennat. Il s’agit donc d’une mesure d’ampleur dans la lutte non seulement contre le chômage des jeunes, mais également contre la précarité de l’emploi des jeunes. De ce point de vue, le contrat de génération, tout comme les emplois d’avenir, place résolument les jeunes au cœur de la politique de l’emploi.

Depuis des années, nous passons notre temps à inventer des dispositifs qui échouent à faire entrer les jeunes durablement sur le marché du travail. Or, pour la première fois, nous avons enfin l’occasion de voter un texte qui n’invente pas une nouvelle stratégie d’approche, sursegmentée. Pour la première fois, nous avons l’occasion de voter un texte qui vise tout simplement à faire entrer les jeunes salariés dans le droit commun, en leur proposant des CDI, parce qu’il est insensé de vouloir toujours compenser leur jeunesse auprès des chefs d’entreprise, de vouloir les excuser d’être jeunes. Leur jeunesse est une chance.

Il faut finalement revenir à ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être : l’exigence de normalité, l’exigence de l’inclusion ordinaire dans la masse des travailleurs. Il n’y a pas de raison de traiter les jeunes qualifiés à part : ils ne sont pas malades, ils sont débutants.

D’ailleurs, le sont-ils vraiment ? Qui peut croire qu’en 2013, un enfant de la génération Y a tout à apprendre de ses aînés ? Qui peut croire qu’un jeune né après la révolution numérique n’a pas une longueur d’avance en matière de technologies, lesquelles font partie intégrante de sa vie depuis sa naissance ?

Mais l’idée phare du contrat de génération – et c’est sa spécificité, en tout cas ce en quoi il est particulièrement novateur – est celle de l’alliance des âges : il est pour la première fois véritablement question de promouvoir conjointement l’accès et le maintien dans l’emploi non seulement des jeunes mais aussi des seniors, dont on connaît la vulnérabilité particulière sur le marché de l’emploi.

Les politiques publiques en faveur de l’emploi des seniors se sont elles aussi accumulées, peut-être avec davantage de succès. Quoique... Plusieurs mesures ont été prises, en particulier les accords seniors, initiés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui institue l’obligation de négocier un accord d’entreprise ou de branche sur l’emploi des seniors sous peine de se voir infliger une pénalité représentant 1 % de la masse salariale. S’agissant de ce dernier dispositif, si les 34 200 plans d’action et accords d’entreprise et les 90 accords de branche attestent du succès de l’initiative, le bilan, sur le fond, est en fait plus mitigé, puisque ces accords n’ont que rarement pris en compte la gestion des âges par l’entreprise.

Dès lors, le contrat de génération constitue un objectif ambitieux, indispensable, qui doit amener les entreprises à mettre en place une véritable dynamique de gestion active des âges.

La force de ce dispositif est, tout d’abord, d’être issu du dialogue social. À l’heure où les partenaires sociaux aboutissent à un compromis sans précédent sur la sécurité de l’emploi que je tiens à saluer, l’accord conclu sur le contrat de génération apparaît comme un heureux avant-goût. Le dialogue social est aujourd’hui renoué et il faut s’en réjouir. Le Gouvernement a su lui donner toute sa place, ce que le présent projet de loi confirme d’ailleurs, puisque la mise en œuvre du contrat de génération reposera très largement sur la négociation collective au sein des entreprises. Le dialogue social est non seulement un principe, mais aussi, dorénavant, une méthode.

Je reviendrai d’abord sur le dispositif lui-même avant d’évoquer les principales modifications qui y ont été apportées par la commission des affaires sociales et les principales dispositions qui me semblent devoir encore être débattues aujourd’hui et demain dans notre hémicycle.

Le contrat de génération repose avant tout sur la combinaison de deux axes phares : d’une part, la négociation d’accords portant sur l’accès et le maintien en emploi des salariés jeunes et âgés et, d’autre part, la création d’une aide spécifique pour l’embauche d’un jeune et le maintien en emploi d’un senior.

Ces deux axes s’imbriquent pour déboucher sur le dispositif suivant, qui distingue trois catégories d’entreprises.

Les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas soumises à une obligation de négociation ; elles pourront, en revanche, bénéficier de l’aide au titre du contrat de génération dès lors qu’elles embaucheront en CDI un jeune de moins de 26 ans et maintiendront dans le même temps dans l’emploi un senior de plus de 57 ans ou un salarié âgé qui aurait été recruté à 55 ans ou plus.

Les entreprises de 50 à 300 salariés seront, quant à elles, soumises à l’obligation de négocier un accord collectif ou de mettre en place un plan d’action relatif à l’accès et au maintien en emploi des jeunes et des salariés âgés. L’objectif est d’inciter ces entreprises à mettre en œuvre une gestion active des âges en leur sein. Dès lors qu’elles seront couvertes par un tel accord ou plan d’action, elles pourront également bénéficier de l’aide au titre du contrat de génération à partir du moment où elles embaucheront un jeune et maintiendront concomitamment un senior dans l’emploi.

Enfin, les entreprises de plus de 300 salariés seront soumises à une obligation de négociation d’un accord ou d’élaboration d’un plan d’action sur l’accès et le maintien en emploi des jeunes et des seniors. Ces entreprises auront jusqu’au 30 septembre pour être couvertes par un tel accord ou plan d’action : passée cette date, elles s’exposeront à une pénalité dont le plafond est fixé à 1 % de la masse salariale ou, si ce montant est plus élevé, jusqu’à 10 % des allégements de cotisations sur les bas salaires dont elles bénéficient par ailleurs.

Je veux le dire tout de suite : une telle pénalité se veut avant tout dissuasive. Il n’en est d’ailleurs pas attendu de « rendement » puisque le Gouvernement fait le pari – nous le faisons également – que les entreprises de plus de 300 salariés négocieront des accords ou mettront en œuvre des plans d’action, ce pour quoi elles sont, au vu de leur taille, suffisamment armées en termes de gestion des ressources humaines. Cette pénalité est d’ailleurs équivalente à des systèmes de pénalités existants, tels que ceux qui s’appliquent en cas d’absence d’accord ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle hommes-femmes ou à la pénibilité, ou en cas d’absence d’accord ou de plan d’action seniors.

S’agissant des accords collectifs ou des plans d’action prévus par le texte, qui ne concernent que les entreprises de plus de 50 salariés, le contrat de génération se substitue au dispositif existant sur les accords seniors. Il n’est, en effet, pas nécessaire de laisser subsister ce dernier, dans la mesure où le nouveau dispositif reprend les objectifs de l’ancien tout en les articulant avec les objectifs d’embauche des jeunes et de transmission des savoirs et des compétences.

En outre, et il est important de le souligner, le système prévu au titre du contrat de génération améliore sur plusieurs points l’actuel dispositif relatif aux accords ou plans d’action seniors. En effet, en premier lieu, il suppose la réalisation d’un diagnostic préalable sur la situation de l’emploi des jeunes et des seniors au sein de l’entreprise avant le lancement d’une négociation ou l’élaboration d’un plan d’action. Il s’agit d’obliger les entreprises à dresser un bilan en la matière, afin d’identifier de manière satisfaisante les problèmes spécifiques qu’elle peut rencontrer dans ce domaine.

Ensuite, l’accord collectif une fois conclu ou le plan d’action une fois élaboré seront soumis à validation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui des accords seniors. L’administration aura donc vocation à contrôler la conformité de l’ensemble des accords ou plans d’action aux exigences posées par le législateur. C’est d’ailleurs ce contrôle ou le constat de l’absence d’accord qui pourront donner lieu à la fixation d’une pénalité pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Enfin, une procédure d’évaluation des accords conclus ou des plans d’action mis en œuvre est prévue : les entreprises de plus de 300 salariés devront ainsi transmettre annuellement à l’administration un document d’évaluation de la mise en œuvre de l’accord ou du plan d’action qui les couvrent. Ici encore, il s’agit d’un renforcement par rapport aux accords seniors actuels.

S’agissant ensuite de l’aide prévue au titre du contrat de génération, elle est réservée aux entreprises de moins de 300 salariés. Elle est également conditionnée, pour les entreprises comptant entre 50 et 300 salariés, à la négociation d’un accord. Cette aide sera forfaitaire, équivalente à 2 000 euros pour l’embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans et 2 000 euros au titre du senior maintenu en emploi, soit 4 000 euros. Elle sera versée pendant trois ans, ce qui équivaut à 12 000 euros au total.

Deux conditions supplémentaires sont également prévues par le texte, afin de contrecarrer de potentiels effets d’aubaine. L’aide sera ainsi conditionnée au non-licenciement économique, dans les six mois précédant l’embauche du jeune, sur le poste sur lequel est prévue l’embauche. Il sera également exigé de l’entreprise qu’elle ne procède pas, pendant la durée de l’aide, au licenciement d’un salarié âgé présent dans l’entreprise. Si tel était le cas, l’aide versée au titre d’un binôme jeune-senior lui serait en effet retirée.

Enfin, je voudrais dire un mot du contrat de génération dans sa dimension de transmission d’entreprise. L’aide pourra en effet également bénéficier à un chef d’entreprise senior qui souhaiterait embaucher un jeune en CDI dans la perspective de lui transmettre son entreprise. Je pense notamment aux entreprises artisanales. Il s’agit là d’un souhait fort des partenaires sociaux et le texte reprend cette possibilité.

La commission des affaires sociales a souhaité apporter un certain nombre de modifications au texte initial du projet de loi. Elle a surtout modifié deux aspects du texte. Le premier concerne les accords collectifs ou plans d’action relatifs au contrat de génération qui devront être conclus dans les entreprises de plus de 50 salariés ; le second se rapporte aux modalités relatives à l’aide au titre du contrat de génération qui sera versée aux entreprises de moins de 300 salariés.

S’agissant des accords collectifs ou des plans d’action, la commission a précisé le contenu obligatoire du procès-verbal de désaccord qui conditionne la possibilité pour l’employeur de recourir à un plan d’action, afin de s’assurer de la loyauté de la négociation menée. La commission a en effet souhaité conforter l’idée selon laquelle le plan d’action unilatéralement mis en œuvre par l’employeur n’interviendra véritablement qu’en dernier recours.

Elle a également tenu à préciser le contenu du diagnostic préalable qui devra être réalisé dans les entreprises avant le lancement de la négociation ou l’élaboration du plan d’action. L’établissement d’un tel diagnostic est en effet loin d’être anecdotique : il se présentera comme un état des lieux, un point de départ qui permettra de fixer les principaux engagements devant être pris par l’entreprise dans le cadre de l’accord.

La commission a enfin souhaité préciser le contenu des trois volets que chaque accord devra comporter : l’embauche en CDI de jeunes, le maintien en emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences. Les éléments développés par l’accord national interprofessionnel ont donc été repris, et ce afin de renforcer la portée de ces futurs accords.

S’agissant de l’aide relative au contrat de génération, la commission a souhaité – une décision prise à la quasi-unanimité des groupes – conditionner le bénéfice de l’aide aux seuls jeunes embauchés en CDI à temps plein. Il s’agit d’un signal fort, destiné à marquer la volonté de lutter contre la précarité de l’emploi des jeunes, qui sont, plus souvent que leurs aînés, confrontés à des situations de temps partiel subi.

La commission a également élargi la condition de non-licenciement dans les six mois précédant l’embauche du jeune non pas au seul poste sur lequel est prévue l’embauche mais à l’ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle cette embauche est prévue.

Elle a enfin tenu à préciser que tout licenciement et toute rupture conventionnelle avec l’un des salariés du binôme ouvrant droit à l’aide au titre du contrat de génération conduiront au retrait de l’aide.

Conformément à la vocation de contrôle, qui est aussi celle du Parlement, la commission a également prévu qu’un rapport annuel d’évaluation de la mise en œuvre du dispositif lui serait remis.

Le projet de loi ainsi modifié est celui qui nous est aujourd’hui soumis pour examen.

Quelques points restent à discuter ; sans anticiper sur le contenu de nos débats, je souhaiterais simplement les évoquer.

Le premier point concerne évidemment la question de la condition d’embauche du jeune à temps plein, au sujet de laquelle, monsieur le ministre, vous avez ouvert des perspectives intéressantes. On peut en effet concevoir qu’il faille prévoir une exception à cette règle ; il me semble néanmoins essentiel que cette exception n’entraîne pas un retour en arrière par rapport au souhait qui a été exprimé de lutter avec efficacité contre le temps partiel subi. En revanche, si cette exception consiste à rendre possible un contrat à temps partiel pour tenir compte de la situation familiale ou des contraintes personnelles du jeune concerné, elle me semble devoir être examinée avec attention, sous réserve que le temps partiel ne soit pas réduit en deçà de 80 % d’un temps plein.

Le deuxième point touche à la question de la pénalité. Si d’aucuns souhaitent réduire ses effets, voire la supprimer, ma préoccupation est au contraire de la rendre efficace, autrement dit de la rendre suffisamment incitative à la négociation. Je répète qu’il ne s’agit aucunement de « punir » les entreprises de plus de 300 salariés, mais bien de les amener à se saisir du sujet de l’accès et du maintien en emploi des jeunes et des seniors et à mettre en place en leur sein une véritable gestion active des âges.

Nous aurons enfin un débat sur la formation des jeunes embauchés en contrat de génération, un point qui a d’ailleurs déjà été abordé par de nombreux collègues lors de l’examen du texte en commission. À cet égard, je tiens à souligner une fois encore que le contrat de génération n’est pas un nouveau contrat aidé.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Eh oui !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Contrairement aux emplois d’avenir, il ne s’adresse pas prioritairement aux jeunes non qualifiés. Les partenaires sociaux ont explicitement souligné ce point dans leur accord. Il n’y a pas lieu de prévoir de dispositif spécifique, puisqu’il faut inscrire le jeune dans l’entreprise pleinement et, par conséquent, lui donner accès aux plans de formation existants dans lesdites entreprises.

Avant de conclure, et fort de la visite que vous avez accepté d’effectuer hier, monsieur le ministre du travail, en Saône-et-Loire,…

M. Michel Sapin, ministre. C’était un plaisir !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. …je voudrais témoigner du fait que ce dispositif est compris et même attendu par les entreprises, et ce quelle que soit leur taille. En effet, les deux que nous avons visitées étaient de tailles différentes. Or elles nous ont signifié leur intérêt et, plus encore, nous ont dit combien cet outil pouvait constituer un encouragement, voire, pour reprendre les termes de l’un des chefs d’entreprise, un outil d’accélération du recrutement, ce dont nous avons particulièrement besoin dans la période actuelle.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je dirai pour conclure que nous avons mené, au sein de la commission, à l’instar des partenaires sociaux, un dialogue constructif sur ce texte ; je souhaite que le débat puisse l’être tout autant aujourd’hui en séance publique – mais je suis confiant quant à nos conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, mes chers collègues, je ne vais naturellement pas présenter en détail le contenu du projet de loi, ce qui a déjà été fait brillamment à la fois par le rapporteur, dont je salue une fois encore le travail, et par les ministres.

Je voudrais simplement faire deux remarques de portée générale. La première a trait à la méthode que le Gouvernement a choisie pour réformer notre modèle de relations sociales. La seconde porte sur l’enjeu majeur qu’aborde le présent projet de loi, à savoir la situation de l’emploi à chaque extrémité de la pyramide des âges – pour les jeunes et les seniors.

En ce qui concerne d’abord la méthode, on a déjà dit – et on le répétera sans doute encore – que ce projet de loi est la transcription d’un accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des partenaires sociaux – aussi bien les cinq organisations syndicales de salariés que les trois organisations d’employeurs. C’est une configuration suffisamment rare pour qu’on le souligne ici et pour que nous nous en félicitions sur tous ces bancs. J’en profite pour dire que nous n’ajouterons rien au texte issu de la négociation, contrairement à ce qui s’est passé en août 2008. En effet, le gouvernement de l’époque en avait profité pour ajouter un titre II qui n’était pas dans l’accord.

L’exemple fourni par le présent texte n’est pas et ne sera pas isolé, tant ce gouvernement et sa majorité sont soucieux de renforcer et de donner toute sa place au dialogue social. Dès avant son élection, dans une tribune parue dans un grand journal du soir, le Président de la République, alors candidat, avait en quelque sorte théorisé la méthode que met aujourd’hui en œuvre le Gouvernement. Il a réaffirmé la nécessité de cette méthode et en a détaillé les étapes dans son discours d’ouverture de la grande conférence sociale qui s’est tenue en juillet dernier.

Ce qui paraît naturel chez certains de nos grands voisins ne l’est pas toujours dans notre pays. Par ses traditions, par son histoire, par son organisation sociale, la France n’a pas développé une culture de la négociation et donc du compromis. La responsabilité en est partagée : il y a d’abord celle de l’État, mais aussi celle des acteurs sociaux.

Comme l’indiquait le Président de la République dans son discours prononcé devant la conférence sociale, l’État « a souvent mené et l’histoire est longue et les majorités successives, des concertations de pure forme avec des partenaires sociaux qui y consentaient pour vivre ensuite frustrations et désillusions. [...] Mais convenons aussi [...] que les acteurs sociaux eux-mêmes n’ont pas toujours pris l’initiative pour engager, par la négociation sociale, dans le cadre interprofessionnel et même au niveau des branches, les mutations indispensables. » Avant de faire cette citation, j’avais d’ailleurs rappelé, à travers l’exemple du texte d’août 2008 sur la représentativité syndicale et sur le temps de travail, ce qu’il ne faut surtout pas faire.

Cette méthode est la bonne et elle doit être renforcée. Certains mauvais esprits ont pu dire que cette unanimité trouvée sur la mise en place du contrat de génération était conjoncturelle, tenait à la faiblesse de l’enjeu spécifique de cette négociation et que la méthode montrerait vite ses limites lorsque des questions plus cruciales seraient en jeu. Outre le fait que, comme je le dirai tout à l’heure, je conteste cette appréciation réductrice du contrat de génération, l’issue positive, vendredi dernier, de la négociation sur la sécurisation de l’emploi confirme la pertinence de l’approche choisie par le Gouvernement.

Certes, cette négociation a montré que le dialogue social est difficile, parfois chaotique – l’on a pu légitimement craindre un échec des discussions. Mais il reste porteur d’avenir – je suis persuadée que les compromis passés par ceux qui sont directement concernés sont plus durables que les décisions imposées d’en haut – et doit constituer un principe clé de notre vie démocratique.

Il est vrai que cela peut poser la question du rôle et de la place du Parlement et du législateur dans la confection de nos règles sociales. En commission, certains membres de l’opposition se sont offusqués quand, pour appeler à rejeter certains de leurs amendements, notre rapporteur a dit qu’il fallait s’en tenir au contenu de l’accord. Invoquant la souveraineté du Parlement, ils affirmaient que celui-ci n’était pas tenu par tous les termes de l’accord et qu’il pouvait donc lui apporter les modifications qu’il jugeait utiles. C’est vrai. J’observe en passant que c’est sur ces mêmes bancs, et peut-être dans la bouche des mêmes personnes, que l’on entend dire – pas plus tard qu’hier après-midi, en commission – à propos d’un autre texte de loi, qui arrivera en son temps et avec ses tumultes, que le Parlement ne serait pas légitime pour en discuter.

Naturellement, le Parlement n’est pas un simple greffier. Cependant, je reste persuadée qu’en présence d’un accord conclu par les partenaires sociaux, qui plus est à l’unanimité, il doit faire preuve d’encore plus de prudence que d’habitude, afin de mesurer exactement les conséquences des modifications qu’il envisage d’apporter. Il en va de l’efficacité et de la loyauté du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Venons-en à l’enjeu majeur porté par ce projet de loi, à savoir sa contribution à la politique de l’emploi menée par le Gouvernement. Lorsque j’étais intervenue à cette même tribune lors du débat sur les emplois d’avenir, j’avais indiqué que s’il y a un domaine où le mot « urgence » – urgence économique aussi bien que sociale – n’est pas galvaudé, c’est bien en matière d’emploi et de lutte contre le chômage.

Car, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation de l’emploi dans notre pays – nul ne l’ignore et l’on va se faire mal en le rappelant – est mauvaise. Le Président de la République l’a encore confirmé lors de ses vœux aux Français : « Toutes nos forces seront tendues vers un seul but : inverser la courbe du chômage d’ici un an. Nous devrons y parvenir coûte que coûte. »

Notre pays offre en effet la douloureuse particularité d’être mauvais en ce qui concerne à la fois l’emploi des jeunes, d’une part, et l’emploi des seniors, d’autre part. Je ne rappellerai pas les chiffres ; ils ont déjà été cités et figurent dans le rapport de notre collègue rapporteur, M. Christophe Sirugue.

Cette situation n’est plus tenable. Nous ne pouvons pas rester sans réagir alors que, pour une grande partie de notre jeunesse, l’accès à l’emploi se fait d’abord avec l’expérience de la précarité, du temps partiel subi ou des basses rémunérations. Certes, l’élévation du niveau de formation des jeunes constitue encore un frein à l’augmentation du chômage, mais même un haut niveau de qualification ne garantit pas forcément l’accès rapide à un emploi stable.

À l’autre bout de la pyramide des âges, le taux d’activité des seniors est dramatiquement plus bas dans notre pays que chez la plupart de nos partenaires de l’Union européenne. La situation s’améliore un peu, certes, mais tout le monde conviendra que le rythme est beaucoup trop lent et incertain.

Si nous n’y prenons garde, si nous ne mettons pas tout en œuvre pour relever ce double défi, à quelle situation allons-nous aboutir ? Pour la plupart de nos compatriotes, la période de leur vie active où ils connaîtront un emploi stable et – dans le meilleur des cas – convenablement rémunéré sera de plus en plus réduite : trente ans pour les plus chanceux, entre 25 et 55 ans, avec, si l’on n’y fait rien, des parcours chaotiques – on en a malheureusement des exemples tous les jours.

Au-delà du gâchis de compétences que cela représente pour notre pays et notre économie, au-delà des souffrances que cela occasionne pour les intéressés, nous nous préparons à vivre dans une société de retraités pauvres. Je parlais tout à l’heure de trente ans – au mieux – d’activité stable et convenablement rémunérée. Lorsqu’on sait, je le rappelle, que la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein vient d’être fixée à 41,5 annuités pour les personnes nées en 1956 et que le salaire moyen de référence est calculé sur les vingt-cinq meilleures années, on devine quel type de retraités on va avoir.

On ne peut évidemment pas se contenter de ce constat et dire que c’est en augmentant le nombre d’années d’activité que l’on va améliorer les retraites si, dans le même temps, on met les personnes concernées au chômage – ou si on les y laisse – à partir de 55 ans, alors qu’elles sont entrées dans la vie active à 26, voire 28 ans.

Parce qu’il prend pour la première fois en considération les deux extrémités de la pyramide des âges et qu’il entend consolider à la fois l’accès à l’emploi pour les jeunes et le maintien dans l’emploi pour les seniors, ce texte constitue un outil dont nous sommes persuadés qu’il permettra de progresser dans cette double voie.

La politique de lutte contre le chômage et pour l’emploi ne saurait se résumer au seul contrat de génération. Les emplois d’avenir constituaient d’ailleurs un premier pas. À cet égard, mes chers collègues, ne confondons pas tout : ce dispositif s’adresse à des jeunes sans qualifications.

Cette politique de lutte contre le chômage relève aussi de la mobilisation de tous et de l’activation de multiples leviers. Mais, parce que le contrat de génération est un outil innovant mis au point selon une méthode porteuse d’avenir, il importe que nous adoptions ce projet de loi dans le texte élaboré par la commission des affaires sociales. J’entendais hier, en commission des affaires sociales, sur un autre projet de loi – celui que j’évoquais tout à l’heure – un collègue de l’opposition nous donner des leçons. Selon lui, la politique du Gouvernement est clivante.

M. Jean-Pierre Door. Restons-en au sujet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, excusez-moi, mes chers collègues – je me tourne en particulier vers ceux de l’opposition –, mais le présent projet de loi est loin d’être un texte clivant. Bien au contraire, il vise à intégrer l’individu dans le monde du travail, du commencement jusqu’à la fin, pendant toutes les années requises pour avoir une retraite décente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Louis Borloo et des membres du groupe de l’Union des démocrates et indépendants une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que nous allons examiner aujourd’hui prétend apporter une réponse forte à ce qui est, disons-le, l’une des plaies récurrentes de notre marché du travail depuis de trop nombreuses années : le chômage excessif des jeunes et des seniors.

Aux deux extrémités de la pyramide des âges, l’accès à l’emploi est, en effet, un parcours encombré d’obstacles multiples que, jusqu’à ce jour, les dispositifs existants ne sont pas parvenus à lever – les chiffres l’attestent et ceux du troisième trimestre 2012 le confirment, avec un taux de chômage des jeunes de 24,9 %.

Le taux d’emploi des 15-24 ans a reculé de 0,7 point sur trois mois, pour atteindre un niveau historiquement bas de 28,4 % de la classe d’âge. La situation est évidemment plus grave dans les quartiers relevant de la politique de la ville : plus de 40 % des moins de 25 ans y étaient à la recherche d’un emploi en 2011. La crise a frappé dans ces quartiers encore plus qu’ailleurs.

Dans le même temps, le taux d’emploi des seniors atteint 41,5 %, ce qui est un progrès, mais il n’en reste pas moins inférieur à la moyenne européenne. Du reste, un senior actif n’est pas nécessairement un senior ayant un emploi.

L’augmentation du taux d’activité des seniors ne s’est pas accompagnée des recrutements qui leur auraient permis d’occuper un emploi. Pour les plus de 55 ans aussi l’accès au travail est difficile et prend la forme de contrats provisoires. La proportion des plus de 55 ans inscrits à Pôle Emploi a augmenté de 41 % entre 2008 et 2011 et la part des recrutements en CDD et en intérim a également progressé fortement.

Ainsi le début et la fin du parcours professionnel sont-ils marqués par l’instabilité, voire la précarité des formes d’emploi et du contrat de travail. Nous sommes tous d’accord pour déplorer le véritable gâchis que cette situation représente.

D’un côté, une volonté d’aborder une vie professionnelle riche, créative, épanouissante ; cet espoir se fracasse sur l’instabilité des emplois précaires et des longues phases de chômage.

De l’autre, une expérience accumulée au fil d’une vie professionnelle riche en enseignements et une volonté d’aller au bout de son parcours, de transmettre, le cas échéant, un savoir-faire, de partager. Or c’est tout un capital humain qui s’échoue et s’étiole après un licenciement à cinquante-cinq ans et avec l’impossibilité de retrouver un emploi.

Dans les deux cas, c’est la question de l’utilité sociale qui est posée. Comment se sentir utile dans la société, comment avoir le sentiment d’en être un acteur à part entière, respecté, si l’on se sent rejeté de la sphère du travail ? Avoir un travail détermine tout le reste : la capacité à obtenir ou à garder un logement, à fonder un foyer ou à payer les études de ses enfants. Avoir un emploi détermine aussi, et peut-être surtout, le regard que l’on porte sur soi-même et celui que les autres portent sur votre situation – c’est peut-être d’ailleurs de celui-ci que l’on se remet le moins quand on passe un an, deux ans, voire davantage sans emploi.

Je suis élu de l’agglomération roubaisienne, durement frappée par la crise de l’industrie textile et la désindustrialisation tout au long des trente dernières années.

J’ai rencontré à plusieurs reprises des organisations de défense de demandeurs d’emplois touchés par le chômage de longue durée. Lors de nos échanges, j’ai toujours été saisi par le sentiment d’incompréhension qui domine les témoignages des plus anciens d’entre eux. Quels que soient les efforts qu’ils fournissent pour trouver un emploi, la réponse est toujours la même : « Vous êtes trop vieux ».

Évidemment, la réalité est plus complexe. Heureusement, tous les seniors ne sont pas durablement au chômage. Bien sûr, les critères de la formation et de la mobilité interviennent aussi dans la décision des recruteurs.

Nous retrouvons souvent les mêmes problématiques dans les raisons avancées pour expliquer le chômage des jeunes : l’absence de qualification adaptée et les freins à la mobilité géographique se combinent pour barrer l’accès à l’emploi.

Nous sommes nombreux, en qualité d’élus locaux, à nous battre contre ces handicaps à la reprise d’un emploi en développant des actions dans le cadre des maisons de l’emploi, des missions locales et des plans locaux pour l’insertion et l’emploi, les PLIE. Forts de cette expérience, nous estimons que si le contrat de génération peut être un outil pour les acteurs territoriaux de l’accompagnement vers l’emploi et de l’insertion professionnelle, il n’est pas un outil suffisant. C’est l’un des principaux reproches qu’il est possible d’adresser au contrat de génération : tout, dans ce dispositif, nous montre qu’il pourrait être l’une de ces promesses qui suscitent plus d’espoirs que de résultats concrets.

Il nous est présenté comme l’un des deux piliers, avec les emplois d’avenir, de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. Il est ambitieux : selon vous, pas moins de 500 000 contrats de génération doivent être conclus d’ici à 2017. Mais est-il réaliste, dans une situation économique aussi difficile que celle attendue en 2013 ? Nous pouvons sérieusement en douter. Surtout si nous en croyons les partenaires sociaux qui, en aparté, nous expliquent que l’objectif de 500 000 créations d’emploi risque fort de n’être jamais atteint, compte tenu de la conjoncture. Sans doute n’ont-ils pas l’intention de tenir, contre vents et marées, une promesse que, pour leur part, ils n’ont jamais faite.

Peut-on raisonnablement croire qu’il suffit de multiplier les dispositifs d’emplois aidés en direction des secteurs publics ou privés pour assurer des créations massives d’emploi ? C’est le développement de l’activité, soutenue par un environnement juridique et fiscal favorable à l’investissement, à l’innovation et à la recherche qui crée l’emploi. Or, ce n’est pas la direction dans laquelle s’est engagée l’action de ce gouvernement et de cette majorité. J’y reviendrai.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi, le groupe UDI a décidé de tirer trois signaux d’alarme, qui justifient cette motion de rejet préalable.

Le premier concerne la façon dont ce projet de loi a été soumis à l’examen de notre assemblée. Voilà en effet un nouvel épisode de la désinvolture avec laquelle le Gouvernement relègue le Parlement à un rôle subalterne depuis le début de cette législature. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Le deuxième signal d’alarme touche à la portée même de ce texte, dont les effets sont d’ores et déjà entravés par les conséquences prévisibles de la politique économique.

Le troisième signal d’alarme porte sur le message adressé à la jeunesse de notre pays : incontestablement, les contrats de génération, après les emplois d’avenir, ne sont qu’une réponse partielle aux défis qu’elle doit relever.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. On peut aussi ne rien faire !

M. Francis Vercamer. Tout d’abord, examinons la méthode employée : elle s’inscrit dans une série de manquements du Gouvernement, révélateurs du peu de considération dont témoigne l’exécutif à l’égard du Parlement. (Mêmes mouvements.) Depuis le début de cette législature, les occasions qu’a saisies le Gouvernement pour « tordre le bras » des parlementaires se sont multipliées. Le plus souvent, il nous demande d’approuver des textes majeurs dans des délais restreints, souvent au mépris des procédures législatives les plus élémentaires.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Nous avons été à bonne école !

M. Francis Vercamer. Certes, l’utilisation classique de la procédure accélérée après déclaration d’urgence peut se comprendre lorsqu’un gouvernement veut légiférer rapidement dans les domaines qu’il estime prioritaires ou lorsque les circonstances l’exigent.

Mais force est de constater que le Gouvernement a décidé de pratiquer la déclaration d’urgence pour raison de convenance.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Il est vrai que vous n’avez jamais agi ainsi !

M. Francis Vercamer. Je sais bien, chers collègues de la majorité, que vous ne voterez pas cette motion. Mais j’en appelle à votre vigilance et à votre sens de la démocratie ; je sais que certains parmi vous s’interrogent sur le degré de liberté dont dispose le Parlement à l’égard du Gouvernement. D’ailleurs, la réponse du Premier ministre à l’une des questions d’actualité, alors qu’il n’était pas précisément interrogé sur ce sujet, le prouve.

Le Parlement n’est pas le greffier de l’action gouvernementale : il est un lieu de débats. Qu’on se le dise !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Mais je l’ai dit !

M. Francis Vercamer. Le Premier ministre lui-même, lors de sa déclaration de politique générale en juillet dernier, a dit vouloir donner toutes ses chances à la démocratie.

Nous avons besoin de la vigilance de tous, dans la majorité comme dans l’opposition, pour que le rôle du Parlement soit respecté.

Le Gouvernement avait déjà déclaré l’urgence pour convenance sur le projet de loi portant création des emplois d’avenir, en avançant son examen à la rentrée de septembre. Vous étiez alors confrontés au mécontentement de l’opinion publique, qui constatait la dégradation de l’emploi et l’inaction estivale du Gouvernement. C’est une nouvelle fois le cas avec ce texte, dont vous avez précipité l’examen, alors que l’accord interprofessionnel dont il est issu avait été conclu le 9 octobre.

Nous regrettons ces méthodes de travail qui ne permettent pas un examen approfondi du texte et ne laissent que peu de temps pour effectuer un véritable travail d’amendement, notamment en commission.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Ce n’est pas notre faute si vous êtes lents !

M. Francis Vercamer. Pourtant, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé en juillet, devant la commission des affaires sociales, à ce que les parlementaires aient le temps de travailler, tant sur les emplois d’avenir que sur les contrats de génération. Vous aviez même affirmé que ces deux outils ne relevaient pas d’une urgence immédiate.

M. Michel Sapin, ministre. Non, mais d’une urgence réelle.

M. Francis Vercamer. Pourtant, l’examen a été si précipité que nous vous avons auditionné alors même que le texte ne nous avait pas été distribué. Nous avons découvert celui-ci, en même temps que nous vous écoutions, au hasard des pages d’un dossier de presse !

M. Michel Sapin, ministre. C’était une bonne façon de le découvrir…

M. Francis Vercamer. On aurait pu plaider la légèreté si le Gouvernement n’avait pris l’habitude, au fil des mois, de pratiquer le court-circuit législatif. Il a commencé par oublier, lors de la session extraordinaire de juillet, une séance à l’Assemblée nationale de questions au Gouvernement, exercice pourtant élémentaire du droit d’interpellation des parlementaires. Puis l’examen en commission du projet de loi portant création des emplois d’avenir a commencé alors que le rapporteur n’avait pas été désigné ! On peut citer aussi la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, un dispositif complexe que le Gouvernement a présenté à la va-vite, au détour d’un amendement, et qui porte, excusez du peu, sur 20 milliards d’euros !

M. Christian Paul. Soyez sérieux !

M. Francis Vercamer. Dans la même veine, on peut relever la question des rythmes scolaires, qui concerne concrètement plusieurs milliers de communes, sans que le Parlement soit admis à discuter du dispositif envisagé par le Gouvernement.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Quel rapport ?

M. Francis Vercamer. Et que dire du vote au Sénat, par la majorité socialiste elle-même, d’une motion de rejet préalable du projet de loi de finances ? La majorité socialiste elle-même a censuré le Gouvernement sur le budget ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Mais non !

M. Francis Vercamer. Si. Il s’agissait d’éviter un débat démocratique qui aurait eu pour seul défaut de conduire au rejet du budget par l’opposition et une partie de la majorité.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Vous n’avez pas grand-chose à dire.

M. Francis Vercamer. La clarté de la loi ne gagne rien au recours répétitif à la déclaration d’urgence. Surtout, elle ne justifie pas les petits arrangements avec la procédure législative, laquelle a pour but premier d’organiser les débats, afin d’en assurer la qualité et de garantir la libre expression des diverses opinions représentées au Parlement. Je reprends ici le leitmotiv du groupe socialiste lors de la précédente législature.

Le Gouvernement ne gagne rien à éviter un débat sérieux avec le Parlement. À légiférer au lance-pierres, il fait voler en éclats les vitres fragiles de la transparence démocratique, du droit d’amender, de la sincérité et de la qualité du débat contradictoire.

Alors que l’exécutif est prolixe en beaux discours sur les mérites du non-cumul des mandats, il est paradoxal qu’il fasse si peu de cas de la qualité du travail parlementaire.

« Je connais le temps que l’on perd à force de vouloir en gagner »,…

M. Christian Paul. Vous nous faites perdre le nôtre !

M. Francis Vercamer. …nous disait le Premier ministre, ici même, en juillet. Au sein du groupe UDI, nous sommes convaincus que le temps du Parlement n’est jamais du temps perdu.

Ce sujet prend encore plus de sens s’agissant des textes relatifs au droit du travail, qui font l’objet d’un accord préalable des partenaires sociaux avant d’être examinés par le Parlement. Alors que le Président de la République s’est engagé à inscrire le dialogue social dans la Constitution, quelle articulation est-il possible d’imaginer entre démocratie politique et démocratie sociale ? Quel sera le rôle du Parlement ?

Lors du dernier débat budgétaire, en réponse à mon rapport, vous nous aviez indiqué, monsieur le ministre, que le pouvoir souverain du Parlement ne serait pas remis en cause. Mais quelle réalité revêtira demain le droit d’amender, alors que vous avez d’ores et déjà précisé que vous ne comprendriez pas que le dispositif des contrats de génération, qui a fait l’objet d’un accord unanime des partenaires sociaux, ne soit pas soutenu par une très large majorité à l’Assemblée ?

Avez-vous oublié que le groupe socialiste, lorsqu’il était présidé par l’actuel Premier ministre, avait voté contre la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie, alors que les mesures reprenaient les conclusions d’un accord adopté à l’unanimité des partenaires sociaux ?

M. Gérard Cherpion. Eh oui !

M. Francis Vercamer. Le Premier ministre a déclaré tout à l’heure que cela faisait trente ans que l’on n’avait pas vu d’accord unanime ; cela remonte en fait au précédent mandat !

Avez-vous oublié que votre groupe s’est abstenu sur la loi de modernisation du marché du travail, alors même que l’accord interprofessionnel dont elle découlait avait été adopté par la très large majorité des partenaires sociaux ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons bien fait !

M. Francis Vercamer. Et que dire de la modification, lors de l’examen du PLFSS, d’une des clauses de la rupture conventionnelle issue de l’accord national interprofessionnel sur la rupture conventionnelle – je l’ai assez évoqué lors de nos débats ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission. Le nombre de ruptures conventionnelles augmente. Nous allons d’ailleurs créer une mission d’information à ce sujet !

M. Francis Vercamer. Il ne s’agit pas ici de contester la légitimité de la démocratie sociale ; nous sommes tous attachés à celle-ci. Nous savons bien que les pays européens qui affrontent le mieux la crise sont ceux qui ont su élaborer, dans le cadre de la négociation collective, un nouveau compromis social. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé, lors de la précédente législature, une proposition de loi visant à créer un conseil permanent du dialogue social.

Qui plus est, ces derniers jours nous ont montré combien les partenaires sociaux sont capables de prendre leurs responsabilités afin de franchir une nouvelle étape en matière de sécurisation des parcours professionnels ; le Premier ministre l’a rappelé cet après-midi.

Simplement, nous posons la question de l’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique. Force est de constater que le peu de considération du Gouvernement pour le Parlement ces derniers mois ne nous invite pas à l’optimisme. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Le deuxième signal d’alarme concerne la portée de ce texte, dont on peut douter qu’il atteigne son objectif : la création de 500 000 emplois. Les partenaires sociaux qui ont signé l’accord du 9 octobre 2012 ne manquent pas eux-mêmes de lucidité, et certains semblent circonspects quant à la possibilité d’atteindre ce chiffre. Nous ne pouvons que regretter des engagements qui relèvent de l’affichage et risquent, selon toute vraisemblance, de ne pas être suivis d’effets. Ils concourent à décrédibiliser la parole politique, à un moment où celle-ci doit, au contraire, se faire entendre avec clarté et rassembler, autour d’une vision collective des enjeux.

Il est vrai que la politique économique et fiscale menée par le Gouvernement ne permet pas d’envisager une reprise de l’activité. Le groupe UDI n’a eu de cesse d’attirer l’attention sur le risque de récession auxquels vous exposez notre économie avec les mesures prises dans le cadre du budget 2013. Celles-ci privent les Français de pouvoir d’achat : les augmentations d’impôts qui frappent les classes moyennes constituent une entrave à la consommation. Elles s’ajoutent aux dispositions prises l’été dernier sur les heures supplémentaires, qui ont frappé 9 millions de salariés modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, le choix de l’augmentation des prélèvements obligatoires, aux dépens de la réduction des dépenses publiques pèse lourd sur le dynamisme de notre économie.

Avec une augmentation massive d’impôts de l’ordre de 28 milliards d’euros dans un environnement économique atone, il est illusoire d’espérer, comme le fait aujourd’hui le Gouvernement, une croissance de 0,8 % en 2013. Et ce pour une raison simple : vous n’apportez pas de réponse susceptible d’améliorer significativement la compétitivité de notre économie.

Comme l’indique l’économiste Christian Saint-Étienne, notre pays passe à côté de la troisième révolution industrielle, parce qu’il ne crée pas l’écosystème favorable aux entreprises qui portent cette révolution.

Vous alourdissez les charges des entreprises de 14 milliards en 2013, sans tenir compte des craintes qui sont les leurs : ne plus pouvoir maintenir l’activité et supprimer des emplois. De plus, le dispositif du CICE ne répond pas à l’enjeu de l’amélioration rapide de la compétitivité de nos entreprises. Sans effet sur 2013, il ne s’appliquera qu’en 2014 et uniquement à hauteur de 10 milliards d’euros.

M. Régis Juanico. Mais non !

M. Francis Vercamer. En outre, il exclut les travailleurs indépendants, qui représentent 10 % de la force de travail de notre pays.

Il n’est qu’à lire les courriers que nous adressent les entreprises de services à la personne, les artisans du bâtiment ou les personnes travaillant dans l’économie sociale et solidaire pour s’apercevoir que les mesures de la loi de finances pour 2013 font peser des menaces bien réelles sur l’activité et l’emploi dans ces secteurs. Il s’agit pourtant d’emplois non délocalisables, qui peuvent répondre aux attentes de nombre de nos concitoyens en recherche d’emploi.

Vous avez multiplié les accusations en direction des chefs d’entreprise, vous n’avez pas su créer les conditions de la reprise et susciter la confiance de celles et ceux qui entreprennent.

C’est pourtant un climat général favorable à l’activité qui fait que les entreprises, grandes ou moyennes, investissent, décrochent des commandes et créent des emplois, éventuellement dans le cadre d’emplois aidés ou du contrat de génération.

M. Jean-Patrick Gille. Vous anticipez !

M. Francis Vercamer. Le contrat de génération peut être un outil au service de l’embauche des jeunes, mais il ne permet pas, à lui seul, de créer des emplois.

Une fois de plus, vous semblez faire l’erreur de croire que l’emploi se décrète.

La portée de votre texte risque également d’être limitée pour des raisons touchant au dispositif même. Notre collègue Arnaud Richard abordera en détail ce sujet lors de la discussion générale. Remarquons cependant que le contrat de génération ne concerne pas toutes les entreprises. La pyramide des âges, dans un certain nombre de secteurs d’activités porteurs d’avenir, reste une réalité incontournable : les seniors visés par le texte y sont peu présents.

Par ailleurs, on ne voit pas bien comment vous comptez parvenir à éviter les effets d’aubaine. Quand bien même vous signeriez 500 000 contrats de génération, ces emplois ne seraient pas tous générés par votre dispositif. En effet, certaines des embauches effectuées via les contrats de génération auraient de toutes façons eu lieu, sans ce dispositif, tout simplement parce qu’elles correspondent à un besoin de l’entreprise.

Le Conseil économique, social et environnemental avait recommandé, en septembre dernier, de cibler les jeunes les moins qualifiés et les secteurs d’activité exposés à une perte de compétence en raison du nombre important de leurs salariés partant à la retraite dans les prochaines années. Il proposait encore de concentrer ce dispositif sur les activités dans lesquelles les seniors sont davantage exposés à des facteurs de pénibilité. Aucune de ces orientations ne se retrouve dans votre projet de loi.

Troisième et dernier signal d’alarme : une politique en faveur de l’emploi des jeunes ne peut se limiter à la seule offre de contrats aidés. Les contrats de génération, pas plus que les emplois d’avenir, ne peuvent constituer, à eux seuls, une politique ambitieuse pour l’emploi des jeunes, laquelle est forcément plus diversifiée. C’était d’ailleurs le sens de l’avis du CESE sur l’emploi des jeunes et des dix-huit recommandations qu’il formulait en septembre dernier, contribuant ainsi au dialogue social.

C’est d’une approche globale que nous avons besoin, qui aborde les questions des freins matériels à l’accès à l’emploi, du logement ou de la qualité de l’accueil des jeunes en entreprise.

M. Christophe Sirugue. Mais qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Francis Vercamer. Sur ces sujets, il serait utile de disposer des enseignements du point d’étape qui devait être réalisé en fin d’année 2012 sur les accords relatifs à l’emploi des jeunes, afin d’en tirer les premiers enseignements.

Bien sûr, l’une des principales difficultés rencontrées par les jeunes dans l’accès à l’emploi résulte de l’inadéquation entre leurs qualifications et les besoins de l’employeur. Cet obstacle est récurrent ; il explique en partie les raisons pour lesquelles le chômage des jeunes est structurel, même en période de croissance : le constat est partagé par tous, responsables politiques et partenaires sociaux.

Différentes solutions ont pu être proposées et mises en œuvre, à travers les stages de découverte des métiers ou le développement de l’apprentissage. Pour autant, cette question de l’adéquation entre la formation initiale et les besoins de l’entreprise reste une source de préoccupation constante.

Ainsi, l’orientation professionnelle joue un rôle déterminant dans l’accès des jeunes à l’emploi. Ces derniers doivent être mieux informés de la réalité des métiers, de leur diversité. Ils doivent avoir une idée plus précise des débouchés offerts par une formation, ainsi que des possibilités précises d’évolution dans une filière professionnelle. Cela passe évidemment par le renforcement des liens entre l’éducation nationale et les filières professionnelles.

Il serait souhaitable, par ailleurs, que le Gouvernement précise les impulsions qu’il entend donner à la formation en alternance ou à l’apprentissage. L’idée qui consiste à ouvrir, de façon significative, l’ensemble des niveaux de qualification à l’alternance, y compris dans l’enseignement supérieur, mérite un examen approfondi.

De la même façon, nous estimons nécessaire, en matière d’apprentissage, de mieux accompagner à la fois les jeunes et les employeurs, afin de faciliter l’entrée du jeune en contrat d’apprentissage, mais également son maintien dans l’entreprise.

M. Jean-Patrick Gille. Pour cela, il y a la loi Cherpion !

M. Francis Vercamer. Nous pensons également qu’une personne sans diplôme – qui a quitté tôt le système scolaire – doit pouvoir disposer d’une seconde chance. Elle doit avoir la possibilité de s’inscrire dans une dynamique de formation, au fil de son parcours.

Nous avions obtenu du précédent gouvernement qu’il présente au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’un crédit individuel de formation, disponible sous forme de chèques-formation et inversement proportionnel au niveau d’études atteint. Nous souhaitons que le gouvernement actuel mette cette proposition à l’étude.

De plus, l’insertion professionnelle des jeunes par l’entreprenariat, via la création de leur propre activité, ne doit pas être négligée. Je pense, en particulier, à la diversité des activités qui s’inscrivent dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, terrain tout à fait adapté à ce type de projets. Une meilleure information des jeunes sur ce qu’est l’ESS et sur les possibilités offertes, notamment par la création d’entreprise, dans les secteurs d’activité qui en relèvent passe, là encore, par l’implication des services de l’éducation nationale.

Vous le voyez, monsieur le ministre, et c’est un reproche que nous avons déjà formulé, il manque à votre politique de l’emploi une cohérence d’ensemble, un cap clair, qui soit en mesure de susciter la mobilisation en faveur de l’emploi des jeunes dont notre pays a besoin. Cette mobilisation doit d’abord pouvoir s’appuyer sur un socle solide, indispensable : le socle des entreprises soutenues par les pouvoirs publics dans leurs projets de développement.

Or, c’est cette mobilisation d’ensemble, l’inscription du contrat de génération dans un cadre global de mesures en faveur de l’emploi des jeunes, qui fait défaut aujourd’hui. C’est donc parce que les conditions de réussite du contrat de génération ne sont pas réunies que le groupe UDI propose à l’Assemblée cette motion de rejet préalable.

Je sais que les députés socialistes ne voteront pas cette motion, mais j’espère qu’ils n’ignoreront pas les signaux d’alarme qu’elle contient, et que ces signaux les inciteront à adopter une attitude conforme à ce qui sied au lieu de débat qu’est le Parlement. Les parlementaires doivent en effet pouvoir procéder à des auditions et disposer du temps nécessaire à la rédaction de leurs amendements, ce qui nécessite plus de trois jours. La motion que j’ai déposée est avant tout le signe de notre opposition constructive. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais simplement apporter à M. Vercamer une précision s’agissant du dossier de presse qui lui a été remis le 12 décembre : s’il avait pris la peine de le feuilleter, il ne lui aurait pas échappé que le projet de loi y était agrafé.

M. Francis Vercamer. C’est ce que j’ai dit !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dès lors qu’il se compose de cinq articles, résultant d’un accord entre les partenaires sociaux, il ne comporte pas de grande surprise. La mauvaise foi a ses limites, monsieur Vercamer !

M. Francis Vercamer. Voilà qui commence bien pour le respect du Parlement !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur Vercamer, vous avez cité Jean-Marc Ayrault, selon qui le temps de débat au Parlement n’est jamais du temps perdu. Je vous rejoins sur ce point, et j’ai apprécié le début de votre intervention, dans laquelle vous avez dressé un réquisitoire assez sévère de la période 2008-2011, marquée par l’augmentation du chômage des seniors et par l’inemployabilité croissante de certains de nos jeunes, faute d’une formation adaptée aux exigences de notre économie. Je partage votre constat, comme la plupart ici, sans doute.

M. Benoist Apparu. Enfin de la lucidité !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ceci étant, ma conclusion est qu’il ne faut pas perdre de temps, et je rejoins ici Jean-Louis Borloo, qui exprimait récemment son souhait de voir l’accord sur la sécurisation de l’emploi adopté par le Parlement le plus vite possible, de manière à ce qu’il puisse s’appliquer dès la fin mars, début avril au plus tard ! Je le rejoins également lorsqu’il estime, comme ce fut le cas à l’automne dernier, que le Gouvernement ne va pas assez vite : face à la crise économique, l’Assemblée et le Sénat doivent pouvoir légiférer sans perdre de temps – vous et moi sommes d’accord avec le Premier ministre sur ce point. Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de débat, et le Gouvernement vous propose d’avoir ce débat en toute sincérité.

Michel Sapin, comme le Premier ministre, se sont déjà exprimé devant vous à plusieurs reprises sur les dispositions qu’ils entendaient prendre pour lutter contre le chômage et favoriser la création d’emploi dans notre pays.

Lorsque nous avons présenté le texte sur les emplois d’avenir, nous avons indiqué qu’ils constituaient une première charge contre le chômage, notamment le chômage des jeunes dépourvus de formation, en précisant toutefois que cette solution ne permettrait pas d’éradiquer le chômage chez tous les jeunes et qu’un second texte vous serait présenté en 2013 sur les contrats de génération.

Vous connaissiez, comme le rapporteur et l’ensemble des députés, le contenu de ce texte, puisqu’il s’agit de la transposition d’un accord conclu entre l’ensemble des partenaires sociaux en octobre dernier. Je connais la qualité du travail effectué par les députés, leur intelligence et votre propre implication sur ces sujets. Si vous souhaitiez rencontrer les organisations syndicales pour connaître leur position sur ce texte, vous en aviez tout le temps, monsieur le député, indépendamment du travail effectué par la commission.

Puisque nous travaillons à livre ouvert, je vous accorde que le contrat de génération ne peut être notre seul outil de lutte contre le chômage. Non seulement il s’ajoute aux emplois d’avenir, mais il sera complété par le projet de loi actant l’accord sur la sécurisation de l’emploi conclu il y a trois jours. Là encore, vous en connaissez le contenu ; il sera présenté, probablement au mois de mars, par Michel Sapin en conseil des ministres, avant que vous légifériez. Il faut enfin mentionner l’étape de la loi de finances et l’adoption du crédit impôt compétitivité emploi, qui représentera 4 % de la masse salariale dès 2013, et 6 % en 2014.

Il s’agit d’un puzzle, que nous composons rapidement il est vrai, mais nous ne pouvons pas perdre de temps face à la crise économique ; il y a dans notre pays des entrepreneurs prêts à embaucher malgré tout.

Vos émettez des doutes sur le chiffre de 500 000 emplois créés, plus d’ailleurs que sur l’intérêt même du dispositif. C’est notre ambition, et je vous invite à nous rejoindre. Je puis vous assurer en tout cas que je rencontre actuellement, à l’occasion du tour de France que j’effectue pour signer des emplois d’avenir, beaucoup de présidents de chambre de commerce et de chambre des métiers, de nombreux acteurs de terrain, qui attendent ces contrats de génération. Vous doutez qu’ils puissent créer des emplois, mais il s’agit d’un dispositif très attendu par les TPE, notamment dans l’artisanat et l’agriculture, où des chefs d’entreprise unipersonnelle espèrent pouvoir transmettre leur entreprise à un salarié qu’ils auront embauché grâce aux incitations financières attachées au dispositif.

Mesdames et messieurs les députés, eu égard aux attentes de nos entreprises et de notre jeunesse, vous comprendrez, bien évidemment, que je vous demande de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Je pense en effet que vos propos, monsieur Vercamer, partent d’un bon sentiment. Nous travaillons ensemble en commission, et je reconnais bien volontiers que vous cherchez toujours à favoriser le débat et à trouver des logiques permettant de faire progresser les textes. Vous vous faites par ailleurs l’écho du discours des entreprises et des artisans qui créent des emplois, notamment dans le champ de l’économie sociale. Il me semble qu’une large part d’entre nous peut d’ailleurs les soutenir comme vous le faites.

En revanche, je suis surpris par votre pessimisme. Vous doutez que l’on atteigne le chiffre de 500 000 emplois, mais, en créant ce dispositif, notre ambition est qu’il soit un succès, tant pour les jeunes que pour les seniors.

Par ailleurs, votre crédibilité est un peu atteinte par le fait que vous avez eu en main, par le passé, les leviers qui vous auraient permis d’agir, et la leçon que vous venez de nous imposer sur le fait que ce dispositif n’irait pas dans le bon sens, qu’il n’améliorerait pas la compétitivité, rencontre ses limites dans l’échec des réponses que vous avez proposées depuis dix ans et qui nous amènent au triste constat que nous faisons aujourd’hui. Face à l’urgence dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos jeunes et nos seniors, nous rejetterons donc évidemment cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Nous rejetterons, nous aussi, cette motion de rejet préalable. Monsieur Vercamer, il vous a fallu vingt minutes pour nous expliquer que ce texte présentait un problème de forme, que vous étiez pessimiste quant aux objectifs du dispositif et pour déplorer l’absence d’une politique globale de l’emploi. Vingt minutes au cours desquelles vous n’avez pas une seule fois émis un avis négatif sur ce texte. Je ne comprends pas le sens de votre motion de rejet préalable !

En vérité, vous êtes extrêmement embêté.

Ce texte doit montrer que la nation parle d’une seule et même voix sur la question de la jeunesse et de l’emploi. Nous devons pouvoir nous rassembler, et il faut parfois oublier certains clivages un peu artificiels. Je ne comprends donc pas la démarche de M. Vercamer, sinon comme une démarche politicienne. C’est pourquoi nous ne voterons pas cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur Vercamer, je pense effectivement qu’il y a une certaine incohérence à partager un constat, celui de la gravité de la situation de l’emploi des jeunes et des seniors – à laquelle vous avez largement contribué –, tout en déposant une motion de rejet préalable sur un texte dont l’objectif est précisément de favoriser l’emploi des jeunes et des seniors.

Vous invoquez trois grandes raisons.

La première est la méthode. Je ne m’y attarderai pas, tant l’ancienne majorité a usé et abusé des procédures d’urgence pour convenance, comme vous dites.

Ensuite, vous mettez en cause la portée de ce texte. Selon vous, l’objectif d’un nombre de 500 000 emplois ne sera pas atteint. Personne ne lit dans le marc de café, nous ne pouvons donc le savoir à l’avance, mais nous avons l’ambition et la volonté de créer les conditions pour que cet objectif soit atteint et que l’application de ce texte soit couronnée de succès. Cette ambition va trouver sa traduction dès à présent, ici, dans nos efforts pour améliorer le texte, et, ensuite, dans son application.

Enfin, vous avez évoqué la politique d’austérité. Vous le savez, le groupe auquel j’appartiens conteste cette politique d’austérité que vous-même avez menée pendant des années et dont nous considérons qu’elle n’a – hélas ! – pas été abandonnée. Je trouve donc assez incongru que vous disiez, vous, que ces politiques d’austérité et de réduction des budgets publics porteront atteinte au redressement économique et que cela entraînera l’échec du dispositif soumis à notre examen.

Par ailleurs, vous avez évoqué le faisceau des difficultés rencontrées par les jeunes, notamment en matière de logement. Je ne sais pas si vous avez voté la loi qui permet justement d’améliorer les conditions de logement, notamment les logements sociaux. En tout état de cause, la logique voudrait tout de même que vous fassiez preuve d’un peu de cohérence. Les arguments que vous avez avancés, même si certains sont recevables, ne justifient pas que l’on adopte cette motion.

Mon groupe votera donc contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en entendant M. Vercamer et compte tenu de ce qu’avait précédemment dit M. Borloo, je me suis demandé si les dissensions qui existaient entre députés siégeant sur les bancs d’une partie de l’hémicycle n’avaient pas été contagieuses. Il y a en effet une telle différence entre la position aujourd’hui adoptée par le groupe UDI à l’occasion de l’examen de cette motion de rejet et celle exprimée par M. Borloo que je me suis posé des questions.

Je me suis ensuite interrogé sur ce qu’était une motion de rejet préalable. L’article 91, alinéa 5, de notre règlement dispose que « l’objet [d’une telle motion] est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles » – je n’ai rien entendu de tel dans le propos de M. Vercamer…

M. Francis Vercamer. Et le droit d’amendement ?

M. Denys Robiliard. Vous le savez, il n’est pas en cause. Plusieurs dizaines d’amendements ont d’ailleurs été déposés.

« L’objet [d’une motion] est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles », disais-je, « ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer ». Je me suis donc demandé si vous n’aviez pas utilisé cette procédure à d’autres fins, ce qui s’appellerait un détournement de procédure.

M. Benoist Apparu. Vous n’avez jamais fait ça, bien sûr !

M. Denys Robiliard. Je n’ai jamais rien vu de tel ; vous savez que je suis un nouveau député. Mais je crains précisément qu’il n’y ait pas, en l’occurrence, de détournement de procédure. En effet, alors que le chômage s’aggrave, que les jeunes – vous l’avez rappelé, monsieur Vercamer – sont victimes d’un chômage particulier, avec un taux de chômage de 24,9 %, que la question des licenciements de seniors, dont on sait qu’ils sont poussés sur la touche, est particulièrement urgente et qu’un accord interprofessionnel national – ce n’est pas rien, même si ce n’est pas tout – a recueilli un assentiment unanime, vous nous expliquez tranquillement qu’il n’y aurait pas lieu à délibérer. Faut-il rappeler qu’au cours des deux précédentes législatures, l’emploi n’a pas été la priorité ? Cela me paraît manifeste : le service public de l’emploi a été affaibli par des suppressions de poste et l’Association nationale pour la formation des adultes était sur le point d’être sacrifiée.

Je citerai deux éléments.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Denys Robiliard. Tout d’abord, M. Sapin s’est expliqué en ce qui concerne le financement pour l’année 2013. Les mesures en faveur du recours aux heures supplémentaires coûtaient 4,5 milliards d’euros. Ce montant est désormais consacré – pour partie puisque les mesures n’ont pas totalement été supprimées – à la défense de l’emploi.

Ensuite, si je crains effectivement un effet d’aubaine – mais toute aide publique peut entraîner un effet d’aubaine –, je note que vous estimez comme moi qu’il ne peut y avoir d’aide publique sans contrepartie ; je m’en félicite. En outre, le travail d’amendement de la commission vise précisément à limiter les effets d’aubaine. Je pense que nous pourrons donc nous rejoindre sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Cherpion. J’ai bien écouté l’exposé de Francis Vercamer et je le rejoins tout à fait sur les problèmes de méthode. Il a raison, il y a un problème de méthode qui transparaît dans la manière dont le texte a été étudié, rapidement, trop rapidement. Cela se traduit par un certain nombre d’incertitudes juridiques sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir si cette motion n’est pas adoptée.

Bien sûr, l’accord a été signé par les partenaires sociaux. Cependant, lorsque l’on rencontre ces mêmes partenaires sociaux à l’extérieur, et je les ai tous rencontrés, on s’aperçoit que l’enthousiasme que leur inspire ce texte est tout de même plus mesuré, en particulier sur deux points. Tout d’abord, l’effet d’aubaine est indéniable, comme l’a répété notre collègue socialiste. Ensuite, nous traversons une période de très faible croissance. L’UNEDIC a ainsi retenu, dans ses prévisions publiées hier ou avant-hier, une croissance de 0,1 % pour l’année 2013. L’Observatoire français des conjonctures économiques estime, lui, que cette mesure créera 21 000 emplois par an.

Il faut une véritable politique de l’emploi des jeunes et des seniors ; nous nous accordons effectivement sur ce point, monsieur le ministre. J’approuve, pour ma part, Jean-Louis Borloo lorsqu’il dit qu’il y a urgence à prendre des décisions d’ampleur et non de petites mesures qui s’additionnent les unes aux autres. Nous verrons les résultats, nous les analyserons ensemble.

Aussi mon groupe votera-t-il la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Je salue l’analyse précise et pertinente de Francis Vercamer. Notre collègue a fait une présentation malheureusement assez exacte de la dégradation encore très forte de la situation des jeunes sur le marché du travail, qui porte bien mal son nom tant il est fermé. Il a aussi analysé l’emploi des seniors. Sur ce point, j’ai l’impression, monsieur le ministre, que vous n’avez pas bien compris son propos, puisque l’emploi des seniors n’a fait que progresser de 2003 à 2011, gagnant huit points, même si, effectivement, la situation est moins bonne que dans les autres pays de l’Union européenne. Je tenais à le dire, et je m’étonne que vous n’en ayez pas conscience.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je l’ai dit, tout à l’heure !

M. Arnaud Richard. Soit. En tout cas, Francis Vercamer l’a rappelé.

Effectivement, le chômage de longue durée ne fait que se répandre dans toute la société, entraînant jusqu’à la perte de la confiance en soi et la relégation pour nombre de nos concitoyens.

Qu’a voulu dire Francis Vercamer ? 500 000 contrats de génération, pourquoi pas, mais il faut surtout que 500 000 emplois soient créés. Le parti socialiste considère toujours, on le voit, que l’on peut décréter l’emploi dans notre pays ; ce n’est pas tout à fait notre perception.

Je ne peux donc que partager la vision de Francis Vercamer. Il faut favoriser une politique économique et fiscale qui crée un écosystème de confiance – c’est, je crois, l’expression employée par mon collègue – autour de la création d’emploi, de l’investissement, de l’innovation et de la recherche. Or, je n’ai pas le sentiment que le Gouvernement soit guidé par cet esprit.

Je suis évidemment totalement d’accord à propos des trois signaux d’alarmes évoqués, notamment en ce qui concerne la méthode. D’ailleurs, notre collègue qui s’inquiétait des divergences qui pouvaient exister entre la position exprimée par Francis Vercamer et celle de Jean-Louis Borloo devrait lire l’édition de ce matin du Figaro ; pardonnez cette publicité. Ils y signent tous deux une tribune à propos des méthodes employées par le Gouvernement avec le Parlement.

Enfin, je suis d’accord sur la portée de ce projet de loi et sur le fait que c’est une réponse partielle qui est apportée à la question du chômage des jeunes. Le groupe UDI votera donc cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce début d’année 2013, que je souhaite fructueuse et positive pour notre économie et nos concitoyens, le Gouvernement nous propose un texte issu d’une promesse du candidat François Hollande lors de l’élection présidentielle de 2012. Mes souhaits pour 2013 ne me semblent malheureusement pas d’actualité, compte tenu des projets du Gouvernement.

Dans la partie « Combattre le chômage qui frappe particulièrement les jeunes et les seniors », le programme du candidat Hollande prévoyait en effet trois propositions : le contrat de génération, projet dont nous sommes saisis ; les emplois d’avenir, mesure que la majorité a déjà adoptée ; la sécurisation des parcours professionnels, notamment à travers la formation professionnelle.

Ce sont trois propositions pour enrayer le chômage des jeunes, véritable fléau, dont le taux s’élève à presque 25 % des actifs de la classe d’âge 15 à 24 ans et le chômage des seniors. Le taux de chômage s’élève effectivement à près de 7 % pour les plus de cinquante ans. Cela fait un total de 1,2 million de personnes, et ce sans compter les non-inscrits à Pôle Emploi.

Afin de répondre à cette situation, le Gouvernement se borne à appliquer le projet du candidat, qui consiste en la création des emplois dits d’avenir, soit 150 000 contrats sur deux ans, en la création des contrats de génération – lesquels, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, ne créeront que 21 000 emplois nouveaux par an, comme cela vient d’être rappelé – et une sécurisation des parcours professionnels dont on ne connaît pas encore l’ampleur ni l’importance.

Enfin, le coût de ces deux premières mesures s’élève aux alentours de 5 milliards d’euros pour 250 000 emplois nouveaux sur cinq ans. La majorité se satisfait apparemment de cette réponse au million de personnes appartenant à ces classes d’âge qui attendent, elles, une vraie réponse à leurs problèmes.

À cela s’ajoutent une avalanche de taxes votées dans le cadre des récentes lois de finances et de financement de la sécurité sociale et un mépris total pour les créateurs d’entreprise et les chefs d’entreprise de notre pays, qui se manifeste au travers des mesures fiscales adoptées et prévues et des déclarations de certains membres de la majorité et même du Gouvernement, un environnement fiscal et législatif incertain et un flou des plus grands dans la communication gouvernementale sur tous ces sujets.

Alors que cela fait maintenant cinq trimestres que le chômage ne cesse d’augmenter, il est regrettable que le Gouvernement et sa majorité ne fassent qu’appliquer, dans un but purement électoraliste qui ne sera pas atteint, les promesses du candidat à la présidence. Depuis le mois de mai, le climat s’est manifestement détérioré. Tous les indicateurs sont dans le rouge. Et vous vous entêtez dans des solutions de facilité !

L’année 2012 s’est achevée avec un taux de chômage de 10,5 % et, selon certains, on peut craindre que la barre des 11 % ne soit franchie en 2013.

J’en viens au texte qui nous est présenté. Celui-ci transpose – vous l’avez rappelé – l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, adopté à l’unanimité par les partenaires sociaux. Nous ne pouvons que saluer ce dialogue social fructueux.

Vous connaissez mon attachement à ce dialogue : j’ai le plus grand respect pour le travail qui a été fourni par les partenaires sociaux. Il est dorénavant du rôle du législateur de prendre ses responsabilités et d’adopter, de rejeter ou d’amender le projet que vous nous présentez. Par notre vote, nous exprimons la volonté générale : rien ne saurait entraver cette liberté, comme l’a rappelé M. Vercamer il y a quelques instants. Je dis cela malgré tout notre respect pour les syndicats des salariés et du patronat. Par ailleurs, les partenaires sociaux avaient déjà en tête la grande négociation qui s’est déroulée la semaine dernière : je pense que c’est peut-être là une raison cet accord a minima.

Je souhaite éclairer, au nom de mon groupe, la représentation nationale sur les raisons qui justifient un renvoi en commission du texte proposé.

Premièrement, ce contrat de génération est assez peu intergénérationnel. Il part d’une belle idée : chacun saura le reconnaître. Chacun saura reconnaître aussi que le texte que nous examinons aujourd’hui est considérablement éloigné de la proposition du candidat François Hollande. Son engagement n° 33 mentionnait un tutorat pour préserver les savoir-faire. De plus, François Hollande parlait dans son discours du Bourget d’une « réconciliation entre les âges », d’une « alliance des générations ». Ces belles paroles ne sauraient cacher que le contrat de génération qui nous est aujourd’hui proposé n’a plus rien d’intergénérationnel.

Pas de tutorat, ni d’accompagnement, ni de compagnonnage : simplement des aides attribuées à un jeune et un senior qui peut-être ne se croiseront jamais dans l’entreprise. Force est donc de constater que les ambitions de candidat Hollande sont aujourd’hui réduites à une obligation de négocier sur la transmission des savoirs dans les entreprises de plus de 50 salariés. C’est déjà beaucoup, mais ce n’est plus tout à fait ce qui était annoncé. Toutefois, si les partenaires sociaux ont estimé, en se basant sur leur expérience, que le senior n’était pas forcément le bon tuteur, faisons-leur confiance pour conclure des accords qui feront vivre dans l’entreprise cette notion de partage des savoir-faire et des compétences entre les générations.

Des contrats déjà existants permettent le transfert de ces compétences, comme le contrat d’apprentissage ou le contrat de professionnalisation, pour ne citer qu’eux. Il est regrettable de ne pas y lier le contrat de génération. Le précédent Gouvernement avait permis des avancées, particulièrement concernant l’alternance. Au lieu d’éparpiller ses efforts, surtout financiers, dans de nouveaux dispositifs dont on sait qu’ils n’atteindront pas leurs objectifs, il aurait peut-être plutôt fallu renforcer ces contrats déjà existants, quitte à y intégrer des dispositions concernant les seniors. Le dispositif que vous proposez, je le crains, risque de porter préjudice à l’apprentissage, qui, d’après les chambres consulaires, semble d’ores et déjà se réduire.

Mme Monique Iborra. C’est faux !

M. Jean-Pierre Door. Votre dispositif crée surtout une énorme usine à gaz, une de plus, dont notre marché du travail n’a pas besoin. La complexité induite par le dispositif est grande : obligation de conclusion d’accords en fonction de la taille de l’entreprise, aide financière pour les entreprises de moins de 300 salariés et pénalités pour celles de plus de 300 salariés… En outre, le licenciement de salariés est rendu encore plus compliqué, alors que nos entreprises ont besoin de plus de flexibilité.

Ne parlons pas non plus de la charge de travail imposée à Pôle Emploi, qui devra verser les aides alors qu’il a déjà bien assez à faire avec la situation actuelle du chômage, ou de l’obligation de validation de l’accord d’entreprise par l’administration, qui rallongera probablement considérablement la mise en œuvre des contrats.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Vous vous préoccupez plus de Pôle Emploi que de l’emploi !

M. Jean-Pierre Door. Vous maniez également la carotte et le bâton, monsieur le ministre : nous vous l’avons déjà dit en commission. Vous utilisez la carotte sans le bâton, pour les entreprises de moins de 50 salariés, et appliquez le bâton sans la carotte aux entreprises de plus de 300 salariés.

Ces remarques faites, je développerai deux objections qui nous semblent fondamentales. Tout d’abord, comme l’a dit tout à l’heure M. Vercamer, ce contrat de génération favorise les effets d’aubaine. C’est là une première objection fondamentale : le contrat de génération, dans sa forme actuelle, ne peut que favoriser les effets d’aubaine. D’ailleurs, par parenthèse, pendant la campagne des élections primaires au parti socialiste, Laurent Fabius avait considéré que ce contrat de génération serait une nouvelle niche fiscale. Mme Aubry avait elle aussi émis certaines réserves. Je ferme ici cette parenthèse.

Il semble que l’effet incitatif de ce dispositif tant valorisé par la majorité ne sera en réalité que très limité. Nous savons bien qu’une prime annuelle de deux fois 2 000 euros ne pourra réellement aider à l’emploi de deux salariés dont le coût salarial dépassera 40 000 euros par an.

Cet effet incitatif étant limité, il est faux de présenter le contrat de génération comme un outil massif de lutte contre le chômage. En effet, seules les entreprises qui comptaient déjà embaucher le feront. Le contrat de génération ne créera pas d’emploi, mais baissera ponctuellement le coût du travail pour les entreprises déjà en capacité de créer de l’emploi.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cela crée de l’emploi !

M. Jean-Pierre Door. L’emploi ne se décrète pas, monsieur le rapporteur ! Il ne peut répondre à une gestion technocratique ! La courbe du chômage ne consulte pas les objectifs du Gouvernement. En clair, c’est seulement quand les carnets de commande des entreprises sont bien remplis que l’on crée de l’emploi.

Je le répète, selon certains économistes de l’OFCE, le contrat de génération ne devrait pas créer plus de 100 000 emplois nets sur l’ensemble du quinquennat.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est déjà pas mal !

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est malheureusement pas assez pour inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année, malgré les grandes espérances du Président de la République et de tous nos collègues.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Door. Ce contrat de génération n’aura que des effets limités en matière de lutte contre le chômage.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est toujours mieux que ce que vous avez fait !

M. Jean-Pierre Door. Est-ce assez, mes chers collègues, pour justifier une dépense d’un milliard d’euros par an en régime de croisière ? Nous ne le croyons pas.

C’est là le deuxième point, pour nous essentiel, que je souhaite aborder : ce nouveau contrat n’est pas financé. Chers collègues de la majorité, vous avez déjà fourni un effort déraisonnable par les dispositions du budget 2013, en y intégrant le financement des emplois d’avenir. Ce dispositif coûtera 500 millions d’euros dès 2013. 2,3 milliards d’euros d’autorisation d’engagement sont prévus pour les trois ans à venir. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous disions déjà que la dépense était somptuaire au regard de l’objectif de 150 000 emplois d’avenir. Nous ne disions pas qu’il faut laisser la jeunesse au bord du chemin : bien au contraire, nous souhaitons majoritairement l’aider. Nous disions que nous aurions pu faire mieux avec moins, en adaptant les contrats aidés et les nombreux dispositifs ciblés sur la jeunesse en difficulté dont nous disposons déjà. Plus que la bataille de l’emploi, j’ai l’impression que vous menez la bataille de la communication !

Plutôt que de faire face à l’accélération préoccupante des chiffres du chômage, vous brandissez des recettes prétendument miraculeuses : les emplois d’avenir et le contrat de génération. Or les 150 000 emplois d’avenir et les 500 000 contrats de générations resteront anecdotiques rapportés aux 3,2 millions de chômeurs que compte notre pays aujourd’hui, dont 1,2 million dans les deux classes d’âge ciblées. Même quand vous lancez une grande négociation sur la sécurisation de l’emploi – ce dont on ne peut que se féliciter – vous faites l’impasse sur la formation professionnelle. Nous souhaitons vous entendre bientôt sur ce sujet. La formation professionnelle est en effet le seul véritable levier de retour vers l’emploi !

Ce qui ne sera pas anecdotique, en revanche, c’est la charge de la dépense engagée pour ces contrats : 2,3 milliards d’euros pour les emplois d’avenir et au moins 2,5 milliards d’euros pour le contrat de génération. Je crois que nos comptes publics s’en souviendront longtemps !

En attendant, l’ampleur de la communication sur ces nouveaux contrats n’a d’égale que l’opacité de leur financement. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, M. le ministre Michel Sapin a déclaré que le contrat de génération serait intégré au pacte de compétitivité et financé dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Il serait donc financé par les mesures fiscales que nous avons votées et les diminutions de la dépense publique que nous devrions voter.

Il est extraordinaire d’intégrer le financement du contrat de génération à celui d’une mesure qui n’est pas elle-même financée ! Sur les 20 milliards d’euros que coûtera le CICE, 7 milliards seraient compensés par la hausse des taux de TVA prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2012. Et encore, nous savons que les recettes issues de la TVA ne sont pas stables, a fortiori quand les taux intermédiaires, qui pénalisent notre tissu économique, sont augmentés. En outre, nous n’avons pas vu la couleur de la fiscalité verte, censée participer à hauteur de 3 milliards d’euros au financement du CICE. Enfin, nous ne savons toujours pas d’où viendront les 10 milliards d’euros de diminution de dépenses publiques que vous comptez réaliser pour parachever le financement de ce crédit d’impôt.

D’ailleurs, que penser de la volonté même d’intégrer le financement du contrat de génération au crédit d’impôt ? Le montant affecté par le Gouvernement au CICE n’est donc pas de 20 milliards : il faut en ôter les quelques milliards que coûteront les contrats de génération. Ou alors, peut-être le Gouvernement pense-t-il que ces 20 milliards d’euros ne seront pas épuisés et qu’il restera de la trésorerie pour financer le contrat de génération ? Décidément, malgré une conversion tardive, le Gouvernement a bien du mal à prendre au sérieux cette politique de compétitivité.

Dans tous les cas, le financement de ce nouveau contrat manque de clarté. Il est donc nécessaire de renvoyer ce texte en commission.

Vous voulez faire adopter ce texte rapidement, comme, d’ailleurs, la majorité des textes qui nous ont été soumis. Ce n’est pas en donnant l’impression de prendre des décisions que vous allez redonner confiance aux Français. Au contraire, c’est en permettant au Parlement de travailler de façon plus raisonnée que vous pourrez donner aux Français des projets plus aboutis et plus sûrs.

En conclusion, le dispositif du contrat de génération souffre de deux défauts : il n’est pas assez incitatif pour créer de l’emploi, mais il est déjà trop lourd pour les finances publiques. Il ne saurait faire évoluer les chiffres du chômage mais il saura parfaitement grever les finances publiques. Limiter le coût du dispositif et les effets d’aubaine qu’il engendre tout en renouant avec l’idée d’un tutorat est pourtant possible. Nous souhaitons le faire. Pour cela, il faudrait revenir à la vocation initiale de ce dispositif et le mettre au profit des entreprises et des publics qui en ont réellement besoin. Je pense aux entreprises qui appartiennent à des secteurs d’activité clés de notre économie et où les métiers sont menacés faute d’attractivité, ainsi qu’aux jeunes peu diplômés qui souffrent de la concurrence de leurs pairs plus qualifiés pour accéder au marché du travail.

Cela justifie un renvoi de ce texte à la commission des affaires sociales, saisie au fond.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non, non !

M. Jean-Pierre Door. Nous proposons en outre la saisine pour avis d’autres commissions. Puisque le contrat de génération fait partie intégrante du pacte de compétitivité, pourquoi ne pas demander l’avis de la commission des affaires économiques ? Et puisqu’il n’est pas financé, pourquoi ne pas demander l’avis de la commission des finances ?

Je vous demande, donc mes chers collègues, de renvoyer ce texte en commission des affaires sociales. L’opacité de son financement, les risques trop grands d’effets d’aubaine qu’il comporte, la forte probabilité qu’il rate sa cible, sa méconnaissance de l’alternance, de l’apprentissage et du tutorat : tous ces éléments plaident en faveur de l’adoption de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’ai déjà entendu un certain nombre d’arguments développés par M. Vercamer. Je ne reviendrai donc pas sur l’ensemble de ces éléments. J’ai d’ailleurs compris votre intervention comme un plaidoyer contre ce dispositif plutôt que comme une argumentation tendant à le renvoyer en commission, au motif que vous n’auriez pas eu le temps d’approfondir vos travaux. Vous avez plutôt soutenu une position politique – ou une posture.

Je reviendrai néanmoins sur certaines de vos affirmations, qui ne sont pas complètement vraies. Vous avez notamment indiqué que ce dispositif concurrencerait l’apprentissage. Certains responsables de chambres consulaires vous auraient d’ores et déjà dit que l’apprentissage est en régression dans notre pays. Je vous indique que les chiffres relevés au cours des douze derniers mois montrent au contraire un accroissement de 3,5 % de l’apprentissage. Je ne dis pas que cette évolution est vouée à se poursuivre ; simplement, à l’heure où je vous parle, nous constatons une croissance du nombre d’apprentis dans notre pays par rapport à la situation que nous avons trouvée il y a un an.

Vous nous dites que le projet originel, tel qu’il figurait dans le programme de François Hollande, reposait sur une belle idée, celle de l’accompagnement, du tutorat, de l’insertion et du parcours du jeune dans l’entreprise, mais que le projet dont nous débattons l’a dénaturée. Ces craintes n’ont pas de fondement. Je l’ai déjà dit à la tribune, tout à l’heure, mais j’accepte de le répéter : l’accord national interprofessionnel relatif au contrat de génération d’octobre 2012 prévoit que « tout jeune recruté bénéficiera d’un parcours d’accueil dans l’entreprise et d’un référent ».

Ces parcours seront organisés suivant des accords de branche, des accords d’entreprise qui permettront, effectivement, d’adapter au mieux les modalités de transmission de compétences. Ce peut être le tutorat, le référent, l’accompagnement ou le parcours d’accueil des jeunes. Cette mesure n’a pas été financée avec les deniers de l’État mais grâce aux fonds gérés paritairement par les partenaires sociaux, et ce à travers du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Les partenaires sociaux croient à ce point à l’accompagnement et au contrat de génération qu’ils ont, après avoir dialogué, accepté de consacrer de l’argent à l’insertion des jeunes dans l’entreprise et de permettre ainsi son succès.

Vous avez commencé votre propos en précisant que ce texte actait dans la loi un engagement d’un candidat à l’élection présidentielle…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas une critique !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …– je vous le confirme –, et ce au même titre que les emplois d’avenir.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je crois qu’il est bon que nous donnions des gages à la nation, donc que les engagements pris devant la nation soient tenus. C’est vrai pour les emplois d’avenir, c’est vrai pour le contrat de génération, ce le sera grâce à vous, dans quelques semaines, pour la sécurisation. Ce sont les trois mesures les plus emblématiques, les plus connues, mais il y en aura d’autres, comme il y en a d’ailleurs eu d’autres. La diminution du coût salarial grâce au crédit impôt compétitivité emploi contribue à alléger la masse salariale, donc à favoriser effectivement l’entrée ou le maintien dans l’entreprise d’un certain nombre de salariés.

Je l’ai dit tout à l’heure, nous travaillons à livre ouvert. D’autres dispositions, lesquelles n’ont pas forcément fait la une des journaux ou des débats pendant la campagne présidentielle, seront prises. Il s’agit, en effet, de mesures importantes pour les entreprises, mais quelque peu techniques pour nos concitoyens. Vous parlez ainsi beaucoup de l’apprentissage, les uns et les autres semblant ne pas vous satisfaire des lois qui en permettent aujourd’hui le développement dans notre pays. Pourtant, certaines ont tenté de créer de nouveaux dispositifs, n’est-ce pas, monsieur Cherpion ! Je vous indique donc que vous serez saisis, avant l’été, d’un projet de loi visant à la promotion et au développement de l’apprentissage.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous souhaitez développer la formation professionnelle.

M. Jean-Pierre Door. Plus vite !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous aussi, car nous constatons, effectivement, qu’il existe, sans doute, des marges de progression. Vous pourrez prendre connaissance, en mars prochain, à l’issue d’une communication de Marylise Lebranchu sur l’acte III de la décentralisation, d’une quinzaine d’articles nouveaux. Des dispositifs plus cohérents seront ainsi entre les mains des régions, que la loi de 1982 dote d’une compétence, mais qui ne disposent pas, pour autant, de tous les outils.

Vous le voyez, et je le répète, c’est une succession de textes cohérents, c’est la construction d’un puzzle. Or, à chaque fois que nous proposons des textes favorisant le développement des compétences des jeunes dans notre pays, leur insertion dans l’économie et incitant les chefs d’entreprise à embaucher, vous nous dites qu’ils sont trop modestes, anecdotiques. Or, à la fin de l’année, quand ces six textes seront adoptés, vous n’en aurez voté aucun et, pourtant, ces mesures et solutions mises bout à bout changeront la donne.

Je vous demanderai donc, sur la base de cette argumentation, de rejeter cette motion, même si cela doit effectivement, monsieur le député, vous priver de l’opportunité de travailler dans l’excellente ambiance de la commission des affaires sociales, car c’était sans doute cela votre vraie motivation ! (Sourires.) Je n’ai, en tout cas, trouvé aucune motivation qui justifie sur le fond un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je rejoins, bien entendu, les propos de M. le ministre. J’ajouterai que j’ai trouvé, dans le discours de notre collègue Door, quelques incohérences assez extraordinaires.

À vous entendre, monsieur Door, notre mobilisation ne serait pas assez forte. Vous listez toutes les mesures déjà prises par le Gouvernement, vous nous expliquez que d’autres sont à venir, mais vous estimez, dans le même temps, que cette mobilisation n’est finalement pas suffisante. Je serais tenté de vous répondre que l’on ne peut pas en même temps expliquer que des dispositifs se mettent en place et soutenir que les outils nécessaires à la lutte contre un chômage en progression ne sont pas prévus.

La deuxième incohérence est, me semble-t-il, la plus notable. Vous nous expliquez, monsieur Door, que le dispositif du contrat de génération n’est pas assez incitatif. Mais vous ne cessez, parallèlement, d’affirmer que cela provoquera un effet d’aubaine pour les entreprises. Soit ce n’est pas incitatif et cela ne peut alors provoquer un effet d’aubaine ; soit ça l’est et cet effet d’aubaine a été encadré grâce à nos amendements. Vous considérez, au bout du compte, et c’est la troisième incohérence, que, faute d’être incitatif, ce dispositif ne fonctionnera pas et qu’il sera, en dépit de tout, coûteux ! Mais, s’il coûte cher, c’est qu’il fonctionne, monsieur Door, ce qui signifie que nous avons atteint notre objectif : celui de créer des emplois ! Si tel est le cas, qui doit s’en plaindre ? Sûrement pas vous, cher collègue !

Je comprends bien qu’il vous a été difficile de trouver des arguments pour justifier ce renvoi en commission ! Je lirai, ce soir, votre intervention, parce que je pense qu’elle sera extrêmement intéressante pour nos débats à venir : vous avez dit tout et son contraire, cela ne constitue pas une ligne. Cela nous incite, en tout cas, à proposer, bien sûr, de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je partage les propos de M. le rapporteur.

S’agissant du coût et du résultat, monsieur Door, on ne peut, certes, pas lire dans une boule de cristal. Vous ne pourrez, en tout cas, pas nous dire que nous n’aurons pas essayé et c’est ce qui vous embête ! C’est ce qui explique que votre justification est tirée par les cheveux !

Vous nous parlez d’effet d’aubaine. Je crois rêver ! C’est vous qui nous dites cela ! Vous qui avez, pendant cinq ans, tout fait pour alléger les impôts des grandes fortunes et des grands groupes ; vous qui avez créé le bouclier fiscal ; vous qui avez conduit une politique inégalitaire extrêmement forte en matière fiscale ! Vous vous y connaissez, en effet, en effets d’aubaine !

Pour toutes ces raisons, je considère que vos arguments ne sont pas raisonnables et ne justifient absolument pas un renvoi en commission. Nous devons maintenant nous mettre réellement au travail. C’est urgent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Door a souligné le manque d’efficacité de ce texte qu’il déclare insuffisamment incitatif et trop lourd.

Je ne dirai rien des effets d’aubaine, puisque je partage totalement ce que vient de dire mon collègue.

Je rappellerai simplement à M. Door que si nous pouvons, effectivement, nous interroger sur la stratégie adoptée et la portée de ce dispositif qui injecte encore de l’argent public au bénéfice d’entreprises privées qui en reçoivent déjà beaucoup sans que ne s’améliore la situation de l’emploi, ce texte a, pour autant, le mérite de chercher à résoudre un sujet grave, à lutter contre un terrible fléau. Je le répète, personne ne peut lire dans le marc de café. Nous ne manquerons pas évidemment de dresser, y compris au Parlement, un bilan, comme le prévoit d’ailleurs ce texte de loi et nous ferons une analyse critique pour apporter éventuellement des modifications.

En tout état de cause, je pense sincèrement qu’à ce jour, le renvoi en commission ne répondra pas aux questions posées par M. Door. Ce n’est pas une bonne proposition. Nous voterons donc contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Il y a un point positif dans ce que vous avez dit, monsieur Door. J’ai, en effet, bien noté que vous avez repris les analyses selon lesquelles ce texte créera tout de même 100 000 emplois. Si l’on ajoute à cela la vertu incitative et anticipative pour l’emploi des jeunes et préventive pour celui des seniors, ce n’est déjà pas si mal. Mais je pense, pour ma part, que nous ferons mieux.

Pour vous, cette mesure n’est pas assez incitative et est trop chère. Christophe Sirugue a montré la contradiction de votre propos. Qu’avez-vous fait, pour votre part, à votre époque ? La mesure comparable que vous avez prise était le CIE jeunes. Ce dispositif beaucoup plus onéreux avait un effet de substitution pour les entreprises. Il y avait surtout un effet d’aubaine total puisque aucune condition n’était imposée à l’entreprise qui bénéficiait des avantages de la mesure dès l’embauche d’un jeune. Vous vous en êtes vous-mêmes aperçu, ce qui vous a amenés à y renoncer.

Je vous répondrai sur deux aspects : l’urgence et l’exemplarité de la démarche suivie.

L’urgence : le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % et 90 % des embauches des jeunes se font sous la forme de CDD, avec l’explosion de CDD très courts, inférieurs à un mois. Ainsi, aujourd’hui, moins d’un jeune salarié sur deux bénéficie d’un CDI. À l’autre extrémité de la pyramide des âges, l’emploi des actifs n’est que de 41 %. Il est donc nécessaire de prendre une mesure simple, claire, efficace et adaptée aux différents types d’entreprises, mesure qui consolidera les emplois d’avenir et sera un soutien à l’alternance.

Cette démarche est, enfin, exemplaire. Fruit d’une large concertation, elle résulte du travail des partenaires sociaux. C’est encore plus vrai après ce qui s’est passé ce week-end. Ainsi, ceux qui prendraient le risque de s’opposer à un accord unanime des partenaires sociaux, resteraient étrangers à ce qui se passe dans le pays et ne seraient pas dans la voie de l’histoire.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Jean-Patrick Gille. Pour conclure, j’ajouterai qu’à chaque étape, que ce soit lors des primaires, vous l’avez rappelé, ou lors de la campagne présidentielle, que ce soit à l’occasion des réunions de travail des partenaires sociaux ou du travail en commission, cette mesure a été l’objet d’un consensus.

Puisque nous sommes encore dans la période des vœux, je forme celui de retrouver ce même consensus dans l’hémicycle et je vous invite tous, chers collègues, à rejeter cette motion de renvoi en commission de pure forme, afin de passer à l’examen des articles.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Pour lutter contre la hausse continue et inquiétante du chômage dans notre pays, le Gouvernement a proposé le contrat d’avenir, énième contrat aidé…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Emploi d’avenir ou contrat de génération ?

M. Guillaume Chevrollier. Je parle du contrat d’avenir, énième contrat aidé, qui ne concerne que le secteur marchand et, aujourd’hui, du contrat de génération.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Emploi d’avenir et contrat de génération, mais pas contrat d’avenir !

M. Guillaume Chevrollier. Emploi d’avenir et contrat de génération, en effet !

Ce contrat de génération a toutes les caractéristiques des projets socialistes. Il part d’une bonne idée, mais aboutit à quelque chose de lourd, comme l’a parfaitement exposé mon collègue Jean-Pierre Door. Il sera, en effet, compliqué et cher pour un résultat final qui ne sera pas celui escompté.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il lit dans le marc de café et dans une boule de cristal !

M. Guillaume Chevrollier. On le constate d’ailleurs. Votre gouvernement, dès son arrivée, a fustigé les entrepreneurs. Les chefs d’entreprise ont été fiscalement matraqués. Croyez-vous que ce soit le bon moyen d’encourager les investisseurs dans notre pays, ces investisseurs qui créent les emplois ?

S’agissant du projet lui-même, créer un binôme senior-jeune paraît effectivement intéressant. C’est une transmission de compétences. Cela a été dit, le chômage des jeunes est élevé et les seniors dans l’entreprise rencontrent des problèmes pour conserver leur emploi ou en retrouver un. Ces deux tranches d’âge représentent un public en difficulté. Or le précédent gouvernement avait déjà agi…

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’était efficace ?

M. Guy Teissier. Oui !

M. Guillaume Chevrollier. …pour changer les mentalités envers les seniors, en mettant fin, notamment, aux préretraites, et envers les jeunes grâce à l’existence des contrats passerelles et à la promotion permanente de l’apprentissage et du contrat en alternance, comme l’a indiqué mon collègue.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Guillaume Chevrollier. Vous proposez, aujourd’hui, un nouveau contrat qui aura des effets pervers tels que l’effet d’aubaine. L’Association nationale des DRH a indiqué que des entrepreneurs avaient, de toute façon, l’intention de recruter des jeunes.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Guillaume Chevrollier. Or ils bénéficieront du dispositif, d’où un effet d’aubaine.

Autre point essentiel : le coût élevé du projet qui s’élève à plus de 1 milliard. Il n’est pas financé par des réductions de dépenses publiques, mais grâce à l’argent dévolu au pacte de compétitivité.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Guillaume Chevrollier. Je conclurai en disant que ce texte est, électoralement parlant et on peut le comprendre : associer un senior et un jeune est vendeur ! C’était dans votre programme !

Mme la présidente. Votre temps est largement écoulé…

M. Guillaume Chevrollier. Mais aujourd’hui on en appelle plutôt à un choc de compétitivité au service de l’emploi…

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

Mme la présidente. Merci !

Je vous rappelle, monsieur le député, que vous interveniez dans le cadre des explications de vote sur la motion et que vous disposiez à ce titre de deux minutes pour vous exprimer.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Vous vous doutez bien que le groupe UDI votera cette motion, et ce pour plusieurs raisons.

La première tient au problème du délai pour le dépôt des amendements. Nous avons reçu un dossier de presse mercredi soir et devions déposer nos amendements pour lundi : nous avons eu trois jours pour procéder aux auditions et vérifier si le texte proposé correspondait à l’accord national interprofessionnel. Le texte comporte six articles alors que l’accord fait dix pages : le premier reprend-il la quintessence du second ? Je ne le sais pas aujourd’hui car les partenaires sociaux ont des avis divergents sur la question.

Ensuite, il ne vous aura pas échappé que c’est le texte de la commission qui est discuté en séance. Il est donc important que la commission puisse travailler sereinement. Or trois jours, après l’audition du ministre, pour travailler et déposer des amendements, cela nous paraît très court.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Pour six articles !

M. Francis Vercamer. Je ne retrouve pas le tutorat dans votre texte, alors que c’est un élément important de l’accord national interprofessionnel, évoqué par le Président lui-même. Tout comme M. Door, cela nous surprend, et nous avons donc déposé des amendements pour y remédier.

Enfin, ce n’est pas parce que nous 500 000 contrats seront signés que seront créés 500 000 emplois. Nous savons bien que, dans certains cas, des CDD seront transformés en CDI, et que d’autres emplois auraient été créés même en l’absence de la loi. Par conséquent, le coût du dispositif pour les emplois effectivement créés sera difficile à évaluer. À ce titre, je suis déçu par l’étude d’impact qui nous a été fournie en commission et qui est relativement pauvre.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

Mme la présidente. Les explications de vote étant terminées, je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de commencer notre année par un sujet qui devrait nous occuper à temps complet, si j’ose dire : l’emploi.

Alors que notre assemblée a débattu tout au long de l’automne des questions financières, l’endettement de l’État et le bilan calamiteux, de la droite ont été maintes fois rappelés sur nos bancs. S’agissant de l’emploi, ce bilan est hélas tout aussi calamiteux et la dette de l’État ne trouve son équivalent que dans la courbe du chômage, qui n’a cessé de monter au cours de ces dix dernières années.

Pourtant, il y a une différence majeure, qui réside dans le fait que l’État peut se refinancer sur les marchés financiers pour pallier au déficit de ses recettes publiques – on voit d’ailleurs qu’il le fait à des taux très concurrentiels, malgré les prédictions que la droite faisait lors de la perte de notre fameux triple A, il y a bientôt un an.

Malheureusement, ce n’est pas le cas des chômeurs ou des précaires qui affrontent la crise de plein fouet. Les journaux sont remplis de leurs histoires. La semaine dernière encore, on nous présentait le cas de cette mère isolée qui préférait sauter des repas pour assurer celui de ses enfants. Quand on atteint de telles extrémités à quelques rues de notre Parlement, on n’en est plus à débattre du superflu, chers collègues, mais bien d’une extrême urgence sociale, si tant est que cette expression, souvent utilisée à tort et à travers, soit encore porteuse de sens parmi nous.

Oui, la responsabilité politique de l’actuelle opposition, qui, drapée dans ses théories économiques, a joué les apprentis sorciers pendant dix ans et conduit nos compatriotes sur le chemin de la pauvreté, est immense.

Aujourd’hui, le chômage et la précarité frappent de très nombreuses personnes, cela a été rappelé. Si l’on tient compte des quatre catégories de Pôle Emploi, leur nombre se porte à plus de 5 millions. Mais nous savons que les inégalités n’ont cessé de se creuser. Dans un contexte de désolidarisation grandissante, les entreprises ont souvent préféré opérer leurs choix de recrutement en faveur de salariés dits intermédiaires, c’est-à-dire ni trop jeunes ni trop vieux, ni trop inexpérimentés ni trop chers.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Un peu comme nous ! (Sourires.)

M. Christophe Cavard. En employant ces salariés disposant d’une expérience suffisante, elles ont pu limiter leur investissement dans la formation continue. En accompagnant les salariés âgés vers la sortie, elles ont limité le coût de l’ancienneté et socialisé le coût de ces préretraités au détriment des régimes de retraite et de chômage.

Dans ce contexte, l’abrogation de la loi TEPA, qui renforçait l’inégalité et le chômage des jeunes et des seniors, était bien une mesure de justice et d’efficacité économique, et je tiens encore une fois à la saluer.

Je disais donc que la politique menée jusqu’ici a été désastreuse pour l’ensemble de notre économie. Sur les individus, les dégâts sont énormes, nous le savons. Et pour continuer à dire que ce qui est mauvais pour les individus est bon pour notre économie, il faut être aveugle !

Ce système n’a pas su améliorer la compétitivité de nos entreprises. Cette pyramide inégalitaire des âges contribue pourtant fortement à réduire le coût du travail des entreprises en diminuant les coûts de formation et en limitant la progression salariale à l’ancienneté. Pire encore, en détériorant le marché de l’emploi, donc en accentuant la pauvreté, nous avons affaibli la consommation intérieure et renforcé la spéculation financière des entreprises du CAC 40.

Je finirai ce tableau introductif en revenant sur une question trop souvent écartée des débats sur l’emploi : la prise en compte des caractéristiques démographiques de notre population. Une étude de la DARES du milieu des années 2000 expliquait que la pyramide des âges était favorable à une résorption rapide du chômage à l’horizon des années 2013-2019. L’argument est bien simple. La génération dite du baby-boom est aujourd’hui proche de la retraite, quand elle n’y est pas déjà. Au moment où le chômage atteint un tel niveau, privant les caisses de sécurité sociale des cotisations fondamentales des employés, le caractère explosif de la situation est évident.

Sans tomber dans une trop grande spéculation, je ne peux que m’interroger sur le lien qui existe entre le maintien d’un chômage très élevé, la casse programmée de nos outils de solidarité et le gel des progressions salariales au sein de l’entreprise. La montée en puissance des retraites par capitalisation et des systèmes privés de sécurité sociale est ici fort significative.

Cette donnée démographique est un risque mais aussi une opportunité. Un risque, je viens d’en parler, pour l’équilibre et le maintien de notre système général de solidarité et notre cohésion sociale. Mais c’est surtout une opportunité pour tenter de réduire durablement et conséquemment le chômage en permettant à des jeunes d’accéder plus rapidement à de vrais emplois et à des salariés âgés de rester dans l’emploi en continuant à progresser et en participant à la formation et à la transmission des savoir-faire.

Aujourd’hui, nous examinons le projet de loi créant le contrat de génération, qui s’inscrit dans une série de lois de notre gouvernement et qui affiche la détermination de notre majorité à rompre enfin avec l’immobilisme. Nous ne considérons pas chacun de ces outils comme la solution à lui seul ; il s’agit, cela a largement été rappelé, d’un ensemble.

Je veux m’arrêter sur l’esprit de cette loi et faire un parallèle avec l’aboutissement des négociations sociales auxquelles nous venons d’assister et qui se traduiront dès le printemps par un débat législatif au sein de la représentation nationale. Comme nous avons pu l’affirmer dès samedi, les écologistes saluent l’aboutissement du dialogue qui affirme la volonté du Gouvernement de renforcer la négociation collective par rapport à la loi ou au règlement.

Cet accord réalise en outre de véritables avancées, notamment en matière de droits rechargeables à l’indemnisation chômage pour les salariés, ou encore en matière de formation. Malheureusement, il semble encore trop frileux sur la représentation des salariés dans la gouvernance de nos entreprises. Si les représentants des entreprises se disent favorables à la négociation plutôt qu’à la loi, il faudra qu’ils donnent des gages en matière de concrétisation des outils de dialogue.

J’en profite pour rappeler que le champ de l’économie sociale doit être pensé, plus que jamais, comme un champ d’expérimentation décisive de notre économie vers le dialogue et la co-construction. Je salue d’ores et déjà le travail engagé par le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, Benoît Hamon.

La loi sur le contrat de génération a pour objet de renforcer la présence dans nos entreprises des salariés issus des deux extrêmes de la pyramide des âges. En liant un senior et un junior par un contrat commun, le projet choisit de s’attaquer à cette question maintes fois débattue mais rarement tranchée. L’intention est de créer un véritable facteur de cohésion sociale : éviter l’opposition des individus, favoriser la coopération entre générations, cela, me semble-t-il, fait du bien.

À l’instar des négociations qui viennent d’aboutir, ce contrat est issu de la négociation et entend la poursuivre dans sa mise en œuvre au sein de chaque entreprise. Nous saluons une fois de plus la méthode retenue. Cette solution est l’affirmation qu’il existe une troisième voie possible entre le « tout marché » et le « tout État ». Pour nous, c’est le dialogue, la décentralisation du dialogue, notamment par le travail de nos collectivités territoriales, la valorisation des modes alternatifs au marché, mais aussi l’État, qui peuvent nous sortir des crises que nous subissons.

Je voudrais faire ici un parallèle évident. Si le débat est promu dans le dialogue social, s’il est considéré comme un moyen au service de l’intérêt général et de la cohésion politique de notre pays, il doit en être de même au sein de la représentation nationale et a fortiori au sein de notre majorité. J’aurai donc notamment l’occasion de défendre avec mon collègue Christophe Sirugue, rapporteur, un amendement renforçant les garanties des salariés en matière de formation, et j’espère que notre majorité saura garder un esprit constructif sur les amendements que nous présenterons au cours du débat.

Concernant ce projet de loi, je voudrais présenter les points qui, selon nous, méritent d’être précisés ou améliorés et sur lesquels je reviendrai plus en détail dans la discussion des articles.

Tout d’abord, le contrat de génération est un engagement de société sur lequel les entreprises doivent prendre leur part de responsabilité. Comme je l’ai déjà dit en commission, la mise en place par l’État du crédit d’impôt compétitivité emploi, avec ses 20 milliards, doit être l’occasion d’acter cet engagement mutuel. C’est le sens de l’amendement que je défendrai, proposant de faire bénéficier le crédit d’impôt aux seules entreprises ayant mis en place les contrats de génération.

Ensuite, nous savons que le débat n’est réellement possible que si les partenaires disposent d’un niveau de connaissance équivalent. La série d’amendements que je propose renforce la participation et le dialogue des instances représentatives du personnel en les associant en amont à la réalisation des plans d’action.

Enfin, l’esprit de la loi reposant sur le dialogue, les outils financiers associés sont encore un peu limités, nous semble-t-il. En relevant les pénalités de 1 à 3 %, nous nous donnerons des garanties dans l’effectivité de la mise en œuvre de ce contrat, tout en faisant confiance aux partenaires sociaux.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, monsieur le ministre, nous voterons ce projet de loi instaurant les contrats de génération, et nous souhaitons construire avec vous un débat digne de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont favorables au projet de contrat de génération. Le dispositif que nous examinons aujourd’hui est une des mesures phares de cette première année de législature. Il est bienvenu qu’elle puisse être mise en place le plus vite possible tant la situation est difficile sur le marché de l’emploi, pour nos concitoyens et surtout pour nos jeunes.

Le contrat de génération s’inscrit dans la volonté de la majorité parlementaire d’apporter des solutions pour inverser la courbe du chômage. L’économie et l’emploi doivent être au cœur de notre action.

Pour mémoire, les emplois d’avenir ont été lancés en novembre, la banque publique d’investissement a été créée pour soutenir l’économie réelle, et, malgré ses imperfections importantes, notamment l’absence de contrepartie que j’ai regrettée lors du débat budgétaire, le crédit d’impôt compétitivité emploi affiche l’ambition de soutenir l’emploi. Il y a, il faut bien le reconnaître, une cohérence d’ensemble. Cela change de l’ancienne majorité !

Depuis huit mois, même si cela déplaît à l’opposition, nous, nous ne restons pas l’arme aux pieds. Nous, nous ne disons pas qu’il n’y a rien à faire et que ce sont les marchés financiers qui doivent décider de tout. Nous, nous ne restons pas les bras ballants, nous sommes concentrés sur la mère des batailles : celle de l’emploi et des conditions de vie de nos concitoyens. J’espère, à l’instar du ministre, que ce projet, soutenu par l’ensemble des partenaires sociaux, sera porté par toute la représentation nationale. Cela permettrait d’envoyer un signal extrêmement fort à l’ensemble de la nation, par le biais du soutien à notre jeunesse.

Le contrat de génération apporte donc une nouvelle pierre à l’édifice de notre travail, et nous tenons tout particulièrement à saluer la démarche de concertation du Gouvernement qui a permis un accord entre les partenaires sociaux sur ce projet essentiel visant à créer 500 000 CDI.

Destiné au secteur marchand, le contrat de génération complète utilement les emplois d’avenir, qui s’adressent au secteur non marchand.

Le contrat de génération s’attaque conjointement à deux fléaux qui gangrènent notre société et notre économie : le chômage des jeunes et le chômage des salariés plus âgés.

Les jeunes sont en effet pleinement touchés par la crise économique. Ils sont près de 700 000 à rechercher un emploi, soit un taux de chômage de 25 %, taux qui ne cesse de progresser chaque mois. Derrière les chiffres du chômage se cache une réalité pénible. Même lorsqu’ils travaillent, à cause de la précarité des emplois qui leur sont offerts, les jeunes se trouvent contraints à rester chez leurs parents. Leur prise d’autonomie est retardée et fait peser un risque important sur leur avenir. En outre, il faut bien le dire, cette situation de cohabitation entre les générations pèse fortement sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes.

Monsieur le ministre, on ne cesse de parler de compétitivité ; or, chacun le sait, les marges de compétitivité d’une économie se mesurent largement à l’aune du taux d’emploi de ses jeunes, de la capacité de la société, du pays à faire confiance à sa jeunesse.

L’entrée tardive des jeunes sur le marché du travail est devenue pour notre économie un vrai boulet. Pour cette raison, il faut investir de façon à soutenir l’emploi des jeunes. C’est ainsi, par exemple, que nombre de jeunes se voient contraints d’accepter des postes pour lesquels ils sont surqualifiés : autant de valeur ajoutée potentielle qui part en fumée !

De même, la situation des seniors n’est guère plus glorieuse. Le taux d’emploi des personnes âgées entre 55 et 62 ans est trop faible, et nous savons bien que, passé cinquante ans, il devient presque impossible de retrouver un emploi.

Le retrait anticipé du marché du travail de ces personnes expérimentées, qualifiées, connaissant parfaitement leur métier, plombe la compétitivité de notre pays. C’est un terrible gâchis. Aussi, plutôt que de mettre en concurrence les générations entre elles, est-il proposé de les unir, de les associer. Nous sommes convaincus que l’amélioration de la situation de l’emploi doit se faire de façon concomitante pour les jeunes et les seniors.

Tel est l’objectif de ce projet de loi. Il s’articule principalement autour de deux dispositions, qui font bien la distinction entre les grandes entreprises et les plus modestes. Je me félicite que l’aide de l’État n’aille qu’aux entreprises de moins de 300 salariés. Ce ciblage permet de limiter les effets d’aubaine, qui ont persisté, et offre un signe fort d’encouragement en direction des PME.

De même, et dans cet esprit, il est légitime de faciliter les démarches administratives des petites entreprises.

Enfin, on ne peut que se satisfaire du dialogue social encouragé par ce projet de loi. Tous les trois ans, les entreprises de plus de 50 salariés devront négocier des accords relatifs au contrat de génération. Cela aidera certainement à anticiper certaines difficultés.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous avons un regard extrêmement positif sur votre projet et, vous le comprendrez, nous voulons apporter, nous aussi, notre contribution à ce texte.

D’abord un regret, qui est je crois partagé par tous : pourquoi n’y a-t-il pas de lien obligatoire permettant l’échange d’expériences et de compétences entre le jeune embauché et le salarié plus âgé ? Pourquoi le texte ne favorise-t-il pas directement les partenariats ? Ce sujet d’interrogation nous semble très important, ainsi qu’à d’autres parlementaires qui l’ont déjà abordé, et j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.

De même, nous souhaiterions que l’aide envisagée ne puisse plus être perçue par l’entreprise à la suite de la démission d’un salarié. Cette disposition existe bien dans le texte, mais seulement dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Or il nous semble important d’inciter l’entreprise à remplacer un jeune salarié démissionnaire.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les remarques et les propositions que je souhaitais vous soumettre.

Ce texte est, de notre point de vue, un atout pour contribuer à redonner confiance à notre jeunesse. En l’aidant, c’est aussi toute la société qui reçoit un signe d’encouragement et de confiance.

Nous voterons donc ce projet, et je ne doute pas que le Gouvernement sera sensible à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Après les emplois d’avenir adoptés il y a à peine trois mois, le Gouvernement aborde dès à présent une étape supplémentaire avec la mise en place des contrats de génération. Ce dispositif se veut ambitieux, novateur et pragmatique. En liant la lutte contre le chômage des jeunes au combat pour l’emploi des seniors, il vise en effet à intégrer et à maintenir à leur poste celles et ceux auxquels le marché du travail offre les conditions les plus défavorables. Au début de la vie active comme en fin de carrière, les salariés sont bien souvent confrontés aux mêmes difficultés : les uns comme les autres subissent le chômage, souvent de longue durée, le temps partiel, les contrats précaires. Ils sont devenus des variables d’ajustement. Leur sort est directement lié aux fluctuations économiques.

Les données fournies par l’étude d’impact qui accompagne ce projet de loi sont un rappel éloquent du sort réservé aux salariés les plus jeunes et les plus âgés. La situation des régions d’outre-mer n’est pas abordée. Elle n’est pas non plus prise en compte dans les statistiques présentées. Le constat est certes le même, mais tout y est amplifié. Une étude d’impact qui accorderait une place à ces régions révélerait qu’à La Réunion 60 % des jeunes sont au chômage, que près de 20 % des seniors y sont à la recherche d’un travail, que le temps nécessaire pour trouver ou retrouver un emploi est plus long, que le chômage de longue durée dure encore plus longtemps, que tous les taux sont lourdement aggravés et qu’aucun équivalent ne se rencontre dans aucun département français, ni dans aucune région européenne.

Cette situation hors normes explique aussi pourquoi l’alliance des générations, destinée à lutter contre le chômage, a déjà eu un précédent dans les régions d’outre-mer. Il s’agit du « congé solidarité » qui avait été instauré par l’article 15 de la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin et qui nous avait fait beaucoup de bien. À bien des égards, le contrat de génération participe de la même logique. L’objectif du « congé solidarité » était de favoriser l’embauche en contrat à durée indéterminée des jeunes de moins de 30 ans par le départ en préretraite des salariés âgés de plus de 55 ans. Ce dispositif spécifique aux départements d’outre-mer a été supprimé en décembre 2007, en dépit de ses résultats et en dépit du soutien unanime que lui accordaient les organisations syndicales et patronales. En sept ans d’existence, il a concerné plus de 3 000 salariés, dont les deux tiers à La Réunion, et environ un millier d’entreprises. L’apport de ce dispositif dans la lutte contre le chômage massif des jeunes et le consensus qui l’accompagne méritent sans aucun doute une attention renouvelée.

C’est en raison de cette expérience qu’il nous apparaît que les bornes d’âge prévues par le projet de loi – 26 ans au plus et 57 ans au moins – pourraient être adaptées à la situation réelle des outre-mer. Pour que les chances de succès de ce dispositif soient au moins équivalentes, les critères d’âge devraient être élargis à moins de 30 ans et plus de 55 ans, comme pour le « congé solidarité ». Cela permettrait en outre d’harmoniser ce nouveau dispositif avec celui des contrats d’avenir qui définit précisément comme prioritaires les territoires ruraux et ultramarins. Cette adaptation coïnciderait d’ailleurs avec la nomenclature de l’Union européenne selon laquelle les seniors sont âgés de 55 à 64 ans.

Mais, vous le savez, l’article 40 veille, et interdit aux parlementaires d’amender le texte en ce sens. Nous comptons donc sur une initiative gouvernementale.

Notre préoccupation est d’aboutir à un dispositif qui aille à la rencontre des potentialités de notre tissu économique. Pour l’essentiel, il est constitué de très petites entreprises, et ces TPE qui, le plus souvent, n’ont pas ou peu de personnel subissent de plein fouet les fluctuations de l’activité. Étant donné les grandes difficultés qu’elles rencontrent en ce moment même pour le paiement des charges sociales, il est raisonnable de s’interroger sur l’accueil qu’elles pourront réserver à ce nouveau dispositif.

Il est à craindre que la baisse du coût du travail induite par le contrat de génération ne soit pas en soi décisive pour déclencher, comme il le prévoit, le recrutement de jeunes en CDI dans le cadre du droit commun. C’est pourquoi il est indispensable que les mesures pour relancer les investissements soient aussi concomitantes que possible à la mise en œuvre des dispositifs pour l’emploi.

La question se pose également de savoir si les coopératives, qui sont des structures créatrices d’emplois durables, et dont les compétences et les savoir-faire méritent d’être soutenus et transmis, figurent parmi les bénéficiaires de ce nouveau dispositif.

Pour différentes raisons et malgré les conséquences désastreuses qui en résultent pour les existences personnelles et pour tous les aspects de la vie sociale, le marché du travail s’est organisé, malheureusement, en repoussant aux marges les deux extrémités de la pyramide des âges. Cette réalité est encore plus marquée lorsqu’il s’agit des femmes. Quand elles sont à la recherche de leur premier emploi, elles doivent surmonter des obstacles supplémentaires et leur niveau de formation ne les protège guère. Quelques décennies plus tard, elles sont plus nombreuses sur le marché du travail, souvent sans emploi, en attendant l’âge de la liquidation de la retraite. En augmentant de deux ans l’âge ouvrant à une retraite à taux plein, la réforme de 2010 aggrave encore cette situation. Si l’on ne peut inscrire dans la loi que le contrat de génération devrait surtout se décliner au féminin, il est certain que la place qu’il accordera aux femmes sera décisive et qu’elle donnera la mesure de son succès ou de son échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Le contrat de génération, proposition majeure du Président de la République, présentée le 3 juillet 2012 par le Premier ministre dans son discours de politique générale, prend une tonalité bien sûr particulière tandis que vient de s’ouvrir l’année de la bataille pour l’emploi.

Il s’ajoute aux réformes et mesures déjà mises en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre un chômage qui n’a cessé d’augmenter ces dernières années.

Ces mesures je les rappelle, car elles attestent d’une mobilisation sans précédent en faveur de l’emploi : emplois d’avenir – plusieurs milliers de contrats ont été déjà signés partout en France ; renforcement des équipes de Pôle Emploi ; dynamique tournée vers la croissance, en France comme en Europe ; pacte de compétitivité ; investissements pour l’innovation, la recherche, l’éducation, les formations ; sans oublier, bien sûr, les accords sur l’emploi obtenus, là encore, à l’issue du dialogue social.

Le contrat de génération est issu d’une conviction forte : l’idée simple et ambitieuse d’une amélioration de l’accès des jeunes à l’emploi durable, qui ne doit plus résulter d’une stratégie consistant à pousser les seniors hors du marché du travail. Dans les entreprises et sur le terrain, deux questions reviennent trop souvent, qui finissent, en période de crise économique, par obséder les salariés. Chez les plus anciens : « Quand allons-nous partir ? ». Chez les plus jeunes : « Quand allons-nous pouvoir entrer, et avec quel statut ? ».

Ce projet de loi, qui repose sur trois objectifs, apporte une réponse claire, fondée sur l’indispensable réconciliation des âges et la solidarité entre les générations : en finir avec l’opposition des jeunes et des moins jeunes.

Le premier objectif est l’emploi des jeunes. Face aux chiffres désastreux du chômage et au constat que l’âge moyen du premier emploi stable ne cesse de reculer – il est aujourd’hui de 27 ans –, il est urgent de permettre aux jeunes d’accéder rapidement à l’emploi durable et de les sortir des contrats précaires. Voilà l’enjeu numéro un de la bataille pour l’emploi.

Le deuxième objectif est le maintien des seniors dans l’entreprise. Le faible taux d’emploi des seniors – 41 % en moyenne – doit être surmonté collectivement, en permettant à ces salariés d’atteindre la retraite sans crainte du licenciement.

Qui, dans cette assemblée, n’a été témoin de situations dramatiques, qui voient des hommes et des femmes privés de leur emploi du jour au lendemain, alors que l’on sait qu’à cet âge il est si difficile de trouver un emploi ?

Le contrat de génération permettra demain à des centaines de milliers de salariés de ne plus subir cette expérience.

Quant au troisième objectif – l’intégration des jeunes dans l’entreprise –, c’est un moment particulier qui nécessite un accompagnement.

Le contrat de génération a été pensé pour favoriser cette intégration en utilisant la formation et les compétences acquises par le jeune et en les renforçant avec les connaissances et les compétences propres à l’emploi qu’il occupe. Quelle rupture !

J’ajoute que, bien que ce ne soit pas sa fonction première, le contrat de génération permettra à des dizaines de milliers d’artisans de transmettre une vie de travail à un jeune repreneur dans de bonnes conditions – ce qui n’est pas rien, quand on connaît les enjeux de cette reprise d’activité pour notre territoire. Je pense notamment aux artisans des territoires ruraux, qui attendaient un signe fort, mais aussi, bien sûr, à tous ces citoyens qui conserveront ainsi leurs services de proximité, ces commerces dont ils ont tant besoin.

Faisant suite à l’important travail d’auditions et de synthèse réalisé avec le rapporteur Christophe Sirugue, le groupe socialiste, républicain et citoyen a déposé des amendements en commission comme en séance. Notre but n’est pas de dénaturer le projet de loi équilibré présenté par le Gouvernement – projet qui répond aux attentes des partenaires sociaux tout en laissant augurer d’un dispositif à la fois pragmatique et audacieux – mais d’apporter un certain nombre de précisions destinées à sécuriser par endroits le dispositif. Il s’agirait d’éviter, par exemple, qu’un salarié puisse être licencié dans le seul but de le substituer par un autre, pour bénéficier de l’aide. Dans un registre similaire, il conviendrait également d’ôter tout risque de voir licenciés des salariés âgés de moins de 26 ans et déjà en CDI, de façon à ce que l’arrivée des uns ne se traduise pas par le départ des autres.

S’agissant de la pénalité pour les entreprises d’au moins 300 salariés et n’ayant pas obtenu d’accord collectif, elle doit bien sûr s’appliquer, mais nous souhaitons éviter un système binaire en donnant à l’autorité administrative compétente la possibilité de fixer le montant de ladite pénalité au regard des efforts consentis par l’entreprise, mais aussi du contexte et de sa santé économique et financière.

Nous proposons également des précisions pour lutter contre toutes les formes de discrimination à l’embauche. C’est important. Il s’agit de garantir l’égalité professionnelle entre hommes et femmes lors de l’établissement de l’accord collectif, et d’assurer la mise en œuvre des objectifs d’accès à l’emploi en portant une attention particulièrement vigilante à la lutte contre tout stéréotype lié à l’âge ou à l’origine.

Il y a également des précisions visant à améliorer et à adapter les conditions de travail des seniors. L’expérience et les compétences acquises par les salariés au cours d’une carrière sont bien trop précieuses pour qu’il n’en soit pas tenu compte.

D’autres précisions visent à éviter les risques d’effets d’aubaine. Nous proposons que les accords conclus avec les représentants du personnel fixent des objectifs chiffrés et précis en matière de recrutement des jeunes en CDI, d’embauche en général mais aussi de maintien des seniors dans l’emploi, juste contrepartie des aides reçues. C’est toujours le souci d’éviter les effets d’aubaine qui motive notre amendement tendant à ce que le versement des aides cesse dès la rupture du contrat par l’une des trois parties ou quand l’un trois objectifs initiaux n’est pas rempli.

Il faut aussi préciser comment laisser vivre les contrats signés en cas d’imprévu, et préserver ainsi la dynamique des entreprises. Nous proposons donc qu’en cas de démission d’un salarié, qu’il soit jeune ou senior, l’employeur perçoive l’aide, plafonnée, pour la durée nécessaire au recrutement d’un salarié en remplacement.

Enfin, nous apportons des précisions pour que le dispositif créateur d’emplois puisse être utilisé par nos entreprises le plus tôt possible. À cet effet, le groupe SRC a proposé que les premiers contrats de génération puissent être signés de manière rétroactive avec effet au 1er janvier 2013.

J’en termine par un aspect important de notre réflexion, que nous souhaitons voir aborder. La règle générale doit être le contrat à durée indéterminée à temps plein. Mais, de façon à tenir compte de certaines situations pouvant conduire à ce que le jeune salarié ne soit pas en recherche d’un plein temps, nous souhaitons que certaines dérogations soient inscrites dans la loi, à la double condition que la demande provienne du jeune et que le temps de travail soit au minimum de 80 % afin de sécuriser le jeune et de lui assurer un revenu permettant de sortir de la précarité. Cela a du reste été très largement évoqué lors de la grande conférence sociale de juillet dernier.

Mes chers collègues, le compte est là et les promesses sont tenues : 500 000 contrats de génération disponibles pour nos entreprises, ce sont 500 000 emplois durables pour des jeunes salariés et bien plus encore de seniors confortés dans leur carrière.

C’est un dispositif qui incite ou contraint les entreprises à faire aboutir des accords professionnels collectifs pour le bien de tous les salariés. Il incite ou contraint, disais-je, car il s’adapte à la réalité de toutes les entreprises, toutes n’ayant pas les mêmes leviers en matière d’emploi, ni les mêmes capacités de négociation

J’ai confiance, je sais que cette assemblée votera largement…

M. Michel Issindou. Pas de doute, vous pouvez avoir confiance !

M. Olivier Véran. …et, j’aime à le penser, avec enthousiasme ce projet de loi. J’ai tout autant confiance en l’utilisation qui sera faite des contrats de génération dans nos entreprises, entreprises qui, il faut le rappeler, attendent désormais de signer les premiers contrats de génération.

J’en viens forcément à l’opposition, que nous avons sentie partagée, gênée, quelque peu embarrassée au cours de l’examen du texte en commission, cherchant à rendre le dispositif moins fonctionnel tout en affirmant qu’il ne pourra pas fonctionner… Elle tentera le tour de force – elle l’a déjà fait en défendant les deux motions que nous venons de repousser – de nager à contre-courant du large consensus, qu’il faut rappeler, de la conférence sociale de juillet 2012 ,au terme de laquelle tous les partenaires sociaux ont appelé à la mise en place de ces contrats – chacun aura noté, au passage, que la démarche consistant à faire appel et confiance au dialogue social est en rupture totale avec les pratiques des gouvernements des dix dernières années –, à contre-courant également de ce que lui disent pourtant salariés et employeurs dans ses circonscriptions – j’en suis sûr pour m’être rendu, dans la mienne, auprès de plusieurs entreprises de tailles et aux missions différentes. Partout, on le sait, l’attente est grande. À cet égard, ce que nous nous apprêtons à voter sera bien et beaucoup utilisé.

Mes chers collègues, en votant le contrat de génération, nous suivons un cap, celui fixé par le Président de la République : lutter contre le chômage, redresser le pays dans la justice, redonner au pays les leviers de la compétitivité, faire que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, mes chers collègues, la loi de 2008 a été une avancée considérable en matière de dialogue social, et je tiens à féliciter les partenaires sociaux pour la qualité de leur travail. Le projet de loi examiné aujourd’hui est la transposition de l’accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, d’ailleurs signé unanimement, et nous ne pouvons donc que nous féliciter de ce dialogue social fructueux. La démocratie sociale s’est exprimée, il revient maintenant à la démocratie parlementaire de prendre ses responsabilités et de légiférer.

La mesure n° 33 du candidat socialiste à l’élection présidentielle a été présentée aux Français comme un renforcement du lien intergénérationnel dans les entreprises. À cette époque, le groupe UMP l’avait combattue. Nous n’étions pas les seuls puisque certains socialistes avaient émis plus que des doutes… Mais elle avait au moins l’avantage de recréer du lien social entre deux générations qui, bien que partageant des difficultés similaires en matière d’emploi, sont éloignées l’une de l’autre. Il est regrettable que le seul point positif de l’idée du candidat à la présidentielle n’ait pas été retenu. En effet, le projet de loi qu’il nous est proposé d’adopter ne prévoit absolument rien en matière de transmission des savoirs. Il se borne à additionner de façon comptable un salarié jeune et un salarié senior. Ainsi, il ne prévoit rien s’agissant du tutorat. Le mot a été banni du texte et même des discussions de la commission, monsieur le rapporteur. Mais je l’ai entendu ce soir dans la bouche de M. le ministre, et je redeviens un plus optimiste. Rien non plus sur le salarié référent ni sur la formation du jeune par son aîné. Pour résumer, à part le versement de l’aide à l’entreprise, rien ne semble lier les deux salariés concernés par ce contrat dit de génération – même si, monsieur le ministre, vous avez apporté quelques éléments sur le sujet.

En réalité, ce contrat est une exonération partielle de charges, maquillée par de belles intentions. Les difficultés principales de nos entreprises sont liées à la compétitivité et au coût du travail. Or vous ne vous attaquez pas au cœur du problème. Vous prétextez aider les entreprises tout en donnant des gages à votre gauche de votre volonté de ne pas faire de cadeaux aux employeurs. Nous pourrions louer cet effort, s’il n’était pas minime. Regardons les choses en face, monsieur le ministre : pensez-vous réellement qu’une aide de 4 000 euros par an est une raison suffisante pour créer des emplois dans un environnement où les entreprises n’ont aucune visibilité économique ?

De plus, l’incitation financière sera très compliquée à obtenir. Les grandes entreprises, seules à avoir des juristes, ne seront pas concernées par la petite incitation financière, mais seulement par la mise en place du dispositif. S’agissant en revanche du chef d’une PME, pensez-vous vraiment qu’il va prendre sur son temps pour mettre en place un plan d’action et le faire valider par l’administration, dont le temps n’est pas celui de l’entreprise, puis de faire la demande d’aide à Pôle Emploi, dont le délai est également ce qu’il est et dont ce n’est ni la mission première ni la mission essentielle ? Avec une telle aide, vous ne toucherez que les entreprises qui avaient déjà prévu d’embaucher et qui rempliront la demande d’aide accessoirement, d’où un effet d’aubaine.

L’emploi ne se décrète pas, je pense que nous sommes d’accord là-dessus. La raison première d’embaucher d’une entreprise, c’est le contenu du carnet de commande, c’est la visibilité. Il faut donc de la croissance. Malheureusement, avec la politique de matraquage fiscal que vous menez actuellement,…

M. Michel Issindou. Oh ! C’est incroyable de dire ça !

M. Gérard Cherpion. …on n’est pas près de la voir arriver. Les entreprises ont besoin d’un réel changement en matière de compétitivité. Elles ont besoin de souplesse, de stabilité fiscale et de confiance, mais aussi de systèmes clairs, lisibles et facilement utilisables. Vous faites aujourd’hui l’inverse.

Concernant le financement, monsieur le ministre, vous avez été relativement imprécis. Pouvez-vous dire à la représentation nationale comment seront financés ces contrats ? Selon vos déclarations les plus récentes, il semble que vous vouliez les subventionner au moyen du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Avant même l’entrée en vigueur de ce crédit d’impôt, vous commenceriez déjà à l’amputer ! Prévoyez-vous donc de financer toutes vos futures annonces d’aide à la création d’emploi par ce biais, ou pouvez-vous nous rassurer en annonçant votre volonté de sanctuariser les 20 milliards destinés aux entreprises ?

L’Observatoire français des conjonctures économiques, dont nous ne pouvons pas mettre en doute la neutralité et l’objectivité, prévoit la création de 21 000 emplois en 2013, alors que, pour la même année, l’UNEDIC annonce une augmentation de 89 600 du nombre des chômeurs indemnisés. Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que je reste dubitatif devant votre dispositif, surtout quand on le compare avec ce qui est fait pour l’apprentissage. En effet, le budget de l’État consacré à l’apprentissage et à la formation professionnelle s’élève environ à 800 millions d’euros, avec davantage de résultats. Consolidons les deux dispositifs qui répondent aux besoins des jeunes et des seniors : huit jeunes sur dix formés en apprentissage trouvent un travail rapidement ; nous pouvons aussi, grâce à la formation professionnelle, maintenir dans l’emploi les salariés plus âgés. À cet égard, votre intervention de ce soir a apporté quelques nouveaux éléments de réponse à mes questions, et je souhaite que vous les précisiez.

Je note que votre projet de loi exclut de facto les jeunes de moins de 26 ans entrés en alternance cette année. Un employeur pourrait se retrouver dans une situation délicate, à devoir choisir entre pérenniser un jeune formé dans l’entreprise, mais qui ne serait plus éligible au contrat de génération, et recruter un autre jeune qui, lui, serait éligible. Le jeune formé serait ainsi dans l’obligation de trouver un nouvel employeur. Je pense que nous pouvons nous accorder sur le fait que cette situation serait dommageable, tant pour le jeune que pour l’entreprise. Il serait nécessaire à titre transitoire, pour la première année d’application, qu’un jeune de plus de 26 ans qui a été embauché dans l’entreprise sous une autre forme de contrat avant ses 26 ans, et ce entre août 2012 et la promulgation de la loi, puisse bénéficier du contrat de génération. J’avais déposé un amendement en ce sens. Il a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Pourtant il n’engendrait ni dépenses supplémentaires ni de moindres recettes. Je souhaite, dans l’intérêt de ces jeunes, que le Gouvernement le reprenne.

S’agissant de la taille des entreprises et des seuils, le projet de loi fait une distinction entre les entreprises de moins de 50 salariés, celles de 50 à 299 salariés, et celles de 300 salariés et plus. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur ce choix alors que le seuil européen est de 250 salariés, que le décret de 2008 sur lequel se base l’INSEE est fondé sur le même chiffre, tout comme l’obligation d’emploi des alternants. Ce nouveau seuil sera un exemple de l’instabilité dans laquelle se trouvent les entreprises, elles qui ont cruellement besoin d’une uniformisation législative.

Concernant les négociations d’accords collectifs et la mise en place d’un plan d’action, l’incertitude est grande. Les entreprises de 50 salariés et plus auront l’obligation de négocier un accord. En cas d’échec de la négociation et pour les seules entreprises pourvues de délégués syndicaux, un procès-verbal de désaccord sera signé entre les parties afin d’ouvrir la possibilité à l’entreprise de définir un plan d’action de façon unilatérale. Ma question concerne surtout les entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Selon le rapport de notre collègue Sirugue, « dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, l’employeur pourrait recourir à la mise en place d’un plan d’action sans avoir cherché à engager préalablement une négociation sur la thématique de la gestion active des âges ».

Je m’interroge : d’un côté, le rapporteur nous explique que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux n’auront pas l’obligation de négocier, et, de l’autre, le projet de loi affirme le contraire puisque toute entreprise de 50 salariés et plus en aura l’obligation. Qu’en est-il ? Les entreprises de 50 salariés et plus n’ayant pas de délégués devront-elles négocier ou ne sera-ce qu’une faculté, ce qui est très différent ? En second lieu, que se passera-t-il si les délégués syndicaux refusent de signer le procès-verbal de désaccord ? L’employeur devra-t-il alors payer les pénalités ?

Un amendement à l’article 1er visant à retirer l’aide versée en faveur du contrat de génération dans le cas où l’un des bénéficiaires de ce contrat est licencié ou fait l’objet d’une rupture conventionnelle a été présenté en commission. Cet amendement de bon sens a été adopté et devient l’alinéa 57 du texte. Or l’alinéa 58 prévoit qu’en cas de licenciement d’un salarié âgé de 57 ans, ou de 55 ans s’il est reconnu travailleur handicapé, le versement de l’aide au titre d’un contrat de génération, dont il n’est pourtant pas bénéficiaire, s’arrête. Cela aura comme effet pervers de rendre les postulants de cette classe d’âge beaucoup moins attractif à l’embauche. Un employeur hésitera dorénavant à embaucher ces salariés car il sera dans l’impossibilité de s’en séparer en cas de difficultés. Ce n’est pas le décret prévu à l’alinéa 59 qui rassurera les entreprises.

Enfin, à l’article 3, le texte abroge les accords seniors, notamment les sanctions. Permettez-moi à nouveau d’être dubitatif quant au but poursuivi. Alors que les sanctions de l’accord senior s’appliquaient à toutes les entreprises de 50 salariés et plus, vous relevez ce seuil aux entreprises de 300 salariés et plus dans le cadre des contrats de génération. Ce simple exemple prouve le manque de clarté de votre politique : d’un côté, vous voulez sanctionner les entreprises qui ne respectent pas les objectifs d’emploi pour les seniors, et, de l’autre, vous supprimez les sanctions pour les entreprises de 50 à 299 salariés. Mais ne vous méprenez pas, monsieur le ministre, je suis favorable à ce changement car nos entreprises croulent sous les politiques coercitives, dont vous rajoutez par ailleurs une couche avec le projet actuel. Cet article met simplement en lumière le manque de cohérence de la politique du Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté de répondre efficacement à la situation du chômage, notamment des jeunes et des seniors, mais nous ne pouvons pas nous rallier au projet présenté. Il sera non seulement excessif, s’il fonctionne, pour nos dépenses publiques, mais également incomplet sur le plan technique et, pour finir, il n’atteindra pas, hélas, les résultats escomptés. La situation dans laquelle nous nous trouvons ne peut plus se satisfaire de petites mesures. Nous vous appelons à engager sans tarder les réformes courageuses nécessaires. Dans un ouvrage à paraître demain, Michel Rocard écrit : « Croire que la croissance économique va revenir est une paresse intellectuelle. »

C’est pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Michel Issindou. De mauvaises raisons !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le chômage des jeunes augmente et s’établit à 25 % dans notre pays, alors qu’il reste contenu chez certains de nos voisins européens. Ce n’est donc pas une fatalité et nous devons tout mettre en œuvre pour faire reculer ce fléau efficacement, durablement, en commençant par cesser d’accabler les entreprises d’impôts, taxes et autres normes asphyxiantes si l’on souhaite qu’elles embauchent, singulièrement des jeunes.

Nous examinons aujourd’hui le texte portant création des contrats de génération. Il concerne a priori tous les jeunes et s’adresse aux entreprises du secteur marchand, du secteur productif, de celui qui crée la richesse et l’emploi.

Pour l’UMP, ce projet de loi comporte de nombreuses zones d’ombre sur lesquelles je reviendrai, mais, en opposante constructive, je commencerai par souligner les points positifs avant de proposer des améliorations.

Premier point positif : le principe du contrat de génération a fait l’objet d’un accord de l’ensemble des partenaires sociaux, patronat et syndicats. Il apparaît par conséquent malaisé de rejeter ce texte en bloc. Contrairement à une idée reçue, nous vous rejoignons sur la nécessité d’un véritable dialogue social dans notre pays et accueillons positivement les accords lorsqu’ils aboutissent. Je pense en cet instant à l’accord sur la flexisécurité à la française qui vient d’être conclu, même s’il convient de rester extrêmement vigilant sur sa portée et sa mise en œuvre à terme.

Deuxième point positif : l’esprit du texte qui consiste à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes dans l’entreprise via un contrat à durée indéterminée tout en maintenant en activité des salariés en fin de carrière, et en veillant à la transmission des compétences des uns aux autres. Cette idée est séduisante, tant le niveau de chômage ou d’inactivité de ces deux catégories de la population est élevé : 19 % des personnes âgées de 60 à 64 ans occupait un emploi en 2011 dans notre pays, contre 31 % dans l’Union européenne.

Permettez-moi d’observer que cette idée de favoriser l’emploi des seniors est nouvelle chez certains d’entre vous. Pendant tant d’années, vous nous avez vanté le partage du travail, les 35 heures, les vertus de la retraite anticipée ou le plus tôt possible pour laisser prétendument la place aux jeunes. Or dans les faits, le travail crée le travail et les pays qui ont le taux d’emploi des seniors le plus élevé sont aussi parmi ceux qui ont le taux de chômage le plus faible. Je salue votre conversion.

Venons-en aux principales évolutions souhaitables que vous avez d’ailleurs évoquées, monsieur le ministre. Je ne doute pas que, contrairement aux us et coutumes de cette maison que je découvre depuis six mois, vous serez enclin à accepter certains de nos amendements. Comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, il nous faut lever ensemble le principal risque identifié par tous : l’effet d’aubaine qui, selon l’OCDE, plane a priori sur 80 % des contrats. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je retiendrai les deux améliorations les plus importantes.

La première concerne la formation. Après avoir évalué les compétences du jeune à l’embauche, l’entreprise d’accueil s’engagerait à mettre en place des actions de formation et à assurer un suivi des acquis du jeune salarié afin qu’il accroisse ses compétences, condition de son insertion durable dans l’entreprise ou plus largement sur le marché du travail.

Deuxième amélioration : la désignation au sein de chaque entreprise d’un tuteur clairement identifié, formé à cet effet, chargé de suivre le jeune, de l’accompagner et de s’assurer de la transmission des compétences. Ce principe de parrainage que l’on retrouve dans l’alternance ou l’apprentissage a fait ses preuves, vous le savez parfaitement, monsieur le ministre. Je le mesure chaque jour sur le territoire dont je suis l’élue, où le taux de chômage est deux fois inférieur à la moyenne nationale et où plus du tiers des salariés travaillent dans l’industrie.

Venons-en aux principales zones d’ombre. La première, ce sont ces pénalités applicables aux entreprises de plus de 300 salariés. Pour elles, point de carotte financière, seulement le bâton de la sanction. Pourquoi cette défiance a priori ? Laissons à tout le moins à ces entreprises davantage de temps pour adopter un accord collectif ou un plan d’action avant d’envisager une pénalité financière qui aurait pour conséquence de les fragiliser. N’appliquons pas de pénalités aux entreprises qui subissent des difficultés conjoncturelles ou structurelles liées au ralentissement de leur marché, indépendantes de leur volonté. Exonérons de pénalités les entreprises ayant conclu un accord seniors ou un accord pénibilité. Exonérons de pénalités les entreprises aux offres d’emploi non satisfaites, qui peinent à recruter alors qu’elles proposent des emplois.

Deuxième zone d’ombre, qui est de taille : le coût et le mode de financement de cette mesure. Le coût est estimé à 180 millions d’euros en 2013, à 540 millions d’euros en 2014, à 790 millions d’euros en 2015, à 920 millions d’euros en 2016. Où comptez-vous trouver ces sommes ? Dans les pénalités versées par les entreprises de plus de 300 salariés qui n’auront pas joué le jeu ? Le rapporteur nous a précisé qu’il n’en attend aucun rendement. Une ponction sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, rogné avant même d’être distribué ? Nous attendons du débat parlementaire des réponses claires à cette question du financement qui vous poursuivra d’ailleurs durant tout le quinquennat : nous sommes bien là dans notre rôle de contrôle du Gouvernement.

Pour conclure, je n’ai à titre personnel pas d’opposition de principe à ce texte mais j’ai une grande vigilance et sans doute moins d’enthousiasme que le ministre du travail lorsqu’il évoque les contrats de génération. Ils sont un moyen mais ne régleront pas tout, loin de là.

Pour rappel, ce que nous demandent en priorité les entreprises ce ne sont pas des subventions ou des contraintes supplémentaires, mais de créer les conditions favorables à l’esprit d’entreprise : le soutien à l’innovation, la baisse des charges, l’harmonisation des règles, l’amélioration du système d’orientation et de formation professionnelle. C’est d’abord à ces conditions que nous irons chercher les points de croissance nécessaires à la création nette d’emploi et au recul du chômage.

En conséquence, mon vote dépendra de l’évolution de nos débats et de vos réponses à nos interrogations.

M. Michel Issindou. Ah ! Ce n’est donc pas un non catégorique !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord vous dire à quel point je considère votre fonction comme importante dans ce Gouvernement et combien je souhaite votre réussite en matière de formation professionnelle.

En préambule, laissez-moi vous dire que nous nous réjouissons de l’accord auquel ont abouti trois des cinq organisations de salariés et les organisations d’employeurs sur la réforme du marché du travail, vendredi dernier. Le compromis qui a été élaboré est un signe positif dans la lutte contre le chômage à condition de ne pas reporter sa mise en œuvre aux calendes grecques.

Alors que près de 1 500 emplois sont détruits chaque jour, on ne peut plus attendre. La situation des jeunes sur le marché de l’emploi dans notre pays est inacceptable. Pour autant, il semble que vous ne soyez pas pressé de présenter un texte à la représentation nationale puisque vous envisagez de nous saisir dans deux mois, qui sont à notre avis deux mois de trop.

Cette mauvaise pente, vous l’avez déjà empruntée pour le texte qui fait l’objet de la présente discussion : l’Assemblée nationale a été invitée à l’examiner en commission des affaires sociales le jour même où il était présenté en conseil des ministres. Cela ne permettait guère d’envisager un véritable dialogue entre nous, monsieur le ministre, alors qu’avec M. Sapin vous nous faisiez l’honneur de votre présence en commission, et que nous considérons tous ici qu’il s’agit d’un sujet prioritaire. C’était le 12 décembre. L’accord national, signé le 8 novembre, était daté du 19 octobre. Pourquoi avoir attendu presque deux mois pour déposer le projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale ?

J’ajouterai une autre remarque sur la méthode. Nous nous efforçons tous ici de travailler de façon constructive sur ce sujet majeur qu’est l’emploi.

M. Michel Issindou. Plus ou moins !

M. Arnaud Richard. Notre seule préoccupation, même si vous en doutez, mon cher collègue, est de rendre les dispositifs qui nous sont proposés les plus pertinents et les plus efficaces possible, à défaut, je vous l’accorde, de mener la politique, plus ambitieuse, que nous souhaiterions sur le sujet.

Nous avons d’ailleurs été surpris, monsieur le rapporteur, que vous considériez nos amendements, lorsqu’ils ne vous convenaient pas, comme une sorte d’affront aux partenaires sociaux, unanimes à adopter l’accord interprofessionnel, comme si la décision des uns devait emporter celle des autres. Loin de nous l’idée de contester le travail réalisé, mais il me semble que vous confondez les vocations et les missions de la négociation collective et l’élaboration de la loi par la représentation nationale.

Le regard porté sur tout sujet par les uns et par les autres ne saurait par essence être le même : d’un côté on vise la cohérence du projet social, de l’autre la réflexion se porte vers un horizon plus vaste, celui de l’intérêt supérieur de toute la nation. Certains syndicats souhaitaient d’ailleurs voir compléter ce texte par le Parlement, chacun semblant attendre une évolution spécifique, ce qui renforce notre propos.

Sur le contenu de ce projet, je ferai quatre remarques. Admettez tout d’abord que le terme de contrat de génération est un abus de langage et que le projet qui nous est aujourd’hui soumis est sans grand rapport avec la proposition du candidat Hollande. L’alliance des âges ne se traduira en réalité que très rarement par une transmission effective des savoirs et des compétences entre un senior et un jeune. Autrement dit, vous créez un leurre intergénérationnel – aux apparences flatteuses, je vous l’accorde.

Malgré un bon diagnostic – la difficulté de trouver du temps dans l’entreprise pour encadrer l’arrivée d’un jeune – et une belle idée – celle du lien intergénérationnel exprimé dans la vie économique –, vous ne parvenez pas à donner du sens et un véritable contenu à ce texte. Il eût été plus honnête de garder les dispositifs existants, en particulier ceux destinés aux seniors, alors que vous les assouplissez, ainsi que nous l’a indiqué M. Sapin en commission, au risque d’en affaiblir l’efficacité.

Vous auriez pu aussi afficher un grand projet pour la jeunesse sans distinguer le privé du public comme s’il s’agissait de deux univers incompatibles. Ce projet aurait dû être, avant toute chose, celui qui lie systématiquement l’emploi à la formation et à l’apprentissage pour en faire un authentique et un novateur CDI de professionnalisation comme nous vous le proposons dans l’un de nos amendements. Vous préférez le droit commun faute d’innover, ce qui est regrettable, dans un domaine où il nous semble que tout n’a pas été essayé.

Le présent dispositif aurait gagné à se recentrer, conformément aux recommandations du Conseil économique, social et environnemental, sur les jeunes non diplômés de l’enseignement supérieur. Las, en dégradant l’offre faite aux seniors et en ne répondant qu’insuffisamment aux enjeux de l’employabilité de la jeunesse, ce projet de loi nous semble trahir d’emblée sa vocation.

Le texte aurait au moins pu prévoir de distinguer entre l’accueil du jeune en entreprise et le travail de transmission des savoirs techniques, de sorte qu’un parrainage par un senior soit effectivement réalisable. C’est le sens de l’un de nos amendements, qui vise à entourer l’arrivée du jeune dans l’entreprise d’une sorte de solennité fraternelle qui s’exercerait entre générations. Il y a là un symbole positif à faire valoir et une démarche positive simple à réaliser.

Plus concrètement encore, le texte n’évoque pas la territorialisation du contrat de génération. Pourquoi ne pas accorder un bonus aux entreprises qui intégreraient des jeunes venant des quartiers difficiles, où le taux de chômage est double de la moyenne nationale pour cette génération ?

Deuxième remarque : en distinguant trois catégories d’entreprises, vous instituez des effets de seuil nocifs à la création d’emplois. Ils sont incontestablement nocifs, car vous introduisez de la complexité dans la gestion des ressources humaines de l’entreprise. Ils le sont aussi parce que vous incitez les entreprises à limiter leur recrutement pour ne pas basculer d’une catégorie à une autre, le progrès économique étant souvent associé à de nouvelles contraintes légales, réglementaires et fiscales.

De fait, la machine à cases que vous avez imaginée revient à encourager les entreprises de moins de 300 salariés quand vous sanctionnez les autres. Pourquoi ne pas avoir visé seulement les entreprises de moins de 300 salariés, dont le réseau considérable constitue un vivier et un facteur de vitalité pour l’embauche de proximité sur nos territoires. Vous auriez ainsi évité de pointer du doigt, une fois de plus, ces patrons de PME qui tentent de passer le cap des entreprises de taille intermédiaire, encore trop rares en France.

Troisième remarque : vous semblez tellement obsédés par l’effet d’aubaine, ce que l’on peut à la rigueur comprendre, que vous en arrivez à des excès surprenants, dont je vais donner quelques exemples. Vous avez notamment introduit, dans la discussion en commission des affaires sociales, l’idée que tout licenciement d’un senior empêchera le recrutement d’un nouveau senior, non pas seulement sur le même poste, ce qui se comprendrait également, mais encore dans la même catégorie d’emploi. Outre le fait que la notion de catégorie d’emploi nous semble délicate et aléatoire, donc susceptible de contentieux en cascade, elle bloque potentiellement toute démarche globale de gestion des ressources humaines dans l’entreprise. Là encore, nous craignons que le remède soit pire que le mal.

Deuxième exemple de rigidité improductive et inutile liée à cette crainte de l’effet d’aubaine : le texte, sauf erreur de ma part, ne permet pas aux entreprises de transformer des emplois temporaires affectés à des jeunes en CDI à temps plein via le contrat de génération. Cela nous semble une marque supplémentaire de suspicion à l’égard des entrepreneurs, ce qui n’est pas le meilleur moyen de lutter contre le chômage.

Troisième et dernier exemple : le contrôle par l’administration des accords d’entreprise, des accords de groupe et des plans d’action. Là aussi vous prenez le risque de retarder et de complexifier des procédures jusqu’à les rendre décourageantes. Qui, monsieur le ministre, au sein des services extérieurs de l’État, dans les directions régionales des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi, sera en mesure de contrôler ces différents accords ?

Une dernière et très brève remarque – mais elle est fondamentale – sur le financement de votre dispositif. En quoi votre choix de lever une part des 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi est-il cohérent ? Ils avaient vocation à financer la recherche, l’innovation et la formation. J’espère que vous ne confondez pas ces deux objectifs que nous partageons, celui de la main tendue, en priorité et en urgence, à la jeunesse et celui de l’investissement de long terme en faveur de notre compétitivité. Je crains cependant que vous ne sacrifiiez la proie pour l’ombre.

En conclusion, là où souplesse et confiance sont les premiers gages de la réussite dans la lutte pour l’emploi, le texte introduit des cadres, des strates, des contrôles, des sanctions.

Là où les mots doivent avoir un sens précis, le texte ne traduit pas concrètement une belle idée, celle de la solidarité entre les générations.

Là où seule la compétence permettrait de garantir un travail durable, le texte néglige l’objectif de formation.

Vous comprendrez en conséquence que l’UDI, dans un souci constructif, attende l’issue des débats et des évolutions sur ce projet de loi pour se prononcer sur la nature de son vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP et Rassemblement-UMP.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi portant création du contrat de génération.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)