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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 15 janvier 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Contrat de génération

Discussion générale (Suite)

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Kheira Bouziane

M. Bernard Perrut

Mme Véronique Besse

Mme Monique Iborra

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Gilles Lurton

M. Serge Letchimy

M. Jacques Kossowski

Mme Véronique Louwagie

Mme Annie Le Houerou

M. Yves Foulon

Mme Hélène Geoffroy

M. Michel Liebgott

Mme Sylviane Bulteau

M. Christophe Castaner

M. Michel Lesage

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Discussion des articles

Article 1er

Mme Françoise Imbert

Mme Chantal Guittet

Mme Pascale Got

M. Jean-Jacques Cottel

Mme Frédérique Massat

M. Philippe Baumel

Mme Edith Gueugneau

M. Jean-Louis Bricout

M. Jean-Luc Drapeau

Mme Monique Orphé

M. Dino Cinieri

M. Jean-Marie Sermier

Mme Annie Genevard

M. Luc Chatel

Mme Jacqueline Fraysse

Amendements nos 37, 64

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 11, 128, 129, 130, 131, 34, 187, 123, 191, 65, 116

M. Michel Sapin, ministre

Amendements nos 73, 33, 74, 133, 12, 134, 107, 13, 111, 42, 46, 45, 218, 47, 209, 19, 135, 114, 193, 87, 189, 57, 138, 56, 86, 58, 139, 140, 125

M. Michel Sapin, ministre

Amendement no 32

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Contrat de génération

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant création du contrat de génération (n°s 492, 570).

Discussion générale (Suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, la situation de l’emploi dans notre pays est catastrophique. Elle l’est davantage encore pour les jeunes et les seniors.

Le chômage des jeunes touche un quart des moins de vingt-cinq ans présents sur le marché du travail. Celui des plus de cinquante ans est passé de 5 à 7 % entre 2007 et aujourd’hui.

Non seulement la précédente majorité ne s’était guère souciée des questions d’emploi, mais sa réforme des retraites – une réforme dont on sait maintenant qu’elle n’a rien résolu – pousse vers la pauvreté et la précarité de plus en plus de seniors.

Face à la gravité de la situation, nous croyons légitime de rassembler les efforts et, de ce point de vue, nous nous félicitons que les organisations syndicales et patronales aient pu parvenir à un accord national interprofessionnel signé par tous, dont ce projet de loi est la traduction législative.

Les objectifs de ce texte – favoriser l’emploi des jeunes et leur insertion durable dans l’entreprise, embaucher et maintenir les seniors en activité, transmettre des savoirs – sont louables.

Le dispositif prévu parviendra-t-il à les atteindre ? Si nous le souhaitons, nous restons néanmoins très interrogatifs quant à la méthode.

En effet, la multiplication des aides publiques aux entreprises au nom de la compétitivité et des créations d’emplois, que vous réduisez au seul coût du travail – comprenez le salaire et les cotisations sociales –, sans jamais parler du coût du capital, autrement dit du coût des dividendes versés aux actionnaires, qui ont plus que doublé ces dix dernières années au détriment des salaires et de l’investissement, a montré ses limites.

Ainsi, le dispositif des contrats de génération, après celui des emplois d’avenir, crée de nouvelles aides pour les entreprises, qui viennent s’ajouter aux dispositifs existants. Tant et si bien qu’un jeune embauché au SMIC sera subventionné pendant trois ans à hauteur d’un tiers de son salaire brut, ce qui, autrement dit, correspond à la prise en charge par l’État d’une année entière sur trois ans de salaire au SMIC.

Vous comprendrez qu’à ce niveau de dépense publique, qui confine à l’assistanat, nous ayons quelques exigences en termes de contreparties.

C’est donc sur ce point que nous nous attacherons à améliorer ce texte.

Au demeurant, lier l’emploi des jeunes et des seniors par un contrat de génération via des accords collectifs ou des plans d’action élaborés à partir de diagnostics sur la situation de l’emploi dans les entreprises est une bonne démarche.

Encore faut-il que les engagements que doivent comporter ces accords ne se résument pas uniquement à un objectif chiffré de création d’emplois, mais qu’ils se concrétisent et qu’ils soient porteurs d’avancées significatives pour l’avenir.

Il ne s’agit pas seulement d’embaucher des jeunes ou de maintenir dans l’emploi des seniors, mais également d’améliorer les conditions de travail, notamment pour les salariés âgés, de proposer des emplois durables et de qualité, de former et de transmettre des savoirs à la génération montante.

Or, en matière qualitative, la commission n’a adopté qu’une seule avancée tangible : le fait que les jeunes doivent être recrutés en CDI – ce qui n’est pas un détail.

Les modalités d’intégration et d’accompagnement des jeunes, l’anticipation des évolutions professionnelles et de gestion des âges, le développement de la coopération intergénérationnelle et l’aménagement des fins de carrières n’engagent en réalité que très faiblement les entreprises.

C’est pourquoi nous souhaitons voir introduire des dispositions plus contraignantes, notamment pour les jeunes, une démarche de formation des moins qualifiés et la possibilité pour eux d’acquérir une qualification ou une certification professionnelle indispensable à leur insertion durable.

Quant à la volonté de maintenir les seniors dans l’emploi, elle ne sera possible qu’avec la mise en œuvre de mesures de prévention de la pénibilité et d’amélioration des conditions de travail.

Il s’agit également de réduire la précarité des salariés, faute de quoi on ne ferait que déplacer le problème en augmentant, sous prétexte de réduire le chômage, le nombre de travailleurs pauvres. C’est pourquoi nous posons l’exigence d’une rémunération valorisante proche du salaire médian.

Nous avons par ailleurs formulé plusieurs propositions qui tendent à rendre plus contraignantes certaines obligations incombant aux entreprises, afin que les contrats de génération ne soient pas seulement un affichage de bonne volonté, dont les entreprises feraient ce qu’elles voudraient, mais une réelle avancée.

Ce texte va donc dans le bon sens. Il doit cependant être encore amélioré. Nous nous y attacherons.

Nous avons apprécié l’esprit de concertation manifesté par le ministre. Nous espérons que le même esprit présidera à l’examen de nos amendements.

M. le président. La parole est à Mme Kheira Bouziane.

Mme Kheira Bouziane. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons contribue à lutter contre le chômage, la précarité, l’angoisse et le pessimisme qui minent notre société.

Il répond à une conviction forte qui participera à faire reculer la précarité et le chômage des jeunes, tout en veillant à l’emploi des seniors.

Les partenaires sociaux ont pris la pleine mesure de ce chantier prioritaire et l’ont unanimement signé ; en termes de méthode, cela mérite d’être souligné.

Ce contrat de génération répond à un enjeu d’insertion professionnelle et de préparation de l’avenir. D’ici à 2020, plus de cinq millions d’actifs seront partis à la retraite, tandis que 6 millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail, et nombre d’entreprises artisanales seront à reprendre.

N’en déplaise à l’opposition qui s’est exprimée tout à l’heure, les représentants des artisans seraient plus de 70 000 à attendre le dispositif pour transmettre leur entreprise.

Le taux de chômage des jeunes entre quinze et vingt-quatre ans s’élève à 24 % de la population active ; dans certaines zones du territoire, il peut atteindre 40 %, voire 60 %. L’intégration durable des jeunes dans l’entreprise s’impose à nous de manière criante. Ils sont souvent confrontés à la précarité, aux stages répétitifs et démoralisants, aux contrats temporaires, à temps partiel, ou à l’intérim. Comment peuvent-ils alors prétendre s’installer, consommer, construire des projets, construire leur vie, tout simplement accéder à l’autonomie, prétendre à une vie sociale ?

Comme nous nous sommes fixé comme règle d’intégrer dans toute nouvelle loi un volet handicap, je soulignerai que cette loi prévoit une disposition particulière pour l’intégration des personnes handicapées en fixant la limite d’âge à trente ans. Les personnes handicapées ont des difficultés à s’insérer. Plus le niveau de handicap est élevé, plus leur taux est important, et ceux qui ont un travail sont le plus souvent employés dans les secteurs les moins qualifiés.

Au vu de leur parcours scolaire plus difficile, de leur niveau de qualification inférieur à la moyenne, ils rencontrent encore trop souvent de nombreuses difficultés pour accéder au monde du travail ; et le texte dont nous discutons a pris la mesure du problème.

Puisse ce projet de loi encourager à leur insertion professionnelle. Je souhaite souligner, devant tous les opposants à ce texte et tous ceux qui se posent encore des questions, que le contrat de génération n’est pas un contrat au rabais pour les jeunes, puisqu’il s’agit d’un contrat de droit commun en CDI.

Non, le contrat de génération n’est pas un contrat de formation. Ceux qui existent déjà continueront à exister : je pense au contrat d’apprentissage ou au contrat de professionnalisation. Et le jeune, comme l’a précisé tout à l’heure M. le ministre, bénéficiera de la formation continue au sein de l’entreprise qui l’accueillera.

Non, le contrat de génération n’est pas un contrat pour opposer les salariés entre eux, jeunes contre vieux.

Non, le contrat de génération n’est pas une mesurette ! Et les bénéficiaires, quel que soit leur âge, s’en rendront compte et apprécieront.

Il s’agit d’un contrat qui permet une véritable entrée des jeunes dans le monde professionnel en leur garantissant la signature d’un CDI. Tous les droits accordés aux salariés leur seront dus à cet égard. J’aimerais que soit notamment inclus l’accès au logement.

Je ne peux que me désoler du regard que certains adultes portent sur les jeunes. Ils sont, pour certains, peu courageux, incompétents, ayant toujours besoin de formation, d’assistance ou d’accompagnement. C’est faux. Nos jeunes sont au fait des savoirs et des technologies les plus récents, ils ont une capacité à appréhender la nouveauté. Ils ont parfois effectué des stages lors de formations et ont des capacités qui ne demandent qu’à s’exprimer, pour peu que les adultes leur fassent confiance.

C’est pourquoi ce contrat sera pour eux l’occasion de trouver enfin leur place dans l’entreprise et dans la société dont ils ne connaissent peut-être ni les codes, ni la culture, mais ils ne demandent qu’à avoir la chance de démontrer leur compétence.

Puisque nous sommes au début du mois de janvier, j’aimerais émettre un souhait, le même que j’ai formulé lors de l’examen du budget de l’apprentissage. C’est que cette loi puisse profiter à toute notre jeunesse, sans discrimination, quelle que soit son appartenance à un genre – je pense aux femmes –, à une catégorie socioprofessionnelle – les familles modestes –, à un quartier ou à une origine. Tous nos jeunes méritent la même attention et nous devons leur garantir les mêmes droits.

Enfin, monsieur le ministre, je suggérerai que, dans le cadre de la transmission d’entreprise, le jeune puisse être un peu plus aidé. Je sais qu’il existe des aides régionales. Mais, dans un projet de reprise d’entreprise, un jeune devrait pouvoir également bénéficier d’un prêt via la Banque publique d’investissement en complément de ce qu’il peut avoir via les régions.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, messieurs les ministres, s’il y a un vœu que nous pourrions partager ce soir, c’est que la situation de l’emploi s’améliore dans notre pays ! L’UNEDIC prévoit 174 000 destructions d’emplois en 2013 et un nombre de chômeurs qui pourrait atteindre 3,3 millions en fin d’année. Nous sommes inquiets.

Nous savons que les jeunes sont les premières victimes du chômage, avec un taux de près de 25 %. Dans le même temps, les seniors méritent de rester en activité, quelles que soient les difficultés.

Aussi, le projet de loi que vous nous présentez peut nous séduire quand il évoque – je cite – « l’alliance des âges au service d’un projet de société et de la performance de nos entreprises. »

J’aimerais croire, messieurs les ministres, que vous êtes sur la bonne voie, que nous sommes ensemble sur la bonne voie.

M. Olivier Véran. Vous pouvez le croire !

M. Bernard Perrut. Toutefois, je m’interroge, craignant que le bâton et la carotte s’appliquant avec des seuils différents selon les entreprises ne suffisent pas à déclencher les créations d’emplois que vous attendez.

Nous le savons, l’emploi ne se décrète pas. Le nombre de contrats de génération qui seront signés dépendra plus du carnet de commandes des entreprises que des objectifs fixés par le Gouvernement. Je crains que le contrat de génération ne favorise les effets d’aubaine, le texte n’opérant d’ailleurs aucun ciblage des entreprises ou des jeunes concernés. On aurait pu ou l’on pourrait encore évoluer sur ce texte.

Je m’interroge aussi sur le coût du contrat de génération et sur son financement. Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, sans priver les entreprises de ce montant ? Financement dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative en 2013 ?

Autant dire que ce contrat, aujourd’hui, n’est pas financé. Les nouveaux contrats que vous mettez en œuvre devraient peser pour près de cinq milliards sur l’ensemble du quinquennat. C’est une dépense très lourde ! Elle se fait d’ailleurs au détriment de l’impulsion d’une dynamique plus forte dans d’autres domaines que vous pourriez soutenir. Je pense, comme mon collègue Gérard Cherpion, à l’alternance et à l’apprentissage, dont chacun connaît l’efficacité. Vous nous avez apporté tout à l’heure, monsieur le ministre, quelques éléments de réponse sur ce point.

Mais ce qui m’intrigue le plus, messieurs les ministres, c’est que ce texte recherche avant tout un effet d’affichage. En évoquant la « transmission des savoirs », la proposition 33 du candidat François Hollande mentionnait un tutorat permettant de transmettre le savoir-faire. Mais cela n’est plus. Pourquoi ? Ce contrat de génération est loin d’être intergénérationnel, puisque le jeune et le senior n’auront aucun lien sinon pour permettre à l’entreprise de bénéficier de l’aide de l’État. Avouez que vous avez vidé de son sens cette très belle proposition !

Dès lors, messieurs les ministres, j’attends de vous que vous fassiez de ce contrat de génération un véritable contrat d’échange entre les générations et que vous renforciez les objectifs de formation du jeune titulaire du contrat, condition de son insertion durable dans l’entreprise et plus généralement sur le marché du travail. J’attends aussi que vous cibliez les entreprises appartenant à des secteurs d’activité clés de notre économie, où les métiers sont menacés faute d’attractivité. Là aussi, nous avons besoin de réponses de votre part.

Vous comprendrez aussi que je m’interroge quand je lis, dans la lettre du 11 janvier de l’assemblée permanente des chambres de métiers, que « les entreprises artisanales auront du mal à se retrouver dans cette loi trop compliquée pour l’artisan ».

M. Michel Sapin, ministre. Elles s’y retrouvent très bien !

M. Bernard Perrut. Je reconnais pourtant que cette disposition permettra peut-être la transmission d’entreprises. Mais, d’après l’association nationale des directeurs des ressources humaines, « plus de 60 % des entreprises jugent que le dispositif ne favorisera pas l’emploi des jeunes ». Quant aux économistes de l’OFCE, ils écrivent que « le dispositif permettra de créer tout au plus 21 000 emplois par an » et vont même plus loin, soulignant que « pour les grandes entreprises, les engagements sont trop flous pour changer grand-chose à la situation de l’emploi ».

Mme la présidente de la commission disait tout à l’heure avec raison que « la politique de l’emploi ne se résume pas aux seuls contrats de génération ». Pourquoi, alors, ne pas soutenir davantage les entreprises et les secteurs porteurs d’emplois ? Je pense au secteur du bâtiment, pour lequel on aurait pu s’attendre à une politique de soutien. C’est l’inverse qui se produit : arrêt des dispositifs d’aide à la construction privée, absence de financement à long terme du logement social, hausse supplémentaire de la TVA et donc, inévitablement, baisse significative du nombre des mises en chantier. Autre exemple, les atteintes au secteur des services à la personne, pourtant le plus créateur d’emplois au cours des cinq dernières années. Sans oublier l’augmentation des charges pesant sur les entreprises, qui accélère la destruction d’emplois et l’exode de nos talents.

Vous comprendrez donc, messieurs les ministres, que je ne doute pas de votre volonté, mais que la crainte peut l’emporter face à un texte qui ne traduit pas son ambition en action. Je crains que, malgré ces contrats de génération, l’économie reste sans ressort, que le chômage mine plus encore notre pacte social et que vous ne puissiez rétablir totalement la confiance ni favoriser la croissance. Il faut donc un choc en faveur de la compétitivité. Le dialogue social y contribue et vous êtes justement ensemble pour le favoriser. C’est à vous, représentants du Gouvernement, de vous investir dans des réformes plus courageuses pour retrouver la prospérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mise à l’écart du marché du travail des jeunes et des seniors constitue, comme vous le savez, un problème majeur. Ce n’est un secret pour personne : les jeunes de moins de 25 ans et les seniors de plus de 50 ans sont les principales victimes de la crise que nous traversons. Pour les premiers, l’emploi précaire est devenu la norme. Pour les seconds, le risque, c’est le chômage de longue durée.

Ainsi, depuis 2008, le taux de chômage des jeunes actifs a augmenté de sept points. 62 % des jeunes commencent leur vie active par une période de chômage et seulement 31 % des premières embauches s’effectuent en CDI. Près d’un quart des jeunes âgés de 18 à 25 ans vit sous le seuil de pauvreté. Cette précarité empêche notre jeunesse de se projeter dans un avenir qui lui parait décidément bien incertain. Pour les seniors, l’enjeu consiste désormais à éviter le licenciement. Rappelons en effet que près de 685 000 personnes de plus de 50 ans étaient inscrites fin octobre à Pôle emploi, soit une augmentation de 18 % en un an.

Le projet de loi que nous allons examiner s’appuie sur ce triste constat. Pour y remédier, vous décidez de faire appel à l’État en mettant en place des incitations financières pour les entreprises de moins de 300 salariés et des sanctions financières pour les autres. La carotte et le bâton ! Toutefois, votre projet sera inefficace voire néfaste, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ce projet de loi pénalisera lourdement les entreprises qui connaissent des difficultés conjoncturelles. Ces difficultés, comme vous le savez, sont indépendantes de la volonté des entreprises. En sanctionnant les entreprises en difficulté par des pénalités financières supplémentaires, vous risquez d’aggraver leur situation et donc celle des salariés. Le résultat obtenu serait alors l’inverse de celui que vous recherchez.

Ensuite, le financement de votre projet de loi reste incertain. Dans l’attente d’un nouveau projet de loi de finances rectificative, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que Pôle emploi financerait ces nouveaux contrats à hauteur de 180 millions d’euros. Pourtant, cette structure affichait déjà un déficit de près de 125 millions d’euros à la fin de l’année 2011. Cette solution est donc déraisonnable : Pôle emploi ne semble pas en mesure d’avancer un tel montant. Vous prévoyez ensuite de financer les contrats dits « de génération » par le crédit d’impôt compétitivité emploi, sans connaître le coût global de ces contrats, qui reste donc incertain. Rappelons en effet que, dans son projet présidentiel, le candidat socialiste évoquait un montant compris entre 2 et 2,5 milliards d’euros. Vous annoncez aujourd’hui un montant d’environ 1 milliard d’euros. En réalité, il faudra attendre 2015 pour savoir précisément combien de contrats de génération ont été conclus et donc combien ils vont coûter !

Enfin, vous partez du postulat que le binôme jeune-senior est nécessairement une garantie de réussite. Certes, la transmission des savoir-faire est souhaitable et même indispensable à la bonne insertion du jeune salarié au sein de l’entreprise. Toutefois, les salariés les plus âgés, qui cumulent les responsabilités, ont parfois peu de temps à consacrer à la formation des salariés les plus jeunes. Par ailleurs, le tutorat en entreprise ne devrait pas être une obligation, mais constituer, comme l’a rappelé le directeur de la formation du groupe Veolia environnement, « une opportunité de performance ». En effet, l’employeur ne devrait pas faire appel à un jeune par contrainte mais parce qu’il sait qu’il correspond au profil recherché par l’entreprise.

La priorité devrait donc consister à mieux adapter la formation des jeunes aux besoins de l’entreprise. Depuis plus de trente ans, nous payons le prix de l’effondrement du niveau scolaire. Selon une étude récente de l’INSEE, deux millions et demi de personnes sont aujourd’hui illettrées. Près de la moitié des élèves sortent de l’école primaire sans savoir ni lire ni écrire correctement. Commençons par nous attaquer à ce problème si l’on veut que les jeunes de demain puissent s’intégrer sur le marché du travail !

D’autre part, il faut revaloriser le travail manuel. En 2011, la loi sur le développement de l’alternance a prouvé son efficacité. Le nombre de contrats en alternance avait alors augmenté de plus de 7 % en un an. Ces formations sont courtes, adaptées aux besoins des entreprises et permettent d’apprendre un vrai métier. D’ailleurs, on assiste cette année à une augmentation du nombre de jeunes désireux de suivre une formation en apprentissage. L’investissement dans l’apprentissage, loin d’être une dépense secondaire, permettrait de répondre avec efficacité aux inquiétudes des jeunes actifs. Cet investissement devrait donc être pour vous une priorité.

En conclusion, votre projet, dont le financement reste incertain, pénalisera les entreprises sans apporter de réponse concrète à l’objectif que vous vous êtes fixé, c’est-à-dire réduire le chômage des jeunes et des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France et les pays européens sont depuis 2008 dans une phase de crise économique qui est la plus importante depuis la récession des années 1930. Cette crise se caractérise notamment par un chômage élevé, en particulier parmi les jeunes. Leur insertion dans l’emploi stable n’intervient que cinq ans après l’entrée dans la vie active, souvent faite d’emplois précaires, ce qui les empêche de se projeter dans l’avenir. À l’autre extrémité, les seniors ne sont pas mieux lotis. Les accords signés il y a quelques mois n’ont eu qu’un faible impact sur leur taux d’emploi, faute d’avoir abordé le fond du problème, c’est-à-dire les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des compétences. Ils se sont surtout caractérisés par des effets d’annonce de la part du gouvernement de l’époque, sans cohérence réelle et sans aborder sur le fond les moyens d’améliorer la situation.

Par la création des contrats de génération, messieurs les ministres, vous traitez ces deux caractéristiques françaises que sont les taux de chômage élevé des jeunes et des seniors. Après les contrats d’avenir, le contrat de génération, complété par l’accord interprofessionnel sur la sécurisation des parcours signé le 11 janvier, représente beaucoup plus qu’un contrat aidé classique. Il a fait l’objet d’un accord unanime des partenaires sociaux, tient compte de la taille des entreprises et initie un véritable dialogue social dans l’entreprise ou dans les branches en imposant la signature d’un accord collectif sur le contrat de génération qui doit viser trois objectifs : l’embauche d’un jeune en CDI, que nous souhaitons à temps plein, le maintien du senior dans l’emploi et la transmission du savoir et des compétences. Néanmoins, le dialogue social n’exclut pas le contrôle. Les contreparties légitimes prévues par ce texte minimisent les effets d’aubaine inhérents à tout système.

De même que l’on pourra vérifier l’efficience globale du service public de l’emploi par la mise en place des contrats d’avenir, de même nous pourrons mesurer, grâce aux contrats de génération, la qualité du dialogue social dans l’entreprise, au service à la fois de la compétitivité ou de la performance des entreprises et de la capacité à offrir aux uns, les jeunes, un emploi stable et aux autres, les seniors, une activité qui tienne compte de leurs compétences et de leurs conditions de travail. Rappelons qu’une aide d’appui pour la mise en place des plans de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pourra être octroyée par l’État.

Je le disais, nous sommes loin des contrats aidés classiques. Il ne s’agit ni de traitement social du chômage, ni d’assistanat, mais d’un dispositif cohérent. Le dialogue social est la condition de la réussite du dispositif tout en permettant à la puissance publique d’intervenir en soutien à la création d’emplois, dans un contexte de crise économique et dans le cadre d’une politique économique et sociale dont l’emploi est la première des préoccupations.

Rappelons enfin que les emplois d’avenir et les contrats de génération ne se substituent pas, comme on l’entend dire, aux autres formes de contrat, et notamment aux contrats en alternance, d’apprentissage en particulier.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Très bien !

M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme Monique Iborra. Dois-je rappeler que ce sont les régions qui sont déjà chargées aujourd’hui de la mise en œuvre de la politique d’apprentissage ? Ce sont elles qui financent très majoritairement les centres de formation d’apprentis, qui investissent et décident, en fonction de la situation économique locale et des besoins en qualifications, l’ouverture ou la fermeture de sections d’apprentissage. C’est en grande partie grâce à leur action, continuellement ignorée par nos collègues de droite, que l’apprentissage se développe.

Leurs compétences en la matière seront sans doute précisées, dans la nouvelle loi sur la décentralisation et la réforme de la formation professionnelle. Il est en effet important que la palette la plus large possible puisse être offerte aux jeunes, non pas en fonction des dispositifs existants ni de la provenance du financement, mais d’abord du projet du jeune et des possibilités d’insertion durable dans l’emploi. Il ne s’agit donc pas de substitution mais de complémentarité. Il n’y a pas d’un côté la droite qui serait adepte de l’apprentissage et de l’autre la gauche convertie aux contrats aidés !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Très bien !

Mme Monique Iborra. En période de chômage comme celle que nous vivons, toutes les possibilités doivent être explorées, à condition qu’elles profitent à tous et notamment à ceux qui en ont le plus besoin. À ce propos, monsieur le ministre, je voudrais réagir à votre proposition relative à l’éligibilité au contrat de génération des fins de contrat d’apprentissage. Aujourd’hui, 80 % des contrats d’apprentissage débouchent sur un emploi pérenne, ce dont chacun se félicite. De ce point de vue, nous devrons nous montrer très vigilants quant à l’effet d’aubaine qui pourrait se produire, les jeunes sortis d’apprentissage étant de toute façon, pour la plupart recrutés dans l’entreprise où ils étaient apprentis.

M. le président. Merci de conclure, chère collègue.

Mme Monique Iborra. J’ai presque terminé, monsieur le président.

Enfin, je déplore l’attitude constante de la droite…

M. Michel Sapin, ministre. Écoutez, messieurs, on parle de vous !

Mme Monique Iborra. …qui refuse de nouveaux droits aux citoyens et vote contre la création d’emplois pour les jeunes. Les Français apprécieront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en reconnaissant que les intentions du texte correspondent à des préoccupations que nous partageons.

En matière de vie des entreprises, il s’agit d’abord de la nécessité de mieux assurer les transferts de savoir-faire au sein des organisations, ces transferts étant fragilisés par des pyramides des âges qui ont tendance à s’effriter par le bas, ce qui remet parfois en cause la pérennité même des entreprises concernées. On comprend que le dispositif que vous proposez aujourd’hui au Parlement vise à régler cette question.

Deuxièmement, vous avez tenu à faire en sorte que les relations intergénérationnelles au sein du travail soient renforcées, ce dont personne ne peut raisonnablement contester le bien-fondé, puisque c’est un besoin reconnu par les organisations du travail.

Troisièmement, par rapport à l’accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux, vous avez renforcé le rôle des instances représentatives du personnel dans un sens qui paraît conforme à la fois aux besoins des entreprises et au rôle de ces instances représentatives.

Cela dit, le texte suscite également des interrogations sérieuses et des craintes quant à son financement – je vois que vous vous apprêtez à me répondre avec précision, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes emparé d’une calculette…

M. Michel Sapin, ministre. Effectivement ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Premièrement, l’accord national interprofessionnel ne comportait pas de notion de pénalité. N’attendant pas qu’un dispositif de coercition se mette en place spontanément, vous avez décidé de renforcer le texte en y incluant vous-mêmes un tel dispositif, basé sur un système d’amendes. Cette initiative déborde assez largement l’intention des partenaires sociaux, ce qui constitue pour moi un motif d’étonnement.

Deuxièmement, au sujet des modalités de contrôle que vous confiez à l’administration sur la forme des accords ou des plans d’action, il est permis de se demander si les contrôles effectués porteront toujours bien sur la forme, et ne deviendront pas des contrôles d’opportunité sur le contenu des accords, ce qui ne serait évidemment pas souhaitable.

Troisièmement, le texte comporte des lacunes, notamment en matière de tutorat et, plus largement, de transmission du savoir-faire. M. Gille se souvient sans doute que, lors des débats en commission, nous avons été nombreux à nous interroger sur la réalité du binôme qui serait constitué par un salarié expérimenté et un jeune. De ce point de vue, le texte ne nous paraît pas cohérent par rapport à l’objectif figurant dans son exposé des motifs, tendant à fournir aux jeunes salariés un parcours qualifiant, une formation ou un métier – un objectif dont on peine à trouver la traduction concrète.

Quatrièmement, l’article 1er, alinéa 56, qui précise que l’aide ne peut être accordée lorsque l’entreprise a procédé, dans les six mois précédents, à un licenciement économique me semble poser une difficulté pratique. Si l’on peut voir dans cette disposition la transposition d’un principe de droit commun dont je ne conteste pas la cohérence, il me semble tout de même que, dans le texte que vous présentez, la notion d’entreprise serait sans doute avantageusement remplacée par celle d’établissement. En effet, les grandes entreprises comptant plusieurs centaines de salariés comportent souvent plusieurs sites répartis sur le territoire national. Le fait d’appliquer la disposition à l’entreprise entière est à mon sens de nature à pénaliser l’efficacité même du dispositif, voire à en compliquer le contrôle.

Cinquièmement, enfin, comme l’a très bien dit notre collègue Monique Iborra, il est à craindre que certains ne profitent d’un effet d’aubaine, ce qui aurait un impact négatif en matière d’alternance et d’apprentissage. Certes, telle n’est pas votre intention, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions et, dès lors, une incidence négative ne peut être exclue, qui constitue à mon sens le plus grand danger porté par ce texte.

Je conclurai en évoquant le financement. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous confirmiez à notre assemblée que vous n’avez pas l’intention de financer les contrats de génération qui seront signés par les recettes provenant des amendes infligées aux entreprises qui omettraient de signer des plans d’action ou des accords. Cela va sans dire, me répondrez-vous,…

M. Michel Sapin, ministre. On n’irait pas loin avec ça !

M. Jean-Frédéric Poisson. …mais nous serions tout de même plus rassurés si vous le confirmiez. Vous avez une grande confiance dans l’intention des entreprises de signer des plans d’action et des accords, et je m’en félicite.

Par ailleurs, je m’étonne de constater que le financement de votre dispositif proviendra presque intégralement des fameux 20 milliards d’euros de crédit d’impôt inscrits dans le budget pour 2013. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu figurer cette disposition dans la loi de finances que nous avons votée, et je vois là un changement de pied qui ne me paraît pas de nature à favoriser le retour à bonne fortune des entreprises de notre pays.

Pour les raisons que j’ai évoquées, je voterai donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Michel Sapin, ministre. Allons ! Ne dites pas cela, vous avez encore le temps de changer d’avis !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui peut paraître au premier abord une idée innovante, car il tente de résoudre deux problèmes importants pour la société française, à savoir le chômage des jeunes et le faible taux d’emploi des seniors. Aujourd’hui, 30 % des moins de 25 ans et 42 % des plus de 55 ans sont sans emploi.

Nous sommes nombreux à être confrontés au quotidien à des situations où des personnes de plus de 50 ans sont licenciées de leurs entreprises sans aucune perspective de retrouver du travail, mais également à des situations où des jeunes, souvent sans formation, ne parviennent pas à intégrer le monde du travail. Dans les deux cas, c’est un drame pour ceux qui le vivent et une perte pour les entreprises de notre pays, qui se privent à la fois de la jeunesse et de l’expérience. Nous ne pouvons donc que prêter une attention particulière à votre souhait de créer une relation entre le senior et le jeune, entre celui qui bénéficie des acquis d’une longue expérience professionnelle et celui qui n’en a pas, entre celui qui mérite que sa vie professionnelle soit valorisée et celui qui ne demande qu’à apprendre.

Néanmoins, la présentation qui a été faite en commission nous a démontré qu’il n’existe aucun système de tutorat entre le senior et le jeune. Je le regrette, car il existait là une véritable opportunité de transmission de savoir, tout en valorisant l’expérience acquise par celui qui se prépare à prendre sa retraite – comme le souhaitait le Président de la République dans son discours de vœux aux Français lorsqu’il affirmait que « les contrats de génération permettront de lier l’expérience du senior avec l’espérance du jeune ».

Je tiens également à rappeler le refus systématique et permanent de la majorité de prendre en compte les amendements de l’opposition. À une exception près, peut-être, car à la suite de nos nombreuses observations et dépôts d’amendements sur la formation des jeunes en contrat de génération et sur l’absence totale dans ce texte de dispositions visant à leur assurer de meilleures possibilités de s’adapter à leurs nouveaux métiers, vous avez déposé, monsieur le rapporteur, un amendement prévoyant que les jeunes embauchés en contrat de génération bénéficient bien du plan de formation de l’entreprise. Cela ne va cependant pas assez loin, car le fait d’intégrer le plan de formation de l’entreprise ne signifie nullement que le jeune qui vient de débuter y aura accès. À mon avis, il aurait fallu offrir au jeune bénéficiaire d’un contrat de génération une véritable formation lui permettant de s’adapter au poste qui lui est offert.

Outre la question du tutorat et de la formation, le projet me paraît soulever de nombreuses autres interrogations, notamment quant à son financement. Votre majorité a définitivement, avec le financement des réformes qu’elle veut mettre en œuvre, un problème qui nuit gravement à sa crédibilité. Ainsi des lois de finances qui visent à réduire le déficit budgétaire : le Gouvernement se montre toujours plus précis sur les augmentations d’impôts que sur la diminution des dépenses. Ainsi du contrat de génération, qui devrait coûter environ 150 millions d’euros en 2013 et près d’un milliard par an quand le dispositif aura atteint son régime de croisière, en 2016.

Où trouver ce financement ? Dans l’enveloppe globale du pacte de compétitivité, puisqu’il s’agit d’une mesure de compétitivité, a indiqué M. le ministre du travail. Autrement dit, cela viendra grever une partie des 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le Gouvernement affirme que « c’est ce qui était prévu depuis le début », ce qu’il était visiblement le seul à avoir compris, puisque le dossier de presse remis par Matignon lors de la présentation du pacte précisait bien que les 20 milliards d’euros correspondaient au coût du seul crédit d’impôt.

Le second problème majeur de ce texte – un problème encore plus profond – est, de mon point de vue, l’absence de prise en compte de la capacité de nos entreprises à créer des emplois dans une économie en crise. Je m’inquiète en effet de l’ambiance générale de la majorité envers nos entreprises, de l’éternelle méfiance, pour ne pas dire de la suspicion de votre gouvernement à l’encontre du monde de l’entreprise.

Les entreprises sont les principales créatrices d’emplois et la source de croissance pour notre pays. Si l’on additionne les mesures du projet de loi de finances rectificative de juillet, du projet de loi de finances pour 2013 et du projet de loi de finances rectificative de décembre, nous atteignons des hausses de prélèvements sur les entreprises de près de 17 milliards d’euros. En augmentant systématiquement le coût du travail, le Gouvernement provoque des chocs qui cassent la confiance des entreprises et impactent la croissance. Ainsi, les entreprises risquent une pénalité si elles ne négocient pas, avant le 30 septembre prochain, des accords remplaçant les accords seniors en vigueur depuis 2010. La politique du bâton n’est pas la bonne solution, et à une politique de répression contre les entreprises par le biais de pénalités je préférerais une politique de confiance en leur capacité à se développer et à créer les emplois dont notre économie a besoin.

Les entreprises n’embaucheront pas parce qu’il existe un nouveau dispositif, elles embaucheront si elles ont des commandes. La politique de lutte contre le chômage nécessite une vision globale : la sécurisation des parcours, la formation dynamique tout au long de la vie, le développement de l’alternance et de l’apprentissage, que je souhaite voir renforcer.

Messieurs les ministres, mon vote sur ce texte dépendra, comme pour ma collègue d’Ille-et-Vilaine, de l’évolution de nos débats, car je pense que ce texte présente un certain nombre d’erreurs et je ne peux me satisfaire d’une augmentation de 30 000 chômeurs par mois. Nous ne devons pas perdre de vue que notre rôle principal est de nous unir pour remettre sur le chemin du travail ceux qui en sont durablement exclus. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai en redisant à M. Repentin que sa récente visite en Martinique nous a fait très plaisir.

Plutôt que de prononcer devant vous un discours académique, je me bornerai à émettre simplement quelques remarques sur le texte qui nous est soumis. Je veux d’abord dire que je n’ai pas bien compris une critique qui a été émise à l’encontre de ce projet au sujet de l’alternance et de l’apprentissage. Il y a, en Martinique, de la place pour l’alternance et l’apprentissage, et les deux peuvent parfaitement se compléter entre 19 et 25 ans, surtout pour un jeune se trouvant dans une situation difficile, qui trouvera avantage à établir des liens au moyen des deux dispositifs.

Par ailleurs, pour ce qui est du reproche selon lequel le projet de loi pénaliserait les entreprises, il semble que je ne fasse pas la même lecture du texte qui, pour moi, prévoit un soutien pour les entreprises de moins de 300 salariés, et un soutien renforcé pour les entreprises de moins de 50 salariés.

M. Michel Sapin, ministre. On peut le dire comme ça !

M. Serge Letchimy. N’est-ce pas, monsieur le ministre ?

En outre, c’est aux termes d’un accord négocié que ce dispositif est mis en place – un dispositif né du dialogue social, puisque l’ensemble des représentants des syndicats se sont mis d’accord, le 19 octobre 2012, sur un compromis relatif au contrat de génération.

Face à la réalité du chômage et au risque de voir le chômage des aînés augmenter encore, il me semble important d’appeler l’attention de notre assemblée sur quelques faits qu’il convient de ne pas perdre de vue.

La Martinique connaît une rupture de croissance extrêmement puissante et forte depuis 2008-2009. La mise à mal du dispositif de défiscalisation, qui a notamment conduit à un effondrement économique et à une augmentation du chômage, rend absolument nécessaire l’évaluation de celui que l’on entend mettre en œuvre avec le présent projet de loi. Je répéterai volontairement deux chiffres : le chômage des jeunes est passé de 22 % à 30 % à La Réunion ; alors que l’on s’alarme en métropole d’un taux de chômage des jeunes de 24 % environ, celui-ci atteint près de 60 % chez nous.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est vrai !

M. Serge Letchimy. Face à ce constat, on peut s’interroger sur l’opportunité de demander à l’État un acte de solidarité contractuelle qui nous permette d’accompagner les jeunes chômeurs par un dispositif d’insertion complémentaire en cohérence avec le maintien des aînés dans l’emploi. Selon moi, il est indispensable de le faire.

Deuxièmement, alors que 13 % des jeunes de l’hexagone ne possèdent pas de diplôme, cette proportion est de 22 % en Nouvelle-Calédonie, 27 % en Martinique et en Guadeloupe, 40 % pour la Guyane et la Polynésie.

Face au décor que je viens de planter, messieurs les ministres, je considère, et je le fais dans ma région, qu’il faut repartir vers une politique de croissance partagée, vers une dynamique économique durable, vers une économie qui permette de créer des activités et de l’emploi. J’appelle de mes vœux très puissamment un changement de modèle économique dans nos régions d’outre-mer, de sorte que notre économie soit moins tournée vers l’importation massive, moins dépendante des fonds publics et plus dynamique en termes de créations d’activités. C’est possible. En attendant qu’une telle mutation soit effective, je considère que votre initiative est bonne.

Je voudrais cependant formuler quelques observations.

En premier lieu, j’aurais souhaité que les régions soient davantage impliquées dans le dispositif. J’ai bien compris que vous n’avez pas voulu territorialiser le contrat d’avenir, mais je considère que le pilotage avec une collectivité régionale pourrait être extrêmement intéressant. Nous verrons si vous acceptez dans la suite de la discussion les amendements que je présente en ce sens. En tout état de cause, une telle réorientation permettrait de cibler des entreprises, d’organiser et de structurer des filières de formation professionnelle, d’augmenter les possibilités d’accompagnement en matière de transmission de savoirs et de tutorat, un thème d’ailleurs abordé dans le présent texte. C’est une suggestion.

Ma seconde observation est en réalité une demande. Le fait d’impliquer les syndicats dans la conclusion des accords d’entreprise prévus par le texte montre que l’on ignore qu’en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane le fait syndical local n’est pas reconnu. En effet, les syndicats qui ne sont pas rattachés à un syndicat national sont en difficulté et ne peuvent pas parfaitement siéger dans des instances, même s’ils sont majoritaires.

Troisièmement, il me semblerait intéressant d’avoir des relais efficaces permettant de mieux accompagner financièrement les entreprises qui sont dans des situations très difficiles. Je rappelle qu’une grande difficulté de nos entreprises est de pouvoir honorer leurs dettes fiscales et sociales.

Le présent projet de loi constitue une avancée certaine, mais ce n’est pas la panacée. Avec le dispositif des emplois d’avenir, mais aussi avec la mise en œuvre d’un plan de remodélisation économique, un plan de relance qui pourrait nous permettre de changer de modèle économique, nous pensons que l’objectif tracé est le meilleur moyen de répondre aux besoins des populations. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Kossowski.

M. Jacques Kossowski. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour être juste, il convient de reconnaître que la philosophie du projet de loi portant création du contrat de génération est mue par de bonnes intentions. Lier l’emploi d’un senior à celui d’un jeune est une idée qui mérite notre attention.

En effet, aucun d’entre nous ne se satisfait de la situation actuelle de l’emploi des jeunes alors que le taux de chômage des 15-24 ans a presque atteint 23 % en 2012.

Il en va de même pour les seniors : même si le taux d’emploi des 55-64 ans a favorablement progressé ces dernières années, il se situe néanmoins encore autour de 41 %. Cette amélioration est d’ailleurs le résultat de la politique de l’ancienne majorité, menée notamment sous l’impulsion volontariste des ministres d’alors, MM. Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. Ayant travaillé à leurs côtés sur ce dossier, je tiens ici à leur rendre hommage.

Dans ce contexte difficile, vous affichez l’ambition de créer 150 000 emplois dès la première année et 500 000 emplois au total à la fin du quinquennat de M. François Hollande.

Qui pourrait être contre de tels objectifs alors que le chômage provoque des ravages dans notre pays ?

En tant qu’élus, nous recevons dans nos permanences des exclus du monde du travail et sommes confrontés aux souffrances de ces personnes, qui ont le terrible sentiment de ne plus être utiles à la société.

Chers collègues, de bonnes intentions ne font pas toujours une bonne politique. C’est ce que je voudrais m’attacher à démontrer devant vous.

Le contrat de génération est tout d’abord un dispositif coûteux, puisqu’il faudra le financer à hauteur de 1 milliard d’euros en année pleine. S’il est coûteux, ce dispositif a aussi une efficacité contestable.

D’après l’Observatoire français de la conjoncture économique, l’OFCE, le nombre d’emplois nets générés par le dispositif ne devrait pas dépasser 21 000 en cinq ans. Au total, vous conviendrez, que cela revient cher par emploi subventionné...

La réussite de votre « contrat de génération » ne peut se concevoir que dans une vision dynamique de croissance, notamment au sein des PME et des TPE.

Or, de nombreuses enquêtes le prouvent, ces entreprises sont très inquiètes pour l’avenir et n’entrevoient pas d’amélioration de leur activité.

Dès lors, pourquoi les patrons se risqueraient-ils à embaucher un jeune et un senior à temps plein, même avec une aide de 4 000 euros annuels, s’ils n’anticipent pas une hausse de leur carnet de commandes ?

Le « contrat de génération » sera seulement utilisé par ceux qui avaient de toute manière l’intention de recruter.

C’est ce que l’on appelle en économie un effet d’aubaine. Vous l’avez certes atténué en sortant du dispositif les entreprises de plus de 300 salariés. Vous auriez dû aussi mieux cibler les jeunes concernés en vous focalisant sur ceux d’entre eux qui sont peu diplômés, qui ont le plus de difficultés à entrer dans le monde du travail.

D’autre part, vous savez bien qu’il est des secteurs d’activités où l’on ne recrute quasiment pas de salariés seniors. C’est le cas en particulier dans les nouvelles technologies ou la communication.

À plusieurs reprises, j’ai dénoncé cette forme d’ostracisme lié à l’âge, mais les esprits ne semblent toujours pas ouverts à ce type de recrutement.

M. Michel Sapin, ministre. On va les ouvrir !

M. Jacques Kossowski. Concernant l’obligation pour les entreprises de plus de 300 salariés de conclure un « accord de génération » ou un plan d’action, vous reprenez, en élargissant aux jeunes, ce que nous avions déjà mis en place avec l’obligation de négocier, par branche ou au sein de l’entreprise, un plan seniors sous peine du versement d’une pénalité de 1 % de la masse salariale.

En ce qui concerne le volet transmission des savoirs, bien des entreprises ne vous ont pas attendus pour y avoir recours. L’ancienne majorité a déjà beaucoup œuvré pour développer le tutorat.

Mais, là aussi, n’attendez pas de miracle, car beaucoup de TPE ou de petites entreprises ne peuvent doubler leurs postes. En effet, pendant que le tuteur assure la formation d’un jeune, ce sont des personnes en moins sur leur poste de travail.

Je crois que les bonnes solutions ne s’inscrivent que sur le long terme.

Il faut tout d’abord changer en profondeur la mentalité des recruteurs, notamment à l’égard des seniors, qui constituent une richesse pour la diversité et l’équilibre générationnel des entreprises. Pour les plus jeunes et les seniors, l’âge continue d’être le premier facteur de discrimination à l’embauche. Mais le recul du départ à la retraite des salariés devrait faire évoluer positivement cette situation.

D’autre part, notre majorité avait multiplié pour les jeunes les moins qualifiés des processus d’apprentissage, lesquels s’avèrent efficaces pour trouver un emploi.

Nous devons aussi instaurer une formation dynamique tout au long de la vie afin que les salariés ne soient pas « déclassifiés » du monde du travail par une obsolescence des compétences. C’est dans cet esprit que j’avais fait adopter dans la loi du 24 novembre 2009 un amendement instituant un entretien professionnel obligatoire dès 45 ans et un bilan d’étape professionnel pour les salariés.

Il faut aussi favoriser la mobilité professionnelle en offrant la possibilité aux personnes, notamment entre 40 ans et 50 ans, de changer de métier ou de filière. Dans une étude que j’avais fait réaliser l’année dernière par la SOFRES, 57 % des salariés avaient exprimé un tel souhait.

Développer la sécurisation des parcours est aussi un objectif que nous avons essayé de promouvoir, et je me félicite que votre majorité persévère en ce sens.

Pour conclure, à titre personnel, je m’abstiendrai lors du vote de ce texte afin de ne pas envoyer un signal négatif à l’égard des personnes concernées, mais je reste sans illusion sur la réussite de votre « contrat de génération », monsieur le ministre.

À ce sujet, je me permets d’ailleurs de vous suggérer de prévoir une évaluation précise et régulière des résultats de votre dispositif, car cela me paraît très important. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Michel Sapin, ministre. Nous promettons de le faire !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi part d’une bonne intention, ainsi que cela a été rappelé à diverses reprises à la tribune : construire une passerelle entre un jeune entrant dans l’entreprise et un salarié sur le point de la quitter. Il s’agit d’une idée audacieuse qui mériterait pour sa mise en œuvre un dispositif tout aussi audacieux.

Sur le sujet de l’emploi, le dogmatisme ne peut plus être de mise, tant la situation de celles et ceux qui sont privés d’emploi est insupportable.

Les jeunes et les seniors sont depuis trop longtemps exclus du marché du travail pour que nous ne recherchions pas des dispositifs innovants et bien conçus.

Le lien générationnel est certes important, mais il a toujours existé dans l’entreprise. L’entreprise est un vivier où chacun a sa place et où les passages de témoin sont heureusement légion.

La transmission des savoirs entre les travailleurs expérimentés et ceux qui entrent dans la vie active est un élément important et structurant.

Il faut promouvoir un accompagnement, mais celui que prévoit le dispositif proposé semble davantage administratif, donc lourd, ce qui aura probablement un effet négatif contraire à celui que vous escomptez.

Il convient de regretter que le tutorat pragmatique sur le terrain n’ait pas été retenu, l’engagement n° 33 du candidat Hollande ne faisant que rhabiller le dispositif du tutorat mis en place par la précédente majorité en 2007.

Toutefois, l’audace que je mentionnais en introduction s’est mue en menace s’agissant du cœur même du dispositif des contrats de génération.

Le rapporteur a eu beau s’évertuer à espérer corriger l’effet d’aubaine en retenant l’absence de licenciement économique sur l’ensemble des postes de la catégorie professionnelle dans laquelle les embauches sont envisagées, les contrôles en la matière n’en demeureront pas moins concrètement difficiles.

Trois raisons de fond me paraissent justifier la réserve de notre vote.

La première raison tient au financement du dispositif, qui est pour le moins hasardeux et qui repose sur l’enveloppe de 20 milliards d’euros, puits de financement dévolu initialement au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

La seconde raison concerne la distinction selon la taille des entreprises, qui nous paraît pernicieuse : les entreprises de moins de 300 salariés ne seront qu’incitées à signer des contrats de génération, alors que les autres y seront contraintes. Cette disparité crée une mosaïque de situations, ce qui n’est jamais souhaitable.

La troisième raison est la substitution probable du contrat de génération aux mécanismes de l’apprentissage et de l’alternance, qui n’ont jamais été évoqués avec force et conviction par le Gouvernement au cours des derniers mois.

Or ces dispositifs ont permis jusqu’à présent aux jeunes d’avoir un emploi : un apprenti, c’est un salarié dans 80 % des cas, comme certains l’ont rappelé à cette tribune. Cette formation d’apprentissage et d’alternance encadrée convient à la fois à un certain nombre de jeunes, qui ne souhaitent pas suivre un enseignement général, et aux entreprises recherchant des personnes à former en interne.

Or, monsieur le ministre, au lieu de voir promus l’apprentissage et l’alternance, nous assistons à l’abandon complet de ces outils, ce qui crée une source supplémentaire d’inquiétudes.

Certes, M. le ministre Thierry Repentin nous a indiqué il y a quelques instants que des propositions seraient avancées d’ici à quelques mois sur l’apprentissage ; il est temps que celles-ci soient formulées.

Du reste, Mme Martine Aubry a elle-même littéralement étrillé le contrat de génération en raison des effets d’aubaine qu’il induira : selon l’OCDE, 80 % de ces contrats risquent de provoquer de tels effets.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

Mme Véronique Louwagie. Bien trop de questions sont restées sans réponse, comme le contrôle de la pérennité de telles sources d’emplois, notamment en cas d’interruption de l’aide de l’État.

Par ailleurs, comment vérifier l’application du dispositif sur pièces et sur place par l’intermédiaire du contrôle de conformité ? Chers collègues de la commission des affaires sociales, vous vous êtes interrogés vous-mêmes sur l’affectation de moyens supplémentaires au cours de vos travaux.

Que penser aussi de l’initiative du rapporteur de présenter des amendements très importants en commission – 71 amendements au total –, que nous avons découverts le matin même de l’examen du projet de loi en séance publique ?

Force est de se demander si ce projet de loi n’a pas été rédigé trop hâtivement.

Une inquiétude portant sur la forme du présent projet de loi me conduit également à réserver mon vote.

Monsieur le rapporteur, le 19 décembre dernier, devant la commission, vous avez affirmé : « S’il est de notre rôle de parlementaires d’en débattre, il convient aussi de ne pas dénaturer le travail des partenaires sociaux. »

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. Débattre en commission, déposer des amendements ne revient certainement pas à dénaturer un texte. Vous vous abritez derrière le paravent que constituent les accords entre partenaires sociaux au motif que le tutorat n’en fait pas partie.

Vous ne cessez de rappeler que ce texte a fait l’objet d’un « accord national interprofessionnel unanime entre syndicats de salariés et organisations d’employeurs ». Mes chers collègues, si chacun doit se réjouir de la vitalité du dialogue social dans notre pays, celui-ci ne doit en aucun cas servir de justification automatique, d’accusé de réception, dirais-je, pour prendre une image postale, aux lettres de demande de précisions et aux amendements déposés. Je souhaite que le débat soit productif, ce qui serait bien le moins pour un texte aux objectifs ambitieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, voici une nouvelle pièce du puzzle du redressement de la France et du combat pour l’emploi.

Après les emplois d’avenir et le crédit d’impôt compétitivité emploi, le contrat de génération est un outil qui séduit par la simplicité de sa mise en œuvre et par son ouverture à tout type d’employeur potentiel, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise. Le dispositif est particulièrement souple pour les entreprises de moins de cinquante salariés, lesquelles représentent la plupart des entreprises françaises, notamment en zone rurale. Elles pourront bénéficier de l’aide à l’embauche de 2 000 euros pour le jeune et 2 000 euros pour le senior, sans obligation de négociation conclue par un accord formel.

Le contrat de génération répond à un triple objectif : améliorer l’accès des jeunes à un emploi avec la sécurité d’un CDI, maintenir l’emploi des seniors et assurer la transmission des savoirs, des compétences et de l’expérience.

Même si le contrat de génération est applicable dans tous les secteurs d’activité, je centrerai mon propos sur les entreprises artisanales et celles du secteur agricole. Ces deux catégories d’employeurs dans des filières durables jouent un rôle majeur dans l’équilibre et l’activité de nos territoires ruraux en offrant des emplois durables et non délocalisables.

Le contrat de génération est aussi un formidable levier pour les projets de transmission d’entreprise, dans la mesure où il facilite l’embauche d’un jeune en CDI avant que le senior ne lui cède son affaire. Il s’agissait là d’un souhait fort de la part des partenaires sociaux.

Le contrat de génération est un dispositif innovant, adapté aux secteurs agricole et agroalimentaire et à la filière de la forêt, lesquels sont essentiellement constitués d’entreprises très petites ou moyennes. Il y a là un potentiel important en termes de créations d’emplois pour les jeunes, avec 450 000 exploitations agricoles et 13 500 entreprises de l’agroalimentaire réparties sur tout le territoire. Nous devons encourager cette filière, car les jeunes qui en font l’expérience – trop souvent par défaut – trouvent dans ces métiers un réel épanouissement.

Dans l’agriculture, quatre chefs d’exploitation sur dix ont plus de 50 ans, soit le tiers des effectifs ; les départs naturels liés à l’âge de l’exploitant sont donc en augmentation. La Bretagne attire de nombreux porteurs de projets qui n’ont plus de lien de parenté avec le futur cédant. Ce dispositif va rassurer le cédant et assurer la transmission en permettant aux deux partenaires de faire un bout de chemin ensemble. En 2011, au niveau national, on recense plus de 5 000 dossiers de transmission. Le contrat de génération, ainsi intégré au parcours de l’installation, sera un bon outil, adapté aux réalités du monde agricole.

Dans ce contexte de transmission de l’entreprise, l’artisanat est aussi un secteur qui s’appropriera pleinement ce dispositif, avec un effet démultiplicateur important ; 600 000 emplois ont été créés dans l’artisanat ces cinq dernières années et l’Union professionnelle artisanale prévoit la signature de 75 000 contrats de génération. On compte par ailleurs 300 000 entreprises artisanales dont le responsable est en voie de cesser son activité et qui n’ont pas de repreneur. Un tiers des chefs d’entreprises artisanales sont âgés de plus de 55 ans.

Ces deux filières, où les entreprises sont très spécialisées, nécessitent des compétences techniques et un niveau de qualification importants. La formation des jeunes à la pointe des évolutions technologiques viendra s’enrichir des savoir-faire et des « savoir-être » transmis par le senior en passe de quitter l’entreprise.

On sait combien la notoriété et la réussite d’une entreprise artisanale de proximité reposent sur la qualité du service rendu, laquelle s’apprécie souvent en tenant compte de la subtilité des qualités humaines adaptées à la réalité de chaque territoire, qui ne s’acquièrent réellement que par la pratique professionnelle.

Ces deux filières sont parfaitement organisées s’agissant de l’accompagnement en formation continue, autour des chambres des métiers et de l’artisanat ou des chambres d’agriculture. Comme l’indique le Centre d’analyse stratégique, de nombreux jeunes repoussent l’entrée dans la vie active en faisant des études longues faute d’emploi stable, mais ces études ne sont pas toujours valorisées dans les métiers de l’artisanat ou de l’agriculture. Cette situation crée des frustrations chez ces jeunes. Le contrat de génération offrira une opportunité de communiquer sur ces métiers et de reconnaître les qualités du jeune en lui offrant un CDI à temps plein – le texte devra être précis sur ce point.

Parce que ce dispositif judicieux proposé par François Hollande a fait l’objet d’une négociation interprofessionnelle signée à l’unanimité ; parce qu’il est désormais connu, compris et attendu par les partenaires sociaux, dans leur diversité ; parce qu’il marque un changement de méthode et de culture dans la manière d’aborder les grandes questions de société par la négociation, c’est un modèle nouveau, c’est le changement.

Je suis convaincue que le contrat de génération donne des perspectives à nos jeunes générations et qu’il permettra à nos aînés de quitter l’entreprise avec la satisfaction d’avoir transmis le fruit de leur expérience professionnelle.

C’est un nouveau contrat de confiance conclu dans la durée entre les générations de notre pays. C’est aussi un acte citoyen de mobilisation générale qui doit se déployer sur tout le territoire national pour l’entrée de la jeunesse dans la vie active et pour le transfert des savoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon.

M. Yves Foulon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis trente ans on a pu constater que les politiques sectorielles, quelles qu’elles soient, ne fonctionnent pas. La gauche a souvent inventé, quand elle a été au pouvoir, des dispositifs qui, bien que témoignant d’imagination, se sont révélés inefficaces. J’en veux pour preuve les emplois jeunes de Lionel Jospin ou encore le fait d’avoir poussé les seniors au départ avec les retraites anticipées à la fin des années quatre-vingt-dix. Plus récemment, il y a eu les emplois d’avenir de Jean-Marc Ayrault. Voici que vous inventez un nouveau dispositif que l’on peut qualifier de « deux en un », tout à fait novateur, qui peut apparaître séduisant à première vue, l’objectif étant d’enrayer simultanément le chômage des jeunes, qui atteint 22,7 %, et celui des seniors, lesquels ne sont que 40 % à être dans l’emploi – c’est dire l’étendue des dégâts ! –,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas notre faute !

M. Yves Foulon. …tout cela en prévoyant des dispositions plus ou moins contraignantes ou incitatives selon la taille des entreprises.

Cette mesure va coûter très cher et l’on ne sait d’ailleurs pas, à ce moment précis, comment elle sera financée concrètement. Ce dont nous sommes certains, en revanche, c’est que, à l’instar des mesures similaires prises dans le passé, elle n’aura pas d’effet massif sur l’emploi. Les économistes estiment que le dispositif permettra de créer tout au plus 21 000 emplois par an, alors que, chaque jour, ce sont plus de 1 500 nouvelles personnes qui se retrouvent au chômage, principalement dans le secteur des services.

Comment peut-on penser que des chefs d’entreprises vont se mettre à recruter, alors que les carnets de commandes sont vides, simplement parce que votre gouvernement s’engage à leur donner 4 000 euros par an en contrepartie de l’embauche d’un jeune et du maintien d’un senior dans son poste ?

Ce dispositif, on le sait tous, va favoriser les effets d’aubaine. Votre projet de loi n’opère aucun ciblage – ni des entreprises ni des jeunes concernés –, ce qui va favoriser celles qui comptaient de toute façon embaucher. Les places vont être offertes aux jeunes les plus diplômés, alors même qu’ils ne constituent pas la population la plus durement touchée par le chômage.

Je me demande aussi ce que vont penser les personnes âgées de 30 à 50 ans, qui, une fois de plus, sont laissées de côté, comme si c’était plus facile pour elles ! Beaucoup de chômeurs de cette tranche d’âge sont confrontés à des situations extrêmement difficiles, car c’est la période de la vie où l’on a le plus de dépenses incompressibles, qu’il s’agisse des enfants à élever ou des crédits contractés pour se loger.

Chers collègues, tous les économistes nous le disent : la clef est dans la réforme du financement de la protection sociale et donc dans la baisse significative des charges sociales. Très vite, messieurs les ministres, vous devrez vous résoudre à un transfert de financement de la protection sociale des entreprises vers la TVA. Ce sont les importations qu’il faut taxer, pas nos entreprises.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. Yves Foulon. Je ne peux que déplorer que la TVA anti-délocalisations que nous allions mettre en place ait été balayée en cinq mois par votre gouvernement.

M. Thierry Benoit. Quelle erreur !

M. Yves Foulon. C’est un gâchis et une perte de temps.

Je souhaite revenir sur le flou de votre texte. Je me demande qui concrètement va former les seniors qui devront accompagner les jeunes bénéficiant d’un contrat de génération. Car, si apprendre est une chose, apprendre à apprendre en est une autre.

Le contrat de génération ne peut fonctionner que si le jeune a la possibilité de suivre une réelle formation et si le senior est formé. Qui va assumer le coût de cette formation ? Qui va valider la transmission du savoir ? Le jeune devra-t-il obligatoirement utiliser son droit individuel à la formation pour valider ses acquis ? Votre texte ne dit rien là-dessus.

Vous avez donc passé l’été à détricoter les mesures prises par le gouvernement précédent.

Mme Catherine Coutelle. Quelle était leur efficacité ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous n’avions pas le choix : avec elles, la dette dépassait les 90 % du PIB !

M. Yves Foulon. Aujourd’hui, vous mettez en place des mesurettes électoralistes, alors que nous sommes confrontés à une situation qui nécessite des mesures chirurgicales. Je voterai donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quel courage !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Geoffroy.

Mme Hélène Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012 relatif au contrat de génération commence par ces mots : « L’emploi des jeunes et des seniors constitue un enjeu fondamental auquel les partenaires sociaux souhaitent, par le présent accord, apporter une des réponses nécessaires ».

Cette phrase liminaire traduit la marque de fabrique du Gouvernement et de la majorité au sein de notre hémicycle. En effet, nous avons la conviction qu’il nous faut mobiliser toutes les forces vives de la société dans la lutte contre le chômage. Le dialogue social ainsi renoué y contribue en revivifiant la négociation collective.

Je me réjouis que tous les leviers de la lutte contre le chômage soient activés, non pas l’un à la place de l’autre, mais tous en même temps et de façon complémentaire. Ainsi, au travers des emplois d’avenir, dont la création a été votée il y a trois mois, la nation s’est adressée à un nombre significatif de jeunes sans qualification vivant prioritairement dans les zones urbaines sensibles, dans les zones de revitalisation rurale et outre-mer. Pour les personnes très éloignées de l’emploi, les contrats aidés ont été maintenus. Mieux, l’une des préconisations de la conférence sur la lutte contre l’exclusion trace la piste de contrats adaptés à une reprise progressive de l’emploi pour les personnes les plus en difficulté. Le contrat de génération permet quant à lui de lier jeunes et seniors, réinventant un compagnonnage moderne, lequel permet aux jeunes de s’intégrer plus aisément dans l’entreprise et n’est pas un contrat aidé. Enfin, la négociation qui vient de s’achever porte sur la sécurisation des parcours professionnels ; elle concernera l’ensemble des salariés.

La lutte contre le chômage est menée par tous les bouts ; toute la société est mise en mouvement. Cet ensemble, tel qu’il est pensé, évite deux écueils traditionnellement rencontrés les dix dernières années.

Le premier écueil est celui de la dimension catégorielle, qui a pour conséquence que les autres citoyens ont le sentiment que l’on ne s’adresse pas à eux. Nous devons à tout prix éviter que ne s’ancre dans notre pays la conviction que les mesures prises ne concerneraient que certains. C’est ainsi que, il y a un mois, une habitante de ma circonscription, qui m’avait demandé rendez-vous, m’a dit qu’elle avait 40 ans, ce qui faisait qu’elle n’était ni jeune, ni senior. Cela voulait-il dire qu’elle était oubliée ? Très souvent nous sont assenées des questions de ce type : que faites-vous pour les jeunes ? Pour les salariés âgés ? Pour tous les autres ? Aujourd’hui, nous pourrons dire avec conviction que les outils sont là et qu’il nous reste à veiller à leur application.

Le second écueil évité est celui qui consiste à mettre en place des dispositifs « occupationnels », dont ont tant souffert les générations précédentes. Le précédent gouvernement, début 2012, les avait remis au goût du jour pour les jeunes. Nous avons tous en mémoire les célèbres « formations parking » qui ont durablement, dans les quartiers populaires, fait grandir la méfiance vis-à-vis du service public de l’emploi. Cela ne doit plus être. Ce qui se construit peu à peu, au fur et à mesure de nos votes, c’est un dispositif durable, global, de lutte contre le chômage et contre son corollaire, la précarité.

J’en viens maintenant au projet de loi lui-même, qui porte création du contrat de génération. Je ne citerai pas de nouveau les chiffres du chômage, les orateurs précédents ayant décrit la situation de notre pays. Je tiens simplement à souligner trois éléments de ce texte de loi qui illustrent pleinement son caractère pérenne.

Tout d’abord, nous avons précisé les éléments du diagnostic qui sera joint à l’accord. Celui-ci portera sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Cette réflexion, à chaque fois qu’elle a été menée à grande échelle dans nos régions, a permis un investissement judicieux dans le champ de la formation et du recrutement. Nous avons demandé qu’une attention importante soit portée à la mixité des emplois. Puis nous avons travaillé pour reprendre les modalités d’intégration et d’accompagnement des jeunes, parce que nous savons combien les six premiers mois sont déterminants pour une intégration réussie dans l’entreprise. Il est apparu important que le texte mette bien en lumière les conditions de transmission des savoirs et des compétences.

Le fait que soit inscrit dans le projet de loi que le jeune embauché bénéficiera d’un CDI à temps plein contribuera à lutter contre la précarité si forte chez les jeunes travailleurs. Enfin, comme pour chaque texte, des garde-fous ont été mis en place pour limiter les effets d’aubaine.

L’essentiel toutefois est qu’en votant ce projet de loi nous affirmions avec force que notre société redonne toute sa place à la valorisation des savoirs et des compétences des salariés plus âgés. L’essentiel est qu’au travers de ce texte, et, devrais-je dire, au travers de l’ensemble des textes que nous adoptons, nous contribuions à lever ce qui pèse telle une malédiction, ce qu’ont vécu tous ceux nés depuis le début des années 1970 : pour être embauché, il faut avoir de l’expérience et pour avoir de l’expérience, il faut avoir eu un premier emploi.

L’essentiel est que nous remettions progressivement en route notre cohésion sociale, en exprimant pleinement le fait que chacun prend part au redressement du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, l’un des orateurs de l’opposition s’est demandé ce qu’on allait faire des 30-50 ans. Je pense que Gouvernement a tout à fait raison de cibler les publics qui sont le plus en difficulté.

Les chiffres ne trompent pas : les plus jeunes n’atteignent pas un emploi stable avant l’âge de 27 ans et ont plus de difficultés à y accéder quand ils ne disposent pas d’une formation de haut niveau. Par ailleurs, le ministre l’a souvent répété, ce sont les chômeurs de longue durée et de très longue durée qui souffrent le plus aujourd’hui. Parmi eux, un certain nombre appartiennent à la catégorie des seniors. C’est dire si les choses, malheureusement, sont simples : en période de crise, il faut se préoccuper des plus défavorisés.

À cet égard, je veux saluer le Gouvernement, qui a défini une politique à la fois cohérente et ciblée. Cohérente, elle agit sur tous les facteurs qui conduisent aux disparitions d’emplois et à la précarité. Au travers du CICE, qui relève d’une politique de l’offre, elle stimule l’emploi, s’adressant à toutes les entreprises, sans exclusive. Nous devons souligner cet effort tous azimuts. Mais il y a également, et c’est important, une politique en direction des plus défavorisés, qu’Hélène Geoffroy vient d’évoquer. Dans le cadre des emplois d’avenir, la priorité a été donnée aux jeunes les plus en difficulté des quartiers défavorisés. Au-delà même de leur intégration économique, la question est aussi celle de la cohésion sociale.

Avec les contrats de génération, nous allons un peu plus loin encore. Il s’agit de faire en sorte que ne soient pas laissés au bord du chemin ceux qui pourraient, à un moment ou à un autre, être exclus définitivement, parce qu’ils sont trop vieux, pour dire les choses clairement, ou parce qu’ils n’ont pas encore mis le pied à l’étrier.

J’en parle en connaissance de cause, puisque je suis issu, avec mes collègues Laurent Kalinowski et Paola Zanetti ici présents – eux viennent du bassin houiller, moi du bassin sidérurgique – de ces régions où l’on avait tendance à faire partir les gens âgés de 50 ans environ dans des dispositifs divers et variés, en préretraite ou en cessation anticipée d’activité.

Il arrivait alors que coexistent dans un même foyer les parents en inactivité et leurs enfants qui, à 20 ou 30 ans, ne trouvaient pas à s’insérer. C’est dire l’ambiance qui pouvait régner dans ces familles. Au-delà, c’est le corps social qui était purement et simplement détruit.

À Gandrange, qui a fait l’actualité, on a ainsi vu des industries entières disparaître parce qu’il n’y avait eu ni gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – la GPEC –, ni anticipation des départs en retraite, ni volonté des entreprises de renouveler les compétences. En définitive, on avait échoué à préparer l’avenir. Les dégâts ont été terribles aussi bien pour les individus que pour le tissu industriel.

Nous sommes passés à une autre phase, et l’on ne peut que s’en féliciter. Je veux néanmoins, à ce moment de mon exposé, et même si ce n’est pas véritablement le sujet, vous rappeler, monsieur le ministre, l’importance que nous attachons à ces seniors qui ne seront pas concernés par les contrats de génération et qui se trouvent aujourd’hui sans perspectives : il s’agit des anciens bénéficiaires de l’AER. Nous ne devons pas les abandonner au bord de la route, car ils se trouvent en réelle difficulté. Il nous faut poursuivre la réflexion sur leur situation. Ce n’est pas un petit phénomène : si 800 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché de l’emploi, 650 000 seniors en sortent, dans des conditions qui ne sont pas toujours très satisfaisantes.

Pour conclure mon propos, je dirai que le contrat de génération est un exemple assez extraordinaire de cette nouvelle manière de gouverner, la démocratie sociale dont nous attendons tant, et que l’on appelle aussi la social-démocratie. Pratiquée dans un pays voisin, l’Allemagne, sous le nom de Mitbestimmung, elle a donné des résultats. Elle permet, dans des situations de crise, de passer des caps difficiles, grâce au chômage partiel, mais aussi grâce aux contractualisations, comme celle que vous venez de nous proposer avec ce contrat de génération. Nous ne pouvons que nous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, à la demande du Président de la République, le Premier ministre a décidé de recréer le ministère des droits des femmes, qui avait disparu depuis plus de vingt ans.

L’objectif du Gouvernement et de la majorité est de mobiliser l’ensemble des ministères derrière un projet ambitieux : que l’égalité femmes-hommes devienne un automatisme des politiques publiques. L’égalité professionnelle a ainsi été l’un des thèmes centraux de la conférence sociale qui a réuni début juillet l’État, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales.

Le contrat de génération vise à accroître les embauches de jeunes en CDI, à mettre fin aux départs anticipés et à accroître les recrutements de seniors. Il doit aussi servir d’outil d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, pour les jeunes embauchés comme pour les seniors.

D’une part, la moitié des femmes sont concentrées dans 12 des 87 familles professionnelles. Les métiers mixtes représentent actuellement moins de 10 % des emplois. Ainsi, les cadres du BTP ou les techniciens en informatique et télécommunications sont à 80 % des hommes, tandis qu’une vingtaine de métiers, comme ceux d’infirmier ou d’employé de la comptabilité, comportent à l’inverse plus de 80 % de femmes. Le fait de garantir un meilleur équilibre entre les sexes, aussi bien parmi les jeunes recrutés que parmi les seniors maintenus dans l’emploi, permettra d’améliorer cette situation.

D’autre part, les femmes sont déjà proportionnellement plus nombreuses que les hommes à travailler après l’âge minimum de départ à la retraite pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Dans ce contexte, les entreprises pourront être amenées à maintenir davantage de femmes que d’hommes dans l’emploi. On note que 29 % des femmes, contre 14 % des hommes, attendent l’âge de 65 ans pour liquider leur pension de retraite, afin de compenser les effets d’une carrière incomplète et d’accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension.

Chez les plus de 50 ans, l’activité des femmes, qui connaissait une progression continue depuis plus d’une décennie, marque en 2010 un recul de 1,4 point. Le contrat de génération permettra d’éviter qu’une période d’inactivité subie précède l’âge de liquidation de la retraite pour les femmes seniors maintenues en emploi.

Enfin, s’il y a quarante ans déjà, la loi du 22 décembre 1972 inscrivait dans notre droit le principe de l’égale rémunération des hommes et des femmes, les écarts de salaire restent importants, notamment en raison du développement du temps partiel.

L’essentiel de la hausse de l’emploi des femmes durant la période 1983-2002 est dû à celle de l’emploi à temps partiel. Alors que 30 % des femmes salariées travaillaient à temps partiel en 2010, seuls 6,7 % des hommes salariés se trouvaient dans cette situation.

Entre 1980 et 2010, parmi les femmes ayant un emploi, la part de celles qui travaillaient à temps partiel a doublé, passant de 15 % à 30 %. La part des hommes travaillant à temps partiel est passée de 2 % à 6,7 %.

Depuis 1980, la part des femmes parmi les travailleurs à temps partiel reste supérieure à 80 %. Les femmes sont en somme presque deux fois plus nombreuses que leurs homologues masculins à travailler à temps partiel. Avec la crise, l’écart a même tendance à repartir à la hausse. Aujourd’hui, toutes branches confondues, il avoisinerait les 27 %.

Même si l’on se limite à l’analyse des salaires des travailleurs à temps complet, le salaire mensuel net moyen d’une femme est dans le secteur privé ou semi-public inférieur de 21 % à celui d’un homme.

Alors que depuis le 1er janvier 2012 les entreprises de plus de 50 salariés doivent conclure un accord collectif ou un plan d’action sur l’égalité professionnelle entre les sexes et que les entreprises de plus de 300 salariés ont l’obligation d’établir un rapport de situation comparée, le contrat de génération doit être une opportunité pour aller vers davantage d’égalité professionnelle.

Afin d’assurer une meilleure égalité de revenus entre hommes et femmes et de concourir à l’objectif de mixité des filières – lequel consiste à promouvoir la place des femmes dans les filières et les métiers techniques, et réciproquement, celle des hommes dans les filières et métiers dits à prédominance féminine –, il apparaît nécessaire de s’imposer un objectif ambitieux.

Le projet de loi portant création du contrat de génération prend en compte cet enjeu de façon très claire, et ce alors qu’il est effectivement destiné à des populations fragiles, éloignées de l’emploi, principales victimes de l’inégalité professionnelle touchant les femmes.

Monsieur le ministre, je vois aussi dans le contrat de génération un texte qui vient renforcer la cohérence de nos politiques : cohérence dans la lutte pour l’emploi, notamment avec les emplois d’avenir, cohérence avec les mesures du pacte de compétitivité, cohérence avec les accords sur la sécurisation de l’emploi, cohérence tout simplement avec le nouveau modèle français souhaité par le Premier ministre, qui consiste à allier compétitivité et solidarité. Cette solidarité englobe la volonté d’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, « Le treizième travail d’Hercule : trouver un travail », ironisait Roland Topor il y a un peu plus de vingt ans dans son livre Pense-bêtes.

Ce n’est pas peu dire. Aujourd’hui encore, trouver un travail est loin d’être une sinécure. Le CDI est devenu le Saint Graal que peu de jeunes arrivent à décrocher avant l’âge de 26 ans. Parallèlement, ceux que l’on appelle les seniors sont trop souvent boudés par l’entreprise, et ce malgré leur expérience.

Beaucoup a été dit depuis cet après-midi. Vous évoquiez, monsieur le ministre, le taux d’emploi de 41 % pour les 55-64 ans. Mais sait-on qu’il est divisé par trois entre 57 et 60 ans ?

Nous assistons de fait à une véritable chasse aux seniors, quand, en parallèle, on se méfie des jeunes.

Au-delà de sa vocation économique, je voudrais insister sur la dimension politique de ce projet de loi. Oui, ce texte est éminemment politique.

Tout d’abord il nous invite à un changement de regard. Nous avons trop souffert ces dernières années d’une politique fondée sur l’exclusion de l’autre : l’étranger, bien sûr, mais aussi le jeune. J’ai encore en tête cette affiche pour le recrutement d’un parti politique, alors dans la majorité, qui montrait une dame âgée, visiblement angoissée face à deux jeunes à casquette : on l’invitait, pour se sentir protégée, à adhérer !

Ce texte est un texte politique, car il est une source de motivation, il donne envie, il redonne de la confiance, de l’espérance aux plus jeunes. C’est un rendez-vous avec ces six millions de jeunes qui arriveront sur le marché du travail d’ici 2020.

La situation actuelle appelle des mesures nouvelles, dont l’ampleur doit être à la hauteur des enjeux. Les emplois d’avenir, destinés principalement au secteur non-marchand, ont été la première étape dans la lutte contre le chômage des jeunes ; la seconde étape est présentée aujourd’hui : le contrat de génération et sa dimension intergénérationnelle.

Je vous invite, mes chers collègues, à porter sur la politique de l’emploi un regard global. Les contrats de génération s’ajoutent aux emplois d’avenir, mais nous ne devons pas négliger non plus l’impact de l’effort massif de l’État sur les charges, à travers le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui profitera aussi aux jeunes travailleurs.

Enfin, depuis vendredi, soulignons la décision extrêmement symbolique des partenaires sociaux de mobiliser le produit de la taxe sur les contrats courts vers les recrutements des jeunes de moins de 26 ans en CDI.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Absolument ! Tout cela est cohérent !

M. Christophe Castaner. Il est vrai que c’est une révolution pour la droite, qui a vu le recours aux CDD doubler ces dix dernières années sans s’en émouvoir. La droite a fait de la précarité sa politique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour notre part, avec les contrats d’avenir et les contrats de génération, le CICE et la taxe sur les contrats courts, nous disposons d’une palette de dispositifs qui permettent un effet levier considérable, jamais atteint jusque-là.

Ce texte est un texte politique, enfin, par son processus d’élaboration. Je veux bien évidemment parler de la réinvention du dialogue social. Cette recherche de compromis fait politique ; cette volonté fait une méthode de gouvernement.

Je souhaite là encore vous inviter, mes chers collègues, à inscrire le contrat de génération dans cette volonté de dialogue social. Ce n’est pas, et Catherine Lemorton l’a fort bien dit, une mise en cause du Parlement mais, au contraire, l’affirmation d’une méthode faite de respect, n’en déplaise à M. Vercamer, que l’on a connu plus inspiré, quand il parle de mépris des procédures législatives.

La vision de la droite est connue : l’État décide seul et impose ses vues aux partenaires sociaux. Mais faudrait-il poursuivre la méthode du précédent gouvernement qui a pour seul bilan un million de chômeurs supplémentaires ? La droite, c’est la précarité, disais-je tout à l’heure, c’est aussi le chômage massif.

Dès la constitution du Gouvernement, le choix de créer un portefeuille du dialogue social fut porteur de sens. La grande conférence sociale de la rentrée a favorisé l’esprit du dialogue social. Le contrat de génération est la première étape de ce changement de culture. L’accord sur la sécurisation des parcours professionnels, obtenu vendredi dernier, en est une seconde, majeure. Il porte sur le marché du travail et sur la relation sociale dans l’entreprise. Une méthode : le dialogue social ; un objectif : inverser la courbe du chômage.

Les partenaires sociaux ont à présent deux nouveaux rendez-vous, là encore, avec de grands enjeux pour le marché du travail : la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle femmes-hommes.

Je voudrais enfin, en tant que tout nouveau président du groupe de travail sur les PME, me féliciter que ce texte offre une solution aux problèmes de succession qui se posent très souvent, notamment en milieu rural et dans le monde agricole. Ainsi, un artisan ou un agriculteur de plus de 57 ans pourront passer le témoin.

Volontaire, ambitieux, né d’un accord interprofessionnel unanime, le contrat de génération doit déclencher un vaste mouvement de mobilisation pour faire de la jeunesse et de l’emploi notre première priorité, conformément à la feuille de route du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Lesage, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Michel Lesage. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner combien, en ce début d’année 2013, je suis heureux et fier d’intervenir sur ce texte créant le contrat de génération.

D’abord parce que ce projet de loi est la traduction d’un engagement phare du Président de la République. Il a souhaité le soumettre à la négociation des partenaires sociaux lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 ; ceux-ci s’en sont saisis rapidement et ont signé unanimement un accord national interprofessionnel, le 19 octobre 2012. C’est un bel exemple de dialogue social réussi.

Mais, au-delà du succès de la méthode, ce qui compte, c’est le fond. Et le fond, c’est plusieurs choses. Il s’agit d’abord de relever le défi de l’emploi. Il faut le rappeler : en cinq ans, le nombre de chômeurs a augmenté d’un million ; en dix ans, la précarité du travail a doublé.

Le fond, c’est aussi la priorité donnée aux jeunes et à leur emploi, car leur situation sur le marché du travail est dramatique, avec un taux de chômage des 15-24 ans supérieur à 24 % et une forte proportion de jeunes travaillant à temps partiel. Les jeunes qui terminent leurs études ne se voient proposer, dans le meilleur des cas, que des stages, des contrats courts ou des missions d’intérim.

Nous avons créé les emplois d’avenir fin 2012 ; nous créons les contrats de génération début 2013. Ils se complètent, car ces derniers s’appliquent à tous les jeunes de moins de 26 ans.

Autre point fort du contrat de génération : l’entrée des jeunes dans l’entreprise sera facilitée, grâce au maintien en poste de salariés plus âgés, qui pourront leur transmettre leurs connaissances et leur savoir-faire. Solidariser les jeunes et les seniors dans le travail en permettant la transmission des savoirs est une idée innovante et audacieuse. C’est une belle et grande idée, porteuse de sens et de valeur, car les jeunes sont une chance pour notre société et pour l’entreprise, tout comme les salariés âgés sont une richesse par leur expérience, leurs connaissances et leur savoir-faire. Cette alliance des générations sera un atout pour notre avenir et celui de nos entreprises. Elle donnera du sens au travail et de la reconnaissance aux salariés, qui en manquent parfois.

Nos débats, je n’en doute pas, nous permettront d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment celui qui consiste à éviter les effets d’aubaine, celui qui fait du CDI la règle et celui permettant d’assurer la formation des jeunes.

Autre point fort du contrat de génération sur lequel je tiens à insister, il s’ajoute au panel d’actions que le Gouvernement met en œuvre avec le Parlement en faveur des petites et moyennes entreprises, au sort desquelles je suis, en tant que parlementaire breton, particulièrement sensible, compte tenu de leur importance dans le tissu économique de notre région.

Nous avons déjà mis en place la Banque publique d’investissement et le crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi, dispositifs dont Pierre Moscovici a eu l’occasion de rappeler ici, à l’occasion d’une question au Gouvernement que je lui adressais, combien ils sont importants pour les PME et les TPE.

Le contrat de génération est un dispositif simple, souple et pragmatique. Il est en effet modulé selon la taille des entreprises. Ainsi, pour les entreprises de plus de 300 salariés, le contrat de génération est une obligation, avec pénalité si celle-ci n’est pas remplie ; pour les entreprises de moins de 300 salariés en revanche, et notamment celles de moins de cinquante salariés, c’est une possibilité assortie d’une « récompense », prenant la forme d’une aide financière plusieurs années durant.

Dans le secteur artisanal, le contrat de génération offrira en outre à ces petites entreprises une solution aux problèmes de succession qui se posent très souvent. Ainsi, un artisan de plus de 57 ans pourra embaucher un jeune, à qui il pourra transmettre son entreprise.

La création et la reprise d’entreprises constituent en effet deux moteurs essentiels du développement et du renouvellement du tissu économique de nos régions. Le dynamisme de ce renouvellement prend d’autant plus d’importance quand se tarissent les implantations d’entreprises extérieures à nos territoires, ce qui est malheureusement de plus en plus le cas.

À titre d’exemple, l’an dernier, avec 5 200 créations d’entreprises et plus de 800 reprises, l’artisanat a contribué à 30 % des nouvelles installations dans notre région, et le nombre d’entreprises artisanales à transmettre en Bretagne est potentiellement élevé puisque plus de 9 000 entreprises ont un dirigeant âgé de 55 ans ou plus.

Ce sont ainsi près de 20 % de l’ensemble des entreprises artisanales dont l’avenir va se jouer dans les cinq ans qui viennent, dans des secteurs aussi importants que le bâtiment, l’alimentation ou les services.

De ce fait, si les enjeux du contrat de génération portent sur l’activité économique et l’emploi, ils concernent aussi les services à la population, et il s’agit tout simplement en définitive d’assurer le bien vivre ensemble sur nos territoires, en permettant à nos jeunes de s’y installer et aux plus anciens d’y vivre heureux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Je souhaite apporter quelques éléments d’information sur la formation professionnelle, avant que Michel Sapin réponde de manière plus complète aux différentes interventions.

Vous avez montré par vos interventions l’intérêt que vous portiez à la formation professionnelle et votre volonté de soutenir tous les dispositifs qui permettront le développement de l’apprentissage et de la formation par alternance. Si ce soutien va de soi sur les bancs de la majorité, l’opposition peut, elle, avoir besoin de quelques arguments supplémentaires.

Ce texte s’inscrit dans un continuum de plusieurs textes soumis au Parlement. Vous aurez notamment à vous prononcer sur la sécurisation de l’emploi, dans un texte où figurera une disposition créant le compte individuel de formation, attaché non plus au statut de salarié mais à la personne, tout au long de la vie. C’est une avancée considérable.

De même, Marylise Lebranchu défendra devant vous un texte sur le développement de la formation professionnelle, à travers l’acte III de la décentralisation, qui renforcera avant l’été les prérogatives et les moyens financiers de ces partenaires essentiels que sont les régions – je parle devant Serge Letchimy, après un déplacement que j’ai fait la semaine dernière à la Martinique, où j’ai pu observer ce qui avait été mis en place pour le volet formation des emplois d’avenir.

Par ailleurs, il y a dans le pacte de compétitivité l’engagement de passer de 420 000 à 500 000 apprentis au cours du quinquennat. Cet engagement sera tenu. Il passera, là encore, par une réforme de la taxe d’apprentissage et par une modernisation des dernières lois votées sous le gouvernement précédent.

Je souhaitais donc replacer dans cet ensemble de textes les dispositions du contrat de génération concernant le développement de l’apprentissage et de la formation par alternance. Je rappelle également que ce texte vous est présenté après celui sur les emplois d’avenir qui, pour la première fois, a inscrit dans le code du travail l’obligation pour l’employeur de mettre en place un plan de formation pour tous les bénéficiaires des emplois d’avenir : ce sont 150 000 personnes qui en bénéficieront, ce dont nous avons tout lieu de nous réjouir.

Le contrat de génération et la formation par alternance ne sont nullement antinomiques ou concurrents. Je le redis, il est en effet possible de prendre en compte, au titre du contrat de génération, les contrats de professionnalisation en CDI, qui sont de la formation par alternance, ainsi que les contrats de professionnalisation initialement en CDD, dès lors qu’ils sont transformés en CDI, permettant le maintien dans l’entreprise des apprentis qui y ont été formés.

Si 80 % des apprentis trouvent du travail dans l’année qui suit leur apprentissage, ils ne sont que 40 % à signer un contrat dans l’entreprise qui les a formés. Nous offrons donc une chance supplémentaire à ces jeunes en apprentissage de décrocher un contrat de travail en CDI dans le prolongement leur formation.

Ces quelques exemples vous auront sans doute convaincus que le texte comporte des avancées en matière de formation par alternance.

La transmission des savoirs et des expériences est au cœur du contrat de génération. Selon les dispositions de l’article 1er du projet de loi – je vous invite à le relire – et donc du futur article L. 5121-6 du code du travail, la transmission des savoirs et des compétences est le troisième objectif du contrat de génération, après l’insertion durable des jeunes et l’emploi des seniors. Un autre article disposera que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, les modalités de mise en œuvre de cette transmission des savoirs et des compétences devront être détaillées. Cette transmission pourra prendre plusieurs formes : référent, tutorat, binôme, et j’en passe, puisque la liste est très longue. Le développement de la formation par alternance avec le contrat de génération est donc très clairement souhaité.

Les entreprises de plus de cinquante salariés devront engager la négociation d’un accord collectif intergénérationnel – ce terme a été à juste titre cité à plusieurs reprises – qui précisera les modalités du recours aux contrats en alternance ou de leur développement. Celles et ceux qui connaissent bien le sujet le savent, c’est important, parce que le développement de l’alternance, notamment les contrats d’apprentissage, se fait dans les entreprises de moins de cinquante salariés. C’est donc une vraie incitation, effectivement, au développement de la formation par alternance. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de le dire.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je salue ceux dont j’ai entendu les interventions, et prie ceux que je n’ai pu entendre de m’excuser, en leur précisant que leurs propos m’ont été très fidèlement rapportés. Je crois que ce texte mérite que l’on s’exprime, dans la diversité de nos opinions, il mérite question, et aussi que l’on apporte des réponses aux questions qu’il suscite.

Je salue les parlementaires assis sur les bancs de la gauche, qui ont tenu des propos extrêmement favorables au contrat de génération, favorables non seulement dans leur premier mouvement mais même dans leur dernier mouvement, puisqu’ils ont apporté leur soutien en appelant même à l’adoption de ce texte. Tous, je crois, ont compris les enjeux qui sont les nôtres : les jeunes, les plus anciens, la formation, le transfert de compétences, avec toutes les modalités qui viennent d’être décrites. Ils ont compris que ce texte n’est pas isolé, qu’il s’inscrit dans un ensemble de mesures : les emplois d’avenir, bien entendu, pour les jeunes les plus en difficulté, mais aussi des dispositifs en faveur de l’investissement, de la compétitivité, du financement de l’économie, en faveur, au niveau européen, de la stabilité de la zone euro, en faveur de programmes de croissance, y compris au niveau européen. C’est donc un ensemble, c’est donc tout un dispositif qui prend aujourd’hui sa cohérence avec cette dernière disposition. Ajoutons-y les propositions formulées par les partenaires sociaux dans un accord conclu il y a quelques jours et dont nous aurons à discuter ici, et l’on voit que tout le dispositif pour gagner cette bataille de l’emploi est aujourd’hui en place.

Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, je vous ai tous écoutés avec attention. J’ai constaté que, dans un premier mouvement, c’était certainement sincère, vous attachiez de l’importance à l’objectif, et que nous pouvions faire un même constat, négatif, de la situation, et donc un même bilan des politiques antérieures. On peut, bien sûr, remonter au-delà des cinq ou dix dernières années, mais je sais quels ont été les facteurs d’aggravation au cours de ces dix dernières années. Je ne mets pas cette aggravation sur le seul compte d’une politique, il y a aussi des éléments plus profonds dans la société française,…

M. Laurent Furst. Ah, c’est nouveau !

M. Michel Sapin, ministre. …mais enfin, il faut regarder les choses telles qu’elles sont. Les contrats précaires pour les jeunes : 120 % de plus en dix ans, pas en vingt ou trente ans mais en dix ans. La proportion de chômeurs parmi les jeunes est aujourd’hui de 24 %, et cela fait de nombreux mois que le record en la matière a été battu en France.

Bref, nous partageons le constat. Laissez-vous donc aller à votre premier mouvement, celui d’une appréciation positive de notre texte, de la belle idée qui est la nôtre – je reprends vos termes – et qui devrait nous permettre de marcher ensemble, d’autant qu’un accord a été conclu par des partenaires sociaux unanimes, tant du côté patronal que du côté syndical.

Je le sais, il existe certains automatismes, nous avons nous-mêmes pu nous y laisser aller, mais on n’est pas obligé de toujours suivre le mauvais exemple, nous avons aussi pu apporter notre appui à des dispositifs que nous considérions comme positifs, y compris au cours des dix dernières années. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.) Vous le savez très bien. Sur un sujet comme celui du chômage des jeunes ou du maintien dans l’emploi des seniors, il me semble qu’il serait possible de faire au moins une partie du mouvement ensemble.

Je veux juste donner deux ou trois éléments de réponse non sur des points techniques – la discussion des amendements nous permettra des échanges à ce propos –, mais sur quelques questions globales.

S’agissant tout d’abord du financement, sans parler d’une volonté de tromper, des erreurs d’appréciation sont commises. Ce système, personne n’est capable, bien entendu, de dire combien il coûtera cette année à un ou deux millions d’euros près. Si vous étiez à notre place, mesdames et messieurs de l’opposition, cela serait pareil. Pourquoi donc ? Vous le savez bien. Quand on met en place un dispositif en cours d’année, le coût de celui-ci pour l’année dépend de la rapidité de la montée en puissance. Si ce dispositif – certains indices me le laissent penser – monte rapidement en puissance, il coûtera cette année plus cher que s’il montait plus lentement en puissance ; chacun est capable de le voir. C’est la raison pour laquelle, avec une hypothèse raisonnable de 85 000 contrats en 2013 et une montée en puissance tout au long de l’année, nous arrivons à un dispositif qui pourrait coûter un peu moins de 200 millions d’euros.

Vous nous posez la question légitimement : « D’où sortez-vous ces 200 millions d’euros ? » Le ministre du budget a annoncé il y a quelques jours la mise en place de ce que l’on appelle en langage budgétaire un surgel sur l’ensemble des dépenses de tous les ministères, sauf, évidemment, celles du ministère de l’emploi. Un quart, au minimum, de ce surgel d’un montant de deux milliards d’euros sera consacré au financement des politiques de l’emploi au cours de l’année 2013. Je réponds donc à ceux qui se demandent légitimement où est l’argent qu’il se trouve là.

Évidemment, ces crédits seront mis à la disposition de mon ministère par la loi de finances rectificative, pour permettre à Pôle emploi, non sur ses propres fonds, déjà requis pour l’exercice de ses missions, de mettre en place ce dispositif. De même, sous la précédente législature, Pôle emploi s’était occupé de la mise en œuvre du « zéro charge ». Pôle emploi disposera effectivement des crédits nécessaires, qui seront apportés par mon ministère pour la mise en place en 2013 du contrat de génération.

S’agissant de 2014, le financement se fera dans le cadre du pacte de compétitivité, et je veux éviter, à ce propos également, un faux débat. Vous raisonnez comme si le pacte de compétitivité était une enveloppe de vingt milliards d’euros, mais vous savez bien que ce n’est pas la réalité. Vous prétendez qu’il y a une enveloppe de vingt milliards d’euros et que, si l’on en retranche un milliard d’euros, soit le coût du dispositif quand il aura trouvé sa vitesse de croisière, il y aura de l’argent en moins pour les entreprises, pour le CICE, que vous n’avez d’ailleurs pas voté, vous avez même voté contre. Vous avez certes le droit de le défendre aujourd’hui, comme on le défend dans toutes les entreprises, mais ce n’est pas comme cela que les choses se passent. On ne prend pas un milliard d’euros dans une quelconque tirelire, ce n’est pas ainsi que les choses se présentent. Le dispositif du CICE, vous le connaissez, permettra à chaque entreprise de disposer de 4 %, puis 6 %, de la masse salariale hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Ce mécanisme est automatique, et le montant se calcule simplement. Bien entendu, l’État sera au rendez-vous de cet engagement. En plus de cela, il y aura le financement des contrats de génération.

Est-ce que le coût global de tout cela s’élèvera à 19, 20 ou 20,5 milliards d’euros ? Personne ne peut dire à l’avance, à 500 millions d’euros près, ce que cela coûtera. L’engagement de l’État, c’est que, grâce aux impôts déjà votés et aux économies qui seront indispensables au financement du pacte de compétitivité, l’ensemble des mesures en faveur des entreprises soient financées, qu’il s’agisse du CICE ou du contrat de génération. Je le dis maintenant pour qu’il n’y ait pas de faux procès. L’argent ne tombe pas du ciel, les uns et les autres nous le savons. Il faut faire les choses sérieusement, point par point, trouver des crédits, les mettre en œuvre et permettre à Pôle emploi de les utiliser dans les meilleures conditions, et c’est ainsi, évidemment, que nous ferons pour le financement de l’ensemble de cette mesure.

Est-ce le contrat de génération qui va régler le problème du chômage en France ? Évidemment, à lui seul, le contrat de génération ne le peut pas, vous le savez tous. Ce sont les emplois d’avenir, le contrat de génération, la sécurisation de l’emploi, le soutien à la croissance qui, tous ensemble, permettent de créer un mouvement favorable à l’emploi, de nature à inverser la courbe du chômage.

À ceux qui me disent que le contrat de génération ne va pas lui-même créer des emplois, je réponds que je ne connais aucune entreprise qui créera un emploi au motif de la seule existence du contrat quand bien même elle n’aurait pas besoin d’un emploi. C’est évident ! Il n’est pas nécessaire d’avoir travaillé dans une entreprise pour le savoir, pour s’en rendre compte ; quand on a travaillé en entreprise, d’ailleurs, on s’en rend compte aussi. L’objectif de dispositifs comme celui-ci n’est pas de créer le besoin, c’est de permettre le passage à l’acte. Il s’agit de faire en sorte que l’entreprise qui se demande si elle va recruter ou pas, si c’est un jeune qu’elle recrutera, si c’est en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, de faire en sorte que cette entreprise franchisse le pas de l’embauche, le pas de l’embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée. Ce sont donc en fait trois pas qui vont être franchis ensemble grâce à un dispositif. Franchement, je pense que tous ceux qui, en toute conscience, réfléchissent et regardent ce dispositif en face, devraient lui apporter leur soutien. Je vous remercie d’être le plus nombreux possible à le faire.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. Je rappelle que chacun dispose d’un temps de parole de deux minutes.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les emplois d’avenir, maintenant le contrat de génération, c’est une avancée supplémentaire dans la difficile bataille de l’emploi.

L’esprit du contrat de génération est remarquable ; un véritable pacte entre les générations est conclu.

Les seniors, ceux qui ont entre 55 et 64 ans, ont un taux d’activité extrêmement faible, guère supérieur à 40 % ; avec le contrat de génération, ils sont maintenus dans l’emploi. Les jeunes subissent la précarité de l’emploi et un taux de chômage trop élevé ; avec le contrat de génération, ils ont accès à un emploi stable, à un CDI à temps plein.

Il est une catégorie de jeunes qui doit retenir toute notre attention : les jeunes en situation de handicap, qui rencontrent encore plus de difficultés pour s’insérer dans le marché du travail. Des lois existent, des pénalités sont prévues, mais les résultats sont loin d’être satisfaisants. Alors, faisons de ce nouveau dispositif pour l’emploi qui prévoit l’embauche en CDI à temps plein, quel que soit le niveau de qualification, un dispositif favorable aux jeunes en situation de handicap.

Déjà, le dispositif est ouvert aux jeunes en situation de handicap âgés de moins de trente ans et pas seulement à ceux qui sont âgés de moins de vingt-six ans.

Je ne doute pas que les employeurs, que les salariés des entreprises, petites et grandes, auront à cœur de privilégier ces travailleurs handicapés. Ils le montreront dans les conditions de négociation des accords collectifs, où ils pourront faire figurer des engagements précis quant à l’intégration et à l’accompagnement de ces jeunes handicapés. Pour ma part, j’ai toute confiance dans nos seniors pour transmettre leurs savoirs et compétences.

Quant aux travailleurs handicapés seniors, ils peuvent bénéficier du dispositif dès cinquante-cinq ans, au lieu de cinquante-sept.

C’est une initiative concrète qui est prise. Avec la mise en place des contrats de génération, tous les âges ont désormais leur place dans l’entreprise ; mais nous ne pouvons que nous en féliciter.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’année 2013 a, vous le savez, été consacrée par le Président de la République « année de la grande bataille pour l’emploi ».

Le premier article du projet de loi portant création du contrat de génération soumis à notre examen concrétise cet engagement, en apportant une solution partielle au chômage et à la précarité des jeunes et des seniors. Vous avez, monsieur le ministre, mon entier soutien pour ce projet de loi.

Je voudrais souligner deux aspects de ce dispositif qui me semblent particulièrement intéressants et novateurs. Tout d’abord, il met en exergue l’importance de la transmission des savoirs pour la compétitivité et la pérennisation des entreprises. L’entreprise, nous le savons tous, est de plus en plus définie par une accumulation de savoirs et de savoir-faire. Le départ d’un salarié, quel qu’en soit le motif – retraite, démission, licenciement –, est souvent synonyme de perte de compétence, de compétitivité. Certains spécialistes du management n’hésitent pas dans certains cas à parler d’amnésie.

Oui, ce projet est novateur, car il propose aux entreprises de réfléchir aux rapports entre les générations. Il les incite à faire de ces rapports un atout, en conservant la mémoire de l’entreprise. On ne peut douter de l’intérêt que constitue pour les entreprises la pérennisation des savoir-faire. Garantir, transmettre les savoirs, c’est assurer la compétitivité de nos entreprises à long terme, et par là même assurer la croissance de nos territoires et le maintien de l’emploi.

Ce projet est novateur également car il favorisera la transmission des petites entreprises en donnant aux entrepreneurs la possibilité d’organiser leur propre succession. Nous avons tous connu, dans nos territoires, des entrepreneurs qui, faute de pouvoir léguer leurs biens et surtout leur savoir, ont vu mourir leur entreprise lorsqu’ils ont cessé leur activité.

Le deuxième intérêt de ce dispositif que je voudrais souligner est son adaptation aux PME. Ce sont ces entreprises qui ont le plus souvent des difficultés à organiser la transmission des savoirs, souvent par manque de moyens. Ce sont elles, les entreprises de moins de 300 salariés, qui bénéficieront de l’aide financière de l’État.

Enfin, mes chers collègues, je salue l’implication des partenaires sociaux et l’efficacité de la méthode du Gouvernement, qui témoigne que l’on peut agir rapidement tout en privilégiant le dialogue et la concertation.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. L’imagination est enfin de retour au pouvoir !

Mme Annie Genevard. Voilà qui est nuancé !

Mme Pascale Got. Après cinq années passées à contempler les différentes catégories de travailleurs, sans concevoir un seul instant qu’elles puissent avoir des intérêts communs, le nouveau gouvernement remet au goût du jour la solidarité intergénérationnelle. Il était temps que les textes examinés par cette assemblée retrouvent du sens. Les termes contenus dans cet article premier en ont, qu’il s’agisse de la « transmission des savoirs et des compétences », de la « gestion des âges », ou encore de la « coopération intergénérationnelle ».

Nous ne pouvons pas regarder les jeunes comme un problème et les plus âgés comme un coût. Notre pacte républicain repose au contraire sur la solidarité entre les générations. Par exemple, le droit à l’éducation et à l’école d’un côté et le droit à une retraite par répartition de l’autre sont importants. Dans cet article premier, le Gouvernement ne se trompe pas de cible. Ce sont bien les deux extrémités de la vie professionnelle de nos concitoyens qui sont aujourd’hui les plus incertaines et les plus fragiles. Par la création de ces binômes, l’insertion et le maintien dans l’emploi des deux générations seront facilités.

Aussi, grâce au contrat de génération, les jeunes seront considérés comme des acteurs à part entière, tandis que les plus âgés auront la certitude qu’ils peuvent encore jouer un rôle dans la société. J’espère que cette dynamique permettra de dépasser, grâce à des projets innovants et nombreux, les clivages et les stéréotypes sur la vieillesse et la jeunesse. En posant les fondements du contrat de génération, l’article premier traduit par la même occasion le changement de cap engagé : une politique de gestion des âges et non pas de gestion par les âges.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, cet article premier constitue la pierre angulaire de ce nouveau type de contrat. Ce nouvel outil, le contrat de génération, ira bien au-delà de la lutte contre le chômage. Il permettra de réaliser des progrès dans bien des domaines.

J’insisterai sur trois points : le mieux-être au sein de l’entreprise, l’incitation à l’embauche des personnes handicapées, et la transmission des entreprises.

Pour ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie au travail, j’ai la conviction que, grâce au transfert des compétences et de savoir-faire, les plus jeunes employés se sentiront mieux intégrés dans leur travail, et qu’en parallèle les plus âgés se sentiront reconnus et mieux respectés. Ils seront plus rapidement en situation de confiance dans leurs tâches ou responsabilités quotidiennes.

Plus que cela, nous ferons avancer l’idée que les entreprises doivent être responsables et conscientes de leur rôle dans la société, par la gestion des âges et la place respective de chacun de leurs salariés, notamment au regard de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et entre les jeunes et les moins jeunes.

C’est dans cet esprit – il est important de le saluer – que les personnes handicapées seront aussi concernées. L’incitation à leur embauche constitue une condition du versement d’aides aux entreprises.

Enfin, les transmissions d’entreprises seront facilitées. À l’heure actuelle, de nombreuses petites entreprises, notamment dans les secteurs du bâtiment et de l’artisanat, arrêtent leur activité faute de repreneurs. Cela vide nos territoires, surtout ruraux. Ce texte permettra aux entrepreneurs de penser aux jeunes, nombreux et compétents, et de les encourager à s’insérer dans le tissu productif existant, porteur d’avenir et de continuité. Les emplois concernés sont, de plus, des emplois pérennes et non délocalisables.

Mes chers collègues, ce dispositif constitue une sorte de pacte gagnant-gagnant pour l’emploi.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Rendre confiance à notre jeunesse, c’est l’accueillir normalement sur le marché du travail, et non pas lui réserver seulement des stages, des contrats à courte durée déterminée, et toutes sortes d’emplois temporaires et précaires. Gérer les talents dans l’entreprise, c’est s’adapter aux nouvelles générations et à leurs exigences, mais c’est aussi ne pas oublier de continuer d’ouvrir les voies du développement à leurs aînés.

L’entreprise doit organiser la coopération harmonieuse de plusieurs générations autour d’un objectif partagé, avec pour chacune ses goûts, ses modes de vie, ses attentes. Le contrat de génération illustre ce concept de solidarité intergénérationnelle encadrée par une intervention des pouvoirs publics. Cela semble correspondre aux valeurs et aux préoccupations actuellement dominantes. Ainsi, selon un sondage réalisé par Oséo en juillet 2012, 63 % des employeurs envisagent de recourir au contrat de génération.

Dans ce contexte nouveau de cohabitation intergénérationnelle, deux enjeux majeurs affectent la pérennité organisationnelle : la transmission des savoirs et la planification de la relève. Des centaines d’entreprises disparaissent chaque année faute d’avoir été transmises à temps et d’autres, encore plus nombreuses, perdent peu à peu leur savoir du fait des départs des baby-boomers.

Ces départs vont s’accélérer. Cela concerne tout particulièrement les territoires ruraux et les territoires de montagne, les secteurs de l’agriculture, de la filière du bois et de l’artisanat. Transmettre le savoir et le savoir-faire à une autre génération est un art. C’est l’acte intergénérationnel par excellence, qui valorise l’action de celui qui transmet et qui conforte l’insertion dans l’entreprise de celui qui reçoit.

Le contenu pertinent à transmettre doit être sérieusement évalué. La méthode de transmission des savoirs doit également être adaptée. Les modes d’apprentissage des nouvelles générations sont profondément différents. Organiser un apprentissage intergénérationnel mutuel est une priorité.

C’est ainsi une véritable politique générationnelle que le Gouvernement lance aujourd’hui. Elle va créer des emplois stables pour la jeunesse, sans cannibaliser les contrats existants. Elle participera ainsi à la relance économique de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Monsieur le ministre, mes chers collègues, attentif comme vous à ce débat, j’avoue ne pas bien comprendre les doutes, les préventions et les atermoiements de certains. C’est le cas ce soir, comme au moment de l’examen d’autres réformes proposées par le Gouvernement.

Pourtant, pendant des années, certains parmi les réticents d’aujourd’hui ont été beaucoup moins hésitants. Il me revient un exemple particulièrement significatif, qui avait mobilisé une part importante de l’opinion publique en 2006. La droite mettait alors en place le contrat première embauche, le CPE. Tout le monde se rappelle le funeste destin de ce contrat au rabais, imposé au mépris de toute concertation, sans aucun accord ni dialogue avec les partenaires sociaux, et qui fut, heureusement, balayé par une mobilisation sans précédent. À ce moment-là, il n’y avait pas eu d’hésitations, ni de doutes, ni d’atermoiements, et cela malgré les alertes de l’opposition de l’époque.

Les seniors, quant à eux, n’ont pas davantage été épargnés pendant ces années. En opposant les générations, en dérégulant le marché du travail, en imposant toujours plus de flexibilité sans aucune contrepartie, on est arrivé à un niveau de chômage des jeunes jamais égalé : près de 24 %. Le taux d’activité des seniors n’a jamais été aussi faible.

Aujourd’hui, nous devons agir de manière juste, mobiliser tous les talents et toutes les générations avec une seule ambition, un seul objectif : l’emploi. Le Président de la République l’a justement rappelé. D’ici 2020, 5 millions d’actifs partiront à la retraite tandis que 6 millions de jeunes feront leur entrée sur le marché du travail. Nous le savons, la main invisible ne réglera rien : seule une action volontariste et déterminée permettra de relever le défi qui s’annonce.

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

M. Philippe Baumel. Le contrat de génération dont nous examinons l’article premier pose les fondements d’une nouvelle méthode et d’une confiance restaurée. Cette confiance concerne d’abord les partenaires sociaux. Elle concerne ensuite les entreprises, pour bâtir et négocier les passerelles entre les jeunes de moins de 26 ans entrant sur le marché du travail.

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les contrats de génération constituent une nouvelle arme pour lutter contre le chômage. Engagement phare du Président de la République, cette mesure démontre également que des solutions nouvelles peuvent être apportées en faveur de l’emploi. L’emploi est bien notre priorité. Mes collègues ont déjà évoqué l’impact de cette mesure, aux deux extrémités de la chaîne des âges : je n’y reviendrai pas.

Le contrat de génération est aussi une mesure forte, et très symbolique. Elle réintroduit du lien entre les jeunes et les seniors, qui ont été trop longtemps et sont toujours trop souvent opposés sur le marché du travail. L’idée forte de transmission permet d’humaniser ces relations. Les contrats de génération portent ainsi une belle vision, selon laquelle ce sont les hommes et les femmes détenteurs des savoirs, des compétences et des talents qui construisent notre économie.

En effet, notre pays s’enorgueillit légitimement des savoir-faire développés au sein de ses entreprises. Nous le savons, la préservation de ces savoir-faire, véritable patrimoine humain, constitue un enjeu capital de notre développement économique. Ces savoir-faire sont ceux de notre industrie, mais également de notre artisanat et de notre agriculture. Le Président de la République expliquait dès le mois de juin que le contrat de génération ne peut être une formule qui s’applique mécaniquement à toutes les entreprises. Au contraire, il doit être adapté à chaque situation. C’est bien cette appréciation différenciée et humaine qui fait la force du dispositif.

Nous retrouvons cette appréciation différenciée avec les contrats que l’on appelle contrats de génération transmission, et qui permettent aux chefs d’entreprise âgés de 57 ans ou plus de bénéficier du contrat de génération dans le cadre de la transmission de leurs entreprises. Dans un contexte où la préservation des savoir-faire est fragile, où 300 000 entreprises artisanales dont le chef d’entreprise est en voie de cessation d’activité se trouvent sans repreneur potentiel, où un tiers des chefs d’entreprises artisanales sont âgés de plus de 55 ans, où la reprise des exploitations agricoles tout autant…

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Edith Gueugneau. …que l’installation des jeunes agriculteurs fait peser des doutes sur l’avenir de notre agriculture, le contrat de génération, s’il n’a pas pour ambition de résoudre à lui seul le problème de la transmission d’entreprises, demeure un outil privilégié et une réponse immédiate qui permettra de pérenniser de nombreuses activités et de redonner de l’espoir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. En vous laissant finir votre phrase, je ne me doutais pas qu’elle serait aussi longue.

La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme on pouvait s’y attendre, et comme la discussion générale l’a bien montré, en matière d’emploi, les paroles ne suffisent pas : il faut aussi des actes. C’est pourquoi je me félicite tout d’abord de la méthode retenue par le Gouvernement. En effet, la discussion visant à mettre en place les contrats de génération – dont cet article premier constitue la matrice – s’inscrit dans le cadre d’une politique globale pour l’emploi et le redressement du pays.

Avec ce dispositif, nous nous adressons désormais au secteur marchand, après avoir mis en place les emplois d’avenir destinés davantage au secteur public. Voilà un choix cohérent ! La cohérence est d’autant plus présente que ce projet de loi obéit parfaitement à la logique privilégiée par le Gouvernement : celle du dialogue social et de la concertation. Le cadre qui régira ces contrats définis dans le présent article résulte pleinement de l’accord conclu en octobre dernier.

Je veux me féliciter de l’attention particulière qui a été portée à la question de l’insertion des salariés en situation de handicap. Là encore, nous nous situons à contre-courant des choix opérés jusqu’à présent. Le constat est sans appel : le taux de chômage est de 22 % pour les personnes bénéficiaires de l’obligation d’emploi, soit de douze points supérieur à la moyenne nationale. Par ailleurs, elles demeurent, en moyenne, six mois de plus au chômage, vingt et un mois contre quinze pour un salarié valide.

Pour remédier à cette spirale infernale, je salue l’introduction à l’article 1er de deux dérogations : premièrement, l’élargissement de la possibilité de recrutement jusqu’à l’âge de trente ans dans le cas d’un salarié reconnu comme étant en situation de handicap ; deuxièmement, la prise en compte des travailleurs handicapés seniors dès cinquante-cinq ans et non cinquante-sept ans pour le droit commun en cas de maintien dans l’emploi. Oui, en matière d’emploi, il faut passer aux actes et les concrétiser dans le respect de tous pour parvenir à une meilleure justice sociale. C’est ce que nous faisons d’emblée dès l’article 1er du présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Drapeau.

M. Jean-Luc Drapeau. Messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2013 est l’année de toutes les batailles : bataille pour l’emploi, bataille pour la jeunesse et bataille pour le redressement de la France. L’objectif est simple et il doit tous nous rassembler : agir contre le chômage. Pour cela, le Gouvernement et l’ensemble de la majorité sont pleinement mobilisés. Après les contrats d’avenir, premier texte discuté lors de la session extraordinaire de septembre, nous débattons des contrats de génération. Nos travaux s’ouvrent, pour cette nouvelle année, sur un texte porteur de sens et d’espoir. L’article 1er porte création du contrat de génération dont mes collègues ont rappelé les contours et les modalités : insérer durablement les jeunes par le biais de contrats à durée indéterminée, alors que le taux de chômage de cette catégorie de la population avoisine 23 %, et permettre aux seniors d’être maintenus dans l’emploi, leur taux d’activité stagnant actuellement à 45 %.

Le contrat de génération, c’est la mise en œuvre du trente-troisième engagement du Président de la République. Une belle idée, avez-vous rappelé, monsieur le ministre. En effet, le contrat de génération permettra d’assurer la solidarité entre les générations. Quelle plus belle mission pour un senior que de transmettre son savoir-faire et ses méthodes à la génération qui arrive ? Ainsi le renouvellement des compétences peut-il s’articuler harmonieusement. D’ici à 2020, plus de cinq millions d’actifs seront à la retraite et six millions de jeunes auront fait leur entrée sur le marché du travail. Avec le contrat de génération, le jeune n’est plus considéré comme une charge, mais comme une chance et un investissement pour l’entreprise. Le travail et l’expérience si précieux de nos seniors sont enfin reconnus et revalorisés. C’est en établissant ce trait d’union essentiel entre les générations, un pacte intergénérationnel, en redonnant un espoir à tous les jeunes et en valorisant l’expérience des salariés seniors que nous pourrons lutter efficacement contre le chômage et assurer une meilleure compétitivité de nos entreprises.

Mes chers collègues, nous devons tous nous retrouver derrière ce projet de loi. C’est l’alliance des générations qui fera la force de l’économie et de la société française ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je tiens tout d’abord à souligner l’importance de ce projet de loi, qui représente un engagement phare du Président de la République. Au-delà du dispositif, je veux saluer la méthode par laquelle il a été obtenu : le dialogue social et l’esprit qui l’anime, la solidarité intergénérationnelle dans un domaine en crise comme l’emploi.

Vous connaissez toutes et tous les difficultés auxquelles sont confrontés nos jeunes pour entrer sur le marché du travail et celles des seniors qui en sont rejetés souvent brutalement et sans considération. À La Réunion et, plus généralement dans l’ensemble des départements d’outre-mer, cette loi aura, à côté, bien sûr, des emplois d’avenir, deux vertus. La première sera de soulager la situation de nos jeunes durement touchés par un chômage massif – 60 % – et de leur permettre d’aborder l’avenir plus sereinement, car ce sont également eux qui sont le plus souvent victimes des emplois précaires. Seuls 39 % des moins de vingt-cinq ans sont en CDI. La seconde sera d’assurer à nos seniors le bénéfice d’une fin de carrière professionnelle digne. C’est en effet bien de dignité que nous parlons aujourd’hui : celle du jeune qui pourra s’accomplir dans le monde professionnel et celle du senior qui sera valorisé en transmettant son expérience à la fin de sa carrière. Cette dignité sera bien sûr retrouvée par l’obtention d’un emploi ou le maintien dans l’emploi, mais également par un revenu qui devra leur permettre de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai sans réserve l’amendement portant création d’un CDI à temps plein.

S’agissant de l’aide accordée aux entreprises de moins de cinquante salariés, cela ne peut être que salutaire pour nos entreprises réunionnaises qui sont, pour la majeure partie d’entre elles, de très petite taille. Ce sera pour elles, je le souhaite fortement, une incitation à l’embauche.

Pour conclure, mes chers collègues, parce que, dans mon île, les jeunes femmes sont les plus touchées par le chômage – 65 % contre 55 % pour les jeunes hommes – je tiens à souligner que ce texte doit aussi permettre d’assurer une meilleure égalité hommes-femmes dans l’entreprise. Il convient de veiller à ce que les objectifs d’égalité professionnelle soient pris en compte dans la signature des accords collectifs et suivis d’effets. Conformément au décret du 19 décembre 2012, j’ose espérer que nous parviendrons, dès la fin 2013, à des résultats significatifs s’agissant de la résorption des différences de traitement entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le projet de loi relatif au contrat de génération que nous examinons ce soir tend à permettre la formation d’un jeune salarié de moins de vingt-six, ou trente ans dans certains cas, en recourant à l’expérience d’un salarié senior qui se maintient en emploi. Cette idée est assez surprenante de la part des socialistes, car elle rompt, enfin, avec la philosophie du partage du travail parfaitement illustrée avec les 35 heures ou encore avec les plans de départ anticipé à la retraite des années Jospin.

Sous la précédente législature, les mesures que nous avons adoptées ont eu un impact sensible sur le taux d’emploi des seniors, mais plus de 20 % des entreprises continuent à licencier leurs seniors. Ainsi, alors que les quinquagénaires ne se sont jamais aussi bien portés, seuls 40 % d’entre eux ont encore un emploi. Parallèlement, le taux de chômage des jeunes atteint 23 % contre 7 % seulement en Allemagne. Ce « non-emploi » des seniors et des jeunes nous coûte très cher, au minimum 5 % du PIB par an.

L’objectif du Gouvernement est donc d’initier une véritable politique générationnelle en créant des emplois stables pour la jeunesse, tout en maintenant les contrats existants des seniors. Cela s’inscrit dans la continuité de dispositifs que nous avons engagés avec Nicolas Sarkozy pour mieux former et insérer les jeunes grâce à l’alternance et à l’apprentissage, dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Ce contrat devrait particulièrement intéresser les TPE et PME qui se caractérisent par la jeunesse de leur effectif. L’insertion des jeunes s’y fait majoritairement par l’apprentissage, qui représente plus de 70 % des contrats de travail. Le contrat de génération devrait leur permettre de transformer cet essai en proposant un CDI à leurs apprentis. Malheureusement, mes chers collègues, ce dispositif n’est pas financé ! On nous dit qu’il le sera dans un projet de loi de finances rectificative en 2013 : avouez que c’est un peu flou ! Flou, ce texte l’est sur toute la ligne. Par exemple, on ne sait toujours pas comment sera évaluée la transmission des savoirs et comment seront formés les « seniors-tuteurs ». J’espère, avec cet exemple précis, que les députés de gauche auront la sagesse d’adopter les amendements que nous défendrons, sur les bancs de l’UMP rassemblée, dans quelques instants.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le contrat de génération créé par cet article 1er semble être un outil séduisant, mais il manie autant la carotte que le bâton. La carotte, c’est pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui bénéficieront d’une aide de 4 000 euros par an pour l’embauche d’un jeune en CDI et le maintien d’un senior. Le bâton, ce sont de fortes pénalités pour les entreprises de plus de 300 salariés qui n’auront pas conclu un accord en matière d’embauche de jeunes sous contrat de génération. Dès 2013, 100 000 contrats sont prévus, mais sommes-nous sûrs de leur efficacité ? Ainsi, 60 % des employeurs jugent que cette aide financière n’est pas de nature à provoquer une embauche en raison de la conjoncture. De plus, les secteurs les plus dynamiques tels que ceux des nouvelles technologies ont peu de seniors concernés par une transmission du savoir-faire. Les chiffres présentés relèvent donc plus de l’effet d’annonce que du pragmatisme. Cette communication bénéficie d’ailleurs d’un budget de 1,9 million d’euros ! En fait, le problème numéro un des jeunes est la non-qualification. Nos PME ont besoin de jeunes qui ont déjà un minimum de formation. L’une des solutions, comme cela a été maintes fois rappelé au cours de cette soirée, c’est l’apprentissage. Pour plus de 65 % des jeunes, il permet de trouver un emploi après l’obtention de leur diplôme. Or, dans mon département du Jura, le nombre des contrats d’apprentissage a chuté de cinq points entre 2011 et 2012. C’est sur l’apprentissage qu’il faut porter l’effort, ce que le contrat de génération ignore superbement.

Il ne répond pas non plus au problème des entreprises. L’outil n’est efficace que pour les métiers où la transmission du savoir-faire est centrale. C’est certes le cas des petites entreprises artisanales, mais elles ont souvent réglé leur problème bien seules ! Pire encore, selon les chiffres de la DARES, cette politique aurait un effet d’aubaine pour environ 85 000 postes, soit plus de 65 % de l’objectif que vous vous êtes fixé. Apprentissage et réformes structurelles afin de favoriser la compétitivité des entreprises auraient été plus efficaces pour créer des emplois à destination des jeunes. Le contrat de génération coûte cher et aura malheureusement bien peu de résultats.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de voter les amendements tendant à supprimer l’article 1er de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président, mesdames, messieurs, en préambule de mon intervention sur l’article 1er, je tiens à rappeler à mes collègues de la majorité les propos tenus lors d’une discussion générale qui s’est déroulée voici quinze ans, ce qui rabattra peut-être quelque peu leur enthousiasme et les incitera sans doute à un peu plus d’humilité ! Martine Aubry, le 27 janvier 1998, lors de la discussion générale sur la réduction du temps de travail, soulignait que nos jeunes entraient de plus en plus tard sur le marché du travail, que le taux d’activité des moins de vingt-cinq ans, inférieur à 30 %, était l’un des plus faible des pays industrialisés…

M. Christian Paul. Où étiez-vous pendant dix ans ?

Mme Annie Genevard. …et que le taux d’activité des plus de cinquante-cinq ans, inférieur à 36 %, était aussi l’un des plus faibles.

M. Dino Cinieri. Eh oui !

Mme Annie Genevard. C’est déjà à ce problème que la loi entendait répondre, mais ce fut un échec.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Jean-Marc Germain. Tirez donc les leçons de l’histoire !

Mme Annie Genevard. Si je suis sceptique quant à l’efficacité de ce dispositif, je considère que l’une de ses finalités affichées concerne un enjeu majeur : celui de la transmission des savoirs et des compétences. Lequel d’entre nous n’a pas entendu à peu près toutes les catégories d’artisans se plaindre de l’absence de jeunes intéressés par leur métier où, pourtant, les perspectives professionnelles et financières sont loin de manquer d’attractivité ? De même les métiers de l’industrie ont à faire face à un défi vital, majeur : celui de pérenniser les entreprises de production et leur activité et, avec elles, nos capacités à exporter et à préserver nos savoir-faire. L’image d’un très grand nombre de métiers n’est pas à la hauteur des satisfactions qu’ils peuvent offrir.

La réalité nous oblige, hélas, à constater plusieurs phénomènes auxquels le dispositif que vous avez imaginé ne répondra pas, je le crains. Il faut, d’une part, remotiver les jeunes au travail, non pas qu’ils soient paresseux, mais on leur a trop présenté le travail sous l’angle des contraintes et non des satisfactions que celui-ci peut apporter. Il faut inciter les branches professionnelles à travailler sur l’attractivité de leur métier. Il faut, enfin, faire porter nos efforts sur les métiers en danger de disparition.

Vous allez consacrer beaucoup d’argent à ce dispositif : un peu moins d’un milliard d’euros par an à pleine charge. Dans l’état actuel de nos finances publiques, êtes-vous sûrs que ce dispositif atteindra ses objectifs ?

M. Michel Sapin, ministre. La réponse est oui !

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le drame français, le fléau de notre économie, c’est la faiblesse du niveau d’activité, qui est à peine supérieur à 50 %, alors qu’il atteint 57 à 58 % dans la plupart des grands pays développés. C’est ce qui explique la faiblesse du taux de croissance dans notre pays, ce à quoi vous n’échappez pas, vous et votre gouvernement, monsieur le ministre, en dépit des incantations entendues lors de la campagne de François Hollande. Cela explique également le fort niveau du chômage, en particulier chez les jeunes. Cela se comprend, naturellement : nous sommes le pays où l’on arrive le plus tard sur le marché du travail, où l’on en part le plus tôt et où l’on travaille le moins pendant la vie active.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas complètement étrangers à cette situation, vous et vos amis…

M. Michel Sapin, ministre. Sûrement !

M. Luc Chatel. …qui, depuis trente ans, avez en permanence promu l’abaissement de l’âge de la retraite, l’augmentation des congés payés, la réduction du temps de travail, diminuant le niveau d’activité dans notre pays.

Vous voulez aujourd’hui vous racheter une virginité,…

M. Michel Sapin, ministre. Je n’y arriverai pas ! (Rires.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas cette prétention ! (Sourires.)

M. Luc Chatel. …en considérant qu’il faut, d’un côté, augmenter le taux d’activité des jeunes et, de l’autre, faire la même chose pour les seniors. C’est sympathique, la solidarité entre les générations, et cela devrait nous rassembler, mais je crains que vous fassiez fausse route et que cette idée, sympathique au départ, soit une fausse bonne idée. On ne réglera pas le problème de l’emploi des jeunes et des seniors par la contrainte, par un carcan, par des normes supplémentaires,…

M. Jean-Marc Germain. Le disque est un peu rayé !

M. Luc Chatel. …en donnant l’impression de raser gratis : un emploi jeune créé contre un emploi senior créé, avec une aide de l’État, c’est Noël ! Non, ce n’est pas ainsi que nous gagnerons la bataille de l’emploi. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne soutient pas ce projet et s’oppose à cet article de création du contrat de génération.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, dernière oratrice inscrite sur l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaite revenir sur l’aide publique accordée aux entreprises dans le but de leur permettre d’alléger ce qu’il est convenu d’appeler le coût du travail. C’est depuis trente ans la principale politique de l’État pour lutter contre le chômage.

Avec plus de 4 millions et demi de personnes inscrites à Pôle emploi, soit plus de 10 % de la population active, l’échec de cette politique est patent. Pourtant, chaque année, ces cadeaux aux entreprises coûtent très cher : 30 milliards pour les exonérations de cotisations sociales patronales, sans cesse reconduites, auxquelles il faut ajouter les 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité emploi qui viennent d’être décidés.

Cette politique très coûteuse est-elle efficace ? L’exemple de Sanofi, qui s’apprête à recevoir 40 à 50 millions au titre de ce dernier dispositif et qui, dans le même temps, envisage de supprimer près de 2 000 emplois, répond, au moins en partie, à cette question.

Ces sommes, distribuées sans discernement, aussi bien aux grandes qu’aux petites entreprises, et quelle que soit la politique de l’emploi, des salaires ou d’investissement qu’elles conduisent, ne sont pas seulement inefficaces pour l’emploi mais confortent et encouragent les délocalisations et les bas salaires.

Le texte qui nous est aujourd’hui soumis a le mérite de différencier l’aide selon la taille de l’entreprise et de prévoir sa modulation en fonction de résultats concrets évalués et contrôlés. Nous y sommes sensibles, mais pour contrôler les entreprises, il faut des moyens humains, qui risquent de manquer, monsieur le ministre, si vous vous contentez de maintenir à leur niveau actuel les effectifs des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, chargées de ce contrôle.

Par ailleurs, compte tenu de l’expérience acquise, notamment des bilans d’évaluation des exonérations de cotisations sociales qui concluent à un résultat très mitigé, nous pensons que les entreprises de plus de cinquante salariés n’ont pas besoin d’une aide publique supplémentaire pour appliquer ce dispositif. C’est pourquoi nous avons déposé l’amendement n° 191, que je présenterai le moment venu.

M. le président. Nous en venons aux amendements nos 37 et 64 de suppression de l’article 1er.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 37.

M. Jean-Pierre Door. Cet après-midi, la motion que j’ai présentée a été rejetée, bien qu’elle montrât les faiblesses de ce projet de loi. Je souhaite rappeler celles-ci en défendant la suppression de l’article 1er.

J’ai constaté, monsieur Sapin, votre optimisme aux allures de méthode Coué.

M. Michel Sapin, ministre. Je ne suis pas pharmacien !

M. Jean-Pierre Door. Vous nous vendez votre contrat de génération de façon formidable ! Je reste tout de même sur ma faim, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, nous constatons des faiblesses dans les domaines de l’apprentissage, du tutorat, de la formation : tout cela est extrêmement faible dans le texte, quand vous n’avez pas franchement omis d’en parler ! C’est regrettable.

Je vous ai également écouté sur la question du financement. Vous nous avez répondu à la louche !

M. Michel Sapin, ministre. À la petite cuillère ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. Non, c’était un peu trop gros : « Les 20 milliards, on en retire, on en remet, mais comme cela n’est pas encore proposé, ne vous inquiétez pas, il n’y a rien à voir, l’année prochaine ça ira mieux ! » C’était à n’y rien comprendre ! Vous allez prendre une partie des 20 milliards du CICE…

M. Michel Sapin, ministre. Nous ne les prenons pas !

M. Jean-Pierre Door. …pour payer les premières centaines de millions du dispositif. Combien de milliers de contrats de génération allez-vous signer à 4 000 euros par an ? Et tout cela n’est pas du tout financé. C’est en raison de tout ce flou que je demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 64.

M. Gérard Cherpion. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation de Jean-Pierre Door, qui a demandé cet après-midi un renvoi du texte en commission qui me paraissait tout à fait opportun dans la mesure où le financement du dispositif n’est pas assuré. Je suis comme lui : je n’ai pas compris, et je suis pourtant pharmacien, et en plus lorrain ! (Sourires.)

Dans l’engagement 33 du candidat Hollande, ce dernier mentionnait un tutorat permettant de préserver les savoir-faire. Or le contrat de génération est loin d’être intergénérationnel puisque le jeune et le senior n’auront en définitive aucun lien, si ce n’est de permettre à l’entreprise de bénéficier de l’aide de l’État.

Pendant toute la discussion en commission, le mot « tutorat » a été rejeté. On nous a expliqué qu’il s’agissait d’un contrat de travail normal, ordinaire, et M. Sirugue a d’ailleurs déposé un amendement, que nous avons cosigné, introduisant une référence au plan de formation. Il n’est nulle part question de tutorat, même si M. Repentin l’a évoqué tout à l’heure. C’est pourquoi je défends cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. Défavorable. Si vous proposez des amendements de suppression, dans le contexte où nous nous trouvons, cela signifie, chers collègues, que pour vous il est urgent de ne rien faire, et de poursuivre les politiques que vous avez conduites pendant dix ans et qui ont abouti aux chiffres du chômage des jeunes que nous connaissons.

Le Gouvernement présente des mesures qui ont pour but, comme l’a rappelé le ministre, de mobiliser tous les moyens possibles pour à la fois créer de l’emploi pour les jeunes et maintenir les seniors dans l’emploi. Ces amendements nous disent seulement : « On ne veut rien. » La situation, aujourd’hui, ne permet pas de ne rien vouloir.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 37 et 64 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 11.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous l’avons évoqué lors de la discussion sur les emplois d’avenir : la difficulté est parfois d’aller chercher les jeunes à qui s’adressent nos dispositifs. Aussi, l’objet de cet amendement est de préciser que les jeunes concernés par le contrat de génération doivent être inscrits à Pôle emploi. Pôle emploi déploie des efforts en direction des jeunes et du public en général. Bien souvent, les jeunes ignorent tout ce qui est proposé par les services publics de l’emploi. En outre, le dispositif sera en partie géré par Pôle emploi puisque les financements transiteront par cette structure. Que le jeune s’y inscrive serait une première démarche qui prouve qu’il souhaite s’insérer durablement dans la vie professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Défavorable. Le texte proposé se veut universel, nous ne souhaitons pas restreindre l’accès au dispositif. L’essentiel des jeunes sont inscrits à Pôle emploi, certains sont suivis par les missions locales, d’autres ne sont pas dans ces dispositifs, et alors ? Pourquoi ne faudrait-il pas qu’ils aient accès aux contrats de génération ? Notre volonté est au contraire d’embrasser l’ensemble des jeunes, quels que soient leurs parcours, leurs particularismes, dans leur envie de travailler.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Madame Le Callennec, je devrais être d’accord avec votre amendement : vous voulez m’aider à inverser plus rapidement encore la courbe du chômage, car à s’en tenir aux jeunes inscrits à Pôle emploi cela ferait des chômeurs en moins. Mais la réalité du chômage des jeunes n’est pas seulement le chômage de ceux qui sont inscrits à Pôle emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. Eh oui, hélas !

M. Michel Sapin, ministre. Il y en a aussi un bon nombre qui, à moins de vingt-cinq ans, n’ayant jamais travaillé, méritent d’être encouragés, accueillis dans les entreprises, et qui ont toutes les qualités pour être dynamiques dans leur emploi.

Je comprends votre préoccupation que les jeunes s’insèrent dans le dispositif, qu’ils fassent une démarche, mais ils ne tomberont pas du ciel : ils chercheront un emploi, entreront en relation avec un employeur, qui en auditionnera plusieurs avant de procéder à un recrutement. Je pense que, dans cette démarche d’aller chercher son emploi, il y a les caractéristiques d’une volonté, et qu’il n’est pas utile d’y ajouter une inscription à Pôle emploi.

(L’amendement n° 11 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 128.

M. Arnaud Richard. Sur cet amendement, notre groupe demandera un scrutin public. En effet le Gouvernement a déposé un amendement, peut-être pas de dernière minute mais peu s’en faut, à l’alinéa 51, alinéa que nous avions modifié, à l’unanimité, je crois, de la commission des affaires sociales, qui considérait que ces contrats devaient être à temps plein. Nous l’avions fait parce que nous considérions que l’offre d’un CDI était une condition nécessaire mais non suffisante pour sécuriser le jeune : il faut, pour lutter contre la précarité financière et sociale, et permettre aux jeunes de trouver des logements dans de bonnes conditions, des contrats à temps plein.

M. le président. Monsieur Richard, je me permets de vous interrompre pour annoncer le scrutin.

Sur l’amendement n° 128, je suis saisi par le groupe UDI d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Arnaud Richard. Nous découvrons que le Gouvernement, à l’alinéa 51, a considéré que, si le contrat de génération devait plutôt être à temps plein, l’employeur pourrait prendre en considération le plancher de vingt-quatre heures hebdomadaires retenu par les partenaires sociaux à l’issue de la négociation portant sur la sécurisation de l’emploi.

Nous sommes donc pris dans un maelström entre la démocratie sociale et la démocratie représentative : le Gouvernement considère que ce qu’a voté à l’unanimité l’Assemblée nationale en commission peut être mis à mal par une négociation, tout à fait respectable au demeurant, des partenaires sociaux. C’est pourquoi, considérant que cet amendement du Gouvernement met à mal le temps plein que nous avons tous choisi en commission, nous demandons un scrutin public sur le nôtre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Certaines choses méritent d’être précisées. L’alinéa 51 dispose que les entreprises embauchent les jeunes en contrat à durée indéterminée à temps plein. Vous êtes en train d’essayer de réécrire l’alinéa 51, qui précise déjà que c’est à temps plein.

M. Arnaud Richard. C’est le Gouvernement qui réécrit l’alinéa !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Par ailleurs, le ministre s’exprimera sur l’amendement qu’il souhaite suggérer à l’alinéa 51, qui n’a rien à voir avec ce que vous avez avancé. En effet nous avions dit – et monsieur le ministre l’a rappelé dans son propos introductif tout à l’heure – qu’il était sans doute nécessaire de privilégier, comme nous l’avons fait, avec raison, à l’unanimité, le CDI à temps plein, mais d’autoriser quelques dérogations pour des situations particulières, qui permettent malgré tout d’embaucher des jeunes. Nous avions souhaité que ce ne soit pas en deçà d’un contrat à 80 % pour ces cas particuliers. Il n’y a rien d’autre, à l’exception de ces éléments tout à fait clairs, et je ne sais quelles sont ces 24 heures que vous évoquez, sorties du contexte d’un accord auquel vous faites peut-être référence : cet élément ne se retrouve pas, pour l’instant, dans les propositions du Gouvernement. La commission a donc rejeté votre amendement, puisqu’il est déjà compris dans le texte et que, par ailleurs, il sera complété par M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Ce débat est tout à fait légitime. Il a eu lieu en commission et aura lieu ici même, mais je trouve dommage qu’il soit introduit à ce moment-là de notre débat : mieux vaut avoir l’ensemble des amendements, et éventuellement des sous-amendements, de l’ensemble des groupes, de façon à pouvoir confronter les opinions des uns et des autres. Ainsi n’est-il pas véritablement à sa place. Quant à la suite, nous verrons vos arguments ; peut-être parviendrai-je à vous convaincre, monsieur le député, peut-être que c’est vous qui me convaincrez. Dans tous les cas, l’emplacement ici ne me semble pas être le bon et, à ce stade, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le ministre n’a pas tort et je lui fais peut-être un procès qu’il ne mérite pas ; pour autant, avant que vous ne votiez ou non cet amendement, je vous précise ce que dit l’amendement du Gouvernement qui met à mal l’exigence du temps plein pour ces contrats de génération : « Lorsque le parcours ou la situation du jeune le justifie, notamment pour faciliter le suivi d’une action de formation, ou lorsque la nature de l’emploi ou le volume d’activité ne permet pas l’emploi d’un salarié à temps plein, le jeune peut être employé à temps partiel, avec son accord. La durée hebdomadaire du travail du jeune ne peut alors être inférieure à quatre cinquièmes de la durée hebdomadaire du travail à temps plein. » Je vous accorde que c’est ce que nous a dit le rapporteur. Toujours est-il que chacun doit prendre ses responsabilités, puisque nous avons l’occasion de faire ou non, dès maintenant, du contrat de génération un contrat à temps plein.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 128.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 76

Nombre de suffrages exprimés 76

Majorité absolue 39

(L’amendement n° 128 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 129.

M. Arnaud Richard. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Défavorable. Il y a une confusion dans l’esprit de certains de nos collègues entre des contrats qui peuvent être des contrats aidés, dont nous avons débattu dans d’autres textes et dans d’autres dispositifs, et le contrat de génération dont nous parlons aujourd’hui, qui concerne un emploi de plein droit dans l’entreprise et pour lequel s’appliquera l’ensemble des dispositifs de formation relatifs à l’entreprise. À chaque fois que sont faites des propositions visant à intégrer des dispositifs de formation spécifiques à cet emploi, nous sommes en contradiction avec ce qui a été négocié dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, qui visait précisément à ne pas distinguer ces emplois-là, mais à en faire des emplois de droit commun. Telle est la volonté du contrat de génération. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Cet amendement a pour objet de préciser que l’objectif du contrat de génération consiste à faciliter une insertion durable, doublée obligatoirement d’une formation qualifiante en alternance. Mais il négligerait le fait qu’une partie des jeunes recrutés avec un contrat de génération sont des jeunes diplômés et parfaitement qualifiés, qui peuvent assumer une fonction sans avoir reçu de formation. Par ailleurs, il est prévu que le contrat de génération s’articule avec les contrats d’alternance déjà existants : des jeunes en apprentissage ou en contrat de professionnalisation pourront être recrutés en CDI, à l’issue de leur contrat de génération. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’entends bien le Gouvernement, et nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait qu’il rejettera la plupart des amendements qui seront déposés. Néanmoins, je suis surpris. On connaît en effet les difficultés des jeunes : l’adéquation entre leur formation, leur situation et l’offre d’emploi du marché, et le problème du temps partiel, des emplois précaires. Nous proposons deux amendements : l’un qui précise que le contrat de génération sera à temps plein, ce qui permettrait aux jeunes d’avoir une vision de notre société plus honorable que celle qu’ils ont aujourd’hui, en ayant un emploi à temps plein à durée indéterminée ; et l’autre qui offrirait en même temps à ceux qui ne sont pas qualifiés une formation qualifiante. Vous nous répondez que, parce que certains sont déjà qualifiés, ils n’ont pas besoin de cette formation. Mais nous parlons, nous, des non qualifiés,…

M. Michel Sapin, ministre. Allons ! Allons !

M. Francis Vercamer. …notre amendement est clair à ce propos. Vous voulez laisser ces jeunes sans formation dans un emploi précaire et non qualifié. Nous en prenons acte, monsieur le ministre !

(L’amendement n° 129 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 130.

M. Arnaud Richard. Dans la définition du contrat de génération, il est dit : « l’embauche et le maintien d’un emploi des salariés âgés ». J’avais compris qu’il s’agissait d’intégrer des jeunes – pardonnez-moi si je n’ai pas compris – et de favoriser l’embauche. Quel est l’intérêt de mentionner l’embauche des salariés âgés ? J’imagine, monsieur le ministre, que vous allez me convaincre de retirer cet amendement, mais je ne comprends pas l’intérêt d’ajouter cette mention quand leur maintien dans l’emploi me semblait suffisant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je suis surpris par le contenu même de cet amendement. Dans ce pays, il n’y a pas seulement un problème d’emploi des jeunes, mais aussi un problème d’emploi des seniors. D’ailleurs, c’est si vrai que le gouvernement que vous avez soutenu avait mis en place les « accords senior » pour privilégier le maintien dans l’entreprise des seniors et leur embauche. Le contrat de génération travaille sur les deux extrémités des tranches d’âge : pour que les jeunes soient embauchés dans l’entreprise et pour que les seniors y soient maintenus, ou embauchés. Or l’amendement que vous suggérez vise ni plus ni moins à supprimer l’objectif d’embauche des seniors. Il est tout à fait contradictoire avec le contrat de génération, avec l’esprit de l’intergénérationnel en entreprise dans lequel nous travaillons et avec le fait que, depuis le début de nos travaux, nous expliquons qu’il est important de ne pas avoir de dispositifs pour les jeunes qui chasseraient des seniors ou pour les seniors qui empêcheraient les jeunes d’arriver, ce que pourtant vous suggérez. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Si nous pouvions à notre tour convaincre, à la suite du rapporteur, monsieur le député de suivre notre opinion… La plupart du temps, le contrat de génération va s’adresser à une entreprise qui, ayant des seniors de plus de 57 ans, s’engagera à les maintenir dans leur emploi tout en embauchant un jeune. Plusieurs d’entre vous m’ont rappelé que certaines entreprises, qui n’employaient pas de seniors de plus de 57 ans, ne pourraient pas bénéficier d’un contrat de génération. Cette remarque est tout à fait exacte et elle a été prise en compte par les partenaires sociaux. À la vérité, cette disposition sur l’embauche d’un senior de 55 ans ou plus a été introduite à la demande des partenaires sociaux, alors qu’elle ne faisait pas partie du document d’orientation dont nous les avions saisis. Les partenaires voulaient en effet permettre à une entreprise de pouvoir bénéficier du contrat de génération dès lors qu’elle opérait deux embauches : celle du jeune et éventuellement celle d’un senior de plus de 55 ans. Je crains que votre amendement n’aille à l’encontre de l’une de vos préoccupations : le mieux serait de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je retire cet amendement.

(L’amendement 130 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 131.

M. Arnaud Richard. Nous souhaitons préciser, dès lors que l’entreprise garde un senior, qu’il s’agit d’adapter et d’améliorer ses conditions d’emploi : je ne vois pas comment le Gouvernement et la majorité pourraient être opposés à une telle proposition.

M. le président. Merci pour cet esprit de synthèse. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Si je suis assez d’accord avec l’esprit de la proposition de notre collègue, je suggère qu’elle n’intervienne pas à cet endroit-là, car cette partie du texte précise les trois objectifs du contrat de génération : embauche des jeunes, maintien des seniors, transmission des savoirs et des compétences. Mieux vaudrait reprendre cet amendement dans le contenu obligatoire des accords collectifs. Si notre collègue acceptait de le retirer, cela m’éviterait d’avoir à demander son rejet, alors qu’il se montre utile sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Notre avis est positif, mais l’emplacement n’est en effet pas le bon.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Ne devrions-nous pas placer dès maintenant cet amendement au bon endroit ? Même si j’entends tout à fait les remarques du rapporteur et du Gouvernement, si l’on ne contraint pas les entreprises à améliorer leurs conditions de travail, à adapter les postes des seniors, nous allons faire fausse route.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous examinerons plus loin un amendement n° 175 qui reprend à l’identique la proposition formulée ici. Nous nous accorderons donc plus tard à l’occasion de sa discussion.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je vous propose de cosigner l’amendement 175 et donc de retirer celui-ci.

(L’amendement 131 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Gilles Lurton. Cet amendement revient sur un thème qui a déjà été abordé : cette notion de la transmission au jeune d’une expérience et d’un savoir acquis au travail par le senior, mais qui est absente du texte, alors qu’elle me semblait une belle idée. J’ai souhaité la reprendre en ajoutant après l’alinéa 10 de l’article 1er « 4° De pérenniser le savoir-faire de l’entreprise et de valoriser l’expérience acquise par les salariés. », pour qu’au moins une notion de transmission soit incluse dans ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cher collègue, votre amendement renvoie au débat que nous venons d’avoir avec M. Richard, à savoir que la commission est d’accord sur son esprit, mais que ce n’est pas dans la section définissant les objectifs généraux qu’il faut l’insérer. Le libellé tel qu’il est indique très clairement les trois objectifs à remplir. De même que pour l’amendement précédent, nous réintégrerons, dans le cadre de la définition des accords collectifs, le contenu de votre amendement. Je vous propose donc de le retirer. À défaut, je devrais émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Bienveillant sur le fond mais défavorable en raison de l’endroit où il est proposé.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet amendement exprime ce que doit être un des objectifs du projet de loi, et donc je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI soutient cet amendement parce qu’il est de bon sens. Le contrat de génération prévoit tout de même, dans l’esprit de la proposition n° 33 du Président de la République, de transférer le savoir-faire du salarié vers le jeune. C’est aussi l’esprit de l’accord national interprofessionnel. Il ne s’agit pas seulement d’embaucher des jeunes mais aussi de pérenniser, dans l’entreprise, le savoir-faire de plus âgés qui ont des connaissances particulières, notamment dans un certain nombre d’entreprises industrielles. C’est bien à cet endroit du texte qu’il faut insérer cet amendement parce que c’est tout de même l’objectif du contrat de génération. Certes, on pourrait le placer ailleurs, mais nous sommes tout de même là dans la définition des objectifs de ce contrat.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il y a un élément important dans l’amendement qui nous est proposé : le mot « entreprise ». Il est vrai que parmi les objectifs du projet de loi, il est question « de favoriser l’embauche », « d’assurer la transmission des savoirs et des compétences », mais on ne parle jamais de l’entreprise. Dès lors nous ne savons pas très bien s’il s’agit de la transmission des savoirs et des compétences d’un salarié, et s’il s’agit du senior. Le mot « entreprise » est donc très important, à la fois global et général, il afficherait un objectif encore plus ambitieux. Cela me paraît donc très judicieux de l’inscrire à ce niveau, dans la définition préalable des objectifs.

(L’amendement n° 34 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 187.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. C’est un amendement de précision que j’ai déposé à titre personnel. Il prévoit que le dispositif s’applique aussi aux établissements publics à caractère industriel et commercial. Ceux-ci ne bénéficieront évidemment pas de l’aide publique au titre du contrat de génération, mais ils seront couverts par l’obligation de négociation d’un accord collectif, ainsi que soumis aux pénalités le cas échéant. Il me semblait indispensable d’ajouter cet élément. L’amendement a été accepté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est une précision utile.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Les EPIC, dans notre pays, ce n’est pas neutre. Par conséquent, il serait bien utile, avant de passer au vote, que le rapporteur nous explique exactement la teneur et la portée de son amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il s’agit d’un élément de précision puisqu’ils sont déjà couverts par le dispositif. Nous avions simplement oublié de les mentionner dans cette partie du texte.

(L’amendement n° 187 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 123.

M. Christophe Cavard. Le projet de loi ne précisant pas les modalités de la transmission des savoirs et de l’expérience, cet amendement propose qu’à la signature du contrat, celles-ci soient précisées afin que le jeune, le senior, l’ensemble des partenaires, l’entreprise puissent les connaître, et nous-mêmes aussi en raison du but recherché par le législateur. Cette proposition s’inscrit évidemment dans l’esprit de la loi puisque nous nous exprimons, les uns et les autres, pour essayer de favoriser l’échange entre le senior et le jeune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Chacun comprend bien l’objectif visé par notre collègue Cavard : il souhaite renforcer la dimension de transmission des savoirs et des compétences. Néanmoins il faut faire attention : nous sommes sur un texte qui reprend sur ce point la lettre de l’accord national interprofessionnel et, surtout, cet amendement est contradictoire avec ce qui nous a été dit lors des auditions, notamment celles des partenaires sociaux : ils ont jugé qu’il était difficile qu’un jeune corresponde exactement à un senior dans le cadre du transfert de savoirs et de compétences. On ne peut donc pas lier le jeune et le senior de manière aussi précise. Il s’agit d’établir un échange des jeunes avec les seniors plutôt que de lier un jeune à un senior identifié. Je comprends l’esprit de cet amendement, mais il a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je rejoins l’analyse du rapporteur. Il faut laisser un peu de souplesse à l’organisation, entreprise par entreprise, de la transmission du savoir-faire entre les personnes. Cela va se définir aussi au fil de l’eau, en fonction des besoins du jeune, de l’évolution des effectifs et de l’activité dans l’entreprise. Je vous propose, monsieur Cavard, de le retirer afin que je ne sois pas obligé d’émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cet amendement paraît au groupe de bon aloi UDI, mais je remarque surtout qu’à chaque fois qu’un amendement sort du cadre de l’accord national interprofessionnel, soit le rapporteur, soit le Gouvernement, considère qu’il est malvenu. J’ai le plus grand respect pour la négociation sociale mais, à cette heure de la nuit, nous avons la confirmation par A plus B que les parlementaires sont pieds et poings liés par cet accord, ce que je trouve très inquiétant. Je l’accepte aujourd’hui, mais comme le Président de la République a dit dans la campagne qu’il voulait constitutionaliser le dialogue social, tout ce qui se présage à l’aune des réponses du rapporteur et du Gouvernement ne me paraît pas correct vis-à-vis de la démocratie représentative de notre pays.

Par ailleurs, à l’inverse de ce que nous expliquent le rapporteur et le ministre, l’amendement de M. Cavard se rapporte au lien entre le jeune et l’entreprise, en aucun cas au lien entre le jeune et le senior.

M. Jean-Patrick Gille. C’est vrai !

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve en effet extrêmement dommage que vous ne vous joigniez pas à nous pour voter cet amendement, monsieur le rapporteur. Vous et le ministre affirmez souhaiter une transmission des compétences et que c’est un objectif fort. Dès lors je ne vois pas en quoi cela peut nuire au dispositif que de le préciser. Il s’agit d’un contrat d’engagement entre l’employeur et le jeune, et qui dit contrat dit des droits et des devoirs, en l’occurrence en matière de transmission. Je ne vois vraiment pas où est le problème d’en faire figurer les modalités noir sur blanc, entreprise par entreprise, jeune par jeune, en fonction du niveau de qualification auquel il est parvenu au moment où il entre dans l’entreprise.

Notre collègue Arnaud Richard vient de le dire : si vous repoussez systématiquement des amendements qui vont dans le bon sens, vous ne nous incitez pas à voter le texte, alors que nous sommes ouverts à la discussion. Montrez-vous donc un peu plus compréhensifs, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, soyez positifs sur des amendements qui font avancer les choses en vous joignant à nous pour les soutenir.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Tout d’abord, je remercie les collègues de l’opposition de venir au secours de cet amendement. Comme quoi le bon sens s’est manifesté.

M. Jean-Pierre Door. Nous sommes pour la démocratie sociale !

M. Christophe Cavard. J’ai bien compris que le fond n’était pas en cause mais qu’il s’agissait des équilibres au sein de l’entreprise. Je précise juste que l’amendement ne porte pas sur un jeune et un senior en particulier, mais sur les modalités dans lesquelles s’effectue la transmission des compétences et des connaissances. Monsieur le ministre, il s’agit de préciser les modalités puisque c’est ce que recherche la loi, et surtout pas de lier un salarié à un autre, ce qui constituerait un binôme pour le moins risqué puisqu’une entreprise ne fonctionne pas ainsi. J’ajoute que ces modalités ne seraient pas figées puisque, bien évidemment, elles pourraient évoluer sur la durée du contrat. Mais il s’agit, dès le départ, de faire connaître à tout le monde, dans l’entreprise – c’est la version ressources humaines –, et notamment aux intéressés, les modalités qui permettront d’aller jusqu’au bout de l’esprit de la loi. Ce serait, de plus, une protection du jeune lui-même conformément à ce que nous recherchons.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Michel Sapin, ministre. Un argument qui se veut positif mais qui est de bon sens, monsieur le député : que chacun ait bien en tête que le jeune ne va pas signer un contrat dit de génération, mais un contrat de travail, qui va l’engager au-delà des trois ans. Le contrat de génération, lui, ne sera signé ni par le jeune, ni par le senior, mais par l’entreprise et par l’État, lequel apportera une aide qui permettra à l’employeur de faire face à ses obligations. Le contrat de génération n’est pas un contrat de travail. Il faut bien avoir cela en tête. Je comprends tout à fait la préoccupation exprimée dans l’amendement, mais elle ne s’inscrit pas dans un contrat de travail qui va durer bien au-delà des trois ans.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Bien sûr.

M. Michel Sapin, ministre. Je veux éviter cette confusion qui me semble à l’origine du présent débat, car nous sommes en fait parfaitement d’accord. C’est la raison pour laquelle le ministre délégué vous demandait de retirer votre amendement, monsieur le député, sans pour cela renoncer à la préoccupation qui est la vôtre.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Le contrat de droit commun ne peut en effet pas contenir les précisions que je propose. Mais, et c’est le principe même de la mise en œuvre des lois, je souhaite que l’on voie comment inciter les partenaires, notamment les entreprises, à réfléchir sur cette question dans l’esprit de la loi puisqu’ils auront tout de même l’obligation d’embaucher des jeunes et de maintenir l’emploi des seniors, voire d’en embaucher. Ce serait une réflexion à mener après la promulgation de la loi, dans une seconde étape, dans le cadre des décrets d’application.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Christophe Cavard. Si le Gouvernement s’y engage, je retire volontiers mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Juste un mot, suite à la remarque de notre collègue Richard sur la part qui revient au législateur par rapport à l’accord national interprofessionnel. Je rappelle que nous venons de débattre du temps plein et que ce sujet n’est pas dans l’ANI.

M. Francis Vercamer. Et alors ?

M. Arnaud Richard. Il n’est pas dans le texte non plus !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Richard, vous vous contredisez vous-même puisque vous avez été jusqu’à demander un scrutin public sur ce sujet. Vous ne pouvez pas nous dire tout et son contraire. Je tiens à vous rappeler que parmi les propositions acceptées par la commission, nous nous sommes bien sûr efforcés d’intégrer dans le texte les dispositions d’un accord national interprofessionnel signé à l’unanimité – il était tout de même important que tout le monde soit respecté –, mais sans manquer d’y ajouter quelques éléments dont le temps plein, point relativement marquant, ce qui montre bien que le législateur a toute sa place. Je tenais à le préciser.

M. le président. Monsieur Cavard ?...

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. Gérard Cherpion. Je le reprends !

(L’amendement n° 123 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 191.

Mme Jacqueline Fraysse. Si nous ne sommes pas opposés au dispositif d’incitation financière, même si nous en connaissons les limites, nous souhaitons en réserver le bénéfice aux entreprises de moins de cinquante salariés, et contraindre sous peine de sanction toutes les entreprises au-delà de ce seuil à négocier un accord collectif ou à être couvertes par un plan d’action.

Pourquoi ? Comte tenu du contexte économique plutôt en récession, une part importante des entreprises de cinquante et un à 300 salariés n’aura aucun intérêt à demander le bénéfice de l’aide au titre du contrat de génération puisque ce dernier sera conditionné à la négociation d’accords collectifs ou à l’établissement d’un plan d’action. Nous pensons donc que cette incitation sera inopérante. C’est pourquoi nous proposons de faire peser sur cette catégorie d’entreprises les mêmes obligations que sur celles de plus de 300 salariés afin qu’elles modifient leur comportement à l’égard des jeunes et des seniors sous peine de sanction financière.

Ce dispositif plus ciblé sera moins coûteux pour les finances publiques et obligera un nombre beaucoup plus important d’entreprises à s’engager dans une démarche en faveur de l’emploi des jeunes et des seniors.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable. Réserver aux seules entreprises de moins de cinquante salariés le bénéfice de l’aide conduirait à remettre en cause l’équilibre de ce texte. Nous avons en effet distingué différentes catégories car une entreprise de 400 salariés est bien différente d’une entreprise de 100 salariés.

L’accord national interprofessionnel est intéressant à cet égard parce que les partenaires sociaux ont pu eux-mêmes identifier ces différentes tranches : moins de cinquante salariés ; de cinquante à 300 salariés ; plus de 300 salariés.

Au-delà de 300 salariés, l’aide n’est pas suffisamment significative pour être proposée. En revanche, les entreprises de cinquante à 300 salariés n’ont pas des marges de manœuvre aussi importantes, et elles n’ont pas les moyens de ne pas être accompagnées, comme vous le suggérez. Cependant, contrairement aux entreprises de moins de cinquante salariés, les entreprises de cinquante à 300 salariés doivent rechercher un accord, ce qui est indispensable pour l’obtention de l’aide.

Pour réussir, ce dispositif doit être le mieux adapté possible à nos entreprises, c’est-à-dire atteindre ce point d’équilibre : une aide pure pour celles de moins de cinquante salariés ; une aide conditionnée pour celles de cinquante à 300 salariés ; la force de proposition et de suggestion pour celles de plus de 300 salariés.

C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur a parfaitement décrit la volonté du Gouvernement mais aussi sur celle des partenaires sociaux unanimes. Il y a trois catégories d’entreprises : plus de 300 salariés, de cinquante à 300 salariés, en dessous de cinquante salariés.

Ce sont les partenaires sociaux qui ont introduit, à juste titre, cette obligation de négociation et d’accord pour la catégorie intermédiaire. Ce n’était pas une proposition initiale du Gouvernement ; c’est vraiment un enrichissement apporté par les partenaires sociaux que je vous propose de respecter. Dans ces entreprises, il faudra négocier, discuter de la mise en place du dispositif avec les représentants des salariés. Ce n’est pas seulement une contrainte car cette négociation apportera aussi du dynamisme dans l’entreprise.

Madame la députée, je propose que nous respections cet équilibre tel qu’il a été voulu par les partenaires sociaux.

(L’amendement n° 191 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 65.

M. Gérard Cherpion. Si ce dispositif doit être adopté, il convient alors de procéder à un paramétrage plus fin des entreprises de moins de 300 salariés susceptibles de bénéficier d’une aide de l’État.

Le Gouvernement présente le contrat de génération comme un outil de lutte important contre le chômage, ce qui n’est pas forcément exact. Pour ne pas dégrader nos finances publiques et surtout limiter les effets d’aubaine, il doit être recentré sur les entreprises qui ont en ont réellement besoin.

Pour cela, le contrat de génération doit conserver sa vocation initiale de transmission des savoir-faire entre les générations. On en revient à l’amendement précédent : la transmission des savoir-faire passe par le recrutement d’un jeune, donc par la détermination d’un profil de poste, et il aurait été tout à fait possible de préciser les modalités de cette transmission.

Actuellement, il me paraîtrait important de le cibler sur des entreprises qui appartiennent à des secteurs d’activité clés pour l’économie ou des métiers qui sont menacés faute d’attractivité. Dans ces conditions, ce contrat permettrait de donner un coup de pouce à l’emploi des jeunes et des seniors tout en assurant la pérennité de compétences parfois en voie de disparition. Cette disposition ne s’adresserait qu’aux entreprises de cinquante à 299 salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Notre collègue Cherpion plaide pour un paramétrage plus fin qui aboutirait à limiter de manière drastique le bénéfice de l’aide pour les entreprises de cinquante à 300 salariés.

Ne perdons pas de vue que le contrat de génération a une vocation beaucoup plus large : inciter les entreprises à mettre en place une gestion active des âges. Si on acceptait votre amendement, cette gestion serait totalement libre pour les entreprises de moins de cinquante salariés mais très encadrée pour celles de la taille supérieure alors même que nous avons besoin de la réussite de ce dispositif.

En outre, il serait très difficile d’identifier précisément les entreprises qui risquent de perdre des compétences clés du fait de la pyramide des âges. Cet élément me semble extrêmement restrictif.

Pour ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je vais rebondir sur les derniers propos du rapporteur : votre amendement n’est pas vraiment simple à mettre en œuvre. Comment fera-t-on concrètement pour déterminer les secteurs, les entreprises en risque de perte d’une compétence clé ? Je comprends bien votre état d’esprit mais vous voyez bien que c’est totalement impossible à appliquer.

Revenons ensuite au cœur du contrat de génération. Il vise trois objectifs et pas seulement celui, tout à fait louable, du transfert de compétences dans l’entreprise : un jeune, un plus âgé, un transfert de compétence. Votre amendement aurait pour conséquence de supprimer les deux premiers. Pour que le transfert de compétences soit plus efficace, il vaut mieux qu’il y ait un jeune et un plus âgé.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, cette proposition n’est peut-être pas simple à mettre en œuvre mais elle soulève un vrai problème.

Revenons sur les offres d’emploi non satisfaites. Avec ce puzzle à plusieurs pièces, comment le Gouvernement compte-t-il lutter contre ces offres d’emploi non satisfaites ? Dans toute une série de métiers, notamment dans l’industrie, on peine à recruter. Nous passons à côté d’une formidable opportunité d’attirer les jeunes vers les métiers de l’industrie avec ce contrat de génération, auquel vous croyez. Je profite de cet amendement dont j’ai bien compris que vous le repoussez…

M. Michel Sapin, ministre. Avec délicatesse !

Mme Isabelle Le Callennec. …pour vous interpeller sur ce sujet.

Quid des offres d’emploi non satisfaites dans notre pays qui posent des difficultés aux entreprises qui voudraient pouvoir produire et embaucher ? Quid de l’attractivité des métiers industriels ? Il s’agit d’un vrai sujet et il ne faut plus tarder à lui trouver des réponses.

(L’amendement n° 65 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 116.

M. Christophe Cavard. Cet amendement envisage un cas de figure qui, je l’espère, se produira le moins possible : l’échec du dialogue social sur le contrat de génération dans une entreprise de moins de 300 salariés.

En cas d’échec de ce dialogue, le texte prévoit l’élaboration unilatérale d’un plan d’action par l’employeur. En commission, j’ai fait part de mon inquiétude et demandé à ce que les représentants du personnel puissent avoir leur mot à dire sur le plan d’action proposé. Il m’a été rétorqué qu’un procès-verbal étant forcément dressé, il témoignerait de la position des deux parties. Dans ces conditions, aucun plan d’action n’est finalement nécessaire, puisque sur le procès-verbal figureraient la position de l’une et l’autre partie et le constat d’échec qui entraîne la médiation des autorités publiques.

En cas d’échec, de deux choses l’une : soit personne n’établit de plan d’action, soit il faut que les deux parties – employeur et personnels – puissent rédiger leur propre plan d’action, donnant lieu à médiation et discussion.

Monsieur le ministre, vous dites rechercher le dialogue social. Or, en cas d’échec des négociations, le texte actuel est déséquilibré puisque seul l’employeur peut proposer un plan d’action.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Notre collègue Cavard a raison de dire que nous avons déjà eu ce débat en commission.

Première réponse : la mesure proposée est d’une lourdeur extraordinaire. En fait, vous suggérez d’avoir des plans concurrents. Soit on arrive à un plan unique après négociation. Soit le responsable de l’entreprise doit faire part de sa volonté, qui est ensuite transmise aux administrations et donnée pour information aux institutions représentatives du personnel, selon une structure telle que présentée aujourd’hui dans le texte.

Votre suggestion peut conduire à une situation de blocage. Que fait-on face à deux plans concurrents ? Comment en sort-on ? Quelle est l’issue ? Qui devra trancher ?

Je comprends l’idée de vouloir associer le plus possibles les institutions représentatives du personnel. Mais c’est l’esprit même du texte : quand on privilégie la négociation, on essaie de faire s’exprimer toutes les parties. En cas de désaccord, cependant, on revient à des dispositifs classiques. Le plan d’action est certes proposé de manière unilatérale par l’employeur, mais dans le cadre des dispositifs réglementaires et administratifs existants.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Il n’y a pas plus favorable que moi au dialogue social – c’est intrinsèque à mon ministère – mais il ne doit pas aboutir à une superposition de mécanismes. Le dialogue entre les partenaires donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal où figurent la proposition initiale de la direction et les éventuelles contre-propositions.

Vous demandez en fait une sorte de deuxième chance, une nouvelle négociation avec un arbitrage des directions régionales des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi et de l’État. L’administration aura tous les éléments d’appréciation de ce qui a été proposé par les uns et les autres. Dès lors, elle essaiera, en discutant avec le chef d’entreprise, d’enrichir sa proposition afin d’aboutir à une situation simple. Votre proposition, en revanche, risque de conduire à ce que les dispositifs s’empilent les uns sur les autres, ce qui pourrait devenir très lourd. Il faut toujours faire très attention que, d’une préoccupation parfaitement légitime, ne naisse une usine à gaz. Il finit par y en avoir un peu partout en France. Je ne cherche pas le gaz de schiste, monsieur le député, ni à vous provoquer (Sourires),mais beaucoup d’entreprises comptent entre 50 et 300 salariés et sont donc concernées. Rendez-vous compte de la lourdeur de la mesure et du travail supplémentaire que cela supposerait au sein des Direccte.

Bien entendu, la décision vous appartient mais je suis soucieux d’efficacité.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je trouve pour ma part l’argument de M. Cavard très à propos, même si les explications du rapporteur et du ministre sur la lourdeur qui pourrait en découler ont pu également me convaincre.

J’en profite pour aborder un sujet dont on parle peu : quelle mise en œuvre sur le terrain ? Avec quels agents de l’État dans les Direccte pour assurer le contrôle ? Sauf erreur de ma part, le Gouvernement s’est peu exprimé sur ce thème en dehors d’un amendement assez récent qu’il a déposé après l’article 5, relatif à la possibilité pour le corps des contrôleurs du travail d’intégrer celui des inspecteurs du travail. Cet amendement pourrait nous permettre de recueillir l’avis du Gouvernement sur la mise en œuvre opérationnelle de ce contrôle, de ces plans, de ces accords. Tel était l’esprit de l’amendement de M. Cavard, même si ses conséquences étaient trop lourdes.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je partage l’avis du ministre sur le risque de lourdeur et de complexité. Cependant, que se passe-t-il si le procès-verbal de désaccord n’est pas signé ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je maintiens mon amendement. En effet, comme je l’ai signalé cet après-midi à la tribune, après avoir rappelé qu’un autre accord important venait d’aboutir entre les partenaires sociaux, le déséquilibre de cet accord tient peut-être à la présence insuffisante des salariés à la gouvernance des entreprises.

M. Michel Sapin, ministre. Nous l’avons augmentée !

M. Christophe Cavard. Nous l’avons déjà dit, le débat ne date pas d’aujourd’hui et ce n’est pas nous qui décidons de l’accord mais les partenaires sociaux.

En l’espèce, je vous trouve très pessimistes lorsque vous parlez de lourdeur ou de surcharge de travail pour les Direccte car, au final, cet amendement n’a de raison d’être qu’en cas d’échec. Or j’espère bien que le dialogue social primera et qu’il n’échouera pas systématiquement dans les entreprises de 50 à 300 salariés !

Faisons attention tout de même. Je me suis permis de reprendre gentiment nos collègues de l’opposition sur les 500 000 emplois parce que je les trouvais pessimistes, en particulier M Vercamer, mais pour le coup, c’est vous qui êtes bien sombres lorsque vous craignez que les Direccte ne soient noyées sous les médiations. Non, le dialogue social fonctionne bien dans nos entreprises et je pense que quelques cas seulement appelleront une médiation par les Direccte.

Il serait bien à cet égard que la majorité – mais pourquoi pas aussi l’opposition – restaure la place des salariés dans le dispositif que nous voulons mettre en place.

Je ne crois pas que cette proposition se traduise par d’énormes lourdeurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai compris que je ne convaincrais pas M Gavard, mais je répondrai aux autres questions.

Monsieur Cherpion, aucune signature n’est nécessaire, il suffit de constater qu’il n’a pas été possible d’aboutir à un accord. Dès lors, un plan unilatéral est proposé par l’entreprise sous le contrôle de l’administration. Heureusement, il n’est pas utile de produire un document formel qui pourrait retarder la procédure. Une fois le constat dressé, la Direccte prend ses responsabilités.

S’agissant des moyens, vous avez tout de suite, monsieur Richard, repéré un amendement très important qui devrait nous permettre de disposer de compétences supplémentaires pour travailler dans les Direccte.

D’une manière générale, est-ce à vous que je dois le rappeler ? L’objectif n’est pas de créer des procédures plus lourdes pour occuper davantage de fonctionnaires, mais d’être efficaces en disposant des fonctionnaires quand les besoins du service le requièrent, dans leur rôle de contrôle, mais aussi de conseil ou d’accompagnement. Nous ne pouvons pas nous permettre, en tout cas, de créer des postes de fonctionnaires supplémentaires pour faire face à une procédure supplémentaire.

Notre objectif est d’être efficaces : créons des postes de fonctionnaires quand c’est nécessaire pour faire face, mais ne mettons pas en place des procédures dont la lourdeur nous obligerait à créer des postes.

M. le président. Monsieur Vercamer, l’Assemblée n’a-t-elle pas été suffisamment éclairée ?

M. Francis Vercamer. J’ai constaté en relisant ce texte que le parti socialiste avait fait sa mutation ! Je me rappelle en effet qu’il s’était vivement opposé au vote de la loi qui inversait la hiérarchie des normes en donnant la primauté à l’accord d’entreprise. Or il est énoncé dans le texte qu’à défaut d’accord d’entreprise, c’est l’accord de branche qui prend le dessus.

M. Michel Sapin, ministre. Mais c’est l’inverse !

M. Francis Vercamer. Je me souviens des débats que nous avions eus ici et du parti socialiste qui était, vent debout, contre cette position : les accords d’entreprise ne devaient pas être supérieurs aux accords de branche.

M. le président. Merci, monsieur Vercamer, pour votre utile intervention.

(L’amendement n° 116 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement n° 73.

Mme Marianne Dubois. On sait que l’insertion des jeunes en situation de handicap est très difficile mais qu’elle représente une priorité. Cet amendement tend à ce que les entreprises s’impliquent plus fortement en leur faveur, en s’engageant à employer au moins un jeune en situation de handicap dans le cadre du dispositif des contrats de génération, à compter du troisième contrat de génération conclu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Là encore, on peut comprendre l’esprit de cet amendement : favoriser l’embauche des personnes en situation de handicap. Cependant, la contrainte que vous voulez imposer aux entreprises est extrêmement lourde. Ce dispositif nous ferait prendre des risques par rapport au contrat de génération lui-même. Par ailleurs, alors que le contrat de génération concerne toutes les entreprises, la partie du texte que vous voulez amender ne concerne que les entreprises de 50 à 300 salariés.

L’amendement est donc mal positionné dans le texte ; mais de toutes manières je reste persuadé, sur le fond, qu’il est extrêmement contraignant pour les entreprises. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement a insisté sur ce point, les partenaires sociaux aussi : il importe de disposer de mesures spécifiques en direction des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse des plus jeunes ou des plus âgés. Il demeure que chaque loi doit intégrer cette préoccupation de la place de la personne en situation de handicap, en particulier les lois relatives au monde du travail.

Vous ne devez pas douter de notre intérêt pour cette question mais, en l’espèce, votre proposition est terriblement contraignante pour les entreprises. Je ne suis pas certain qu’elle permettrait de faire embaucher plus de jeunes en situation de handicap. Je crains au contraire qu’elle n’empêche d’embaucher plus de jeunes qui auraient besoin d’être embauchés par ailleurs.

(L’amendement n° 73 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 33, 74 et 133.

La parole est à M. Gilles Lurton pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Gilles Lurton. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 20 de l’article 1er relatif aux pénalités imposées aux entreprises qui ne respecteraient pas les dispositions de ce texte.

Les entreprises ont besoin d’une marque de confiance dans l’économie. Leur imposer des pénalités, dans un premier temps du moins, ne contribue pas à leur redonner confiance. Certaines de ces entreprises peuvent rencontrer des difficultés à un moment donné et ne pas pouvoir appliquer les dispositions de votre texte.

Si vous maintenez cet alinéa, je crains que de plus en plus d’entreprises ne choisissent d’investir ailleurs que dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Jacques Bompard. Je me réjouis que le Gouvernement ait pris conscience de la nécessité de commencer à s’attaquer au problème de l’emploi des jeunes gens et des seniors. Le taux de chômage des uns et des autres est en effet très supérieur à la moyenne. Un traitement spécifique est donc nécessaire. Le Gouvernement s’y attelle : c’est bien.

Les dispositifs prévus pour les entreprises de moins de cinquante salariés et pour celles employant entre cinquante et 300 salariés me semblent louables, notamment par leur caractère incitatif.

Cet amendement vise à étendre cette excellente proposition aux entreprises de plus de 300 salariés. Votre projet de loi, monsieur le ministre, prévoit en effet pour ces dernières un dispositif contraignant assorti de sanctions.

Attaché aux libertés, en particulier à celle d’entreprendre, je déplore ce nouvel arsenal de contraintes que vous voulez faire peser sur les entreprises qui, pourtant, en subissent déjà un grand nombre.

Pourquoi le dispositif prévu pour les entreprises employant moins de 300 salariés ne serait-il pas adapté aux entreprises d’une taille supérieure ? C’est faire preuve à leur égard d’une méfiance que je regrette et qui ne contribue pas à instaurer un climat favorable au développement économique de la France.

C’est pourquoi je vous propose d’aligner le régime des entreprises de plus de 300 salariés sur celui des entreprises comptant entre 50 et 300 salariés.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard pour soutenir l’amendement n° 133.

M. Arnaud Richard. Je ne voudrais pas allonger la discussion mais c’est vrai que la démarche est quelque peu vexatoire pour les entreprises. Les entreprises ayant vocation à créer des emplois, dans un climat de confiance, décider d’une telle sanction financière ne me paraît pas du meilleur aloi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je suis très surpris, monsieur Lurton, et j’espère que vous avez usé d’arguments aussi forts pour convaincre votre gouvernement de l’époque de ne pas assortir de sanctions financières les dispositions relatives aux accords seniors. J’espère que vous leur avez bien dit qu’ils prenaient le risque de faire partir ces entreprises à l’étranger !

M. Gilles Lurton. Je n’étais pas là.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Peut-être mais vous faisiez tout de même partie d’un parti politique issu d’une majorité qui a proposé ces pénalités.

Il en va de même pour vous, monsieur Richard ! Votre proposition est incroyable : c’est d’être en deçà de ce qui existe déjà !

Toutes proportions gardées, il faut revenir à ce que le Gouvernement nous a moult fois expliqué. L’idée n’est pas forcément d’appliquer cette pénalité, d’autant plus qu’en cas de désaccord, il y a un plan d’action, et des dispositifs existent pour accompagner les entreprises. Mais enfin, les entreprises de plus de 300 salariés sont suffisamment armées pour engager une négociation collective sur la gestion des âges. Que veut dire notre disposition ? Que si, vraiment, aucun effort n’est consenti, une pénalité peut tomber. Mais, je l’ai dit, nous n’attendons aucune recette particulière de cette pénalité. N’en faisons donc pas un élément vexatoire. Allons, allons ! Si c’était le cas, cela vaudrait également pour les accords seniors.

Pour répondre à notre collègue Bompard, notre dispositif prend en compte la distinction entre moins de cinquante salariés, de cinquante à 300 et plus de 300, parce qu’il y a des différences dans ces tailles d’entreprises. Mais cet amendement reviendrait, en supprimant l’alinéa 20, à supprimer également la négociation d’accords dans les entreprises de plus de 300 salariés. Ce qui veut dire qu’elles ne seraient plus concernées par le dispositif.

Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

Je ne reviens pas sur l’excellente argumentation du rapporteur. Cela étant, monsieur Lurton, ce que vous avez dit peut sembler de bon sens : les entreprises en difficulté ne seraient pas capables de mettre en place un contrat de génération. Mais si ! Car la discussion dans l’entreprise tient compte de la situation de celle-ci.

Par exemple, il y a une obligation de négociation pour mettre en place le contrat de génération, que j’appelle parfois collectif, dans les entreprises de plus de 300 salariés. Les partenaires sociaux dans une entreprise constatent que celle-ci n’est pas en capacité, dans les mois ou les années qui viennent, d’embaucher des jeunes, du fait de la situation difficile que nous connaissons. Malgré tout, il y aura un accord, une constatation sur la place des seniors, sur l’accueil des quelques jeunes qui pourront être acceptés – même s’ils sont moins nombreux qu’on ne l’aurait souhaité.

La discussion entre partenaires sociaux permet donc bien de moduler l’accord dans les entreprises de plus de 300 salariés, en collant à la situation exacte de l’entreprise. Par conséquent, il n’y aura pas deux contrats de génération collectifs identiques. Tous seront adaptés. C’est du sur mesure, qui sera en l’occurrence taillé par les partenaires sociaux, entreprise par entreprise. Par conséquent, aucune ne sera pénalisée du fait des difficultés qu’elle aura rencontrées. Par définition, les partenaires sociaux connaissent leur entreprise, ils prennent en compte sa situation pour négocier. C’est ce qui se passait avec les accords seniors, c’est ce qui se passera avec les accords de contrat de génération.

C’est d’ailleurs pourquoi les partenaires sociaux, qui comptent parmi eux des représentants des employeurs, ont donné leur accord à ce dispositif.

(Les amendements identiques nos 33, 74 et 133 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 12 et 134.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 12.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous sommes opposés à ces pénalités, d’autant que vous avez précisé n’en attendre aucun rendement.

Nous estimons en effet que ces pénalités sont discriminantes pour les entreprises de plus de 300 salariés. Nous l’avons répété à maintes reprises, l’emploi ne se décrète pas.

Vous venez de préciser, monsieur le ministre, que ces accords tiendront compte de la situation exacte des entreprises, sauf que la situation n’est jamais figée dans une entreprise. Elle va évoluer dans le temps. Or il y a le couperet du 30 septembre. Je crois savoir d’expérience que les entreprises qui se lancent dans des accords, que ce soient les accords seniors, les accords sur la pénibilité, les accords sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, ont besoin de temps.

D’où l’idée de cet amendement pour les entreprises qui montrent leur bonne foi et jouent le jeu des contrats de génération. Bien qu’étant montrées du doigt si elles ne font rien, il faudrait préciser, même si cela me fait mal de le dire, qu’il y aura des pénalités pour les entreprises qui n’auront pas engagé de discussions visant à conclure un accord.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Ma collègue a fort bien défendu cet amendement.

En outre, monsieur le rapporteur, nous avons déjà eu cette discussion en commission. Il s’agit d’amoindrir les pénalités et de faire en sorte que votre dispositif ne soit pas un carcan pour les entreprises qui doivent pouvoir montrer leur bonne foi en s’engageant dans le processus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Madame Le Callenec, on ne part pas de rien dans les entreprises de plus de 300 salariés. Elles ont déjà discuté des accords seniors, et de la GPEC – la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Par conséquent, leur suggérer de discuter par ailleurs des éléments du contrat de génération, c’est-à-dire de la place des jeunes qui est finalement l’élément supplémentaire, d’ici au 30 septembre, ne me paraît pas insurmontable. Cela l’est d’autant moins que lorsque nous avons auditionné, notamment les représentants du MEDEF, ceux-ci ont considéré que le 30 septembre était une date tout à fait acceptable.

Il faut éviter de se faire peur avec des éléments qui ne correspondent pas à la réalité des entreprises de plus de 300 salariés. Lundi, avec M. le ministre, nous en avons visité une qui travaille déjà sur ces éléments.

Ce que vous suggérez reviendrait ni plus ni moins à vider de son contenu l’obligation relative à la négociation. S’il suffit pour une entreprise d’engager une négociation, je ne vois pas comment l’obligation de négocier aurait un sens. Ce que vous suggérez, en fait, c’est qu’il n’y ait dans tout cela aucun élément d’obligation. À un moment, nous faisons confiance aux entreprises. Nous considérons que même les entreprises de plus de 300 salariés ont intérêt à avoir cette discussion. En même temps, elle doit être encadrée, et c’est tout l’esprit du texte qui a été proposé.

Votre amendement a d’abord pour objectif de supprimer la pénalité, avant de répondre au souci que vous exposez par ailleurs. Dès lors on a du mal à s’y retrouver.

C’est pour ces raisons que la commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Ce dispositif ne vient pas de nulle part. Les partenaires sociaux ont discuté, ils ont donné leur opinion et ils ont même participé à l’élaboration de ce texte. Parmi eux, il y a les partenaires patronaux. S’ils ont considéré qu’ils pouvaient le faire, je me dis qu’ils le savent mieux que moi et sans doute mieux que chacun d’entre nous. Il faut aussi faire confiance à ces patrons qui, déjà aujourd’hui, élaborent, comme cela vient d’être dit, toute une série de plans et dont nous facilitons la vie puisqu’à partir de deux plans, en rajoutant la préoccupation des jeunes, ils ne feront qu’un seul plan. Cela va leur simplifier la vie.

Mais je souhaite être plus précis. Vous avez fait allusion au dispositif sur l’égalité salariale professionnelle. Or l’égalité salariale n’a pas marché parce que l’obligation de négocier était ténue, que les entreprises ne s’y sont pas soumises et que le dispositif de pénalités ne fonctionnait pas, au point que nous avons dû adopter une nouvelle disposition législative et une nouvelle disposition réglementaire, pour qu’enfin le dispositif puisse fonctionner dans les entreprises. Ne refaisons pas, cette fois à propos du contrat de génération, l’erreur que vous avez commise et que vous avez d’ailleurs reconnue, s’agissant de l’égalité professionnelle : créer une soi-disant obligation avec tous les moyens d’y échapper.

Il faut agir, non avec l’envie de punir, mais avec l’envie de réussir. C’est ce qui a animé les partenaires sociaux dans la conclusion de cet accord.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Chers collègues, vous allez dire que vous n’étiez pas là, mais, comme le ministre vient de le dire, en 2010, nous avons débattu des retraites. S’est alors posée la question de la retraite des femmes, et avec elle celle de l’égalité professionnelle. Les ministres l’ont dit, ainsi que le ministre de l’époque, M. Woerth, le problème des retraites, c’est un problème de salaire et de carrière.

Or cela fait trente ans qu’il existe des lois sur l’égalité professionnelle et que rien n’avance. Pourquoi ? À ce jour, il n’y a aucune sanction pour les entreprises qui ne font rien pour une égalité qui figure dans la loi depuis trente ans.

En 2010, nous pensions être arrivés à apporter une amélioration, mais le décret d’application a complètement édulcoré la loi. Il a supprimé les pénalités et autorisé les entreprises à ne faire qu’une chose : engager la discussion. Il n’y a donc pas eu d’amélioration en matière d’égalité professionnelle salariale dans les entreprises.

Avec les emplois d’avenir, comme vient de le dire le ministre, un nouveau décret a été pris et les pénalités vont s’appliquer – 1 % de la masse salariale – s’il n’y a pas d’amélioration en matière d’égalité.

Nous sommes tous désolés de constater qu’il faut en passer par les pénalités. Nous aimerions tellement que le dialogue social, les accords d’entreprise et les accords de branche suffisent. Mais quand on constate qu’il y a encore un différentiel de salaire de 27 %, que faire ? S’agissant des contrats de génération dans les entreprises de plus de 300 salariés, je pense qu’il faut en passer par là.

(Les amendements identiques nos 12 et 134 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 107 et 13, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 107.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je connais dans ma circonscription des entreprises qui ont conclu des accords de pénibilité. C’est long et loin d’être facile, car chacun essaie de défendre ses intérêts.

On veut favoriser l’emploi dans notre pays, on veut que les entreprises puissent embaucher. Pour ce faire, il faut, comme je l’ai rappelé dans la discussion générale, qu’elles puissent innover, qu’elles supportent moins de charges et qu’elles soient moins taxées. Or une fois de plus, voici des sanctions, alors que ce sont ces entreprises qui créent les emplois.

Je rappelle qu’un accord de pénibilité concerne précisément les seniors. Je connais des entreprises qui sont allées très loin pour améliorer les conditions de travail des salariés dans des métiers pénibles. Il est dommage de sanctionner une entreprise qui ne peut pas embaucher des jeunes à l’instant t. Car rien n’est figé, une entreprise évolue. J’estime qu’il est regrettable de ne pas encourager celles qui font des efforts pour signer des accords qui leur sont imposés par la représentation nationale, et de les sanctionner systématiquement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Défavorable.

Je n’arrive toujours pas à comprendre, madame Le Callennec, pourquoi vous ne trouvez pas choquant que la majorité à laquelle votre parti appartenait ait mis en place les accords seniors et les pénalités s’y rapportant.

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’étais pas là !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce n’est pas un argument !

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai pas à assumer un vote auquel je n’ai pas participé !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Quand la majorité à laquelle vous appartenez met en place des pénalités pour les accords seniors, ce n’est pas choquant. Cela le devient quand le texte que nous examinons prévoit cet élément… J’avoue ne pas partager votre analyse !

Mais là n’est pas le fond de ma réponse. Votre amendement, comme celui de notre collègue Poisson, propose qu’il n’y ait pas de pénalités si l’on a un accord de contrat de génération ou un accord pénibilité : l’un ou l’autre. Vous juxtaposez deux dispositifs qui n’ont rien à voir ! Nous sommes en train de débattre du contrat de génération et nous voulons le mettre en place. Cela n’a rien à voir avec un accord de pénibilité.

Vous juxtaposez deux éléments, ce qui vous permet à nouveau de nous expliquer qu’il ne faut plus proposer de sanctions, alors que vous les avez mises en place. Mais je vous rappelle qu’aujourd’hui nous parlons du contrat de génération, avec trois objectifs généraux : l’embauche des jeunes, le maintien des seniors, le transfert des savoirs et des compétences.

Voilà pourquoi l’amendement que vous proposez a été repoussé par la commission, ainsi que celui défendu par M. Poisson.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le Gouvernement se range à l’excellente argumentation du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Contrairement à Isabelle Le Callenec, j’ai voté le plan seniors lors de la précédente législature. Cela n’a pas échappé à M. Sirugue puisque nous avions eu à l’époque quelques échanges sur ce texte.

Il y a, certes, une différence entre un contrat de génération et un accord de pénibilité. Cela étant, il me semble que, dans les objectifs du Gouvernement, que vous soutenez, monsieur le rapporteur, il y a un volet de maintien des seniors dans l’emploi. Cela a été dit et redit en commission par les deux ministres et vous l’avez encore rappelé tout à l’heure dans la discussion générale.

La notion de pénibilité telle qu’elle a été définie – et je connais bien le sujet – n’est pas facile à appréhender. C’est pourquoi j’estime qu’une entreprise qui fait un effort particulier en signant un accord de pénibilité devrait être dispensée de payer une amende ou de faire l’objet d’une pénalité. Elle a fait une partie du chemin puisqu’un accord de pénibilité ou d’amélioration des conditions de travail ne vise qu’à maintenir ou faciliter le maintien des seniors dans leur emploi.

Deux choses enfin à propos des sanctions. Votre dispositif, monsieur le rapporteur, déborde un peu ce qui a été prévu par les partenaires sociaux. D’autre part, sous certaines conditions, il dispense de payer l’amende : il nous paraît alors utile d’inscrire parmi ces conditions la signature d’un accord sur la pénibilité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Lorsque les accords seniors ont été mis en place, ils n’ont pas mis fin aux accords de pénibilité. Vous n’avez pas remplacé les uns par les autres !

M. Jean-Frédéric Poisson. L’accord senior est venu après !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Justement ! Il est venu après, comme le contrat de génération, sans se substituer à ce qui existait. Nous parlons aujourd’hui du contrat de génération, pas de l’effort demandé aux entreprises. Le contrat de génération a trois objectifs principaux, dont aucun n’est de même nature que la question de la pénibilité, vous venez vous-même de le reconnaître, cher collègue Poisson. C’est donc parce que vous voulez supprimer la pénalité - mais alors dites-le clairement – que vous nous expliquez que l’accord de pénibilité pourrait venir se substituer au contrat de génération. Ce n’est pas l’esprit de ce que nous suggérons aujourd’hui, voilà pourquoi nous ne pouvons pas soutenir cet amendement.

(Les amendements nos 107 et 13, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 111.

M. Christophe Cavard. Compte tenu des positions de notre groupe relatives au crédit d’impôt compétitivité emploi et à sa conditionnalité, cet amendement ne surprendra personne.

Il nous semble surprenant, comme à d’autres députés dans cet hémicycle, que des entreprises puissent bénéficier de ce dispositif qui, sans être directement lié au débat sur le contrat de génération, n’en aide pas moins les entreprises, alors même qu’elles ne respecteraient pas la loi. Il serait surprenant que des entreprises puissent bénéficier d’un dispositif financièrement important, destiné notamment à créer de l’emploi, alors qu’elles ne joueraient pas le jeu citoyen. Au cas où on me rétorquerait que ce serait ajouter de la sanction à la sanction, je dis déjà qu’il ne faut pas se représenter le milieu de l’entreprise comme idyllique.

M. Michel Sapin, ministre. Éthylique ?

M. Christophe Cavard. Éthylique je ne sais pas, monsieur le ministre, mais idyllique, non ! Nous défendons beaucoup le champ de l’économie sociale, où les rapports sont différents, en particulier dans les coopératives. Mais ce n’est pas le cas dans la plupart des entreprises françaises, où règne un rapport de subordination entre direction et salariés. Beaucoup d’entreprises, comme Sanofi, défraient la chronique. Au-delà même de ces mauvais exemples, il me paraît logique d’ajouter cette conditionnalité à notre dispositif législatif sur les contrats de génération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’ai trois éléments de réponse. M. Cavard vient de reprendre le premier, que j’ai déjà évoqué en commission : ce qu’il propose s’apparente à une double peine, quoi qu’on en dise.

Deuxièmement, il s’agit de deux dispositifs sans lien entre eux, qui ont des objectifs et des enjeux distincts. Le contrat de génération remplit des objectifs généraux qu’il n’est pas utile de rappeler. Le crédit d’impôt compétitivité emploi répond à d’autres objectifs qui ne sont pas nécessairement de même nature, même si tous contribuent à créer de l’emploi.

Troisièmement, il s’agit d’une pénalité qui fait perdre à l’entreprise le bénéfice du crédit d’impôt compétitivité emploi. Compte tenu de la position qui a été la vôtre sur ce sujet, je comprends que vous la défendiez, mais compte tenu de la position du groupe socialiste et de la commission, cet amendement n’est bien évidemment pas recevable et a été repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je vais parler latin : non bis in idem, et a fortiori non ter in idem. On ne peut pas constitutionnellement imposer deux peines pour le même fait, trois encore moins.

M. Denys Robiliard. Et les peines accessoires ?

M. Michel Sapin, ministre. Notre préoccupation a été d’éviter que la sanction vise à la fois 10 % des exonérations de charge et 1 % de la masse salariale. La même préoccupation nous conduit à refuser une troisième peine. Pour le reste, c’était bien sûr une perche que vous tendiez pour stimuler le débat. Nous avons eu des positions différentes dans un débat antérieur, il me paraît légitime qu’elles se maintiennent aujourd’hui. Avis négatif.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne partage pas l’appréciation que vient de formuler notre ministre. Nous avons dit notre opposition au crédit d’impôt compétitivité emploi parce qu’il mobilise vingt milliards d’euros d’argent public sans contrepartie. Nous pensons que cet amendement, qui vise à retirer le bénéfice du CICE à toutes les entreprises de plus de 300 salariés qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière d’emploi des jeunes et de maintien des seniors dans l’emploi, est utile et légitime.

Vous parlez de double peine, monsieur le ministre, mais ce n’est pas une double peine, c’est une mise en cohérence ! Vous dites d’ailleurs vous-même que tous ces dispositifs ont un objectif commun : créer de l’emploi et de l’activité. On ne parle ce soir que de cela ! Il n’y a donc là aucune incohérence, mais plutôt la nécessité d’être cohérent, puisque tous ces dispositifs sont censés créer de l’emploi. Je soutiens donc et voterai cet amendement.

(L’amendement n° 111 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 42.

M. Christophe Sirugue. C’est un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 42 est adopté)

M. le président. En conséquence les amendements nos 90 et 91 tombent.

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 46.

M. Christophe Sirugue. Il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Excellent !

(L’amendement n° 46 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 45.

M. Christophe Sirugue. Il est rédactionnel.

(L’amendement n° 45, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 218.

M. Michel Sapin, ministre. Une expression adoptée en commission me semble poser quelques difficultés. Les « mesures de gestion du personnel » auxquelles il est fait référence ne sont pas précisées et englobent potentiellement tous les actes de gestion des entreprises : recrutements, mutations, augmentations, heures supplémentaires, etc.

Lister, pour une entreprise pouvant atteindre des milliers de salariés, l’ensemble des mesures de gestion du personnel prises au cours d’une année apparaît légèrement disproportionné et sans rapport direct avec l’objet du diagnostic mis en place par le contrat de génération. Par ailleurs, cette mention ne figure pas dans l’ANI. Il s’agit d’éviter une imprécision qui pourrait être interprétée comme une charge absolument considérable. Ou bien c’en est une, ou bien la précision a peu d’importance : il vaudrait donc mieux corriger l’amendement adopté en commission en supprimant ces mots.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné en commission. Je comprends la proposition du ministre, qui considère que la formulation « bilan des mesures de gestion du personnel depuis un an » peut regrouper des choses extrêmement diverses, complexes et importantes. La commission ne s’est pas prononcée, mais à titre personnel j’émets un avis favorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. L’amendement que nous avions adopté tous ensemble, et sauf erreur de ma part, monsieur Germain, à l’unanimité, n’était en effet peut-être pas assez précis. En parlant de « bilan des mesures de gestion du personnel », nous voulions parler du bilan des mesures de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, terme extrêmement précis dont l’usage vous aurait permis de ne pas faire figurer dans l’exposé des motifs une justification qui m’inquiète un peu. Je pense en résumé que vous n’avez pas voulu comprendre.

Nous ne voulons pas pour autant maintenir une référence imprécise. Nous voulions parler de la GPEC. Nous avons considéré à l’unanimité en commission que la GPEC devait être dans le bilan, même si elle n’est pas dans l’ANI. Si on ne peut pas discuter de choses qui ne sont pas dans l’ANI, on peut suspendre tout de suite et arrêter toute discussion. La disposition telle qu’elle a été adoptée par un amendement commun de M. Germain et moi-même n’est pas assez précise, je vous l’accorde, mais nous parlions bien de la GPEC. Il nous paraît intelligent que ce bilan de la GPEC soit dans le diagnostic.

(L’amendement n° 218 est adopté.)

M. le président. En conséquence les amendements nos 43, 44 et 192 tombent.

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 47.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n° 47, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 209, 19, 135 et 114, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 19 et 135 sont identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 209.

Mme Jacqueline Fraysse. Aux termes du 1° du nouvel article L.5121-11 du code du travail, les accords collectifs devront contenir trois types d’engagements relatifs respectivement à l’insertion durable des jeunes dans l’emploi, l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences.

Avec l’amendement n° 209, nous proposons de préciser les deux premières catégories d’engagements. Nous considérons en effet que des engagements en faveur de l’insertion durable des jeunes dans l’emploi ne peuvent faire l’économie d’engagements précis sur la formation, la qualification ou la certification professionnelle des jeunes les moins qualifiés.

De même, les engagements en faveur de l’emploi des salariés âgés ou de leur maintien dans l’emploi doivent nécessairement être accompagnés d’un engagement en faveur de la prévention de la pénibilité et de l’amélioration des conditions de travail.

Nous craignons vraiment que, sans ces précisions, les engagements pris par les entreprises au travers des accords collectifs ou des plans d’action soient trop flous pour être raisonnablement évalués, et restent à l’état d’engagements sans jamais entrer dans la réalité.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n° 19.

Mme Isabelle Le Callennec. L’amendement présenté par Mme Fraysse me paraît tout à fait acceptable et je suis disposée à le voter, sous réserve des avis qui vont être exprimés par M. le rapporteur et M. le ministre.

Pour nous, la formation des jeunes qui vont bénéficier du contrat de génération est un souci majeur. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de l’affirmation selon laquelle ces jeunes bénéficieront du droit à la formation comme n’importe quel autre salarié, et estimons qu’il convient d’aller plus loin. Comme on le sait, pour un jeune qui s’insère dans la vie professionnelle, les premiers jours dans une entreprise sont extrêmement importants, et la question de l’accueil du jeune et de la capacité de l’entreprise à lui montrer son intention d’accroître sa compétence est très importante.

M. Repentin, qui s’est absenté, nous a parlé tout à l’heure du compte individuel de formation, qui sera présenté dans quelques semaines ou quelques mois. Nous aimerions en savoir plus sur ce point, car nous aimerions avoir une vision d’ensemble plutôt que de découvrir les différents dispositifs au fur et à mesure de la présentation « à la découpe » que vous en faites. Cela nous aiderait sans doute à avoir une vision positive des choses.

M. Michel Sapin, ministre. Ah, vous voudriez savoir tout, tout de suite ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement identique n° 135.

M. Arnaud Richard. Notre préoccupation principale au sujet des emplois d’avenir était la formation. Elle reste la même en ce qui concerne les contrats de génération. Je ne peux imaginer que le Gouvernement n’accepte pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 114.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale, je regrette, moi aussi, le manque d’ambition de ce texte en termes de formation et de qualification professionnelle. Il nous paraît nécessaire, si l’on accepte le principe, de renforcer cet aspect, et nous rappelons en quelque sorte le Gouvernement à sa propre cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. S’ils sont formulés de différentes façons, ces quatre amendements procèdent d’une inspiration identique sur le fond. Bien qu’ils aient tous été repoussés par la commission, il semble, à la réflexion, que deux d’entre eux au moins puissent être retenus : les amendements identiques nos 19 et 135, présentés respectivement par Mme Le Callennec et M. Richard. Je vous propose par conséquent, à titre personnel, d’adopter ces amendements qui, de toute façon, satisfont aux objectifs des deux autres amendements présentés en discussion commune. J’émets donc un avis favorable aux amendements nos 19 et 135, et défavorable aux amendements nos 209 et 114.

M. Jean-Pierre Door. Quelle surprise !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Disons les choses telles qu’elles sont : s’ils ne sont pas tous rédigés de la même manière, ces quatre amendements poursuivent le même objectif, partagé par le Gouvernement, celui de mettre l’accent sur l’importance de la formation, indispensable pour les jeunes. Certes, le public visé n’est pas exactement celui des emplois d’avenir : il ne s’agit pas forcément ici de jeunes disposant d’une très faible qualification, mais de jeunes de toutes qualifications, y compris d’un haut niveau. Toutefois, même dans ce dernier cas, la question de la formation est un élément indispensable.

Cette question constitue la motivation des quatre amendements présentés. La phrase que Mme Fraysse propose d’insérer commence d’ailleurs par les mots « la formation », avant d’entrer dans une série de précisions qui ne me paraissent pas indispensables. Comme M. le rapporteur, je donne donc un avis favorable aux amendements identiques nos 19 et 135, qui pourraient, à mon sens, recueillir l’approbation de ceux qui ont déposé des amendements allant dans le même sens, et, plus largement, de l’ensemble de cette assemblée.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Fraysse ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 209 est retiré.)

M. le président. Et vous, monsieur Poisson ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Je le maintiens, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 19 et 135 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence l’amendement n° 114 tombe.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 193.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement n° 193 est un amendement de précision.

La rédaction actuelle nous semble accorder une place prépondérante aux objectifs et indicateurs chiffrés de création d’emploi. Or, afin d’évaluer au mieux la mise en œuvre des engagements contenus dans les accords ou les plans d’action, il est indispensable que soient associés des critères d’appréciation qualitative de ces engagements.

Ainsi, objectifs, critères d’appréciation qualitative et indicateurs chiffrés doivent, selon nous, constituer un triptyque qui, associé aux engagements, permettra l’évaluation de ces derniers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Sauf erreur de ma part, madame Fraysse, votre amendement me paraît déjà satisfait par la rédaction du texte. La notion d’appréciation qualitative est déjà prise en compte par les engagements définis puisque, par défaut, ces engagements reposeront sur des objectifs qualitatifs et, le cas échéant, seulement lorsque cela sera possible, par des indicateurs chiffrés.

À moins que vous ne souhaitiez le retirer, madame Fraysse, j’émets donc un avis défavorable à votre amendement n° 193.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis, avec la même bienveillance.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Fraysse ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, cette fois je le maintiens.

(L’amendement n° 193 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 87.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’amendement n° 87 est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 87 est adopté.)

M. le président. En conséquence les amendements nos 3, 210, 137 et 194 tombent.

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 189.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’amendement est cosigné par M. Cavard, M. Cherpion, M. Germain et moi-même. Je propose à mes collègues de le présenter.

M. Christophe Cavard. Les discussions que nous avons eues en commission, et le nom des signataires de cet amendement, montrent qu’il est très consensuel. Il vise à ce que l’accord collectif précise les modalités d’intégration, d’accompagnement et d’accès des jeunes au plan de formation. Nous avons eu un long débat en commission, d’où il est ressorti que la question n’était pas la formation en elle-même, mais la volonté de l’entreprise à former le jeune.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. L’amendement n° 189 est effectivement très consensuel. L’ancien président de la commission des affaires sociales aurait sans doute parlé d’une « loi bavarde » : en effet, à partir du moment où une personne est employée à durée indéterminée dans une entreprise, elle bénéficie nécessairement du plan de formation. Cependant, une volonté commune s’est dégagée, sur tous les bancs, de bien signifier que le jeune embauché était, dès son entrée dans l’entreprise, inscrit dans le plan de formation.

Par ailleurs, je veux tout de même souligner, monsieur le rapporteur, que l’amendement n° 87, que vous avez qualifié de rédactionnel, est tout sauf rédactionnel, puisqu’il étend au niveau des groupes et des branches le contenu obligatoire des accords relatifs au contrat de génération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. La commission a adopté cet amendement présenté par l’ensemble des groupes.

Nous avions à faire face à un écueil : comment ne pas donner l’impression que le contrat de génération bénéficiait d’une formation spécifique, ce qui aurait pu conduire à l’assimiler à un contrat aidé, tout en répondant à la demande, formulée avec insistance par nos collègues, d’une assurance pour le jeune concerné de bénéficier du plan de formation ouvert à tous les salariés.

La reformulation a donc pour objectif de bien préciser les choses : s’il n’y a pas de dispositions spécifiques, car ce n’est pas un contrat aidé, il y a bien, en revanche, l’affirmation selon laquelle le plan de formation, prévu par le droit commun, est accessible au jeune titulaire d’un contrat de génération.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de rassemblement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Même si je partage l’avis du rapporteur et du Gouvernement, je regrette que nous n’ayons pas adopté l’amendement sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cela étant, l’adoption de l’amendement n° 189 pourrait rattraper quelque peu les choses. En effet, dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux qui vient de s’achever, une petite révolution est en marche, sur le marché du travail, en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : les grandes orientations du plan de formation seront désormais négociées, ce qui satisfait une revendication exprimée de longue date par le parti socialiste. Il est tout à fait utile que, dans le cadre de ces négociations – qui seront couplées à celles sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences –, le législateur précise que les jeunes embauchés au titre du contrat de génération bénéficient en quelque sorte d’un privilège de mobilisation du plan de formation.

La déception que notre collègue Arnaud Richard et moi-même avons ressentie du fait du rejet de l’amendement sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pourrait se voir adoucie par l’adoption – à l’unanimité, je l’espère – de l’amendement n° 189.

(L’amendement n° 189 est adopté à l’unanimité.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’amendement n° 57 est rédactionnel.

(L’amendement n° 57, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 138.

M. Arnaud Richard. Il s’agit de préciser les dispositions relatives aux seniors dans l’entreprise, en particulier les conditions indispensables à l’exercice de leur activité professionnelle dans le cadre soit du contrat de génération, soit d’une transition vers de nouveaux projets qui peuvent être autres que professionnels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet élément sera repris dans l’amendement n° 175, que j’évoquais voilà quelques instants, et qui va permettre d’intégrer le contenu des accords sans nier ce qu’ont été les termes de l’ANI, contrairement au présent amendement, que je vous suggère par conséquent de retirer, cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Vu la qualité de nos débats, je fais confiance au rapporteur et je retire mon amendement.

(L’amendement n°138 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 56.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 56, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 86.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement de coordination.

(L’amendement n° 86, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 58.

M. Christophe Sirugue. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n° 58, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 139.

M. Arnaud Richard. Nous avons bien compris que l’engagement de campagne du président de la République n’était pas totalement rempli. Il s’agit dans le présent amendement de parvenir à un acte partagé entre le jeune, le référent et le senior.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question tout à l’heure. M. Richard suggère dans le présent amendement que les accords collectifs prévoient le visa du contrat d’embauche du jeune par le référent désigné comme parrain. Or nous avons expliqué voilà quelques instants qu’il était parfois difficile dans certaines entreprises de réaliser l’homothétie entre le jeune et le parrain ou le senior. Sur ce point, les modalités ne concernent pas véritablement le jeune embauché.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

(L’amendement n° 139, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 140.

M. Arnaud Richard. L’amendement vise à clarifier le rôle de l’accueillant et celui du référent, qui ne sont pas nécessairement la même personne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’avis est le même que pour l’amendement précédemment présenté, donc défavorable, puisqu’il s’agit du même sujet, la définition du senior référent, qui n’a pas vocation à être énuméré dans le cadre du projet de loi.

(L’amendement n° 140, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 125.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’idée est toujours la même : il s’agit de donner une place visible et formalisée à tout ce qui concerne la transmission du savoir et les relations entre l’entreprise, qui forme les jeunes en contrat de génération, et les jeunes eux-mêmes, par le biais d’un bilan de compétences réalisé au terme de la durée de l’aide.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je suis tenté de reprendre les termes de l’argumentation développée par M. le ministre voilà quelques instants : le contrat de génération est un contrat de travail à durée indéterminée ; il ne s’arrête pas au bout de trois ans. Je ne vois donc pas comment viendrait s’intercaler l’idée de réaliser un bilan de compétences au terme du contrat de génération. Une fois encore, le jeune concerné est embauché en CDI et relève donc du droit commun, des dispositifs qui existent dans l’entreprise et qui peuvent inclure des bilans de compétences. Il n’y aucune raison d’accoler au contrat de génération un bilan de compétences particulier.

C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je souhaite simplement préciser un élément, pour m’assurer que nous discutons bien du même texte d’amendement : je mentionne non pas la fin du contrat mais la fin de la durée de l’aide, qui est bien limitée à trois ans. On peut donc imaginer qu’au bout de trois années, dans le cas où l’aide n’a pas pris fin de manière précoce, un bilan de compétences soit réalisé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cher collègue, si le jeune est employé en CDI, pourquoi serait-il impératif d’inscrire dans la loi qu’il est obligatoire de faire un bilan de compétences au terme du contrat de génération des trois ans ? Si le jeune est embauché en CDI, un CDI certes signé dans le cadre du contrat de génération, le bilan de compétences pourra avoir été réalisé avant une période de trois ans ou après une telle période, comme pour n’importe quel autre salarié de l’entreprise.

Parce qu’il a été décidé d’intituler ce contrat « contrat de génération », le risque existe de confondre contrat de travail et contrat de génération. Il n’y a pas lieu d’imposer obligatoirement un bilan de compétences puisque chaque situation est différente ; un tel bilan peut être nécessaire ou non.

C’est la raison pour laquelle la commission rejette le présent amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je trouve ce moment de la discussion intéressant : il est prévu que l’État apporte une aide de 4 000 euros à une entreprise pour l’embauche d’un jeune dans le cadre d’un contrat de génération qui, dans l’esprit, vise à terme à remplacer un senior après la transmission de son savoir-faire. Dans ces conditions, il ne me semble pas aberrant qu’à l’issue de la période de versement de l’aide on s’assure, par le biais d’un bilan de compétences, que le jeune en question a bien acquis un certain nombre de connaissances. Une telle mesure ne nécessiterait pas la fin du contrat, puisqu’un bilan de compétences peut s’effectuer en cours de contrat de travail.

(L’amendement n° 125 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Gilles Lurton. Au vu des termes de l’amendement n° 189 déposé par M. le rapporteur, je retire mon amendement, monsieur le président.

(L’amendement n°32 est retiré.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Déclaration du Gouvernement sur l’engagement des forces française au Mali suivie d’un débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 16 janvier 2013, à deux heures dix.)