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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 8 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture du mariage aux couples de même sexe

Discussion des articles (suite)

Article 4 bis (suite)

Amendement no 3318

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Amendements nos 2472, 2473, 3948

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendement no 3767

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendements nos 3952, 2477, 3806, 2697, 3972, 3828, 2743, 2483, 3979, 3892, 3983, 3985, 4548, 3987, 2490, 3990, 2833, 4035, 4561, 2495, 4004, 4164, 3998, 4148, 4610, 4010, 2899, 4172, 4014, 4018, 4626, 2919, 4202, 4632, 4206, 4027, 4029, 4213, 4641

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Thierry Benoit

M. Jean-Frédéric Poisson

Après l’article 4 bis

Amendements nos 2257, 4405, 5368 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Article 13 bis

M. Marc Le Fur

Mme Marie-Lou Marcel

M. Hervé Mariton

Amendements nos 101, 431, 479, 1064, 538, 1186, 1432, 1504, 1609, 1595, 1721, 1760, 2241, 2540, 2965, 3360, 4038, 4729, 5100, 5309, 4913

Article 14

M. Guy Geoffroy

Amendements nos 104, 236, 429, 434, 480, 1072, 539, 1188, 1433, 1515, 1598, 1617, 1722, 1761, 2242, 2539, 2967, 4049, 4730, 5310

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Article 14 (suite)

Amendements nos 3009 rectifié, 4346, 4341

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Amendements nos 3012 rectifié, 2999, 2990 rectifié, 4337, 4330, 2988 rectifié

Article 16 bis

M. Hervé Mariton

M. Alain Tourret

M. Noël Mamère

M. Sergio Coronado

M. Guy Geoffroy

Amendements nos 106, 238, 437, 278, 481, 1144, 1189, 1434, 1625, 1723, 1763, 2968, 3018, 3194, 3396, 5102, 5312

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture du mariage aux couples de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 344, 628, 581).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à une série d’amendements identiques à l’article 4 bis.

Article 4 bis (suite)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3318.

M. Marc Le Fur. Nous présentons de nombreux amendements qui portent sur des éléments majeurs de notre législation et de notre organisation sociale. Nous avons traité du code civil et démontré la manière dont il était pollué par les évolutions législatives que le Gouvernement et la majorité préconisent. Nous avons aussi démontré que l’article-balai n’était pas satisfaisant, et le Conseil d’État l’avait d’ailleurs dénoncé par anticipation. Quand on veut modifier la loi, on le fait de manière explicite et non pas de manière masquée. Désormais, pour lire le code civil, il faudra avoir des notes en bas de page, ce qui, chacun en conviendra, ne contribuera pas à sa lisibilité.

Et puis nous en arrivons, avec l’article 4 bis, à une série de codes que vous allez transformer en étendant aux couples homosexuels les droits objectifs qu’ils prévoient. Nous dénoncerons au fil des amendements de tels transferts, considérant qu’il y a là déséquilibre. De plus, bon nombre des articles concernés ont été préalablement négociés avec les partenaires sociaux ou différentes instances alors que, à ma connaissance, aucune des modifications proposées n’a donné lieu à la moindre concertation, qu’il s’agisse, comme ici, du code de l’action sociale et des familles, ou d’un autre. Une fois de plus, une telle manière de procéder n’est pas satisfaisante. La rédaction des articles n’ayant pas donné lieu préalablement à des échanges avec les partenaires habituels, le travail préparatoire a donc été bâclé, tout le monde désormais en convient. Nous le redirons à l’occasion de la présentation des différents amendements.

Mes respects de l’après-midi, monsieur le président.

M. le président. Les miens aussi, monsieur Le Fur.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 3318.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Avis défavorable.

(L’amendement n° 3318 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2472.

M. Philippe Gosselin. Au-delà de l’absence de saisine des instances compétentes évoquée par mon collègue Le Fur à l’instant, au-delà de l’aspect politique du texte lui-même, il y a des difficultés juridiques, nous ne cessons de le répéter et nous continuerons. Ce sera l’occasion de revenir sur un certain nombre de questions qui restent pendantes, par exemple les certificats d’actes de naissance.

À travers cet amendement, je souhaite que les termes « père » et « mère » ne soient pas exclus du code de la défense car cela aurait des implications importantes. C’est aussi un signal donné à nos forces armées : il ne faut pas perturber l’avancement de leurs opérations.

(L’amendement n° 2472, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisie d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2473.

M. Philippe Gosselin. Nous avions souhaité un large débat public en un maximum de temps, afin d’associer l’ensemble des partenaires concernés. Ainsi, nous avions évoqué des états généraux – d’autres formules étaient envisageables – mais on voit bien que les saisines possibles n’ont pas été opérées, et voici à quoi cela conduit : des approximations et un amendement-balai qui a eu pour effet apparent, par un tour de passe-passe, de faire disparaître les termes « père et mère ». Mon amendement vise à les rétablir à l’article L. 4123-15 du code de la défense en excluant ledit article du champ d’application du I de l’article 4 bis.

(L’amendement n° 2473, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Dans une autre série d’amendements identiques, la parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3948.

M. Xavier Breton. L’article 4 bis fait écho à l’article 4, l’article-balai, et à ses incertitudes juridiques. En l’espèce, mon amendement porte sur l’article L. 4138-7 du code de la défense et s’inscrit dans le prolongement total des propos de mon collègue Philippe Gosselin, rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

(L’amendement n° 3948, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3767.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne le code de la défense. Mon intervention pourrait d’ailleurs s’apparenter à un rappel au règlement, monsieur le président. En effet, je tiens à le souligner, toutes nos commissions auraient dû être consultées : la commission des affaires étrangères puisqu’on a vu l’impact de ce texte sur l’adoption internationale et nous en avons d’ailleurs débattu à plusieurs reprises, la commission du développement durable et toutes les autres soit, en l’espèce, la commission de la défense. Je suis surpris qu’elles ne l’aient pas été. Je rappelle que quand toutes les commissions sont concernées, le principe est qu’une commission spéciale est constituée. Ce fut souvent le cas pour les textes de loi à dimension éthique. Rappelez-vous, monsieur le président, que nous en avions créé une, lors de la précédente législature, pour la révision des lois bioéthiques…

M. François Scellier. C’est vrai.

M. Marc Le Fur. …ainsi que pour les textes extrêmement délicats touchant à la fin de vie, et je tiens à saluer le travail fait alors par notre collègue Jean Leonetti.

Or ici, on n’en a pas constitué. La démonstration est faite, encore un peu plus, que nous aurions dû travailler cette affaire. Et encore, si les commissions saisies avaient bien travaillé… Mais on m’apprend, madame Clergeau, que la réunion de la commission des affaires sociales n’a duré que deux heures à deux heures et demi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce vrai ? Alors que nous, nous travaillons des dizaines d’heures en séance.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des affaires sociales est plus productive ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Sourires.)

M. Philippe Gosselin. C’est du productivisme, madame la ministre ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. En plus, Mme Clergeau ne dit rien. On voit que ce texte est un brouillon, et quand on a un brouillon, on recommence pour aboutir à un travail sérieux. Et c’est ce que nous vous proposons de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Vous avez raison, monsieur Le Fur : la réunion de la commission n’a pas duré très longtemps, d’une part, parce que toute la majorité travaille déjà de manière collective régulièrement, d’autre part, en raison de l’attitude de M. Guaino. Il représentait apparemment l’ensemble de l’UMP, et il est parti du principe que ce n’était pas aux députés de continuer à discuter de ce texte mais au peuple d’en décider. À ce titre, il s’est levé, ainsi que l’ensemble des députés de l’UMP présents, et a quitté la réunion.

M. Jean-Christophe Cambadélis. On en apprend de belles…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je rappelle que M. Arnaud Richard, membre de l’autre groupe de l’opposition, l’UDI, est, lui, resté jusqu’à la fin. Si vous pensez que le débat n’a pas eu lieu dans cette commission, c’est parce que vos collègues n’en ont pas voulu et que nous, de notre côté, nous étions déjà tous d’accord sur ce texte. Voilà l’explication de la durée de la réunion. Il est important que nos concitoyens sachent que l’UMP n’a pas voulu de débat en commission des affaires sociales.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Très juste !

(L’amendement n° 3767 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3952.

M. Xavier Breton. L’amendement vise l’article L. 423-15 du code de l’environnement, code lui aussi concerné par le nouvel article-balai. Pour rebondir sur les propos de mon collègue Le Fur, je regrette que la commission du développement durable n’ait pas été saisie ou qu’une commission spéciale n’ait pas au moins été constituée. Celle-ci aurait permis un travail transversal. On sait que l’éducation est un aspect important du mariage et de la filiation, et pourtant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, où je siège, n’a pas non plus été saisie. Il a fallu que je permute avec un collègue pour pouvoir suivre les travaux de la commission saisie au fond, ce qui est regrettable. La commission spéciale eût été un bon moyen de procéder, comme lors de l’examen des textes bioéthiques, mais vous avez voulu passer en force et empêcher le débat. Nous le regrettons et c’est pourquoi je défends cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je tiens à réaffirmer notre opposition évidemment totale à ce projet de loi. Je voulais relire à notre assemblée, parce que c’est toujours un plaisir, les propos tenus par Mme Guigou en 1998. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Il y a quinze ans !

M. Éric Woerth. On ne les avait entendus qu’en début de débat et il faut que chacun puisse se rafraîchir un peu la mémoire. (Mêmes mouvements.)

Je la cite : « Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. C’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. C’est aussi la promesse et la venue de l’enfant, lequel nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et ne se terminera pas avec nous. […] Mais il fallait aussi bien marquer qu’au regard de l’enfant, couples homosexuels et hétérosexuels sont dans des situations différentes. La non-discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice, et d’ailleurs constitutive de l’humanité, c’est bien celui de la filiation. » Voilà ce qu’elle disait, d’ailleurs plutôt mieux que la plupart d’entre nous. Elle avait beaucoup réfléchi sur le sujet. J’ai donc un très grand plaisir à verser à nouveau sa contribution à ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 3952 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

Pour soutenir l’amendement n° 2477, la parole est à M. Philippe Gosselin, que je vois prêt à se lever...

M. Philippe Gosselin. Prêt à bondir, monsieur le président ! (Sourires.) L’amendement est défendu. Je veux revenir sur la réponse de Mme Clergeau : ce n’est pas parce que l’opposition a estimé nécessaire de quitter la réunion, considérant que les conditions pour travailler et échanger n’étaient pas réunies, que la majorité n’aurait pas pu y passer plus de temps.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. La majorité travaille !

M. Philippe Gosselin. Sans adresser de critiques acerbes à une commission dans laquelle je ne siège pas, on peut s’étonner de la durée assez brève de la réunion sur un tel sujet, même si la durée ne fait pas forcément la qualité. Je rappelle, sous le contrôle de son président ici présent, que nous avons siégé dix-huit heures en commission des lois, et j’ajoute que je n’ai manqué jusqu’ici aucune séance dans l’hémicycle depuis le début de nos débats. Deux heures seulement pour examiner un tel projet…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Personne chez vous n’était là pour défendre ses amendements !

M. Philippe Gosselin. …démontre qu’il aurait fallu une commission à la composition bien plus large. Nous verrons tout à l’heure que le code général des impôts est également impacté sans que la commission des finances n’ait été sollicitée pour avis. C’est une des faiblesses de la procédure adoptée. Elle est parfaitement constitutionnelle, j’en conviens, mais plus discutable sur le plan politique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je continue la lecture du discours de Mme Guigou (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.), tenu le 3 novembre 1998, parce c’est un discours fondateur sur ce sujet : « Notre société ne protège pas assez l’enfant et en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, elle le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. Un enfant a droit à un père et une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents. D’ailleurs aujourd’hui, la situation de l’enfant légitime qui vit avec ses deux parents est plus proche de la situation de l’enfant naturel qui vit lui aussi avec ses deux parents que de celle de l’enfant légitime de deux parents divorcés ou séparés. […] Enfin, certains ajoutent encore une menace : le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! » Elle dit cela en 1998 ! « Ceux qui le prétendent n’engagent qu’eux-mêmes. Le Gouvernement a, quant à lui, voulu que le pacte ne concerne pas la famille. Il n’aura donc pas d’effet sur la filiation. Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. » Je note que cette dernière phrase a donné lieu à des « applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste ». C’est extrait du compte rendu analytique de l’Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy et M. Marc Le Fur. Bravo ! Applaudissez à gauche !

(L’amendement n° 2477, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Avant d’en venir à une nouvelle série d’amendements identiques, je suis sûr que vous vous joindrez tous à moi pour souhaiter un joyeux anniversaire à M. Censi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3806.

M. Marc Le Fur. Je m’associe à ces bons vœux, et je crois d’ailleurs que tu as dû déjà recevoir un message de ma part, mon cher Yves…

Plusieurs députés. « Mon chéri » ?

M. Marc Le Fur. Mais non : mon cher Yves ! (Exclamations et rires sur tous les bancs.)

M. Guy Geoffroy. Ils vont se marier ; ils seront les premiers !

M. Yves Censi. Je suis très ouvert d’esprit !

M. le président. Je me disais que le mariage pour tous commençait à convaincre M. le Fur !

M. Marc Le Fur. C’est le premier dérapage, monsieur le président !

M. le président. Venons-en à votre amendement…

M. Marc Le Fur. Nous venons d’avoir connaissance des travaux du Sénat qui organise ses auditions après le scrutin du 12 février, ce qui pose un problème parce qu’il préjuge du vote, ce qui est un peu contraire à tous les principes républicains puisque, par définition, on ne connaît pas par avance le résultat d’un scrutin. C’est le propre de la démocratie.

Toujours est-il que le Sénat organise ses auditions et qu’il recevra notamment Mme Agacinski. En l’état de mes informations – monsieur le rapporteur, vous vous allez peut-être me contredire –, la commission des lois n’a pas reçu Mme Agacinski à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Gosselin. C’est dommage !

M. Éric Woerth. C’est une erreur !

M. Marc Le Fur. Cela pose un problème de fond, monsieur le président, parce que l’on va accréditer l’idée, qui nous dessert tous, que le Sénat serait un meilleur législateur (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) parce qu’il écoute un certain nombre de personnes.

M. Éric Woerth. Absolument !

M. Marc Le Fur. Or, faire en sorte que l’Assemblée nationale soit au moins au niveau du Sénat, ne relève pas de nous mais de vous, monsieur le président.

Monsieur le rapporteur, je crains que la comparaison avec le sénateur Michel, qui fut d’ailleurs député ici, vous soit un peu défavorable, parce que les sénateurs vont faire un travail certainement plus objectif, long et exhaustif. Ce n’est pas bon.

Que l’opinion sache qu’une personne aussi compétente – et qui ne partage pas nos opinions d’une manière générale – soit reçue en audition au Sénat alors qu’elle ne l’a pas été dans une commission de l’Assemblée nationale qui prétendait pourtant vouloir travailler, ce n’est vraiment pas à mettre à votre crédit, monsieur le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. Patrick Ollier. Vous pourriez répondre de temps en temps, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Juste pour le plaisir d’informer M. le député Le Fur, j’indique que j’ai reçu à la chancellerie M. Rosenczveig et aussi, longuement, Mme Agacinski.

Puisque vous semblez avoir le souci d’avis contradictoires, je vous informe que, dans toute la série d’auditions que nous avons conduites à la chancellerie avec Mme la ministre de la famille, Mme Dominique Bertinotti, nous avons entendu des personnalités qui, pour certaines d’entre elles, ont eu l’opportunité de s’exprimer publiquement pour dire à quel point elles étaient opposées à ce projet de loi. Nous avons entendu des personnalités et des associations favorables ou défavorables au texte, d’autres qui étaient encore dans l’expectative et s’interrogeaient, d’autres qui y étaient très fermement hostiles.

Vous n’interpelliez pas le Gouvernement mais puisque c’est lui qui a initié le projet de loi, je vous informe que le texte a quand même été nourri d’auditions de personnalités diverses.

M. Marc Le Fur. Cela est encore plus cruel pour l’attitude de la commission !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne parviendrez pas à créer un conflit entre le Gouvernement et la commission…

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas notre intention !

M. le président. S’il vous plaît, ne coupez pas la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Surtout pas en morceaux ! Je reconnais que, depuis plusieurs jours, vous déployez des efforts assez méritoires pour essayer d’obtenir ce résultat. Il n’est absolument pas accessible.

Quant à l’amendement, le Gouvernement lui donne un avis défavorable. Je rappelle quand même, respectueusement, que dans la série d’amendements que vous présentez, certains n’ont vraiment pas lieu d’être, notamment ceux qui portent sur des articles où aucune référence n’est faite à la notion de père et mère.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le signale parce que, depuis plusieurs jours, nous constatons que les amendements sont les supports qui vous permettent de prendre la parole.

Je suis absolument persuadée que la plupart d’entre vous, en raison de leur conception de la démocratie et de leur préoccupation de législateur, souhaitent aboutir au meilleur texte possible. Vous continuerez à ne pas l’aimer mais puisqu’il sera dans le code civil, vous souhaitez que ce soit le meilleur texte possible.

Mais je crois qu’il est bon que, de temps en temps, je rappelle le contenu de cette masse d’amendements qui servent de support au débat. Nous avons bien vu que l’exercice a un peu changé de nature, que la défense des amendements sert essentiellement à lire de très longs extraits de discours de personnalités de gauche pour le cas où nous les ignorerions.

M. Philippe Gosselin. Nous puisons aux meilleures sources !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les amendements ne sont pas défendus. Ils sont l’occasion de nous instruire sur les propos des uns et des autres, identifiés comme ayant une pensée de gauche.

M. Guy Geoffroy. C’est pour vous rafraîchir la mémoire.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez le droit de disposer de vos deux minutes comme vous l’entendez. J’avoue avoir le privilège, en la circonstance, de disposer d’un temps de parole illimité. J’ai donc le plaisir de préciser le contenu de vos amendements puisque l’arbitrage auquel vous êtes contraints vous interdit de le faire, sauf à sacrifier votre lecture d’extraits de discours. Je confirme donc que le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la ministre, je ne résiste pas au plaisir de vous donner satisfaction puisque vous appeliez de vous vœux la poursuite de la lecture d’un texte fondateur : la déclaration de Mme Guigou dans cette enceinte, il y a quinze ans (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.).

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Grâce à vous, on le connaît par cœur !

M. Guy Geoffroy. « Un couple, hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont tracé les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individuel en indiquant que les procréations médicalement assistées ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant. » Ces propos étant ponctués, selon le compte rendu, d’applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.

Et Mme Guigou de poursuivre : « Je reconnais que des homosexuels doivent continuer à s’occuper des enfants qu’ils ont eus même s’ils vivent ensuite avec un ou une compagne du même sexe, car la paternité ou la maternité confère des obligations qui ne peuvent cesser. » Et à ce moment-là, les applaudissements des bancs des groupes communiste et RCV se joignent à ceux du groupe socialiste.

Je termine mon propos dans le cadre de mes deux minutes de temps de parole. Mme Guigou indique ensuite : « Or c’est une chose de maintenir un lien de parenté déjà constitué entre parents et enfants, c’en est une toute autre de permettre, en vertu de la loi, l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels. »

Je pense que cela devrait vous permettre de retrouver le bon sens qui vous a échappé depuis quelques jours.

M. Patrick Ollier. Très bien !

(L’amendement n° 3806 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2697.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous parlons toujours du code général des impôts, de l’article 4 bis et des répercussions de la méthode-balai.

Merci, madame la garde des sceaux, d’avoir fait l’exégèse de nos propres travaux et contributions à ce débat. C’est mon tour de rappeler ici que vous aviez deux choix possibles.

Votre choix initial, dans le projet de loi qui a été transmis à l’Assemblée nationale, consistait à remplacer matériellement, article par article et soigneusement, tous les mots sexués par des expressions qui permettaient de les embrasser dans un genre indifférencié.

Le choix de la commission des lois est différent : un amendement dit balai qui a pour effet d’être moins sûr juridiquement mais plus acceptable politiquement parce que les effets sont moins spectaculaires.

Le premier choix était indéfendable sur le plan politique et c’est sans doute la raison pour laquelle la commission, avec votre accord, a changé de pied. Effectivement, nous avons alerté sur le fait que les mots sexués allaient disparaître des différents codes que nous sommes en train d’examiner depuis quelques jours. Mais le choix qui a été fait par le rapporteur – dire que les mots à caractère sexués devraient être lus également comme s’ils étaient indifférenciés – produit des insécurités juridiques, d’ailleurs peut-être par tant aujourd’hui que demain.

C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, nous avons déposé tous ces amendements que nous défendons avec l’énergie – dont nous ne manquons pas – que l’heure tardive parfois nous laisse. Je vous le redemande : Comment traiterez-vous l’accroissement très possible du nombre de parents pour un même enfant, à partir du moment où vous ne fixez plus l’altérité sexuelle comme limite à la composition du mariage ? L’amendement est ainsi défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Il aurait été inconvenant à l’égard de Mme Guigou de ne pas terminer la lecture de son texte parce qu’il est extrêmement complet et cohérent. Je vous propose donc d’entendre la suite.

« Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? » demande Mme Guigou. « Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant. Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité. » Ces propos étant ponctués d’applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste.

M. Patrick Ollier. Elle parle d’or, ce ne sont plus les mêmes qui sont là !

M. Guy Geoffroy. « C’est ce point de vue que je prends en considération, et non le point de vue des couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels », explique Mme Guigou. Tout est dit.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur Geoffroy, je vous respecte beaucoup. J’ai eu l’occasion de travailler avec vous pour construire la loi contre les violences faites aux femmes et je sais aussi le travail que vous avez fait pour l’abolition de la prostitution.

Cela étant, je vous rappelle que les citations de Mme Guigou datent de quinze ans ! Imaginez-vous qu’un individu puisse évoluer dans ses positions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On n’est pas obligé d’avoir un esprit fossilisé, on peut évoluer en quinze ans, monsieur Douillet.

Lorsque je suis arrivée au ministère de la jeunesse et des sports en 1997, c’était la première fois que l’on donnait un agrément à une association qui parlait de la défense des enfants des familles homosexuelles, le MAG. J’ai déposé d’abord une proposition de loi sur le mariage, en étant très interrogative sur la filiation et l’adoption. Puis, en consultant les associations et les personnes concernées, ma position a évolué. J’ai alors déposé une deuxième proposition de loi, sur l’adoption et la filiation.

Arrêtez de citer des propos datant de quinze ans car Mme Guigou a eu l’occasion d’exprimer sa position actuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

(L’amendement n° 2697 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3972.

M. Xavier Breton. En réponse à Mme Buffet, ce que je retiens des propos de Mme Guigou, ce n’est pas leur calendrier mais leur force. Cette force demeure dans le temps.

En défendant avec constance et énergie nos amendements, nous nous interrogeons sur la régularité juridique de l’amendement balai, notamment quant à ses implications sur le reste de notre droit.

À ce propos, je veux relire l’avis du Conseil d’État pour le mettre en perspective avec l’amendement balai. Cet avis indique que la disparition des termes « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les diverses législations, telle qu’elle résulte du projet du Gouvernement, a une valeur symbolique importante que le Conseil d’État ne sous-estime pas – c’est l’aspect politique dont parlait notre collègue Poisson à l’instant. L’avis précise ensuite que le Conseil d’État n’a consenti à un tel parti rédactionnel qu’en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu’elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale, c’est-à-dire au fameux article balai. Il est ajouté que le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de poursuivre l’examen de l’ensemble des législations pour tirer les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Nous vous demandons si le travail d’examen des incidences sur l’ensemble des branches de notre droit, notamment le code général des impôts sur lequel porte le présent amendement, a été fait suite à l’adoption par la commission des lois de cet article-balai le 16 janvier dernier.

M. Patrick Ollier. C’est du bon sens !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Drapeau.

M. Jean-Luc Drapeau. Il est vrai qu’on peut évoluer dans le temps. En revanche, je ne crois pas tellement à la force qui reste dans le temps.

Et puis, on peut revenir sur des propos tenus dans le temps et se grandir en admettant qu’ils ont bien été prononcés. Il faut le dire, c’est important. Celui qui reconnaît avoir dit certaines choses à un moment et qui est prêt à revenir dessus redore son image.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’avons pas entendu Mme Guigou dire qu’elle regrettait…

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je ne vais pas revenir sur les propos de Mme Guigou. Madame Buffet, je partage votre point de vue, on peut évidemment changer d’avis. On peut s’interroger sur la nécessité d’un taux d’imposition à 45, 55 ou 75 %. Ce sont des questions sur lesquelles on peut faire évoluer sa position.

Mme Marie-George Buffet. C’est un autre sujet.

M. Éric Woerth. Sur des sujets aussi importants que l’altérité sexuelle, l’avenir de l’enfant ou le choix d’une société à la fois ouverte, permissive mais qui pose aussi des repères, on a aussi le droit de ne pas changer d’avis parce que l’opinion qu’on exprime est alors une expression fondamentale. Quand Mme Guigou demande pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait une mauvaise solution, elle ne répond pas « parce que ce couple est homosexuel » – la question n’est pas là, il a le droit de le faire, il a le droit d’être heureux et tout le monde est content pour eux –. Elle dit : « parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir, la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant. » C’est un propos fort, ce n’est pas un propos de circonstance ou un propos daté. C’est cela que nous voulons dire.

(L’amendement n° 3972 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3828.

M. Marc Le Fur. Pour que les choses soient claires, je rappelle que la commission des affaires sociales a travaillé, à peine deux heures, une heure et demie je crois. La commission saisie au fond, la commission des lois, n’a pas auditionné des personnalités aussi incontournables que Mme Agacinski. Les autres commissions n’ont pas été saisies. Ainsi, je constate que la commission des finances n’a pas été saisie des éléments fiscaux dont nous débattons. Je partage la réflexion de M. Woerth : ceci est grave !

Nous contrevenons de la sorte à l’un des objectifs fixés de manière solennelle par le Conseil supérieur des impôts qui a insisté sur la nécessité de l’intelligibilité de la loi fiscale. Notre collègue Poisson le disait précédemment pour le code civil, la loi fiscale doit être comprise du contribuable, sinon nous en réservons la compréhension à quelques personnes très fortunées qui pourront disposer de conseils et d’avis divers et variés qu’ils paieront largement. En revanche, nous interdisons à des contribuables modestes d’accéder facilement au code des impôts. Ce faisant, nous nuisons non seulement à l’intelligibilité de la loi fiscale mais aussi à l’égalité devant l’impôt. Nous offrons une possibilité d’information spécifique à certains et l’ignorance aux autres. C’est la preuve – l’avis du Conseil d’État le disait déjà – que la solution de l’article-balai, qu’il s’agisse de l’article 4 ou de l’article 4 bis, consistant à indiquer de quelle façon comprendre une disposition, est une solution malsaine, me semble-t-il, pour l’intelligibilité de la loi. Or, l’intelligibilité de la loi est aussi la base de la démocratie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable. Je voulais répondre à M. Poisson mais il ne s’est pas exprimé cette fois-ci. Je le ferai la prochaine fois qu’il prendra la parole.

M. le président. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Bien sûr qu’on change en vingt ans ! Évidemment et heureusement !

M. Michel Lefait. Si c’est dans le bon sens…

M. David Douillet. C’est trop facile de sortir de leur contexte des extraits d’un livre comme vous l’avez fait me concernant. On connaît le procédé. C’est très efficace mais de courte durée. Les gens ne sont pas dupes.

Heureusement que l’on change. Mme Guigou a probablement changé mais je m’interroge : où est-elle ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas la première fois que nous nous faisons référence à elle. Moi je suis là pour vous répondre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes là depuis hier seulement.

M. David Douillet. J’aimerais voir Mme Guigou. J’aimerais qu’elle puisse, comme moi, vous dire qu’on change en vingt ans, qu’on peut dire des choses à une certaine époque et évoluer.

Si je n’avais pas évolué, je ne pourrais pas m’arc-bouter sur la nécessité de protéger les femmes à qui on impose la gestation pour autrui. Je vous le redis encore une fois. J’aimerais avoir une réponse. Dès que je l’aurai, je n’en parlerais plus. Ne vous inquiétez pas.

M. Jean-Luc Drapeau. Avez-vous changé ?

M. David Douillet. Bien sûr que j’ai changé, je vous le dis.

M. Bernard Roman. En mal !

M. Jean-Yves Caullet. Encore un effort !

M. David Douillet. C’est normal. On évolue. C’est le sens de la vie. Sinon je ne serais pas ici. Je ne serais même pas élu.

Ce que je ressens, c’est que bon nombre d’entre vous, malheureusement, n’ont pas pu venir s’exprimer librement ici. Mme Guigou n’est pas là.

M. Jean-Luc Drapeau. Et chez vous ?

M. David Douillet. De notre côté, les choses sont claires.

M. Philippe Cochet. Le parti socialiste est un parti de godillots !

M. David Douillet. C’est dommage car l’Assemblée, le Parlement, sert à cela, à confronter les différences. Il existe des différences de point de vue dans vos rangs. Ceux qui ont été mis de côté voire bridés, nous aurions aimé les entendre. Ils se sont exprimés il y a quelques années ; il serait bon de leur poser de nouveau la question aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je maintiens que Mme Guigou aurait eu sa place dans ce Parlement et aurait dû être présente puisqu’elle est parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 3828 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Fréderic Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2743.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement concerne le code des pensions civiles et militaires de retraite et les questions du cumul et de la réversion des pensions. Cela me permet d’interroger de nouveau Mme le garde des sceaux sur la définition actuelle et future de la notion de parents mais il me semble que la réponse ne tardera plus maintenant.

Je voulais dire à notre collègue Buffet, dans le temps qui me reste pour défendre cet amendement, monsieur le président, qu’il n’est pas choquant que quelqu’un change d’avis sur un sujet même difficile ou sur un principe. C’est ce que j’ai dit dans mon intervention après la motion référendaire de Laurent Wauquiez.

Notre interrogation ne porte pas sur la personne de Mme Guigou mais sur la fermeté et la solidité des principes sur lesquels le garde des sceaux, et non pas Mme Guigou personnellement, s’appuyait à l’époque pour faire cette déclaration. Je comprends qu’à titre personnel elle ait changé d’avis.

M. Pierre Lequiller. Elle n’était pas homophobe.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne mets pas en cause l’engagement de l’actuel garde des sceaux, mais elle apporte en réponse des garanties avec la même solidité que Mme Guigou il y a quinze ans. Or, on constate que quinze années plus tard, ces garanties ont cédé ou ne valent plus. On est donc en droit de s’interroger sur ce qu’il en sera dans quelques années des garanties qu’on nous donne aujourd’hui. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député Poisson, je n’aurais pas la cruauté de vous rappeler sur combien de sujets l’ancien Président de la République, du haut de la solennité de sa fonction suprême, a pris des positions qu’il a abandonnées pour des positions contraires quelques mois ou années après.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le Président actuel aussi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il appartient aux parlementaires de défendre Mme Guigou. Mais puisque je siège ici depuis la première minute, je peux dire pour la gouverne de M. Douillet que j’ai fréquemment vu Mme Guigou. Vous étiez présent aussi, vous savez donc à quel point Mme Guigou a été présente et active, elle s’est exprimée à la tribune. Il n’y a pas la moindre ambiguïté ni sur la clarté de ses propos et la fermeté de ses positions, ni sur son assiduité à nos travaux.

Vous m’interrogez sur le nombre de parents. Je ne vous ai pas répondu jusqu’à présent car je n’ai pas compris quelle est la source de votre inquiétude, à l’exception de l’exemple que vous avez donné d’une décision judiciaire prononcée à Miami. Vous convenez que nous ne légiférons pas pour Miami et que les décisions de Miami ne font pas jurisprudence en France. Cette référence mise à part, je ne comprends pas la source de votre inquiétude. Je vous rappelle que ce texte de loi ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe à droit constant. Les conditions posées pour l’adoption plénière et l’adoption simple sont maintenues.

Pour l’adoption plénière qui efface la filiation antérieure à l’adoption, il y aura deux parents comme c’est le cas aujourd’hui. Pour l’adoption simple qui maintient la filiation antérieure, s’il y a un seul parent biologique et un seul parent qui sollicite l’adoption simple, il y a aura deux parents ; s’il y a deux filiations établies et qu’un seul parent demande l’adoption simple, il y aura trois parents ; s’il y a deux filiations établies et deux parents qui demandent l’adoption simple, il y aura quatre parents. Le maximum est donc de quatre. Je vois que M. Gosselin va beaucoup plus vite que ma propre souplesse intellectuelle ne me le permet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est très souple aussi. C’est l’une de ses qualités essentielles.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est coutumier du fait.

Voilà pourquoi je ne comprenais pas la source de votre inquiétude.

M. Marc Le Fur. Pouvez-vous répéter ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous fais confiance pour relire le compte rendu, monsieur Le Fur.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Mme Guigou a changé d’avis mais ce n’est pas un simple changement d’avis, c’est une révolution copernicienne. Elle a complètement transformé son avis. Celle qui s’exprimait en 1998 siégerait aujourd’hui sur nos bancs ; elle serait une des premières oratrices à s’opposer au texte (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est inadmissible !

M. Jean-Christophe Cambadélis. On ne va pas épiloguer sur Mme Guigou.

M. Éric Woerth. Outre son opinion fondamentale sur l’enfant et le couple, il faut retenir de ce qu’elle dit une autre chose très importante quand elle affirme : « vous votez le PACS mais cela n’ira pas plus loin. Il n’y aura jamais l’adoption, ni la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui. »

Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance ? Vous nous dites la même chose aujourd’hui : nous permettons le mariage et l’adoption mais nous n’autoriserons jamais la gestation pour autrui ; nous permettrons peut-être un jour la procréation médicalement assistée. Comment peut-on croire cela ? La gestation pour autrui est inscrite en filigrane dans votre texte. Mme Guigou, votre prédécesseur, Mme la garde des sceaux, avait dit exactement la même chose sur le PACS.

(L’amendement n° 2743 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2483.

M. Philippe Gosselin. Pour répondre à Mme le garde des sceaux, j’anticipais le résultat de quatre parents dans le cas d’une adoption simple. Nous sommes dans une logique que je ne conteste pas puisque l’adoption simple n’a pas pour effet de substituer la nouvelle filiation à la filiation biologique d’origine ; elle a pour conséquence de reconnaître ces quatre parents. Je ne le conteste pas. Mais nous débattons de la question plus large de l’homoparentalité qui, par l’adjonction de parents sociaux, remet à plat le cadre préétabli.

Avec l’adoption simple, nous ne sommes pas dans le même schéma. C’est ce que je tenais à préciser, tout comme M. Poisson.

Je conclurai, dans le peu de temps qui me reste, en évoquant les propos de Mme Guigou. Je ne lui reproche pas tant les propos qu’elle a tenus voici quinze ans – je reconnais effectivement que l’on peut évoluer et chacun appréciera cette évolution comme il l’entend – que l’inquiétude que cela soulève. En effet, lorsque l’on a soutenu une thèse, il y a quinze ans, et que l’on affirme le contraire aujourd’hui, cela prouve, même si l’on a, certes, le droit de changer d’opinion, qu’il n’y a pas de constance. Donc quand on affirme, la main sur le cœur, qu’il n’est pas question d’introduire la GPA, je suis très inquiet. En effet, il y a à peine deux ans, nous avons introduit, lorsque nous avons révisé la loi de bioéthique, l’interdiction de la recherche sur l’embryon, en l’assortissant de quelques dérogations. Or le Sénat, en catimini, a voté, avant Noël, contre ce principe. Nous allons donc revenir à l’autorisation si le texte présenté à l’Assemblée nationale le 28 mars est adopté. Admettez qu’il y a des vérités plutôt contingentes et en pointillés ! Vous comprendrez peut-être alors mieux les raisons de notre grande inquiétude. L’encre des lois de bioéthique est à peine sèche, et ces lois sont à peine promulguées que, déjà, par le biais d’une proposition de loi – sorte d’esquive qui prouve le manque de courage – ce qui a été voté est contredit. La parole des uns ou des autres dans ce cadre est effectivement facile à mettre en doute et est de nature à nous interroger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

Le fait que M. Gosselin soit revenu sur la GPA m’a rappelé que je n’avais pas répondu à M. Douillet sur ce même thème. Je vous informe simplement, monsieur le député, que la question m’est posée depuis une dizaine de jours et que j’y ai répondu douze fois, mais je vous répondrai très volontiers une treizième fois. Je ne le fais pas uniquement parce que vous posez la question, mais parce que j’ai affirmé, le 16 janvier, devant la commission des lois que le Gouvernement ne tolérerait pas la moindre éraflure au principe d’ordre public d’indisponibilité du corps humain.

M. David Douillet. Mais vous allez poursuivre !

M. le président. Monsieur Douillet !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’y a pas la moindre ambiguïté sur ce sujet, monsieur Douillet. La circulaire porte sur la délivrance d’une pièce administrative et n’attribue, en aucune façon, la nationalité française pour la simple raison qu’elle concerne des enfants français…

M. Marc Le Fur. Adoptés par leur père !

M. le président. Monsieur Le Fur !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …dont la nationalité est déjà établie. Par conséquent, le jeu qui a consisté à faire croire que cette circulaire était favorable à la GPA s’est asséché, épuisé, tari !

M. Marc Le Fur. Non ! Et je vais y revenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous vous faisons, bien sûr, confiance pour y revenir ! En effet, vous faites référence aux mêmes thèmes depuis le premier jour du débat !

Un mystère demeure pour moi : c’est que vous ne parvenez pas à raccorder le clonage ! En effet, c’est le député Fenech qui l’a introduit !

M. Marc Le Fur. Il a eu raison !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sa démonstration m’a paru aussi peu crédible que celles sur la PMA et sur la GPA. Depuis plus de huit jours, vous réintroduisez la PMA et la GPA, quelles que soient les réponses qui vous sont apportées, mais pas le clonage, cela me semble mystérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le clonage ne prend pas et il y a peu de chances que la téléportation prenne !

Telles sont les réponses que vous fait le Gouvernement. Je m’attends maintenant à ce que la question soit de nouveau posée, parce que j’ai pu constater que les réponses les plus précises ne vous conviennent pas. Vous devez, bien évidemment, alimenter le débat ! Je répète, sans vous faire de mauvaise manière, que vos interventions ne portent pas sur les amendements que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je n’ai pas l’intention de prolonger le débat. Je souhaiterais toutefois également vous interroger sur ce sujet précis, madame la garde des sceaux.

Dans ce texte, on l’a compris, vous voulez créer l’égalité totale en supprimant la différence des sexes. S’agissant de la filiation, vous supprimez la notion d’engendrement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non ! Personne ne supprime l’engendrement, monsieur le député !

M. Patrick Ollier. Vous mettez en place la parenté sociale. À partir de là, vous créez une énorme discrimination. En effet, l’égalité totale, que vous prévoyez dans ce texte, puisque vous avez refusé d’opter pour l’alliance civile, soulève une difficulté. Ainsi, un couple de femmes pourra éventuellement avoir un enfant grâce à la PMA, car l’évolution est en marche. Expliquez-moi, madame la garde des sceaux, comment vous concevez l’égalité totale, lorsque l’on sait qu’un couple d’hommes ne pourra forcément pas avoir d’enfant ? Vous ne nous ôterez pas de l’esprit que vous serez confrontée à cette exigence d’égalité de la part de ces couples d’hommes et que vous n’y résisterez pas. Vous nous dites que Mme Guigou a le droit de changer d’avis. Qui nous dit, madame que, si Mme Guigou a pu changer d’avis en dix ans, vous ne changerez pas d’avis dans, les cinq ans ?

Un député du groupe SRC. C’est vous qui allez changer d’avis !

M. Patrick Ollier. Comprenez notre inquiétude ! Votre démonstration repose sur la confiance. Or vous êtes les chantres de l’égalité et vous créez une discrimination ! Donc, vous ne réglez pas le problème !

(L’amendement n° 2483 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3979.

M. Xavier Breton. Nous aurons ultérieurement l’occasion de débattre de nouveau de la gestation pour autrui. Reconnaissez, madame la garde des sceaux, que votre circulaire est source d’incertitudes juridiques que nous pourrons approfondir. De plus, sa parution était inopportune en termes de calendrier politique, j’ajouterai même que c’était une provocation.

Par cet amendement à l’article 4 bis, nous posons de nouveau la question de l’intelligibilité de la loi. Je fais, ici, référence à l’amendement-balai voté en commission et devenu l’article-balai – article 4 – adopté par notre assemblée. Comment la loi peut-elle être intelligible lorsque les nouveaux termes n’ont pas la même signification que la rédaction d’origine ? Cette interrogation vaut pour les différents codes. C’est ce que nous nous attachons à démontrer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour répondre à la commission et au Gouvernement.

M. François de Mazières. Vous avez précisé tout à l’heure qu’il était hors de question de recourir à la GPA et que vous vous engagiez sur ce point.

Or le processus est en marche ! C’est le seul problème ! Ce matin, j’écoutais à la radio ce témoignage de deux hommes, lesquels ont été filmés alors qu’ils faisaient des démarches pour concevoir un enfant, lequel sera porté par une fermière habitant aux États-Unis. Un documentaire leur sera d’ailleurs consacré la semaine prochaine. Ce témoignage était présenté par le journaliste comme une évolution quelque peu inéluctable. Le processus est donc en marche et vous en avez parfaitement conscience, madame la garde des sceaux. Donc cette sorte de contrainte, que vous accompagnez discrètement, vous amènera à cette révolution que nous condamnons. Nous avons, en effet, entendu l’inverse de ce que vous souteniez pour la PMA, madame la garde des sceaux. Ainsi, Mme Bertinotti et M. le rapporteur nous ont-ils parlé du grand concept de « faire famille ». Nous nous sommes tellement entendus réciproquement que vous m’avez déjà entendu l’évoquer ! J’y reviens ! Quand on parle de « faire famille » et que l’on procède, grâce à la PMA, pour un couple homosexuel comme pour un couple hétérosexuel, on a déjà tout dit !

(L’amendement n° 3979 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 3892.

M. Marc Le Fur. Ceux qui changent me font revenir à la mémoire la chanson « Je n’ai pas changé ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne ressemblez pas à Julio Iglesias !

M. le président. Je vous rassure, M. Le Fur n’a pas l’intention de chanter…

M. Marc Le Fur. Je n’ai, pour ma part, pas l’intention de changer sur ces sujets, parce que je pense qu’ils sont essentiels !

Je partage d’ailleurs ce non-changement avec notre rapporteur dont l’avis est constant. Mais chacun conviendra que c’est un avis de carence !

Je reviendrai sur les propos de notre collègue Drapeau : il a raison, on peut évoluer. Nous devrons d’ailleurs poursuivre notre conversion, car les liens avec les Deux-Sèvres existent ! Le problème, c’est que, souvent, les pétitions de principe solennelles sont là pour justifier des évolutions quelques années après. Nous l’avons constaté, s’agissant de Mme Guigou. La pétition de principe nous convient, mais elle est suivie d’évolutions diverses. Vous avez, en effet, pris l’habitude, particulièrement sur les sujets d’éthique, d’édicter la norme à partir de l’exception. On prend une exception, on tire le fil et on en fait une règle. Ensuite, la règle antérieure devient elle-même condamnable. Le système est donc toujours le même. On le constatera, demain, pour la PMA et la GPA. La digue a déjà sauté pour la PMA, puisque vous parlez de maintenir quelques contraintes. La digue a également sauté pour la GPA, puisque, si la pétition de principe demeure, les conséquences objectives n’existent plus. Ainsi, les médecins, tout comme les sites, qui y concourent ne sont pas poursuivis. Au lieu d’accumuler des pétitions de principe, donnez-nous des cas concrets de sanctions et de poursuites. Vous n’en serez que plus crédibles !

(L’amendement n° 3892, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3983.

M. Xavier Breton. Cet amendement à l’article 4 bis concerne le code de procédure pénale. Nous devons mesurer tout ce que balaie le fameux article -balai. Les interrogations sont les mêmes, même si elles prennent un relief particulier du fait de l’importance du domaine de la procédure pénale. En effet, l’exigence de clarté et d’intelligence est peut-être encore plus essentielle qu’ailleurs, puisque cela concerne l’exercice des libertés de nos concitoyens. On ne peut donc tolérer le moindre flou, la moindre zone d’ombre.

(L’amendement n° 3983, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3985.

M. Xavier Breton. Cet amendement concerne également le code de procédure pénale. Il est défendu.

(L’amendement n° 3985, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4548.

M. Philippe Meunier. Je tenais à vous faire part de mon plaisir de me retrouver parmi vous et de répondre, notamment, aux attentes de Mme Taubira, laquelle s’est inquiétée de mon absence mercredi soir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi ? Vous ne m’avez pas manqué !

M. Philippe Meunier. Après avoir assuré aux Français, lors des débats de l’époque, que le PACS était largement suffisant pour répondre aux attentes de certains, vous déclarez, aujourd’hui, que vous ne légaliserez en aucun cas la GPA.

Je vous lirai une tribune parue dans Le Monde daté du 13 décembre 2010 : Gestation pour autrui : un cadre contre les dérives. « Au XXIe siècle, la fondation d’une famille est l’expression d’une volonté, c’est-à-dire de la conjonction d’une liberté individuelle et d’un projet partagé. La venue au monde d’un enfant résulte de cette liberté et de ce projet. Encadrer la gestation pour autrui, c’est reconnaître que cette liberté et ce projet ne s’arrêtent pas aux frontières biologiques. Des parents, des géniteurs, une gestatrice peuvent permettre, ensemble, la venue au monde d’un enfant. Il revient à la société de fixer le cadre nécessaire à la protection de cette liberté. »

Mes chers collègues, cette tribune a été cosignée par l’actuel porte-parole du Gouvernement : Najat Vallaud-Belkacem ! Ma question est simple, mesdames, messieurs. Quand cesserez-vous de prendre les Français pour ce qu’ils ne sont pas ?

Cet amendement est ainsi défendu.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

(L’amendement n° 4548, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3987.

M. Xavier Breton. Cet amendement, comme celui de M. Meunier, porte sur le code de la sécurité sociale. C’est également essentiel, car nous savons qu’un débat existe sur la possibilité ou non d’organiser un référendum sur la politique économique et sociale. Ce projet de loi a un impact non seulement sur l’ensemble des dimensions de notre société, mais également sur la sécurité sociale.

Nous devrions examiner de manière plus approfondie cet impact sur l’ensemble de notre législation, y compris dans le domaine social. L’importance de cet impact constitue encore un nouvel argument en faveur de l’organisation d’un référendum sur ce sujet, référendum que les Françaises et les Français attendent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable. Je vous rappelle que l’article 351-4 du code de la sécurité sociale ne fait référence ni aux maris et femmes, ni aux pères et mères, ni aux veufs et veuves.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il n’est donc pas concerné par l’article 4 bis de ce projet de loi. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 14 prévoit une adaptation spécifique du texte relatif à cette majoration, afin de garantir l’extension de l’avantage familial de retraite aux couples de personnes de même sexe.

(L’amendement n° 3987 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2490.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement se rapporte également au code de la sécurité sociale, qui est très important. En effet, c’est parce que ce projet de loi a un effet sur les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la famille, que l’avis du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales a été sollicité. C’est l’occasion de rappeler que cet avis a été négatif.

Je tiens à faire remarquer que le Gouvernement a passé outre cet avis négatif, comme il en a le pouvoir. Il est toutefois étonnant que l’avis éclairé d’une instance aussi importante que la CNAF soit ainsi écarté, alors qu’il mettait en évidence les difficultés causées par ce texte et son caractère totalement inapproprié.

(L’amendement n° 2490, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3990.

M. Xavier Breton. Le problème d’intelligibilité de la loi posé par cet article-balai concerne le code de la sécurité sociale d’un point de vue juridique, d’une part, mais également d’un point de vue pratique. Nous savons bien que le domaine de la protection sociale est important pour nos concitoyens : il s’agit de droits et de prestations qui leur sont accordés. Il y a, en la matière, un grand besoin de clarté. Le texte qui nous est proposé rend au contraire les choses plus floues, plus ambiguës. L’exigence d’intelligibilité de la loi figure bien sûr dans l’ordre constitutionnel, mais elle concerne également la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est pour cela que nous défendons cet amendement.

(L’amendement n° 3990, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2833.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement propose d’exclure du champ d’application de l’article-balai l’article 521-2 du code de la sécurité sociale. C’est l’occasion de rappeler – comme l’a brillamment fait mon collègue Gosselin il y a quelques instants – l’avis plus que réservé du Conseil d’État, l’avis très critique du Conseil national des barreaux et l’avis négatif de la CNAF sur ce texte. En d’autres termes, beaucoup des institutions en charge des sujets concernés par ce projet de loi ont rendu un avis négatif. Nous débattons donc d’un texte que beaucoup d’institutions de notre pays regardent d’un œil plus que critique. C’est d’ailleurs la position que nous défendons depuis le début de l’examen de ce projet.

Madame le garde des sceaux, je vous remercie de la réponse que vous m’avez donnée tout à l’heure. Depuis le début de l’examen de ce texte, vous m’avez entendu…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Attentivement !

M. Jean-Frédéric Poisson. …plusieurs fois, c’est le moins qu’on puisse dire. Vous m’avez écouté attentivement, c’est vrai. Je n’ai jamais prétendu que ce texte contient des dispositions permettant qu’un enfant ait un nombre de parents supérieur à deux, comme vous l’avez dit.

Moi aussi, je vous ai écoutée très attentivement. Mais, de même que pour la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui, nous craignons que ce texte, que vous voulez faire adopter au Parlement, ne contienne pas de garde-fous suffisants pour nous prémunir ultérieurement contre des situations problématiques. Rien, dans ce projet, ne prémunit contre des évolutions que nous contestons dans leur principe et dans leur application. Voilà ce qui est en cause !

Vous avez cité l’exemple de la législation de l’État de Floride, dont mon collègue Breton a également parlé ; j’ai moi-même évoqué le Canada, la Californie et les Pays-Bas. Dans ces trois cas, on voit bien que le droit n’a pas permis de contenir ces évolutions, auxquelles ces États sont actuellement confrontés. Je l’ai déjà dit : je ne remets pas en cause vos intentions. Si nous sommes plus qu’inquiets, c’est en raison des conséquences ultérieures qu’emporte ce texte.

L’amendement est défendu.

Mme Laure de La Raudière et M. Yves Censi. Bravo !

(L’amendement n° 2833, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4035.

M. Marc Le Fur. Merci, mesdames les ministres, pour vos réponses. Nous n’obtenons pas de réponse à toutes nos questions, mais enfin nous parvenons à obtenir quelques éléments. Cela vous distingue très sensiblement de M. le rapporteur, qui pourrait au moins nous dire, de temps en temps, quelques mots du vocabulaire socialiste habituel tels que « égalité », « durable » ou « République ». Ces mots seraient les bienvenus !

M. Erwann Binet, rapporteur. Parler pour ne rien, voilà ce que vous voulez !

M. Marc Le Fur. Pour notre part, nous manifestons notre attachement au code de la sécurité sociale. C’est une création de la Libération, d’après le programme du Conseil national de la Résistance. Cette création a été portée par le général de Gaulle, poursuivie par la IVe République et amplifiée par la Ve République. Je parle sous le contrôle de Patrick Ollier, qui a pris une grande part dans les législations relatives à la sécurité sociale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Depuis 1945, bien entendu !

M. Marc Le Fur. Quand l’on s’avise de légiférer dans le domaine de la sécurité sociale, il faut respecter un certain nombre de règles. La première d’entre elles concerne la famille : le code de la sécurité sociale – comme, d’ailleurs, le code des impôts – est fondé sur la cellule familiale et non pas sur l’individu.

M. Guy Geoffroy. C’est ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel.

Mme Laure de La Raudière. C’est en effet très important.

M. Marc Le Fur. Sachons-le ! Redisons-le clairement : c’est très important ! Sachons également dire que le code de la sécurité sociale, s’il nous appartient et si nous pouvons légitimement le modifier, appartient également aux forces vives – comme l’on disait autrefois – de la société : aux syndicats, aux partenaires sociaux. Or vous ne les avez pas consultés, pas plus que le Conseil économique, social et environnemental.

Les grands sujets ont tellement dominé les débats que l’on a oublié d’aborder ces éléments. Ils ne sont pourtant pas des points de détail, même si, du point de vue des principes, ils sont moins engageants. De fait, on ne tient pas compte de l’avis des partenaires sociaux. Ce n’est pas une bonne chose. Nous développerons ce point dans notre saisine du Conseil constitutionnel sur ce texte, dans l’hypothèse funeste où la procédure d’examen par le Parlement irait à son terme.

(L’amendement n° 4035, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à…

M. Philippe Gosselin. M. Gosselin !

M. le président. Non, monsieur Gosselin, vous n’êtes signataire d’aucun des amendements identiques de cette série. Je vous donnerai la parole tout à l’heure, sur un amendement dont vous serez signataire

La parole est donc à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4561.

M. Philippe Meunier. Chers collègues de la majorité, nous savons qu’une partie d’entre vous est en désaccord avec ce texte.

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Philippe Meunier. Je sais bien que, dans l’hémicycle, vous soutiendrez toujours le contraire. Mais nous en parlons à la buvette, nous en discutons… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Rires sur divers bancs.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Certains y passent beaucoup de temps !

M. Philippe Meunier. Nous savons tout comme vous que vos chefs ont préféré envoyer en première ligne un rapporteur à peine élu,…

M. Jérôme Guedj. Quelle attitude méprisante !

M. Philippe Meunier. …pour ne pas subir eux-mêmes les foudres des Français, lorsqu’ils apprendront les conséquences incalculables de ce texte pour leurs noms de famille et l’avenir de leurs enfants.

Nous vous le rappelons avec force : un parlementaire n’a pas de mandat impératif ; il a non seulement le droit mais aussi le devoir de voter en conscience.

L’amendement est défendu, M. le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vu la force des arguments avancés pour défendre le contenu de l’amendement, l’avis du Gouvernement est défavorable…

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

(L’amendement n° 4561 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur une nouvelle série d’amendements identiques, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 2495.

M. Philippe Gosselin. Après les propos violemment modérés tenus par mon collègue Meunier,… (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Des propos modérément violents !

M. Philippe Gosselin. …je paraîtrai bien terne. Oui, vous connaissez mal notre collègue Meunier : il est violemment modéré.

L’amendement n° 2495 démontre une fois encore que le passe-passe que vous avez choisi vous fait manquer un grand nombre d’articles. Il est vrai que la solution légistique, c’est-à-dire la modification directe des dispositions concernées, avait l’inconvénient de rendre apparente la suppression de très nombreuses occurrences des termes « père et mère » afin de les remplacer par « parents ». Cette méthode légistique avait au moins l’avantage de balayer – au sens propre du terme, c’est-à-dire examiner successivement – l’ensemble des articles concernés par l’article 1er de ce projet qui ouvre le mariage aux couples de personnes de même sexe.

On commet ainsi des oublis. Tenant compte également de l’avis négatif de la Caisse nationale des allocations familiales, directement concernée par ce texte en ce qu’il touche les familles, je vous propose de voter cet amendement.

(L’amendement n° 2495, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4004.

M. Xavier Breton. Cet amendement porte toujours sur l’article balai, et plus précisément sur l’article 4 bis de ce projet de loi. Permettez-moi de reprendre le fil des propos tenus par M. Le Fur au sujet de ces amendements qui portent sur le code de la sécurité sociale. La famille est au cœur de ce code.

Le code de la sécurité sociale témoigne d’une conception de la famille héritée de la fin de la seconde guerre mondiale, qui faisait consensus dans notre pays. Nous assistons au début du déchirement de ce consensus, et nous le regrettons vraiment : en période de difficultés économiques et sociales, il est important que des éléments assurent l’unité et la cohésion de notre pays. La politique familiale est assurément un de ces éléments de cohésion.

C’est l’occasion pour nous de revenir sur la modification de la composition du Haut conseil de la famille, qui vient d’être annoncée par le Gouvernement. Nous regrettons que la parité entre, d’un côté, les représentants des assurés sociaux et des employeurs, et de l’autre, les représentants du mouvement familial, ne soit plus respectée. En effet, désormais, les représentants du mouvement familial seront moins nombreux. Le Gouvernement envoie là un signe très négatif, alors qu’il veut remettre en cause les principes mêmes de notre politique familiale.

L’amendement est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n° 4004, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4164.

M. Marc Le Fur. Comme Xavier Breton l’a parfaitement dit, en polluant en quelque sorte le code de la sécurité sociale, vous affectez la politique familiale ! Cette politique familiale, définie par le Conseil national de la Résistance, mise en place par le général de Gaulle, était jusqu’à présent consensuelle. Elle comprend deux piliers majeurs. Le premier pilier est fiscal : c’est le quotient familial. L’impôt sur le revenu est ainsi apprécié selon le rapport entre le revenu et les charges familiales. Vous remettez en cause cela : nous en avions débattu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. Vous remettez également en cause le deuxième pilier de la politique familiale, à savoir les allocations familiales. À terme, ce sujet aussi est concerné, puisque vous comparez des couples homosexuels à des couples hétérosexuels. Cela pose une vraie difficulté.

Je crains également, comme beaucoup de familles, qu’à l’occasion de la loi sur la famille d’autres choses soient remises en cause, comme le congé familial et le congé parental d’éducation. J’espère, madame Bertinotti, que votre conduite infirmera ces craintes : je ne demande que cela. Beaucoup de femmes tiennent à ces acquis, notamment les plus modestes d’entre elles ; elles estiment que ces dispositifs leur sont d’une grande aide, en particulier quand l’enfant est tout petit.

La politique familiale, c’est également la politique de la petite enfance. J’y reviendrai. Vous n’en parlez pas, monsieur le rapporteur. Il est vrai que, comme vous ne parlez de rien, vous ne risquez pas de parler de la petite enfance…

M. Jean-Christophe Cambadélis. M. le rapporteur est imperturbable !

M. Marc Le Fur. Des évolutions majeures sont pourtant intervenues dans le domaine de la petite enfance. Les familles sont accompagnées afin que les femmes puissent travailler, et que les jeunes enfants soient pris en charge par d’autres structures. Je me suis beaucoup battu – avec d’autres – pour les assistantes maternelles.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Oh non !

M. Marc Le Fur. Sachez qu’avant 2002, rien n’existait !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ségolène Royal s’est beaucoup investie en 2001 !

M. Marc Le Fur. Nous étions dans un système de non-droit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons voté la loi de 2005 sur les assistantes maternelles…

M. le président. Merci.

(L’amendement n° 4164, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3998.

M. Xavier Breton. Il s’agit toujours du code de la sécurité sociale, et je voudrais poursuivre la réflexion sur la modification du Haut conseil de la famille. En effet, il n’est pas anodin de publier une circulaire sur la gestation pour autrui en pleine discussion d’un projet de loi qui amènera inéluctablement l’assistance à procréation et la gestation pour autrui. On ne modifie pas le Haut conseil de la famille alors que nous sommes en train d’examiner un texte qui traite de mariage et de filiation sans avoir des intentions.

Alors, madame la ministre chargée de la famille, pourquoi avoir modifié ce Haut conseil de la famille ? Surtout, pourquoi l’avoir modifié en ce sens ? Je prenais l’exemple des représentants du mouvement familial qui, maintenant, seront proportionnellement moins nombreux, ce qui est un très mauvais signal adressé à toutes les associations familiales de notre pays. Je vous demande également pourquoi avoir augmenté de sept à dix le nombre de personnalités désignées par la ministre chargée de la famille en raison de leur compétence et de leur expérience. Trois personnes de plus désignées par le Gouvernement, je crains que ce ne soit une tentative d’orientation, de prise en main du Haut conseil de la famille ! On connaissait les députés godillots, on connaît le Sénat godillot – c’est le Sénat tel que le voit son actuel président –, connaîtrons-nous un Haut conseil de la famille godillot ?

L’amendement est ainsi défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je le répète, tout ce qui concerne le Haut conseil de la famille ressort des questions d’actualité. Elles seront donc de plus en plus nombreuses sur ce thème puisque, après celles sur les prestations familiales, nous aurons donc celles sur le Haut conseil de la famille.

Je précise simplement qu’il faudrait quand même manifester un peu de respect pour l’ensemble des membres du Haut conseil de la famille : je ne suis pas sûre que M. Fondard et M. Deroussen soient ravis des propos qu’ils entendent sur ces bancs.

M. Bernard Deflesselles. On n’a rien contre eux ! Nul n’est personnellement visé !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement, la question de la circulaire est de nouveau soulevée, cette fois sous l’angle du calendrier. Je rappelle que j’ai annoncé la publication imminente de cette circulaire le 16 janvier dernier, en commission des lois. Les travaux de la commission étaient diffusés en direct sur La Chaîne parlementaire et les comptes rendus de cette réunion sont sur le site de l’Assemblée nationale.

J’ai fait cette annonce en réponse à un amendement.

M. Patrick Ollier. Oui, un amendement de M. Coronado !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai indiqué, au début de cette réponse, que le Gouvernement ne tolérerait pas la moindre éraflure au principe de l’indisponibilité du corps humain.

Vous vous demandez maintenant si c’est bien le moment, après avoir accusé cette circulaire, premièrement, d’octroyer la nationalité française, ce qui, en droit, est totalement faux, et, deuxièmement, d’adresser des messages d’encouragement. Qu’auriez-vous donc dit, mesdames et messieurs, si la circulaire avait été prise maintenant ? Vous nous auriez fait tous les procès, notamment celui de vous avoir laissé vous engager dans l’examen d’un texte de loi que vous étiez à un moment au bord d’adopter parce qu’il semblait effectivement fondé sur l’égalité. Vous auriez alors prétendu que cette circulaire – oh ! la circulaire ! – vous en empêchait. Et qu’auriez-vous dit si cette circulaire avait été publiée après l’adoption du texte ?

Convenez que le sujet qui compte c’est le contenu de cette circulaire et que, si le contenu est sérieux, la question du calendrier ne se pose pas.

Je suis prête, en tant que garde des sceaux, à prendre tous les coups que vous voulez donner, puisque, en tout état de cause, ils s’arrêtent juste avant de porter. Viendra un moment où vous cesserez d’instrumentaliser cette circulaire. Il vous reste encore trois ou quatre jours pour l’instrumentaliser, et vous le ferez, je n’en doute pas une seconde.

Il y a cependant un moment où vous cesserez, de même que vous cesserez de faire croire qu’elle octroie la nationalité. Vous finirez par convenir qu’elle concerne des enfants français, des enfants dont la nationalité française a été établie, qu’elle traite d’une dizaine de cas par an, et que le gouvernement en place au cours du précédent quinquennat a lui aussi traité une dizaine de cas par an. Lorsque les ministres concernés, à l’époque, se sont exprimés, ils l’ont fait sur la même base : la nationalité est établie sur une base probante, elle produit des droits dans notre pays, parmi lesquels l’inscription à l’école, l’exercice de l’autorité parentale, l’accession aux droits sociaux, l’accession aux droits successoraux, le droit au certificat de nationalité française.

Vous finirez par en convenir. Le temps travaille contre vous, ce n’est plus l’affaire que de quelques jours. Je suis sûre que la raison reviendra.

Maintenant, invoquer la question du calendrier, c’est en deçà de tout.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je suis étonné des attaques du Gouvernement contre le Haut conseil de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous le respectons parfaitement, et je l’ai moi-même réuni à plusieurs reprises, cela ne prête pas à la controverse. Je suis donc un peu surpris des déclarations de Mme Bertinotti.

S’agissant de la circulaire, admettez, madame la garde des sceaux, que c’est une maladresse. Alors, c’est vrai, nous en avons également un peu parlé, mais enfin, vous en parlez beaucoup ! Vous êtes toujours sur la défensive sur ce sujet, vous n’êtes pas à l’aise, cela se voit bien. La circulaire est publiée à un moment particulier et donne le sentiment que vous vous acheminez vers une acceptation de la gestation pour autrui ; c’est bien là la difficulté. Qu’il y ait un certain nombre de cas à résoudre, nous voulons bien l’admettre, mais cela ne nécessite pas une circulaire de ce type qui, au moment où nous examinons ce projet de loi, revêt évidemment un caractère symbolique, ce qui nous inspire de vives craintes pour l’avenir.

Enfin, nous ne serions pas en train de discuter de tous ces sujets, de parler des différents codes, des atteintes à la sécurité sociale si l’étude d’impact avait été correctement faite. Le Conseil d’État, dans son avis, la met d’ailleurs en cause, considérant qu’elle n’est pas suffisamment sérieuse et fondée. Je sais bien que les études d’impact peuvent être différentes selon le texte – elles ne sont pas toujours très utiles – mais, sur un texte de cette nature, aussi fondamental, qui peut transformer notre société, une étude d’impact doit être faite avec sérieux. Cela n’a pas été le cas de celle-ci.

(L’amendement n° 3998 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4148.

M. Marc Le Fur. Je me permets, madame la garde des sceaux, de revenir à cette fameuse circulaire, parce qu’il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Vous dites que, finalement, on ne fait que constater la nationalité. Tel est, me semble-t-il, votre raisonnement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas mon raisonnement, c’est le droit !

M. Marc Le Fur. Comment cela se passe-t-il concrètement ? L’enfant naît dans un pays où la gestation pour autrui est admise. Sa mère – je veux dire, soyons clairs : celle qui a porté l’enfant, mais qui n’est pas la mère au sens génétique du terme – le déclare non pas à son nom mais au nom des deux personnes avec qui elle a contracté. Parmi ces deux personnes, il y a le père, qui est français.

À partir d’une règle du pays où la GPA est légale, vous faites donc le lien entre l’enfant qui vient de naître et son père français. Vous transcrivez cela en affirmant que le père est incontestablement français. Mais le père est français parce que c’est le pays qui reconnaît la GPA qui a fait que cet enfant a un père français reconnu !

Je ne conteste pas la nationalité du père,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas la nationalité du père, c’est la nationalité de l’enfant !

M. Marc Le Fur. …je conteste la paternité de cet enfant né d’une GPA, tandis que vous, en admettant la nationalité du père, ne contestez plus la paternité par GPA. Le raisonnement me semble absolument imparable, et je suis convaincu, si je me trompe, que vous saurez m’expliquer les choses, mais je ne crois pas trop me tromper.

(L’amendement n° 4148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. J’en viens à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4610.

M. Philippe Meunier. Nous sommes, madame la garde des sceaux, dans une enceinte républicaine, je ne dirai donc pas que vous nous prenez pour des enfants de chœur. Mais il ne faudrait pas non plus non prendre pour des perdreaux de l’année ! Vous parlez très bien, certes, vous nous expliquez qu’il n’y a aucun problème, aucun souci, mais vous me faites penser à M. le président de la commission des lois, qui s’est levé l’autre soir pour nous expliquer, la main sur le cœur, qu’il avait même inscrit sur la profession de foi distribuée à ses électeurs qu’il défendrait ce projet de loi. Heureusement, grâce à la sagacité de Patrick Ollier, nous avons eu la profession de foi entre les mains et nous avons constaté que le projet de loi que vous défendez aujourd’hui n’y figure aucunement.

Vous avez donc, certes, un talent oratoire, madame la garde des sceaux, mais il ne faudrait pas non plus nous prendre…

M. Guy Geoffroy. Pour des imbéciles !

M. Philippe Meunier. …pour ce que nous ne sommes pas.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

(L’amendement n° 4610 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4010.

M. Xavier Breton. Je reviens, à l’occasion de la défense de cet amendement, sur la composition du Haut conseil de la famille. Vous avez choisi, madame la ministre, différentes personnalités, en raison de leur compétence et de leur expérience, et l’on sait que le Haut conseil de la famille sera amené à jouer un rôle important dans la redéfinition de la politique familiale.

Or, figure notamment parmi les personnalités nommées une ethnologue chargée de recherche en anthropologie sociale au CNRS, Mme Anne Cadoret, qui s’intéresse à la parenté plurielle. J’aimerais savoir ce que vous pensez d’une sienne affirmation sur la famille : « je ne vois pas où est l’anthropologie […] dans le fait qu’il faut la rencontre entre des gamètes mâles et femelles, et que l’enfant soit porté par une femelle […] pour qu’il advienne sur terre ».

Est-ce cela, votre vision de l’anthropologie, madame la ministre ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. Patrick Ollier. Ça continue !

M. Yves Censi. Vous pourriez vous lever, quand même !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je m’étonne, monsieur le président, que, depuis plusieurs jours que nous examinons en séance un texte dont je rappelle qu’il est celui de la commission, nous n’entendions jamais le rapporteur répondre aux questions posées. J’ai été dix ans président d’une commission de l’Assemblée nationale, celle des affaires économiques, et je n’ai jamais entendu – enfin, « entendu »… c’est une façon de parler – un rapporteur aussi silencieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Peut-être serait-il de bon ton, monsieur le président de la commission des lois, de faire comprendre au rapporteur qu’il doit respecter l’opposition, peut-être serait-il de bon ton qu’il puisse argumenter en réponse aux arguments de poids qui sont les nôtres. Il n’est pas normal qu’il ne réponde jamais, absolument jamais, aux questions que nous posons.

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2899.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit désormais du code du travail et de la manière dont les mineurs doivent être représentés devant les prud’hommes. Cela pose la question de savoir qui est parent et qui sera donc, à terme, fondé à représenter le mineur devant les tribunaux.

L’amendement est ainsi défendu.

J’en profite pour retirer deux séries d’amendements : l’amendement n° 2505 et les amendements identiques, ainsi que l’amendement n° 2506 et les amendements identiques. Ils portent sur la question de confier les enfants aux vagabonds et il me paraît donc pertinent qu’ils ne soient pas discutés.

(Les amendements identiques n°s 2505, 2909, 4015, 4174 et 4621 sont retirés, de même que les amendements identiques et les amendements, ainsi l’amendement n°s 2506, 2913, 4017, 4177 et 4622)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2899 ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux répondre à M. Ollier. Je trouve particulièrement désagréable, monsieur Ollier, que vous nous donniez des leçons, alors que, depuis le début de cette série, pas moins de 297 amendements ont le même exposé des motifs ! En tant que rapporteur, et compte tenu du travail fait par la commission, je trouve cela assez déplaisant.

Par ailleurs, pour pouvoir évaluer le travail de la commission, monsieur Ollier, il eût été judicieux que vous participiez à ses auditions et à ses réunions.

M. Patrick Ollier. Je n’en suis pas membre !

M. Erwann Binet, rapporteur. Cette remarque vaut également pour M. Le Fur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 2899, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. J’en viens à une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4172.

M. Marc Le Fur. Je remercie monsieur le rapporteur de s’être exprimé. On peut le faire de manière articulée, ce n’est pas un problème.

Cependant, vous n’avez pas de chance, car je ne suis pas membre de la commission des lois.

M. Erwann Binet, rapporteur. Nos travaux étaient ouverts à tous !

M. Marc Le Fur. En revanche, s’il y avait eu une commission spéciale, j’aurais pu en faire partie ; j’eus ce privilège lorsque nous traitions de bioéthique.

Ce qui est intéressant, c’est que vous avez augmenté le nombre des personnalités qualifiées au sein du Haut conseil de la famille.

M. Breton a évoqué les propos tenus par l’une des personnes qualifiées qui vient d’être nommée, qui ne voit pas où est l’anthropologie dans le fait qu’il faut la rencontre entre des gamètes mâles et des gamètes femmes et que l’enfant soit porté par une femelle pour advenir sur terre. Voilà les personnes que vous nommez !

Au-delà des mots, c’est le grand retour de la génétique. Vous expliquez que la famille, c’est de plus en plus social, que c’est l’amour qui compte, mais la PMA, c’est le grand retour de la génétique. La PMA est souvent l’alternative à l’adoption, qui, par définition, est le contraire de la génétique. Dans 92 % des PMA, on utilise les gamètes de l’homme et celles de la femme du couple, et ce n’est que dans 8 % des cas qu’intervient un tiers donneur, mais c’est en tout état de cause le retour de la génétique, comme pour les mères porteuses.

Ne tirez donc pas argument du social pour dénoncer la génétique, c’est vous qui êtes en train d’organiser son retour. C’est au mieux un contresens, ou une malhonnêteté, mais je préfère parler de contresens.

(L’amendement n° 4172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous passons à la série suivante d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4014.

M. Xavier Breton. Il faudra voir dans quel contexte ont été tenus ces propos mais, avec une telle conception, il n’y a aucun obstacle à la gestation pour autrui.

Encore une fois, le fait de nommer des personnes militant pour la gestation pour autrui au sein du Haut conseil de la famille prend une perspective toute particulière avec nos débats. Nous l’avons montré depuis le début, le texte créant un droit artificiel à la filiation pour les couples de personnes de même sexe, et l’adoption ne permettant pas de combler ce désir qui sera créé, les couples de personnes de même sexe auront recours à l’assistance à la procréation et à la gestation pour autrui, d’abord à l’étranger pour combler ce désir d’enfant, que nous ne nions pas.

Au-delà des aspects juridiques, madame la garde des sceaux, le calendrier politique de votre circulaire était un signe d’encouragement à la GPA et répondait en plus à un député dont le groupe, on le sait, comprend des personnes qui sont favorables à la gestation pour autrui.

Tout cela a donc un sens. Nous insistons encore une fois sur ce point, nous allons vers l’assistance à la procréation pour convenance personnelle et vers la gestation pour autrui, tout concorde dans ce sens. Nous tirons un signal d’alerte en direction de nos collègues et de nos concitoyens.

(L’amendement n° 4014, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 2505 et les amendements identiques, ainsi que l’amendement n° 2506 et les amendements identiques, ont été retirés.

Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4018.

M. Xavier Breton. Le code du travail doit bien sûr être intelligible, mais c’est également dans la vie quotidienne de nos concitoyens qu’il y aura des incertitudes et des ambiguïtés.

Le travail est un élément important dans notre société. C’est un moyen d’épanouissement personnel mais également un moyen de vivre ensemble, sur le plan économique comme au sein de la société. Il est vraiment dommage que l’on crée des ambiguïtés et cela renforce notre demande que soit organisé un référendum.

C’est bien l’ensemble de la politique du pays, économique, sociale, à tous les niveaux, qui est touchée par ce projet de loi, qui pouvait faire l’objet d’un référendum.

(L’amendement n° 4018, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4626.

M. Philippe Meunier. Nous revenons sur la GPA. C’est un dossier essentiel, parce qu’il est caché.

Dans la commission bioéthique, tout a été mis sur la table. L’ensemble des commissaires se sont réunis de nombreuses heures. Nous avons tous discuté de nos positions, respectables, et nous avons pu en sortir par le haut.

Pour ce projet de loi, il n’y a pas eu de commission spéciale et nous n’avons pas pu faire la part des choses. Nous savons bien, et vous ne pouvez pas dire le contraire, qu’il y a au sein de ce gouvernement de nombreux partisans de la GPA, Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du Gouvernement, dont j’ai cité le nom tout à l’heure, mais aussi la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, et bien d’autres.

Les Français sentent donc bien que vous avancez masqués, cachés. Communiquez l’avis du Conseil d’État pour que tous les parlementaires l’aient entre les mains et que nous puissions en débattre librement, avec nos convictions. La majorité tranchera, mais débattons et dites les choses.

(L’amendement n° 4626, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous passons à la série suivante.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2919.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour la bonne information de notre assemblée, les articles dont nous discutons en ce moment sont des dispositions pénales du code du travail relatives à l’emploi des enfants. Ainsi, l’article L. 7124-30 sanctionne toute personne autre que le père et la mère de l’enfant qui emploie des mineurs pour des activités de cirque.

Le Gouvernement m’a répondu tout à l’heure qu’à droit constant, il n’y avait aucune difficulté mais nous maintenons que l’évolution rapide du droit ne pourra pas être contenue par les principes qui sont mis en œuvre dans ce texte et que, à terme, il y a une incertitude quant aux catégories et à l’identité des personnes qui seront effectivement soumises à cette interdiction et de celles qui auront le droit d’employer leurs enfants dans les activités de cirque.

(L’amendement n° 2919, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Dans la série suivante d’amendements identiques, la parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4202.

M. Marc Le Fur. M. Meunier a bien raison d’évoquer l’avis du Conseil d’État. Des extraits ont été publiés hier dans la presse, d’autres ce matin. Visiblement, nous avons levé un lièvre il y a quelques jours et le Conseil d’État présente des réserves multiples. Le sujet maintenant, ce n’est plus simplement cet avis, qui commence à être pour partie connu, c’est le fait qu’il ne soit pas publié.

Le professeur Drago, dont chacun connaît les compétences en matière de droit public, a déclaré que, sur tous ces points, le Conseil d’État a émis de fortes réserves, mais qu’on ne les connaît pas toutes alors que le Gouvernement a toutes les cartes en main. Le débat parlementaire est ainsi déséquilibré entre la majorité et l’opposition. L’importance d’un tel débat pour l’avenir des familles en France nécessite que la représentation nationale connaisse complètement le contenu de l’avis du Conseil d’État. Cet avis est destiné au Gouvernement, il lui appartient de placer le débat au bon niveau en rendant public cet avis. Il lui appartient de rendre public cet avis.

Nous demandons solennellement au Premier ministre de rendre public cet avis du Conseil d’État pour éclairer les Français sur les enjeux de ce projet de loi. C’est l’intelligibilité et la clarté de la loi auxquelles les Français ont droit.

Faites votre devoir, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement.

(L’amendement n° 4202, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4632.

M. Philippe Meunier. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ne veut pas transmettre cet avis. Depuis quelques jours, il sort extrait par extrait et nous l’aurons bientôt entièrement à notre disposition en achetant nos quotidiens. Je ne comprends pas cette obstination. Expliquez pourquoi vous n’avez pas voulu le sortir. En avez-vous peur ? Que voulez-vous cacher aux Français ? Comme pour la GPA, avancez-vous masqués ?

M. Guy Geoffroy. Bonne question !

(L’amendement n° 4632, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Dans une nouvelle série d’amendements identiques, la parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4206.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne le code du travail applicable à Mayotte et je pose à nouveau très solennellement la question de l’applicabilité de la loi à l’outre-mer français, où, chacun le sait, c’est un sujet sensible. Nous avons l’impression que vous ne voulez pas nous dire comment elle s’appliquera dans les différents départements d’outre-mer, en Guyane, aux Antilles, à Mayotte, et dans les territoires d’outre-mer. Nous devons le savoir.

Si vous ne voulez pas tout nous dire, c’est parce que, on le sait, on le sent, nos collègues de l’outre-mer, toutes tendances confondues, sont l’expression de la population de cet outre-mer lointain qui a gardé des valeurs familiales, des valeurs de bon sens que nous apprécions, et que cette opinion est on ne peut plus hostile à l’évolution que vous préconisez. Elle sait en effet que, dans ces périodes difficiles, et elle en connaît plus que d’autres, plus que sur le territoire métropolitain ou hexagonal – je vous laisse le choix, madame la ministre – la solidarité familiale doit s’exprimer, donc être cohérente.

Nous souhaitons savoir comment tout cela va s’appliquer à l’outre-mer. Mon propos valait pour le code du travail mais il vaut évidemment pour d’autres codes. Cela me semble important pour nos compatriotes, qui nous regardent, en métropole ou en hexagone et outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

Monsieur Le Fur, qui vous préoccupez avec tant de sollicitude des outre-mer, la loi s’y appliquera comme sur l’ensemble du territoire de la République.

Vous avez effectivement entendu un député des outre-mer se préoccuper de l’application de ce texte de loi. Il semble que vous n’ayez pas entendu deux députées des outre-mer qui, avec une grande clarté, une grande force de conviction et une grande cohérence morale, se sont prononcées en faveur de ce texte.

La loi s’appliquera parce qu’il n’y aura pas de régime d’exception pour les outre-mer.

Certes, à l’exception notable de ceux de M. Poisson, la plupart des amendements, qui concernent le code du travail, ne sont pas défendus pour leur contenu, mais je vous fais tout de même observer qu’ils concernent l’article 14 et n’ont même pas leur place à l’article 4 bis, mais peu importe. L’exercice supporte de nombreuses fantaisies depuis plusieurs jours, il survivra à celle-ci.

Monsieur Meunier, vous demandez pourquoi le Gouvernement ne transmet pas l’avis du Conseil d’État. J’ai expliqué à plusieurs reprises, probablement une bonne douzaine de fois, le statut du Conseil d’État et de son avis. Le Premier ministre peut décider de le rendre public…

M. Guy Geoffroy. Qu’il le fasse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …mais la règle de droit est qu’il est soumis au Gouvernement pour l’éclairer.

M. Guy Geoffroy. On vous le demande !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous dites que vous en avez eu connaissance en achetant votre journal. Je crois que c’est le cas depuis deux jours au moins. Vous disposez donc de cet avis que votre président de groupe a brandi dans cet hémicycle à peu près deux jours avant qu’un journal ne le diffuse, mais vous continuez à le réclamer, parce que vous ne trouvez pas matière à vos protestations.

Vous nous dites « l’avis étant publié dans un journal, pourquoi le Gouvernement ne le remettrait-il pas ? ». Mais pourquoi alors, lorsqu’il y a des violations du secret de l’instruction, au lieu d’ouvrir une enquête pour savoir qui a violé la loi, ne lèverait-on pas le secret de l’instruction ? Pour des législateurs, franchement, c’est une question étonnante !

M. Christian Bataille. Il faut aussi appliquer la loi de 1905 en outre-mer !

M. Jean-Frédéric Poisson. Allez le leur dire !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je suis désolée de vous contredire, madame la garde des sceaux, mais aucun d’entre nous n’a entre les mains l’avis complet du Conseil d’État. Vous avez vous-même dit que le Premier ministre avait toute latitude pour rendre cet avis public. Ma question est donc simple : puisque nous vous confirmons que nous n’avons pas ce document et que nous souhaitons l’avoir, quelles sont les raisons fondamentales pour lesquelles le Premier ministre a décidé de ne pas répondre à notre sollicitation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 4206 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4027.

M. Xavier Breton. Nous arrivons presque à la fin des amendements sur l’article-balai. Ces amendements ont été l’occasion d’aller au fond, sur l’ensemble des codes, et je crois que grâce à cette discussion, l’avis du Conseil d’État résonne avec plus d’écho encore qu’au début.

Le Conseil d’État, je le rappelle, a précisé que la diversité des situations appréhendées lui paraissait faire obstacle à l’application d’une simple grille de lecture transversale. Nous n’avons jamais ignoré, madame la garde des sceaux, vos réticences concernant le principe du balayage, nous les avons bien vues en commission : vous avez fait, pour la défense de cet amendement-balai, le minimum syndical, si j’ose dire. La commission prend donc la responsabilité de cette méthode. À la lecture de nos différents amendements, qui ont fait le tour des codes concernés, les propos du Conseil d’État, je le répète, résonnent de façon bien plus puissante qu’au début de nos interventions. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 4027, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 4029.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas seulement l’avis du Conseil d’État qui résonne d’un écho plus puissant, mais aussi l’étude d’impact fournie par le Gouvernement en annexe du projet de loi. J’en rappelle le contenu, page 26 : « S’agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires » – je souligne ces deux termes – « afin d’adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu’ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » Il est également indiqué : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l’application à tous les couples. » Ces lignes prennent un écho autrement plus important après l’examen des amendements, qui nous aura permis d’aller au fond.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la garde des sceaux, il n’y avait ni arrogance, ni fantaisie dans la question que je me suis permis de vous poser il y a quelques minutes. Constatant qu’elle n’a pas reçu de réponse, je me permets de la formuler à nouveau : alors que le Premier ministre a toute latitude pour délivrer à l’opinion l’avis du Conseil d’État, pour quelles raisons a-t-il décidé de ne pas le faire ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Bourguignon et M. Michel Pouzol. Lisez le Figaro !

(L’amendement n° 4029 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4213.

M. Marc Le Fur. Nous ne vous lâcherons pas, mesdames les ministres, sur l’avis du Conseil d’État. Quand les rapports entre l’exécutif et le législatif sont fondés sur le secret, la méfiance, la dissimulation,…

M. Bernard Roman. C’est la loi !

M. Marc Le Fur. …il y a un problème de fond. Vous nous imposez le secret. C’est d’une autre époque…

M. Michel Pouzol. La vôtre !

M. Marc Le Fur. …peut-être de celle du président Mitterrand (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), celle du général de Gaulle, celle de Georges Pompidou. Mais nous sommes au vingt et unième siècle ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Pas tout le monde ! Suivez mon regard !

M. le président. S’il vous plaît ! Cela s’est très bien passé jusqu’à présent, continuons !

M. Marc Le Fur. Nous vivons à une autre époque ! Celle de la transparence, de la vérité. Adhérez à votre siècle !

M. Luc Belot. Vous aussi !

M. Marc Le Fur. Adhérez à votre millénaire ! Vous vous êtes trompés d’époque. L’époque, elle est à nous, et nous avons bien l’intention de la garder ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

(L’amendement n° 4213, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote de l’article 4 bis, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 4641.

M. Philippe Meunier. Marc Le Fur a parfaitement raison. Pourquoi cette absence de transparence ? Nous avons demandé la constitution d’une commission spéciale pour travailler ensemble sur ce projet de loi et faire le point sur tous les problèmes : vous n’en avez pas voulu. Sur la GPA, vous cachez la vérité aux Français puisque nous savons qu’un certain nombre de membres du Gouvernement y sont favorables. Enfin, au sujet de l’avis du Conseil d’État, Mme la garde des sceaux nous dit : « Vous n’avez qu’à lire la presse. » Nous sommes un Parlement du vingt et unième siècle, comme vient de le rappeler Marc Le Fur. Nous devons avoir l’avis du Conseil d’État, surtout si la presse l’a à sa disposition. Je vous rappelle qu’aucun parlementaire ici présent n’a reçu cet avis. La connaissance que nous en avons provient uniquement d’extraits pris dans la presse, ou de M. Touraine, qui apparemment l’a eu, lui, à sa disposition. C’est un scandale, madame la garde des sceaux : vous ne pouvez vous en sortir comme cela ! L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement étant sourd à mes demandes répétées, je voudrais m’adresser à M. le rapporteur pour lui poser une question, à laquelle je suis persuadé qu’il répondra. L’avis du Conseil d’État, monsieur le rapporteur, vous a-t-il été communiqué ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a déjà répondu !

M. Guy Geoffroy. Ayant été rapporteur d’un nombre assez important de textes durant les deux précédentes législatures, j’ai parfois sollicité du Gouvernement la communication des avis du Conseil d’État pour m’aider dans mon travail. Je suppose que vous l’avez fait aussi, et que l’on vous a donné satisfaction. Par conséquent, puisque vous avez eu l’avis, qu’est-ce qui vous empêche, à vous, notre rapporteur, de nous le faire connaître ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nos collègues de l’opposition sont des révolutionnaires, au sens astronomique du terme. En astronomie, la révolution, c’est le temps que l’on met pour revenir à son point de départ. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le temps de révolution de M. Meunier est de dix jours.

M. Philippe Cochet. C’est insultant !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela fait dix jours que j’ai répondu à la question : la commission des lois n’a pas eu communication de l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Voilà une réponse précise, vous en conviendrez !

(L’amendement n° 4641 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’article 4 bis.

La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Même si le groupe UDI a une totale liberté de vote sur l’ensemble de ce texte et des amendements, chacun sait, à l’issue des débats sur cet article 4 bis, que, dans la rédaction initiale du texte, dix-huit articles procédaient, sous couvert de coordination, à la suppression de termes sexués. Le projet de loi prévoyait notamment de remplacer les mots « père et mère » par « parents ». Devant les interrogations légitimes de l’opinion publique ainsi que d’une majorité non négligeable de députés, le rapporteur a retenu comme solution la suppression pure et simple d’une quinzaine d’articles après l’article 4 bis.

Ainsi, cet article 4 bis prévoit, sur le même modèle que l’article 4, que les dispositions législatives en vigueur autres que celles du code civil s’appliquent aux conjoints de même sexe lorsqu’elles font référence aux mari et femme ; aux parents de même sexe lorsqu’elles font référence aux père et mère ; aux conjoints survivants de même sexe lorsqu’elles font référence aux veufs et aux veuves.

À l’issue des différents exposés, les questions posées par les députés n’ont pas reçu de réponses précises, notamment s’agissant de l’avis du Conseil d’État. Le Gouvernement propose un texte qui vise à approuver le mariage pour tous, mais il n’a pas répondu à une question essentielle pour nous, à l’UDI, sur la vision de la société qu’il entend proposer aux Français. La société que je défends est une société du « bien vivre ensemble », qui garantit l’égalité des droits et accepte les différences. Je ne retrouve pas, ni dans le texte ni à l’article 4 bis, ces notions d’égalité et d’acceptation des différences en faveur du « bien vivre ensemble » pour lequel nous sommes nombreux à nous battre, au groupe UDI, considérant que la cellule familiale et l’esprit de famille sont l’espace de régulation et de médiation qui facilite ce « bien vivre ensemble ». Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article 4 bis est en quelque sorte la deuxième victime, dans ce projet de loi, de la technique du balayage, chère par ailleurs à nos collègues David Douillet et Patrick Ollier ici présents. (Sourires.) Cette méthode, je l’ai dit, crée un risque juridique pour les personnes concernées. En demandant à tous les citoyens de lire « parents » où se trouvent « père et mère », nous introduisons – même si ce n’est pas forcément dans les intentions du Gouvernement ou de la majorité – le risque de ne plus maîtriser, à terme, notre capacité à limiter par le droit la composition des familles à deux parents et deux seulement.

Mme Laure de La Raudière. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela s’est produit dans d’autres pays, où les jurisprudences évoluent, après qu’ont été ouvertes les mêmes failles que nous ouvrons. À terme, tous les articles que nous avons balayés, dans le code civil, le code du travail, le code de la sécurité sociale et les autres, créeront des situations à risque. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’article 4 bis.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4 bis.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 175

Nombre de suffrages exprimés 175

Majorité absolue 88

(L’article 4 bis, modifié, est adopté.)

Après l’article 4 bis

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 2257.

M. Hervé Mariton. Cet amendement fait référence au code de l’action sociale et des familles.

Comme je l’ai dit ce matin, il y a eu au fil des années un certain nombre d’évolutions auxquelles il faudrait prêter une plus grande attention. La transformation du code de l’action sociale et de la famille en code de l’action sociale et des familles sera un jour à revoir.

L’amendement propose de préciser que : « L’éducation de l’enfant incombe, sauf application de dispositions législatives expresses, à son père et à sa mère. Dans le cas où la filiation de l’enfant n’est établie qu’au profit du père ou de la mère, le père ou la mère assume seul cette responsabilité ».

Il est important de rappeler ainsi les choses. Après les débats que nous avons déjà eus, cette précision n’a rien d’inutile.

Bien sûr, l’auteur de l’amendement ne peut pas déposer de sous-amendement, mais si j’en avais la possibilité – et si cet amendement devait prospérer – il faudrait songer à corriger « à son père et à sa mère » en « à ses père et mère ». Il me semble, je l’ai déjà dit, que dans la rédaction très précise du code civil, l’expression commune « ses père et mère » a une force propre qu’il est important d’affirmer. Le tout vaut parfois plus que la somme des parties.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement, au risque de vous décevoir, monsieur Mariton, ne prospérera pas. En proposant cette nouvelle rédaction, vous fermez la définition de la famille et imposez un schéma qui n’est plus celui de toutes les familles de France, notamment des familles homoparentales. Votre amendement reflète votre logique constante, visant à exclure les familles homoparentales.

Il me semble très présomptueux de la part du législateur de déterminer une définition de la famille.

Comme je l’ai déjà dit, les familles homoparentales et les couples de même sexe existent dans notre pays, sans avoir besoin de notre autorisation pour « faire famille », pour reprendre une de vos expressions favorites.

En revanche, ils ont besoin de nous pour disposer des mêmes droits que toutes les autres familles, et c’est ce à quoi nous nous employons depuis bientôt cent heures.

C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Nous souhaitons effectivement l’égalité des droits pour toutes les familles, y compris les familles homosexuelles.

Votre amendement en outre, monsieur Mariton, confond la filiation, l’autorité parentale et l’éducation.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales lui a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cette précision ne me semble pas utile, parce qu’elle est déjà satisfaite par les dispositions du code civil relatives à la définition de l’autorité parentale.

Selon l’article 371-1, l’autorité parentale qui découle de l’établissement du lien de filiation appartient aux parents de l’enfant, notamment pour le protéger et assurer son éducation. Aussi est-il clair que les parents de l’enfant sont les premiers responsables de son éducation.

Je partage l’avis des deux rapporteurs : cet amendement tend à exclure les parents de même sexe et, par conséquent, à mettre en échec le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Avis donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement n’exclut personne : nous aimons tous les Français et nous voulons reconnaître toutes les situations familiales. Tout ce qu’il dit, c’est qu’il y a une situation ordinaire…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est bien cela, oui.

M. Hervé Mariton. …qui est celle d’un modèle familial : « l’éducation de l’enfant incombe à ses père et mère ».

Toutefois, il existe d’autres situations familiales, également légitimes et estimables, avec lesquelles nous devons être solidaires. Nous n’arrêterons pas de le dire jusqu’au bout de ce débat, et même après, si par malheur la loi devait être votée : nous aimons tous les Français ; nous aimons toutes les situations familiales ; nous aimons tous les enfants.

Cependant, il vaut mieux apporter des réponses juridiques plus adaptées à la diversité de cette situation. Votre modèle unique n’est pas une bonne réponse : vous l’avez créé pour défendre un dogme, un symbole, mais ce sont en réalité les situations familiales que vous avez décrites que vous abîmez le plus.

(L’amendement n° 2257 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 4405, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement s’inscrit dans la démarche de progrès de la loi qui nous est soumise ouvrant le mariage et l’adoption à toutes et à tous.

Il entend lever les difficultés que les familles homoparentales rencontrent pour adhérer à l’Union nationale des associations familiales ou à toute autre structure représentative des familles, afin d’y être officiellement intégrées.

Aujourd’hui, les associations de familles homoparentales voient leurs demandes d’affiliation à ces structures représentatives parfois contestées.

Le sous-amendement déposé par le rapporteur propose de substituer la notion d’identité sexuelle à celle de genre, qui certes fait débat. Pourtant cette notion d’identité de genre est reconnue comme un principe par plusieurs instances internationales – le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ou le Conseil de l’Europe, dans sa résolution 1728 – afin de faire reconnaître l’expérience intime et personnelle du genre, tel qu’il est vécu par chacun, et de protéger les milliers de personnes victimes dans le monde de discriminations diverses. Ces personnes doivent pouvoir vivre sereinement, grâce à une reconnaissance juridique nouvelle.

J’accepterai bien sûr ce sous-amendement, qui permet en lui-même déjà une avancée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission et pour soutenir son sous-amendement n° 5368.

M. Erwann Binet, rapporteur. Je partage sur le fond l’objectif poursuivi par votre amendement.

Toutefois, lors des discussions menées dans le courant de l’été sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel, nous avions eu un échange sur l’identité de genre et l’Assemblée avait décidé de maintenir la notion d’identité sexuelle. C’est donc par cohérence avec notre législation actuelle que j’ai souhaité déposer ce sous-amendement. Le sens demeure identique. Je vous remercie de lui avoir donné votre accord.

La commission a donné un avis favorable à l’amendement de Mme Buffet, sous réserve de cette modification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous proposez de modifier la loi afin de lever les difficultés que connaissent les associations de familles homoparentales pour être reconnues comme associations familiales et pouvoir adhérer aux unions départementales des associations familiales.

En l’état du droit, une association formée de parents vivant en couple homosexuel ne peut déjà pas se voir refuser l’adhésion à une UDAF pour ce seul motif, car elle regroupe à tout le moins des « personnes physiques ayant charge légale d’enfants par filiation ou adoption », cas prévu au troisième tiret de l’article L. 211-1 du code de l’action sociale et des familles.

À supposer même que cette interprétation ne soit pas partagée aujourd’hui par toutes les UDAF, le présent projet de loi lèvera pour l’avenir cette difficulté. D’une part, il n’y aura aucun doute que pourront adhérer des associations formées de couples homosexuels mariés avec ou sans enfants – l’article L. 211-1 parle de « familles constituées par le mariage et la filiation » et de « couples mariés sans enfant » ; d’autre part, la portée plus générale du projet est de reconnaître légalement l’existence des familles homoparentales : je ne doute pas que l’UNAF et les UDAF sauront tirer toutes les conséquences qui s’imposent.

Il n’est donc pas nécessaire, pour résoudre le problème que vous soulevez, d’ajouter la disposition que vous indiquez, puisque de telles discriminations sont de toute façon déjà interdites de manière générale. Il n’en reste pas moins vrai que, compte tenu d’un passé récent, votre demande semble fondée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Ce dispositif va-t-il obliger les associations familiales protestantes, catholiques ou d’autres associations ayant une dimension cultuelle à ouvrir leurs structures indépendamment de leur choix propre ? La rédaction de l’amendement semble aller clairement en ce sens.

J’ai déjà expliqué que vous alliez créer des possibilités importantes de contentieux s’agissant de mariages religieux.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cela n’a rien à voir !

M. Hervé Mariton. Cela a tout à voir, madame la ministre !

Le législateur anglais a été attentif à rappeler que l’église anglicane – et tout culte, à vrai dire – pouvait continuer à refuser le mariage de personnes de même sexe. Or, vous n’avez pris aucune précaution de ce type. Il y a là un nid à contentieux. De la même façon, vous créez un nid à contentieux dans le secteur associatif : en effet, la question des associations familiales cultuelles se posera immédiatement.

Votre amendement est dans la droite ligne du coup de force du Gouvernement concernant le changement de composition du Haut conseil de la famille et la diminution du poids relatif des associations familiales en son sein.

Par ailleurs, Mme Clergeau pourrait-elle nous éclairer sur la définition d’une famille homosexuelle, expression qu’elle a employée tout à l’heure ?

Enfin, monsieur le rapporteur, il y a, me semble-t-il, un problème grammatical dans votre sous-amendement. Le texte qui en résulte est « sans distinction ou liée à l’orientation ou identité ». Je ne suis pas certain que cette expression soit juste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Le groupe écologiste apporte son soutien à l’amendement de Mme Buffet et au sous-amendement.

J’ai en mémoire les déclarations de Claude Greff, malheureusement absente aujourd’hui, quand elle était ministre de la famille : elle avait dit aux associations de familles homoparentales qu’elle ne pouvait pas les reconnaître comme associations familiales, parce qu’elles ne bénéficiaient pas d’une reconnaissance juridique. Le texte va faire changer cette situation, et c’est une très bonne chose.

Le débat autour des expressions « orientation sexuelle » et « orientation de genre », nous l’avons déjà eu à l’occasion du texte relatif au harcèlement sexuel. J’avais dit à l’époque que je ne partageais pas le choix du Gouvernement, car l’expression d’identité sexuelle ne signifie pas grand-chose et contrevient aux textes internationaux, notamment aux principes de Djakarta ou aux dispositions européennes.

Je partage la position de Mme Buffet : il est temps en effet que l’orientation de genre soit reconnue par nos textes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Erwann Binet, rapporteur. Il ne s’agit pas, monsieur Mariton, par cet amendement d’obliger quelque association familiale que ce soit à accepter une famille : cela dépend de ses statuts. Il s’agit de prévoir l’adhésion des associations de familles homoparentales au sein des UDAF.

Rien ne va donc changer dans les statuts des associations familiales, puisqu’il ne s’agit que de permettre l’adhésion des associations familiales homoparentales aux UDAF.

M. Xavier Breton. Les procès sont déjà prêts…

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le rapporteur a parfaitement raison : nous parlons de l’adhésion des associations aux UDAF et non de l’adhésion des familles aux associations. M. Mariton ne doit pas faire la confusion.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’exposé sommaire fait bien référence à l’UNAF et à « toute autre structure représentative des familles ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je prends au sérieux l’amendement de Mme Buffet ! Je ne fais qu’en lire l’exposé des motifs, auquel on peut se fier, sauf à considérer que Mme Buffet écrit n’importe quoi, ce que je ne pense pas. Même si nos opinions divergent sur le fond, sa contribution au débat a toujours été d’une grande qualité et il a toujours été intéressant de débattre avec elle, ce qui explique que je sois attentif à son exposé des motifs et que je donne l’alerte.

Je suis d’autant plus inquiet que la théorie du genre est inscrite dans l’amendement initial. La défense qu’en a faite M. Coronado n’était, de surcroît, pas de nature à me rassurer.

Enfin, les associations ne nourrissent pas nécessairement de préjugé homophobe mais si d’aventure cela arrivait à l’une d’elle, la loi serait là pour la sanctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. le président. Par une très grande indulgence, je vous accorde la parole, M. Larrivé, mais pour moins de deux minutes car vous partagerez votre temps de parole avec M. Censi.

M. Guillaume Larrivé. Juste le temps de soulever deux difficultés constitutionnelles.

Rappelons d’abord, notamment au parti communiste français, que la liberté d’association est un principe constitutionnel reconnu comme tel depuis 1971.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c’est une réponse à M. Mariton !

M. Guillaume Larrivé. Il apparaît donc difficile d’imposer à une association l’adhésion de tel ou tel groupe.

M. Erwann Binet, rapporteur. Mais non !

M. Guillaume Larrivé. Surtout, et cela vaut pour l’ensemble des articles additionnels qui nous seront désormais soumis, l’objet de votre projet de loi sur le mariage et l’adoption n’a pas vocation à modifier les structures associatives. Il s’agit d’un cavalier et nous soulèverons ce moyen devant le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Vous intentez là un faux procès aux UNAF. Monsieur Coronado, cet amendement introduit une précision évidemment non avenue parce qu’aujourd’hui les UDAF ne demandent aucune information susceptible de les faire tomber sous le coup d’une plainte pour discrimination liée à l’orientation sexuelle ou même à l’identité sexuelle. Les seuls critères demandés sont ceux qui permettent de dénombrer les personnes ayant un lien de filiation ou d’adoption avec un enfant et formant ainsi une famille.

Mme la ministre le sait puisqu’elle a donné droit à une UDAF qui refusait l’adhésion d’une association de familles homoparentales pour ne pas avoir voulu lui communiquer ces données alors même que ce sont celles qui permettent d’établir le lien entre les adultes et les enfants. En aucune façon le refus ne trouvait là sa source dans une quelconque discrimination.

Sauf à considérer que cet amendement a pour seule finalité de combattre, comme d’habitude, un présupposé selon lequel les UDAF et l’UNAF n’appliqueront pas la loi demain, il est inutile.

Il faut savoir par ailleurs, et je vous renvoie au code de l’action sociale et des familles, que depuis la loi sur le PACS, le conseil d’administration de l’UNAF a donné pour instruction aux UDAF de reconnaître les familles dont les parents seraient liés par un PACS.

Cet amendement est accusatoire et totalement inutile.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

(Le sous-amendement n° 5368 est adopté.)

(L’amendement n° 4405, sous-amendé, est adopté.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh bien !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 13 bis

M. le président. Nous en venons aux inscrits sur l’article 13 bis.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre Vidalies, vous êtes bien seul au banc du Gouvernement…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est une présence de qualité !

M. Marc Le Fur. L’article 13 bis est comme les autres : dans une logique que nous n’acceptons pas, il prend des dispositions certes de détail, mais qui ne sont pas satisfaisantes.

Je suis issu d’une circonscription dominée par l’agriculture et je reçois dans ma permanence énormément d’agriculteurs en difficulté, qui connaissent des soucis, dont les exploitations sont menacées. Ce n’est pas comme dans les régions céréalières ! L’élevage souffre dans notre pays, chacun le sait. Cela étant, les régions céréalières ont aussi d’excellents députés…

Mme Catherine Vautrin. Et elles ont parfois des difficultés !

M. Marc Le Fur. Bien sûr, mais pas vraiment en ce moment…

Toujours est-il que lors de mes rencontres avec les agriculteurs, personne ne me parle de ce sujet. Personne ne demande une évolution sur ces questions de société. Les agriculteurs demandent des réponses gouvernementales sur d’autres sujets, réponses qu’ils n’obtiennent pas.

C’est pour cela qu’au nom de ces gens, je le dis, ne nous trompons pas de débat ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Si vous voulez faire quelque chose pour les agriculteurs, puisque l’article 13 bis est relatif au code rural,il y a bien d’autres choses à faire que d’étendre ses dispositions aux familles homoparentales. Objectivement, je n’ai eu, dans le monde agricole, aucune demande de cette nature.

C’est pourquoi cet article me semble déplacé dans la loi dont nous débattons aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Cet article permet de mettre à jour le code rural et de la pêche maritime.

En effet, l’article 732-10 de ce code prévoit que seules les personnes de sexe féminin peuvent bénéficier d’une allocation de remplacement pour l’arrivée d’un enfant adopté.

Le présent texte neutralise cet article en remplaçant le mot « femme » par « personne ». Il permet donc l’indemnisation sans considération du sexe du bénéficiaire.

Cet article montre bien que ce projet de loi, contrairement à ce qu’affirment sans cesse nos collègues de l’opposition, est bien du cousu main et non du prêt-à-porter.

En outre, pour aller à l’inverse de ce que vient de dire M. Le Fur – et je suis moi-même élue d’une circonscription rurale – il permet de mettre l’accent sur la question de l’homosexualité dans le monde rural. Il n’y a aucune raison pour que ce sujet soit tabou ou, pis encore, ignoré par la loi.

Comme le dit François Purseigle, spécialiste du monde agricole : « Il est très difficile pour les agriculteurs d’avouer leur homosexualité, beaucoup plus que dans les milieux urbains. Leur solitude est beaucoup plus grande que celle des homosexuels qui vivent en ville parce qu’ils la cachent».

Ce texte de loi accorde les mêmes droits à tous et n’en retranche à aucun.

C’est ce qui nous sépare de nos collègues de l’opposition qui tentent de diviser les Français en jouant sur des peurs irrationnelles et en faisant croire que l’octroi de droits à certains entraînerait la perte de droits pour d’autres.

En accordant le droit au mariage pour tous, nous permettons à toutes et tous de bénéficier du droit à l’indifférence, auquel tout un chacun a droit quant à son orientation et à sa vie sexuelle, maritale et familiale.

C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à adopter l’article 13 bis qui met l’accent sur des problématiques réelles liées à la ruralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je ferai deux observations.

D’abord, nous sommes en pleine contradiction avec le Préambule de la Constitution de 1946, qui consacre la place de la mère. Le rapporteur, dans une interprétation hasardeuse sur le fond et maladroite sur la forme, nous a dit qu’il ne s’agissait pas de la mère de filiation, mais de la mère qui porte l’enfant. Nous l’avons dit, entre la mère qui porte l’enfant et la mère porteuse, le glissement est, hélas, facile !

Cela étant, monsieur le rapporteur, non, le Préambule de la Constitution de 1946 ne fait pas de distinction. Aussi, quand vous supprimez le mot « femme » pour le remplacer par le mot « personne », on n’est selon moi ni dans l’esprit, ni dans la lettre du Préambule de 1946.

À dire vrai, votre amendement-balai est une procédure factice. Vous tentez de répondre avec de la fausse monnaie à l’objection des citoyens relative à la suppression des mots « père » et « mère » dans le code civil. Ils pourraient vous retourner l’objection que vous supprimez le mot « femme », y compris dans une procédure d’adoption qui suppose de se projeter vers la notion de mère. Mais peu vous importe, vous supprimez !

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l'article 13bis.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 101.

M. Marc Le Fur. J’ai déjà développé le contenu de mon amendement, je ne vais donc pas y revenir trop longtemps. Le propre de l’action publique, c’est d’établir des priorités et de savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire. Objectivement, dans cette affaire, nous sommes dans l’accessoire ! Il faut aller à l’essentiel. Si vous voulez faire quelque chose pour le monde agricole, battez-vous pour la PAC ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Très bien ! Travaillez un peu !

M. Marc Le Fur. Donnez-nous un budget correct de l’agriculture ! Faites en sorte que les éleveurs ne soient plus les grands oubliés ! Et comme vous n’êtes pas en mesure de faire tout cela, vous vous perdez dans des détails, vous vendez des illusions, multipliez les écrans de fumée !

Voilà la réalité. Cet article en est même la confirmation caricaturale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et cela vaut bien évidemment pour l’ensemble du texte, l’opinion est en train de le comprendre ! Sous prétexte de militantisme communautaire pour les uns, de pure politique pour les autres, vous êtes en train de passer à côté des préoccupations des Français, en particulier dans le monde agricole. Certains sauront s’en souvenir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Michel Pouzol. Vous parlez pour ne rien dire !

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Holà ! Des menaces ?

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 431.

M. Hervé Mariton. Nous venons d’apprendre qu’un accord a été signé à Bruxelles sur les perspectives du budget européen. Cet accord, qui est une défaite en rase campagne de votre majorité,…

Mme Brigitte Bourguignon. Quel est le rapport ?

M. Hervé Mariton. …inclut une diminution du budget de 3 %, malgré la position défendue par le Gouvernement de la République et par le Président.

M. Guy Geoffroy. Il arrivait pourtant les muscles gonflés !

M. Hervé Mariton. Cela donne beaucoup de sens aux propos tenus à l’instant par Marc Le Fur. On peut et on doit se poser toute question relative à la politique familiale et à la famille sous l’angle du code rural, qui inclut en effet un certain nombre de dispositions à ce sujet. Il n’est pas anormal que vous vous soyez posé la question de la transposition de votre dispositif au code rural pour les matières qui le concernent.

Mais au monde rural, et en particulier aux agriculteurs, salariés agricoles et institutions agricoles visés par le code rural, votre construction apporte davantage de problèmes que de solutions, y compris aux couples de personnes homosexuelles et aux enfants dont ils pourraient avoir la charge, et qui plus est dans un contexte de difficultés qui vont aller s’aggravant avec l’accord budgétaire qui vient d’être signé. L’Union européenne n’est pas exonérée d’effort budgétaire et quand nous devons maîtriser les finances publiques en France, nous devons aussi les maîtriser, dépenses et recettes, à Bruxelles !

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Quel est le rapport ?

M. Hervé Mariton. Il reste que le résultat auquel vous parvenez est en pleine contradiction avec le traité de stabilité et de coopération, et avec ce que vous aviez promis avant l’accord qui vient d’être signé à Bruxelles !

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !

M. Philippe Martin. Ces gens ont abandonné les agriculteurs pendant dix ans !

M. Marc Le Fur. Pas vous, monsieur Martin ! Pas vous !

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 479.

M. François de Mazières. Nous en revenons toujours à la problématique fondamentale qu’est la conception de la famille. Notre critique et double. D’une part, nous pensons qu’il faut préserver l’altérité en matière d’adoption, et les moyens que la société met à disposition des familles pour la favoriser. D’autre part, nous craignons des dérives, en particulier celles de la PMA et de la GPA.

Au fond, vous proposez une société extrêmement individualiste. Le désir adulte y passe avant tout. C’est très étonnant car votre discours se veut toujours généreux, mais à y regarder de plus près, il aboutit à une société centrée sur le nombril de la personne adulte et non sur l’enfant.

Nous avons là une pensée assez totalitaire, je vous le dis franchement. Ce que vous êtes en train d’imaginer sur la famille nous inquiète beaucoup. Ce que nous entendons sur la modification de la composition du Haut conseil de la famille également. Vous déroulez inexorablement ce raisonnement et c’est cela qui nous inquiète. C’est pour cela qu’à chacun de ces amendements, nous revenons pointer le vrai danger.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1064.

M. Philippe Cochet. La contribution du rapporteur à ce débat, et je ne parle pas ici de Mme Clergeau, est selon moi proche de zéro. On a rarement vu, sur un texte aussi important, un rapporteur aussi discret – faute d’avoir réuni en temps et en heure sa commission sans doute. C’est un problème.

Je me pose une question légitime : les membres du Gouvernement ici présents ne pensent-ils pas, au fond d’eux-mêmes, « familles, je vous hais » ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Philippe Meunier. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. C’est incroyable !

M. Nicolas Bays. Quelle finesse…

M. Philippe Cochet. La fragilité de ce texte est manifeste, tout comme la volonté de détricoter la cellule familiale, qui a toujours su résister à tout totalitarisme, à toute idéologie, à tout projet de la détruire. Mesdames et monsieur les ministres, la cellule familiale restera solide, en dépit de toutes les agressions que vous lui faites subir. C’est une institution qui, en dépit de votre volonté de la remettre en cause, restera profondément ancrée, en particulier dans les campagnes. L’amendement est soutenu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 538.

M. Patrick Ollier. Nos amendements se justifient, comme on vient de l’entendre. Votre stakhanovisme consistant à traquer, sous prétexte de coordination, des mots comme « femme » a quelque chose d’aberrant.

Je voudrais revenir sur ce qu’a dit fort justement mon collègue Mariton il y a quelques instants. Il y a quelques jours, vous applaudissiez M. Cameron, qui a défendu devant la chambre des communes un texte sur l’égalité similaire à celui que vous défendez aujourd’hui sur le mariage. Allez-vous recommencer alors qu’il vient, lui, d’applaudir à l’accord européen qui vient d’être conclu et qui sacralise un budget tout à fait contraire aux intérêts de la France ?

Mme Catherine Vautrin. Et aux campagnes françaises !

M. Patrick Ollier. Ce budget prend le contre-pied de la position du président Hollande et du Gouvernement ! Continuez-vous à applaudir M. Cameron ?

Mme Valérie Rabault. On verra ce qu’il a dit !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1186.

Mme Laure de La Raudière. Puisque cet article traite de l’adoption, parlons d’adoption. La législation et la pratique de l’adoption forment, depuis l’après-guerre et les lois de 1966, un édifice très cohérent dont le but premier est d’assurer à la personne adoptée une parfaite sécurité quant à sa filiation. Une fois le jugement prononcé, il n’y a plus aucune différence entre une filiation adoptive et une filiation naturelle et l’enfant s’inscrit complètement dans la lignée familiale de ses parents. C’est très important et très rassurant pour un enfant dont l’histoire personnelle a déjà connu une rupture fondamentale. Cela répond au désir et au besoin primordiaux de l’enfant adopté, qui est bien d’être un enfant comme les autres malgré sa particularité. Il veut que sa place dans la famille soit indiscutable.

À cette fin, les critères de vraisemblance de la filiation posés aujourd’hui par la loi, quant aux âges respectifs des parents et des enfants en particulier, ne sont pas du tout accessoires. Ils contribuent à rendre la filiation adoptive semblable à la filiation naturelle. Ils présentent aussi l’avantage, que l’enfant adopté ressent fortement, de ne pas le mettre en situation d’avoir à prendre la défense de sa filiation. Il n’y a pas ses vrais parents et ses faux parents, il n’y a que ses parents. Pour le reste, son histoire relève de l’expérience intime. Le dispositif actuel, remis en cause par ce projet de loi, prend soin que la filiation adoptive soit biologiquement vraisemblable et évite ainsi que ne s’ajoute la stigmatisation à la différence intime de la personne adoptée.

Mais ce projet de loi nous fera automatiquement sortir de ce cadre lorsque deux personnes de même sexe pourront être désignées comme les parents d’un enfant. Il est à craindre que l’on ne fragilise ainsi tout l’édifice en lui faisant perdre sa cohérence. Ces points sont d’ailleurs soulevés par l’avis du Conseil d’État, du moins ce que nous avons pu en lire dans les journaux. Puisque M. Touraine semble en avoir eu connaissance et que le sujet de l’adoption est extrêmement important, je demande à nouveau au Gouvernement de communiquer cet avis du Conseil d’État à l’ensemble de la représentation nationale. Nous sommes persuadés que si vous le cachez et s’il est pire que ce qui a fuité dans la presse,…

M. le président. Merci.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1432.

M. Nicolas Dhuicq. En rejoignant l’hémicycle, c’est un sentiment de tristesse qui m’envahit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tristesse de mon maître en pédopsychiatrie, qui m’alertait sur les conséquences funestes de ce projet de loi. Tristesse devant une démocratie qui semble vouloir adopter ce rêve fou d’un homme nouveau, sans racines, histoire ni généalogie et auquel on dénie même l’inconscient dans sa construction ontologique. Car vous niez non seulement la biologie, mais aussi l’inconscient de ces enfants dont vous allez compliquer la tâche !

Tristesse aussi car à cette œuvre de destruction majeure que vous programmez aujourd’hui s’ajoute le bouleversement des rythmes scolaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous allez imposer à nos communes, aux maires et aux départements ruraux qui ont en charge les enfants d’innombrables dépenses pour augmenter ces rythmes scolaires.

Plusieurs députés du groupe SRC. Cela n’a rien à voir ! Hors sujet !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous êtes bien loin du texte !

M. Nicolas Dhuicq. J’étais cette nuit dans un canton de ma circonscription qui compte 1 800 habitants pour 25 communes. Ils sont inquiets, voire affolés de voir qu’à Paris des députés socialistes soutiennent une loi aussi folle, niant la réalité de l’être humain et de la construction d’un enfant. Oserez-vous, dans les années à venir, regarder ces enfants et vos descendants ? Je ne le crois pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Vous donnez des frissons, monsieur Dhuicq !

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1504.

M. David Douillet. Tous les chemins mènent à Rome. Et, malheureusement, tous les articles de ce texte mènent irrémédiablement à la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Surtout celui-là, puisqu’il s’agit d’adoption ! C’est évident !

M. Michel Pouzol. Ben bien sûr !

M. David Douillet. Admettez-le !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parle-t-on toujours du même texte ?

M. David Douillet. Lorsqu’un couple de personnes de même sexe aura un désir d’enfants, bien normal et naturel lorsqu’on s’aime mais que la nature lui refuse, il sera obligé, s’il ne veut pas de l’adoption, de s’en remettre à la contre-nature pour le coup, c’est-à-dire de recourir à la PMA ou à la GPA.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La contre-nature ? Je ne me lancerais pas là-dedans !

M. David Douillet. Tout cela est très compliqué. S’il n’y avait pas de réseaux mafieux,… (« Oh ! »sur les bancs du groupe SRC.) Ils existent, ne le niez pas !

Mme Brigitte Bourguignon. Nous ne sommes pas d’accord !

M. David Douillet. Vous n’êtes pas d’accord ? On peut donc alimenter les réseaux mafieux, c’est ce bien ce que vous dites ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut que vous le compreniez une bonne fois pour toutes. Je n’aurai de cesse de vous le répéter parce que je veux que vous compreniez. Cette question est importante et bien réelle. Il faut faire quelque chose ! C’est d’une logique implacable, cette loi conduit à la GPA. Cette pratique va réduire les femmes en esclavage. Elle existe déjà, malheureusement. Il faut donc la limiter et la contrôler. S’il vous plaît, madame la garde des sceaux, qu’allez-vous faire pour lutter contre ce phénomène ? S’il vous plaît !

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1609.

M. Christophe Guilloteau. Je déplore que la notion d’enfant soit foulée aux pieds par certains. Madame la garde des sceaux, pourquoi vous refusez-vous à nous communiquer l’avis du Conseil d’État ? M. Meunier l’a dit, nous en sommes réduits à le découvrir par petits bouts dans la presse – heureusement, il existe une presse bien pensante pour alimenter les parlementaires.

En outre, nous sommes trois élus du Rhône à être présents, et très frustrés car notre collègue Touraine a indiqué qu’il disposait de cet avis. Force est donc de constater que certains députés sont mieux traités que d’autres. Madame la garde des sceaux, je vous en conjure, demandez au Premier ministre qu’il rende public l’avis du Conseil d’État : il nous manque cruellement pour ces débats !

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1595.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement de suppression ayant été défendu par mes collègues, je souhaiterais, une fois n’est pas coutume, faire une remarque sans lien avec notre débat, afin d’assurer de notre soutien total l’ensemble des agriculteurs français qui sont très gênés – pour ne pas dire davantage – par le fait que notre pays vient de perdre une position forte dans les débats budgétaires européens.

Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur l’amendement n° 4405, qui a été adopté juste avant la suspension de la séance. Si je salue la cohérence de nos collègues Buffet et Coronado, je m’inquiète de cette interprétation nouvelle de la liberté d’association, puisque les associations devront accueillir en leur sein des adhérents le cas échéant contre leur volonté. Le principe de la liberté associative, qui est un droit constitutionnel garanti et reconnu, me paraît ainsi tordu. Je voulais donc dire ma tristesse que l’Assemblée ait adopté une telle mesure.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1721.

Mme Véronique Louwagie. Puisque nous examinons l’article 13 bis et qu’il nous en reste cinq à discuter, je souhaiterais évoquer l’avis du Conseil d’État.

Préalablement à son examen, le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, comme le fait traditionnellement la haute juridiction administrative pour tous les projets de loi. Certes, cet avis consultatif est confidentiel et n’est rendu public que si le Premier ministre le décide. Nous n’avons donc eu de cesse de réclamer cette publicité, en vain. Or, il est nécessaire, car il est encore temps, que cet avis soit publié pour informer la représentation nationale et les Français, d’autant que la presse s’en fait l’écho.

Ne pas publier cet avis laisse présumer que le Gouvernement n’est pas serein quant à la construction juridique de son projet de loi, et cette situation nous inquiète. Cette volonté de ne pas communiquer l’avis du Conseil d’État, cette absence organisée de transparence inquiètent les Français. Nous avons connu le Gouvernement plus prompt à publier des avis divers et variés. C’est pourquoi nous réitérons notre demande.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1760.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement ce congé d’adoption appartient en propre à la femme. Par cet article, la majorité poursuit donc son entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation de termes neutres, tels que « époux », « parents », « conjoints », « assurés », « titulaires », au détriment de termes aussi importants et aussi fondateurs pour notre société que ceux de « mari », « femme », « père » et « mère ».

Cet article est une des nombreuses conséquences de l’octroi du droit à l’adoption aux couples de personnes de même sexe, droit que la majorité des Français, fidèles à leur bon sens paysan, réprouvent. Ce droit à l’adoption occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

Comme le disait fort justement Mme Guigou, alors garde des sceaux, notre société ne protège pas assez l’enfant et, en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, elle le soumet trop souvent aux seuls désirs de l’adulte. Un enfant a droit à un père et une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents.

Ces phrases ne sont pas sorties de leur contexte, comme voulait le faire croire leur auteur la semaine dernière.

Certes, notre société a évolué, mais les droits et les besoins des enfants, eux, non. Vous n’avez pas à leur faire supporter le poids de l’égoïsme et de l’individualisme. Nous sommes là pour défendre les plus vulnérables d’entre nous : les enfants. Que prévoyez-vous pour eux ? Des procréations de convenance, sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant, toujours selon les mots de Mme Guigou.

Vous venez déjà de reconnaître par décret les naissances illégales d’enfants conçus à l’étranger avec le recours la GPA, avant de légaliser l’ouverture de la PMA et la GPA dans notre pays. Vous reniez donc ce que vous disiez en 1998, à savoir qu’il n’y aurait pas d’après-PACS, que le PACS ne serait pas une valise à double fond, comme le disait Mme Guigou à l’époque. Mensonge, double mensonge, triple mensonge…

M. le président. Merci.

La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2241.

M. Pierre Lequiller. L’article 13 bis contribue à l’effacement de l’altérité sexuelle voulu par le Gouvernement et sa majorité, qui généralisent les termes neutres et flous que sont « époux », « parents », « conjoints ». Aux yeux du Gouvernement mieux vaut l’indifférencié plutôt que les termes sexués. Je doute que les couples hétérosexuels comme les couples homosexuels soient si désireux d’une telle négation. Je doute que ceux qui, dans la population, soutiennent ce projet de loi imaginent un tel gommage des différences sexuelles. Celui-ci relève d’une théorie sournoise, défendue par un lobby extrêmement minoritaire : la théorie du genre.

L’article 13 bis prévoit l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires, alors qu’actuellement, ce congé d’adoption appartient en propre à la femme. En clair, ce texte vient donner une suite légale à des actes actuellement encore illégaux en France, puisque l’on vous répète depuis le début de la discussion que le projet de loi entraînera l’ouverture de la PMA et la GPA ; on voit bien la suite arriver.

Nous connaissons la volonté des députés de la majorité et du Gouvernement de légaliser l’accès des couples de personnes de même sexe à la PMA. Nous connaissons les positions des ministres du Gouvernement sur la question de la GPA, notamment celles de Mme la ministre de la famille, en charge du futur texte sur la famille. Si le Gouvernement pouvait faire cette modification par décret, comme il l’avait prévu dans l’étude d’impact du projet de loi, il l’impose aujourd’hui dans la loi.

Je terminerai en disant que j’ai déjà assisté à des débats de société mettant en jeu l’éthique. Je crois que nous devons, en la matière, nous inspirer du passé, lorsque nous discutions tous ensemble, au-delà des divisions entre gauche et droite, de l’intérêt général. Je crois que…

M. le président. Merci, mon cher collègue.

La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2540.

M. François Scellier. Madame la garde des sceaux, l’on ne peut être que pour la suppression de l’article 13 bis dès lors que l’on désapprouve l’ensemble du texte que vous voulez nous imposer, puisqu’il n’est que la conséquence de la disposition principale pour le régime des exploitants agricoles.

Par ailleurs, je me demande pour quelle raison le Gouvernement se refuse à publier l’avis du Conseil d’État ; il m’aurait permis, dans ce domaine, de mieux comprendre le texte et, peut-être, de l’approuver.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2965.

M. Philippe Meunier. Je regrette que M. Urvoas ne soit plus là. Comme plus tôt cette semaine lorsqu’il a évoqué sa profession de foi, il a fait son numéro de cirque, cette fois en nous parlant d’astronomie. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Qu’il profite bien du temps présent, car la roue tourne.

Mes chers collègues de la majorité, vous avez ouvert la boîte de Pandore. Vous avez décidé de casser la famille de France, c’est votre choix : vous avez été élus en 2012 et vous êtes majoritaires dans cet hémicycle. Mais il va falloir tenir cinq ans. Une manifestation nationale est organisée pour le 24 mars prochain.

Demain, vous remettrez sur la table le droit de vote des étrangers et vous continuerez ainsi durant de longs mois à tenter d’abaisser la France. Poursuivez donc dans cette voie ! Les échéances électorales approchent et les Français sauront s’en souvenir.

M. Pascal Popelin. Tout en finesse !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 3360.

M. Xavier Breton. Je voudrais, à mon tour, revenir sur l’amendement n° 4405 de Mme Buffet, qui a été voté par notre assemblée. Les débats ont été en effet très révélateurs de la volonté d’une partie de la majorité d’aller dans le sens de l’idéologie du gender. Certes, des réticences s’expriment encore, mais elles sont de pure forme – le rapporteur a indiqué que le Gouvernement n’avait pas encore donné son accord. On y va tout droit.

Quant au contenu de l’amendement, il traduit la volonté de Mme la ministre de la famille de mettre au pas le mouvement familial à l’occasion de la définition d’une nouvelle politique familiale. S’immiscer dans l’organisation du mouvement familial comme vous venez de le faire par cet amendement est un très mauvais signal. En outre, cet amendement remet en cause la liberté associative. Aveuglés par votre idéologie, vous allez brider les libertés. On peut espérer que les sénateurs, qui se veulent les défenseurs de la liberté, sauront s’en souvenir et refuseront le vote conforme qu’a récemment souhaité le président du Sénat, qui veut un Sénat godillot.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4038.

M. Yves Censi. Je souhaiterais souligner le glissement progressif du langage de la majorité. Tout à l’heure, Mme la rapporteure pour avis a parlé de « familles homosexuelles ». Non ! L’homosexualité est une orientation sexuelle tout à fait louable, que l’on peut, sinon consacrer, du moins instituer par une union.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Je n’ai jamais parlé de familles homosexuelles !

M. Yves Censi. Nous consulterons les comptes rendus des débats : vous évoquez sans arrêt les familles homosexuelles. Or, il n’y a pas de famille homosexuelle, mais des personnes qui peuvent avoir des inclinations et éprouver un amour homosexuel.

Nous entrons officiellement dans une ère où, d’un côté, au plan social, que ce soit en politique ou dans les conseils d’administration, on tient de plus en plus compte du sexe des personnes – et c’est heureux ! C’est un progrès – et où, de l’autre, paradoxalement, la mention du sexe est effacée des dispositions du code civil relatives à la filiation. Ainsi, aujourd’hui, tout est sexué, sauf les parents ! Vous vous situez intellectuellement dans un univers totalement abstrait ; vous êtes confrontés au mur du paradoxe. Vous avez ainsi inventé la filiation homoparentale, comme l’a très bien expliqué Mme Agacinski.

Si, à la théorie des genres – car vous pensez forcément résoudre le paradoxe de la filiation par la théorie des genres – on ajoute le droit anglo-saxon – pour lequel c’est le fait qui fait droit : ce qui existe doit être reconnu – et l’égalitarisme, on peut considérer que vous reconnaissez déjà quasi officiellement, dans un simple exposé sommaire, la PMA et la gestation pour autrui. Ça, c’est de la rationalité ! Vous nous reprochez d’agiter des peurs irrationnelles, mais c’est vous qui êtes irrationnels et coupables d’inexactitude intellectuelle.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. Sur le vote de l’article 13 bis, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4729.

M. Gilles Lurton. Madame la garde des sceaux, vous persistez dans votre logique en rendant asexués un certain nombre de termes de notre droit sans pour autant les modifier, faisant ainsi courir un grand risque à notre droit et à ceux qui l’appliqueront.

À l’article 13 bis, vous prévoyez d’attribuer l’indemnisation du congé d’adoption du régime des exploitants agricoles sans considération de sexe, alors que, jusqu’à présent, le congé d’adoption appartenait en propre à la femme. Rien de choquant a priori, mais votre problème est purement grammatical : le mot : « mère » ne convient pas à un couple de même sexe, surtout quand il s’agit de deux hommes, lesquels peuvent bien entendu bénéficier des mêmes droits que les autres. Par cet article, vous niez une réalité qui est un des fondements de notre société, celle d’une famille composée d’un père, d’une mère et de leurs enfants.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5100.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, en temps ordinaire, je n’aurais pas demandé la parole, les collègues qui se sont exprimés avant moi sur l’article 13 bis et ses conséquences en matière d’adoption ayant été, comme toujours, excellents. Si je le fais, c’est que j’ai à nouveau trouvé, dans mon courrier d’aujourd’hui, deux lettres provenant de deux familles différentes comprenant chacune un père et une mère, et un enfant adopté.

Comme d’autres reçues précédemment, ces lettres exprimaient à la fois une interrogation et une inquiétude devant ce projet de loi, considérant le caractère extrêmement particulier et délicat de l’œuvre éducative, de l’œuvre de construction de l’enfant à laquelle doivent se livrer ses parents, père et mère d’enfant adopté.

Cette question est fondamentale et je voudrais, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous demander très sérieusement, du fond de notre réflexion et de notre cœur, de mettre à notre disposition ce que le Conseil d’État en a dit. Tout à l’heure, M. Urvoas a dit que la commission n’avait pas reçu communication de l’avis du Conseil d’État. Je lui pose la question, ainsi qu’au rapporteur : peuvent-ils demander, au nom de la commission et de l’Assemblée, à pouvoir disposer de cet avis ? Dans la négative, peuvent-ils nous faire part des raisons pour lesquelles ils ne souhaitent pas le faire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5309.

M. Thierry Benoit. On voit bien jusqu’où nous conduit ce texte, et il me semble vraiment que nous ne prenons pas les choses dans le bon ordre. À partir d’un texte initial portant sur le mariage pour tous, nous en arrivons à la question de l’adoption dans le cadre du régime agricole ; en permettant l’adoption aux couples de même sexe, nous en arrivons à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale.

J’aurais estimé préférable que tous ces sujets soient abordés dans le cadre d’une réflexion beaucoup plus profonde et globale, répondant aux questions suivantes : qu’est-ce que la famille en France en 2013 ? Que fait la France pour renforcer la famille et l’esprit de famille en termes de prestations sociales, d’adoption, d’aspects juridiques, de succession et autres questions patrimoniales ? Telles sont les questions auxquelles nous devrions nous efforcer de répondre au terme d’une réflexion qui, de mon point de vue, n’a pas sa place dans le cadre de l’examen d’un texte portant sur le mariage pour tous.

Ces questions sont fondamentales et, dès lors que nous aurons adopté le texte qui nous est soumis, nous n’aurons plus du tout la même vision de la famille en France, c’est pourquoi l’article 13 bis doit être rejeté.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 13 bis tire les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans quatre articles du code rural et de la pêche maritime relatifs aux droits en matière d’indemnisation du congé d’adoption pour les travailleurs non salariés agricoles. Issu d’un amendement de la commission des affaires sociales, il a reçu un avis favorable de la commission des lois. Mme la rapporteure pour avis s’exprimera sur ce point dans un instant.

La commission des lois est, bien entendu, défavorable aux amendements de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est effectivement à l’initiative de la commission des affaires sociales qu’a été adopté l’amendement ayant abouti à l’article 13 bis. Je rappelle qu’il vise à adapter le congé d’adoption aux couples d’adoptants de même sexe pour le régime des exploitants agricoles, dans le même esprit que la modification opérée par l’article 14 pour le régime général – ces dispositions étant prises dans un souci de cohérence entre les différents régimes.

Il s’agit de passer d’un congé d’adoption appartenant en propre à la mère, qui peut choisir de le partager avec son époux, à un congé partagé entre les deux parents à leur convenance. D’ores et déjà, le congé peut être attribué au père si la mère ne travaille pas ou si elle est d’accord pour le lui céder. Désormais, les couples auront le choix d’attribuer la totalité du congé à l’un ou l’autre des conjoints, à l’exception des onze jours supplémentaires, qui ne sont attribués que si les deux prennent un congé.

La commission des affaires sociales est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 13 bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’article 13 bis est une mesure d’égalité des droits, permettant d’accorder un congé d’adoption aux exploitants agricoles sans considération de leur sexe ou de la composition du couple. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article.

(Les amendements identiques nos 101, 431, 479, 1064, 538, 1186, 1432, 1504, 1609, 1595, 1721, 1760, 2241, 2540, 2695, 3360, 4038, 4729, 5100 et 5309 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour soutenir l’amendement n° 4913.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est un amendement rédactionnel qui propose une clarification de l’article 13 bis. Il s’agit de distinguer, dans deux articles différents du code rural, d’une part le congé de maternité, attribué par définition à une femme, et d’autre part le congé d’adoption, qui peut être accordé à l’un des parents indépendamment de leur sexe ou réparti entre les deux.

(L’amendement n° 4913, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 13 bis, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 152

Nombre de suffrages exprimés 150

Majorité absolue 76

(L’article 13 bis, amendé, est adopté.)

Article 14

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, inscrit sur l’article 14.

M. Guy Geoffroy. L’article 14 est extrêmement révélateur de la contradiction permanente dans laquelle se complaisent le Gouvernement et sa majorité. En effet, il est une chose qui résiste, et qui vous amène à un énorme paradoxe : je veux parler des règles grammaticales, que votre projet de loi ne remet pas – ou pas encore – en cause. Ainsi, à l’article L. 331-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « la femme assurée » sont remplacés par les mots : « l’assuré » – au masculin, la règle grammaticale voulant que ce genre l’emporte sur le féminin.

M. Hervé Mariton. Le masculin embrasse le féminin !

M. Guy Geoffroy. La tendance actuelle – à laquelle nous souscrivons, comme vous semblez le faire d’ordinaire – veut que, de plus en plus, on identifie les femmes titulaires d’une fonction par un vocable féminin plutôt que masculin. Ainsi, en ce qui concerne un métier que je connais bien pour l’avoir exercé longtemps, alors que nous disions jadis « Mme le proviseur », nous disons maintenant « Mme la proviseure ». Or, dans le texte de votre projet de loi, la « femme assurée » n’existe plus : elle est gommée et remplacée par « l’assuré ». Une belle victoire, assurément !

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l'article 14.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 104.

M. Marc Le Fur. Dans un souci de cohérence, l’amendement n° 104 vise à la suppression de l’article 14 : non que nous y soyons particulièrement opposés, mais il s’inscrit dans une logique que nous combattons.

Les préoccupations des habitants de la circonscription que j’ai l’honneur de représenter ici, où l’agriculture tient une large place, sont, je peux vous l’assurer, très éloignées de notre débat. Quand ces personnes auront connaissance de la teneur de notre débat, alors qu’elles sont confrontées à des difficultés considérables, mais d’une tout autre nature, je ne suis vraiment pas sûr qu’elles soient animées des meilleurs sentiments à votre égard ! Regardez un peu les derniers résultats des élections des chambres d’agriculture, vous pourrez constater que les syndicats les plus proches de vos sensibilités sont loin d’y avoir obtenu de bons résultats : en fait, ils ont fait l’objet d’un rejet très net par le monde agricole, qui les considère complices d’une politique dont ils ne veulent pas. Ceux de nos collègues qui ont été élus dans un département majoritairement rural devraient se méfier – je pense notamment à la circonscription de Redon, mais il y en a bien d’autres… À mon avis, ils prennent de gros risques en prenant position en faveur d’un texte qui va heurter l’essentiel du monde agricole.

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 236.

M. Bernard Deflesselles. Avec la généralisation de termes neutres tels qu’«époux », « parent », « conjoint » et maintenant « assuré » ou « titulaire », l’article 14 poursuit l’entreprise de négation de l’altérité sexuelle qui est le propre du projet de loi dont nous débattons. L’insécurité juridique induite par ce texte se transforme en inquiétude politique, une inquiétude que la majorité n’a pas levée.

Selon deux récents sondages IFOP, 52 % des maires sont opposés à l’idée du mariage entre personnes de même sexe, et 61 % d’entre eux souhaitent que le Gouvernement stoppe ce débat afin d’approfondir la réflexion. Un troisième sondage IFOP montre que, pour 55 % des Français, une famille composée de deux adultes du même sexe n’est pas une vraie famille.

Cette insécurité politique donc, vous la laissez perdurer, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, d’abord en refusant que le Conseil d’État nous livre sa vision du texte, alors qu’il aurait été normal que les parlementaires de tous bords en aient connaissance, ensuite par votre déclaration consécutive aux propos du président du Sénat, qui affirmait il y a deux jours qu’une seule lecture dans chaque chambre était suffisante.

M. Pierre Lequiller. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour soutenir l’amendement n° 429.

M. Yves Albarello. Je voudrais m’adresser à nos collègues socialistes, bien silencieux depuis le début de ce débat. Plus précisément, rebondissant sur les propos tenus tout à l’heure au sujet de Mme Guigou, dont la pensée a évolué au cours des quinze dernières années, je voudrais maintenant faire référence à la pensée de quelqu’un…

M. Philippe Martin. Qui n’a pas évolué depuis quinze ans ?

M. Yves Albarello. Peut-être, mais en tout cas que vous avez soutenu pendant des années, et qui a exercé les plus hautes fonctions dans notre pays puisqu’il a été Premier ministre : je veux parler de Michel Rocard. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il a longtemps été une référence pour vous.

M. Rocard dit que le PACS « aurait pu suffire » et, plus résigné qu’enthousiaste, ajoute qu’« il y a un moment historique qui exige qu’on remette du calme dans notre communauté homosexuelle qui a été secouée. Il faut y aller et officialiser cette reconnaissance et cette dignité. » Pour autant, il considère que le PACS était une idée admirable. S’estimant « pas du tout expert (...) sur le problème juridique lié à la situation des enfants », Michel Rocard porte tout de même un jugement hostile à l’adoption par des couples homosexuels : « tout ça », dit-il, « me paraît dangereux. Pour l’adoption, il me semble que ce n’est pas souhaitable, donc je ne suis pas pour ».

Je vous invite, mes chers collègues à bien méditer ces paroles d’un éminent Premier ministre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. C’est promis ! On s’y met dès qu’on a une minute !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 434.

M. Hervé Mariton. Certaines entreprises privées ont anticipé un dispositif de cette nature, faisant usage de la liberté qui est la leur en ce domaine. Il en va tout autrement quand des collectivités publiques en font de même – j’avais d’ailleurs évoqué cette question lors de l’audition de M. le président du conseil général de l’Essonne.

Mesdames les ministres, si le projet est voté, il sera la loi de la République. Mais tant que la loi n’est pas votée, elle n’est pas la loi. Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelle a été l’attitude du Gouvernement et quelle est celle qu’il entend prendre après les décisions de tel exécutif local. Car anticiper une loi, c’est contraire à la loi.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. La loi est votée !

M. Hervé Mariton. Il y a eu en effet un vote à l’occasion du PLFSS pour 2013, si je ne dis pas de bêtise, vous avez raison, madame la rapporteure pour avis. Je transforme donc ma question : le vote intervenu dans le cadre du PLFSS couvre-t-il complètement l’anticipation de la loi dont nous discutons aujourd’hui ou est-ce que seules les dispositions dont nous parlons aujourd’hui couvrent la situation du conseil général de l’Essonne, par exemple, ou d’autres collectivités publiques ?

Notez bien que la loi de financement de la sécurité sociale a été votée postérieurement aux décisions d’un certain nombre de collectivités publiques – dont le conseil général de l’Essonne, par exemple –, de sorte que son entrée en vigueur ne régularise en rien la situation de ces dernières.

Je résume : des collectivités publiques ont anticipé la loi, que ce soit la loi de financement de la sécurité sociale ou le projet de loi dont nous parlons. L’anticipation de la loi, dans un cas comme dans l’autre, c’est illégal. Je souhaite savoir ce qu’a été l’attitude du Gouvernement face à de telles illégalités.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 480.

M. François de Mazières. Nous proposons un amendement de suppression de l’article 14 qui, en fait, désexualise le code de la sécurité sociale en matière de congé d’adoption et de durée d’assurance pour l’enfant. Il est important de signaler que les études d’impact sont tout de même extrêmement limitées. Nous vous l’avons d’ailleurs souvent dit, en vous demandant des précisions.

On a très peu évoqué – ce qui est normal, puisque cela paraît trivial par rapport à l’enjeu essentiel de civilisation – les questions financières, un point que nous aimerions souligner au travers de cet amendement. En effet, étant donné que vous avez inversé le calendrier logique, nous ne savons pas – ou plutôt, nous ne le savons malheureusement que trop bien – ce que vous allez faire en ce qui concerne la PMA et la GPA, deux pratiques qui, si elles étaient autorisées, induiraient un coût important pour la sécurité sociale.

Si on avait appliqué un raisonnement logique en statuant dans un premier temps sur la PMA – cela a été fait en parole, mais ensuite reporté –, on disposerait aujourd’hui de ce qui nous fait actuellement défaut : une étude d’impact intelligente et responsable vis-à-vis des Français.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1072.

M. Philippe Cochet. Concernant l’article 14, dont nous demandons la suppression, je me permets une fois de plus d’insister sur votre entreprise de négation de l’altérité sexuelle et de généralisation des termes neutres tels que « époux », « parents », « conjoints » et, désormais, « assurés » ou « titulaires ». Comme cela vient d’être dit, une fois de plus, je pense que ce texte n’est pas prêt pour être voté. Le travail qui est mené depuis maintenant plusieurs jours montre les difficultés que pose ce texte, son impréparation et, surtout, la nécessité de l’éclairage de l’extérieur.

Au demeurant, on voit de plus en plus de Français s’intéresser au projet et en comprendre toutes les problématiques masquées. Comme l’avait souligné à plusieurs reprises M. Guaino, à un moment ou à un autre, il faut quand même laisser ceux dont nous tenons notre légitimité trancher sur ce sujet. Puisque vous êtes si sûrs de ce texte, nous avons du mal à comprendre pourquoi vous refusez le référendum, car il vous permettrait de vous expliquer non seulement dans cet hémicycle, mais aussi, au-delà, devant l’ensemble des Français.

Comme on le dit, il y a toujours un bon sens paysan chez les Français.

M. Philippe Martin. La terre ne ment pas ? C’est ça ?

M. Philippe Cochet. Au regard de ce bon sens, des questions tout à fait légitimes pourraient être posées au Gouvernement, ce qui éviterait de discuter d’un texte mal préparé, mal ficelé et, surtout, mal estimé, en particulier sur l’aspect financier, comme l’ont indiqué les différents orateurs de notre groupe.

Au-delà de la suppression de cet article, je pense que le plus simple serait de reporter l’examen du texte, comme 61 % des maires de France le demandent.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 539.

M. Patrick Ollier. L’article que nous examinons concerne les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance.

Chers collègues de la majorité, vous avez compris que nous n’étions pas d’accord avec votre texte ; du moins je l’espère. Si tel n’est pas le cas, nous vous le répéterons. Surtout, nous vous en expliquerons les raisons en ce qui concerne la filiation, car c’est un des problèmes que pose cet article.

Vous voulez la filiation par volonté, par intention – ce qu’on appelle la « parenté sociale » –, vous voulez supprimer la référence à l’engendrement de l’enfant comme origine de la filiation ; c’est votre droit. Et puisque vous êtes majoritaires, vous nous l’imposerez.

Cependant, les alinéas 11 et 12 de l’article 14, qui figurent à la page 10 du projet de loi, disposent : « Le cinquième alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : “Lorsque les deux parents sont de même sexe, la majoration est partagée par moitié entre eux.” » Nous voulons bien admettre, comme vous nous l’expliquez depuis le début, que vous refusez la GPA ; nous pouvons le comprendre. Mais expliquez-moi qui, lorsque les deux parents sont de même sexe – non pas les parents adoptants, mais bien les deux parents –, est considéré comme étant parent de même sexe ? On peut le comprendre lorsqu’il s’agit de deux femmes et que la PMA est autorisée, puisque c’est ce que vous souhaitez. Mais comment les deux parents peuvent-ils être de même sexe si ce sont deux hommes ? À moins d’exclure ce cas de figure de l’article et d’instaurer une discrimination grave vis-à-vis des couples d’hommes, vous n’avez d’autre moyen que d’accepter la GPA qui, naturellement, peut en faire effectivement deux parents de même sexe, comme deux femmes peuvent être parents de même sexe avec la PMA.

Je comprends que cela vous fasse rire, madame la garde des sceaux,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une de vos phrases qui m’a fait rire, monsieur le ministre.

M. Patrick Ollier. J’essaie en effet de mettre un peu d’humour dans mes phrases pour vous détendre, car nous apprécions beaucoup vos sourires, et même vos fous rires. Mais vos fous rires ne peuvent pas constituer des réponses aux questions que nous posons. J’aimerais une réponse sur l’alinéa 12 de l’article 14, madame la ministre, et j’espère qu’elle sera précise. Je vous en remercie par avance.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez dit : « Comment les parents peuvent-ils être de même sexe si ce sont deux hommes » ! Si j’avais prononcé ces mots, vous auriez ri !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1188.

Mme Laure de La Raudière. Mesdames les ministres, la réalité de l’adoption en France, c’est dix couples en attente pour un enfant adoptable, et des pays d’origine qui ne sont pas prêts à confier des enfants à des couples de personnes de même sexe. Vous en êtes bien conscientes, je le sais. Alors, inévitablement, la question se pose de savoir qui seront les enfants qui pourront être adoptés, après l’éventuel vote de la loi, par les couples homosexuels se pose. Quelques pupilles de l’État, peut-être. Et après ?

Après, inévitablement, vous ouvrez la boîte de Pandore de la PMA et de la GPA, parce qu’il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter par rapport aux demandes de ces parents. C’est cohérent, c’est logique ; c’est votre logique. C’est d’ailleurs pour cela que nous combattons ce texte de loi depuis une dizaine de jours maintenant.

Or, pour les personnes adoptées qui nous ont apporté leur témoignage et dont la naissance a été le résultat d’une PMA ou d’une GPA, ces pratiques ne sont pas anodines. Qu’ils connaissent ou non les détails de leur histoire, que cette histoire soit douloureuse ou apaisée, c’est toujours une histoire humaine. Que raconteront les parents à leurs enfants issus de PMA ou de GPA ? Là encore, madame la ministre, nous aimerions, sur tous ces points, avoir des réponses et connaître l’avis du Conseil d’État.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1433.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le président, dans cette Assemblée qui est encore nationale – on ne sait jamais, avec la novlangue, à force de vouloir réduire les signifiants pour en faire une bouillie idéologique sans aucun sens, cela pourrait changer –, je veux souligner que les citoyens britanniques ont le droit, jusqu’au 12 mars de cette année, de contribuer au débat public que la Chambre des communes a à peine entamé.

M. Pascal Terrasse. Ça fait un an !

M. Nicolas Dhuicq. Alors que, de ce côté-ci de la Manche, nous avons une absence de référendum, de l’autre côté, du 12 février au 12 mars, les citoyens britanniques peuvent participer par écrit aux débats auprès de leurs représentants de la Chambre des communes.

M. Pascal Terrasse. Ils l’ont fait en France de la même manière !

M. Nicolas Dhuicq. Et contrairement à la désinformation que véhicule l’ensemble des médias de ce pays, la Chambre des communes n’a pas adopté ce qui est encore un projet de loi, parce que le travail parlementaire n’a pas encore réellement commencé. Il ne s’agissait que de la deuxième lecture, qui correspond à notre discussion générale. Et, je le répète, une fois que ce travail sera achevé, il y aura une troisième lecture, puis la Chambre des Lords aura son mot à dire.

Alors, mes chers collègues, à force d’affaiblir la démocratie française, à force d’avoir un président normal, vous êtes en train de détruire ce pays, de le ridiculiser au sein de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Martin. Où étiez-vous ces dix dernières années ?

M. le président. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n° 1515.

M. David Douillet. La vérité, c’est que depuis le début de nos débats, vous avez montré votre jusqu’au-boutisme. Nous respectons votre posture idéologique, nous sommes au Parlement. Vos réponses nous le confirment : ce que vous cherchez avec ce texte, en réalité, c’est non pas de répondre à des situations concrètes, humaines et respectables, mais de répandre cette idéologie égalitariste dans ce qu’elle a de pire. Il s’agit de nier l’évidence. Votre conception de l’égalité nie la différence, elle la refuse en bloc. Et cela, je n’arrive pas à le comprendre, nous n’arrivons pas à le comprendre.

Le code civil, vous l’aseptisez complètement alors que c’est bien évidemment dans cette richesse de la différence qu’on a construit nos familles, nos sociétés. Et cette aseptisation de nos codes, de notre loi, nous causera bon nombre de problèmes dans des centaines de cas de figure. Elle amènera inéluctablement, implacablement, des citoyens qui s’aiment, qui auraient pu vivre leur homosexualité d’une manière pleine et remplie, à devenir des hors-la-loi. Évidemment ! On vous le répète ! Inéluctablement, cette mauvaise posture vis-à-vis de l’humain les amènera à être complices d’un drame qui se déroule en partie en Ukraine et en Inde, un drame dans lequel – et c’est inacceptable – des gens seront exploités et leur corps utilisé. C’est tout simplement impossible, intolérable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 1598.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement est défendu. Je vous répète toutefois, chers collègues de la majorité, ce que nous avons déjà eu l’occasion de développer ici : ce sont les conséquences très prévisibles de ce texte qui nous poussent à vous alerter de manière répétitive sur des choses que vous ne voulez pas – je vous en ai déjà donné le crédit et nous vous avons entendu, en tout cas la majorité d’entre vous –, c’est-à-dire le risque porté à terme par ce texte quant à la gestation pour autrui.

J’ai bien compris que vous ne la souhaitiez pas, personne ne la veut. Ce que je dis là n’est pas tout à fait exact, puisque certains des membres du Gouvernement et de la majorité y sont favorables – qu’elle soit encadrée ou non, c’est un problème de forme, et non de fond.

Nous le répétons inlassablement, avec les forces non pas qui nous restent, monsieur le président, mais que nous avons encore à mettre à disposition du Parlement. De notre point de vue, un tel risque est largement ouvert par ce texte et par les principes qui le fondent et que nous ont présentés depuis le début de cette discussion la garde des sceaux, le rapporteur et le président de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1617.

M. Christophe Guilloteau. D’un mot, je voudrais revenir sur le volet agricole de l’article 13 bis, où il est question de congé maternité.

Étant élu d’une zone rurale, je peux m’autoriser à observer la question avec intérêt. Cela dit, je ne suis pas sûr que ce soit la préoccupation première du monde rural. Pour qu’il y ait des congés maternité, il faudrait d’abord qu’il y ait un service de remplacement efficace.

Je souhaite également revenir à ce qu’a dit mon collègue M. Le Fur, élu comme moi d’une zone rurale, à savoir le résultat des élections d’hier dans les chambres d’agriculture. Vos amis politiques ont pris une déculottée. J’y vois le signe d’un rejet global de la politique que vous menez. Vous verrez d’ailleurs que le phénomène s’amplifiera dans la rue le 24 mars, avec certainement un nombre de manifestants plus important qu’il y a quelques jours à Paris.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1722.

Mme Véronique Louwagie. En définitive, le présent projet de loi continue de décliner la généralisation de terminologies neutres telles qu’« époux », « parents » ou « conjoints ». Désormais, avec l’article 14, ce sont les mots « assurés » et « titulaires » qui sont pris en compte.

Les conséquences pratiques de cette neutralité sémantique et juridique ne sont pas suffisamment appréhendées, comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises. Nous ne disposons pas de suffisamment de recul pour observer les effets induits par ces modifications juridiques, qui sont plutôt d’ailleurs des bouleversements. Or notre code civil, personne ne pourra le contester, n’a pas de besoin d’une révolution ; il doit s’appliquer avec clarté. Rendre neutres des concepts revient à rendre floues des règles juridiques qui ne peuvent ni ne doivent l’être.

Par ailleurs, comme nous vous le faisons inlassablement observer, le projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

Le véritable objet du texte devrait être l’adoption de l’enfant du conjoint. Le texte finalement présenté aujourd’hui donne une suite légale à des actes encore illégaux actuellement en France. La volonté des députés de la majorité de légaliser l’accès des couples de même sexe à la PMA vient alourdir le dispositif et me conduit à soutenir cet amendement tendant à supprimer l’article 14.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1761.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article étend aux couples de même sexe les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance.

Le texte poursuit son entreprise de négation de l’altérité sexuelle. Ce projet de loi occulte la question de l’intérêt supérieur de l’enfant et crée des inégalités entre enfants au nom du respect du principe d’égalité entre adultes.

De plus, cette coordination des droits parentaux est l’occasion de rappeler que les conséquences financières relatives à l’équilibre du régime général de la sécurité sociale, des régimes alignés et des régimes de la fonction publique en matière de pensions de réversion ne sont pas présentées dans l’étude d’impact. Si les conséquences financières d’un projet de loi ne sauraient certes, en elles-mêmes, en justifier le rejet, il n’en est pas moins très dommageable que le Parlement ne puisse pas être éclairé sur ce point et que le Gouvernement ignore ces demandes, lesquelles se sont vu infliger des fins de non-recevoir en commission des lois.

De plus, nous savons tous que les adoptions seront rares, du fait du manque d’enfants adoptables, mais aussi parce que beaucoup de pays ne voudront plus confier leurs enfants à la France à cause de l’application de ce projet de loi – s’il est voté.

Outre que cette loi compliquera encore plus l’adoption pour les couples hétérosexuels, elle aura des suites que tout le monde devine plus ou moins à longue échéance, comme cela a déjà été dit un certain nombre de fois pendant le débat, à savoir la PMA et, après, la GPA.

On voit donc bien que cette loi a pour but de répondre pour répondre aux désirs des adultes, sans prendre en compte l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi je défends la suppression de cet article 14.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l’amendement n° 2242.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas votre faute, monsieur le président, mais ce débat, qui aurait dû être la recherche d’un compromis, est complètement dévoyé. Sur un enjeu aussi grave, il aurait fallu un vrai dialogue et non pas un affrontement politique. En effet, cela relève d’une décision que chaque député doit prendre en conscience, au-delà de son appartenance politique. C’est ce que nous faisons, au groupe UMP, autour de Christian Jacob : le respect de la liberté de conscience est chez nous de tradition sur les sujets de société.

Pour M. Le Roux, qui l’a déclaré publiquement, c’est tout le contraire. Il devrait pourtant méditer la fameuse phrase de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. » M. Le Roux a ouvertement dit qu’il y avait discipline de vote, ce qui signifie en gros : « Je vous intime d’être d’accord avec moi, quoi que vous dise votre conscience. »

Quant à Mme la ministre de la famille, elle se montrait choquée, avant le déjeuner, que nous ayons cité Mme Agacinski, Mme Georgina Dufoix, Mme Guigou, M. Rocard, M. Jospin ou même Léon Blum. Mais qu’y a-t-il de choquant, madame la ministre ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En effet, vous avez de bonnes références !

M. Pierre Lequiller. Ce débat aurait dû dépasser les clivages politiques.

J’ai pour ma part un immense regret : celui qu’un tel bouleversement n’ait pas été l’occasion d’un grand débat, dans le pays comme dans cet hémicycle, avec la recherche d’un consensus. Mais, pour trouver le consensus, encore faut-il ne pas arriver de façon sectaire, avec une vérité révélée. Si l’on n’est pas d’accord avec vous, on est homophobe – ou homosceptique – et ringard.

S’il y avait eu ce grand débat avec liberté de vote et liberté de conscience, on aurait sans doute abouti à un texte d’équilibre pour plus d’égalité pour le couple homosexuel, sans remise en cause de l’institution du mariage – je pense bien sûr à l’union civile. Le Président de la République ne se serait pas retrouvé au bout de six mois avec, contre ce texte, la plus grosse manifestation depuis trente ans.

M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour soutenir l’amendement n° 2539.

M. François Scellier. Notre opposition à cet article 14, dont nous demandons la suppression, est en cohérence avec notre attitude depuis le début de la discussion du texte de loi. Nos collègues ont largement démontré les motifs de notre opposition ; je n’y reviendrai donc pas.

Que le projet de loi tire les conséquences du texte pour adapter des dispositifs comme le droit au congé d’adoption et la majoration des durées d’assurance est logique, comme il l’est pour moi de refuser l’article 14 et de demander sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2967.

M. Philippe Meunier. Nous sommes tous attachés à notre socle républicain et nous partageons tous les mêmes valeurs fondamentales qui sont constitutives de notre régime. Cela dit, il y a deux choses auxquelles nous n’acceptons pas que l’on touche : les enfants et, à travers le droit de vote, la souveraineté du pays.

Avec ce projet de loi, vous avez décidé de transgresser ces frontières que nous avions jusqu’à présent en commun. Vous avez fait votre choix ; vous en assumerez la responsabilité. M. Lequiller a dit tout à l’heure que l’on aurait pu débattre au-delà de nos clivages politiques, de républicains à républicains, en confrontant nos idées, comme nous avons pu le faire sur la bioéthique lors de la commission spéciale. Mais vous avez fait le choix de l’affrontement, du clivage. Je note par exemple l’absence de clause de conscience pour vos parlementaires, puisqu’ils n’ont pas le choix : ils sont obligés de voter le texte.

Mme Brigitte Allain. Personne ne nous oblige à rien !

M. Philippe Meunier. Il faudra en assumer toutes les conséquences. Certains d’entre vous s’amusent et sourient. Je vois ici des députés qui ont une longue histoire politique et un beau parcours, avec des engagements forts. Ils savent que l’histoire se fait parfois avec difficulté. Il nous revient, dans l’Assemblée, de respecter les autres ; cela vaut aussi pour ceux qui sont dans la majorité. Vous n’avez pas voulu le faire. Dont acte ! Vous êtes majoritaires. Il y aura une manifestation le 24 mars prochain et vos votes auront d’autres conséquences ; il faudra les assumer.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 4049.

M. Yves Censi. Contrairement à ce que vous laissez entendre, il n’y a pas eu de débat sur la filiation dans notre pays. Pendant que nous parlons, défile sur les écrans de l’Assemblée un bandeau où il est écrit : « Projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe ». Je crois que vous n’avez pas osé dire qu’il s’agissait non seulement du mariage, mais aussi de l’adoption, sauf à penser que vous considérez – comme nous, au fond – que le mariage et la filiation sont consubstantiels. Dans les deux cas, il y a un paradoxe qui n’a pas été débattu.

Quels en sont les résultats ? Ce sont, comme on le voit dans l’article 14, le déni, le renoncement et le non-dit de votre part – et encore je pèse mes mots. À chaque fois que nous aurions dû évoquer le sujet de la filiation, vous avez retiré tout caractère sexué au texte des codes.

Vous substituez au caractère sexué l’orientation sexuelle. C’est pour cela que, petit à petit, le caractère sexué disparaît de nos codes. C’est un peu comme si l’on disait aux enfants : maintenant, il n’y a plus de papa et de maman, il faut nous appeler « parents ». Or il s’agit là d’un déni. Je vous rappelle que, quand il n’y a pas de caractère sexué, il n’y a pas non plus de sexualité. Vous ne rendez donc service ni aux personnes homosexuelles, ni aux personnes hétérosexuelles.

Je voudrais demander de nouveau à Mme Clergeau pourquoi elle a utilisé, tout à l’heure et les jours précédents, l’expression « famille homosexuelle ». C’est là un beau symbole de la confusion dans laquelle vous êtes.

Enfin, j’ai une question à poser à Mme la garde des sceaux, qui a souvent invoqué les « familles monoparentales ». C’est, là encore, un glissement de langage : comme si les familles monoparentales étaient les familles où il y a un père ou une mère, et…

M. le président. Merci.

Sur le vote de l’article 14, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 4730.

M. Gilles Lurton. Cet article 14 étend aux couples de même sexe les droits en matière de congé d’adoption et de majoration de durée d’assurance. Encore une fois, nous devons discuter d’un article qui entend remettre en cause l’altérité sexuelle.

Madame la ministre, vous nous dites que nous parlons de ce qui n’existe pas dans ce projet. Vous nous dites que la PMA et la GPA ne sont pas dans ce texte et que, en conséquence, nous n’avons pas à en parler.

Vous nous dites encore, à propos des paroles prononcées par Mme Guigou il y a quinze ans, qu’il est possible d’évoluer. Eh bien, comment voulez-vous que nous ayons confiance en vos propos ? Qui nous dit que, d’ici quelques mois, vous n’allez pas revenir devant nous pour légaliser l’ouverture aux couples de même sexe de la procréation médicalement assistée et de la GPA en nous expliquant que, depuis le vote de ce texte, vous avez évolué ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5310.

M. Thierry Benoit. Le Gouvernement suit sa logique : il est favorable au mariage pour tous ; je suis quant à moi favorable à un contrat d’union civile.

De la même façon, vous êtes favorable à l’adoption pour tous ; je n’y suis pas favorable.

L’article 14 – c’est la raison pour laquelle je défends sa suppression – s’oppose à un principe de réalité pour l’enfant, à savoir la notion de père et de mère. À travers cet article, plusieurs questions qui n’ont pas trouvé de réponse sont de nouveau soulevées – elles tournent autour de la filiation. L’égalité, oui, mais nous avons des responsabilités et un devoir en matière législative et réglementaire, celui de clarifier la notion de filiation.

L’article 14 entraîne aussi des conséquences financières dont l’étude d’impact n’a pas cerné les contours.

De plus, jusqu’à aujourd’hui, notre politique sociale laissait une place prépondérante et privilégiée à la mère, à la maman. Or on voit bien que, avec cet article et avec l’orientation que vous prenez, cette place privilégiée réservée à la maman dans notre pays va être déstructurée.

Sur l’ensemble de ce texte, je partage pour ma part l’avis d’un autre breton, M. Bernard Poignant, qui est très attaché aux notions de père et de mère, au sens où on les entend aujourd’hui quand on parle de la famille.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Erwann Binet, rapporteur. L’article 14 du projet de loi ouvre le bénéfice du congé d’adoption et de la majoration de la durée d’assurance vieillesse à tous les adoptants, sans considération de leur sexe.

Nous prenons acte et tirons toutes les conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en modifiant neuf articles du code de la sécurité sociale relatifs, d’une part, aux droits en matière d’indemnisation du congé d’adoption pour les salariés relevant du régime général de la sécurité sociale et pour les travailleurs non salariés relevant du régime des indépendants ou des praticiens et auxiliaires médicaux, et, d’autre part, aux règles de répartition de la majoration de la durée d’assurance vieillesse entre les parents adoptifs.

En voulant supprimer cet article, vous êtes évidemment cohérents avec votre opposition à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. La commission, de son côté, est tout aussi cohérente : elle a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression, dont elle souhaite qu’ils soient repoussés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cet article tire les conséquences de l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe sur le code de la sécurité sociale, et plus précisément, comme l’indiquait à l’instant M. le rapporteur, sur deux dispositifs où il existe un régime différent pour la mère et pour le père, ce qui oblige à définir le régime applicable lorsqu’il y a deux mères ou deux pères adoptifs : le congé d’adoption et la majoration de durée d’assurance pour enfant dans la constitution des droits à retraite.

Le congé d’adoption bénéficie aujourd’hui, en cas d’adoption par un couple, en priorité à la mère. Il peut être partagé avec le père ; dans ce cas, sa durée est bonifiée. Dorénavant, il est ouvert également aux deux parents, quel que soit leur sexe, à charge pour eux de le partager dans des conditions qui seront précisées par décret ; dans ce cas, sa durée continuera d’être bonifiée.

La majoration de durée d’assurance pour enfant est attribuée au père ou à la mère. Une telle rédaction rend impossible le partage de cet avantage entre les membres d’un couple de même sexe, d’où des adaptations nécessaires pour garantir les mêmes droits à tous les couples mariés. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Étant de nature ni tourmentée ni paranoïaque, je préfère considérer que je n’ai pas été suffisamment explicite, tout à l’heure, dans la question que j’ai posée au rapporteur et au président de la commission des lois. Je le dis d’autant plus que le rapporteur a motivé son avis sur l’amendement de suppression de façon tout à fait cohérente et complète.

Je vais donc tenter d’être très clair dans la formulation de ma question, en espérant obtenir enfin une réponse de la part du président de la commission ou du rapporteur. La commission des lois a-t-elle l’intention, en notre nom, de demander au Gouvernement la transmission de l’avis du Conseil d’État ? Dans le cas contraire, le président de la commission ou le rapporteur peuvent-ils nous faire connaître les raisons de ce refus ? J’espère avoir été suffisamment clair pour ne pas avoir à intervenir de nouveau, et surtout, ne pas devenir paranoïaque. (Sourires.)

M. le président. Pour éviter que cela soit, la parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je suis trop soucieux de la santé mentale de Guy Geoffroy pour lui refuser une réponse ! (Sourires.)

Monsieur le député, je n’ai pas l’intention de demander transmission de l’avis du Conseil d’État, et je vais vous dire pourquoi. Le Conseil d’État se prononce sur l’avant-projet qui lui est soumis par le Gouvernement, agissant ainsi comme son conseiller.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien vu !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il a donc donné un avis sur l’avant-projet transmis par le Gouvernement : je n’imagine pas un instant que si cet avis avait comporté des préconisations ou des réserves, le Gouvernement n’en eût pas tenu compte. Il est donc logique de penser que le texte qui a été transmis à la commission tenait compte de l’avis du Conseil d’État. Voilà pourquoi, à ce stade, l’avis du Conseil d’État m’intéresse assez peu.

Il m’intéresse d’autant moins que les travaux que mène notre assemblée depuis onze jours ne portent pas sur le projet de loi transmis par le Gouvernement, mais bien sûr le texte tel qu’il a été adopté par la commission.

M. Christian Jacob. Ce n’est plus une ficelle, c’est une corde à nœuds !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Comme il ne vous a pas échappé que la commission avait modifié bien des éléments du projet de loi gouvernemental, je ne vois pas en quoi l’avis du Conseil d’État, qui doit remonter à plusieurs semaines voire à plusieurs mois, pourrait présenter un quelconque intérêt pour nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(Les amendements nos 104, 236, 429, 434, 480, 1072, 539, 1188, 1433, 1515, 1598, 1617, 1722, 1761, 2242, 2539, 2967, 4049, 4730, 5310 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Sur le fondement de l’article 58 de notre règlement, je souhaite informer notre assemblée que les députés du groupe UMP, comme nous l’avions publiquement annoncé, ont déposé en fin d’après-midi au greffe de la section du contentieux du Conseil d’État une requête en excès de pouvoir contre la circulaire par laquelle Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, a, de manière contournée, partiellement légalisé les conventions de mères porteuses.

À cette requête en excès de pouvoir déposée par les députés du groupe UMP se joindront un certain nombre d’associations de défense de la famille, provenant de plusieurs départements, tant l’émotion est grande dans le pays depuis la publication de cette circulaire. C’est donc devant le Conseil d’État qu’un débat juridique serein aura lieu. Nous aurons, pour le coup, une réponse de la section du contentieux du Conseil d’État sur cette question très sensible et très délicate. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 14 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3009 rectifié et 4346.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3009 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Je veux saluer ici la finesse et l’habileté du président de la commission des lois. Il a expliqué à l’Assemblée nationale que, parce que le texte dont nous débattons est celui de la commission, d’une part, et parce que, par hypothèse, l’avis du Conseil d’État ne portait « que » sur le texte transmis par le Gouvernement, d’autre part, cet avis ne serait pas d’une utilité législative de première importance.

Mais l’homme de culture que vous êtes, monsieur Urvoas, pourrait, ne serait-ce que pour la culture juridique de l’Assemblée, outrepasser ces propos ! Personnellement, je trouverais intéressant, un jour peut-être, d’avoir ce document complet entre les mains. L’amendement est défendu.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous l’aviez dit comme ça… (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4346.

M. Marc Le Fur. Je suis quelque peu ébahi par les propos du président de la commission. En gros, il nous explique que, fort de ses certitudes, il n’a besoin de l’avis de personne. En fait d’avis, il s’agit quand même de celui du Conseil d’État, une institution de la République, le conseiller juridique du Gouvernement !

Monsieur Urvoas, vous refusez de demander cet avis, mais, ce faisant, vous refusez de le communiquer aux commissaires, et au-delà, à l’ensemble des députés. Ce n’est pas très convenable ! Vous nous dites : « Je suis sûr de moi, je n’ai besoin de personne. Je m’accroche à mes certitudes ! »

M. Yves Albarello. Quelle arrogance !

M. Marc Le Fur. Cela me rappelle une formule de Céline…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Eh bien, bravo ! Ça ne m’étonne pas de vous !

M. le président. Laissez conclure M. Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je conclus : « Accrochez-vous à vos préjugés, ils vous tiennent chaud. »

(Les amendements identiques nos 3009 rectifié et 4346, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4341.

M. Marc Le Fur. Je persiste à penser que ce refus n’est pas seulement l’affaire du président de la commission des lois : il concerne l’Assemblée tout entière et met en cause le sérieux de nos travaux. Comme je l’ai répété ces derniers jours, cet avis met en garde contre les dérives potentielles d’un certain nombre d’initiatives parlementaires, et, par anticipation, contre les risques que représenterait l’adoption d’éventuels articles balais. En soi, cet avis nous intéresse. De plus, c’est un avis officiel. Je continue de croire que si l’on ne nous le transmet pas, c’est que l’on nous cache quelque chose. Et en ne nous le donnant pas, l’on crée une inégalité entre les parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je voudrais d’abord faire une observation sur la tonalité générale et sur les arguments développés tout au long de cet après-midi, qui portaient notamment sur la différence d’appréciation qui existerait entre le monde urbain et le monde rural, lequel serait empreint de bon sens, attaché aux traditions.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le bon sens paysan !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ainsi s’expliquerait l’opposition de ce monde rural dont les députés du groupe UMP ont décidé qu’ils étaient les porte-parole.

Je vous renvoie au sondage publié aujourd’hui, qui plonge d’ailleurs le Gouvernement – mais aussi la majorité, j’imagine – dans une grande perplexité, car plus le débat avance, plus vos arguments sont connus des Français et plus le nombre de personnes favorables à l’ouverture du mariage augmente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est faux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il faudrait que cela continue encore quelque temps, car nous atteignons des chiffres très élevés : selon le sondage de l’IFOP publié aujourd’hui sur le site internet atlantico, 66 % des Français sont favorables au mariage des couples homosexuels.

Mme Laure de La Raudière. Et combien à l’adoption ?

M. Yves Censi. Il n’y a pas eu de débat sur l’adoption !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il est intéressant de noter que les personnes de moins de 35 ans sont favorables à 78 % à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, alors que, parmi les plus de 65 ans, seulement 44 % y sont favorables.

M. Hervé Mariton. Ce ne sont pas des citoyens, peut-être ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ils sont citoyens comme les autres. Je donne simplement lecture du sondage. Mais le plus intéressant – je veux dire, le plus intéressant pour vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, pour nourrir votre réflexion –, ce sont les différences géographiques. Sur l’agglomération parisienne, 64 % des personnes sont favorables à l’ouverture du mariage.

M. Philippe Meunier. C’est le Marais !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Elles sont 66 % dans les communes urbaines de province. Et leur chiffre atteint 69 % dans les communes rurales ! C’est donc bien dans ces communes-là que l’on trouve aujourd’hui le plus de personnes favorables. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Je pense que cela devrait nourrir votre réflexion, sinon sur le texte, du moins sur l’effort qui vous reste à faire.

J’en viens à l’avis du Conseil d’État. Quelqu’un, ici, est cohérent et fidèle au point de vue qu’il a toujours défendu sur cette question qui touche à l’organisation de nos institutions : c’est M. Le Fur.

Comme vous le savez, l’article 39 de la Constitution confère au Conseil d’État ce rôle de travail consultatif sur les projets, avant qu’ils ne soient présentés en Conseil des ministres. Depuis le Consulat, l’avis du Conseil d’État est secret. Simplement, le Premier ministre, s’il l’estime utile, peut le communiquer.

M. Hervé Mariton. Aujourd’hui, il le doit !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur la nature juridique de ces avis du Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a précisé à deux reprises qu’il ne s’agissait pas de documents administratifs. En ce sens, personne ne peut saisir la commission d’accès aux documents administratifs. Le Conseil constitutionnel a aussi précisé que le Conseil d’État, dans ce travail, ne pouvait jamais être considéré comme co-auteur de la loi ; sa responsabilité ne peut donc être recherchée.

Lors des débats sur la réforme constitutionnelle de 2008, M. Le Fur avait défendu, avec quelques autres d’ailleurs, l’idée que nous devions changer la règle afin que cet avis devienne un élément du débat parlementaire. Certains de ceux qui interpellent aujourd’hui le Gouvernement s’étaient, à l’époque, opposés à cette proposition de M. Le Fur, au nom du respect de la tradition républicaine et de nos principes. Je n’aurai pas, naturellement, la cruauté de les nommer.

Je pense qu’ils avaient raison. Ce n’est pas une question qui oppose la droite et la gauche ; il faut bien en mesurer les enjeux et se demander, chaque fois que nous avons ce débat, pourquoi, depuis le Consulat, sous toutes les Républiques, quelles qu’aient été les majorités, cette règle n’a pratiquement connu aucune exception. Je n’en connais qu’une, dans un passé récent : elle concernait le débat sur la Corse et s’expliquait parce que l’avis touchait à des questions constitutionnelles. Sinon, jamais en dix ans, sur aucun texte, votre majorité n’a communiqué l’avis du Conseil d’État, et elle a eu raison.

Monsieur Geoffroy, vous avez laissé entendre que, dans la pratique, la règle du secret était levée au profit du rapporteur, ce qui est un peu singulier. Admettons, dans ce cas, qu’il y ait une forme d’amnistie collective.

La question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir si l’UMP a changé de position depuis 2008 et si vous estimez désormais nécessaire une réforme constitutionnelle qui remette en cause le caractère confidentiel de l’avis du Conseil d’État. Mais chacun doit bien mesurer que cela modifierait radicalement la nature de cet avis. En effet, quand le Conseil d’État éclaire aujourd’hui le Gouvernement sur un projet de loi, il le fait avec toute la liberté que lui procure la confidentialité de son avis. Si l’on décidait que cet avis doit être porté au débat, il deviendrait un document administratif, communicable à tous, sur la place publique, ce qui priverait le Conseil d’État d’une liberté à laquelle il est très attaché, puisque l’avis qu’il rend deviendrait une prise de position dans le débat public.

Rouvrir le débat sur le sujet ne serait pas illégitime, mais une modification de la règle aujourd’hui en vigueur serait lourde de conséquences. Quoi qu’il en soit, c’est pour la raison que j’ai dite que le Premier ministre a décidé de ne pas lever la confidentialité. Et à moins que les responsables de l’UMP nous révèlent que leur position a totalement changé, je pense que nous avons sur le sujet des positions proches.

Je prie ceux qui ont déjà entendu cette démonstration de bien vouloir m’excuser de l’avoir répétée, mais vous connaissez, pour en avoir offert une parfaite illustration aujourd’hui, la maxime de Léon Blum à propos des hommes politiques : « Finalement, on n’a le choix qu’entre se répéter ou se contredire. » Je pense que, sur cette question, l’UMP, aujourd’hui, a décidé de se contredire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 4341 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3012 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n° 3012 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2999.

M. Jean-Frédéric Poisson. Que le ministre des relations avec le Parlement ne s’excuse pas de redire ce qu’il a déjà dit l’autre jour en des termes identiques ! Nous sommes toujours heureux en effet que le Gouvernement s’adresse à la représentation nationale, monsieur le ministre.

J’aurais néanmoins aimé qu’une lecture plus précise des sondages montre combien, si les Français sont ouverts à l’idée du mariage entre personnes du même sexe, ils restent, sur la question de la filiation et de l’adoption,…

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Partagés.

M. Jean-Frédéric Poisson. Partagés, c’est peu dire, monsieur le ministre. Et lorsqu’ils auront découvert ou compris l’ensemble des conséquences vers lesquelles nous entraîne ce texte – ce à quoi aura servi ce long débat –, leur opposition en sera renforcée.

On le sait depuis longtemps, l’opinion publique est majoritairement favorable au mariage entre personnes dd même sexe. Soit. Pour la filiation et l’adoption, c’est beaucoup plus compliqué, notamment car cela met en jeu l’altérité sexuelle comme principe fondateur de l’organisation sociale. L’objet de cet amendement est donc de la préserver.

(L’amendement n° 2999, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2990 rectifié et 4337.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai à M. Le Fur le soin de défendre ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse, une fois de plus circonstanciée et précise mais qui comporte, me semble-t-il, un sophisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En l’occurrence, nous ne vous demandons pas de changer la règle selon laquelle le Gouvernement n’a pas l’obligation de nous communiquer l’avis du conseil d’État. Car s’il n’en a pas l’obligation, il en a la faculté. Or nous ne demandons pas non plus à ce qu’il use de cette faculté sur l’ensemble des projets de loi, mais sur celui que nous sommes en train d’examiner. C’est un projet singulier, particulièrement important, comme en témoigne la durée – onze jours – de nos débats, et qui suscite dans le pays une attention très particulière.

Nous vous demandons donc qu’en la circonstance, le Gouvernement fasse usage de cette faculté. Vous pouvez refuser, nous en convenons, et nous ne pouvons pas contester juridiquement cette décision ; en revanche, nous pouvons la contester politiquement, au nom de la transparence et de l’importance du débat. En outre, tout secret risque d’entraîner une inégalité entre les parlementaires, ce qui nous peine.

Pour ma part, il est vrai que, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, j’allais plus loin, puisque j’étais même prêt à faire évoluer ce principe au nom d’une conception moderne de la transparence. Mais c’est un autre débat. Il ne faut pas confondre l’exception circonstancielle que nous vous demandons et la réforme de la règle elle-même que je préconisais.

J’ajoute que, dans le passé, plusieurs avis ont fini par être publiés, parfois longtemps après – ce qui est un peu différent, j’en conviens –, mais parfois assez vite. J’en appelle à tous les juristes qui pourraient m’entendre, pour qu’ils m’envoient sur mon mail de l’Assemblée des éléments de réponse circonstanciés, de façon à ce que je puisse relancer le débat, car il me semble que nous avons connu, depuis dix ans, d’autres exceptions. Mais je ne peux pas en dire plus, parce que, en cet instant, je ne les ai pas en tête.

M. le président. Cet appel au peuple est une preuve supplémentaire que l’on ne peut pas supprimer le wifi dans l’hémicycle ! (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 2990 rectifié et 4337, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 4330.

M. Philippe Martin. Il a trouvé un autre sophisme !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Il va demander l’avis du Conseil d’État !

M. Marc Le Fur. Une question reste pendante, monsieur le ministre, c’est celle du référendum ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une question juridique mais une question politique, à laquelle nous n’avons pas eu de réponse. L’importance du sujet justifie qu’une initiative en ce sens soit prise. Certes, c’est une initiative qui, en l’état actuel de notre droit, relève du Président de la République, mais je saisis l’occasion de cet amendement – dont l’objet est vraisemblablement assez éloigné de la question du référendum – pour poser de nouveau cette question.

M. Pascal Terrasse. Il faut lire le livre de Wauquiez !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable à cet amendement qui ne porte pas sur le référendum mais sur l’indemnisation des conjoints.

(L’amendement n° 4330 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 2988 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes dans les articles L. 613-19-1 et L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale. L’objet de cet amendement est identique à celui des amendements précédents : il vise à maintenir le principe de l’altérité sexuelle comme un des principes de notre droit. L’amendement est ainsi défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable.

(L’amendement n° 2988 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 14.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 147

Nombre de suffrages exprimés 147

Majorité absolue 74

(L’article 14 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Article 16 bis

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16 bis.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet article dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité, s’il est marié avec une personne de même sexe. Cela part d’une bonne intention, mais nous nous demandons, dans l’hypothèse où, par malheur, cette loi serait votée, pourquoi cette protection devrait être réservée aux personnes mariées. Il n’y a aucune raison pour qu’un salarié pacsé ou célibataire ne soit pas eux aussi protégés, face aux législations inacceptables de certains États qui pénalisent ou incriminent l’homosexualité.

Nous vous proposerons donc des amendements bien davantage protecteurs des libertés que ne l’est votre projet, pour faire en sorte que toute personne puisse refuser une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité. Ils apporteront la démonstration que l’opposition entend davantage protéger les personnes que ne le fait la majorité.

Vous vous êtes enfermés dans le seul sujet du mariage, certes important, mais la liberté et la protection doivent être assurées bien au-delà. La question des législations éthiquement et moralement inacceptables, manifestement contraires aux droits de l’homme, doit être étendue. Certains de nos concitoyens peuvent ainsi être amenés à rencontrer, dans certains pays, des difficultés graves du fait de leurs pratiques ou convictions religieuses. Il faut que nous y réfléchissions. Je ne dis pas qu’il est facile de trouver une réponse législative, mais, qu’il s’agisse des orientations sexuelles ou des convictions religieuses – et d’autres enjeux peuvent apparaître –, il importe de pouvoir, dans certains pays, préserver nos concitoyens d’une atteinte grave aux droits de l’homme ou à la dignité humaine. Je pense, par exemple, à la charia, question qui avait été abordée au moment de l’ouverture de la base française à Abu Dhabi.

Voilà en tout cas un exemple précis qui démontre que le groupe UMP est bien davantage protecteur des libertés et des choix professionnels des homosexuels que ne l’est la majorité.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le début était mieux que la fin !

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Je dois vous avouer que je suis perturbé par la question de M. Mariton, et je tiens à le dire. En effet, j’aurais au moins inclus dans la loi, aux côtés des personnes mariées, les personnes pacsées, car finalement, leur situation est exactement la même. Dès lors, il est parfaitement concevable que le code du travail les autorise elles aussi à refuser une mutation, à partir du moment où c’est véritablement un problème de conscience qui se pose à la personne.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, mes chers collègues, on peut dire que l’amendement n° 2040 de M. Mariton est très astucieux parce qu’il pointe effectivement un problème, mais notre collègue oublie qu’il y a des conventions internationales dont les normes juridiques s’imposent au droit national. Il est vrai que, si on suit la logique de son exposé, il est tout à fait justifié d’étendre le champ de l’article 16 bis à d’autres domaines, par exemple au droit d’exercer sa religion librement. Vous avez cité la charia, mon cher collègue, on pourrait aussi mentionner le problème récurrent des Coptes en Égypte ou, parmi bien d’autres exemples, le cas des baha’is en Iran. Mais la question est ici celle du mariage.

Il faut savoir distinguer les questions. Celle qui est posée aujourd’hui, c’est la protection de deux personnes de même sexe qui ont fait le choix de se marier. Elles doivent avoir le droit de refuser une mutation dans un pays où l’homosexualité est criminalisée. Et d’autre part, des combats sont menés et des conventions internationales signées pour la décriminalisation de l’homosexualité. Prenons l’exemple de l’Égypte : encore dans son printemps arabe, dans sa révolution, elle est toujours un pays dans lequel l’homosexualité est considérée comme un crime. Rappelons qu’en France, nous avons attendu 1981 et François Mitterrand pour la décriminaliser et qu’elle figurait dans la Classification internationale des maladies mentales jusqu’en 1983. Il reste de nombreux pays dans lesquels l’homosexualité est encore considérée comme un crime.

Y a-t-il discrimination lorsque l’on décide, dans une loi sur le mariage, que le couple de même sexe ou l’un de ses membres pourra refuser une mutation dans un pays où l’homosexualité est criminalisée ? Bien sûr. Mais je ne pense pas que cela puisse être mis sur le même plan que la question, beaucoup plus générale, des atteintes aux droits de l’homme qui ne concernent pas que les homosexuels. Car en général, lorsque les homosexuels sont criminalisés, ils ne sont pas les seuls à subir des atteintes aux droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. J’ai moins d’expérience à la commission des lois que mon collègue Noël Mamère et j’ai sans doute besoin de quelques explications supplémentaires. L’amendement de M. Mariton est malin, mais pas uniquement car, dans les pays où l’homosexualité est assimilée à un crime, la question n’est pas celle du statut conjugal des personnes concernées, mais simplement celle de leur orientation sexuelle. La question soulevée par notre collègue Mariton n’est donc pas totalement dénuée de pertinence.

M. Hervé Mariton. Vous pouvez même dire qu’elle est très pertinente, mon cher collègue !

M. Sergio Coronado. J’attends des explications plus précises et plus concrètes de la part du rapporteur et de la garde des sceaux : dans quelle mesure une personne homosexuelle pourra-t-elle refuser une mutation ? Quel sera le statut de la protection dont elle pourra bénéficier ? Par l’amendement que défendra ma collègue Massoneau, nous souhaiterons élargir cette protection aux couples pacsés.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je note avec intérêt, suite à l’intervention d’Hervé Mariton et aux amendements que nous avons déposés sur cet article qui est loin d’être anodin, une prise de conscience par certains de nos collègues du fait que nous pouvons tomber d’accord sur certains sujets, même si nous restons en profond désaccord sur l’essentiel du texte.

Je pars d’un adage bien connu : qui peut le plus peut le moins. À défaut de la suppression de cet article – ce qui pourrait se justifier, parce qu’il est restrictif et qu’il crée des discriminations –, nous proposons d’en faire un article qui, à l’occasion d’un projet de loi très contesté dans ses fondements, fera avancer la cause de la non-discrimination au profit des personnes homosexuelles. Mais quand certains proposent d’étendre le champ d’application de cet article uniquement aux personnes pacsées, cela m’amène à poser une question : qu’en est-il du cas de deux hommes ou de deux femmes qui ont fait le choix, et souhaitent le maintenir, de ne pas traduire leur union par un quelconque acte, ni PACS aujourd’hui ni mariage – si par malheur cela était possible demain ? Voter cet article reviendrait à leur dire implicitement que pour pouvoir être protégés, ils auraient dorénavant obligation de se pacser ou, pire – pardonnez-moi de le dire ainsi –, de se marier.

La sagesse de notre assemblée en serait renforcée si, en contrepartie de l’abandon de nos amendements de suppression, tout le monde se mettait d’accord sur l’amendement n° 2040 de M. Mariton, qui prévoit, pour toutes les personnes homosexuelles, un droit nouveau, celui de refuser une mutation dans un pays où leur orientation sexuelle serait criminalisée. Cette illustration du « qui peut le plus peut le moins » serait une bonne œuvre que nous ferions, au terme de ce débat, pour l’ensemble de nos concitoyens concernés.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements de suppression de l’article 16 bis.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 106.

M. Marc Le Fur. M. Mariton nous a engagés dans un débat tout à fait passionnant et je crois que l’on pourra avancer. Il soulève une vraie question : nous sommes dans une société mondialisée, mais où les droits ne sont pas les mêmes partout. Cela concerne l’homosexualité, certes, mais aussi bien d’autres engagements, en particulier les engagements religieux. Muté en Arabie Saoudite, vous ne pouvez absolument pas pratiquer un culte chrétien, même si vous êtes diplomate, et un clerc ne peut être autorisé à s’y rendre. L’Arabie saoudite pose même des questions pour savoir si vous n’êtes pas d’origine juive. Que l’on réfléchisse globalement à la question. Mais il n’y a aucune raison d’isoler la situation des homosexuels, dont je ne nie pas la difficulté, par rapport à d’autres. Ce n’est pas parce que nous débattons aujourd’hui de la protection de l’homosexualité que nous devons la limiter aux seuls homosexuels :…

M. Jean-Marie Le Guen et M. Bernard Roman. Mais nous sommes d’accord !

M. Marc Le Fur. …il y a les discriminations liées aux engagements religieux, au sexe, ou à d’autres éléments qui ne me viennent pas spontanément à l’esprit. Il faut être exhaustif, et il ne faut pas, d’une manière ou d’une autre, singulariser une certaine catégorie de personnes.

L’autre obstacle à la disposition proposée, c’est que notre pays n’a pas vocation à donner des leçons au monde entier. Il faut donc que nous protégions nos ressortissants sans distribuer aux autres pays des bons points et des mauvais points, quitte à provoquer des conflits avec nombre d’entre eux.

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour soutenir l’amendement n° 238.

M. Bernard Deflesselles. Je profite de la défense de mon amendement pour répondre, si vous me le permettez, au ministre des relations avec le Parlement. Il nous a fait tout à l’heure une lecture très approfondie des sondages et je me dois d’apporter quelques rectifications.

Monsieur le ministre, un sondage de l’IFOP a été publié avant-hier, un autre de l’IFOP et un du CSA l’ont été aujourd’hui. Vous avez omis celui d’avant-hier, sur les maires : il montre que 52 % des maires sont opposés au mariage d’un couple de même sexe, et 61 % souhaitent que le Gouvernement interrompe la discussion du projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le sondage CSA, fait à la demande des familles, est très intéressant : 55 % des Français pensent qu’une famille composée de deux adultes de même sexe n’est pas une famille. Monsieur le ministre, il est vrai que 60 % – et non 66 % – des Français sont pour l’ouverture du mariage, vous avez raison. Mais vous avez omis la phrase suivante : « Les résultats sont plus spectaculaires quand les questions se font plus personnelles. Ainsi, les personnes ayant des enfants de moins de quinze ans se tourneraient massivement – à 98 % – vers des familles avec un couple homme-femme s’ils se retrouvaient dans l’incapacité de s’occuper de leur progéniture en cas de décès. » Cela veut bien dire que l’adoption des enfants n’est pas un sujet aussi simple que vous le promettez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je crois que mes arguments ont été assez largement entendus et partagés sur les bancs de cet hémicycle. Personne ne doit revendiquer de droits d’auteur : nous sommes en train de construire et nous essayons, pour notre part, d’apporter des idées. La suppression de l’article ne me paraît pas la meilleure idée, parce qu’il vaut mieux avoir une protection que pas de protection du tout.

M. Guy Geoffroy. C’est clair ! Mais il faut une protection pour tous !

M. Hervé Mariton. Cela étant, il serait bon que la commission et le Gouvernement s’expriment, par souci de cohérence, avant le vote sur la série d’amendements de suppression de l’article, ce qui nous permettrait de savoir comment avancer par la suite.

La suppression de l’article 16 bis n’est pas une bonne idée, disais-je, et même si la problématique de la protection va évidemment au-delà de l’orientation sexuelle, reconnaissons que dans ce texte, on ne peut pas tout traiter. La protection que nous apporterions à des personnes auxquelles serait proposée une mutation dans un pays où l’homosexualité est incriminée, quel que soit leur statut conjugal ou contractuel, quelle que soit leur orientation sexuelle, affichée ou pas – elle n’a pas nécessairement vocation à être sur la place publique –, constituerait déjà un progrès important.

Mais je souhaite que la commission et le Gouvernement nous précisent, avant le vote de cette série d’amendements, comment ils perçoivent ce sujet important, qui pourrait être l’occasion d’un vrai progrès pour nos concitoyens.

M. Guy Geoffroy. C’est un sujet consensuel !

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n° 278.

M. Philippe Le Ray. Je voudrais revenir un instant sur les engagements du candidat Hollande car je crois sincèrement qu’il partait d’une très bonne intention : donner des droits nouveaux et défendre l’égalité entre chaque citoyen. Malheureusement, pris dans son élan, pris par ses promesses électorales, il a cédé au chantage d’une minorité. Il a eu d’ailleurs le réflexe tout naturel, lors du Congrès des maires, de revenir un petit peu en arrière.

Mesdames les ministres, mes chers collègues de la majorité, vous avez cassé l’institution du mariage, et surtout, vous avez refusé l’alliance civile, tout en ouvrant des brèches, au point d’être tellement pris dans votre élan qu’on en arrive à cet article où vous créez une inégalité in fine. En effet, c’est une discrimination inversée que de créer le droit de refus de mobilité géographique uniquement pour des raisons liées à l’orientation sexuelle, alors qu’on sait très bien, mes collègues viennent de le rappeler, que des couples composés d’un homme et d’une femme peuvent, eux aussi, dans certains pays, être confrontés à une hostilité, notamment pour des raisons d’ordre cultuel.

Plutôt que de supprimer l’article, je suis d’accord avec M. Mariton sur ce point : il faudrait amender cette disposition créant un droit de refus.

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 481.

M. François de Mazières. Je rejoins Hervé Mariton : nos amendements de suppression ne sont pas la solution idéale. La discussion de cet article est intéressante parce qu’elle met l’accent sur la dimension internationale du sujet. L’avis du Conseil d’État a encore été évoqué tout à l’heure, et il se trouve qu’il a été distillé par La Vie. On y lit que le Conseil d’État prévoit des conséquences assez graves sur les conjoints étrangers : « En outre, l’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages que la doctrine a qualifiés de “boiteux”, en ce qu’ils produisent des effets en France mais s’avèrent nuls selon la loi étrangère des époux. Dans des hypothèses exceptionnelles, mais qui doivent être prises en considération, ces mariages pourraient même exposer certains étrangers à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. »

L’hebdomadaire La Vie relayait cette question : « Que se passerait-il en effet si un Iranien, marié à un Français et résidant en France à ce titre, divorçait et se voyait forcé de retourner dans son pays d’origine ? » C’est une question grave évoquée par Noël Mamère tout à l’heure. Et l’hebdomadaire de citer l’avis : « Le Conseil d’État invite donc le Gouvernement à informer les officiers d’état civil, afin de leur permettre d’alerter l’étranger concerné des conséquences que pourrait avoir sur celui-ci son mariage avec une personne de même sexe, s’il venait à être connu de ses autorités nationales, surtout en cas de retour dans son pays d’origine. »

La question est importante. Elle explique pourquoi les maires demandent un temps supplémentaire pour l’examen de ce projet de loi. Nous en revenons ainsi à la question posée pour l’article 371-1 du code civil. Au fond, ceux qui ont vraiment travaillé la loi, ce qui est souvent le cas des maires, demandent…

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1144.

M. Philippe Cochet. Je regrette que le ministre des relations avec le Parlement soit parti. C’est un homme brillant mais, juste avant la séance de quinze heures, il intervenait dans une émission de télévision où un journaliste lui a demandé : « Est-ce que la mascarade qui est en train de se dérouler au Parlement va continuer ? » Il n’a pas réagi.

M. Jean-Marie Le Guen. Et alors ?

M. Philippe Cochet. C’est inquiétant. Quand on est ministre des relations avec le Parlement, on défend le travail des parlementaires. Or, avec son amendement n° 2040, notre collègue Mariton met le doigt sur quelque chose qui montre une fois de plus que votre texte n’est pas suffisamment travaillé, et c’est tout à son honneur.

Tout cela met un terme aux critiques que vous formulez à l’égard de nos collègues de l’UMP qui travaillent sur ce texte depuis longtemps et qui essaient de vous faire comprendre qu’il n’est pas adapté. Nous avons là une illustration précise de ce qu’est vraiment un travail parlementaire. J’espère que le ministre des relations avec le Parlement pourra répondre sur ce point.

Le travail que nous faisons doit être au service de la France et des Français. Si la majorité fait preuve d’arrogance et nous regarde souvent avec condescendance, la pratique montre que nous avons au contraire toute notre place. Vu l’état d’impréparation de ce texte, vous devriez écouter les maires de France qui demandent la suspension de l’examen de ce texte.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Prendre la parole pour dire ça ? Franchement, il valait mieux se taire.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 1189.

Mme Laure de La Raudière. Cet article 16 bis soulève un vrai sujet, finalement beaucoup plus large que celui qui est visé dans sa rédaction. Vous en avez d’ailleurs conscience ; certains collègues de la majorité l’ont évoqué ; notre collègue Mariton l’a très bien exposé.

Le problème posé est celui de la protection du salarié face à une demande de mobilité au sein de son entreprise dans un pays où ce même salarié sera condamné soit en raison de son orientation sexuelle, soit pour diverses autres causes comme ses convictions religieuses.

Nous souhaitons que cet article puisse être élargi pour couvrir au moins, puisque nous sommes dans le cadre d’un texte sur le mariage de personnes de même sexe, tous les homosexuels confrontés à une situation où leur entreprise leur demande d’accepter une mobilité dans un pays condamnant l’homosexualité. Je pense qu’il est de votre responsabilité de nous écouter sur ce sujet. Sinon, des homosexuels pacsés ne seraient pas protégés, par exemple. Cela n’a pas de sens. Cet article fournit aussi un exemple supplémentaire de votre impréparation globale sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1434.

M. Nicolas Dhuicq. Finalement, avec ce texte, vous êtes dans les déliaisons dangereuses : vous êtes en train de rendre impossibles les rencontres qui fondent une vie d’homme ou de femme. L’expression « déliaisons dangereuses » n’est pas de moi, mais j’ai un lien avec l’auteur du livre qui porte ce titre. Et pour poursuivre sur le même thème, je me demande quel sera le fil rouge de la vie de ces enfants à venir.

En effet, et nous l’avons démontré au cours des débats, votre loi amènera inéluctablement à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes. Et pour les couples d’hommes, au nom du souci de l’égalité que vous poussez jusqu’à l’égalitarisme, elle conduira donc automatiquement à la gestation pour autrui.

M. Céleste Lett. Exactement !

M. Nicolas Dhuicq. Quelle sera la scène primitive de ces enfants à venir pour leur permettre de se construire ? Quels seront les liens et les contacts, quels seront les repères identificatoires auxquels ils auront droit ? Quels seront les cadres dans lesquels ils pourront progresser et devenir des adultes responsables, voire des parlementaires ?

Encore une fois, vous complexifiez inutilement la vie des enfants à venir. Vous êtes vraiment dans la déliaison, qui fait référence à l’état limite. Je trouve que ce texte pousse réellement à l’indifférenciation et à l’état limite généralisé.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement n° 1625.

M. Christophe Guilloteau. Si je compte bien, cela fait onze jours que nous examinons ce texte et nous avançons à petits pas, puisque nous en sommes à l’article 16 bis, et celui-ci vaut son pesant de gratons.

À un moment où la France compte 1 000 chômeurs de plus par jour, on va se préoccuper du fait que les ressortissants de certains pays pourraient être en situation inconfortable. Je rappelle qu’il n’y a que dix pays dans le monde qui reconnaissent le mariage entre hommes ou entre femmes, ce qui va nous amener à avoir quelques difficultés de droit à régler avec les autres. Je ne suis pas sûr que l’on soit dans la vraie réalité…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le sujet non plus !

M. Christophe Guilloteau. …et je ne suis pas sûr que ce soit ce que les Français attendent aujourd’hui. Cette France qui va si bien, à en croire nos amis socialistes, n’est pas franchement celle dans laquelle je vis. Mes électeurs ont d’autres préoccupations. Ils veulent de la sécurité, de l’emploi, des élus qui parlent de vérités mais certainement pas de ce genre de choses. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.) Chers collègues, nous ne devons pas vivre dans le même monde. Il y a le monde des bisounours où tout va bien, et il y a l’autre monde.

Enfin, chers collègues, je pense qu’il est temps de se ressaisir et de faire en sorte que ce texte soit retiré ou remplacé.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Carrément !

M. Philippe Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 1723.

Mme Véronique Louwagie. L’objectif poursuivi par cet article est louable, nous avons eu l’occasion de le dire. Nous pourrions retenir deux points : l’égalité que vous prônez depuis le début pour justifier ce texte sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe ; un principe de droit qui est l’égalité des salariés. En définitive, avec cet article 16 bis, vous créez deux discriminations : entre les personnes hétérosexuelles et les personnes homosexuelles dans une même entreprise ; entre les personnes mariées et celles qui ne le sont pas.

Cet article montre une impréparation. Parmi les questions qui restent pendantes, je vais vous en poser une : qu’en est-il de la possibilité ou non de l’existence d’une information relative à l’orientation sexuelle du salarié dans son dossier personnel ? Dans une entreprise, s’il y a une proposition de mutation dans un pays condamnant pénalement l’homosexualité, il y aura des notes, des échanges entre l’entreprise et le salarié. Qu’en est-il de la conservation de ces échanges, de ces notes dans le dossier personnel du salarié ?

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n° 1763.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article prévoit que si un salarié dont le contrat contient une clause de mobilité géographique est marié avec une personne de même sexe, il peut refuser une mutation dans un pays condamnant pénalement l’homosexualité.

L’inscription dans la loi de ce droit au refus est préjudiciable à plus d’un titre. Il peut créer un sentiment d’injustice chez les couples mariés hétérosexuels qui sont, de fait, davantage sujets à la mobilité. Surtout, il crée une discrimination entre les couples homosexuels : ceux qui sont mariés peuvent refuser de droit la mobilité, ceux qui ne le sont pas ne le peuvent pas, y compris les pacsés.

Voilà donc que pour répondre à une prétendue inégalité, vous continuez à créer des discriminations entre les couples homosexuels eux-mêmes, d’une part, et entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, d’autre part.

Vous créez aussi des inégalités entre les enfants : il y aura ceux qui pourront être élevés par un père et une mère, et les autres. Retirez donc ce texte inopportun et dangereux pour notre société.

M. Céleste Lett et M. Philippe Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 2968.

M. Philippe Meunier. La différence entre M. le président de la commission des lois et M. le ministre des relations avec le Parlement, est que le premier ment sur sa profession de foi alors que le second interprète les résultats des sondages en fonction des circonstances et des intérêts du Gouvernement et du parti socialiste.

Allons jusqu’au bout de la logique du Gouvernement. Puisque les sondages sur le mariage pour les homosexuels sont bons, comme l’indiquerait le dernier sondage de l’IFOP, il faut donc adopter cette loi dès demain, explique le Gouvernement. Il devrait lire aussi les sondages de popularité du Président de la République et du Premier ministre, qui sont exécrables, et en tirer également toutes les conséquences, c’est-à-dire demander leur départ.

L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 3018.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, avec votre permission, je vais peut-être prendre un peu plus de temps que d’habitude. Comme je n’ai pas beaucoup torturé le règlement de l’Assemblée nationale jusqu’ici, j’espère que vous ferez preuve de mansuétude à mon égard.

Mes chers collègues, je demande la suppression de cet article pour les raisons suivantes.

D’abord, je critique sa place dans le code du travail. Vous le situez après deux articles destinés à protéger les personnes qui sont amenées à faire état de l’existence de discriminations ou à les juger : l’article L. 1132-3 et l’article L. 1132-3-1 qui désignent ces deux types de personnes. Je ne vois pas en quoi des personnes qui seraient elles-mêmes victimes de discrimination seraient concernées par un article situé à cet endroit du code. Il y a un problème de cohérence concernant la place de cet article. Le président de la commission des lois conviendra avec moi que la place d’un article dans un code a son importance et qu’il faut y veiller.

Deuxièmement, le texte même de cet article pose question car, mes collègues l’ont dit avant moi, il ouvre des discriminations à l’égard des personnes homosexuelles qui ne sont pas mariées, mais aussi à l’égard des personnes homosexuelles qui sont seules. Notre collègue Sergio Coronado ne m’en voudra pas de le citer à ce propos, lui qui a eu le courage – c’est ce que j’estime en tout cas à titre personnel – de faire état de son homosexualité publiquement dans la presse. Son orientation sexuelle personnelle est donc publiquement connue. Du fait de cette publicité, je ne vois pas en quoi il serait moins en danger, en étant muté par un éventuel employeur dans un État qui incrimine l’homosexualité, qu’un couple d’homosexuels mariés ou pacsés. Précisons que les personnes pacsées ne sont pas concernées par la rédaction de cet article.

Par ailleurs, beaucoup d’autres personnes encourraient des dangers dans certains États pour des motifs religieux, ethniques, politiques, de compétences scientifiques, etc. Il y a des tas de risques dans le monde économique qui, joints aux risques pénaux liés à la situation du droit dans certains États, ne sont pas désignés dans cet article. Parce que l’article ne désigne pas ces risques et qu’il se limite à une certaine catégorie de personnes, il affaiblit la protection qui est due à toutes les autres.

Troisièmement, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure pour avis, j’ai dit en commission des lois que la situation visée par cet article était couverte, ce qui est heureux. À ce stade, je vais apporter quelques éléments de réponse à notre collègue Coronado qui soulevait la question tout à l’heure. Et c’est la seule question.

Pourquoi cette situation est-elle couverte ? Parce que, dans le code du travail, l’article L. 4121-1 dispose : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Je ne veux pas rappeler à cette assemblée que, en droit, la formulation à l’indicatif vaut impératif : l’employeur a donc l’obligation de prendre les mesures nécessaires.

De plus, si elle n’est pas respectée, cette obligation constitue une faute pénale au sens de l’article 121-3 du code pénal ; elle relève de la mise en danger d’autrui au sens de l’article 223 du code pénal ; elle peut constituer une faute inexcusable au sens de l’article 452 du code de la sécurité sociale. À tout le moins, il y a une obligation de résultat de l’employeur, y compris pour la protection de la santé psychique des salariés au sens d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 2005.

Cette obligation de résultat s’impose à tous les employeurs vis-à-vis de leurs salariés quels que soient leur état, leur compétence et leur orientation sexuelle. C’est très précisément dit dans l’article qui traite des discriminations.

Au bout du compte, mes chers collègues, cet article me pose vraiment problème pour toutes ces raisons. Il ouvre la possibilité d’un raisonnement a contrario : parce qu’on écrit quelque chose sur les personnes homosexuelles à ce stade et que l’on précise leur état en ne mentionnant pas toutes les autres, on affaiblit la protection juridique de toutes les autres. Les juristes et les avocats connaissent ce type de raisonnement.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. En l’état, même si nous le complétons, même si nous l’amendons, je prétends qu’en voulant renforcer la situation de certaines personnes qui sont désignées ici, nous affaiblissons la portée du droit.

Cela me paraît grave. Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous dire à plusieurs reprises dans ce débat, madame la garde des sceaux : cette manière d’écrire la loi prouve que ce texte ne concerne pas que les personnes homosexuelles mais concerne tout le monde. C’est pourquoi je demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour soutenir l’amendement n° 3194.

M. Céleste Lett. Un des arguments de la majorité en faveur de ce projet de loi consiste à dire que ce texte était une promesse du candidat François Hollande. C’est juste, mais c’est un peu court. Le Président a été élu avec cinquante et quelques pour cent des voix. C’est encore un peu court, mais cela confère une petite légitimité.

M. Philippe Martin. Petite légitimité ?

M. Céleste Lett. Élu à 61 %, je pense avoir au moins la légitimité de défendre ici les valeurs que j’ai défendues pendant ma campagne devant mes concitoyens. Je ne suis pas le seul à être dans ce cas. Acceptez donc que nous répétions sans cesse nos arguments.

M. Pascal Popelin. Mais changez-en !

M. Céleste Lett. L’autre argument de la majorité est celui de l’égalité, ou de la suppression des discriminations. Il me semble pourtant que nous allons créer encore davantage de discriminations. Notre collègue vient d’en faire la démonstration sur le problème de la mobilité. Mais les discriminations entre les couples d’hommes et les couples de femmes posent aussi question.

Quant à l’égalité, elle n’est pas toujours synonyme de justice. Ne pensez-vous pas qu’il eut été prioritaire de travailler sur d’autres engagements du candidat Hollande, notamment l’emploi. Le chômage crée davantage d’inégalités,…

M. Philippe Martin. Quel dommage que vous ne vous en soyez pas occupés pendant dix ans !

M. Céleste Lett. …qui déstructureront bien plus la famille que l’impossibilité pour deux hommes ou deux femmes de se marier ou d’adopter un enfant.

Madame la garde des sceaux, je veux citer un homme politique que vous connaissez trop bien pour l’avoir fait perdre hier, Lionel Jospin : « Il n’est pas nécessaire d’institutionnaliser automatiquement les mœurs », disait-il. Que votre projet de loi fasse encore perdre la gauche demain ne me gêne pas. Ce qui me dérange plus, voire ce qui me révolte, c’est que toute notre société y perdra.

Chers collègues de la majorité, vous avez peut-être la force du nombre mais vous n’avez pas la puissance de la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une réelle supplique : retirez ce funeste projet !

M. Philippe Martin. C’est quoi, cette histoire de « petite légitimité » ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour soutenir l’amendement n° 3396.

Mme Catherine Vautrin. Je crois qu’Hervé Mariton a vraiment soulevé le problème de fond. Chacun comprend que vous cherchez avec cet article à éviter que des couples de personnes de même sexe subissent des discriminations lorsqu’ils partent dans un pays dont la législation n’est pas conforme à la déclaration des droits de l’homme.

Le problème est que cela ne correspond pas à ce qui est écrit. L’article tel qu’il est rédigé peut très clairement causer un certain nombre de ruptures d’égalité. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la solution proposée par Hervé Mariton dans l’amendement n° 2040, qui tend à simplement à supprimer la fin de l’alinéa 2 de l’article 16 bis, c’est-à-dire les mots : « s’il est marié avec une personne de même sexe ». Nous répondons ainsi à l’objectif de protéger des salariés qui sont potentiellement menacés, sur lequel nous pouvons nous entendre, me semble t-il.

C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement et, comme Hervé Mariton l’a demandé, monsieur le président, je souhaite entendre le Gouvernement avant la fin de cette série d’amendements pour voir comment nous pouvons avancer sur la rédaction de cet article.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 5102.

M. Guy Geoffroy. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 5312.

M. Thierry Benoit. Nous sommes dans un débat très intéressant et très important. Même si les discussions sur ce texte peuvent apparaître très longues aux Français, ce texte aura au moins eu le mérite de lever certains tabous, il faut quand même le reconnaître.

Il aura aussi été l’occasion pour le Parlement français – nous, à l’UDI, le disons depuis le début de cette discussion – de rappeler la nécessaire lutte contre toutes les formes de discrimination à l’endroit des personnes homosexuelles.

Je pense que le Gouvernement va supprimer l’article 16 bis qui permet aux personnes homosexuelles mariées ou pacsées de refuser d’être mutées dans des pays dans lesquels elles estiment que leur homosexualité peut les mettre en danger. Cela constitue une différenciation et une inégalité par rapport à des personnes homosexuelles qui ne seraient ni mariées, ni pacsées.

Il faudrait que nous puissions proposer, et c’est le sens de l’amendement d’Hervé Mariton, une sorte de clause d’objection de conscience dont le salarié pourrait arguer sans avoir à indiquer que son refus d’aller à l’étranger est motivé par son orientation sexuelle ou sa conviction religieuse. Il serait bon que le Gouvernement puisse travailler en ce sens : instaurer une clause de conscience dont pourrait se prévaloir toute personne qui se sent menacée lorsqu’elle est mutée à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux d’abord vous dire ma satisfaction devant cette discussion, qui est vraiment intéressante.

L’article 16 bis, qui résulte d’un amendement de la commission des affaires sociales, reconnaît à un salarié la possibilité de refuser une mutation dans un pays incriminant l’homosexualité. Dans la plupart des cas, il s’agit de salariés dont le contrat comporte déjà des clauses de mobilité. Il n’y a donc pas de discrimination, comme je l’ai entendu, entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels qui refuseraient des mutations. Ils sont à égalité, puisque cela concerne des couples, homosexuels ou hétérosexuels, dont l’un des membres a dans son contrat une clause de mobilité.

Nous avons conscience des difficultés qui peuvent, dans l’absolu, se poser pour des personnes qui, parce qu’elles sont homosexuelles mais pas mariées, parce qu’elles sont chrétiennes – cela peut être le cas dans certains pays –, ou parce qu’elles sont femmes, pourquoi pas, auraient des réticences légitimes à refuser ces mutations. Mais l’article L. 1132-1 du code du travail protège déjà les salariés contre ce type de discriminations.

Qu’est ce qui justifie alors que l’on prévoie ce que j’appelle une objection, une protection supplémentaire offerte à ces couples mariés ? C’est tout simplement le fait que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe va inscrire dans leur état civil, dans leurs papiers, leur homosexualité. Aujourd’hui, aucun d’entre nous n’est capable de déduire d’aucun document objectif l’homosexualité d’une personne. Cela va changer. Pour certains de nos compatriotes, l’homosexualité sera désormais inscrite dans leur état civil. Ce dernier sera utilisé pour obtenir des visas ou des aides dans les pays dans lesquels ils pourraient être mutés. C’est un fait objectif. Ce n’est pas le cas pour une personne qui serait chrétienne. D’ailleurs, l’employeur lui-même ne peut deviner la religion d’un salarié. C’est évidemment la même chose pour les femmes.

La différence entre ces personnes tient à ce que la personne homosexuelle mariée se trouvera en infraction dès lors qu’elle posera le pied sur le tarmac du pays dans lequel elle est mutée et qui condamne l’homosexualité. C’est très différent de la situation des autres salariés dont vous parlez. Mais je conçois que ces problèmes existent.

C’est pour cette raison que nous avons souhaité instaurer cette objection. Je précise que l’idée nous est venue, à Marie-Françoise Clergeau et à moi-même, à la suite d’un mail que nous avons reçu parmi tant d’autres. Nous avons reçu les personnes concernées, qui nous ont exposé concrètement ces difficultés-là. Leurs préoccupations semblent être partagées sur tous les bancs de notre assemblée.

Il faut que nous ayons conscience d’une différence essentielle pour les couples de même sexe. L’ouverture du mariage à ces personnes va créer quelque chose qui n’existait pas dans notre pays : dans les papiers officiels, l’homosexualité figurera. Il faut en tenir compte, notamment dans les situations visées par ce nouvel article.

Voilà la raison pour laquelle la commission a évidemment émis un avis défavorable aux amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Ils’agit d’un sujet très important, que nous abordons malheureusement en fin de séance. Il est très positif de pouvoir échanger sur ce sujet. Je ne vais pas reprendre tous les arguments avancés par Erwann Binet.

Il est vrai qu’on peut se poser la question de savoir pourquoi une disposition spécifique est prévue pour les personnes mariées avec une personne de même sexe, et non pas pour les personnes homosexuelles en général. Erwann Binet y a répondu. Mais la question se pose aussi dans le cas du PACS, car celui-ci est également inscrit sur l’acte de naissance. Ce sont les deux cas, le mariage et le PACS, dans lesquels l’état civil indique clairement l’homosexualité. C’est le premier point.

Deuxième point : avec cette loi, nous créons une situation nouvelle, qui n’a pas pu être prise en compte par les salariés qui ont déjà signé une clause de mobilité dans leur contrat de travail.

Je rappelle que l’article L. 1132-1 du code du travail protège les salariés contre les discriminations en général, y compris les discriminations en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle. Comme l’a dit M. Poisson, l’article L. 4121-1 prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés.

S’agissant de la mise en œuvre des clauses de mobilité et des atteintes qu’elles peuvent porter au salarié ou à son conjoint, je rappelle la jurisprudence : le juge vérifie que la mise en œuvre d’une clause de mobilité par l’employeur est loyale, qu’elle ne constitue pas une sanction déguisée et qu’elle se justifie par l’intérêt de l’entreprise. Le juge vérifie même, lorsque la mise en œuvre de la clause porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, que cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas le sujet.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur l’amendement de suppression. Elle proposera d’étendre aux personnes pacsées la disposition déjà adoptée par la commission pour les couples mariés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Deux sujets sont imbriqués dans la discussion : d’une part, l’article 16 bis, et d’autre part, les amendements de suppression.

Nous avons entendu les interrogations de M. Mariton, qui a considéré que la suppression de l’article n’était pas la réponse aux questions qui se posent.

Nous avons également entendu l’observation de M. Poisson sur la place de cet article. Vous avez raison, la question de la place dans un code est importante et je crois qu’effectivement elle se pose ici. La difficulté porte sur le moment auquel on considère les choses. Si l’employeur s’oppose au refus du salarié d’être muté, la place est bonne. Si l’employeur ne s’y oppose pas, la place n’est pas logique.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien résumé. C’est tout le problème.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une difficulté. Nous allons voir s’il existe une place plus adaptée aux deux situations. Dans le cas où l’employeur s’oppose, la place est tout à fait justifiée.

Comme l’a expliqué le rapporteur, et comme l’a ensuite précisé la rapporteure pour avis, nous serons face à une situation nouvelle, celle de couples de personnes de même sexe qui sont mariées. L’état civil rend flagrante leur orientation sexuelle. Il est important que ces personnes-là puissent être protégées si elles ont une clause de mobilité dans leur contrat. Il faut savoir que dans certains pays, l’homosexualité est punie de la peine de mort ; il ne s’agit pas d’un délit mineur ou d’une amende à payer.

Mme Catherine Vautrin. Nous sommes d’accord.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’article prend donc en compte l’évidence de l’orientation sexuelle du fait de l’état civil, s’agissant d’un couple de personnes de même sexe mariées.

Se pose également la question, soulevée par le rapporteur, des couples liés par un pacte civil de solidarité. Vous examinerez plus tard un amendement visant à prendre en considération la situation de ces couples.

Madame Vautrin, permettez-moi au passage, car je n’ai pas eu l’occasion de le faire, de saluer la présidence que vous avez assurée durant notre séance d’hier soir et que j’ai trouvée d’excellente qualité (Applaudissements sur tous les bancs.)

Vous proposez, plutôt que la suppression intégrale de l’article, de supprimer la fin de la phrase : « s’il est marié avec une personne de même sexe ». Sauf qu’il faut motiver l’opposition à la mobilité. Si un État incrimine l’homosexualité, il faut avancer une raison pour refuser d’y aller.

Je ne vous cacherai pas que le Gouvernement considérait, au départ, que notre jurisprudence, à défaut de notre législation, protège les personnes concernées. Deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, l’un de 2007 et l’autre de 2008, ont donné raison à des salariés qui refusaient une mobilité pour ces motifs. Cependant, la jurisprudence protège a posteriori. Le texte proposé dans l’article vise à les armer a priori, de façon à ce que ces personnes puissent s’opposer à ces mobilités à risques.

Le sujet est sérieux, et aucun d’entre nous n’est totalement sûr que nous le traitons de la façon la plus complète possible.

M. Jean-Frédéric Poisson. Alors, ça, c’est vrai, je n’en suis pas sûr !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La réponse proposée est précise et, à mon avis, correcte, mais, s’agissant de la question de savoir pourquoi on ne protègerait pas éventuellement une personne célibataire, un problème se pose : elle serait contrainte à faire état de son orientation sexuelle.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On ne peut pas, dans le souci de protéger une personne, l’obliger à rendre publique son orientation sexuelle. Dans le cas d’un couple marié de personnes de même sexe, l’évidence est là. Une personne célibataire n’a, elle, aucune raison de faire savoir à son employeur qu’elle ne veut pas aller dans tel pays parce qu’elle est homosexuelle. Elle peut le faire de sa propre initiative, mais la loi ne peut pas le prévoir.

En ce qui me concerne, je pense que cette disposition est indispensable pour les couples homosexuels, de même que son extension – c’est l’objet de l’amendement n° 4914 qui sera examiné ensuite – aux couples liés par un pacte civil de solidarité. En revanche, je m’interroge à propos des célibataires : nous souhaitons les protéger, mais nous n’avons pas, pour autant, à les exposer inutilement.

Pour ces raisons, je propose que nous maintenions les dispositions de l’article 16 bis et que nous approfondissions un peu la question des célibataires, encore que je ne voie pas, pour ma part, comment trancher entre la liberté de taire son orientation sexuelle et une protection juridique.

Voilà ce que j’avais à dire avant de me prononcer sur les amendements, si, d’aventure, ils étaient maintenus.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. C’est un débat important.

Vous dites, madame la garde des sceaux, qu’il faut une raison pour refuser d’aller dans un pays où existe une incrimination de l’homosexualité. Ce propos est audible, mais vous demandez ainsi à la personne d’afficher son orientation sexuelle.

Plusieurs députés du groupe SRC. On parle de couples mariés !

M. Hervé Mariton. Si je peux me permettre, le mariage de deux personnes de même sexe – c’est un point auquel je pense maintenant et que l’on aurait peut-être pu évoquer davantage au cours du débat – dit-il explicitement (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC)… Non, ce n’est pas si drôle que ça. Le mariage de deux personnes de même sexe dit-il explicitement une orientation sexuelle permanente, éternelle, constante ? On ne va pas ouvrir ce débat à cet instant, mais…

M. Jean-Yves Caullet. Le mariage de deux personnes de même sexe ne le dit pas plus, et pas moins, que le mariage traditionnel !

M. Hervé Mariton. Mais je me suis peut-être un peu éloigné du sujet.

L’enjeu est suffisamment important pour que nous puissions tout à fait souscrire à un amendement qui n’émane pas de nous. Ce n’est pas une question de droits d’auteur – excusez-moi de le formuler de cette manière. Il s’agit de chercher la meilleure protection des personnes. Pour ma part, je pense qu’elle ne passe pas par la signature de la reconnaissance d’une orientation sexuelle.

J’entends qu’il y a les personnes mariées et les personnes pacsées – car, si le PACS est un contrat privé, il est inscrit en marge de l’acte de naissance –, mais il y a aussi des personnes qui vivent en union libre et des personnes célibataires qui mènent leur vie. Je comprends qu’un certain nombre de protections existent mais, vous le dites vous-même, tout cela conduit à des contentieux qu’il me paraîtrait préférable de résoudre par une législation explicite.

Si l’on protège les mariés, protégeons aussi, dites-vous, les personnes pacsées. C’est une question que l’on aurait pu se poser en amont, mais, si l’examen de ce projet de loi est l’occasion de la résoudre, tant mieux. Cependant, si l’on protège des personnes pacsées, je ne comprends pas pourquoi on ne protègerait pas des personnes en union libre. Au-delà même des conditions développées par Mme Clergeau, qui sont les conditions de la mutation, pourquoi ne pas permettre d’emblée – je reconnais que c’est un pas important, mais cela me paraît fort – à un salarié à qui l’on propose une affectation dans un pays incriminant l’homosexualité, quelle que soit sa situation conjugale du moment, et qui au demeurant peut évoluer dans le temps, de disposer d’une protection ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout d’abord, madame la rapporteure pour avis, l’obligation qu’ont les employeurs d’assurer la sécurité et de protéger la santé de leurs salariés prime de loin leur obligation d’utiliser les clauses de mobilité de manière loyale, et heureusement ! Car le droit des salariés est beaucoup plus mis en cause quand ils sont mis en danger que quand on est déloyal à leur égard. En termes d’importance, l’article L. 4121-1 du code du travail l’emporte donc sur toute autre disposition.

Ensuite, je le répète, madame la garde des sceaux, quelle que soit la manière dont vous rédigez cet article – je suis pour ma part en faveur de sa suppression pure et simple, et ne soutiens aucune forme d’amendement –, je pense qu’un risque de raisonnement a contrario existe : aucune des catégories de personnes qui ne seront pas précisément visées dans cet article ne pourra refuser la mobilité géographique, que ce soit dans le cadre de ces dispositions ou pour toute autre raison.

Je le dis au rapporteur, qui n’est pas d’accord avec moi, mais c’est bien son droit : l’article L. 1132-1 du code du travail, qui traite des discriminations, prévoit toutes les situations de discrimination, y compris les discriminations en raison de l’orientation sexuelle. Nous en avons même ajouté une lorsque nous avons adopté le texte sur le harcèlement sexuel l’été dernier.

Le droit actuellement en vigueur, qu’il s’agisse de la législation ou de la jurisprudence, est protecteur. Je le redis : ce qui prime dans cette affaire, c’est un principe extrêmement fort, l’obligation qui pèse sur l’employeur d’assurer la sécurité de ses salariés. C’est cela qui est en cause.

Dernier point, je ne vois pas pourquoi une personne homosexuelle célibataire, dont l’homosexualité n’est connue de personne, serait plus en danger qu’une personne homosexuelle célibataire qui aurait fait connaître par ailleurs, publiquement, son orientation sexuelle, par exemple par voie de presse ou par une action militante. Je le répète donc : le droit actuel couvre ces situations. À vouloir l’écrire comme vous le faites, vous affaiblissez en réalité toutes les personnes qui pourraient, pour un motif ou pour un autre, être en danger dans un autre pays que la France.

Pour cette raison, je maintiens mon amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux répondre à M. Poisson.

Le droit considère qu’aucune modification du contrat de travail ne peut être illimitée ni provoquer un bouleversement. Vous ne pouvez donc pas dire que le fait de protéger les couples mariés de personnes de même sexe pénalisera les couples hétérosexuels, car ces personnes sont aussi protégées. Le fait de protéger des couples homosexuels dont l’orientation sexuelle est évidente ne fragilise pas la protection des autres, puisque celle-ci est liée au fait qu’aucun changement ne peut être illimité ni provoquer un bouleversement profond.

Deuxième point, je vous rappelle que le code du travail traite du mariage. En effet, un certain nombre de droits sont ouverts du fait du mariage, et ce sont les conventions collectives qui, à l’occasion, vont étendre ces droits à d’autres situations, notamment aux personnes liées par un pacte civil de solidarité.

L’orientation sexuelle des couples mariés est évidente. Je ne comprends pas M. Mariton lorsqu’il s’interroge à ce propos : lorsque deux personnes de même sexe sont mariées, cela ne dirait pas forcément leur orientation sexuelle ?

M. Hervé Mariton. Elles ont pu se marier pour des raisons patrimoniales !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Allons bon ! En tout cas, l’employeur – ou toute autre personne – qui prend connaissance de l’état civil des personnes en question n’en déduira pas d’hypothétiques « raisons patrimoniales », mais plutôt une orientation sexuelle probable !

Je pense qu’il faut donc maintenir cette disposition, et je maintiens qu’elle ne fragilise en rien la protection des célibataires, ni celle des couples hétérosexuels.

Effectivement, la question que nous nous posons concerne aussi les personnes qui relèvent de l’union de fait, c’est-à-dire de ce que le code civil appelle le concubinage, mais la différence entre, d’une part, des personnes mariées ou pacsées et, d’autre part, des concubins, c’est qu’il y a un document.

M. le président. Bien, madame la garde des sceaux. Je pense que l’Assemblée est suffisamment éclairée. On peut considérer que vous ne soutenez pas ces amendements de suppression ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ça, non ! J’y suis fort défavorable !

(L’amendement n° 106 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :

Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)