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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 21 février 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Prévention de et lutte contre la violence en milieu scolaire

Discussion d'une proposition de loi

Présentation

M. Claude de Ganay, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Discussion générale

Mme Virginie Duby-Muller

M. Rudy Salles

Mme Michèle Bonneton

M. Jean-Jacques Candelier

M. Emeric Bréhier

M. Luc Chatel

M. Gilbert Collard

M. Patrice Verchère

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée

Discussion des articles

Article 1er

M. Alain Chrétien

M. Philippe Gomes

Amendement no 12

Après l’article 1er

Amendement no 7

Article 2

Amendement no 13

Article 3

Amendement no 14

Article 4

Amendement no 15

Suspension et reprise de la séance

2. Contrôle et simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Présentation

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Alain Chrétien

M. Yannick Favennec

Mme Françoise Descamps-Crosnier

Mme Michèle Bonneton

Mme Marianne Dubois

Mme Monique Rabin

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

Mme Ericka Bareigts

Mme Chantal Guittet

M. Guy Geoffroy, rapporteur

Discussion des articles

Article 1er

Amendements nos 2, 20

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Article 2

Article 2 bis

Articles 3 et 4

Article 4 bis

M. Guillaume Larrivé

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Amendement no 5

Article 5

Amendements nos 22 rectifié, 7, 40 (sous-amendement), 41 (sous-amendement)

Article 6

Amendement no 12

Article 7

Amendements nos 24, 25

Article 8

Article 9

Amendements nos 11, 37, 38

Article 10

Amendement no 30

Article 10 bis

Après l’article 10 bis

Amendement no 10

Article 11

Amendement no 6

Article 12

Article 13

Amendements nos 8 rectifié, 26

Articles 14 à 17

Article 18

Amendement no 31

Article 19

Amendements nos 27, 42

Articles 20 et 21

Article 22

Amendement no 36

Articles 23 et 24

Article 25

Amendement no 14

Article 25 bis

Amendement no 15

Article 25 ter A

Amendements nos 19, 33

Article 25 ter

Amendements nos 16, 34

Article 25 quater

Amendement no 17

Article 26

Article 27

Article 27 bis

Article 27 ter

Article 28

Article 28 bis

Amendement no 32

Article 29

Article 30

Article 31

Article 32

Article 33

Article 34

Amendement no 1

Article 35

Amendement no 18

Titre

Amendement no 9

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Prévention de et lutte contre la violence
en milieu scolaire

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Claude de Ganay visant à prévenir et lutter contre la violence en milieu scolaire (nos 332, 731).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Claude de Ganay, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Claude de Ganay, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, s’il est un sujet qui doit être abordé de manière objective et sans a priori dans cet hémicycle, c’est bien celui de la violence scolaire.

Tous, quels que soient les bancs où nous siégeons, nous avons à cœur d’œuvrer dans l’intérêt de la communauté éducative et des élèves victimes d’atteintes aux personnes ou aux biens. Nous ne pouvons donc nous satisfaire que le phénomène de la violence scolaire reste malheureusement très prégnant dans les établissements français. Les derniers chiffres collectés par le système d’information et de vigilance sur la sécurité à l’école – le SIVIS – montrent, hélas, que ce fléau tend à croître : pour mémoire, au cours de l’année 2011-2012, 13,6 incidents graves pour 1 000 élèves ont été déclarés en moyenne dans chaque établissement du second degré, contre un ratio de 12,6 pour 1 000 l’année précédente. Naturellement, ces statistiques doivent être interprétées avec prudence, car le SIVIS est régulièrement ajusté pour tenir compte au mieux des manifestations que prend la violence à l’école. Sur la durée, néanmoins, il fournit une tendance assez nette qui ne peut que nous inquiéter.

D’ailleurs, une enquête de victimisation conduite auprès de 18 000 collégiens, à la suite des états généraux sur la violence scolaire du printemps 2010 et des assises nationales sur le harcèlement des 2 et 3 mai 2011, a mis en évidence que chaque collégien serait, en moyenne, victime de trois incidents ou actes de violence chaque année ; 30 % soulignent même être victimes de violences physiques répétées. De plus, une autre enquête de victimisation menée auprès des personnels enseignants de Seine-Saint-Denis et publiée en 2012, a révélé que les enseignants des collèges et lycées professionnels sont confrontés à une violence très présente, qui se manifeste d’abord par des injures et des menaces.

Quand on entre dans le détail des données rendues publiques par le ministère de l’éducation nationale, on s’aperçoit que le niveau d’exposition à la violence est très disparate selon les types d’établissements considérés. À cet égard, les lycées professionnels sont particulièrement touchés,…

Mme Colette Langlade. Encore eux !

M. Claude de Ganay, rapporteur. …avec un nombre de faits supérieur de 6 points à la moyenne et une progression de 49,6 % des incidents répertoriés depuis 2009. Avec une moyenne de 15 incidents pour 1 000 élèves, les collèges se trouvent également très concernés. Seuls les lycées d’enseignement général et technologique apparaissent relativement épargnés, mais ce constat est en trompe-l’œil, dans la mesure où les incidents graves y ont augmenté de 52,7 % depuis 2009.

À cette disparité selon la nature des établissements, s’ajoute une disparité territoriale assez importante. En effet, un quart des établissements du second degré ont déclaré 73 % du total des incidents recensés ; un dixième en ont même relevé 44 %, ce qui signifie que certains établissements concentrent l’essentiel des difficultés.

La plupart des incidents officiellement répertoriés sont des atteintes aux personnes. Parmi elles, le SIVIS identifie deux catégories particulièrement répandues : les agressions verbales, pour 40,4 % des incidents en 2011-2012, et les agressions physiques, pour 33,4 %. Viennent ensuite les atteintes aux biens, pour 10 %, et celles à la sécurité, pour 9,3 %, cette dernière catégorie intégrant les problèmes touchant aux stupéfiants et à la circulation d’armes. Fort heureusement, les violences scolaires demeurent plutôt limitées à des actes d’incivilité et de brutalité relative. Il n’empêche qu’en visant plus particulièrement les personnels – 53 % des victimes – et les élèves – 38 % des victimes –, elles affectent notablement le déroulement des apprentissages et l’épanouissement des esprits.

Il y a donc tout lieu de se montrer attentifs à de tels phénomènes, notamment en raison des conséquences potentielles des agressions sur les victimes. Les experts s’accordent sur le fait que les élèves subissant des violences scolaires sont plus sujets que d’autres au décrochage – 20 % s’absentent des cours et 29 % sont moins attentifs en classe –, qu’ils se trouvent affectés de troubles de la santé tels que somatisation ou dépression, et que cela rejaillit parfois sur leur propre comportement en classe, notamment par un développement de leur agressivité. De même, pour les enseignants et les personnels de l’éducation, l’environnement de violence à l’école fait naître un sentiment d’insécurité qui pèse au jour le jour sur l’exercice de leur mission pédagogique.

Devant la gravité de ces constats, les pouvoirs publics ont le devoir de mettre en place des dispositifs efficaces pour prévenir et lutter contre ces violences inacceptables. Qu’il me soit permis, à cet égard, de rappeler et, si besoin en était, de réhabiliter les mesures prises sous le quinquennat précédent à la suite des états généraux sur la violence scolaire du printemps 2010 et des assises nationales sur le harcèlement des 2 et 3 mai 2011. En l’espèce, contrairement à certaines affirmations sans doute hâtives, la politique menée ne se résumait nullement à « plus de sanctions ».

M. Alain Chrétien. Tout à fait !

M. Claude de Ganay, rapporteur. Elle reposait sur des ressorts bien plus subtils et pertinents, tels que la modernisation des instruments de mesure de la violence à l’école, afin de parfaire notre connaissance des problèmes ; la sécurisation des établissements sur la base d’états des lieux précis – 14 700 préconisations ont ainsi été formulées, et un tiers réalisées – et l’institution d’équipes mobiles de sécurité, que nul ne remet en cause aujourd’hui ; la responsabilisation des acteurs et l’amélioration des sanctions disciplinaires, plus systématiques mais moins axées sur l’exclusion, pour éviter la déscolarisation ; enfin, la conduite d’actions ciblées sur les élèves les plus violents, notamment par un suivi et un accompagnement personnalisés au sein des établissements de réinsertion scolaire et, dans les établissements les plus exposés aux incidents graves, à travers le programme ECLAIR.

Nombre de ces initiatives ne se trouvent pas remises en cause par le gouvernement actuel, ce qui montre bien qu’elles répondaient à une logique pertinente. À l’automne dernier, la mise en place de dispositifs complémentaires a été annoncée : recrutement à la rentrée 2012 de 500 assistants de prévention et de sécurité – les fameux APS –, installation de la délégation ministérielle confiée à M. Éric Debarbieux et, enfin, instauration d’un enseignement moral et civique. Sans contester les intentions louables dont ces mesures procèdent, on peut nourrir quelques doutes sur l’efficacité à en attendre. Au mieux, il s’agit d’initiatives aux effets de long terme ; au pire, il est à craindre qu’aucun infléchissement notable n’affecte la courbe des faits de violence enregistrés à l’école.

La proposition de loi dont je suis l’auteur et que j’ai l’honneur de rapporter aujourd’hui, grâce à l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée décidée par le groupe UMP, n’est naturellement pas l’unique panacée. Je l’ai dit en commission et je le redis aujourd’hui : la violence scolaire a plusieurs causes, et ne peut être combattue que par l’activation combinée de plusieurs leviers.

M. Alain Chrétien. Tout à fait !

M. Claude de Ganay, rapporteur. Il n’en demeure pas moins que, à la différence des annonces du Gouvernement, elle entre dans le concret et se veut opérationnelle. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de transposer aux atteintes aux personnes commises dans l’école et aux atteintes aux biens de l’école le mécanisme institué au sujet des élèves absentéistes par la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010, dite loi Ciotti. En d’autres termes, il s’agit de mettre en place des dispositions juridiques permettant d’associer plus étroitement les parents d’enfants violents à la résolution des problèmes.

Je sais bien que, comme le laissent présager nos débats en commission, les caricatures ne manqueront pas de restreindre ce texte à la possibilité de suspendre les allocations familiales perçues par les enfants violents à l’école. Cette analyse restrictive, comme l’était celle de la loi Ciotti, ne saurait pourtant avoir cours si nos débats étaient dénués de toute considération idéologique. En effet, le mécanisme proposé s’appuie sur un accompagnement administratif et social des parents, formalisé à travers le contrat de responsabilité parentale. D’autre part, la suspension des allocations familiales, qui n’intervient, j’y insiste, qu’au terme d’une phase d’avertissements successifs et de violences réitérées, n’est pas définitive, mais seulement temporaire.

Certes, le 17 janvier dernier, la majorité de notre assemblée a définitivement adopté une loi abrogeant les dispositions de la loi Ciotti, voyant dans le faible nombre de suspensions décidées – 0,5 % des signalements au premier semestre 2011 et 1,8 % en 2011-2012 – une supposée absence de portée du dispositif institué en 2010. À mon sens, c’était faire là une erreur d’analyse majeure, dans la mesure où ces règles avaient été conçues sous un angle dissuasif et non punitif. Au contraire, il me semble qu’elles ont justement rempli leurs objectifs en ramenant à l’école des milliers d’élèves avertis pour un absentéisme anormal.

En outre, même si l’absentéisme et la violence à l’école renvoient à des causes et à des situations différentes, ces deux phénomènes touchent principalement les mêmes catégories d’élèves, qui éprouvent un réel mal-être au sein de l’école. Aider ces élèves à retrouver les repères de la vie en collectivité et les bases du respect d’autrui appelle une mobilisation de tous, à commencer par celle de leurs parents.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Claude de Ganay, rapporteur. Je conclus, madame la présidente.

Dans certains cas, un mécanisme d’avertissement crédible, assorti de sanctions incitatives, apparaît absolument nécessaire à la responsabilisation des dépositaires de l’autorité parentale.

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est pragmatique, appropriée et susceptible de produire des résultats tangibles. Enferrée dans sa position de principe, la majorité actuelle a décidé de ne pas débattre au fond des articles et des propositions d’enrichissement que moi-même et d’autres collègues avions formulées.

Il me semble qu’en rejetant ce texte au cours de la réunion de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, le 13 février dernier, vous vous êtes privés, chers collègues de la majorité, d’un instrument complémentaire au service d’une cause soutenue par bon nombre de parents d’élèves et de personnels de l’enseignement.

Mme la présidente. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Claude de Ganay, rapporteur. Une chance vous est laissée aujourd’hui de ne pas persister dans l’erreur. Offrez donc à ces dispositions la possibilité de produire leurs effets et de donner des résultats : votez ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Rudy Salles. Il est quinze heures dix, notre collègue n’a donc pas dépassé son temps de parole !

Mme la présidente. Permettez-moi de vous rappeler ce qui est inscrit sur la feuille jaune, monsieur le député, à savoir que M. le rapporteur avait dix minutes de temps de parole. Dans la mesure où il a parlé douze minutes…

M. Rudy Salles. Il est quinze heures dix !

Mme la présidente. J’ai un chronomètre sous les yeux, monsieur Salles. Avez-vous décidé de créer un incident dès le début de la séance ?

M. Rudy Salles. J’ai présidé, moi aussi, et franchement, je trouve que vous abusez un peu, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes amenés aujourd’hui à nous prononcer sur la violence en milieu scolaire, un sujet grave, qui appelle de notre part des réponses sérieuses.

Les violences scolaires sont un fléau, quelle qu’en soit la victime, qu’il s’agisse d’un enseignant, d’un personnel de l’éducation, ou d’un élève. Plusieurs incidents dramatiques survenus récemment mettent en lumière le problème de fond du harcèlement, qui doit nous conduire à nous préoccuper à la fois des élèves auteurs de violences et des victimes. Je pense notamment au drame de la petite Marion, ainsi qu’au petit garçon qui s’est donné la mort.

Nous devons donc aujourd’hui nous préoccuper de la prévention de la violence, en sachant que ce phénomène peut être l’une des causes de l’échec scolaire. Plusieurs propositions simplistes ont été avancées pour résoudre le problème du décrochage, mais nous savons qu’il s’explique, dans un certain nombre de cas, par le harcèlement dont le jeune est victime.

La proposition de loi que présente M. de Ganay part d’un constat sur lequel nous sommes d’accord : les violences scolaires répertoriées pour la période 2010-2011 sont en hausse par rapport à la période 2007-2008. L’auteur nous alerte sur la dégradation progressive de l’environnement de travail des enseignants et des personnels des établissements scolaires et sur l’impuissance de ces derniers face à des violences trop rarement sanctionnées pénalement.

J’ai d’ailleurs relevé une légère erreur dans le texte de la proposition de loi. Vous affirmez en effet que 53 % des personnels des établissements publics du second degré sont victimes d’actes de violence ; heureusement pour ces derniers, ce n’est pas le cas. Ce chiffre correspond à la proportion que représentent les personnels parmi les victimes de violence. Fort heureusement, nos établissements scolaires sont donc beaucoup plus paisibles que vous ne voulez bien le dire.

Face à ce constat, vous proposez le dispositif suivant : quand un enfant commet des outrages ou atteintes intentionnels et répétés sur une personne au sein de l’établissement ou bien qu’il commet, de façon intentionnelle et répétée, des actes de destruction ou de détérioration d’un bien appartenant à l’établissement ou à un élève, le directeur d’établissement saisit l’autorité compétente en matière d’éducation afin qu’elle adresse un avertissement aux parents. Cette même autorité saisit le président du conseil général en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale. En cas de réitération des faits, elle saisit le directeur de la CAF, qui met en œuvre la sanction de suspension des allocations familiales.

Si aucun acte n’a été commis dans les deux mois qui suivent la suspension des allocations familiales, le versement de celles-ci est rétabli de façon rétroactive.

C’est un mécanisme que nous connaissons – il est identique à celui de la loi Ciotti – et sur lequel nous avons déjà eu l’occasion de nous expliquer.

Vous proposez que le versement des allocations familiales soit rétabli si aucun défaut de comportement n’a été constaté. En d’autres termes, l’enfant ne doit se voir reprocher aucun défaut de comportement en l’espace de plusieurs mois. Si un tel élève existe, on demande à le voir, et il faudra encadrer sa photo, car une conduite aussi exemplaire n’est pas quelque chose de si fréquent.

Ainsi que je l’avais dit à M. Ciotti, les enseignants et les chefs d’établissement disposent fort heureusement d’un certain nombre de textes leur permettant de faire régner l’ordre dans les établissements scolaires.

M. Rudy Salles. Non, cela n’existe pas !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Plusieurs dispositifs ont été prévus pour qu’un jeune se livrant à des dégradations ou à des violences réitérées soit pris en charge par la justice. En plus d’être superfétatoire, votre proposition va à l’encontre de ce qui existe aujourd’hui pour lutter contre les violences dans les établissements et qui est conforme à des principes généraux du droit unanimement reconnus. Ces principes, M. Chatel avait eu l’occasion de les réaffirmer dans ses décrets et dans la circulaire du 1er août 2011, et toute sanction doit les respecter.

Tout d’abord, la sanction prononcée au sein d’un établissement doit être éducative ; ce n’est pas moi qui le dis – vous m’auriez d’ailleurs qualifiée de laxiste si je l’avais fait –, mais M. Chatel, dans la circulaire que je viens de mentionner : « Il peut en effet s’avérer préférable, dans un souci pédagogique et éducatif, de ne pas rendre la sanction immédiatement exécutoire tout en signifiant clairement à l’élève qu’une nouvelle atteinte au règlement intérieur l’expose au risque de la mise en œuvre de la sanction prononcée avec sursis. » M. Chatel affirmait bien que la sanction ne devait pas être automatique, et à plus forte raison si cette sanction vise non pas l’élève mais ses parents.

Ensuite, M. Chatel insistait sur le fait que la sanction devait respecter les principes généraux du droit, c’est-à-dire le principe du contradictoire, le principe d’individualisation et le principe de proportionnalité. Premièrement, la sanction ne doit pas engendrer chez l’élève une incompréhension et un sentiment d’injustice ; conformément au principe du contradictoire, il faut qu’il y ait un dialogue. Or celui-ci est inexistant dans le dispositif que vous proposez. Deuxièmement, le principe de proportionnalité implique que la réponse éducative soit adaptée pour éviter toute confusion ou incohérence dans l’application de l’échelle des sanctions. Or votre proposition ne prévoit pas de réponse éducative adaptée puisque vous visez les parents, que nous avons évidemment plus de difficultés à éduquer que les enfants qui nous sont confiés. Troisièmement, en vertu du principe d’individualisation, il importe de tenir compte du degré de responsabilité de l’élève, de prendre en compte la personnalité de l’enfant et le contexte dans lequel la faute a été commise. Votre proposition ne le permet pas.

Le dispositif que vous proposez vide de leur sens les principes sur lesquels nous sommes pourtant tous d’accord. En outre, vous affaiblissez les acteurs chargés de veiller à la tranquillité du climat scolaire.

Aujourd’hui, vous le savez bien, nous avons tout intérêt à conforter l’autorité du chef d’établissement, puisque c’est à lui que revient l’initiative de la procédure disciplinaire. Votre dispositif affaiblit au contraire cette autorité en conférant au chef d’établissement un simple rôle de saisine. En outre, on ne voit pas quel rôle vous faites jouer au conseil de discipline, organe qui réunit pourtant tous les acteurs de la communauté éducative et qui est chargé, sous la présidence du chef d’établissement, de traiter ces questions. Cet acteur, vous l’affaiblissez également.

Par ailleurs, votre proposition de loi n’apporte aucune plus-value quant aux relations avec les parents. Le dialogue avec ceux-ci doit être renforcé, et ce n’est pas en les menaçant de sanction que l’on y parviendra.

Vous affaiblissez donc les institutions qui sont aujourd’hui chargées de rétablir l’ordre dans nos établissements.

De surcroît, il me semble que c’est une forme de démagogie de faire croire que les établissements scolaires sont des zones de non-droit. Vous feignez d’ignorer qu’il existe toute une palette de sanctions. Par exemple, si un jeune se livre à des actes de harcèlement ou à des agressions physiques contre ses camarades, il est passible de sanctions pénales. Vous faites comme si ce n’était pas le cas. De la même manière, vous semblez ne pas tenir compte des sanctions administratives ou judiciaires qui peuvent être prises à l’encontre des parents.

Si l’on essaie de localiser les établissements violents, on voit bien que ce sont ceux où l’échec scolaire est le plus important et où des enfants se sentent en marge. À mon sens, ce qui a dégradé le climat dans un certain nombre d’établissements scolaires, ce sont les politiques qui ont été menées précédemment.

M. Alain Chrétien. Démagogie !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Ce ne sont pas les familles d’élèves perturbateurs qui ont supprimé 80 000 postes dans l’éducation nationale et un grand nombre d’adultes dans les écoles, c’est le gouvernement que vous avez soutenu.

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas une question de moyens !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Ce ne sont pas les familles qui ont supprimé la formation initiale des enseignants, une mesure qui n’a pas aidé ces derniers à faire face à des situations aussi difficiles que celles qu’ils rencontrent. Ceux qui ont véritablement dégradé les conditions de travail des enseignants, ce sont les tenants de la majorité précédente.

Avec cette affaire de suppression des allocations familiales, vous cherchez surtout à détourner l’attention des véritables responsables de la dégradation du climat dans nos établissements scolaires. Il y a là un manque d’imagination : à chaque fois que vous faites une proposition de loi sur les difficultés à l’école, vous reprenez cette même mesure. Pour lutter contre l’absentéisme : suppression des allocations familiales ; pour lutter contre les violences : suppression des allocations familiales.

M. Alain Chrétien. Avec vous, c’est toujours plus de moyens ! Toujours plus de dépenses !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Bientôt, quand un enfant n’aura pas de bonnes notes à l’école, vous nous direz qu’il y a une solution à ce problème : la suppression des allocations familiales ! Cette manière d’agir est un peu caricaturale. Vous n’avez qu’une seule réponse, dont nous avons d’ailleurs déjà démontré qu’elle est inadaptée parce que, encore une fois, vous ne sanctionnez que les perturbateurs dont les parents ne sont pas riches,…

M. Alain Chrétien. Caricature !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. …vous ne sanctionnez que les perturbateurs qui ne sont pas des enfants uniques, puisque l’on sait que ces derniers n’ouvrent pas droit aux allocations familiales. Par conséquent, pour beaucoup d’enfants, vous n’apportez aucune solution et cette proposition de loi montre encore que vous êtes un peu secs sur la manière de lutter contre de telles difficultés, qui sont pourtant graves.

Contrairement à vous, nous avons agi : nous avons nommé un délégué ministériel chargé de lutter contre les violences scolaires.

M. Alain Chrétien. Nous sommes sauvés !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Et vous ne pouvez pas dire qu’il est incompétent, puisque c’est sous sa présidence que M. Chatel avait tenu les états généraux de la sécurité à l’école. Vous-mêmes aviez donc reconnu ses qualités dans ce domaine.

Nous avons également créé 500 postes d’assistants de prévention et de sécurité, qui sont parfaitement intégrés dans les établissements et qui épaulent réellement les enseignants.

Au demeurant, je suis convaincue que toutes les mesures que nous prenons – qu’il s’agisse de la création de postes, de la formation des enseignants, de la lutte contre l’échec scolaire ou de l’amélioration de l’orientation des jeunes, décisive pour lutter contre le décrochage et la violence – et que nous mettons en œuvre avec les acteurs de terrain, nous permettrons véritablement de lutter contre la violence.

Encore une fois, ce sont des sujets graves, sérieux, et qui devraient échapper à la polémique. Nous sommes tous profondément désolés quand un enfant est agressé à l’école ou qu’il ne souhaite plus y retourner parce qu’il se sent menacé. Par conséquent, parlons-en sérieusement,…

M. Alain Chrétien. Mais nous sommes sérieux !

Mme Virginie Duby-Muller. Justement !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. …traitons le sujet sérieusement et, s’il vous plaît, arrêtons la polémique sur la souffrance de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe UMP nous proposent aujourd’hui de débattre de la question de la violence scolaire. C’est un vrai sujet, que nous ne découvrons pas au sein de notre commission : nous lui avons d’ores et déjà consacré quelques heures depuis le début de la législature.

Il est vrai que l’actualité nous rappelle, parfois de manière tragique, que la violence en milieu scolaire est un mal qui peut se manifester en tous lieux et à tout moment. C’est pourquoi nous y attachons une importance particulière.

Mais au sujet de la lutte contre les violences, comme d’ailleurs de la lutte contre l’absentéisme scolaire dont nous avons débattu il y a quelque temps, force est de constater qu’il existe une vraie divergence entre députés de la majorité et députés de l’opposition, au sein de la commission comme au sein de l’Assemblée nationale. Nous avons pu à plusieurs reprises en faire le constat.

Alors, mes chers collègues, comment ne pas s’étonner de voir revenir, sous couvert de la lutte contre la violence, la rhétorique simpliste de la suppression des allocations familiales que nous venons tout juste d’écarter en matière d’absentéisme en abrogeant les dispositions de la loi si inutile et si inefficace dite Ciotti ?

Cette loi visait déjà à supprimer les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire. À l’appui de notre argumentation, nous avions insisté sur le fait que ce mécanisme de prétendue responsabilisation des parents entraînait en réalité leur stigmatisation. Nous avions déjà dénoncé l’amalgame entre absentéisme et violence qu’un tel texte sous-tendait.

Eh bien, avec la proposition de loi de nos collègues UMP, nous y revoilà ; bis repetita placent. Mais ce nouveau texte ne nous agrée pas plus que le précédent.

Le rapporteur se dit alarmé par la dégradation des conditions de travail des enseignants et personnels des établissements scolaires. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation qui est avant tout la conséquence d’une décennie de pouvoir de la droite. Mais nous ne pouvons pas le suivre dans son approche univoque de la violence et de ses causes ; nous ne pouvons pas adhérer à sa conception si discriminatoire de la sanction.

Car si notre approche de ces questions est différente, elle reste tout aussi attentive. C’est d’ailleurs pourquoi, dès son entrée en fonction, le Gouvernement a pris des mesures pour lutter contre toutes les formes de violences, particulièrement à l’école. La création de 500 assistants chargés de prévention et de sécurité affectés dans les établissements les plus exposés a constitué une première mesure forte. Parallèlement, la nomination d’Éric Debarbieux comme délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire a été un signe fort de l’importance accordée par le Gouvernement à ce problème.

De votre côté, chers collègues de l’UMP, vous proposez que les parents soient pénalisés financièrement du fait de la défaillance dont vous les accusez dans l’exercice de leurs responsabilités. Pensez-vous vraiment que ce soit une réponse adaptée ? Ou avez-vous préféré, comme vous l’avez tant fait quand vous étiez aux responsabilités, un affichage d’autant plus facile qu’il évite de traiter les causes en profondeur ?

Notre approche est radicalement différente. Nous nous appuyons d’abord sur la réalité, telle que la vivent les enseignants et les élèves et telle que la décrivent les chercheurs qui se sont penchés sur les phénomènes de violence en milieu scolaire.

Or ces chercheurs constatent d’abord et avant tout que le développement indéniable des violences a un lien très fort avec la diminution du nombre d’adultes dans les établissements ou la faiblesse de leur présence dans la durée – je pense notamment à l’instabilité des équipes pédagogiques dans les établissements situés en zones difficiles.

En faisant référence à la diffusion d’une nouvelle culture de la violence qui se trouve favorisée par la pénétration à l’école des réseaux et des terminaux de communication, Éric Debarbieux a ces mots, qui doivent nous interpeller : « Comme au temps de La Guerre des boutons, les enfants sont redevenus un collectif sans adultes. »

Il faut effectivement regarder en face ces phénomènes, qui se traduisent également par des logiques de groupe et par une dérive identitaire dans laquelle la violence est une manière d’exister. Mais on est, dès lors, loin, très loin d’une question d’allocations familiales qui seraient injustement attribuées à des parents démissionnaires.

De fait, monsieur le rapporteur, chers collègues de l’opposition, cinq petites semaines après l’abrogation par notre assemblée de la loi dite Ciotti, vous avez fait le choix curieux de resservir le même plat. Devons-nous y voir une marque de votre impatience à débattre de la grande loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République qui redonnera à la politique éducative dans notre pays son caractère d’exemplarité et qui répondra réellement aux problèmes de violence et d’absentéisme scolaire ? Dans cette attente, qui sera courte désormais, rassurez-vous, notre assemblée ne peut, comme l’a fait la commission des affaires culturelles et de l’éducation, que rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, « Violences scolaires : une rentrée chahutée », tel était le titre d’un article de presse daté du 1er octobre 2012. C’est dans cette même actualité que la commission des affaires culturelles a auditionné, le 10 octobre dernier, le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire au ministère de l’éducation nationale, M. Debarbieux, pour faire le point sur les outils dont dispose le ministère pour lutter contre les violences scolaires.

Même s’il importe de ne pas réduire la violence scolaire aux incidents qui sont rapportés au grand public par les médias, on peut se féliciter que le groupe UMP ait réservé l’une de ses niches parlementaires à ce sujet grave qu’est la violence à l’école, avec l’inscription à l’ordre du jour de ce texte visant à prévenir la violence scolaire et à lutter contre elle.

Qu’appelle-t-on, d’abord, violence scolaire et quelles en sont les causes ? Il peut s’agir de violences physiques graves – ce sont les cas les plus spectaculaires. La violence peut ensuite consister en des insultes et incivilités, plus diffuses mais probablement tout aussi pénalisantes pour les victimes ; on parlera alors de violence verbale. Enfin, il peut s’agir de violence symbolique exercée par l’école sur une part non négligeable d’élèves.

Heureusement, les violences graves dans l’école sont rares. Mais la violence quotidienne – les insultes, les vols, les coups, les microviolences et le harcèlement – est beaucoup plus présente. Elle peut être évaluée par les résultats d’enquêtes de victimisation qui interrogent un échantillon d’élèves sur les actes violents dont ils ont pu être victimes.

Sur le plan individuel, les actes de violence commis par un élève sont souvent associés à une situation d’échec scolaire et à un faible encadrement parental. Mais il existe aussi des facteurs plus collectifs, comme le degré de ségrégation sociale et scolaire des établissements et leur incapacité à stabiliser les équipes pédagogiques, ce qui ne facilite pas les réponses cohérentes et collectives aux actes de violence.

Une enquête du ministère de l’éducation nationale, conduite au printemps 2011 par M. Debarbieux, a montré l’ampleur des violences à l’école et leur caractère polymorphe. Les atteintes les plus récurrentes sont l’insulte envers la personne, le vol de fournitures scolaires, l’attribution de surnoms méchants, la bousculade intentionnelle et – plus rares, heureusement – les blessures et menaces avec armes et le happy slapping, qui consiste à filmer l’agression à l’aide d’un téléphone portable.

Luc Chatel avait fait de la lutte contre la violence scolaire l’une des priorités de son ministère. À la suite des états généraux de la sécurité à l’école en avril 2010 et des assises nationales sur le harcèlement à l’école en mai 2011, plusieurs mesures avaient été mises en place, comme les enquêtes SIVIS, les plans de sécurisation des établissements scolaires, des mesures visant à responsabiliser les acteurs en redonnant du sens aux sanctions, ainsi que des mesures pour lutter contre le harcèlement et le cyber-harcèlement.

On peut s’étonner, madame la ministre, que rien dans votre projet de refondation de l’école ne concerne la violence scolaire. Certes, vous avez inventé un métier – les assistants de prévention et de sécurité – et nommé M. Debarbieux à la tête d’une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, ce qui semble plutôt une bonne idée. Mais est-ce suffisant au vu du problème et de l’extension de la violence scolaire à l’école primaire, laquelle est de moins en moins épargnée si l’on en croit une enquête publiée le 20 septembre 2012 sous ce titre évocateur : « L’école entre bonheur et ras-le-bol » ?

On comprendra alors le bien-fondé de la proposition de loi de Claude de Ganay, que vous auriez pu reprendre à votre compte.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Certainement pas !

Mme Virginie Duby-Muller. Calquée sur le dispositif Ciotti, que vous avez abrogé avant même de l’avoir évalué, cette proposition de loi réinstaure un mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école et, en cas de récidive, une suspension des allocations familiales.

Il s’agit également d’étendre le dispositif du contrat de responsabilité parentale aux outrages ou atteintes répétés commis par un élève sur un autre élève, un enseignant ou tout autre membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire. Ce dispositif, qui visait à lutter contre l’absentéisme a été supprimé par dogmatisme.

Mon collègue Claude de Ganay s’est inspiré judicieusement de la loi Ciotti pour proposer un mécanisme proportionné et gradué visant à alerter, accompagner, soutenir et, en dernier recours, sanctionner financièrement par la suspension des allocations familiales les parents qui manqueraient à leurs responsabilités. Il s’agit, non pas de sanctionner sans préavis des parents dépassés, mais bien de les sensibiliser à la gravité des actes commis par leurs enfants et de les accompagner dans la reconquête de leur autorité.

Nous pensons en effet, à l’UMP, que même si la violence scolaire doit aussi être réglée au sein de l’établissement scolaire en concertation avec l’équipe enseignante, son traitement doit associer les parents qui, en tant que premiers éducateurs de leurs enfants, doivent être responsabilisés.

M. Alain Chrétien. Très bien !

Mme Virginie Duby-Muller. Votre culture de l’excuse n’est pas une réponse pertinente ; au contraire, elle signe votre renoncement sur ce grave problème.

Pour conclure, je veux faire référence aux parents de Matteo, ce jeune Savoyard qui, le 8 février, s’est pendu parce que ses camarades se moquaient de lui à cause de ses cheveux roux. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Ils veulent que leur drame personnel serve à faire reculer la violence à l’école en exhortant l’éducation nationale à se prendre en main.

On pouvait donc espérer que ce sujet ne fasse pas l’objet d’affrontements idéologiques. En effet, les victimes ne sont ni de droite ni de gauche. Regardez au moins, madame la ministre, d’une manière rationnelle et éclairée cette niche parlementaire et la proposition de loi qui vous est soumise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous n’allons pas refaire le débat que nous avons déjà eu à l’occasion de l’abrogation de la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire.

Si la proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay s’inscrit dans une logique voisine, elle intervient à un moment où les cartes sont rebattues, à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école. C’est dans cette perspective que nous devons donc la situer.

Cette proposition de loi nous invite à une réflexion de fond, libérée des logiques binaires et nécessairement tronquées qui opposeraient une droite autoritaire à une gauche laxiste. Elle nous enjoint d’éviter les anathèmes et les stigmatisations pour trouver ensemble des solutions concrètes à un fait dont les origines sont certes multiples et complexes, mais dont la réalité est incontestable et les manifestations nombreuses et parfois nouvelles, notamment la cyber-violence. Au fond, ce à quoi nous devons viser, c’est offrir à tous les enfants les meilleures conditions d’accès à l’instruction et aux enseignants celles d’exercer pleinement leur magistère.

Nous serons tous d’accord pour admettre deux choses.

La première est que la violence du monde est suffisamment grande pour que l’école revendique pour le moins d’être un sanctuaire où la paix est requise.

La seconde est que la violence constitue un facteur aggravant des inégalités. Son traitement doit être pensé au bénéfice des plus modestes. C’est là un idéal consubstantiel à la démocratie, qui doit permettre à chacun, selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, d’accéder à toutes les dignités sans autre distinction que celle de ses vertus et de ses talents.

C’était d’ailleurs tout le sens du combat pour l’école unique, pendant la première moitié du XXsiècle et jusqu’au collège unique de 1975, qui avait pour but de permettre à chacun de recevoir la même instruction, ce qui est la première définition de l’égalité des chances. Mais, dans les années soixante-dix, Bourdieu et Passeron montrèrent que les enfants défavorisés n’accédaient pas aux filières nobles dans les mêmes proportions que les autres. Ce fut le début de la discrimination positive, avec la mise en place des ZEP, qui visait à donner les moyens de réussir aux élèves issus des familles défavorisées. On sait aujourd’hui que cette mesure a des résultats très contrastés.

De fait, où repère-t-on aujourd’hui les phénomènes de violence les plus fréquents ? Dans les lycées professionnels,…

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Pas seulement !

M. Rudy Salles. …comme nous l’a rappelé très justement Claude de Ganay. C’est dans ces établissements que les cas de professeurs agressés sont également les plus fréquents. À 81 %, ces agressions se caractérisent par des atteintes aux personnes. Cela dit, madame la ministre, vous avez raison : les lycées professionnels ne sont pas les seuls concernés ; il faudrait parler aussi des collèges.

Comment en sortir ?

M. Jean-Pierre Dufau. En disant la vérité !

M. Rudy Salles. Non pas par une logique répressive qui détruit et qui maltraite, pas plus que par une sorte de complicité bienveillante qui nivelle. Ces deux démarches posent problème, parce qu’elles nient le principe d’autorité. Or – je vous renvoie à Hannah Arendt – sans l’autorité, c’est la loi des plus forts qui s’impose, ce sont les fatalismes et les déterminismes sociaux qui l’emportent.

Il ne doit donc pas être interdit d’interdire, ni de sanctionner, comme l’on disait en 1968, quand il s’agit de permettre à chacun de sortir du déterminisme. Pour cette raison, il est essentiel de fixer un cadre en matière d’éducation, y compris en posant des interdits. La vraie tolérance est celle qui pose des limites entre ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas, et cela dans le respect de chacun. C’est ainsi qu’elle autorise chacun à être, à grandir, à s’épanouir et à trouver sa place.

Voilà pourquoi il nous semble indispensable de concevoir un partenariat d’éducation partagée entre les familles et les enseignants, un dialogue mutuel entre les compétences des uns et des autres, avec des enjeux en matière de formation – pour les enseignants, bien sûr, mais aussi pour les parents. Il faut d’ailleurs reconnaître une compétence aux parents, ce qui suppose au préalable d’identifier leur responsabilité. Certains parents, parfois démunis face aux adolescents, ont besoin d’une formation. De leur côté, les enseignants doivent être formés à une nouvelle relation avec les parents.

Il est vrai que la proposition de loi qui nous est soumise ne parcourt qu’une partie du chemin ; mais elle n’a pas, elle, vocation à refonder l’école. Ce devrait être à cette grande loi de refondation de poursuivre le chemin et de le prolonger. Pour autant, le texte qui nous est soumis aujourd’hui tend bien, en instituant un mécanisme d’avertissement préalable des parents d’enfants commettant des violences à l’école, à susciter une démarche d’autorité partagée et bienveillante entre le corps enseignant et les parents. La sanction n’intervient que comme la phase ultime d’un processus, dans des cas sérieux et selon un système gradué en fonction de la gravité des violences.

On peut bien parler de retissage des liens sociaux ; mais à quoi bon, si l’on en reste à des déclarations de principe ? On peut, avec les mêmes bonnes intentions, évoquer l’amélioration de la vie des équipes scolaires, l’instauration d’une gouvernance démocratique ou le développement de projets collectifs et participatifs ; mais à quoi bon, si l’on n’a pas posé des limites et établi des passerelles nouvelles entre le monde de l’enseignement et les parents ? On peut encore souhaiter bousculer la pédagogie – comme je l’ai entendu –, mais à condition de ne pas le faire dans un monde clos et en s’en tenant aux bons sentiments.

Le Gouvernement a commencé à fournir des réponses pour lutter contre les violences scolaires. Quelles sont-elles ? La création des 500 postes d’APS – M. le rapporteur l’a rappelé – dans les établissements dits sensibles, dès la rentrée 2012. Cette logique-là, vous ne le nierez pas, est bien celle du cadre et, le cas échéant, de la sanction. Il est également prévu, il est vrai, dans le projet de loi de refondation de l’école, de faire acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mais, en réalité, tout cela ne répond pas au véritable enjeu tel que je viens de vous le présenter. Nous sommes très loin et très en deçà de ce que devrait être une véritable démarche innovante et profondément républicaine qui viserait, non pas à refonder l’école, mais peut-être, simplement et plus modestement, à relier l’enseignement aux réalités quotidiennes des familles. Et nous sommes convaincus que le bon chemin est là.

Comme c’est prévisible, vous balaierez d’un revers de main cette proposition de loi, alors qu’elle ouvre une voie. Mais peut-être la discussion à venir nous donnera-t-elle l’occasion d’améliorer votre texte dans ce sens ? Dans cette perspective, le groupe UDI votera pour la présente proposition de loi.

Madame la présidente, je vous rends deux minutes cinquante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe UMP se positionnent sur une ligne répressive, ce qui est regrettable, particulièrement en matière d’éducation.

Cette ligne répressive a déjà démontré son inefficacité avec la loi Ciotti. Les leçons de cet échec n’ont pas été tirées par nos collègues du groupe UMP, et nous sommes à nouveau face à une logique cumulant inefficacité et injustice sociale.

M. Patrice Verchère. Heureusement, vous êtes arrivés !

Mme Michèle Bonneton. Le sénateur David Assouline l’a d’ailleurs démontré dans son rapport sur l’absentéisme scolaire : dans 80 % des cas, la sanction par la suspension ou la suppression des allocations familiales n’a pas reconduit les élèves sur le chemin de l’école, pas plus qu’elle n’a réellement prévenu le décrochage scolaire.

Que cette loi ait été injuste socialement ne fait aucun doute. Les enfants concernés par le décrochage scolaire, de la même manière que les victimes de violences, sont principalement issus de milieux défavorisés. Condamner les familles à cette sorte de double peine n’est pas acceptable.

Cependant, nous considérons que la violence en milieu scolaire est un problème bien réel. Les chiffres nous le rappellent, bien qu’il faille les prendre avec précaution : le taux d’incidents, qui était de 13,6 pour mille élèves en 2011-2012, semble être en augmentation.

Mais nous sommes vigoureusement opposés à l’approche coercitive qui est proposée. En effet, nous voulons repenser en profondeur le système éducatif ainsi que notre relation à l’institution qu’est l’école : ainsi pourrons-nous apaiser certains climats tendus, permettre à chacun de trouver sa place et réussir, surtout, la prévention. C’est la mission première de l’école républicaine que de permettre à tous les enfants de s’y intégrer et de s’y épanouir. C’est pourquoi nous préconisons une rénovation de notre modèle scolaire, comme Barbara Pompili l’a clairement exprimé en commission.

M. Alain Chrétien. Elle veut supprimer les notes !

Mme Michèle Bonneton. Il est par exemple indispensable de renforcer la présence des adultes dans les établissements scolaires afin de mieux encadrer les enfants. Rappelons que le nombre de personnels non-enseignants a été divisé par 5 entre 2003 et 2012.

Au-delà de la prévention des violences, ces personnels ont une fonction primordiale de création de lien social avec les élèves. Ils permettent un meilleur accompagnement, grâce à une meilleure connaissance des enfants en tant qu’individus. C’est en tendant vers l’accompagnement individualisé de chaque élève que nous pourrons réellement réduire la violence en milieu scolaire.

Par ailleurs, l’encadrement doit prendre en compte l’environnement social des établissements scolaires ainsi que les inégalités territoriales, puisque ce sont souvent sur les mêmes territoires que se concentrent les difficultés : absentéisme, échec scolaire, décrochage, etc. Mais prendre en compte la réalité territoriale de la violence en milieu scolaire, c’est également reconnaître que celle-ci n’est pas seulement interne aux établissements, mais qu’elle leur est aussi extérieure.

S’il est donc indispensable de retisser du lien social à l’intérieur des écoles, il faut aussi le faire aux alentours afin de créer un environnement scolaire apaisé. Pour cela, une politique de la ville ambitieuse, porteuse de mixité sociale et associant les milieux associatifs est nécessaire. Comme vous le voyez, notre ambition est grande !

Il convient aussi de reconsidérer l’utilisation des punitions et le système de notation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. Il faut donner 10 à tout le monde, comme à « L’École des fans » !

M. Alain Chrétien. Que faites-vous de l’évaluation ?

Mme Michèle Bonneton. Les évaluations peuvent être intelligentes et ne pas se réduire à des notes brutales. Je n’ai jamais dit qu’il fallait se passer des notes, mais qu’il fallait recourir à une évaluation pertinente.

M. Alain Chrétien. Si c’est cela, vous enfoncez des portes ouvertes !

Mme Michèle Bonneton. Il ne s’agit pas de faire preuve d’un angélisme aveugle : la sanction peut être nécessaire lorsqu’elle est appliquée à bon escient, mais elle n’a d’intérêt que si elle est pédagogique et mesurée, si elle a un sens et est comprise par l’enfant. La punition sévère à outrance et incomprise ne fait, elle, que dégrader davantage les relations entre élèves et adultes.

En fait, il faut avoir l’ambition de redonner le goût d’apprendre aux élèves et de les rendre acteurs de leur parcours.

Cette proposition de loi repose sur une vision par trop réductrice des violences en milieu scolaire, lesquelles seraient uniquement le fait des élèves envers les adultes. C’est méconnaître que la violence peut aussi être due aussi aux relations des adultes entre eux, comme le rappelle Éric Debarbieux dans son rapport. Nous souhaiterions donc que la formation des enseignants, si malmenée durant les cinq dernières années, comprenne des modules de gestion des conflits et prépare à un renforcement des relations avec les familles.

L’amélioration de l’ambiance au sein d’un établissement scolaire découle aussi de la nature de ses projets pédagogiques, ou encore du développement de projets collectifs et participatifs. Ces projets ne pouvant se construire que sur le long terme, et c’est pourquoi il faut privilégier la stabilité des équipes pédagogiques. Cela permet non seulement aux enfants et aux parents d’avoir des référents stables et clairement identifiés, mais aussi aux enseignants de se projeter dans la durée.

Le Gouvernement a pris conscience de l’ampleur de ce problème de violence, et a mis en place des mesures pour y répondre : 500 postes d’assistants de prévention et de sécurité ont d’ores et déjà été créés ; une instruction morale et civique est dispensée à tous les niveaux ; une délégation ministérielle pour la prévention et la lutte contre les violences en milieu scolaire a été lancée le 16 septembre. Nous attendons beaucoup de cette délégation et des conclusions qu’elle rendra.

Nous saluons évidemment ces mesures, qui devraient en appeler d’autres. Toutefois, nous considérons que c’est vers un profond remodelage de notre école que nous devons tendre, en concertation avec les professionnels de l’éducation, à l’écoute des équipes pédagogiques, sur le terrain, et de tous les acteurs de l’école. C’est pourquoi le groupe écologiste sera très attentif au projet de loi de refondation de l’école qui nous devrait nous être soumis dans quelques temps.

Quant à la présente proposition de loi, nous ne partageons pas la stigmatisation et la coercition dont elle est porteuse et nous rejetons sa logique de pure sanction financière. Nous voterons contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la démarche qui a conduit le groupe UMP à proposer ce texte est aussi surprenante que navrante. Pour employer une expression familière, il tombe un peu comme un cheveu sur la soupe dans les débats actuels sur la refondation de l’école.

La tentative d’instrumentalisation idéologique de ce phénomène grave qu’est la violence scolaire n’en est que plus criante. Nous trouvons regrettable, pour ne pas dire choquante, l’exploitation politicienne que l’UMP tente de faire de ce sujet. Nous ne sommes évidemment pas dupes de la manœuvre qui consiste pour la droite à dénoncer le prétendu laxisme de la gauche en la matière.

M. Alain Chrétien. Pas prétendu : réel !

M. Jean-Jacques Candelier. Mais les faits sont têtus et chacun peut constater l’échec de la politique conduite sous le précédent quinquennat ainsi que la responsabilité qui est celle de l’UMP.

L’opposition ne propose aujourd’hui comme réponse à la violence scolaire qu’une seule mesure, toujours la même : la suspension du versement des allocations familiales aux parents d’enfants auteurs de violences. Ce sujet est désormais derrière nous et vous manquez singulièrement d’imagination !

Par-delà les griefs de principe que nous pouvons opposer à cette proposition, force est de constater que sa mise en œuvre sous la précédente mandature n’a pas été couronnée de succès. Les violences ont crû de 11 % entre 2011 et 2012. Il est assez déplorable de constater que vous en êtes réduits, par pure démagogie, à proposer l’adoption de mesures dont vous savez, comme nous, qu’elles sont aussi injustes qu’inefficaces.

Le bilan de l’action sous le précédent quinquennat n’est pas glorieux. La droite a aggravé les problèmes dans des proportions considérables. En effet, l’UMP a pris tout au long de cette période des mesures profondément régressives. Je n’en citerai que quelques-unes : la réduction de l’éducation prioritaire à l’identification des « élèves à risque » ; le sabordage de la formation des enseignants ; la dérégulation de la carte scolaire et, bien évidemment, les suppressions massives de postes d’encadrement.

Entre 2003 et 2012, le nombre de personnels non enseignants a été divisé par 5 ! Vous avez ainsi mis les enseignants et les équipes éducatives dans l’impossibilité matérielle de faire face aux situations de violences en milieu scolaire. Ces situations, pour être correctement traitées, exigent en effet la présence d’adultes qualifiés au sein des établissements.

Chacun sait que les actes de violence ont souvent pour cause des difficultés psychologiques, des troubles familiaux, des problèmes sociaux, qui exigent avant tout une meilleure prise en charge des enfants concernés, auteurs comme victimes de violences. Les familles ont besoin d’être aidées et non d’être sanctionnées.

La droite s’est posée, lors du débat sur le mariage pour tous, en grand défenseur de la famille. Sans revenir sur le paradoxe qu’il y a à défendre la famille tout en refusant à certains le droit à une vie de famille, vous êtes-vous interrogés sur les conséquences des politiques conduites les années précédentes, en matière de droit du travail par exemple ?

La casse du droit du travail a ouvert la voie à la multiplication des situations de précarité, au travail le dimanche, à la généralisation des horaires décalés. Pensez-vous que cette précarité favorise la vie familiale et l’éducation des enfants ? Croyez-vous que les effets délétères des politiques de précarité vous autorisent aujourd’hui à proposer de sanctionner des familles délibérément fragilisées ?

Depuis l’automne, le Gouvernement a pris ses responsabilités dans certains domaines. Il a mis en œuvre des mesures qui vont dans le bon sens avec, par exemple, le recrutement de 500 assistants de prévention et de sécurité, ou encore la mise en chantier des modules de formation visant à apprendre aux enseignants à gérer les conflits. Il a confié en septembre dernier à Éric Debarbieux la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la sécurité en milieu scolaire. Comme l’a souligné la ministre, c’est la première fois que le mot « violence » figure dans l’organigramme du ministère.

Ce travail est tout le contraire de l’agitation médiatique dans laquelle la droite se complaît. Nous soutenons donc ces initiatives et sommes convaincus de deux choses.

La première est qu’il n’y aura pas de réponse à la violence scolaire sans que les équipes éducatives reçoivent les moyens de prendre en charge les incidents de manière efficace et utile. Il faut aussi donner plus de place aux associations éducatives et pédagogiques, et développer les structures d’accueil. Un meilleur encadrement, c’est une meilleure connaissance des élèves, de leurs difficultés personnelles, familiales et sociales.

La seconde, c’est qu’il faut refonder l’école sur un contrat de confiance. Ces derniers temps, les mobilisations ont montré qu’il fallait rétablir l’écoute, le dialogue, la confiance dans les enseignants, dans les personnels, dans le potentiel des élèves. La confiance est une clef du pacte républicain et démocratique.

De nombreux observateurs l’ont remarqué : là où les collégiens et les lycéens prennent davantage en charge la vie scolaire, la violence recule ; là où les élèves de terminale sont responsabilisés et accueillent les élèves de seconde, les établissements sont plus apaisés.

La question de la violence scolaire n’est pas absente des préoccupations de la gauche, bien au contraire, mais elle ne peut être appréhendée isolément, dans une optique punitive des familles en difficulté.

Le traitement de la violence scolaire exige de la fermeté ; l’arsenal législatif et réglementaire existe. Il exige aussi et surtout la poursuite d’un travail de fond visant à mettre l’accent sur la prévention, la qualité de l’encadrement et l’identification précise et individualisée des causes des comportements violents. Ceux-ci peuvent avoir des origines très diverses, qui vont des violences intrafamiliales aux situations d’échec scolaire ; ils peuvent se nourrir d’un mal-être ou encore d’un sentiment d’impunité, qui pousse l’enfant à monter d’un cran dans la violence.

Tisser des liens de proximité avec ces enfants est l’unique moyen de prendre en charge les difficultés qu’ils posent aux autres élèves, comme aux enseignants et à l’équipe éducative. C’est aussi le moyen de s’assurer que ces élèves retrouveront le chemin d’une scolarité synonyme d’apprentissage et d’émancipation.

Refonder l’école sur le modèle de l’école républicaine, c’est-à-dire sur le modèle de l’élève qui n’a que l’école pour apprendre et à qui l’école doit donner les moyens de se construire, telle est l’ambition qui devrait aujourd’hui nous réunir. Nous rejetterons, vous l’avez compris, cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Emeric Bréhier.

M. Emeric Bréhier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, je m’exprime ici au nom de l’ensemble des députés SRC, qui ont renoncé à intervenir dans la discussion générale, pour laisser davantage de temps de parole à nos collègues de l’UMP.

Je voudrais d’ailleurs louer ici leur constance. En effet, quelques jours après avoir abrogé la loi Ciotti, nous voici de nouveau réunis pour discuter de plusieurs de ses dispositions. Mais souffrez, chers collègues, que les membres du groupe SRC fassent preuve, eux aussi, de cohérence : ce que nous avons abrogé récemment, nous ne souhaitons pas, quelques jours après, le rétablir.

Avec ce texte, notre collègue rapporteur entend donc créer un « choc de responsabilisation » des parents d’élèves auteurs de violences en milieu scolaire, en instaurant un dispositif « graduel », allant jusqu’à la suspension ou la suppression des allocations familiales. Notre collègue fait ainsi revivre la fameuse loi Ciotti, qui proposait le même outil pour gérer la question de l’absentéisme scolaire.

Malheureusement, monsieur le rapporteur, cet outil a, selon nous, déjà montré son inutilité. C’est d’ailleurs vous-même qui le signifiez dans votre rapport, en signalant qu’entre 2011 et 2012 – période durant laquelle la loi Ciotti était, si je ne m’abuse, en vigueur –, les faits de violence dans les établissements scolaires ont sensiblement augmenté.

L’automaticité de la sanction que vous préconisez de fait ne permettra pas plus que dans le cadre de la loi Ciotti de faire le « tri » entre les familles de bonne foi et les autres. De la même manière, votre proposition oublie que les questions d’échec scolaire, d’absentéisme ou de violence sont particulièrement liées à la situation sociale des enfants.

Permettez-moi, enfin, de m’arrêter sur ce lien si étroit que vous établissez – comme votre collègue Éric Ciotti avant vous, et je salue, là encore, votre cohérence – entre la responsabilité directe des parents et les agissements de leurs enfants. Madame la ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour préparer le débat relatif à l’abrogation de la loi Ciotti, vous avez très simplement rappelé la réalité : « Si l’absentéisme résultait de l’incapacité ou de la désinvolture des parents, le même phénomène serait constaté à l’école primaire. Il ne commence à être significatif qu’à la fin du collège et en début de lycée, notamment en lycée professionnel. » Monsieur le rapporteur, ce qui était vrai pour l’absentéisme l’est au moins autant pour les violences, ce qui ne peut nous amener qu’à une seule et même conclusion.

En approfondissant l’analyse de votre proposition de loi, on ne peut que constater que les réponses que vous proposez pour lutter contre les violences scolaires appartiennent à un modèle qui n’a plus cours dans aucun pays. Les États-Unis, qui avaient un temps développé une politique de « tolérance zéro » extrêmement sévère, ont avoué l’échec de celle-ci pour instaurer un système efficient en matière de discipline scolaire. Parallèlement, toutes les politiques ayant montré leur efficacité, en Finlande, en Suisse ou au Canada, sont toutes fondées sur le même modèle, à savoir l’information des élèves, la formation des professeurs, l’échange et, surtout, le règlement des problèmes dans l’école et non au-dehors.

Vous l’aurez compris, ce texte ne répond pas, selon nous, à la question de la violence en milieu scolaire. Il n’y répond pas car il entend faire revivre des solutions anciennes, déjà testées et qui ont déjà montré leur inefficacité et leur injustice.

Depuis mai 2012, ne vous en déplaise, une autre vision de l’école et de son rôle dans notre société est à l’œuvre. Une vision où les questions des violences à l’école, de l’échec scolaire et de l’absentéisme sont envisagées sous l’angle de multiples facteurs ; une vision qui remet l’élève au cœur de l’action, car les élèves d’aujourd’hui sont les citoyens et les acteurs économiques de demain ; une vision qui se donne les moyens de son ambition ; une vision qui ose engager une véritable refondation pédagogique ; une vision qui sait que le redressement de notre pays, son avenir, passent par la refondation de son école. Et je ne doute pas que chacun sur ces bancs partage cette vision.

Jean Jaurès, que nos collègues de l’UMP citent avec gourmandise en quelques occasions, exhortait ainsi nos prédécesseurs en 1910 : « Il faut que toutes nos idées soient imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité. » Cette proposition de loi n’est marquée ni du sceau de la générosité ni de celui de la sérénité. Il est donc temps de la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, la proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay s’inscrit dans le droit fil d’une préoccupation constante de notre famille politique depuis plusieurs années, qui est de garantir la sécurité au sein des établissements scolaires. Sans sécurité, en effet, il n’est pas possible de transmettre, d’apprendre ou de vivre ensemble.

La vérité est que la sécurité est la première condition de la réussite à l’école, et c’est parce que nous l’avions compris que, pendant cinq ans, nous avons, à la suite des états généraux sur la sécurité à l’école, mis en œuvre une politique qui jouait sur plusieurs leviers en même temps.

En effet, en avril 2010, suite à de graves incidents survenus en milieu scolaire, nous avions réuni autour du thème de la sécurité à l’école l’ensemble des acteurs du système éducatif, pour partager des orientations et définir une politique qui soit à la fois préventive et capable de remettre la règle et l’ordre au cœur de notre système éducatif.

C’est ce qui a été fait à la suite de la nomination de M. Debarbieux – car ce n’est pas vous, madame la ministre, mais bien moi qui ai nommé M. Debarbieux,…

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. C’est ce que j’ai dit.

M. Luc Chatel. …preuve que la politique menée par le précédent gouvernement vous convenait, puisque vous en avez gardé le principal artisan. J’aimerais simplement que la majorité actuelle ait la même cohérence et approuve la proposition de loi de Claude de Ganay.

Nous avions donc décidé d’agir dans quatre directions à la fois. Nous avons d’abord œuvré à la sécurisation des établissements scolaire, en posant, pour chaque établissement scolaire, un diagnostic de sécurité, permettant de préconiser des mesures appropriées : aménagement des locaux, formation du personnel, réorganisation des entrées ou coopération avec les associations locales.

Notre deuxième axe d’action touchait aux personnels et à leur formation : formation des chefs d’établissement à la gestion de crise et à la problématique de la sécurité – ils étaient insuffisamment formés dans ce domaine –, mais aussi formation des enseignants, avec la mise en place de modules spécifiques permettant d’apprendre à tenir et à gérer une classe, ce qui n’est pas forcément inné chez un enseignant débutant.

Nous avons aussi mis en place des personnels nouveaux en charge de ces questions : les équipes mobiles de sécurité, formées pour moitié de membres de l’éducation nationale et pour moitié de membres de services de sécurité. Ces équipes ont fait la preuve de leur efficacité.

En troisième lieu, nous avons également mené une réflexion importante pour reconsidérer la place de la sanction au sein des établissements scolaires, lui redonner un sens, là où l’exclusion entraînait souvent l’élève sur la voie du décrochage scolaire. Nous avons ainsi accompli un gros travail de réécriture des règlements intérieurs des établissements scolaires et replacer la règle au cœur de l’organisation des collèges et des lycées.

Notre action comportait enfin un volet innovation, intégrant les initiatives locales grâce au dispositif ECLAIR, qui offre plus d’autonomie et de marges de manœuvre aux établissements difficiles touchés par les problèmes de sécurité.

La proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay s’inscrit très clairement dans le prolongement de ces orientations, en accroissant la responsabilité des parents – puisqu’elle élargit le champ du contrat de responsabilité parentale – et en proposant dans le même temps un système de réponses graduées pour les élèves ou les familles qui ne répondraient pas favorablement à l’exigence d’application de la règle.

Je soutiens donc cette proposition de loi qui est une étape de plus dans la mobilisation de tous en faveur de la sécurité à l’école. La loi Ciotti l’a d’ailleurs très bien démontré, et je regrette à nouveau que le Gouvernement ne nous ait pas communiqué le rapport de l’inspection générale.

Nous connaissons les inspecteurs généraux qui l’ont rédigé, et la ministre nous en a confirmé l’existence, même si elle a corrigé le tir en parlant d’un rapport d’étape. Le Parlement attend toujours, quoi qu’il en soit, les conclusions de ce rapport dont la publication mettrait sans doute à mal bien des arguments de l’actuelle majorité.

La proposition de Claude de Ganay est donc une bonne proposition de loi, que le groupe UMP soutient totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard.

Plusieurs députés du groupe SRC. Attention aux boutons !

M. Gilbert Collard. L’école, c’est la guerre des boutons !

Cette proposition de loi correspond partiellement à une préoccupation déjà exprimée par Marine Le Pen, lors de sa campagne pour les élections régionales de 2004. Elle demandait la présence de portiques à l’entrée des écoles, la carte de lycéen infalsifiable et le renforcement d’une présence d’autorité, afin de faire régner l’ordre.

Le débat est simple et les idées échangées respectables. D’un côté, il y a Victor Hugo et son fameux : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison. » C’était beau, c’était grand. C’était l’école d’autrefois. Aujourd’hui, on a l’impression – et c’est même une réalité – que l’école ne peut plus remplir cette fonction. Il y a aussi Gilbert Cesbron, pour qui, chaque fois qu’on loupe l’éducation d’un gosse, c’est un peu Mozart qu’on prend le risque d’assassiner.

C’est dire combien l’école est le moment et l’endroit où tout se joue. Et l’enjeu est là : peut-on continuer à accepter que, selon les termes mêmes du rapport, les incidents graves aient augmenté de 30 % en cinq ans ? On parle ici d’une aggravation de la violence verbale et physique mais aussi d’un climat de violence diffus qui détériore la qualité du travail du professeur, et contamine progressivement les esprits : un élève, puis deux, et parfois tous.

Que fait-on face à cette réalité ? Comment réagit-on et comment choisit-on entre deux discours qui se heurtent l’un à l’autre ? Pour les uns, responsabiliser, c’est stigmatiser. Mais pourquoi considérer qu’il est stigmatisant de responsabiliser une personne, quand le fait de se prendre en charge et d’assumer ceux avec qui l’on vit est au contraire un moyen de construire une dignité ?

Il ne s’agit pas de procéder à une responsabilisation autoritaire, massive. Mais tant qu’on ne fera pas d’effort pour responsabiliser un peu les familles, fût-ce à une dose infime, comment voulez-vous que la notion de responsabilité s’installe dans les familles ?

En prétendant que responsabiliser, c’est stigmatiser, vous faites un travail sur les mots qui est inconcevable ! Quand je dis à quelqu’un qu’il est responsable, je le construis ! Quand je dis à un père, à une mère, quelles que soient les difficultés qu’il rencontre dans son foyer et dont on doit tenir compte, qu’il est responsable de son enfant, quand je le préviens que l’on touchera à ses allocations familiales si son enfant continue à se mal comporter, je ne le stigmatise pas, je lui dis simplement : « Réveille-toi, attention, ce qui compte peut-être pour toi va être touché. Réagis ! ». Que pouvons-nous faire d’autre aujourd’hui ? Tout le discours que j’entends sur la refondation de l’école, c’est beau comme un poème de Prévert. Ce qu’il faut, ce n’est pas refonder l’école, c’est respecter l’école, et on n’a plus d’autre moyen aujourd’hui que d’introduire un peu d’autorité, un peu de responsabilité. Allez voir La journée de la jupe, ce film extraordinaire dont le personnage principal est incarné par Isabelle Adjani, qui nous décrit toute une réalité.

Mais que faisons-nous ? Jusqu’à quand allons-nous nous contenter d’espèces de solutions fragmentaires qui n’apportent rien ? L’avenir de nos enfants est en jeu, tout comme l’avenir de notre pays. Pour que l’école, et je reprends respectueusement vos propos, madame Bonneton, permette aux jeunes de s’y intégrer, de s’y épanouir, elle doit être un lieu pacifié. Et ce ne sont pas toutes les solutions que l’on propose aujourd’hui qui permettront à nos jeunes, dans les écoles où la violence s’exerce, où les professeurs se rendent avec la peur au ventre, de s’intégrer.

Je ne sais plus qui a dit qu’il ne faudrait pas de note brutale. À défaut de note brutale, essayons au moins d’introduire, si vous le voulez bien, un peu de responsabilité. Ce n’est pas de la brutalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’école a pour première mission d’instruire les enfants. La transmission des connaissances doit être son principal objectif. Ce n’est que s’ils s’instruisent que les enfants peuvent s’épanouir, grandir, acquérir des diplômes pour obtenir, à la fin, un emploi.

Pour cela, il faut promouvoir le bien vivre ensemble, qui est une condition nécessaire pour apprendre, parce qu’instruction et éducation, qualité des apprentissages, qualité de vie et de relation vont de pair.

Mais l’école peut aussi s’avérer un lieu dangereux, voire terrifiant. Les faits de violence dans les établissements scolaires, dont sont victimes tant les élèves que les personnels, représentent un souci majeur pour les responsables éducatifs.

Ces agissements mettent en péril la réussite scolaire et l’égalité des chances. L’acte pédagogique constitue la première réponse à cette violence.

Si les atteintes aux personnes prennent le plus souvent la forme de menaces et de violences verbales, de vols ou de tentatives de vol, ainsi que de dégradations, de graffitis ou de tags sur les biens et le matériel, elles peuvent aussi être d’une tout autre nature.

Permettez-moi de profiter de ce texte sur la prévention et la lutte contre la violence en milieu scolaire pour attirer votre attention, chers collègues, madame la ministre, sur ce que l’on nomme « les jeux dangereux », phénomène trop souvent sous-estimé mais bien présent dans nos cours d’école.

Observé dans le milieu scolaire comme dans le cadre familial, le phénomène des jeux dangereux et des pratiques violentes reflète une réalité diverse.

On distingue les « jeux » de non oxygénation des « jeux » d’agression, intentionnels ou contraints, baptisés de plus d’une centaine d’appellations différentes par les enfants et les adolescents. Les « jeux » de non oxygénation, d’évanouissement, de strangulation ou de suffocation sont tournés vers l’expérimentation du corps – « trente secondes de bonheur », « rêve bleu », « rêve indien », « jeu du cosmos », le plus connu étant le « jeu du foulard ».

Ce type de « jeu » consiste à freiner l’irrigation sanguine du cerveau par compression des carotides, du sternum ou de la cage thoracique, pour ressentir des sensations intenses. Si certains jeunes ont pratiqué ce « jeu » sous la contrainte ou la pression, la plupart l’ont fait de leur plein gré.

Les « jeux » d’agression sont ceux où il est fait usage de la violence physique gratuite, généralement par un groupe de jeunes envers l’un d’entre eux.

On distingue les « jeux » intentionnels auxquels les jeunes participent de leur plein gré tels que le « jeu » du cercle infernal, celui de la cannette, du petit pont massacreur ou de la mêlée, des « jeux » contraints, auxquels l’enfant qui subit la violence du groupe n’a pas choisi de participer – le « jeu » des cartons rouges, celui de la ronde, de la mort subite ou de la couleur.

La participation à ces « jeux » est généralement motivée par le sentiment d’appartenir à un groupe, par le désir de suivre le leader, ou par intimidation.

Cette liste est loin d’être exhaustive : de nouveaux « jeux » paraissent régulièrement et se développent au gré de l’imagination foisonnante des enfants et des modes véhiculées par les médias, telles que le catch, par exemple.

Cela suppose une vigilance constante aux nouvelles formes que revêtent les « jeux » dangereux.

Si on distingue bien ces « jeux » des actes de violence ou de délinquance, il s’agit tout de même de pratiques dangereuses dont on ne mesure pas toujours les conséquences.

Les conséquences physiques et psychologiques de ces pratiques pour les « joueurs » ou les victimes sont extrêmement importantes, pouvant aller des séquelles physiques aux lésions cérébrales, irréversibles ou non, au coma voire au décès.

Les répercussions psychologiques pour les enfants les plus jeunes peuvent se traduire par des phobies scolaires, voire un état de stress post-traumatique plus ou moins prononcé.

La lutte contre les « jeux » dangereux et les pratiques violentes se poursuit en partenariat avec les associations agréées au niveau national, l’Association de parents d’enfants accidentés par strangulation et SOS Benjamin, mais aussi avec l’éducation nationale, qui doit faire en sorte qu’à toutes les étapes de leur scolarité, les élèves comprennent ce qu’est un comportement à risque.

Bien sûr, l’école s’attache à mieux accompagner les actions à mettre en œuvre dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes sur ces pratiques, mais l’école ne peut pas tout.

Toutefois, les caractéristiques de ces « jeux », aux conséquences physiques et psychologiques graves, sont autant de facteurs associés et de signes qui doivent alerter et favoriser la vigilance de tous, notamment des parents.

L’instauration d’un dispositif graduel visant à responsabiliser les parents qui manqueraient à leurs responsabilités, tel est l’esprit de la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui.

Si elle était adoptée, les parents se trouveraient davantage impliqués. Il convient d’instaurer un dialogue, afin de leur faire prendre conscience, à eux et à leurs enfants, de la nécessité du respect et de la protection de leur corps et de leur vie, mais aussi de celle des autres.

Je terminerai par une question à Mme la ministre. Suite au suicide, vendredi dernier, à Bourg-Saint-Maurice, d’un adolescent de treize ans qui était harcelé et régulièrement frappé par certains de ses camarades, la presse rappelait qu’en France 10 % des collégiens sont harcelés et 6 % subissent un harcèlement que l’on peut qualifier de sévère à très sévère, le harcèlement pouvant aller des moqueries aux insultes, des brimades aux menaces, jusqu’aux coups, au racket ou aux violences sexuelles. Une grande campagne avait été lancée fin janvier 2012, sous l’impulsion de votre prédécesseur, Luc Chatel, pour lutter contre le harcèlement à l’école, par le biais de spots télévisés, de l’ouverture d’un site internet – www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr –et d’un numéro vert national. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si cette campagne sera renouvelée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Nous sommes revenus sur un certain nombre de sujets importants et la plupart des contributions ont été intéressantes.

J’ai noté que M. Chatel nous avait fait un plaidoyer pro domo. S’éloignant quelque peu du sujet, il a tenu à nous rappeler combien il s’était révélé un très bon ministre de l’éducation. Or, la montée des violences dénoncée dans cette proposition de loi a justement été constatée durant cette période. Si les mesures prises avaient été réellement efficaces, nous nous en serions aperçus.

Je vous renvoie par ailleurs à une intervention de M. Chatel où il exposait, à cette même époque, les moyens de lutter utilement contre la violence. On y cherchera en vain la moindre allusion à la suspension des allocations familiales. Il avait au contraire déclaré ceci, avec quoi nous sommes d’ailleurs parfaitement d’accord : « Sous la responsabilité des chefs d’établissement, le travail conjoint des professeurs, des conseillers principaux d’éducation, des assistants d’éducation et des personnels de santé, est la réponse la plus efficace pour faire reculer tous les phénomènes de violence au sein de l’établissement ». M. Chatel nous propose aujourd’hui de suspendre les allocations familiales, mais il n’en avait pas fait mention à l’époque.

S’agissant de l’innovation, qu’il a également évoquée, nous savons que dans les établissements en difficulté, elle peut être une réponse adaptée, notamment en termes pédagogiques. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de remettre en place le Conseil national de l’innovation pour la réussite scolaire, précédemment supprimé.

Monsieur Salles, vous avez insisté sur l’importance du dialogue et de la concertation avec les parents. Nous sommes d’accord sur ce point. À cet égard, il est prévu que des pactes éducatifs territoriaux seront conclus entre les collectivités, les parents et les élus. Nous en discuterons à l’occasion de la loi sur la refondation de l’école.

Enfin, M. Collard s’est dit opposé aux mesures partielles, et a appelé à un débat d’ensemble. C’est bien ce que nous comptons faire grâce à la loi sur la refondation.

Ces sujets méritent d’être étudiés sous l’angle d’une conception d’ensemble de la refondation de l’école. C’est bien ce à quoi nous travaillons et ce sur quoi nous allons discuter dans quelques semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle à présent les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Article 1er

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen de l’article 1er.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Nous nous sommes bien rendus compte, à l’occasion de cette discussion générale, qu’il existe entre nous un clivage. Nos orientations sont différentes. Mais après tout, elles ne s’opposent pas, elles se complètent. Les mots de « règle », de « responsabilité », de « discipline », d’ « autorité », ne doivent pas être tabous dans le monde de l’éducation nationale, pas plus que ceux de « solidarité », de « dialogue », de « fraternité », de « générosité » et d’ « écoute » que nous avons aussi entendus du côté de la majorité.

Les sujet est grave. Il a trait à la vie de nos enfants. Nous avons d’ailleurs vécu à Vesoul, dont je suis le maire, un drame qui est venu s’ajouter à la liste de ceux qui se sont produits ces derniers mois.

L’adoption de cet article 1er donnerait à l’éducation nationale les moyens de marcher sur ses deux jambes, celle de l’écoute et de la générosité, mais aussi celle de la responsabilité et de l’autorité. Toutes ces notions font la vie en société. Droite et gauche, au-delà de leurs divergences, peuvent définir, ensemble, une vision beaucoup plus équilibrée de l’école. C’est l’objectif de cette proposition de loi, que nous partageons. Nous vous invitons, chers collègues, à revoir la position de la commission et à adopter cet article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le groupe UDI soutient cet article 1er, ainsi que l’ensemble du projet de loi, comme notre collègue Rudy Salles l’a indiqué tout à l’heure. La loi Ciotti, même si elle fut extrêmement caricaturée dans cette enceinte, a abouti à ce que, sur 80 000 signalements, il n’y ait, au bout du compte, que 1 500 mesures de suspension des allocations familiales, ces allocations étant rétablies dès lors que, dans le délai d’un mois, l’élève n’est pas absent plus de quatre demies journées.

Ce dispositif progressif n’a pas pour objet de « stigmatiser », terme insupportable, mais d’accompagner, de soutenir, d’aider des familles démunies, qui elles aussi sont victimes. Ce n’est qu’une fois constaté l’échec de ces mécanismes de soutien et d’écoute qu’une sanction peut être prise, en sachant qu’elle peut être levée si, dans le mois qui suit, une nouvelle absence n’est pas constatée.

Ce système a donc fait la preuve de sa pertinence : si seulement 1 500 signalements sur 80 000 ont conduit à une mesure de suspension, cela signifie que dans 98 % des cas, la procédure initiée par la loi Ciotti a été fructueuse et utile.

Appliquer une procédure de ce type au traitement d’un autre fléau, celui de la violence, me paraît une excellente mesure. Car la violence stigmatise les établissements et les classe sur une liste noire des établissements à éviter. Des élèves en viennent à ne plus venir à l’école parce qu’ils y sont harcelés.

Nous voterons cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Langlade, pour soutenir l’amendement n° 12 tendant à la suppression de l’article 1er.

Mme Colette Langlade. Bien entendu, nous partageons tous le même constat, mais nous ne sommes pas d’accord avec les solutions que vous proposez dans cette proposition de loi.

Aujourd’hui, cela a été dit et répété, des textes existent. Dans les établissements, des dispositifs sont réalisables, réalisés et appliqués. Une circulaire de l’ancien ministre de l’éducation nationale précise bien que la sanction doit être éducative et contradictoire, qu’il doit y avoir un dialogue avec l’élève et les parents, que la sanction doit être adaptée et éducative.

Nous demandons la suppression de l’article 1er, car la proposition de loi affaiblit les acteurs. Elle ne parle pas du tout de l’autorité du chef d’établissement ni des équipes pédagogiques, elle ne fait pas du tout référence au rôle, pourtant important, du conseil d’administration dans les établissements. Elle n’apporte aucune plus-value s’agissant des relations avec les parents et des discussions sur le cheminement de l’enfant. En outre, cette proposition de loi affaiblit directement et en profondeur les institutions.

Et surtout, monsieur le rapporteur, comme je l’ai souligné en commission, vous stigmatisez beaucoup trop, vous identifiez beaucoup trop les structures scolaires dans lesquelles se produit la plus grande violence scolaire. Or il y a, en amont, des phénomènes d’orientation, des problèmes de rupture scolaire qui laissent l’enfant au bord du chemin.

Nous demandons la suppression de l’article 1er, car nous estimons qu’il ne faut pas pénaliser les parents d’élèves en suspendant ou en supprimant leurs allocations familiales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude de Ganay, rapporteur. Je suis, bien sûr, tout à fait défavorable à cet amendement, même si, je dois le souligner en tant que rapporteur, celui-ci a été adopté par la commission.

Je le regrette, madame la ministre, d’autant que vous avez, comme moi et l’ensemble de mes collègues, constaté la violence qui existe à l’école. Il faut y remédier. Vous êtes en train de manquer une occasion d’envoyer un signal fort aux enseignants, qui attendaient de votre gouvernement qu’il prenne des mesures fortes en faveur d’une meilleure responsabilisation des parents. C’est la base de ma proposition de loi, qui est dans le droit fil de celle d’Éric Ciotti. Elle vise à associer les parents, pour ne pas laisser les enseignants seuls et démunis face à l’agressivité de plus en plus forte des enfants à l’école. C’est la société qui est ainsi. Car ce ne sont pas uniquement des enfants de milieux défavorisés, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Il suffit de lire les procès-verbaux et de s’entretenir avec les principaux et les proviseurs, qui disent que c’est l’ensemble des parents et des milieux sociaux qui est concerné.

Cela étant, beaucoup de parents ont démissionné et laissent à l’éducation nationale le soin d’éduquer leurs enfants. Cette démission n’est pas acceptable et ce déni d’éducation doit être corrigé. Notre proposition de loi en est l’occasion. Les chiffres sont têtus. Ceux cités par Éric Ciotti montrent l’efficacité de son dispositif. Ce n’est pas simplement la sanction qui est proposée, mais des mesures préalables d’accompagnement et de prévention.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 12.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je suis assez favorable à cet amendement.

Je m’étonne d’entendre autant d’arguments visant à soutenir la procédure Ciotti au motif qu’elle ne serait qu’une étape dans le dialogue avec les parents. Je me demande d’ailleurs, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, si cette procédure a été appliquée dans les territoires dont vous dirigez l’exécutif. Je n’en suis pas tout à fait convaincue.

Monsieur Verchère, vous m’avez demandé ce que nous allions faire pour lutter contre la violence scolaire. Je vous informe que la semaine prochaine, M. Debarbieux s’exprimera publiquement, avec Vincent Peillon. Vous aurez ainsi la réponse à votre question.

Enfin, monsieur le rapporteur, les enseignants que nous avons rencontrés n’étaient pas favorables au dispositif Ciotti. C’est la raison pour laquelle il a été assez peu mis en place.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le groupe UDI appelle à voter contre cet amendement de suppression.

D’une part, la stigmatisation du dispositif Ciotti est tout à fait inacceptable, dans la mesure où il a été instauré récemment et qu’il n’a pas pu véritablement s’installer durablement dans le paysage, comme tout dispositif qui demande du temps.

D’autre part, une fois qu’on a laissé un dispositif s’installer, après une, deux ou trois années, on l’évalue sérieusement et c’est en fonction de cette évaluation que l’on décide s’il est pertinent ou pas, s’il est efficace ou pas. Toute autre procédure relève donc du procès d’intention, ou du procès en sorcellerie !

En l’espèce, ce dispositif, dans le temps qui lui a été donné pour s’installer, a produit les résultats que j’ai rappelés tout à l’heure : 80 000 signalements qui aboutissent à 1 500 suspensions, soit 98 % de réussite.

Enfin, le contrat de responsabilité parentale, qui est au cœur du processus, en appelle à la responsabilité – ce n’est pas un gros mot ! – des parents. Il aurait dû, à mon sens, produire ses fruits dès lors qu’il s’insère dans un dispositif global tel que l’a rappelé Luc Chatel, dispositif global au sein duquel se situe le recrutement des 500 assistants qui a été rappelé tout à l’heure.

Ce dispositif de responsabilité parentale est majeur, parce que les victimes des violences, ce sont d’abord les enfants dans les établissements scolaires, mais ce sont aussi les personnels scolaires, ce sont aussi les familles qui ont des enfants dans des établissements particulièrement turbulents, et ce sont, enfin, les établissements eux-mêmes, qui finissent pas être mis sur une liste noire et sont évités par la majeure partie des familles. Au bout du compte, les victimes des violences, c’est l’ensemble des acteurs de notre système éducatif.

Donc, lutter contre les violences scolaires de manière préventive, dans le cadre qui était proposé, me paraissait une excellente méthode.

C’est pour ces raisons que nous voterons contre cet amendement de suppression.

M. Patrice Verchère. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, votre jugement est un peu lapidaire lorsque vous dites que les enseignants sont, dans leur ensemble, contre le dispositif. Nous avons rencontré des enseignants qui sont pour. Les enseignants ont besoin d’être soutenus, d’être protégés, et un certain nombre d’entre eux sont pour ce dispositif. C’est un peu rapide de généraliser et d’estimer que votre parole, madame la ministre, est universelle.

Par ailleurs, les chefs d’établissement doivent pouvoir couvrir, protéger, défendre les personnels enseignants. Trop souvent, certains enseignants se sentent seuls, non seulement face aux parents, mais aussi face à leur hiérarchie. C’est cette réflexion que nous vous incitons à reprendre avec cette proposition de loi.

Le groupe UMP votera contre l’amendement de suppression, afin que nous puissions examiner l’ensemble des dispositions proposées par Claude de Ganay.

M. Patrice Verchère et M. Philippe Gomes. Très bien !

(L’amendement n° 12 est adopté et l’article 1er est supprimé ; l’amendement n° 1 tombe.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 7 de M. Claude de Ganay, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude de Ganay, rapporteur. Vous l’avez compris, chers collègues, cette proposition de loi s’appuie sur le dispositif d’Éric Ciotti, que je souhaite remettre au goût du jour, n’en déplaise à ceux qui n’en ont pas la même lecture que nous. Pour nous, le bilan est positif. Je souhaite donc m’appuyer sur ce dispositif afin que la suspension des allocations familiales ne soit pas une caricature, mais une mesure ultime, qui ne doit être prise qu’après après avoir associé l’ensemble des acteurs du milieu scolaire, et notamment les parents, comme je l’ai souligné tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je demande à Mme la ministre et à mes collègues de bien vouloir excuser mon arrivée tardive. J’étais au sein du jury de l’allocation de recherche de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas pu participer dès le début à ce débat, dont ceux qui me connaissent savent qu’il m’intéresse beaucoup, pour de nombreuses raisons.

Je voulais, avant le vote de cet amendement et en regrettant ce qui vient de se passer pour l’amendement précédent, indiquer qu’en ma double qualité d’ancien chef d’établissement scolaire et de maire actuel, je ne crois pas que le refus de ce texte par la majorité soit une bonne chose.

Dans les établissements scolaires, on est devenu de plus en plus pragmatique. On cherche des solutions, on n’en refuse a priori aucune et l’on est beaucoup moins hostile que vous ne le dites, madame la ministre, à des dispositions concrètes, raisonnables et responsables telles qu’elles sont proposées dans ce texte.

Pour ce qui concerne le rôle que remplissent certains maires, en particulier au travers des conseils pour les droits et devoirs des familles, on voit bien que ce qui a été fixé par la loi fonctionne depuis quelques années. Il faut mesurer l’intérêt du texte qui nous est proposé aujourd’hui et qui vise à faire œuvre utile en donnant quelques outils supplémentaires à tous les adultes qui, ensemble, forment la grande communauté solidaire du monde des responsabilités face à la violence qui, malheureusement, frappe certains de nos enfants et l’ensemble du milieu scolaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous soutenons l’amendement du rapporteur.

Des chiffres particulièrement explicites sont indiqués dans l’exposé sommaire. J’insiste sur ces chiffres, même si j’en ai parlé de manière globale tout à l’heure. Entre février et juillet 2011, il y a eu 51 000 signalements, 32 000 avertissements ont été adressés, 12 000 élèves ont fait l’objet d’un deuxième signalement et seulement 277 demandes de suspension ont été adressées aux caisses d’allocations familiales. Les allocations ainsi suspendues sont susceptibles, dès lors que, dans le mois qui suit, quatre demi-journées successives d’absence n’ont pas été constatées, d’être rétablies rétroactivement.

Je considère que le caractère progressif du dispositif a pleinement joué son rôle. Il en est de même pour l’année 2011-2012, avec près de 80 000 signalements, dont 75 % ont donné lieu à un avertissement. Il y a eu ensuite 21 000 « deuxièmes signalements », suivis, pour 1 418 d’entre eux, d’une demande de suspension adressée à la CAF, avec, là aussi, la possibilité, au bout du compte, de rétablir les allocations familiales.

Compte tenu du faible temps d’application de ce dispositif, il est clair que la procédure progressive a eu un effet particulièrement dissuasif et qu’elle a conduit un certain nombre de parents à exercer, autant que faire se pouvait, leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Bloche, président de la commission. Défavorable.

Notre rapporteur a défendu son amendement, ce qui est logique. Le Gouvernement ayant donné sa position, je rappelle que la commission, dans un souci de cohérence, a donné un avis défavorable à cet amendement, tout simplement parce qu’il y a moins de cinq semaines, nous siégions dans cet hémicycle précisément pour abroger les dispositions de la loi dite Ciotti, qui visait, non pas pour les violences scolaires, qui nous occupent aujourd’hui, mais pour l’absentéisme scolaire, à mettre en place le même dispositif – inutile et inefficace à nos yeux – de suspension des allocations familiales.

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand, pour soutenir l’amendement n° 13 tendant à la suppression de l’article 2.

M. Yves Durand. En cohérence avec la suppression de l’article 1er, ainsi qu’avec l’abrogation, il y a quelques semaines, de la loi Ciotti, cet amendement propose de supprimer l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude de Ganay, rapporteur. La commission a adopté cet amendement, malgré mon avis défavorable, ce qui ne vous étonnera pas.

L’attitude de la majorité est paradoxale, car elle s’oppose même au contrat de responsabilité parentale, qui prévoyait un accompagnement social et administratif des enfants en difficulté scolaire et à la dérive pour éviter qu’ils ne deviennent des décrocheurs.

Sur le fond, il aurait été plus compréhensible, chers collègues, que vous souhaitiez aménager ce dispositif. Il pouvait certes avoir des défauts, mais pas celui d’exister.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Aller jusqu’à passer au Kärcher le contrat de responsabilité parentale me semble redoutable. Si j’ai bien compris, c’est la stigmatisation liée à la suppression, fût-elle extrêmement résiduelle, des allocations qui aboutit à ce combat idéologique contre la loi Ciotti, appliqué aujourd’hui aux violences scolaires. Mais le contrat de responsabilité parentale, gardons-le ! C’est une bonne initiative, et une bonne manière d’associer les collectivités et la communauté éducative dans l’accompagnement de familles parfois en grande difficulté, en déshérence, désemparées !

M. Guy Geoffroy. Évidemment !

M. Philippe Gomes. Complétons-le, renforçons-le, revoyons-le, mais ne le supprimons pas ! Arrêtons-nous au seuil de l’idéologie qui va jusqu’à faire du mot « responsabilité » un terme honni au sein d’un texte visant à lutter contre les violences scolaires ! Bien évidemment, nous souhaitons le maintien du dispositif permettant la suspension des allocations familiales que l’actuelle majorité veut supprimer.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

(L’amendement n° 13 est adopté et l’article 2 est ainsi supprimé.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Émeric Bréhier, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Émeric Bréhier. Il est défendu, par souci de cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude de Ganay, rapporteur. L’amendement a été adopté par la commission contre mon avis.

(L’amendement n° 14, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 3 est ainsi supprimé.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Émeric Bréhier, pour soutenir l’amendement n° 15.

M. Émeric Bréhier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude de Ganay, rapporteur. La commission a également adopté l’amendement contre mon avis.

(L’amendement n° 15, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est ainsi supprimé.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 11.

M. Claude de Ganay, rapporteur. Cet amendement de conséquence ne concerne que le titre et a été rejeté par la commission. Je me bats pour la gloire ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je doute en effet qu’il soit pertinent d’amender un texte dont tous les articles ont été supprimés et qui ne sera donc pas mis au voix…

Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté tous les articles ainsi que les articles additionnels, il n’y a pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Contrôle et simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat relative au contrôle des normes applicables aux collectivités territoriales et à la simplification de leur fonctionnement (nos 537, 725).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, me voici devant vous pour un second débat sur les normes, qui sont au cœur des préoccupations des élus locaux, mais aussi de nos concitoyens. Elles sont aussi au cœur de mes préoccupations comme des vôtres, tant l’élue locale que je suis en mesure l’incidence sur notre vie locale et sur le fonctionnement des collectivités. Les parlementaires, ici comme au Sénat, ne s’y sont pas trompés.

Ils ont dit leur inquiétude face à l’explosion du nombre et du coût des normes existantes et se sont saisis du problème afin de rationaliser, par plusieurs propositions de loi, des dispositifs complexes, coûteux, lourds, parfois obsolètes voire inapplicables. Le Président de la République, qui est intervenu devant les élus le 5 octobre dernier lors des États généraux de la démocratie territoriale, n’a pas manqué de relever l’absolue nécessité de réduire le poids des normes sur les collectivités territoriales et d’agir tant sur le stock de ces normes que sur leur flux. Le sujet est donc consensuel et chacun s’accorde à reconnaître qu’il faut agir, sans délai et avec détermination. Celle-ci prend tout son sens dans le contexte budgétaire qui est le nôtre.

Le contexte budgétaire réclame en effet de chacun un sens aigu de ses responsabilités. La maîtrise des dépenses est au cœur des préoccupations des élus, qui participent à l’effort de solidarité demandé à tous, à l’État comme aux collectivités territoriales et aux citoyens. Tous, nous nous engageons à répondre à l’impérieux besoin de croissance et à mener la bataille pour l’emploi, pour notre jeunesse et pour nos investissements d’avenir, tant matériels qu’humains. À cette fin, il nous faut dégager des marges de manœuvre et de liberté, qui passent notamment par la réduction des coûts liés aux normes.

Le contexte est également propice à la réforme et la modernisation de l’action publique, devenues elles aussi nécessaires pour donner du sens aux politiques publiques. Dans l’enchevêtrement des lois et dispositifs venus successivement modifier l’organisation territoriale de notre pays, l’image de l’action publique s’est progressivement brouillée et le citoyen a bien du mal à s’y retrouver. Clarification et ordre doivent se substituer à la confusion que crée la profusion de règles peu ou pas cohérentes. Cette bataille, le Gouvernement la mène aussi, et je travaille au côté de Marylise Lebranchu pour clarifier et simplifier nos fonctionnements de demain en apportant un regard nouveau au service du citoyen.

Car l’enjeu est bien là : apporter le meilleur service pour tous et pour chacun, partout, à tout moment, sur l’ensemble du territoire, dans le respect de trois principes : l’unicité de la République, la diversité des territoires et la clarification de l’exercice des compétences dans une logique de subsidiarité. Ce triptyque explique à lui seul l’ensemble du canevas législatif qui gouvernera de façon pérenne et stable l’action publique dans les prochaines années.

La réflexion sur les normes, que vous avez été nombreux à vouloir et à mettre en œuvre, s’inscrit dans ce contexte et doit trouver toute sa place dans un texte de loi qui traduira les ambitions que nous partageons. Je voudrais rappeler, sans trop remonter dans le temps, l’heureuse conjonction des propositions de loi en la matière : celle de M. Pierre Morel-A-L’Huissier (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Yannick Favennec. L’excellent Pierre Morel-A-L’Huissier !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …qui proposait, il y a un an, de simplifier les normes au service du développement des territoires ruraux ;…

M. Yannick Favennec. Nous l’y avons aidé !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …celle de M. Éric Doligé, sénateur, qui vient aujourd’hui en discussion devant votre assemblée après avoir été examinée en première lecture au Sénat le 24 octobre dernier, puis le 12 décembre, et adoptée par la Haute Assemblée, et qui a pour objet de simplifier l’édifice normatif applicable aux collectivités locales ; plus récemment encore, la proposition de loi des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, portant création d’une Haute Autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, adoptée par le Sénat le 28 janvier 2013.

L’objectif du Gouvernement, au moment où il va déposer un projet de loi de réforme de la décentralisation et de modernisation de l’action publique, est de donner toute leur place à ces initiatives dès lors que leur constitutionnalité ne peut être mise en doute, en les coordonnant et en les ajustant entre elles.

Donner sens aux normes en chassant les incongruités et les éléments superflus, en organisant leur hiérarchie pour distinguer celles qui relèvent du niveau législatif de celles qui relèvent du niveau réglementaire, voire de la circulaire, est un premier objectif. Le Premier ministre a d’ailleurs confié une mission à Alain Lambert, président de la Commission consultative d’évaluation des normes, et à Jean-Claude Boulard, conseiller d’État, afin qu’ils « traquent », au milieu du stock des normes existantes, celles qui répondent à un impératif de sécurité et de protection des citoyens, et pour qu’ils « chassent » celles qui sont inutiles. Nos deux chargés de mission ont d’ailleurs, non sans humour, appelé tous les élus locaux à être des « rabatteurs » éclairés et efficaces. La proposition de loi Doligé s’inscrit dans cette logique.

Le deuxième objectif – et c’est l’objet de la proposition de loi Gourault-Sueur – est de réguler le flux des normes, en confortant et en renouvelant la place de la Commission nationale d’évaluation des normes qui, au sein du futur Haut Conseil des territoires, aura le devoir de pondérer les élans et l’enthousiasme normatif de celles et ceux qui inspirent les lois.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement, vous l’aurez compris, accorde le plus grand prix au texte soumis à votre discussion qui, après avoir été débattue au Sénat, a fait l’objet d’un examen attentif et vigilant de votre commission des lois et de votre rapporteur, M. Geoffroy, dont je veux saluer ici le travail.

Dans le cadre de notre volonté commune de cohérence et de clarification, le Gouvernement a veillé, pour sa part, à ce que les dispositions qui font partie intégrante du projet de loi de réforme de la décentralisation et de modernisation de l’action publique ou d’un autre texte spécifique – relatif, par exemple, à l’urbanisme ou au logement – soient pour partie disjointes. Il a veillé au Sénat, et veillera ici, à ce que ne puisse être prise en défaut la constitutionnalité du texte, si d’aventure celui-ci devait intégrer des dispositions contraires à la Constitution, qui tendraient à instaurer un principe transversal d’adaptabilité des normes aux spécificités locales.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Marylise Lebranchu était intervenue sur ce point lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, pour indiquer que, dans l’avis qu’il a rendu sur le texte, le Conseil d’État a démontré l’impossibilité juridique de recourir à des dispositifs de cette nature qui voudraient adapter des normes aux réalités locales. Loin de nous le refus de tenir compte ou même de favoriser la diversité des politiques publiques locales, source d’émulation et de progrès, mais nous ne voulons le faire qu’en garantissant la stricte application de l’article 21 de la Constitution, qui confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre.

En conclusion, je veux dire la volonté de Marylise Lebranchu et la mienne de participer à vos côtés, mesdames, messieurs les députés, à l’élaboration d’un texte non seulement utile mais indispensable, qui répondra pleinement aux attentes du Gouvernement et participera pleinement à la modernisation du service public de demain que nous voulons construire ensemble parce qu’en semble, nous sommes attachés aux collectivités locales, à leur devenir, veilleurs indéfectibles d’une société plus juste, plus généreuse, plus solidaire. Soyez ici remerciés de l’action qui a été la vôtre pour conduire jusqu’ici un texte qui répond, dans sa forme actuelle, aux attentes du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter devant vous les conclusions des travaux très intéressants de la commission des lois sur la proposition de loi dite Doligé, qui a été votée par le Sénat au mois de décembre dernier.

Certes, ce texte ne réglera pas tout…

M. Yannick Favennec. Et pour cause : il a été vidé de sa substance !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. … –il nous faudra poursuivre notre œuvre –, mais il est nécessaire, car il a pour objectif de traiter un mal désormais bien identifié et dont la désignation illustre toute la richesse de notre belle langue. Prolifération, inflation, logorrhée, surproduction, excès, harcèlement : les dénominations ont fleuri, ces vingt dernières années, pour désigner l’accumulation des normes – le chiffre de 400 000 est le plus souvent retenu – qui pèsent sur les collectivités territoriales dont elles réglementent la gestion, d’une manière qui n’est pas toujours lisible.

Ce discours est-il une incantation ? Je ne le crois pas.

De nombreuses études, depuis le fameux rapport du Conseil d’État de 1991 jusqu’à celles qui ont été publiées tout récemment, ont permis de confirmer le constat : les normes et réglementations se multiplient, créent de la complexité et induisent des coûts au détriment de l’efficacité de l’action publique. Je ne reviendrai pas longuement, puisqu’il a été mentionné, sur l’excellent rapport de mars 2012 de nos collègues Pierre Morel-A-L’Huissier, Yannick Favennec – ici présents –, Étienne Blanc et Daniel Fasquelle, consacré à la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Nous avons débattu, au mois de septembre, d’un texte issu de leurs travaux, et l’on peut regretter que ceux-ci n’aient pu avancer sur la base de ce texte. On pourrait citer également le rapport rédigé par M. Claude Belot au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation et, bien sûr, celui issu des travaux au long cours de M. Doligé.

Bref, le diagnostic, sévère et récurrent, souligne la même réalité ; je ne reviens pas sur le détail des chiffres, qui figurent dans mon rapport écrit. Toutefois, il serait faux de dire que les pouvoirs publics sont restés totalement indifférents à ce sujet. Depuis quelques années, des dispositions ont été prises, qui doivent être confirmées et amplifiées. Je pense à la création de la Commission consultative d’évaluation des normes, en 2007, au développement des études d’impact depuis la révision constitutionnelle de 2008, au moratoire sur les normes applicables à partir de 2010 dans les collectivités territoriales, à la nomination, en 2010 également, d’un commissaire à la simplification, enfin au programme du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, qui s’est réuni pour la première fois en décembre dernier.

Les efforts n’ont donc pas manqué, singulièrement sous la précédente législature, pour bâtir patiemment un dispositif organisationnel centré sur un seul objectif : l’amélioration de la qualité des normes et leur simplification.

Des lois de simplification du droit, dont le rapporteur était Étienne Blanc, ont ainsi été votées ces dernières années, en particulier sur l’initiative de Jean-Luc Warsmann lorsqu’il présidait notre commission des lois. Fin janvier – vous y avez fait allusion, madame la ministre –, le Sénat a encore adopté, sur l’initiative de Mme Jacqueline Gourault et de M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois de la Haute Assemblée, une proposition de loi destinée à créer un Conseil national d’évaluation des normes. Mais l’inflation normative, liée à la diversité des autorités productrices de règles, nous oblige à adopter une méthode et à faire preuve d’humilité. Il nous faut en effet préférer la politique des petits pas à l’expression d’une volonté qui s’essouffle et peine à se traduire dans les faits.

Je voudrais maintenant dire un mot du contexte dans lequel la présente proposition de loi a été préparée, car elle est le fruit d’une longue réflexion. Issue du rapport d’Éric Doligé en date du 16 juin 2011, elle a été discutée une première fois en séance publique au Sénat, qui l’a renvoyée en commission – laquelle l’a examinée une seconde fois en octobre dernier – avant de l’adopter le 12 décembre 2012. La commission des lois du Sénat a donc procédé à deux vagues d’auditions, preuve que le texte a fait l’objet d’un travail extrêmement minutieux.

La méthode retenue est avant tout pragmatique. Les dispositions ne régleront peut-être pas tout, mais elles ont vocation à être utiles : les vingt-six articles issus des travaux de notre commission des lois sont autant de mesures ciblées et concrètes qui devraient nous permettre d’avancer dans le sens que nous souhaitons tous.

Nombre de ces articles sont destinés à faciliter le fonctionnement des collectivités territoriales. Je pense à la dématérialisation du recueil et de la publicité des actes administratifs – articles 5 et 6 – ainsi qu’à la simplification des modalités de publication des documents relatifs à l’exploitation des services publics délégués – article 15 – ; à la clarification de la procédure de liquidation des établissements publics de coopération intercommunale – article 7 – ainsi qu’aux modalités de la transmission des comptes de gestion au préfet – article 9 – ; à l’ouverture de la possibilité pour les exécutifs locaux de bénéficier d’une délégation de l’assemblée délibérante dans de nouveaux domaines – articles 8, 11 et 16, sur lesquels nous reviendront puisqu’ils font l’objet d’amendements de suppression.

Je regrette que nous ayons supprimé en commission l’article 10 qui ouvrait la possibilité pour les exécutifs locaux de bénéficier d’une délégation de l’assemblée délibérante leur permettant d’admettre en non-valeur les créances irrécouvrables les plus modestes. Mais nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.

L’amélioration du fonctionnement des assemblées délibérantes fait l’objet des articles 12, 13 et 14 et la simplification de la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste d’une parcelle est traitée à l’article 17.

Les nombreux sujets abordés par cette proposition de loi pourraient apparaître comme un inventaire à la Prévert. Toutefois, elles correspondent à de réelles préoccupations et, si nous vous avançons, elles aboutiront à des améliorations qui nous permettront d’y répondre.

L’article 18 relatif à l’assouplissement de la législation applicable aux centres communaux d’action sociale a donné lieu à un bel et utile échange que nous prolongerons, je l’espère, grâce à l’amendement que j’ai déposé pour le rétablir.

Les articles relatifs à l’urbanisme, à l’aménagement et à l’environnement n’ont pas eu l’heur de plaire à notre commission des lois. Je le regrette. Je vous proposerai de les réintroduire, avec quelques aménagements. Ce sera l’objet de débats intéressants entre nous.

Concernant les dispositions dédiées à l’environnement, les articles 28 et 31 visent à accroître l’efficacité du rapport du maire sur les services d’eau, ainsi qu’à reporter certaines échéances.

Dans l’ensemble, la démarche sur laquelle repose cette proposition de loi est consensuelle. Ce même esprit consensuel a présidé aux travaux de notre commission, y compris lors la réunion que nous avons tenue ce matin au titre de l’article 88. Votre intervention allait aussi dans ce sens, madame la ministre, et je tiens à la saluer.

La commission a supprimé certaines dispositions qui restaient en discussion après le travail du Sénat. Je regrette toutefois que nous ne soyons pas allés plus au fond des choses : cela aurait permis de montrer tout l’intérêt qu’il y avait à les maintenir. Nous en rediscuterons à l’occasion de l’examen des amendements.

Il faut que ce texte soit utile. Il ne doit pas insulter les textes déjà dans les tuyaux – pardonnez-moi cette expression familière – et qui contribuent de manière importante à l’œuvre que nous construisons ensemble. Dans cet esprit globalement non partisan selon lequel nous nous sommes efforcés de travailler, il reste encore quelques avancées possibles.

Quoi qu’il en soit, à l’issue de nos travaux, même si je crains que notre texte ne soit à nouveau amputé, …

M. Alain Chrétien. Dépecé !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. …je me réjouis que nous ayons fait œuvre utile. Là était l’essentiel. À cet égard, je remercie l’ensemble de mes collègues de la commission des lois et j’espère pouvoir remercier également Mme la ministre et l’ensemble de mes collègues à la fin de cette séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé offre l’occasion de réduire la rigidité des normes et des réglementations diverses qui pèsent sur les collectivités territoriales.

Depuis plusieurs décennies, les normes se sont multipliées jusqu’à atteindre le nombre de 400 000. Leur application coûte plus de 2 milliards d’euros par an, comme l’a souligné notre excellent collègue Pierre Morel-A-L’Huissier lors de la présentation qu’il a faite en octobre 2012 de sa proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité.

On compte aujourd’hui 8 000 lois. Chaque année, ce sont quelque 50 ordonnances et 1 500 décrets qui sont publiés, et 70 lois qui sont promulguées. La norme s’est insérée dans tous les secteurs de l’action publique. Entre le début des années 1950 et aujourd’hui, le volume des textes a été multiplié par cinquante, si bien que la masse en est devenue illisible et inapplicable.

Ces normes tant législatives que réglementaires concernent tous les domaines de l’action publique : la gouvernance, les risques industriels, les risques naturels, la santé publique, le traitement des déchets, l’énergie, le secteur du bâtiment, la performance énergétique, l’urbanisme, les transports et la protection des écosystèmes. Mais le rôle du législateur ne réside pas uniquement dans la résolution des problèmes à travers l’édiction de nouvelles normes. Il lui appartient également de simplifier les dispositifs pour rendre les réglementations plus accessibles et plus simples.

Or l’action publique est prise dans un véritable étau normatif !

Le constat, partagé par tous, ne date pas d’hier. Dès 1991, dans son célèbre rapport, le Conseil d’État mettait en garde contre la multiplication des normes. Il en résulte une complexité croissante, au détriment de l’efficience de l’action des pouvoirs publics, en particulier dans les territoires ruraux.

Ma circonscription de Haute-Saône compte 315 communes, essentiellement des communes rurales, ce qui en fait l’une des plus grosses de France. Étant moi-même maire de Vesoul, je connais l’énorme poids des normes qu’ont à subir les maires. Ces derniers doivent faire face à une réglementation sans cesse plus complexe.

Je connais un certain nombre d’élus locaux totalement désabusés par la complexité des procédures administratives à suivre et qui ne peuvent que manifester une exaspération croissante devant l’inadaptation des normes. Il est de notre devoir de comprendre leur malaise et d’essayer de simplifier au maximum.

Aujourd’hui, la règle est la même pour la Ville de Paris comme pour la plus petite commune de France. Il faut donc s’interroger sur la manière de simplifier les règles et de donner aux préfets le pouvoir de fixer le curseur et d’adapter la règle au contexte local, tout en gardant notre République une et indivisible.

M. Jean-Luc Laurent. C’est contradictoire !

M. Alain Chrétien. L’article 2 de la proposition de loi de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, malheureusement rejetée par nos collègues socialistes en octobre dernier, aurait justement pu permettre aux préfets de département d’accorder une dérogation aux collectivités souhaitant édicter elles-mêmes les mesures d’application d’une loi. Un tel dispositif, loin d’entamer le principe d’égalité devant la loi, aurait généralisé le principe de subsidiarité de l’application des normes au niveau local.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mais non !

M. Alain Chrétien. J’ajoute que cette complexité a un coût croissant pour les collectivités territoriales, un coût en termes de personnel, en termes de temps, mais également en termes de disponibilité des élus, car lorsque vous êtes dans les papiers, vous ne pouvez pas être à l’écoute de vos concitoyens. Et le rôle d’un maire, ce n’est pas d’être un fonctionnaire de plus, de préparer et de signer des papiers, c’est d’être au contact de ses concitoyens.

Nous ne pouvons pas continuer à obliger les élus et les collectivités territoriales à passer toujours plus de temps à s’adapter aux nouvelles règles sans supprimer au préalable celles qui les ont précédées.

Cette superposition normative est souvent perçue comme un frein à la créativité des acteurs locaux et ne peut que susciter de la défiance à l’égard du législateur ou des administrations centrales puisqu’elle donne aux collectivités le sentiment d’être considérées comme incapables de respecter la norme sans un cadre prédéterminé. La multiplication des décrets, arrêtés et circulaires qui complexifient plus qu’ils ne simplifient le montre bien.

Cela a également un coût en termes d’attractivité. Le poids des normes couplé à l’instabilité normative est un frein à la compétitivité, comme l’a établi dans son rapport notre collègue sénateur Éric Doligé.

Il convient également de souligner que ces coûts croissants pèsent de façon inégale sur les différentes collectivités. En 2011, la Commission consultative d’évaluation des normes a ainsi établi que les coûts liés à la mise en œuvre de normes produites par les ministères sont répartis comme suit : 41,8 % pesaient sur les communes et EPCI, 57 % sur les départements, et seulement 1,2 % sur les régions. Le rapport de notre collègue Guy Geoffroy montre par ailleurs que les normes produites par les administrations chargées de la cohésion sociale, de la fonction publique, de l’écologie et de la culture engendrent les coûts les plus significatifs.

Conscient de ces difficultés et surtout de l’exigence de réduction des dépenses publiques, l’État a, il est vrai, ces dernières années été à l’origine de plusieurs initiatives dont il convient de rappeler la teneur.

Il a mis en place en 2007 une Commission consultative d’évaluation des normes, puis a développé les études d’impact après la révision constitutionnelle de 2008, permettant ainsi de mieux apprécier les conséquences financières de chaque nouveau texte.

Ces initiatives ont été suivies en 2010 d’un moratoire sur les normes applicables dans les collectivités. Mais cela n’a malheureusement pas permis de réduire le nombre de textes relatifs aux collectivités ni le coût qu’a représenté pour elles l’activité législative et réglementaire du Gouvernement : 580 millions d’euros en 2009, 577 millions d’euros en 2010, 728 millions en 2011.

La même année, la nomination d’un commissaire à la simplification a permis d’établir que sur la période allant de février 2011 à février 2012, 27,3 % des textes réglementaires concernaient les collectivités locales, soit 189 nouvelles règles, auxquels s’ajoutaient 200 textes mixtes concernant à la fois les entreprises et les collectivités.

J’en viens à la dernière initiative en date, et non des moindres, issue du programme du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, qui s’est réuni pour la première fois en décembre 2012 : a été établi le concept selon lequel à une norme créée doit correspondre une norme supprimée, afin de mieux limiter l’inflation normative.

Les initiatives parlementaires se sont également multipliées. Le rapport de Claude Belot, rédigé au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a démontré combien le recours systématique à la norme avait envahi l’action publique. Le rapport Doligé a clairement montré les solutions de simplification applicables aux collectivités.

Je citerai également l’excellent rapport publié en mars 2012 par nos collègues Pierre Morel-A-L’Huissier, Étienne Blanc, Daniel Fasquelle et Yannick Favennec, dont le rapporteur Guy Geoffroy s’est fait l’écho en commission des lois, et qui mettait d’ailleurs en exergue la nécessité d’une simplification des normes au service du développement des territoires ruraux.

Enfin, il convient de rappeler que pas moins de quatre lois de simplification du droit et des procédures administratives ont été votées sous la précédente législature, à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann, alors président de la commission des lois.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit donc dans la continuité du travail accompli ces dernières années.

Elle résulte d’un travail de concertation et de consultation de longue haleine mené depuis 2011 auprès des élus locaux, des administrations et des associations. La mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales confiée par le président de la République au sénateur Éric Doligé le 17 janvier 2011 avait pour objectif de consulter les collectivités locales sur la production réglementaire de l’État et de les associer. Cette mission a été particulièrement bien menée et il convient de saluer le travail accompli par nos collègues du Sénat.

Le texte s’articule autour de cinq axes essentiels.

Le premier consiste à prendre davantage en compte les contraintes des collectivités territoriales dans l’application des normes.

Le deuxième vise à simplifier le fonctionnement des collectivités locales au travers de l’insertion de diverses dispositions pratiques dans le code général des collectivités territoriales.

Le troisième comprend des mesures liées à la modernisation du droit de l’urbanisme.

Le quatrième cherche à moderniser des dispositions relatives aux compétences des collectivités locales en matière d’environnement.

Le cinquième recouvre diverses mesures de simplification administrative.

Les différentes mesures proposées entendent simplifier, alléger les contraintes normatives et les coûts qui en résultent ou tout simplement accorder davantage de délais aux collectivités. Ainsi, pour les PLU et les SCOT intégrant les dispositions du « Grenelle 2 » est-il absolument nécessaire de donner plus de latitude aux collectivités, compte tenu des exigences qu’impliquent ces textes d’urbanisme fort complexes.

La tâche essentielle à laquelle nous devons nous consacrer est de rendre compatibles principe d’égalité et principe d’adaptabilité, pour l’heure en opposition, afin de préserver l’intérêt des territoires ruraux et le principe d’égalité de l’action publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellent ! Mais il faut du courage politique pour le faire !

M. Jean-Luc Laurent. Que devient la République dans tout cela ?

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun ici en convient, les élus locaux sont les principales victimes de l’alourdissement des procédures et de l’inflation législative qui s’est emparée de nos assemblées ces vingt dernières années.

Le recours croissant à la règle de droit pour réguler toutes les facettes du réel, devenu une véritable constante dans nos sociétés contemporaines, n’a fait qu’accroître la complexité des normes et la difficulté d’appliquer le principe d’égalité de manière homogène sur l’ensemble du territoire.

Devant l’abondance des normes, on peut aisément comprendre le désarroi des élus qui se voient contraints d’appliquer des circulaires, des directives européennes, des lois, des décrets, des instructions, toujours plus nombreux, toujours plus complexes, et dont ils peuvent ressentir l’absurdité, au plus près du terrain.

Nous le savons, ces 400 000 normes représentent un coût pour les administrés et une charge considérable pour les collectivités territoriales : près de 2,3 milliards d’euros entre les années 2008 et 2012. En cela, elles constituent un frein à la compétitivité, une entrave au développement de nos territoires que nous devons pourtant préserver et valoriser tant ils sont une richesse pour la France.

En 1991, le Conseil d’État fut le premier à établir ce diagnostic. Depuis lors, les nombreux rapports écrits sur le sujet, plus récemment l’excellent rapport de mon ami et collègue Pierre Morel-A-L’Huissier sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux, auquel j’ai eu l’honneur de contribuer, et le rapport Belot sur les normes applicables aux collectivités territoriales, se sont accordés sur ce même constat.

Les parlementaires ont d’ailleurs su, au fil des ans, prendre une part active et directe à la dynamique de simplification, de modernisation et d’amélioration de la qualité de notre droit.

Le développement progressif des études d’impact, la création de la Commission consultative d’évaluation des normes, les diverses lois de simplification adoptées sous la précédente législature sont là pour en témoigner.

Le groupe UDI adhère pleinement aux objectifs de ce texte et à sa volonté de restaurer, grâce à la simplification, la valeur comme la force morale de la norme juridique.

C’est là, du reste, une exigence à même de tous nous rassembler, dans la ligne de la décision du Conseil constitutionnel qui reconnut en 1999 à l’accessibilité et à l’intelligibilité du droit le statut d’objectif à valeur constitutionnelle.

Inspiré des 268 propositions du rapport centrées sur la diminution des coûts, la gestion du temps, la question de la gouvernance et le besoin d’accompagnement des collectivités, le texte soumis à notre examen présente des dispositions pragmatiques, ciblées, adaptées aux besoins concrets et aux difficultés que peuvent rencontrer les collectivités territoriales dans leur fonctionnement même, mais également en matière d’urbanisme et d’environnement.

Ce texte est le fruit d’un travail approfondi au Sénat, après deux passages en commission. Dans une démarche cohérente, constructive et assez consensuelle, la Haute Assemblée a en effet su préserver la complémentarité du texte avec les initiatives législatives engagées parallèlement en matière de lutte contre l’inflation normative, notamment la création, à l’initiative de Jacqueline Gourault et de Jean-Pierre Sueur, d’une Haute Autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales.

Néanmoins, nous regrettons que les travaux au sein de nos deux assemblées n’aient pas permis de préserver la spécificité de ce texte. Au fond, l’ambition de la proposition de loi a été très limitée par les différentes modifications entreprises. Elle perd ainsi beaucoup de son efficacité et traduit finalement un manque de volonté politique, madame la ministre.

En effet, l’article 18 qui prévoyait de conférer au préfet un nouveau pouvoir visant à adapter les mesures réglementaires requises pour l’exécution des lois a été supprimé.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Il était inconstitutionnel !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le pouvoir, c’est nous ! Ce n’est pas le Conseil d’État !

M. Yannick Favennec. Cet article était pourtant essentiel.

Aujourd’hui, une grande partie de la population qui vit dans les territoires ruraux, ainsi que les collectivités locales, croulent sous le poids de contraintes démesurées par rapport à leurs besoins, à leurs conditions de vie et à leurs capacités financières.

Or, paradoxalement, le principe d’égalité devant la loi tend peu à peu à devenir un facteur d’inégalité entre la population du monde rural et celle qui vit dans les pôles urbains.

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Yannick Favennec. Cette situation se traduit également par un découragement, par une démotivation des acteurs de terrain, qu’ils soient élus, entrepreneurs, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs ou encore responsables associatifs.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Malheureusement !

M. Yannick Favennec. Tous ressentent, au plus près du terrain, l’absurdité de certaines normes. Je le mesure chaque jour dans mon département, la Mayenne.

Nous en avons eu la confirmation, lors de notre mission sur la ruralité, cher Pierre Morel-A-L’Huissier, qui s’inscrivait dans la continuité des travaux de qualité conduits par le sénateur Éric Doligé.

Aussi, sans vouloir remettre en cause notre ordre juridique, paraissait-il essentiel d’instaurer, par cet article 18, un dispositif juridiquement solide, s’exerçant dans un cadre juridiquement restreint et s’appuyant sur les principes de subsidiarité et d’adaptabilité inscrits à l’article 72 de notre Constitution.

L’article supprimé visait ainsi à introduire dans notre droit positif le principe de proportionnalité des normes et celui de leur adaptation à la taille des collectivités.

M. Jean-Luc Laurent. Et pourquoi pas une fédération, pendant que vous y êtes ?

M. Alain Chrétien. Jacobin !

M. Yannick Favennec. Il prévoyait les conditions dans lesquelles le préfet pouvait être autorisé, dans les cas et conditions fixés par les lois concernées, à accorder des dérogations aux mesures réglementaires édictées pour leur application, lorsque leur mise en œuvre se heurte à des impossibilités techniques avérées ou entraîne des conséquences manifestement disproportionnées au regard des objectifs recherchés et des capacités financières des personnes qui y sont assujetties.

Il faut préciser que cette disposition ne permettait pas de déroger à l’application des lois elles-mêmes, mais seulement aux mesures réglementaires édictées pour leur application.

Concernant l’application des normes, ce sont donc au total quatre articles qui ont été abrogés en commission des lois, contre l’avis du rapporteur, sous prétexte de l’adoption d’un texte ultérieur – voire sans véritable motivation, madame la ministre.

Cela est d’autant plus regrettable que nous partageons tous le même objectif d’endiguer le phénomène d’hystérie normative.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Sur ce point, vous avez raison !

M. Yannick Favennec. Mes chers collègues, plutôt que d’en rester à cet état de fait, il est grand temps d’agir pour mettre fin à la situation d’asphyxie à laquelle les élus locaux et l’ensemble des acteurs de terrain sont soumis ; il est grand temps de poursuivre la démarche de simplification que nous avons amorcée ces dernières années.

En restant fidèles à l’ambition première de ce texte, nous pourrons apporter une solution efficace et rapide au problème bien réel de l’inadaptation et de la complexification des normes applicables, notamment au sein des collectivités territoriales.

En dépit de ces réserves, le groupe UDI soutiendra massivement cette excellente initiative.

M. Alain Chrétien. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de l’avertissement lancé par le Conseil d’État en juillet 1991, dénonçant l’inflation législative et le risque de précarisation croissante de la règle, à la proposition de loi de notre collègue sénateur Éric Doligé que nous étudions aujourd’hui, de nombreux rapports – M. le rapporteur en a cité certains, écrits par nos collègues –, pléthore d’études nous ont lentement conduits à penser autrement la norme.

La création de la Commission consultative d’évaluation des normes en 2007, le rapport d’Éric Doligé de juin 2011 et ses 268 mesures qui ont beaucoup inspiré la présente proposition de loi, la mission confiée à Jean-Claude Boulard et Alain Lambert relative à la simplification des normes à la suite du premier Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique de décembre 2012, la proposition de loi des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, adoptée en première lecture par le Sénat le 28 janvier 2013, portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, et bien d’autres initiatives survenues ces dernières années, sont autant de preuves de l’émergence d’un changement d’attitude quant à la place et au rôle de la norme.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Rassurante, déresponsabilisante, parfois arbitraire, la norme est lentement et insidieusement devenue ces dernières années l’opium des autorités publiques. Si l’inflation normative a connu de tels niveaux, mes chers collègues, c’est aussi et peut-être même d’abord parce qu’elle était initialement demandée et attendue aussi bien par les élus locaux que par les citoyens, les associations de défense des consommateurs ou de protection de l’environnement, sous la pression médiatique de tel ou tel fait divers.

Pour des raisons historiques, la France est devenue progressivement un État de droit. Cette réalité est aujourd’hui constitutive de son identité, et tout particulièrement de son identité démocratique, tant il est vrai que le droit a été un outil constant du progrès des libertés dans notre pays.

Nous nous enorgueillissons, à raison, de ce fait. Mais il est probable que, quelque part en chemin, nous avons fini par confondre la fin et les moyens : le droit n’est qu’un outil placé au service des principes qui fondent et constituent notre République, et non une fin en soi. Il convient de replacer le débat dans le fil de cette idée. Nous devons conserver le côté affûté de la lame tout en diminuant le poids du manche, devenu manifestement excessif.

Toute action provoquant une réaction contraire, les excès normatifs de ces dernières années ont toutefois déclenché une prise de conscience, bienvenue, quant à la nécessité de faire évoluer notre approche de la norme.

De sa production à son intelligibilité, le changement est en marche pour rendre la règle plus lisible et plus claire. C’est notamment une exigence forte des collectivités territoriales, pour qui les 400 000 normes recensées ne doivent plus constituer un frein à l’action, ne doivent plus représenter un poids budgétaire insurmontable, alors même que les temps que nous traversons rendent particulièrement vitales la réactivité publique et la sobriété budgétaire.

Tel est le message que le Président de la République, François Hollande, a adressé aux élus locaux lors des États généraux de la démocratie territoriale en octobre dernier : faire plus simple, aller plus vite, respecter les impératifs de sécurité, d’environnement, de santé, sans qu’il soit besoin pour autant de retarder les projets.

Il convient néanmoins d’agir avec prudence en la matière et d’éviter l’écueil qui consisterait à s’enfermer dans l’excès inverse d’une trop grande dérégulation.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Exactement !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Aussi nous appartient-il de rappeler le caractère utile de la norme, qui réside dans la protection et le progrès qu’elle est susceptible d’apporter. La prochaine étape, le défi qui se présente devant nous, c’est notre capacité collective à faire en sorte que la norme soit la plus intelligente possible au regard de nos réalités territoriales.

La proposition de loi qui est aujourd’hui en discussion tentait de répondre à cette ambition lors de son dépôt initial le 4 août 2011. Après deux passages en commission des lois et en séance publique en première lecture au Sénat, force est de constater que ce texte a subi de profondes modifications qui ont remis en cause son équilibre général initial.

L’article 1er visait ainsi à instaurer un principe général d’adaptabilité et de proportionnalité de la norme. Sa suppression, votée par le Sénat et maintenue par la commission des lois,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Malheureusement !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. …participe de notre volonté de ne pas introduire un principe de portée trop générale qui, malgré l’intention tout à fait louable contenue dans le texte initial, ne produirait aucun effet pratique.

Il revient en effet au législateur, au cas par cas et pour chaque texte qu’il vote, de prévoir ou d’anticiper, en le confiant au pouvoir réglementaire, sa nécessaire adaptation territoriale.

M. Jean-Luc Laurent. Encore heureux !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. C’est ce que le Conseil d’État a rappelé dans son avis dont madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique a fait lecture devant le Sénat, et dont je ne citerai que la conclusion : « Notre droit permet déjà de faire plus et mieux que ce nous faisons aujourd’hui ; dégager une règle générale d’adaptation des normes au niveau local serait vain.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le Conseil d’État nous parle !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. « Surtout, la rédaction d’une telle règle générale la rendrait peu intelligible, suscitant une forte insécurité juridique. »

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le Conseil d’État n’est pas le législateur : c’est nous qui écrivons la loi !

M. Alain Chrétien. Vous êtes des technocrates !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Nous trouverons, dans les outils prévus aussi bien dans la proposition de loi Sueur-Gourault que dans le futur projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique et à la décentralisation, de précieux appuis pratiques dans cette perspective.

C’est précisément dans un objectif de cohérence de la production législative – ces futurs textes permettant de nourrir une approche et une réflexion globale sur ces questions d’appui au contrôle des normes – que les articles suivants de la proposition de loi, relatifs à la Commission consultative d’évaluation des normes et son volet départemental, à la Commission consultative des études locales et à la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, ont été progressivement exfiltrés au fur et à mesure des étapes du processus législatif. Par souci de cohérence, nous proposerons donc la suppression de l’article 4 bis.

Ces dispositions de plus grande portée ayant disparu, le texte porte désormais diverses dispositions visant à faciliter le fonctionnement des collectivités territoriales plutôt qu’il n’ambitionne de limiter le flux de normes, c’est-à-dire la production en amont, ou de réduire le stock existant, c’est-à-dire ce qui a déjà été produit. Un amendement proposera d’en prendre acte en modifiant en ce sens le titre de la proposition de loi.

Le texte résiduel, suite au travail de la commission des lois, fait toutefois réellement progresser le droit existant en apportant des mesures de simplification attendues par les élus locaux. Il convient de permettre leur adoption rapide par l’Assemblée nationale, sous réserve de quelques modifications.

Je pense par exemple au prolongement de la dématérialisation de la publication des actes et recueils administratifs, prévu aux articles 5 et 6 de la proposition. Cette mesure, qui s’inscrit pleinement dans une démarche plus respectueuse de l’environnement, permettra de simplifier et d’accroître la rapidité de la recherche de documents, tout en renforçant leur conservation et leur sécurité.

Toutefois, il convient de garantir l’accès à l’information d’intérêt public aux citoyens ne bénéficiant pas d’un accès à la version dématérialisée des documents : des amendements portent cette exigence.

Nous proposerons d’autres modifications permettant, pêle-mêle, d’étendre les dispositions prévues pour les maires à l’article 11 aux présidents de conseils généraux et régionaux par souci d’égalité ; de prévenir la sortie des communes d’Alsace-Moselle du droit commun ; de prévenir des transferts de charge, aussi faibles soient-ils, entre l’État et les collectivités territoriales ; ou bien encore de réduire le nombre de rapports redondants.

Enfin, je tiens à réaffirmer ici la ferme opposition des députés de la majorité aux dispositions qui, sous couvert de simplification, signifieraient en réalité un recul de l’accompagnement de nos concitoyens, notamment des plus fragiles d’entre eux.

Je pense ainsi à l’article 18, supprimé à juste titre en commission des lois et qui aurait rendu facultative, pour les communes de moins de 1 500 habitants, la création d’un centre communal d’action sociale. On nous a objecté l’aspect pragmatique de cette mesure, notamment pour les territoires où les CCAS serviraient surtout, je cite nos échanges en commission, « à payer le repas des anciens ».

On rappellera que la lutte contre les exclusions est la première des missions, en volume, des centres communaux et intercommunaux d’action sociale. En effet, 81 % des structures assument cette mission, qui revêt des domaines aussi variés que l’aide alimentaire, l’accès aux loisirs, le soutien budgétaire aux besoins essentiels ou bien encore, effectivement, le repas des anciens – une mission d’importance puisqu’elle participe au maintien du lien social. Il y a des contextes où les occasions de partager et d’échanger ne sont plus si nombreuses, mes chers collègues ! (Sourires.)

Dans le contexte actuel de difficultés économiques et sociales que connaît notre pays, faciliter la suppression des CCAS serait envoyer un terrible signal au monde rural et périurbain, et pourrait ouvrir la voie à une remise en cause du maintien de politiques sociales essentielles dans certaines collectivités territoriales, sous couvert de réductions budgétaires.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Nous ne voulons pas les supprimer !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Que nous puissions discuter des moyens de rendre effectif le suivi social dans ces territoires est impératif, mais je crois que, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues en commission, il nous faut préserver cet outil, au moins dans l’attente des résultats de la réflexion de fond sur le sujet de l’action sociale des petites communes, lancée par Mme la ministre Marylise Lebranchu et à laquelle participent notamment l’UNCCAS et des personnalités qualifiées comme notre collègue sénatrice Michelle Meunier.

« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite » écrivait le Conseil d’État dans son rapport de 1991. Ainsi modifiée, je pense que cette proposition de loi, consensuelle, peut faire acte utile en termes de simplicité et d’efficacité.

Dans cette optique, le futur projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique et la décentralisation, présenté par Mme la ministre Marylise Lebranchu, et celui sur l’urbanisme et le logement, présenté par Mme la ministre Cécile Duflot, nous feront franchir des étapes véritablement décisives en leur qualité de lois-cadres. Par leur cohérence et leur envergure respectives, ces deux projets de loi permettront d’assurer une meilleure lisibilité et une plus grande intelligibilité de l’action publique dans ce domaine des normes qui nous préoccupe tous, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons dans cet hémicycle.

Je nous engage donc à faire acte législatif utile en votant cette proposition de loi une fois amendée, qui nous permet de jeter quelques cailloux supplémentaires…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce ne sont pas des cailloux, mais des pierres ! (Sourires.)

Mme Françoise Descamps-Crosnier. …sur la voie du redressement normatif engagé par la majorité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous devons nous rendre à l’évidence : l’inflation normative engendre d’une part un coût financier important – la commission consultative d’évaluation des normes l’a chiffré à 577 millions d’euros pour l’année 2010 – et d’autre part l’instabilité des normes – en dix ans, 80 % des articles du code général des collectivités territoriales ont été modifiés.

Cette inflation pose problème aux élus, aux collectivités territoriales, aux citoyennes et aux citoyens. La stabilité juridique est garante d’une sécurité juridique cohérente et fonctionnelle, nécessaire également pour les entreprises et pour tous ceux qui sont en relation avec les collectivités. Il est donc louable d’essayer de simplifier le travail des collectivités territoriales en allégeant les normes, dès lors qu’elles sont peu utiles, voire inutiles ou redondantes.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a été largement amélioré au Sénat et lors de son passage en commission.

M. Alain Chrétien. Il a été dépecé !

Mme Michèle Bonneton. C’est peut-être un dépeçage intéressant !

Il contient des éléments positifs. J’en veux pour preuve l’article 5 qui prévoit de rendre accessibles aux citoyens toutes les décisions des collectivités sous forme dématérialisée. Cet article manque toutefois d’ambition. Il aurait pu aller encore plus loin en proposant une échéance pour la mise en place d’une plate-forme nationale permettant la publication de l’ensemble des décisions des collectivités. Cela n’empêcherait pas la consultation de ces documents sous une forme papier, tout le monde n’ayant pas un accès internet.

À l’article 7, les dispositions proposées pour accompagner la dissolution des établissements publics de coopération intercommunale vont dans le bon sens.

Je me réjouis aussi que le travail en commission ait permis de supprimer sagement certains articles. Je pense notamment à l’article 18 concernant les centres communaux d’action sociale. En effet, les dispositions proposées présentaient un risque réel de désorganisation du réseau de ces CCAS.

Mme Chantal Guittet. Très bien !

Mme Michèle Bonneton. Il ne faut pas perdre de vue que le premier atout d’un CCAS, c’est d’être proche des citoyens. Les personnes qui y ont recours sont dans des situations difficiles et n’ont souvent pas de véhicule. Dans les territoires ruraux, l’absence de transports publics collectifs est une réalité et rend d’autant plus nécessaires les CCAS de proximité. D’ailleurs, les petites communes savent très bien se débrouiller, se réunir, pour offrir cette protection à leurs citoyens les plus vulnérables.

En revanche, l’adoption par la commission de l’article 25 ter A et le maintien de l’article 25 ter nous semblent être un très mauvais signal. En effet, ces articles qui prévoient le report d’une année de la mise en place des SCOT et des PLU du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017, vont à rencontre du dispositif du Grenelle 2 de l’environnement.

La loi Grenelle 2 a été promulguée le 12 juillet 2010. Les dispositions relatives à la création ou à la modification des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme prévoyaient un délai de cinq ans et demi en mettant comme date limite le 1er janvier 2016 pour que ces documents soient effectifs. D’ailleurs, un très grand nombre de collectivités sont dès à présent en règle ou le seront très prochainement.

La mise en place d’un urbanisme respectueux de l’environnement est un impératif pour répondre aux enjeux climatiques, aux enjeux de biodiversités, etc., plus généralement à un environnement de qualité, mais aussi pour améliorer la vie des habitants de ce pays. Les SCOT et les PLU sont des éléments structurants de l’urbanisme et du développement territorial.

Ces deux articles ne visent pas à simplifier des normes, contrairement à l’objet de la proposition de loi, mais à retarder des échéances prévues de longue date. De plus, le report de nouvelles règles d’urbanisme nuirait à la sécurité juridique nécessaire pour les acteurs des territoires concernés. C’est pourquoi notre groupe a déposé deux amendements visant à supprimer ces prorogations.

M. Alain Chrétien. Dommage !

Mme Michèle Bonneton. Il est urgent de procéder à une réforme d’envergure des normes applicables aux collectivités territoriales. Cependant, un processus de réflexion approfondie est absolument indispensable, compte tenu de la complexité de la simplification de ces normes.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Assez réfléchi ! Il faut agir ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Vous avez eu dix ans pour réfléchir !

M. Alain Chrétien. C’est un long processus !

Mme Michèle Bonneton. Mes chers collègues, écoutez-moi jusqu’à la fin car elle vous intéressera peut-être !

M. Alain Chrétien. C’est parce que nous vous écoutons que nous réagissons à vos propos !

Mme Michèle Bonneton. Ce processus est déjà en cours et l’acte III de la décentralisation pourra être aussi l’occasion d’aller dans ce sens.

Cette proposition de loi, pour être acceptable, doit s’inscrire raisonnablement dans le calendrier législatif. Nous serons très attentifs aux amendements qui seront présentés et aux modifications qui seront apportées à ce texte au cours de nos débats.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la tradition juridique française se caractérise par une application uniforme et sans exception des normes, dès leur adoption, sur l’ensemble du territoire national.

Tout irait pour le mieux si notre pays ne s’illustrait par un stock de normes que l’on pourrait, pour le coup, aisément qualifier de « hors norme ». (Sourires.) Il en résulte les chiffres astronomiques qui ont été rappelés : 8 000 lois, 400 000 normes sont présentes dans l’ordre juridique français.

Si les normes sont nécessaires, leur application, voire leur applicabilité sur le terrain n’est pas toujours assurée. Et comment pourrait-il en être autrement dans un pays qui recouvre une si grande diversité de territoires ?

L’obscurantisme dont nous faisons preuve depuis trop longtemps en refusant d’examiner la subsidiarité, la proportionnalité, produit l’effet inverse de celui recherché. Là où nous cherchons l’efficacité, nous créons l’inefficacité. Là où nous prônons l’égalité, nous créons l’inégalité.

Le rapporteur a été éloquent en commission des lois en rappelant la foultitude de rapports, comités Théodule, études d’impact, programmes interministériels, moratoires et j’en passe. Pour quel résultat tangible ? Aucun.

En octobre dernier, je vous avais décrit le parcours du combattant d’un maire d’une commune rurale, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Yannick Favennec. L’excellent Pierre Morel-A-L’Huissier !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Merci !

Mme Marianne Dubois. Lundi dernier, je visitais un village de ma circonscription, la commune de Chapelon, dans le Gâtinais, peuplée d’à peine 300 habitants, que je vous invite d’ailleurs à visiter pour son magnifique moulin. Cette petite commune qui comporte sept hameaux est aujourd’hui incapable de délivrer un permis de construire, ne serait-ce que pour aménager une longère, en raison de nouvelles contraintes de protection contre l’incendie.

Alors que les matériaux de construction ne cessent d’évoluer pour mieux résister au feu, que nos habitations rurales accueillent des familles de moins en moins nombreuses, que le risque ne cesse de décroître, la réglementation ne cesse de suivre, elle, le chemin inverse. On en vient même aujourd’hui à remettre en cause l’utilisation des mares, pourtant si nombreuses dans ma région, dans la protection contre l’incendie.

Cet exemple concret vous montre qu’il faudra bien agir un jour, à moins que l’objectif soit effectivement de sanctuariser nos territoires ruraux, de poser sur eux une cloche de verre.

Le rapport du sénateur Doligé, dont est issue cette proposition de loi, comporte 268 propositions. Cela montre bien l’ampleur de la tâche. Malheureusement, à force de discussions et de compromis, la proposition de loi issue du Sénat ne comporte plus que 33 articles.

M. Alain Chrétien. Et encore !

Mme Marianne Dubois. Et, malgré cette portion congrue, certaines voix se sont élevées en commission des lois pour demander de surseoir dans l’attente de prochaines propositions. Je vous interroge : jusqu’à quand, mesdames et messieurs, allez-vous repousser cet examen ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Voilà la question !

Mme Marianne Dubois. Quand allez-vous daigner porter une attention à ces élus qui se battent pour faire vivre leur village ?

Nos villages ne sont pas uniquement des centres de vacances pour vous accueillir en juillet et août. Ils vivent, produisent et participent largement à la destinée de notre pays. Ils méritent autre chose que votre indifférence.

La proposition de loi que nous examinons comporte un article, amendé par le rapporteur, sur les centres communaux d’action sociale de nos communes. Il s’agit uniquement de répondre avec pragmatisme pour plus d’efficacité en allégeant la charge administrative des plus petites communes, sans nullement remettre en cause l’obligation de mettre en œuvre une politique sociale.

Sur ce point encore, en commission des lois, nous avons pu voir avec stupéfaction certains intervenants s’opposer à cet article sous prétexte de ne pas donner de signal négatif en cette période de difficultés économiques et sociales. Après l’indifférence, la procrastination, vient la posture idéologique. Décidément, rien ne nous aura été épargné sur ce sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yannick Favennec. C’est vrai !

Mme Marianne Dubois. Je formule le vœu que mon intervention d’aujourd’hui soit comprise.

Il n’est nullement question de faire des effets oratoires ni d’adopter une posture de circonstance, mais de vous transmettre l’état d’esprit de nos élus, ruraux en particulier.

Il est plus que temps de se pencher sur le problème du stock normatif et d’apporter des réponses et des solutions concrètes. Il n’est que temps et la proposition de loi Doligé est une réponse. Elle vise à prendre en compte les contraintes des collectivités locales au quotidien. Il n’est que temps !

Le texte dont nous discutons aujourd’hui tend à répondre concrètement à cette situation et, dans ce sens, il devrait faire l’objet d’un consensus.

Mettre fin à ce stock de normes hors norme, ce serait vraiment énorme ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la France est un pays de droit écrit. Ce fut, c’est encore, une chance, tant dans notre culture il y a le respect de la loi, du règlement, gages d’égalité. Une société sans normes est, on le sait, soumise à l’anarchie.

Cependant, depuis une vingtaine d’années, on assiste, comme cela a été dit par Mme la ministre et M. le rapporteur, à une inflation de textes opposables aux communes, générant des coûts financiers en ingénierie, en travaux, en ressources humaines. On chiffre à 1 milliard la dépense supplémentaire induite – Mme Descamps-Crosnier a parlé de 570 millions d’euros, d’autres encore on évoqué le chiffre de 2 milliards.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Au point où nous en sommes !

M. Yannick Favennec. 2,3 milliards !

Mme Monique Rabin. En tout cas, nous sommes tous d’accord pour dire que c’est trop !

Comme cela a été rappelé aussi, on retient généralement le chiffre d’environ 400 000 normes qui écrasent nos communes, notamment les plus petites. C’est le constat qui a été fait sur tous les bancs, à telle enseigne que se multiplient rapports et propositions. Une Commission consultative d’évaluation des normes a été installée qui vise à la fois les projets de textes applicables aux entreprises mais aussi, et cela me paraît intéressant, aux collectivités, et une mission qui traite spécifiquement des collectivités locales a été confiée à MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard.

Les élus locaux eux-mêmes ont exprimé leur désarroi face à cette inflation de normes et s’en sont largement ouverts à l’occasion des États généraux organisés par le président du Sénat à l’automne 2012. Le mouvement est donc amorcé.

Pour ma part, je regrette que nos collègues UMP aient voulu légiférer ce jour, avant même l’aboutissement des travaux en cours sur cette question.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Trop long !

Mme Monique Rabin. Vous êtes pressés, chers collègues de l’UMP, alors que vous avez cautionné dans le passé l’inflation des textes : le code général des collectivités territoriales n’a-t-il pas été modifié quarante fois en 2005, autant en 2007 et en 2009 ?

Même si je pense que la proposition de loi arrive un peu tôt, je constate qu’il y a un relatif consensus sur la nécessité de légiférer, mais je m’inquiète sincèrement de votre volonté de dérégulation et je pense notamment aux propos de M. Favennec.

M. Yannick Favennec. Qu’ai-je dit ?

Mme Monique Rabin. Cependant, le texte en discussion est incomplet. Je le prends comme un premier pas. Il nous faudra y revenir. En outre, nous proposerons des allégements dans les textes à venir, comme la loi sur le logement et le foncier, le sport, l’urbanisme et bien d’autres.

Si je me félicite des allégements en marche, je souhaiterais quand même revenir un peu sur la philosophie qui nous anime en redisant par exemple combien la question des normes ne doit pas être érigée en principe absolu. Toute atteinte aux normes doit être bien réfléchie.

Posons-nous donc quelques questions. Pourquoi ces normes ? Dans une société qui doute, l’excès de normes témoigne de peurs. Comme on dit chez moi, « les élus ouvrent le parapluie ».

Que faut-il faire ? L’administration elle-même, dans son zèle normatif, atteste d’un excès de défiance. Comment retrouver la confiance ?

Je pense aussi que le législateur a une part de responsabilité. Ces dernières années, nous avons vécu une véritable inflation du corpus législatif. Le souci électoraliste ne doit surtout pas nous inspirer. Trop de lois ont été faites pour répondre à des faits-divers. On sait que le bulletin officiel a doublé de volume et que les textes de lois comportent en moyenne quatre-vingt-treize lignes de plus chacun !

Revenons à la raison. Nos mentalités doivent évoluer. Cessons cette prolifération, source d’instabilité qui met en difficulté le juge, je pense à des exemples où le droit de l’urbanisme vient percuter le droit environnemental. Trouvons donc le bon équilibre entre la norme protectrice, celle qui met chaque citoyen à égalité, et le besoin de créativité, de liberté et de confiance.

C’est d’une République modernisée que je vous parle, mes chers collègues. Je suis sûre qu’aujourd’hui comme demain, nous pourrons nous retrouver tous ensemble sur cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, je veux assurer à Mme Escoffier que je ne serai pas désagréable dans mes propos et que je respecterai ce que nous avons fait en Lozère, où vous êtes venue récemment. (Sourires.)

Nous devons examiner aujourd’hui, devant la représentation parlementaire, une proposition de loi émanant du sénateur Doligé. Malheureusement, cette proposition de loi a été très largement vidée de sa substance.

L’article 1er visait à consacrer le principe de proportionnalité des normes et de leur adaptation à la situation financière des collectivités locales. Il a malheureusement été rejeté par la commission des lois du Sénat. Le dispositif consistait à conférer au préfet le pouvoir de prendre des décisions visant à adapter les mesures réglementaires requises pour l’exécution des lois. Cette possibilité était ouverte dans deux cas : lorsqu’il apparaissait que la mise en œuvre de ces normes se serait heurtée à des impossibilités techniques avérées, ce qui est fréquent, et lorsqu’elle aurait eu des conséquences manifestement disproportionnées au regard des objectifs recherchés et des capacités financières des personnes assujetties à ces normes.

La commission des lois du Sénat n’a pas adopté, comme je l’ai dit, cet article, malgré la bonne présentation qu’en avait faite Mme Jacqueline Gourault, au prétexte que poser un principe général n’est pas opportun en cette matière et qu’il convient d’en rester à un examen cas par cas.

En réalité, la commission des lois a opposé à cet article les mêmes arguments que ceux développés à l’encontre de ma première proposition de loi, elle-même rejetée le 11 octobre 2012 par la commission des lois de l’Assemblée nationale aux prétextes que le principe d’adaptabilité ne serait pas constitutionnel, que la ruralité serait un concept vague et que, de toute façon, il fallait attendre la future loi de décentralisation.

Or, si j’en crois l’avant-projet élaboré par le ministère de la décentralisation, il apparaîtrait « un principe général de proportionnalité des normes concernant les collectivités territoriales ». C’est curieux : si je le dis, cela ne passe pas ; si le Gouvernement le dit, il semblerait que ce soit constitutionnel.

En réalité, votre Gouvernement, mesdames les ministres, ne veut pas régler le problème, comme le souligne La Gazette des communes, des départements et des régions en parlant de « capharnaüm », de « lutte contre l’inflation normative qui crée des instances enchevêtrées ». Intéressant…

Et c’est pour cela que je me permets de revenir sur le contexte. On fait souvent remonter la prise de conscience de la prolifération des normes au rapport public du Conseil d’État de 1991.

Ce rapport établissait le constat suivant : la surproduction normative, l’inflation des prescriptions et des règles, ne sont pas des chimères, mais des réalités. De substantiels développements venaient étayer la démonstration.

Plus de vingt ans après, le constat est le même et se révèle particulièrement préoccupant pour les collectivités territoriales, comme le montrent le rapport de M. Claude Belot, le rapport de M. Doligé, le rapport que Yannick Favennec, Étienne Blanc, Daniel Fasquelle et moi-même avons rédigé. Au plan international, en 2010, une étude de l’OCDE avait été consacrée aux moyens permettant de mieux légiférer en France. Les États généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat le 5 octobre 2012 ont également souligné la nécessité d’alléger le poids des règles.

Dans cette même perspective, le Premier ministre a confié une mission à Alain Lambert et à Jean-Claude Boulard. Ceci étant, force est de constater que perdurent la prolifération, la logorrhée, certains ont parlé d’incontinence, la surproduction, les excès, le harcèlement textuel, l’étau normatif… Les chiffres sont éloquents : 8 000, 400 000 normes. Des normes complexes, des normes trop nombreuses, des normes coûteuses.

Face à ce constat, certaines initiatives ont été prises à travers le développement progressif des études d’impact – une bonne idée –, la création de la Commission consultative de l’évaluation des normes – très bonne idée – constituée au sein du Comité des finances locales, un moratoire du Premier ministre sur l’adaptation des mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, la désignation d’un commissaire à la simplification. Parallèlement, l’action législative s’est traduite par de nombreuses lois de simplification, en 2007, 2009, 2011 et 2012, grâce à Jean-Luc Warsmann et à Étienne Blanc qui a été très actif en la matière.

Pour ma part, j’ai pris plusieurs initiatives à travers le rapport que Yannick Favennec et moi-même avons remis au Président de la République et une première proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différentielle des normes en milieu rural, de nature à répondre à ce que Yannick Favennec a dénommé « le sentiment d’exaspération », et que nous avons rencontré dans les territoires ruraux.

Discutée à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi n’a pas été adoptée. Pour vous, mesdames les ministres, la question principale était celle de la constitutionalité. Le Gouvernement, d’ailleurs, avait saisi le Conseil d’État pour savoir si le législateur pouvait, sans méconnaître l’article 21 de la Constitution et le principe d’égalité, renvoyer directement au pouvoir réglementaire des collectivités territoriales le soin d’édicter des mesures d’application d’une loi. Le Conseil d’État, dont l’avis a été rendu public par Mme Lebranchu, a répondu que l’attribution d’un pouvoir réglementaire aux collectivités par la loi n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité.

C’est pourquoi j’ai redéposé, en novembre dernier, une nouvelle proposition de loi devant l’Assemblée nationale, proposition que je soumets aujourd’hui à la représentation parlementaire par la voie d’un amendement.

Le temps n’est plus aux rapports ni aux missions, mais à l’action. Madame la ministre, vous avez aujourd’hui l’occasion de justifier de votre action politique en créant le principe d’adaptabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous ici, j’ai exercé des mandats locaux en tant qu’adjointe au maire de Saint-Denis de La Réunion et présidente de la communauté intercommunale du Nord de La Réunion. Je mesure l’intérêt du texte que nous examinons aujourd’hui, qui vise à simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales.

Nous savons en effet que la France est un État de droit, de tradition jacobine, centralisatrice, bien antérieure à la fondation de notre République.

Nous avons voulu, tous ou presque, lancer un grand mouvement de décentralisation qui, s’il a commencé sous Mitterrand avec les lois Defferre, s’est poursuivi sous Chirac avec la réforme de 2003, malgré les lacunes de celle-ci, qui pèsent durablement sur les finances de nos collectivités. C’est donc, chers collègues de l’opposition, un projet que nous avons eu en commun, si ce n’est dans la lettre, au moins dans l’esprit. C’était un attachement à nos territoires qui nous a poussés, tous, à vouloir renforcer au nom de l’efficacité les pouvoirs de nos collectivités territoriales.

Ce faisant, nous avons entraîné les pouvoirs publics dans des domaines encore inexplorés et avons constitué le désormais fameux « millefeuille administratif ». À bien des égards, nous aurions rencontré de grandes difficultés dans l’administration au jour le jour de nos collectivités si nous n’avions pas bénéficié de la grande plasticité du droit administratif, qui a su s’adapter malgré tous les mauvais traitements que nous lui avons fait subir en raison de son caractère prétorien. Mais cela a ses inconvénients puisque, tiraillées entre des partages de compétences parfois peu clairs entre personnes publiques, les changements de jurisprudence et une inflation normative encore aujourd’hui mal maîtrisée, les collectivités locales ont fait les frais du brouillard juridique dans lequel nous les avons maintenues.

La fin de la tutelle administrative des préfets sur les exécutifs locaux, et en particulier la mise en place d’un contrôle de légalité des actes a posteriori par les lois Defferre, ont fait peser sur les collectivités la responsabilité de l’éventuelle illégalité des actes administratifs adoptés par elles. Le contrôle a posteriori, c’est d’abord, en effet, le référé préfectoral, cet instrument qui permet aux préfets de poursuivre devant les tribunaux administratifs les collectivités pour les actes qu’ils pensent illégaux. C’est là une responsabilité énorme qui a été transférée aux collectivités par l’État, puisque les collectivités se voient exercer un contrôle qui ne pesait pas sur l’État tout en n’ayant pas les moyens de ce dernier.

En effet, malgré le développement de l’administration territoriale dont je suis moi-même issue, les collectivités, notamment les plus petites, n’ont pas l’expertise juridique de l’État. Et pourtant, elles en auraient besoin, car leurs missions se sont développées au fil des années, incluant des pans entiers et nouveaux d’activité, donc de normes à concevoir et de risques juridiques liés. Comment le maire d’une petite commune pourrait-il connaître toutes les subtilités de l’ensemble des compétences qui lui sont dévolues, alors que nous-même, législateurs, les modifions régulièrement ? Et ce maire bénéficie-t-il vraiment de la liberté d’administration qui lui est garantie par l’article 72 alinéa 3 de notre Constitution, si on ne lui donne pas les moyens de prévoir les conséquences juridiques – y compris, trop souvent, personnelles – de ses décisions ?

De fait, cette extension progressive de leurs compétences a eu un coût, difficilement chiffrable, en termes de personnel, de temps passé à décoder les arcanes des différents codes, d’assurances à souscrire en tant que collectivité ou parfois directement en tant qu’élu... Pour remédier à cela, nous avons – assez paradoxalement, d’ailleurs – promu les regroupements de communes sous diverses structures, afin de bénéficier des fameuses « économies d’échelle ». Mais, ce faisant, nous avons également rajouté un nouvel étage au millefeuille et un nouveau degré à la complexité juridique.

Loin de moi, cependant, l’idée que changer les normes soit toujours nocif. Il est en effet nécessaire de les faire évoluer pour tenir compte de problématiques nouvelles ou d’évolutions de la société. Je note ainsi que cette proposition de loi contient des dispositions ouvrant la possibilité de publier une part des documents administratifs par voie électronique, réforme attendue depuis longtemps par nos concitoyens. De même, les intercommunalités ont objectivement beaucoup fait pour l’efficacité de l’administration française et demeurent un levier d’action à privilégier dans le cadre de nos travaux sur la politique locale.

Simplement, il ne faut pas oublier que les collectivités ne vivent pas en vase clos. Les normes qui s’appliquent à elles ont des conséquences directes sur leurs administrés, y compris à ceux d’entre eux qui veulent s’impliquer plus dans la vie politique locale. La simplification des normes applicables aux collectivités, c’est donc aussi un travail de clarification du droit pour une plus grande transparence de la vie politique et administrative.

C’est en raison de cette double nécessité de sécurisation juridique des collectivités et de plus grande proximité avec nos concitoyens que nous ouvrons ce débat aujourd’hui. Nous ne devons pas, cependant, et malgré tout le respect que je porte au travail du sénateur Doligé, surestimer ses apports : la simplification du droit est un tonneau des Danaïdes. Nous nous y sommes souvent attelés au fil des années et avons toujours dû remettre l’ouvrage sur le métier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, simplification, lisibilité, pragmatisme, telles sont les revendications de nombreux élus de ma circonscription et, plus généralement, des élus territoriaux de France.

Les États généraux de la démocratie territoriale, qui ont été lancés, je le rappelle, par la gauche, et qui ont réuni un grand nombre d’élus dans le Finistère, ont manifesté le désir de rationaliser les normes, dont beaucoup sont utiles mais qui, vous l’avez tous dit, sont exorbitantes par leur nombre : quelque 400 000, pour un coût d’environ 2 milliards. Tout le monde s’accorde à reconnaître l’importance des charges qui pèsent sur nos collectivités territoriales, liée à l’inflation des textes normatifs.

Cela explique, chers collègues, le véritable besoin de facilitation, de simplification – un travail que nous proposons de faire en partie aujourd’hui. Je me réjouis de constater que l’opposition qui, pendant des années, lorsqu’elle était majorité, a contribué à l’épaississement du millefeuille administratif, se décide à résoudre ce problème.

Rappelons-le : toutes les normes ont pour origine la volonté du prescripteur, souvent pour servir l’intérêt général. Nous entamons ici un exercice difficile : défendre l’initiative, l’esprit d’entreprise, lesquels ne s’accommodent pas volontiers de contraintes, et défendre ce qui constitue l’essence même de la politique, de notre travail de législateurs, à savoir la prescription des normes.

Je m’arrêterai un instant sur un problème souvent évoqué par les petites communes : celui de l’adaptabilité des normes à la taille de la commune.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est bien le problème !

Mme Chantal Guittet. La norme a pour rôle de protéger les citoyens, les élus, les entrepreneurs, les salariés, en matière de santé publique, de sécurité. Nous sommes en droit de demander que les normes s’appliquent sur tout le territoire dans le respect du principe de légalité.

M. Alain Chrétien et M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Non : du principe d’égalité !

Mme Chantal Guittet. Simplifier les normes ne signifie pas déréguler. Adapter des normes ne signifie pas non plus créer des lois et des normes pour toutes les situations. Prôner l’adaptabilité de nos normes, cela ne revient pas à vouloir « tailler » les normes en fonction de tel ou tel lobby. C’est là l’exigence essentielle de l’exercice normatif : anticiper l’impact et les effets réels de la norme, en contrôler l’application, l’évaluer, concilier la reconnaissance de la diversité territoriale et la lisibilité du droit.

Pour porter cette exigence, ce texte doit s’inscrire dans un processus beaucoup plus large engagé par vous-même, madame la ministre, qui va se poursuivre notamment par la création de la Haute Autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales. Cette nouvelle instance nous engagerait dans la voie d’une rationalisation des normes et des procédures administratives.

Nous n’allons pas régler d’un coup de baguette magique le problème posé par le foisonnement normatif. Je considère que ce texte représente un premier pas dans la bonne direction. Son adoption enverrait un signal fort aux élus, même s’il reste très insuffisant et mérite un plus ample travail. Aussi espéré-je que la volonté du Gouvernement de moderniser l’action publique et d’aller vers beaucoup plus d’efficacité sera suivie d’effet.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je souhaite, au nom de la commission des lois, remercier l’ensemble de nos collègues pour s’être exprimés avec leur sensibilité. Ils ont dégagé ensemble, et c’est à l’honneur de l’Assemblée, un point de vue commun : le texte est certes ce qu’il est, mais chacun su privilégier le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide. Il ressort de la discussion générale une volonté quasi unanime de faire en sorte que ce texte soit utile. S’il pouvait être utile à ce qui se prépare en matière de simplification des normes, nous n’aurons pas à regretter le travail accompli.

Ensuite, puisque plusieurs de nos collègues ont abordé dans le détail l’article 18 et la question des CCAS, j’y reviens brièvement, quitte à me faire plus prolixe à l’occasion de l’examen des articles. Le texte du Sénat prenait acte d’une réalité tout en allant trop loin. J’ai proposé, en commission, de ne pas reculer, de ne pas nous montrer moins lucides que le Sénat, tout en trouvant le moyen de limiter les excès. Nous verrons tout à l’heure dans quelles conditions nous réglerons cette question. Je tenais en tout cas à insister sur le fait que ma volonté n’est certainement pas d’atténuer la nécessité pour les collectivités locales d’assumer leurs responsabilités en matière d’aides sociales facultatives, bien au contraire. J’y reviendrai en défendant mon amendement tendant à rétablir l’article 18.

Enfin, nombreux sont ceux qui ont été choqués par l’utilisation du terme « norme » dans un sens générique alors que la norme, au sens propre, est produite, par exemple, pour une certification – c’est le cas des normes AFNOR – et qu’elle est plutôt demandée par une collectivité comme le moyen de caractériser l’excellence de son intervention.

Il ressort par conséquent de nos débats la volonté de simplifier le carcan réglementaire qui pèse sur les collectivités, plutôt que la volonté d’utiliser la notion de norme dans une acception éventuellement trop large au détriment de la qualité intrinsèque de certaines normes comme les normes ISO, très appréciées, très utiles et qui permettent de mesurer la volonté et l’efficacité de l’action quotidienne des collectivités.

J’espère que nous pourrons entrer un peu plus dans les détails lors de l’examen des articles.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, supprimé par le Sénat et dont la commission a maintenu la suppression, je suis saisie de deux amendements, nos 2 et 20, tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comme nous nous trouvons dans une atmosphère quelque peu intime, je prendrai le temps de m’exprimer. (Sourires.)

Mme la présidente. Vous disposez de deux minutes.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il s’agit tout de même de l’article fondamental, madame la présidente, j’espère donc bénéficier d’un peu plus de temps.

La lecture de l’amendement se suffit à elle-même : il s’agit de créer un nouveau principe juridique d’adaptabilité des normes. Je subodore que le Gouvernement va m’opposer une fois encore l’avis du Conseil d’État – à croire que nous sommes soumis au gouvernement des juges en France et que le Gouvernement n’a plus aucune marge d’appréciation sur ce que peut faire le législateur. C’est assez affligeant. J’espère que le rapporteur aura quant à lui quelque peu évolué, à l’instar de Paul Molac qui a soutenu cet amendement en commission. Je reprendrai le terme d’audace employé par Guillaume Larrivé : un peu d’audace, madame la ministre !

M. Yannick Favennec. Encore de l’audace, toujours de l’audace !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Afin de démontrer la constitutionnalité de l’amendement, je ferai appel à la doctrine en me référant à Géraldine Chavrier, professeur agrégé de droit, doyenne du département de droit public et codirectrice du Groupement de recherches sur l’administration locale en Europe, le GRALE.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ah, la quête du Graal ! (Sourires.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Selon Mme Chavrier : « Il est temps d’apporter une réponse à cette question récurrente : dès le début de l’acte I de la décentralisation, on a constaté que le pouvoir normatif étatique rentrait trop dans le détail des textes, sans laisser aucune marge d’adaptation aux destinataires des normes. Mais comme nous sommes dans un État de droit écrit avec la conviction profonde que la maîtrise étatique des normes est une condition nécessaire à l’unité et à l’égalité de la République, la France n’a pas su passer à l’étape suivante, celle de l’adaptabilité des normes aux territoires par les collectivités. […] Il s’agit de passer d’une liberté de gestion à une liberté de décision, dans des limites déterminées. Le débat continue à témoigner d’une peur atavique et viscérale […] de porter atteinte à l’égalité et à l’unité de l’État.

« Pourtant, il ne s’agit pas de confier un pouvoir législatif aux collectivités, ni de permettre la définition de règles essentielles, mais simplement de leur confier un pouvoir de troisième niveau pour avoir des normes plus pertinentes au regard de leur contexte. L’unité de l’État est sauve. Quant à l’égalité, elle peut au contraire être rétablie grâce à la prise en compte du contexte local, car les textes cesseront de traiter de façon identique des situations différentes. »

À la question de savoir s’il s’agit d’un débat en prise directe avec la réforme de la décentralisation, Mme Chavrier répond notamment que « le principe constitutionnel de subsidiarité proclame que les collectivités ont vocation à prendre les décisions concernant les compétences qu’elles peuvent le mieux exercer ».

Madame la ministre, ce que je vous demande, encore une fois, c’est un peu d’audace. Nous sommes le législateur, pas le Conseil d’État. Nous avons ainsi la possibilité de définir des principes juridiques.

M. Yannick Favennec. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Yannick Favennec. Cet amendement, comme celui de notre collègue Morel-A-L’Huissier, vise à rétablir l’article 1er du texte initial qui posait un principe de proportionnalité et d’adaptation des normes à la taille des collectivités. Plusieurs rapports ont fait état de la prolifération des normes, de l’hystérie normative même, et de l’inadaptation à la réalité du terrain de certaines décisions qui constituent un véritable frein au développement des territoires.

Le présent amendement reprend l’une des propositions du rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux, remis au Président de la République en mars 2012. Il a pour objet d’instaurer un droit à la mise en œuvre du principe d’adaptabilité lorsque la norme est impossible à appliquer, insupportable financièrement ou manifestement disproportionnée aux objectifs poursuivis par la loi.

Il est évident qu’une norme appliquée au niveau national ne peut pas s’appliquer de la même façon à Paris et à Rennes-en-Grenouilles, la plus petite commune de ma circonscription du nord de la Mayenne.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Évidemment !

M. Yannick Favennec. Le coût de la mise en œuvre de ces normes et les moyens humains qu’elle nécessite n’ont pas les mêmes conséquences pour l’une ou l’autre de ces deux collectivités, l’une étant très urbaine et l’autre extrêmement rurale.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est la même chose pour ma commune de Fournels !

M. Yannick Favennec. C’est pourquoi le rétablissement de l’article 1er est indispensable pour redonner du sens à cette proposition de loi.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellente intervention !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Lâchez-vous, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission des lois n’a pas émis un avis favorable sur ces amendements, et les a donc repoussés. J’avais du reste précisé que j’y étais personnellement défavorable, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que celles qui ont prévalu au sein de la commission. Me référant aux déclarations de Mme la ministre au Sénat, je me suis fondé en droit sur l’analyse produite par le Conseil d’État à la demande du Gouvernement.

Le Conseil d’État n’écrit pas que ces amendements seraient anticonstitutionnels, mais considère, globalement, qu’ils sont satisfaits par le droit en vigueur. Le Conseil précise que, si les principes généraux du droit permettent à la loi de définir, au cas par cas, ce qui relève ou non du représentant de l’État dans le département, établir une règle générale ne serait pas utile – le terme « vain » a même été employé, provoquant les interrogations de certains d’entre nous. Quoi qu’il en soit, le Conseil d’État ne dit pas que le fait, pour la loi, de prévoir l’adaptation différenciée des normes en fonction des territoires serait contraire au principe d’égalité.

En droit, et parce que l’avis du Conseil d’État me semble devoir être suivi dans sa prudence et dans sa ligne générale, il n’est pas possible de donner un avis favorable à ces amendements. En revanche, au nom de la commission, je considère, madame la ministre, que la question ne peut rester en l’état. Si, comme je le pense, et comme nos collègues le craignent, ces amendements ne sont pas adoptés aujourd’hui, il faudra que le Gouvernement, à l’occasion d’un prochain texte, indique une ligne montrant un début d’audace – pour reprendre le terme de M. Morel-A-L’Huissier – qui serait tout à fait opportun.

M. Yannick Favennec. Encore de l’audace !

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ces amendements, comme vient de l’expliquer en termes très pondérés M. Geoffroy, sont naturellement inconstitutionnels. Nous avions examiné déjà presque le même texte avec la proposition de M. Morel-A-L’Huissier. Le dispositif envisagé souffre au moins d’une double inconstitutionnalité : d’une part, en France, seul le Premier ministre dispose du pouvoir réglementaire et ni les préfets ni, encore moins, les collectivités territoriales ne peuvent se le voir déléguer ;…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est totalement faux !

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. …d’autre part, l’idée même d’une adaptabilité des normes sur le terrain par les communes, même sous le contrôle du préfet, contreviendrait gravement au principe d’égalité entre les usagers qui est également un principe constitutionnel.

M. Yannick Favennec. Le Conseil d’État vous parle !

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Mes oreilles teintent, mon cher collègue. Il n’est pas interdit de connaître un peu le droit.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ici, madame Bechtel, vous êtes députée !

Mme la présidente. Seule Mme Bechtel a la parole !

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Eh bien, en tant que députée, je vous affirme que cet amendement est doublement inconstitutionnel.

M. Yannick Favennec. Vous n’êtes plus au Conseil d’État, chère collègue !

Mme Marie-Françoise Bechtel, , vice-présidente de la commission des lois. Mes anciennes fonctions ne me rendent pas incompétente en tant qu’élue, et je vous répète que ces amendements sont inconstitutionnels et qu’il appartient au législateur de faire sa propre police. Et puisque vous me parlez de cela, si le législateur lui-même, depuis au moins une dizaine d’années, n’avait pas défini un certain nombre de normes avec une telle profusion, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

M. Jean-Luc Laurent. Excellent !

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Il appartient au législateur de faire sa propre police. Il lui reviendra donc, s’agissant du flux des normes à venir, non seulement de vérifier que ces normes sont nécessaires, mais aussi de prévoir, comme le préconise le Conseil constitutionnel, des critères clairs et suffisants de dérogation possible à ces normes.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Toujours la même position figée !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Puisque je ne me suis pas encore exprimée, je remercie tous les orateurs, pour la qualité de leurs interventions, et particulièrement M. le rapporteur.

Il est vrai que nous avons déjà abordé cette question il y a une dizaine d’années, en 2004 exactement : nous avions proposé d’introduire la notion d’« expérimentation », mais la majorité de l’époque s’y était largement opposée. Je vous rappelle d’ailleurs qu’elle l’avait strictement encadrée et limitée à cinq ans, au nom d’un principe constitutionnel. Je ne reviens pas sur les détails de cette histoire, que vous connaissez sans doute par cœur.

Depuis cette époque, beaucoup de questions se sont posées, à commencer par celle que vient d’évoquer Mme la vice-présidente de la commission des lois, qui nous invite à prêter attention à la manière dont le législateur légifère. Tout amendement, tout sous-amendement produit du droit, et il ne faut pas oublier que ce droit n’est pas forcément adaptable. Notre idée pour l’avenir, et nous y travaillons, c’est que pour chaque loi votée, on propose désormais une forme d’adaptabilité, encadrée par le législateur lui-même.

M. Jean-Luc Laurent. Voilà !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet encadrement ne peut être le fait que du législateur.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cela ne réduit pas le stock !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce stock, justement, a été généré par des lois qui, tant qu’elles ne sont pas abolies, s’opposent.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ces lois sont d’initiative gouvernementale !

M. Yannick Favennec. À 90 % !

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Il a un mandat !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je tiens à lire à vous lire l’avis du Conseil d’État, afin qu’il figure au Journal officiel.

« S’il est possible à la loi, comme le rappelle le deuxième alinéa de l’article 1er, de prévoir des critères de dérogation individuelle aux mesures générales qu’elle fixe, c’est à la condition, récemment rappelée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011, que le législateur ait défini, avec une précision suffisante, directement ou par renvoi encadré au décret d’application, les conditions auxquelles ces dérogations doivent répondre, et notamment la nature et l’objet des mesures de substitution qui peuvent être prises. En revanche, la disposition conférant au préfet, agissant dans le cadre départemental, le pouvoir d’adapter des mesures réglementaires d’application de la loi risquerait, outre de méconnaître cette jurisprudence, ainsi que l’article 21 de la Constitution, de se heurter aux exigences du principe d’égalité devant la loi. Si ce principe ne fait pas lui-même obstacle à ce que des différences de situation puissent justifier des différences de traitement, c’est à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels, en rapport avec l’objet de la loi qui les établit. »

Nous nous trouvons exactement dans le contexte qui est ici décrit. J’ajoute, parce que nous avons demandé l’avis du Conseil d’État de notre propre initiative, un passage intéressant de cet avis.

« Sans doute le législateur peut-il attribuer à une catégorie de collectivités territoriales une compétence locale et leur confier, concomitamment, un pouvoir réglementaire pour l’exercer. Mais une compétence locale, au sens du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, ne peut se réduire au seul pouvoir, pour les collectivités territoriales, de fixer des modalités d’application de la loi, comme le ferait le décret d’application. Elle doit comporter des éléments matériels caractérisant leur implication et leur responsabilité effectives dans le domaine considéré : fourniture de services publics, fonction de contrôle et d’alerte, exécution de tâches de gestion, prise de décision individuelle, vote de dépense, passation de contrats de marché. »

Et encore : « Quant à l’attribution par la loi aux collectivités territoriales de pouvoirs de dérogation à la norme nationale, ou de pouvoirs d’adaptation à la norme nationale, elle respecte le principe d’égalité si les deux conditions suivantes sont remplies : la modulation locale dans l’application de normes législatives repose sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités, ou sur une raison d’intérêt général. Dans un cas comme dans l’autre, la différence de traitement en résultant est en rapport direct avec la ou les finalités de la législation, dans le cadre de laquelle le législateur décide de confier aux collectivités territoriales ce pouvoir réglementaire. »

Nous reparlerons sans doute de tout cela, à l’occasion de la discussion du texte sur la décentralisation, dont le titre n’a pas encore été fixé – j’espère, pour ma part, qu’il s’intitulera « Modernisation de l’action publique appliquée aux collectivités territoriales ». Nous en reparlerons, disais-je, mais vous, vous devrez aussi vous poser l’ensemble de ces questions, à propos de chacune des lois à venir.

Au nom des principes que je viens de rappeler, je ne peux pas donner un avis favorable à un amendement qui nous placerait hors du droit, vous le comprenez parfaitement. Vous me demandiez de faire preuve d’audace, mais ce n’est pas de cela dont il s’agit : c’est une question de droit et de manière de légiférer. Je pense que les véhicules que nous aurons nous permettront d’ouvrir la porte, à condition que le législateur, derrière, ne la referme pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, nous voilà vraiment au cœur du problème, et ce débat est extrêmement intéressant. Il me semble que, en dehors de toute polémique et de tout sectarisme, nous pourrions trouver une solution en nous appuyant sur les propositions qui sont faites depuis des années, notamment par Pierre Morel-A-L’Huissier.

Vous avez évoqué le prochain projet de loi que vous présenterez bientôt et que l’on peut appeler l’acte III – ou l’acte « x » – de la décentralisation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je préfère l’appeler « modernisation de l’action publique ».

M. Alain Chrétien. Nous nous sommes procuré votre avant-projet de loi et j’aimerais savoir, madame la ministre, quelle est la différence entre le principe d’adaptabilité, que Pierre Morel-A-L’Huissier défend depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, et le fameux « principe général de proportionnalité des normes » concernant les collectivités territoriales, qui figure dans votre avant-projet.

« La problématique de la proportionnalité des normes, applicable aux collectivités territoriales, écrivez-vous, constitue une préoccupation majeure des élus. » Nous l’avons tous répété, lors de la discussion générale. Vous poursuivez : « Ces dispositions fondent une habilitation générale du législateur au pouvoir réglementaire, afin que dans le silence de la loi, ce dernier ait la possibilité de décliner des modalités d’application réglementaire des lois concernant les collectivités territoriales, sur la base de critères objectifs et rationnels, en rapport avec l’objet de la loi, et sans remettre en cause ses objectifs. »

Ce qui est décrit ici, c’est le principe d’adaptabilité, tel qu’il a été défini par Pierre Morel-A-L’Huissier : vous l’avez totalement réécrit, mais il s’agit exactement du même esprit, sur le fond. Pourquoi réfutez-vous aujourd’hui le principe d’adaptabilité, au titre de la constitutionnalité, alors que vous le reformulez dans d’autres termes ? Ce que nous appelons « adaptabilité », vous l’appelez « proportionnalité ». Il va falloir que nous nous expliquions sur ce sujet et il sera intéressant d’en reparler, à l’occasion du projet de loi que vous nous présenterez dans quelques semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si je m’oppose à cet amendement, ce n’est pas en vertu d’un principe d’autorité, fût-elle constitutionnelle, mais au nom de la recherche de la juste mesure et de ce qu’est l’art de gouverner – ce qui n’est pas simple.

Nous sommes ici au cœur de ce sujet. La norme protège, on en convient, mais l’excès de normes entrave, et quelquefois pervertit. Qu’est-ce donc que la juste mesure ? Je vous invite à relire les Essais d’un ancien maire de Bordeaux, Michel de Montaigne, qui est tout à fait éclairant à cet égard. La juste mesure, c’est l’art de gouverner : c’est ce à quoi nous prétendons, vous et moi. Or Montaigne explique que personne n’est particulièrement qualifié pour gouverner : ni vous, ni moi – cela donne un coup et nous ramène peut-être à une plus juste mesure de ce que nous sommes – sauf au sens où tous les hommes sont capables d’interagir avec leurs semblables.

Dans la situation où nous nous trouvons, qui consiste à définir des normes supportables, il n’y a qu’une chose à faire, trouver l’équilibre, et tant que nous n’y serons pas parvenus, nous échouerons. C’est l’assemblée citoyenne qui, dans les territoires concernés, permettra aux citoyens de dégager le juste sens de la mesure appropriée dans l’application du cadre général de la loi. La participation citoyenne, c’est la réponse essentielle au problème qui nous est posé aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Dans mes propos liminaires, j’avais moi aussi déjà posé la question de l’adaptabilité et de la proportionnalité : à chaque fois que le législateur adopte un texte, il lui appartient de prévoir et d’anticiper, en le confiant au pouvoir réglementaire, sa nécessaire adaptation territoriale.

Cet amendement a déjà connu plusieurs rejets successifs, à la commission des lois du Sénat, en première lecture au Sénat, puis à la commission des lois de notre assemblée.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est toujours la même majorité !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Nous le rejetterons également en séance publique.

(Les amendements nos 2 et 20, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés et l’article 1er demeure supprimé.)

Article 2

(Suppression maintenue.)

Article 2 bis

(Supprimé.)

Articles 3 et 4

(Suppression maintenue.)

Article 4 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Madame la ministre, chers collègues, simplifier, c’est très compliqué. D’un point de vue administratif et juridique, c’est presque un travail de bénédictin, aussi bien pour le secrétariat général du Gouvernement que pour les directions d’administration centrale. D’un point de vue politique, cela ressemble véritablement aux travaux d’Hercule, car cela nécessite, de la part des ministres, une volonté politique extrêmement forte, pour combattre certaines directives européennes qui surréglementent, ou certaines propositions législatives qui émanent des services, et qui, elles aussi, surréglementent, par rapport aux exigences des directives.

Je crois donc qu’il faut être assez modeste, car tous les gouvernements qui se sont succédé ont été confrontés à ce défi. Il faut être modeste, mais il y a vraiment urgence. En tant qu’élu d’une circonscription rurale, la Puisaye, je suis frappé, quand je rends visite aux conseils municipaux des petites communes, par la détresse qui s’y exprime à l’endroit des normes, et notamment, madame la ministre, à l’endroit de l’application d’une loi qui avait été votée à l’unanimité en 2005, sur l’accessibilité des bâtiments publics aux personnes handicapées. C’est un objectif que nous partageons tous, mais la manière dont la dynamique administrative s’est enclenchée peut conduire, dès 2015, à ce que des maires ruraux soient frappés de sanctions administratives, voire de sanctions pénales, s’ils méconnaissent la loi.

Aussi, l’audace à laquelle je vous appelle, madame la ministre, n’est pas nécessairement une audace juridique échevelée. Ce qu’il faut, c’est avoir l’audace d’engager, projet de loi par projet de loi, matière par matière, un véritable effort de simplification, notamment sur cette question très urgente de l’accessibilité.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien ! C’est un vrai problème !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’écoute les diverses interventions depuis un moment, et il me semble que l’on vient effectivement d’aborder un sujet qui est tout à fait à l’ordre du jour, puisque l’échéance de 2015 approche, et que la question de l’accessibilité est posée. Notre collègue, la sénatrice Claire-Lise Campion, remettra dans les prochains jours un rapport sur ce sujet, qui présentera un état des lieux dans le pays.

La loi relative à l’accessibilité a été votée en 2005 et son objectif était de rendre tous les lieux publics accessibles dans un délai de dix ans. La question de l’accessibilité doit d’ailleurs être élargie, car au-delà même de l’accès aux lieux publics, dans les communes rurales et dans les villes, la question de l’accessibilité se pose dans un sens beaucoup plus large : c’est aussi la question de l’accès à l’enseignement, à la culture, ou encore au sport.

Si je me permets d’intervenir sur cette question, c’est parce que c’est un sujet que je connais un peu. J’ai d’ailleurs eu l’honneur, au mois de décembre dernier, d’être nommée présidente du conseil national consultatif des personnes handicapées. J’ai vu que le document qui était présenté y faisait d’ailleurs référence en reprenant un de ses avis.

Nous sommes tous conscients que les excès de réglementation nous posent aujourd’hui des problèmes. Cela dit, la norme protège aussi. En 2005, lorsque nous avons voulu, avec nos collègues de l’ancienne majorité, avancer sur ce sujet, nous avons souhaité y mettre du sens, c’est-à-dire permettre au plus grand nombre de nos concitoyens d’accéder aux différents lieux publics.

Le sénateur Éric Doligé avait d’ailleurs essayé, par le biais d’un texte présenté par notre collègue Jean-Luc Warsmann, de simplifier cette question et de la rendre facultative.

Mme la présidente. Merci, madame la députée.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. On ne peut pas détourner le sens d’un texte de cette façon. Je tenais à le rappeler.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 5 tendant à supprimer l’article 4 bis.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Le groupe SRC a déposé cet amendement de suppression par souci de cohérence avec la suppression de l’article 2 bis, qui conférait une existence législative à la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs en énonçant ses missions et sa composition. La suppression de l’article 4 bis, qui est l’objet du présent amendement, va dans le même sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. En apparence, on pourrait adhérer à la décision de la commission de supprimer l’article 4 bis – en apparence seulement, car le Sénat a considérablement vidé de sa substance le titre I de la proposition de loi, en ne conservant que les articles 2 bis et 4 bis.

Dans un souci de cohérence avec les textes existants ou en préparation, j’ai proposé la suppression de l’article 2 bis parce que la proposition de loi Gourault-Sueur intègre bel et bien la question de la CERFRES, en l’intégrant dans un cadre plus cohérent et plus évolué. Ce n’est pas le cas de l’article 4 bis, qui porte sur la commission interne au comité des finances locales chargée d’évaluer les charges. L’extension prévue par cet article s’appliquerait à toutes les mesures de transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, et donc à l’évaluation des charges correspondantes. Or, à ma connaissance, la proposition de loi Gourault-Sueur n’intègre pas une telle disposition, qui ne figure ni dans le texte dont nous disposons actuellement ni dans les intentions de ses auteurs. Je n’ai pas non plus le sentiment qu’il s’agisse de l’un des objectifs du projet de loi que le Gouvernement va bientôt présenter.

C’est la raison pour laquelle je propose à notre assemblée de revenir sur la décision un peu hâtive de la commission des lois. On peut comprendre que cette décision a été prise dans la foulée de la suppression de l’article 2 bis que j’avais proposée ; or l’article 4 bis n’est pas du tout de la même essence.

Ma proposition, qui a été repoussée par la commission, est de maintenir l’article 4 bis, car il est utile : cette disposition ne viendra aucunement contredire d’autres dispositions ultérieures.

Mme la présidente. Pour bien préciser les choses, la parole est à Mme la vice-présidente de la commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. La commission des lois est favorable à l’amendement de suppression de cet article, pour des raisons de simple cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez fait référence au futur projet de loi et aux mesures sur l’expérimentation et la proportionnalité. Celles-ci n’y figureront peut-être pas, du fait de la proposition de loi Gourault-Sueur, dont on vient de parler et qui a également été soumise à l’avis du Conseil d’État. Il faut être extrêmement prudents, même si je défends depuis toujours cette possibilité. Comme je le dis toujours, je protège les citoyens mais aussi les élus. À force de vouloir faire évoluer la norme, on peut mettre les élus dans des situations inconfortables, et même parfois engager leur responsabilité pénale ou civile.

Je suis, en revanche, favorable à cet amendement, car je ne vois pas l’intérêt de confier à la commission d’évaluation des charges le soin d’évaluer des normes. Il s’agit d’un bon amendement : je le soutiens donc, sans avoir très bien compris les arguments du rapporteur, et même si nous irons effectivement plus loin dans un texte ultérieur.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, je vous remercie : vous avez devancé ma question, puisque je voulais à nouveau vous interroger sur le principe général du droit de proportionnalité. Vous nous trouverez à vos côtés sur ce sujet, puisque nous défendons ce principe depuis des mois. Si vous avez besoin d’aide pour convaincre le Conseil d’État, sachez que vous pouvez compter sur nos humbles compétences.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Madame la ministre, je suis tenté de vous prendre au mot. Personne ne semble contester la validité des dispositions contenues dans l’article 4 bis. Je me réserve donc un droit de regard sur l’intégration de ces dispositions dans la proposition de loi Gourault-Sueur, si elle continue son chemin, ou dans le projet de loi du Gouvernement. Je maintiens mon avis défavorable à la suppression proposée par la commission, mais cela m’encourage à suivre cette affaire de très près.

(L’amendement n° 5 est adopté et l’article 4 bis est supprimé.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 22 rectifié.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle. Le texte qui nous est soumis fait état de la procédure papier et de la procédure électronique. Or la seconde est mentionnée par l’expression « sous forme électronique », alors que la première l’est par les mots « sur papier », ce qui ne me semble pas très élégant et encore moins juridique. Je propose donc une concordance des intitulés : mon amendement vise à substituer aux mots « sur papier » les mots « sous forme papier ».

(L’amendement n° 22 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 7, qui fait l’objet de deux sous-amendements.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’article 5 dispose que certaines catégories d’actes peuvent être publiées sous une forme uniquement électronique, sans copie intégrale dans la version papier du recueil des actes administratifs. Il apparaît pourtant nécessaire de prévoir le maintien obligatoire d’un exemplaire papier du recueil à disposition du public, afin d’éviter une rupture liée à la fracture numérique, et donc une discrimination sociale.

Pour un motif d’égalité des citoyens devant l’information, nous souhaitons conserver un exemplaire papier parallèlement au mouvement de dématérialisation. Dans la mesure où il y aurait moins de papier imprimé, nous nous situerions quand même dans une démarche de développement durable, tout en réalisant des économies.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Parfait !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission et soutenir les sous-amendements nos 40 et 41.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je salue le travail conjoint mené lors de nos deux séances de commission : je sens qu’il nous permettra d’aboutir à un accord et à l’adoption d’un texte utile.

J’avais initialement exprimé, en commission, la volonté de donner une impulsion supplémentaire au format électronique, parce qu’il est moderne, utile et écologique. J’ai bien compris que dans certains milieux, les moyens matériels à la disposition des communes et la petite taille de l’administration de celles-ci ne permettent pas vraiment l’utilisation de la forme électronique dans des conditions optimales. Le maintien d’une trace « sur papier » – je reprends cette expression – serait donc utile.

J’ai proposé ce matin à la commission, qui a bien voulu l’accepter, de donner un avis favorable à l’amendement n° 7, sous réserve de l’adoption de deux sous-amendements de précision venant alléger et donner tout son sens à la rédaction proposée par Mme Descamps-Crosnier. Avec l’accord du Gouvernement – je l’espère –, je vous propose d’adopter l’amendement de Mme Descamps-Crosnier en y intégrant les deux sous-amendements qui l’accompagnent. Cela ferait d’ailleurs gagner du temps à tout le monde puisque l’amendement n° 23 n’aurait alors plus d’utilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 7 et les deux sous-amendements nos 40 et 41 du rapporteur ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La présentation des documents sous forme électronique n’a jamais exclu le maintien d’un format papier : je suis donc favorable à l’amendement n° 7.

Quant aux deux sous-amendements – je vous le dis très objectivement et très poliment, monsieur le rapporteur –, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, parce que je ne vois pas très bien la simplification qu’ils apportent. Vous avez sans doute très bien travaillé : je vous fais donc confiance.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Très bien !

(Les sous-amendements nos 40 et 41 sont successivement adoptés.)

(L’amendement n° 7, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 12.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Cet amendement accompagne la dématérialisation prévue par l’article 6, en précisant l’obligation de maintenir une publication ou un affichage des actes administratifs sur un support papier parallèlement à la publication ou à l’affichage électronique. Les motifs de cet amendement sont exactement les mêmes que pour le précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. À titre personnel, je n’étais pas favorable à cet amendement, puisque la question de la certification avait été jugée hors sujet par le Sénat. Cependant, la commission a adopté cet amendement : je fais confiance à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable : cet amendement est du même type que le précédent.

(L’amendement n° 12 est adopté et l’article 6 est ainsi rédigé.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour faire une présentation commune des amendements n°s 24 et 25.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il s’agit de deux amendements de clarification rédactionnelle. La commission a bien voulu les accepter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je confirme que le préfet peut être le représentant de l’État dans le département. (Sourires.) Je suis donc favorable à ces deux amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 24 et 25 sont successivement adoptés.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 11.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’article 9 crée un dispositif dérogatoire au regard des modalités générales de transmission des actes aux préfectures par les collectivités locales, en mettant en place la transmission directe d’une pièce annexe d’une délibération des services déconcentrés de la DGFiP vers les services préfectoraux. Cette simplification permet à la fois d’aller plus rapidement et d’éviter des transmissions inutiles, puisque ces pièces annexes ne sont requises qu’à la demande du préfet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je n’ai pas très bien compris l’objectif de cet amendement. La question soulevée au Sénat était celle de la simplification. Qui est chargé de transmettre les documents ? L’exécutif local. L’objectif du Sénat visait à alléger les procédures en permettant une transmission directe. L’objectif du présent amendement est de permettre cette transmission à l’initiative du préfet qui, de fait, ne peut pas savoir puisqu’il ne dispose pas de tous les éléments, s’il est bon ou non d’opérer cette transmission directe.

La commission a adopté cet amendement, mais à titre personnel, j’ai émis un avis défavorable, car il va à l’encontre de la simplification recherchée, de la rapidité s’agissant de documents annexes qui n’ont pas à transiter par tous les méandres habituels.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. L’autorité locale a le devoir de transmettre au représentant de l’État. Il vaut donc mieux lui donner la responsabilité de demander que la transmission soit faite sous forme électronique. Sinon, on inverse l’ordre des devoirs.

Pour cette raison, la commission donne un avis tout à fait favorable à cet amendement de simplification.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je rappelle qu’il s’agit de rétablir la portée initiale de l’article 9, avant examen par la commission des lois du Sénat, laquelle, à l’initiative de la rapporteure, avait considéré qu’il revenait aux exécutifs locaux de transmettre les actes aux préfets.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Revenir au texte initial n’est pas obligatoirement une bonne chose.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Selon nous, l’amendement enfonce des portes ouvertes et, par conséquent, est superfétatoire. Cependant, nous ne nous y opposerons pas.

(L’amendement n° 11 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour faire une présentation commune des amendements n°s 37 et 38.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Ces amendements ont la même portée que l’amendement n° 11, pour les conseils généraux et les conseils régionaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Même question, même argumentaire et, je le crains, même résultat. La cohérence ne me surprendra pas, elle me décevra.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Avis favorable puisqu’il s’agit d’étendre la même procédure à deux autres collectivités territoriales.

(L’amendement n° 37 est adopté.)

(L’amendement n° 38 est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

Mme la présidente. Sur l’article 10, supprimé par la commission, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L’amendement vise à rétablir une disposition qui a été supprimée par la commission en premier examen du texte. Ce qui était initialement prévu était tout à fait utile et sain.

Concernant l’argument de la transparence, rappelons que, quel que soit l’acte établi par une commune ou un CCAS, les noms des personnes dont il est question ne sont jamais publiés.

L’idée d’une transparence rendue possible parce que la question remonterait jusqu’à l’organe délibérant – en l’occurrence, le conseil municipal dans la plupart des cas, s’agissant de créances non recouvrées – ne me semble pas un argument pertinent. D’autant que les élus ont régulièrement à disposition l’intégralité des actes pris par l’autorité territoriale sur délégation de l’organe délibérant. C’est une mesure de bonne gestion. Les actes sur le recouvrement de frais de restauration municipale, de centres de loisirs sont très fréquents. Ils viennent encombrer nos séances de conseil municipal. Il n’y a rien à cacher, il y a peut-être même à protéger les personnes en question. C’est la raison pour laquelle je propose le rétablissement de l’article 10 initial au nom de la protection des personnes, de la simplification, de la bonne gestion et sans craindre du tout de nuire à la transparence de nos actes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans la mesure où il s’agit de créances de faible montant, je peux entendre l’argument du rapporteur. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Alain Chrétien. Merci.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je soutiens moi aussi cet amendement. L’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales prévoit un certain nombre de domaines dans lesquels le maire peut recevoir une délégation de la part du conseil municipal – sur des lignes de crédit, la possibilité de signer des contrats d’assurance etc.

Après avoir pris une décision, le maire a l’obligation d’en informer le conseil municipal. Il n’y a donc aucun risque. Le devoir d’information est obligatoire. C’est donc une bonne mesure.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Je partage l’avis de mon collègue Morel-A-L’Huissier. Je rappelle que le percepteur harcèle les maires pour de très petites sommes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il vous harcèle !

M. Alain Chrétien. Il n’y a pas d’autre mot, madame la ministre. Le percepteur ne veut pas être mis en débet pour quelques euros et cela lui prend du temps en formalités. Il vous reviendrait de fixer par décret un montant le plus raisonnable possible.

Nous souhaitons que nous nous retrouvions pour rétablir l’article 10 et voter cet amendement à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Pour des raisons pratiques et au nom de la transparence, je ne suis pas favorable à cet amendement.

Il est utile, sans donner les noms, que le conseil municipal qui vote une enveloppe budgétaire, soit informé du montant qui va être mis en créances irrécouvrables.

Je suis défavorable au rétablissement de l’article 10 qui laisse le maire s’affranchir de ce qui relève du pouvoir du conseil municipal.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. N’utilisez pas de mots trop forts, cher collègue. S’agissant d’un maire qui « s’affranchirait » de l’accord du conseil municipal lorsqu’il s’agit de mettre un terme à une créance de très faible ampleur, je ne vois pas trop où est le problème.

M. Alain Chrétien. Il s’agit de petites sommes.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. D’autant que la transparence est totale. Quelle est la différence entre un projet de délibération soumis au vote du conseil municipal et la transmission systématique – et peut-être même avant la séance du conseil municipal – par le maire de la liste des décisions qu’il a prises dans le cadre de cette délégation ?

Il ne s’agit pas de créer un droit nouveau pour le maire de disposer du pouvoir de décision du conseil municipal. Ce droit existe. Pour certaines créances, très banales, de très faible ampleur, on constate un alourdissement des procédures. Il s’agit tout simplement de lutter contre un tel alourdissement. En l’occurrence, la question de la transparence ne me paraît pas se poser.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Je suis particulièrement désolée de devoir contredire l’argumentation de mon collègue Jean-Luc Laurent car, pour ma part, je donne sans hésiter un avis favorable à cette disposition. Comme l’a rappelé M. Morel-A-L’Huissier, il s’agit d’une délégation du conseil municipal. Le maire intervient très classiquement pour des affaires de plus grande envergure – dans le cas présent, il s’agit de petites affaires. Je n’imagine pas que le conseil municipal ne soit pas, à un moment ou à un autre, informé de la manière dont il a agi, sur délégation.

Cet amendement est donc parfaitement raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tous les documents concernant les délégations au maire peuvent être consultés par les conseillers municipaux.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Bien sûr.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cependant, ils ne sont pas lus au moment d’une délibération du conseil municipal.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Cette disposition doit être adoptée, je le répète, pour rendre service au percepteur. Le seuil fixé ne devra pas dépasser quelques centaines d’euros. En aucun cas, il ne s’agit de dédouaner des dizaines de milliers d’euros sur je ne sais quelle créance. Ces sommes concernent le paiement de la cantine, des cours de musique. Bref, de petites sommes qui prennent du temps au percepteur et qui ne sont jamais recouvrées. Ce n’est pas du laxisme dans le recouvrement des recettes. Il s’agit de faciliter le travail du percepteur. Nous devrions tous être d’accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Permettez-moi, madame la présidente, de vous livrer mon expérience personnelle. Lorsque j’ai envisagé de recourir à une société de recouvrement ou à un huissier de justice, cela n’a pas été possible. C’est le percepteur qui fait les recherches et il arrive qu’il ne trouve pas le débiteur. C’est alors lui qui dit à la municipalité qu’il faut admettre ces sommes en non-valeur.

(L’amendement n° 30 est adopté et l’article 10 est ainsi rétabli.)

Article 10 bis

(L’article 10 bis est adopté.)

Après l’article 10 bis

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 10, portant article additionnel après l’article 10 bis.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Il s’agit d’abroger l’article 108 de la loi de finances du 28 décembre 2011 pour 2012. Cet article prévoit que le Gouvernement annexe au projet de loi de finances un rapport comportant une présentation de la structure et de l’évolution des dépenses ainsi que de l’état de la dette des collectivités locales.

Cette disposition est inopérante pour renforcer l’obligation d’information imposée au Gouvernement. En outre, l’obligation faite à certaines collectivités de transmettre au représentant de l’État un rapport relatif à leur situation financière est sans effet puisque le Gouvernement dispose déjà des outils nécessaires à la réalisation d’un rapport annexé à la loi de finances. Compte tenu de ce caractère redondant, nous demandons la suppression de l’article 108.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. On peut avoir l’humeur badine à cette heure. (Sourires.) Très sincèrement, madame la députée, où êtes-vous allée chercher cela ? J’ai l’impression qu’on vous l’a un peu suggéré…Vous ne pouvez prétendre, qu’entre l’examen du texte en commission et la réunion au titre de l’article 88, avoir peigné l’ensemble des textes qui mériteraient d’urgence un nettoyage de pré-printemps !

Tout cela a certainement été demandé par Bercy et je n’y vois pas malice. En revanche, je m’interroge. S’agissant de l’article 4 bis, les arguments avancés portaient sur le fait que cette proposition n’était pas le bon véhicule législatif. Or maintenant, vous voulez utiliser cette proposition de loi sur la simplification du droit pour nous faire revenir sur une disposition de la loi de finances pour 2012.

Nos collègues de la commission des finances, son président et le rapporteur général, vont découvrir que nous avons supprimé une disposition de la loi de finances. Certains s’en réjouiront et d’autres non. L’urgence n’étant certainement pas à l’ordre du jour, il faudrait appeler l’attention de nos collègues de la commission des finances sur cette question afin qu’ils encouragent le Gouvernement à prendre l’initiative, à l’occasion d’une loi de finances rectificative, de revenir sur cette disposition.

Très sincèrement, je veux bien que vous le fassiez, mais le proposer ici ôte toute cohérence à votre argumentaire selon lequel on ne doit trouver dans ce texte que ce qui ne peut pas se trouver dans un autre texte. En l’occurrence, c’est dans une loi de finances que doit se trouver une disposition de ce type.

M. Alain Chrétien. Eh oui, c’est un cavalier !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’article qu’il est ici proposé d’abroger avait été ajouté par voie d’amendement lors de l’examen de la loi de finances pour 2012. Une norme supplémentaire avait été créée, qu’il ne nous semble pas utile de conserver. Ce type de disposition visant à demander l’établissement d’un rapport constitue une surcharge pour tout le monde. Il serait opportun de la supprimer, c’est pourquoi je suis favorable à l’amendement n° 10.

(L’amendement n° 10 est adopté.)

Article 11

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 6.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’article 11 de la proposition de loi élargit aux demandes de subventions auprès de l’État et d’autres collectivités le champ des délégations que le conseil municipal peut accorder au maire.

L’amendement n° 6 a pour objet de permettre la même délégation en faveur du président du conseil général et du président du conseil régional, dans un souci de cohérence et d’égalité entre les responsables des différents exécutifs locaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Madame la présidente, je suis décidément un peu facétieux ce soir : peut-être sera-t-on surpris de m’entendre dire que je n’ai aucune suspicion à l’encontre de cet amendement, qui va dans le sens de la transparence. Je le trouve même extrêmement utile, en ce qu’il permet de donner sa pleine portée au dispositif prévu à l’article 11, et émets donc un avis favorable.

(L’amendement n° 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 12

(L’article 12 est adopté.)

Article 13

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 8 rectifié et 26.

La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 8 rectifié.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’alinéa 5 de l’article 13 vise à généraliser les mesures en matière de règlement intérieur dans les communes à l’Alsace-Moselle – qui n’était pas dans le droit commun jusqu’à présent.

Cependant, la rédaction ne reprend pas le fait que le règlement intérieur peut être déféré devant le tribunal administratif. L’amendement n° 8 rectifié vise à y remédier.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement est identique à l’amendement n° 8 rectifié de Mme Descamps-Crosnier : Nous sommes totalement en phase.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Peut-être est-ce le caractère facétieux de M. le rapporteur qui me gagne, mais je ne suis pas favorable à ces amendements identiques. En effet, c’est à dessein qu’il a été décidé de ne pas reprendre la possibilité de déférer le règlement intérieur devant le tribunal administratif, prévue à l’article L2541-5 du code général des collectivités territoriales. Le règlement intérieur d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale est, par essence, un acte dont peut connaître le juge administratif. Par conséquent, rappeler ce principe dans la loi est superfétatoire.

L’objet de ces amendements étant satisfait par la loi, je vous demande de les retirer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Il y a tout de même une chose que je ne comprends pas : à l’heure actuelle, la possibilité de déférer le règlement intérieur devant le tribunal administratif est expressément prévue, pour les communes autres que celles d’Alsace-Moselle.

M. Alain Chrétien. Eh oui ! Il faut donc mentionner cette possibilité pour tout le monde, ou ne la mentionner pour personne.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez raison, madame la députée : l’amendement aurait pu concerner l’ensemble des collectivités, et non seulement celles d’Alsace-Moselle.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Notre désaccord peut se transformer en accord si nous décidons d’être cohérents : soit on admet la possibilité partout – c’est ce que nous proposons –, soit on la supprime partout – c’est ce que propose le Gouvernement. Si le Gouvernement veut présenter une disposition allant dans le sens d’une vraie simplification, à savoir que la possibilité de déférer le règlement intérieur n’a pas à être prévue dans la rédaction de l’article 5, cette possibilité étant évidente, je serai tout à fait favorable à cette mesure de simplification.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Oui, sous réserve que le Gouvernement réponde favorablement à la demande que j’ai formulée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si je comprends bien, monsieur Geoffroy, vous retireriez votre amendement si le Gouvernement déposait lui-même un amendement concernant l’ensemble des collectivités territoriales ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Absolument !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le problème, c’est que la rédaction de cet amendement va prendre un certain temps. Je ne sais pas si Mme la présidente est disposée à ce que nous repoussions l’examen de l’article 13 le temps de nous permettre de faire le nécessaire.

Mme la présidente. Il me semble préférable de prévoir que le Gouvernement mettra à profit la navette pour rédiger son amendement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, étant précisé que je prévoirai un rectificatif par amendement se référant aux articles concernés.

Mme la présidente. Les amendements sont-ils maintenus ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous maintenons donc nos amendements.

(Les amendements identiques nos 8 rectifié et 26 sont adoptés.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Articles 14 à 17

(Les articles 14 à 17, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 18

Mme la présidente. Sur l’article 18, supprimé par la commission, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L’article 18 est relatif à la législation applicable aux centres communaux d’action sociale. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons eu à ce sujet un débat extrêmement intéressant, faisant apparaître un consensus sur les objectifs des politiques sociales de proximité. Malheureusement, aucun accord n’a pu être trouvé, la commission ayant décidé de supprimer purement et simplement la disposition votée par le Sénat.

Si la rédaction du Sénat n’était pas satisfaisante, sa suppression ne l’est pas davantage. Le Sénat partait d’un constat qui ne peut pas être balayé d’un revers de main : sur les 36 000 communes que compte notre pays, 4 000 n’ont pas créé de CCAS, contrairement à la loi, tandis que 4 000 autres ont créé un CCAS qui, en dépit de son existence légale, ne fonctionne absolument pas – même pas pour l’organisation du repas des anciens, et nous avons le plus grand respect pour cet élément essentiel de l’animation de nos communes.

Ce que j’ai proposé en commission, et qui a été repoussé, c’est une rédaction qui, d’une part, prenne en compte la réalité pour mieux la faire apparaître, d’autre part indique qu’à partir de cette réalité, les collectivités doivent se mettre en situation d’assumer leur responsabilité, consistant en l’occurrence à organiser l’aide sociale facultative aux côtés et en complément de l’aide sociale obligatoire des départements.

Comme chacun l’aura compris, l’objectif de cet amendement est d’inciter à ce que, dans le cadre des intercommunalités, se créent de plus en plus de centres intercommunaux d’action sociale. De l’échelle de la commune, nous passerons ainsi à une échelle plus pertinente, ce qui devrait permettre de faire passer plus souvent dans le champ du possible les ambitions et les volontés communales.

J’insiste sur un point, auquel nos collègues élus locaux seront sensibles : la particularité des conseils d’administration des centres communaux d’action sociale est qu’ils sont composés de manière paritaire de représentants du conseil municipal et de représentants du monde associatif dans toutes ses dimensions, tel qu’il existe à l’échelle locale. On sait bien que, dans les communes à très faible population, situées dans des secteurs où le monde associatif est réduit à sa plus simple expression, il est extrêmement difficile de créer un CCAS. Il faut donc encourager la création des CCAS à l’échelle intercommunale…

Mme la présidente. Il faut songer à conclure, monsieur le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. J’ai bientôt terminé, madame la présidente, mais le sujet me paraît mériter quelques explications.

Il faut encourager la création des CCAS à l’échelle intercommunale, disais-je, à défaut de quoi – et c’est l’objet de mon amendement –, il est utile de dire que la commune a la responsabilité en nom propre d’exercer l’aide sociale facultative, comme le faisaient jadis, avant l’existence des établissements publics que sont les CCAS, les bureaux d’aide sociale au sein de l’appareil municipal.

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je suis désolé, madame la présidente, d’avoir pris un peu de temps pour expliquer cette problématique, mais je crois qu’il est très important que ceux qui assistent à nos débats ou en prendront connaissance ultérieurement sachent que l’Assemblée est unanime pour dire que l’aide sociale facultative est un devoir des collectivités territoriales, quelle que soit leur importance. Ce devoir n’étant, à l’heure actuelle, pas assumé de façon satisfaisante, pour des raisons que l’on comprend parfaitement, il faut trouver des solutions.

Peut-être la solution que je propose n’est-elle pas la bonne, mais je crois qu’en adoptant cet amendement, nous marquerons une étape. La prochaine lecture au Sénat nous permettra ensuite peut-être, grâce au concours et à la réflexion du Gouvernement, d’avancer sur le sujet et de trouver des solutions à ce qui constitue un véritable problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Je comprends le souci pédagogique qui anime M. le rapporteur, mais il me semble que sa proposition consiste à se donner beaucoup de mal pour un résultat singulier sur le plan juridique. On commence par affirmer qu’un CCAS est créé dans chaque commune pour dire, deux alinéas plus loin, qu’il peut être dissous par délibération – alors qu’en réalité, nombre de communes ne le créent pas du tout. Enfin, on écrit qu’il appartient, le cas échéant, à un établissement public de coopération intercommunale de créer ce centre, alors qu’on a déjà dit que c’était une obligation pour la commune. Le texte incitatif ne me paraît pas mûr, c’est pourquoi j’estime que la commission a sagement opté pour la suppression de l’article 18.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Alors que nous avons eu un débat long et riche au Sénat, aboutissant à une rédaction votée à l’unanimité, vous voulez aujourd’hui revenir, par un amendement, sur cette rédaction. J’entends bien que votre volonté ne correspond pas à un refus de principe de toute évolution des CCAS. Toutefois, un vrai travail a été mené par la ministre des affaires sociales, l’UNCAS et un certain nombre de parlementaires, qui devrait, nous l’espérons, aboutir durant la navette à un texte de qualité. Il me paraît plus sage d’en attendre les résultats.

Une solution devrait donc être trouvée prochainement. En attendant, je souhaite que vous retiriez votre amendement, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Sur le principe, je ne suis pas opposé à ce que vous proposez, madame la ministre. Toutefois, le retrait de cet amendement conduira à ce que nous en restions au texte de la commission, c’est-à-dire plus rien du tout, puisqu’elle a supprimé le texte du Sénat.

Ce que je propose – avec beaucoup d’humilité, car je ne prétends pas détenir la meilleure solution –, c’est un élément à partir duquel la navette pourra s’effectuer. Cette solution me paraît préférable à un retour à l’état antérieur à la transmission du texte du Sénat à notre assemblée, ce qui serait le cas si mon amendement n’était pas voté. Je suggère donc que vous le votiez, en sachant qu’il est perfectible. À défaut, nous reviendrons à l’état antérieur du droit et le Sénat devra reprendre, avec le Gouvernement, ex nihilo, l’examen de la question des CCAS.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Cet amendement constitue un progrès dans la mesure où son auteur prend en compte le fait que dans 90 % des communes de France, les CCAS ne sont pas réunis et ne fonctionnent pas.

Dans les communes de 150 habitants, dans les petites communes rurales, le maire ne peut pas prendre en charge la précarité par le biais de son CCAS parce qu’il n’a pas les moyens de le réunir. Souvent, il remplit son obligation d’aide sociale par des moyens détournés, en recourant à des subventions ou en effectuant directement des paiements de charges.

L’objectif est de tenir compte de cette situation et d’initier le travail de transmission, de transfert de la compétence « aide sociale » vers les intercommunalités afin de redonner aux petites communes la liberté d’agir directement pour lutter contre la précarité. Pour l’heure, dans les toutes petites communes, les CCAS sont non pas des atouts mais des obstacles dans la lutte contre la précarité.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pour éclairer nos travaux, je voudrais donner lecture à notre Assemblée du texte du Sénat tel qu’il a été supprimé par la commission. Vous constaterez ainsi, madame la présidente, que mon texte, bien qu’imparfait, est moins mauvais que celui du Sénat au regard de ce qui nous préoccupe. Aux termes de la proposition de loi adoptée par le Sénat : « Un centre communal d’action sociale est créé dans toute commune de plus de 1 500 habitants. Il peut être créé dans toute commune de moins de 1 500 habitants. » En d’autres termes, la création d’un CCAS dans une commune de moins de 1 500 habitants est facultative. Est-ce ce que vous souhaitez ? Je n’en ai pas le sentiment.

Le deuxième alinéa dispose : « Le centre communal d’action sociale exerce les attributions dévolues par le présent chapitre ainsi que celles dévolues par la loi. » Madame la ministre, si j’ai repris cette disposition dans mon amendement – maladroitement, peut-être – c’était afin d’imaginer un dispositif cohérent.

Au troisième alinéa, le Sénat a retenu la rédaction suivante : « Il peut être dissous par délibération du conseil municipal dans les communes de moins de 1 500 habitants. » Il est inscrit au quatrième alinéa : « Lorsque son centre communal d’action sociale a été dissous dans les conditions prévues par le présent article ou lorsqu’elle n’a pas créé de centre communal d’action sociale, une commune peut : 1° Soit exercer directement les attributions […] ; 2° Soit transférer tout ou partie de ces attributions au centre intercommunal d’action sociale ».

Mon amendement introduit une certaine cohérence en obligeant à trouver une solution alors que le Sénat écrit noir sur blanc qu’il n’est pas obligatoire de créer un CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants. Je suis prêt à retirer mon amendement, mais il me semble que le plus sage serait de ne pas se prononcer sur l’article 18 qui, en l’état où le Sénat l’avait voté, était beaucoup moins bon que ce que je vous propose aujourd’hui.

Mme la présidente. Je rappelle que l’article 18 a été supprimé par la commission.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur, j’ai du mal à suivre votre raisonnement, car l’article 18 est supprimé.

Ce que nous souhaitons, c’est trouver la bonne solution, en collaborant avec le ministère des affaires sociales, l’UNCCAS et les parlementaires qui voudront bien travailler sur le sujet. En revanche, je ne voudrais pas que nous repartions avec une nouvelle idée : après la rédaction du premier texte déposé par M. Doligé au Sénat, puis celle de la commission des lois de la même assemblée, on aurait à présent une troisième version. Le mieux serait de garder le texte en l’état, c’est-à-dire de ne pas rétablir l’article 18, et de travailler à une solution qui conviendra à tout le monde. Ma position était donc – mais sans doute l’ai-je mal exprimée, monsieur le rapporteur, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser – de ne pas rétablir l’article 18, ni dans sa rédaction initiale ni dans celle que vous proposez. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. De la discussion jaillit la lumière.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous sommes d’accord sur les objectifs et sur le point de départ que nous nous donnerons dans le cadre de la navette parlementaire. Je retire donc mon amendement : ainsi, l’article 18 est bien supprimé mais il nous reste à traiter de manière satisfaisante la question de l’aide sociale facultative et des CCAS.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Voilà ! Très bien !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Madame la ministre, puisque certains collègues sont au travail sur ce sujet, je suis tout à fait disponible si je peux être utile.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous le serez !

(L’amendement n° 31 est retiré et l’article 18 reste supprimé.)

Article 19

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il est purement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, même si nous aurions préféré conserver le « et ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Bien que cet amendement ait été adopté en commission des lois, il est préférable de conserver le « et » et d’écrire « L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ». Retenir la conjonction de coordination « ou » revient en effet à ne pas placer les établissements publics au même rang que l’État et les collectivités territoriales, ce qui, réflexion faite, est une moins bonne rédaction.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission des lois a été finalement très sage – même si je crois comprendre que son vote aurait été trop hâtif – parce qu’il y a bien deux catégories, d’une part celle de l’État et des collectivités territoriales et, d’autre part, celle de tous les établissements publics. Écrire les uns « ou » les autres me semble plus clair que de mêler tout le monde dans une seule et même catégorie, ce que fait le texte dans sa rédaction actuelle. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé cet amendement que la commission, dans une sagesse immédiate, avait approuvé. Je lui conseille de l’être encore plus dans quelques instants. (Sourires.)

(L’amendement n° 27, accepté par la commission, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 42.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’amendement est rédactionnel : il s’agit de remplacer le mot « lui » par le mot « elle », c’est du français. J’espère donc qu’il sera adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. N’ayant pas le tempérament rancunier, je n’ai pas d’état d’âme et je suis favorable à cet amendement. (Sourires.)

(L’amendement n° 42, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Articles 20 et 21

(Suppression maintenue.)

Article 22

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 36.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sauf demande d’explications supplémentaires, il s’agit d’un amendement rédactionnel qui correspond au code de l’urbanisme. Les mots « destruction » et « détruire » doivent être remplacés respectivement par les mots « démolition » et « démolir » afin de respecter le code en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Avis favorable.

(L’amendement n° 36, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 22, amendé, est adopté.)

Articles 23 et 24

(Suppression maintenue.)

Article 25

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 14.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous vous demandons de supprimer cet article 25 car nous examinerons bientôt un projet de loi relatif à l’urbanisme qui traitera de ce sujet. Il serait plus approprié d’insérer cette disposition dans la loi ad hoc.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne reprendrai pas l’argument relatif à la loi de finances utilisé tout à l’heure, mais il me semble qu’il pourrait s’appliquer ici.

La commission a accepté les amendements de suppression, et pas seulement sur cet article. Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai mon opinion sur l’ensemble des amendements de suppression qui suivent afin de ne pas me répéter.

Je constate que les mesures ne sont pas contestées sur le fond mais quant à l’opportunité qu’il y aurait à les insérer dans cette loi. Sans vouloir trahir l’esprit dans lequel M. Urvoas s’est adressé à moi, je voudrais vous faire part des propos que j’ai pu échanger avec lui au sujet de cette proposition de loi : le président de la commission des lois m’a affirmé que tout ce que nous pouvions faire dans l’immédiat sans contredire de manière formelle ce qui doit être fait ultérieurement, nous ne devions pas nous priver de le faire. Les dispositions contenues dans ces articles et qui ont été sagement élaborées au Sénat seront de toute façon adoptées et appliquées, puisque le fond n’en est pas contesté. Au demeurant, il s’agissait bien en l’espèce de simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales, conformément d’ailleurs au nouvel intitulé du texte que prévoit d’introduire l’amendement n° 9 déposé par le groupe SRC.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. En vertu même des propos qui ont été rapportés par M. Geoffroy, le Gouvernement prépare un projet de loi d’aménagement et d’urbanisme. Pour des raisons évidentes de lisibilité, cette disposition y aura beaucoup plus naturellement sa place. Avis favorable à l’amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. J’interviendrai également au sujet des amendements de suppression des articles 25 bis, 25 ter A, 25 ter, 25 quater pour ne pas y revenir ensuite.

Nous sommes favorables à la suppression de ces articles dans la mesure où le projet de loi « urbanisme et logement » sera examiné prochainement ; il vaut mieux éviter de légiférer de façon parcellaire et rassembler les dispositions dans un seul et unique projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Madame la présidente, je me suis probablement exprimé trop rapidement tout à l’heure. Il est question d’environnement et d’urbanisme, mais de quoi s’agit-il précisément ? L’article 25 est relatif au recours aux conventions pour les projets urbains partenariaux ou PUP ; l’article 25 bis concerne l’articulation entre le plan local d’urbanisme et le règlement de lotissement ; l’article 25 quater traite de l’articulation entre le PLU et le programme local de l’habitat ; les articles 25 ter A et 25 ter visent à permettre le recul de la date d’entrée en vigueur de l’obligation d’adapter les PLU et les schémas de cohérence territoriale aux exigences de la loi « Grenelle II ». Il ne me semblait pas inutile d’insérer toutes ces dispositions dès à présent. Le Gouvernement propose de reporter leur examen, ce que je trouve regrettable. Par conséquent, bien que ces amendements aient été acceptés par la commission, à titre personnel j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans la mesure où nous savons que nous examinerons prochainement un texte qui est déjà en préparation, il faudrait qu’à la suite de notre séance, si vous n’adoptiez pas la position proposée par le Gouvernement, nous réécrivions des dispositions vouées à être modifiées dans un court délai. Pour les élus locaux, il vaut mieux ne pas modifier les textes à plusieurs reprises sur une période d’à peine quelques semaines. La simplification doit également concerner le calendreier : en ne modifiant ces dispositions qu’une seule fois, nous aiderons nos élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Je comprends votre argument, madame la ministre, mais ce qui compte pour nous c’est votre position sur le fond : nous souhaiterions savoir si vous êtes favorable au report de l’obligation d’adaptation des PLU et des SCoT aux exigences de la loi « Grenelle II » à 2017. C’est cette proposition qui vous est faite aux articles 25 ter A et 25 ter pour des raisons de complexité, car aux termes de la loi « Grenelle II » cette adaptation devrait être opérationnelle au 1er janvier 2016. Nous souhaiterions repousser ce délai d’un an pour laisser un peu plus de temps aux collectivités territoriales car le sujet est extrêmement complexe et les services de l’État sont très exigeants.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce sont les délais ?

M. Alain Chrétien. Voilà, ce sont les délais. Pour ma part, je suis prêt à accepter la suppression de ces articles si vous nous donnez votre position et si le Gouvernement est d’accord pour affirmer publiquement qu’il intégrera le report d’un an de cette obligation d’adaptation dès maintenant. À défaut, nous ne pouvons pas voter ces amendements de suppression, vous le comprendrez. C’est donc bien sur le fond que nous vous interpellons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Ces différentes questions d’urbanisme, qui englobent notamment le logement et l’urbanisme commercial et tout un ensemble d’autres sujets, vont donner lieu à la rédaction de rapports pour avis de plusieurs commissions, notamment la commission des affaires économiques qui a déjà commencé à travailler et la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et donc à l’examen d’un certain nombre de contributions par les parlementaires. Il serait donc un peu hâtif de fixer ces dispositions dans la loi dès à présent et plus sage de supprimer ces articles en adoptant ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mme Massat a brillamment défendu une position qui est aussi la mienne. Je ne vais pas me prononcer aujourd’hui sur l’évolution des PLU et des SCOT. Je vous dis simplement qu’un projet de loi est en cours d’élaboration et que des discussions portent sur certaines dispositions très importantes concernant l’urbanisme. Mme Massat en est informée ; elle est à la fois inquiète et enthousiaste.

Même si nous partageons votre analyse, nous vous proposons de ne pas modifier des dispositions sur lesquelles il faudra revenir dans quelques semaines. Il me semble, honnêtement, que ce serait aller à l’encontre de l’intention de M. Morel-A-L’Huissier comme de celle de M. Doligé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Le Grenelle II a donné cinq années et demie aux collectivités locales – je pense notamment aux EPCI et aux communes – pour mettre en place les SCOT et les PLU. Certes, ces procédures sont complexes, mais le délai accordé semble tout de même assez important. De plus, de nouvelles dispositions devraient très probablement entrer en vigueur, ce qui ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Il est donc important que les dispositions déjà votées soient appliquées assez vite. Je souhaite donc que les délais précédemment impartis soient maintenus et demande, en conséquence, la suppression des articles 25 ter et 25 ter A. D’ailleurs, les dispositions prévues par ces articles n’ont pas vraiment de rapport avec le reste du texte et ne constituent pas non plus véritablement des simplifications des normes. Ces articles pourraient quasiment être considérés comme des cavaliers législatifs.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je voudrais tout de même rappeler à notre assemblée que, lors de l’examen en commission, nos collègues du groupe SRC se sont abstenus sur les amendements que notre collègue Heinrich et moi-même avions déposés afin de reporter d’une année l’adaptation des SCOT. Autrement dit, ils n’ont pas trouvé complètement stupide ce que nous proposions. De fait, et en dépit de vos arguments, que j’ai bien entendus, il faut tenir compte des réalités. Or, pour ce qui est de l’engagement des procédures, le calendrier n’est pas le même pour les PLU et pour les SCOT. Tout change tout le temps et tout doit s’adapter à tout dans un système de poupées russes qui fait perdre un temps fou. De surcroît – aucun élu local présent ici ne dira le contraire –, les populations, notamment par l’intermédiaire des associations, sont très sensibles à ces sujets. De ce fait, l’élaboration des PLU et des SCOT prend beaucoup de temps, en particulier du fait de recours de plus en plus nombreux – de la part des associations comme des particuliers –, souvent fondés sur des raisons très privées. Voilà ce que nous constatons.

La majorité précédente a voulu le Grenelle I puis le Grenelle II ; ne prétendez donc pas que ceux qui en étaient membres essaient de retarder les effets de la mise en application de toutes ces dispositions. Vous ne pouvez pas nous faire ce reproche. Nous voulons réussir, mais force est de constater que, pour cela, il faut un peu plus de temps. Si cette revendication remonte, en particulier du fait de la Fédération nationale des SCOT, c’est bien parce que la réalité est celle que je décris.

J’entends avec satisfaction la déclaration de Mme la ministre : si elle considère qu’il nous faudra nous poser ce type de questions, c’est bien qu’elle a conscience que le problème existe d’ores et déjà. Je considère, pour ma part, qu’il faut passer au vote. Je souhaite que l’Assemblée n’adopte pas ces amendements de suppression, auxquels je suis hostile, non par principe, mais parce qu’il est bon que les choses soient dites et que les incertitudes soient levées. En effet, nos collègues, dans les collectivités locales, sont inquiets, non parce qu’ils doivent mettre en œuvre des dispositions législatives, mais parce qu’ils craignent que les conditions pour le faire ne soient pas réunies.

(L’amendement n° 14 est adopté et l’article 25 est supprimé.)

Article 25 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 15 du Gouvernement tendant à supprimer l’article 25 bis.

(L’amendement n° 15, accepté par la commission, est adopté et l’article 25 bis est supprimé.)

Article 25 ter A

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 33, tendant à supprimer l’article 25 ter A.

Ils sont défendus.

(Les amendements identiques nos 19 et 33, acceptés par la commission, sont adoptés et l’article 25 ter A est supprimé.)

Article 25 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 34, tendant à supprimer l’article 25 ter.

Ils sont défendus.

(Les amendements identiques nos 16 et 34, acceptés par la commission, sont adoptés et l’article 25 ter est supprimé.)

Article 25 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de suppression n° 17 du Gouvernement.

Il est défendu.

(L’amendement n° 17 est adopté et l’article 25 quater est supprimé.)

Article 26

(Suppression maintenue.)

Article 27

(Suppression maintenue.)

Article 27 bis

(L’article 27 bis est adopté.)

Article 27 ter

(L’article 27 ter est adopté.)

Article 28

(L’article 28 est adopté.)

Article 28 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 28 bis.

Je suis saisie d’un amendement n° 32, tendant à rétablir cet article.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’article 28 bis du texte que nous avons reçu du Sénat. Il s’agit ici des installations d’assainissement non collectives. La commission a repoussé cet amendement ; je le regrette.

En effet, cet article est important. Il vise à prendre en compte des difficultés réelles, constatées, d’un certain nombre de nos concitoyens qui résident dans des secteurs qui ont été transformés en zones d’assainissement collectif à l’issue d’une délibération de l’EPCI compétent, sans que l’assainissement collectif soit pour autant réalisé. Les habitants devaient, à leurs frais, faire réaliser avant le 31 décembre de l’année dernière le contrôle de leur installation autonome, ce qui représente un coût d’environ 150 euros en moyenne – quelquefois plus, selon la nature et la complexité de cette installation. Dans un second temps, ils devront financer le raccordement au réseau public de collecte et à la station d’épuration envisagée, une fois qu’elle aura été réalisée. C’est donc la double peine.

Dans leur grande sagesse, M. Doligé et l’ensemble de nos collègues sénateurs ont permis, à travers l’article 28 bis, de résoudre cette difficulté en accordant un délai supplémentaire pour les contrôles et en assurant les intéressés du bénéfice des subventions attribuées jusque-là au titre du caractère non collectif des installations dans l’attente de leur raccordement au réseau collectif.

J’entends bien l’argument qui consiste à arguer de la portée générale de la loi ; mais, en l’espèce, il n’est pas valable. En effet, il s’agit là d’obligations qui devaient être acquittées au 31 décembre 2012 et qui n’ont pu l’être sans que ce soit du fait des personnes en question. Il faut donner à ces gens le temps de se retourner. Par ailleurs, ils ne doivent pas subir la double peine que j’évoquais.

Je n’ignore pas l’existence des dispositions concernant l’environnement, en particulier en matière d’assainissement. Tout au contraire, je connais bien ces sujets pour présider la commission locale de l’eau d’un bassin versant ; je sais donc combien sont importantes les questions d’assainissement, collectif et non collectif, pour assurer la bonne qualité des eaux. Cela dit, je sais aussi – personne ne peut l’ignorer – qu’un nombre important de nos concitoyens concernés par ce basculement de l’assainissement non collectif vers le collectif sont en difficulté. L’article 28 bis, que cet amendement vise à rétablir, avait pour objet de prendre en compte cette situation et de soutenir les personnes concernées, qui sont nombreuses, en particulier dans nos territoires ruraux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Vous parlez de double peine, mais songez à tous ceux qui se sont mis en conformité et qui ont respecté les délais, parfois en contractant des emprunts – nous avons tous été confrontés à de tels cas, et sommes parfois nous-mêmes concernés. Ces personnes seraient fort marries que l’on accorde maintenant des délais supplémentaires.

En dépit des très bons arguments que vous avez donnés, je ne peux pas me permettre, compte tenu de l’importance du sujet et des conséquences d’un assainissement non conforme, de dire ici que cela n’est pas très grave, que l’on peut accorder des délais supplémentaires. Il s’agit tout de même de la protection bactériologique de l’eau, de la protection de nos zones littorales contre les pollutions d’origine tellurique, mais aussi de la protection de nos eaux potables, par exemple dans les élevages. Il faut être très précis en la matière, y compris pour des raisons juridiques, car nous pourrions créer des risques en matière de responsabilité pénale ou civile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. En définitive, le rapporteur demande la mise en place d’un régime particulier pour certaines zones, quitte à remettre en cause le principe d’égalité en créant un régime particulier dans certaines zones sans que cela soit motivé par l’intérêt général. Nous appelons donc au rejet de cet amendement de rétablissement d’un article supprimé par la commission des lois.

(L’amendement n° 32 n’est pas adopté et la suppression de l’article 28 bis est maintenue.)

Article 29

(Suppression maintenue.)

Article 30

(Suppression maintenue.)

Article 31

(L’article 31 est adopté.)

Article 32

(Suppression maintenue.)

Article 33

(Suppression maintenue.)

Article 34

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 34.

Je suis saisie d’un amendement n° 1 tendant à rétablir cet article.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la disposition permettant d’étendre l’objet de l’activité des sociétés publiques locales aux éléments de patrimoine situés hors de leur territoire.

Le régime actuel consiste à limiter l’activité de toute SPL au seul territoire de ses membres, ce qui peut s’avérer restrictif, dans la mesure où des collectivités souhaitant mutualiser un service public, sans pour autant recourir à une structure ad hoc telle qu’une intercommunalité, ne peuvent pas toujours recourir à une SPL pour le gérer.

L’article 34, que je souhaite vraiment voir inscrit dans ce texte, permettrait, dans certaines situations bien déterminées, de conserver une gestion purement publique de cet outil de service public, tout en apportant un élément de souplesse nécessaire. Nos collègues alsaciens, en particulier, sont particulièrement sensibles à la possibilité d’utiliser la SPL pour gérer la maison de l’Alsace à Paris. On est bien là dans un objet public, dans le cadre d’une société publique locale, au service d’une collectivité publique. Cet exemple, parmi bien d’autres possibles, montre tout l’intérêt de cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le statut de SPL est bien particulier. En l’espèce, le mot « local » est d’ailleurs déterminant. Nous avons tous accepté avec bonheur la création du statut de SPL, mais il s’agit bien du statut jurisprudentiel connu sous le nom de in house. Si une SPL peut avoir un objet d’intervention en dehors de son périmètre local, ce n’est plus une SPL. Certes, je connais des sociétés d’économie mixte qui ont des objets sur tout le territoire. Mais il nous faut être prudent et précis : en adoptant cette disposition, nous créerions une fragilité juridique qui me semble très dangereuse. Je suis donc vraiment très défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Madame la ministre, vous m’avez devancé, car je m’apprêtais, pour vous répondre, à insister sur le mot « local » qui entre dans l’intitulé des EPL. Les établissements publics locaux – beaucoup d’entre eux sont des sociétés d’économie mixte – sont « locaux ». Pourtant, nombre d’entre eux interviennent, et c’est parfois tout à fait utile, en dehors du périmètre de la collectivité qui les a créés.

De surcroît, ces établissements publics locaux sont, la plupart du temps, en particulier quand il s’agit de SEM, des entités ayant pour caractéristique, certes d’avoir un lien avec le secteur public, mais aussi de bénéficier d’une contribution privée. Vous voudriez donc que ce qui est possible avec les EPL ne le soit pas, même dans des cas bien délimités, avec une SPL, alors même qu’elle est exclusivement publique et n’a aucun statut d’économie mixte.

Vous estimez la construction juridique fragile. Mais si fragilité il y a, et il faudra l’expliquer, elle porte sur les interventions des sociétés publiques locales en dehors du périmètre pour lequel elles ont été créées. Il ne s’agit pas ici de fragiliser mais de donner, dans un intérêt public, la possibilité à une société publique locale dépendant exclusivement d’une collectivité de gérer un équipement public comme, par exemple, la Maison de l’Alsace à Paris. Il s’agit là d’un dispositif au contraire très solide.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur, si vous parliez simplement d’établissements publics gérés par une société d’économie mixte, cela ne me poserait pas vraiment de difficulté. La Maison de la Bretagne à Paris est gérée par une SEM du Conseil régional de Bretagne.

Mais les sociétés publiques locales sont créées avec un objet patrimonial et local. Le capital de ces sociétés est public à cent pour cent, au contraire des SEM qui peuvent intégrer des capitaux privés.

Leur statut est particulier, très clairement défini, et l’on ne saurait le remettre en cause par voie d’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je ne sais pas si je vais emporter la décision de Mme la ministre, mais essayons tout de même. Quand la région d’Alsace installe à Paris la Maison de l’Alsace, elle est chez elle.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non ! Ce n’est pas une ambassade !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Elle installe à Paris l’Alsace. C’est très important.

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. À ma connaissance, l’Alsace n’est pas encore un État étranger et l’ambassade d’Alsace n’a un statut d’exterritorialité ! (Sourires). Nous n’en sommes pas là.

Ne confondons pas les deux sens du caractère local de la SPL : territorial ou patrimonial. En l’espèce, au regard notamment de la jurisprudence européenne, le terme doit être entendu au sens du périmètre territorial. Je crois malheureusement que la notion est claire et que sa projection, fut-elle diplomatique, est impossible

(L’amendement n° 1 n’est pas adopté et l’article 34 demeure supprimé.)

Article 35

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement de suppression n° 18.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Franchement ! J’attends l’argument avec gourmandise !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans ce cas, je vais vous le donner in extenso, monsieur le rapporteur.

La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation avait complété la liste des articles dont la lecture doit être faite lors du mariage en y ajoutant l’article 220 du code civil. Cette liste figure à l’article 75 du code civil. L’article 220 précise des dispositions relatives à la solidarité des époux au regard des contrats, et plus particulièrement des dettes, conclus par chacun d’eux avec des tiers.

L’article 35 vise à retirer l’article 220 du code civil de la liste des articles dont il doit être donné lecture lors des mariages.

Cette proposition de loi traite de modifications apportées au code général des collectivités territoriales. Les modifications à apporter au code civil ont vocation à emprunter un vecteur plus adapté.

Vous en aurez un qui reviendra bientôt ici, (Sourires) si vous le souhaitez, mais en l’espèce, je ne peux pas m’engager au nom de Mme la garde des sceaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L’argumentaire varie selon la position d’où l’on se place camp et l’objectif que l’on poursuit. Ce texte est-il plus adapté à réformer une loi de finances, comme vous l’avez proposé tout à l’heure, ou à réformer non pas le code civil mais une disposition bien particulière ?

Tout à l’heure, Mme Escoffier évoquait la nécessité de mettre fin à un certain nombre d’incongruités. Elle faisait probablement référence à celle-ci et la commission des lois a d’ailleurs maintenu cet article. Il n’y a pas eu de débat, au contraire.

Lorsque l’officier d’état civil célèbre un mariage, il a en face de lui un couple qui, devant monsieur le maire…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ou madame.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. …en la maison commune, entendra la lecture d’un certain nombre d’articles du code civil : l’article 212, en vertu duquel les époux se doivent mutuellement respect, fidélité…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ce n’est pas toujours respecté.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. …secours, assistance, mais aussi l’article 213, l’article 214, l’article 215 qui dispose que les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. De moins en moins.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il entend encore le bel article 371-1 qui traite de l’autorité parentale, de l’enfant, de son degré de maturité, du respect dû à sa personne. Et enfin, juste avant de s’adresser, les yeux dans les yeux, aux deux futurs époux, l’officier d’état civil leur lira l’article 220 dont nous avons, par une grossière erreur, imposé la lecture.

Après avoir déclaré de belles et fortes choses, on lit un article qui parle boutique pour prévenir les époux contre les dépenses indues du conjoint qui devront être supportées par les deux.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais c’est important !

M. Alain Chrétien. C’est l’article lèche-vitrine !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Tout ceci tombe complètement à plat ! Il n’est pas en France un seul officier d’état civil qui se réjouisse de lire cet article et pas un couple qui ne soit interloqué de l’entendre.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. En outre, il est difficile à lire.

M. Alain Chrétien. Et long !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Dans le cadre des collectivités territoriales, qui est celui dont nous traitons, nous vous proposons, non pas de supprimer l’article 220, mais d’en supprimer la lecture obligatoire.

Pourquoi ne pas remettre aux futurs époux un document qui récapitulerait les articles lus et quelques autres, dont le 220, qui est utile par ailleurs. La cérémonie du mariage n’en serait que plus belle.

M. Alain Chrétien. C’est un contrat de garantie.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Tel était l’objet de cet article 35 que vous voulez supprimer alors qu’il a recueilli l’unanimité au Sénat et en commission des lois : ne plus faire subir aux futurs mariés et à leurs invités cette incongruité de la lecture de l’article 220 du code civil.

M. Alain Chrétien. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il faudrait une clause de conscience pour le maire.

Mme la présidente. J’en conclus, monsieur le rapporteur, que vous êtes assez défavorable à cet amendement.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il m’est arrivé d’être madame la maire – puisqu’il n’y a pas que des messieurs…

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’était une formule.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et de me poser beaucoup de questions sur la lecture des articles du code civil.

Vous dites que nous sommes dans le cadre des collectivités territoriales. Mais le maire, dans cet aspect de sa focntion, représente l’État et est officier d’état civil.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il est le représentant de l’État, élu par le peuple.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En l’état actuel de notre droit, ce qui n’est pas lu aux futurs époux n’entre pas dans le cadre du mariage.

Je vous comprends parfaitement, car cet article casse la solennité de la célébration, mais ce qui n’est pas dit n’est pas consubstantiel du mariage. Si vous supprimez l’obligation de lire cet article, le principe de solidarité des dettes entre époux tombe.

La chancellerie est particulièrement consciente de ce problème, d’autant plus que Mme Taubira, très attachée à la solennité et plus poétique que moi, partage votre avis. La chancellerie travaille à un livret qui serait remis aux futurs époux. Un seul cas peut poser problème, celui où l’un des époux ne sait pas lire. C’est extrêmement rare mais cela arrive et nous devons vérifier ce qu’il est possible, en droit, de faire. Cette personne devra-t-elle se faire lire l’article, par exemple, puisque cette obligation s’impose aux deux époux ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Supprimez ce cauchemar !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La Chancellerie vérifiera que l’on peut donner un livret, même à une personne qui ne maîtrise pas forcément la langue.

Vous avez raison, mais ne créons pas un vide juridique qui pourrait désengager certains couples du principe de solidarité devant les dettes parce qu’ils n’auraient pas été prévenus de cette obligation.

J’espère que les maires pourront délivrer un livret mais en attendant, prenons garde de ne pas créer de vide juridique, ce qui serait déstabilisant, même pour un rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Dans le contexte actuel et compte tenu du texte dont je suis le rapporteur, je suis peu susceptible d’être de connivence permanente avec M. Geoffroy mais je dois avouer que je partage la même impression.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Moi aussi.

M. Pascal Popelin. Nos collègues qui célèbrent des mariages sont même gênés de lire cet article.

M. Alain Chrétien. Débarrassez-nous en !

M. Pascal Popelin. J’entends bien qu’un autre véhicule juridique serait plus adapté, que ce sujet fait l’objet d’une réflexion. Cela étant, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de lire un article pour le considérer comme connu en vertu du principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi.

M. Alain Chrétien. Bravo !

M. Pascal Popelin. Attendons donc un meilleur véhicule législatif mais ce texte étant en navette, il serait intéressant, à titre d’appel, de maintenir cette disposition. Les intentions du Gouvernement étant clairement exprimées, nous allons enfin pouvoir en finir avec la lecture de cet article 220. Tout le monde devrait être ainsi satisfait et nous pourrions recueillir l’unanimité sur ces bancs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je me rallie aussi à cette position, tout en rappelant que lorsque nous marions deux personnes, nous lisons aussi que si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Ce n’est pas beaucoup plus poétique ni compréhensible.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je n’ai pas voulu tout lire.

M. Dominique Raimbourg. S’il faut retoucher, retouchons l’ensemble.

M. Alain Chrétien. Occupons-nous déjà du 220 !

M. Dominique Raimbourg. Adoptons cet amendement à titre d’appel ou maintenons le texte à titre d’appel mais nous sommes bien d’accord sur le fait que tout cela doit être revu.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Je ne suis pas convaincu par les arguments avancés sur l’opposabilité aux jeunes époux des textes lus devant eux ce jour-là. Le mariage, en droit français, n’est que l’échange des consentements. Il n’est pas autre chose que le oui que l’on prononce. C’est ce consentement qui fonde le mariage, dont l’intensité est difficilement mesurable tout comme la charge émotionnelle, sans parler de tout ce que l’on a placé dans la promesse du « oui ».

Contentons-nous de l’échange des consentements. Présentons les autres dispositions dans un livret si vous voulez, mais gardons à l’esprit que tout le reste est superfétatoire.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Nous sommes tous d’accord pour supprimer la lecture de cet article lors de la célébration d’un mariage. Par ailleurs, je dis souvent aux mariés que le mariage impose beaucoup d’autres obligations qui ne sont pas lues mais qui doivent être respectées.

Je suis d’accord avec M. Popelin. Nous pourrions transposer dans la loi sur la famille cette suppression de la lecture de l’article 220. Ce serait une histoire à deux temps.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je voudrais juste vous prévenir, puisque vous êtes tous des passionnés de droit, que si vous votez cet amendement, ce sera fini puisque le vote est conforme. La chancellerie a été saisie d’une proposition du même genre au cours de l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous. La majorité a rejeté cette proposition contre l’engagement de la Mme la garde des sceaux de travailler sur un livret. Mme la garde des sceaux me demande de m’opposer fermement, comme elle l’avait fait précédemment, à cette disposition. Elle s’engage à alléger encore davantage l’échange des consentements par la remise d’un livret récapitulant un certain nombre d’obligations liées au mariage. Voilà donc ce que j’ai à vous dire au nom du Gouvernement et comme porte-parole de la chancellerie.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je maintiens qu’il ne faut pas voter cet amendement, pour ne pas créer de problème juridique majeur. Dans le cadre de la loi sur la consommation, on a cru bien faire en décidant de donner lecture de l’article 220, lors de la célébration du mariage. Cela ne signifie pas pour autant que tout ce qui concerne les époux mais dont il n’est pas donné lecture au moment du mariage ne s’applique pas à eux. Sans quoi et si l’on veut que les époux sachent à quoi ils s’engagent, il faudrait leur lire l’intégralité du code civil !

M. Alain Chrétien. Là, ils arrêtent tout !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non seulement nul ne peut ignorer la loi mais, de surcroît, la loi, par définition, s’impose à tous, y compris cette disposition.

Je comprends donc la position de la garde des sceaux que vous représentez aujourd’hui, mais que Mme Taubira ne se tourmente pas – elle aura d’autres motifs de le faire : nous ne lui créons pas de difficultés en refusant de voter l’amendement proposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Nous sommes tous d’accord sur le fond. Ce qui sépare peut-être le rapporteur d’un certain nombre de nos collègues du groupe SRC, c’est que nous faisons confiance au Gouvernement. Il a été clairement dit que nous ne souhaitons pas que l’article 220 soit maintenu dans les articles dont il est donné lecture. La ministre a été extrêmement claire sur la question…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il se couche ! Godillot !

M. Pascal Popelin. Il vaut toujours mieux pour la sécurité juridique qu’une disposition s’intègre dans le bon véhicule législatif. Nous attendons que le Gouvernement respecte ses engagements, pour le bien de tous les conjoints dont nous aurons plaisir à célébrer l’union, quels que soient du reste les conjoints en question !

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.

Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la commission des lois. Je remercie M. Popelin pour l’évolution opportune de sa position. Nous ne pouvons nous livrer à une analyse juridique sur l’opposabilité ou la non-opposabilité ; nous ne pouvons pas non plus courir le risque de laisser subsister un vide juridique extrêmement préjudiciable à la stabilité de l’union entre les époux. Dans ces conditions, la garde des sceaux ayant prévu de travailler sur cette question et tout le monde étant d’accord sur l’intérêt d’y réfléchir, il n’appartient pas, selon moi, à la commission des lois de se prononcer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je voudrais faire une proposition très honnête à Mme la ministre. Ce texte va retourner au Sénat. Cet article n’étant pas voté conforme si l’assemblée adopte aujourd’hui votre amendement, il sera encore en discussion, éventuellement jusque devant une commission mixte paritaire.

Le Gouvernement, par votre intermédiaire, peut-il aujourd’hui, sans prendre un engagement formel, nous faire savoir qu’il va hâter le cours de sa réflexion sur les moyens de combler l’éventuel vide juridique qui subsisterait si nous maintenions le texte en l’état ? Peut-il, en d’autres termes, arriver au Sénat, lors de la deuxième lecture, avec la solution qui permettra au Sénat de réinscrire dans la loi la disposition que vous voulez aujourd’hui supprimer ?

M. Jean-Luc Laurent. C’est une sage proposition, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur, si je souhaite que l’on suive la position de la chancellerie, c’est parce que ses services travaillent à la rédaction d’un livret qui serait remis aux époux à l’occasion de l’échange des consentements. Il faut simplement trouver un moyen juridique pour que l’officier d’état civil puisse s’assurer que les époux à qui le livret est remis en ont bien compris la signification, pour éviter des situations difficiles…

M. Guy Geoffroy. Par exemple, chez les personnes âgées.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, il m’est arrivé de marier des personnes de quatre-vingt ans. C’est formidable, mais certaines choses passent plus mal.

On doit donc s’assurer que les deux époux comprennent ce que contient le livret, pour éviter les cas où l’un des conjoints, qui domine l’autre, s’efforce de maintenir ce dernier dans l’ignorance. Souvenez-vous des longs débats que nous avons pu avoir à propos de l’autorité parentale…

Vous connaissez comme moi des histoires de dettes s’invitant dans un mariage, tandis que l’un des conjoints clame son ignorance en toute bonne foi. C’est la raison pour laquelle cette disposition a été instaurée. Il fallait appeler l’attention sur le fait que, en l’absence de contrat, tout acte de l’un des époux est opposable à l’autre, avec les difficultés que cela entraîne.

Il faut donc un livret et les explications nécessaires, afin que les deux époux comprennent à quoi ils s’engagent et que l’on évite ces interminables procédures de non-reconnaissance de dettes, notamment au moment du décès de l’un des conjoints.

Il faut dire à la chancellerie d’aller vite – c’est ce que je dirai à la garde des sceaux en sortant d’ici –, mais il faut être conscient que vouloir résoudre une difficulté peut en faire surgir d’autres, parfois lourdes de conséquences. Les juristes ici et les membres de la commission des lois, parfaitement compétents en la matière, pourront aider à trouver une solution, afin que nul ne puisse vous dire un jour : je ne savais pas.

M. Alain Chrétien. On ne veut plus de l’article 220 !

(L’amendement n° 18 est adopté et l’article 35 est supprimé.)

Titre

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir l’amendement n° 9, portant sur le titre de la proposition de loi.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Il s’agit de donner à cette proposition de loi un titre qui corresponde mieux à son contenu actuel. Je signale d’ailleurs que, lors de son dépôt au Sénat, elle portait un titre différent de celui que porte le texte qui nous a été transmis. Mon amendement va dans le sens d’une plus grande clarté et d’une meilleure intelligibilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si l’on se réfère aux propos que j’ai tenus à la fin de la discussion générale sur le sens du mot « norme », je ne peux qu’être favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 9 est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi, auront lieu le mardi 26 février, après les questions au Gouvernement.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, vendredi 22 février à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)