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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 14 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Refondation de l’école de la République

Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation et de programmation

Discussion des articles (suite)

Article 1er et rapport annexé (suite)

Amendements nos 769, 1110, 1140

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Amendements nos 486, 575, 682

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Rappel au règlement

M. Patrick Hetzel

Article 1er et rapport annexé (suite)

Rappel au règlement

M. Rudy Salles

Article 1er et rapport annexé (suite)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 416, 784, 578, 683, 998, 462, 650, 903, 1038, 1471

Rappel au règlement

M. Frédéric Reiss

Article 1er et rapport annexé (suite)

Amendements nos 1390, 124, 421, 74, 904, 1111, 1141, 528

M. le président

Amendement no 1318

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1490, 1144, 424, 1142 rectifié, 561, 905, 1449, 580, 685, 562, 906, 1145, 583, 463, 564, 908, 584, 687, 1235, 581, 686, 420, 52, 1393, 1459, 911, 125, 423, 1395, 1146, 974, 1323, 481, 585, 688, 1147, 1203, 1324, 614, 1000, 1411, 652, 425, 653, 918, 1328, 1329, 1366, 975, 507, 469, 973, 976, 1403, 978, 980, 1148, 75, 1112, 472, 1006, 76, 530, 1113, 1149, 654, 956, 1037

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Refondation de l’école de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi
d’orientation et de programmation

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (nos 653, 767).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 190 et à plusieurs amendements identiques, à l’article 1er.

Article 1er et rapport annexé (suite)

M. le président. L’amendement n° 190 n’étant pas défendu, la parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n° 769.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, moins de dix ans après sa création par la loi Fillon de 2005, le Haut conseil de l’éducation va être supprimé par le présent projet de loi pour être remplacé par deux nouvelles instances : le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d’évaluation du système éducatif.

Ces deux instances auront en grande partie les mêmes attributions et seront toutes les deux placées auprès du ministre de l’éducation nationale. La nomination des membres du Conseil supérieur des programmes assure une représentation bien moins équilibrée que celle du HCE puisque, outre deux députés, deux sénateurs et deux membres du Conseil économique, social et environnemental, il comprend dix personnalités qualifiées qui sont toutes nommées par le ministre de l’éducation nationale. On peut d’ailleurs se demander selon quels critères ces dernières seront recrutées.

Le HCE est déjà compétent pour formuler des propositions à propos des programmes. Il aurait donc été plus judicieux et moins coûteux pour les finances publiques d’élargir ses attributions, d’améliorer la publicité de ses avis et d’en permettre la saisine par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, plutôt que de créer deux nouvelles agences. C’est pourquoi je propose par cet amendement de supprimer les alinéas 67 à 72.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 1110.

M. Frédéric Reiss. Nous n’approuvons pas le remplacement du Haut conseil de l’éducation par deux autres instances.

Nous avons bien entendu le discours du ministre, qui exprimait sa volonté de séparer évaluateurs et prescripteurs, et nous sommes bien d’accord.

En revanche, monsieur le ministre, bien que sérieux comme un pape – pour faire un petit rappel de l’actualité (Sourires) – vous ayez lourdement insisté sur l’indépendance de ces conseils, leur composition nous porte à avoir quelques doutes sur ce point. En effet, on voit bien que dix des seize membres du Conseil supérieur des programmes et huit des quatorze membres du Conseil national d’évaluation du système éducatif seront nommés par le ministre – certes parmi des personnalités qualifiées, ainsi que vous l’avez répété.

Par ailleurs, plutôt que d’avoir deux nouvelles structures, nous aurions préféré conserver le HCE et faire évoluer son rôle. En effet, les rapports annuels très pertinents émanant de cette instance ont favorisé des prises de conscience et ont conduit différents ministres de l’éducation nationale à entamer des réflexions et à prendre des décisions en la matière. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer les alinéas qui font référence à la création de deux nouvelles instances.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1140.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, vous nous avez dit à plusieurs reprises que vous alliez proposer un dispositif qui offrirait de meilleures garanties d’indépendance. Permettez-moi de vous rappeler la composition actuelle du Haut conseil de l’éducation : il comporte neuf membres, dont trois seulement sont nommés par le Président de la République. Je pense que le Haut conseil de l’éducation offrait de bien meilleures garanties d’indépendance que le dispositif que vous nous proposez dans ce projet de loi.

Nous voyons un Conseil supérieur des programmes au service du ministre, ainsi que l’indique la répartition des membres qui le composent. C’est une régression. Vous qui avez appelé à une refondation de l’école, vous aviez là peut-être l’occasion de refonder un dispositif en proposant, par exemple – le ministère de l’éducation n’a pas le monopole de l’éducation –, qu’une autre instance que le ministre de l’éducation nationale procède à une nomination.

Le dispositif proposé n’étant pas satisfaisant, nous proposons par cet amendement de supprimer les alinéas 67 à 72.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques.

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous avons eu ce débat juste avant la pause du déjeuner. Nous avons expliqué pourquoi il était nécessaire d’avoir deux structures, deux conseils différents : l’évaluation, d’une part, et les programmes, d’autre part, sont de natures différentes et ne supposent pas les mêmes rôles ni les mêmes missions.

En ce qui concerne la composition de ces conseils, le fait d’avoir des personnalités qualifiées ne me semble tout de même pas constituer un signe de dépendance par rapport au pouvoir. Ces amendements de suppression vont d’ailleurs à l’encontre de ce que vous réclamiez vous-mêmes, à savoir ne pas créer ces deux conseils parce que vous les considériez comme bicéphales ; or c’est l’inverse.

Je rappellerai enfin, à l’instar du ministre ce matin, que le Haut conseil de l’éducation lui-même a recommandé dans l’un de ses rapports la création d’un conseil de l’évaluation séparé de celui qui est en charge des programmes.

Par conséquent, la commission réitère un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Aucun ministère n’a la réputation d’être aussi réformateur que celui de l’éducation nationale : pour l’opinion publique, chaque ministre veut porter sa réforme.

Je considère pour ma part que la dernière grande réforme de l’éducation nationale est celle qu’a menée le ministre François Fillon en 2005. Or vous ne lui laissez pas le temps de produire tous ses effets.

Mme Colette Langlade. Heureusement !

Mme Annie Genevard. Pour apprécier tous les effets d’une loi d’orientation, dix à quinze années de mise en œuvre sont en effet nécessaires ; il me paraît donc prématuré d’intervenir et de mettre ainsi fin…

M. Luc Belot. Vous l’avez déjà dit pour MM. Darcos et Chatel !

Mme Annie Genevard. …à deux des mesures les plus emblématiques de cette loi de 2005, à savoir le Haut conseil de l’éducation et le socle commun de compétences et de connaissances, lequel devrait devenir un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » – nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi, mais affirmer qu’il y a indépendance par rapport au pouvoir alors que dix des seize membres du Conseil supérieur des programmes sont nommés par le ministre, même si vous rappelez que ces membres seront choisis parmi des personnalités qualifiées, c’est incroyable ! Si vous étiez aujourd’hui dans l’opposition, vous pousseriez des cris d’orfraie !

M. Luc Belot. Non ! Ce n’est pas le style de la maison !

M. Patrick Hetzel. En tout état de cause, parler d’indépendance n’a absolument aucun sens parce que la véritable indépendance supposerait une nomination exclusive par d’autres instances que le ministre de l’éducation nationale. Ne nous dites donc pas que ce Conseil est indépendant !

Quant au caractère bicéphale des rôles et des missions, il y avait là aussi une autre manière de procéder. Plutôt que de créer deux instances, on aurait pu faire évoluer les statuts et les missions du HCE, ce qui serait évidemment bien plus pertinent pour les finances publiques car nous n’aurions alors qu’une seule instance au lieu de deux. En outre, pour les questions d’évaluation, n’oublions pas que la Cour des comptes a aujourd’hui un rôle important à jouer en la matière et que nous avons aussi, à l’intérieur même du ministère, une direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.

Pour toutes ces raisons, évidemment, nous soutenons fortement ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le rapporteur, vos explications n’ont franchement pas été convaincantes.

Tout d’abord, le fait de créer deux instances là où il n’y en avait qu’une va conduire à la redondance. Alors qu’on passe notre temps à dire qu’il faut supprimer un certain nombre d’organismes redondants, nous en créons, et c’est regrettable.

Ensuite, s’agissant de l’indépendance, elle était plus effective dans l’ancienne instance de neuf membres qu’elle ne le sera avec la nouvelle, composée de seize membres dont dix nommés par le ministre. Le Gouvernement aura évidemment la mainmise sur le nouveau Conseil, c’est une reprise en main. Je veux bien qu’on nous parle de personnalités qualifiées, mais toutes celles qui ont été nommées par le Gouvernement depuis quelques mois sont très orientées politiquement. Qu’on ne nous raconte pas d’histoires ! Si elles sont qualifiées, les personnalités le sont surtout politiquement, et c’est cela qui nous gêne.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que soutenir les amendements de mes collègues. Monsieur le ministre, je vous le dis, le rapporteur n’a pas été convaincant ; essayez de nous répondre pour l’être davantage.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’ai un petit problème de méthode. Je ne comprends pas pourquoi nous discutons ici de la composition de ce Conseil, qui ne figure pas à l’article du rapport annexé que nous examinons mais à l’article 20 du projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce débat aura sa place alors, et je conseille à nos collègues de l’opposition de garder leur inspiration pour ce moment-là. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

(Les amendements identiques nos 769, 1110 et 1140 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à trois amendements identiques nos 486, 575 et 682.

La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 486.

M. Benoist Apparu. Je le qualifierai d’amendement de repli, monsieur le président.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous dites que le Conseil supérieur des programmes sera autonome. Sa composition a été rappelée à l’instant et, pour le moment, il n’est pas prévu dans le projet de loi, ni dans le rapport annexé ni dans le texte de loi lui-même, de présidence de ce Conseil. Nous suggérons que parmi les membres de ce Conseil un président soit nommé, bien évidemment par le ministre, mais – conformément à une possibilité donnée par notre Constitution qui s’applique pour d’autres nominations – après avoir été auditionné par les commissions compétentes au fond de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Voilà les conditions qui permettraient vraiment de prendre en compte autre chose que les seuls desiderata du ministre de l’éducation nationale, aussi talentueux, brillant et indépendant soit-il. (Sourires.)

M. Vincent Peillon, ministre. Voilà au moins un député de l’opposition qui est aimable !

M. Benoist Apparu. Nous ne doutons pas un seul instant, monsieur le ministre, que vous nommerez ces dix personnalités qualifiées en oubliant tout considérant politique. Mais tout le monde ne sera pas aussi vertueux que vous. On peut imaginer que d’autres ministres – de droite, bien évidemment (Sourires) – aient des arrière-pensées beaucoup plus politiciennes que vous.

M. Luc Belot. Rassurez-vous, vous n’avez pas la majorité !

M. Benoist Apparu. Il faut donc se prémunir pour la suite. Il est normal, d’une part, que cette instance ait un président et, d’autre part, que les commissions compétentes de notre assemblée et du Sénat soient consultées sur sa nomination, conformément à notre Constitution.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 575.

M. Frédéric Reiss. Dans la droite ligne de ce que vient de dire Benoist Apparu, j’insisterai – comme le fait lui-même le Gouvernement – sur l’indépendance de ces conseils. Force est de constater que nous avons quelques doutes sur le sujet.

Notre collègue Mme Bechtel s’étonne que nous parlions de la composition de ces conseils, alors même qu’elle figure dans le texte. Si ces deux conseils sont si importants, pourquoi ne les évoque-t-on pas avant le rapport annexé ? Tout le problème est là : dans le cœur même de la loi, il n’y a rien qui justifie une refondation ; c’est bien là le problème et cela vous ennuie beaucoup !

Nous avons étudié de près la composition qui est proposée. Certaines personnes sont nommées pour six ans. Même si nous souhaitons un avenir brillant à M. le ministre de l’éducation nationale, sans doute, à un certain moment, une autre vision se fera-t-elle jour – au sein du Parti socialiste ou ailleurs. On peut en effet avoir des conceptions différentes sur les experts qui siègent dans de telles instances. Voilà pourquoi, selon nous, la question de l’indépendance se pose vraiment. Le président du Conseil supérieur des programmes pourrait donc être nommé après consultation des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 682.

M. Patrick Hetzel. Cette question de l’indépendance, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, est importante. Vous avez vous-même mis en avant cette idée à plusieurs reprises en disant que ces deux conseils devaient être indépendants du ministre.

Pour que cette indépendance devienne une réalité, un certain nombre de précautions doivent être prises. L’une d’entre elles consiste à faire en sorte que le président, tout en étant nommé par le ministre de l’éducation nationale, soit choisi après avoir recueilli l’avis des commissions parlementaires en charge de ces questions.

C’est une garantie supplémentaire. C’est aussi une manière de faire en sorte qu’il y ait une concertation de qualité entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif – c’est bien la moindre des choses.

Nous ne comprendrions pas que de tels amendements ne trouvent pas leur place dans ce texte, d’autant qu’ils ne font rien d’autre que renforcer votre propre argumentation, fondée sur l’indépendance – laquelle ne peut pas être garantie si dix des seize personnalités, fussent-elles qualifiées, sont nommées par le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Ces amendements m’amènent à faire une première réflexion : il était effectivement plus facile de parler de l’indépendance du Conseil supérieur des programmes quand celui-ci n’existait plus ! Comme vous l’aviez supprimé, le problème de son indépendance était réglé. À présent, nous avons un débat intéressant sur l’indépendance de ce Conseil que nous recréons parce que nous en mesurons l’importance.

Sans revenir sur la discussion que nous avons eue tout à l’heure au sujet de l’évaluation, je tiens à souligner que la conception des programmes et l’évaluation sont des missions totalement différentes. En effet, on ne peut pas évaluer ce que l’on fait soi-même.

En ce qui concerne l’indépendance, je vous ferai d’abord observer qu’il y a, dans la composition prévue, un certain nombre de parlementaires – députés et sénateurs. Les deux conseils devront remettre des rapports à l’Assemblée et au Sénat. Il y aura donc, sinon un contrôle, à tout le moins un avis du pouvoir législatif sur ces rapports.

Ensuite, on ne prévoit jamais qu’un organisme relevant de l’exécutif – à cet égard, vous proposez, ce qui peut d’ailleurs tout à fait se justifier, que le ministre de l’éducation nationale nomme le président du Conseil supérieur des programmes – soit soumis à l’avis du pouvoir législatif, car c’est bien à cela que l’on arrive en fin de compte.

M. Rudy Salles. Pourquoi pas ? Il y a des exemples.

M. Yves Durand, rapporteur. Ce serait d’ailleurs, de mon point de vue, anticonstitutionnel, eu égard à la séparation des pouvoirs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Je voudrais d’abord que vous compreniez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que l’opposition est constructive ; nous essayons de vous donner les moyens d’éviter que l’on vous accuse d’attribuer des fonctions essentielles à des amis politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Stéphane Travert. Quel humour !

M. Rudy Salles. Je regrette seulement que le groupe UMP ne soit pas allé aussi loin que je le souhaiterais. Je proposerais volontiers, en effet, de modifier cet amendement pour réclamer la majorité des trois cinquièmes, ce qui permettrait que les personnalités qualifiées soient nommées avec l’aval des commissions, aussi bien par la majorité que par l’opposition.

Vous dites, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit là d’une décision de l’exécutif et que le Parlement n’aurait pas de droit de regard. Mais qu’en est-il, par exemple, de la nomination du président du CSA par l’exécutif ?

M. Yves Durand, rapporteur. C’est autre chose !

M. Rudy Salles. Nous avons eu l’occasion d’auditionner la personne concernée et – je parle sous le contrôle du président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation – un vote a été émis par cette commission sur la nomination du président du CSA.

Mme Annie Genevard. Eh oui !

M. Luc Belot. Sauf que dans ce cas, c’est l’inverse : il faut un rejet des trois cinquièmes.

M. Rudy Salles. Vous voyez donc que votre argument ne tient pas. Encore une fois, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes là pour vous aider.

M. Yves Durand, rapporteur. Nous vous en remercions !

M. Rudy Salles. Nous ne voulons pas de nominations de complaisance ; nous voulons des personnalités vraiment qualifiées. En acceptant cet amendement, vous avez la possibilité d’évacuer tous les soupçons.

M. Philippe Gomes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir à l’argumentation développée par M. le rapporteur.

Nous avons déjà indiqué à plusieurs reprises au cours de ce débat que nous n’étions pas favorables, d’une part, à la suppression du HCE et, d’autre part, à la création des deux nouveaux conseils. À partir du moment où nous n’obtenons pas gain de cause, nous sommes bien obligés, en tant qu’opposition, de prendre en considération le texte sur lequel nous travaillons, lequel propose, en l’espèce, une organisation bicéphale – même si, je le répète, elle ne nous convient pas.

Comme vient de l’indiquer magistralement notre collègue Rudy Salles, notre objectif est de vous aider. La modification proposée par notre collègue mériterait d’ailleurs d’être étudiée avec beaucoup d’intérêt ; pour notre part, nous y sommes favorables.

Pour en venir à l’avis que donneraient les deux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée sur cette nomination, il existe un certain nombre d’exemples, dont le plus récent est celui de la désignation du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Non seulement cette procédure ne remet pas en cause l’indépendance, mais, bien au contraire, elle contribue à la renforcer. De très nombreux arguments plaident donc en faveur de ces amendements, voire de la proposition de M. Salles. Nous vous demandons donc de les prendre en considération.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, il est intéressant de se souvenir de ce qui s’est passé en commission sur cette question de l’indépendance du Conseil supérieur des programmes. À cet égard, la rédaction initiale de l’alinéa 69 mérite d’être rappelée : « À la demande du ministre, ce conseil formule des propositions sur la conception générale des enseignements dispensés aux élèves des écoles, collèges et lycées. »

Suite à l’examen en commission, les mots : « À la demande du ministre, » ont disparu. Pourquoi ? Parce qu’ils soulignaient les liens supposés exister entre le ministère et le Conseil supérieur des programmes. Comme vous avez pensé que cela pourrait vous être reproché, vous avez supprimé ces mots, mais pas la réalité de la relation de sujétion qui existera bel et bien entre ce Conseil et le ministère de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. J’entends bien l’argument du rapporteur selon lequel cette nomination n’est pas conforme à la Constitution. J’imagine qu’il va nous dire dans quelques instants que le cas du CSA est très différent, puisqu’il s’agit d’une autorité administrative indépendante, laquelle ne dépend donc pas de l’exécutif.

M. Yves Durand, rapporteur. Exactement !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Voilà !

M. Benoist Apparu. Dans la mesure où le Conseil national des programmes dépend de l’exécutif, la nomination n’a pas à être soumise aux desiderata des parlementaires. J’imagine que c’est l’argument constitutionnel qui sera utilisé.

Cela signifie deux choses. Premièrement, que l’institution que vous nous présentez n’est pas indépendante.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Benoist Apparu. Deuxièmement, si vous souhaitez vraiment cette indépendance, comme vous nous l’avez dit à l’instant, mais qu’il y a un problème constitutionnel, rien ne vous empêche – c’est même assez fréquent – de nous répondre que, même si nous soulevons un véritable problème, la rédaction de notre amendement n’est pas adaptée et que vous nous proposerez, dans le cadre de la navette, une autre procédure de nomination des membres ou du président de façon à garantir leur indépendance.

Si l’on peut tout à fait contester le Conseil supérieur des programmes ou le Conseil national d’évaluation, je suis, pour ma part, assez favorable à ces institutions, à la condition toutefois que celles-ci soient véritablement indépendantes et autonomes.

Quelle sera la crédibilité d’un rapport publié par ces conseils, dès lors que tout le monde saura qu’ils auront été écrits par des personnes qui dépendent directement du ministre parce que celui-ci les a nommées ? Cela pose vraiment la question de la crédibilité de l’institution. C’est la raison pour laquelle, si notre amendement ne vous convient pas, reconnaissez au moins qu’il y a un problème, proposez une solution dans le cadre de la navette et nous en rediscuterons en temps voulu.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Depuis un moment, je me demande vraiment de quoi l’on parle. Il s’agit principalement ici de la définition des programmes, qui sont du domaine réglementaire. Les ministres de l’éducation les ont d’ailleurs toujours définis eux-mêmes.

M. le ministre désire, ce qui est tout à fait honorable, qu’une instance fonctionnellement indépendante puisse garantir – il l’a très bien dit – une différence entre celui qui prescrit et celui qui évalue.

Pour ce qui est de la composition – encore une fois, ce n’est pas ici le sujet, mais nous avons largement anticipé sur cette discussion –, en dehors des parlementaires eux-mêmes, c’est bien mal connaître les personnalités qualifiées qui appartiendront au monde éducatif que de croire qu’elles ne rendront pas leur avis en toute indépendance. J’en serais en tout cas, pour ma part, fort surprise.

M. Frédéric Reiss et M. Benoist Apparu. Ce n’est pas sérieux !

M. Patrick Hetzel. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !

Mme Julie Sommaruga. Faites confiance à l’éducation nationale !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Enfin, pour ce qui est de la comparaison que vous avez faite avec une autorité indépendante, je vous répondrai que le mieux est l’ennemi du bien.

Le Conseil national des programmes est défini par la voie législative, mais il intervient en réalité dans le domaine réglementaire. Pour cela, il possède une autorité tout à fait suffisante. Il devrait d’ailleurs posséder – mais c’est là mon point de vue personnel – d’une simple autonomie fonctionnelle. Or vous comparez ce Conseil avec une autorité comme le CSA, qui relève du domaine législatif et qui est protégée par un principe fondamental de notre Constitution, à savoir la liberté de communication.

Il ne faut pas tout mélanger ! À ce compte-là, nous allons nous référer chaque semaine, à chaque fois que nous créons une instance administrative – car c’en est bien une –, à l’article de la Constitution réclamant une nomination solennelle par le Parlement à la majorité qualifiée.

Je n’aime pas employer des termes excessifs, mais force est de constater que nous côtoyons quelquefois le grotesque.

M. Patrick Hetzel. C’est très désobligeant !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Moi non plus je ne comprends pas très bien de quoi nous parlons. J’ai relu attentivement le texte de votre amendement et n’y ai d’ailleurs pas trouvé le mot d’indépendance. Je m’interroge donc : pourquoi cette volonté d’instaurer systématiquement un président dans les commissions qui sont mises en place ?

M. Patrick Hetzel. C’est la démocratie participative !

M. Mathieu Hanotin. Nous vivons en démocratie, mes chers collègues. Le texte est clair : le Conseil est placé auprès du ministre pour l’aider dans sa réflexion ; c’est d’ailleurs une très bonne idée.

Il ne serait pas bon pour la démocratie de mettre en place un système à l’américaine, où l’ensemble des nominations seraient politisées et feraient l’objet de tractations. Il est bien précisé que ces nominations n’ont pas de vocation politique et qu’elles concernent des personnalités qualifiées. Je ne comprends donc pas vos interrogations, sachant d’ailleurs que vous êtes bien loin du contenu de vos amendements.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Je suis frustré, pour plusieurs raisons. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons eu en commission lundi soir une discussion sur ce sujet. Je regrette d’ailleurs que la plupart des membres de l’opposition n’aient pas assisté à cette réunion : si les commissions ne servent à rien, il faut le dire, nous dégagerons ainsi du temps libre !

M. Xavier Breton. On n’examinait que des amendements de la gauche !

M. Thierry Braillard. Par ailleurs, nous examinons en moyenne vingt amendements à l’heure. Si cette lecture est pour vous l’occasion de bloquer l’institution, de perdre du temps, de repousser le vote du projet de loi à dimanche,…

M. Frédéric Reiss. C’est faux !

M. Thierry Braillard. …alors, assumez ce choix, mais ne dites pas que vous avez le dessein de faire avancer la loi !

Si tel n’est pas le cas, attendez alors que nous en venions à l’examen des articles 20 et 21, qui traitent de ces sujets.

Le groupe RRDP a présenté en commission un amendement visant à parfaire l’information et l’indépendance du Conseil supérieur des programmes. L’explication que m’a fournie le rapporteur a été suffisamment convaincante pour que nous ayons l’intention, en séance publique, de proposer un amendement, mais en aucun de poursuivre indéfiniment ce débat. Nous n’en sommes qu’au rapport annexé. De grâce, avançons !

M. Patrick Hetzel. Rappel au Règlement !

M. le président. Comme annoncé, la parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Hetzel. Le rappel au Règlement est de droit !

M. le président. Bien évidemment. Le Règlement prévoit aussi qu’un seul orateur d’opinion contraire est entendu sur l’amendement. Puisque vous m’y conduisez, je limiterai désormais les réponses à une par groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Depuis le début de la discussion des articles, nous avons examiné environ 243 amendements. Il en reste plus d’un millier. Mais nous avons, jusqu’à dimanche soir, tout le temps de les examiner et, pour l’opposition, de s’exprimer pleinement.

Nous reviendrons bien sûr sur la composition, la fonction et le rôle du Conseil supérieur des programmes lorsque nous examinerons l’article 20. D’ailleurs, le projet de loi est si bien rédigé qu’il est indiqué que « Le Conseil supérieur des programmes est placé auprès du ministre chargé de l’éducation nationale. Il travaille en toute indépendance. ». Cette dernière précision ne figure pas dans le rapport annexé, mais à l’article 20, qui modifie le code de l’éducation. Elle aura donc une valeur normative supérieure.

Le Conseil supérieur des programmes et le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’ont de commun que le nom et il serait vain de les comparer. Le CSA est une haute autorité indépendante ; il n’est pas placé auprès du ministre de la culture et de la communication. Ses missions, la régulation de l’audiovisuel, sont fixées par le législateur.

Par votre amendement, vous voulez que le Parlement – en particulier la commission des affaires culturelles et de l’éducation – soit associé à la nomination du président du Conseil supérieur des programmes. Mais lorsque l’on rédige un tel amendement, on ne peut méconnaître l’article 13 de la Constitution – vous étiez dans la majorité lorsqu’il a été modifié. La nomination par le Président de la République, après avis public de la commission permanente compétente, s’exerce pour les fonctions déterminées par une loi organique. M. Apparu, lorsqu’il a vu la faiblesse constitutionnelle de son amendement, a d’ailleurs fait du rétropédalage.

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. Patrick Bloche, président de la commission. Par ailleurs, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a auditionné Olivier Schrameck, avant de donner son avis sur sa nomination à la présidence du CSA. Nous avons tous pu constater qu’il était un grand professionnel, adapté à la mission qui allait lui être confiée.

Mais sincèrement, et mon propos n’a pas changé depuis que je suis député de la majorité, la règle des trois cinquièmes – qui veut que le Président de la République ne puisse procéder à la nomination si l’addition des votes négatifs représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions – montre bien que la réforme de la Constitution en 2008, en dépit des signes d’ouverture, empêche que la nomination puisse être contestée par les membres des commissions.

Nous le savions tous au moment de voter : la procédure était purement formelle. C’est l’audition qui est essentielle. Le jour où il faudra que l’avis recueille trois cinquièmes de votes positifs, ou, du moins, la majorité des votes, les choses seront un peu différentes.

M. Benoist Apparu. Faites-le ! Modifiez la Constitution ! Ce que vous venez de dire est surréaliste.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Notre collègue Braillard a supposé que l’opposition faisait de l’obstruction. Pour le bon déroulement de nos débats, et comme l’article 58, alinéa 1, du règlement m’y autorise, je tiens à affirmer le contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est le Gouvernement, et non l’opposition, qui a choisi que l’article 1er porterait sur le rapport annexé ! Nous avions, nous, considéré que le rapport annexé n’avait rien à faire dans la loi et avions déposé un amendement en ce sens. Vous avez repoussé cet amendement, vous devez maintenant assumer vos responsabilités et ne pas rejeter la faute sur nous. Il est vrai, si j’en crois les déclarations du Président de la République hier, que ce dernier souhaite maintenant accélérer les choses et procéder par ordonnances, faute, manifestement, de tenir sa propre majorité ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vos cris montrent bien que vous êtes gênés.

L’opposition doit pouvoir faire son travail. Elle le fera car l’intérêt supérieur de la nation est en jeu : c’est pour cela que nous avons été élus et c’est toute la dignité de notre fonction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er et rapport annexé (suite)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques ?

M. Vincent Peillon, ministre. Nous avons eu ce débat ce matin, il n’est pas vain. Je vous demande de comprendre que séparer la prescription de l’évaluation constitue un progrès. Il est d’ailleurs cocasse d’entendre contester l’indépendance du Conseil supérieur des programmes, alors que nous mettons en place une instance qui n’existait pas, et que celle-ci comprendra un certain nombre de parlementaires, ce qui ne s’était jamais fait jusque-là !

Par ailleurs, imaginer que les programmes ne soient pas de la responsabilité du ministre et donc dédouaner le Gouvernement et le ministère de l’éducation nationale de leurs responsabilités les plus éminentes en matière de pédagogie est une curieuse idée.

Vu la nature des débats, je pense qu’il est mieux de préserver ces programmes dans la transparence et d’installer un Conseil supérieur. Vous aurez un droit de regard, un rapport vous sera remis. Tout cela n’existait pas auparavant. Laissons aux praticiens et aux grands universitaires français le soin de construire les programmes et les progressions pour les élèves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour un rappel au règlement.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, vous avez dit que vous alliez limiter les interventions sur les amendements à un orateur par groupe.

M. le président. C’est le Règlement, vous le connaissez aussi bien que moi.

M. Rudy Salles. Oui, j’ai présidé l’Assemblée avant vous, et pendant cinq ans.

M. le président. Justement.

M. Rudy Salles. Vous savez très bien que le président de séance à la faculté de laisser se développer le débat lorsqu’il est important et d’aller plus vite lors de l’examen de points subsidiaires.

M. le président. Je vous remercie de m’indiquer comment présider, mais je pense que je peux le faire sans vos conseils.

M. Rudy Salles. Je vous le dis car si vous voulez présider ainsi, alors nous ferons tout pour pouvoir nous exprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Rudy Salles. Par ailleurs, nous pourrions aller beaucoup plus vite dans le débat.

Mme Colette Langlade. Ce sont des regrets ?

M. Rudy Salles. Non, ma chère collègue.

Nous pourrions aller beaucoup plus vite si le ministre prenait la peine de répondre à nos interrogations. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le rapporteur et le président de la commission le font, mais le ministre s’abstient. Il nous faut intervenir à trois ou quatre reprises pour qu’il se décide enfin à se lever et à esquisser une réponse – ce qui est déjà un début, même si le contenu ne nous convient pas. (Mêmes mouvements.)

Monsieur Braillard, vous avez rappelé que nous avions assisté à de longues réunions de commission, notamment lundi soir. J’y étais. Si vous y étiez aussi, vous vous souviendrez que les amendements de l’opposition ont été examinés en un quart de seconde chacun, alors que l’on s’est longuement attardé sur les amendements de la majorité, en particulier ceux du groupe écologiste – Mme Pompier peut en attester. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Luc Belot. Mensonges ! Votre présence en commission, parlons-en !

M. Rudy Salles. Monsieur le président, nous ne pouvons continuer de travailler dans ces conditions. Il s’agit d’un texte essentiel, qui porte sur l’éducation de nos enfants, de l’école de la République. C’est la raison pour laquelle je sollicite une suspension de séance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Article 1er et rapport annexé (suite)

(Les amendements identiques nos 486, 575 et 682 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 416.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n° 416, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n° 784.

M. Dino Cinieri. Je voudrais revenir sur les reproches qui nous sont faits au sujet de la durée de nos discussions et de nos mille amendements. Monsieur le ministre, un tel sujet, une réforme qui concerne l’avenir de nos enfants, mérite plus que mille amendements, qui ne sont rien d’ailleurs en comparaison des cent trente-cinq mille amendements d’obstruction qui avaient été déposés par l’opposition en 2008 ou 2009 au moment du débat sur les retraites.

M. Michel Pool. Au moins c’étaient des amendements de qualité !

M. Dino Cinieri. Dans la vie, il faut savoir prendre son temps. Qu’est ce que dix ans pour mettre en œuvre une réforme comme celle de la loi Fillon ? Au regard de cette loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, je souhaite donc que l’on supprime l’alinéa 74 du rapport annexé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Bloche, président de la commission. La commission a émis un avis défavorable d’autant plus motivé que l’alinéa 74 indique que la scolarité obligatoire doit garantir les moyens nécessaires à l’acquisition du socle constituant la culture commune de tous les jeunes et favorisant la poursuite d’études secondaires, quelles qu’elles soient – ce que personne, où qu’il siège sur ces bancs, ne saurait contester.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez raison, monsieur Cinieri, nous prendrons tout le temps nécessaire. Mais je m’étonne de la contradiction qu’il y a à nous dire que nous voulons tout mettre à bas – alors que je ne cesse de vous répéter que nous gardons ce qui nous semble positif – et à vouloir supprimer dans le même temps l’alinéa dans lequel nous reconnaissons qu’il faut poursuivre le travail sur le socle posé par la loi Fillon. Cela se fera notamment en résolvant, grâce au Conseil supérieur des programmes, les difficultés d’articulation entre ce socle, la définition des compétences, les programmes et l’évaluation.

Il y a vraiment des contradictions que je ne m’explique pas, et l’avis du Gouvernement est défavorable, car je défends la loi Fillon.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je voudrais intervenir sur l’indépendance du Conseil supérieur des programmes, car plusieurs des arguments développés ne m’ont pas semblé pertinents.

M. Patrick Bloche, président de la commission. Nous avons déjà traité le sujet !

M. Philippe Gomes. Le ministre a notamment indiqué que l’opposition voulait dépouiller le Gouvernement en général et le ministre en particulier de ses pouvoirs en matière d’élaboration des programmes. Mais il n’est nullement question de dépouiller quiconque dans cette affaire ! Le Conseil supérieur des programmes est placé auprès du ministre de l’éducation nationale, et son rôle, conformément à la loi et au rapport annexé, est bien d’émettre avis et propositions.

C’est donc bien sous la responsabilité du Gouvernement et du ministre que les programmes sont édictés, mais après que cette autorité a formulé un certain nombre de recommandations et de propositions. Il ne s’agit donc de dépouiller personne, mais d’appliquer une procédure qui garantit l’indépendance de l’autorité qui fait les propositions.

C’est pourquoi l’amendement que nous avions déposé visait à ce que la commission ad hoc de l’Assemblée nationale donne son avis sur la nomination du président du Conseil. C’est la moindre des choses, et il ne faut pas y voir une quelconque manœuvre pernicieuse.

M. Yves Durand, rapporteur. Mais l’amendement a été rejeté !

M. Philippe Gomes. Nous voulons simplement que le président d’une autorité dont l’indépendance est expressément mentionnée dans la loi puisse avoir recueilli sur sa nomination au moins l’avis des commissions parlementaires. Ce serait une belle manière pour la République de montrer à quel point l’élaboration des programmes scolaires est un travail qui découle de propositions et d’avis émis par une autorité dont l’indépendance est garantie au travers de la procédure de nomination de son président.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je voudrais revenir sur la composition et le mode de désignation du Conseil supérieur des programmes mais aussi sur la définition du socle commun.

Nous devons échapper à la tentation de dessaisir le Parlement de ses prérogatives et éviter que, en matière d’éducation, le ministère ne se renferme sur lui-même pour traiter de ces sujets sur lesquels la représentation nationale a son mot à dire, notamment en se prononçant sur la nomination du président du Conseil supérieur des programmes.

Par ailleurs, l’alinéa 74, dont l’amendement de notre collègue Dino Cinieri demande la suppression, indique que le socle commun va être réexaminé. Or nous regrettons que, alors qu’il était défini par la loi, il le soit désormais par décret.

M. Vincent Peillon, ministre. C’est déjà le cas !

M. Xavier Breton. Ce travail de définition législative prévu par la loi Fillon de 2005 disparaît aujourd’hui, et il est encore une fois dommage que notre assemblée, et plus largement le Parlement, n’ait plus son mot à dire, non sur le fonctionnement quotidien du dispositif, ce qui relève de l’exécutif, mais sur ses grandes orientations.

(L’amendement n° 784 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 578, 683 et 998.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour défendre l’amendement n° 578.

M. Frédéric Reiss. Je remercie le ministre de vouloir défendre comme il le fait le socle posé par la loi Fillon, car nous y sommes évidemment très favorables, mais le rapport annexé parle de ce socle comme « constituant la culture commune de tous les jeunes et favorisant la poursuite d’études secondaires, quelles qu’elles soient », formulation ambiguë à nos yeux.

Nous avons des échanges de qualité sur le fait que son acquisition soit garantie à « tous » ou à chaque élève. Selon nous, la finalité du socle commun de connaissances, de compétences et, demain, de culture, est de permettre à chaque élève, soit de poursuivre des études secondaires, soit d’entamer une carrière professionnelle. Cela passe notamment par une mise en valeur de l’apprentissage par l’alternance, voie choisie et non subie par beaucoup d’élèves contrairement à ce que certains d’entre vous prétendent. Il est donc important de rappeler que le socle s’adresse aussi à ces élèves, d’où notre amendement qui entend préciser qu’il s’agit de favoriser également l’insertion dans le milieu professionnel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 683.

M. Patrick Hetzel. Nous souhaitons en effet faire un ajout à l’alinéa 74, car nos échanges avec les familles nous enseignent combien elles sont préoccupées par l’insertion professionnelle de nos jeunes. C’est la raison pour laquelle celle-ci doit figurer parmi les objectifs importants de notre système éducatif. Il en va de l’intérêt des élèves.

Il est important de reconnaître l’égale dignité des parcours, et il est donc essentiel de préciser qu’il convient de favoriser aussi bien la poursuite d’études secondaires que l’insertion dans le milieu professionnel. Les parcours professionnels doivent avoir toute leur place dans ce texte et, dans l’intérêt général des élèves, il ne saurait être question de les opposer à d’autres formes d’études. D’où cet amendement dont nous espérons qu’il sera adopté ; nous ne voyons pas en effet les arguments sérieux qui pourraient nous être opposés.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 998.

M. Xavier Breton. L’alinéa 74 indique que « la scolarité obligatoire doit garantir les moyens nécessaires à l’acquisition [du socle commun] constituant la culture commune de tous les jeunes et favorisant la poursuite d’études secondaires, quelles qu’elles soient ». Nous proposons d’ajouter que l’acquisition de ce socle favorise également « l’insertion dans le milieu professionnel ».

En effet, si le socle représente un acquis minimum qui permet la poursuite d’études secondaires, il est également un acquis minimum indispensable à l’élève pour bénéficier ensuite, avec profit, de la formation professionnelle qu’il a choisie. En ne le précisant pas, nous courrons le risque que cette formation professionnelle soit considérée comme un pis-aller à la poursuite d’études secondaires.

Or ce sont deux voies d’égale valeur, et nous souhaitons le préciser en indiquant que les filières professionnelles s’articulent avec le socle, manière de dire que celui-ci est bien indispensable, et ce quel que soit l’avenir que choisissent les jeunes de notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Avis défavorable, car le socle n’est pas un moyen de poursuivre d’autres études mais une fin en soi. Le socle, c’est la fin de la scolarité obligatoire, ce n’est pas un moyen d’aller plus loin.

M. Patrick Hetzel. Mais non !

M. Yves Durand, rapporteur. Par ailleurs, je suis très gêné par la rédaction de ces amendements qui mentionnent « la poursuite d’études secondaires ou l’insertion dans le milieu professionnel ».

Vous parlez, monsieur Reiss, d’une orientation choisie. Vous avez raison mais, si c’est le cas, elle fait partie des études secondaires, et il n’y a pas à établir de distinction. Le socle est une fin en soi et non un moyen. Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas affaiblir cette notion par davantage de précisions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. On parle de socle, je préférerais parler de culture commune. Dans un monde marqué par le développement de technologies qui sont autant d’enjeux pour la démocratie, nous avons besoin aujourd’hui que chaque jeune accède à une culture commune, la plus haute possible. C’est la raison pour laquelle je propose que la scolarité soit obligatoire jusqu’à dix-huit ans.

Cette culture commune comprend les enseignements technologiques et professionnels, et je ne vois pas pourquoi on tient absolument à dissocier des études secondaires ces filières professionnelles. C’est qu’en vérité on veut, sans le dire, orienter de façon précoce certains enfants vers les filières professionnelles, sans leur donner les moyens d’achever l’acquisition du socle et de la culture commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Notre vision des choses est évidemment tout autre.

Si le rapporteur considère le socle comme une fin en soi, je ne vois pas pourquoi il est écrit que son acquisition favorise « la poursuite des études secondaires ». Vous dites bien que certains élèves poursuivent leurs études au-delà de la troisième, et c’est tant mieux pour eux. D’autres cependant choisissent les filières professionnelles, et il est dommage de ne pas le mentionner dans cet alinéa.

Votre conception du socle est donc différente de la nôtre, monsieur le ministre, et nous aurions aimé vous entendre, afin de clarifier les choses.

M. Patrick Hetzel. C’est une conception passéiste !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je regrette, comme un certain nombre de mes collègues, le fait que les piliers qui figuraient dans la loi Fillon n’aient pas été repris dans le projet de loi que nous avons examiné en commission.

L’on nous a répété à plusieurs reprises que ces dispositions, ne relevant pas du domaine de la loi, ne pouvaient figurer dans ce projet de loi. Or, le rapport qui y est annexé et qui représente au moins la moitié du travail d’analyse que nous accomplissons en commission et dans cet hémicycle, ne contient pas, en soixante-dix pages, un seul mot sur le socle. C’est pourtant ce socle qui conditionne les programmes que suivront l’ensemble des élèves de la République et qui leur permettront de se former, puis de s’insérer dans la société. Vous auriez au moins pu faire figurer dans l’annexe, qui traite de détails beaucoup moins importants, quelques éléments essentiels relatifs au socle, sur lesquels la représentation nationale aurait pu s’exprimer.

M. Patrick Hetzel. Mais oui !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Monsieur Reiss, si votre argumentation correspondait au fond de votre amendement, vous auriez écrit « Afin de favoriser la poursuite d’études secondaires dans la voie générale ou dans la voie professionnelle ». Or, votre amendement tend à « favoriser la poursuite d’études secondaires ou l’insertion dans le milieu professionnel ». C’est peut-être une différence entre nous, et j’en suis désolé, mais j’estime que lorsqu’un élève de quinze ou seize ans, âge auquel on sort du socle en général, se retrouve sur le marché du travail, c’est un échec pour la société parce que ce jeune, auquel il aura manqué une formation, générale ou professionnelle, rencontrera toute sa vie des difficultés pour s’insérer dans le milieu professionnel.

Le but du socle est de favoriser la meilleure formation, qu’elle soit générale ou professionnelle. Je suis bien d’accord avec vous, il faut revaloriser les formations professionnelles, mais ce n’est pas ce qui est écrit dans votre amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Venez chez nous en Alsace, vous verrez !

M. le président. La parole est à M. Vincent Peillon, ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Vos observations justifient pleinement que, pour défendre le socle, nous l’ayons renommé « socle de connaissances, de compétences et de culture ». Si nous n’avons pas réussi à inscrire dans la pratique de beaucoup d’enseignants le socle tel que vous l’aviez conçu, c’est que les enseignants, pour nombre d’entre eux, ont pensé qu’il s’agissait d’une conception a minima pour certains élèves qui pourraient s’arrêter là.

M. Frédéric Reiss. Ce n’était pas le cas.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous avons dû rajouter le terme de « culture » pour faire de ce socle tremplin le bagage de toute la scolarité obligatoire. Vous savez d’ailleurs qu’il peut être obtenu à quatorze ans et qu’il permet aussi de poursuivre des études. Il était vraiment impératif de prendre cette disposition car vous pensez encore qu’il y aurait une alternative entre poursuivre des études secondaires et entrer dans la vie professionnelle, à quinze ou seize ans. Mais dès lors qu’un jeune, une fois son orientation choisie, décide de passer un CAP ou un diplôme de niveau cinq, il poursuit des études secondaires.

Vous faites deux confusions. Tout d’abord, le socle doit bien servir de tremplin pour élever le niveau de qualification de tout le pays, et heureusement qu’on l’appelle « culture ». Ensuite, cessez de dévaloriser l’enseignement professionnel et de vouloir des orientations précoces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés UMP. Mais c’est vous !

M. Michel Ménard. Vous vouliez des réponses, vous les avez !

(Les amendements identiques nos 578, 683 et 998 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 462.

M. Patrick Hetzel. Comment pouvez-vous nous reprocher de dévaloriser la filière professionnelle alors que nous faisons exactement l’inverse ? Je vous invite à venir en Alsace : vous verrez que les jeunes apprentis et les artisans accomplissent un travail extraordinaire et que la valorisation de l’artisanat et de ces professions passe aussi par une meilleure prise en considération. Mais vous les traitez avec mépris, c’est vraiment dommage.

M. Vincent Peillon, ministre. C’est vous qui les traitez avec mépris.

M. Patrick Hetzel. Pas du tout.

Venons-en à l’amendement. Le sujet est là encore essentiel. Il est en effet important de pouvoir prendre en compte chaque élève. L’enjeu est de personnaliser l’enseignement. À cette fin, nous avons développé ces dernières années l’aide personnalisée. Plutôt que de raisonner uniquement à l’échelle de la classe, il est primordial de proclamer l’objectif selon lequel chaque élève pris individuellement doit maîtriser le socle commun de connaissances et de compétences. C’est la raison de cet amendement que nous souhaitons voir adopté car les familles ont besoin de savoir si vous êtes bel et bien prêts à fixer un tel objectif.

Encore une fois, ne nous faites pas de mauvais procès : nous ne confondons pas individualisme et individualisation. Il n’est pas question ici de l’individualisme du système éducatif mais de la prise en considération des besoins spécifiques de chaque élève. Nous sommes engagés dans une démarche d’individualisation et non d’individualisme.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss pour soutenir l’amendement n° 650.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l’amendement n° 903.

M. Xavier Breton. Nous avons en effet déjà eu ce débat mais il faut en rappeler les termes à la lumière de la rédaction du rapport annexé qui dispose que « la conception et la composante du socle commun seront donc réexaminées par le conseil supérieur des programmes afin qu’il devienne le principe organisateur de l’enseignement obligatoire, dont l’acquisition doit être garantie à tous ». Nous proposons, par cet amendement, de remplacer « tous » par « chaque élève ». C’est vrai, nous en avons déjà discuté, l’on peut considérer que, dans « tous » les élèves, chaque élève peut être pris en considération avant d’être additionné aux autres.

Nous pensons cependant qu’il serait préférable de partir d’une vision personnalisée plutôt que d’une vision globale afin de pouvoir ensuite s’adresser à tous les élèves, mais pris dans leur spécificité.

Pourquoi nous méfions-nous ? Parce que nous savons bien que l’objectif de garantir l’acquisition du socle commun à tous les élèves est maintenant fixé depuis vingt-cinq ou trente ans en termes de massification mais qu’il laisse de côté, sur le plan de la formation et de la qualification, 15 à 20 % des élèves, quelle que soit la majorité en place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Nous avons déjà eu longuement ce débat hier. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je voudrais revenir sur la question du socle, suite en particulier à la réponse du ministre. À l’entendre, s’il a été difficile d’appliquer le socle jusqu’à présent, c’est parce que l’on n’aurait pas ajouté le terme « culture ». Si nous l’avions fait, son acquisition aurait été une réalité dans l’ensemble de nos établissements.

Il en est du socle comme des cycles, adoptés en 1989. Le directeur général de l’enseignement primaire a déclaré en commission que, vingt-cinq ans après, les cycles n’étaient toujours pas une réalité dans les écoles de la République. Vingt-cinq ans après !

Le socle n’a que sept ans d’ancienneté. Les programmes n’ont été déclinés qu’à partir de 2008. Bien évidemment, si les cycles ne sont pas devenus une réalité, au bout de vingt-cinq ans, le socle ne l’est pas devenu davantage.

Peut-être est-il est un peu trop complexe, peut-être l’articulation entre socle et programme n’est-elle pas totalement aboutie mais, pour autant, ce n’est pas parce que l’on ajoutera le terme « culture » dans la dénomination et que la notion de socle ne sera plus du tout abordée dans l’ensemble du texte qu’il s’appliquera demain de manière fluide, efficace et généralisée dans l’ensemble des écoles de la République.

C’est pour cette raison que, s’agissant des socles comme des cycles, la représentation nationale aurait pu débattre de cette question.

M. Michel Ménard. Il faut lui donner une mauvaise note, il est hors sujet.

(Les amendements identiques nos 462, 650 et 903 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin, pour soutenir l’amendement n° 1038.

M. Mathieu Hanotin. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps mon amendement suivant, n° 1471.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Mathieu Hanotin. Je suis très heureux que le rapport annexé traite du chantier de l’évaluation et de la notation, que nous devrons ouvrir.

Notre système d’évaluation organise la réussite des uns par rapport à l’échec des autres. De nombreux travaux de recherche, notamment ceux dirigés par André Antibi, ont mis en évidence des constantes dans toutes les classes de notre pays : quel que soit le niveau d’une classe, elle comptera un tiers de bons élèves, un tiers de moyens, un tiers de mauvais. Il y aurait finalement un besoin de retrouver cette donnée constante, cet équilibre, au sein d’une classe.

Sans remettre en cause le principe de l’évaluation qui m’apparaît nécessaire, tout comme le maintien des notes car elles sont ce qu’il y a de mieux compris par nos concitoyens, nous devrons réexaminer la manière d’évaluer, qui pose aujourd’hui problème en ce qu’elle est un facteur d’échec. De ce point de vue, je n’ai pas l’ambition d’apporter toutes les réponses mais plutôt d’ouvrir le débat. Nous devrons favoriser une logique d’évaluation grâce à un contrat de confiance, en évitant, notamment au primaire et au collège, ce que l’on appelle encore aujourd’hui les contrôles « surprise », qui ne présentent qu’un faible intérêt dans l’évaluation de l’acquisition des connaissances.

Un beau chantier s’ouvre devant nous et je me réjouis que le rapport annexé y consacre une part importante.

J’ajoute, même si ce n’est pas l’objet de mes amendements, que je soutiens la simplification, posée à l’alinéa suivant, notamment entre le livret de compétences et le brevet. Les professionnels sont confrontés à de grandes difficultés sur ces questions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Yves Durand, rapporteur. La formulation de l’amendement n° 1038 me semble quelque peu hasardeuse, je suis désolé de le dire devant son auteur. Même si nous en comprenons l’intention et que nous pouvons la partager, je suggérerais à l’auteur de retirer cet amendement – ainsi que l’amendement n° 1471 car la formulation « sans piège » est difficile à retenir. La préoccupation de revoir les méthodes d’évaluation et de notation est juste et il est bien évident qu’elles s’appliquent dans un climat de confiance. Mais pourquoi préciser « sans piège » ? Je ne vois pas où est le piège.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Hetzel. Cette fois, il va s’exprimer !

M. Vincent Peillon, ministre. Bien sûr, je m’exprime, puisque nous n’avons pas encore abordé la question de l’évaluation et que je prends la parole sur chaque sujet de fond, chaque fois qu’ils sont posés, mais pas cent fois.

La question de l’évaluation est essentielle et nous devrons faire évoluer notre système. Vous avez vous-même évoqué hier les derniers tests PIRLS qui mettent en évidence, non seulement la détérioration des capacités de lecture chez les élèves en fin d’élémentaire, mais également une absence de confiance en soi particulièrement dramatique pour nos élèves.

La consultation avait d’ailleurs donné cet été le résultat, unanimement salué, de vouloir construire une école de la confiance, une société de la confiance, une société de la bienveillance.

Bien entendu, je ne suis pas opposé à la notation et je ne propose pas qu’on la supprime. Au contraire, l’émulation peut être utile ! La France pourrait cependant s’inspirer de la diversité des manières d’évaluer pour permettre la progression. Les évaluations ne doivent pas être des sanctions ni des couperets. Elles ne doivent pas être sommatives mais, comme le disent les pédagogues, formatives.

Nous prendrons ces considérations en compte au niveau des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Nous avons besoin d’une génération qui ait davantage confiance en elle-même.

Vous avez parlé à plusieurs reprises ce matin de l’esprit d’initiative, de l’esprit de confiance, de l’esprit d’entreprise. Je l’ai introduit dans le texte. Pour cet esprit-là, comme pour l’esprit de coopération, nous devons faire évoluer notre système d’évaluation.

Ces amendements sont intéressants. Nous prenons vos préoccupations en compte mais nous trouverons d’autres formulations.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Je remarque, monsieur le ministre, que vous prenez beaucoup de temps pour répondre aux amendements de la majorité, surtout quand ils sont rédigés de manière très hasardeuse !

Plusieurs députés SRC. Jaloux !

M. Alain Marc. On voit bien tout ce qui sous-tend les amendements de M. Hanotin, la pédagogie du bonheur, etc. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) est caractéristique de ce que son groupe pense de l’école. C’est vrai qu’elle ne peut pas être coupée de la société. Si une classe compte un tiers de bons élèves, un tiers de moyens et un tiers de mauvais, ce n’est pas la faute de l’évaluation. Je ne comprends pas. Nous ne vivons pas au pays des Bisounours. Vous voulez rendre complètement étanche la frontière entre l’école et la société.

Monsieur le ministre, cela fait des années que l’on travaille sur cette histoire d’évaluation, formative ou sommative. Cela n’a rien résolu. Je vous demande de vous mettre à des tâches beaucoup plus sérieuses, comme nous le proposons depuis longtemps.

Pour le moment, vous nous écoutez, monsieur le ministre, mais je me permets de vous le dire, à certains moments vous bâilliez lorsque nous parlions. Vous étiez ailleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’ai été instituteur, monsieur Peillon, et je vous le dis, si vous aviez été l’un de mes élèves, sans doute vous aurais-je mis au coin depuis longtemps, parce que vous n’écoutiez pas ! Quand on est ministre de la République, on a au moins la courtoisie d’écouter ceux qui parlent. Je peux vous dire que nombre de mes élèves étaient bien plus sérieux que vous ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Pouzol. Un peu de respect ! Si c’est cela que vous avez appris à vos élèves, bravo !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, vous avez vraiment un problème avec la notion d’évaluation. La bienveillance avec laquelle vous acceptez la suggestion de notre collègue interroge la notion de liberté pédagogique. Débattre dans notre enceinte de la validité et de la pertinence de contrôles surprise me semble en décalage par rapport à ce qu’est la mission du législateur. Est-ce à la loi d’évoquer ces questions ?

M. Yves Censi. Voilà la vraie question !

Mme Annie Genevard. La notion de liberté pédagogique doit être réaffirmée ici.

Nous examinerons tout à l’heure l’alinéa concernant l’introduction dans tous les établissements scolaires de la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité ». La notion de liberté doit concerner au premier chef l’enseignant qui doit être à même de juger du bien-fondé ou non de telle ou telle modalité dans l’évaluation de ses élèves. Finalement, c’est une illustration de « l’effet maître ».

Madame Bechtel, je me permets de reprendre le mot de « solécisme »…

Mme Marie-Françoise Bechtel. Constructif !

Mme Annie Genevard. …que vous avez employé. Il ne s’agit pas d’un solécisme. Un solécisme est une erreur de syntaxe ; c’est une formule qui résume l’essence même du métier qui consiste à combiner dans la dialectique l’individuel et le collectif, à pouvoir s’adresser à chacun des élèves et à tous les élèves. La question de l’évaluation interpelle sur cette relation singulière au sein du groupe classe.

Enfin, la question du bien-être des élèves nous intéresse au plus haut point. Un élève qui est bien dans son école et dans sa classe apprend mieux. Il faut que nous nous interrogions sur ce qui peut nuire au bien-être de l’élève : la violence, les difficultés relationnelles avec ses camarades, l’environnement social.

Abandonner l’évaluation ou les devoirs à la maison, c’est la liberté de l’enseignant et c’est à lui d’en décider.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Nous sommes en train de faire la loi. Monsieur Hanotin, ce que je vais vous dire n’est pas méchant, mais lorsque je lis, dans votre amendement n° 1038, que « la réussite des uns semble se déterminer par rapport à l’échec des autres », je ne peux que constater qu’il ne s’agit pas de notions extrêmement juridiques, vous en conviendrez !

Quant à votre amendement n° 1471 – « dans un véritable climat de confiance, sans piège » –, le rapporteur lui-même a dit que sa rédaction était hasardeuse.

Quoi qu’il en soit, je tiens à vous remercier car grâce à vous, le ministre est sorti de son silence pour vous répondre longuement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour nous, croyez-moi, c’est agréable et, de surcroît, intéressant parce que cela nous permet d’entendre le point de vue du ministre sur un sujet qui n’avait évidemment pas grand-chose à voir avec votre amendement. Cela permet de faire avancer le débat.

Si vous le permettez, je vous passerai quelques-uns de nos amendements pour les défendre. Peut-être aurons-nous alors des réponses du ministre ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour un rappel au règlement.

M. Frédéric Reiss. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne le déroulement de nos travaux.

Nous avons entendu la réponse du rapporteur concernant ces amendements. Or, lors de la réunion qui a eu lieu au titre de l’article 88, ces deux amendements ont reçu un avis favorable – si toutefois j’ai bien entendu, car tout est allé très vite – bien qu’il soit totalement surréaliste de vouloir écrire dans la loi « dans un climat de confiance, sans piège ».

Article 1er et rapport annexé (suite)

M. le président. Monsieur Hanotin, maintenez-vous vos deux amendements ?

M. Mathieu Hanotin. Il ne s’agit pas d’une lubie.

M. Pierre Lequiller. Mais vous allez tout de même les retirer…

M. Mathieu Hanotin. L’évaluation par contrat de confiance est pratiquée aujourd’hui par plus de 30 000 enseignants dans notre pays dans le cadre de la liberté pédagogique. Elle donne des résultats très intéressants qui sont approuvés par des pédagogues de tous bords. C’est un sentiment largement partagé dans le monde de la pédagogie – qu’elle soit « du bonheur » ou autre !

Ces expériences ont fait l’objet de travaux, notamment par de grands professionnels que je connais bien, comme Jean-Michel Blanquer. Nos collègues devraient se pencher sur la question, car il peut y avoir en l’occurrence de bonnes expériences qui peuvent faire l’unanimité sur nos bancs et nous sortir d’un clivage politicien.

Après avoir entendu la position du ministre, je retire cependant ces amendements, même si je ne trouve pas leur rédaction hasardeuse !

(Les amendements nos 1038 et 1471 sont retirés.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n° 1390.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’interviens sur un sujet délicat, en prenant le risque d’être mal comprise.

On ne peut imaginer un système scolaire dans lequel on ne noterait plus les élèves – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Il ne faut pas caricaturer les choses. La note n’est pas une simple sanction arbitraire visant à stigmatiser les mauvais élèves dans un climat de méfiance ou à stimuler une compétition féroce. La note est avant tout une indication, pour l’élève comme pour l’enseignant, du degré d’acquisition de telle ou telle connaissance et des réajustements auxquels il faut procéder pour garantir un bon apprentissage. Je crois que tout le monde est d’accord sur ce point.

Afin d’améliorer l’estime de soi des élèves et donc leur réussite, est préconisée une orientation vers un système d’évaluation positive qui encourage les élèves. Cette évaluation formative vise avant tout à placer l’élève au centre de son apprentissage ; elle évalue davantage ses progrès et sa capacité à savoir apprendre que son assimilation de telle ou telle connaissance.

Si elle peut aider l’enseignant à évaluer certaines capacités des élèves et aider les élèves eux-mêmes, la généralisation absolue de l’évaluation formative en tant que telle peut ne pas paraître souhaitable. Non seulement elle risque de rendre difficile le repérage de ceux qui sont en réelle difficulté, donnant le sentiment que tout le monde progresse, mais elle fait croire aux élèves qu’ils sont tous au même niveau, ce qui n’empêchera pas ces derniers de se confronter au principe de réalité quand viendront les tests PISA, lesquels relèvent d’une évaluation purement sommative. Que ferons-nous lorsque nous aurons acclimaté les élèves à une pure évaluation formative ?

Il peut être jugé opportun d’avoir recours à l’évaluation formative ponctuellement et à des fins sommatives pour aider les élèves dans l’acquisition du savoir, mais la généralisation absolue d’une telle approche serait contre-productive. In fine, ce sont les tests sommatifs qui évalueront véritablement l’élève et les examens terminaux de cycle. Ils détermineront le cours de sa scolarité, non sa capacité à développer une aptitude au « savoir apprendre ». L’acquisition du savoir demeure centrale et c’est cela que la note doit mesurer afin que l’élève, comme l’enseignant, dans un climat de confiance, puisse voir clairement le chemin parcouru et celui restant à parcourir.

Par le biais de cet amendement, j’aimerais savoir si le texte répond à cette préoccupation et s’il y a accord sur ces objectifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard. Favorable !

M. Yves Durand, rapporteur. Vous avez raison, madame la députée. La commission est favorable à cet amendement, parce que les arguments de Mme Bechtel sont justes.

Néanmoins, si elle en est d’accord, je lui proposerai de rectifier son amendement en ajoutant les mots « et des compétences » après les mots « des connaissances », pour être en cohérence avec l’acquisition du socle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption de la rectification proposée par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Comme quoi nous pouvons parfois, dans cet hémicycle, avoir des références communes !

Je salue l’amendement de Mme Bechtel dont l’exposé des motifs est très clair. Il faut savoir raison garder en matière d’évaluation, sujet central. Cela prouve, si besoin était, que la manière dont le rapport annexé était rédigé comportait une ambiguïté sur l’évaluation. Mme Bechtel fait vraiment œuvre utile en précisant que l’évaluation ne doit pas être perçue comme étant une sanction. Elle est, au contraire, un élément absolument essentiel pour pouvoir prendre en considération le côté progressif de l’acquisition des connaissances et des compétences.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises, il est important que l’évaluation ne soit pas vouée aux gémonies, car c’est, au contraire, l’une des clés de voûte permettant de savoir si les objectifs fixés au système éducatif sont, ou non, atteints.

L’amendement de Mme Bechtel va dans le bon sens. Je pense que nous serons nombreux sur les bancs de l’opposition à le voter.

(L’amendement n° 1390 rectifié est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n° 124.

Mme Barbara Pompili. L’évaluation est une question centrale et personne dans cet hémicycle n’est contre. Cela n’aurait d’ailleurs aucun sens. Levons donc tout de suite cette ambiguïté.

En revanche, notre amendement vise à préciser ce qui a été dit à l’alinéa 76 sur l’évolution de l’évaluation. Nous pensons que ce n’est pas assez clair et nous demandons une sortie définitive, à terme, de la notation chiffrée à l’école primaire et une incitation à passer à un autre type d’évaluation dans le secondaire.

La question essentielle est la suivante : à quoi doit servir l’évaluation ?

Elle doit servir à mesurer les apprentissages des élèves, au sens de l’amélioration des connaissances, des savoirs et des compétences. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais lorsqu’il y a une notation, elle est attribuée sur la base d’une performance immédiate, d’un test. C’est ainsi que l’on note. Lors de ces tests, on sait l’influence qu’ont les connaissances préalables de certains élèves, dues à leur origine sociale, ou encore l’influence d’une plus ou moins grande vulnérabilité face à des tests.

Les notes stigmatisent les différences entre les élèves, qui sont liées à autre chose qu’à leurs connaissances, qui sont liées à leur origine sociale, à leur capital culturel, à leurs compétences sociales. Elles organisent insidieusement un travail de sélection qui tient trop souvent lieu et place d’orientation dans notre système scolaire. Aussi, interdire strictement la notation dans le primaire et la décourager dans le secondaire poussera les équipes pédagogiques à envisager différemment les évaluations des apprentissages.

Il y a déjà, dans notre pays, des expériences d’éducation sans notation. Il y en a, par exemple, en Charente-Maritime, où neuf collèges sur cinquante et un ont des classes sans notes. Si, au début de l’expérience, certaines réticences se font jour, finalement, tout le monde est conquis par le système et il y a des retours très positifs – je pensais aux réticences, non seulement du corps enseignant, mais aussi des parents.

Je suis moi-même maman. Les notations ont un caractère rassurant puisqu’elles nous donnent l’impression d’être investis dans l’éducation de nos enfants. Or nous pourrions être investis autrement, notamment en ayant une place plus importante dans l’école.

On peut faire d’autres systèmes d’évaluation, comme ceux qui fonctionnent en Charente-Maritime, par exemple, par des codes couleurs, qui sont beaucoup moins stigmatisants. On ne sanctionne plus les échecs, mais on cible les difficultés d’apprentissage pour mieux encourager les élèves. On permet l’auto-évaluation.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, madame Pompili !

Mme Barbara Pompili. Pour conclure, la Finlande, qui est répertoriée dans les études PISA comme l’un des meilleurs systèmes éducatifs, ne pratique plus la notation depuis très longtemps dans les écoles primaires. Dans le secondaire, on la décourage.

Enfin, une dernière remarque sur le monde des Bisounours.

M. le président. Votre temps de parole est largement dépassé, madame la députée !

Mme Barbara Pompili. Nous ne débattons pas de l’apprentissage de la compétition à l’école. La compétition, c’est plutôt dans le domaine du sport. Mais je ne vois pas en quoi un apprentissage difficile en biologie tient de la compétition.

M. Yves Censi. Et pour les daltoniens, comment faire ? (Sourires)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Yves Durand, rapporteur. Cet amendement soulève un problème bien réel, à la suite des livres sur la constante macabre unanimement lus et médités. Mais, dans le détail, l’amendement de Mme Pompili et de ses cosignataires propose de sortir complètement du système de notation. Vous venez vous-même, madame Pompili, de plaider pour l’interdiction systématique de la notation à l’école primaire.

Mme Barbara Pompili. À terme !

M. Yves Durand, rapporteur. Voilà qui, en l’état actuel des choses, m’empêche de donner un avis favorable, pour deux raisons. La première, c’est qu’un tel bouleversement, car c’en est un, demande du temps pour être approprié par les familles. Vous évoquiez la Finlande, ce pays a mis dix ans pour faire évoluer son système d’évaluation et de notation. Faire en sorte de sortir « complètement » du système de notation, et dès maintenant, me paraît susceptible de provoquer des blocages chez les familles rendant impossible l’évolution que vous souhaitez et qui est par ailleurs intéressante.

En outre, toute interdiction systématique est antithétique à la liberté pédagogique des enseignants à laquelle nous sommes tous profondément attachés. Ainsi, en dépit de la justesse de votre préoccupation, la formulation précise de cet amendement vous éloigne au fond de l’objectif que vous poursuivez.

M. Pierre Lequiller. Il va vous demander de le retirer !

M. Yves Durand, rapporteur. Je vous demanderai, si vous le voulez bien, de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Cet amendement est en complète contradiction avec le précédent, que nous avons adopté. Je rappelle à ma collègue que les évaluations pratiquées au CE2 sont aussi des évaluations formatives. J’ai participé à des stages avec les enseignants sur l’évaluation pour justement améliorer le travail des enfants en mathématiques et en français.

Par ailleurs, comme le rapporteur vient de le préciser, on ne peut vouloir d’un côté la liberté pédagogique et de l’autre un système d’interdiction de notes contraignant pour les enseignants. Cela semble aberrant. La liberté pédagogique est essentielle pour les enseignants, dont je doute qu’ils souhaitent être obligés de se passer de notes ou plus généralement de systèmes d’évaluation.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Madame Pompili a défendu avec brio un amendement qu’elle a déjà présenté en commission à plusieurs reprises.

M. Frédéric Reiss. Avec qui ? (Sourires)

M. Rudy Salles. Je vais pour ma part venir au secours du Gouvernement et du rapporteur pour la deuxième fois, ce qui d’ailleurs devient suspect ! (Sourires)

Mme Marie-Françoise Bechtel. Quelle abnégation !

M. Rudy Salles. Le système proposé ressemble à celui de l’émission de télévision L’école des fans, dans laquelle tout le monde obtenait dix sur dix.

Mme Barbara Pompili. Mais non !

M. Rudy Salles. Je déplore la volonté d’abolir un système qui nous a beaucoup apporté au cours de nos scolarités respectives. Peut-être pas à vous, madame Pompili, qui n’aviez que des bonnes notes, mais à ceux qui ont eu de bonnes et de moins bonnes notes. On n’oublie pas les très mauvaises notes, qui donnent envie de se surpasser, de s’améliorer et de progresser.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Ou qui nous ont cassés !

M. Rudy Salles. Et outre les notes, il y a l’ambiance générale, examinée en conseil de classe, qui permet une évaluation plus globale. Je suis totalement opposé à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. M. le rapporteur a raison, il a fallu dix ans à la Finlande pour établir le système que nous proposons. Allons-nous encore perdre dix ans ?

En outre, pourquoi opposer liberté pédagogique et notation ? En quoi celle-ci est-elle contradictoire avec la liberté de choix laissée à l’enseignant pour faire en sorte que 100 % des élèves de sa classe acquièrent des compétences ? La liberté pédagogique ne se résume pas à la notation ! Elle inclut, sauf erreur de ma part, l’ensemble des méthodes à la disposition des enseignants pour faire en sorte que tous leurs élèves acquièrent des compétences qui sont ensuite évaluées. La pertinence de l’argument évoqué en matière de notation m’échappe !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Notre collègue Attard invoque la liberté pédagogique pour défendre un amendement dont l’exposé des motifs se propose d’« interdire strictement la notation dans l’enseignement primaire ». (Sourires)

Il s’agit donc bien d’interdire la notation qui fait pourtant partie des procédés permettant d’inciter les élèves et de porter à chacun une attention particulière. Il s’agit ici de conceptions de fond, l’amendement visant en fait à remettre en cause le système de notation actuel.

Vous indiquiez, monsieur le ministre, la nécessité de fonder les procédures d’évaluation sur la confiance. Celle-ci ne consiste pas à rassurer les enfants en saluant indistinctement tout ce qu’ils font, mais au contraire à leur apprendre l’exigence, laquelle suppose des évaluations. Celles-ci permettent de hiérarchiser les progrès – et aussi les enfants entre eux, ce qui n’est pas forcément inutile. Vous voulez sans doute y mettre des couleurs parce que le vert sera la plus favorable pour les enfants, mais que diront nos collègues communistes, tenants du rouge ? (Rires)

M. Frédéric Reiss. Et le bleu ?

M. Xavier Breton. En effet, quid de notre bleu ? Sans parler du rapport annexé qui dans dix ans réclamera l’évolution des modalités de la notation des élèves pour éviter la coloration des sanctions ! Disons-le très clairement, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on guérit le malade.

Mme Isabelle Attard. Nous changeons le thermomètre, nous ne le cassons pas !

M. Xavier Breton. Il faut bien au contraire un état d’esprit selon lequel une note indique un niveau et des progrès faits ou à faire. La société doit l’assumer et le dire très clairement. Le problème, c’est que la société n’ose plus adresser aux enfants et aux élèves un message d’exigence. Il faut retrouver ce goût de l’exigence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Reprenons le débat sur l’intervention de Mme Bechtel, lorsqu’il était assez consensuel, entre esprits prêts à progresser. L’alinéa 76 dit des choses importantes avec une modération qui n’est pas inutile dans ces matières. Les modalités de la notation des élèves doivent évoluer pour éviter une notation sanction. Nous ne faisons donc pas l’apologie de la notation telle qu’elle existe, qui, de l’avis de tous les spécialistes, pose de multiples problèmes. Les auteurs de PIRLS déplorent sa faible valeur pédagogique et recommandent une évaluation, dont le principe n’est contesté par personne, valorisant les progrès des élèves, les initiatives et la compréhension des familles évoquée ici à juste titre.

Tous les éléments me semblent réunis pour éviter le faux débat sur la nécessité de l’évaluation et pour la faire évoluer en France dans le sens de l’intérêt des élèves, de leur apprentissage, de leur confiance et de leur estime de soi. C’est absolument nécessaire.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Je répète que personne dans cet hémicycle n’est contre l’évaluation, au contraire. L’amendement que nous présentons ne remplace pas l’alinéa 76, il le précise. Il nous convient dans son intégralité, mais à un moment donné il faut savoir où on va. Le rapporteur ne veut pas que la loi interdise explicitement les notes, soit. C’est en effet un vrai choix politique à faire. Nous souhaitons cependant qu’elle comporte la possibilité d’une évolution à moyen terme – pourquoi pas dans dix ans, En tout cas, il faut choisir une direction. Les psychologues comme les expériences menées en France et à l’étranger démontrent qu’interdire la notation, cela fonctionne. C’est un choix à faire, certes, c’est même un vrai choix politique. Je ne retire donc pas mon amendement.

(L’amendement n° 124 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 421.

M. Benoist Apparu. Défendu.

(L’amendement n° 421, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 74.

M. Patrick Hetzel. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 904.

M. Xavier Breton. Cet amendement cosigné par plusieurs collègues vise à supprimer l’alinéa 82, qui porte sur la morale laïque ou éducation morale et civique. Pourquoi demander ce débat ? Parce que nous nous interrogeons sur vos intentions, monsieur le ministre.

Vous souhaitez mettre en place un enseignement de morale laïque. Pourquoi pas, si celle-ci recouvrait une conception partagée des valeurs républicaines qui doivent en effet être proposées aux enfants de notre pays. Mais des interrogations subsistent quant à vos intentions, comme le montre une interview que vous avez accordée il y a quelques semaines et dans laquelle vous disiez vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».

Telle n’est pas notre conception. Le milieu, familial en particulier, n’est pas un déterminisme à combattre absolument, mais une donnée incontournable et le cas échéant un lieu d’épanouissement. Vous voulez une éducation faite par l’État visant à ôter les enfants, les « arracher » comme vous dites, à tous les déterminismes qu’ils pourraient avoir. Pour nous, faire partie d’un groupe, d’une communauté ethnique, sociale, intellectuelle ou familiale peut être un facteur d’épanouissement. Il importe certes d’avoir ensuite le choix de confirmer ou non son inscription dans ces groupes, mais l’intention de l’État ne doit pas être d’en « arracher » les membres. Ce mot, peut-être lâché un peu vite dans le cadre d’une interview, fait problème pour nous. Avant même de débattre de morale laïque et d’enseignement moral et civique, il me semble important que nous nous mettions d’accord sur ce que vous entendez par « arracher l’élève à tous les déterminismes ».

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 1111.

M. Frédéric Reiss. Cet alinéa nous pose en effet quelques problèmes, dans la mesure où nous ne savons pas exactement ce que sera l’enseignement de la morale laïque. Xavier Breton vient de le rappeler, le ministre souhaite « arracher l’élève à tous les déterminismes » et certainement il y a là matière à débat. Mais il faudrait d’abord savoir quel « mieux vivre ensemble » au sein de notre société on souhaite construire. Mieux vivre ensemble, l’intention est louable, mais il ne faudrait pas que la morale soit réduite à la laïcité. Sans vouloir jouer sur les mots, on perçoit bien ce que sont l’enseignement de la morale et la laïcité, nettement moins ce qu’est la morale laïque.

Nous sommes d’accord pour que l’école inculque à nos jeunes, dans les meilleures conditions possibles, les valeurs que Jules Ferry définissait, dans sa lettre aux instituteurs, comme « ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul ». C’est par le respect mutuel – jeunes entre eux, entre jeunes et adultes, adultes entre eux – que nous avancerons dans la bonne direction. Cependant, monsieur le ministre, je pense que l’enseignement de la morale laïque devra être précisé.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1141.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, lors de la discussion générale, je vous ai dit que cette expression de « morale laïque » soulevait des questions et que, comme vient de le rappeler M. Reiss, la morale ne saurait se réduire à la laïcité.

L’école est évidemment un lieu où se construisent la civilité et l’humanisme. De ce point de vue, je trouve l’expression « mieux vivre ensemble » un peu usée. Si l’idée est belle, les mots se sont vidés de leur sens à force d’être répétés. J’aimerais que l’on fasse l’effort, lors de la rédaction de la loi, de renouveler le vocabulaire, afin de redonner du sens aux mots.

J’ai creusé dans vos déclarations sur la morale laïque, monsieur le ministre, et j’y ai trouvé des éléments de réponse auxquels j’ai tendance à souscrire. Ainsi, quand vous dites que la morale est tout ce qui relève de l’obligation intérieure, je trouve que c’est effectivement une belle définition, que j’aurais aimé retrouver dans le texte de loi – c’eût été plus clair, en tout état de cause, que l’expression « morale laïque ».

Ce qui a contribué à troubler un peu les esprits, c’est le fait que l’on soit passé d’un objectif moral et philosophique, que je viens de rappeler, à une conception plus sociale de la morale. Il serait bon que vous éclaircissiez ce point car, si nous souscrivons globalement à la dimension morale et philosophique que vous avez exposée à plusieurs reprises, nous sommes beaucoup moins convaincus par la définition plus strictement sociale retenue par le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. J’avoue ne pas très bien comprendre ces amendements. Je vais toutefois m’efforcer d’y répondre, à la fois en tant que rapporteur et à titre personnel.

Je veux d’abord dire à M. Breton qu’éduquer vient du latin educere, qui signifie « conduire vers l’extérieur ». Il ne s’agit pas d’arracher qui que ce soit à un milieu, mais de permettre à chaque individu – à tous comme à chacun, pourrait-on dire –…

Mme Annie Genevard. Ah ! Vous y venez, monsieur le rapporteur !

M. Yves Durand, rapporteur. …de progresser vers son propre destin en toute liberté, en dehors de tous les dogmes, comme le précise le texte, et de tous les déterminismes, même si chacun sait très bien que tout individu est le produit d’une histoire, avec des racines : si nous sommes déterminés, nous ne devons pas rester prisonniers des déterminismes.

La morale laïque, c’est tout simplement une morale non confessionnelle – je pense que nous pouvons nous accorder sur ce point –, ce qui ne signifie évidemment pas qu’elle soit contre les religions : au contraire, elle les respecte toutes. Je vous rappelle que la magnifique loi de 1905 définit la laïcité comme un principe ayant vocation à rassembler, et reposant avant tout sur l’esprit critique de chacun, sur le libre examen. Voilà ce qu’est pour moi la morale laïque.

Je ne comprends donc pas vos craintes, puisque la laïcité, ou la morale laïque, doit nous réunir et permettre à chacun de disposer de la liberté de choisir sa voie philosophique, religieuse, intime, tout en excluant de son champ – l’école étant le premier lieu de rassemblement de tous les enfants – tout ce qui relève de l’intime conviction, de l’engagement intime, y compris religieux.

Mettre en avant la morale laïque dans une loi sur la refondation de l’école me paraît effectivement essentiel. Voilà pourquoi, à l’issue d’une discussion longue et très intéressante en commission, la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Les questions que vous posez sur un thème délicat, qu’il convient d’aborder de manière précautionneuse, sont parfaitement légitimes. Je veux y répondre en m’efforçant de faire en sorte que nous nous comprenions.

Pour ce qui est de la liberté et de l’expression « arracher l’élève à tous les déterminismes », je rappelle que le but de l’école républicaine a toujours été de produire un individu libre. En instruisant, l’école éduque à la liberté : nous avons déjà eu l’occasion de dire hier que telle était notre mission.

La possibilité de construire se propre autonomie, c’est-à-dire la capacité de se donner à soi-même la règle, suppose d’être capable de prendre de la distance par rapport à tous les héritages. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à ces héritages, mais simplement que l’on soit capable de les choisir par soi-même. L’idée que nous nous faisons de la morale laïque n’est pas du tout celle d’un universalisme abstrait où l’État, détenteur de l’universel, s’arrogerait le pouvoir d’arracher les uns et les autres à leurs cultures, leurs familles, leurs affections, leurs enracinements. Ce que nous souhaitons, c’est que chacun puisse disposer, au cours de son développement, des outils nécessaires pour « ne pas se croire », comme disait Alain, et être capable de prendre la distance permettant de choisir par lui-même ses adhésions, de les reconnaître, de mettre à ses projets le poids des mobiles et des motifs. Si vous craignez que nous ne soyons adeptes d’une conception platonicienne, qui voudrait qu’au nom de l’universel, on arrache les enfants aux familles pour les placer dans des pouponnières, je vous rassure, ce n’est pas le cas – mais vous avez eu raison de me demander de le préciser.

Par ailleurs, je ne veux pas qu’il y ait de malentendu sur l’expression « morale laïque ». Le seul sens de la laïcité, qui n’est pas une confession puisqu’elle est partagée par tous, c’est précisément de respecter toutes les opinions privées, les fois personnelles, et de dégager une morale commune à l’ensemble de ces familles d’esprits ou de valeurs. Cette morale commune existe – le précédent gouvernement avait d’ailleurs réintroduit des leçons de morale à l’école primaire, sans malheureusement obtenir de résultats vraiment convaincants. Ce qu’il faut bien comprendre, et ce n’est pas toujours facile, c’est qu’une morale laïque est simplement une morale qui ne repose pas sur un fondement confessionnel. Elle laisse à chacun le choix de son opinion privée, n’ayant quant à elle pour objet que de rassembler en proposant une référence fondée sur ce qui est commun aux uns et aux autres.

Ce qui est fondamental, c’est la notion d’obligation dont vous avez parlé. De ce point de vue, il y a un malaise dans notre société. Nous tolérons l’instruction civique, qui est un enseignement de valeurs communes dans l’État, nous avons une Constitution, des représentations, tout cela s’apprend. De même, on fait maintenant de l’enseignement juridique, basé sur la notion d’interdit et de sanction – c’est la définition même du droit positif. À côté de tout cela, nous avons totalement oublié que le modèle républicain, c’est précisément la volonté politique et morale d’unir et de se dire qu’au-delà même de la prescription d’État, il y a la personne, à laquelle notre société reconnaît une valeur imprescriptible. La source de la dignité de la personne n’est pas de l’ordre du droit – il y a des lois injustes, il y a des systèmes de droit positif qu’il faut modifier –, c’est une source qui vient de l’intérieur, en dehors de toute idée de sanction. C’est la question du devoir, de l’obligation, des valeurs que nous partageons.

Comme vous le voyez, le champ des valeurs est investi, à l’extérieur de l’école de la République, par une foule de gens. La neutralité que veut l’école est confessionnelle et politique, mais n’a jamais été morale. En effet, la République, indépendamment des différentes familles politiques qui la composent, reconnaît un ensemble de valeurs communes qui ont une définition reposant sur l’obligation. Je souhaite simplement que l’on harmonise les différents enseignements actuellement dispensés en primaire, au collège et au lycée – mais non dans les lycées technologiques, pour une raison inexpliquée. J’ai confié une mission sur ce point à trois personnalités, qui doivent rendre leurs travaux fin mars. Nous aurons l’occasion de redéfinir ensemble, avec toutes les précautions nécessaires, les contenus, mais aussi les méthodes d’enseignement, car on voit bien que l’on ne peut pas faire la même chose en cours préparatoire et en terminale. Par ailleurs, il faudra répondre à une question qui se pose de façon insistante aujourd’hui : devons-nous et, le cas échéant, avons-nous les moyens d’évaluer les connaissances ? Ceux de mes prédécesseurs qui ont eu cette intention se sont toujours heurtés à la même difficulté : dès lors que ce n’est pas une discipline identifiée, qu’il n’y a pas une progression déterminée, qu’il n’est pas procédé à une évaluation à un moment ou à un autre, les choses sont abandonnées.

Les précautions que vous avez exprimées permettent d’enrichir ce débat. De mon côté, je veux souligner l’attente très forte de nos concitoyens de nous voir porter ensemble nos valeurs communes, étant précisé que ces valeurs sont fragiles et qu’elles sont contestées par certains. Nous avons donc à les défendre.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse très complète à nos questionnements sur la notion de morale laïque. Nous sommes sur la même longueur d’onde, dans le sens où nous nous accordons sur le fait que l’ambition suprême de l’école doit être de former des citoyens responsables pour demain. De ce point de vue, l’enseignement de la morale est plutôt bien accepté par les familles.

Je voudrais tout de même faire remarquer à M. le rapporteur, qui a dit ne pas comprendre nos craintes, que l’une des promesses du candidat Hollande consistait à inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’État dans la Constitution, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle, à savoir le régime dérogatoire du Concordat. Sur ce point, nous tenons à rester d’une grande prudence. Quand vous parlez du « mieux vivre ensemble », par exemple, nous avons une façon de vivre ensemble sans doute un peu différente, comportant un certain nombre de contraintes – notamment des contraintes supplémentaires –, mais notre système fonctionne bien et c’est ce qui compte pour nous.

Je conclurai en réaffirmant notre attachement à ce qu’école forme des citoyens responsables, car un homme ou une femme ne peut s’assumer pleinement que par une participation librement assumée à des responsabilités collectives.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Je veux dire à M. le ministre que nous avons bu ses paroles. Dans le cadre des questions à un ministre, il avait déjà eu l’occasion de définir, en réponse à une question que je lui avais posée, ce qu’il entendait par l’expression « morale laïque ». Par ailleurs, nous nous enorgueillissons d’être à l’origine de l’alinéa 82 du rapport annexé.

Je veux également rappeler une chose à M. Reiss : lorsqu’en 1882, les républicains, les radicaux et Jules Ferry ont décidé d’instaurer l’école publique, laïque et gratuite, ils partaient du principe que l’école ne devait pas seulement servir à éduquer, mais aussi à former les citoyens libres et responsables – une idée à laquelle vous venez de rappeler votre attachement. J’ai envie de vous tendre la main en vous invitant à vous joindre au vote de cet alinéa, qu’un amendement du Gouvernement va venir compléter dans un instant. Cela montrerait que, sur ce point important pour tous les républicains que nous sommes, nous pouvons tomber d’accord.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Si j’ai bien compris, vous vous apprêtez à me couper l’herbe sous le pied avec l’amendement qui va suivre, monsieur le ministre, ce qui n’est pas très gentil de votre part. (Sourires.) J’ai moi-même déposé un amendement visant à remplacer l’expression « morale laïque » par celle de « laïcité ». Pourquoi ? Il ne faut pas oublier que la loi pose des principes juridiques. Avec la loi de 1905, elle a posé les principes de liberté de conscience et de séparation des Églises et de l’État. Auparavant, en 1789, elle avait posé le principe de l’égalité en droit de tous les hommes – de tous les humains, s’entend, car cela embrasse aussi toutes les femmes. Par ailleurs, la loi a également posé le principe de la responsabilité individuelle des actes. Ce sont là, à chaque fois, des principes juridiques, mais en aucun cas des principes de morale.

Par conséquent, le problème, c’est que l’ensemble de ces principes juridiques, lorsqu’ils sont « digérés » par l’école, aboutissent à une éthique personnelle qu’il est de la responsabilité de chacun de définir. C’est pourquoi l’expression « morale laïque » me semble impropre – et c’est un laïcard qui vous parle !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est bien ce qui m’inquiète !

M. Jacques Myard. J’ai en effet présidé, avec quatre autres députés, le groupe d’études sur la laïcité.

La laïcité est le principe qui permet d’éviter les guerres de religion. J’y tiens donc comme à la prunelle de mes yeux. Aussi, de grâce, ne parlons pas de morale laïque ! L’expression est impropre : la laïcité est un principe juridique, celui de la séparation des Églises et de l’État, qui protège la liberté de conscience, que vous croyiez ou non, que vous soyez agnostique, athée, catholique, bouddhiste ou tout ce que vous voulez. La morale laïque n’existe pas en soi ; c’est à chacun de se construire en respectant les principes juridiques et les valeurs de la République.

M. Yves Censi. Très bien !

(Les amendements identiques nos 74, 904, 1111 et 1141 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1306.

M. Vincent Peillon, ministre. Il est retiré, monsieur le président. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 1306 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 528.

M. Jacques Myard. Qu’est-ce que cela veut dire, monsieur le ministre ? Les amendements du Gouvernement sont-ils donc élastiques ? Un coup je te mets, un coup je te retire…

Mme Colette Langlade. Oh, quel vocabulaire !

M. Jacques Myard. Je me souviens de plusieurs députés de gauche, ma chère collègue, s’exprimant de la sorte à propos d’amendements gouvernementaux sous une autre majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ayez donc la gentillesse de m’écouter : vous ne faites que vociférer depuis vos bancs sans vous lever pour prendre la parole !

M. Pascal Terrasse. Et vous, quand vous lèverez-vous ?

M. Jacques Myard. Je maintiens qu’on ne saurait confondre la morale et la laïcité. Il ne saurait donc s’agir ici, comme je l’ai expliqué il y a quelques instants, de morale laïque.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je regrette que l’amendement du Gouvernement ait été retiré.

M. Jacques Myard. Moi aussi !

M. Philippe Gomes. Il s’agissait d’un amendement pertinent et il est vraiment dommage que, lorsque le Gouvernement engage une action constructive, on soit privé, au dernier moment, de la possibilité de la soutenir.

Je proposerai par conséquent une solution de repli par le biais d’un sous-amendement concernant la seconde phrase de l’alinéa 82. Ma proposition peut passer pour un détail mais, à la lumière de nos débats, elle a sans doute sa pertinence. L’alinéa en question précis en effet que : « Ces enseignements visent notamment à permettre aux élèves d’acquérir et comprendre l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences, mais aussi l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les fondements et le sens de la laïcité, qui est l’une des valeurs républicaines fondamentales. »

Mon sous-amendement vise simplement à inverser l’ordre de la phrase, qui deviendrait : « Ces enseignements visent notamment à transmettre les fondements et le sens de la laïcité qui est l’une des valeurs républicaines fondamentales, et à permettre aux élèves d’acquérir et comprendre l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. »

En clair, il s’agit de faire de la laïcité, valeur républicaine, le fondement de ces enseignements.

M. le président. Je suis désolé, mon cher collègue, mais votre texte ne m’a pas été transmis et il est trop tard pour proposer un sous-amendement à l’amendement n° 528, ainsi que me le confirme le service de la Séance.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. N’aurions-nous pas eu intérêt à dissocier les mots « morale » et « laïque » ?

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Annie Genevard. Au fond, si vous aviez formulé les choses de la façon suivante : « Dans le respect de la laïcité, l’enseignement de la morale […]. ». À lire votre texte, c’est comme si le mot « laïque » s’excusait de parler de morale.

M. Vincent Peillon, ministre. C’est plutôt l’inverse.

Mme Annie Genevard. Je relève une forme de confusion. Dans vos réponses, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez insisté sur la notion de laïcité par rapport à des convictions religieuses ; mais la question de la morale dépasse largement la seule question religieuse.

M. Vincent Peillon, ministre. Absolument, c’est bien ce que nous affirmons !

Mme Annie Genevard. Il est nécessaire de réintroduire, chez les enfants et chez les jeunes, des principes moraux qui font gravement défaut. On relève en effet des comportements qu’on pourrait qualifier d’« ensauvagement ». Il faut apprendre aux jeunes des principes qui nous paraissent, à nous, totalement évidents. Or, l’adjonction du qualificatif « laïque » perturbe le message.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. C’est un député élu en terre concordataire qui s’exprime. En Alsace et en Moselle, les enfants ont la possibilité de suivre certains enseignements que vous savez. Je soutiens l’amendement de M. Myard : la morale, je comprends ce que c’est ; la laïcité, je comprends aussi ; la morale laïque, je ne comprends plus. C’est le principe même de la laïcité qui est essentiel. Et ce principe est vertueux parce que, comme l’a rappelé Jacques Myard, il garantit la liberté de penser et la liberté religieuse pour lesquelles certains de nos aînés se sont battus.

C’est pourquoi son amendement a ici toute sa place : il permet de préciser les choses. Évoquer la laïcité comme il l’entend fait sens. En revanche, vouloir ramener la morale à une morale laïque me paraît quelque peu réducteur y compris pour la laïcité elle-même.

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Pouvez-vous, monsieur le président, nous donner les raisons pour lesquelles M. Gomes n’a pas pu soutenir son sous-amendement ?

M. le président. D’abord, mon cher collègue, le dépôt des sous-amendements est soumis à des délais ; or l’amendement n° 528 a été, lui, déposé le 6 mars dernier – il y avait donc largement le temps de le sous-amender.

M. Jacques Myard. En séance, ne peut amender que le Gouvernement.

M. le président. Ensuite, il revient au président d’accepter ou non les sous-amendements ; en l’occurrence, j’ai précisé que je ne souhaitais pas accepter le sous-amendement de M. Gomes.

M. Rudy Salles. C’est clairement une décision politique !

M. Jacques Myard. C’est le règne de l’arbitraire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Je souhaite que nous nous arrêtions sur cette difficulté : la liaison entre morale et laïcité.

J’ai entendu votre argumentation – juste et d’ailleurs assez classique – qui présente la laïcité comme un principe de séparation entre les Églises et l’État – lequel assure la liberté de conscience –, c’est-à-dire comme un principe juridique. Et, tout à coup, au fil de la discussion, vous avez assimilé la laïcité à la capacité de douter de soi-même, forme de laïcité intérieure.

M. Jacques Myard. Ça, c’est ma morale à moi !

M. Vincent Peillon, ministre. J’insiste – et je pense aux problèmes importants posés par l’« ensauvagement » évoqué par Mme Genevard – sur le fait que la laïcité n’a jamais été un simple principe juridique – celui défini par la loi de 1905.

M. Yves Durand, rapporteur. Tout à fait !

M. Vincent Peillon, ministre. Elle a toujours été beaucoup plus que cela : un ensemble de valeurs que nous portons en commun, et que nous avons justement renoncé à transmettre pour en rester à une idée minimaliste réduite à la séparation et à la tolérance – vous vous souvenez que, selon Clemenceau, la tolérance il y avait des maisons pour cela,…

M. Jacques Myard. À l’époque !

M. Vincent Peillon, ministre. …et que, pour Jaurès, seul le néant était neutre.

La laïcité n’est pas la neutralité : tout ne se vaut pas. La laïcité n’est pas le relativisme : nous portons ensemble, je le répète, un certain nombre de valeurs qui sont de l’ordre des valeurs morales – l’obligation, le devoir, le respect… Vous employez vous-mêmes sans cesse des notions comme celle de personne, au fondement purement moral. Il serait intéressant de savoir quelle serait la capacité d’un élève de la connaître si nous ne la lui enseignions pas.

Il y eut un temps où l’on considérait que l’école devait distinguer entre un individu, une personne, un droit, un devoir, une obligation… C’est cela, cette morale commune.

M. Patrick Hetzel. C’est la morale tout court !

M. Vincent Peillon, ministre. Nous devons l’assumer.

La morale laïque ne repose pas sur une révélation, mais sur l’effort de trouver une morale commune à tous ceux qui peuvent avoir des options spirituelles différentes. C’est ce qui s’est appelé morale laïque dans notre histoire. Il a toujours été dit que l’on devait avant tout veiller à ne blesser aucune conscience dans la salle de classe – et seule la morale laïque y parvient.

M. Jacques Myard. Ça, c’est la lettre de Ferry !

M. Vincent Peillon, ministre. L’intérêt de cette discussion est de constater combien il nous est devenu difficile à nous-mêmes d’assumer ce que nous avons en commun.

D’autres assument bien mieux leur agressivité à l’encontre de nos valeurs communes. Nous voulons protéger les élèves, protéger les professeurs. Cela ne suffira pas ; aussi montrerons-nous que l’école instruit en même temps qu’elle transmet des valeurs, celles de la Constitution : liberté, égalité, fraternité et laïcité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, je ne suis pas entièrement convaincu par votre intervention, tout simplement parce que vous avez renoncé à soutenir l’amendement du Gouvernement qui rétablissait un certain classicisme. Ensuite, vous avez raison de rappeler, comme nous l’avons nous-mêmes fait à l’occasion de nombreux colloques, que, malheureusement, on a considéré le principe de laïcité comme acquis et que, du coup, on ne l’a pas enseigné.

Or il faut enseigner ce principe : au nom de la liberté de conscience, même si ta religion n’est pas celle de ton voisin, tu dois le respecter et ne pas lui imposer la tienne ; et si ton voisin n’a pas de religion, tu dois le respecter aussi. C’est bien l’enseignement d’un principe juridique et non une question de morale en soi. C’est pourquoi je reste vraiment dubitatif quant à l’accolement de ces deux concepts. La morale est une affaire personnelle distincte des principes juridiques qui gouvernent la République, distincte des principes constitutionnels que nous savons.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

(L’amendement n° 528, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Jacques Myard. Dommage !

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1318.

M. Vincent Peillon, ministre. Cet amendement, auquel je tiens beaucoup, vise à réintroduire, à la dernière phrase de l’alinéa 82, après le mot « comportement », les mots « réfléchi et ». La commission avait souhaité s’en tenir à la tolérance. Afin d’éviter toute incompréhension, je précise d’emblée que je suis favorable à la tolérance. Reste qu’elle ne résume pas la laïcité qui n’est pas qu’un principe juridique car si elle repose sur une contrainte extérieure, elle repose aussi sur une obligation intérieure – nous sommes donc là dans le domaine de la morale et non plus dans celui le droit. C’est ce que nous devons enseigner. Il ne faut pas respecter la laïcité uniquement parce qu’on aurait peur d’être sanctionné, mais parce que nous portons un certain nombre de valeurs.

Je tiens à l’expression « comportement réfléchi » parce que, précisément, il convient de faire droit à la réflexion, cette mise à distance à soi-même, au jugement critique, à la liberté de conscience, enfin à la laïcité intérieure, pour reprendre l’expression du grand historien Claude Nicolet. Il est important, donc, d’introduire cette notion de réflexion. C’est ainsi que, comme le soulignait autrefois Jules Simon, depuis Descartes jusqu’à l’instauration de l’école de la République en passant par la Révolution française, il y a une continuité fondée, non sur la tolérance, mais sur la liberté de conscience, la liberté pour chacun, comme le soutenait Rabaut Saint-Étienne.

M. Jacques Myard. Et l’exercice du doute !

M. Vincent Peillon, ministre. Et l’exercice du doute !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Comment pourrait-on être contre la réflexion ?

M. Jacques Myard. Les miroirs sont pour !

M. Yves Durand, rapporteur. Donc avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je reviens sur la notion de tolérance, qui découle, selon le texte de l’annexe, du respect de la personne. On confond trop souvent la tolérance dont nous devons faire preuve vis-à-vis des personnes et la tolérance vis-à-vis de comportements inadmissibles. On met la tolérance à toutes les sauces, or certains comportements ne sont pas tolérables.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je souhaite déposer un sous-amendement à l’amendement du Gouvernement, visant à réécrire ainsi la deuxième phrase de l’alinéa 82 : « Ces enseignements visent notamment à transmettre les fondements et le sens de la laïcité, qui est l’une des valeurs républicaines fondamentales, mais aussi à permettre aux élèves d’acquérir et comprendre l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. »

M. le président. Vous semblez avoir un vrai problème de méthode, monsieur Gomes : d’abord, vous ne présentez pas un sous-amendement, mais un amendement ; ensuite, encore une fois, il n’a pas été transmis et je ne puis donc l’accepter.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Afin que nous puissions retrouver nos esprits après cette discussion sur la laïcité, je souhaite une brève suspension de séance après le vote de cet amendement.

M. le président. Soit. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Pour vous prouver que nous ne sommes pas sectaires, monsieur le ministre, à titre personnel votre amendement me va.

M. Michel Pouzol. C’est une preuve qui risque de ne pas suffire ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Il n’est pas dans nos habitudes d’avoir un comportement pavlovien… Le terme nous convient, bien entendu, et nous approuvons cette proposition, qui est tout à fait intelligente.

(L’amendement n° 1318 est adopté à l’unanimité.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1490 de la commission.

M. Yves Durand. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Le texte de la commission indique que : « La devise de la République et le drapeau tricolore doivent être apposés sur la façade de tout établissement scolaire ». Un drapeau ne pouvant être « apposé » sur une façade, nous proposons d’indiquer que la devise de la République devra être adossée à la façade et que le drapeau devra y « figurer ». Cet amendement, qui ne modifie en rien le sens du texte, est strictement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Je suis tout à fait favorable à l’amendement de la commission et je la remercie de l’avoir déposé, car il s’inscrit pleinement dans notre projet de refondation de l’école de la République, et même de refondation républicaine de l’école, dont le sens se précise d’heure en heure.

L’article 2 de notre Constitution rappelle que le drapeau tricolore est l’emblème national de la République et que sa devise est « Liberté, Égalité, Fraternité », or aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminait, jusqu’à présent, les conditions de pavoisement des écoles, des collèges et des lycées. Par cette disposition, vous réaffirmez la volonté qui est la nôtre de porter, à travers notre école, les valeurs qui nous rassemblent.

(L’amendement n° 1490 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1144.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, notre devise républicaine est un bien commun auquel nous sommes tous attachés, et la voir figurer sur un établissement scolaire n’a en soi rien de condamnable.

Toutefois, je voudrais vous poser quelques questions. Selon vous, l’école est-elle un lieu de liberté ?

La question peut surprendre, mais pour reprendre Condorcet, que vous avez cité : « L’école, en instruisant, éduque à la liberté. » Cela ne signifie pas qu’elle soit un lieu de liberté. De même, selon Régis Debray, un autre auteur qui vous est cher : « Instruire, c’est grâce au maître, apprendre à se passer de maître. » La notion de liberté doit donc être expliquée.

S’agissant de la devise républicaine, je voudrais vous faire partager une réflexion. La belle devise « Liberté, égalité, fraternité » ne peut suffire à elle seule à conjurer les maux qui lui portent atteinte et qui portent atteinte à l’école. Il ne peut y avoir de liberté sans le respect partagé de l’autorité, il ne peut y avoir d’égalité si l’on ne prend pas en compte, dans une autonomie bien comprise, la singularité des territoires, des établissements et des élèves. Il ne peut y avoir de fraternité lorsque la violence scolaire sévit au sein des établissements. Pour que cette devise prenne tout son sens, pour qu’elle ne soit pas qu’une évocation, il faut créer les conditions de son application.

Cet amendement propose de compléter l’alinéa en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Avis défavorable, non pas sur le fond, mais du fait de l’emplacement de cette disposition.

La liberté n’est pas la licence, elle est réglée par le devoir. La sûreté et la sécurité, et donc l’existence d’un climat apaisé dans les établissements, sont des préoccupations légitimes.

Puisque cela apparaît dans ce texte en d’autres occurrences, il me semble qu’il n’y a pas de conflit. Je vous propose de retirer cet amendement considérant que cette préoccupation est prise en compte.

(L’amendement n° 1144 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 424 et 1142 rectifié.

M. Benoist Apparu. L’amendement n° 424 est défendu.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 1142 rectifié également.

(Les amendements identiques nos 424 et 1142 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 561 et 905.

M. Jacques Myard. L’amendement n° 561 est défendu.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 905 également.

(Les amendements identiques nos 561 et 905, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1449, 580 et 685.

La parole est à M. le ministre pour défendre l’amendement n° 1449.

M. Vincent Peillon, ministre. Cet amendement tend à supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 85. La commission a ajouté à la partie du texte portant sur le parcours d’éducation artistique et culturelle deux phrases sur l’éducation sportive. Cet ajout ne me semble pas avoir sa place, et dénature le projet.

Il ne s’agit pas du tout, comme cela a été dit lors de la discussion générale, d’un point de vue négatif à l’égard de l’éducation physique et sportive. Au contraire, nous croyons qu’un esprit sain dans un corps sain est une bonne chose. Vous connaissez d’ailleurs mon attachement au développement des activités péri éducatives, comme au maintien du sport scolaire, ce qui n’est pas la même chose que l’éducation sportive.

Mais la rédaction proposée mélange différentes choses, le parcours d’éducation artistique et culturelle a sa légitimité propre.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour défendre l’amendement n° 580.

M. Frédéric Reiss. Je félicite le Gouvernement d’avoir repris nos amendements. Effectivement, ces deux phrases ajoutées en commission n’avaient pas leur place dans le texte à cet endroit. Pour une meilleure compréhension, il fallait les en enlever.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour présenter l’amendement n° 685.

M. Patrick Hetzel. Le Gouvernement reprend nos deux amendements. Il aurait pu nous laisser défendre les nôtres dès le départ, mais nous sommes évidemment favorables à l’amendement du Gouvernement, qui va dans le bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Favorable.

(Les amendements identiques nos 1449, 580 et 685 sont adoptés à l’unanimité.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 562 et 906.

M. Jacques Myard. L’amendement n° 562 est défendu.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 906 également.

(Les amendements identiques nos 562 et 906, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1145.

Mme Annie Genevard. Je propose d’ajouter à l’alinéa 86 consacré aux enseignements artistiques et culturels les mots : « et qui sera introduit dans les critères de leur évaluation ».

Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté tout à l’heure lorsque vous avez évoqué les difficultés à évaluer l’enseignement moral. Vous avez dit que, faute d’évaluation, les choses sont abandonnées. Il en sera de même pour l’enseignement artistique et culturel. Il faut préciser que cet enseignement sera introduit dans les critères d’évaluation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

Mme Annie Genevard. Pourquoi ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Notre avis est défavorable, car les enseignements artistiques qui sont à la base du parcours doivent être évalués, mais le parcours en lui-même n’est pas objet d’évaluation. Il y a donc bien évaluation des enseignements artistiques, mais le parcours est une autre dimension qui accompagne l’élève tout au long de sa scolarité.

(L’amendement n° 1145, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 583.

M. Frédéric Reiss. Je propose de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 87. Il y est fait mention de l’ouverture de l’école vers l’extérieur : collectivités locales, institutions culturelles et associations. Je ne vois pas ce que des expressions telles que : « l’occasion de mettre en place des pratiques pédagogiques co-construites innovantes et actives » viennent faire dans ce texte.

M. Marc Le Fur. Exactement ! Arrêtons le verbiage !

(L’amendement n° 583, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 463, 564 et 908.

La parole est à M. Patrick Hetzel pour défendre l’amendement n° 463.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous considérons que, lorsqu’on aborde la question de la pratique pédagogique, il faut évidemment s’intéresser à sa plus-value. C’est pourquoi il convient de se pencher également sur l’efficacité de celle-ci, et il vous est donc proposé d’ajouter « et efficaces » après : « actives »,

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour défendre l’amendement n° 564.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, vous savez bien que ce n’est pas parce que des pratiques sont innovantes qu’elles seront efficaces. Chaque fois que l’on dit que c’est le sens de l’histoire ou la modernité, on peut répondre que la modernité, c’est l’obsolescence du lendemain matin. (Sourires.)

Il faut donc que les pratiques soient actives et efficaces, c’est-à-dire qu’il y ait une véritable évaluation des pratiques pédagogiques, le caractère innovant ne suffit pas. Comme disait le vieux Marcel Dassault : « À quoi ça sert ? Combien ça coûte ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour défendre l’amendement n° 908.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 463, 564 et 908, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 584 et 687.

M. Jacques Myard. L’amendement n° 584 est défendu.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 687 également.

(Les amendements identiques nos 584 et 687, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1235.

M. Vincent Peillon, ministre. Cet amendement tend à substituer aux mots « et temps éducatifs complémentaires » les mots « périscolaire et extrascolaire ».

Parler de « temps éducatifs complémentaires » pourrait susciter une confusion avec les activités pédagogiques complémentaires évoquées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, à laquelle vous êtes tous si attachés. (Sourires.) Cette précision permet de bien distinguer les choses.

Le terme « périscolaire » désigne les périodes suivantes : la période d’accueil du matin avant la classe ; le temps méridien ; la période d’accueil du soir après la classe. Le terme « extrascolaire » désigne les journées ou demi-journées sans école, les fins de semaines et les vacances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je me réjouis que nous ayons examiné à un bon rythme les amendements portant sur les alinéas 85 à 88.

En tant que président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et avant que nous ne passions aux amendements suivants qui ont trait à l’éducation physique et sportive et à l’enseignement des langues vivantes, je voulais souligner toute l’importance des alinéas 85 à 88 sur le parcours d’éducation artistique et culturelle.

Depuis le plan Lang-Tasca de 2000, il ne s’est en effet rien passé en ce domaine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Si vous souhaitez rallonger les débats, ne vous y prenez pas autrement !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Nous connaissons, monsieur le ministre, votre engagement et votre volonté politique en ce domaine, qui rejoint celle de la ministre de la culture et de la communication.

Nous attendons beaucoup de la mise en œuvre de ces alinéas et des dispositions du rapport annexé en ce domaine, particulièrement suite à l’adoption du dernier amendement du Gouvernement qui évoque le temps scolaire et le temps périscolaire. On voit ainsi combien la réforme des rythmes éducatifs permettra de donner toute son ampleur à ce parcours d’éducation artistique et culturelle.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président de la commission, vous nous relancez en affirmant que rien ne s’est passé en treize ans ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous rappelle le plan interministériel de développement de l’éducation artistique et culturelle élaboré par Xavier Darcos, précédent ministre de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Je n’en ai jamais entendu parler !

Mme Annie Genevard. Vous avez prétendu qu’il ne s’était rien passé depuis le plan Lang !

M. Patrick Hetzel. Vous savez bien que c’est faux, monsieur le président de la commission !

Mme Annie Genevard. S’agissant de la notion de parcours, monsieur le ministre, j’étais hier au ministère de la culture où je représentais l’association des maires de France, pour donner une suite à la mission Desplechin dont vous avez sans doute entendu parler puisqu’elle portait sur l’éducation artistique et culturelle.

La notion de parcours y a été évoquée, j’ai donc fait état des dispositions du projet de loi relatives à l’éducation artistique et culturelle.

M. Vincent Peillon, ministre. Je vous en remercie !

Mme Annie Genevard. Mais tout de même, monsieur le ministre, force est de constater que ces deux ministères ne travaillent guère ensemble. Si vous voulez véritablement mettre en place un parcours, il va falloir que les dispositifs respectifs s’harmonisent. Ce sera indispensable pour organiser ce parcours d’éducation artistique et culturelle sur le terrain et dans les communes ; pendant le temps scolaire, parfois, et presque toujours dans le temps périscolaire et extrascolaire. Et c’est alors que les ennuis vont commencer.

Il faudra faire travailler ensemble la culture et l’éducation nationale, il va falloir trouver des gens pour mettre cela en œuvre, et il faudra trouver des financements.

Oui, cette notion de parcours est intéressante, mais c’est une fois que l’on a déclaré cela que les ennuis commencent.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Mme Genevard a totalement raison, c’est d’ailleurs ce qui m’a empêché d’accepter tout à l’heure quelques amendements de forme qui ne semblaient pas inutiles, mais précisément, j’ai tenu à ce que ces ministères travaillent ensemble. Leur lexique est d’ailleurs parfois un peu différent. Je suis bien conscient, dans les fonctions que j’occupe, qu’une fois que l’on a voté un texte, les ennuis commencent. (Sourires.)

(L’amendement n° 1235 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 581 et 686.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 581.

M. Frédéric Reiss. Il est complémentaire de l’amendement de suppression adopté tout à l’heure. Avant de passer à un paragraphe relatif aux langues vivantes, il est important de souligner les vertus de l’éducation physique et sportive en insérant les deux alinéas proposés par cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 686.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable, car ils sont satisfaits par les alinéas 234 et 235 du rapport annexé.

(Les amendements identiques nos 581 et 686, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 420.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n° 420, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement n° 52.

Mme Sophie Rohfritsch. Il est défendu.

(L’amendement n° 52, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n° 1393.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’attache une certaine importance à cet amendement. Nous en avons abondamment parlé : un élève sur cinq a de graves lacunes en lecture et en écriture à la fin de l’école primaire. Si l’enseignement des langues vivantes dès le cours préparatoire peut paraître une bonne solution pour renforcer la maîtrise des langues, il ne faudrait pas qu’il empiète sur l’apprentissage de la langue française,…

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Marie-Françoise Bechtel. …en particulier pour les élèves issus des milieux les plus défavorisés ou pour ceux dont le français n’est pas la langue parlée par la famille, sans préjudice de la dégradation du niveau de langage qui affecte tous les milieux sociaux.

Un bon équilibre consisterait plutôt à envisager que l’enseignement des langues intervienne à partir du CE2. Encore faudra-t-il s’assurer soit du recrutement d’intervenants extérieurs de qualité, soit d’une bonne formation des professeurs des écoles, ainsi que de la mise en place d’un quota horaire permettant un réel apprentissage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cet amendement est en contradiction avec l’article 27 du projet de loi.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Certes, mais nous l’aurions également amendé !

M. Yves Durand, rapporteur. Effectivement : ce n’est donc pas une raison fondamentale, mais je tenais tout de même à le préciser.

Par ailleurs, chacun sait que l’apprentissage des langues est d’autant plus efficace qu’il est précoce. C’est, d’ailleurs, déjà le cas aujourd’hui pour environ 65 % des élèves de CP.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je suis content de ne pas devoir retourner en primaire : avec tout ce que les enfants doivent ingurgiter, je pense que je mourrais avant d’avoir commencé !

Je connais quelques langues, et j’en ai tâté d’autres. Je ne crois pas que l’apprentissage des langues doive commencer dès le CP ou dès le cours élémentaire. Je sais que mon discours va à l’encontre des idées à la mode. J’emploierai une formule qui me vaudra encore une fois d’être traité de sexiste (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) :

Mme Brigitte Bourguignon. Nous en serons ravis !

M. Jacques Myard. …les langues étrangères s’apprennent à partir de quinze ans, lorsqu’on va voir les petites Anglaises ou les petites Allemandes. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Bourguignon. Quel succès !

M. Jacques Myard. Et c’est ce que j’ai fait, que cela vous plaise ou non !

Les langues étrangères doivent s’apprendre une fois que l’on connaît correctement sa langue maternelle.

M. Pascal Terrasse. Vous n’avez pas dû fréquenter beaucoup de petites Anglaises, alors !

M. Jacques Myard. J’ai la prétention de parler plusieurs langues européennes couramment. Je sais bien que mes propos vous choquent, mais regardez la réalité telle qu’elle est ! Vouloir enseigner à tout prix une langue étrangère en primaire n’est pas logique. Si l’enfant est issu d’un couple bilingue, l’apprentissage des deux langues se justifie ; mais pour le reste, l’enseignement d’une langue étrangère en primaire comporte de nombreuses embûches. C’est la raison pour laquelle j’approuve les propos de ma collègue socialiste.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Pas socialiste : chevènementiste !

Mme Valérie Corre. C’est presque la même chose !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il faut être précis ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je tiens à rassurer mes collègues : plus on commence tôt l’apprentissage des langues, plus on devient doué pour les langues…

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Hetzel. Si !

M. Paul Molac. …et plus on a l’occasion de s’ouvrir l’esprit. Je rappelle que les classes bilingues où l’on enseigne les langues régionales sont celles où le niveau de français est le meilleur.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Paul Molac. Cela prouve que le schéma des vases communicants ne s’applique pas : quand on apprend une autre langue, on n’oublie pas celles que l’on connaît déjà. Bien au contraire, les langues se confortent l’une l’autre, car ce que l’on apprend dans une langue peut être transposé par la suite dans une autre si celle-ci obéit aux mêmes mécanismes. Par exemple, il existe en gallo – l’une de mes langues d’origine – une forme progressive du verbe être ; au lieu de m’expliquer que l’anglais fonctionnait exactement de la même manière, ce qui m’aurait permis de comprendre tout de suite, mon professeur de sixième m’a appris la conjugaison anglaise différemment, et j’ai mis un certain temps à comprendre. Ce n’est donc pas compliqué : ce que l’on apprend dans une langue sert au cours de l’apprentissage des autres.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. Jacques Myard. Je ne suis pas d’accord !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Vous le voyez, ce sujet mérite quelques échanges car nous ne sommes pas tous d’accord. Je suis un peu surpris par l’amendement de Mme Bechtel, qui a passé du temps à Strasbourg et a dû voir que nous avons développé sur le territoire alsacien un certain nombre de classes bilingues dès la maternelle, ce qui produit d’excellents résultats. Il en est de même en Bretagne. Cette fois-ci, nous sommes sur la même ligne que le Gouvernement, car les résultats montrent que l’apprentissage précoce des langues étrangères est positif.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je veux vous faire part de mes doutes sur ce sujet.

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Annie Genevard. Certes, je souscris à un certain nombre d’arguments qui viennent d’être exposés, par sympathie pour mes collègues alsaciens et parce que je connais la vitalité de la langue alsacienne…

M. Jacques Myard. Quelle langue ? Le schwäbisch ?

Mme Annie Genevard. …et de la langue bretonne : je ne doute pas que l’apprentissage de ces langues puisse être bénéfique pour les petits Alsaciens et les petits Bretons. Cependant, je vois aussi que dans les communautés d’origine étrangère, l’absence de maîtrise de la langue française par les parents…

M. Jacques Myard. Eh voilà !

Mme Annie Genevard. …et la difficulté de maîtrise de cette langue par les enfants sont des facteurs qui empêchent le progrès. La maîtrise de la langue française est un prérequis indispensable de la réussite scolaire ultérieure.

Mme Brigitte Bourguignon. L’un n’empêche pas l’autre !

Mme Annie Genevard. Je ne vous cache pas mes doutes. Je ne peux pas affirmer que la réflexion exposée dans l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Bechtel est totalement infondée.

M. Jacques Myard. Elle a raison !

Mme Annie Genevard. Sur ce point capital, je suggère, monsieur le ministre…

M. Jacques Myard. Un rapport au Parlement ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, je ne vous résume pas mon argumentation : vous l’avez entendue, n’est-ce pas ? Je vous prends en flagrant délit : il m’a semblé que vous n’écoutiez pas beaucoup ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Élève, écoute !

M. le président. Madame Genevard, plusieurs orateurs doivent encore s’exprimer. Pouvez-vous aller au bout de votre explication ?

Mme Annie Genevard. Juste une chose, monsieur le ministre : si l’on met en place l’enseignement d’une langue étrangère dès le début de la scolarité obligatoire, il faut en évaluer très précisément les conséquences potentielles sur le déroulement de la scolarité des enfants.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous sommes favorables à la rédaction du texte tel qu’il est présenté.

En premier lieu, l’enseignement d’une langue étrangère dès le cours préparatoire est déjà assez largement répandu sur l’ensemble du territoire national : l’objectif du projet de loi est de le généraliser et de le rendre obligatoire, ce qui semble une bonne chose.

De plus, nous sommes les derniers de la classe européenne en la matière. Cette situation est un peu gênante et montre bien que notre système comporte deux ou trois choses qui ne fonctionnent pas, et auxquelles il convient de remédier.

Enfin, je crois me souvenir qu’il est même prévu, dans le socle actuel de connaissances et de compétences, la possibilité d’une initiation aux langues étrangères dès l’école maternelle.

Il est donc indispensable d’aller dans cette voie. Malgré les difficultés, nous sommes susceptibles d’obtenir au moins de meilleurs résultats que ceux des élèves français aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Je veux revenir sur les propos tenus par M. Myard : je ne peux pas les laisser passer.

M. Jacques Myard. Ah ! Cela me fait plaisir !

Mme Sandrine Doucet. D’une part, les fréquentations que vous revendiquez comme méthode d’apprentissage de la langue sont assez péjoratives : je trouve vos propos extrêmement déplacés, notamment à l’égard des femmes.

D’autre part, monsieur Myard, avec de tels propos, je ne vois vraiment pas pourquoi, alors que vous êtes membre de la commission des affaires européennes, vous ne proposeriez pas d’appliquer aussi cette méthode à la mobilité et à l’apprentissage tout au long de la vie.

M. Jacques Myard. C’est nul !

Mme Sandrine Doucet. Vous auriez permis une économie de 19 milliards d’euros sur le budget de l’Union européenne, qui consacrera cette somme, entre 2014 et 2020, à la mobilité des étudiants et des enseignants, lesquels partiront à l’étranger pour apprendre les langues d’autres pays et renforcer ensuite l’enseignement de celles-ci dans le système scolaire français.

M. Jacques Myard. Amen ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Jacques Vlody.

M. Jean Jacques Vlody. Certains propos peuvent surprendre, et même choquer. Madame Genevard, votre collègue Patrick Hetzel pourrait aussi être blessé lorsque l’on compare des langues régionales aux langues étrangères parlées par des populations d’origine étrangère qui arrivent en France. Il faut mettre un sens sur les mots : il est particulièrement outrageant et blessant de paraître assimiler des langues régionales de France à des langues étrangères.

Mme Annie Genevard. Oh !

M. Jean Jacques Vlody. Dans l’histoire de nos populations, il existe une réalité linguistique. Cette richesse linguistique doit être reconnue. Elle l’est par la reconnaissance des langues et cultures régionales, mais elle ne l’est pas toujours en matière de pédagogie. La mise en place de classes bilingues langue régionale – langue française dès la maternelle est un moyen de mieux appréhender et de mieux maîtriser le français.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Jean Jacques Vlody. À La Réunion, des classes passerelles sont mises en place dès trois ans, donc dès la maternelle. Dans toutes les classes où est dispensé un enseignement bilingue français-créole bien identifié et différencié, l’apprentissage du français par les enfants est plus rapide et plus efficace que lorsque les deux langues ne sont pas distinguées.

Apprendre les langues étrangères dès le plus jeune âge constitue donc une richesse. L’enseignement des langues régionales dès les premières années de l’école est une source de réussite pour l’ensemble des élèves qui vivent sur ces territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

(L’amendement n° 1393 n’est pas adopté.)

M. le président. Le Gouvernement a retiré l’amendement n° 1481.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1459.

M. Vincent Peillon, ministre. Je justifie d’abord le retrait de l’amendement n° 1481. J’ai écouté les interventions des uns et des autres. L’amendement du Gouvernement consistait à retirer, par rapport à la proposition de M. Molac et de Mmes Pompili et Attard, la mention de l’enseignement bilingue en français et en langue régionale dès la maternelle, ce qui aurait été une erreur. Je vois bien que nous sommes tous d’accord pour conserver cette mention dans le texte de loi, ce qui m’a amené à retirer l’amendement.

L’amendement n° 1459 vise à substituer aux deux dernières phrases de l’alinéa 97 la phrase suivante : « Cette éducation, de nature pluridisciplinaire, ne se restreint pas à un enseignement magistral et peut inclure des expériences concrètes. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Quelques mots sur ces amendements : je voulais justement intervenir sur celui que le Gouvernement a retiré. Je confirme que l’enseignement précoce des langues régionales – et en l’occurrence, dans ce projet de loi, d’une langue étrangère – donne de très bons résultats. Lorsque j’ai travaillé sur ce texte, monsieur le ministre, j’ai écrit « très bien » en marge de l’alinéa 92. (Sourires.)

Mme Sophie Rohfritsch. En vert !

M. Frédéric Reiss. Oui, en vert ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Élève Peillon : très bien !

M. Frédéric Reiss. Il faut que l’apprentissage de la langue régionale soit favorisé, et que le bilinguisme soit encouragé dès la maternelle. En Alsace, les résultats obtenus dans certains lycées sont tout à fait remarquables, notamment dans les sections « Abibac » où les élèves ont une double culture. Ces enfants sont véritablement armés pour réussir leurs études. C’est pourquoi un apprentissage précoce des langues étrangères n’est pas du tout contradictoire avec un bon apprentissage du français, comme certains veulent le laisser entendre.

M. Jacques Myard. Je ne suis pas d’accord !

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. J’irai dans le même sens. Je conseille aux collègues réticents à l’apprentissage des langues régionales ou des langues étrangères dès le plus jeune âge de lire les travaux de Claude Hagège : vous verrez que cet apprentissage précoce ne fatigue pas, bien au contraire. De plus, dans les sections bilingues, les résultats sont meilleurs en français mais aussi en mathématiques.

(L’amendement n° 1459 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 911.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n° 911, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n° 125.

Mme Barbara Pompili. L’amendement vise à soutenir la politique de relance des cycles et à renforcer l’esprit de la loi en ce domaine en affichant clairement que les cycles permettent de créer des parcours différenciés en fonction des besoins de chaque élève. C’était la logique de la politique de Lionel Jospin. Le décret du 8 septembre 1990 indiquait que « les dispositions pédagogiques mises en œuvre dans chaque cycle doivent prendre en compte les difficultés propres et les rythmes d’apprentissage de chaque enfant et peuvent donner lieu à une répartition par le maître ou par l’équipe pédagogique des élèves en groupes ».

Pourtant, si l’on observe la réalité des pratiques, on constate que cette possibilité de circulation des enfants d’une classe à l’autre en fonction de leurs rythmes d’apprentissage est très rare. Il faut cependant proposer des parcours adaptés au rythme des apprentissages des élèves. C’est un gage de réussite éducative. Je n’ose dire qu’il faudrait s’inspirer de nos voisins, notamment finlandais.

L’amendement correspond tout à fait à l’esprit de cette loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. En commission, j’avais fait valoir à Mme Pompili que la circulation à l’intérieur d’un cycle est le principe même du cycle. Je ne vois donc pas ce que son amendement apporterait de plus. L’objectif de la loi de 1989 était bien d’adapter le mieux possible les rythmes d’apprentissage aux rythmes de l’enfant. C’est le principe même du cycle. Une nouvelle fois et je vous prie de m’excuser d’être un peu répétitif, voire insistant, je vous demande de retirer votre amendement, car il est satisfait par l’existence des cycles et la réaffirmation dans la loi de l’engagement à faire appliquer les cycles.

M. le président.Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Pompili ?

Mme Barbara Pompili. J’hésite, monsieur le rapporteur.

Il y a une différence entre le texte d’une loi et son application. En effet, les cycles ont été mis en place il y a un certain temps déjà, mais ils ne fonctionnent pas. Peut-être n’avons-nous pas été assez clairs et n’avons-nous pas suffisamment expliqué ce que devait être un cycle car il faut bien constater que la mobilité n’existe quasiment pas aujourd’hui.

Je veux bien retirer mon amendement en signe de bonne volonté majoritaire, mais il faudra avancer sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Durand, rapporteur. Il appartiendra au comité de suivi, dont nous voterons la création à l’article 60, d’apprécier la réalité de l’application des cycles, ainsi que de la loi tout entière.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Vous êtes, madame Pompili, une élue citadine. Moi qui suis dans un département rural avec beaucoup d’école à deux et trois classes, je puis vous dire que les cycles ont existé bien avant leur formalisation. Beaucoup d’enfants circulent d’une classe à l’autre, d’un cycle à l’autre – certains ont un ou deux ans d’avance – et cela se passe très bien. Mais il faut reconnaître que c’est difficilement applicable en ville.

(L’amendement n° 125 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 423.

M. Benoist Apparu. Je propose par cet amendement de produire un rapport sur la création des établissements publics locaux d’enseignement du socle commun. Je connais par avance la réponse du rapporteur qui ne veut entendre parler de rapport (Sourires), mais chacun aura compris qu’il ne s’agit que d’un biais pour éviter le couperet de l’article 40 qui aurait rendu l’amendement irrecevable.

L’idée est d’instaurer un débat sur les écoles du socle commun de connaissances. C’est la suite logique de la liaison CM2-sixième que vous voulez créer, monsieur le ministre. Dès lors autant inscrire dans la loi l’objectif d’aboutir, à terme, à l’école du socle commun.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. M. Apparu a parfaitement anticipé ma réponse ! Je donne un avis défavorable pour les raisons qu’il a lui-même évoquées. Le comité de suivi rend ce rapport inutile.

M. Benoist Apparu. Non !

M. Yves Durand, rapporteur. Je suggère donc que vous retiriez l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Produire un rapport sur une école que nous n’avons pas créée dans la loi posera quelques difficultés… On voit bien quelle était l’arrière-pensée de M. Apparu. Je rends hommage à sa constance, mais émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Là encore, on réinvente quelque chose qui existait : la liaison CM2-sixième fonctionnait bien dans certaines régions…

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Pas partout !

M. Alain Marc. …et je vous conseille de vous en inspirer pour les futurs conseils.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Le Gouvernement prend acte d’un constat très largement partagé. Vingt-cinq ans après leur instauration, les cycles ne sont pas, hélas, devenus réalité dans la pratique concrète des enseignants dans les écoles de la République.

Le directeur général de l’enseignement a, lors de son audition, indiqué qu’il convenait à la fois d’améliorer l’accompagnement des enseignants, l’explication des cycles aux enseignants de façon qu’ils intègrent cette notion dans leur pratique concrète. Voilà où nous en sommes à propos des cycles : vingt-cinq ans d’échec pour une réforme aussi fondamentale, c’est proprement hallucinant ! Les gouvernements successifs portent chacun leur part de responsabilité. Bref, le constat est unanime.

Pour ma part, je souhaite que le rapport annuel réalisé par le biais du comité de suivi fasse mention des initiatives nouvelles prises par le Gouvernement pour permettre aux cycles de se traduire concrètement dans la pratique de l’enseignement dans nos écoles, ainsi que les obstacles ou les progrès constatés. La représentation nationale doit avoir un droit de regard sur ce qui constitue pour une part, avec le socle et les programmes, la colonne vertébrale de notre enseignement.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Les cycles scolaires existent en effet depuis 1989, mais leur mise en œuvre est loin d’avoir été généralisée. Le blocage est en partie dû au maintien de la programmation annuelle. Des compétences et des objectifs attendus à la fin du CP, du CE1 et du CE2 n’étaient pas atteints. Revoir de manière progressive les attendus sur l’ensemble du cycle serait une manière de réhabiliter les cycles.

(L’amendement n° 423 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n° 1395.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je ne suis pas persuadée qu’il faille poursuivre de façon progressive – et, en réalité drastique – la réduction du redoublement. Chaque intervenant, chaque spécialiste peut avoir une idée différente sur l’efficacité du redoublement.

Si le redoublement n’est pas garant de réussite à tous les coups, il est tout de même une deuxième chance offerte à certains élèves de consolider leurs bases avant de passer en classe supérieure, notamment à l’école primaire. Il doit donc continuer à être proposé aux élèves en grande difficulté.

À défaut de supprimer l’alinéa 102, peut-être pourrait-on au moins ajouter une précision en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable à l’amendement et favorable au maintien de l’alinéa 102. Au demeurant, il ne s’agit pas de supprimer le redoublement qui, dans un certain nombre de cas, peut être efficace. Toutes les études et les comparaisons avec des pays où le système éducatif fonctionne bien démontrent que le redoublement, en dehors du fait qu’il est coûteux, est inefficace, sauf dans des cas exceptionnels. On ne l’interdit pas, on demande sa réduction progressive.

Par ailleurs, les cycles d’apprentissage permettent, par la progressivité et le respect des rythmes individuels de chaque élève d’éviter le redoublement lequel ne doit pas devenir une règle normale de pédagogie. Tel est l’esprit de l’alinéa 102 que la commission a souhaité maintenir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Puisque la bonne humeur a gagné cette assemblée,…

M. Benoist Apparu. Elle ne l’a jamais quittée ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. On a toujours travaillé dans la bonne humeur !

M. Vincent Peillon, ministre. ...je rappellerai que, depuis la loi de 2005 et l’introduction d’une langue étrangère dès le CE1, les dernières études émanant de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance montrent, en dépit de la position encore très difficile de la France, que nous avons fait des progrès. Nos propositions visent donc à amplifier un mouvement qui avait commencé.

Si j’évoque ce point, c’est qu’il en est de même pour les redoublements. L’évolution suivie depuis une dizaine d’années montre que nous allons dans la bonne direction. Il faut poursuivre sans engager, comme à propos de la notation, de faux débats. Le redoublement peut être utile dans un certain nombre de cas, mais il est trop fréquent aujourd’hui. Nous devons continuer à en diminuer le nombre.

Je suis totalement favorable à un suivi annuel visant à fournir au Parlement toutes les données nécessaires concernant les cycles – car cela commence à bien faire – et le socle. Si, à l’issue de notre travail législatif, nous sommes incapables de mettre en place une réelle politique des cycles et du socle, nous aurons échoué sur l’essentiel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. La discussion sur l’alinéa 102 est extrêmement intéressante. L’approche de la question du redoublement n’est pas toujours satisfaisante, et Mme Bechtel prétend même qu’il pourrait être une solution. Cela montre en tout cas que l’alinéa est mal rédigé. Si l’on peut être pleinement d’accord avec sa première partie, sur la préconisation de poursuivre la réduction progressive du nombre de redoublements, on doit en revanche être plus dubitatif sur la seconde, selon laquelle l’efficacité pédagogique du redoublement n’est pas probante. Dans certains cas, le redoublement peut tout de même être une solution. Il faudrait peut-être arriver à une rédaction plus nuancée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Dans la mesure où, comme vient de le dire M. le ministre, le redoublement n’est pas supprimé et où, dans certains cas, il est reconnu qu’il peut être utile, je veux bien retirer mon amendement. Mais j’aurais été pleinement satisfaite si l’on complétait l’alinéa 102 en insérant, après les mots : « il convient de poursuivre la réduction progressive du nombre de redoublements », les mots : « notamment dans le cadre de la mise en place effective des cycles, » Cette rédaction aurait été plus heureuse.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous sommes favorables à la rédaction du texte issu des travaux de la commission. Le redoublement est en effet une pratique coûteuse – environ 2,4 milliards d’euros – pour une efficacité pédagogique extrêmement relative si l’on considère qu’un redoublement sur quatre présente, dans le meilleur des cas, une certaine efficacité.

L’histoire du redoublement à la française est l’illustration ou plutôt la caricature de notre incapacité à traiter de la difficulté scolaire autrement qu’en maintenant les élèves dans la classe où ils n’ont pas réussi à acquérir l’ensemble des compétences et des connaissances requises.

Nous devons donc faire un effort. La loi Fillon a engagé la France dans cette voie. Que nous poursuivions dans cette direction est une bonne chose.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Durant les longues années où j’ai été professeur, j’ai pu constater qu’il y avait de moins en moins de redoublements. On s’est aperçu à un moment donné que les élèves qui redoublaient avaient des résultats aussi mauvais la deuxième année que la première. Nous nous sommes dit entre nous que ce n’était pas la bonne solution pour un certain nombre d’entre eux.

Dans certains cas très particuliers, quand il y a d’autres problèmes que celui du niveau scolaire, le redoublement peut éventuellement être une arme, mais à laquelle il faut recourir avec une grande parcimonie.

M. Jacques Myard. Et à bon escient !

(L’amendement n° 1395 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1146.

Mme Annie Genevard. Sur cette question du redoublement, je voudrais vous faire partager quelques réflexions.

Si l’on peut considérer que le redoublement n’est pas forcément une réponse univoque aux problèmes rencontrés par un élève, on ne peut pas non plus partir du principe que l’objectif est de le réduire jusqu’à extinction.

On ne peut concilier à la fois la réduction forte du redoublement, l’interdiction de l’accès au dispositif d’initiation aux métiers en alternance à la fin de la quatrième et la volonté de donner à chaque élève l’accès à la maîtrise du socle : ce sont des objectifs qui ne peuvent se combiner.

La proposition que je veux vous faire vise à enrichir l’alinéa 102 en ajoutant, après les mots : « il convient de poursuivre la réduction progressive du nombre de redoublements », les mots : « par une individualisation des méthodes d’enseignement et un accompagnement personnalisé de l’élève. La formation initiale et continue des maîtres doit consacrer à cet objectif prioritaire une large part ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Mme Annie Genevard. C’est dommage !

M. Yves Durand, rapporteur. Vous avez le droit de trouver cela dommage, mais je ne vois pas ce que votre amendement ajoute par rapport à ce qui est déjà dit dans l’alinéa 102. Au mieux, il est redondant.

(L’amendement n° 1146, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 974.

M. Xavier Breton. Dans la droite ligne de l’amendement défendu par Mme Genevard, nous souhaitons ajouter à l’alinéa 102 la phrase suivante : « Cette réduction ne doit pas répondre à des objectifs purement quantitatifs mais doit traduire l’amélioration des résultats obtenus par un enseignement plus personnalisé. »

Cet amendement apporte bien une valeur ajoutée. Il insiste sur le fait que la réduction des redoublements ne doit pas seulement répondre à des objectifs budgétaires, mis en avant dans la rédaction actuelle où il est indiqué qu’il s’agit d’une « pratique coûteuse ». Il faut aussi que cette réduction soit le résultat de la mise en place d’un enseignement plus personnalisé.

Outre l’aspect quantitatif, qu’il faut prendre en compte, nous insistons sur l’aspect qualitatif. La diminution des redoublements doit être non pas un objectif en soi, que l’on poursuivrait coûte que coûte, mais le résultat d’une action éducative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. C’est là une excellente idée, monsieur Breton. Elle sous-tend d’ailleurs l’alinéa 103 que je vous lis : « Tout au long de leur parcours, de la maternelle à la fin du collège, les élèves doivent recevoir les aides nécessaires à la réussite de leur scolarité et à la validation du socle, notamment dans le cadre des projets personnalisés de réussite éducative. » Comme quoi les grands esprits se rencontrent…

M. Vincent Peillon, ministre. Cela vaut aussi pour votre amendement, madame Genevard !

M. Yves Durand, rapporteur. Votre amendement est donc pleinement satisfait. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Breton ?

M. Xavier Breton. Pour ne pas vous obliger à voter contre, je vais le retirer. Je note toutefois qu’il s’agit de deux alinéas différents qu’aucun terme de liaison, tel « c’est pourquoi », ne vient articuler. Je comprends toutefois qu’il faut bien y voir une articulation logique.

(L’amendement n° 974 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, pour soutenir l’amendement n° 1323.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Nous débattons du redoublement depuis un moment et nous voyons bien que les positions ne sont pas nettement tranchées, ni d’un côté ni de l’autre.

Cet amendement a pour but de rendre exceptionnel le redoublement d’une année scolaire.

Parmi les diverses enquêtes menées sur la pratique du redoublement, l’enquête PISA 2009 a souligné la situation exceptionnelle de la France : 38 % des élèves de quinze ans qui ont fait l’objet du test ont redoublé au moins une fois dans leur scolarité, contre 15 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Le redoublement n’est pas gage de bons résultats. Je ne dis pas que c’est le redoublement qui conduit à ces résultats, mais force est de constater qu’il ne contribue pas à les améliorer. Ce n’est donc pas le meilleur des leviers à actionner.

En outre, il a un coût : l’un de nos collègues a rappelé tout à l’heure qu’il s’élevait à plus de 2 milliards d’euros.

Par ailleurs, il faut noter aussi que le redoublement frappe plus fortement les élèves issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées.

Rappelons enfin que seuls 25 % des élèves qui ont redoublé une fois en primaire atteignent le baccalauréat.

Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il y a une progressivité des acquis attendus à la fin d’un cycle. Le redoublement d’une année scolaire doit être une exception sans pour autant être interdit car certain élèves ont besoin de reprendre leur année scolaire, par exemple, s’ils ont été absents pour cause de maladie. L’allongement du cycle paraît plus pertinent.

Il faut prendre en compte aussi les problèmes de maturité. L’ancienne institutrice que je suis a déjà constaté à plusieurs reprises que des élèves que l’on quitte à la fin du mois de juin ont parfois un déclic au mois de juillet ou au mois d’août, tout simplement parce qu’ils ont pris de l’âge. S’ils se retrouvent en dehors de la classe qu’ils suivent parfois depuis la maternelle, cela crée une rupture sociale et une stigmatisation. Cela n’est pas le meilleur levier de réussite, les différentes études le prouvent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Cet amendement précise fort opportunément l’alinéa 102. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Favorable également.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Une simple précision : le terme « redoublant » est impropre. On devrait parler de « doublant ».

M. Jacques Myard. Oui, sinon ça fait quatre fois dans la même classe !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Cet amendement rend encore plus difficile l’hypothèse du redoublement. Dans votre exposé sommaire, vous signalez, madame Dufour-Tonini, la souffrance des enfants qui redoublent et qui perdent l’estime d’eux-mêmes. On peut entendre cet argument, mais je voudrais mettre cette souffrance en regard de celle de ces jeunes qui, sans avoir redoublé, se trouvent en décrochage scolaire. C’est une souffrance au moins aussi grande. Il faut être en mesure d’y répondre.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Ce n’est pas le redoublement qui peut y répondre !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Naturellement, nous soutenons cet excellent amendement qui va parfaitement dans le sens de la loi.

Je répondrai à Mme Genevard que, si le redoublement était rendu exceptionnel, cela entraînerait mécaniquement des évolutions dans les pratiques pédagogiques. On ne pourrait plus reporter les problèmes en faisant stagner un élève à un niveau donné et on serait obligé de l’accompagner dans les classes supérieures, ce qui aboutirait à repenser le fonctionnement scolaire en classe. Voilà qui participe tout à fait de l’esprit des cycles dont nous avons parlé.

(L’amendement n° 1323 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 481.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Défavorable. Cet amendement ouvre la possibilité de substituer les classes de découverte à la réforme des rythmes éducatifs, qui est d’une tout autre ampleur.

(L’amendement n° 481, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 585, 688, 1147, 1 203.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour défendre l’amendement n° 585.

M. Frédéric Reiss. Nous estimons que le cycle des apprentissages fondamentaux prévu dans la loi de 1989 avait tout son sens. Pour l’apprentissage de la lecture, par exemple, certains élèves sont prêts dès la grande section de maternelle quand d’autres sont prêts un peu plus tard, au cours préparatoire. Créer un cycle unique séparé pour l’école maternelle nous paraît poser problème : cela risque de la recroqueviller sur elle-même.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour défendre l’amendement n° 688.

M. Patrick Hetzel. Nous considérons qu’il doit exister une continuité, une fluidité entre école maternelle et école primaire. Il ne faut pas créer de rupture entre elles, non plus qu’entre primaire et collège. D’où notre proposition de supprimer l’alinéa 106.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1147.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 1203.

M. Xavier Breton. Nous savons qu’il existe d’importants effets de coupure. Ce projet de loi cherche à les atténuer entre l’école primaire et le collège, mais, dans le même temps, il en rétablit une entre l’école maternelle et l’école primaire, ce qui nous paraît particulièrement dommageable. Car, que va-t-on faire dans dix ans ? Une nouvelle politique pour essayer d’atténuer cette coupure !

Existe en outre le risque de voir l’école maternelle se replier sur elle-même. Nous savons qu’il y a, entre la grande section et le cours préparatoire, un stade particulier dans l’éveil des enfants. Or la coupure qu’institue le projet est susceptible d’aboutir à des pratiques pédagogiques différentes selon les écoles.

Il me paraît contradictoire de vouloir, d’une part, instaurer un cycle à cheval entre l’école primaire et le collège et, d’autre part, supprimer celui qui existait entre l’école maternelle et l’école primaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Ces amendements posent une vraie question.

La loi de 1989, dite loi Jospin, a établi un cycle à cheval entre la classe de grande section de maternelle et le CP. Je vois que vous considérez maintenant qu’il s’agissait d’une idée pertinente. Mais le fruit de l’expérience nous a montré que l’école maternelle devenait de ce fait une sorte de préparation à l’école élémentaire.

M. Jacques Myard. Une propédeutique !

M. Yves Durand, rapporteur. Une propédeutique, en effet. Pour être un peu caricatural, certains parents considéraient que leur enfant pouvait se préparer à Polytechnique dès la grande section de maternelle, ce qui constitue un dévoiement par rapport à la fonction que doit remplir l’école maternelle. C’est, rappelons-le, une école de l’éveil, de la sensibilisation au langage oral, au vivre-ensemble. Chacun connaît l’importance de l’école maternelle en tant que telle. Elle constitue l’un des éléments de notre système scolaire que beaucoup de pays nous envient.

Forts de cette expérience, nous avons voulu établir dans la loi que l’école maternelle, loin de se replier sur elle-même, devait préparer à l’école élémentaire, non de manière purement scolaire, mais par la sensibilisation au vivre-ensemble, à l’art et au langage oral. Il ne s’agit pas de créer une coupure comme c’était le cas entre la CM2 à la sixième malgré la continuité de l’obligation scolaire mais de rassembler toutes les conditions pour que l’école maternelle conserve sa spécificité.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Les interrogations des députés de l’opposition sont parfaitement légitimes. En ces matières, il faut se montrer extrêmement prudent.

Nous sommes obligés de faire cela car les rapports de l’inspection générale, que vous avez sans doute lus, ont bien montré – je pense en particulier au rapport de Mme Bouysse – qu’il existait depuis quelques années une véritable dérive de l’école maternelle française qui est une école qui nous est enviée partout.

On a transformé l’école maternelle, et avec elle ses spécificités pédagogiques – rappelons que l’on avait interrompu toute formation spécifique pour les professeurs de maternelle. Vous qui parliez tant de pédagogie différenciée ces derniers temps, reconnaissez qu’il était difficile dans ces conditions de faire tourner ces ateliers en maternelle.

Nous avons fait le choix, que nous évaluerons dans quelque temps, de corriger les dérives actuelles de façon assez volontariste. Nous nous assurons que cela ne crée pas de rupture – mais ce sont les mêmes corps de professeurs qui interviennent, contrairement à ce qui se produit passage entre le CM2 et la sixième. Naturellement, il faudra voir ce que cela donnera dans le temps. Reste que les dérives constatées ces dernières années ont vraiment porté préjudice aux apprentissages des enfants et à l’identité spécifique de l’école maternelle.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. L’amendement que je présenterai dans un instant portera également sur cette rupture.

L’institutrice de maternelle que j’étais avant la création des cycles rencontrait finalement très peu les enseignants de l’école primaire, pourtant située juste à côté, de l’autre côté de la rue. Le fait d’avoir mis en place les cycles nous a effectivement obligés à mener une concertation pédagogique.

Toutefois, le rattachement de la grande section au cycle 2 mettait – peut-être devrais-je attendre un peu avant d’employer l’imparfait ! – la grande section de maternelle sur un pivot pas très confortable.

Beaucoup de dérives ont été constatées. Je sais que vous y êtes sensible, madame Genevard, vous qui avez parlé tout à l’heure de prérequis ; nous y reviendrons. Avant toute chose, la question importante porte sur la maîtrise de la langue orale par les élèves : elle est en effet nécessaire pour aborder sereinement la maîtrise de l’écrit. Or on « zappait » une année de maternelle en commençant très rapidement le passage à l’écrit : il est nécessaire de rendre à l’école maternelle toute sa raison d’être. L’école maternelle doit rester ce qu’elle est : une vraie école avec de la compétence et du contenu, et non, comme on a pu l’entendre, une école où l’on change les couches. Lui donner une entité, c’est très bien ; encore faut-il, et c’est le but de mon amendement n° 1324, maintenir une continuité dans les échanges. La rupture entre le CM2 et la sixième est d’une tout autre nature, car la sixième obéit à un fonctionnement particulier : l’élève passe d’un seul professeur à dix ou onze, cela sonne toutes les heures, il faut refaire son cartable et ne pas laisser ses affaires dans la case… La rupture est là très profonde, d’où la nécessité du cycle CM2-sixième. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. La vie n’est faite que de changements !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il est important de maintenir l’alinéa 106, parce que l’école maternelle a été fortement ballottée, entre une grande section vue comme un premier CP, où l’on aurait été content de voir arriver l’enfant sachant déjà lire et écrire, et une vision « jardin d’enfants » de la maternelle, où il suffirait de garder les enfants sans véritable travail d’enseignement.

Redéfinir l’école maternelle est un objectif extrêmement important pour en faire une école à part entière, avec ses propres missions ainsi qu’une formation pour ses enseignants correspondant à ces missions. D’autant que la maternelle est devenue dans les faits une école quasiment obligatoire, avec un taux de fréquentation qui frôle les 96 % ; j’espère du reste qu’elle relèvera un jour de la scolarité obligatoire. Il faut donc maintenir l’alinéa 106.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame Buffet, j’ai beaucoup trop de respect pour vous pour penser que vous croyez réellement tout ce que vous dites !

Nous savons, nous qui avons été enseignants – j’ai eu des classes uniques au début de ma carrière –, qu’il faut tout de même des prérequis. Mme Dufour-Tonini, qui était également enseignante, en a également parlé. Nous savons parfaitement les uns et les autres que pour bien aborder une année de CP, il faut notamment faire de l’épellation phonétique afin que les gamins sachent vraiment repérer des phonèmes avant de débuter le CP.

Je crains qu’en séparant d’un côté l’école maternelle et de l’autre le CP – à plus forte raison si deux ou trois maternelles alimentent une seule école primaire –, l’on ne constate des différences considérables et un affaiblissement du lien qui existait jusqu’alors.

J’ai dénoncé récemment le « pédagogisme » qui sévissait en la matière. J’ai moi aussi fait passer des examens à des professeurs en IUFM ; on apprenait à des enseignants à travailler sur l’écriture inventée à trois ans… C’est d’un ridicule achevé ! Convenez qu’il valait mieux passer directement aux vrais codes, quitte à attendre l’âge de quatre ou cinq ans peut-être. C’est ce que j’avais découvert en participant à un jury, où je n’avais pas manqué de m’étonner.

J’espère donc que l’on ne retrouvera pas de dérives de ce genre dans les nouvelles écoles que vous allez créer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. L’examen de cet amendement me donne l’opportunité d’indiquer que nous sommes réservés sur les modifications de cycles qui nous sont proposées, qu’elles concernent l’école maternelle ou le CM2 et le collège.

Cela constitue probablement une mauvaise réponse à un vrai problème, car la manière dont l’enseignement a évolué en grande section de maternelle n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre de la loi Jospin, qui avait instauré le cycle et défini sa progressivité.

Au lieu de modifier le cycle – nous verrons très rapidement que nous avons une capacité extraordinaire à ériger des murailles entre nos différents espaces scolaires –, on aurait dû modifier les pratiques des enseignants. On aurait pu maintenir le cycle, afin que la grande section ne soit plus un « petit CP » – je vous renvoie au rapport.

Concernant le cycle CM2-sixième, je suis encore plus réservé. Il suffit d’observer les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des cycles au sein même de l’école maternelle et de l’école primaire et comment cela se traduit dans la vie des classes : on imagine dès lors sans peine que le cycle entre un CM2 et une sixième, même inscrit dans la loi, n’aura qu’un caractère administratif et qu’il aura les plus grandes difficultés à s’inscrire véritablement dans les faits.

M. le président. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. L’alinéa 106 du rapport annexé lève une ambiguïté, qui tendait à faire de la dernière année de maternelle un petit CP.

Il faut se rendre à l’évidence : nos élèves ont des problèmes de lecture. Pourquoi ne pas leur donner réellement le temps pour apprendre à apprendre, c’est-à-dire les outils du langage et de l’écrit ? Trois ou quatre années de maternelle sont vraiment bénéfiques pour être tout à fait prêt à apprendre à lire : il faut laisser le temps au temps. Les pays où la réussite en lecture est la plus reconnue sont ceux où l’on apprend à lire tard, vers sept ans. Il faut donc vraiment maintenir cet alinéa 106 afin de donner à nos élèves tous les atouts pour apprendre à lire dans de bonnes conditions. Il faut également leur donner le goût et l’envie d’apprendre : laissons-leur le temps d’avoir envie !

(Les amendements identiques nos 585, 688, 1147 et 1203 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, pour soutenir l’amendement n° 1324.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Cet amendement porte toujours sur le même sujet : la nécessaire liaison entre l’école maternelle et l’école élémentaire. Il prévoit que les enseignants des grandes sections de maternelle et des cours préparatoires des écoles primaires de secteur continueront à se rencontrer de manière régulière, afin d’échanger sur les acquis des élèves, mais aussi sur les besoins spécifiques des élèves nécessitant des aménagements particuliers de leur scolarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Tout à fait favorable. Je rappelais tout à l’heure que si l’on recrée un cycle spécifique pour l’école maternelle, le but n’est pas de l’enfermer sur elle-même mais de permettre un passage harmonieux à l’école élémentaire.

Tel est l’objet de cet amendement ; l’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Favorable également. Je remercie l’ensemble des députés d’avoir pris acte de l’importance de nos propositions : nous voulons en effet accueillir les enfants de moins de trois ans, redonner à l’école maternelle son identité, éviter ces erreurs et ces souffrances aux enfants auxquels on voudrait inculquer divers apprentissages avant même que leur motricité fine soit développée, ce qui amène par la suite à les envoyer directement chez les thérapeutes !

Je pense que pour Pauline Kergomard et l’école maternelle française, qui nous est enviée jusqu’aux États-Unis, nous venons de faire quelque chose de très positif ; votre amendement, madame Dufour-Tonini, permet de compléter ce que nous avons élaboré ensemble.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je ne suis certainement pas contre ce qui vient d’être proposé, mais j’ai une question à vous poser, monsieur le ministre : pourquoi ne résolvez-vous pas ce problème en décidant que le professeur des écoles en dernière classe de maternelle accompagnera ses élèves en CP, avant de revenir ensuite en maternelle ? Vous auriez ainsi une liaison complète entre la fin de la maternelle et le début du CP. Après tout, la hussarde de la République qui m’a élevé travaillait dans le primaire et en maternelle, sans césure entre les deux. Faites cette liaison en jouant sur la mobilité des professeurs des écoles !

(L’amendement n° 1324 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 614 et 1000.

La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour soutenir l’amendement n° 614.

Mme Sophie Rohfritsch. L’amendement n° 614 a pour objet de ne pas faire de l’accueil des moins de trois ans une généralité, ni une fin en soi. Si l’on peut admettre que, dans certaines zones, dans certains cas, sous certaines conditions familiales et sociales, il soit absolument nécessaire que les enfants de moins de trois ans soient accueillis, pour qu’ils acquièrent tout à la fois les compétences linguistiques et une forme de socialisation, il est tout aussi important de prendre en compte les enfants qui pourraient bénéficier d’autres structures, à commencer par celles qu’ont mises en place les collectivités locales au titre de l’accueil périscolaire, et qui savent faire de la couture fine en proposent des activités particulièrement adaptées pour une tranche d’âge allant généralement de trois mois à trois ans.

Aussi le présent amendement propose-t-il de supprimer l’alinéa 108 du rapport annexe tel qu’il est actuellement rédigé, ce qui permettra la pleine application de l’article L. 113-1 du code de l’éducation qui, dans sa rédaction actuelle, est parfaitement suffisant, puisqu’il prévoit d’ores et déjà d’accueillir les enfants de moins de trois ans.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 1000.

M. Xavier Breton. La scolarisation des moins de trois ans peut effectivement être une chance pour certains enfants qui, du fait de leur milieu familial ou social, n’auront peut-être pas tous les atouts pour bien commencer leur parcours d’enseignement.

En revanche, vouloir fixer comme objectif à terme de la généraliser comme ce texte le sous-entend, voire l’affirme, ne nous semble pas être la bonne voie. La polémique se poursuit entre experts sur la question de savoir si la scolarisation des moins de trois ans est ou non une bonne chose : il n’y a aucun accord sur ce sujet, à moins de chercher à imposer une vision idéologique dans le but de retirer les enfants de leur milieu d’origine, notamment familial.

Développer l’accueil des enfants de moins de trois ans en maternelle est donc un objectif purement quantitatif, qui consiste uniquement à accroître le nombre d’enfants accueillis, alors qu’il devrait rester de nature qualitative, sachant que cela peut répondre à un véritable besoin.

Par ailleurs, l’alinéa 109 indique : « La scolarisation précoce d’un enfant de moins de trois ans est une chance pour lui et sa famille lorsqu’elle est organisée dans des conditions adaptées à ses besoins ». Or, cela ne vaut pas pour tous les enfants : cela peut être adapté et constituer une chance, mais on se rend compte que ce texte témoigne d’une vision quelque peu normative de la scolarisation des moins de trois ans. C’est là une question de fond : les dispositions actuelles du code de l’éducation permettent de prendre en compte cette chance que peut constituer la scolarisation des enfants de moins de trois ans lorsque l’environnement social est défavorisé. Mais aller vers la généralisation, comme vous le proposez, n’est pas souhaitable.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme Julie Sommaruga. Caricature !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La commission est totalement défavorable à ces amendements. Lorsqu’on lit honnêtement les études – et je sais que vous le faites – et que l’on regarde ce qui se passe dans les pays où le système est à la fois efficace et juste, on s’aperçoit que la scolarité précoce est l’un des éléments essentiels de la réussite des enfants.

M. Xavier Breton et M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Yves Durand, rapporteur. Constatez les faits…

M. Jacques Myard. Ce n’est pas démontré !

M. Yves Durand, rapporteur. …et ne tombez pas dans le débat idéologique ! La scolarisation précoce est une chance pour les enfants, notamment pour ceux issus des milieux les plus modestes.

M. Jacques Myard. C’est pour des raisons budgétaires !

M. Yves Durand, rapporteur. Le texte ne dit pas que la scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans sera généralisée, mais que c’est une chance notamment pour les enfants en difficulté.

Vous avez supprimé des postes dans l’école maternelle et en avez fait la variable d’ajustement…

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Durand, rapporteur. On en a vu les conséquences.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Après toutes les heures que nous passons ensemble, je me prends d’affection et d’amitié pour vous… (Sourires.) Mais là, je ne trouve pas votre argumentation honnête. Nulle part nous ne proposons la généralisation de la scolarisation des enfants de moins de trois ans ; nous précisons seulement que la scolarisation précoce doit être organisée dans des conditions adaptées aux besoins des enfants, parce que c’est une scolarisation particulière et qu’elle sera privilégiée là où il y a des besoins particuliers, donc pour les familles les plus défavorisées, dans les secteurs ruraux isolés et dans les départements et régions d’outre-mer – je vous renvoie à l’alinéa 111 du rapport annexé. Bien sûr, nous formerons les enseignants spécifiquement à cet accueil et même les personnels des collectivités compétentes, puisqu’elles doivent y participer.

Ce n’est donc pas du tout une volonté idéologique. Certains d’entre vous ont évoqué hier des dispositifs d’accueil précoce, comme le « Parler bambin ». Chacun sait que le bain linguistique, l’accueil dans des conditions optimum peuvent être utiles à un certain nombre d’enfants. En la matière, nos amis suédois sont en train de s’inspirer de ce que nous faisons ; et puisque vous lisez abondamment la presse dont vous citez quelques papiers parus cette semaine, vous savez qu’il n’y a pas de généralisation, pas de parti pris idéologique, mais beaucoup de précaution, car ces enfants sont très jeunes.

De deux choses l’une : ou bien vous assumez que vous être contre cet accueil précoce, ce que semblent prouver les politiques que vous avez soutenues ces dernières années, ou bien vous reconnaissez que ce dispositif comporte quelque utilité ; auquel cas, ne déformez pas notre propos. Il ne s’agit pas de généraliser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, et nos propositions en la matière sont assorties de nombreuses conditions.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous sommes défavorables à la généralisation de l’accueil des enfants de moins de trois ans de manière obligatoire dans les écoles de la République.

M. Michel Ménard. Ce n’est pas ce que le texte propose !

M. Philippe Gomes. Vous avez raison, mais laissez-moi le temps de finir !

En l’espèce, le texte me paraît correctement rédigé puisqu’il s’agit bien non d’une généralisation mais d’une augmentation de l’accueil des enfants de moins de trois ans. Il est spécifié dans quel cadre et vers quels milieux elle s’organise, à savoir les milieux socialement défavorisés, et qu’elle doit être conduite en partenariat avec les collectivités. Enfin, il est indiqué que les enseignants seront spécifiquement formés pour faciliter cet accueil, ce qui est prévu d’ailleurs pour une part dans le cadre des nouvelles écoles qui ont été prévues par la loi.

Il y a dix ans, les écoles accueillaient près de 30 % d’enfants de moins de trois ans, contre 10 % aujourd’hui. Oui, c’est un outil supplémentaire – mais ce ne sera pas la pierre philosophale – permettant de favoriser l’insertion et la réussite des enfants de familles défavorisées dans notre pays.

M. Rudy Salles. Vous voyez, il suffisait d’attendre la fin !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Les principes, on peut s’appuyer dessus jusqu’à ce qu’ils cassent, disait Clemenceau… Le problème, ce n’est pas la scolarisation des enfants de deux ans mais celle des enfants de deux à trois ans : il ne vous a pas échappé que tous les enfants ne sont pas nés le même jour ! La difficulté que nous rencontrons, c’est de faire entrer les enfants en maternelle à l’âge de deux ans et huit mois par exemple. S’il s’agit d’apporter de la souplesse, je ne le refuserai pas. Mais faisons attention : d’où viennent les résistances ? Tiennent très souvent du corps enseignant. Il va falloir de la pédagogie et procéder à des adaptations, ce qui peut se justifier dans certains cas.

Cela étant, si on m’avait dit à deux ans : « Mon gars, tu vas entrer à l’école et y rester jusqu’à vingt-cinq ou vingt-six ans », je crois que j’aurais été traumatisé pour le restant de ma vie ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Dans le département de l’Aveyron, la scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans est effective dans pratiquement toutes les écoles. Mais pour être en cohérence avec ce que vous dites, monsieur le ministre, encore faudra-t-il que ces enfants soient désormais comptabilisés pour la rentrée scolaire et la carte scolaire. Il faudra certainement l’inscrire, surtout lorsqu’il s’agit du milieu rural.

Mme Brigitte Bourguignon. On va y venir !

(Les amendements identiques n614 et 1000 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n° 1411.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement va dans le sens inverse de ceux que nous venons d’examiner.

L’accueil possible – et non obligatoire – des jeunes enfants à l’école dès l’âge de deux ans est un enjeu majeur. Il est tout sauf idéologique. Comme l’a fort bien dit le ministre, il s’agit de corriger les inégalités sociales de départ en éveillant l’enfant notamment au langage. Chacun sait que les inégalités de langage commencent très tôt, et que ce sont elles qui véhiculent ensuite les autres. Un élève qui traîne cette inégalité très tôt la traînera toute sa scolarité : c’est ce qui explique largement l’échec cumulé dans le primaire et répercuté au collège.

L’entrée précoce à l’école est bénéfique, notamment aux élèves issus de milieux défavorisés, car elle leur facilite l’accès aux livres et au langage.

Si cet objectif est tellement important, on ne peut éviter de se poser la question des inégalités qui subsistent lorsque les enfants ne sont pas accueillis alors qu’ils devraient l’être, tandis que d’autres le sont.

C’est pourquoi je propose que, lorsque les écoles ne sont pas en mesure d’accueillir des enfants qui en ont besoin, les crèches bénéficiant de subventions publiques prennent le relais et développent des programmes d’éveil au langage. Ce serait un moyen de rétablir une égalité entre les enfants. Je ne dis pas que cela résoudra tous les problèmes et je reconnais que cela en pose d’autres, mais nous avons pensé qu’il y avait là une piste de réflexion.

Bien entendu, cette obligation serait limitée aux crèches bénéficiant de fonds publics, car on ne peut donner aucune obligation aux crèches fonctionnant sur des fonds privés.

M. Jacques Myard. Il y aura donc une discrimination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Madame Bechtel, je comprends votre préoccupation, mais cette disposition ne relève pas de la loi. Il existe différentes sortes de crèches : des crèches associatives, des crèches gérées par des entreprises ou encore par des collectivités territoriales et notamment des communes, et nous sommes tenus de respecter le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Nous n’avons pas à leur imposer le fonctionnement de leurs crèches.

Mme Marie-Françoise Bechtel. La disposition que je propose ne vise pas à obliger les communes !

M. Yves Durand, rapporteur. Si, dès lors que vous l’inscrivez dans la loi.

Je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je sais que le système que je propose est perfectible, mais il ne s’agit pas de créer une obligation pour les communes, mais d’obliger les crèches bénéficiant de fonds publics à développer des programmes d’éveil au langage. Cela étant, je redonnais que ma proposition n’est pas totalement mûre ; j’ai seulement voulu appeler l’attention de l’Assemblée sur cette question et sur ce qui passe lorsque les inégalités vis-à-vis du langage subsistent, notamment dans des zones défavorisées.

Je retire donc l’amendement n° 1411.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Pichot.

Mme Sylvie Pichot. La crèche et l’école n’ont pas le même rôle. Pourquoi ne pas réfléchir au principe de complémentarité ? Il sera essentiel, dans la mise en place des classes de maternelle pour l’accueil des enfants de moins de trois ans, de réfléchir aux partenariats, à la complémentarité, au dialogue entre tous les interlocuteurs de la petite enfance.

(L’amendement n° 1411 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 652.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n° 652, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 425.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n° 425, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 653.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n° 653, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 918.

M. Xavier Breton. L’alinéa 118 du rapport annexé dispose : « Une attention particulière sera également portée aux territoires ruraux et de montagne. Lors de l’élaboration de la carte scolaire, les autorités académiques auront un devoir d’information et de concertation avec les exécutifs locaux des collectivités territoriales concernées ». Nous proposons que les autorités académiques « informent les exécutifs locaux concernés, deux ans avant les projets d’ouvertures ou de fermetures de classes du premier degré. À cette fin, les exécutifs locaux fournissent en temps utile aux autorités académiques les données relatives aux effectifs des écoles ».

Comme nous l’avons dit en commission, il s’agit d’intégrer les dispositions de la charte sur l’organisation de l’offre des services publics en milieu rural signée le 23 juin 2006, qui dispose que les autorités académiques informent les exécutifs locaux concernés deux ans avant les projets d’ouvertures ou de fermetures de classes du premier degré.

Les cartes scolaires sont en cours d’élaboration, ce qui pose un problème de prévisibilité. Des ouvertures ou des fermetures sont annoncées au dernier moment, avec parfois des effets de yo-yo d’une année sur l’autre. Mais si les prévisions doivent être indiquées par les autorités académiques, les exécutifs locaux de leur côté doivent fournir des données, notamment relatives à l’évolution de la population. On sait que les mouvements importants rendent la tâche difficile, mais chacun doit faire un effort.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Pichot, pour soutenir l’amendement n° 1328.

Mme Sylvie Pichot. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 1329.

M. le président. Je vous en prie.

Mme Sylvie Pichot. M. Breton a très bien expliqué le dispositif. La charte de 2006 préconisait de laisser du temps au temps, ce qui permettait une réelle concertation, une réflexion partagée en amont, c’est-à-dire deux ans avant les projets d’ouvertures ou de fermetures de classes. Ainsi, les exécutifs locaux, les collectivités territoriales, mais aussi les enseignants et les familles pouvaient être associés à la réflexion sur ce que deviendra l’école du territoire compte tenu de l’évolution des effectifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 918 et 1328. Même si la disposition proposée est juste dans sa préoccupation d’organisation du système éducatif en liaison avec les collectivités territoriales, elle est extrêmement contraignante et difficilement applicable.

En revanche, l’amendement n° 1329, qui procède du même esprit, propose que les exécutifs locaux fournissent en temps utile les données et non plus dans les deux ans. Cette mesure me paraît tout à fait acceptable. C’est pourquoi j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je ne veux pas allonger inutilement le débat, mais je ne suis pas sûr que nous nous comprenions bien. Cette rédaction va simplement imposer aux exécutifs locaux l’obligation de fournir des données, sans la contrepartie d’une pré-information sur les intentions d’ouverture ou de fermeture des classes. Déposez un sous-amendement, je suis d’accord, mais il faut que l’information aille dans les deux sens. On ne peut imposer par la loi aux exécutifs locaux l’obligation de faire remonter l’information sans obliger des autorités académiques au même effort de prévisibilité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. M. Breton a raison. En deuxième lecture, nous allons corriger la rédaction, de façon que le ministère ait l’obligation de prévenir à l’avance les exécutifs locaux. Je vous demande le retrait des amendements pour revoir ce point en deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je retire mon amendement

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Pichot.

Mme Sylvie Pichot. Je suis d’accord. Réfléchissons au principe d’anticipation, qui doit être le point de départ d’une réflexion partagée.

(Les amendements nos 918, 1328 et 1329 sont retirés.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour soutenir l’amendement n° 1366.

Mme Brigitte Bourguignon. Cet amendement vise, comme vous l’indique son exposé des motifs, à comptabiliser les enfants de moins de trois ans dans les effectifs des établissements scolaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cela va dans le sens de tout ce qui a été dit aujourd’hui, à savoir la nécessité de scolariser les moins de trois ans, notamment dans les zones défavorisées, mais aussi dans les zones rurales, largement pénalisées ces dernières années. L’accueil des moins de trois ans sera de nature à renforcer l’attractivité des territoires ruraux, victimes de la double peine, puisque l’on y est obligé de transporter plus loin ces enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. En l’état actuel de la rédaction, cet amendement pose un problème dans la mesure où il aboutirait à une généralisation…

M. Frédéric Reiss. Vous êtes embêté !

M. Yves Durand, rapporteur. …quand bien même la commission a donné un avis favorable. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Pour éviter une généralisation qui n’aurait pas de sens et répondre à votre préoccupation, je proposerais un avis favorable à la condition que votre rédaction soit complétée de la façon suivante : « Les enfants de moins de trois ans devront être comptabilisés dans les effectifs des écoles situées dans un environnement social défavorisé. » Il ne faut pas viser toutes les écoles, mais seulement celles qui en ont besoin. Cette formulation, dans le code de l’éducation, inclut les zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Je suis d’accord pour rectifier mon amendement de cette manière, à ceci près que cette rédaction figure d’ores et déjà dans le code de l’éducation et que de nombreuses académies n’en persistent pas moins à refuser de comptabiliser des enfants de moins de trois ans. C’est trop restrictif.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Inclut-on les zones rurales ? J’ai l’impression que non. Nous avons pourtant des zones de revitalisation rurale, et des efforts d’organisation considérables ont été faits, en matière de regroupement pédagogique par exemple, pour épouser la politique des cycles. Or il arrive effectivement que les enfants scolarisés de deux à trois ans n’y soient pas comptabilisés par les inspecteurs d’académie – les DASEN, comme on dit maintenant.

Monsieur le ministre, tout à l’heure, au moment où nous avons parlé de la carte scolaire, vous avez opiné du chef…

M. Vincent Peillon, ministre. Moi ? (Sourires.)

M. Alain Marc. Oui, vous avez opiné du chef quand j’ai suggéré de comptabiliser les enfants scolarisés de deux à trois ans. Je souhaite que la prise en considération de ces enfants dans les zones rurales soit désormais effective. Cela renforcera sans doute notre attractivité ou, à tout le moins, nous évitera de devenir demain les parents pauvres du système éducatif.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il faut se méfier de toute tentation de généralisation, mais aussi éviter de gonfler artificiellement les effectifs : or c’est un risque.

Je suis assez réticent sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans, mais ne pourrions-nous pas dire qu’ils « seront pris en compte dans la comptabilisation » ? Ce serait un élément d’appréciation, sans pour autant intégrer ces enfants dans les effectifs. C’est peut-être une solution intermédiaire : cela permettrait de prendre en compte ces enfants qui représentent effectivement une charge et qui peuvent aussi justifier le maintien d’une classe, sans pour autant inciter. Il faut trouver le juste milieu : peut-être pourrions-nous trouver une formule dans le cadre de la navette.

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Je souscris à la proposition de ma collègue Brigitte Bourguignon, comme à la rectification proposée par le ministre.

Deux articles du code de l’éducation prévoient d’ores et déjà, et depuis longtemps, que dans les zones défavorisées, la scolarisation des moins de trois ans est prioritaire. Or il m’est arrivé, il y a un peu plus d’un an, d’attaquer l’inspecteur d’académie au tribunal administratif parce qu’il supprimait dans ma ville, en zone urbaine sensible, une classe d’école maternelle, sans avoir comptabilisé les moins de trois ans. L’inspecteur d’académie a eu gain de cause contre moi au tribunal administratif, en alléguant que je n’avais pas démontré que dans cette zone urbaine sensible, les enfants pouvaient connaître des difficultés particulières.

Je crois qu’il s’agit surtout de volonté politique et d’état d’esprit. Or la volonté de l’actuel ministre de l’éducation nationale est tout autre que celle du précédent et j’ai parfaitement confiance en lui pour aller dans le bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il faut écarter l’argument du chiffrage artificiel : il y a un réel besoin de scolarisation des moins de trois ans, et ce besoin doit être reconnu et comptabilisé. Quand, dans un département comme la Seine-Saint-Denis, où les zones difficiles sont très nombreuses, on tombe à 1 % de scolarisation des moins de trois ans et qu’on veut ignorer cette demande parce qu’on n’a pas assez de maîtres, c’est un véritable problème. Peut-être faut-il en améliorer la rédaction, mais l’amendement de Mme Bourguignon a le mérite de porter cette exigence que ces enfants soient reconnus, comptabilisés et accueillis de façon correcte dans les classes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Je m’étonne que nous tournions ainsi en rond, parce que je suis tout à fait favorable à cet amendement, que j’ai proposé de sous-amender pour une seule raison : toucher en priorité, selon le code de l’éducation que je vous relis, « les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales et de montagne, et dans les départements, collectivités et territoires ultramarins ».

Nous avons trois mille postes, pas vingt-cinq mille : nous devons d’abord accueillir les enfants de moins de trois ans là où ils en ont le plus besoin. Nous reprenons donc bien votre amendement, rectifié, pour préciser cette exigence. Nous pouvons tous être d’accord sur ce point : il n’y a pas de généralisation, il y a bien des conditions qui, en dehors de celles d’ordre pédagogique que nous avons évoquées tout à l’heure, permettent de cibler les territoires où cette scolarisation est la plus utile.

Il est bien entendu que nous donnerons des instructions. Il arrive qu’elles ne soient pas toujours respectées. N’hésitez pas à nous faire signe – vous le faites, d’ailleurs.

M. le président. Je soumets donc à votre vote l’amendement n° 1366 tel qu’il vient d’être rectifié, et qui aurait la rédaction suivante : « Compléter l’alinéa 118 par la phrase suivante : “Les enfants de moins de trois ans devront être comptabilisés dans les effectifs des écoles situées dans un environnement social défavorisé.” »

(L’amendement n° 1366, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 975.

M. Xavier Breton. L’alinéa n° 119 indique que les spécificités des missions des RASED seront réexaminées et s’intégreront dans une logique de complémentarité avec l’ensemble des dispositifs. Nous sommes favorables à ce réexamen, mais après une évaluation. Depuis quinze ans, les RASED n’ont fait l’objet d’aucune évaluation, en tout cas aucune qui ait été rendue publique. Vous voulez les renforcer ou les repositionner, je vous en donne acte : le rapport que nous avions rédigé avec notre collègue Gérard Gaudron appelait à ce repositionnement et pas du tout à leur suppression, mais il faut un temps d’évaluation. Si vous nous indiquez que cette évaluation aura bien lieu, nous sommes prêts à retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Je crois me souvenir que M. le ministre, dans le débat de ce matin sur les RASED, a indiqué qu’il y avait une mission de l’inspection générale. Votre amendement est donc parfaitement satisfait. Vous proposez de le retirer : faites-le.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Je bois les paroles du rapporteur, comme toujours. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cette mission a-t-elle simplement pour objet de repositionner les RASED ou procède-t-elle vraiment à une évaluation ? C’est important. On n’a jamais fait le bilan des RASED, ce qui est à la source des polémiques que nous pouvons avoir sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Je réaffirme que les RASED ont leur utilité, je l’ai fait ce matin, mais j’ai demandé à l’inspection générale une évaluation, un état des lieux – les chiffres m’ont surpris moi-même – et des propositions sur un nouvel agencement. Bien entendu, comme tous les rapports, celui-ci sera rendu public.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 975 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement n° 507.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre, je me félicite de nouveau de vos paroles sur les RASED qui ont été confortés par les différents amendements adoptés. J’espère que cette évaluation nous permettra à la fois d’apprécier le travail effectué par les RASED et d’avancer dans l’harmonisation entre les différents dispositifs.

L’amendement n° 507 vise, dans la foulée de ce dont nous avons débattu ce matin, à conforter également la formation et l’accès aux compétences des personnels spécialisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. C’est tout à fait justifié, mais le comité de suivi qui va être instauré vous donne satisfaction. Un rapport supplémentaire ne me paraît pas utile. Vous pourriez donc retirer votre amendement.

Mme Marie-George Buffet. Je le retire.

(L’amendement n° 507 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 469.

M. Benoist Apparu. Il est défendu.

(L’amendement n° 469, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 973.

M. Xavier Breton. Cet amendement concerne les rythmes scolaires. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion sur l’article 47 du projet de loi, me semble-t-il. L’amendement est donc défendu.

(L’amendement n° 973, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques nos 976 et 1403.

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 976.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1403.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je ne voudrais pas faire durer le plaisir inutilement, mais les mots « après une concertation préalable » ne me paraissent pas d’une audace folle, d’autant que la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, on le voit bien, ne se fait pas d’une manière aussi fluide que certains l’auraient souhaité. On prévoit des concertations à tous les étages dans ce texte, ce qui est une bonne chose. Ce principe a d’ailleurs été posé à de nombreuses reprises, sur le sujet de l’école comme sur d’autres.

Cet amendement vise à donner un signe positif : la réforme qui a été engagée hoquette un peu et sa mise en œuvre doit s’étaler sur plusieurs années d’ici à la fin du quinquennat. Il faut donc soutenir ces amendements et j’espère que le Gouvernement va les accepter.

(Les amendements identiques nos 976 et 1403 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 978.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, vous avez bien conscience que, même si vous nous avez promis un peu d’argent, votre réforme posera de réels problèmes de mise en œuvre pour les collectivités territoriales. Il est vrai que vos prédécesseurs au ministère de l’éducation nationale ont concocté un certain nombre de textes, derrière les mêmes bureaux… À mon avis, il faudra un jour faire une enquête sur ces bureaux de l’éducation nationale qui nous pondent de beaux textes à longueur de temps. Et ensuite, aux collectivités de se débrouiller pour mettre cela en œuvre ! Croyez-moi, monsieur le ministre, vous vous êtes fait des copains dans le landerneau ! Sur ce point précis, cette réforme n’est pas simple et coûte de l’argent au contribuable à un moment où il y a du mécontentement et des blocages.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Monsieur Myard, le ministre de l’éducation nationale, qui a tant concerté avec les associations d’élus pendant des mois, qui les a tant écoutées, est très étonné de votre remarque. Peut-être aurait-il été plus simple, puisqu’il assume des fonctions non pas de maire, vous l’avez bien noté, mais de ministre de l’éducation nationale, de s’en tenir à ce qui relève de l’éducation nationale : accueillir les enfants trois heures le matin pour leur apprendre à lire, écrire, compter et un certain nombre d’autres choses.

M. Jacques Myard. Et l’anglais, et l’allemand…

M. Vincent Peillon, ministre. Mais comme nous sommes dans un temps avancé de la vie politique, où il faut se concerter sans cesse, nous avons énormément concerté avec l’ensemble des associations d’élus. Et qu’ont-elles demandé ? Le maximum de liberté pour organiser un temps périscolaire qui relève de leur libre administration. C’est ce que le décret, vu, revu et discuté avec les uns et les autres, a permis. On voit que, parfois, ceux qui demandent une liberté sont ensuite bien embarrassés pour l’exercer une fois qu’ils l’ont obtenue.

Pour ce qui concerne l’éducation nationale, domaine qui relève de ma responsabilité, ce gouvernement accorde la priorité budgétaire à l’école. Il met en œuvre ce que vous aviez recommandé dans l’intérêt des élèves sans oser le faire, c’est-à-dire rétablir l’école le mercredi matin, et il attend de vous beaucoup de bonne volonté et d’ingéniosité. Il vous a même laissé un certain délai de grâce jusqu’à 2014 ; profitez-en !

M. Jacques Myard. J’entends bien, mais cela ne suffit pas, puisqu’il faudra quand même payer à la sortie !

(L’amendement n° 978, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 980.

M. Xavier Breton. Je profite de la présentation de cet amendement pour préciser l’état d’esprit des précédents. J’ai en effet rédigé avec le rapporteur, sous la précédente législature, un rapport d’information sur les rythmes de vie scolaire qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous avions indiqué un certain nombre de conditions à nos yeux indispensables pour qu’une réforme des rythmes scolaires soit réussie : faire l’objet d’une concertation préalable – manifestement, celle-ci n’a pas été suffisante –, prévoir des délais indispensables à la réorganisation des activités et des services concernés – nous avions donc indiqué expressément de laisser du temps aux collectivités locales pour s’organiser –, mesurer les implications financières de la réforme envisagée, notamment pour les collectivités territoriales – cette évaluation n’a pas non plus été réalisée.

Par conséquent, nous sommes aujourd’hui face à une situation de blocage. Ces amendements visent donc à prévoir une concertation avant toute décision relative à la réforme des rythmes scolaires, la fixation de délais de mise en œuvre et un calcul des implications financières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. M. Breton me fait le plaisir de mentionner l’excellent rapport que nous avons rédigé ensemble dans un consensus parfait et qui a abouti à une conclusion très exactement identique à ce que le ministre propose pour aménager les rythmes scolaires. C’est d’ailleurs ce qui m’a conduit à dire à ce dernier, lorsque nous l’avons reçu en commission, que sur cette question il avait tout à fait légitimement l’unanimité de l’Assemblée nationale, ce qui apparaît à l’évidence en vous écoutant, cher collègue.

Quant aux trois conditions que nous avions émises ensemble dans notre rapport, elles me paraissent être remplies.

La concertation, mon cher collègue, existe depuis que nous avons publié notre rapport, depuis que le ministre de l’éducation nationale précédent a lancé, à la suite d’ailleurs de cette publication, une grande concertation nationale dont il est sorti très exactement la même conclusion. La seule différence entre le ministre actuel et son prédécesseur est que le premier applique les préconisations qui ont été émises à l’unanimité alors que le second avait repoussé leur application à une date ultérieure.

S’agissant de l’évaluation financière, elle constitue justement l’objet du fonds dont le principe figure dans le projet de loi.

Enfin, nous prévoyons également de laisser du temps aux collectivités territoriales, en particulier aux communes, pour s’organiser, puisqu’elles ont jusqu’à deux ans, si elles le souhaitent, pour le faire. Au demeurant, compte tenu des préconisations des différents rapports, dont le nôtre, mon cher collègue, beaucoup d’entre elles étaient passées à la semaine de quatre jours et demi avant même l’élection présidentielle ; c’est d’ailleurs le cas de la commune dont j’étais le maire il y a encore quelques semaines.

Les trois conditions que nous avons posées dans notre rapport étant parfaitement satisfaites, votre amendement l’est aussi. Il serait donc logique que vous le retiriez. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Monsieur le rapporteur, je suis loin de vous rejoindre sur ce constat : si la concertation préalable avait été menée, nous ne serions pas dans une telle situation de blocage, tant pour les collectivités locales que pour les parents d’élèves et les enseignants. Si les délais indispensables à la réorganisation des activités et des services concernés avaient été respectés, les collectivités locales ne seraient pas si nombreuses à repousser l’entrer en vigueur de la réforme à septembre 2014. Quand aux implications financières, elles ne sont toujours pas connues. Dans la ville de Bourg-en-Bresse, dont je suis le maire, nous avons voté un budget primitif sans connaître l’évaluation financière de cette mesure alors même qu’elle va être appliquée à la rentrée 2013.

On le voit bien, les conditions ne sont pas satisfaites ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce dossier se heurte à de grandes difficultés. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Nous soutenons cet amendement. Si la concertation sur la réforme des rythmes scolaires avait été véritablement approfondie, comme elle aurait dû l’être, avec l’ensemble des partenaires de l’école, on n’assisterait pas à une mise en œuvre aussi chaotique, comme c’est le cas depuis le début.

Les partenaires de l’école, ce sont tout d’abord les parents d’élèves, qui se sont organisés d’une certaine manière ces cinq dernières années. Pour les inciter à changer d’organisation et passer de la semaine de quatre jours à la semaine de quatre jours et demi, il faut les intégrer à la concertation et leur permettre de prendre les dispositions nécessaires.

Ce sont ensuite les enseignants, qui, nous l’avons constaté ici ou là lors d’un certain nombre de manifestations, n’ont pas été véritablement associés à la réforme. Ils ne paraissent en tous les cas pas convaincus de la nécessité d’une telle réorganisation. Or si les enseignants eux-mêmes considèrent qu’elle n’est pas pertinente, on aura quelque difficulté à la rendre efficace dans nos écoles.

Ce sont enfin, les collectivités locales : or, quoi qu’on dise sur le sujet, force est de constater que beaucoup de communes – et non des moindres, puisque de grandes villes de France, notamment de gauche, sont concernées – ont décidé de repousser ladite réforme, non pas aux calendes grecques mais à la rentrée 2014, après les élections municipales.

Par conséquent, rien n’a été réglé sur le sujet. C’est regrettable, car cette réforme est utile, nécessaire. Des politiques de nombreux bords s’accordent à son sujet, les pédagogues ont émis à plusieurs reprises un avis favorable à son propos et de nombreux pays dans le monde ont commencé de la mettre en œuvre. Hélas, vous savez comme moi que l’enfer est pavé de bonnes intentions et la manière dont cette réforme a été engagée n’est pas efficace. Cet amendement est donc tout à fait pertinent.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Je ne savais pas que notre collègue Gomes de Nouvelle-Calédonie s’intéressait à ce qui se passait dans les grandes villes, et c’est très bien.

M. Rudy Salles. Il est député de la nation !

M. Thierry Braillard. Bien sûr qu’il est député de la nation ! Mais c’est toujours intéressant de savoir qu’on peut se préoccuper de ces sujets.

Je voulais répondre à notre collègue au sujet des grandes villes. À Lyon, par exemple, le maire a toujours dit qu’il était favorable à la réforme des rythmes scolaires. La concertation a eu lieu et le décret du 24 janvier 2013 autorise les villes à se mettre en conformité soit à la rentrée 2013, soit à la rentrée 2014. C’est cette souplesse et cette liberté qui ont certaines communes à choisir de remettre la mise en œuvre à 2014 pour des raisons diverses, notamment d’organisation. Mais quoi qu’il advienne, cette réforme des rythmes scolaires ira à son terme et c’est une très bonne réforme pour les enfants.

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Je souhaite simplement répondre à nos collègues de l’opposition, car on ne peut pas laisser des parlementaires critiquer la réforme des rythmes scolaires, qui est extrêmement importante.

Je ne reprendrai pas dans le détail les propos du ministre puis du rapporteur sur tout le travail qui a été effectué, en particulier le rapport de Xavier Breton et Yves Durand. Il est vrai qu’il était très facile de supprimer le samedi matin et que le plus simple aurait été de ne rien changer. Rétablir une demi-journée de classe en plus suppose de mettre en place une nouvelle organisation. Cependant, ainsi que l’a rappelé le ministre, la concertation a duré des mois pour aboutir au décret qui a été publié le 24 janvier dernier. Nous sommes maintenant la seconde phase de la concertation qui réunit les différents acteurs locaux – les maires, les enseignants, les parents d’élèves – pour déterminer les modalités de mise en œuvre de ces nouveaux rythmes, à partir de 2013 pour un certain nombre de communes, de 2014 pour d’autres.

Dans mon département, la DASEN rappelle régulièrement que si une commune demande la dérogation pour 2014, elle lui sera accordée. Il n’y a donc aucune pression sur les maires. Les municipalités qui ont travaillé en amont – chacun savait en effet avant la publication du décret du 24 janvier que la semaine de neuf demi-journées allait être mise en place – ont déjà bien avancé pour permettre une entrée en vigueur dès septembre 2013. Certains enseignants – j’en connais un certain nombre – ont travaillé avec le conseil d’école et les différents acteurs du système éducatif dès la rentrée et sont également prêts.

Il n’y a donc pas lieu de faire de la polémique sur cette question. La réforme des rythmes scolaires est dans l’intérêt des enfants. En outre, une grande souplesse est donnée pour sa mise en œuvre, école par école, commune par commune, et pour la date de son entrée en vigueur – septembre 2013 ou septembre 2014 –, ce qui devrait permettre à chacun des maires et des directeurs d’école de la mettre en place ; cela se fera dans de bonnes conditions s’il y a un peu de volonté politique.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je voudrais revenir sur les propos qui ont été tenus voilà quelques instants et indiquer que je suis certes député de Nouvelle-Calédonie, mais accessoirement député de la nation. À ce titre, j’ai le droit de m’exprimer sur l’ensemble des sujets abordés dans l’enceinte de la représentation nationale.

Je voudrais vous rappeler que la Nouvelle-Calédonie est un territoire de la République française. Elle compte 250 000 habitants, dont la moitié ont moins de vingt-cinq ans. Partout sur notre territoire – lequel fait 450 kilomètres de long et comporte un archipel – nous avons des écoles de la République.

Je vais même faire une ultime révélation à celles et ceux qui ne le sauraient pas : la Nouvelle-Calédonie est passée de très longue date à la semaine de quatre jours et demi et cela se passe très bien. Ce n’est donc pas le sujet. Mon intervention avait pour but de dire que, si la concertation a été menée, elle n’a visiblement pas abouti, puisque l’on se heurte aujourd’hui à des difficultés majeures. Voilà pourquoi cet amendement présente un intérêt particulier.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La question des rythmes scolaires est très importante. Voilà des années et des années que différents gouvernements mettent en place des commissions qui aboutissent toutes à la même conclusion. Mais lorsqu’il s’agit de prendre la décision politique de mettre en œuvre les décisions, on les retarde à chaque fois.

Il fallait donc prendre cette décision. Bien sûr, monsieur Ménard, cela suscite aussi des exigences. Le fait que certaines communes estiment que, pour répondre correctement à ces exigences éducatives – ce qui suppose notamment d’avoir les personnels en nombre suffisant –, elles ont besoin de temps et de moyens ne remet pas en cause leur position de fond sur les rythmes. Elles engagent une concertation avec l’équipe éducative, les familles et les autres personnels concernés. Il n’y a donc pas d’un côté les bonnes communes – celles qui mettront en œuvre la réforme en 2013 – et, de l’autre, les mauvaises – celles qui attendront 2014 ; il y a une recherche d’exigence, tout à fait nécessaire, en matière éducative.

M. Michel Ménard. Nous sommes bien d’accord.

(L’amendement n° 980 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 1148.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

(L’amendement n° 1148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 75 et 1112.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 75.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 125 du rapport annexé. La réforme des rythmes scolaires, telle qu’elle a été initiée, n’est pas applicable – en tout cas en 2013 – pour de nombreuses communes. Tout cela a été fait dans la précipitation. Le ministre nous a lui-même indiqué que le coût global, une fois que toutes les collectivités auront mis en œuvre cette réforme, est estimé à 3 milliards d’euros.

M. Vincent Peillon, ministre. Ah bon ?

M. Patrick Hetzel. Oui, monsieur le ministre. Je vous renvoie d’ailleurs au compte rendu des débats de l’Assemblée nationale. En réponse à une question, il y a de cela environ deux semaines, vous avez déclaré que cela représentait un budget de 3 milliards d’euros. Nous avions d’ailleurs été surpris, car ce chiffre était supérieur au calcul que nous avions nous-mêmes effectué dans un premier temps.

M. Vincent Peillon, ministre. C’est un malentendu !

M. Patrick Hetzel. Face à ce coût est exorbitant, le budget mis à disposition par l’État est de 250 millions. On fait donc peser sur les collectivités une charge énorme de près de 3 milliards d’euros, si l’on considère que les 250 millions représentent moins de 10 % du total de la dépense.

Par voie de conséquence, il convient de repousser l’application de cette réforme jusqu’à ce qu’un nouveau projet, fondé sur la concertation, voie le jour. En effet, je répète que la concertation n’a pas eu lieu pour l’instant. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, d’observer qu’un certain nombre de vos amis politiques se sont rendu compte que c’était inapplicable – je pense à Lyon et à Strasbourg (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –, de même qu’un certain nombre de communes sur l’ensemble du territoire. Ainsi, les 165 communes de ma circonscription ont décidé de ne pas mettre en œuvre cette réforme à l’horizon 2013, parce que tout cela s’est fait dans une très grande précipitation. Il y a donc bien un problème de méthode.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 1112.

M. Frédéric Reiss. Ne contestons pas la réforme sur le fond. En effet, des travaux très sérieux ont été menés sur cette question des rythmes scolaires. M. le rapporteur a parlé du rapport Durand-Breton ; il y eut ensuite la conférence nationale, les rapports de l’Institut Montaigne et de l’Académie de médecine : tout le monde s’est prononcé en faveur des neuf demi-journées. Malgré cela, le Gouvernement a réussi l’exploit de présenter un décret, sorti le 24 janvier, qui a rencontré des difficultés lors de son passage devant le Conseil supérieur de l’éducation et devant la commission consultative d’évaluation des normes.

Chacun se souvient également que le Président de la République avait déclaré, devant le congrès des maires de France, afin d’éviter la bronca, que ceux qui ne seraient pas prêts en 2013 pourraient appliquer la réforme en 2014.

Nous contestons donc avant tout la méthode. Qui plus est, lorsque l’on regarde combien cela coûte, on se rend bien compte que le fonds qui est censé amorcer les choses – c’est l’article 47, que nous voterons tout à l’heure ou demain – n’est doté que de 250 millions, ce qui est évidemment très insuffisant.

Dans cette affaire, je regrette surtout que l’on n’ait pas eu beaucoup d’évaluations sur la semaine de quatre jours. En effet, depuis 1993, certaines régions de France l’avaient mise en place avec, semble-t-il – notamment si l’on en croit les résultats au baccalauréat –, des résultats tout à fait probants, sachant que le temps scolaire global restait inchangé, puisque les vacances étaient raccourcies. Un certain nombre de communes, y compris chez moi, en Alsace, avaient adopté la semaine de quatre jours avant même le décret Darcos de 2008, qui se contentait de généraliser les choses. Encore une fois, c’est la méthode que nous contestons.

(Les amendements identiques nos 75 et 1112, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 472.

Mme Annie Genevard. Je suis pour ma part favorable à la semaine de quatre jours et demi. Je l’ai toujours été et j’avais considéré que le passage à la semaine de quatre jours n’était pas une bonne chose. Mais, comme beaucoup de maires, je me suis livrée à un petit calcul : cela fait 5 % de masse salariale en plus, si tant est que l’on arrive à trouver la main-d’œuvre disponible et qualifiée. Eh bien cela, c’est un sacré casse-tête, figurez-vous !

Mme Colette Langlade. La main-d’œuvre ? On aura tout entendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Nous sommes d’accord sur le fond. Le vrai problème est que vous allez créer des inégalités territoriales entre les communes qui peuvent s’organiser et celles qui ne le peuvent pas.

J’ajoute que le problème des rythmes scolaires ne recoupe pas celui de l’échec scolaire. J’en veux pour preuve le fait que mon département, l’Aveyron, se classe cinquième au niveau national dans les évaluations de CE2 et de CM2. Or nous sommes passés à la semaine de quatre jours, non pas en 2008, mais il y a bien longtemps : dix-huit ans exactement.

Cela dit, je suis tout à fait d’accord avec l’argument qui consiste à invoquer le confort des enfants. À cet égard, j’ai lu beaucoup de travaux de chronobiologistes tout à fait intéressants.

Comment va-t-on trouver des gens qualifiés dans des communes où il y a seulement quelques classes, quand ce n’est pas une classe unique ? Il sera extrêmement difficile d’y mettre en œuvre la réforme. La solution aurait pu consister, monsieur le ministre, à proposer aux enseignants du premier degré de travailler plus longtemps en les payant mieux. Évidemment, cela aurait supposé de recruter moins à l’avenir, si tant est que l’on reste à dépense égale. Cela aurait permis d’avoir une véritable égalité de traitement sur tout le territoire.

(L’amendement n° 472 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 1006.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

(L’amendement n° 1006, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 76.

M. Patrick Hetzel. Les alinéas 130 à 137 du rapport annexe sont très importants ; nous avons là une divergence majeure avec les orientations du Gouvernement qui entend, dans une approche assez dogmatique, supprimer deux dispositions introduites par la loi dite Cherpion, dont le dispositif d’initiation aux métiers en alternance pour les jeunes âgés de quinze ans.

Pourtant, ce dispositif, adopté il n’y a pas très longtemps, répondait à une vraie demande de diversification des parcours à partir de la quatrième. Il fonctionnait sous statut scolaire, avec pour tous un tronc commun composé des enseignants fondamentaux et des langues vivantes. Pendant une partie de la semaine, en fonction des profils et des choix des élèves, la possibilité était offerte d’approfondir un certain nombre de disciplines académiques classiques ou bien d’être initié au monde professionnel.

Ce dispositif ne semblait choquer personne. Encore récemment, le Premier ministre lui-même se prononçait en ce sens dans une interview en date du 30 octobre dernier. Alors qu’on lui demandait si, pour les enfants entre quatorze et seize ans en situation d’échec il fallait avancer l’âge du travail en alternance, de l’apprentissage et mieux adapter les filières, sa réponse fut la suivante : « Pourquoi pas ? Il faut plus de fluidité entre l’éducation nationale et l’entreprise. Ce n’est pas un sujet tabou. Il faut que dès l’école primaire, en CP, on puisse aller voir les entreprises, recevoir un ouvrier qui a appris un métier formidable et qui a envie de transmettre sa passion. »

Il n’est pas si fréquent que l’opposition cite le Premier ministre, mais les propos en question nous ont paru extrêmement sages. C’est la raison pour laquelle nous défendons le maintien des dispositions de la loi Cherpion. Par voie de conséquence, nous demandons la suppression des alinéas 130 à 137 du rapport annexé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La commission est totalement défavorable à cet amendement. Le dispositif Cherpion aboutit à ce que, avant la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire la fin de la troisième, un certain nombre d’élèves sortent du collège pour aller en apprentissage.

Ce texte est en contradiction avec le collège unique, auquel vous êtes d’ailleurs opposé. Certes, je ne vais pas engager à cette heure-ci un débat idéologique sur le collège unique,…

M. Vincent Peillon, ministre. Si ! (Sourires.)

M. Yves Durand, rapporteur. …quand bien même M. le ministre de l’éducation nationale m’y invite. Soit dit en passant, ledit collège unique n’a jamais véritablement existé – mais c’est un autre débat, qu’il faudrait d’ailleurs que nous ayons pour que les choses soient claires.

Surtout, il y a une contradiction évidente entre la volonté d’amener tous les élèves – à tout le moins chaque élève (Sourires) –…

M. Patrick Hetzel. Vous progressez !

M. Yves Durand, rapporteur. …à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture et ce dispositif qui fait en sorte que, à partir de la fin de la cinquième, voire de la quatrième, on fait sortir certains élèves du collège pour les orienter vers l’apprentissage, tout en sachant très bien que cela les empêche d’aller jusqu’au bout de l’acquisition du socle commun. Voilà pourquoi la commission a donné un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Très souvent, malgré vos efforts, j’ai du mal à trouver des sujets d’opposition entre nous. C’était encore le cas tout à l’heure sur les rythmes scolaires. Mais cette fois-ci, en revanche, nous avons un vrai désaccord.

Je voudrais d’abord apporter quelques précisions. Le projet de loi supprime deux dispositions relatives à ce que nous considérons comme une orientation trop précoce. Contrairement à ce que laissaient entendre certains propos inexacts que j’ai entendus dans la discussion générale, ce sont d’ailleurs là deux dispositifs différents.

Il y a, d’un côté, l’apprentissage junior, qui date du temps de Gilles de Robien.

M. Patrick Hetzel. C’est exact.

M. Vincent Peillon, ministre. Le précédent gouvernement avait indiqué dès 2007 qu’il voulait supprimer cette mesure instituée en 2005. Je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas fait.

Comme vous le savez, le texte permet à des jeunes de quatorze ans d’entrer dans un dispositif les menant dès 15 ans à un contrat d’apprentissage. Cette mesure n’a fonctionné qu’un an, de 2006 à 2007, et a concerné une centaine de jeunes. Je vous avais déjà donné ces éléments lors de la réunion de la commission. Vous-mêmes, vous vouliez, il y a cinq ans, abroger ce dispositif obsolète ; nous le faisons. Il portait d’ailleurs clairement le signe d’une certaine orientation idéologique.

Reste le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, que la loi Cherpion avait étendu aux élèves qui n’ont pas encore quinze ans, ce qui représente environ 7 000 élèves. Contrairement à ce que vous voulez faire croire, nous ne supprimons pas le DIMA pour ceux qui ont quinze ans révolus ; nous supprimons seulement la disposition qui conduisait des jeunes à se retrouver à quatorze ans en apprentissage.

Le progrès pour notre pays, et même pour l’apprentissage serait d’élever le niveau de qualification de l’ensemble des élèves. La véritable réforme, celle que nous proposons, est de faire en sorte que l’orientation soit choisie, grâce à l’information des élèves, dès la sixième, sur les formations et les métiers. Ce n’est pas en s’adressant à un public – nous savons lequel – dès l’âge de quatorze ans que nous réussirons.

C’est toujours le même discours : l’apprentissage, l’apprentissage, l’apprentissage ! Regardez les chiffres : l’objectif, porté par Xavier Bertrand, de 800 000 apprentis, n’a pas été atteint. Le nombre d’élèves en apprentissage n’a pas augmenté parce que ces dispositifs ne sont pas efficaces.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr que non !

M. Vincent Peillon, ministre. On compte en quatre ans 10 000 élèves supplémentaires. Soyons sérieux ! Il faut développer l’apprentissage, mais avec un statut scolaire et un environnement qui permette d’en faire une filière d’excellence.

Nous assumons notre désaccord. Il n’est pas utile de conserver un dispositif qui oriente vers l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans.

M. Patrick Hetzel. C’est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. La nation doit avoir pour ambition que la majeure partie des enfants – le rapport annexé parle de 100 % – puisse accéder au terme de la scolarité obligatoire à la maîtrise complète du socle de connaissances et de compétences. À ce titre, le collège unique, instauré depuis maintenant quarante ans, doit devenir véritablement « unique ».

Mais il faut aussi constater que les tentatives de construction de relations nouvelles et fructueuses entre école et entreprises ont échoué. Le groupe UDI avait proposé que l’ensemble des élèves de quatrième et de troisième, sans exception, se voient offrir la possibilité d’appréhender différentes familles de métiers, en liaison avec les chambres consulaires et les chambres de métiers. Cette proposition n’a pu être examinée car l’article 40 lui a été opposé.

Nous disons oui à un collège unique qui le soit vraiment – inaccessible étoile ? –, mais que cela ne nous interdise pas de réfléchir à la construction de nouvelles relations entre école et entreprises.

(L’amendement n° 76 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 530.

M. Jacques Myard. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 131 à 134, qui viennent renforcer de manière dogmatique le collège unique. On sait très bien que celui-ci fait l’objet de nombreuses critiques. Il faut savoir d’adapter, monsieur le ministre !

Par ailleurs, ces alinéas abrogent la loi Cherpion, qui a introduit le DIMA. Il faut garder de la souplesse et savoir que des jeunes peuvent, s’ils le veulent – c’est effectivement une question de motivation personnelle, madame Buffet, il n’est pas question de le leur imposer –, trouver leur salut dans l’apprentissage. Une diversification qui commence en quatrième n’a rien de scandaleux : elle permet surtout de sortir des enfants du collège pour les mettre sur la bonne voie.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 1113.

M. Frédéric Reiss. Effectivement, monsieur le ministre, ces amendements font apparaître nos divergences sur ce problème de fond. Je vous rejoins lorsque vous dites que l’objectif de 800 000 apprentis n’a pas été atteint ; mais nous sommes tout de même passés de 300 000 à quasiment 500 000 apprentis. En Alsace, où nous avons toujours eu cette culture de l’apprentissage, nous avons atteint nos objectifs et beaucoup de jeunes ont trouvé, par la suite, une place dans l’entreprise, ce qui est le but de l’apprentissage.

Vous souhaitez que les élèves bénéficient d’une information dès la sixième. Soit. Mais les enseignants, ils sont nombreux dans l’hémicycle, savent très bien que certains enfants, dès l’âge de quatorze ans, sont déjà motivés pour travailler de leurs mains. Faut-il leur dire d’attendre leurs seize ans ? Une fois que ces enfants ont trouvé leur voie, ils peuvent très bien reprendre des études. L’apprentissage peut être tout simplement un tremplin pour certains élèves qui sont en difficulté. Nous défendrons cette position à l’article 38 du texte.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard pour soutenir l’amendement n° 1149.

Mme Annie Genevard. Je voudrais évoquer une rencontre que j’ai faite il y a deux jours. Lors d’une journée portes ouvertes dans une maison familiale rurale, qui forme notamment aux métiers de l’environnement, j’ai engagé la conversation avec un jeune garçon qui venait visiter avec ses parents l’école à laquelle il ambitionnait d’accéder.

Je lui ai demandé s’il avait envie de poursuivre le collège dans une filière générale pendant encore deux ans ou s’il préférait intégrer précocement cette formation. Sa réponse a été catégorique. Elle exprimait son désir profond d’accéder à cette formation et son rejet de la scolarité au collège. Je me demande, monsieur le ministre, ce que vous lui auriez répondu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Les chiffres sont significatifs. Vous avez raison, monsieur Reiss, il y avait bien 300 000 apprentis – 293 000 pour être exact – en 1995. En 2007, on en dénombrait 425 162 et en 2011, 436 000, soit 11 000 de plus. Ma loi est peut-être bavarde, mais chez vous, les écarts entre les discours et les actes sont parfois surprenants !

Je le répète, l’objectif de ce Gouvernement est d’atteindre le chiffre de 500 000 apprentis en 2017 – soit 20 000 apprentis de plus –, et de placer pour la première fois l’apprentissage sous statut scolaire. Ces chiffres sont sans doute moins pompeux que votre objectif de 800 000 apprentis – quand on ne parvient qu’à 10 000 apprentis supplémentaires en cinq ans –, mais ils disent notre attachement à l’apprentissage.

Toutefois, encourager l’apprentissage, ce n’est pas faire partir des enfants de quatorze ans pour l’apprentissage.

M. Yves Durand, rapporteur. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. Vous l’avez constaté, cela ne marche pas. Il faut au contraire donner à l’apprentissage toutes ses chances et considérer qu’il représente pour les élèves une possibilité de progrès.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Nous parlons du problème de l’orientation précoce. Tous les efforts devraient être faits – je pense en particulier au suivi individualisé – pour qu’un enfant de quatorze ans en difficulté dans l’enseignement général retrouve sa place dans l’école, rattrape ses retards, dépasse ses difficultés et aille le plus loin possible dans l’acquisition du socle de culture commune.

Si un enfant tel que celui que vous avez rencontré, madame Genevard, rejette le collège, il faut parler avec lui, comprendre ses difficultés, l’encourager à continuer. Il peut vouloir dans l’avenir exercer un métier manuel, comme vous le dites, mais n’en a pas moins besoin d’acquérir un socle de culture le plus large possible, afin de devenir un citoyen à part entière. Aujourd’hui, il n’y a plus de métiers exclusivement manuels. La quasi-totalité des métiers exigent la compréhension d’un certain nombre de données technologiques, la maîtrise du langage et de la lecture.

Il faut pousser les enfants le plus possible dans l’acquisition du socle afin que, dans l’avenir, ils puissent aussi avoir une mobilité professionnelle. S’ils rejoignent l’apprentissage à quatorze ans sans avoir acquis cette culture commune, ils ne pourront pas changer de métier par la suite s’ils le désirent.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Vous connaissez, monsieur le ministre, l’inscription de Paul Valéry au fronton du palais de Chaillot : « Dans ces murs voués aux merveilles /J’accueille et garde/Les ouvrages de la main/ Prodigieuse de l’artiste /Egale et rivale de sa pensée/L’une n’est rien sans l’autre » La main et l’esprit, c’est cela aussi, l’apprentissage professionnel.

Onze mille apprentis supplémentaires, ce n’est pas rien, monsieur le ministre : nous sommes parvenus à mieux orienter 11 000 enfants de plus, je ne pense pas que cela soit vain.

Le DIMA est un dispositif d’initiation ; il n’exclut donc pas la possibilité d’un retour aux études.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous ne le supprimons pas !

M. Jacques Myard. J’entends bien. Mais tous les maîtres d’apprentissage disent que transmettre le goût du travail à des enfants de quatorze ans est parfois plus facile que de se retrouver avec des jeunes de seize ans dont l’échec est trop patent et qui sortent totalement du dispositif scolaire. Je suis donc convaincu qu’il faut maintenir ce dispositif, qui a tout de même fait quelque preuve, quitte à l’améliorer. Enfin, les excellents résultats de l’enseignement professionnel au bac sont bien la preuve qu’il est performant.

Mme Chantal Guittet. Cela n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Je veux inviter ceux qui sont définitivement contre l’apprentissage…

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous sommes pour !

Mme Sophie Rohfritsch. On est contre l’apprentissage dès lors que l’on donne un quelconque signal négatif aux enfants qui voudraient y entrer !

…à s’inspirer de l’exemple alsacien. Celui-ci devrait vous inciter à ouvrir le plus largement possible l’accès à l’apprentissage. Nous avons réussi à doubler le nombre des apprentis au prix d’efforts importants. Nous avons notamment orienté les enfants très précocement vers l’apprentissage. S’il existe ne serait-ce qu’un seul enfant qui, à quatorze ans, a envie d’entrer en apprentissage, il faut pourvoir lui offrir cette possibilité, tout en aménageant des passerelles. Avec l’apprentissage, l’insertion professionnelle et la formation théorique sont garanties.

(Les amendements identiques nos 530, 1113 et 1149 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 654.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n° 654, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 956.

M. Xavier Breton. Nous sommes passés tout à l’heure rapidement sur un amendement qui visait à supprimer l’alinéa 127 : « Cette réforme des rythmes va permettre de rendre effective l’interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour les élèves du premier degré. ». Permettez-moi ce retour en arrière, car il s’agit d’un point important, qui a trait aussi à la personnalisation de l’enseignement.

Les devoirs à la maison – on sait qu’une circulaire de 1956 les avait « interdits » – ne sont pourtant pas une si mauvaise chose. L’enquête d’une enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation, Séverine Kakpo, sur la mobilisation des familles populaires dans les devoirs à la maison, montre que beaucoup de parents participent et que ce sont souvent les mères les moins diplômées qui consacrent le plus de temps aux devoirs. Douze heures par mois, parfois seize, sont consacrées par les parents aux devoirs à la maison.

L’interdiction, telle qu’elle est rappelée par l’alinéa 127, a deux conséquences dommageables : elle rompt encore un lien entre l’école et les parents ; le temps passé par les parents dans l’aide aux devoirs ne sera pas compensé par une aide aux devoirs équivalente au sein de l’école. Avec la notion de personnalisation de l’enseignement, c’est le lien avec les familles qui est fragilisé. Une fois encore, nous regrettons l’interdiction formelle des devoirs à la maison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 956 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin, pour soutenir l’amendement n° 1037.

M. Mathieu Hanotin. Cet amendement vise à inscrire le collège dans l’école du socle. Nous partons du constat qu’aujourd’hui la rupture entre l’école primaire et le collège est beaucoup trop violente. Une des premières façons d’y remédier et de mettre en place, comme le propose le texte, le conseil école-collège, mais nous devons aller plus loin et réfléchir, à terme, à une réforme plus globale.

La philosophie qui doit nous guider pour cela consiste à considérer le parcours qui sépare le CP de la troisième comme une avancée progressive d’un enseignement polyvalent vers un enseignement académique.

Aujourd’hui, nous enseignons de la même manière à un élève de sixième et à un élève de terminale, ce qui est un facteur d’échec scolaire, notamment pour les élèves les plus en difficulté et les moins encadrés.

Nous avons de multiples pistes à explorer ; appréhender le collège comme une période de transition entre l’enseignement polyvalent et les enseignements monovalents est l’une d’elles, que défend cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, bien qu’il témoigne d’une préoccupation intéressante. Cela nécessiterait cependant une réflexion plus approfondie, ce qui m’incite à vous demander de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis. J’ai encore bu les paroles du rapporteur… (Sourires.)

M. le président. Monsieur Hanotin, maintenez-vous votre amendement ?

M. Mathieu Hanotin. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 1037 est retiré.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)