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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 18 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Deuxième lecture (suite)

Discussion générale (suite)

M. Yves Fromion

M. Éric Straumann

M. Jacques Bompard

Mme Cécile Untermaier

M. Bernard Perrut

M. Dominique Tian

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Discussion des articles

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

M. le président

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Patrick Ollier

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Article 1er bis A

M. Guillaume Larrivé

M. Patrick Hetzel

M. Philippe Gosselin

M. Marc Laffineur

M. Sylvain Berrios

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Hervé Mariton

M. Marc Le Fur

M. Patrick Ollier

M. Dominique Tian

M. Bernard Lesterlin

M. Nicolas Dhuicq

Mme Marie-George Buffet

M. Philippe Meunier

M. Frédéric Reiss

M. Sébastien Huyghe

Mme Laure de La Raudière

M. Philippe Cochet

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Olivier Dussopt

M. Philippe Cochet

M. Sergio Coronado

M. Hervé Mariton

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Marie-George Buffet

M. Bernard Roman

M. le président

M. Marc Le Fur

M. Alain Tourret

M. le président

Article 1er bis A (suite)

Amendements nos 1, 96, 123, 139, 253, 370, 388, 532, 603, 609, 1378, 1846, 1993, 3205, 3278, 3453, 3743, 3850

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendements nos 3550, 5, 257, 3053

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Deuxième lecture (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 920, 922).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de 6 heures 24 pour le groupe SRC, 7 heures 57 pour le groupe UMP, 2 heures 39 pour le groupe UDI, 41 minutes pour le groupe écolo, 1 heure 10 pour le groupe RRDP, 1 heure 09 pour le groupe GDR et 10 minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a continué d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Madame la garde des sceaux, nous voici donc à nouveau face à face : vous, portée à ce banc par la force injuste d’un projet de loi qui fait figure de pitoyable palliatif au référendum,…

M. Olivier Dussopt. Ça commence bien !

M. Yves Fromion. …une consultation qu’il eût pourtant été honorable, pour notre démocratie, d’organiser en pareilles circonstances ; nous, parlementaires de l’opposition, rassemblés par la force juste d’une cause qui fonde notre société, à savoir la famille et nos enfants.

M. Olivier Dussopt. Rien que cela ?

M. Yves Fromion. Vous prétendez promouvoir un idéal d’égalité, mais vous organisez le règne de l’arbitraire.

Mme Kheira Bouziane. Ne commencez donc pas comme cela, ce matin !

M. Yves Fromion. Vous vous apprêtez à faire usage de la force injuste de la loi détenue par votre majorité, laquelle est pourtant désavouée dans l’opinion, désavouée dans la rue, discréditée par des scandales et des échecs multiples et inquiétants.

Conformément au souhait du Président de la République, vous avez tout fait pour que votre projet soit clivant, soit un marqueur de votre passage aux affaires.

Au-delà de l’outrance risible mais provocatrice de vos propos sur le changement de civilisation, dont on mesure la réalité lorsqu’on se rend dans les pays qui ont déjà adopté le mariage homosexuel, vous avez volontairement chargé la barque portant votre projet en laissant entendre qu’il inclurait la procréation médicalement assistée et même la gestation pour autrui. Il fallait cliver !

Mais à semer le vent, vous avez récolté la tempête. Ce que vous n’aviez pas prévu, c’est le soulèvement populaire auquel vous êtes confrontée, avec l’opprobre qui s’abat sur vous. C’est d’ailleurs aux accents d’une marche non pas triomphale mais funèbre que vous concluez à la sauvette ce débat, cette entreprise de division des Français.

C’est ainsi que, outre les manœuvres de procédure dont nous avons déjà parlé, vous vous proposez de légiférer par ordonnance. De la sorte, dans le secret de votre cabinet, vous pourrez tout à votre aise torturer les différents codes qui organisent notre vie sociale. Dans le secret de votre cabinet, vous porterez à la famille les coups que la clameur populaire ne vous autorise plus à asséner aux yeux de tous. Quel naufrage ! Quelle atteinte est ainsi portée à notre démocratie ! Mais aussi, quelle victoire pour la résistance,…

M. Christophe Sirugue. La résistance ? On rêve !

M. Yves Fromion. …la résistance populaire qui fait trembler les puissants ou ceux qui croient l’être !

M. Jean-Marc Germain. Ne dévoyez pas le mot « résistance » ! C’est du conservatisme, pas de la résistance !

M. Yves Fromion. Comme nous n’allons pas refaire le débat, puisque vous êtes autistes, permettez-moi deux observations.

Aujourd’hui, les couples homosexuels disposent, comme les couples hétérosexuels, de toutes les facilités pour organiser leur vie sociale ou sentimentale, et c’est très bien ainsi.

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas ce que vous disiez au moment du PACS !

M. Yves Fromion. Mais une partie plus radicale de la communauté homosexuelle exige que disparaisse de notre espace sociétal un symbole, le mariage, dont l’existence dans sa forme toujours actuelle est pour elle un rappel insupportable de la singularité de son choix de vie. C’est d’ailleurs pour cela que l’union civile est rejetée. Car, au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit : effacer de l’espace sociétal une institution réservée aux seuls couples à même de mettre au monde des enfants et composés d’un homme et d’une femme, d’un père et d’une mère, une institution multimillénaire devenue soudain insupportable.

M. Olivier Dussopt. Quelle subtilité !

M. Yves Fromion. On décide donc aujourd’hui de défigurer le mariage comme d’autres mutilent les bouddhas en Afghanistan ou les saints de l’islam à Tombouctou. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On détruit les symboles qui dérangent.

Pour autant, les couples homosexuels vont-ils s’approprier le mariage « relooké » pour eux, alors qu’ils ont tant brocardé cette institution dans les Gay Pride ? Rien n’est moins sûr, car ce n’est pas l’objectif qu’ils visaient. Attendons donc de voir !

Dans le prolongement du mariage, comme l’a voulu François Hollande, il y a l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. C’est ce que votre gouvernement a mis dans la corbeille du mariage pour tous. Vous savez bien qu’elle est le prélude à la PMA et à la GPA, que souhaite une partie de votre majorité.

M. Bernard Roman. Arrêtez avec vos fantasmes !

M. Yves Fromion. Vous portez le lourd projet de la marchandisation et de l’instrumentalisation de la vie, et vos pitoyables dénégations rappellent ici à ceux qui les ont entendues en 1998 celles que formulait Mme Guigou, dont la présence s’est d’ailleurs faite fort rare sur vos bancs.

Vous savez aussi que la remise en cause du processus de l’adoption entraîne celle de l’établissement de la filiation. Mais vous n’en avez cure. Vous croyez porter une réforme de civilisation ; c’est pathétique !

L’adoption, c’est votre coup d’éclat. C’est la supériorité donnée au droit à l’enfant sur le droit de l’enfant. C’est l’avènement de l’enfant objet, de l’enfant de compagnie, de l’enfant privé du cadre multimillénaire que constituent un père et une mère identifiés, reconnus et responsables.

Dans une société où les enfants ont tant de mal à se repérer, à se construire, parce que trop d’adultes ne leur consacrent pas une attention suffisante, vous jouez aux apprentis sorciers en nous soumettant tous à votre délire idéologique.

Mais peut-être ne s’agit-il nullement d’un délire. Si l’on se réfère aux propos tenus ici même hier par Mme Buffet au nom du groupe communiste, le droit de l’enfant serait non pas d’avoir un père et une mère mais d’éprouver un bien-être grâce à l’affection dont il est entouré.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Yves Fromion. Comment oser prononcer dans cet hémicycle des propos qui nous renvoient à une période, à une idéologie honnie de tous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

On nous a rappelé que d’autres pays venaient d’adopter une législation proche de celle dont nous débattons et qu’il convenait donc de se conformer à ces exemples indiscutables. Cependant, madame la garde des sceaux, pourquoi votre gouvernement se bat-il – au demeurant tout à fait légitimement – pour préserver l’exception culturelle française dans la négociation entre l’Europe et les États-Unis ? L’exception familiale française ne vaudrait-elle pas autant que notre exception culturelle ? Ne serait-il pas légitime de la défendre avec la même vigueur, la même intensité, la même détermination ?

Vous ne nous convaincrez pas de vous suivre sur le chemin où vous vous engagez. Nous refusons le modèle de société Gay Pride que vous voulez nous imposer et dans lequel d’ailleurs énormément d’homosexuels ne se reconnaissent pas. Nous refusons ce modèle, comme vous l’ont signifié des millions de nos concitoyens qui depuis le mois de janvier sont descendus dans la rue et que vous tentez de caricaturer, de stigmatiser.

C’est à ces derniers que j’adresse ma conclusion : lorsque les puissants d’aujourd’hui auront été congédiés, nous redonnerons la parole au peuple en lui soumettant par référendum la question de savoir ce qu’il souhaite dans l’intérêt des familles et des enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, ce texte qui ouvre le droit au mariage et à l’adoption conjointe aux couples de personnes de même sexe arrive à un moment particulièrement trouble de notre vie politique.

Les priorités des Français sont aujourd’hui bien ailleurs. Et nos débats sont totalement déphasés avec les préoccupations de nos concitoyens. Ils souhaitent à plus de 80 %, selon les dernières études d’opinion, que nous abordions en priorité la question du chômage. La santé arrive au deuxième rang des priorités, suivie de la lutte contre la délinquance. Le mariage pour tous n’est une priorité que pour 5 % des personnes interrogées. C’est pourtant sur ce sujet que notre gouvernement a décidé de concentrer son énergie et d’axer sa politique de début de mandat.

Jamais dans l’histoire de la Ve République un gouvernement n’a connu une telle dégringolade dans l’opinion.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Éric Straumann. Entre la première lecture du texte et aujourd’hui, le climat politique s’est singulièrement dégradé. Les cotes de popularité de François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont baissé de cinq points en un mois pour tomber à 26 %, si j’en crois un sondage qui a été réalisé du 5 au 10 avril dernier.

Seulement 26 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites de l’action du président François Hollande – dont 3 % sont très satisfaites et 23 % assez satisfaites – contre 71 % – une progression de quatre points – qui en sont mécontentes.

En 2010, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale recommandait tout simplement au chef de l’État de l’époque de remanier le Gouvernement ou de dissoudre l’Assemblée nationale à la suite des révélations de Mediapart sur une supposée affaire Bettencourt. Nous sommes aujourd’hui témoins d’une affaire d’une gravité sans pareille à la tête de l’État : celle du compte suisse du ministre du budget en exercice. sans contestation possible, nous sommes aujourd’hui, pour reprendre l’expression de M. Cahuzac lui-même, dans une crise du régime, une crise politique, une crise morale. Cette crise est sans précédent depuis plus de quatre décennies dans notre République.

Le président de la commission des finances a proposé en 2010 la dissolution de l’Assemblée nationale, ajoutant : « Il est déjà arrivé qu’un Président de la République sentant sa légitimité chanceler en appelle au peuple qui seul est souverain et dont le verdict seul est sans appel. »

Pour sortir de cette grave crise, le premier secrétaire du parti socialiste, Harlem Désir, a proposé l’idée d’un référendum afin de permettre des réformes.

M. Jean-Marc Germain. Bonne lecture !

M. Éric Straumann. Devant de nouveaux adhérents au parti socialiste, il a déclaré à Limoges le 5 avril : « Nous devons donc organiser un véritable sursaut démocratique, remettre à plat tout ce qui doit l’être pour que les électeurs retrouvent confiance ».

M. Christophe Sirugue. Quel rapport ?

M. Éric Straumann. Il a ajouté que : « si le Président de la République veut saisir les Français, nous sommes totalement mobilisés pour faire adopter cette réforme. […] Je crois que les Français, s’ils sont appelés dans un référendum à s’exprimer sur ces sujets, diront qu’ils veulent une République exemplaire ».

Le mouvement contre ce texte n’a jamais faibli, malgré les adoptions en première lecture dans les deux assemblées. La colère monte dans le pays. Entre l’affaire Cahuzac et votre projet de mariage pour tous, nous sommes en train de créer un mélange détonnant.

M. Michel Issindou. C’est vous qui mélangez tout !

M. Éric Straumann. Nous le voyons autour de nous, une nouvelle génération de citoyens commence à s’engager dans le combat politique.

M. Nicolas Bays. Oui, au GUD et à Civitas !

M. Éric Straumann. Vous sentez comme nous la tension que vous avez fait naître. Retenez la proposition de votre premier secrétaire, organisez un référendum pour désamorcer la bombe que vous avez créée, écoutez le peuple ! Renoncez à ce texte qui accélérera vos difficultés si jamais il est adopté. Aux problèmes économiques, vous ajouterez une crise morale qui fera de vos quatre prochaines années de mandat une période intenable.

Je ne demande pas de changement de gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vous suggère pas la dissolution de l’Assemblée. Mais faites appel à nos concitoyens pour trancher le débat : ce référendum donnera un nouveau souffle à votre législature. Faute de quoi vous vous enfermerez dans une lente asphyxie qui paralysera inexorablement votre action. Retirez votre texte et donnez la parole au peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, est-il encore besoin de ressasser les arguments que des millions de manifestants ont déjà clamés sous vos fenêtres ?

Plusieurs députés SRC. Non !

M. Jacques Bompard. Le Gouvernement est sourd, il préfère rester claquemuré sous les ors des palais de la République. Dehors, la foule gronde, parfois gazée (Murmures sur les bancs du groupe SRC), quelquefois battue par les forces de l’ordre ;…

M. Bernard Roman. Écartelée, empalée même !

M. Jacques Bompard.… les ministres la méprisent.

Votre projet de loi, madame Taubira, est inique. Il a soulevé la juste indignation des Français et aujourd’hui, il ne rassemble plus la majorité de l’opinion. Le dernier sondage est clair : 55 % des Français vous demandent de mettre fin à vos rêves fous et de revenir à davantage d’humilité.

Un enfant, madame Taubira, sera toujours le fils d’un père et d’une mère ; il aura toujours besoin d’un père et d’une mère.

Mme Ségolène Neuville. Et les familles homoparentales ?

M. Jacques Bompard. Vous pourrez autoriser tous les tripatouillages génétiques, falsifier la filiation, occulter la vérité aux enfants, mais il serait temps que vous regardiez en face ce que vous faites !

Dans votre esprit ne règnent que des théories fumeuses contre-nature et des spéculations pernicieuses. Changer un homme en femme, une femme en homme, avec la possibilité d’un entre-deux mal déterminé : à quoi cela rime-t-il ?

Cela rime à la dénaturation du mariage, à la destruction de la famille, à la mutilation de ceux qui subissent.

Mme Clotilde Valter. Lamentable !

M. Jacques Bompard. Il est un homme et une phrase dont vous, socialo-mondialistes, devriez vous souvenir. Jaurès disait : « À celui qui n’a rien, il reste la Patrie ».

M. Michel Issindou. Citer Jaurès vous va très mal !

M. Jacques Bompard. La Patrie, madame, c’est la terre des pères, c’est la terre d’une famille et d’une lignée. La famille, alors que vous jetez le pays dans une crise effroyable, est tout ce qu’il reste aux plus vulnérables. La famille, liée par la filiation et les liens du sang, est le premier lieu de la solidarité, le dernier recours des prolétaires face à l’abandon de l’État que vous orchestrez.

Votre prétendu mariage n’est qu’une triste comédie. Il est l’annonce effrayante d’une société post-moderne qui aura pour seule aspiration la jouissance. Hélas, la réalité que vous ignorez vous rattrapera. Le mariage n’est pas une question de romantisme et d’amour dégoulinant, sa vocation est claire : procréer dans le cadre familial. Cette réalité, je le sais, est rude pour vos esprits déformés. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Non, la justice, ce n’est pas votre monde idéal et angélique où il sera bientôt possible d’acheter et de jeter des bébés à sa convenance, selon son bon plaisir.

M. Michel Issindou. Quel poète !

M. Jacques Bompard. Derrière votre nouvel assaut contre les fondements de la société, une kyrielle de mesures arrive. Bientôt, nous les verrons, ces mariages à plusieurs, ou avec son n’importe quoi préféré du moment ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Tout cela, au nom de l’amour et du sacro-saint plaisir ! Une société juste, madame Taubira, c’est une société d’ordre et de liberté dans le devoir. Votre loi est une loi dissolvante et totalitaire. Vous refusez obstinément d’ouvrir le moindre dialogue avec les opposants à ce projet de loi de dénaturation du mariage.

Le Président de la République a refusé d’entendre les millions de manifestants…

M. Carlos Da Silva. Les milliards !

M. Jacques Bompard. …qui ne cessent de défiler pacifiquement, depuis maintenant six mois. Vous avez orchestré un véritable coup d’État au Sénat, sous les yeux éberlués de l’opposition. Vous avez décidé d’accélérer la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, en bousculant le calendrier, et de nous imposer le temps programmé pour l’examen du texte en deuxième lecture.

Les députés non-inscrits seront ainsi dans l’impossibilité de défendre le moindre amendement lors de l’examen des articles. J’en ai déposé plus d’une cinquantaine, je ne pourrai en défendre aucun. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que cela vous fait plaisir. Mais laissez-moi au moins finir mon discours !

Mme Laurence Dumont. Abrégez-le, et vous disposerez du temps nécessaire pour défendre vos amendements !

M. Jacques Bompard. Dans le même temps, tous les sondages montrent que l’opinion est majoritairement contre votre projet de loi. 55 % des personnes sondées disent y être opposées. Votre gouvernement, selon un sondage récent, ne recueille plus que 16 % d’opinions favorables. Les manifestations sont désormais quotidiennes. Votre seule réponse est la répression policière.

Vous nagez dans l’autosatisfaction. Vous nous avez dit hier que vous aviez supprimé la peine de mort. Mais où ? En France, on assassine et on viole, tous les jours, quasi impunément. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui !

M. Carlos Da Silva. Faites attention à ce que vous dites, tout de même !

M. Jacques Bompard. Un autre de vos exploits est le vote des trente-cinq heures. Mais cela, vous vous êtes bien gardés de l’évoquer. Normal, puisque cette loi ruine la France depuis plus d’une décennie en détruisant son économie.

Vous méprisez le bon sens, les lois de la nature et de la vie. Vous détruisez la société que vous prétendez défendre. Après l’expression satisfaite de votre orgueil, cela se marque par la répression la plus brutale.

Dimanche soir, vous avez placé en garde à vue pendant plus de dix-sept heures 67 jeunes pacifiques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Christian Assaf. C’est de l’ordre, ça !

M. Jacques Bompard. …qui campaient près de l’Assemblée, sur une place qui accueille des manifestations quasi quotidiennes.

Dimanche soir, toujours, un cameraman de la télévision russe a été arrêté alors qu’il filmait une scène de rafle…

M. Sébastien Pietrasanta. N’employez pas ce vocabulaire !

M. Jacques Bompard. …devant la Salle Pleyel. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La batterie de sa caméra lui ayant été confisquée, il a porté plainte auprès de l’Inspection générale des services. La garde à vue des jeunes gens arrêtés avant-hier à Versailles a été portée à quarante-huit heures. C’est grotesque !

Mme Claude Greff. Oui, scandaleux !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et vous nous accusez de laxisme ?

M. Jacques Bompard. Avant-hier soir encore, vous avez ordonné aux forces de sécurité de violenter des Français qui étaient assis paisiblement sur l’esplanade des Invalides, sous les yeux de plusieurs députés de la nation, et qui lisaient des passages de Péguy ou de Rostand. Voilà quel était leur crime

M. Bernard Perrut. Ils étaient pacifiques !

M. Jacques Bompard. Certains manifestants assis dans l’herbe ont été garrottés et traînés par les cheveux ou la bouche. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui ! Un manifestant a été tabassé sous les yeux de mon collègue Poisson, puis attrapé par les testicules.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il faut arrêter le délire !

M. Jacques Bompard. Il s’est vu accorder deux jours d’ITT par le médecin urgentiste et a décidé de porter plainte.

Ces quelques exemples sont loin d’être exhaustifs, mais ils sont très représentatifs de votre dérive antidémocratique et totalitaire.

Mme Claude Greff. Oui !

M. Jacques Bompard. Votre régime est en train de sombrer dans la brutalité de la répression.

M. Michel Issindou. Ça vous va bien !

M. Jacques Bompard. Ressaisissez-vous ! Vous ne pouvez pas continuer sur cette voie et vous satisfaire d’organiser des rafles d’opposants.

M. Sébastien Pietrasanta. Cessez avec ce vocabulaire !

M. Jacques Bompard. Les fonctionnaires de police affectés au commissariat de la rue de l’Évangile – où sont parqués vos prisonniers politiques – ont témoigné de leur ras-le-bol devant le sale boulot que vous leur demandez de faire.

Jusqu’où irez-vous ? Attendez-vous que la police refuse d’obéir à vos ordres absurdes ? Attendez-vous qu’il y ait un mort pour accepter d’entendre enfin la colère populaire ?

Cessez de mépriser les Français, sortez par le haut de cette crise, soumettez votre texte à un référendum ! Le référendum est désormais la seule solution pour sortir la France de la crise majeure dans laquelle vous l’avez fourvoyée. Il représente le seul moyen de rétablir démocratiquement la concorde nationale. Cessez d’avoir peur du peuple. Écoutez-le, tout le monde en sortira grandi !

Nombre d’entre vous ne croient pas aux miracles. Pourtant, vous êtes en train d’en réaliser un : vous mobilisez massivement – ce que je croyais impossible – la jeunesse de France contre vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. La jeunesse de Neuilly et de Versailles !

M. Jacques Bompard. Pour cela, je vous félicite, et même, je vous remercie !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je serai brève car tout a été dit.

Ce texte signe une belle et importante évolution de notre société. Il confirme que la France est un grand pays démocratique, qui prend acte des changements et des aspirations de tous ceux qui vivent en son sein.

Nous faisons là ce que d’autres ont fait ou sont en train de faire, en Europe ou dans le monde. Nous le faisons de la manière la plus solennelle et la plus complète qui soit : des mois de travail, d’auditions, suivis de 110 heures de discussions à l’Assemblée nationale, presque autant au Sénat. Comme nous nous y étions engagés, le débat a été libre et large.

D’ailleurs, nous en venons tous à répéter les propos que nous avions tenus : cela montre bien que nous sommes parvenus au bout du bout. « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites » disait Alphonse Allais.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est sûr !

Mme Cécile Untermaier. L’opinion publique, dont vous nous parlez beaucoup en ce moment, partage à coup sûr cet avis.

Rappelons-le, le mariage, depuis les constituants de 1791, est un acte civil. Il n’est un serment et un projet que dans le cœur des époux et un sacrement que dans les églises.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

Mme Cécile Untermaier. C’est cette vision traditionnelle, sacrée, sous-entendue, inhérente à vos propos qui vous interdit de comprendre et d’opérer les changements. Cette vision n’appartient ni à l’hémicycle ni à la République ; elle relève de la vie privée.

Nous vivons aujourd’hui un grand et un beau moment de l’histoire de notre société. Ce projet tend la main à celles et ceux qui, trop longtemps, ont vécu dans l’opprobre, le rejet, puis l’indifférence et qui, maintenant, doivent affronter votre refus. Ici, il résonne terriblement et tristement.

En réalité, vous n’aurez jamais le courage de défaire ce que nous faisons aujourd’hui.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr que si !

Mme Cécile Untermaier. D’ailleurs, vous ne le pourrez pas car, d’évidence, ces dispositions seront entrées dans nos mœurs. Ne mentez pas une fois de plus à vos alliés inespérés du moment.

Nous avons vu des enfants s’agenouiller dans la rue sous la pluie ;…

M. Jean-Frédéric Poisson. La pluie est contre-révolutionnaire ! (Sourires.)

Mme Cécile Untermaier. …nous avons vu défiler des bébés dans leur poussette ;…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Eh oui !

Mme Cécile Untermaier. …nous avons entendu des outrances, des menaces. Nous regrettons ces bouillonnements et ces comportements agressifs, quelquefois à l’égard des politiques, des associatifs et des parlementaires qui travaillent en conviction.

Vous dites que vous ne les cautionnez pas. Pour certains d’entre vous, c’est vrai. Mais quand même, on ne vous entend pas beaucoup les dénoncer !

M. Christian Assaf. Très bien ! C’est insupportable !

Mme Cécile Untermaier. Pourtant, ils sont insupportables au regard de ce texte républicain de liberté, d’égalité et de fraternité, qui est examiné comme il se doit par la représentation nationale.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Cécile Untermaier. Ce que vous proposez, c’est l’enfermement dans l’institution, et je vous en veux d’envoyer ce message de peur et de repli à la jeunesse.

M. Philippe Meunier. Elle va nous griffer !

Mme Cécile Untermaier. Quand vous parlez de peur à propos de ce texte, je vous réponds que ma vraie peur, ce sont les propos violents prononcés ici même, hier par M. Wauquiez, ce matin par M. Bompard.

Mme Claude Greff. Et les vôtres ?

Mme Cécile Untermaier. Ma vraie peur, c’est votre incapacité à voir le monde évoluer.

Merci, madame la garde des sceaux, de ce que vous avez fait pour la société française. Il est temps de voter ce texte, à l’issue d’un grand et long débat démocratique devant la représentation nationale. Au moment où le printemps revient, il est temps de laisser s’envoler ensemble « Et gai rossignol, et merle moqueur ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit appelle à mon sens à la gravité et au respect. À peine le Sénat a-t-il voté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe…

Mme Claude Greff. En catimini !

M. Bernard Perrut. …que le Gouvernement le met déjà à l’ordre du jour de l’Assemblée. Comme si vous aviez peur des Français de tous âges et de toutes conditions qui sont de plus en plus nombreux à exprimer leur opposition à ce texte, ce texte qui divise alors que nous aurions tant besoin de nous rassembler. Faut-il en effet ajouter à la crise économique et à la crise sociale une crise de société ? Certainement pas !

Pas de commission spéciale, pas de débat public, pas de référendum, pas d’avis du Conseil économique, social et environnemental ; aujourd’hui, un débat limité par le temps programmé : la méthode n’est pas la meilleure – c’est le moins que l’on puisse dire ! –…

M. Jean-Marc Germain. C’est vous qui l’avez inventée !

M. Bernard Perrut. …sur un sujet aussi important, puisqu’il s’agit, vous l’avez dit vous-même, madame la garde des sceaux, d’une réforme de civilisation – d’une rupture de civilisation, devrais-je dire : le mot serait plus juste.

Si ce projet de loi est adopté, le mariage ne sera plus une référence commune. La cellule de base de notre société, la famille, s’en trouvera malmenée, et notre pacte républicain mis en cause. Père, mère, mari, femme, autant de mots, pourtant pleins de force, qui vont disparaître de nos textes, puisque, par voie d’ordonnance, ce ne sont pas moins de dix codes qui vont être modifiés !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quatorze !

M. Bernard Perrut. Ces mots de père et mère vont disparaître, remplacés par le mot parent. C’est du bricolage juridique, auquel vous vous gardez d’ailleurs d’associer les parlementaires !

Si ce projet est adopté, ce texte engagera gravement la responsabilité de la société à l’égard des enfants ; il va priver définitivement certains d’entre eux, ainsi que l’a d’ailleurs mis en évidence le Conseil d’État dans son avis, de la possibilité de connaître leur père et leur mère, en faisant comme s’ils étaient nés de deux hommes ou de deux femmes.

Si ce projet de loi est adopté, il entraînera inévitablement un certain nombre de transformations de notre droit, auxquelles les Français sont opposés. Je songe en particulier au recours à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes. Si ces sujets sont aujourd’hui reportés à d’autres échéances, il s’agit bien d’évolutions qui finiront par s’imposer à leur tour.

Si cette loi est adoptée…

M. Carlos Da Silva. Mais elle va l’être !

M. Bernard Perrut. …c’est malgré l’opposition des Français, qui, s’ils sont hostiles aux discriminations personnelles, refusent néanmoins de sacrifier le droit de la naissance et le droit de la famille.

Alors que nous aurions tous pu nous retrouver autour d’une solution équilibrée, qui réponde aux attentes des couples homosexuels, que nous respectons, sans heurter les convictions de ceux qui sont attachés au mariage en ce qu’il unit un homme et une femme. C’est dans cette perspective que les députés de l’UMP avaient proposé l’instauration d’une alliance ou d’une union civiles, qui auraient donné aux couples de même sexe un cadre juridique, une sécurité accrue, la reconnaissance sociale et des obligations extrapatrimoniales, comme l’obligation de fidélité, de secours et d’assistance. Comme le mariage, elles auraient été assorties d’une célébration officielle devant le maire, et auraient entraîné un certain nombre de conséquences, à l’exception de la filiation et de l’adoption.

Vous avez refusé cette voie, madame la garde des sceaux, alors que nous aurions pu en débattre et progresser ensemble, car nous avons à cœur, comme vous, d’apporter des réponses aux problèmes de société.

Mais notre désaccord est profond, puisqu’il porte, semble-t-il, sur la définition même du mariage, qui n’est pas seulement la reconnaissance de l’amour, même entre personnes de sexe différent, mais bien une institution incluant la perspective de la procréation. Comment d’ailleurs ne pas admettre que les couples de personnes de sexe différent et ceux des personnes de même sexe ne sont pas dans la même situation au regard de la procréation ?

Et les enfants ? Ils sont, bien évidemment, au cœur du débat. En prétendant établir une égalité entre adultes au regard du mariage, votre projet de loi crée une inégalité entre les enfants adoptés. N’oublions jamais que l’adoption n’est pas faite pour donner un enfant à un couple mais pour donner une famille à un enfant ! Or l’évolution de notre droit que va entraîner votre projet de loi va priver, de manière délibérée, certains enfants d’un père ou d’une mère.

Ce qui est plus grave, madame la garde des sceaux, c’est l’apparition de ce concept de genre, inspiré du gender anglo-saxon.

Mme Ségolène Neuville. Pas du tout ! C’est Simone de Beauvoir !

M. Bernard Perrut. Ce concept du genre semble inspirer votre législation, l’inscrivant dans un système de pensée où ce n’est plus la différence des sexes qui importe mais la perception subjective que chacun a de son identité, lui permettant de déterminer librement son orientation sexuelle.

Le concept du genre, c’est l’instrument d’une révolution anthropologique et culturelle, c’est la remise en cause de l’altérité sexuelle, c’est le révélateur d’une société qui récuse le réel comme limite à ses désirs ! Dans cette société, l’individu ne se définit plus comme homme ou femme mais comme hétérosexuel ou homosexuel ; on invente de nouveaux concepts : couples homosexuels et couples hétérosexuels en quête d’égalité des droits.

Pour toutes ces raisons, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis inquiet. Je respecte les opinions et la sensibilité de chacun ; je suis, comme vous, attaché à la liberté et à l’égalité ; je suis, comme vous, attaché à la lutte contre l’homophobie.

M. Olivier Dussopt. Ça ne s’entend pas !

M. Bernard Perrut. Comme vous, je suis respectueux de la vie personnelle et des sentiments que chacun porte à l’être humain qu’il aime et aux enfants qu’il conduit vers l’avenir ; je suis, comme vous, contre tous ces débordements, qui pourraient porter atteinte au respect de chacun, à la liberté et à la sécurité.

M. Michel Issindou. Dans ce cas, il ne faut pas aller crier avec eux !

M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, quels repères donnons-nous aujourd’hui à notre jeunesse ? Quel avenir voulons-nous pour la France ?

La grandeur du Président de la République et du Gouvernement aurait sans doute été de rassembler les Français autour de ce grand projet de société plutôt que de les diviser. C’est la raison pour laquelle ni moi ni mes collègues ne pourront vous suivre sur cette loi, qui ne répond pas à notre vision de l’union, de la famille, de l’enfant et de l’avenir de la société française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Ça nous rassure plutôt !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois – je ne vois pas la présidente de la commission des affaires sociales – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est petit !

M. Dominique Tian. …monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons terminé hier la séance de nuit sur l’intervention de Bernard Roman, premier questeur de l’Assemblée, qui a tenu des propos particulièrement scandaleux, imputant aux députés de l’UMP la responsabilité de deux événements dans lesquels on reconnaîtra pourtant que nous ne sommes pour rien.

M. Philippe Gosselin. Ni responsables, ni coupables !

M. Dominique Tian. Le premier concerne une bagarre provoquée par des skinheads dans un bar de Lille. Nous sommes loin de Lille et je ne vois pas quels sont nos liens avec ces skinheads qui s’en sont pris à des homosexuels. C’est un fait divers regrettable et que nous dénonçons, mais l’UMP n’en est pas responsable, pas plus qu’elle n’est responsable des incidents qui se sont produits à la fin de la manifestation contre le mariage pour tous.

Mme Claude Greff. Vous avez mis le pays à feu !

M. Dominique Tian. Il y a en effet eu des incidents, mais très en deçà de la violence et du climat de guerre civile que vous avez dénoncés avec des trémolos dans la voix, maquillant la vérité.

M. Bernard Roman. Tu parles !

M. Dominique Tian. C’est scandaleux, car les élus UMP sont des gens responsables, qui défendent leurs convictions et n’ont pas à subir les amalgames de personnes qui, malheureusement n’ont plus grand-chose à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec notre président Christian Jacob et plusieurs parlementaires du groupe, nous sommes allés à la rencontre des manifestants. Nous avons rencontré des genres responsables, des pères et des mères de famille, le gang des landaus, cher monsieur Roman, pas des casseurs !

Alors pourquoi cette urgence, pourquoi cette précipitation, madame la garde des sceaux ? Pourquoi cette angoisse qu’expriment M. Roman et certains députés socialistes ? Tout simplement parce que vous avez peur du peuple ! Vous avez peur de la manifestation du 26 mai, qui sera probablement gigantesque.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Quinze millions de personnes, au moins !

Mme Ségolène Neuville. Le résultat de votre démagogie !

M. Dominique Tian. Cette mobilisation, vous y contribuez d’ailleurs largement en vous attaquant aux allocations familiales et en prenant d’autres mesures détestables.

Mme Claude Greff. On n’a jamais vu ça !

M. Dominique Tian. Déjà, le 24 mars, alors que nos concitoyens manifestaient leur opposition de manière pacifique, vous avez nié jusqu’à l’absurde la présence dans les rues d’un million de nos concitoyens, fournissant sciemment, avec l’aide du ministre de l’intérieur, des chiffres totalement sous-estimés, ce qui est inadmissible dans une démocratie. Mais vous allez être servis, car vous ne pourrez pas, le 26 mai, nier à nouveau la réalité des chiffres et contester ce qu’auront vu l’ensemble de la presse et les observateurs étrangers.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Dominique Tian. En niant ces chiffres, en les sous-estimant, vous avez provoqué une crise.

Hier soir, avec Christian Jacob et plusieurs de nos collègues parmi lesquels Frédéric Poisson, Philippe Gosselin, Hervé Mariton ou Philippe Meunier, particulièrement actifs dans ce débat, nous avons, comme je le disais, rencontré ces manifestants : ce ne sont pas les casseurs que vous décrivez.

Nous avons également rencontré les policiers et les gendarmes, gradés et hommes de rang, qui nous ont indiqué en privé que ce déploiement de force était totalement inédit, absurde et disproportionné. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tant et si bien que nous avons fini par nous demander s’il s’agissait vraiment d’une manifestation des opposants au mariage pour tous ou d’une manifestation de la police nationale, puisque les policiers – surarmés – étaient au départ visiblement deux ou trois fois plus nombreux que les manifestants !

M. Philippe Gosselin. Récupération ! Instrumentalisation !

M. Dominique Tian. Ne pensez-vous pas, madame la garde des sceaux, que ces policiers auraient été plus utiles dans les banlieues parisiennes voire marseillaises, ou aux abords des prisons, dont on s’échappe à l’aide d’armes et d’explosifs ?

Non seulement vous tentez de faire passer ce texte en force, mais vous vous en prenez aux manifestants. C’est d’autant plus choquant que, jeudi prochain, nous allons examiner un texte d’amnistie pour les faits de violence et d’escroquerie commis par des syndicalistes. Or, hier et avant-hier, vous avez fait embarquer plus de soixante jeunes que vous avez placés en garde à vue, tout simplement parce qu’ils étaient assis dans l’herbe à côté de l’Assemblée nationale. C’est scandaleux !

Mme Frédérique Massat. Ils jetaient des pierres !

M. Dominique Tian. Ce texte est dangereux pour la société. Les députés de l’UMP ne cessent de dénoncer les dérives probables auxquelles il va conduire, d’alerter les Français sur les conséquences de ce projet qui, en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, va bouleverser le droit de la famille, changer les règles de filiation et gommer l’altérité sexuelle dans le code civil. Surtout, il mènerait à l’institutionnalisation du droit à l’enfant, avec l’ouverture à tous de la procréation médicalement assistée et presque mécaniquement de la gestation pour autrui. En effet, dans le cas d’un couple d’hommes, la procréation médicalement assistée est impossible puisqu’il ne vous aura pas échappé que les hommes ne peuvent pas porter d’enfant. Nous serions ainsi placés dans une situation paradoxale où, au nom de l’égalité, le principe de la procréation médicalement assistée pour tous serait discriminatoire à l’égard des couples d’hommes, discrimination qui ne pourrait être dépassée qu’en légalisant la gestation pour autrui, interdite en France au nom de l’indisponibilité du corps humain. Nous passerions donc du mariage pour tous à l’enfant pour tous, et je sais que plus de 120 députés socialistes sont déjà favorables à la GPA. Ce n’est pas un fantasme de l’UMP, c’est tout simplement une déclaration politique d’un certain nombre de membres du parti socialiste !

À l’UMP, nous croyons au contraire que les principes de la dignité humaine et de l’indisponibilité du corps humain sont universels. La grandeur de la France est de porter partout dans le monde l’exigence de la dignité humaine, pas de s’aligner sur les pays qui acceptent les pires transgressions. C’est pour cette raison que nous voterons résolument contre ce texte…

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Dominique Tian. …et que nous participerons en grand nombre à la manifestation de ceux qui défendent les valeurs essentielles de la famille dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Exactement ! Nous y serons tous !

M. le président. La parole est à M. Christian Assaf.

M. Christian Assaf. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur et cher ami, Erwann Binet, mes chers collègues, il nous revient la responsabilité de débattre, une nouvelle fois, du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.

Responsabilité, voilà un mot qui prend tout sens au moment où une minorité a choisi la radicalisation et va jusqu’à promettre le sang. Il nous appartient donc de ne pas donner de crédit à ceux qui se positionnent délibérément aux frontières du champ républicain.

S’il est indispensable de défendre son opinion, à aucun moment nous ne pouvons tolérer, ou encourager, des agissements extrémistes. Face à eux, notre responsabilité est d’assumer notre fonction de parlementaire : celle de légiférer, donc de nous prononcer sur le statut juridique de femmes, d’hommes, d’enfants qui, jusqu’à aujourd’hui, sont des fantômes de notre République !

Notre responsabilité prend également tout son sens au moment où l’homophobie connaît un triste regain. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. C’est vous qui en êtes responsables !

M. Christian Assaf. Gardons à l’esprit que nos débats concernent le quotidien de couples, de familles et d’enfants qui peuvent être heurtés par les caricatures ou les stigmatisations. N’oublions jamais les souffrances de celles et ceux pour qui vivre pleinement leur amour est un combat de chaque jour. Ne nions pas les ravages de l’homophobie et ayons, face à elle, une réponse forte.

Cette réponse doit être à la hauteur des appels lancés par l’association le Refuge ou par le Collectif contre l’homophobie qui s’inquiètent de la recrudescence des actes homophobes dans notre pays !

Mais notre responsabilité est surtout de poursuivre le cheminement républicain, et donc parlementaire, qui a fait progresser les libertés et l’égalité dans notre pays. Oui, c’est sur ces mêmes bancs que nos pairs ont autorisé l’IVG, dépénalisé l’homosexualité, aboli la peine de mort et créé le pacte civil de solidarité. Et c’est dans les pas de nos illustres prédécesseurs que nous pouvons désormais marcher pour, à notre tour, faire avancer la tolérance et la justice. Car de quoi s’agit-il dans ce projet de loi ?

S’agit-il de retirer des droits à une partie de la population ? Non ! Il s’agit simplement d’en donner à une partie de nos concitoyens !

S’agit-il d’opposer une partie des Français à une autre ? Non ! Il s’agit simplement de faire progresser l’égalité républicaine car ce sont les inégalités et les discriminations qui mettent à mal l’apaisement de notre société.

Avec ce projet de loi, nous répondons de manière juste aux attentes d’une partie de nos concitoyens !

Répondre de manière juste, c’est donner des droits à des citoyens à part entière mais qui n’ont pas, dans les mêmes situations, les mêmes droits que d’autres citoyens à part entière.

Répondre de manière juste, c’est ne pas maintenir des enfants, des couples et des familles dans l’insécurité.

Répondre de manière juste c’est accepter les nouvelles formes familiales qui forment aujourd’hui la société française.

Répondre de manière juste c’est reconnaître la force et le rôle du mariage civil, laïc et républicain.

Mes chers collègues, notre responsabilité est d’affronter de manière juste les réalités qui traversent notre pays pour faire avancer l’idéal républicain. Voilà le sens et le rôle de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

M. Jean Glavany. C’est une bonne chose !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons même droit à une réponse de la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci aux députés de la majorité pour la détermination avec laquelle depuis hier ils exposent leurs arguments, pour la clarté avec laquelle ils ont expliqué pourquoi ils ont massivement voté ce texte en première lecture et restent fortement mobilisés en deuxième lecture.

Merci aux députés de l’opposition qui ont pris le temps d’exposer à nouveau les raisons pour lesquelles ils s’opposent à ce texte.

M. Philippe Gosselin. Exact !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je parle de ceux qui ont développé des arguments, ce qui n’a pas été le cas de tout le monde, même si nous avons bien remarqué que les arguments n’avaient pas vraiment été renouvelés. Vous avez à nouveau dressé le procès de la PMA, de la GPA. Vous avez encore soulevé cet argument paradoxal selon lequel nous donnerions satisfaction à une infime minorité tout en faisant – préfiguration de l’apocalypse, antichambre d’un avenir dantesque – s’effondrer la famille. Comprenez que nous ayons du mal à saisir la cohérence de vos propos !

À nouveau, vous avez opposé le droit à l’enfant aux droits de l’enfant.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exact.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sauf qu’il ressort de vos propos que ce droit à l’enfant renvoie à un enfant icône, immatériel, immobile. Nous défendons pour notre part les droits des enfants qui existent, qui sont là, qui vivent, qui crient, qui jouent, ces enfants qui nous contrarient, qui sont réels et qui subissent le regard de la société.

M. Christian Jacob. Vous connaîtriez des enfants réels et pas nous ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vos explications, en tout cas, ne font pas référence à ces enfants réels.

M. Dominique Tian. Non, ce sont des enfants marchandisés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces enfants qui subissent le regard réprobateur d’une société dans laquelle les préjugés sont consolidés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Mais c’est n’importe quoi !

M. le président. Madame Greff, laissez parler la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et des arguments du même acabit, nous en avons entendu ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton et M. Christian Jacob. Une chanson ! Une chanson !

M. Nicolas Bays. Malotrus !

Mme Brigitte Bourguignon. Grossiers personnages !

M. le président. Monsieur Jacob, vous savez très bien que votre groupe aura du temps pour répondre : écoutez les arguments de la garde des sceaux. Elle seule a la parole.

M. Philippe Gosselin. Elle chantait très bien toute seule hier.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, monsieur le président, encore que je regrette que vous interrompiez ce concert fort harmonieux.

Un certain nombre d’arguments…

Mme Claude Greff. Moi, j’en ai quatre, des enfants !

M. le président. Madame Greff, personne ne vous demande votre carte de famille nombreuse ; écoutez la garde des sceaux.

Mme Claude Greff. Mais de quel droit parle-t-elle ainsi ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît, rasseyez-vous.

Mme Claude Greff. Non je n’arrêterai pas ! C’est scandaleux ! (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Dumont. C’est ridicule.

Mme Claude Greff. Les enfants sont tous différents !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Contrôlez vos nerfs.

M. le président. Madame Greff, je vous en prie.

Mme Claude Greff. Mais c’est impossible de laisser dire des choses pareilles !

M. Jean Glavany. Faites-la donc taire, monsieur le président !

M. le président. Madame Greff, nous avons tous bien compris votre opposition aux propos de la garde des sceaux. Voulez-vous bien vous asseoir, s’il vous plaît ? Vous le savez, tout ce temps sera décompté de celui de votre groupe.

Mme Claude Greff. Je me rassois, mais que Mme Taubira fasse bien attention !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis absolument effrayée par les menaces de Mme Greff.

Mme Claude Greff. Ne recommencez pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais contrôlez-vous donc, madame.

Mme Claude Greff. Ça suffit ! (« Assez ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

Mme Claude Greff. C’est insupportable !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons l’habitude de ces tactiques : quand on est peu nombreux, on fait beaucoup de bruit.

Je poursuis. M. Fromion a concentré dans son exposé un certain nombre d’affirmations très étonnantes selon lesquelles nous allions porter, par ordonnances, dans le secret de nos cabinets, un coup fatal à la société française.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qu’un parlementaire parle, en matière d’ordonnances, de secret de cabinet alors qu’elles sont adossées à l’article 38 de la Constitution, qu’elles sont soumises au Conseil d’État et qu’elles deviennent caduques si, dans les trois mois de leur promulgation, un projet de loi n’a pas été déposé à l’Assemblée nationale ou au Sénat, est aberrant. Toute cette procédure se transforme pour vous en secret de cabinet ! Je comprends mieux, à voir des parlementaires asséner des contre vérités aussi énormes à la société française, les malentendus qui peuvent naître et les inquiétudes de nos concitoyens, mais ce n’est pas suffisant pour convaincre. Si je cite M. le député Fromion, c’est parce qu’il a concentré en une seule intervention tous ces arguments qui ont été évoqués par d’autres parlementaires.

Déclarer que l’adoption serait le cadeau dans la corbeille de mariage, c’est ignorer l’article 343 de notre code civil selon lequel le mariage emporte l’adoption.

M. Xavier Breton. Et le titre du projet de loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a tout simplement été honnête depuis le début en évoquant ensemble le mariage et l’adoption. Il aurait tout aussi bien pu citer le seul mariage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Xavier Breton. Vous nous cachez des choses !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …parce que le mariage emporte l’adoption et qu’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe leur ouvre par conséquent, aussi, l’adoption.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’adoption qui pose problème, donc le mariage.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans un souci d’information des Français, le Gouvernement a choisi, durant ces mois de débat, de préciser que le mariage ouvrait à l’adoption.

Que des parlementaires viennent affirmer que l’adoption est accordée en plus prouve bien, soit qu’ils manipulent l’opinion, soit qu’ils ignorent des dispositions essentielles de notre code civil.

C’est sur ces bases que l’information est transmise à la société, qui s’en inquiète. C’est le plus dommageable. Pour le reste, vous pouvez pousser de hauts cris, mais vos démonstrations ressemblent assez à un scénario de western spaghetti des années 1970 (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),...

M. Hervé Mariton. Lamentable !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et encore pas ceux d’Ennio Morricone qui, eux, étaient bons. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous pouvez nous accuser de tous les crimes, vous pouvez porter contre nous les accusations les plus contradictoires, c’est ainsi que vous concevez l’opposition, c’est votre droit.

M. Hervé Mariton. Vous êtes de plus en plus lamentable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux simplement redire aux députés de la majorité que je suis extrêmement heureuse de voir que leur mobilisation ne faiblit pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. La rue non plus ne faiblit pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous arriverons au terme de cette belle loi qui sera notre fierté sur tout le quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 du règlement et porte sur le bon déroulement de nos travaux.

Hier, nous avons eu un débat sur l’utilisation du temps programmé et du temps exceptionnel, et je voudrais clarifier un point : si, durant cette session, je demande, au nom de mon groupe, le temps exceptionnel sur un autre texte, me l’accorderez-vous, monsieur le président ?

M. le président. Bien entendu !

En l’occurrence, nous avons pris pour référence l’estimation du temps législatif programmé qui se serait appliqué à la première lecture si nous avions fait ce choix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. On estime le temps législatif, maintenant !

M. le président. Nous verrons bien quand vous la proposerez, mais je ne vois pas d’opposition de principe à ce que vous déposiez une telle demande.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, sur la base de l’article 49, alinéa 10, de notre règlement, le temps exceptionnel est ouvert à l’opposition une fois par session. Lorsque vous me dites que je pourrai y avoir droit sur un autre texte, cela veut donc dire que vous constatez vous-même que nous n’avons pas eu droit au temps exceptionnel sur ce texte et que notre règlement a été bafoué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Ollier. C’est logique ! Cartésien !

M. le président. Monsieur Ollier, je vous en prie !

Monsieur Jacob, encore une fois, et pour la dernière, je vais être précis.

Nous avons eu cette discussion au cours de la première lecture. Je l’ai rappelé à plusieurs reprises, mon prédécesseur a alors regretté que nous n’ayons pas fait appel au temps législatif programmé pour avoir un débat sur le fond.

En ce qui concerne cette nouvelle lecture, nous avons, après discussion, estimé en conférence des présidents que, compte tenu du temps largement accordé pour la première lecture et, de surcroît, du nombre d’articles en moins puisqu’un certain nombre d’entre eux ont été votés conformes au Sénat, nous pouvions arriver à un temps programmé de vingt-cinq heures.

Pour le reste, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, c’est en conférence des présidents que se déterminent à la fois la prise en compte de la demande de l’opposition et le temps alors accordé. Donc c’est au moment de la conférence des présidents que nous verrons quelle sera sa position. En tout cas, il n’y a pas d’interdiction de principe.

M. Christian Jacob. Je n’y reviendrai plus, mais je tiens à prendre acte de ce que vous venez de dire au perchoir : sur une autre demande de notre groupe, pendant cette session, vous ferez droit à la possibilité d’obtenir un temps exceptionnel. Sachant que notre règlement prévoit que l’on puisse y avoir droit une fois par session, cela acte le fait que nous n’avons pas eu droit sur le présent texte au temps exceptionnel, contrairement à notre règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Jacob, je serai encore plus précis sachant que ce sont là des argumentaires qui peuvent concerner le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Y aurait-il un risque ?

M. le président. Je le répète, monsieur Jacob, nous n’avons pas eu le temps législatif programmé en première lecture. Vous n’avez donc pu avoir de temps exceptionnel. Je considère que vous pourriez dans ces conditions avoir un droit de tirage pour une première lecture.

M. Hervé Mariton. Pourquoi cela ne vaut-il que pour la première lecture ?

M. le président. Telle est ma position, que je présenterai en conférence des présidents.

Pour le reste, la prise en compte de votre demande relèvera, parce que c’est une décision collective, de la conférence des présidents.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, l’interprétation que vous venez de faire, – que j’entends volontiers –, ne figure pas à ce jour dans notre règlement.

M. le président. Monsieur le président Jacob, si notre règlement prévoit l’utilisation du temps législatif programmé, c’est en conférence des présidents que se décide le temps lui-même.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais apporter ma contribution à la réflexion de Christian Jacob.

Qui peut le plus peut le moins, monsieur le député. Le règlement de l’Assemblée nationale prévoit un droit à un temps législatif programmé exceptionnel – je dis bien un droit. Mais la conférence des présidents peut parfaitement décider, si vous en faisiez la demande sur un autre texte, de donner exactement le temps équivalent à un temps législatif programmé. Le droit porte sur un seul texte. Mais je le répète, qui peut le plus peut le moins.

M. Philippe Gosselin. En l’occurrence, c’est qui peut le moins peut le plus !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. La conférence peut parfaitement proposer un tel deuxième temps.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas très clair !

M. le président. Je propose que nous ne passions pas trop de temps sur le temps…

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, j’entends bien votre argumentation et je comprends votre difficulté en conférence des présidents avec une majorité qui essaie de contourner le règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Elle s’assoit dessus !

M. Patrick Ollier. Ce que vient de dire le président Jacob est écrit, monsieur Urvoas. Ce n’est pas « qui peut le plus peut le moins », c’est de droit !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Sur un seul texte !

M. Patrick Ollier. C’est de droit, point final, monsieur Urvoas !

En conférence des présidents, vous avez la majorité et vous pouvez effectivement marcher sur le droit. Pour autant, l’article 49, alinéa 10, du règlement précise : « Une fois par session, un président de groupe peut obtenir de droit […] ». Vous ne pouvez pas vous y opposer.

Pour siéger depuis un certain nombre d’années sur ces bancs, j’ai vu de nombreux présidents de l’Assemblée, de gauche comme de droite, exercer leur pouvoir, et je comprends donc votre difficulté, monsieur le président, car la conférence des présidents s’exprime à la majorité – je sais fort bien comment cela se passe, parce que j’y ai siégé des deux côtés, celui du Gouvernement et celui des parlementaires.

Je le dis à la majorité : vous n’avez pas respecté le règlement. Le Conseil constitutionnel étant juge, il appréciera et décidera. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Philippe Gosselin. L’heure est grave !

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ferai plusieurs observations.

Depuis le début de ce débat, j’entends les responsables de l’opposition dire dans les médias que le Gouvernement a décidé du temps législatif programmé. Vous pourriez être plus sérieux dans les arguments juridiques.

M. Patrick Ollier. Je n’ai jamais dit cela !

M. le président. Monsieur Ollier, laissez le ministre s’exprimer.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ce n’était peut-être pas vous, monsieur Ollier. Vous échappez donc à la règle et je vous en donne acte.

M. Patrick Ollier. Merci !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela étant, le Gouvernement a observé exactement quarante-cinq interventions dans les médias et dans l’hémicycle, expliquant qu’il s’agissait d’une initiative du Gouvernement. Il faut être sérieux : c’est un droit exclusivement parlementaire.

M. Patrick Ollier. Vous êtes majoritaires !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Par ailleurs, j’entends le débat d’aujourd’hui, et je vous invite à ménager vos forces. En effet, si à ce stade le seul espoir que vous ayez réside sur l’utilisation de ce type d’argument devant le Conseil constitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Hervé Mariton. Il y en a d’autres !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.…pour alimenter sa réflexion, je me permets de vous rappeler que ce dernier ne contrôle pas en la matière.

M. Christian Jacob. Le respect de la procédure parlementaire, ce n’est pas stupide !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il considère que le règlement de l’Assemblée n’est pas dans le champ du bloc de constitutionnalité. Par conséquent, tous vos efforts me semblent vains. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, je m’en remets à ce qui vous a été dit par le président et par le président de la commission des lois.

M. Christian Jacob. Qui a une lecture différente de celle du président de l’Assemblée !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pas du tout ! C’est votre analyse juridique qui ne me semble pas cohérente. Dès lors qu’il y a un droit à un, il peut y avoir postérieurement un droit à deux.

M. Marc Le Fur. C’est une faculté, pas un droit !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Votre raisonnement serait juste, monsieur Jacob, si vous aviez un texte indiquant que la commission ne peut pas accorder deux fois le temps exceptionnel. Si vous trouvez ce texte-là, alors, vous pourrez reprendre votre raisonnement.

Comme quoi non seulement le champ n’est pas juste, mais le raisonnement est incohérent.

M. Patrick Ollier. C’est l’application d’un droit, monsieur le ministre !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que c’est un article qui relève de notre règlement intérieur,…

M. Hervé Mariton. Ce serait bien que vous l’appliquiez convenablement !

M. le président. …et que nous aurons l’occasion de le revoir, le cas échéant.

Je vous fais remarquer aux uns et aux autres que nous avons choisi en première lecture de ne pas soumettre le texte au temps législatif programmé. Si je compare d’ailleurs le temps qui a été consacré à ce texte à celui qu’ont connu d’autres textes de loi relatifs à des problèmes sociétaux, il y a eu deux jours de débats pour l’abolition de la peine de mort et quatre pour l’IVG. Sur ce texte, nous avons eu dix jours et dix nuits ! Par conséquent, je ne pense pas qu’en l’occurrence ce soit une question de temps qui se pose.

Je le redis, monsieur Jacob, il est vrai que vous n’avez pas eu le temps législatif programmé en première lecture. S’il devait y avoir à cet égard une demande de la part de l’opposition sur un autre texte, je considérerai qu’elle peut y avoir droit.

Mais en l’occurrence,…

M. Hervé Mariton. On n’y a pas droit !

M. Christian Jacob. Oui, pourquoi pas sur ce texte ?

M. le président. …vous l’avez eu : nous vous avons accordé, en conférence des présidents, le temps législatif programmé maximum pour une deuxième lecture.

M. Hervé Mariton. C’est écrit où ?

M. le président. Nous en venons à l’examen des articles.

Article 1er bis A

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, inscrit sur l’article 1er bis A.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je crois profondément que notre pays a besoin d’unité et d’efficacité. Depuis un an que la majorité est aux affaires, vous avez malheureusement démontré chaque jour votre inefficacité : nous sommes en récession, le chômage explose, le pouvoir d’achat des Français diminue.

Vous avez également démontré – c’est encore plus grave – votre volonté de briser l’unité nationale. Vous faites le choix de la division, le choix de monter les Français les uns contre les autres en mettant à l’ordre du jour du Parlement un texte qui heurte profondément la conscience de millions de Français. Vous faites le choix de l’affrontement.

Je me tourne vers Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. En réponse à la discussion générale approfondie, respectueuse, que les orateurs de l’opposition ont souhaité avoir, vous avez dit, madame la garde des sceaux, que les Français se livraient en ce moment à un « western spaghetti ».

La vulgarité, la médiocrité du propos (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.), son absence de caractère juridique démontre ce que vous avez à l’esprit.

Nous ne sommes pas, madame la garde des sceaux, des Indiens combattant des cow-boys ! Les millions de Français qui expriment dans la rue leur indignation à l’endroit de ce texte ne méritent pas d’être traités de la sorte par un gouvernement aux abois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que nous constatons ce matin et ce que nous avons pu voir hier soir est édifiant.

Nous sommes dans une situation assez grave. Le pays connaît des difficultés importantes que le Gouvernement n’arrive pas à juguler. Malgré ces difficultés, le Gouvernement porte une très lourde responsabilité en voulant passer en force sur un texte de nature sociétale – nous avons pu le constater à plusieurs reprises. En l’occurrence, la discussion qui s’est engagée montre que l’on cherche de surcroît à museler l’opposition, alors que la question dont il s’agit mérite, au contraire, de rassembler les Français.

Nous avons fait des propositions, notamment autour de l’union civile. Toutes ont été rejetées parce que, là aussi, on cherche à cliver. C’est extrêmement grave et je tiens à rappeler ici très solennellement que nous devrions avoir collectivement une autre attitude sur de tels sujets qui mériteraient une plus grande concorde. Ce que vous êtes en train de faire est de nature à diviser là où, plus que jamais, il faudrait rassembler.

Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la classe politique est attaquée suite à certains faits – en l’occurrence l’attitude inqualifiable d’un ministre de la République. Aussi, le moment serait venu d’avoir un véritable débat national autour de la question qui nous occupe. Le fait d’avoir choisi le temps programmé montre que c’est exactement l’inverse que l’on cherche à faire. Tout cela n’est pas très sérieux sur une question qui est pourtant de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. C’est une insulte permanente !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, je voudrais, au nom de mon groupe, revenir sur les propos de Mme la garde des sceaux. Le « western spaghetti », ça ne passe pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est du mépris à l’égard des centaines de milliers de personnes qui se mobilisent depuis des mois et représentent une opinion publique aujourd’hui majoritaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Plus de 55 % des Français, selon un sondage BVA paru la semaine dernière, se déclarent désormais opposés au projet du Gouvernement ! Ces gens que nous représentons ne jouent pas aux cow-boys et aux Indiens ! Le sujet est beaucoup plus grave ! Vos propos méprisants, madame la garde des sceaux, attisent les haines les passions !

M. Michel Lefait. C’est vous qui faites cela !

Mme Laure de La Raudière. Arrêtez les amalgames !

M. Philippe Gosselin. Vous nous accusez de radicalisation, mais c’est vous qui agitez le chiffon rouge ! Vous êtes en effet, comme le dit mon collègue Meunier, un gouvernement pompier pyromane ! (Mêmes mouvements.) Ceux qui nous écoutent en ce moment, ceux qui manifestaient hier et manifesteront demain de plus en plus nombreux se sentent réellement dévalorisés, méprisés et insultés ! Ce n’est pas tolérable, madame la garde des sceaux ! Vous avez beau ne pas écouter, vous n’êtes pas non plus Calamity Jane !

Un député du groupe UMP. Chantez, maintenant !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Vous voulez la guerre civile ?

Mme Claude Greff. Nous ne serions pas fiers d’être de gauche !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Mes chers collègues, tâchez d’écouter ce que dit l’opposition. Les amalgames gâchent toute la discussion, la violence des uns et des autres aussi. Vous avez d’emblée essayé de montrer que ceux qui sont dans la rue sont des gens qui sont contre vous et la politique que vous menez.

Nier le nombre de personnes qui sont dans la rue, c’est une violence,…

M. Dominique Tian. Et du mépris !

M. Marc Laffineur. …et tous ceux qui viennent manifester la ressentent comme telle.

Donner au ministre de l’intérieur et au préfet de police l’ordre d’attaquer des enfants et des familles avec des grenades lacrymogènes, c’est une violence et les gens la ressentent comme telle ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Breton. C’est la vérité !

M. Marc Laffineur. Infliger des contraventions pour trouble à l’ordre public à des gens au motif qu’ils portent des tee-shirts représentant un homme et une femme tenant deux enfants par la main, c’est une violence et les gens la ressentent comme telle !

Ces gens qui manifestent sont de braves gens qui ont tout simplement certaines valeurs. Il est tout à fait normal qu’ils puissent les défendre. Or placer vingt-cinq personnes en garde à vue…

M. Dominique Tian. Soixante !

M. Marc Laffineur. …dans une salle de quinze mètres carrés parce que tels ont été, selon les policiers, les ordres reçus, c’est aussi une violence ! Voilà ce que vous faites ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André. Cela ne vous émeut pas toujours !

M. Marc Laffineur. Sans oublier, à vous écouter, la violence de votre langage,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle violence ?

M. Marc Laffineur. …cette violence qui résulte de votre gêne d’avoir le peuple contre vous et de voir les Français découvrir petit à petit votre véritable visage et la politique que vous vous voulez mettre en place.

Décider qu’une pétition rassemblant 750 000 pétitionnaires ne compte pas, c’est une violence !

C’est à cause de cette violence perpétuelle depuis des mois que tant de personnes sont maintenant dans la rue et que la très grande majorité des Français est contre votre projet de loi !

Mme Claude Greff. Oui ! Tout cela est de votre faute ! Vous l’avez cherché !

M. Marc Laffineur. En fait, tout cela révèle la mise en place d’une stratégie. Comme vous êtes incapables de régler les problèmes économiques, de résoudre la question du chômage ou de prendre la décision de faire des économies et d’avoir un budget qui se tienne, vous occupez d’autres terrains en provoquant sans arrêt les Français. Vous prenez là une grosse responsabilité devant ces derniers, ce qui se voit de plus en plus dans les sondages : à présent, on ne sait même pas si votre candidat sera au deuxième tour d’une élection présidentielle ! Voilà ce que vous récoltez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Conchita Lacuey. Nous assumons !

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Ce texte révèle et conjugue tous les maux du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Premièrement, vous vous trompez d’urgence. Celle que vous avez choisie n’est pas l’urgence d’aujourd’hui, ni celle des Français. Deuxièmement, vous méprisez, en créant des amalgames et un rapport de force malsain, les Français qui manifestent calmement dans la rue. Vous humiliez le Parlement en passant en force contre l’avis de votre propre majorité. Vous tronquez le débat en prétendant que la PMA est un sujet distinct qui sera traité ultérieurement alors qu’en réalité elle est consubstantielle au mariage. Vous divisez les Français en prenant le risque de galvauder une institution pour satisfaire moins de 0,3 % de la population.

Mais le plus grave, c’est l’évocation par Mme la garde des sceaux il y a un instant des « enfants réels », comme s’il y avait des enfants virtuels ! La vérité, c’est que vous vivez vous-même dans un monde irréel, et que tous les maux que je viens de citer finiront par emmener la France dans le mur ! Oui, ce débat de civilisation rassemble et conjugue tous les maux et toutes les turpitudes de votre majorité ! Voilà la vérité et voilà pourquoi nous ne pouvons pas voter le texte.

M. Jean-Louis Destans. Laborieux !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Bernard Lesterlin. C’est une nouvelle discussion générale, monsieur le président ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, mesdames les ministres, monsieur le ministre, vous n’écoutez pas l’opposition ! Vous ne la respectez pas, vous la méprisez ! Les techniques parlementaires que vous utilisez ne trompent personne. De même, vous n’écoutez pas la rue et vous ne la respectez pas. Les Françaises et les Français, aujourd’hui, sont indignés, et cette indignation vous ne voulez ni la voir ni la comprendre.

Que vous ayez des positions différentes de celles de l’opposition, tout le monde peut l’entendre. Mais il importe de respecter le peuple, car ne pas le respecter et le mépriser comme vous le faites est anxiogène, et l’anxiété que vous suscitez dans le peuple français, vous la retrouvez dans la rue. Vous êtes devenus un gouvernement et une majorité anxiogènes pour l’ensemble de nos concitoyens faute de réponse concrète à même de les rassurer !

M. François André. Et Sarkozy, il n’était pas anxiogène peut-être ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez dit tout à l’heure, madame la garde des sceaux, que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe implique nécessairement l’ouverture de l’adoption. Vous ne l’aviez pas dit initialement, mais cela figurait dans le titre de votre projet de loi ! Et c’est là ce que les Français vous reprochent. Ils n’avaient pas compris que le mariage incluait l’adoption, car nos concitoyens ne sont pas tous des juristes.

M. Nicolas Bays. Vous non plus !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quant au pourcentage d’opinions favorables que vous vous plaisiez à mettre en avant lors de la première lecture, vous ne pouvez plus l’utiliser. La tendance s’inverse, car cette ouverture de l’adoption n’est pas admise aujourd’hui par nos concitoyens.

M. Xavier Breton. On ne vous entend plus ! Vous voilà bien discrets !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous fredonniez, madame le garde des sceaux, Le temps des cerises dans l’hémicycle. Votre mépris évoque bien en effet le merle moqueur de la chanson. Vous affichez une telle distance avec les Françaises et les Français que c’en est presque pathétique, et la désinvolture qui caractérise vos réponses ne correspond pas à ce que doit être aujourd’hui un garde des sceaux, ce qui exaspère la population.

Les urgences, pour le peuple français aujourd’hui, ce sont la sécurité et l’emploi. Là-dessus, vous n’avez pas de réponse concrète. Vous ne répondez pas aux attentes et demeurez dans la provocation permanente, par exemple en fredonnant Le temps des cerises. Vous fredonniez hier, madame le garde des sceaux. Pourrais-je vous demander, comme la fourmi de la fable à la cigale, quand vous danserez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. C’est l’arche de Noé ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, vous avez la majorité au sein de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, sur ce sujet, l’opinion majoritaire est clairement avec nous. Mais en République, c’est le Parlement qui délibère et vous avez donc bien la majorité pour vous. Peut-on dès lors vous demander, madame le garde des sceaux, d’être au moins respectueuse du Parlement et de l’opposition ? Compte tenu de la force dont vous disposez du fait majoritaire, un peu moins de mépris vous honorerait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Lefait. Commencez par montrer l’exemple !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, en matière de western spaghetti, je pourrais évoquer Il était une fois dans l’ouest, ayant quelques raisons géographiques de le faire. (Sourires.) Je préfère évoquer un autre film célèbre, Le bon la brute et le truand. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Excellent !

M. Marc Le Fur. Le truand, vous le connaissez. Il était des vôtres et tire encore dans les coins, il s’appelle Cahuzac !

M. Nicolas Bays. Sarkozy !

M. Michel Lefait. Woerth !

Mme Brigitte Bourguignon. Balkany !

M. Marc Le Fur. La brutalité, vous l’utilisez à mauvais escient contre des jeunes inoffensifs, pacifiques et déterminés que vous envoyez au poste. Voilà votre seule réponse à la jeunesse !

M. Nicolas Bays. Karachi !

M. Marc Le Fur. Car les bons, ce sont eux, ces jeunes généreux qui ne manifestent pas pour eux-mêmes mais pour leur vision de la société, des rapports humains et de la personne humaine.

Nous constatons également de la brutalité dans la gestion parlementaire de notre débat. Rien ne nous a été épargné : refus de la commission spéciale, refus de la communication de l’avis du Conseil d’État, refus par le Conseil économique et social aux ordres du Premier ministre des 700 000 signatures évoquées par mon collègue Marc Laffineur. Et ça continue ! Le président de notre groupe a demandé explicitement que le temps maximal lui soit accordé dans le cadre du temps programmé. L’alinéa 10 de l’article 49 de notre règlement ne précise absolument pas qu’il est réservé à la première lecture ! Il peut tout à fait s’appliquer à une deuxième lecture et vous le lui avez refusé, monsieur le président de l’Assemblée !

M. Xavier Breton. Vous avez peur du débat !

M. Marc Le Fur. Le président Jacob vous a demandé si vous lui accorderez-vous à nouveau la durée maximale au cours de la session. Vous lui avez répondu que vous jugiez cela possible, indiquant par là implicitement que vous lui avez refusé le temps maximal à l’occasion de ce débat. Puis le président Urvoas a, lui, affirmé qu’on pouvait l’accorder une deuxième fois. Propos contradictoires du président de l’Assemblée et du président de la commission des lois ! Je sais, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, que cela vous met dans l’embarras, mais c’est ainsi !

En tout état de cause, on refuse au Parlement, ainsi qu’à l’opposition désormais majoritaire dans le pays sur ce sujet, la possibilité de s’exprimer. Peut-être étions-nous initialement minoritaires sur le sujet du mariage. Beaucoup de nos compatriotes laissaient faire, au motif qu’il s’agit d’une liberté concernant peu de gens.

Ils ont compris que la question ne se limitait pas à la liberté de quelques-uns, mais impliquait la remise en cause de toute une logique familiale, avec des risques majeurs pour les enfants. C’est ce que nous continuerons à dire durant ce débat – qui, au-delà de cet hémicycle, trouve des échos dans la société –, et je suis convaincu que nos compatriotes le comprennent parfaitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je veux dire sincèrement, calmement, sans hausser le ton, qu’en tant que démocrate, je suis inquiet de l’évolution de la situation. Il y a décidément quelque chose en train de se dérégler dans la République de France. Ce qui est insupportable dans cet hémicycle, mesdames et messieurs de la majorité, c’est votre dogmatisme. Ce qui est insupportable, c’est votre obstination. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et si vous parliez du texte ?

M. Patrick Ollier. Justement, monsieur Le Bouillonnec, je parle du texte et de votre dogmatisme…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et le vôtre ?

M. Patrick Ollier. …et de votre obstination à ne jamais entendre les arguments de l’opposition, à ne jamais accepter un amendement de l’opposition, à ne jamais accepter de dialoguer avec nous et d’avancer ensemble sur un chemin commun que nous aurions pu trouver.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Patrick Ollier. Vous avez voulu aller jusqu’au bout de cette logique dogmatique, monsieur le rapporteur, et vous voyez aujourd’hui le résultat de votre obstination. Moi qui siège ici depuis un certain temps (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous n’êtes pas le seul !

M. Patrick Ollier. Les jeunes députés peuvent bien s’insurger, j’ai le droit d’être fier de voir mes électeurs me renouveler leur confiance !

M. Thomas Thévenoud. Sans parler de la confiance de Ben Ali !

M. Patrick Ollier. Moi qui siège depuis longtemps dans cet hémicycle, je suis choqué par votre ironie, madame la garde des sceaux et monsieur le ministre. Votre mépris est insupportable, et votre arrogance déplacée. Tout cela ne peut tenir lieu d’arguments. Ce n’est pas en recourant à certaines images, comme vous l’avez fait, madame la garde des sceaux. que l’on peut permettre à ce débat de démocratie d’avoir lieu.

Le droit de défendre nos arguments nous est-il interdit ? N’avons-nous pas le droit de défendre l’institution du mariage sans faire face en permanence à l’ironie et à l’arrogance de la majorité ?

M. André Schneider. Et aux insultes !

M. Patrick Ollier. Ainsi qu’aux insultes et aux quolibets, effectivement. N’avons-nous pas le droit de défendre la filiation ? Mesdames et messieurs de la majorité, nous avons aussi le droit de défendre l’égalité pour les couples homosexuels, mais par des moyens de traitement différents des vôtres (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR). Nous avons parfaitement le droit de défendre cette égalité en demandant une union civile déclarée en mairie, avec les mêmes droits patrimoniaux, successoraux et sociaux pour les couples homosexuels. Cette volonté que nous avons de défendre les mêmes objectifs que vous, mais par des moyens différents, est-elle si insupportable qu’elle puisse justifier que vous nous traitiez ainsi ?

Je terminerai en rappelant nos arguments, qui sont loin d’être négligeables. J’ai souvenir que François Mitterrand lui-même – eh oui, il y a longtemps que je fais de la politique ! –, qui était un adversaire coriace pour la droite et le centre, notamment pour les gaullistes que je représente, a, dans un contexte identique, à savoir le débat sur un texte insupportable portant sur l’école privée, eu la sagesse d’entendre le peuple de France descendu dans la rue – j’y étais moi-même. Il a eu la prudence de retirer ce texte, parce qu’il a su écouter.

Mme Brigitte Bourguignon. Les sondages étaient bien pires !

M. Patrick Ollier. Mesdames et messieurs du Gouvernement, vous persévérez dans la surdité et dans le mépris. Malheureusement pour la France, c’est la rue qui finira par avoir raison de votre obstination, et je le regrette. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est encore temps que vous changiez d’avis, que vous acceptiez nos amendements, et que puissions ensemble trouver ou retrouver le chemin de la raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Quand vous avez dit « western spaghetti », madame la garde des sceaux, était-ce un acte manqué, un lapsus, ou exprimiez-vous le fond de votre pensée ? Il faut vous en expliquer devant la représentation nationale. Pensiez-vous aux députés UMP mis en cause, hier soir, par M. Roman, de façon inacceptable, puisqu’il nous a attribué la paternité d’une bagarre survenue dans le vieux Lille et ayant opposé des skinheads à des homosexuels ? Nous n’avons évidemment aucune responsabilité dans des événements de fin de manifestation, puisqu’au moment des faits, nous étions dans cet hémicycle, occupés à défendre pacifiquement nos convictions. Est-ce donc à cet amalgame, pratiqué à des fins stratégiques par M. Roman – nous connaissons M. Roman, et ne sommes pas étonnés par une telle attitude – que vous pensiez lorsque vous avez parlé de western ?

M. Philippe Cochet. Lamentable !

M. Dominique Tian. À vos yeux, madame la garde des sceaux, les députés de l’UMP seraient-ils des cow-boys ou des truands – je n’ose penser qu’ils soient les bons, puisque les bons sont forcément de votre côté ? Vous traitez par le dédain les manifestants, c’est-à-dire un million de personnes venues vous délivrer un message – ils étaient encore entre 5 000 et 6 000 hier soir.

L’une des explications de cet acte manqué réside peut-être dans la réminiscence d’un vrai western pour le coup dont vous avez été la victime il y a quelques mois, à savoir l’évasion d’un prisonnier survenue alors que vous visitiez la prison. Il est vrai qu’il y a encore eu mieux dans la même veine de ces westerns spaghetti un peu ridicules – ces navets que l’on regarde avec une certaine gêne – avec l’évasion intervenue dans une prison la semaine dernière à la suite de coups de feu, d’une prise d’otages et de l’utilisation d’explosifs ! Un tel événement ne relève-t-il pas un peu de votre responsabilité, madame la garde des sceaux ?

En tout cas, si vous aimez les westerns spaghetti, regardez donc du côté de votre mission gouvernementale plutôt que du côté de cet hémicycle, car je vous assure que nous ne sommes pas des cow-boys. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Avec Mme Taubira, les truands rigolent bien en ce moment !

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Philippe Gosselin. Tiens, la majorité veut qu’il lui soit décompté du temps de parole !

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le président, je voulais simplement vous demander où nous en sommes dans notre débat, car je vous avoue être un peu perdu. Vous avez, tout à l’heure, donné la parole – de façon tout à fait légitime – à M. Le Fur, inscrit comme premier orateur sur l’amendement n° 1 de l’article 1er bis A… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Et alors ?

M. Patrick Ollier. Relisez le règlement, monsieur Lesterlin !

M. Bernard Lesterlin. …alors que je ne vous ai pas entendu appeler cet article.

Pouvez-vous donc me préciser si nous sommes encore dans la discussion générale, ou si, après avoir examiné l’article 1er bis A, nous avons commencé l’examen des amendements avec celui de M. Fasquelle ? Bien que je connaisse le fonctionnement de cette assemblée, puisque j’y fais mon deuxième mandat, j’avoue avoir un peu de mal à m’y retrouver, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous précise, monsieur Lesterlin, que nous en sommes à l’article 1er bis A (Mêmes mouvements)

M. Philippe Gosselin. Trouble dans la majorité !

M. le président. …et que chaque député peut s’inscrire sur cet article. Au demeurant, je ne vois pas où est le problème, puisque l’application du temps législatif programmé implique que chacun gère son temps comme il le souhaite.

M. Dominique Tian. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la garde des sceaux, vous semblez poursuivre un plan soigneusement établi, mais prenez garde que les hiérarques socialistes ne se trouvent pas balayés par un vent de révolte, et que vous ne soyez pas les idiots utiles de certains groupes de pression qui œuvrent dans l’ombre, attendant la chute de la VRépublique dont tous vos textes semblent avoir pour objectif la destruction bien qu’elle ait montré sa solidité. Tous vos textes participent en effet de l’affaiblissement du Parlement, en particulier de l’Assemblée nationale, que vous bafouez et méprisez systématiquement.

Pire, c’est la voix des Françaises et des Français que vous n’entendez pas, que vous n’écoutez pas. Votre monarque est nu, parce qu’il n’a pas su se revêtir de la pourpre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Loncle. Qu’est-ce que c’est que ces bêtises ? On nage en plein délire !

M. Nicolas Dhuicq. Votre monarque n’a aucune conscience de l’histoire, de la transmission des générations.

Nous sommes ici parce que vous inventez une fiction, celle d’une filiation abstraite, coupée de la généalogie et de la biologie, une fiction qui fait que nous aurons bientôt des enfants « hors sol », hors famille. Vous voulez créer un homme sans territoire, hors lien, hors histoire, hors généalogie. (« Vite ! Sa piqûre ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cet homme nouveau que vous appelez de vos vœux marquera le début d’un monde ouvert à toutes les manipulations possibles, avec des savants fous qui pratiqueront l’eugénisme.

M. François Loncle. Quel délire !

M. Nicolas Dhuicq. Ne voyez-vous pas, madame la garde des sceaux, que vous nous opposez des arguments fous ? Comme je l’ai déjà dit en discussion générale lors de la première lecture, votre texte est absurde. C’est la chasse au snark, une chasse où l’on ne sait même pas ce que l’on poursuit !

M. François Loncle. Pauvre type ! Minable !

M. Nicolas Dhuicq. Madame la ministre, votre texte est délétère. Demandez à votre monarque de se ressaisir, d’écouter la France et les Français et d’organiser un référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Loncle. Abruti ! Franchement, il faut arrêter le délire !

M. Xavier Breton. Pourquoi n’allez-vous pas prendre l’air, monsieur Loncle ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Chers collègues de l’opposition, depuis hier, vous nous expliquez que vous êtes les porte-parole des hommes et des femmes qui manifestent. Pensez-vous qu’ils manifestent pour votre temps de parole, qu’ils manifestent au sujet du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ou de tel ou tel propos qui aurait été tenu par Mme la garde des sceaux ?

M. Dominique Tian. Ils manifestent au sujet du projet de loi, c’est tout !

Mme Marie-George Buffet. M. Mariton nous a promis hier des arguments renouvelés, que nous attendons toujours.

Mme Brigitte Bourguignon. Des invectives !

Mme Marie-George Buffet. Où sont-ils, ces arguments renouvelés sur le texte de loi dont nous débattons ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Marie-Louise Fort. Des arguments renouvelés, cela ne veut pas forcément dire des arguments nouveaux !

Mme Marie-George Buffet. Revenons à l’objet de notre débat : la République ouvre-t-elle les mêmes droits à tous ses enfants, ou bien laisse-t-elle des portes fermées à certains d’entre eux ? Des hommes et des femmes qui ont de l’amour et un projet commun peuvent-ils se marier ? Des enfants peuvent-ils être des enfants de plein droit, parce que leurs parents ont enfin tous leurs droits ? Mes chers collègues de l’opposition, nous vous écoutons sur toutes ces questions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Mes chers collègues, 30 %, 22 %, 22 % : voilà les résultats, pour respectivement Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et François Hollande, du dernier sondage après un an de gouvernement socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Lefait. C’est ça les nouveaux arguments ?

M. Dominique Tian. Nous comprenons mieux pourquoi le Parlement est aujourd’hui assiégé par les CRS aux ordres d’un ministre de l’intérieur qui commence à avoir les jambes qui tremblent.

Mme Gisèle Biémouret. Scandaleux !

M. Dominique Tian. Oui, M. Valls a les jambes qui flageolent !

M. Philippe Meunier. Car vous êtes désormais minoritaires dans ce pays ! La réalité, c’est que les Français sont majoritairement contre ce projet de loi inique ! Face à cette réalité, vous affichez encore des mines sereines, blottis que vous êtes dans votre bunker. Mais n’oubliez pas que, dehors, les Français manifestent – et croyez-moi, ils seront encore plus nombreux le 21 avril prochain, le 5 mai et le 26 mai dans les rues de France, qu’ils ne l’ont été le 24 mars dernier.

Vous allez comprendre ce que c’est que le peuple français. Ce n’est pas parce que vous êtes majoritaires ici que vous avez tous les droits. Écoutez le peuple ! J’espère que François Hollande saura avoir la même grandeur que celle dont ont fait preuve, en leur temps, Jacques Chirac et François Mitterrand, en revenant respectivement sur le CPE et sur la loi relative à l’école libre. J’ose espérer que, dans un sursaut, François Hollande prendra enfin la mesure de sa fonction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons entamé hier soir la discussion générale dans des conditions incroyables puisque l’Assemblée nationale était totalement bunkérisée. En dix ans de mandat, je n’ai jamais vu la rue de l’Université barricadée de la sorte. (« Jamais ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est à se demander de quoi la majorité a peur !

M. Philippe Meunier. Du peuple !

M. Frédéric Reiss. Il est évident que la majorité veut faire passer en force ce projet de loi dont les Français ne veulent pas. Il n’y a ni violence, ni homophobie de la part des députés de l’opposition,…

M. François André. C’est une blague ?

M. Frédéric Reiss. …mais des convictions.

M. Michel Lefait. Allez voir à Lille !

M. Frédéric Reiss. Ainsi, il n’est pas homophobe de dire qu’un enfant a droit à un papa et à une maman.

Le Gouvernement et la majorité font fausse route en voulant imposer ce bouleversement sociétal majeur. Une chose est sûre, c’est que bon nombre de concitoyens qui ont mis dans l’urne un bulletin de vote pour François Hollande le regrettent amèrement aujourd’hui.

M. Patrick Ollier. C’est bien vrai !

M. Frédéric Reiss. Ce projet de mariage de deux personnes de même sexe est scandaleux à cause des dispositions en matière de filiation et de droit à l’enfant qui l’accompagnent.

Le coup fourré réussi au Sénat par le vote à main levée fait partie de la panoplie déployée par la majorité pour arriver à ses fins coûte que coûte. Le temps programmé et les ordonnances sont du même ordre. Nous nous opposerons de toutes nos forces à ce projet qui ne respecte pas les valeurs de la famille (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Ce quinquennat a d’ores et déjà véritablement tourné à la parodie et je crains que, par votre attitude autistique, il ne vire à la tragédie d’ici quelques jours.

Il a tourné à la parodie avec un ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale, lui-même fraudeur.

Il a tourné à la parodie avec un nouvel événement ce matin : votre président de la République, qui s’était bunkérisé dans son palais de l’Élysée et n’osait plus en sortir, s’est rendu par surprise ce matin dans un aéroport parisien.

Il a tourné à la parodie avec un président de la République qui a répété à de multiples reprises qu’il n’était au courant de rien, qu’il ne savait rien sur rien, ni sur son ministre Cahuzac ni sur son propre trésorier de campagne.

Mme Brigitte Bourguignon. Quel rapport avec le débat ?

M. Sébastien Huyghe. Il ne savait pas non plus que la France faisait face à une crise sans précédent, il n’avait pas perçu la violence de la crise, il ne pensait pas qu’elle allait durer aussi longtemps.

Souvenez-vous, mes chers collègues ! Pendant la campagne électorale, il ne connaissait pas les turpitudes de Dominique Strauss-Kahn ; et alors qu’il a été pendant onze ans et demi premier secrétaire du Parti socialiste, il n’a jamais su que, dans les Bouches-du-Rhône et dans le Pas-de-Calais, le fonctionnement des plus grosses fédérations socialistes de France s’apparentait à un fonctionnement « mafieux » – ce n’est pas moi qui emploie ce terme, mes chers collègues socialistes, mais bel et bien d’anciens membres de votre formation politique.

Mme Brigitte Bourguignon et M. François André. Mais quel rapport avec le débat ?

M. le président. Du calme !

M. Sébastien Huyghe. Mais ce quinquennat, après la parodie, risque maintenant de tourner à la tragédie. Pourquoi ? Parce que la France gronde, et vous ne l’entendez pas. Vous minimisez l’ampleur du mouvement populaire sans précédent qui s’est développé contre ce texte.

La France gronde, car la crise est là : notre pays connaît 1 300 chômeurs supplémentaires par jour.

Mme Claude Greff. Grâce à leurs brillantes idées !

M. Sébastien Huyghe. Pendant ce temps vous nous amusez avec un texte dont les Français ne veulent pas. L’urgence, pour vous, c’est d’instituer le mariage pour tous, comme vous dites, mais aussi et surtout l’adoption pour les couples homosexuels. La France gronde, car vous tentez ainsi de dresser les Français les uns contre les autres pour éviter les sujets économiques et sociaux qui les concernent.

Mme Claude Greff. C’est cela, le scandale !

M. Sébastien Huyghe. Il reste encore une solution, madame la garde des sceaux : suspendez la discussion de ce texte afin que nous passions enfin, j’insiste sur ce mot,…

M. François André. Au vote !

M. Sébastien Huyghe. …aux textes qui intéressent les Français – je veux parler de ceux qui pourraient leur permettre de retrouver un emploi et de sortir de la crise.

M. François André. Bonimenteur !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Si, dans les sondages, vous ne recueillez plus la majorité …

M. Sergio Coronado. Ce sont les Français qui nous l’ont donnée !

Mme Laure de La Raudière. …vous la détenez toujours dans notre assemblée et le texte qui nous est soumis sera fort probablement adopté.

Ce qui m’inquiète, c’est que vous êtes dans le déni de la réalité des conséquences de ce projet de loi. C’est ce que nous dénonçons aujourd’hui en nous y opposant.

Oui, ce texte constitue un changement de civilisation. Mais plutôt que de trouver une solution juridique en faveur des familles homoparentales existantes, souvent issues d’une recomposition familiale, ou aux couples homosexuels désirant s’unir en mairie, vous avez choisi, par idéologie, d’attaquer l’institution du mariage. Le mariage, c’est l’institution de la République qui unit solennellement un homme et une femme en vue de fonder une famille et d’avoir des enfants.

Mme Catherine Beaubatie. Ce n’est pas une obligation !

Mme Laure de La Raudière. C’est bien là que la notion d’égalité entre en conflit avec la réalité de la nature. Vous êtes aussi dans le déni de réalité quand vous dites que ce texte ne concerne pas la GPA et la PMA. Il est désormais évident pour les Français que l’adoption de ce texte entraînera le droit à la PMA pour les couples de femmes homosexuelles et, par extension, la GPA en faveur des couples homosexuels masculins.

Mme Claude Greff. C’est évident !

Mme Laure de La Raudière. Au nom de cette égalité, justement, au nom de la « fin de l’hypocrisie », comme vous l’avez souvent dit, il vous manque manifestement une réflexion philosophique sur la société que vous voulez construire. Ou bien, si vous n’êtes pas dans le déni des conséquences de votre texte, c’est plus grave encore (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Ce matin, comme des millions de Français, j’ai la nausée. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai la nausée parce, tout simplement, vous ne vous rendez pas compte de ce que vous êtes en train de faire. Cela vous fait rire ? C’est atterrant. Quand je vois la garde des sceaux apprendre par cœur des tirades, pour essayer d’émoustiller ce débat, franchement, je suis atterré.

Voyez-vous, mes chers collègues, il y a un être qui ne peut pas s’expliquer dans cet hémicycle, un être qui s’appelle un enfant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Berthelot. Comment osez-vous dire cela ?

Mme Brigitte Bourguignon. Vous ne cessez de les utiliser ! Vous vous en servez comme d’un bouclier ! Vous vous servez des enfants !

M. Philippe Cochet. Ce que vous êtes en train de faire est proprement ignominieux. Vous ne savez pas que nous sommes là pour défendre le plus faible. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Ce que vous faites ici est une brèche qui ne se refermera pas si ce texte passe. C’est absolument scandaleux. Nous devons toujours avoir en tête, sur quelque texte que ce soit, la défense du plus faible. Eh bien moi, je vous accuse, mesdames et messieurs de la gauche : vous êtes en train de créer un précédent, vous êtes en train d’assassiner des enfants, c’est scandaleux. (Très vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Je n’ai pas peur de ce terme, c’est une réalité, et c’est inacceptable. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Honte ! Honte !

Mme Chantal Berthelot. Comment osez-vous !

M. Philippe Cochet. Aujourd’hui, en particulier…

M. le président. Monsieur Cochet, faites attention aux propos que vous employez !

M. Philippe Cochet. Il est inacceptable que vous soyez encore en train de rire sur les bancs des ministres : cela n’est absolument pas à la hauteur de l’enjeu. C’est ignominieux ! Et ayez à l’esprit que le plus faible n’oubliera jamais ce que vous allez faire, aujourd’hui, demain et après-demain. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous appelle les uns et les autres à faire attention aux mots que vous employez. Monsieur Cochet, je vous le dis : certaines choses ne sont pas supportables !

Je suspends la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, j’ai suspendu la séance car l’intervention de M. Cochet appelait l’application de l’article 72 de notre règlement. Je vous rappelle que les propos tenus dans cet hémicycle doivent être maîtrisés.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement.

M. Olivier Dussopt. Depuis maintenant plusieurs semaines, nous sommes sur un débat qui touche à l’humain et à la manière dont des hommes et des femmes peuvent construire leur famille. Ce débat demande du respect, beaucoup de respect, en particulier à l’égard de celles et ceux qui sont concernés par le texte que nous examinons.

Je le dis calmement, aussi calmement que possible malgré la colère qui a pu submerger les membres de notre groupe : il y a des mots qui font écho à la haine que l’on entend par ailleurs, il y a des mots qui sont plus dangereux que les armes, et surtout il y a des mots qui blessent plus que n’importe lequel des coups portés dans la rue, à l’école, partout où certains se croient autorisés à être violents ou discriminants à l’égard des homosexuels uniquement du fait de leur orientation sexuelle.

Monsieur Cochet, nous ne vous demanderons pas d’excuses, bien que vous ayez prononcé à notre égard des mots proprement inqualifiables. La seule chose que je vous conseille, c’est de vous excuser auprès de ces pères et de ces mères qui élèvent leurs enfants et qui les aiment. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

M. Philippe Cochet. Monsieur Dussopt, vous êtes mal placé pour donner des leçons de morale.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Philippe Cochet. Certains propos que vous aviez tenus à l’occasion de la loi bioéthique n’étaient franchement pas à votre honneur. Votre groupe aurait pu choisir un autre orateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les propos que j’ai tenus tout à l’heure tenaient à deux raisons principales.

Premièrement, votre volonté d’accélérer sur ce texte, ce qui nous oblige à intervenir dans un délai trop court, me semble-t-il, au regard de l’importance du sujet.

M. Marc Le Fur et M. Patrick Ollier. Exactement !

M. Philippe Cochet. Deuxièmement, le terme n’était pas approprié, j’en conviens. Par contre, il y a une chose qui me touche personnellement, parce que je sais comment les choses peuvent se passer : c’est le fait de briser la vie des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André.Il récidive !

M. Philippe Cochet. Vous n’imaginez pas les conséquences que cela peut avoir. Vous devriez donc faire preuve de modestie par rapport à ce sujet.

Je le répète, le terme je n’ai utilisé n’était pas approprié. Mais le mal reste le même : c’est la fragilisation de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André. Et la bêtise !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, nous avons parfois entendu au cours de nos débats des propos que les membres de la majorité ont trouvé inqualifiables. Pour autant, nous avons estimé que le débat parlementaire permettait une forme de licence, de tolérance à l’égard de paroles qui, dans d’autres lieux, seraient totalement condamnables.

Il y a parfois des dérapages. Quand ils sont assumés et qu’on est capable de revenir dessus, on peut les oublier. Mais il y en a d’autres qui rappellent ceux tenus ici, il y a bien longtemps, à l’encontre de la ministre de la santé de l’époque, Mme Simone Veil, lors de l’examen du texte relatif à l’interruption volontaire de grossesse.

M. Alexis Bachelay et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Absolument !

M. Sergio Coronado. De tels propos n’ont pas leur place dans cet hémicycle.

Je veux m’adresser à ceux qui, depuis le début, participent à ce débat. Monsieur Jean-Frédéric Poisson, Monsieur Philippe Gosselin, vous avez parfois tenu des propos durs, mais jamais de cette nature. Nous avons pu développer nos arguments, nos oppositions ; nous avons dégagé les points de cristallisation, touché du doigt ce qui nous oppose. Il y a une décence, une noblesse dans le débat parlementaire. Vous n’avez pas intérêt à ce que ce genre de propos continue à se manifester depuis vos rangs. J’en appelle à la sagesse, à la dignité du Parlement. Il est temps d’en finir. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de donner la parole à un membre par groupe pour clore cet incident. Je m’exprimerai ensuite.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, chacun d’entre nous s’exprime ici en fonction de ses convictions et elles sont fortes. Parfois, les mots peuvent dépasser la pensée et je crois que chacun doit alors le mesurer.

M. Alexis Bachelay. Je ne crois pas !

Mme Françoise Dubois. Moi non plus !

M. Hervé Mariton. Ne condamnez pas trop vite, dès lors que s’expriment l’émotion et la conviction.

M. François André. La bêtise, plutôt !

Mme Claude Greff. Et ça continue !

M. Marc Laffineur. Pas de provocation !

Mme Claude Greff. La provocation continue ! Vous avez la majorité, alors taisez-vous !

M. Hervé Mariton. Notre responsabilité nous impose aussi de mesurer nos mots, et cela nous engage tous. Des paroles blessantes ont pu être entendues de part et d’autre de cet hémicycle, en première ou deuxième lecture. Il est important que les mots ne blessent pas et que nos débats puissent se poursuivre dignement, avec les convictions fortes qui nous animent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Tous ceux qui participent ici à ce débat le font avec sincérité, avec l’émotion et la conviction que vient de rappeler M. Mariton.

Tout à l’heure, en parlant de western spaghetti, Mme la garde des sceaux a cassé complètement le ton de gravité auquel elle avait pourtant appelé il y a quelques mois en parlant d’enjeu de civilisation,…

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jean-Christophe Fromantin. …en le réduisant à une partie de rigolade, à un jeu de cow-boys et d’Indiens dans un hémicycle qui porte les valeurs de la République. Si vraiment vous êtes sincère, madame la garde des sceaux, quand vous qualifiez nos débats de feuilleton, de film ou de western, alors il ne faut pas s’étonner qu’ils dérapent.

M. Alexis Bachelay. Cela n’a aucun rapport !

M. Jean-Christophe Fromantin. Dans un sujet d’une telle gravité, c’est à vous qu’il appartient de donner au débat une tonalité digne, responsable, à la hauteur de ce que représentera dans l’avenir cette loi pour des enfants. C’est à ce niveau qu’il faut placer le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme Véronique Massonneau. C’est vous qui attisez la haine !

M. Jean-Michel Clément. C’est pathétique ! Chassez le naturel, il revient au galop !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Chacune et chacun ici mesure l’importance du texte que nous examinons en deuxième lecture.

En première lecture, j’avais le sentiment, et je l’ai dit, que nous échangions sur le fond, sur une certaine conception non partagée de la société, de la famille, du droit des enfants. Mais depuis hier soir, j’ai l’impression que nous ne sommes plus dans ce débat de fond. Nos compatriotes – et je ne fais référence ni à un camp ni à un autre – attendent de nous que nous menions ce débat jusqu’au bout et que nous prenions notre décision en toute conscience, après avoir examiné l’ensemble des enjeux, des aspirations auxquels il répond, des discriminations auxquelles il peut mettre fin. C’est ce débat-là que j’appelle chacune et chacun ici à reprendre.

Mais je voudrais dire une deuxième chose : ne pensons pas que la violence des propos tenus ici soit sans conséquences à l’extérieur. Elle a des conséquences pour des femmes et des hommes concernés par cette future loi,…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. André Schneider. . C’est vrai.

M. Patrick Ollier. Nous aussi !

M. Hervé Mariton. Nous sommes tous concernés !

Mme Marie-George Buffet. …et dont les enfants sont insultés dans les cours de récréation.

M. Patrice Martin-Lalande. Les enfants sont concernés aussi !

Mme Marie-George Buffet. Ces propos violents peuvent aussi attiser chez certains individus la violence qui est en eux, des préjugés.

M. Alexis Bachelay. Absolument !

Mme Marie-George Buffet. Reprenons le cours de notre débat, travaillons sur la loi elle-même et revenons-en à l’examen de l’article 1er bis A. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Nous vivons un moment grave et sérieux de nos débats parlementaires.

Monsieur Cochet, je veux rappeler que les propos que vous avez tenus…

M. Jean-Frédéric Poisson. Il les a retirés !

M. Bernard Roman. …sans vous en excuser sont d’une gravité extrême. Il n’y a pas de criminels dans cette assemblée…

M. Jean-Frédéric Poisson. Arrêtez avec cela !

M. Patrick Ollier. À quoi cela sert-il d’en rajouter ?

Mme Clotilde Valter. On n’oublie pas !

M. Bernard Roman. …et je regrette de ne pas avoir entendu une expression claire, nette du groupe auquel vous appartenez marquant sa désolidarisation des propos que vous avez tenus.

M. Patrick Ollier. Mais puisque l’incident est clos ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Véronique Massonneau. Ce n’est pas un incident !

M. le président. Allons !

M. Bernard Roman. Après M. Dussopt et Mme Buffet, je veux redire que ce dont souffrent le plus des dizaines de milliers d’enfants de parents homosexuels aujourd’hui dans ce pays, ce n’est pas forcément le regard des autres, c’est d’abord l’homophobie. En avançant sur ce texte, en donnant à ces enfants un cadre familial identique à celui de tous les enfants, nous allons lutter contre l’homophobie.

M. Marc Laffineur. Cela n’a rien à voir !

M. Sylvain Berrios. Vous dérapez !

M. Bernard Roman. Enfin, lorsque vous prononcez des propos de ce genre, M. Dossopt a eu raison de le remarquer, ils ne s’adressent pas seulement aux députés de la majorité, mais à tous ceux que vous appelez à vous rejoindre dans la rue, pour gagner dans la rue le combat que vous auriez perdu au Parlement. Pensez à ceux à qui s’adressent ces mots.

M. Hervé Mariton. Le propos a été retiré, point !

M. Patrick Ollier. Vous faites de la surenchère, monsieur Roman ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. À qui s’adressent ces mots ? Aux familles tranquilles qui vont aux JMJ, comme le disait M. Mariton, ou aux groupuscules fascisants qui utilisent le même type de propos et qui vous rejoignent dans les manifestations ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce que vous faites est gravissime, et vous en porterez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi quelques mots.

Mme Laurence Dumont. Écoutons la sagesse du président !

M. le président. Nous allons appliquer une règle pour les quelques heures qu’il nous reste à vivre ensemble sur ce texte.

M. Patrick Ollier. Mais l’incident est clos, monsieur le président !

M. le président. Je tiens à rappeler les uns et les autres à leur responsabilité de député de la République française.

Quels que soient les mots employés dans cet hémicycle – regardez dans l’histoire –, nous vivrons ensemble dans la République. Je souhaite vraiment que sur un tel texte chacun soit attentif à l’autre et aux conséquences que peuvent avoir certaines expressions et certains mots.

Vous avez eu l’occasion de le dire les uns et les autres : nous sommes les représentants de sensibilités différentes de la France, mais nous savons aussi qu’à un moment donné ce sont les électeurs qui choisiront. Attention aux mots qui sont utilisés. En essayant de nous blesser les uns les autres, c’est parfois la République que l’on peut blesser.

Nous en restons là. J’espère que je n’aurai pas à faire appel au règlement pour la suite de ce débat. Le cas échéant, ce sera le Bureau qui aura à l’examiner. Soyons conscients que nous sommes regardés et entendus. Que chacun développe ses thèses dans le respect de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Cela vaut aussi pour le Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, avant d’en revenir à l’examen des amendements, je voudrais évoquer une autre difficulté qui a surpris le groupe UMP.

Alors que nous poursuivons des discussions très sensibles, nous avons été étonnés de constater que nous avions été filmés dans les salons qui jouxtent l’hémicycle. Ceci ne s’est jamais produit. Ces salons sont normalement inaccessibles à la presse et aux médias. Je ne sais pas en vertu de quoi une telle autorisation a pu être donnée alors que nos débats sont tendus.

M. André Schneider. C’est vrai !

M. François Loncle. Mais c’est normal ! Il y en a partout, voyons !

M. Philippe Meunier. Tout cela commence à bien faire !

M. Marc Le Fur. Certes, ce n’est pas un lieu sacré, mais il s’agit d’un endroit sensible où les médias n’ont pas leur place. Nous nous retrouvons filmés de partout.

M. Nicolas Dhuicq. C’est Big brother !

M. Marc Le Fur. Peut-être pourriez-vous, monsieur le président, peut-être pourriez-vous me répondre avant que nous reprenions l’examen des amendements. Ce n’est pas normal.

M. le président. Monsieur Le Fur, je vous donnerai une explication après que nous aurons entendu M. Tourret.

Vous avez la parole, monsieur Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, les mots ont été retirés, mais ils étaient incontestablement insupportables à entendre.

M. Marc Le Fur. Et les télés partout, ce n’est pas normal !

M. Alain Tourret. Il se trouve que j’ai connu Mme Veil qui habitait dans le Calvados, à quelques kilomètres de chez moi.

Elle avait été accusée, en 1974, d’envoyer les enfants de France dans des fours crématoires.

M. Patrick Ollier. Le président a dit que l’incident était clos ! Est-ce qu’on recommence ?

M. le président. M. Tourret est représentant de groupe ; il demande la parole, je la lui donne.

M. Alain Tourret. J’ai le droit de dire ce que je veux.

M. Patrick Ollier. Vous voulez que nous recommencions ?

M. Alain Tourret. Calmez-vous, monsieur Ollier ; vous êtes un homme calme, d’ordinaire !

Je rappellerai une seule chose. L’exigence de mesurer ici nos propos est d’autant plus grande que nous ne pouvons en être inquiétés pénalement car nous n’avons à en répondre que devant le bureau de l’Assemblée.

En ce qui concerne le problème des caméras, je vous laisse répondre, monsieur le président. Il me semble que la plus grande transparence doit être exigée. Si cela permet la transparence, tant mieux.

M. le président. Je réponds à cette question. Il y a eu une demande de tournage de la part d’une équipe de télévision ; celle-ci s’est retrouvée dans une partie du périmètre dont l’accès ne lui avait pas été accordé ; elle n’y remettra plus les pieds.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Article 1er bis A (suite)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques tendant à supprimer l’article 1er bis A.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le président, de votre réponse on ne peut plus claire et déterminée. J’espère que chacun conviendra que les deux incidents que nous venons de vivre sont désormais clos.

Mon amendement n° 1 porte sur le premier article du texte dont nous discutons. L’article 1er bis A évoque l’officier et les actes d’état civil, ainsi que le contrôle du procureur de la République. Je dois dire que je ne comprends pas ce texte. Le contrôle du procureur de la République existe : les officiers d’état civil confrontés à une difficulté quelconque soumettent les actes à venir à son autorité. Que signifie cette volonté de l’écrire ici ? S’agit-il de suspicion à l’égard des élus ?

Qui plus est, cela m’apparaît en complète contradiction avec la confiance que le Président de la République avait manifestée aux élus lorsqu’il s’était exprimé devant eux, solennellement, au congrès des maires, devant plusieurs milliers de personnes. Il leur avait dit que la liberté d’opinion ainsi que la clause de conscience que beaucoup réclamaient, seraient respectées. Quel est donc l’objet de ce renforcement de l’autorité du procureur de la République, dans cette affaire ? Affaire dont chacun sait qu’elle est très mal partie : l’opinion a compris qu’au-delà du mariage se profilaient l’adoption, les enfants, la GPA, la PMA…

En tout état de cause, pourquoi soumettre la liberté des élus locaux, officiers d’état civil, au contrôle du procureur de la République ? Est-ce une volonté d’enrégimentement, d’encasernement ? Que l’on nous dise les choses, car nous sommes à bien des égards inquiets.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Hervé Mariton. Au Sénat, Mme la garde des sceaux a regretté que ne soit pas ajoutée la surveillance au dispositif que Marc Le Fur vient de décrire. J’aimerais, madame la garde des sceaux, que vous nous expliquiez votre analyse sur ce point. Le rapport de M. Binet confirme ce que Marc Le Fur vient de décrire : vous auriez souhaité que le procureur ait la responsabilité de surveiller les officiers d’état civil ; de quelle suspicion s’agissait-il là ?

De même, le Gouvernement peut-il nous dire où il en est de sa lente réflexion sur la mise en œuvre de l’ouverture que le Président de la République avait faite devant le congrès des maires ? Si le Gouvernement est aujourd’hui assez fragilisé, il y a encore un Président de la République. Celui-ci avait déclaré aux maires qu’il comprenait que des questions se posent à eux, et fait ce que tout le monde a compris comme un geste d’ouverture. Certains étaient demandeurs de dispositions de conscience, d’autres non ; cela relève des convictions de chacun. Où en est-on de cette ouverture du Président de la République ?

En résumé, que signifiait cette surveillance suspicieuse que vous avez voulu ajouter au Sénat ? Et la parole du Président de la République compte-t-elle encore ?

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour soutenir l’amendement n° 123.

M. Christian Kert. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l’amendement n° 139.

M. Philippe Cochet. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 253.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais revenir sur l’engagement du Président de la République devant le congrès des maires de France. Cela avait certes étonné, mais personne ne le lui avait extorqué. Personne n’était allé titiller le Président afin qu’il reconnaisse l’existence de problèmes de conscience pour un certain nombre de maires – rappelons que plus de 20 000 officiers d’état civil, maires et adjoints, ont manifesté très activement leur désapprobation face à ce projet.

Un tel contexte m’amène à vous poser, madame la garde des sceaux, deux questions très précises sur le rôle que vous entendez faire jouer au procureur de la République : quelles seraient les modalités du contrôle et de la surveillance exercés par ce dernier ? Serons-nous dans le cadre habituel, ou dans un cadre un peu plus général ? Quelle sera l’attitude du procureur de la République lorsqu’un maire refusera, en vertu de sa conscience, de célébrer un mariage de personnes de même sexe ? Je ne doute pas que je recevrai incessamment une réponse.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 370.

M. Frédéric Reiss. Je m’interroge également sur les conséquences des propos du Président de la République, au congrès des maires, sur la clause de conscience : on sait qu’une très grande majorité de maires veulent la faire jouer.

Je m’étonne aussi de la frénésie de la majorité à vouloir absolument récrire la loi. Les officiers d’état civil exercent d’ores et déjà leurs fonctions sous l’autorité du procureur de la République ; tout maire qui a un doute, un soupçon de mariage blanc par exemple, saisit le procureur de la République. J’ai donc le sentiment que cet article est un peu « ceinture et bretelle » : il faut le supprimer.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 388.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite tout d’abord m’arrêter un instant sur le mot « contrôle ». De quoi s’agit-il ? D’une vérification ? C’est une vérification non des actes, mais des personnes, en l’occurrence des officiers d’état civil ; ce sont eux qui sont placés sous le contrôle du procureur de la République. S’agit-il d’une surveillance assortie d’une suspicion ? Est-ce un examen, une inspection ? Y a-t-il, derrière, de l’inquisition ? Il est important, madame la garde des sceaux, que vous vous exprimiez sur le niveau de ce contrôle.

Au-delà, cette disposition témoigne un manque de confiance significatif à l’égard des officiers d’état civil. La personne chargée du contrôle est en effet le procureur de la République, un magistrat qui reçoit des plaintes, dirige des enquêtes, décide de poursuites contre les auteurs d’infractions, un magistrat qui de surcroît intervient le plus souvent dans un cadre contentieux. Ce manque de confiance est contraire aux propos tenus par le Président de la République le 20 novembre dernier, quand il a fait état, non d’une clause de conscience, mais de la liberté de conscience, ce qui est autrement plus fort. L’article 1er bis A nous paraît contraire à cet esprit ; c’est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 532.

M. Xavier Breton. L’article 1er bis A envoie un signal contraire à l’exercice de la liberté de conscience auquel a appelé le Président de la République devant l’ensemble des maires. Ceux-ci seront placés sous un contrôle ou une surveillance accrue.

Le contrôle existe et c’est tout à fait normal. Vous avez cru bon, madame la garde des sceaux, de l’indiquer expressément dans le texte, en souhaitant même – c’est en débat – ajouter la surveillance au contrôle. Devant la commission des lois du Sénat, vous avez en effet indiqué que selon vous les deux termes n’étaient pas tout à fait équivalents. Qu’entendez-vous donc par « contrôle » et « surveillance » ?

Ce texte est l’occasion, nous nous en rendons bien compte, de nombreux passages en force. Une tutelle se met en place sur notre société, sur la conscience de nombreuses personnes et familles, mais également sur nos institutions, notamment sur les élus en tant qu’officiers d’état civil. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article. Il convient de nous rassurer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 603.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne comprends pas à quoi sert cet article. Écrire que les officiers d’état civil établissent les actes d’état civil : la belle affaire ! Et rappeler que le procureur de la République surveille tout cela d’un œil bienveillant, mais avec la badine de la discipline dans sa main gauche : quelle utilité ? C’est déjà le cas… Conclusion : si vous éprouvez le besoin d’écrire un tel article dans le code civil, sans que cela soit pour des motifs de droit ou des exigences de clarification ou de précision, quelle intention se cache derrière ?

Quand on fait le lien – mais peut-être allez-vous trouver que j’exagère – entre la déclaration du chef de l’État devant le congrès des maires et la rédaction de cet article, on se prend à penser qu’il y aurait peut-être là la volonté d’un contrôle accru, au-delà des pratiques actuelles, du parquet sur les élus en matière d’état civil, sans en comprendre pour autant les motifs. Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article, en espérant, madame la garde des sceaux, que vous pourrez nous éclairer sur les motifs de sa rédaction.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n° 609.

M. Philippe Meunier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 1378.

M. André Schneider. Cet article est l’illustration du climat qui règne dans ce débat. Quelle est la nécessité d’un tel article, alors que la première chose que l’on apprend en devenant maire ou adjoint, c’est que les officiers d’état civil dépendent du procureur de la République ? Pourquoi le dire ? Cela participe de l’ambiance, du climat de suspicion, de cette approche de la majorité vis-à-vis de l’opposition, qui s’est exprimée tout à l’heure encore par des écarts de langage.

Cela fait seize ans que je siège ici…

M. Alexis Bachelay. Seize ans de trop !

M. André Schneider. Vous avez été ministre, monsieur le président. Jamais, en seize ans, je n’ai vu l’exécutif se permettre ici de tourner en dérision, de traiter avec mépris l’opposition, quelle qu’elle soit. Nous ne sommes pas dans un western, nous avons été élus au même titre les uns que les autres. Je rends hommage, monsieur le président, à la sagesse de vos propos ; j’espère que tout le monde – l’exécutif, la majorité et l’opposition bien entendu – l’entendra.

La sagesse, chers collègues, commanderait aussi de suivre notre proposition de suppression de cet article, qui représente, comme bien d’autres, une marque de méfiance vis-à-vis des élus locaux contraire à la déclaration du Président de la République.

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n° 1846.

Mme Claude Greff. Cet article 1er bis A m’interroge ; je voudrais savoir où vous voulez en venir, madame la garde des sceaux. Vous avez opposé tout le monde. Vous nous méprisez lorsque nous intervenons à l’Assemblée ; les élus de l’opposition n’ont droit à aucun respect ; il n’est donc pas étonnant que nos réactions soient à fleur de peau.

Après avoir opposé les Français les uns aux autres, après avoir opposé les élus aux Français, voilà que vous opposez avec cet article les élus au procureur de la République.

Mais vous montrez un tel mépris que vous ne faites même plus confiance aux officiers de l’état civil. Il va désormais falloir placer leur action sous le contrôle du procureur de la République. Mais où va-t-on ? Quelle est votre conception de la vie ? Comment considérez-vous la société française ? Rien, donc, ne marchait, avant que vous n’arriviez au pouvoir ?

Je suis vraiment désolée de vous rappeler une chose : la France a très bien fonctionné avant votre arrivée au pouvoir et elle fonctionne aujourd’hui grâce aux Français, grâce aux élus de la République et grâce aux institutions. Ce n’est certainement pas vous qui allez révolutionner notre société en cassant tout ce qui a été construit.

Je répète ma totale opposition, à travers ce projet de loi de mariage « pour tous », à votre action sur le fond, parce que votre seul objectif est de détruire ce qui a été construit avant que vous ne parveniez au pouvoir.

M. Alexis Bachelay. Toute en nuances !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n° 1993.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le garde des sceaux, que vais-je dire aux 218 maires de la circonscription que j’ai l’honneur de représenter ? Qu’ils sont devenus indignes de la République, qu’ils doivent être mis sous tutelle ? Que vais-je leur dire alors que leurs fonctions deviennent de plus en plus compliquées dans les petites communes rurales ? Que vais-je leur transmettre comme message : que le Gouvernement de la République est devenu fou, a rompu les amarres avec la raison, qu’il est obligé de renforcer des textes de loi qui coulent de source ? Cette forte interrogation mérite une réponse, sinon plus personne n’osera exercer de responsabilités dans ce pays.

Pour finir, vais-je leur dire qu’ils sont moins dignes que votre ancien ministre du budget ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Quelle classe, quel talent ! Magnifique, brillant !

M. le président. Allons ! C’était bien calme et c’était très bien ainsi !

La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement n° 3205.

M. François de Mazières. Madame la garde des sceaux, pourquoi insistons-nous tellement sur cet article et pourquoi voulons-nous sa suppression ? Parce qu’il introduit un profond malaise, un double malaise.

Malaise d’abord par rapport à la liberté de conscience dont le caractère essentiel a été rappelé par le Président de la République lui-même. Je me souviens d’extraordinaires discours de Bruno Nestor Azerot. Franchement, me mettant à sa place, je me demande comment il va faire. J’imagine qu’il est officier d’état civil et qu’à ce titre il n’aura pas envie de célébrer le mariage d’un couple homosexuel. Ainsi la question de la liberté de conscience se pose sur tous les bancs de l’Assemblée. Le Président de la République a eu tout à fait raison de la faire valoir. Je suis par conséquent quelque peu déçu, comme nous tous, qu’il soit revenu sur ses propos.

Le second malaise est grave parce que c’est la responsabilité des élus, notamment des élus locaux, qui est remise en cause. Chacun d’entre nous, pour cette raison, vient de vivre des jours très pénibles. Or l’article 1er bis A en rajoute.

Pour ces deux raisons, il faudrait le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n° 3278.

M. Marc Laffineur. Je voudrais, madame la garde des sceaux, vous faire quelques remarques. Nous avons bien senti quelle était votre stratégie : avec votre cabinet, tous les jours, vous essayez de sortir quelque chose d’original pour votre com’. Hier c’était Le Temps des Cerises, aujourd’hui c’est le western spaghetti !

M. André Schneider. Eh oui !

M. Marc Laffineur. Cela, on peut le faire une voire deux fois puisque, évidemment, les médias vont vous reprendre. Mais l’utilisation répétée du procédé montre le mépris que vous pouvez avoir pour des textes très importants et votre mépris pour les Français touchés au cœur par ces gestes.

Mme Françoise Dubois. Détendez-vous, mon cher collègue !

M. Marc Laffineur. Cet article marque aussi votre mépris pour les élus locaux. À quel titre va-t-on mettre les maires de toutes les communes de France sous tutelle du procureur de la République ? Peut-être qu’à travers cet article, son rédacteur marque une forme de défiance vis-à-vis du Président de la République puisque celui-ci, lors du congrès des maires, a très clairement affirmé qu’une clause de conscience serait prévue. Et comme, au fond, sa majorité n’a peut-être pas suffisamment confiance en lui – ce en quoi elle n’a pas tort –, et pour être sûre qu’on ne puisse pas interpréter ce qu’il a dit, elle entend assurer le contrôle de l’officier de l’état civil par le procureur de la République.

C’est évidemment condamnable et, pour toutes ces raisons, nous voulons supprimer cet article.

Enfin soyons clairs : nous reviendrons évidemment sur ce texte quand nous retournerons au Gouvernement.

M. François André. Ce n’est pas vrai !

M. Marc Laffineur. Nous aurions pu trouver un consensus en instaurant une union civile permettant aux couples de même sexe d’avoir les mêmes droits juridiques que les autres couples en cas de séparation ou de décès. Ce que nous voulons, nous, c’est protéger les enfants qui ne peuvent pas se défendre, protéger ce dont nous avons le plus besoin. Voilà ce que nous voulons depuis le début de l’examen du projet de loi.

Nous reviendrons sur ce texte et proposerons une union civile. Mais en aucun cas, c’est évident, nous n’autoriserons la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, ni davantage l’adoption parce que c’est l’intérêt de l’enfant qu’il faut considérer avant tout.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n° 3453.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les articles 34 et 35 du code civil posent des règles très précises concernant les compétences de l’officier de l’état civil. Un officier de l’état civil est un élu de la République et cet article 1er bis A, que vous avez ajouté au texte, jette un doute sérieux sur la capacité et le sens des responsabilités des élus de la République. Alors que nous sommes en train de vivre une crise politique profonde, était-il nécessaire d’ajouter le doute à l’opprobre ?

Par cet article 1er bis A, vous voulez mettre les officiers de l’état civil sous le contrôle du procureur de la République. J’ai été maire d’une commune rurale ; je me souviens que, chaque année, dans le courant du mois de janvier, tous les actes de l’état civil étaient adressés au greffe du tribunal de grande instance du département, le procureur ayant donc accès à ces documents. C’est parfaitement normal : c’est l’article 53 du code civil qui le prévoit.

Quel sens donnez-vous, madame le garde des sceaux, au mot « contrôle » ? Quel sens voulez-vous donner au contrôle du procureur de la République sur le travail des officiers de l’état civil ?

Pour ces raisons, je demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n° 3743.

M. Gilles Lurton. Je précise que François Fillon est cosignataire de cet amendement. L’article 1er bis A consacre expressément un pouvoir de contrôle du procureur de la République sur les officiers de l’état civil dans l’exercice de leurs fonctions. Il démontre, encore une fois, votre manque de confiance vis-à-vis des maires et des élus locaux. Il accentue, paradoxalement, les mots prononcés par le Président de la République au congrès des maires de France, propos contredits par lui-même dès le lendemain sous la pression des associations.

Cet article suscite également de nombreuses interrogations : quelle est l’étendue du pouvoir du procureur de la République ? Aura-t-il le pouvoir d’obliger un maire à célébrer un mariage, l’empêchant ainsi de faire valoir sa clause de conscience ?

Aujourd’hui, dans nos mairies, à chaque fois que nous avons un doute sur la validité d’un mariage, nous interrogeons le procureur de la République et, in fine, c’est toujours lui qui a le dernier mot.

Je l’ai déjà souligné lors de la première lecture : en tant qu’adjoint au maire, si le texte était voté, je l’appliquerais parce que je suis républicain. Mais je comprends que certains de mes collègues ne partagent pas ce point de vue. Aussi, madame la garde des sceaux, que signifie cet article ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 3850.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’article 1er bis A est intéressant à plusieurs égards dans la mesure où il révèle plusieurs contradictions fondamentales du texte.

Je commencerai par l’esprit de l’article. En introduisant les notions de contrôle ou de surveillance, il envoie un signal très grave, il va à l’encontre de ce qui fonde le dialogue entre nos institutions : la fluidité, la confiance, la responsabilité.

La deuxième contradiction concerne la liberté de conscience évoquée par le Président de la République au congrès des maires. On retient souvent le mot « conscience » dans l’expression du chef de l’État et je ne voudrais pas qu’on oublie le mot « liberté ». Le Président n’a pas parlé de clause de conscience, mais bien de liberté de conscience. J’espère qu’il n’a pas prononcé ces mots en l’air, sans prendre garde à leur poids : la liberté est au cœur de nos valeurs républicaines. Or cet article est en contradiction avec l’engagement du Président de la République à respecter la liberté de conscience des maires.

Enfin, l’article 1er bis A est en contradiction avec l’étude d’impact selon laquelle le texte n’aurait que peu d’impact sur le code civil. Si cet article n’a pas de conséquences sur le code civil, alors je m’interroge sur la qualité de ladite étude.

Par ailleurs, comme beaucoup je m’interroge sur la réalité, le poids des mots « surveillance » et « contrôle », sur la manière dont ils seront traduits dans la réalité dans la mesure où, je le répète, le dialogue entre les officiers de l’état civil et le procureur de la République est déjà prévu par les textes en vigueur. Pourquoi donc ajouter surveillance et contrôle quand ceux-ci existent déjà ?

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques de suppression.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nombre d’entre vous ont rappelé que le procureur de la République exerce d’ores et déjà un contrôle sur les actes d’officiers d’état civil…

M. Marc Le Fur. Alors pourquoi cet article ?

M. Erwann Binet, rapporteur. …à travers différents articles assez éparpillés dans le code civil : ainsi l’article 53 oblige le procureur de la République à vérifier les registres de l’état civil chaque année ; l’article 57 lui permet de saisir le juge aux affaires familiales lorsqu’il estime que le prénom attribué à un enfant est contraire à l’intérêt de celui-ci ; l’article 169 lui permet de dispenser les futurs époux de la publication des bans pour motif grave ; les articles 171-4 et 175-2 concernent la présomption d’absence de consentement.

Il manquait donc un article qui rappelle le caractère général du contrôle du procureur de la République sur les actes de l’état civil. C’est notre collègue Alain Tourret qui nous l’a proposé par le biais d’un amendement que nous avons adopté en première lecture. Il introduit donc la notion de contrôle et de surveillance. C’est là que je ne comprends pas la logique de votre raisonnement, dans la mesure où le Sénat, après avoir adopté un amendement de Patrice Gélard, a précisément supprimé le mot « surveillance » – celui qui, à vous entendre, vous gêne le plus. Nous pourrions donc nous entendre sur ce point. À l’issue de l’examen du texte par le Sénat seule subsiste donc la notion de « contrôle » par le procureur de la République.

La commission émet un avis défavorable à la suppression de l’article 1er bis A.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. Sur la série d’amendements de suppression de l’article 1er bis A, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le rapporteur vient de donner l’essentiel des arguments. Je suis surprise par la discussion. Que s’est-il passé ? Cet article a été adopté ici même par l’Assemblée. Or la plupart des interventions pour défendre les amendements de suppression se sont bornées à exprimer un grand étonnement sur un article qui serait nouveau. Or ce n’est pas un article nouveau puisque, je le répète, il a été rédigé et adopté ici, à l’Assemblée, avant d’être modifié par le Sénat.

Je précise à M. Mariton, qui ne m’écoute décidément pas,…

M. Hervé Mariton. Je vous écoute, madame !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qu’au Sénat, lors de la discussion sur l’amendement Gélard, qui proposait de supprimer la notion de surveillance au motif que le contrôle et la surveillance recouvraient la même réalité, j’ai effectivement répondu que « contrôle » et « surveillance » ce n’était pas la même chose. Mais, ai-je ajouté, je concevais que l’idée de surveillance puisse vous déranger ; j’étais donc favorable à ce que l’on supprime la surveillance, précisément parce nous ne sommes pas dans une attitude de défiance vis-à-vis des élus.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas exactement ce que vous avez dit au Sénat…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si, c’est ce que j’ai dit !

Je rappelle simplement que l’état civil est placé sous la responsabilité de l’ordre judiciaire, que tous les jours les services d’état civil des mairies interrogent le parquet pour des questions diverses, sur les noms des enfants, par exemple, ou sur la validité d’un mariage. Comme le disait le rapporteur, il s’agit tout simplement de résumer au sein d’un même article des dispositions dont les maires ont connaissance, puisqu’ils les pratiquent au quotidien..

Il n’y a pas de défiance vis-à-vis des maires, même si j’entends l’argument, tout à fait valable, selon lequel un texte de loi s’écrit effectivement dans un contexte donné. Mais je le répète, il n’y a aucune défiance vis-à-vis des maires. Le Gouvernement vous a dit en plusieurs circonstances que les maires qui refuseront de célébrer ces mariages se mettront en position de transgression vis-à-vis de la loi.

M. Bernard Roman. Très bien ! La loi, c’est la loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une réalité, parce que la loi est une loi républicaine une fois qu’elle est adoptée, et que les maires agissant en qualité d’officiers d’état civil par délégation de l’État sont tenus de la respecter. Le Gouvernement vous l’a dit posément en plusieurs circonstances ; j’ai eu, moi-même, à le dire posément…

M. Hervé Mariton. On ne sait toujours pas ce qu’est devenue la parole présidentielle !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et je le dis, une fois encore, calmement : telle est la réalité.

Toujours est-il que cet article 1er bis A n’est pas un article nouveau, mais d’une disposition qui a été votée ici même, sur la base de l’amendement Tourret, et modifiée au Sénat qui a fait disparaître la notion de surveillance.

M. Christian Jacob. Nous avons entendu les paroles du Président de la République !

M. Marc Le Fur. Est-ce à dire qu’il n’y a plus de Président ?

M. Hervé Mariton. On en fait quoi, du Président ?

M. le président. S’il vous plaît ! Nous venons d’avoir un moment de discussion intéressant. Une fois que Mme la garde des sceaux aura fini son intervention, vous pourrez demander la parole pour répondre et que je vous la donnerai, donc ce n’est pas la peine de l’interrompre.

Poursuivez, madame la garde des sceaux,.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour terminer, je rappelle que le mot « surveillance » a simplement été supprimé au Sénat.

Je ne sais plus quel député, pardonnez-moi, est revenu sur l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure de « spaghetti western ».

M. Dominique Tian. Ah !

M. Sylvain Berrios. C’était plutôt l’inverse…

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’y reviens, mais vous êtes quand même extraordinaires !Monsieur Tian, je me suis permise de faire un peu d’ironie…

M. Dominique Tian. Un peu ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …après avoir démontré que ce qui avait été dit plusieurs députés à la tribune sur les ordonnances était totalement faux…

M. Christian Jacob. Qu’est-ce qui est faux ? Dites-le !

M. le président. Monsieur Jacob, je vous en prie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le ministre Jacob, mais je vais le répéter, puisque vous n’étiez pas dans l’hémicycle. Je le redis : plusieurs députés ont prétendu que les ordonnances seront prises dans le secret des cabinets et qu’elles porteront un coup fatal à la société française.

Mme Claude Greff. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai tout simplement rappelé que les ordonnances sont régies par l’article 38 de la Constitution, qu’elles sont soumises au Conseil d’État avant d’être promulguées, et qu’elles deviennent caduques au bout de trois mois si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant les assemblées.

Mme Claude Greff. Le Parlement ne va pas passer son temps à ratifier des ordonnances ! On a envie de travailler !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par conséquent, cela ne se passe pas dans le secret des cabinets…

M. Hervé Mariton. Pouvez-vous donner la date de cet examen et proposer un calendrier ?

M. le président. S’il vous plaît ! Vous aurez la parole après.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quand des parlementaires qui sont censés connaître la Constitution, la loi et les procédures…

M. Philippe Gosselin. On les connaît !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …se mettent à diffuser de tels arguments, il n’est pas étonnant que cela crée des inquiétudes dans la société.

On a entendu d’autres arguments du même acabit, qui témoignent soit d’une ignorance des choses, soit de la manipulation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est le cas pour « père et mère », mais c’est aussi le cas, par exemple, pour un de ces amendements, où l’un des vôtres a écrit que les officiers d’état civil sont placés sous les ordres directs du préfet et que cela doit demeurer. Je suis désolée, mais c’est contraire à la loi. De tous ces exemples, j’ai donc conclu que vous êtes en train d’écrire un scénario de spaghetti western.

M. Christian Jacob. C’est vous qui l’écrivez ! Pourquoi ne pas avoir introduit cela dans le texte initial ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ne dites pas que j’accuse ni les Français qui manifestent dans la rue, ni l’ensemble de l’opposition – je vous renvoie au Journal officiel ; je dis que ceux qui utilisent cet argument écrivent un scénario de spaghetti western. Franchement, je devrais me corriger et faire amende honorable, parce que c’est une ingratitude à l’égard des très beaux westerns italiens de Sergio Leone, que j’ai vus lorsque j’étais étudiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Ne mettez pas Sergio Leone là-dedans !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour revenir à ces amendements, le Gouvernement confirme d’abord que l’article 1er bis A résulte d’une disposition proposée à l’Assemblée nationale, qui a été adoptée ici même…

M. Bernard Roman. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qui a été, d’une certaine façon, améliorée par la suppression du mot « surveillance » au Sénat…

M. Marc Le Fur. On aimerait entendre sur ce sujet le président de la commission des lois, qui n’est plus là !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. N’oublions pas que le mot « surveillance » a quand même une réalité. Vous avez été nombreux à citer l’article 53 du code civil, qui fait obligation au procureur de la République de prendre lui-même l’initiative d’aller contrôler le contenu de l’état civil, parce qu’il doit en répondre.

M. Christian Jacob. Pourquoi ne pas l’avoir fait en première lecture ? C’est que vous avez quelque chose à cacher !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Indépendamment de cette réalité, qui fait partie de la pratique et qui est inscrite dans le droit, et que le sénateur auteur de l’amendement n’avait du reste pas reprise dans son argumentaire, le Gouvernement a estimé que le mot « surveillance » pouvait effectivement être mal perçu…

M. Philippe Gosselin. En effet !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et a donc consenti à sa suppression. Il n’y a donc aucune raison de supprimer l’article 1er bis A. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression.

Mme Claude Greff. C’est incroyable !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, je voudrais d’abord vous dire que nous ne sommes pas ici dans une salle de cinéma.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Où sommes-nous, alors ?

M. Patrick Ollier. Cette affaire est suffisamment grave (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) pour qu’on évite de telles comparaisons, insupportables pour les millions de Français.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Où sommes-nous, quand on entend M. Wauquiez traiter le Gouvernement de voyou ?

M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, je n’ai pas utilisé ces mots dans cet hémicycle, et maintenant c’est moi qui vous parle. Je vous répète que vous ne pouvez pas assimiler l’hémicycle de l’Assemblée nationale à une salle de cinéma, fût-ce pour y passer des westerns spaghetti.

Je voudrais maintenant vous poser une question.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous vous permettez tout, mais vous ne supportez pas l’ironie !

M. Patrick Ollier. Poi ? Pas du tout, madame la garde des sceaux. Et c’est moi qui vous parle à présent.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, monsieur le ministre Ollier, et je vous écoute.

M. Patrick Ollier. Je vous remercie. Cet article fait naître un doute ; cela a été dit et je ne veux pas le répéter. M. Tourret avait parlé de surveillance ; la surveillance a été retirée, mais un doute demeure.

Mme Claude Greff. Maintenant, c’est « contrôle » !

M. Patrick Ollier. En effet, à présent, on parle de contrôle, mais au départ il était question de surveillance. Je voudrais, madame la garde des sceaux, que les choses soient claires dans l’esprit de tout le monde. Alors que nous débattions en première lecture, nous avons eu l’occasion d’entendre le Président de la République évoquer la clause de conscience, et il a même parlé d’une possibilité de délégation.

Dans cet hémicycle, je crois que certains d’entre vous, au sein de la majorité, ont aussi évoqué la possibilité, pour le maire, de déléguer cette tâche à un adjoint.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est la loi !

M. Patrick Ollier. Monsieur Le Bouillonnec, puis-je parler ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Prenez votre temps !

M. Patrick Ollier. C’est incroyable !

M. le président. Mes chers collègues, retrouvons notre calme. Nous venons d’avoir trois quarts d’heure de débats de bonne qualité ; continuons ainsi.

Veuillez poursuivre, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Madame la garde des sceaux, vous venez de dire à l’instant que si un maire refuse, il tombera sous le coup de la loi. C’est ce que vous avez dit, et je voudrais que vous clarifiiez votre position. Prenons le cas d’un maire qui, pour des raisons de conscience – cela existe – ne se sentirait pas à même de procéder au mariage de deux hommes ou de deux femmes et déléguerait cette fonction à l’un de ses adjoints. Est-ce que, dans ce cas précis – et je vous demande une réponse précise – le maire tombe sous le coup de l’article dont vous venez de parler ?

M. Jean-Marc Germain. Évidemment, s’il n’applique pas la loi !

M. Patrick Ollier. Vous venez d’indiquer que s’il refusait, il tomberait sous le coup de la loi.

M. Jean-Marc Germain. C’est évident !

Mme Véronique Massonneau. Bien sûr !

M. Patrick Ollier. C’est important, mes chers collègues, parce que la délégation existe. C’est important, parce qu’il y a des milliers de maires qui sont prêts à utiliser la délégation pour ne pas se trouver confrontés à une clause de conscience. Ce changement est suffisamment important pour que Mme la garde des sceaux clarifie le problème. Si elle le fait, cet article ne nous pose pas de difficulté ; dans le cas contraire, nous saurons où vous voulez en venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thomas Thévenoud. La loi, c’est la loi !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. D’abord, pour l’exactitude des choses, madame la garde des sceaux, je ferai noter qu’il est indiqué dans le rapport de noter collègue Binet, qui doit être techniquement précis et affûté, que, s’agissant de la suppression du terme « surveillance », vous vous en étiez remise à la sagesse du Sénat. Or vous avez affirmé à l’instant que vous aviez soutenu sa suppression.

Chacun d’entre nous, ici, connaît la différence : le Gouvernement peut être contre, le Gouvernement peut être pour, et le Gouvernement peut dire « sagesse ». Vous nous avez affirmé, il y a trois minutes, que vous aviez dit pour : c’est faux, le rapport en atteste : au Sénat, vous avez dit sagesse.

Mme Claude Greff. Voilà !

M. Hervé Mariton. Voilà pour la précision de nos débats, madame la garde des sceaux, très respectueusement.

Vous avez souhaité, par ailleurs, reprendre d’autres points pour justifier le terme de « western spaghetti ». Vous avez d’abord soutenu que l’opposition aurait, au fond, enfumé l’opinion en parlant de la suppression des mots de « père » et de « mère ». Je vais donc reprendre les propos que j’ai tenus hier lors de la motion de renvoi en commission, pour que chacun ici mesure les choses, mesure combien le texte dont nous débattons en deuxième lecture est différent de celui que nous avons examiné en première lecture, combien il trahit votre manière de faire, et combien il aggrave les choses.

Le Gouvernement avait compris, et c’était tout à son honneur, combien, dans ce texte relatif au mariage et à l’adoption, l’opinion se rebellait contre la suppression trop fréquente, et sur des dispositions importantes, des mots de « père » et de « mère » ou de « mari » et « femme ». Vous avez réagi de deux manières, d’une part avec l’article balai – lui-même balayé depuis au profit des ordonnances – mais aussi en maintenant, dans certaines dispositions symboliques fortes, les mots de « père » et de « mère » et de « mari » et « femme ». Cela, c’était la version de l’Assemblée en première lecture.

Mais la version issue du Sénat, la version proposée à l’Assemblée en deuxième lecture, cette version que vous ne voulez plus modifier et que vous ne nous permettrez pas de modifier change totalement les choses. Vous êtes allée dire à la télé qu’on enfumait les Français : vous avez menti, parce que l’article balai n’était pas encore venu, mais vous mentez aujourd’hui une deuxième fois.

Mme Claude Greff. Ça fait beaucoup !

M. Hervé Mariton. En effet, que dit l’article 4 ? Vous l’avez cité, madame : il dit qu’au deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil, les mots « père et mère » sont remplacés par le mot « parents ». Qu’est-ce que cet article 371-1 ? Beaucoup d’entre nous sont maires et savent parfaitement ce qu’il dit : l’autorité parentale appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant.

Voilà ce qui valait encore après la première lecture à l’Assemblée nationale et notre vote du 12 février. Mais ce n’est plus le cas : désormais, ou plutôt demain, le maire devra dire : « L’autorité parentale appartient aux parents. » C’est, à dire vrai, un très grand progrès : l’autorité parentale aux parents… Il est permis de s’interroger sur la qualité de cette rédaction !

En tout cas, sur une disposition symbolique extrêmement forte, sur une disposition essentielle, sur laquelle vous aviez raisonné intelligemment et prudemment en première lecture, vous avez senti, au fond, que les chevaux devaient être libérés : vous dites à présent qu’il n’y a plus de père et de mère, mais seulement des parents. Ainsi, nous aurions enfumé les gens en parlant de la suppression de « père et mère » ? C’est faux.

J’ai déjà souligné une première fausseté – j’utilise des mots aimables – s’agissant de votre position au Sénat. Je note une deuxième fausseté – je calibre mes mots – lorsque vous soutenez que « père et mère » ne sont pas supprimés.

Que dire enfin du dernier alinéa de l’article 75 du code civil ? L’officier d’état civil reconnaît les deux conjoints comme mari et femme. Cela non plus, vous n’aviez pas osé le supprimer en première lecture, mais maintenant que le danger de la première lecture est passé, on peut y aller, on peut charger ! Il s’agit, là aussi, d’une dimension importante du mariage, et vous ne pouvez pas maintenir qu’on ne change rien au mariage de tout le monde !

M. André Schneider. Eh oui !

M. Hervé Mariton. L’article 75 disait que l’officier d’état civil reconnaissait les mariés comme mari et femme, car pour beaucoup de gens dans la société, il y a un mari et une femme. Mais voilà : à l’Assemblée, vous aviez été prudente et respectueuse de ce à quoi tiennent beaucoup de Français : dans un mariage, on soit mari et femme. Mais le Sénat est passé par là, et la deuxième lecture, hélas ! fera le reste. Que dit l’article 4 ? Qu’au dernier alinéa de l’article 75, on ne dira plus « mari et femme », mais simplement « époux ».

Vous mentez, madame la garde des sceaux. Vous mentez trois fois au moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous mentez lorsque vous avoir soutenu au Sénat la disparition du mot « surveillance » : le rapporteur socialiste lui-même prouve que ce n’était pas vrai. Vous mentez lorsque vous dites que l’on ne supprime pas les mots « père » et « mère » ; vous n’aviez plus menti en première lecture, mais vous vous êtes rattrapée en deuxième lecture. Vous mentez enfin sur les mots « mari et femme » puisqu’en deuxième lecture, vous les remplacez par « époux ».

C’est dommage, madame la garde des sceaux. Vous êtes parfois poète, mais la licence poétique ne doit pas vous entraîner trop loin de la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. KO debout !

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Madame la garde des sceaux, nous sommes en train vous démontrer la violence que vous exprimez – ainsi que le Gouvernement et beaucoup de ses ministres – à l’égard de toutes les personnes qui manifestent avec beaucoup de sincérité chaque jour.

Mme Sandrine Hurel. Et ce sont eux qui parlent de violences ! Ce n’est pas possible !

M. Marc Laffineur. Avec votre cabinet, vous essayez tous les jours de trouver une phrase qui sera reprise par les médias : hier le temps des cerises, aujourd’hui le western spaghetti. C’est aussi une forme de violence.

M. Christian Assaf. Ce n’est pas à vous que cela risque d’arriver ! Vous êtes si médiocre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons ! Je vous en prie !

M. Marc Laffineur. Voilà une autre forme de violence, monsieur le président ! Comment voulez-vous que les gens ne se sentent pas méprisés par ces personnes de la majorité ? Vous avez le peuple contre vous maintenant, parce que vous méprisez en permanence tous les Français ! Voilà la vérité, et vous le sentez bien.

M. François André. Bel argument !

M. Marc Laffineur. Et lors des réponses aux questions au Gouvernement tous les mardis et les mercredis, vous vous levez comme un seul homme…

M. le président. Allons, monsieur Laffineur, revenez à votre propos.

M. Marc Laffineur. Non, monsieur le président ! Je ne peux pas me faire insulter ainsi par les gens de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce mépris, tous les Français le ressentent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. C’est votre argument ?

M. Daniel Goldberg. Zéro !

M. Marc Laffineur. Vous êtes lamentables, c’est tout, et tous les Français le ressentent !

M. le président. S’il vous plaît, que chacun retrouve son calme !

M. Marc Laffineur. Vous dites que le mot « surveillance » a été retiré au Sénat, et que vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat. Mais cela montre bien que votre intention, c’était la surveillance des élus locaux ! C’est l’esprit de cet article 1er bis A. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

Je vous demande simplement de respecter les millions de personnes qui étaient dans la rue. Vous parlez de 100 000 personnes dans la rue alors que tout le monde sait qu’il y en avait plus d’un million. Que la majorité et le Gouvernement respectent toutes ces gens sincères, et qui sont dans la rue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, j’avais demandé la parole au titre des explications de vote.

M. le président. Il n’y a pas d’explications de vote sur les amendements, mais vous avez la parole.

M. Philippe Gosselin. Disons que cela vaudra explication de vote, monsieur le président.

Hervé Mariton a clairement dit les choses : il y a des approximations, et je m’en inquiète.

Mme Claude Greff. Moi, je l’ai trouvé très clair !

M. Philippe Gosselin. Allons, ce n’est pas Hervé Mariton que j’ai trouvé approximatif !

M. Hervé Mariton. Me voilà rassuré !

M. Philippe Gosselin. Voyons, Claude ! (Sourires.) C’était évidemment la garde des sceaux, ainsi que ce texte !

Approximations d’abord sur les propos tenus, tels qu’ils figurent dans le compte rendu des débats au Sénat. Le Gouvernement a donné un avis de sagesse au Sénat, en aucun cas un soutien clair comme on l’entend traditionnellement ici.

Le recours aux ordonnances ensuite est un aveu de faiblesse. C’est l’ensemble du texte et de la mise en musique juridique que nous dénonçons, d’un projet politique qui lui-même est du bricolage. Du bricolage complet, la démonstration en est faite : M. Meccano lui-même ne s’y retrouvera pas et la boîte à outils du Président de la République, je l’ai dit hier à la tribune, n’y suffira pas.

Mais revenons à notre série d’amendements. Une suspicion pèse sur les maires. Le terme de « surveillance » a été enlevé, mais pas dans l’esprit de la ministre. Au final, je me demande quelles instructions seront données aux procureurs. On me répondra qu’il n’y a plus d’instructions aux procureurs, ou que l’on ne veut pas en donner ; mais il y a bien une politique pénale nationale, il y aura donc bien des circulaires.

Dans le doute, il est sage de supprimer cet article. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture semblait convenir. Le doute n’est pas levé par les propos de la ministre ni par le texte qui nous arrive du Sénat. C’est pourquoi nous voterons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, cet article est violent.

M. Bernard Roman. Aïe !

M. Sylvain Berrios. Il est très violent. Il est violent parce qu’en réalité il découle de la substance même de ce texte et de votre volonté d’imposer les choses.

M. Thomas Thévenoud. Il est quoi, déjà ?

M. Sylvain Berrios. Il est violent parce qu’une loi, pour être applicable, doit remplir deux conditions. La première est d’être comprise par les Français. À l’évidence, comme l’a rappelé Hervé Mariton, la succession de mensonges ou d’approximations n’y aide pas.

Lorsque le Président de la République lui-même explique devant les maires qu’il y aura une clause de conscience avant de revenir ensuite sur ces propos, lorsque, ici même, vous chantez Le Temps des Cerises et vous parlez de scénario de western spaghetti, vous troublez en réalité la compréhension de ce texte par les Français.

Votre texte est flou…

M. Philippe Gosselin. Et quand c’est flou, il y a un loup !

M. Sylvain Berrios. Il ne peut donc être compris par les Français. Et parce qu’il est flou, il y a un défaut de sens.

La deuxième condition pour qu’une loi soit applicable, c’est l’autorité de l’État. Or tous ces mensonges et la crise dans laquelle votre Gouvernement est empêtrée remettent en cause l’autorité même de l’État.

M. Alexis Bachelay. Comme c’est intéressant !

M. Sylvain Berrios. Pour pouvoir contourner ces deux obstacles, l’incompréhension par les Français et le manque d’autorité de l’État, vous instituez un article visant à mettre les élus sous le contrôle des procureurs. C’est cela qui est inacceptable et c’est pour cela que nous voulons le supprimer.

M. Thomas Thévenoud. C’est bien laborieux !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le ministre Ollier, merci de m’avoir interrogée pour que je précise mes propos.

En parlant vite à l’instant, j’ai déclaré que les maires, exerçant en qualité d’officiers d’état civil par délégation de l’État, doivent appliquer les lois de la République. S’ils ne le font pas, ils se mettent dans la situation prévue par le code civil et le code général des collectivités territoriales.

M. Bernard Gérard. C’est honteux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas entrée dans les détails parce que nous avions échangé sur ce sujet à plusieurs reprises, y compris lors de séances de questions au Gouvernement bien avant la discussion de ce texte.

Pour qu’un maire se retrouve dans cette situation, encore faut-il qu’il ait épuisé toutes les possibilités légales. Le code civil et le code général des collectivités territoriales lui donnent des possibilités en cas d’empêchement.

Notre parole est donc claire : les maires doivent appliquer les lois de la République. Pour l’application de ces lois, des dispositions sont déjà prévues dans le droit existant. Mais je ne saurais vous aider à laisser entendre que les maires peuvent s’affranchir des procédures déjà prévues, et ne pas célébrer de mariages.

Vous disiez que le Gouvernement n’accepte aucun amendement de l’opposition : c’est inexact. Le Gouvernement a donné des avis favorables pour l’adoption d’amendements de l’opposition en première lecture, et en a même sous-amendé.

Vous avez fait référence au contexte. Oui, il y a le contexte ; et dans ce contexte, je l’assume clairement : il n’est pas question pour le Gouvernement de laisser penser que les maires seraient exonérés de l’application de cette loi. C’est très clair et très précis.

S’agissant de ce qui s’est passé au Sénat, vous me faites un mauvais procès, monsieur le ministre Mariton. Je sais que vous avez le rapport, mais je vous invite à vous reporter au compte rendu intégral des débats au Sénat, publié au Journal officiel.

M. Jacques Myard. Mais qu’est-ce qui cloche ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne dis pas que le rapport est inexact : il est exact.

M. Sylvain Berrios. Cela devient incompréhensible !

M. Dominique Tian. Ce ne sont plus des spaghettis, c’est de la bouillabaisse !

M. le président. Laissez la garde des sceaux s’exprimer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. On me demande de répondre, mais on ne me laisse pas le temps de m’exprimer !

Au Sénat, le doyen Gélard et plusieurs sénateurs sont intervenus pour ou contre l’amendement. Le rapporteur a donné un avis défavorable à cet amendement au nom de la commission.

J’ai alors pris la parole au nom du Gouvernement. J’ai expliqué que contrairement à ce que soutenait le doyen Gélard, contrôle et surveillance ne sont pas redondants : cela relève de deux dispositions différentes. Toutefois, je comprenais que le terme de surveillance puisse gêner. C’est pourquoi j’ai émis un avis de sagesse. Cela, c’est du soutien, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Ah bon ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, parce que c’est cela qui permet à la majorité des sénateurs de voter cet amendement.

M. Philippe Meunier. C’est du western spaghetti, cette réponse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez comment les choses se passent lorsque le rapporteur et le Gouvernement émettent un avis défavorable. Avant d’arriver dans l’hémicycle, tout un travail a été effectué en amont, et vous savez parfaitement qu’il peut exister des nuances entre nous.

Vous pouvez me faire un procès en mensonge, ce n’est pas un problème pour moi. J’aurais dit à la télévision, comme vous l’avez prétendu à trois reprises, que vous aviez « enfumé » les Français : ce n’est pas mon vocabulaire, mais ce n’est pas un problème. Des procès, vous nous en faites depuis très longtemps et ce n’est certainement pas terminé.

M. Christian Jacob. On vous rappelle la vérité !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La poésie vous dérange ? Je peux en convenir, bien que je ne pense pas que cela constitue la pire agression que vous ayez pu subir. Mais je vous demande, à vous comme à M. Le Fur, de laisser mon cabinet en dehors de tout cela. Ce sont mes lubies personnelles, c’est moi la coupable, c’est moi l’auteur du péché impardonnable de poésie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Laissez mon cabinet en dehors de tout cela, c’est moi qui pratique la poésie.

Vous êtes offusqués, mais même si les rôles étaient inversés, je préférerais franchement l’ironie du Gouvernement aux injures que profèrent certains des vôtres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lorsque M. Wauquiez se permet ici même de traiter le Gouvernement de voyou, je préfère mon ironie sur les spaghettis western à la série d’insultes et d’injures que nous avons entendues à la tribune de l’Assemblée nationale. Avis défavorable. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression de l’article 1 bis A.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 196

Nombre de suffrages exprimés 196

Majorité absolue 99

(Les amendements identiques nos 1, 96, 123, 139, 253, 370, 388, 532, 603, 609, 1378, 1846, 1993, 3205, 3278, 3453, 3743 et 3850 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 3550.

M. Jacques Myard. J’observe divers mouvements chez nos camarades de gauche, qui sont nombreux à quitter l’hémicycle… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. Regardez de votre côté !

M. Bernard Roman. Au revoir, monsieur Ollier !

M. le président. Du calme, mes chers collègues. Essayons de terminer ce matin l’examen de cet article !

M. Jacques Myard. Premièrement, madame la garde des sceaux, les spaghettis, cela se mange : attendez-vous donc au pire ! (Sourires.)

Deuxièmement : quand la loi bavarde, elle est inutile.

M. Alexis Bachelay. Vous l’avez déjà dit !

Un député du groupe SRC. On ne vous voit pas, monsieur Myard ! Debout !

M. Jacques Myard. Je vous l’ai déjà dit : si vous ne me voyez pas, vous allez m’entendre !

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Myard…

M. Jacques Myard. Cela me fait rigoler ! Les petits gouvernent le monde, mais certains ne s’en sont pas encore aperçus…

M. le président. Je suis d’accord ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Merci, monsieur le président !

Troisièmement : à vouloir trop prouver, on ne prouve rien. Affirmer dans un nouvel alinéa que le maire exerce ses fonctions sous le contrôle et la surveillance du préfet est superfétatoire, et vous le savez pertinemment. On ne réécrit pas dans une loi ce qui est déjà écrit ailleurs : on sait très bien qu’un officier d’état civil exerce ses responsabilités dans le cadre des lois et règlements de la République.

M. André Schneider. Exactement ! Il faut supprimer cette phrase !

M. Jacques Myard. Il est donc parfaitement inutile d’écrire cela, à moins d’avoir envie de mettre du poivre dans les spaghettis. (Sourires.)

M. André Schneider. Du piment !

M. Marc Le Fur. Elle est salée, celle-là ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. C’est bien le problème : à vouloir trop prouver, vous affaiblissez l’objet de votre propre loi.

Ou alors, c’est que vous voulez stigmatiser un certain nombre d’élus. Vous voulez les contraindre et leur dire : c’est comme cela, circulez, il n’y a rien à voir. Croyez-moi : lorsque la loi atteint ce degré de diktat, elle fait fi de l’adhésion des Français et des élus aux lois de la République. C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Je ne répéterai pas les arguments que j’ai précédemment développés. La commission a également émis un avis défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons. Compte tenu de l’éparpillement, dans le code civil, des différentes responsabilités du procureur de la République à l’égard des actes de l’officier d’état civil, il était nécessaire d’ajouter cet article 34-1 dans le code civil pour rappeler cette compétence du procureur. Alain Tourret avait proposé cette disposition par amendement en première lecture, que nous avions adopté. La commission souhaite évidemment maintenir cette disposition, avec les modifications introduire par le Sénat.

M. Jacques Myard. Errare humanum est

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable également.

M. Jacques Myard. Pourquoi donc ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur Myard, je ne vous réponds pas.

M. Jacques Myard. Ah ! Parce que vous n’avez rien à répondre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais à quel jeu vous vous livrez, et je ne veux pas impatienter l’Assemblée. (Sourires.)

J’ai omis de répondre à une question posée par M. Mariton – il n’est plus là – sur l’article 75 du code civil. Comme pour l’article précédent, on fait semblant de découvrir que la modification de l’article 75 – le remplacement des mots « mari » et « femme » par le terme « époux » – avait été adoptée ici même, à l’Assemblée nationale. C’était normal : il s’agissait bien des premières modifications auxquelles nous devions procéder, pour deux raisons : d’une part, nous tirons les conséquences de l’adoption de l’article 1er du présent projet de loi ; d’autre part, la Cour de cassation elle-même avait mentionné, dans un arrêt de 2007, deux articles dont l’article 75 du code civil.

Nous écrivons la loi correctement, avec rigueur, pour qu’elle soit applicable, et nous procédons aux modifications nécessaires. La modification dont vous vous étonnez a été introduite en première lecture : je peux concevoir que le temps écoulé ait été si long – bien que vous l’ayez trouvé court – que vous avez oublié ces dispositions, mais elles ont bel et bien été adoptées en première lecture.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je veux apporter mon appui à l’amendement de Jacques Myard, pour des raisons exclusivement juridiques. Madame la garde des sceaux, vous vous apprêtez à introduire dans le code civil un article 34-1, qui sera par définition inséré entre les articles 34 et 35, inchangés depuis 1803.

M. Bernard Roman. Et alors ?

M. Guillaume Larrivé. Depuis deux cent dix ans, nous savons dans toutes les communes de France que « les actes de l’état civil sont établis par les officiers de l’état civil ». De deux choses l’une : soit vous modifiez le code civil pour ne rien dire en essayant d’y introduire une sorte de truisme, pardonnez-moi, totalement ridicule…

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Guillaume Larrivé. Le code civil n’est pas un tract, mais un texte essentiel de la République. Première hypothèse, donc : vous le modifiez pour ne rien dire. Deuxième hypothèse : vous avez des intentions cachées et déplorables.

M. Jacques Myard. Cachées derrière les spaghettis ? (Sourires.)

M. Guillaume Larrivé. Pour conclure cette courte intervention, je pense même que cet article est un cavalier. Madame la garde des sceaux, votre projet de loi est relatif à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ; or vous insérez un nouvel article dans les dispositions générales du code civil, qui concernent bien d’autres sujets que les questions relatives au mariage – l’enregistrement des décès ou des naissances, par exemple.

Votre article – comme l’ensemble de votre projet de loi, d’ailleurs – n’est donc véritablement ni fait ni à faire.

M. Bernard Gérard. C’est un mauvais western politique !

(L’amendement n° 3550 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 5, 257 et 3053.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’un tout autre sujet. Comme vous le savez, dans notre pays, le mariage religieux suit traditionnellement le mariage civil. Il existe une règle pénale qui prévoit qu’un ministre du culte célébrant un mariage religieux alors que le mariage civil n’a pas été célébré est susceptible d’être condamné à une peine de prison.

Je veux mettre un terme à cette règle imaginée à l’époque concordataire, c’est-à-dire à l’époque de Napoléon ; elle visait alors à permettre le développement du mariage civil en exigeant que ceux qui se marient à l’église soient préalablement mariés à la mairie. Depuis 1905, le lien entre les deux mariages est déjà moins pertinent puisque nous sommes complètement sortis du régime concordataire. Il n’en demeure pas moins que le lien entre le mariage civil et le mariage religieux existe encore aujourd’hui. Cette situation est spécifique à la France : tous les pays ayant connu le système napoléonien, comme la Belgique ou une partie de l’Allemagne, ont fait disparaître ce lien.

Mon idée est la suivante : faire disparaître la sanction prévue par le code pénal revient à permettre un mariage religieux pour un couple qui n’est pas marié civilement. Deux personnes pourront être pacsées, ou dans une tout autre situation, et se marier à l’église. En effet, le même mot est maintenant utilisé pour des choses désormais très différentes ; et ce sera encore plus flagrant demain, puisque le mariage religieux exclut évidemment l’union de deux personnes de même sexe.

M. François André. Et le divorce ?

M. Marc Le Fur. J’en viens à ma deuxième raison. J’exprime une crainte manifeste, et je voudrais que mes collègues de l’UMP l’entendent. Demain, ceux qui ont demandé l’ouverture du mariage civil aux couples de personnes de même sexe exprimeront la même demande s’agissant du mariage religieux, simplement parce qu’ils sont dans une logique de revendication. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. François André. Ce n’est pas à l’Assemblée nationale que l’on traite du mariage religieux !

M. Marc Le Fur. Pour interdire cette revendication, il faut dissocier le mariage religieux du mariage civil.

Je suis convaincu – nous avions eu des échanges sur ce sujet avec notre collègue Tourret en première lecture – que la logique que je développe est vraiment laïque, puisque le principe de laïcité consiste à ignorer les cultes. Or la situation actuelle ne se caractérise pas par une relation d’ignorance, mais de surveillance.

Toutes ces raisons m’inclinent à penser qu’il faut dissocier le mariage religieux du mariage civil.

Je sais qu’un certain nombre de mes collègues de l’UMP mettent en avant un risque du côté de l’islam : ne risquerait-on pas de favoriser un développement de mariages polygames ?

M. François André. Nous y voilà !

M. Marc Le Fur. Ce risque n’est pas du tout avéré, car contrairement à l’Église catholique, l’islam ne poursuit pas du tout une logique de sacralisation du mariage.

M. François André. C’est honteux !

M. Marc Le Fur. La logique est très différente : l’islam manifeste simplement dans une fête la reconnaissance de ce qui existe, dans la vie, entre les deux personnes d’un couple.

M. Thomas Thévenoud. C’est écœurant !

M. Marc Le Fur. Chers collègues de gauche, écoutez-moi ! Dans une vraie logique laïque, il n’y a aucune raison que le mariage religieux soit adossé au mariage civil : l’État ou la société n’a pas à connaître d’un sacrement purement religieux.

Je m’adresse maintenant à ceux qui sont attachés à l’expression de la foi.

Mme Marie-Anne Chapdelaine et M. Bernard Roman. La foi ? (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Marc Le Fur. Si nous n’adoptons pas cette mesure, nous risquons d’être confrontés demain à une revendication, qui commence d’ailleurs à apparaître chez certains extrémistes qui prétendront, au nom de l’égalité ou d’une réalité sociale, marier deux hommes ou deux femmes à l’église. Cela ne serait évidemment souhaitable pour personne.

M. François André. Ridicule !

M. Marc Le Fur. Voilà les raisons qui m’inclinent à penser que nous devons mettre un terme à ce qui est aujourd’hui une survivance historique.

Que l’on m’entende bien : je ne veux absolument pas donner au mariage religieux une conséquence civile qui existe dans de nombreux pays européens. Je dis simplement que le mariage religieux est une affaire privée, qui ne regarde pas l’État et n’a donc pas à obéir à une quelconque contrainte imposée par l’État.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 257.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit d’un amendement d’alerte : pour être honnête, je me satisferais qu’il soit repoussé. C’est toutefois l’occasion de mettre en avant une difficulté suscitée par le texte que l’Assemblée s’apprête à voter, hélas ! dans des conditions de temps couperet et guillotine.

En voulant singulariser et dévaloriser le mariage, alors qu’il s’agit d’une institution particulière, qui a une histoire dans notre pays et qui ne se limite pas à la seule reconnaissance de l’amour que deux personnes éprouvent l’une envers l’autre, nous sommes en train de jouer avec le feu. Nous risquons d’être confrontés à des revendications un peu plus identitaires, religieuses, cherchant à isoler davantage le mariage religieux.

Je partage les propos de mon collègue Le Fur : le mariage religieux est une affaire privée qui, en tant que telle, ne regarde pas l’État. Mais je suis sensible à notre héritage historique et, sans doute, à une certaine conception de la laïcité. Plus globalement, je crains que l’adoption du texte dont nous discutons aujourd’hui suscite des demandes de plus en plus importantes d’isolement du religieux, phénomène qui serait, à terme, porteur d’une forme de communautarisme.

Cet amendement est l’occasion de mettre en avant cette interrogation et cette difficulté. Vous comprenez bien que je ne souhaite pas spécialement entamer aujourd’hui, dans le cadre de ce débat, un échange complet sur le sujet ; mais j’aimerais acter une clause de revoyure et connaître vos positions sur ce point, madame la garde des sceaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n° 3053.

M. Jean-Marie Tetart. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Le Fur, vous avez évoqué le fait que l’article 433-21 du code pénal était relativement peu souvent – et même très rarement – utilisé pour prononcer des sanctions. Premièrement, je note que votre demande ne rejoint pas celle des églises, en tout cas celle de l’Église catholique que vous avez évoquée. Pour avoir débattu avec nombre de ses représentants durant ces derniers mois, je puis vous assurer qu’à aucun moment cette demande n’a été exprimée par les intéressés.

Deuxième remarque, plus technique et plus directement liée à votre amendement : en abrogeant cet article du code pénal, il ne faudrait pas laisser penser à la population que le mariage religieux apporterait aux couples les mêmes droits que le mariage civil. Vous le savez comme moi : le mariage religieux n’apporte aucun droit ni aucune protection ; seul le mariage civil, le mariage républicain, en apporte. En adoptant un tel amendement, ou tout autre ayant le même objet, il ne faudrait pas laisser croire que le mariage religieux apporterait cette même protection. C’est d’ailleurs sur ce point que nous nous étions appuyés en première lecture pour refuser l’adoption d’amendements analogues.

Enfin, messieurs Le Fur et Gosselin, vous indiquez dans votre exposé sommaire que la sanction actuellement prévue à l’article 433-21 du code pénal serait contraire à l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme. L’obligation du mariage républicain ne viole évidemment ni la liberté de pensée, ni la liberté de conscience : c’est tout le contraire.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaiterais vérifier le code pénal, si nous l’avons.

M. Dominique Tian. Que fait le cabinet ? (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Laissez les membres de mon cabinet tranquilles ! Ils travaillent beaucoup, vous savez. (Sourires.)

M. Jacques Myard. Vous les épuisez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il paraît, mais j’ai tant de défauts…

M. Jacques Myard. Je n’aime que les défauts !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi aussi, et j’aime tellement les miens que je les conserve ! (Sourires.)

J’ai entendu l’argumentaire de M. Gosselin sur la suppression de l’article 433-21 du code pénal. Je rappelle – et c’est la raison pour laquelle je voulais vérifier dans le code pénal – que pour qu’il y ait incrimination, la pratique doit avoir été habituelle. Il ne s’agit pas de pister tout mariage religieux célébré. Ce n’est pas cela qui fonde l’incrimination. Celle-ci est constituée par une pratique habituelle.

Vous avez à bon droit, monsieur le député Gosselin, rappelé l’histoire du mariage. L’incrimination a été introduite au moment où le mariage s’est laïcisé et est devenu une institution civile. Il ne faudrait pas que des personnes qui recourent à un mariage religieux imaginent qu’il y aurait les mêmes effets d’ordre public.

M. Marc Le Fur. Elles le savent parfaitement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis désolée, monsieur Le Fur, mais c’est le mariage civil qui induit les effets d’ordre public, et votre amendement risquerait d’entraîner une perte de protection pour certaines personnes. Quelqu’un a dit hier, à juste titre, que les Français ne lisaient pas le code civil tous les jours. C’est également ce que j’ai dit au Sénat pour expliquer pourquoi le Gouvernement avait tenu à parler régulièrement de mariage et d’adoption : les Français ne sont pas censés savoir que le mariage emporte l’adoption. Aussi, par honnêteté, nous avons parlé du mariage et de l’adoption.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas dans le titre du projet de loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’avons aucun problème avec l’adoption pour les couples de même sexe : nous rappelons qu’en droit, le mariage emporte l’adoption. C’est la même logique qui nous préoccupe ici : les gens qui décident de se marier ne connaissent pas le code civil par cœur et il ne faudrait pas qu’ils s’imaginent qu’un mariage religieux produit les mêmes effets d’ordre public. Eu égard à cette préoccupation majeure, il n’est pas pertinent de supprimer cette incrimination si nous voulons garantir que le seul mariage qui induit des effets d’ordre public est et reste le mariage civil.

La liberté de conscience comme la liberté de culte sont garanties par la loi de 1905 en plus d’être garanties par l’article 1er de la Constitution. Faire célébrer un mariage religieux relève d’une liberté absolue qui n’est contestée à personne. Encore faut-il s’assurer que les couples sachent qu’ils sont mariés, avec des effets d’ordre public à partir du mariage civil.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Pour une fois, je ne serai pas d’accord avec mon ami Marc Le Fur pour une raison simple.

Mme Marie-Anne Chapdelaine et M. Bernard Roman. Poulet au champagne ! (Sourires.)

M. Jacques Myard. Depuis maintenant plus d’un siècle, tout officier du culte doit disposer du certificat montrant que le mariage civil a eu lieu avant de procéder à un mariage religieux. En cas de non-respect de cette disposition, une sanction pénale est prévue, mais elle est très peu usitée car il faut qu’il y ait récidive.

Le problème est simple. Au regard de lois spécifiques d’un certain nombre de personnes présentes sur notre territoire, on pourrait procéder à un mariage religieux entre une mineure de quinze ans et un adulte majeur. Ce n’est pas acceptable. Dans ces conditions, la seule garantie pour protéger ces jeunes adolescentes est d’exiger qu’il y ait un mariage civil. L’ordre public républicain s’applique à ce moment-là et l’on interdira à quiconque de marier une enfant de quinze ans avec un adulte…

Mme Claude Greff. Bien sûr.

M. Jacques Myard. …sauf dérogation du Président de la République dans certains cas.

La tradition française légale – mariage civil, puis mariage religieux – ne porte pas du tout atteinte au mariage religieux, mais permet d’éviter ces cas qui, malheureusement, risquent de se produire.

M. Christian Assaf. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous devons avoir ce débat, mais il ne peut être tranché à ce moment de nos travaux.

À mon excellent collègue et ami Jacques Myard, qui a à l’esprit l’islam, je dirai que ce n’est pas le sujet : l’islam n’a pas l’équivalent d’un sacrement, d’un droit à reconnaissance.

M. Jacques Myard. On s’en moque. Le problème, c’est qu’on marie des gamines de quinze ans !

M. Marc Le Fur. De fait, les risques qu’il dénonce peuvent parfaitement exister aujourd’hui. Cela ne change rien.

Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je trouve vos arguments assez faibles : à vous entendre, nous risquerions d’avoir affaire à des gogols qui vont s’imaginer que le mariage religieux emporterait les effets d’un mariage civil.

M. Bernard Roman. Ils n’ont pas dit cela !

M. Marc Le Fur. Je n’ai jamais dit que le mariage religieux devait emporter les effets juridiques d’un mariage civil. Je dis simplement qu’il y a de plus en plus de jeunes couples qui choisissent leur mode d’union en fonction de critères très rationnels – mariage civil, PACS, concubinage etc. – et qui veulent, pour des raisons diverses qui les regardent, associer leur union à une cérémonie. Or tous ces gens sont de fait gênés.

Mais il est une autre difficulté que nous ne tarderons pas à connaître : la revendication d’égalité d’un certain nombre de minorités, qui vise en fait à casser les codes, l’emportera dans le mariage civil, puisque vous êtes majoritaires. Mais elle se manifestera tout autant dans le mariage religieux, mes chers collègues.

M. François André. Ce n’est pas notre affaire !

M. Marc Le Fur. Pour toutes ces raisons, il faut dissocier le mariage civil du mariage religieux. C’est une évidence, au regard de la logique laïque, et une question de cohérence avec les textes que nous avons peu à peu adoptés : au départ, le mariage civil est un double du mariage religieux, il s’en est distancié petit à petit, en particulier du fait de la réglementation du divorce et du fait de la séparation de l’église et de l’État en 1905.

Plusieurs députés du groupe SRC. Tant mieux !

M. François André. Est-ce que vous le regrettez ?

M. Marc Le Fur. Il s’en distancie encore un peu plus aujourd’hui puisque vous allez reconnaître le mariage homosexuel. Au bout du compte, le mot « mariage » se retrouve associé à deux choses qui n’ont plus aucun rapport entre elles. Je vous propose simplement de traduire cette dissociation dans le droit.

(Les amendements identiques nos 5, 257 et 3053 ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er bis A est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de lever la séance, permettez à une partie de mon patrimoine génétique de rendre hommage aux spaghettis, grand plat typique de la cuisine italienne, dont il a été beaucoup question ce matin ! (Rires et applaudissements.)

M. Jacques Myard. Et avec Taubira, ils sont bien pimentés ! (Sourires.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)