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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 22 mai 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Dumping social

M. Ary Chalus

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

2. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

3. Questions au Gouvernement (Suite)

RSTA dans les outre-mer

Mme Huguette Bello

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Affaire Cahuzac

M. Philippe Houillon

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Sanofi

M. Christophe Borgel

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Responsabilité sociétale des multinationales

M. Philippe Noguès

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Syndicat de la magistrature

M. Georges Fenech

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Contribuables imposés à 100 %

M. Dominique Lefebvre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Attitude d’un membre du Gouvernement lors de l’expulsion d’un ressortissant malien

M. Thierry Mariani

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

Plan social chez Virgin

M. Jean-Louis Roumegas

République exemplaire

M. Gérald Darmanin

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Soutien européen à Mayotte

M. Ibrahim Aboubacar

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Résolution de l’ONU sur la Polynésie française

M. Philippe Gomes

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Conférence de presse du Président de la République

M. Alain Suguenot

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Situation en Syrie

M. François Rochebloine

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

Gestion des personnels enseignants

M. Dominique Le Mèner

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

4. Enseignement supérieur et recherche

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi

Présentation

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

M. Sébastien Denaja, rapporteur au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Motion de rejet préalable

Mme Valérie Pécresse

M. Olivier Falorni, Mme Marie-George Buffet, M. Yves Durand, M. Patrick Hetzel, M. Rudy Salles

Motion de renvoi en commission

Mme Françoise Guégot

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, M. Thierry Braillard, M. Pascal Deguilhem, Mme Annie Genevard, M. Rudy Salles

Discussion générale

M. Thierry Braillard

Mme Marie-George Buffet

Mme Sandrine Doucet

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Dumping social

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, je souhaite attirer votre attention sur les pratiques de détachement de travailleurs originaires de l’espace communautaire, qui consistent en l’exportation d’une main-d’œuvre à bas coût vers des pays où les coûts salariaux sont plus élevés.

Ce phénomène gagne aujourd’hui les territoires ultramarins, accentuant les difficultés économiques et le taux de chômage de nos régions. Sans remettre en cause les relations cordiales avec nos voisins européens, nous devons reconnaître que la situation devient préoccupante, notamment pour nos PME du bâtiment qui, lorsqu’elles répondent à une commande publique, ne peuvent aligner leurs coûts sur ceux que pratiquent certaines sociétés établies dans d’autres États membres.

L’article 53 du code des marchés publics impose le principe de l’offre économiquement la plus avantageuse aux acheteurs publics. Je relaie ici les inquiétudes légitimes de la fédération régionale du BTP de Guadeloupe, exprimées dans un manifeste intitulé : « Les entreprises de bâtiment et de travaux publics meurent en silence ».

Le secteur des travaux publics est, sans hésitation, celui qui a enregistré la plus forte baisse d’activité en 2012. Le chiffre d’affaires des entreprises spécialisées a chuté de 25 % à 45 % par rapport à 2011, année qui avait déjà été marquée par une baisse globale de l’ordre de 10 % à 15 % par rapport à 2010. Cette concurrence que l’on peut qualifier de déloyale semble pourtant contraire aux règles précisées dans la directive européenne n° 96/71/CE sur le détachement.

Le rapport présenté par le sénateur Éric Bocquet le 23 avril 2013 fait état de fraudes, nombreuses, de contrôles inefficaces et insuffisants et de manquements au droit communautaire. Le 26 avril dernier, la Commission européenne a présenté des propositions visant à combattre ces pratiques dans l’Europe des Vingt-sept.

Monsieur le ministre, parce que le bâtiment représente le troisième secteur d’activité économique en outre-mer, je souhaiterais que vous nous indiquiez quelles sont les mesures que l’État envisage de prendre pour prémunir ces PME contre le dumping social. Il y a trois semaines, plus de cinquante entreprises ont été liquidées en Guadeloupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande d’être un peu plus attentifs aux interventions de nos collègues et aux réponses des membres du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je suis, comme vous, très sensible aux difficultés que vous évoquez, que j’ai moi-même pu constater à l’occasion d’un déplacement en Guadeloupe en février dernier, dans le cadre de mes fonctions de ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage – je participais alors à la visite d’un chantier accompagné de l’inspection du travail. Je veux vous assurer que le Gouvernement est déterminé à la fois à faire respecter le droit du travail – Michel Sapin s’y emploie efficacement – et à assurer la convergence par le haut des normes sociales au sein de l’Union européenne.

Pour ce qui est des marchés publics, nous avons obtenu, dans le cadre des négociations en cours au niveau européen, un accord des États membres sur la possibilité d’introduire des critères sociaux à toutes les étapes de leurs attributions. Nous avons également obtenu que puisse être écartée une offre provenant d’un pays tiers lorsque celle-ci est anormalement basse, en raison de l’absence de garanties sociales dans le pays concerné.

En ce qui concerne le détachement des travailleurs au sein de l’Union européenne, le Gouvernement est engagé dans une lutte contre les abus auxquels cette pratique peut donner lieu. Des négociations sont justement en cours au sujet de la refonte de la directive « détachement ». Dans ce cadre, la France insiste pour que les moyens de contrôle soient renforcés, afin que les États membres puissent recourir à tous les moyens qu’ils jugent pertinents et nécessaires. À cet égard, nous sommes bien évidemment attentifs au problème de la sous-traitance.

Au-delà, nous travaillons à une convergence sociale par le haut au sein de l’Union européenne, par le renforcement du dialogue social au niveau européen et par la mise en place d’indicateurs sociaux. Cette convergence sociale par le haut sera ainsi à l’ordre du jour de la seconde conférence sociale, au mois de juin prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

2

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à Mme Mehriban Aliyeva, présidente du groupe d’amitié Azerbaïdjan-France du Parlement de la République d’Azerbaïdjan. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3

Questions au Gouvernement (Suite)

M. le président. Nous reprenons les questions au Gouvernement.

RSTA dans les outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, dont l’échéance est prévue le 31 mai prochain.

Créé lors des mouvements sociaux qui ont marqué les régions d’outre-mer en 2009, ce dispositif est destiné à soutenir le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. Une prime mensuelle dont le montant peut atteindre cent euros est ainsi versée aux salariés dont le salaire est inférieur à 1,4 SMIC. À La Réunion, le RSTA a concerné à ce jour près de 100 000 personnes.

Ce dispositif a précédé la mise en œuvre du RSA, qui a été étendu aux outre-mer en janvier 2011. La coexistence des deux dispositifs a été assortie d’un droit d’option irréversible entre le RSTA et le RSA « activité ».

Toutefois, les conditions d’éligibilité n’étant pas les mêmes, le passage du RSTA au RSA « activité » n’est pas possible pour tous et ne produit pas toujours les mêmes effets. Si, pour certains bénéficiaires, cette transition peut se traduire par un gain salarial, pour d’autres, elle est synonyme d’une perte de revenus.

À ce jour, à La Réunion, près de 40 000 salariés perçoivent le RSTA, alors que le dispositif doit prendre fin d’ici quinze jours. Nombre d’entre eux ne sont pas éligibles au RSA « activité », quand d’autres le sont à des conditions plus défavorables.

Monsieur le Premier ministre, conscient des inquiétudes suscitées par cette transition qui ne va toujours pas de soi, vous avez, en décembre dernier, prorogé le RSTA de cinq mois.

Ma question est la suivante : ce délai a-t-il permis au Gouvernement d’envisager une solution qui n’entraîne pas la dégradation du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes ou, si ce n’est pas le cas, prévoyez-vous une nouvelle prolongation du RSTA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Huguette Bello, la question du revenu supplémentaire temporaire d’activité est une question d’actualité, pour ainsi dire brûlante, dans les outre-mer.

Ce dispositif a été intégré, à l’issue des grandes crises sociales de 2009, à l’accord de sortie de crise conclu dans l’ensemble des outre-mer. Il était de nature temporaire et a été reconduit à plusieurs reprises, la dernière prolongation ayant été décidée par le Premier ministre le 10 décembre 2012.

Un revenu supplémentaire temporaire a été créé pour assurer la transition avec le RSA, qui n’existait pas, alors, dans les outre-mer, l’ancienne majorité ne l’ayant pas appliqué immédiatement à ces territoires.

Ce dispositif, qui s’est révélé nécessaire, arrive bientôt à terme. Il faut être clair : l’État ayant pris ses responsabilités, c’est aujourd’hui aux partenaires sociaux, par le dialogue social, par la politique contractuelle, à assurer, s’il le faut, la perpétuation de ce dispositif.

On vient de le faire à La Réunion, au sein de la filière du BTP, par un accord signé le 6 mai dernier portant sur les salaires et préservant le RSTA. On l’a fait également dans d’autres territoires. Chacun est donc placé devant ses responsabilités pour préserver le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Affaire Cahuzac

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Houillon. Ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’économie et des finances, qui déclarait hier à une radio, je le cite : « La vérité est très simple : jusqu’au jour où Jérôme Cahuzac a fait l’aveu qu’il avait menti, » – c’était, je le rappelle, le 2 avril 2013 – « personne, je dis bien personne dans le Gouvernement, n’était au courant de cela ».

Or, à peine les travaux de notre commission d’enquête commencent-ils que nous apprenons (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) que, dès la mi-décembre, M. Plenel a rencontré à leur demande des responsables des cabinets de l’Élysée et de Matignon ; qu’à la même période, M. Gonelle, détenteur de l’enregistrement, avertit le directeur adjoint du cabinet du Président de la République, qui lui dit que c’est une affaire sensible (Mêmes mouvements), qu’il doit en référer, et qu’il ne doit rien faire en attendant d’être rappelé.

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas fini !

M. Jean Glavany. Que faites-vous du rôle de la commission d’enquête ?

M. le président. Veuillez retrouver votre calme, le Gouvernement répondra.

M. Philippe Houillon. Nous apprenons également qu’après avoir affirmé ici qu’il n’avait jamais eu de compte à l’étranger, M. Cahuzac, sollicité le 14 décembre, refusera de le confirmer par écrit ; que, selon M. Arfi – je le cite – « les questions posées à l’administration fiscale suisse sont objectivement de mauvaise foi ». (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Ce que vous faites là n’est pas conforme à nos traditions !

M. Philippe Houillon. Convenez d’ailleurs qu’il est curieux qu’alors que vous obtenez une réponse négative, la justice, quant à elle, sur la foi des mêmes informations, ait obtenu une réponse en sens inverse. À la question que vous aviez posée à l’UBS, la réponse ne pouvait aussi qu’être négative.

S’agissait-il, comme on nous l’a dit hier, d’une entreprise délibérée de communication pour mettre un terme à cette affaire ? C’est ce que titrait le JDD le 10 février dernier. Il est vrai, monsieur le ministre, que, par contrat conjoint, vous aviez le même conseiller en communication que M. Cahuzac. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. À quoi sert la commission d’enquête ?

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Philippe Houillon. J’en viens à ma question : alors même que, selon nos interlocuteurs, tous ceux qui, au cœur de la République, voulaient savoir pouvaient savoir, confirmez-vous devant la représentation nationale que la vérité est aussi simple que vous le disiez hier, à savoir que personne, au sein du Gouvernement, n’était au courant ou ne pouvait être au courant de ce compte à l’étranger ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député Philippe Houillon, vous êtes trop bon connaisseur de la procédure parlementaire – vous avez vous-même participé à d’importantes commissions d’enquête parlementaire – pour ignorer que jamais la méthode à laquelle vous venez de recourir n’a été utilisée dans cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et je pense qu’il est de notre intérêt commun de ne pas l’employer.

M. Jean Glavany. C’est une honte !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si, au cours des semaines et des mois à venir, ici et là, chacun faisait part de ses interrogations, imaginez comment les Français interpréteraient le travail que nous essayons de mener ensemble.

J’admets, monsieur Houillon que, s’agissant d’une commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement du Gouvernement, vous manquiez d’expérience. En effet, chaque fois que la question s’est posée précédemment, la majorité de l’époque s’était arrangée pour refuser la création de commissions d’enquête (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, Écologiste, GDR et RRDP.), par exemple sur les sondages de l’Élysée.

De surcroît, lorsque le groupe communiste a déposé une demande sur les suicides à France Télécom – question qui aurait pu nous réunir –,…

M. le président. S’il vous plaît mes chers collègues !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …vous avez tellement caviardé la résolution qu’ils ont été obligés de renoncer à leur demande. (Mêmes mouvements.)

Nous avons fait exactement l’inverse…

M. Claude Goasguen. Répondez à la question !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. À une demande du groupe UDI, le Premier ministre et le Gouvernement ont répondu favorablement. La transparence sera au rendez-vous : tous ceux qui devront être auditionnés parmi les responsables du Gouvernement le seront. Vous pourrez faire valoir vos droits ; ces auditions sont publiques.

Oui, il y a un changement : c’est la transparence jusqu’au bout. N’essayez donc pas de la remettre en cause par – je pèse mes mots – une médiocre opération politicienne (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes, Écologiste, GDR et RRDP.)

Sanofi

M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Claude Goasguen. Je veux une réponse !

M. Christophe Borgel. Monsieur le ministre du redressement productif, en juillet dernier, je vous interpellais dans cet hémicycle à propos de la restructuration annoncée par le groupe Sanofi. Celle-ci comportait la fermeture potentielle du site de recherche de Toulouse.

Qu’un groupe veuille se restructurer pour rester compétitif n’est pas contestable en soi, mais ce doit être fait à partir d’une stratégie industrielle. De ce point de vue, les arguments avancés pour Toulouse n’étaient pas convaincants.

Devant un dialogue social en panne, vous avez confié une mission à M. Saintouil, directeur de la société Toulouse Tech Transfert. Celui-ci a rendu son rapport la semaine dernière et son avis est clair : la qualité des chercheurs de Sanofi est réelle, l’écosystème scientifique toulousain est riche. Il formule des propositions qui permettent de préserver un site Sanofi à Toulouse avec le maintien de cinq cents emplois.

Le Gouvernement montre là sa méthode : préparer l’avenir en agissant en faveur de la compétitivité de nos entreprises – grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi et à la Banque publique d’investissement – mais aussi préserver le présent pour maintenir l’activité et les emplois dans nos territoires.

Le redressement du pays ne se fera pas si nous ne redonnons pas de la force à notre industrie. Le redressement du pays ne se fera pas en regardant les bras ballants des entreprises et des sites fermer, en particulier lorsque ceux-ci sont rentables.

Monsieur le ministre, dans ce dossier vous avez su tout à la fois tenir un langage empreint de franchise aux dirigeants du groupe Sanofi et essayer de comprendre les arguments industriels justifiant leur volonté de restructuration. Vous avez su mettre en pratique la méthode de dialogue social voulue par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale les prochaines étapes de ce dossier emblématique pour notre région, mais aussi, je le crois, représentatif de la volonté gouvernementale de redresser le pays dans la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Christophe Borgel, lorsque Sanofi a annoncé son plan de restructuration, le Gouvernement est entré en discussion franche avec les dirigeants du groupe.

À ce stade-là – c’était l’année dernière –, nous avions obtenu la diminution du nombre de suppressions d’emploi – nous étions passés de 2 000 suppressions à 917 suppressions –, l’assurance que ce plan se ferait sans aucun licenciement et, surtout, c’était un point important, la promesse du maintien des centres de décision de Sanofi et de vingt-six centres de production sous la bannière Sanofi en France ainsi que la stabilisation des dépenses de recherche-développement pour ces centres à hauteur de 1,8 milliard d’euros.

Il restait la question de Toulouse, car Sanofi avait décidé de fermer ce centre et l’avait annoncé sans ambages. Nous avons donc confié à M. Saintouil une mission ministérielle. Il a fait des propositions qu’il est venu présenter devant les élus, les partenaires sociaux et la direction de Sanofi à Toulouse.

Il propose de transformer le site de Toulouse en un centre d’innovation ouverte sous la bannière de Sanofi – cela permettrait de maintenir deux cent cinquante emplois –, de créer des structures communes avec l’université et le monde académique, de soutenir la création d’entreprises innovantes financées par Sanofi – cela correspond environ à une centaine d’emplois – et de maintenir des services supports – cela représente quatre-vingts emplois. En prenant en compte les quatre-vingts départs en retraite anticipée financés par Sanofi, nous maintenons au total, selon les propositions du rapport ministériel, quatre cent cinquante emplois.

C’est la reconnaissance tout à la fois de la qualité du travail des chercheurs à Toulouse et de la nécessité, pour une entreprise qui évolue sur un marché mondialisé, de s’adapter. Parce qu’il a été accepté par la direction de Sanofi, le rapport constitue un compromis entre ceux qui voulaient ne rien voir changer et ceux qui voulaient tout voir disparaître. C’est surtout une deuxième chance pour Toulouse. J’invite tous les acteurs, les élus comme les partenaires sociaux, à la saisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Responsabilité sociétale des multinationales

M. le président. La parole est à M. Philippe Noguès, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Noguès. Ma question s’adresse à Mme la ministre du commerce extérieure, Mme Nicole Bricq. J’y associe mes collègues Dominique Potier et Danielle Auroi, ainsi que les membres du cercle de réflexion parlementaire pour la responsabilité sociétale des multinationales.

Madame la ministre, les mots ne permettent pas de décrire l’ampleur de la tragédie qui s’est abattue sur le Bangladesh le 24 avril dernier lorsque 1 100 ouvriers ont trouvé la mort dans l’effondrement d’une usine textile dans la ville de Dacca. Or le Bangladesh est le troisième fournisseur de la France pour les articles d’habillement et le textile, devant l’Inde et la Turquie. Cet épisode meurtrier met donc en lumière le vide juridique actuel en matière de responsabilité des grandes marques internationales du textile dans les violations des droits humains au travail, reflet tragique d’une chaîne de sous-traitance trop peu contrôlée et trop complexe qui dilue la responsabilité des entreprises.

La responsabilité sociale et environnementale des entreprises est un enjeu non seulement moral mais aussi économique. Tout comme il existe un dumping social, il existe un dumping sur les droits de l’homme et les normes environnementales. Ainsi, derrière la tragédie de Dacca se cachent d’autres drames sociaux et environnementaux, notamment dans le secteur manufacturier et dans celui des industries extractives.

Outre le fait qu’elles présentent des coûts humain et environnemental inacceptables, ces pratiques moins-disantes pénalisent la compétitivité de notre économie. Alors que s’ouvre demain à Nantes le cinquième Forum mondial des droits de l’homme et que le Gouvernement s’apprête à lancer la plateforme sur la responsabilité sociétale des entreprises, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre – et je sais que vous êtes sensible à cette question –, les mesures que vous entendez prendre pour combler le vide juridique actuel sur la responsabilité des maisons mères et empêcher que de tels drames ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur le député, le drame qui s’est produit au Bangladesh nous rappelle à tous que le commerce mondial ne saurait se soustraire à ses responsabilités sociales et, tout simplement, humaines.

Sur les lieux de l’accident, des étiquettes de marques françaises ont été retrouvées dans les décombres. J’ai immédiatement saisi le point de contact national de l’OCDE pour faire la lumière sur l’implication de nos entreprises dans cette tragédie. Dès demain, je réunirai les entreprises françaises de la distribution, les fédérations de l’habillement, les ONG et les organisations syndicales pour faire émerger des propositions. Je tiens à saluer le travail des ONG, qui se sont engagées à promouvoir un accord sur la sécurité des bâtiments et la prévention des incendies au Bangladesh. Carrefour, entreprise française de renom, a signé cet engagement. J’invite l’ensemble des entreprises nationales à suivre cet exemple.

Au-delà de ces différentes initiatives, nous devons nous poser la question du reporting extra-financier dans les domaines social et environnemental. Le Premier ministre m’a confié cette tâche dans le cadre de la plateforme pour la RSE. Je lui présenterai des propositions.

Enfin, la France n’agira pas seule : j’ai écrit à la Commission européenne pour que le système de préférences généralisées dont bénéficie le Bangladesh soit couplé à l’engagement de ce pays sur une feuille de route et au respect d’obligations dans les domaines sociaux et humains. Nous serons, Pascal Canfin et moi-même, (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) aux côtés de la ministre néerlandaise responsable du commerce extérieur...

M. le président. Merci, madame la ministre.

Syndicat de la magistrature

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Madame la garde des sceaux, à la suite de la révélation de l’existence d’un « mur des cons » dans les locaux que le ministère de la justice met à la disposition du syndicat de la magistrature, vous avez été amenée à saisir la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature pour avis sur un manquement éventuel à la déontologie.

M. Jean Glavany. Et lorsque vous étiez juge, que faisiez-vous ? C’est un comble !

M. Georges Fenech. Il faut dire que l’indignation soulevée dans le pays a été grande ; parmi les têtes de Turc figuraient les pères de deux jeunes filles lâchement assassinées par de dangereux criminels. Les juges du syndicat de la magistrature leur reprochent sans doute leur combat contre la grande récidive !

Or hier, dans son avis rendu public, le CSM ne s’est pas prononcé, estimant que la formation plénière était incompétente en matière de déontologie des magistrats.

Madame la garde des sceaux, vous êtes, normalement, la garante du bon fonctionnement de notre justice.

M. Philippe Gosselin. Ça se saurait !

M. Georges Fenech. Mais aujourd’hui, la question suivante se pose : êtes-vous la ministre de la justice ou la protectrice d’une organisation syndicale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Si tel n’est pas le cas, pourquoi n’avez-vous pas saisi l’inspection générale des services judiciaires, qui aurait pu faire une enquête, même rapide, sur cette affaire qui fait tant de mal à notre justice ?

Pourquoi n’avez-vous pas saisi l’inspection puis les formations disciplinaires compétentes ? En somme, avez-vous agi par incompétence ou par calcul ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Les deux !

M. Georges Fenech. Enfin, cet avis vous place devant votre responsabilité. Alors que le « mur des cons » et l’affaire Cahuzac se télescopent, vous proposez une réforme du CSM qui renforce encore le corporatisme des magistrats.

Madame la ministre, allez-vous saisir l’inspection des services judiciaires pour faire toute la clarté sur cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vos propos, venant d’un juge, sont pour le moins étonnants. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti et M. Bernard Accoyer. Il est député !

M. le président. Chers collègues, écoutez la réponse ! Cela ne sert à rien de se mettre dans un tel état.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai déjà dit que je comprenais l’émoi provoqué par cette affaire, au point que j’ai saisi le CSM sur un éventuel manquement à la déontologie.

Monsieur le député, vous me demandez de diligenter l’inspection judiciaire dans un local syndical – pourquoi pas un de ces jours dans celui de l’Association professionnelle des magistrats ! –, autrement dit, vous me demandez de ne pas reconnaître notre droit.

Je considère que cette action est inappropriée, même si elle constitue une riposte à des attitudes, à des propos, à des accusations portées par l’exécutif politique contre les magistrats et contre les personnels judiciaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans ce pays, il est possible de dire qu’il s’agit d’une action inappropriée, de la condamner moralement et sans nuances, tout en respectant le droit, puisque cette action, privée, s’est tenue dans un local syndical.

Plusieurs députés UMP. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’émoi ne doit pas faire oublier que ce sont des images volées qui ont rendu cette action publique.

Je l’ai condamnée fermement. J’en ai appelé à la dignité de la magistrature et à la nécessité de ne pas écorner l’image de la justice.

Monsieur le juge,… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) pardonnez-moi : monsieur le député, ici, tout particulièrement, nous respectons le droit, quelles que soient les protestations que nous pouvons porter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard. Elle a tout faux !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, retrouvez votre calme.

Contribuables imposés à 100 %

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le ministre délégué chargé du budget, le redressement de nos finances publiques exige un effort de la part de tous nos concitoyens. Cet effort doit être demandé d’abord à ceux qui peuvent le plus et qui ont bénéficié ces dernières années des cadeaux fiscaux du précédent gouvernement, cadeaux financés exclusivement par la dette ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le premier acte de la réforme fiscale du Gouvernement a donc été de réintroduire de la progressivité dans l’impôt, notamment en alignant la fiscalité sur les revenus du capital sur celle portant sur les revenus du travail.

Il a été aussi de rétablir la progressivité de l’impôt de solidarité sur la fortune – l’ISF – et de revenir sur les baisses indues, consenties en 2012 par le précédent gouvernement, notamment par le biais d’une contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus. Ce n’était que justice, et il était temps.

Je rappelle que le bouclier fiscal, mis en place en 2007 par la droite, a conduit le trésor public, donc la solidarité nationale, à faire un chèque de 670 millions d’euros à 8 600 contribuables en 2009. 1 300 d’entre eux, dont le patrimoine excédait 16 milliards d’euros, ont perçu en moyenne 347 000 euros de la part du trésor public.

Certes, la droite a fini par supprimer ce bouclier fiscal inique, qu’elle ne pouvait plus soutenir politiquement, mais en contrepartie d’une baisse de l’ISF plus avantageuse, favorisant davantage encore les revenus de la rente, au détriment des revenus du capital.

Face aux mesures de justice et d’équité fiscale prises par Jean-Marc Ayrault, l’opposition de droite s’engage, dans le but à peine caché de rétablir le dogme du bouclier fiscal, dans une polémique stérile et artificielle sur le caractère confiscatoire de nos prélèvements obligatoires.

Elle évoque ainsi le chiffre de 8 000 Français, qui auraient payé en 2012 un impôt supérieur à leurs revenus. Monsieur le ministre, ma question est simple : pour éclairer les Françaises et les Français, pouvez-vous nous indiquer quelle est la réalité de la situation de ces foyers fiscaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, il y a en France 37 millions de contribuables. Parmi eux, 300 000 acquittent l’ISF…

M. Guy Geoffroy. Dont des ministres !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et 8 000 paieraient un impôt supérieur à leurs revenus juridiques. C’est dire si ces 8 000, dont se préoccupe beaucoup l’opposition ces derniers jours, sont aux contribuables ce que les poissons volants sont aux espèces marines : ils ne constituent pas la majorité du genre ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lellouche. C’est un bestiaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais si l’opposition y porte tant d’attention, c’est qu’il y a une raison. Ces 8 000 contribuables, qui paieraient 100 % de leurs revenus en impôts, ont le choix de l’optimisation. Car il existe, monsieur le député, deux catégories de contribuables : ceux qui reçoivent un revenu dont ils ne décident pas du montant et ceux – les 8 000 – qui décident du montant du revenu qu’ils perçoivent.

Pourquoi ? Détenteurs d’un patrimoine très élevé, parfois de plusieurs centaines de millions d’euros, ils ont la possibilité de ne pas se verser la totalité des revenus de leur patrimoine, en optimisant la gestion de celui-ci.

Cela explique précisément la situation dans laquelle se trouvent ces privilégiés, au nombre de 8 000, qui représentent parmi les plus riches des contribuables français et qui font l’objet de la mansuétude de quelques parlementaires de l’opposition. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons l’intention de poursuivre sur la voie de la justice fiscale et de ne pas laisser l’opposition, sans la démasquer, regretter le bouclier fiscal. Celui-ci a coûté 3,6 milliards d’euros, et ce, alors que l’on cessait d’indexer le barème des tranches les plus faibles de l’impôt sur le revenu, pour permettre aux plus riches des contribuables français de recevoir des chèques ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

Attitude d’un membre du Gouvernement
lors de l’expulsion d’un ressortissant malien

M. le président. La parole est à Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Madame la garde des sceaux, permettez-moi tout d’abord de vous rappeler, au nom du groupe UMP, qu’il n’y a ici ni juges, ni militaires ni agriculteurs : il n’y a que des parlementaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Ma question s’adresse à M. Pascal Canfin, ministre délégué aux affaires étrangères, chargé du développement.

Le 26 avril dernier, monsieur le ministre, vous deviez vous rendre au Mali dans le cadre d’un accord de coopération, pour le développement et la sortie de crise de ce pays. Au moment d’embarquer, vous avez pris la décision d’annuler ce déplacement, au cours duquel vous deviez représenter la France.

Si vous avez catégoriquement refusé de voyager dans cet avion à destination de Bamako, c’est à cause de la présence à bord d’un passager malien qui faisait l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière, après avoir purgé une peine de huit ans de prison en France, pour viol aggravé et braquage à main armée. D’après la presse, vous êtes même allé jusqu’à exiger une annulation pure et simple de cette expulsion !

M. Christian Jacob. C’est indigne !

M. Thierry Mariani. En agissant de la sorte, vous avez remis en cause l’application des lois de la République, ce qui est inacceptable de la part d’un ministre.

Plusieurs députés du groupe UMP. Démission !

M. Thierry Mariani. La presse parle de « cas de conscience » ! Autrement dit, par acquit de conscience, vous seriez prêt à refuser l’expulsion d’individus dangereux et à garder sur notre territoire national un violeur d’enfant ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Barbara Pompili. C’est n’importe quoi !

M. Thierry Mariani. Votre cas de conscience va-t-il jusqu’à penser aux victimes ? Votre attitude est totalement inadmissible ! Elle montre que vous vous désolidarisez ouvertement de la politique affichée par le gouvernement auquel vous appartenez et constitue un véritable désaveu pour les forces de l’ordre.

Ma question est donc simple : alors que la situation de la France nécessite des décisions fermes, avez-vous toujours, avec vos cas de conscience, votre place au Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Merci pour votre question subtile, monsieur le député. Je vais vous dire ce qui est important, aujourd’hui, pour les Maliens.

Je devais en effet me rendre à une réunion organisée à Bamako pour préparer la relance de la politique de développement au Mali. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani. Mais vous n’y êtes pas allé !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Vous avez évoqué mon cas de conscience, mais regardons de votre côté. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Qui a supprimé les crédits de développement destinés aux politiques de santé et d’éducation au Mali ? C’est vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Et pourquoi ? Parce que vous aviez lié les politiques migratoires et les politiques de développement, M. Hortefeux ayant été jusqu’à affecter une partie des crédits de la politique du développement à la politique de gestion des flux migratoires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Martin. Très bien !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Nous avons, en plein accord avec Manuel Valls, délié ce que vous aviez honteusement lié ! (Tumulte et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. N’importe quoi !

M. Jacques Myard. Carton rouge !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Vous avez privé le Mali et les Maliens de plusieurs millions de crédits de développement, au motif que ce pays avait refusé de signer un accord de gestion concertée des flux migratoires : voilà le vrai cas de conscience ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. Il n’a même pas le courage de répondre !

M. le président. Mes chers collègues, nous avons compris que vous n’étiez pas d’accord avec la réponse du ministre, mais faisons attention au spectacle que nous donnons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plan social chez Virgin

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la ministre de la culture et de la communication, demain, jeudi 23 mai 2013, le tribunal de commerce de Paris doit étudier les offres de reprise de l’enseigne Virgin, qui possède vingt-six établissements en France. L’affaire se présente mal. L’un des principaux repreneurs potentiels, Rougier et Plé, vient de jeter l’éponge, et ne restent que des offres de reprise très partielles, voire marginales.

Il faut donc s’attendre à un plan social bien plus brutal que ce que l’on craignait. Dans un avenir très proche, près de mille personnes travaillant dans le commerce des biens culturels vont perdre leur emploi.

Certes, la distribution des produits culturels est un secteur en pleine mutation. L’émergence de l’e-commerce et l’achat en ligne de supports physiques – livres, CD, DVD et jeux vidéos – connaît une progression fulgurante, qui vient s’ajouter aux dégâts liés au téléchargement.

Vous avez dénoncé à juste titre, madame la ministre, la concurrence déloyale d’entreprises comme Amazon, domiciliée au Luxembourg et qui bénéficie d’une fiscalité avantageuse, que ce soit en matière de TVA, d’impôt sur les sociétés ou de charges sociales, sans oublier les aides publiques dont elle a bénéficié de la part de collectivités souhaitant que la société s’implante sur leurs territoires.

Où en sont les négociations européennes sur l’harmonisation fiscale ? Au-delà de Virgin, c’est tout un réseau de disquaires et de libraires indépendants qui est menacé, avec ses emplois qualifiés et un service de conseil irremplaçable. Comment le Gouvernement accompagnera-t-il cette mutation ? Vous avez déclaré, madame la ministre, que vous suivriez au cas par cas chaque magasin, chaque salarié : que comptez-vous faire pour obtenir un plan social acceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Jean-Louis Roumegas, la situation de Virgin est en effet inquiétante. Le tribunal de commerce se réunit demain ; dans les quinze jours, il rendra sa décision.

Avec le retrait, vendredi, du seul repreneur qui proposait une offre globale, la situation est encore plus critique. Il y aura sans doute des offres de reprise, magasin par magasin, mais il faut malheureusement s’attendre à ce que cela se fasse dans des conditions difficiles pour les plus de neuf cents salariés du groupe.

Dès janvier et les premières difficultés, j’ai reçu au ministère l’intersyndicale. Nous suivons le dossier avec Michel Sapin, Arnaud Montebourg et Sylvia Pinel. Nous avons, avec cette dernière, adressé une lettre à l’ensemble des dirigeants des grands groupes de distribution, notamment dans le secteur des biens culturels, pour leur demander de reprendre les salariés de Virgin. Leur métier et leur savoir-faire sont précieux.

Le secteur de la vente en ligne est en effet en pleine évolution. Face à la concurrence déloyale de certains grands sites, commencent à émerger des sites français – Lalibrairie.com, Leslibraires.fr – qui sont des sites mutualistes regroupant des libraires indépendants désireux de concurrencer Amazon. Nous devons les soutenir ; nos concitoyens aussi.

Le plan de soutien à la librairie que j’ai annoncé au Salon du livre comprend des mesures d’aide à la trésorerie et d’aide à la transmission des librairies. Nous travaillons également avec l’ensemble de la filière à développer la solidarité entre éditeurs et libraires. Tous ont conscience que le libraire est aujourd’hui le maillon le plus faible, car il est soumis à la concurrence la plus sauvage.

Nous allons continuer à travailler avec l’ensemble des professionnels, comme nous allons continuer de nous battre à Bruxelles, comme je le fais en faveur de l’exception culturelle, pour défendre le soutien à nos filières culturelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

République exemplaire

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le Premier ministre, la gauche morale est morte.

M. Jean-Claude Perez. Enlevez votre main de la poche !

M. Gérald Darmanin. Il y a un an, François Hollande était élu Président de la République et il promettait une république exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons vu ce qu’il en était. Le boomerang de l’exemplarité vous est revenu dans la face. La gauche morale qui donne des leçons, la gauche morale qui fait la morale, elle est bien morte. (Mêmes mouvements.)

Au lendemain de l’installation de votre majorité, monsieur le Premier ministre, le premier secrétaire du parti socialiste que vous avez choisi était condamné, on nous l’a rappelé, pour recel d’abus de bien sociaux.

M. Philippe Baumel. Et chez vous ?

M. Gérald Darmanin. Cet hiver, M. Cahuzac, votre ministre du budget, après de longues semaines de mensonges, a avoué détenir en Suisse un compte non déclaré. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Et Guéant ?

M. Gérald Darmanin. Hier, M. Kucheida a été condamné pour abus de biens sociaux, ajoutant ainsi un chapitre supplémentaire au livre de M. Dalongeville, votre ancien camarade socialiste, Rose mafia, qui explique comment certains élus socialistes du Nord-Pas-de-Calais ont bâti un système mafieux dans la région. (Mêmes mouvements.)

Et ce matin, Mme Sylvie Andrieux, députée socialiste des Bouches du Rhône, a été condamnée à trois ans de prison dont un an ferme pour détournement de fonds publics.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous balayer devant la porte de la rue de Solferino ? Quand allez-vous, plutôt que de donner des leçons de morale, comprendre que les Français sont écœures par l’hypocrisie du parti socialiste et du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Mme Catherine Vautrin. Courage !

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Darmanin, vous n’avez pas osé finir votre question en évoquant l’existence, a contrario, d’une droite morale et je vous en remercie. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je pense que je pourrais arrêter là mes explications compte tenu du niveau de la question. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.). Dans une telle situation, je pense qu’il faudrait parler d’une même voix et c’est ce que je vais faire, au nom du Gouvernement, à propos d’un certain nombre de décisions rendues. Le Gouvernement n’a qu’une seule ligne de conduite, il est responsable et garant de l’indépendance de la justice. Nous ne ferons aucun commentaire. Nous souhaitons que la justice fasse son travail et nous garantissons son indépendance.

M. Christophe Léonard. Cela change tout !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Disant cela, je réalise que cette évidence républicaine n’est, au fond, malheureusement pas partagée,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui ! Guaino…

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …car je pourrais ajouter un commentaire à ce constat simple qui devrait nous réunir ici. Alors même que nous devons faire confiance à la justice de notre pays, l’agression contre ce principe républicain ne vient-elle pas de vos rangs ? Quand 102 députés UMP mettent en cause la décision d’un juge du siège indépendant (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes Écologiste, RRDP et GDR.), ils portent atteinte à la crédibilité de la justice, à ce en quoi nos concitoyens croient.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Après vous avoir entendu, monsieur Darmanin, après avoir entendu M. Houillon, je vous invite à être avec nous garants de l’indépendance de la justice, qui se trouve au cœur de nos principes républicains. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs des groupes Écologiste, RRDP et GDR – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Soutien européen à Mayotte

M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Ibrahim Aboubacar. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué aux affaires européennes et j’y associe mon collègue Boinali Said.

Le 31 mars 2011 aboutissait pour Mayotte, après plus de cinquante ans, un combat de toute une génération pour la départementalisation du territoire, synonyme d’intégration pleine et entière dans la République.

Ce processus s’est traduit ces vingt-cinq dernières années par un effort considérable pour étendre le droit commun dans tous les domaines : ce travail est en cours d’achèvement dans le domaine fiscal, de la législation sociale et du travail.

Tout naturellement, l’intégration de Mayotte dans la République va de pair avec son intégration dans l’Union européenne. Après plusieurs années de négociation entre l’État et les autorités européennes, le Conseil européen de juin 2012 a décidé de la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique à compter du 1er janvier 2014.

C’est une étape importante pour Mayotte, pour la France et pour l’ensemble de ses régions d’outre mer, unanimement saluée par tous les élus et les acteurs économiques locaux qui se préparent activement à cette échéance.

Cependant, les premières décisions concernant le traitement de cette nouvelle région ultrapériphérique, prises à l’occasion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, tranchent avec les communications des autorités gouvernementales et européennes.

Par ailleurs, les incertitudes qui pèsent encore sur la manière dont elle sera prise en compte à l’occasion des décisions à venir dans la politique agricole, de la pêche ou encore dans le programme de lutte contre le chômage des jeunes, ont fait naître localement des interrogations auprès des élus et des acteurs économiques.

C’est pourquoi, sachant l’engagement du Président de la République et du Gouvernement en ce domaine, il m’apparaît nécessaire, Monsieur le ministre délégué, que vous puissiez éclairer les Mahorais et la représentation nationale sur la stratégie du Gouvernement et ses initiatives dans ce dossier de « rupéisation » de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, le Gouvernement a voulu et obtenu que Mayotte entre effectivement dans l’Union européenne le 1er janvier prochain avec le statut de région ultrapériphérique. Nous œuvrons aujourd’hui pour que cette entrée soit un succès et réponde aux nombreuses et légitimes attentes de nos concitoyens mahorais. Pour qu’elle soit un succès, il faut prévoir des dispositifs spécifiques afin d’obtenir des délais pour se conformer au droit européen mais aussi ménager une montée en puissance du recours à ses fonds.

Nous savons que Mayotte a besoin de temps pour s’adapter à la législation de l’Union en matière d’environnement, d’agriculture et de pêche. Nous avons ainsi demandé que des délais lui soient accordés et nous avons obtenu de la Commission qu’elle présente une proposition de directive en ce sens d’ici l’été prochain.

D’un point de vue financier, Mayotte sera dotée d’une enveloppe de 200 millions d’euros au titre des fonds structurels, le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen, c’est-à-dire dix fois plus que les fonds dont Mayotte dispose aujourd’hui au titre du Fonds européen pour le développement.

S’y ajouteront des financements au titre de la pêche, de l’initiative jeunesse car Mayotte sera éligible au dispositif « initiative pour l’emploi » au même titre qu’elle bénéficiera du Fonds européen agricole pour le développement rural.

De surcroît, le budget européen 2014-2020 comportera une clause de révision à mi-parcours qui permettra, si les fonds sont consommés, de demander une enveloppe complémentaire pour la fin de la période. Nous allons nous assurer, avec Victorin Lurel, que ces fonds soient pleinement mobilisés à mi-parcours sur cette question.

L’entrée de Mayotte dans l’Union européenne sera un événement majeur, riche d’enjeux et de promesses pour ce territoire. Nous sommes vraiment déterminés à créer les conditions pour que cette évolution porte tous ses fruits au profit des Mahorais avec l’aide de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Résolution de l’ONU sur la Polynésie française

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’assemblée générale des Nations unies a décidé, le 17 mai dernier, d’inscrire la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser.

Désormais, la France, puissance administrante et considérée comme telle, devra rendre régulièrement compte à l’ONU et à son comité de décolonisation de la situation de la Polynésie, et ce, dès le mois de juin prochain. Cette décision a pu aboutir grâce à une résolution déposée par les Îles Salomon, Tuvalu et Nauru.

Les Îles Salomon ont fait preuve en l’espèce d’une troublante détermination quand on sait les désordres intérieurs que connaît cet archipel, qui a conduit une force internationale de maintien de l’ordre à s’y installer depuis dix ans. Nauru est plus connue sur la scène internationale pour ses activités de blanchiment d’argent. Quant à Tuvalu, c’est une petite île de 12 000 âmes totalement pacifique.

Pourtant, les 21 avril et 5 mai derniers, les Polynésiens ont manifesté de manière forte leur attachement à la République française en votant à hauteur de 75 % pour des listes de partis autonomistes attachés au maintien de la Polynésie au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Dans votre déclaration, monsieur le ministre, vous avez dénoncé à juste titre l’ingérence flagrante de l’ONU et vous avez souligné le non-respect des élus polynésiens et de leur choix démocratique. Enfin, vous avez indiqué que l’ONU s’était éloignée de ses objectifs de décolonisation. Nous souscrivons pleinement à cette déclaration.

Pourtant, nous ne pouvons que nous interroger. Comment en est-on arrivé là ? Comment cette résolution a-t-elle pu prospérer ? L’appareil diplomatique français a-t-il été mobilisé de manière suffisante pour que cette résolution ne soit pas adoptée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, avant de vous répondre, je souhaite excuser le ministre Laurent Fabius, retenu cet après-midi par une importante réunion sur la question de la Syrie qui se tient à Amman.

La résolution adoptée le 17 mai par l’assemblée générale des Nations unies sur la Polynésie française méconnaît effectivement les choix démocratiques qui ont été faits par les Polynésiens et va à l’encontre même des objectifs poursuivis par l’ONU.

Le 21 avril, puis le 5 mai, les Polynésiens ont renouvelé, comme tous les cinq ans, leur assemblée territoriale. La nouvelle assemblée territoriale issue de ce processus démocratique a marqué son désaccord avec le texte de cette résolution qui nie de fait la volonté exprimée clairement par la population polynésienne au suffrage universel. Cette résolution, je le répète, est donc une ingérence flagrante, une absence totale de respect pour les choix démocratiques des Polynésiens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI), un détournement des objectifs que les Nations unies se sont fixés en matière de décolonisation.

La question n’a jamais été celle de la reconnaissance du principe d’autodétermination, principe d’ailleurs reconnu par la Charte des Nations unies et par la Constitution de la République française. Le droit à l’autodétermination est exercé par les habitants de Polynésie française eux-mêmes en 1958 lorsqu’ils ont adopté la Constitution française par 65 % des suffrages exprimés.

M. Philippe Gosselin et M. Jacques Myard. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Cette question fait l’objet, à chaque élection locale et nationale, d’un débat démocratique entre Polynésiens, lesquels souhaitent le maintien du modèle d’autonomie étendue en vigueur. Nous devons respecter ce choix. La France est déterminée à continuer, avec le gouvernement de la Polynésie française, à promouvoir le développement politique, économique et social de la Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Conférence de presse du Président de la République

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Suguenot. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je constate avec regret qu’il a quitté l’hémicycle, comme il le fait régulièrement du reste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui, mes chers collègues, cela montre l’estime qu’il porte à notre assemblée ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Soyons attentifs à ce que l’on dit, tout de même.

M. Alain Suguenot. Monsieur le Premier ministre, record du chômage, récession, perte de confiance de nos concitoyens, accroissement record de la fiscalité, fuite des jeunes diplômés, augmentation de la précarité et de la pauvreté, division des Français image dégradée de notre pays en Europe et dans le monde : la liste n’en finit pas – c’est peut-être ce qui explique son départ…

M. Thomas Thévenoud. Suguenot, zéro !

M. Alain Suguenot. Face à ce constat, nous attendions tous des réponses et, pourquoi pas, des solutions lors de la conférence de presse du Président de la République. Hélas, nous n’avons assisté qu’à une étonnante autocélébration, la première bougie étant à moitié éteinte à l’Élysée, et à une absence totale de prise de conscience de l’impact catastrophique de la politique menée.

François Hollande a simplement indiqué, d’une manière très floue, qu’il allait tenter de faire entendre la voix de la France, de renouer des liens avec l’Allemagne et d’affronter le défi des retraites.

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! », disait Martine Aubry.

François Hollande nous promet également le retour de la croissance – il nous le promet depuis plusieurs mois –, alors que la conjoncture prouve l’inverse.

François Hollande, adepte de la méthode Coué, nous promet encore l’inversion de la courbe du chômage. Or, mois après mois, il ne cesse de s’aggraver.

Quand la boîte contient de mauvais outils, le succès n’est jamais au rendez-vous.

Que les choses soient claires, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, votre impopularité record ne souligne pas un quelconque courage ! C’est juste la preuve de la désillusion des Français, qui mesurent ce qu’ils ont gagné et ce qu’ils ont perdu au changement. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, les choix sont entre vos mains. Quand le maintien du cap conduit à se fracasser contre la falaise, il est peut-être temps d’en changer. Il est peut-être temps aussi que le commandant rejoigne la passerelle s’il ne veut pas être remplacé.

Plusieurs députés du groupe SRC. La question !

M. Alain Suguenot. Monsieur le Premier ministre, quand prendrez-vous enfin les décisions qui rendront la confiance aux Français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, je voulais d’abord vous assurer de la parfaite considération – que chacun connaît ici – du Premier ministre pour le Parlement, et notamment pour l’Assemblée nationale. Il a dû quitter cette assemblée…

M. Patrick Lemasle. Que faisait Fillon ?

M. Pierre Moscovici, ministre. …pour accueillir l’ensemble des partenaires sociaux afin de préparer la grande conférence sociale. Il est vrai que vous êtes incapables de comprendre de quoi il s’agit, vous qui avez toujours ignoré ce qu’était la négociation sociale et qui avez toujours méprisé les partenaires sociaux, à commencer par les syndicats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour le reste, je n’ai vu malheureusement dans votre question qu’une caricature mille fois répétée. Vous avez laissé le pays dans une situation extrêmement préoccupante (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), caractérisée par la montée des déficits et de l’endettement, l’augmentation du chômage, la dégradation de la compétitivité et d’abord de l’industrie. C’est à cette situation que nous répondons, en fixant un cap clair.

Les déficits, nous les réduisons : alors qu’ils filaient allègrement vers 5,5 % du PIB, ils seront en dessous de 4 % cette année.

Nous agissons en faveur de la compétitivité grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, à l’investissement, à l’orientation de l’épargne vers l’investissement. Ce matin encore, avec Nicole Bricq, nous annoncions une réforme des financements à l’export qui, jusqu’à présent, étaient à la fois faibles, rares et chers.

Voilà ce que fait le Gouvernement !

S’agissant du chômage, nous avons réussi la plus importante réforme du marché du travail depuis quarante ans (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui a été approuvée par les deux assemblées. Nous mettons en œuvre les emplois d’avenir et les contrats de génération. Bref, ce pays que vous avez dégradé, ce pays que vous avez endetté, ce pays que vous avez appauvri, ce pays que vous avez affaibli (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Hervé Mariton. Ce pays, c’est le vôtre !

M. Pierre Moscovici, ministre. …nous, nous le redressons. C’est ce que nous avons fait au cours de cette première année, qui fut une année de fondation. C’est ce que nous ferons au cours de la deuxième année, une année de mobilisation, mobilisation à laquelle appelle le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation en Syrie

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.

Les informations et les images qui nous parviennent quotidiennement de Syrie émeuvent l’opinion internationale et suscitent un fort désir d’intervention afin de mettre un terme aux massacres et exactions commis dans le cadre d’une guerre civile épouvantable. On évoque aujourd’hui un nombre de tués supérieur à 90 000 depuis le début du soulèvement contre le régime. S’ajoute à cela le grave problème des réfugiés qui ont fui le pays alors qu’arrive l’été avec ses fortes chaleurs. Les organisations humanitaires nous alertent sur l’aggravation des risques sanitaires auxquels sont exposés des centaines de milliers de réfugiés syriens, en particulier en Jordanie et au Liban.

Face à une telle situation, la France ne peut rester inerte, d’autant moins qu’elle est, par son histoire, connue et reconnue par la population syrienne. Mais pour avoir quelque chance d’être entendue dans un conflit dont la complexité n’a échappé à personne, la parole de la France doit s’adresser à toutes les composantes de la société syrienne. Or chacune des parties qui s’affrontent pose à l’interlocuteur extérieur un problème de représentation et de transparence.

Dans un tel contexte qui voit les menaces de l’extrémisme et du chaos devenir de plus en plus perceptibles, plusieurs questions se posent, monsieur le Premier ministre. Premièrement, quelles dispositions ont été prises pour affronter une difficulté dont la solution conditionne l’efficacité de toute action, tant unilatérale qu’internationale ? Deuxièmement, quelles sont les garanties qui vous semblent nécessaires à une solution politique du problème syrien, solution intégrant toutes les forces politiques représentatives du pays ? Enfin, quelles orientations entendez-vous défendre à cette fin dans les négociations internationales en cours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du développement. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. Veuillez excuser Laurent Fabius, monsieur le député Rochebloine. Il est actuellement, comme l’a dit Thierry Repentin, en Jordanie où se tient la réunion ministérielle de la conférence des amis du peuple syrien.

Mme Catherine Vautrin. Et il restera dans l’avion !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Je vous rappelle notre accord et vous répète que nous sommes pleinement mobilisés. En effet, ce qui se passe en Syrie aujourd’hui fait courir le risque de la plus grande catastrophe humanitaire et politique de la décennie.

M. Jean-François Lamour. C’est le café du commerce ! Des solutions, maintenant !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Laurent Fabius et moi-même vivons avec l’obsession quotidienne de trouver une solution. Vous avez évoqué, monsieur le député, le chiffre de 90 000 morts, dont nous savons qu’il a été dépassé. Se dresse donc devant nous le chiffre fatidique et glacial de 100 000 morts. C’est pourquoi notre politique suit trois grandes orientations.

La première, c’est de favoriser le dialogue politique qui constitue la priorité absolue. La France s’implique pleinement dans la conférence dite « Genève II » et nous souhaitons qu’elle associe pour la première fois l’ensemble des parties par des représentants qui n’ont pas de sang sur les mains.

M. Jean-François Lamour. Mieux vaut que vous restiez dans votre bureau !

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Nous souhaitons également qu’elle débouche sur la formation d’un gouvernement de transition, doté des pleins pouvoirs, dont la composition pourrait être acceptée par le régime comme par l’opposition. La réunion à laquelle participe Laurent Fabius est en train d’étudier les modalités d’une telle transition politique.

Notre deuxième priorité, c’est bien évidemment de soutenir l’opposition modérée. Il faut à cette fin que la coalition nationale syrienne s’unifie, s’élargisse et garantisse à chaque communauté le respect de ses droits.

La troisième priorité, comme vous le savez, c’est le soutien à la coalition, qui implique un changement des règles de l’embargo européen sur les armes…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

Gestion des personnels enseignants

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Le Mèner. Ma question aurait pu s’adresser au Premier ministre ou au ministre de l’éducation nationale, mais je suis sûr que le Gouvernement trouvera un ministre pour répondre.

La Cour des comptes a publié aujourd’hui un rapport critiquant très sévèrement la gestion des enseignants par le ministère de l’éducation nationale.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. Dominique Le Mèner. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et ancien président socialiste de la commission des finances, dresse le constat suivant : « Le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants ou d’une insuffisance de moyens budgétaires. […] La suppression de 80 000 postes sous le précédent quinquennat ou la création prévue de 60 000 postes sont vaines si elles se font avec des règles de gestion inchangées. » En résumé, la baisse des résultats des élèves et la crise des vocations enseignantes sont davantage à mettre sur le compte d’une mauvaise gestion des professeurs que d’un excès ou d’un manque de moyens humains ou budgétaires.

M. Jean Glavany. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?

M. Dominique Le Mèner. Il résulte de la mauvaise gestion des personnels de multiples dysfonctionnements que le Gouvernement s’apprête à aggraver davantage par la mise en œuvre d’une réforme non concertée des rythmes scolaires. Ainsi, à Rennes, près de la moitié des directeurs d’école ont décidé, en signe de protestation, une grève des inscriptions pour la prochaine rentrée. Cet épisode, qui survient après de nombreuses manifestations d’enseignants, montre que le ministre de l’éducation nationale n’a manifestement toujours pas compris les attentes des personnels qu’il est censé diriger.

Plus largement, il est révélateur du mal-être dont souffre la communauté éducative. Parents d’élèves, enseignants et élus en charge de ces questions sont malmenés par une réforme précipitée et une concertation de façade, « un manque de doigté » pour reprendre les termes de votre ami Jean-Christophe Cambadélis. Ce qui est grave dans la réforme des rythmes scolaires que vous avez imposée, monsieur le ministre, c’est que vous vous apprêtez à créer une école à deux vitesses. Sans doute, les grandes agglomérations pourront déployer les moyens nécessaires, mais pas les territoires ruraux.

Au lieu de créer une école à deux vitesses, monsieur le ministre, allez-vous enfin prendre en compte l’intérêt des enfants ? Allez-vous cesser d’imposer des réformes à la hussarde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Le Mèner, je vous prie d’excuser Vincent Peillon qui est précisément retenu au Sénat par la discussion du projet de refondation de l’école.

Vous évoquez, monsieur le député, le rapport de la Cour des comptes qui émet en effet un certain nombre de critiques et pointe en particulier une utilisation défaillante des moyens alloués à l’éducation nationale. Je tiens à vous rappeler que ce rapport porte sur une période antérieure à 2012, soit avant notre arrivée aux responsabilités. Par conséquent, la critique porte surtout sur la gestion des fonds avant que nous ne soyons en responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Le Mèner. Ah ! Cela m’aurait étonné !

M. Jean Glavany. Eh oui, monsieur Le Mèner !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Nous croyons en effet que les moyens doivent être mieux utilisés, car nous attendons beaucoup de l’école. Les objectifs pédagogiques que nous avons fixés – 80 % d’une classe d’âge au bac, réduction des écarts entre les ZEP et les autres, refus dorénavant que tant d’enfants quittent l’école sans formation ni qualification – sont des objectifs ambitieux pour lesquels nous avons en effet besoin d’une communauté éducative et enseignante extrêmement mobilisée.

Le rapport de la Cour des comptes recommande cependant – cela ne vous aura pas échappé – de respecter les conditions de travail et de rémunération des enseignants. Il préconise également de remettre sur pied une véritable formation professionnelle des enseignants. C’est la raison pour laquelle la loi sur la refondation de l’école comporte des écoles du professorat et de l’éducation afin que leur formation soit bonne. Enfin, le dialogue social renouvelé avec les enseignants permettra d’aplanir les difficultés rencontrées par la réforme des rythmes scolaires, à laquelle nous croyons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Enseignement supérieur et recherche

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (nos 835, 1042, 969, 983).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : 12 heures 25 minutes pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, 8 heures 20 minutes pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, 3 heures 35 minutes pour le groupe Union des démocrates et indépendants, 1 heure 55 minutes pour le groupe écologiste, 1 heure 55 minutes pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, 1 heure 50 minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, 40 minutes pour les députés non inscrits.

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les présidents des commissions, monsieur le premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, mesdames et messieurs les députés, le prestige d’une nation, son rayonnement, ses performances sont indissociables de son enseignement supérieur et de sa recherche. Cette conviction, exprimée par le Président de la République François Hollande au Collège de France en février dernier, est au cœur du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

Pour la première fois sont englobés au sein d’une seule et même loi d’orientation l’enseignement supérieur et la recherche, parce qu’ils sont porteurs des mêmes enjeux décisifs pour notre pays : l’élévation du niveau de qualification de notre jeunesse, la formation tout au long de la vie, inscrite pour la première fois aussi dans les missions de notre service public, et une stratégie de recherche qui concilie l’ambition pour la recherche fondamentale avec la réponse aux enjeux sociétaux grâce au transfert vers le milieu socio-économique.

Cette stratégie est celle des pays développés et maintenant des pays émergents, qui fondent leur développement sur ce lien entre la production de savoirs et les applications sociétales, économiques et environnementales.

Le message que je veux partager avec vous n’est donc pas celui de la fatalité ou de la résignation, pas plus que du pessimisme qui conduit le plus souvent au renoncement. Il s’agit au contraire d’inscrire notre pays dans un mouvement durable de redressement, de progrès et d’ouverture aux échanges internationaux.

Investir dans la formation supérieure et la recherche, c’est donner un horizon aux jeunes, car un quart d’entre eux, souvent peu ou pas diplômés, sont aujourd’hui à la recherche d’un emploi mais aussi d’un nouveau souffle pour croire en l’avenir.

Ce n’est pas un mouvement isolé. Au Japon, le programme fédérateur lancé après Fukushima s’appelle Rebirth – la renaissance – et il est fondé sur la connaissance, la recherche et l’innovation. La Corée compte 40 % d’étudiants de plus que la France pour une population du même ordre ; elle consacre plus de 4,3 % de son PIB à la recherche et au développement, tandis que nous plafonnons depuis dix ans à 2,2 %, loin des 3 % que l’Allemagne a presque atteints et que le Japon et les États-Unis ont dépassés.

Le monde bouge vite, s’adapte et nous contraint à nous remettre en cause pour ne pas rester à l’écart de cette dynamique. Plus que jamais, il faut décloisonner, libérer la créativité, miser sur la coopération plutôt que sur une compétition interne stérile.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est dans cette mobilisation générale au service du redressement du pays, rappelée à tous il y a quelques jours par le Président de la République, dans la détermination et l’offensive, que s’inscrivent les dispositions législatives dont nous allons débattre.

Vous l’avez compris, le changement était nécessaire – pas pour la satisfaction de promulguer la septième loi en cinquante ans sur ces sujets, mais parce que la situation de notre enseignement supérieur et de notre recherche ne permet pas aujourd’hui d’atteindre nos objectifs de redressement. D’autres pays se sont mieux préparés que nous.

En effet, la France s’est laissé distancer. Depuis dix ans, l’ancienne majorité n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour nous convaincre du contraire, avec des annonces mirobolantes de milliards jamais concrétisés, des transferts incomplets de masse salariale que l’on voulait faire passer pour de l’autonomie mais qui se sont transformés en lendemains douloureux pour les universités,…

M. Michel Issindou. C’est vrai !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …l’abandon de la collégialité propre à la culture universitaire au profit d’une hyper-gouvernance centralisée, des impasses budgétaires considérables, dont le dixième mois de bourse pourtant largement vendu et survendu, et – c’est peut-être le plus grave – la défiance à l’encontre du service public de la recherche et de l’enseignement supérieur exprimée par l’ancien président dans un discours qui a profondément choqué toute la communauté en janvier 2009.

La liste est loin d’être complète, et je vous renvoie aux analyses convergentes issues des assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont mobilisé plus de 20 000 acteurs de juillet à novembre 2012 et dont le rapport final, sévère, et les 135 propositions nouvelles ont été remis au Président de la République en janvier 2013 par le prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi et le président de l’université Paris Diderot, Vincent Berger. La contribution du député Jean-Yves Le Déaut, missionné par le Premier ministre, a aussi été précieuse. Je les remercie tous de leur apport décisif, ainsi que tous les organisateurs, rapporteurs, rédacteurs et participants à ces débats, avec des échanges parfois vifs mais toujours empreints de sincérité, dans l’intérêt général du pays. Cette large consultation était d’autant plus utile que, je l’ai dit, la confiance avait été rompue. Il fallait la rétablir et renouer le dialogue.

Avec les services du ministère, j’ai donc voulu consacrer tout le temps nécessaire au partage des orientations. Il y a eu plus de 1 300 contributions écrites, venant de toute la France et de toutes les parties prenantes, des dizaines de réunions partenariales et préparatoires, près de 200 auditions organisées par le comité de pilotage des assises, l’OPECST et le parlementaire en mission, 230 séminaires, tables rondes et sessions de travail partout en France, une quarantaine de rencontres avec les organisations représentatives du personnel et des partenaires.

Le changement a donc commencé par un changement radical de méthode, si l’on se souvient de la LRU présentée aux acteurs et votée au Parlement en l’espace de deux mois. L’autonomie est un beau concept, que nous revendiquons : il a été introduit par le projet de loi d’Edgar Faure il y a quarante-cinq ans, amplifié par la loi d’Alain Savary en 1984, et en fait réduit à la portion congrue dans la LRU de 2007.

C’est donc sur la base de cette préparation, ouverte le plus largement possible, que j’ai travaillé avec l’ensemble de mes collègues ministres pour inscrire cette loi en cohérence avec l’action du Gouvernement.

Avec le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon – je salue George Pau-Langevin qui travaille avec lui et le représente ici – nous avons veillé à la parfaite continuité de cette loi avec celle de la refondation de l’école de la République. Nous voulons en particulier reconstruire ensemble la formation des enseignants, mise à mal par le précédent gouvernement, en installant dans les universités – et non à côté – dès la rentrée prochaine les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Nous allons mieux former nos enseignants à l’université et sur le terrain ; nous allons rendre la profession à nouveau attractive. Le nombre et la qualité des candidatures reçues montrent déjà que nous sommes sur la bonne voie.

J’ai aussi voulu inscrire la parité dans toutes les instances de l’université et des organismes de recherche, sur la base d’une charte commune avec le ministère du droit des femmes. Najat Vallaud-Belkacem évoquera ce travail commun lors des débats.

Et, parce que nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver de l’atout formidable que constitue la recherche dans la bataille pour l’emploi qui nous mobilise tous, en lien avec le ministère du redressement productif, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, j’ai inscrit dans l’article 5 de ce projet de loi le transfert de ses résultats dans les missions de notre service public.

Cette loi consacre aussi le retour de l’État stratège, qui définit les orientations générales et prend en charge la régulation entre les territoires.

Nous y avons travaillé avec Marylise Lebranchu et les acteurs territoriaux, au premier rang desquels les régions, mais aussi les intercommunalités et les départements selon les configurations. Pour donner au ministère la légitimité nécessaire à une stratégie nationale, l’article 3 modifie le code de l’éducation et confie au ministre de l’enseignement supérieur la coordination de toutes les formations post-secondaires et l’élaboration d’une stratégie nationale de l’enseignement supérieur. C’est une première.

Je m’arrête là car je devrais mentionner pratiquement tous mes collègues du Gouvernement – je salue Yamina Benguigui qui vient d’arriver – tant est large la transversalité de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le projet de loi dont nous allons débattre doit contribuer au nouveau modèle français, à remettre notre pays en mouvement pour se maintenir dans le peloton de tête des grandes nations. Mobilisés autour de cet objectif partagé et forts du travail de concertation mené, nous devions définir des priorités. C’est pourquoi les soixante-neuf articles du texte sont tournés vers deux points essentiels : la réussite des étudiants et une nouvelle ambition pour la recherche.

M. Patrick Hetzel. Cela se voit !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. De nombreux articles vont améliorer la réussite étudiante.

Quelques indicateurs démontrent l’urgence de changements radicaux. Cinq ans après le lancement d’un plan de 730 millions d’euros censé améliorer la réussite en licence, j’ai constaté, tout comme la Cour des comptes, que le taux d’échec de nos étudiants en premier cycle s’était dégradé de cinq points. La situation est grave : seuls 33 % de nos étudiants réussissent leur licence en trois ans et 40 % en trois et quatre ans, contre 60 % en Allemagne, dans des filières non sélectives – à comparaison égale donc.

Nous nous sommes fixé un objectif global : celui d’amener 50 % d’une classe d’âge à un diplôme du supérieur, alors que ce taux est de 43 % si l’on prend en compte les qualifications bac + 2 et de 37 % pour les bac + 3.

Depuis cinq ans, le chômage des jeunes augmente de façon inacceptable : à plus de 25 %, il touche particulièrement les jeunes sans qualification et sans diplôme, le plus souvent issus de familles modestes. L’élévation du niveau de formation des jeunes, la démocratisation, en baisse elle aussi, de l’accès aux formations du supérieur et la mise en adéquation de ces formations avec le marché du travail sont donc des objectifs prioritaires. Pour les atteindre, le projet de loi pose dès à présent le cadre d’une réforme globale du cycle licence, qui fera aussi l’objet de mesures réglementaires, adaptées à chaque profil d’étudiant.

Pour y parvenir, il faut d’abord agir sur l’orientation, à plusieurs niveaux. J’ai évoqué les taux d’échec moyens élevés en licence. Mais les bacheliers professionnels et technologiques, qui se retrouvent trop souvent par défaut à l’université faute d’être acceptés dans leurs filières naturelles, sont encore bien en dessous de cette moyenne : 3,5 % de réussite en licence pour les bacs pros et 9,5 % pour les bacs technos.

C’est d’autant plus intolérable que ces jeunes sont souvent issus de familles modestes pour lesquelles l’investissement dans les études, en dépit des bourses, demande beaucoup de sacrifices. C’est le sens de l’orientation prioritaire, inscrite dans la loi, des bacs pros en STS et des bacs technos en IUT. Les IUT, parfois inquiets – je les ai entendus comme vous, et je l’ai vu à nouveau dans vos amendements – peuvent être rassurés par les excellents résultats des bacs technos qu’ils accueillent : 68 % de réussite en moyenne au DUT, taux proche de la moyenne générale, qui dépasse 70 %. Je les assure de ma reconnaissance et de mon soutien.

Améliorer l’orientation passe aussi par un accompagnement renforcé des jeunes entre le lycée et l’établissement d’enseignement supérieur, pour qu’ils deviennent acteurs de leur orientation au lieu, trop souvent, de la subir. C’est l’objet des articles 17 et 18, qui posent pour la toute première fois ce principe de continuité entre les niveaux d’enseignement.

Avec Vincent Peillon et George Pau-Langevin, nous avons initié en parallèle le projet « bac - 3, bac + 3 » qui prépare les lycéens à l’admission post-bac – APB – que beaucoup découvraient sans y être préparés l’année du bac. Il s’agit de mettre fin à une orientation qui voit aujourd’hui tout se jouer en trois clics et qui, une fois de plus, pénalise les plus modestes. J’ai appris récemment qu’il s’était créé un nouveau métier : celui de coach privé pour aider les familles à s’orienter dans les méandres du système APB. Le service public de l’éducation doit certes générer des emplois, mais pas de cette manière ! Il faut adapter notre système aux jeunes, alors que c’est l’inverse aujourd’hui.

La complexité vient aussi du foisonnement de l’offre de formation : 2 400 licences professionnelles, 1 300 licences générales, 7 700 masters si l’on additionne mentions et spécialités et près de 10 000 si l’on ajoute ceux des écoles. Plus personne ne se retrouve dans un tel maquis et, une fois encore, ceux qui ne disposent pas des réseaux de décryptage sont les premières victimes.

Les articles 20 et 21 doivent nous aider à réduire significativement le nombre d’intitulés afin d’améliorer la lisibilité de l’offre pour les étudiants, leurs familles et les employeurs et renforcer notre attractivité à l’international.

M. Thierry Mandon. C’est bien.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Pour fluidifier les parcours des étudiants dans le premier cycle, le projet de loi engage dans son article 17 une réforme fondée sur la spécialisation progressive des études en licence. Elle aidera l’étudiant à préciser son projet professionnel, avec des réorientations par grand domaine, sans redoublement, et elle ouvrira, compte tenu de la variété des disciplines, différents horizons aux jeunes pour mieux les préparer aux mutations de plus en plus rapides de la vie professionnelle. C’est courant dans le reste du monde.

Le travail global engagé par le ministère sur les sciences humaines et sociales et les disciplines rares favorisera aussi une formation adaptée et l’insertion professionnelle des étudiants concernés.

C’est ce même objectif de fluidité qui nous amène à proposer à l’article 18 un rapprochement conventionnel entre chaque lycée disposant d’au moins une formation d’enseignement supérieur, STS et classes préparatoires, et un ou plusieurs établissements universitaires. Ces partenariats existent déjà dans certaines académies, à l’initiative des acteurs de terrain. Il faut les développer.

La réforme que nous avons engagée s’appuie aussi sur de profondes rénovations pédagogiques qui seront parties prenantes des contrats liant l’État aux établissements d’enseignement supérieur.

La première consiste à s’appuyer sur le numérique comme outil pédagogique innovant. Les articles 6 et 16 contiennent l’obligation pour les établissements d’enseignement supérieur de rendre progressivement disponibles sous forme numérique la plupart des enseignements auxquels ce format est adapté.

Un plan numérique ambitieux, France Université numérique, est en cours d’élaboration sur tout le territoire, en partenariat avec des programmes européens. Il prolongera le développement de l’enseignement numérique prévu par le ministère de l’éducation nationale.

Le second dispositif innovant prévu par la loi concerne l’amélioration de l’insertion professionnelle des futurs diplômés. Cela commence par le développement de l’alternance, que je veux doubler d’ici à 2020 et qui devient, à l’article 15, une modalité à part entière de la formation dans l’enseignement supérieur.

M. Michel Issindou et M. Thierry Mandon. Très bien.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous sommes, là aussi, très en retard sur nos voisins européens, avec 8 % d’alternance en moyenne mais 4 % seulement à l’université, contre plus de 20 % en Allemagne dans les formations supérieures. Cet objectif est possible quand certaines universités françaises dépassent déjà les 20 % dès le premier cycle.

Pour éviter d’être une aubaine pour les entreprises ou un appât pour les étudiants, les stages devront être obligatoirement intégrés à une formation. Je souhaite les développer dès le premier cycle, où ils sont très utiles pour confirmer ou réorienter le projet professionnel des étudiants, tout en limitant leur durée pour éviter qu’ils ne se substituent à des contrats de travail.

Enfin, l’article 22 vise à lutter contre un taux d’échec, que chacun sait très élevé, en première année des études de santé, en améliorant le dispositif de réorientation précoce tout en diversifiant le recrutement des futurs professionnels via des filières entrantes depuis des licences. Votre rapporteur pour avis Olivier Véran reviendra sur nos propositions et expérimentations sur la base de son très bon rapport, voté à l’unanimité en commission.

M. Michel Issindou. Cela ne nous étonne pas !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ce ne sont là que quelques-uns des aspects essentiels de la réforme globale que le Gouvernement entreprend pour la réussite des étudiants. Nous avons en effet engagé des mesures de soutien qui ne sont pas d’ordre législatif. Le budget de la vie étudiante a augmenté de 7 % en 2013.

En débloquant les plans campus, enferrés depuis cinq ans dans des procédures rigides et improductives (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Hetzel. Cela manquait !

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est la vérité !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …nous avons reprogrammé 13 000 logements étudiants. C’est dommage, pour des projets innovants, de traîner pendant cinq ans !

Mme Valérie Pécresse. Pour être crédible, il faut construire des logements !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avec le CNOUS, j’ai accéléré les projets de réhabilitations et de constructions afin de tenir la feuille de route qui programme 40 000 logements en quatre ans. Le précédent plan Anciaux, lui, n’a accru le parc de logements sociaux géré par les CROUS que de 22 000 logements en huit ans, soit 50 % de ses objectifs. Les équipes pédagogiques ont aussi été renforcées en licence, grâce à la création, dès 2013 et chaque année pendant cinq ans, de 1 000 emplois fléchés sur la réussite en licence.

Venons-en maintenant à la deuxième priorité de ce projet de loi : une nouvelle ambition pour la recherche, avec le retour d’un État volontariste.

La recherche sera un levier du redressement de la France. C’est ce qu’a affirmé à plusieurs reprises le Président de la République. Dans un contexte budgétaire globalement contraint, l’enseignement supérieur et la recherche ont été protégés, avec une hausse globale de 2,2 % en 2013, et le rapport Gallois préconise de sanctuariser ce budget auquel les investissements d’avenir contribuent largement. C’est un investissement collectif et il revient à l’État d’assumer le rôle qu’il avait abandonné en matière d’orientation et de programmation.

La nouvelle ambition de notre recherche, c’est de faire face aux grands défis sociétaux, économiques et environnementaux – d’abord en préservant la sérénité indispensable à la recherche fondamentale et disciplinaire, ensuite en favorisant la recherche technologique et le transfert, nos deux points faibles par rapport aux pays comparables et émergents.

M. Thierry Mandon. Eh oui !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. En effet, si nous nous classons au sixième rang mondial pour la recherche scientifique, nous ne sommes qu’au quinzième rang pour l’innovation. Ce fossé illustre bien le travail à réaliser pour traduire en emplois et en progrès les formidables travaux et inventions de nos laboratoires.

Investir dans le savoir et la recherche est notre meilleure arme anticrise. Malheureusement, le dernier quinquennat a vu se multiplier les structures – ce que Vincent Berger a appelé l’effet mikado – et les appels d’offres, …

Mme Valérie Pécresse. Et l’argent.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …ce qui a eu de nombreux effets pervers : complexité des circuits décisionnels, paysage illisible et absence de stratégie nationale claire en interne comme sur le plan international, bureaucratie pour les chercheurs – c’est le prix Nobel qui le dit, appels d’offres inappropriés à la recherche fondamentale qui entraînaient les directeurs de laboratoires dans une course perpétuelle aux crédits, incompatible avec le rythme et les finalités de leur recherche...

M. Michel Issindou. Quel échec !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. L’inventaire serait fastidieux, mais nous pouvons nous accorder sur le fait que la multiplication des acronymes – je vous ferai grâce de la liste – et la compétition ainsi entretenue entre les sites, dans un pays de la taille de la France, ont empêché l’émergence d’une stratégie nationale lisible et sérieuse.

Mme Julie Sommaruga. Tout à fait.

M. Michel Issindou. Quel constat d’échec !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. L’agenda stratégique France Europe 2020 pour la recherche, le transfert et l’innovation est le support de cette nouvelle ambition, présente dans les articles 9, 10, 11, 12, 13 et 53 du texte. Cet agenda définira nos priorités ainsi que des mesures spécifiques pour favoriser le transfert et l’innovation et assurer à notre pays sa place dans l’espace européen de la recherche.

L’enjeu est de préparer la recherche française, dans toute sa diversité, à mieux répondre aux grands défis des décennies à venir, en cohérence avec la dynamique européenne impulsée par le programme Horizon 2020. La santé, la sécurité alimentaire, la gestion sobre des ressources et la lutte contre le changement climatique, la transition énergétique, la mobilité et les systèmes urbains durables, le développement de l’économie numérique et des technologies spatiales, et enfin bien sûr la réindustrialisation de nos territoires sont les défis majeurs qui doivent mobiliser les acteurs de la recherche et de l’innovation.

Pour relever ces grands défis, la recherche fondamentale sera préservée. Nous pouvons être fiers de nos prix Nobel, de nos médailles Fields, de nos médailles d’or du CNRS, de nos lauréats de l’European Research Council. Nous pouvons être fiers des performances de nos équipes de recherche fondamentale dans les grands programmes scientifiques : dans le robot Curiosity sur Mars, dans la preuve de concept du boson de Higgs au CERN, dans la lutte contre le sida où nous sommes les deuxièmes « publiants » et intervenants internationaux après les États-Unis, en dépit de moyens cent fois inférieurs.

Nous pouvons partager cette fierté. Mais la recherche fondamentale n’est pas qu’une des fiertés de notre pays, elle est aussi une des clés de son avenir. L’ensemble de la recherche scientifique restera mobilisée pour contribuer à l’avancée des connaissances au meilleur niveau international. Ce développement du savoir, programmé ou non, rarement prédictible, a souvent été à l’origine des ruptures majeures qui bouleversent nos sociétés.

La recherche fondamentale de long terme, risquée et exploratoire, productrice de savoirs transférables ou non à des applications, est au cœur de la stratégie scientifique nationale et s’articule naturellement avec les grands défis sociétaux identifiés. Je l’ai préservée dès 2012, en instaurant des programmes pluriannuels à l’Agence nationale de la recherche – ANR – et en réorientant 60 millions de son budget vers des crédits récurrents indispensables aux laboratoires.

Pour élaborer l’agenda stratégique de la recherche dont le pays a besoin, et que nous ne laisserons pas à des agences extérieures comme cela a été le cas précédemment par défaut, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche s’appuiera sur les compétences des Alliances, avec une mission transversale confiée au CNRS, présent dans toutes les Alliances. L’État s’appuiera aussi sur un Conseil stratégique de la recherche, placé auprès du Premier ministre, ce qui favorisera l’indispensable mobilisation interministérielle. Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie intégrera le CNESER, dont les compétences seront élargies aux stratégies nationales. La composition du Conseil stratégique de la recherche sera fixée par décret ; il est prévu une représentation parlementaire, via l’OPECST.

À la fin de l’année, cet agenda fixera collectivement les axes prioritaires de progrès des connaissances et des technologies d’ici à 2020 et indiquera les modalités de leur mise en œuvre. Un rapport biennal sera réalisé par l’OPECST afin que la mise en œuvre de cette stratégie nationale soit soumise à l’évaluation démocratique. Cette nécessaire transparence est d’ailleurs amplifiée dans l’article 11, qui prévoit que la stratégie nationale de recherche s’appuie sur une concertation avec la communauté scientifique, le monde socio-économique, les autres ministères concernés et les collectivités territoriales.

En aval, les procédures d’évaluation doivent aussi évoluer. Un consensus existe aujourd’hui sur la nécessité d’une évaluation indépendante mais son mode d’organisation actuel, avec l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, ne fait pas, quant à lui, consensus, comme on a pu le constater tout au long des assises.

Le projet de loi prévoit, dans ses articles 48 à 52, la création d’une nouvelle instance d’évaluation, le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – qui remplacera l’AERES – et indique les modalités de son action. Il s’agit non pas d’un simple ravalement de façade, comme je l’ai parfois entendu, mais d’un véritable changement de méthode destiné à tourner la page de la surcharge administrative et des évaluations pilotées par le haut et parfois jugées contestables, notamment en sciences humaines et sociales. Cette autorité indépendante aura pour première fonction de valider les procédures d’évaluation menées par les établissements et les unités de recherche, avec des experts qu’ils proposeront, et effectuera elle-même les évaluations dans certains cas.

Je l’ai dit, aujourd’hui, notre point faible, c’est la transformation de l’invention de laboratoire en innovation industrielle ou de services, dans le but de créer des emplois. Pourtant en Europe, 80 % des créations d’emplois sont fondées sur ce transfert porteur d’innovation. La part de notre recherche technologique est inférieure à 10 % de la dépense intérieure de recherche et développement, alors qu’en Allemagne, au Japon, aux États-Unis, en Corée, en Israël, elle dépasse 20 %. C’est l’outil privilégié du transfert de la recherche vers l’industrie.

Dans son rapport pour avis, le député Christophe Borgel …

M. Michel Issindou. Excellent rapport !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …analyse très bien cette situation et émet des recommandations que nous avons intégrées. Certaines étaient déjà présentes dans le rapport de Jean-Yves Le Déaut, par ailleurs co-auteur en 2011 avec Claude Birraux d’un excellent rapport sur l’innovation issue de la recherche. Ce projet de loi a donc inscrit le transfert dans les missions du service public de la recherche pour contribuer à la compétitivité de notre territoire.

L’article 55 améliore ainsi l’accès aux brevets obtenus dans le cadre de recherches conduites sur des fonds publics, en favorisant leur valorisation par des entreprises qui s’engagent à réaliser leur exploitation sur le territoire de l’Union européenne, avec une priorité donnée aux PME à fort potentiel de croissance et d’innovation.

À la suite du rapport Beylat-Tambourin, grâce à une initiative commune du ministère de la recherche et du ministère du redressement productif, j’ai pris quinze mesures relatives au transfert, qui se traduiront par des décrets ou circulaires intégrés dans un livre du transfert rattaché à la loi. Ainsi, comme l’a annoncé le Président de la République lors des assises de l’entreprenariat, les étudiants seront sensibilisés à l’entreprenariat, les enseignants chercheurs formés à la protection intellectuelle des inventions transférées et un mandataire unique sera désigné pour faciliter les transferts de licences aux start-up ou aux PME. Sans attendre la loi, le Premier ministre a décidé, sur ma proposition, la création de trois plateformes de transfert technologique du CEA, en partenariat avec le CNRS et les autres acteurs locaux, à Bordeaux, Toulouse et Nantes, et un projet en Lorraine, à l’image de ce qui a déjà été réalisé avec succès à Saclay et Grenoble. L’ANR a lancé, à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’initiative LabCom qui prévoit des recherches partenariales entre des laboratoires publics et cent PME à fort potentiel de croissance. L’appel d’offres a d’ores et déjà été publié.

Si nos laboratoires publics doivent s’ouvrir davantage sur leurs écosystèmes, les entreprises doivent, de leur côté, s’appuyer davantage sur notre système universitaire, en commençant par reconnaître la qualité et les compétences des jeunes diplômés qui en sont issus.

M. Thierry Mandon. Très juste !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je pense notamment aux docteurs, dont le diplôme, qui constitue le plus haut grade de l’enseignement supérieur, n’est toujours pas reconnu dans les conventions collectives. Un travail est engagé à cette fin par le ministère. Le projet de loi comprend en complément la demande de reconnaissance du doctorat dans toute la grille de la fonction publique, d’État, territoriale et hospitalière.

C’est une démarche dans laquelle je me suis beaucoup impliquée, malgré les résistances que vous pouvez imaginer, car je suis convaincue que la diversité culturelle apportée par les docteurs sera une source de créativité et d’agilité bien utile à notre pays.

M. Alain Claeys. Très juste !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Au service de ces deux objectifs prioritaires, la réussite étudiante et une nouvelle ambition pour la recherche, la loi prévoit une organisation territoriale et une gouvernance adaptées. La gouvernance n’est pas une fin en soi mais un moyen au service d’une ambition utile à la nation : réduire la complexité institutionnelle, qui rend notre système illisible, et renforcer la coopération de tous les acteurs. L’autonomie consiste d’abord à donner les moyens de leur stratégie aux universités. Pour reprendre les termes du Président de la République au Collège de France, l’autonomie que défend cette loi est basée sur la confiance – un joli mot ! – la confiance que l’on accorde aux présidents ou aux directeurs des établissements, à leurs partenaires dans le monde économique, social et culturel et surtout aux universitaires, aux personnels et même aux étudiants. L’autonomie, c’est le respect de la diversité des situations et des projets.

C’est le sens des regroupements que propose la loi. Notre objectif, à terme, est une trentaine de regroupements ou communautés d’universités et établissements, les COMUE, qui s’appelleront en réalité « Université de Bordeaux » ou « Université de Lyon ». Ces regroupements réuniront dans une seule gouvernance les établissements d’enseignement supérieur et les organismes de recherche autour d’une stratégie commune formalisée dans un contrat de site. Ils permettront de rapprocher, sans les confondre, les universités et les écoles de notre système français dual, unique au monde. Ils seront aussi ouverts sur leurs écosystèmes et passeront des contrats d’objectifs avec les collectivités territoriales, que je remercie pour leur engagement aux côtés de l’État – en premier lieu les régions.

Contrairement aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, ils contractualiseront avec un État stratège qui pourra ainsi accompagner leurs stratégies locales et inscrire celles-ci dans une cohérence nationale.

Les communautés bénéficieront du statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, statut harmonisé et souple, adapté aux différentes situations académiques ou interacadémiques, voire transfrontalières, qui autorise la fusion, la fédération, l’association et même la combinaison des trois.

Ce projet de loi améliore aussi la démocratie et la collégialité dans les instances de l’université.

La loi LRU avait donné tous pouvoirs au conseil d’administration, réduisant le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire à un rôle consultatif. Tous ceux qui, comme moi, ont siégé pendant plus de dix ans dans ces instances ont pu le constater. Les nouvelles dispositions reviennent à une répartition plus équilibrée. Elles confirment le conseil d’administration dans ses fonctions stratégiques mais transfèrent une partie de son pouvoir délibératif à une instance nouvelle, le conseil académique, fusion du conseil scientifique et du conseil des études. Il décidera en particulier des questions relatives au recrutement, aux affectations et aux carrières. Les décisions y gagneront une légitimité renforcée, fondée sur la représentativité et la collégialité. C’était une demande forte de la communauté académique et des étudiants et c’est le modèle qui prévaut au niveau international.

Enfin, je tenais tout spécialement à réduire les inégalités croissantes entre hommes et femmes dans ces instances. La loi impose maintenant le respect strict de la parité dans la composition des listes électorales des personnels et des étudiants aux conseils centraux. Ma collègue Najat Vallaud-Belkacem reviendra sur ce dispositif sur lequel nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs.

Je conclurai, comme une évidence, sur l’ouverture à l’international.

La mondialisation des universités et des laboratoires est une réalité. L’Inde veut doubler le nombre de ses étudiants d’ici à 2020. La Chine, qui ne comptait que 5 millions d’étudiants il y a une dizaine d’années, en a aujourd’hui 30 millions et en prévoit plus de 60 millions en 2020.

Pour faire rayonner notre recherche et notre enseignement supérieur au niveau international, il nous faut d’abord le faire auprès de ces millions de jeunes qui seront demain les décideurs de leurs pays. Nous devons nous montrer à la hauteur de cet enjeu. Cela passe d’abord par la mobilité de nos propres étudiants et chercheurs qui doivent pouvoir, quelles que soient leurs filières, quelles que soient leurs origines sociales, bénéficier de formations à l’étranger. C’est le sens de mon soutien aux programmes Erasmus que je veux, avec mes collègues européens, élargir aux filières professionnelles et technologiques.

Nous devons aussi accueillir davantage d’étudiants étrangers, dans des conditions plus favorables. Nous avons aboli la circulaire Guéant, infamie qui restreignait l’accès des étudiants et chercheurs étrangers et ternissait l’image de notre pays, mais il fallait aller plus loin. C’est le sens des actions que j’ai engagées avec les ministres de l’intérieur et des affaires étrangères, la ministre de la francophonie et la ministre du logement en vue de la mise en place de visas pluriannuels, de la simplification des démarches dans les consulats, de la réhabilitation et de la construction de logements décents. Ces préconisations ont d’ailleurs été rappelées à juste titre dans la proposition de loi de la sénatrice Dominique Gillot et le rapport du député Matthias Fekl.

La France se situe aujourd’hui au cinquième rang mondial pour l’accueil des étudiants étrangers. Mais la qualité de notre offre de formation et de recherche doit nous pousser vers des objectifs plus élevés. Nous occupions encore le troisième rang il y a dix ans, et nous venons de nous faire doubler par l’Allemagne. C’est un enjeu à la fois culturel, linguistique, économique et scientifique.

Si nous accueillons 30 000 étudiants chinois, principalement dans les filières littéraires et commerciales, nous n’avons que 5 500 étudiants coréens, 3 000 étudiants venus de l’Inde – qui compte 1 milliard d’habitants – et trop peu d’étudiants russes. Pourtant, tous ces pays sont attirés par la France, mais ce que l’on nous dit, ce que j’ai entendu moi-même au Brésil, en Corée, en Inde, en Indonésie, en Chine, ce que me répètent les dirigeants d’établissements, c’est que les étudiants, non pas en littérature ou en sciences économiques et sociales, mais en économie, en sciences, en commerce, en ingénierie se heurtent à l’obstacle de la langue. C’est pour cette seule raison qu’ils se dirigent massivement, à qualité universitaire égale, vers les pays anglo-saxons.

Les grandes écoles l’ont bien compris et dispensent depuis longtemps des formations en anglais de spécialité, en contravention aux dispositions de la loi Toubon, sans que personne ne s’en offusque – ce qui est curieux. Six cents formations de cette nature sont assurées dans le cadre des écoles, 190 seulement à l’université, là où se trouvent souvent les jeunes les plus modestes, ceux qui ont moins que les autres bénéficié d’une ouverture internationale.

Il ne s’agit donc en aucun cas de remettre en cause la primauté de l’enseignement en français ou la défense de la francophonie. Il s’agit, au contraire, d’élargir le socle de la francophonie auprès de jeunes, notamment des pays émergents, qui aujourd’hui ne viennent pas dans notre pays. Au nom de quoi se priverait-on de leur talent et des échanges intellectuels, économiques, culturels suscités par leur venue ?

M. Michel Issindou et M. Thierry Mandon. Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. D’autant que la loi prévoit – nous avons travaillé sur cette dimension en commission – d’encadrer les cours en langue étrangère en les conditionnant à des conventions avec des universités étrangères ou des programmes européens, en offrant systématiquement un apprentissage du français et en prenant en compte le niveau en français pour l’obtention du diplôme.

Nous élargirons ainsi le rayonnement de notre culture car la francophonie ne se réduit pas à une langue : c’est aussi une culture, ce sont aussi des valeurs, comme le rappelle souvent le secrétaire général à la francophonie, Abdou Diouf, avec qui je me suis entretenue récemment.

Ce sont ces valeurs, cette culture et l’apprentissage de notre langue que nous transmettrons en accueillant ces étudiants au lieu de les rejeter. Ce seront ensuite les meilleurs ambassadeurs de notre pays.

Réciproquement, nos étudiants pourront bénéficier de quelques enseignements en langue étrangère, ce qui facilitera leur insertion professionnelle. Donnons-leur cette chance supplémentaire. Ne la réservons pas aux élèves des écoles !

Parallèlement, le grand continent qui s’éveille à la croissance économique, celui dont nous sommes le plus proches, c’est l’Afrique. Yamina Benguigui et moi renforçons les liens avec le Maghreb et les pays d’Afrique subsaharienne pour mieux accueillir leurs étudiants, qui représentent aujourd’hui 55 % des étudiants étrangers en France – ils sont 290 000 au total – et pour installer, à leur demande, des formations dans ces pays afin d’équilibrer nos relations.

Nous sommes un grand pays. Nous devons être ouverts à toutes les cultures, nous devons être à l’offensive. C’est de cette façon que nous défendrons le mieux notre langue, nos valeurs et notre propre richesse culturelle.

Nous allons débattre de ces sujets, dans un climat je l’espère serein et respectueux des opinions des uns et des autres.

Pour terminer, je veux vous dire que je sais les difficultés que connaissent les personnels – enseignants, chercheurs d’une grande compétence, mais aussi agents administratifs et techniques, dont le rôle est trop souvent mésestimé.

La situation de nombreux agents a été dramatiquement fragilisée. J’engagerai dans les prochaines semaines des discussions préliminaires pour définir un agenda social. Nous mettons en place un plan de résorption de la précarité en titularisant 2 100 personnels par an pendant quatre ans à l’université et nous avons demandé aux organismes de trouver le bon équilibre entre la titularisation des personnels en place et la nécessaire ouverture de postes pour les jeunes chercheurs. Cette loi ne pourra pas régler en quelques mois l’ensemble des problèmes accumulés depuis dix ans mais les moyens nouveaux dégagés pendant tout le quinquennat – 5 000 emplois – et les priorités que nous nous sommes fixées permettront de réformer en profondeur et dans la durée.

Ce projet de loi fixe un cap et veut redonner du souffle, de l’élan, de la confiance à l’enseignement supérieur et à la recherche dans notre pays. Notre potentiel est immense, dans nos établissements, nos laboratoires, parmi nos enseignants, nos chercheurs et tous les personnels qui font vivre notre service public. Oui, le monde que nous connaissons est en pleine mutation. Oui, la France doit faire face à des changements rapides et profonds, dictés par une géopolitique nouvelle qui nous lance des défis sociaux, environnementaux ou économiques tout à fait inédits. Oui, le Gouvernement a engagé le redressement national. Oui, tous ces défis, nous les prenons à bras-le-corps. Et nous pouvons y parvenir et construire en même temps l’avenir de notre jeunesse, celle d’aujourd’hui et celle de demain.

Ce projet de loi, qui concrétise un énorme travail collectif, est tout entier tendu vers cet objectif, vers une société de progrès fondée sur la formation, la recherche et les valeurs d’universalité et d’humanisme qui les habitent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Vincent Feltesse, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Permettez-moi tout d’abord de dire quelques mots de remerciements collectifs pour le très intense travail fourni ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours – et même ces dernières nuits. J’adresse également ces remerciements à l’ensemble des services de l’Assemblée nationale.

Ainsi que Mme la ministre l’a rappelé dans son discours introductif, et alors que chacun reproche aux autres, en France, de trop légiférer, il n’existe pas tant de lois que cela dans le domaine particulier de l’enseignement et de la recherche.

Sur l’enseignement supérieur, le projet de loi présenté par Mme Fioraso a été précédé par la loi de Mme Pécresse, et naturellement par la loi d’Edgar Faure de novembre 1968. Sur la recherche, nous avons en tête les lois du début des années 1980 ou plus récemment celle présentée par M. Goulard.

Il existe un paradoxe entre ce faible nombre de textes législatifs et la passion avec laquelle, à chaque fois, cette question de l’enseignement supérieur et de la recherche est abordée. Aujourd’hui, cette passion s’exprime autour de la question de la langue française, à l’article 2 du texte.

Si nous faisons toujours preuve de passion, c’est parce que, dans notre beau pays, l’université se trouve au cœur de la société, de l’organisation des pouvoirs et de l’excellence française.

Au cœur de la société, tout d’abord : rappelons-nous que la France comptait à peu près 250 000 étudiants au début des années 1960, puis 750 000 au début des années 1970, pour atteindre 2,5 millions aujourd’hui.

Concernant l’organisation des pouvoirs, il existe bien sûr une concomitance entre l’émergence des universités – en France, à Paris d’abord puis à Montpellier, et simultanément à Florence et à Oxford – et l’émergence de l’État.

Le XIIIe siècle en France ne commence pas seulement par la bataille de Bouvines, marquant la victoire du royaume de France sur le royaume d’Angleterre, auquel appartenait l’Aquitaine ; il s’agit également du siècle de l’émergence de l’université et de l’État. Ce n’est pas non plus un hasard si le Collège de France, lieu de liberté et de transversalité, apparaît au XVIe siècle, siècle de la Renaissance.

Nous pourrions continuer à égrener ainsi les faits : ce n’est pas un hasard si, au milieu du XVIIIe siècle, émergent les grandes écoles, d’abord fonctionnelles, tels les Ponts et chaussées, avec une volonté de rationalisme et de promotion – je vous renvoie au très beau discours de Carnot sur ce sujet.

Ce n’est pas davantage un hasard si l’École libre des sciences politiques est fondée en 1871, un an après la création de la IIIe République, ou encore si les écoles privées de commerce apparaissent en 1881, et notamment HEC.

Avec ce projet de loi, madame la ministre, nous faisons face à ces trois questions : la société, l’organisation des pouvoirs et l’excellence à la française, symbolisée par les prix Nobel. Je citerai à ce propos le très beau discours du Président de la République prononcé au Collège de France, en votre présence, lors de l’hommage rendu à Serge Haroche.

Concernant l’organisation de la société, je rappellerai encore ce chiffre : la France compte 2,5 millions étudiants aujourd’hui, prochainement 3 millions selon vous, madame la ministre. Aucun autre corps n’a connu un tel bouleversement : en cinquante ans, la population de la France, que l’on sait dynamique, a augmenté de 40 %... et celle des étudiants a été multipliée par huit !

Parallèlement, le taux d’échec en licence est important et s’est même dégradé ces dernières années. Permettez-moi encore une allusion aux années 1960 : en 1964, Pierre Bourdieu publiait Les héritiers – Les étudiants et la culture. Si nous devions refaire, cinquante ans plus tard, le même livre, le constat serait bien plus accablant : l’université ne permet pas la promotion, elle renforce bien au contraire les inégalités sociales.

Le présent projet de loi vise donc la réussite étudiante. Il y a concomitance entre le projet de loi sur la refondation de l’école défendu en ce moment même au Sénat par Vincent Peillon, qui consacre les moyens en priorité à l’école primaire parce que c’est à ce stade que le décrochage intervient, et le présent texte, qui se concentre sur la licence parce que c’est là que les inégalités apparaissent.

M. Yves Durand. Très bien !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. La question de la réussite étudiante n’est pas nouvelle : nous aurons l’occasion d’en discuter avec Mme Pécresse et M. Hetzel, notamment pour ce qui est de l’impact du plan Réussite en licence.

Nous proposons pour notre part d’aller plus loin sur ce sujet, en établissant une liaison entre ce que nous appelons, de façon un peu barbare, le « bac – 3 », à partir de la seconde, jusqu’au « bac + 3 », à partir de la licence. Ce continuum marque une rupture avec la vision de l’université qui prévalait il y a encore peu de temps.

Nous voulons également améliorer l’orientation afin que les bacheliers professionnels et technologiques, qui représentent aujourd’hui 50 % des bacheliers – 50 % de ces 80 % d’une classe d’âge que nous voulons obtenir – puissent tenter leur chance dans l’enseignement supérieur. Or nous savons bien qu’aujourd’hui le taux d’échec en licence généraliste est énorme alors même que les sections de techniciens supérieurs n’offrent pas suffisamment de débouchés.

Nous souhaitons en outre faire évoluer la licence en la spécialisant progressivement, et nous travaillons par ailleurs à la revalorisation du doctorat. Tout ceci constitue ce grand et bel ensemble de la réussite étudiante.

La deuxième question porte sur la répartition des pouvoirs entre un État qui redevient stratège et des universités qui demeurent autonomes. J’invite chacun à relire les débats parlementaires de l’été 2007, et à reprendre les propos tenus par le Président de la République : nous n’avons jamais voulu remettre en cause cette autonomie, mais cherché à en garantir les moyens, en termes tant démocratiques – tel est l’objet de certains articles du présent projet de loi – que financiers ; nous aborderons ce point, même s’il ne figure pas dans le projet de loi.

Je suis toujours étonné d’entendre parler d’une grande réussite de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, alors que 25 % des universités ont connu un déficit ces deux dernières années, et que 13 % ont même enregistré deux années de déficit.

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Votre projet de loi propose donc un rééquilibrage entre l’État et les universités, et entre les universités et les grandes écoles, cette particularité française ; une reconnaissance du rôle des collectivités territoriales, particulièrement des régions, dans un cadre national défini ; un rééquilibrage des pouvoirs territoriaux avec la création d’une trentaine de communautés d’universités et d’établissements, ainsi que vous l’avez évoqué, madame la ministre ; enfin, une articulation entre l’enseignement supérieur et la recherche, car la recherche fait partie des missions de l’université, où les unités mixtes de recherche sont extrêmement présentes.

Dernier point concernant la recherche, symbole de l’excellence à la française : nous sommes tous attachés à nos prix Nobel, tels que Serge Haroche, à la recherche fondamentale et à l’excellence. Mais nous tenons également à la qualité de l’évaluation ou à traiter correctement l’ensemble des disciplines, et nous considérons que la question du transfert dans la recherche n’est pas un gros mot. Au contraire, c’est un beau mot !

Cependant, madame la ministre, une loi ne fait pas tout : il y a la politique du ministère, celle du Gouvernement, les décisions que vous avez déjà prises concernant la résorption de la précarité et le rééquilibrage entre les appels d’offres et les crédits dits « dédiés »…

Chacun sait que, ces dernières années, le monde de la recherche s’est véritablement épuisé à remplir des dossiers d’appels d’offres parfois illisibles : qui, à l’exception peut-être d’une ou deux personnes, est capable de dire précisément ce que sont un LABEX, un IDEX, un SAT, un IRT, un « plan campus » ? Tout cela était illisible, c’est pourquoi nous voulons clarifier et simplifier les choses.

Outre votre politique, madame la ministre, nous notons aussi une volonté de continuer le dialogue. Dans ce projet de loi, nous prenons acte de l’autonomie des universités tout en l’encadrant.

Vous avez évoqué dans votre discours le processus des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le rapport de Jean-Yves Le Déaut a par ailleurs permis un retour des conditions du dialogue et de la confiance, ce qui constitue la marque de l’ensemble du Gouvernement. Enfin, dans quelques semaines se tiendra une nouvelle Conférence économique et sociale. Nous sommes au XXIe siècle, et nous pensons que le pays peut être administré de manière différente.

Parce qu’un projet de loi ne peut pas tout prévoir, madame la ministre, vous nous avez laissé enrichir le texte lors des discussions en commission : environ 190 amendements ont ainsi été acceptés, certains émanant même de l’opposition. Ils ne sont d’ailleurs pas tous totalement neutres : je pense notamment à l’amendement présenté par M. Rudy Salles sur les langues étrangères.

M. Benoist Apparu. Quel exploit !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Ayant relu les débats de 2007, monsieur Apparu, je n’ai pas eu le sentiment que vous ayez procédé de la même façon – que l’excellent rapporteur ait fait preuve à l’époque de la même ouverture d’esprit que l’actuel rapporteur… Mais nous vérifierons cela ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse. Relisez les travaux, monsieur le rapporteur : nous avons accepté des amendements socialistes !

Mme la présidente. Vous vous exprimerez un peu plus tard, madame Pécresse ; seul le rapporteur a la parole.

Mme Valérie Pécresse. Relisez mieux !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Un certain nombre d’amendements du groupe socialiste ont été acceptés, portant sur la question de l’équilibre à l’intérieur des territoires, sur les relations entre les universités autonomes et leurs composantes ou sur la parité. Des amendements ont également été adoptés permettant de progresser dans la reconnaissance du doctorat – à laquelle le Président de la République, toujours dans le même discours, s’est montré fortement attaché, tout comme vous – dans la mise en œuvre de passerelles avec les grandes écoles ou encore dans l’ouverture des concours administratifs.

Au-delà de ce projet de loi, qui traduit la politique du Gouvernement, nous discuterons donc du texte issu des travaux de la commission.

Il reste enfin un dernier sujet, celui des moyens budgétaires et financiers.

Mme Valérie Pécresse. Ah !

M. Benoist Apparu. Eh oui !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Nous savons, madame la ministre, ce que vous avez fait et ce que vous avez obtenu ces derniers mois.

M. Benoist Apparu. Rien !

M. Vincent Feltesse, rapporteur. Nous savons la politique que vous avez commencé à mettre en place sur la résorption de la précarité ou sur l’accompagnement des universités déficitaires, dont les conditions de réussite de l’autonomie n’ont pas été réunies.

Nous savons aussi que, dans un contexte global de diminution, 1 000 postes seront créés chaque année dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Mais nous avons le sentiment que ce domaine de l’enseignement supérieur et la recherche, qui bénéficiera d’une stratégie quinquennale, doit en parallèle bénéficier d’une stratégie de financement pérenne au sein du budget de l’État, et pas simplement par des crédits extrabudgétaires ou par des appels d’offres.

Au travers de nos amendements sur la résorption de la précarité ou sur le Livre blanc, la question que nous posons est la suivante : quel financement pérenne imaginer pour l’enseignement supérieur et la recherche en France alors que notre déficit ne respecte pas l’objectif des 3 % du PIB, que les crédits consacrés par étudiant en France sont légèrement inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE et qu’il règne une certaine inégalité dans leur ventilation ?

Pour conclure mon propos, je souhaite brosser rapidement trois pistes. Des amendements seront d’ailleurs déposés à ce propos, visant surtout à ouvrir le débat.

Première piste : le crédit d’impôt recherche, qui représente 6 à 7 milliards d’euros par an. Nous ne le remettons pas en cause, mais ces 6 à 7 milliards sont-ils utilisés de manière parfaitement pertinente ? Ne faudrait-il pas au contraire les flécher plus précisément, ou en récupérer une partie pour le financement de l’université et de la recherche ?

Deuxième piste : la formation professionnelle, chère à Valérie Pécresse. Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche s’élève à 27 milliards d’euros, celui de la formation professionnelle à 28 milliards. La part de la formation professionnelle consacrée aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche atteint 1 à 2 % chaque année. Nous savons bien que notre système de formation professionnelle n’est pas totalement opérant et qu’il ne peut donc pas aller plus loin.

Dernière piste : celle de l’allocation d’autonomie d’études. C’est un engagement que le Président de la République a réitéré et qui sera respecté. On sait qu’entre la demi-part fiscale, l’APL et les bourses, on atteint un volume de 5 à 6 milliards d’euros. Ne faudrait-il pas inclure ces sujets dans un débat plus général, afin de rendre la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche efficace, égalitaire, républicaine, française et de gauche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le Président de la République, rendant hommage à M. Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, affirmait au Collège de France qu’investir dans le savoir, c’est préparer la France de demain.

Disposer d’un enseignement supérieur et d’une recherche de qualité est un enjeu qui dépasse les murs de nos laboratoires et de nos universités : il concerne la société tout entière. Je suis convaincu que la plupart des grandes questions auxquelles nous sommes confrontés trouveront leurs réponses dans les découvertes de nos chercheurs et leur discussion dans l’espace public.

Disposer d’un enseignement supérieur et d’une recherche de qualité est nécessaire pour notre jeunesse, pour élever le niveau de formation de notre pays, pour favoriser la réussite des étudiants. C’est l’une des priorités du présent projet de loi.

Disposer d’un enseignement supérieur et d’une recherche de qualité prend enfin tout son sens si la recherche fondamentale et technologique peut être transférée et trouver ses débouchés dans le développement de notre économie, de notre industrie. La recherche sert ainsi le développement et la compétitivité des entreprises et permet une meilleure compréhension du monde, car les innovations de rupture répondent aux défis de notre siècle et aident à maintenir des emplois et à en créer de nouveaux. C’est grâce à cette capacité à transférer la recherche vers l’industrie, dans un contexte marqué par les difficultés économiques, que nous pourrons gagner la bataille de la croissance et de l’emploi.

Si, comme l’a fort justement rappelé Vincent Feltesse, notre pays est reconnu pour la qualité de sa recherche fondamentale, il est aussi connu pour la moindre force de sa recherche technologique et pour sa grande difficulté à assurer le continuum entre la recherche et le développement économique. Pourtant, j’ai pu constater, au cours d’auditions comme de visites sur le terrain, à quel point le vieux débat entre recherche fondamentale et recherche appliquée, entre recherche publique et recherche privée, entre « les labos et les boîtes » est aujourd’hui dépassé.

Madame la ministre, votre texte a été élaboré de manière novatrice. Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se sont conclues en novembre au Collège de France ont rassemblé, outre la communauté scientifique, de nombreuses composantes de la société. Le Parlement a été associé au texte en amont, grâce au travail de Jean-Yves Le Déaut.

Notre système d’enseignement supérieur et de recherche, particulièrement complexe, a pu être comparé à un mikado. De fait, par le passé, les textes législatifs ont empilé des structures, de sorte que la simplification est devenue une priorité. Même si ce sujet échappe au champ de la saisine de la commission des affaires économiques, je veux saluer l’effort accompli pour rendre nos formations plus lisibles, tant à l’étranger que pour les familles, les jeunes de notre pays. L’on sait que, quand la lecture de notre système de formation est compliquée, ce sont d’abord ceux qui viennent de milieux sociaux défavorisés qui en payent le prix.

M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis. Le texte vise à améliorer la réussite des étudiants, à simplifier les structures, à programmer la recherche en fonction d’un agenda stratégique et à renforcer les moyens destinés à établir un continuum entre la recherche et l’économie.

Notre commission a été saisie pour avis du titre VI qui tend à redonner à l’État un rôle de stratège en matière de recherche. L’article 11 en amont pose un cadre. La stratégie nationale de recherche obéira à huit priorités concrètes, sur lesquelles vous vous êtes exprimée tout à l’heure, madame la ministre.

À l’empilement de décisions et de propositions qui caractérise le dispositif actuel, nous voulons substituer des priorités qui nous rapprocheront des grands pays en matière de recherche, qui correspondent à la stratégie européenne et qui nous aideront à disposer d’une stratégie nationale claire. Cette stratégie nationale ne saurait être coupée de l’innovation. C’est ce qu’a précisé un amendement présenté devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il était de bon ton durant des années de répéter que l’innovation était la clé de l’avenir sans que tous les moyens soient mis en œuvre pour y parvenir.

M. Benoist Apparu. Et le crédit impôt recherche ?

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis. Malgré une légende, ce dispositif ne provient pas de vos rangs, monsieur Apparu !

Avec ce projet de loi, le transfert est enfin affirmé comme une mission de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Aux termes de l’article 53, la stratégie nationale de recherche sera élaborée par le Conseil stratégique de la recherche, outil de pilotage interministériel présidé par le Premier ministre ou par vous-même, madame la ministre. La commission des affaires économiques a adopté un amendement, confirmé par la commission des affaires culturelles, visant à ajouter les termes « et de l’innovation » dans l’intitulé de ce conseil. Au-delà de la question du nom, je serai attentif à ce que, de la même manière qu’à l’article 11, la question de l’innovation trouve sa pleine place dans les missions de ce Conseil stratégique de la recherche.

L’article 55 porte sur les activités de transfert. Tout chercheur qui aura fait une découverte dans le cadre d’un projet financé par des fonds publics devra la déclarer auprès de l’organisme employeur. Ensuite, au lieu de se perdre dans les laboratoires, les inventions devront remonter vers la direction des organismes et être traduites par un brevet, première étape du transfert. L’employeur les valorisera en priorité auprès des PME de l’Union européenne. Il me semble nécessaire – et c’est le sens d’un amendement adopté par la commission des affaires économiques – d’instaurer un mandataire unique quand le brevet peut avoir plusieurs propriétaires publics, ce qui arrive dans les unités mixtes.

Le transfert est essentiel pour que la recherche serve la compétitivité et aide notre économie à trouver sa place dans la compétition mondiale. Répéter que l’innovation est la clé de l’avenir ne suffit pas. Il faut passer de l’incantation à la réalité. Les principes posés par ce projet de loi pourront le permettre.

J’ajouterai, et c’est le sens d’un amendement qu’a évoqué Vincent Feltesse – je sais que d’autres vont dans la même direction – qu’il faut, si nous voulons avancer en matière de transfert et d’innovation, faire souffler l’esprit de recherche en dehors de nos laboratoires, dans nos grandes entreprises et dans nos administrations. C’est pourquoi je suis favorable à ce que nos concours soient ouverts aux doctorants et que les modalités d’attribution du crédit impôt recherche prennent davantage en compte le fait pour les entreprises d’embaucher des doctorants.

M. Alain Claeys. Très bien !

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis. Enfin, le titre VI du projet de loi aborde la question de l’évaluation. La création, en 2006, de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur a lancé notre pays sur la voie de l’évaluation indépendante. Lors des assises, plusieurs voix se sont élevées pour demander la modification du dispositif actuel. À cette fin, le texte propose de créer un Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dont la mission ne sera pas tant d’évaluer directement, même s’il pourra le faire ponctuellement, que de garantir la qualité de l’évaluation et de l’auto-évaluation des organismes. Ainsi, le titre VI du projet de loi rend toute sa place à l’articulation entre recherche fondamentale ou technologique et développement économique. Il installe durablement dans notre pays, en réglant les problèmes que posait l’AERES, l’évaluation indépendante, qui est indispensable pour faire reconnaître nos travaux à l’international. Enfin, il fait du transfert une mission clé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 22 du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche soumis aujourd’hui à notre discussion

Son enjeu est essentiel car il traite du recrutement et de la formation de nos futurs professionnels de santé. Plus généralement, son objectif est d’assurer la réussite de tous les étudiants qui s’engagent dans ces cursus longs et difficiles. Il s’agit en effet de permettre aux universités d’expérimenter, pour une durée maximale de six ans, de nouveaux modes de réorientation des étudiants en difficulté et d’intégration dans les études de santé via des passerelles précoces, après d’autres cursus.

Comme vous le savez, la loi du 7 juillet 2009 a instauré la première année commune aux études de santé, la PACES. Cette loi est née d’un constat unanime : la sélection en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique engendrait trop d’échecs et de frustration, de stress permanent et de temps perdu pour de très nombreux étudiants. Un constat d’échec d’autant plus regrettable que le niveau des bacheliers accédant à ces filières est souvent excellent, comme l’atteste la proportion élevée des étudiants ayant obtenu une mention au baccalauréat, sans compter le nombre important d’étudiants qui se découvrent une appétence particulière pour le travail universitaire en intégrant la faculté.

La loi de 2009 poursuivait plusieurs objectifs : ouvrir aux étudiants un nombre élargi de débouchés et une orientation adaptée, pour réduire le taux d’échec en première année, décloisonner les études de santé et forger une culture scientifique commune aux professions médicales et pharmaceutiques, et enfin diversifier le recrutement des futurs professionnels de santé.

Or les premiers bilans font apparaître que la mise en place de la PACES n’a pas permis de rendre cette année d’études réellement formatrice ni d’améliorer le taux d’échec massif constaté aux épreuves de sélection qui la terminent.

En premier lieu, le principal objectif de la PACES, qui était de remédier au gâchis humain, n’est pas atteint. Nul ne le conteste.

Nombreux sont ceux qui craignaient une augmentation importante du nombre d’étudiants en première année d’études de santé. En réalité, c’est l’inverse qui s’est produit puisque l’on a constaté une diminution de l’ordre de 4 % du nombre des inscrits. Les taux de réussite demeurent très faibles. En médecine, le taux de réussite national avoisine les 20 %. Il plafonne à 10 % dans les filières odontologie et maïeutique et il est de 27 % pour la filière pharmacie.

Selon la commission pédagogique nationale des études de santé, en 2010-2011 seuls 15 % des primants et 39 % des redoublants ont réussi à intégrer une filière santé à l’issue de la PACES. Par ailleurs, on sait que 61 % des étudiants échouent à l’issue de deux présentations aux concours. Écoutez bien : près de deux étudiants sur trois qui effectuent deux années pleines n’obtiennent aucun débouché dans les filières santé ! Cette année d’entrée dans l’université, qui devrait être un moment d’enthousiasme et d’épanouissement au sortir des études secondaires, est toujours vécue, et pour cause, comme une épreuve redoutable, d’autant que les voies de sortie pour ceux qui échouent sont encore trop limitées. Or la PACES n’a pas permis d’apporter de réponse à ce problème.

C’est pour remédier à ce gâchis humain et dans l’objectif plus général d’améliorer la réussite de tous les étudiants dans le supérieur que le premier volet de l’article 22 prévoit la possibilité d’une orientation des étudiants de la PACES à l’issue d’épreuves portant sur les enseignements dispensés au début de cette première année.

Le principe même d’une réorientation en cours ou à la fin de l’année n’est pas en soi nouveau. Il a été établi en 2009. Mais, à ce jour, il n’a bénéficié qu’à très peu d’étudiants, car il est resté optionnel. Seulement 639 candidats ont été réorientés à la fin du premier semestre, 5 000 en fin d’année, avec un maximum théorique de 15 % qui n’a jamais atteint. Surtout, ces étudiants n’ont pas pu systématiquement intégrer une autre filière en cours d’année. Les épreuves de réorientation interviennent trop tardivement pour que les étudiants en difficulté puissent s’inscrire utilement dans un autre cursus. En outre, le contenu du programme du premier semestre est extrêmement lourd et le temps consacré aux révisions réduit, ce qui limite les possibilités de réussite des étudiants.

Il s’agit donc, par ce projet de loi, d’améliorer l’efficacité de la réorientation en avançant le calendrier des épreuves et en adaptant leur contenu.

La commission des affaires sociales, à l’unanimité, a amendé le texte gouvernemental pour préciser le champ de cette expérimentation. Les réorientations auront lieu à l’issue d’épreuves portant sur le programme universitaire de l’année en cours, à l’issue d’une période minimale d’enseignement de huit semaines. Seuls les étudiants considérés, sur la base de ces épreuves, comme n’étant pas susceptibles d’être classés en rang utile à l’issue de la première année pourront être réorientés dans une autre filière et l’université aura obligation d’assurer leur inscription dès l’année universitaire en cours. Il s’agit ainsi de prévenir en amont la sélection par l’échec, hélas encore trop présente en première année d’études de santé.

Un arrêté, élaboré en concertation avec les doyens et les représentants des étudiants, limite actuellement la proportion de ces réorientations à 15 % des inscrits. Ces 15 % semblent de l’avis général une proportion juste, car sont visés les étudiants ayant perdu toute chance de faire partie en fin d’année du numerus clausus.

Mais la réorientation doit aussi pouvoir bénéficier aux étudiants qui, à l’issue des premières épreuves, ont statistiquement trop peu de chances d’intégrer les études de santé en fin d’année et qui seraient désireux de bénéficier de passerelles en cours d’année. La commission des affaires sociales a donc voulu qu’au-delà des 15 %, une réorientation facultative puisse être proposée – non imposée – aux étudiants par les universités, qui assurent là aussi l’inscription dès l’année universitaire en cours.

Cet article s’inscrit donc résolument dans l’objectif de la réussite étudiante, fil rouge de ce projet de loi.

Le deuxième apport de l’article 22 consiste en l’ouverture de passerelles permettant d’intégrer des études de santé sans être passé par la PACES auparavant.

Pourquoi développer ces passerelles ? Il faut adapter la formation de nos futurs professionnels de santé aux besoins de la population. Comme l’a rappelé le Premier ministre lorsqu’il est venu à Grenoble présenter au mois de février dernier la stratégie nationale de santé, c’est dorénavant à partir du parcours de la personne, du patient, de la personne âgée ou handicapée que doit s’organiser le système de santé, pour supprimer peu à peu les ruptures dans la prise en charge, provoquées par les cloisonnements.

Si toute la formation initiale des futurs professionnels de santé doit s’adapter à cette nouvelle donne, leur mode de recrutement gagnerait sans doute à s’en inspirer. Il faut diversifier les profils.

Or, les épreuves de sélection font une place prépondérante aux matières scientifiques, parfois au détriment de disciplines plus susceptibles de sensibiliser l’étudiant à la dimension humaine des métiers de la santé. Peu d’étudiants titulaires d’un baccalauréat non scientifique sont admis en deuxième année : 1 % seulement en médecine.

Pourtant, les sciences humaines et sociales, ainsi que les questions de santé publique, paraissent tout aussi utiles à la formation d’un praticien. En outre, peu de place est laissée à une deuxième chance pour les bacheliers qui n’ont pas réalisé de bonnes études secondaires, mais potentiellement capables d’augmenter la qualité et la quantité de leur travail en intégrant la faculté.

À ce propos, une réflexion devrait être menée sur le niveau d’information dont disposent les lycéens qui envisagent une inscription en PACES, concernant notamment la difficulté de la sélection. Des actions pourraient être conduites dans ce domaine.

Enfin, si la loi de 2009 a élargi les passerelles entrantes, cette option n’est accessible qu’aux étudiants titulaires a minima d’un master, alors que les études montrent que les catégories les plus modestes ont moins de chance d’accéder à ce niveau.

C’est pourquoi il est proposé d’ouvrir la possibilité à des étudiants titulaires d’une licence d’intégrer en deuxième ou troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou maïeutiques. Ces étudiants seront recrutés sur dossier et entretien et devront se mettre à niveau dans certaines matières, car il n’est évidemment pas question de renoncer à l’excellence du niveau scientifique de ces études.

La commission des affaires sociales a même élargi le champ de cette expérimentation aux projets de licence Santé généraliste à spécialisation progressive : l’entrée dans les études de santé pourrait se faire non à l’issue d’une licence, mais au cours de la première, deuxième ou troisième année d’un cursus commun, comme cela existe au Canada. Cette organisation originale, que certaines universités envisagent pour la rentrée 2014, présente l’avantage de regrouper des étudiants d’horizons différents et de lutter contre la seule logique de bachotage, car l’évaluation et la formation sont dissociées, tout en conservant le principe d’une sélection pour les métiers soumis à numerus clausus.

Enfin, j’ajoute qu’un amendement voté en commission introduit après l’article 22 la possibilité d’expérimenter une première année commune à plusieurs professions paramédicales, après concertation avec les organisations représentatives. Cet amendement a été voté unanimement.

Au final, l’article 22 de ce projet de loi s’inscrit dans une logique simple : il s’agit, d’abord et avant tout, d’éviter que cette année ne soit vécue, au pire comme un traumatisme, au mieux comme une perte de temps, par une écrasante majorité d’étudiants. Ensuite, il s’agit de faire en sorte que des étudiants qui ont fait la preuve de leur niveau et de leur motivation puissent intégrer les études de santé par d’autres voies que la PACES.

Plus fondamentalement, cet article explore des voies innovantes pour lutter contre deux phénomènes qui gangrènent notre système universitaire : la sélection par l’échec, qui est le revers de la massification de l’enseignement supérieur, et l’absence de deuxième chance pour ceux qui échouent prématurément. D’aucuns diraient que l’absence de sélection à l’université est la cause de ces dysfonctionnements. Nous répondons qu’elle est une fausse réponse à un vrai problème que seuls l’accompagnement, l’orientation et la responsabilisation des étudiants peuvent résoudre.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, a pour objectif essentiel de faire, comme vous le rappelez souvent, le pari de l’avenir, avec pour ambition d’augmenter les chances de réussite des étudiants, mais aussi de garantir le rayonnement international de notre enseignement supérieur et de notre recherche.

Le Président de la République a voulu faire de la jeunesse la priorité de son quinquennat et nous nous inscrivons naturellement dans cette démarche. C’est ainsi que nous avons voté dans cet hémicycle il y a quelques semaines, en première lecture, le projet de loi de refondation de l’école de la République défendu par Vincent Peillon et qui est d’ailleurs – hasard du calendrier parlementaire – en ce moment même débattu au Sénat. C’est donc dans la droite ligne de l’ambition de la réussite éducative pour tous que nous allons mettre la réussite étudiante au cœur de nos échanges. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je tenais à souligner cette continuité et cette cohérence dans toutes les étapes de la formation des jeunes générations. Ainsi, cette semaine, de l’école à l’université, le Parlement est entièrement mobilisé pour donner un sens et une dimension législative à cette priorité à la jeunesse qui ne peut que nous rassembler.

Ce n’est pas mon rôle de rappeler dans cet hémicycle les dispositions du projet de loi alors que cela a été excellemment fait par la ministre et par nos rapporteurs. Je me contenterai donc de mettre l’accent sur la philosophie générale du texte, qui nous donne les moyens de faire le pari de la réussite étudiante en partant de deux principes essentiels : l’ouverture et le décloisonnement.

C’est à la fois un pari et une attente, alors même que les effectifs étudiants ont considérablement augmenté dans notre pays au cours des dernières décennies. C’est donc en conséquence que nous devons poursuivre un objectif majeur : réduire de façon significative le taux d’échec en premier cycle universitaire. L’orientation prévue en amont, dès le lycée et jusqu’à l’université, va dans ce sens. L’ambition portée par le projet de loi de simplifier et de clarifier le dispositif d’enseignement supérieur et de recherche y participe également.

Ce texte, rappelons-le, est le fruit de la large concertation mise en œuvre par les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui ont visé à associer l’ensemble des forces vives du pays. Notre travail a été également et utilement nourri par le rapport de Jean-Yves Le Déaut, sollicité par le Gouvernement pour réfléchir à ces questions.

Enfin, permettez-moi de saluer ici, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la contribution majeure de notre rapporteur Vincent Feltesse qui, dans un calendrier quelque peu serré, avouons-le, a su, après de larges auditions, effectuer un travail très approfondi d’expertise sur ce texte et en conséquence rédiger des amendements aussi utiles que nécessaires. Qu’il en soit ici remercié, tout comme les deux rapporteurs pour avis Christophe Borgel et Olivier Véran.

Pour évoquer devant la représentation nationale toute la portée de ce projet de loi, il n’est pas inutile de rappeler plusieurs dispositions contenues dans les quelque quatre-vingt-dix articles que compte désormais le texte issu de la commission. Car, reconnaissons-le, le débat s’est quelque peu focalisé sur un seul article, dont je ne saurais naturellement réduire les effets, avec le risque cependant de masquer la richesse du texte dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui.

Parlons donc, pour ne pas parler que de cela, de l’article 2 du projet de loi et de la faculté qu’il offre de dispenser, sous certaines conditions, dans nos établissements d’enseignement supérieur des cours en langue étrangère – et, j’insiste sur ce point, pas seulement en anglais. Ayant été il y a quelques années déjà nommé parlementaire en mission pour réfléchir à la place internationale de la France et de la francophonie dans la société de l’information, et étant par ailleurs membre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie et me mobilisant régulièrement, aux côtés notamment de nos amis québécois, pour promouvoir la langue française, je suis comme beaucoup d’entre vous particulièrement sensible à ce sujet. Mais je n’ai jamais – je dis bien : jamais – considéré notre langue comme une forteresse assiégée. Au contraire, à l’ère numérique qui est celle du plurilinguisme, je crois plus que jamais à sa force et à son attrait.

C’est donc en cohérence que je considère comme indispensable aujourd’hui de dispenser aux étudiants français des cours en langue étrangère, et évidemment en anglais, leur permettant d’être au niveau des autres étudiants européens, afin de leur donner les acquis nécessaires pour répondre aux défis du temps présent.

Dans la même démarche, je pense tout aussi fondamental d’accueillir de nombreux étudiants venant de pays étrangers et qui, dans un premier temps, ne maîtrisent pas suffisamment notre langue pour suivre un cursus uniquement en français. En poursuivant cet objectif qui est au cœur de l’article 2, nous portons de manière positive et offensive la légitime ambition de promouvoir la francophonie et la langue française.

Aussi ai-je présenté en commission un amendement visant à prendre en compte les inquiétudes qui s’étaient d’ores et déjà manifestées et à montrer qu’au contraire il était possible de faire de cette dérogation un vecteur efficace de la francophonie, en inscrivant dans la loi le principe selon lequel les étudiants étrangers bénéficieront d’un apprentissage de la langue française et que leur niveau de maîtrise de cette langue sera pris en compte pour l’obtention de leurs diplômes. L’article 40 de la Constitution m’avait contraint à n’évoquer, dans mon amendement initial, qu’une initiation et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir levé cet obstacle lors du travail en commission en proposant vous-même le terme plus ambitieux d’apprentissage. Le vote de cet amendement, à l’unanimité de la commission je le signale, nous procure je le crois une rédaction équilibrée de l’article 2 qui nous rassemble largement, sur tous les bancs de l’Assemblée.

D’une manière plus générale, je crois que la volonté que vous avez affichée, madame la ministre, avec le ministre de l’intérieur, de réserver un meilleur accueil aux étudiants étrangers participe d’une action globale, cohérente et essentielle en faveur du rayonnement et du développement de notre pays. Je me félicite ainsi de l’annonce qui a été faite d’une généralisation du titre de séjour pluriannuel et de la prise en compte de la durée des études dans sa délivrance, ainsi que des autres mesures visant à faciliter la vie des étudiants étrangers dans notre pays. Il n’était que temps. Mais c’est un échange que nous poursuivrons dans cet hémicycle le 13 juin, lors d’un débat qui sera spécifiquement consacré à cette question.

Le débat en commission, vous l’avez compris, a été riche et constructif, encore ce matin au titre de l’article 88, et nombre d’amendements parmi les près de huit cents déposés et débattus ont permis d’enrichir le projet de loi. Votre présence active et si utile en commission, madame la ministre, a facilité cet échange et je tenais à vous en remercier.

Nous avons notamment travaillé sur la place des IUT, sur la prise en compte du rôle important joué par les régions, sur la logique de la cotutelle ou sur la bonne gouvernance des universités.

La question d’une meilleure reconnaissance du doctorat nous a opportunément mobilisés. Elle devrait pouvoir s’accompagner de l’ouverture de l’accès à certains grands corps ou au concours interne de l’ENA. Je sais que le rapporteur y est sensible et nous aurons utilement ce débat. La question de la définition des stages en milieu professionnel est régulièrement soulevée. Elle touche au code du travail et je vous remercie par avance, madame la ministre ou monsieur le rapporteur, de la réponse que vous pourrez apporter à cette attente exprimée dans de nombreux amendements, attente qui subsiste à cette heure.

Nous avons eu l’occasion d’évoquer les questions d’ordre budgétaire. Il s’agit naturellement d’un enjeu essentiel dont nous ne pouvons évidemment faire abstraction, même si nous sommes amenés à débattre d’une loi d’orientation et non de programmation. Il en est de même pour les conditions de vie des étudiants. L’idée d’un Livre blanc, si militaire dans son essence, tout au moins dans cet hémicycle, défendue avec conviction et détermination par le rapporteur, a fait son chemin et s’est finalement imposée.

Tout ne relève pas de la loi, nous le savons, mais ce texte pose les bases d’un projet politique ambitieux et volontaire permettant à l’enseignement supérieur et à la recherche d’être plus que jamais en mouvement pour relever les défis sociaux, économiques et scientifiques auxquels notre pays est confronté. Rappelons ici que c’est la première fois qu’un projet de loi est consacré à la fois à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous y voyons, là encore, l’empreinte de l’ouverture et du décloisonnement portés de façon si pertinente par ce texte. C’est, j’en suis convaincu, cette convergence qui permettra une meilleure réussite. Vous pouvez, madame la ministre, compter sur nous – c’est-à-dire sur les députés de la majorité – pour y contribuer pleinement tout au long de ce débat et au-delà. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Hetzel. Que de présidents !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, cher Christophe Borgel, si nous sommes aussi nombreux, c’est bien qu’il s’agit d’un sujet transversal par nature et d’un texte indispensable pour le futur.

Nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche et il me semble essentiel, en tant que président de la commission des affaires économiques, de mettre l’accent sur le lien qui existe entre recherche et industrie. C’est pourquoi j’ai souhaité que nous nous saisissions pour avis du titre VI du texte.

Si la politique publique et universitaire de recherche est bien sûr essentielle, nous ne devons pas perdre de vue son prolongement : la recherche en matière industrielle, qui a toujours permis à la France de se distinguer.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Dans le contexte économique actuel, au moment où certains grands industriels ont la tentation, qui n’est pas nouvelle, de délocaliser les unités de recherche et développement de la France vers l’étranger, nous devons mettre l’accent sur cette question et nous positionner clairement en nation championne de la R et D. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir réinventé, en la matière, l’État stratège. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

C’est cet état d’esprit qui nous permettra de gagner la bataille de la croissance et de l’emploi.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Rien que ça !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Or l’innovation industrielle est dans nos gènes et ce qui nous manque souvent, c’est de réussir le transfert vers la production industrielle.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais le présent texte ne peut rien en la matière !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nos industriels ne doivent pas avoir peur de la recherche, des docteurs et de leur talent. Ils doivent les voir comme une formidable opportunité de développement. C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de recherche et développement en même temps que de croissance, et pas seulement comme d’une source de coûts mais comme une source de profits pour l’avenir. Ce n’est pas un univers inaccessible.

Mais s’il est vrai que pour les grosses structures, la présence de telles unités est évidente et possible, cela n’est pas si simple pour nos petites PME, qui ne disposent pas nécessairement des moyens nécessaires. En outre, reconnaissons que la compréhension partagée du besoin d’innovation n’est pas toujours d’une expression facile.

Au risque de paraître quelque peu archaïque,…

M. Benoist Apparu. Mais non !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je dépoussière ma veste ! Ce texte est donc l’occasion pour moi de faire un rappel dynamique. Il existe en effet un moyen, pour les PME, d’avoir accès à une recherche de qualité à moindre coût : il s’agit des centres techniques industriels.

Ils ont été créés par le gouvernement Ramadier, ce qui ne nous rajeunit pas, dans une loi du 22 juillet 1948.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était hier !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ils l’ont été pour deux raisons.

La première est juridique et découle de ce qu’à la Libération, de nombreuses organisations professionnelles ont été dissoutes du fait de leur soutien au régime de Pétain et se sont ainsi retrouvées privées de leurs structures administratives et sans statut.

La seconde raison est de nature économique. Dans le contexte du plan Marshall, les « missions de productivité » visaient à enseigner et à diffuser les méthodes modernes de production développées aux États-Unis. Ce dispositif n’est pas ringard et nous avons l’occasion ici de lui donner un nouveau souffle. Les centres techniques industriels ont évolué différemment selon les branches. Ils se sont maintenus dans celles qui sont caractérisées par une forte densité de PME. Aujourd’hui, les CTI concernent 32 secteurs et 11 000 entreprises, soit un million d’emplois et 40 % de l’emploi industriel, mais encore 120 métiers, 3 200 ingénieurs, techniciens et chercheurs et enfin 40 établissements pour 300 millions d’euros d’activité.

Il s’agit de structures parapubliques sous la tutelle du ministère de l’économie, au service des entreprises en matière de recherche et d’innovation. C’est simple : dans les différents secteurs industriels, les CTI aident les entreprises à développer leurs projets d’innovation. Ils interviennent dans les secteurs suivants : le béton, l’aéraulique, la mécanique, le bois, le cuir, les produits agricoles, le décolletage, le métal, la fonderie, la pierre et les tuiles, le papier, les textiles – et pas seulement la filière des vestes orange, l’horlogerie et la joaillerie, la soudure, le caoutchouc, la mécanique, la plasturgie, l’assurance qualité et la certification. Pourtant, le travail considérable qu’ils fournissent est méconnu et les entreprises ne se tournent pas naturellement vers eux autant qu’elles le devraient. Nous devons décupler ces partenariats.

Les CTI sont organisés sous la forme d’un maillage territorial, mais spécialisé. On compte ainsi 46 centres et 19 antennes répartis sur l’ensemble du territoire français et qui accueillent, pour chacun d’entre eux, une spécialité. Ainsi, les villes de Grenoble, Cluses, Douai, Villepinte, Limoges, Rodez, Nantes, Clamart, Mulhouse, Bordeaux ou Troyes par exemple accueillent chacune un centre de haute compétence. Or cette organisation historique nuit à leur rayonnement et limite leur champ d’action.

C’est pourquoi la commission des affaires économiques a adopté un amendement dont l’objectif est de permettre aux PME de bénéficier par le biais d’un seul contact – un guichet unique, en quelque sorte – de l’appui de l’ensemble du réseau des CTI – et non du seul centre qu’elles auront sollicité – tout cela dans le respect du secret des affaires.

Cet amendement vise également à conforter, stimuler, valoriser la dynamique issue de la pluridisciplinarité de la vingtaine de CTI répartis sur l’ensemble du territoire. Nous allons insuffler aux CTI « l’effet cafétéria » cher aux chercheurs et véritable garantie d’une dynamique collective : en parlant à plusieurs, on est plus intelligent – sauf peut-être dans cet hémicycle ! (Sourires) – et plus rapidement innovant. La créativité est toujours une œuvre collective.

Je remercie la commission des affaires culturelles et son rapporteur d’avoir repris cet amendement qui nous tenait à cœur. Les CTI doivent prendre une plus grande place dans le « pôle France » de la compétitivité. Et si le conseil national de la recherche, madame la ministre, devenait aussi le conseil national de la recherche et de l’innovation, la commission des affaires économiques que vous avez bien connue aurait vraiment le sentiment de renforcer significativement sa contribution à la réussite de votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comme vous le savez, la question des études de santé, et plus particulièrement de la première année commune, me préoccupe depuis longtemps. C’est pourquoi j’ai souhaité que la commission des affaires sociales se saisisse pour avis de l’article 22 du présent projet de loi.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’organisation et le déroulement de la première année d’études de santé préoccupent les pouvoirs publics.

Pour n’évoquer que les dix dernières années, on peut mentionner le rapport Debouzie de 2003, qui proposait des pistes de réforme cohérentes et ambitieuses concernant l’ensemble des professions de santé inscrites dans le code de la santé publique, ou le rapport Bach de 2008, moins ambitieux mais qui a été à l’origine de la loi du 7 juillet 2009 instaurant l’actuelle première année commune aux études de santé, la PACES. Lors de la discussion de ce texte, en juin 2009, j’étais responsable de mon groupe, alors dans l’opposition.

Si le constat était largement partagé, l’opposition d’alors doutait que les solutions et les moyens prévus par la loi de 2009 soient suffisants. Les faits lui ont donné raison car le constat d’hier reste malheureusement d’actualité. Je ne reviendrai pas sur les taux d’échec évoqués par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Véran, sinon pour préciser que si le taux de réussite dans la filière pharmacie dépasse 27 %, il est à craindre qu’il ne s’agisse que d’un effet d’optique, les candidats à ce concours étant en nette diminution.

Ces taux d’échec représentent, aujourd’hui comme hier, un gâchis d’autant plus grand que des milliers de jeunes, souvent dotés de bons, voire de très bons résultats au lycée et au baccalauréat, sont concernés. Et combien se sont découragés et ont abandonné en cours de route ? Comment, également, ne pas constater que cette sélectivité se double de manière assumée d’une sélection par l’argent et d’une reproduction sociale qui n’osent pas dire leur nom, en raison notamment de la place prise par des officines d’enseignement privées ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout à fait exact !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne vous surprendrai pas, madame la ministre : mon discours est presque identique à celui de juin 2009 et je vais vous traiter de la même manière que Mme Pécresse, alors au gouvernement.

Mme Annie Genevard. Eh bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On peut également s’interroger sur l’accès à la profession de kinésithérapeute, certains passant par la PACES, d’autres allant directement dans les instituts de formation, avec des coûts très différents. Où est l’égalité républicaine ?

La loi de juillet 2009 n’a donc pas atteint les objectifs qui lui ont été assignés, loin de là. L’opposition d’alors l’avait, je l’ai dit, pressenti.

Les statistiques par université des réorientations ou abandons à l’issue du premier semestre de l’année universitaire en cours laissent perplexes. Certaines universités enregistrent des taux d’abandon non négligeables sans procéder à aucune réorientation : c’est le cas d’Angers, de Bordeaux, de Paris XII-Créteil, de Paris Versailles ou de Rouen, universités auxquelles s’ajoutent celles qui ont adopté une réorientation sur la base du volontariat et n’auraient, semble-t-il, trouvé aucun volontaire – Limoges, Marseille, Paris VI – ce qui pose question quant à la façon dont cette réorientation a été proposée et organisée.

Je reste dubitative, madame la ministre, sur les chances de réussite de l’article 22 du projet de loi et de l’expérimentation qu’il propose, si l’on en reste à l’architecture d’ensemble de la première année telle qu’elle existe actuellement. Certes, une réorientation au bout de huit semaines au lieu d’un semestre complet constitue peut-être une avancée, mais je n’en suis pas sûre et resterai vigilante.

En proposant une réorientation encore plus précoce, ne va-t-on pas donner l’impression à ces étudiants qu’ils ne sont pas à la hauteur ? S’installer dans une université n’est pas toujours facile et huit semaines, souvent, ne suffisent pas.

Il nous faut agir en aval et en amont de cette réorientation.

En amont, il me semble indispensable que les élèves de terminale soient pleinement informés de la difficulté et de la longueur des études où mène la PACES, pas seulement en médecine mais aussi en pharmacie, en maïeutique, en chirurgie dentaire et en odontologie, afin qu’ils fassent leur choix en pleine connaissance de cause. Je ne vous ai pas entendue, madame la ministre, dire comme Mme Pécresse à l’époque où je l’avais interrogée sur le travail des conseillers d’orientation en terminale, qu’ils n’étaient « pas compétents ». J’avais trouvé ces mots plutôt cavaliers et je sais bien, madame la ministre, qu’ils ne vous seraient pas venus à l’esprit.

En aval, il convient de s’assurer que les universités mettent en place des modalités efficaces de réorientation, afin que celle-ci soit effectivement profitable pour les étudiants, et veillent à la mise en œuvre réelle des passerelles entre les formations permettant l’accès à la deuxième ou troisième année. Prenons garde néanmoins de ne pas susciter des frustrations chez des étudiants qui auraient mené leur première année à terme et échoué pour seulement un dixième de point par exemple.

Enfin, interrogeons-nous un instant sur le contenu même de la première année et sur le mode de sélection. Comme l’a fort bien rappelé Arnaud Robinet en commission, la prise en compte de l’humain est au cœur de l’exercice de toute profession de santé : est-on sûr que l’enseignement dispensé et les modalités des concours permettent vraiment d’apprécier une partie de ces qualités humaines ? Je crains hélas que la réponse ne soit négative, au vu des matières enseignées et de la façon dont elles sont évaluées : primauté des QCM, organisation d’aucun oral… Nous sommes un des rares pays à sélectionner ainsi nos professionnels de santé.

Je crains donc que nous ne soyons amenés à l’avenir – ou que nos successeurs ne le soient – à reprendre le dossier de la première année commune des études de santé. Madame la ministre, comme je l’ai été en son temps vis-à-vis de Mme Pécresse, je serai vigilante et attentive à la réussite de l’article 22. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Madame la présidente, madame la ministre, les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ont révélé une perte de confiance et une impression générale de fatigue et de frustration, après une vague de réformes tous azimuts et une avalanche de restructurations non coordonnées. Vos prédécesseurs ont fait ce que j’appellerais de la « géologie politique », (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) accumulant, sans les stabiliser, de nouvelles strates législatives et réglementaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas possible !

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST. Le Premier ministre m’a demandé, cela a été rappelé, de lui remettre un rapport sur l’enseignement supérieur et la recherche. Vous en avez largement repris les conclusions et je vous remercie de votre confiance, madame la ministre. L’Office parlementaire a grandement contribué au débat, après la tenue des assises.

Ce texte obéit à quelques idées directrices : simplifier un système devenu opaque et illisible, refonder l’université pour améliorer la réussite des étudiants, et dynamiser la recherche par une coopération renforcée pour redonner confiance aux chercheurs. La réforme que vous proposez répond à cet objectif de cohérence : c’est sa principale différence avec les lois précédentes.

Certes, fixer le nombre des membres d’un conseil d’université est important, mais cette question reste subsidiaire par rapport à celle de la réussite des étudiants. L’université française, il faut le reconnaître, ne marche pas, car le malthusianisme prévaut dans le recrutement de ses élites. Le système est trop cloisonné, trop rigide et en quelque sorte prédéterminé : ou l’on intègre une des filières dites royales, ou l’on est disqualifié.

Dans un pays qui fait de la jeunesse sa priorité, on ne peut tolérer que le gâchis et l’échec soient le lot commun. Il y a d’un côté les concours qui régissent l’insertion sociale et qui vous qualifient à vie, et de l’autre une orientation par l’échec, avec des filières technologiques et professionnelles dévalorisées.

Dans le système français, rien n’est rattrapable C’est précisément cela que vous avez voulu changer, en assurant une plus grande continuité entre le secondaire et le supérieur, en choisissant l’orientation plutôt que la sélection, en réaffirmant le rôle de l’enseignement supérieur dans la formation tout au long de la vie, en développant l’alternance et l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et en offrant, enfin, des possibilités accrues aux bacheliers technologiques et professionnels.

Une erreur de parcours ne doit pas être synonyme d’échec. Les passerelles, la pluridisciplinarité, notamment dans les cursus de licence, les parcours plus personnalisés et la diversité des voies de recrutement constituent des avancées primordiales de ce texte, comme l’amélioration des conditions de vie des étudiants, en lien avec le réseau des centres des œuvres universitaires et sociales.

Vincent Feltesse, notre rapporteur…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Notre brillant rapporteur !

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST. …notre brillant rapporteur, l’a rappelé : ce texte réaffirme le rôle d’un État stratège, qui doit éclairer l’avenir, assumer un rôle de régulation et de financement et être le garant de l’offre de formations et de diplômes, comme du statut national des personnels.

Nous sommes favorables à l’autonomie, mais pas à la manière dont elle a été réalisée. Nous pensons que l’État doit octroyer des moyens financiers et humains correspondant aux missions qui ont été transférées aux universités. Le rôle des régions et des collectivités territoriales doit être gravé dans la loi. Il ne s’agit pas de régionaliser l’enseignement supérieur, comme certains le disent…

M. Patrick Hetzel. Si ! Ce n’est que cela !

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST. …mais de prolonger son rôle de chef de file en matière économique et en matière d’innovation, de faciliter le développement de la culture scientifique et technique, d’améliorer à la fois la formation tout au long de la vie et les formations professionnelles : cela implique d’organiser une politique de sites. En un mot, madame la ministre, et nous vous en félicitons, ce texte favorise la performance par la coopération, plutôt que l’excellence par la compétition.

Je ne peux d’ailleurs qu’être sensible au cri d’alarme du prix Nobel Serge Haroche sur la nécessité de revaloriser les débuts de carrière, ainsi qu’aux articles du texte où vous cherchez à encourager la mobilité entre les différents corps de l’enseignement supérieur et entre les différentes missions de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il faut aussi chercher rapidement des solutions à la bombe à retardement laissée par les précédents gouvernements, avec l’explosion de la précarité. Il faudra instaurer des dispositifs pour éviter que la précarité ne se développe à nouveau.

Je tiens à vous féliciter d’avoir conduit cette réforme ; votre démarche, en outre, est inédite, puisque le Parlement a été associé en amont du texte.

Je voudrais, pour terminer, revenir sur un point qui, comme le rapporteur l’a souligné, pourrait être amélioré dans le texte final : je veux parler de la reconnaissance du doctorat. Un amendement menace de restreindre le texte qui a été voté par la commission. Or le doctorat ne peut pas, sous la pression malthusienne de quelques zélateurs issus de grands corps de l’État, ne pas être reconnu dans les branches professionnelles ou dans la fonction publique.

M. Sébastien Denaja. Bravo !

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST. L’exception française est incompréhensible : le doctorat est le diplôme le plus élevé de l’enseignement supérieur et l’État doit donner l’exemple.

M. Sébastien Denaja. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’OPECST. Nous serons vigilants sur ce sujet, madame la ministre.

Député d’une région minière, je suis persuadé que les mines du XXIe siècle seront des mines de matière grise : il faut donc nous donner les moyens de valoriser toute la richesse humaine de notre pays. Nous sommes persuadés, et c’est pour cela que nous vous soutiendrons, madame la ministre, que cette loi y contribuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. Sébastien Denaja, rapporteur au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le temps universitaire est parfois un temps long, et même très long, surtout quand il s’agit d’égalité des genres.

Deux siècles séparent la publication de l’ouvrage de François Poullain de la Barre De l’égalité des deux sexes, en 1673, et le moment où la première femme a été reçue docteur en mathématique en France. Deux siècles !

Quel état des lieux pouvons-nous dresser aujourd’hui ? Pour résumer, les femmes sont fortement sous-représentées dans les postes de direction des établissements, elles sont sous-représentées dans la hiérarchie administrative, souvent minorées dans les travaux de recherche, discriminées dans l’évaluation de leurs recherches et peu présentes dans les hauts conseils et instances nationales.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que près de 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, elles représentent 50 % des doctorants, 40 % des maîtres de conférence et seulement 22 % des professeurs d’université et 10 % des présidents d’université. Si nous souhaitons, comme la ministre des droits des femmes, instaurer la parité à tous les étages, force est de constater que dans l’enseignement supérieur et la recherche, à mesure que l’on monte dans les étages, les femmes disparaissent.

Mme Catherine Coutelle. Absolument ! Bravo !

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Les personnalités que nous avons auditionnées ont confirmé cet état de fait, incompatible avec les valeurs d’égalité que nous défendons. Nous ne pouvons accepter qu’il existe un tel écart entre une égalité de droit, acquise, et une inégalité de fait aussi flagrante.

Le projet de loi que vous présentez, madame la ministre, apporte des améliorations significatives, comme la parité dans les conseils centraux des universités, au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, ou encore dans le nouveau Haut conseil de l’évaluation.

Il s’agit de réelles avancées, qui méritent d’être saluées. La délégation aux droits des femmes, que je représente à cette tribune, propose néanmoins d’aller plus loin sur un certain nombre de points : nous avons, dans ce sens, adopté vingt-et-une recommandations, qui figurent dans notre rapport. Elles visent à assurer une gouvernance véritablement paritaire des établissements, à garantir aux hommes et aux femmes les mêmes évolutions dans leurs recherches et dans leur carrière, à systématiser la politique de lutte contre les stéréotypes sexués et à mettre en œuvre une prévention et une répression fortes contre le harcèlement sexuel

Nous avons également déposé des amendements, destinés à améliorer un projet de loi qui, je le souligne, est déjà très positif pour la cause des femmes. Ces amendements, cosignés par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle, portent notamment sur la mise en place d’études et d’évaluations sexuées. Ils visent à étendre l’obligation de parité dans les bureaux des organes de direction des universités et dans les comités de sélection. Bien sûr, la parité doit aussi être la règle pour la composition des sections disciplinaires, et au plan national aussi, des avancées peuvent être réalisées. De plus, il me semble que la désignation de personnalités qualifiées ou de représentants des grands intérêts nationaux doit, elle aussi, respecter l’exigence de parité.

Au-delà de ces amendements, nous voulons améliorer les conditions de vie de la communauté universitaire et créer un environnement respectant l’égalité entre les sexes. À ce titre, nous sommes très attachés à la nomination obligatoire d’un chargé de mission, ou d’une chargée de mission à l’égalité, dont la tâche sera de mettre en œuvre la charte pour l’égalité, signée le 29 janvier 2013.

Seules la moitié des universités françaises comptent un tel chargé de mission. Au nom de la délégation aux droits des femmes, je remercie la commission et la ministre d’avoir accepté cette avancée, qui d’ailleurs ne se traduira pas nécessairement par une charge nouvelle, puisque les ressources humaines existantes pourront être mobilisées.

Nous soulevons une autre question, celle de la maternité, qui a des conséquences discriminantes pour les chercheuses, puisqu’elle réduit la période d’évaluation de leurs travaux en vue d’une évolution de carrière. Nous proposons à ce titre un dispositif correcteur pour rétablir l’égalité, en ajoutant un an à la période d’évaluation des femmes chercheuses ayant porté un enfant.

La délégation propose, enfin, des mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel qui, s’il reste un tabou, est, hélas, bel et bien une réalité.

Le Gouvernement est fortement mobilisé sur cette question, nous le savons, mais nous proposons un certain nombre de mesures complémentaires pour briser le mur du silence. Dans la même logique, les efforts engagés par Ségolène Royal contre les pratiques de bizutage lorsqu’elle était ministre de l’enseignement scolaire, doivent être poursuivis. La délégation aux droits des femmes soutient l’ambition gouvernementale de parité, madame la ministre. Ce gouvernement est le premier gouvernement paritaire de notre histoire.

Au moment où l’on parle de mondialisation, comme vous l’avez fait dans votre conclusion, et de concurrence entre universités, au moment où l’on parle d’attirer en France des étudiantes, des chercheuses et des enseignantes de haut niveau, la mise en application de cette réforme égalitaire sera un signal fort de l’attachement de la France à l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.).)

Mme Catherine Coutelle. Bravo ! Très bien !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a presque six ans, à cette même tribune, je venais présenter devant la représentation nationale le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités.

M. Benoist Apparu. Excellente loi !

Mme Valérie Pécresse. En 2007, nous avions fait un pari, celui de replacer l’université au centre : au centre des savoirs, au centre de l’enseignement supérieur, au centre de la recherche, au centre de l’innovation.

En 2007, nous avions décidé d’émanciper l’université de la tutelle trop pressante de l’État. Nous avions décidé de faire – enfin ! – confiance à la communauté universitaire, en dehors, je vous rassure, de toute espérance de soutien politique. Nous avions fait ce choix audacieux – certains, parmi nos amis politiques, le jugeaient même téméraire – parce ce qui était en jeu, c’était l’avenir de notre pays et, en premier lieu, celui de notre jeunesse.

Partout dans le monde, la maîtrise des connaissances scientifiques et la capacité à innover étaient devenues la clé des succès économiques et sociaux. Elles le sont toujours et, plus que jamais, partout dans le monde, les universités sont le creuset où se forgent ces mutations. Nos universités ne pouvaient pas rester à l’écart du monde. Il fallait réagir et leur donner les moyens de lutter enfin à armes égales avec leurs partenaires internationales.

La loi LRU a fait couler beaucoup d’encre, elle a bousculé des habitudes, elle a entraîné des contestations, mais l’important n’est pas là. Il fallait la faire : trop de pouvoirs avaient reculé face à la rue et face aux conservatismes, et la victime de ces renoncements, c’était toujours la même : l’étudiant. Par la faute de notre manque de courage politique, l’étudiant se trouvait privé des moyens de sa réussite dans une université abandonnée, pour avoir refusé de se réformer.

Cette spirale historique, nous l’avons brisée.

Pour la première fois depuis des dizaines d’années, grâce à la loi LRU et aux mesures engagées dès 2007, l’université est redevenue une priorité forte de l’action gouvernementale et un lieu d’attraction pour la jeunesse et pour la société.

Quelques chiffres suffisent à illustrer cette évidence. Entre 2007 et 2012, le budget des universités a augmenté en moyenne de 25 %, pour un total de 9 milliards d’euros ; 11 500 postes ont été créés depuis 2003…

M. Stéphane Travert. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse. …et 380 millions d’euros ont permis de revaloriser les carrières, et en particulier celles des plus jeunes enseignants-chercheurs.

J’ai entendu dire que les étudiants étaient les grands oubliés de l’autonomie. C’est passer sous silence les 730 millions d’euros que nous avons consacrés au plan « Réussir en licence ». C’est oublier les 57 000 logements sociaux étudiants mis en service et la progression de 20 % des bourses grâce à la création du dixième mois de bourse.

Je sais que Mme Fioraso veut absolument faire croire le contraire, mais les étudiants savent bien qu’ils ont touché leur dixième mois de bourse en 2011-2012 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Du côté de la recherche, 22 milliards ont été inscrits au titre des investissements d’avenir, et la réforme du crédit d’impôt recherche a fait de notre pays le plus attractif au monde pour les investissements scientifiques privés.

Du côté de l’immobilier enfin, sur les 5 milliards d’euros de l’opération Campus, 2 milliards ont été engagés pour lancer ce grand plan de rénovation et de construction dont nos universités avaient tant besoin.

M. Sébastien Denaja.Où sont-ils engagés ? Nous voulons connaître les lieux !

Mme Valérie Pécresse. Au-delà des chiffres, la plus belle réussite de cette politique est qu’elle s’est construite sur la confiance donnée aux acteurs, y compris ceux qui étaient d’abord réticents ou opposés à la réforme.

Qui aurait pu croire, à l’été 2007, que toutes les universités françaises seraient passées à l’autonomie au 1er janvier 2012 ?

Bien sûr, tout n’est pas parfait.

M. Thierry Braillard. Vous voilà lucide !

Mme Valérie Pécresse. Malgré notre plan « Réussite en licence », l’échec de trop nombreux étudiants lors des premières années à l’université reste un sujet de préoccupation majeur.

Mais permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que vous m’avez choquée hier en affirmant que les 730 millions d’euros du « Plan licence » avaient été inutiles. Quand vous dites cela, ce n’est pas le gouvernement précédent que vous critiquez, c’est l’université que vous dénigrez, c’est l’ensemble de la communauté universitaire qui, pendant trois ans, a mis toute son énergie au service de la réussite des étudiants et a créé toute une série de dispositifs pour les faire réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Deguilhem. Ce n’est pas vrai, ils le disent eux-mêmes !

Mme Valérie Pécresse. Vous reprenez d’ailleurs la majorité de ces dispositifs dans cette loi, et j’en suis très heureuse.

Car le fait est là : la politique que nous avons mise en œuvre à partir de 2007 a permis à l’université de progresser.

Certes, certaines universités ont eu du mal à s’approprier les nouvelles compétences liées à l’autonomie et à faire face à de nouvelles et lourdes responsabilités. Mais au fond, deux solutions s’offraient à nous : réserver l’autonomie aux universités les plus puissantes, les mieux gérées ; ou l’offrir à toutes les universités, quitte à devoir aider davantage les plus fragiles.

Il y a deux attitudes dans la vie : la première consiste à porter toute sa vie son bébé dans les bras pour le tenir à l’écart des aléas du monde ; la seconde consiste à lui apprendre à marcher, quitte à prendre le risque qu’il trébuche ! Mais ensuite, évidemment, on l’aide à se relever pour le rendre autonome.

Oui, je le dis solennellement devant la représentation nationale, nous avons porté le projet d’une université debout, libre de ses choix. Vous, vous voulez la maintenir sous tutelle.

La politique que vous mettez en place depuis un an est un net retour en arrière.

Le changement, dites-vous, c’est maintenant. Eh bien oui : pour la première fois depuis dix ans, les moyens des universités reculent ! Et cela dans des proportions que l’on ne mesure pas encore clairement, car le Gouvernement refuse toujours de présenter au Parlement un budget rectificatif qui fasse toute la transparence sur l’état exact de la situation financière de l’État.

Alors, madame la ministre, je vous demande aujourd’hui de dire la vérité, toute la vérité, à la représentation nationale. Pouvez-vous nous dire ici et maintenant quel sera exactement le recul des moyens des universités en 2013 et en 2014 ? Aurez-vous ce courage ? Au-delà des Parlementaires, les universitaires et les étudiants ont le droit de le savoir.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme Valérie Pécresse. Et ne nous dites pas que l’université est la victime collatérale de la crise. En 2009, au cœur de la déflagration économique la plus forte que nous ayons vécue depuis dix ans, nous avons continué de faire clairement le choix de l’avenir en augmentant les budgets des universités.

Aujourd’hui le choix de votre Gouvernement est tout autre : l’université n’est plus sanctuarisée, l’université n’est plus une priorité.

Cette loi en est la dernière illustration. L’université, c’est le lieu du progrès. Mais cette loi n’est pas un progrès, c’est une régression.

Régression, que de ne pas ouvrir davantage la gouvernance des universités sur le monde. Au lieu de donner davantage de poids aux personnalités extérieures du conseil d’administration, qu’elles soient issues du monde économique ou académique, françaises ou étrangères, vous donnez plus de place aux syndicats. C’est priver la gouvernance des universités du regard neuf qui lui permettrait de se remettre en cause en permanence pour progresser.

Régression, que de refuser d’assumer un pouvoir collégial fort, celui du conseil d’administration et de son président, capable de décider et d’agir. Votre refus d’établir une ligne de partage évidente entre les compétences du conseil d’administration et celles du conseil académique, qui seront présidés par des personnalités rivales, va logiquement conduire à neutraliser les deux instances et à paralyser les universités.

Régression encore, et grave entorse au principe même de l’autonomie, que de vouloir marier de force des établissements qui ne le souhaitent pas dans des communautés d’universités. Faut-il vous rappeler que l’autonomie, c’est la liberté, pas la contrainte ?

Régression toujours, que de supprimer une agence d’évaluation dont il fallait au contraire élargir les missions.

Régression, enfin, que de ne pas aller plus loin dans l’orientation active des étudiants, seul levier efficace pour lutter vigoureusement contre l’échec en licence.

Le président Hollande avait affirmé placer la jeunesse au cœur de son projet : où est la priorité pour la jeunesse dans ce projet de loi ? En quoi va-t-il apporter une réponse aux 45 000 jeunes chômeurs supplémentaires depuis que vous êtes arrivés au pouvoir ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Présenter un texte au Parlement ne suffit pas à faire de l’université une priorité de l’action gouvernementale.

M. Philip Cordery. Vous auriez dû venir travailler en commission !

Mme Valérie Pécresse. Nous avions fait une loi d’ouverture, vous faites une loi de repli.

Nous avions fait une loi d’autonomie, vous faites une loi de contraintes.

Nous avions fait une loi de confiance, vous faites une loi de défiance.

Il aura fallu près de quarante ans pour donner un véritable contenu aux objectifs d’autonomie et d’ouverture, pourtant inscrits dans le projet d’un ministre dont notre assemblée conserve le précieux souvenir, Edgar Faure.

Oui, la loi LRU méritait d’être améliorée. Mais elle aurait dû l’être dans le sens d’un acte II de l’autonomie, non dans celui d’un retour en arrière.

Nous savons quelles orientations iraient vers une nouvelle étape de l’autonomie.

L’acte II de l’autonomie, ce serait d’abord ouvrir encore davantage les universités sur le monde en prévoyant que la moitié des membres des conseils d’administration soient extérieurs à l’établissement : des enseignants, des chercheurs, des entrepreneurs, des Français, des Européens, des étrangers, pour faire en sorte que le cœur des universités batte au même rythme que la science mondiale.

L’acte II de l’autonomie, ce serait aborder de front la question de l’échec étudiant avec des idées neuves.

D’abord, avec la mise en place d’une procédure transparente et assumée d’orientation sélective : aux universités autonomes de conduire les étudiants vers les filières où ils ont de réelles chances de réussir. Au recteur, chancelier des universités, de garantir in fine à chaque bachelier une poursuite d’études dans l’enseignement supérieur.

Ensuite, avec la généralisation des formations adaptées aux différents profils d’étudiants : ceux qui réclament davantage de suivi pour l’acquisition des savoirs, ceux dont l’aisance doit être valorisée par le développement des doubles cursus. Pour tous, systématiser les formations professionnalisantes, gages d’une meilleure insertion sur le marché du travail.

Sur la question de l’apprentissage enfin, dont vous voulez faire un cheval de bataille, je vous avertis que ce n’est pas nous qu’il va falloir convaincre : ce sont vos amis présidents de région socialistes qui, depuis des années, et par idéologie, refusent obstinément de développer l’apprentissage à l’université. Ce sont eux qui financent.

L’acte II de l’autonomie, ce serait enfin franchir une nouvelle étape dans l’évaluation en confortant l’AERES. Il faut élargir ses missions à la certification des statistiques d’insertion professionnelle des universités et à l’évaluation des formations professionnelles dispensées hors de l’université, et parfois en concurrence avec elle.

Ouverture, orientation sélective, professionnalisation, évaluation, voici les étendards de l’acte II de l’autonomie ! Sortir de ce chemin revient à dilapider en quelques mois ce qu’il a fallu des années à construire, ce qui a été construit avec et par la communauté universitaire elle-même.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

Mme Valérie Pécresse. L’heure n’est plus à jouer au Meccano institutionnel, elle est à approfondir le contenu de l’autonomie. Votre réforme se trompe de combat ! Au plan intérieur, elle affaiblira un peu plus nos universités face aux grandes écoles, et sur la scène internationale, elle les marginalise face aux grandes universités de renommée mondiale.

Tous ici, dans cette assemblée, de droite comme de gauche, nous devrions au contraire œuvrer pour faire de nos universités le cœur de notre enseignement supérieur et de notre recherche. Nous devrions tout faire collectivement pour que nos universités soient le fer de lance de notre excellence scientifique dans la compétition mondiale. Excellence, oui excellence ! Je sais que ce mot vous dérange ! Mais nous ne sommes pas ici pour mener le combat de la médiocrité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. Vous pourriez le remporter !

Mme Valérie Pécresse. Nos chercheurs le savent bien ! Chaque jour ils se battent pour être les premiers, pour être les meilleurs !

Ceci m’amène à aborder enfin la recherche. Vous découvrez la nécessité d’élaborer une stratégie nationale de la recherche. Elle existe depuis 2009.

Vous découvrez la nécessité de donner à l’université compétence en matière de transferts de technologies. Nous avons créé les sociétés d’accélération du transfert de technologies en 2010.

Vous découvrez la nécessité de valoriser le doctorat. Nous l’avons consacré en lui donnant, avec le contrat doctoral, valeur de première expérience professionnelle dès 2008.

M. Sébastien Denaja. Dommage que vous soyez minoritaire au sein de l’UMP !

Mme Valérie Pécresse. Sans parler du programme des investissements d’avenir ou du crédit impôt recherche que vous avez tant critiqués, pour aujourd’hui vous les approprier. Dans l’intérêt du pays, je vous donne acte de votre revirement.

En matière de recherche, je reconnais que vous mettez largement vos pas dans les nôtres, mais à une exception près, et elle est de taille : vous démolissez consciencieusement les financements sur projets, en privant cette année l’Agence nationale de la recherche de 120 millions d’euros de ressources.

M. Thierry Braillard. Ce n’est pas ce que disent les recteurs !

Mme Valérie Pécresse. Le financement sur projet, c’est l’avenir de la recherche. Le détruire, c’est une faute contre la science.

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis. Rien que ça !

Mme Valérie Pécresse. D’ores et déjà, le taux de sélectivité des projets est passé à 13 % dans certaines disciplines. Les premières victimes de votre politique sont les chercheurs eux-mêmes.

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis. Ça leur a échappé !

Mme Valérie Pécresse. Leurs projets, même remarquables, ne trouvent plus à être financés. Il faut rompre avec ce contresens historique et rétablir des crédits pour financer au moins 25 % des dossiers présentés. Sinon vous condamnerez des chercheurs parmi les plus remarquables à remplir des dossiers pour rien. Quelle perte de temps, quel gaspillage d’énergie ! Nous ne pouvons pas nous le permettre.

Madame la ministre, vous évoquiez tout à l’heure la mémoire d’Edgar Faure. À défaut de poursuivre son projet pour nos universités, prenez garde de ne pas accomplir l’une de ses prophéties : « L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter. »

Votre projet de loi est à l’image de la politique que vous menez depuis un an. Il n’est pas à la hauteur des enjeux que connaissent nos universités. Il constitue au mieux un frein là ou il faudrait appuyer sur l’accélérateur.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu à délibérer, et j’invite donc notre Assemblée à adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai reçu plusieurs demandes d’explications de vote. La parole est à M. Olivier Falorni, au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Mes chers collègues, une nouvelle fois le groupe UMP nous propose une motion de rejet, suivie d’une motion de renvoi. Il paraît que c’est le rôle de l’opposition. C’est en tout cas le rôle de cette opposition : privilégier la forme sur le fond, travailler plus la procédure que le bien-fondé d’un texte.

Il est vrai que le bilan de la loi LRU du 10 août 2007 est bien loin des objectifs qui avaient été fixés à l’époque, et j’appelle Mme Pécresse, après sa longue intervention en défense de sa motion procédurale, à retrouver un peu plus d’humilité.

En effet, la réforme pour l’autonomie des universités devait, à l’écouter, profondément bouleverser les modes de gouvernance et de pilotage budgétaire et financier, ouvrir l’université sur le monde professionnel et économique, apprécier et évaluer les enseignants chercheurs et, au travers d’un plan Campus, moderniser les infrastructures universitaires.

Six ans après, le bilan n’est pas bon. Les plus optimistes le qualifieraient de mitigé, les plus pessimistes de calamiteux. Pour ma part, je dirai avec mes collègues du groupe RRDP qu’il correspond à ce qu’a été le mandat de Nicolas Sarkozy : des annonces, des effets de manche, et pas grand-chose derrière tout cela.

Le plan Campus, dont on ne parle pas beaucoup, a donné peu de résultats. Six ans après, où est la douzaine de campus qui devaient être visibles à l’international ? En l’absence de financement programmé, pas grand-chose n’est sorti de terre, c’est la triste réalité.

Et pour le reste, le bilan n’est pas plus brillant. Je vous renvoie à l’excellent rapport sénatorial de Mme Gillot et de M. Dupont en date du 26 mars 2013. Il dresse les conclusions suivantes de la mise en œuvre de la loi LRU : creusement des inégalités entre filières et ouverture insuffisante des universités sur le monde professionnel. Quant à la fameuse circulaire Guéant, elle a « planté » l’attractivité universitaire de notre pays en mélangeant poursuite d’études et immigration. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Le rapport souligne également l’inefficacité du rôle des CEVU dans l’amélioration de la vie étudiante ; une gouvernance des universités trop centralisée et des regroupements universitaires insuffisamment structurants et peu stratégiques ; enfin l’absence d’interconnexion entre les outils de gestion des universités et des organismes de recherche.

Dès lors, vous comprendrez aisément que ce projet de loi est attendu, qu’il est opportun pour donner un nouveau souffle à l’enseignement supérieur et à la recherche, essentiel pour rendre à nouveau prioritaire la réussite de nos étudiants, et que le groupe RRDP ne pourra donc soutenir cette motion de rejet mais, au contraire, souhaite entamer le plus rapidement possible, c’est-à-dire maintenant, la discussion générale et la discussion des articles et amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. Benoist Apparu. Il a passé plus de temps à critiquer la loi LRU qu’à soutenir le projet du Gouvernement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Si les enseignants et les chercheurs se sont tant investis dans les Assises pour l’enseignement supérieur et la recherche, c’est parce qu’ils exprimaient une énorme volonté de changement par rapport aux lois que vous aviez fait voter, madame Pécresse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Changement dans les financements, changement dans les finalités données à la recherche, changement dans les finalités données à l’enseignement supérieur.

Si, aujourd’hui, ils sont en grève et manifestent, ce n’est pas pour revenir à votre politique, mais au contraire pour tourner définitivement la page, pour que tout ce qui se rattache encore aux choix faits par la droite au sujet de l’université et de la recherche soit abandonné au profit d’une nouvelle politique. Vous avez défendu votre politique passée, c’est pourquoi le groupe du Front de gauche votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe SRC.

M. Yves Durand. J’avoue, madame Pécresse, que j’ai été particulièrement étonné par votre intervention. Au-delà du ton employé, que j’ai trouvé parfois agressif, parfois quelque peu théâtral, (« C’est de l’éloquence ! » sur les bancs du groupe UMP), j’ai plusieurs remarques à formuler sur le fond.

J’étais, comme vous, présent lors de l’examen de la loi de 2007, et je me souviens des arguments qui avaient alors été échangés. Nous vous avions reproché de commencer par le mauvais bout, c’est-à-dire en vous attaquant d’abord à la gouvernance – même s’il s’agit effectivement d’un problème important qu’il faudra régler. Nous disions que l’essentiel était la réussite des étudiants, et vous en aviez d’ailleurs convenu, madame Pécresse. Pour cela, vous nous aviez promis un grand plan conçu à cette fin, censé suivre la loi.

Mme Valérie Pécresse. 730 millions d’euros !

M. Yves Durand. Or, vous n’avez pas tenu cette promesse. Aujourd’hui, quel est le résultat ? Un grand nombre d’étudiants ne finissent même pas leur première année de licence. La réussite et, plus largement, la condition étudiantes ne se sont pas améliorées mais, au contraire, dégradées. Par conséquent, rien ne justifie l’autosatisfaction dont vous avez fait preuve tout à l’heure.

Quand vous nous demandez de rejeter ce projet de loi, que souhaitez-vous rejeter ?

M. Patrick Hetzel. Tout ! Il n’y a rien à sauver !

M. Yves Durand. Est-ce la réforme de la licence, que vous n’avez pas faite, et qui va permettre aux étudiants, par l’instauration d’une vraie pluridisciplinarité en licence et une orientation plus progressive, de réussir ? Est-ce le fait d’ouvrir les études supérieures aux titulaires de bacs technologiques et professionnels, ce qui va permettre à des étudiants souvent issus de milieux modestes d’accéder à des études supérieures que votre politique leur interdit pour le moment ? Est-ce la mise en place de la continuité entre le secondaire et le supérieur – ce que M. Feltesse a désigné tout à l’heure par l’expression « moins trois, plus trois » ?

Mme Valérie Pécresse. Il n’y a pas besoin d’une loi pour cela !

M. Yves Durand. Si c’est ce que vous demandez, madame Pécresse, nous repousserons votre motion de rejet car, contrairement à ce que vous avez montré en ne tenant pas vos promesses, nous sommes pour la réussite des étudiants, qui est au cœur de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe UMP.

M. Patrick Hetzel. Je veux commencer par saluer le manichéisme de M. Durand : qui pourrait être contre la réussite des étudiants ? Le problème, c’est qu’il n’y a rien, dans le texte qui nous est présenté, au sujet de la réussite des étudiants !

M. Benoist Apparu. Voilà !

M. Patrick Hetzel. Il y a un énorme décalage entre les déclarations de Mme la ministre et le contenu réel de ce texte bavard.

Je veux insister sur le fait que ce texte est avant tout inspiré par le souci de défaire ce qui a été fait au cours des cinq dernières années. Pourtant, la politique qui a été menée de 2007 à 2012 en matière d’enseignement supérieur et de recherche a constitué un élan considérable, salué d’ailleurs en son temps par celui qui est devenu votre directeur de cabinet, ainsi que par un autre membre de ce cabinet, Jacques Fontanille. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

En refusant de poursuivre la dynamique que nous avions enclenchée, non seulement vous allez porter un coup d’arrêt à notre enseignement supérieur, mais vous allez revenir plusieurs décennies en arrière. Afin d’illustrer mon propos, je veux insister sur quatre points – même si les reproches que l’on peut faire à ce texte sont bien plus nombreux.

Premièrement, ce texte n’est évidemment pas à la hauteur des enjeux. Il est en décalage complet avec ce qui se passe dans l’enseignement supérieur partout en Europe et dans le monde. Votre orientation reste hexagonale, madame la ministre, alors qu’il faudrait s’ouvrir sur le monde, comme l’a indiqué Valérie Pécresse. Vous ne faites rien pour mettre en œuvre les orientations permettant de créer des champions français de la formation et de la recherche, comme le préconise le rapport de la commission Juppé-Rocard. Avec ce texte, vous mettez en péril les initiatives d’excellence – ce qui inquiète beaucoup M. Gallois – développées par le gouvernement précédent.

Deuxièmement, en matière de formation des étudiants, vous prétendez apporter des améliorations en vue d’une meilleure réussite des étudiants. Qu’il nous soit permis d’en douter. Dans votre texte, il n’y a absolument rien qui aille dans ce sens. Où sont les mesures de fond qui le permettraient ? Il faudrait soutenir le développement de filières d’excellence dans les premiers cycles universitaires, ce qui contribuerait à valoriser l’université, à la rendre plus attractive aux yeux des lycéens – mais rien de tout cela n’est fait.

Troisièmement, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités défendue par Mme Pécresse et promulguée en 2007 avait fait de l’insertion professionnelle l’une des missions de l’université. Manifestement, vous êtes très en retrait sur ce sujet. En 1960, il y avait 300 000 jeunes dans l’enseignement supérieur ; comme l’a rappelé le rapporteur Vincent Feltesse, nous avoisinons aujourd’hui les 2,5 millions de jeunes. La question de l’insertion professionnelle est devenue une question essentielle, car elle concerne les jeunes et les familles, mais a également une incidence en termes de compétitivité de nos entreprises.

Quatrièmement, votre dispositif va se traduire par la création d’une gouvernance bicéphale et la dilution du pouvoir. Le conseil d’administration de l’université voit le nombre de ses membres augmenter, mais se trouve désormais démuni d’une partie de ses prérogatives au profit d’un conseil académique pléthorique, à la tête duquel est placé un président qui ne sera pas le président de l’université. Vous désorganisez, et organisez délibérément le face-à-face de deux instances et de deux présidents qui seront très rapidement en conflit, ce qui provoquera des situations de blocage. C’est, là encore, un vaste retour en arrière.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier, même la loi Savary de 1984 avait su éviter de telles dérives. Avec votre projet, vous allez tuer la véritable autonomie, comme l’a démontré Mme Pécresse lors de la présentation de la motion de rejet préalable. Vous refusez de reconnaître que vos prédécesseurs ont mené une action positive et engagé un processus de modernisation sans précédent, ce qu’aucun autre gouvernement n’avait su faire au cours des décennies précédentes. En quelques années, nos universités françaises étaient redevenues plus attractives pour nos étudiants, nos entreprises et les universités étrangères avec lesquelles elles développent des coopérations.

En vous inscrivant en rupture avec ces avancées, au lieu de fonder l’acte II de la LRU, vous prenez une lourde responsabilité, celle de faire prendre du retard à nos universités. C’est dommage pour nos étudiants, pour la communauté universitaire et pour le pays tout entier. C’est pourquoi le groupe UMP soutient, de toutes ses forces, cette motion de rejet préalable qui relève du salut public. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDI.

M. Rudy Salles. Étant le dernier à m’exprimer dans ces explications de vote, je dois reconnaître que l’essentiel a été dit. Je cautionne, évidemment, l’intégralité de ce que vient de dire Patrick Hetzel.

Le groupe UDI n’avait aucun a priori dans cette discussion, madame la ministre, pas plus qu’il n’en avait eu lors de l’examen de la loi sur la refondation de l’école. Tout ce qui peut contribuer à construire l’avenir de notre jeunesse présente un intérêt à nos yeux, et nous souhaitons y participer. Cependant, force fut de constater que la loi sur la refondation de l’école n’a rien refondé du tout. Nous avons eu droit à un projet de loi vide et creux, bien que bavard, qui n’avait pour ambition que de détricoter ce qui avait été fait auparavant – et c’est ce que vous êtes à nouveau en train de faire, cette fois avec l’université.

J’ai été frappé, durant les débats en commission, de constater que très peu des amendements de l’opposition étaient retenus, votre volonté se résumant à établir une rupture plutôt que d’agir dans la continuité de ce qui avait été fait précédemment. Il n’y a pas, dans cet hémicycle, d’un côté ceux qui ont tort, de l’autre ceux qui ont raison, la vérité étant toujours du côté de la majorité. Sur des sujets tels que celui dont nous débattons aujourd’hui, une certaine cohérence, impliquant éventuellement une certaine continuité, devrait prévaloir.

Avec ce projet de loi, vous complexifiez à l’excès la gouvernance. Vous retirez leurs pouvoirs aux présidents d’universités et constituez de véritables usines à gaz, incontrôlables. À terme, il deviendra impossible de prendre la moindre décision. Aujourd’hui, les universités sont en grève, on a vu des manifestations se dérouler devant le palais Bourbon et les présidents d’universités ont exprimé par écrit leur émoi et leurs inquiétudes : voilà dans quel climat nous abordons ce débat. Et lorsque l’opposition dépose une motion de rejet préalable, vous refusez évidemment d’écouter l’opposition, donc d’écouter une grande partie des Français. Nous déplorons de devoir à nouveau examiner un projet de loi qui ne sert à rien.

De nombreux amendements ont été adoptés en commission, mais provenant de la majorité : sur pratiquement tous les articles, il a été proposé qu’un rapport soit remis au Parlement. Pour ma part, j’ai proposé oralement un amendement suggérant que l’on construise à l’Assemblée nationale des placards destinés à ranger tous ces rapports que personne ne lit jamais, mais qui coûtent beaucoup d’argent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le président de la commission des finances pourrait d’ailleurs peut-être invoquer l’article 40 pour dire que les rapports, ça suffit.

Pour notre part, c’est au sujet de ce projet de loi que nous avons envie de dire : « Ça suffit ! ». C’est pourquoi le groupe UDI soutient la motion de rejet préalable que Mme Pécresse vient de présenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en juillet 2007, alors que je venais tout juste d’être élue députée pour la première fois, j’ai eu la chance de monter à cette tribune pour le premier grand texte du quinquennat de Nicolas Sarkozy : la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

Avec conviction et détermination, j’ai défendu ce texte qui portait une véritable refondation de notre enseignement supérieur. Avec certitude, je savais que cette réforme était attendue par toute la communauté universitaire, dont je faisais un peu partie. Enfin, avec enthousiasme, j’étais convaincue qu’il y aurait un avant et un après loi LRU.

Pendant cinq années, j’ai suivi de très près la mise en place de cette réforme. J’ai pu constater, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, les changements intervenus dans toutes nos universités grâce aux moyens sans précédent qui ont accompagné la mise en œuvre de l’autonomie. Tour à tour, les universités françaises se sont inscrites dans cette démarche, selon un calendrier qui fut d’ailleurs plus rapide que prévu : la communauté universitaire s’est saisie de cette nouvelle opportunité car elle en a très vite mesuré les conséquences positives.

Je ne peux pourtant m’empêcher de vous rappeler les broncas que nous avions subis de la part de nos collègues situés à la gauche de cet hémicycle, qui ne cessaient de prédire une catastrophe, une révolution, nous promettant à un désastre total. Bien évidemment, rien de tout cela n’est arrivé.

Certes, cette réforme ambitieuse allait bouleverser une situation auparavant frappée d’immobilisme. Elle allait introduire les notions de performance, de mérite, de réussite, d’excellence et – pire aux yeux de certains – de compétitivité. Elle parlait d’innovation, de campus à visibilité mondiale. Elle proposait enfin de faire entrer le monde économique dans la valorisation de la recherche. En un mot, elle impulsait un véritable élan aux universités françaises.

Comme toute réforme d’importance, elle aurait pu être améliorée. On aurait pu par exemple revoir la composition du conseil d’administration et le rôle des personnes qualifiées, améliorer la lisibilité des différentes structures composant le paysage universitaire et augmenter le poids des missions d’orientation et d’insertion professionnelle confiées aux universités. Ces missions, que nous avons, je le rappelle, introduites en 2007, doivent être renforcées pour améliorer la réussite de nos étudiants.

En somme, on aurait pu tout simplement poursuivre la modernisation d’un système qui a montré son efficacité pour les étudiants et qui dispose de vrais moyens pour développer une vision stratégique à l’échelle internationale.

Au lieu de cela, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a fait le choix d’une contre-réforme, sans ambition ni vision d’avenir ! Pire, il a fait le choix du recul. J’y reviendrai.

À ce stade de mon propos, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que, contrairement aux politiques engagées par vos deux prédécesseurs, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, non seulement la réforme que vous portez n’est pas une grande réforme mais, de surcroît, on vous a fait le cadeau empoisonné d’une réduction des moyens budgétaires consacrés à l’université.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Nous y voilà !

Mme Françoise Guégot. Ce projet de loi vient en fait cacher une réalité : les moyens alloués à l’enseignement supérieur et à la recherche sont en baisse. Ce n’est tout simplement pas une priorité de François Hollande. Mais nous ne sommes plus, il est vrai, à un mensonge près !

En quoi cette réforme va-t-elle améliorer la réussite des étudiants, la gouvernance de nos universités et leur attractivité vis-à-vis des étudiants et des chercheurs étrangers ? Au dire de certains recteurs, qui se sont exprimés dans une tribune récente, vous allez au contraire « engager un nivellement par le bas et transformer nos universités en navires ingouvernables ».

Votre texte a non seulement pour objet de détruire ce qui a été fait, mais comprend de surcroît un ensemble de mesures au mieux techniques, au pire démagogiques. La polémique concernant l’article 2, qui favorise l’enseignement dans une langue autre que le français, en est la meilleure preuve. Vous avez vous-même exprimé en commission le regret de voir le débat général réduit à cette question : c’est la démonstration de la pauvreté de ce texte, qui focalise les débats sur un non-sujet.

J’articulerai cette motion de renvoi en commission autour de deux axes. Le premier a trait aux nombreux articles à revoir parce qu’insuffisamment préparés, portant sur la gouvernance bicéphale, les regroupements forcés d’établissements dans une logique exclusivement territoriale, l’absence de stratégie claire en matière d’orientation et d’insertion professionnelle des étudiants et la suppression de l’AERES.

Le second axe concerne la méthode choisie par le Gouvernement pour organiser le débat sur ce texte au sein de notre assemblée. Les conditions d’examen de ce projet de loi sont en effet inacceptables.

Sur le premier point, j’en viens immédiatement à l’essentiel : la mise à mal de l’autonomie. La loi LRU était parvenue, après de long mois de débats et une véritable politique de concertation menée avec l’ensemble des acteurs, à trouver un juste équilibre dans l’application de l’autonomie des universités. Le texte que vous présentez, même si vous n’osez pas l’avouer, remet totalement en cause cet équilibre et revient sur l’autonomie des universités.

M. Alain Claeys. C’est faux !

Mme Françoise Guégot. Vous avez choisi de créer des conseils académiques. Cette mesure pourrait paraître intéressante, si l’on se réfère aux exemples des sénats académiques étrangers. Toutefois, dans les universités étrangères comportant de telles structures, les conseils d’administration sont de taille réduite et largement ouverts à la société civile, et les sénats académiques ne sont pas ouverts aux étudiants, contrairement à ce que vous proposez par pure démagogie. Vous construisez en fait un modèle bicéphale, doté de deux structures qui représenteront chacune la même communauté universitaire.

Il est en effet assez clair que le nouveau conseil académique aura la haute main sur le recrutement des enseignants, la définition des programmes et la répartition des moyens, et qu’il exercera la tutelle sur la commission disciplinaire, toutes prérogatives qui étaient de manière cohérente dévolues au conseil d’administration, placé sous l’autorité du président de l’université, permettant ainsi l’exercice d’une autorité affichée fixant le cap.

Qui, demain, du président du conseil d’administration ou du conseil académique, tiendra la barre ? Cette question demeure à l’évidence sans réponse et contient potentiellement un premier germe de blocage du point de vue de la gouvernance.

De surcroît, vous augmentez le nombre d’élus au conseil d’administration au profit des personnels administratifs et des étudiants. Bon nombre d’organisations syndicales craignent déjà le manque de qualité des débats à venir en raison de cette composition pléthorique !

Hélas, j’irai plus loin : outre une moindre qualité des débats, votre réforme annonce surtout le retour à des conflits internes, qui paralyseront des établissements incapables de continuer à assumer leur autonomie.

Vous ne vous contentez pas, d’ailleurs, d’appliquer ce schéma aux universités : vous voulez aussi l’imposer à nos grandes écoles, qui bénéficient d’un mode de fonctionnement et d’une souplesse d’organisation qui leur ont permis, entre autres choses, de développer des liens étroits avec le monde économique.

Ce dogme de l’équité appliqué au mépris des stratégies d’émulation et de complémentarité ne s’arrête pas, hélas, à ces questions.

En effet, vous supprimez les pôles de recherche et d’enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée, au profit de communautés d’universités et d’établissements. Cette simplification, qui pourrait apparaître avantageuse sur le plan administratif, dissimule malheureusement une approche étatique imposant un modèle uniforme.

M. Alain Claeys. Mais non !

Mme Françoise Guégot. De fait, vous proposez un regroupement des établissements sur le seul fondement du critère géographique, au mépris de la diversité des situations et des projets : votre texte repose sur une logique technocratique et centralisée.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de nier l’intérêt du regroupement des universités, mais celui-ci doit reposer sur des projets communs et des compétences partagées, et non sur une logique administrative et technocratique.

La gouvernance des fameux contrats de site n’est d’ailleurs pas plus claire ni plus lisible que celle des universités elles-mêmes. Vous ne précisez pas non plus le rôle exact des régions, qui sont pourtant les principales parties au contrat. Vous avez donc non seulement cédé au dogmatisme mais également à la précipitation, alors que ce débat nécessitait du temps et de la discussion !

Vous allez créer des « méga-universités » gérées par des structures qui se superposeront aux établissements qui la composent. Quelle usine à gaz ! Nous aurons des entités, constituées d’un empilement de conseils, sous la tutelle de l’État. Quelle performance ! Nous sommes bien loin de l’autonomie attendue. Il est vrai que ces structures imposées d’en haut faciliteront le travail de l’administration centrale.

Vous faites l’exact opposé de ce que nous avions réalisé ces cinq dernières années, à savoir la mise à la disposition des établissements des outils juridiques adaptés à leurs projets stratégiques. Vous allez, quant à vous, les soumettre à un seul et même cadre juridique.

Autre preuve de dogmatisme : vous ne mentionnez les établissements supérieurs privés qu’au sein du seul article 42, qui vise à les punir.

En résumé, s’agissant de l’autonomie, votre texte est régressif et va à coup sûr briser la dynamique engagée ces dernières années.

Venons-en à présent à la réussite des étudiants et à leur insertion professionnelle.

Vous affichez des objectifs que nous ne pouvons que partager s’agissant de l’avenir de notre jeunesse, mais vous vous bornez à de simples déclarations d’intention dépourvues de mesures d’application concrètes.

De surcroît, on se doit de constater une absence complète de réflexion sur le financement des quelques rares mesures que vous nous proposez : je pense en particulier au développement des ressources numériques pour la mise en ligne des enseignements à l’université.

J’ai toutefois relevé, dans votre texte, quatre points concernant la réussite des étudiants : l’introduction de quotas pour favoriser l’accès des étudiants titulaires d’un bac professionnel ou technologique aux IUT, la possibilité d’enseigner en anglais, la réorganisation de la sélection des étudiants de médecine et la mise à disposition de cours numériques.

Voilà une stratégie bien maigre en termes d’aide à la réussite des étudiants. Que dire de l’accompagnement à l’orientation, totalement absent, et de l’insertion professionnelle, qui n’a pas droit à un article ?

Vous allez perpétuer les mêmes pratiques d’enseignement, devant des auditoires d’étudiants que leur trop grande hétérogénéité tire inéluctablement vers le bas.

Le rattachement apparent des classes préparatoires n’améliorera en rien la réussite des étudiants à l’université. Plutôt que d’introduire des quotas dans les IUT, n’aurait-il pas fallu se demander pourquoi ces structures fonctionnent mieux que les universités et en tirer les conséquences pour le premier cycle universitaire ?

Pourquoi ne pas proposer la création de filières d’excellence dans les premiers cycles, attractives pour les meilleurs bacheliers, ce qui permettrait une saine émulation avec les étudiants des classes préparatoires ?

Pourquoi enfin, ne rien prévoir, à proprement parler, en matière d’orientation ? Il est vrai que cela aurait imposé d’ouvrir le débat sur la sélection et d’accorder un peu plus de place à l’enseignement par alternance. Voilà pourquoi vous refusez ce débat. J’ai noté, en commission, combien le concept de la sélection vous était insupportable, au point que vous préférez parler de réorientation, comme l’a souligné clairement notre collègue Benoist Apparu.

Pourtant, il faut bien assumer notre responsabilité collective face à tous ces jeunes – et à leurs familles – qui se perdent chaque année dans un système universitaire où ils ne peuvent trouver leur place.

Nous nous étions efforcés de renforcer la transparence sur les taux de réussite aux examens et les taux d’insertion professionnelle après l’obtention d’un diplôme : ces mesures auraient dû être développées.

Faciliter la formation en apprentissage à l’université aurait été un signe fort à l’attention des étudiants qui, sans être incapables d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur, ont besoin d’une vision concrète. Là encore, il aurait fallu accepter d’accorder davantage d’autonomie aux établissements et entendre les représentants du monde économique, qui n’ont pas été auditionnés sur ce texte : ni le MEDEF, ni la CGPME, ni aucune fédération professionnelle n’a été entendu par le rapporteur (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Hetzel. Eh oui, c’est très juste !

Mme Françoise Guégot. Au lieu de cela, vous faites totalement l’inverse, en décidant la disparition de spécialités de masters, ce qui conduit à l’anonymat des diplômes et, par voie de conséquence, à un nivellement par le bas.

Je terminerai mon propos relatif au contenu de ce projet par un point qui me tient à cœur, celui de l’évaluation. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur sera remplacée par un haut conseil qui ne fera en principe que valider les procédures d’évaluation. L’évaluation va donc devenir décentralisée alors que, dans le même temps, les universités perdent en autonomie au profit de superstructures régionales. C’est exactement l’inverse de ce qui se pratique chez nos voisins.

Étant donné l’heure tardive à laquelle ce sujet est arrivé en commission – 4 heures du matin –, après sept heures de débat ininterrompu, il est évident que cette question n’a pas pu bénéficier des échanges qu’elle aurait mérités.

Tout ceci permet à mon sens de cacher les vrais enjeux d’une évaluation transparente, tant sur la qualité que sur l’adéquation des enseignements et les travaux de recherche de nos laboratoires universitaires.

J’en viens à présent aux conditions dans lesquelles nous avons examiné ce texte.

De nombreux parlementaires, appartenant à tous les groupes de notre assemblée, ont constaté, pour le déplorer, le mépris qui était affiché envers le Parlement et ont dénoncé une méthode expéditive et un travail législatif inefficace.

Comment admettre un tel déni de notre démocratie ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) N’est-ce pas, également, mépriser l’ensemble de la communauté universitaire en lui opposant un message que l’on pourrait résumer ainsi : « circulez, il n’y a rien à voir ! »

Mme Julie Sommaruga. Je rêve !

Mme Françoise Guégot. Vous faites en effet le choix de la procédure d’urgence, limitant ainsi l’examen du texte à une seule lecture : en quoi cette procédure était-elle justifiée, qui plus est au regard du contenu de ce texte ? Vous déclarez l’urgence alors même que vous êtes aux commandes depuis plus d’un an ! Vous déclarez l’urgence alors que vous reportez, au dernier moment, l’examen du texte pour intercaler le projet de loi relatif au mariage pour tous !

Vous faites ensuite le choix du temps programmé, en plafonnant la durée maximale d’examen du texte à 30 heures à l’Assemblée nationale, et restreignez ainsi le temps de délibération du Parlement.

Que dire du travail en commission ? Pour s’adapter à l’agenda de la ministre, les députés ont dû examiner le texte de manière très inhabituelle jusqu’à cinq heures du matin jeudi dernier !

Comme si cela ne suffisait pas à rendre difficile le travail législatif, vous avez porté une atteinte grave au droit d’amendement des députés. En effet, vendredi à quatorze heures, le texte de la commission n’était toujours pas en ligne et les députés ne pouvaient donc pas déposer leurs amendements. Le report du délai de dépôt à dix-sept heures samedi, en plein week-end de Pentecôte, alors que l’examen du texte devait débuter le mercredi suivant, était surréaliste !

M. Yves Durand. On travaille le lundi de Pentecôte, grâce à M. Raffarin…

Mme Françoise Guégot. Ces conditions de travail sont tout simplement inacceptables. Elles ne permettent pas d’effectuer un examen serein et de qualité sur un texte qui porte sur un sujet essentiel : l’enseignement supérieur et la recherche. Il s’agit de l’avenir de nos universités, donc de notre pays et de nos enfants. Cette attitude est pour le moins méprisante.

Pour toutes ces raisons, de fond comme de forme, au nom du groupe UMP, je demande le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite réagir très spontanément à la fin de l’intervention de Mme Guégot.

Je pensais que la motion de renvoi en commission qu’elle défendait avait été déposée par le groupe UMP afin de poursuivre le débat en commission, ses membres jugeant qu’un certain nombre de points du texte méritaient d’être approfondis.

J’avoue, chère collègue, avoir éprouvé de la surprise en vous écoutant. Je regrette que vous n’ayez pas été suffisamment disponible pour assister aux dix-sept heures de travail que notre commission a consacrées à ce texte,…

M. Luc Belot et M. Pascal Deguilhem. Très bien !

M. Bernard Gérard. Il n’y avait rien sur le fond !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. …car si cela avait été le cas, comme pour certains de vos collègues ici présents – Patrick Hetzel, Annie Genevard, Virginie Duby-Muller, Dominique Nachury, Daniel Fasquelle, qui était présent sur l’article 2, et quelques autres –, vous en auriez une vision très différente et plus juste.

Sur l’urgence, il reviendrait sans doute plus légitimement à Mme la ministre qu’au président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation que je suis de vous répondre. Toutefois, nous reprocher la procédure d’urgence alors que vous l’avez utilisée de manière systématique, durant la dernière législature, sur presque tous les textes soumis à l’examen de notre Assemblée,…

M. Éric Woerth. Vous nous l’avez suffisamment reproché !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. …voilà qui relève presque de l’impudeur.

M. Bernard Gérard. Et vous, vous êtes exemplaires !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. En effet, il s’agit uniquement de voter définitivement ce texte assez vite pour qu’il s’applique dès la prochaine rentrée scolaire, dans l’intérêt même du monde universitaire et des étudiants, (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) puisque ce projet de loi a pour objectif la réussite de tous les étudiants.

M. Benoist Apparu. Pourquoi nous l’avoir reproché ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Sur le temps législatif programmé, je suis un témoin vivant, si je puis dire, des échanges qui ont eu lieu en Conférence des présidents : quand le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a proposé de fixer la durée maximale pour l’examen du texte à vingt-cinq heures, la seule observation du président du groupe UMP Christian Jacob a été de demander trente heures, et cette décision n’a suscité ni débat ni contestation.

MM. Luc Belot, Pierre Léautey et Pascal Deguilhem. Alors ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Les travaux de la commission n’ont pas été organisés en fonction de la disponibilité de Mme la ministre. Dès lors que celle-ci nous a fait part de sa volonté d’être présente – et je l’en remercie, car cela a rendu notre travail en commission passionnant et incontestablement performant – nous avons très logiquement fait le choix de ne pas siéger le mercredi matin pour permettre à Mme la ministre de participer à l’ensemble de l’examen du texte en commission.

Lorsque, dans la nuit de mercredi à jeudi, s’est posée la question de savoir si nous devions cesser nos travaux à une heure plus décente que cinq heures du matin, j’ai souhaité consulter tous les groupes représentés au sein de la commission. Tous ont exprimé le souhait de poursuivre dans la nuit afin de ne pas siéger le jeudi matin.

MM. Luc Belot, Pierre Léautey et Pascal Deguilhem. Alors ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Cela était d’autant plus nécessaire que, si nous avions achevé l’examen de ce texte jeudi en fin d’après-midi ou en soirée, la publication du texte de la commission en aurait été davantage retardée.

Comment pouvez-vous dire que le travail en commission a été bâclé alors que nous y avons consacré dix-sept heures ? Je rappelle que la commission avait consacré vingt heures au projet de loi de refondation de l’école de la République, soit un temps à peu près équivalent.

M. Yves Durand. Voilà !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Nous avons d’autant moins bâclé le travail en commission que, je vous le rappelle, chers collègues, nous avons réussi collectivement à examiner sept cent soixante amendements et, je pense que c’est un record, à en adopter deux cents, qui émanaient tant de la majorité que de l’opposition.

MM. Luc Belot, Pierre Léautey et Pascal Deguilhem. Alors ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Intégrer deux cents amendements au projet de loi pour qu’il devienne le texte de la commission a pris du temps. C’est le seul point sur lequel je suis prêt à faire repentance : …

Mme Julie Sommaruga et M. Yves Durand. Surtout pas !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. …nous avions promis de rendre le texte de la commission disponible vendredi matin, il ne l’a été qu’à quinze heures vingt exactement.

Telles sont les réponses que je voulais apporter pour que ne soit pas dévalorisé dans cet hémicycle le travail effectué au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation,…

M. Yves Durand. Très bien ! Voilà !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. …travail auquel ont participé de manière assidue des députés tant de la majorité que de l’opposition, dans le meilleur climat possible et avec la participation jusqu’à la dernière minute de Mme la ministre. Ce travail que nous restituons aujourd’hui dans l’hémicycle va, je le pense, grandement faciliter l’examen de ce texte en séance.

De ce fait, madame Guégot, chère collègue, je suis désolée de vous répondre que, de mon point de vue, les arguments que vous développez dans la dernière partie de votre motion de renvoi en commission ne sont pas recevables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne votera pas cette motion de renvoi en commission.

M. Yves Durand. Très bien !

M. Thierry Braillard. Madame Guégot, en vous écoutant, j’ai feuilleté mes archives et j’ai retrouvé un extrait de l’interview d’un certain Alain Juppé dans le Journal du dimanche du 20 mai 2007. Il y disait ceci : « En politique, la nostalgie n’est pas bonne conseillère ».

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Thierry Braillard. Et en écoutant Mme Pécresse,…

M. Yves Durand. Elle est déjà partie !

M. Thierry Braillard. Déjà ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Braillard a la parole ! Veuillez le laisser s’exprimer, s’il vous plaît !

M. Thierry Braillard. En écoutant Mme Pécresse, j’ai cru comprendre que la loi LRU avait rempli un vide, et qu’il y avait un avant et un après 2007, comme s’il ne s’était rien passé avant 2007.

J’ai donc effectué une deuxième recherche et je me suis rendu compte que cette lecture des faits n’était pas très sympathique pour M. Fillon, qui était en charge de l’enseignement supérieur en 2005 – mais qu’a donc fait M. Fillon ? – ni pour MM. de Robien et Goulard. En effet, à vous entendre, tout a commencé en 2007, ce qui prouve d’ailleurs l’inanité des politiques qui avaient été mises en œuvre auparavant.

Les dispositions actuellement en vigueur sont celles de la loi LRU. Les radicaux de gauche n’ont jamais jugé nécessaire de revenir sur le principe d’autonomie des universités. Notre pays connaît depuis 1968 un mouvement d’autonomisation des universités qui n’a pas vocation à s’arrêter. Les universités souhaitent d’ailleurs un renforcement de leurs moyens et une amélioration des mécanismes afin de pouvoir exercer cette autonomie dans des conditions optimales.

Tel est l’objet du projet de loi, qui vise à clarifier les responsabilités afin que l’État ne soit plus, ainsi que le déplorent dans leur récent rapport d’information les sénateurs Dominique Gillot et Ambroise Dupont, « appelé à la rescousse comme un remplaçant de son banc de touche ». Permettez-moi de citer la conclusion de cet excellent rapport : « Reste que la demande de transparence, de sincérité budgétaire, de respect des critères de dotation équilibrée pour faire vivre l’enseignement et la recherche au bénéfice de la réussite étudiante, de respect des filières, des statuts et de la qualité de vie professionnelle des enseignants-chercheurs, est très forte. Les universitaires veulent de la reconnaissance. Dévoués à leur mission, ils ont conscience de leur rôle dans la structuration de notre société, de leur place dans l’effort de redressement de la nation. Ils souhaitent que cela soit bien perçu par les “ autorités ” dont ils se revendiquent. »

Chers collègues, le projet de loi présenté par le Gouvernement répond à ces attentes.

Tout à l’heure, vous avez évoqué la défiance et la confiance, mais ce ne sont que des mots ; ce que nous souhaitons pour notre part, ce sont des résultats, madame Pécresse. Et l’objectif affiché par le projet de loi est d’atteindre enfin le taux de 50 % d’une classe d’âge diplômés de l’enseignement supérieur, de faire du doctorat une voie d’excellence dont la valeur serait reconnue, tout comme le serait celle de la fonction de chercheur en général. Cessons donc de nous chicaner sur la forme et passons enfin au fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe SRC.

M. Pascal Deguilhem. Chère collègue, je n’ai pas trouvé dans la défense de votre motion de renvoi en commission – mais il en va souvent ainsi – les raisons qui justifieraient ce renvoi.

En tout état de cause, le renvoi en commission ne nous permettrait pas de vous faire changer d’avis sur ce texte de manière substantielle. Nous avons bien compris en écoutant votre intervention et celle de Mme Pécresse que, du fait de votre attachement indéfectible à la loi LRU de 2007 – ce qui est bien naturel –, vous êtes dans l’incapacité d’en apprécier les effets et d’accepter que ses dispositions soient modifiées, comme le présent projet de loi tend à le faire.

On l’a dit, nous avons examiné ce texte en commission pendant dix-sept heures. Je tiens à souligner, et les collègues de l’opposition qui étaient présents ne me contrediront pas, que nos échanges ont été constructifs. Des amendements de tous les groupes, y compris de l’opposition, ont été adoptés pour améliorer un texte qui présentait quelques lacunes ici ou là.

Le ton en commission était d’ailleurs beaucoup plus apaisé. Je n’ai pas entendu Mme Pécresse s’exprimer durant ces travaux, mais la tonalité des débats était d’une nature tout à fait différente et nous nous en satisfaisions.

Ce texte ne mérite ni excès d’honneur – madame la ministre, veuillez m’excuser d’utiliser cette formule – ni excès d’opprobre ou d’indignité. Les propos que vous avez tenus en commission étaient tout à fait proportionnés, chères collègues, et le texte aurait mérité que vous défendiez avec plus de mesure les motions qui ont été déposées.

Un certain nombre d’éléments doivent en effet être rappelés. De trop nombreuses universités connaissent une période difficile, et cette situation date non pas d’aujourd’hui mais d’hier, elle existait déjà auparavant. Non, la réussite des étudiants n’a pas atteint le niveau attendu. Oui, nous maintenons sur ces bancs que la loi LRU en porte en partie la responsabilité – pas totalement, bien sûr.

L’accès à l’autonomie, que bien entendu nous ne remettons pas en cause – il n’en a jamais été question – , n’a pas bénéficié, vous le savez bien, des moyens nécessaires. Et, sur la question de la gouvernance, la LRU avait érodé les principes démocratiques appliqués dans la gestion des universités.

Contrairement à ce que vous affirmez, la volonté du Gouvernement à travers ce projet de loi n’est pas de tout remettre en cause. Certains parmi nous auraient peut-être même souhaité aller plus loin. Ce projet de loi est la simple traduction d’engagements présidentiels : conduire 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur, et ce, sans mettre en cause l’exigence d’excellence, comme vous l’avez avancé de façon hâtive et caricaturale, et en poursuivant l’ouverture de l’université sur son environnement économique, social, culturel et international. Sur la gouvernance, sur l’organisation du paysage universitaire, sur l’orientation, sur les consultations préalables – vous avez évoqué le MEDEF, qui n’avait pas daigné venir –, votre propos est émaillé de nombreuses contrevérités.

Sur les bases de la loi LRU, ces dernières années ont été marquées par une orientation qui donne la priorité à la compétition, qui tend à ne faire émerger qu’un petit nombre d’universités, celles qui sont les plus privilégiées, au détriment du développement d’un enseignement supérieur harmonieusement réparti et ouvert au plus grand nombre.

En somme, si ce projet de loi n’est pas si extraordinaire sur le fond et sur la forme, c’est que l’on a souhaité l’adosser à un ensemble de textes. Le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas besoin d’un bouleversement, mais d’une amélioration. C’est ce que vise ce texte. Il n’y a aucune raison de le renvoyer en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Si j’étais la ministre, je ne serais pas contente !

M. Pascal Deguilhem. Pourquoi donc ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe UMP.

Mme Annie Genevard. Beaucoup s’accordent à penser que la loi LRU relative aux libertés et responsabilités des universités, portée par notre collègue Valérie Pécresse, est à bien des titres l’une des plus importantes du quinquennat précédent. Beaucoup en prédisaient l’échec ; sa pertinence s’est imposée.

L’université française, devenue, hélas, un repoussoir pour beaucoup de jeunes et de conseillers d’orientation, en avait grand besoin. Il fallait la réformer d’urgence, restaurer la légitimité de la performance et de l’excellence. Il n’y a pas de grande nation sans grande université.

Comme notre oratrice l’a excellemment dit, l’un des aspects les plus discutables de votre projet de loi, madame la ministre, concerne la gouvernance bicéphale. Décidément, vous aimez les binômes ! Sans doute s’agit-il de ce que l’on appelle « mettre le système en tension », mais je doute que l’université ait besoin de cela.

Il lui faut plutôt de la stabilité, ce qui implique de laisser les réformes s’installer. Est-il raisonnable de bouleverser les choses tous les cinq ans ? Seule l’impérieuse nécessité de déconstruire systématiquement les réformes du précédent gouvernement s’est imposée à vos yeux. Voilà une bien pauvre motivation ! C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous approuvons cette motion de renvoi en commission, très bien défendue par notre collègue Françoise Guégot, qui s’exprimait au nom de notre groupe. Nous condamnons l’attaque ad hominem – ad feminam, devrais-je dire – (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) dont elle vient d’être l’objet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Nous souhaiterions que le texte revienne en commission des affaires culturelles et de l’éducation. D’abord parce que les travaux y sont d’une très bonne tenue, monsieur le président, et que nous avons plaisir à y siéger. Vous y êtes pour beaucoup, car vous savez créer les conditions du dialogue, ce qui est agréable pour les commissaires – tous peuvent en attester.

Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est qu’il y a effectivement l’urgence, alors que nous devrions pouvoir consacrer un peu plus de temps à un texte tel que celui-ci.

Par ailleurs, il n’y a pas eu de concertation avec l’extérieur. Comme cela a été dit tout à l’heure, un certain nombre d’organisations n’ont pas été entendues.

M. Pascal Deguilhem. C’est qu’elles n’ont pas voulu venir !

M. Rudy Salles. Ce n’est pas vrai : la CGPME n’a pas été invitée ! Il ne faut pas caricaturer et dire n’importe quoi. Sur un tel sujet, la concertation aurait dû être beaucoup plus importante.

D’autre part, vous dites que nous avons adopté en commission 200 amendements, sur 750. Mais combien d’entre eux étaient-ils présentés par l’opposition ? Et quelle est leur portée ? Oui, je vous remercie d’avoir accepté des amendements de l’UDI aussi importants… mais excusez du peu : ce sont, pour la plupart, des amendements de précision !

Ces amendements ont été acceptés par le Gouvernement : je remercie, à cet égard, Mme Foriaso d’avoir été présente en commission, contrairement au ministre de l’éducation nationale, qui, lui, a refusé de venir au motif qu’il souhaitait laisser aux députés leur liberté et qu’il ne voulait pas risquer de leur imposer le joug du Gouvernement – comme si cela pouvait être le cas !

Nous aurions pu aller plus loin en commission et examiner en profondeur les amendements qui ont été déposés.

Le fait qu’il s’agisse d’une loi d’orientation a été souligné. Mais c’est précisément là que le bât blesse ! Aujourd’hui, la plupart des acteurs de l’enseignement supérieur s’inquiètent des moyens consacrés à l’université. Comme ce n’est pas une loi de programmation, on sait très bien à quoi s’attendre : pas grand-chose !

Enfin, j’aurais souhaité que la commission puisse auditionner de façon conjointe la ministre de l’enseignement supérieur et le ministre de l’éducation nationale, puisque nous avons passé notre temps à insister sur le fait qu’il fallait une continuité entre le lycée et l’université. Il est arrivé à plusieurs reprises que la ministre se défausse sur certains sujets, soucieuse de ne pas marcher sur les plates-bandes de son collègue. Je m’excuse, mais j’estime qu’il est de mon devoir, en tant que député, de marcher sur les plates-bandes de tous les membres du Gouvernement. J’estime qu’il aurait été très utile d’entendre les deux ministres en charge de l’éducation.

Pour toutes ces raisons, je soutiens, au nom du groupe UDI, cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche répond à une véritable attente en affichant un objectif, la réussite des étudiants. Ce texte intervient à un moment où la situation de l’université est préoccupante et où, devant le défi de la compétitivité, le rôle et le poids de la recherche sont questionnés.

Nous constatons avec satisfaction qu’il s’agit du premier texte de loi qui rend indissociables l’enseignement supérieur et la recherche. Cette volonté est audacieuse ; elle devrait pourtant relever de l’évidence. Donner à la jeunesse un niveau de formation élevé, c’est fournir à la France le moteur dont elle a besoin pour devenir compétitive sur la scène internationale.

Cette impulsion est nécessaire pour notre pays. L’état actuel de nos universités et de notre recherche n’est pas satisfaisant et nous pouvons déplorer que les universités françaises soient si mal positionnées dans les classements européen et mondial.

Le fait que le Gouvernement propose, dès l’article 2, que nos universités offrent des enseignements en langue étrangère ne peut être qu’applaudi, tant il est nécessaire de rattraper notre retard. J’entends les critiques et les craintes, qui émanent parfois de personnalités éminentes, mais je reste intimement persuadé qu’elles demeureront infondées.

Cette volonté ne fait que rétablir et inscrire dans la loi des pratiques courantes et déjà bien installées. J’entendais ce matin un membre du collège de France reconnaître l’existence de telles pratiques, mais se demander comment les députés pourraient les régulariser. Mes chers collègues, n’est-ce pas notre rôle, face à une désobéissance civile, de régulariser la situation et de faire d’une réalité une évidence ?

Des études récentes ont montré qu’un quart des universitaires français donnent des cours en langues étrangères et que, dans les laboratoires de recherche, huit chercheurs sur dix jugent que l’anglais est devenu l’usage dans leurs travaux. Loin de rester cantonnée à l’apprentissage de l’anglais, cette démarche sera aussi utile pour favoriser une coopération transfrontalière avec l’Allemagne ou l’Italie, par exemple.

L’article 2 permet en outre de réduire les écarts entre les universités et les grandes écoles, où des enseignements sont largement dispensés en langue étrangère, alors même que des étudiants de même niveau à l’université ne disposent d’aucun enseignement comparable.

L’État a le devoir de ne pas laisser se creuser le fossé entre l’enseignement supérieur public et l’enseignement supérieur privé. Donner un nouveau souffle à l’université et permettre aux étudiants qui en sortent d’accéder à des emplois de qualité, ce n’est pas, que je sache, mettre à mal la culture française !

Par ailleurs, cette avancée permettra d’attirer des étudiants étrangers, qui suivront également des cours dispensés en français, et qui participeront au repositionnement et à l’attractivité de nos universités sur la scène internationale.

Enfin, il faut faire confiance à la force de notre culture et à notre langue, qui est toujours reconnue mondialement, voire jalousée.

Pour que l’université et la recherche retrouvent une place de premier rang, des efforts doivent être faits afin de lutter contre l’échec des étudiants. Les chiffres sont là : seulement 43 % des 25-34 ans atteignent le niveau Licence. En outre, trop d’échecs sont encore à déplorer à l’issue de la première année universitaire.

Ce texte de loi comporte trois avancées. Tout d’abord, il favorise la continuité des enseignements entre le lycée et l’enseignement supérieur. Cela va dans le bon sens. Par ailleurs, l’article 18 permet aux bacheliers des filières professionnelles et technologiques une meilleure insertion dans les instituts universitaires de technologie, en leur accordant notamment un pourcentage minimal d’accès prioritaire. Enfin, l’article 22 du projet de loi prévoit que les étudiants de première année en études de santé pourront se réorienter dès huit semaines après le début celle-ci, sans perdre pour autant leur année en cours.

Améliorer l’orientation et la réorientation des étudiants passe aussi par une meilleure lisibilité des diplômes. Les étudiants et les employeurs se perdent actuellement dans le dédale des intitulés de licence et de master : vous avez donné le chiffre en commission, madame la ministre, il n’en existe pas moins de 8 000 ! Il en va de la compétitivité de notre pays ainsi que d’une meilleure insertion professionnelle des étudiants et des chercheurs. Sur ce point, le groupe RRDP a déposé des amendements, dont certains ont déjà été adoptés en commission.

Nous avons également déposé un amendement à l’article 15, qui vise à favoriser la réussite des étudiants et leur insertion professionnelle, en faisant en sorte que l’organisation des stages fasse partie intégrante de la politique des organismes universitaires. Nous espérons que nos arguments seront entendus.

Le groupe RRDP souhaite par ailleurs que le Gouvernement réfléchisse au statut des enseignants chercheurs et doctorants. Nous proposons, par deux amendements à l’article 47, de favoriser l’insertion des titulaires d’un doctorat dans les postes de cadres de la fonction publique. De plus, la reconnaissance des doctorants ne passe-t-elle pas par la possibilité de porter et de montrer son titre ? C’est bien avec eux que naissent les découvertes, les nouveaux savoirs, et que vit la recherche. Je sais, depuis la réunion de notre commission de ce matin, que M. le rapporteur a émis un avis favorable à cette proposition. Je l’en remercie et j’espère que notre assemblée le suivra.

Malgré toutes les avancées positives de ce projet de loi, permettez-moi, madame la ministre, une petite impertinence. Il ne faut pas être plus jacobin que girondin ! L’État, par ce projet de loi, tente quand même de reprendre l’initiative de l’enseignement supérieur et de la recherche au détriment des régions, principalement, et des autres collectivités. Cela ne permet pas une réelle décentralisation, chère aux radicaux de gauche, alors même que le présent projet de loi réaffirme l’intention d’une autonomie des universités et que les nouvelles orientations en matière de gouvernance permettent une plus grande collégialité des décisions.

Néanmoins, réunir sous un même projet les préoccupations du milieu universitaire et celles de la recherche est un geste particulièrement fort, que le groupe RRDP soutiendra avec conviction et enthousiasme.

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Thierry Braillard. Permettez-moi d’en venir à ma conclusion, madame la présidente, elle est encore plus positive !

Mme la présidente. Je vous en prie.

M. Thierry Braillard. Le Gouvernement a besoin d’entendre que des partis le soutiennent.

M. Gérald Darmanin. C’est certain, il en a besoin !

Mme la présidente. Vous êtes seul juge !

M. Thierry Braillard. Il est de notre devoir de nous assurer que l’ascenseur social…

M. Yves Censi. Qui n’est plus qu’un escalier !

M. Thierry Braillard. …, auquel nous sommes tant attachés, soit toujours impulsé par nos universités. La finalité des cycles universitaires doit rester l’emploi. Il en va de la réussite de nos étudiants, de l’insertion professionnelle de nos jeunes diplômés, de la qualité de notre recherche, de la compétitivité de notre pays et de sa place dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR.

Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, « remettre l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique » était l’une des propositions phares du candidat François Hollande lors de la campagne présidentielle.

Cet objectif nous a amenés à débattre d’un projet de loi de refondation de l'école, dont le volet de programmation portait la création de 60 000 postes sur cinq ans. Nous pensions que la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche afficherait une ambition équivalente. Ce n'est pas le cas.

Vous nous avez, madame la ministre, expliqué en commission que vos objectifs seraient soumis aux arbitrages budgétaires. Les moyens d’une vraie ambition nationale pour le développement des connaissances, pour l’acquisition et la production des savoirs ne sont donc pas pour l’instant au rendez-vous, alors que les besoins sont immenses. Il nous fallait une loi de programmation ; elle n’est pas là, même si la commission a adopté l’idée d’une future programmation pluriannuelle des moyens.

Vous avez procédé à une concertation du monde universitaire et de la recherche lors d’assises, dans lesquelles la communauté scientifique s’est fortement impliquée. Or aujourd’hui, à l’appel de leurs syndicats – FSU, CGT, FO et Solidaires – et de nombreux collectifs – « Sauvons la recherche », « Sauvons l’université » …–, les universitaires et les chercheurs sont dans la rue pour demander le retrait de votre projet de loi.

Vous n’avez pas su ou pas pu, semble-t-il, tenir compte de la richesse de leurs propositions et recommandations. Alors qu’ils s’attendaient à une remise en cause claire de la loi LRU et du Pacte pour la recherche mis en œuvre par la majorité précédente, les universitaires et les chercheurs constatent que le décollage n’a pas eu lieu.

Ils contestent le rôle assigné par l’article 4 à l’université et à la recherche, et sa logique de compétitivité qui fait écho à celle du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. En fait, vous substituez à l’essor économique, social, culturel et industriel ce concept de compétitivité, ultime avatar du néolibéralisme. Vous soumettez ainsi la recherche à une logique concurrentielle, au lieu d’en faire l’instrument d’une production durable permettant de répondre aux besoins des êtres humains.

Notre pays a besoin au contraire, pour son essor scientifique et culturel, d’un développement exponentiel des coopérations, d’une mise en commun des ressources et des compétences intellectuelles, à l’intérieur de l’Hexagone mais aussi à l’échelle européenne et mondiale.

La compétitivité, alliée à la régionalisation, accentuée par amendement à l’article 12, ne correspond ni aux aspirations ni à la pratique scientifique du monde universitaire et de la recherche.

Cette fuite en avant dans la mise en place de grands complexes universitaires, mettant en concurrence régions ou métropoles, est dangereuse. Une vision régionale ne peut remplacer la cohérence du service public et n’assure en rien l’égalité d’accès aux droits portée par la République et pourtant affirmée à l’article 1er.

Vous nous dites, madame la ministre, que ce projet de loi a avant tout pour but la réussite des étudiants. L’objectif est juste, et je me félicite à cet égard que la formation initiale n’ait pas été boutée hors du code de l’éducation ! Mais, pour parler réussite, il faut traiter de la question des inégalités sociales. Je partage d’ailleurs ce qu’en dit l’exposé des motifs du projet de loi, qui indique que notre système « révèle son incapacité à assurer des parcours d’orientation et de formation réussis aux jeunes issus des familles les plus modestes ».

Or, pour répondre à ce défi, vous n’avancez ni sur l’allocation d’autonomie pour les étudiants ni sur l’idée d’un véritable prérecrutement des futurs enseignants. Aussi, face à ces manques, veux-je insister sur le besoin de développer l’aide sociale aux étudiants, par l’intermédiaire du CNOUS et des CROUS, et ce d’autant plus que nous avons appris le gel d’une partie des dotations à ces organismes.

Je me réjouis que nos amendements sur les nouvelles missions de l’observatoire de la vie étudiante et sur le développement des œuvres universitaires aient été acceptés en commission.

Vous avez également, madame la ministre, argumenté sur la réussite des étudiants, favorisée selon vous par une réforme du premier cycle visant une spécialisation moins précoce. Dans son rapport, M. le rapporteur nous précise qu’une réforme de l’orientation aura bien lieu. À la suite du séminaire gouvernemental sur la compétitivité, le Premier ministre a en effet annoncé que serait « amorcée, dès 2013, la mise en place d’un nouveau service public de l’orientation, du secondaire au supérieur ». Un peu plus loin, le rapporteur précise : « Une réforme globale du cycle licence fera l’objet de mesures d’ordre réglementaire ». Notre rapporteur nous indique donc que des mesures seront prises, mais elles ne figurent pas dans ce projet de loi ! Vous comprendrez, madame la ministre, que l’importance du sujet puisse nous porter à demander des précisions quant à vos intentions sur ces deux questions.

Je voudrais, à ce point de mon propos, m’arrêter plus particulièrement sur le lien entre l’université et les bacheliers professionnels et technologiques. Le projet initial leur permettait de bénéficier d’un système de quotas pour intégrer prioritairement les STS et les IUT, ce qui nous semblait une mesure qui, à défaut de couvrir l’ensemble du cursus, nous semblait très intéressante pour les jeunes concernés.

Je m’inquiète de voir des amendements gouvernementaux à l’article 18 soumettre ces quotas à une négociation avec les chefs d’établissement concernés, les lycées privés étant, eux, exonérés de l’obligation de signer des conventions avec l’université. Le problème reste donc posé pour ces jeunes, qui risquent d’être soumis au bon vouloir de ce que l’on appelle le milieu socio-économique de leur région et de se voir empêcher d’intégrer des cursus de second cycle et de recherche.

La réussite, c’est aussi l’égalité républicaine devant le diplôme. Or, malgré l’article 1 bis nouveau, affirmant que l’État est le garant de l’égalité, nous craignons un glissement inéluctable vers des diplômes de groupements d’universités, accroissant d’autant les inégalités territoriales et sociales.

Si on fait le lien avec l’acte III de la décentralisation, ce qui nous est proposé peut conduire à l’éclatement du service public national, au profit d’une organisation régionale d’inspiration européenne. C’est ainsi que nous comprenons le glissement entre habilitation et accréditation, en lien avec la création des communautés d’établissements.

Si je me félicite que la commission ait adopté un amendement n’autorisant pas les établissements privés à délivrer des diplômes nationaux, le fait que le périmètre d’action du CNESER n’ait pas été accru renforce nos inquiétudes.

Enfin, si je me félicite également que l’article 2 sur l’enseignement en langue étrangère ait été modifié, à défaut d’avoir été abrogé, je voudrais souligner néanmoins que notre langue peut être la langue de l’excellence universitaire et de la recherche. Je recevais ce matin des représentants du Mozambique, selon qui l’obstacle à la venue d’étudiants n’était pas la langue mais bien les conditions sociales d’accueil de ces étudiants.

En ce qui concerne la recherche, autant je me réjouis que soit affirmée à l’article 11 « une stratégie nationale de recherche […] sous la coordination du ministre chargé de la recherche », autant je m’inquiète de l’alinéa suivant, qui coince cette stratégie entre les choix de l’Union européenne et des régions.

Quant au transfert, nous ne pouvons que nous interroger en voyant qu’il devient, même si la notion est encadrée par les amendements adoptés en commission, la mission prioritaire de la recherche. Comme le disent Claudine Kahane et Marc Neveu, co-secrétaires généraux du SNESUP : « Combien de chercheurs passionnés […] expriment leur écœurement de ne plus disposer du temps long et des moyens pérennes, indispensables à la maturation de sujets de recherche ambitieux, à l’opposé du pilotage utilitariste et à courte vue… » Certes des relations entre le monde scientifique et l’entreprise sont nécessaires, mais elles ne peuvent pas résumer l’objectif des missions de l’enseignement supérieur et de la recherche, comme l’article 55 le laisse supposer. Et surtout, c’est la coopération entre partenaires de choix, sur la base du service public et sans domination de part ou d’autre, qu’il faut viser, sans quoi on peut s’interroger sur le devenir de la recherche fondamentale ou sur celui de la recherche en sciences humaines et sociales. Les scientifiques sont acquis de longue date aux coopérations de toute nature mais ce qu’ils ne veulent en aucun cas, c’est se soumettre à des exigences et à des injonctions extérieures à la logique scientifique.

Encore faut-il, pour qu’existe une coopération, que demeure une industrie et que celle ci s’imprègne des exigences de qualification, de formation, de rémunération et de recherche, en y consacrant les moyens adéquats, orientés vers une production de qualité plutôt que vers la rémunération des dividendes.

En ce sens, je déplore que les rapports qui se succèdent et prétendent évaluer le crédit impôt recherche concluent, tout en s’interrogeant sur son efficacité, à la nécessité de le reconduire ! Ce sont en effet cinq milliards d’euros qui sont soustraits à nos laboratoires publics au bénéfice d’entreprises comme Sanofi, Aventis, IBM ou Texas Instruments : on peut douter, à la lumière de cette liste, que ce dispositif ait fait ses preuves, notamment pour l’emploi.

Ne faut-il pas dès lors – et le rapporteur posait la question à sa manière – réintégrer dès cette année la moitié de ces sommes dans le budget de nos laboratoires publics ? Ce serait un signe fort, montrant que pour vous et votre gouvernement le rôle de la production et de l’appropriation collective des connaissances est devenu l’une des grandes questions de notre temps.

En ce qui concerne l’évaluation, si on peut se satisfaire de la disparition de l’Agence pour l’évaluation de la recherche scientifique, on doit hélas constater son remplacement par une structure quasiment identique. L’évaluation individuelle et collective est un exercice indispensable, mais elle doit avoir pour objectif constant l’amélioration du travail collectif de nos laboratoires et de nos chercheurs, et doit être effectuée par des pairs élus. En effet, va-t-on inventer une évaluation extérieure, par exemple pour le CERN, ce laboratoire gigantesque, témoin s’il en est de la coopération scientifique, technologique et industrielle entre différents pays ?

Quelques mots enfin sur la gouvernance, pour me féliciter surtout de l’instauration de la parité dans les instances de gouvernance, regretter le maintien de l’ANR et m’inquiéter du fait que la création du Conseil académique puisse diminuer les prérogatives du CVU.

Le CNESER ne doit pas voir ses prérogatives diminuées en faveur de la tutelle, là où des compétences scientifiques sont requises. Nous avons vu, en d’autres temps et d’autres lieux, ce à quoi ont pu conduire les velléités du politique prétendant dire à la science ce qui était bon pour elle et ce qui ne l’était pas ! C’est pourquoi, madame la ministre, je crois que nous avons le devoir d’entendre la communauté scientifique et universitaire lorsqu’elle nous demande, pour être efficaces, de développer la démocratie plutôt que de multiplier les contrôles et l’encadrement.

Dernier point, la question de la précarité, qui concerne cinquante mille personnes. La recherche et l’enseignement supérieur ont besoin de temps long, d’acquisition permanente de connaissances et donc de stabilité, en particulier dans les équipes. Est-ce compatible avec une politique de réduction des dépenses publiques ? Est-ce compatible avec la gestion de la masse salariale par les établissements d’enseignement supérieur ? Vous avez déjà commencé à répondre, avec la modification de l’article 3.

L’article 43 bis nouveau suscite également de nombreuses inquiétudes sur le statut de chercheur à plein temps.

Madame la ministre, aujourd’hui le SNESUP estime que « le sens profond des missions d’enseignement supérieur et de recherche et la notion même de service public national sont dévoyés par le nouveau projet de loi ». Je veux croire que le débat au sein de notre hémicycle va permettre de répondre aux attentes de celles et ceux qui manifestent aujourd’hui. Je reste dans l’état d’esprit d’y travailler tout au long de nos débats. Si ce projet restait néanmoins en l’état, les députés du front de gauche se verraient contraints de voter contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe SRC.

Mme Sandrine Doucet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous donnons forme aujourd’hui, avec ce projet de loi, aux engagements que nous avons pris envers la jeunesse, l’enseignement supérieur et la recherche.

Ce que nous devons à la jeunesse étudiante, ce sont des études cohérentes, une spécialisation progressive et la garantie de réussir, dans un environnement qui sera forcément européen, si ce n’est mondial.

Ce que nous devons à l’enseignement supérieur et à la recherche, c’est une meilleure lisibilité du système à l’intérieur et une meilleure visibilité à l’extérieur, une organisation moins complexe, fondée sur le retour d’un État stratège et permettant d’accueillir mieux et plus les étudiants et les chercheurs étrangers.

L’article 2, véritable porte d’entrée de cette loi, porte le projet de ce rayonnement mais aussi notre retour dans le partage mondial de la connaissance. La France doit s’affirmer comme une puissance universitaire et scientifique, et adapter ses lois à nos besoins.

Mais l’ambition de cette loi est avant tout de démocratiser l’enseignement supérieur. Notre priorité, c’est la réussite des étudiants, notamment grâce à une meilleure articulation entre le secondaire et le supérieur. Pour les lycéens, cliquer sur le site APB ne doit plus être anxiogène, et ce moment doit devenir une étape charnière pour le lycéen voué à disparaître derrière l’étudiant : c’est le principe -3/+3.

Pour que cette réussite soit effective, il faut que trop d’étudiants cessent de s’égarer à l’université. Chaque année soixante-quinze mille étudiants quittent le supérieur sans diplôme. Réussir sa professionnalisation, c’est d’abord afficher des connaissances, des compétences reconnues par des diplômes nationaux. Cela ne peut se faire sans un équilibre judicieux entre la connaissance des filières, le droit au choix, mais aussi le droit à l’erreur.

C’est ce que permettent, entre autres, les passerelles qui seront instaurées entre les classes supérieures des lycées et les universités, par des conventions établies et portées à la connaissance des étudiants dès leur inscription, afin d’assurer un pilotage des études au plus près de leurs intérêts.

Ce souci s’inscrit dans un horizon européen, qui a fixé, dans le cadre du projet « Horizon 2020 » le nombre de diplômés à bac + 3 à 50 % d’une classe d’âge. Notre pays a du retard en la matière, avec 37 % de jeunes accédant à un diplôme bac + 3. Pire, il a reculé ces dernières années malgré les 730 millions d’euros dépensés dans le plan pour la réussite en licence, consacrant l’échec de la politique menée sous l’ancienne majorité qui s’est contentée de gérer les flux alors que nous avons l’ambition de construire des parcours, des passerelles, de la pluridisciplinarité, afin que chacun puisse trouver ce qui le conduira au diplôme, à l’efficience de sa formation, à la professionnalisation.

Par cette loi, une fois de plus, nous parlerons au pays de justice sociale.

Parmi les plus modestes de nos étudiants se comptent ceux qui sont issus des filières professionnelles et technologiques. Nous devons les aider à réussir par un accueil prioritaire dans les STS et les IUT, par cohérence avec leur orientation. Ces formations en deux ans peuvent et doivent favoriser l’insertion professionnelle ou servir de tremplin pour une poursuite des études.

La confiance que nous avons dans la qualité des IUT et des STS qui allient performance et souci de la promotion sociale de nos jeunes est à la hauteur de ce défi.

Mais la portée de ce projet dépasse l’objectif des 50 % d’une classe d’âge diplômés car nous donnons une véritable reconnaissance au doctorat, notamment par l’accès aux concours de la fonction publique, que l’on espère le plus large possible.

C’est un projet opérant, qui répond au recul de notre ascenseur social. Pouvions-nous en effet rester encore longtemps sans mener une politique constructive, voire offensive, dans un pays où un quart de nos citoyens disposent de revenus modestes et dont les enfants ne représentent que 9 % des inscrits en master ? Dans un pays où jamais les parents n’ont dépensé autant d’argent pour les études de leurs enfants, mais où seulement 30 % des inscrits obtiennent une licence universitaire en trois ans et où le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans atteint les 23 % ?

Cette marche vers l’emploi, nous l’affichons avec l’objectif de doubler les formations en alternance dans un lien assumé avec le monde de l’entreprise.

Faire du premier cycle un temps de l’élaboration du projet personnel durant la première année de licence pluridisciplinaire, consacrer le doctorat, développer l’alternance, c’est ouvrir tous les champs des possibles pour l’avenir de nos futurs bacheliers et des étudiants.

Alors qu’au Sénat se discute la loi sur la refondation de l’école qui privilégie la place de l’élève au cœur du système, nous remettons, dans une totale cohérence politique, l’étudiant au cœur de la mission réaffirmée de service public de l’enseignement supérieur. Cette loi est donc une véritable inflexion par rapport à la loi LRU.

Toutes ces mesures ne peuvent cependant se déployer sans une université qui doit retrouver une véritable ambition, une cohérence territoriale et une gestion démocratisée.

Ce projet donne toute leur place aux acteurs locaux, dont au premier chef les régions, à travers notamment la création des communautés d’universités et l’institution de coopérations fédérant tous les acteurs de l’enseignement supérieur.

Avec ce texte, nous passons de la simple gouvernance à la gestion et à la construction d’un système démocratique pour la réussite de tous. En effet, la création d’un conseil académique doté de compétences propres en matière de recherche permettra de démocratiser la gouvernance de l’université et de recentrer le rôle du conseil d’administration sur le pilotage stratégique.

Ici même, la justice sociale est présente en prévoyant l’inscription de la parité dans les instances de gouvernance des universités.

Le dialogue de gestion est la pratique consacrée entre toutes les composantes des communautés d’universités. Elle peut prendre la forme d’un contrat d’objectifs et de moyens, ce qui permet notamment aux IUT, aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation, de trouver une pleine place pour développer leurs missions.

Nous privilégions la convergence quand la loi LRU avait fait le choix de la concurrence.

Même changement dans l’approche de la recherche. Tout comme nous mettons fin à la concurrence entre les universités, nous déplaçons le domaine de la compétition.

Il ne s’agit plus en effet de menacer la recherche fondamentale disciplinaire par la course aux crédits qui a trop accaparé les chercheurs. La recherche sera préservée par des plans pluriannuels et coordonnée par le rétablissement d’un État stratège qui s’appuiera sur un conseil stratégique de la recherche. Tous les domaines visés par l’agenda stratégique sont des défis à relever pour notre environnement, nos emplois, mais aussi notre place dans le monde. C’est à ce niveau que doit se situer la vraie compétition.

Il s’agit aussi, par ce retour de l’État, combiné aux nouvelles modalités de création des communautés d’universités, de mettre fin aux difficultés des universités dites « de proximité » qui jouent un rôle irremplaçable dans le développement du territoire. Leur situation est délicate car elles n’ont pas pu bénéficier des moyens extrabudgétaires attribués dans le cadre des initiatives d’excellence. L’explosion et la complexité des financements sur projets a contribué à accentuer des inégalités au profit de puissantes structures de recherche. Cette confusion, cette course aux projets à l’intérieur de nos frontières, a eu aussi pour effet de faire reculer la place de la France dans les partenariats européens, se privant ainsi de visibilité.

Avec ce texte les socialistes montrent leur ambition d’inscrire notre université, notre recherche, dans un rayonnement international, tout en promouvant la réussite de chaque étudiant dans tous les territoires.

Favoriser l’accueil des étudiants et des personnels de recherche étrangers, c’est affirmer la conscience que notre avenir ne peut être que partagé avec nos voisins européens, mais c’est aussi montrer notre intérêt pour les coopérations avec les puissances émergentes. Notre souveraineté scientifique et linguistique ne pourra rayonner que si elle est partagée. C'est l’inverse du repli sur soi.

Madame la ministre, par ce projet de loi, vous mettez entre les mains des générations futures les clés de leur émancipation, de leur emploi. C’est l’un des engagements du Président de la République et comme pour les autres, nous nous y tenons. Tel est notre devoir de socialistes et de membres de la majorité, mais quand nous donnons aux autres étudiants du monde l’occasion de venir le partager, nous visons l’universalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)