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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 3 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Refondation de l’école de la République

Discussion, en deuxième lecture, d'un projet de loi d'orientation et de programmation

Présentation

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Motion de rejet préalable

M. Frédéric Reiss

Mme Barbara Pompili, M. Thierry Braillard, Mme Marie-George Buffet, Mme Martine Martinel, M. Benoist Apparu, M. Philippe Gomes

Motion de renvoi en commission

Mme Annie Genevard

M. Yves Durand, rapporteur, M. Thierry Braillard, Mme Marie-George Buffet, M. Emeric Bréhier, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Gomes

Discussion générale

M. François-Michel Lambert

M. Olivier Falorni

Mme Marie-George Buffet

Mme Martine Faure

M. Patrick Hetzel

M. Philippe Gomes

Mme Julie Sommaruga

M. Benoist Apparu

Mme Marianne Dubois

Mme Valérie Corre

M. Vincent Peillon, ministre

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article 3 A

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Annie Genevard

Amendements nos 75, 280, 76, 281

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Amendements nos 340, 378, 77, 282, 115, 152, 168, 104, 187, 283, 341, 379, 78, 121, 122, 123, 124, 125, 126

Article 3 bis

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Refondation de l’école de la République

Discussion, en deuxième lecture, d’un projet de loi d’orientation et de programmation

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (nos 1057,1093).

Je vous informe qu’à la demande de la commission, l’Assemblée examinera l’article 1er et le rapport annexé à la fin de la discussion, après l’article 61. Nous commencerons donc la discussion des articles par l’article 3 A.

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de vous retrouver pour cette deuxième lecture.

L’Assemblée a effectué un travail approfondi en première lecture. Je m’en suis réjoui, et en particulier de la contribution des différents groupes de la majorité. Mais, malgré des échanges intéressants, j’ai été déçu que ma volonté de rassembler les uns et les autres sur l’école – certains, sur les bancs de la droite, parlent beaucoup d’« union nationale – n’ait pu se concrétiser.

Je n’ai pas compris que la priorité donnée au primaire, le rétablissement d’une formation des enseignants, la création d’un service public du numérique éducatif, l’amélioration de l’orientation des élèves, l’apprentissage d’une langue vivante dès le cours préparatoire ou encore la mise en place d’un parcours d’éducation artistique et culturelle ne reçoivent pas l’approbation de ceux qui, pourtant, prétendent vouloir servir l’école et appellent, ailleurs, au rassemblement.

Comme vous le savez, le texte a encore évolué lors de son examen au Sénat. Je me réjouis du travail fourni par les sénateurs, car je considère – et c’est la culture que nous portons, dans l’école – que l’on est plus intelligent à plusieurs que tout seul, que la vérité se construit grâce à la diversité des points de vue et que l’on gagne à écouter les uns et les autres.

Vous avez pu constater que le texte issu du Sénat contient des avancées importantes. L’article 3 A précise les finalités de notre travail et, comme il se doit, insiste sur l’éducabilité de chaque enfant. Il rappelle la perspective qui doit être la nôtre : la réduction des inégalités – l’un des grands maux dont souffre le système éducatif – et des injustices à l’égard de ceux qui, déjà, ont le moins.

Des précisions utiles ont été apportées quant au socle commun de compétences, de connaissances et de culture. Pour que tous les enseignants le portent, il est important que nous soyons clairs sur ses objectifs et bien entendu sur sa mise en œuvre, en harmonie avec les programmes et les évaluations.

Les responsabilités de l’État et les rapports qu’il entretient avec les collectivités locales pour assumer cette tâche éducative – je pense notamment à la carte régionale des formations professionnelles initiales – ont été précisés également.

Ces modifications, apportées par les parlementaires socialistes, par les parlementaires radicaux, notamment sur les questions de laïcité et d’éducation scientifique, et par les parlementaires communistes, ont permis le rassemblement de la majorité. C’est une bonne nouvelle pour l’école et pour l’action de transformation sociale et de justice que nous devons mener.

Mais une fois encore, je m’étonne que ce qui devrait nous réunir – l’inclusion scolaire de tous les enfants, notamment ceux en situation de handicap, l’éducation numérique, l’éducation à l’environnement ou la nouvelle place donnée aux personnels de santé à l’école – n’ait pas permis de rassembler tous les groupes parlementaires du Sénat.

C’est donc bien la majorité de gauche qui porte la refondation de l’école de la République ! C’est donc bien la majorité de gauche qui met en conformité ses actes et ses discours et fait de l’école une priorité, avec pour objectif la réussite de tous les enfants !

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. Après des années de destruction de l’école de la République, d’un point de vue aussi bien budgétaire que qualitatif – suppression de la formation des enseignants, de l’accueil des moins de 3 ans et de l’apprentissage des langues – la droite n’est pas au rendez-vous de la refondation. Les Français jugeront.

Je souhaite pourtant que ce débat nous permette de rassembler plus largement – car je sais l’attachement réel que certains d’entre vous portent à l’école. Je suis prêt à ce que nous approfondissions encore le travail effectué par les parlementaires. L’intérêt de l’école est l’intérêt supérieur de la nation. J’aimerais que certains parlementaires s’affranchissent des postures polémiques et des consignes de groupe et fassent ainsi la preuve que leur engagement personnel va bien au-delà.

Certes, nous ne pourrons pas résoudre d’un coup tous les problèmes de l’école. Mais avec les grands axes de notre réforme, la priorité donnée au primaire et le rétablissement de la formation des enseignants notamment, nous avons remis l’école en mouvement, dans la bonne direction. Merci pour ce travail, que nous allons poursuivre. Je me réjouis des moments que nous passerons ensemble pour cela. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le Sénat a voté en première lecture le 24 mai le projet de loi sur la refondation de l’école de la République. Nous entamons aujourd’hui la deuxième lecture de ce texte.

Comme vous, monsieur le ministre, je me félicite du travail accompli par les sénateurs, en liaison avec nous d’ailleurs, et tout particulièrement par mon homologue au Sénat Françoise Cartron. Une convergence entre les deux assemblées s’est dégagée au cours des débats, si bien que 32 articles ont été adoptés conformes. Quant aux 60 articles restant en discussion, leur structure et la philosophie qui les sous-tend – l’ambition éducative – demeurent les mêmes.

C’est une excellente chose que le Sénat ait souhaité renforcer, dans certains cas, et préciser, le plus souvent, un certain nombre de dispositions votées en première lecture par notre assemblée. Je pense notamment à l’éducation à la santé, que nous n’avions pas suffisamment détaillée, et à ce qui constitue le cœur même du projet de loi, le retour à une formation professionnelle des enseignants et la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE).

Il n’est donc pas étonnant que les amendements que nous allons examiner soient souvent la reprise de ceux qui avaient été déposés en première lecture. Voilà certainement la preuve de l’extraordinaire constance de nos collègues de l’opposition. Je ne peux que les féliciter pour leur fidélité à leurs convictions : ces amendements sont presque mot pour mot ceux que nous avions discutés en première lecture !

M. Benoist Apparu. Quelle cohérence ! (Sourires.)

M. Yves Durand, rapporteur. Je vous en félicite. Nous présenterons ainsi plus rapidement nos arguments, puisque nous les avons développés longuement en première lecture.

M. Patrick Hetzel. Quel dommage !

M. Yves Durand, rapporteur. Mais s’il le faut, nous répéterons inlassablement ce qui nous anime dans ce projet de loi…

MM. Benoist Apparu et Patrick Hetzel. Nous aussi !

M. Yves Durand, rapporteur. Les deux assemblées sont arrivées à un point d’équilibre qui fait de ce projet de loi un texte ambitieux. Je pense notamment à deux articles particulièrement importants, qui ont déjà soulevé de légitimes débats entre nous en première lecture. Le premier, l’article 18, est relatif à la mise en œuvre de la carte des formations professionnelles initiales. Grâce à l’accord louable auquel nous sommes parvenus, les rapports entre l’État et les collectivités territoriales, en particulier les régions, ont été précisés. Le second, l’article 7, concerne le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il s’agit, là encore, d’un des points centraux de ce projet sur lequel les assemblées, par leur travail collectif et coordonné, sont parvenues à un point d’équilibre satisfaisant.

Nous arrivons ainsi au terme de notre travail législatif. Fruit d’une longue concertation lancée dès le 5 juillet dernier à votre initiative, monsieur le ministre, il aura été intense. Cette loi n’est pas le fruit de la seule réflexion d’un homme, fut-il…

M. Patrick Hetzel. Brillant !

M. Yves Durand, rapporteur. …de qualité, ou d’une administration, ou de quelques parlementaires, mais celui d’une véritable concertation dans laquelle tous les acteurs ont été représentés. Notre travail s’est poursuivi lors des nombreuses heures d’audition qu’en tant que rapporteur j’ai pu mener. Je voudrais d’ailleurs remercier l’ensemble des collègues qui y ont participé.

Voilà pourquoi, après vous, monsieur le ministre, je voudrais me féliciter du rassemblement qui s’est fait ici en première lecture, mais aussi au Sénat, et qui n’en doutons pas se produira à nouveau ici dans quelques heures, autour de l’école de la République : rassemblement de toute la gauche, de la majorité et, au-delà, des forces de progrès. Je souhaite que nos amis de l’opposition nous rejoignent, mais cette décision leur appartient. Après tout, les divergences sont l’expression de la démocratie !

Rappelons enfin que cette loi est l’expression d’une véritable ambition éducative. Elle est le fruit de ce travail dont je parlais tout à l’heure mais, nous l’avons dit tout au long de nos travaux en première lecture, elle est avant tout une loi dynamique et non une loi « clé en main » qui prétendrait tout résoudre.

D’autres chantiers sont devant nous : le collège, le lycée, l’enseignement supérieur et la recherche, qui sont la suite logique de cette ambition éducative à l’école, laquelle doit marquer toute la continuité du parcours scolaire et universitaire des jeunes Français. Nous voulons aujourd’hui incarner cette dynamique, nous qui sommes les porteurs de cette refondation de l’école. Voilà pourquoi, d’ailleurs, nous avons souhaité en première lecture instaurer un comité de suivi, que le Sénat a confirmé, de façon à suivre l’application de la loi. Nous voulons voir comment nous pouvons la prolonger au-delà même de l’école maternelle et élémentaire qui est la base même de ce projet de loi.

C’est une loi dynamique parce que c’est en bâtissant le socle que nous pourrons réellement refonder l’école, c’est en poursuivant inlassablement notre effort pour permettre une éducation ouverte à tous et garantir une égalité réelle des chances que nous bâtirons l’école, et la République elle-même. Voilà pourquoi, en conclusion de ce rapport, je vous invite, mes chers collègues, à participer au débat qui nous attend avec la volonté d’améliorer un texte, certes, mais surtout d’être les porteurs de notre école. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Quelques mots rapidement, en ouverture de cette seconde lecture, pour saluer le travail effectué sur ce texte fondateur de la politique que nous menons en direction de la jeunesse de notre pays et qui a pour première ambition la réussite éducative pour tous.

La semaine dernière, ici même, nous placions la réussite étudiante au cœur de nos échanges. Je tiens à nouveau aujourd’hui à souligner cette continuité, cette belle cohérence qui vise toutes les étapes de la formation des jeunes générations.

Nous avions en première lecture réalisé un minutieux et patient travail d’amendement sur votre projet de loi, monsieur le ministre, que le Sénat a utilement poursuivi. L’attention et l’écoute dont vous avez témoigné montrent l’importance que vous accordez à la contribution du Parlement à la refondation de l’école de la République. Je tenais à le souligner. Le texte qui nous revient de la Haute Assemblée, positivement enrichi, a été voté par une large majorité dont le périmètre politique est réjouissant et prometteur.

C’est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement heureux d’entamer aujourd’hui cette nouvelle étape avec plus que jamais l’objectif d’être opérationnels dès la prochaine rentrée scolaire.

Rappelons-en, pour mémoire, les principaux enjeux : priorité donnée au primaire, développement de l’accueil des enfants de moins de trois ans, redéfinition du socle commun, création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation destinées à la formation initiale et continue des enseignants, entrée de l’école dans l’ère du numérique.

Je n’oublie pas, bien entendu, l’ouverture de 60 000 postes sur le quinquennat qui se traduira concrètement, dès la prochaine année scolaire, par la création de 6 770 postes d’enseignants dans les établissements scolaires. Il ne s’agit pas de faire du chiffre mais de rétablir la continuité du service public, au bénéfice d’abord des élèves et, a fortiori, de ceux des territoires les plus en difficulté. C’est d’ailleurs aussi le sens du « plus de maîtres que de classes » qui permettra un renouveau pédagogique dans les classes qui en ont le plus besoin, grâce à un réel changement du travail des enseignants avec leurs élèves.

Il s’agit ainsi de permettre aux plus jeunes de nos concitoyens d’élever leur niveau de connaissances et de promouvoir, comme vous le rappelez souvent, monsieur le ministre, une école juste pour tous et exigeante pour chacun. Plus que jamais, l’école est le lieu où l’on doit donner le goût d’apprendre, de chercher, de savoir. Il faut, pour cela, que chacun ait la même chance d’accéder à cette découverte et la même chance de réussir. Aussi, faire vivre la belle promesse républicaine de l’égalité de tous, c’est savoir donner plus de moyens à ceux qui en ont le plus besoin. Et cela suppose, nous l’assumons, de mobiliser aujourd’hui des moyens supplémentaires après les années si difficiles qu’a vécues et par là même subies la communauté scolaire dans son ensemble.

En un an, les différents chantiers sont pleinement engagés et les avancées d’ores et déjà considérables. L’aménagement des rythmes éducatifs en est, j’en suis convaincu, un élément déterminant. À ce titre, je me permets, comme maire du XIe arrondissement de Paris et président d’un comité de pilotage en charge de l’élaboration d’un projet éducatif de territoire, de vous dire combien la mise en œuvre de cette réforme dans la capitale dès la prochaine rentrée scolaire, de par la volonté de Bertrand Delanoë, est passionnante.

Certes, rien ne se fait spontanément mais nous parvenons à relever les défis les uns après les autres, comme celui qui consiste à recruter 2 500 animateurs formés en quelques mois. Mais il est révélateur que 1 500 associations aient répondu à l’appel à projets lancé par la Ville de Paris car ce sont elles qui assureront pour moitié les activités du temps périscolaire dans la capitale. Le mouvement est ainsi lancé, avec des avis parfois divergents, mais qui finissent par se rejoindre, pour qu’établissements scolaires, collectivités territoriales, associations culturelles et sportives et mouvements d’éducation populaire aient ainsi l’opportunité de construire, ensemble, un cadre nouveau d’organisation du temps passé à l’école, et ce au nom d’abord de l’intérêt des élèves.

C’est tout l’enjeu des nombreuses réformes que vous portez, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement. Soyez assuré, sur ce projet de loi, de notre soutien qui, à l’image de la première lecture, est toujours aussi vigoureux, déterminé, en un mot enthousiaste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Le compte n’y est pas. Ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’a de refondation que le nom, et je vais essayer de vous le démontrer. Le texte vient d’être adopté en première lecture au Sénat à une très faible majorité. Pour obtenir un vote favorable, le Gouvernement et le groupe socialiste ont dû faire bon nombre de concessions à leurs alliés communistes, écologistes et radicaux de gauche.

M. Emeric Bréhier. Et alors ?

M. Frédéric Reiss. Pour autant, les grands défis de l’école d’aujourd’hui ne trouvent toujours pas de réponse satisfaisante dans ce texte. La réussite de chaque élève nécessite des enseignants qualifiés, mieux considérés grâce à de meilleurs salaires ; plus d’autonomie et de responsabilisation pour chaque établissement ; un nouveau statut pour les écoles primaires et leurs directeurs ; de l’aide individualisée dès les premières difficultés ; un enseignement plus personnalisé avec la fin du collège unique ; une politique volontariste en faveur de l’enseignement professionnel par alternance ; une éducation basée sur le mérite et l’égalité des chances.

Certes, le texte suscitera un élan de patriotisme par l’apposition du drapeau tricolore et de la devise de la République aux frontons de nos bâtiments scolaires !

M. Luc Belot. Très bien !

M. Frédéric Reiss. Cet étendard masquera les insuffisances d’un texte en régression par rapport à la loi Fillon, notamment pour ce qui est de l’acquisition du socle.

Monsieur le ministre, je m’appuierai sur les arguments que vous martelez depuis votre arrivée au ministère : priorité au primaire, aménagement du temps scolaire, création de 60 000 postes et formation des maîtres et des élèves.

Donner la priorité au primaire est un objectif partagé sur tous les bancs de cette assemblée. Les comparaisons internationales auxquelles nous faisons régulièrement référence montrent que les résultats des élèves français se dégradent et que le fossé se creuse entre ceux qui réussissent bien et ceux qui sont à la traîne. Le train de la scolarité obligatoire n’arrive pas à l’heure pour tous les élèves. Pourtant, il ne doit pas perdre de passagers en cours de trajet, et surtout pas dès le début du parcours.

Cette métaphore ferroviaire signifie qu’il est nécessaire de poursuivre les efforts d’acquisition du socle commun de connaissance, de compétences et de culture pour chaque élève afin qu’il puisse poursuivre avec profit des études après le collège et qu’il acquière des bases solides pour réussir son insertion professionnelle.

M. Thierry Braillard. C’est ainsi que cela se passe !

M. Frédéric Reiss. Elle signifie également que l’aide individualisée doit être proposée dès l’apparition des premières difficultés afin d’éviter des redoublements dont les effets sont en général peu efficaces sur les acquisitions des élèves et réellement négatifs sur leur estime de soi.

La priorité au primaire nécessite ainsi de renforcer l’autonomie de gestion des écoles pour favoriser la réactivité des équipes enseignantes.

En première lecture, nous avons à la quasi-unanimité souligné la vigueur et la force de l’article L.111-1 du code de l’éducation, qui rappelle que la mission du service public de l’éducation va de pair avec la réaffirmation des valeurs de la République et, à travers elles, de la dimension morale et civique de l’éducation nationale. Or, du fait de l’article 3 A, l’article L.111-1 devient un véritable catalogue, certes généreux mais qui prône l’égalité à tout va, voire l’égalitarisme, en oubliant toutefois de préciser que la réussite d’un élève est le fruit de son application et de son travail. Inculquer le goût de l’effort est aussi une mission de l’école !

Je m’étonne que, dans un projet qui se veut refondateur, on n’ait pas pris le temps de reconsidérer la gouvernance de nos 53 418 écoles…

M. Patrick Hetzel. Très juste ! Enfin une parole sensée !

M. Frédéric Reiss. Nos directeurs et directrices d’école sont les grands oubliés du projet de loi. Certes, on évoque leur rôle en référence à l’article L.311-3-1 du code, à propos des programmes personnalisés de réussite éducative, mais le métier de directeur d’école n’est toujours pas reconnu et reste une fonction.

Monsieur le ministre, ce n’est pas la première fois que je vous interpelle sur le sujet. Le 24 octobre dernier, devant la commission des affaires culturelles, vous m’avez répondu que la question des directeurs d’école devait être abordée avec un minimum de sens des responsabilités. Vous avez ajouté que vous ouvririez au premier trimestre 2013 un dialogue avec les associations de directeurs d’écoles et les syndicats. Pour l’instant, ils sont comme Sœur Anne et ne voient rien venir !

Le décret du 24 février 1989 modifié est toujours en vigueur. Le directeur d’école veille à la bonne marche de l’école et au respect d’une réglementation de plus en plus complexe. Les nombreux rapports publiés ces dernières années montrent à quel point les résultats des élèves du primaire sont liés au pilotage de leur école.

Or, si le directeur d’école endosse bien les responsabilités du dirigeant qu’il est en vertu des textes, cette charge ne s’accompagne pas de l’ensemble des prérogatives que d’aucuns imaginent et que le grand public ignore. Cela n’avait pas échappé au Haut conseil de l’éducation, une instance indépendante qui va malheureusement disparaître au profit du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national d’évaluation du système scolaire. Selon le HCE, le directeur reste un pair parmi ses pairs, alors que l’institution lui confie des responsabilités croissantes et il n’a pas l’autorité nécessaire pour assurer pleinement la direction de son école. Sur le plan pédagogique, par exemple, le conseil d’école a un rôle souvent formel, faute de disposer des pouvoirs d’un conseil d’établissement ou d’administration.

Aujourd’hui, les directeurs d’école sont de véritables traits d’union entre les municipalités, les équipes enseignantes, les parents, les associations locales et, bien évidemment, les élèves. Demain, ils vont se retrouver en première ligne pour la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires.

J’en arrive donc naturellement à l’aménagement du temps scolaire, qui fait suite au décret du 26 janvier 2013.

Nous connaissons vos arguments sur les journées des écoliers français, les plus longues et les plus chargées, source de fatigue et de difficultés scolaires. Le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré de nombreux rapports convergents sur le sujet, l’application des nouvelles dispositions dès la rentrée 2013 n’a suscité l’enthousiasme ni auprès des élus locaux, de droite comme de gauche, ni auprès des enseignants. Certains syndicats ont même affirmé : « Cette réforme n’est pas bonne » ! Ainsi, moins de 25 % des élèves seront concernés à la rentrée prochaine, et cela malgré la carotte et l’aide financière que nous allons voter à l’article 47 ! C’est un échec, et les projets éducatifs territoriaux que vous présentez comme un nouvel outil pour l’égalité des territoires vont en réalité avoir l’effet inverse.

M. Luc Belot. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Frédéric Reiss. Au-delà des quatre jours et demi de classe, les journées réduites de quarante-cinq minutes déboucheront sur trois heures d’activités péri-éducatives à la charge des communes. Quelles seront les garanties de qualité de ces activités ? Il est évident que votre réforme, qui désorganise complètement la vie familiale et associative, ne devait pas alourdir le service des enseignants du premier degré. Où sont les priorités ? L’enjeu principal est d’éradiquer l’échec parmi les 20 % d’élèves en difficulté ou en grande difficulté. Il faut des réponses adaptées à chacun d’eux : ils ont davantage besoin d’un véritable accompagnement – suivi des devoirs, aide à la lecture et au calcul – que d’activités de type « centre aéré » !

D’ailleurs, on ne sait pas comment vont évoluer l’aide individualisée ou en petits groupes et l’accompagnement personnalisé pour les élèves en difficulté. Va-t-on de nouveau externaliser le traitement de la difficulté scolaire, contre l’avis de bon nombre d’études ? Le retour des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, et l’opération « plus de maîtres que de classes » seront-ils évalués ? Sera-ce du saupoudrage de moyens – 4 000, 5 000, 7000 postes – dans des zones sensibles ou rurales, ou verra-t-on des professeurs d’école spécialisés dans l’apprentissage de la lecture ? Ce serait sans doute une idée à creuser.

J’en arrive à la création de 60 000 postes, promesse présidentielle emblématique qui vient d’être battue en brèche par le dernier rapport de la Cour des comptes. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Braillard. Une cour partiale!

M. Olivier Falorni. Et partielle !

M. Frédéric Reiss. Les socialistes n’ont pas eu de mots assez durs pour condamner la politique de réduction des postes mise en œuvre par le gouvernement Fillon tout en maintenant un service de qualité. J’imagine votre désarroi, monsieur le ministre, lorsque vous avez lu, sous la plume du Premier président Didier Migaud : « Le ministère de l’éducation nationale ne souffre pas d’un manque de moyens budgétaires ou d’un nombre trop faible d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ».

M. Benoist Apparu. Ah, ça fait mal !

M. Frédéric Reiss. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous vous êtes bien gardé d’y faire référence dans votre propos liminaire, ce qui traduit votre embarras. Le rapporteur et le président Bloche ont été tout aussi muets sur ce sujet, pourtant majeur.

M. Patrick Bloche, président de la commission. C’était pour vous laisser la primeur, monsieur Reiss !

M. Frédéric Reiss. Merci, monsieur le président !

Ne feriez-vous pas fausse route, monsieur le ministre ? Avouez que la question mérite d’être posée !

La Cour a relevé la nécessité d’avoir des personnels hautement qualifiés, désormais recrutés à Bac + 5, en précisant que cette ressource humaine a besoin d’une gestion adaptée, pas d’une gestion de masse.

Voilà des mois que les députés UMP répètent que ce sont des réponses qualitatives et non quantitatives qu’il faut apporter, mais la majorité fait la sourde oreille.

J’ai bien noté votre pirouette lors des questions d’actualité de la semaine dernière, lorsque vous avez dit que le rapport de la Cour des comptes portait sur les années 2002-2012.

M. Thierry Braillard. Eh oui !

M. Frédéric Reiss. Pourquoi, alors, persévérer dans l’erreur, d’autant que la Cour des comptes pointe une richesse humaine mal valorisée ? Je cite encore : « Le ministère n’envisage pas de remédier à la faible part des indemnités dans la rémunération des enseignants. Il avance à cet égard l’argument du coût qui résulterait d’une telle réforme en raison de l’importance des effectifs concernés : les enseignants seraient victimes de leur nombre ».

Avec la RGPP, le gouvernement précédent avait commencé à revaloriser les débuts de carrière, en permettant aux enseignants de faire des heures supplémentaires défiscalisées. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Mais, faisant fi du pouvoir d’achat des enseignants, vous avez balayé tout cela d’un revers de main !

Quelles missions pour les professeurs dans la société de la connaissance ? Une réforme de l’école doit passer par une réforme du statut des personnels, du temps scolaire et des établissements. Quelle autonomie pour des écoles primaires n’ayant pas de statut à ce jour ? Quelle évolution du temps de travail des enseignants ?

M. Pascal Deguilhem. Quelle formation initiale ?

M. Frédéric Reiss. Venons-en à la formation des maîtres : elle se devait d’être améliorée, j’en conviens. (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC.) De là à stigmatiser le précédent gouvernement pour avoir « sacrifié la formation initiale des lauréats des concours », c’est exagéré ! Il y a eu une année de dérive – une de trop ! – où, effectivement, de jeunes enseignants ont été chargés de classes sans y avoir été préparés.

M. Pascal Deguilhem. Voilà ! Nous y sommes !

M. Frédéric Reiss. Il était important d’apporter de nouvelles solutions dans le cadre de la mastérisation, mais je suis dubitatif s’agissant des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Elles ressemblent fortement aux IUFM, avec, certes, un ravalement de façade. La formation intégrée à l’université aurait dû aboutir à une réflexion sur les liens entre recherche et éducation, véritables clés pour les progrès des élèves, comme le prouvent les résultats des pays qui ont fait ces choix comme le Canada et la Finlande.

La formation professionnelle des enseignants est primordiale pour l’école du XXIe siècle, qui est confrontée aux défis du numérique. Elle doit être initiale et, surtout, continue et adaptée à la jeunesse d’aujourd’hui. C’est une raison supplémentaire pour s’interroger sur l’évolution du service des enseignants. La lutte contre le décrochage scolaire doit aussi faire partie du bagage nécessaire aux enseignants d’aujourd’hui.

J’en viens à la dernière partie de cette motion : elle concerne la formation professionnelle des jeunes, cette fois.

À l’UMP, nous pensons que c’est une erreur de supprimer le dispositif d’initiation aux métiers en alternance en abrogeant la loi Cherpion. L’argument consistant à dire que trop peu d’élèves étaient concernés n’est pas recevable. À quatorze ans, les élèves sont encore soumis à deux ans d’obligation de scolarité. Les bons élèves – ceux qui sont à l’heure et n’ont aucun accident de parcours – entrent en troisième et se renseignent sur la voie qu’ils vont suivre au lycée. Mais 37 % des élèves de quinze ans ont déjà redoublé au moins une fois et, pour éviter qu’ils ne décrochent en fin de cinquième ou de quatrième, le dispositif d’initiation aux métiers en alternance pouvait être salutaire : les élèves restent sous statut scolaire et alternent entre des cours théoriques au collège ou au lycée professionnel et des périodes en entreprise, tout en consolidant le socle.

Ceci était en adéquation avec la loi Fillon, qui fixait au système éducatif l’objectif de garantir que 100 % des élèves aient acquis, au terme de leur formation, un diplôme ou une qualification reconnue. Cet objectif, monsieur le ministre, vous ne l’avez repris qu’en partie, et c’est bien dommage. Car, contrairement à ce que vous affirmez, laisser un jeune commencer un apprentissage à quinze ans lui permet de prendre confiance en lui et d’accéder à un meilleur niveau de formation. La mesure n’est pas coûteuse : pas de nouvel établissement à construire ni de recrutement massif d’enseignants à faire. Il s’agit d’un effort de personnalisation de l’enseignement, qui permet une adéquation entre l’orientation des élèves et le marché du travail. L’abrogation de ce dispositif, que vous qualifiez d’orientation précoce, est plus idéologique que pratique.

M. Patrick Hetzel. C’est évident !

M. Frédéric Reiss. Vous voulez renforcer le collège unique au détriment d’une orientation souvent souhaitée par des élèves et leurs parents vers un apprentissage qui peut porter les fruits d’une formation qualifiante sans devoir attendre la fin de l’obligation scolaire. Le faible taux de chômage des jeunes en Allemagne devrait pourtant vous faire réfléchir. Décidément l’école veut continuer à ignorer le monde de l’entreprise !

M. le président. Merci de conclure.

M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP émet des réserves sur d’autres points, tels que la généralisation de la scolarisation des enfants de deux ans, le service public du numérique ou la disparition des évaluations nationales.

Malgré quelques avancées en matière de santé scolaire et dans le domaine de l’apprentissage des langues vivantes et régionales, nous combattrons ce texte, dont nous ne voyons pas en quoi il serait une refondation de l’école. Vous réaffirmez le collège unique, dont chacun connaît les limites, vous dévalorisez l’enseignement professionnel, vous restaurez le Conseil national des programmes, vous rebaptisez l’IUFM en ESPE et surtout, vous ignorez le véritable enjeu de l’école, celui de la réforme des statuts des personnels, des écoles et des établissements scolaires.

C’est pourquoi j’ai défendu cette motion de rejet préalable et j’appelle mes collègues à la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur Reiss, j’ai écouté vos propos avec une grande attention.

M. Patrick Hetzel. Nous aussi !

Mme Barbara Pompili. Vous dites que le compte n’y est pas. Effectivement, on peut estimer que ce projet de loi de refondation n’est qu’un début de refondation. Nous aurions, nous aussi, espéré que davantage de sujets soient traités dans ce texte, comme, notamment, la réforme des programmes ou les questions de gouvernance. Mais cela doit-il suffire à nous empêcher de voter une loi qui représente un si grand changement de cap ? Un changement de cap nécessaire, qui apporte quelques réponses essentielles, qui ne peuvent plus attendre, sur des sujets aussi cruciaux que, par exemple, la formation des professeurs – vous-même avez admis qu’il y avait un gros rattrapage à faire – ou encore la scolarisation des moins de trois ans, la réforme du socle…

M. Benoist Apparu. Elle est où, la réforme du socle ?

Mme Barbara Pompili. …la réforme de l’orientation ou de l’évaluation ? Je pense aussi à la gouvernance collective, décloisonnée, au fait de rapprocher les différents acteurs de l’éducation, que ce soient les acteurs de l’école, les élus locaux, les associations ou le monde du handicap, grâce aux projets éducatifs territoriaux.

Ce qui est amusant dans votre propos, c’est que les raisons pour lesquelles vous voulez que nous rejetions ce texte ne sont précisément pas dans le texte.

M. Frédéric Reiss. Parce qu’il manque plein de choses dans ce texte !

Mme Barbara Pompili. Par exemple, la réforme des rythmes figure dans une circulaire. Quelques éléments s’y raccrochent dans le texte, mais ce dernier ne traite pas de la réforme des rythmes, pas plus que de la gouvernance des écoles.

On ne peut pas se satisfaire de cette argumentation. Il faut reconnaître qu’il s’agit bien d’un début de refondation de l’école. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Certes, ce n’est qu’un début, mais il était nécessaire. Nous savons qu’il est très difficile de réformer l’école. C’est pourquoi, lorsqu’un grand pas en avant est fait, il faut soutenir la démarche. Nous voterons donc, monsieur Reiss, contre votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. L’état de notre école s’est dégradé et les difficultés relevées depuis de nombreuses années sont bien réelles. Vous reconnaissez vous-mêmes, chers collègues de l’UMP, que l’école va mal, qu’elle est en crise et que la situation est alarmante. Vous venez de parler, monsieur Reiss, du train de l’échec scolaire. Entendez-vous, en déposant une motion de rejet préalable, défendre le bilan des majorités qui se sont succédé depuis dix ans et laisser la situation en l’état ?

M. Xavier Breton. Depuis dix ans ? Trente !

M. Thierry Braillard. Sans céder à une approche partisane, ne pensez-vous pas que les mesures prises par MM. Fillon, Darcos et Chatel au cours des dernières années ont eu pour effet d’aggraver les inégalités sociales et surtout territoriales en matière d’éducation ?

M. Frédéric Reiss. Non !

M. Thierry Braillard. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

En outre, l’aggravation des inégalités et de l’échec scolaire a été entretenue par la mise en place d’une orientation subie comme un sort – avec si peu de belles exceptions ! Le projet de loi y remédie, en rappelant à juste titre que tous les enfants, où qu’ils se trouvent, doivent avoir la capacité d’apprendre et de progresser, car toute personne a sa place dans notre société ainsi qu’un rôle à y jouer. Il revient à l’école d’y guider tout un chacun ! L’école doit être le plus beau et le plus fort vecteur de mobilité sociale dans notre pays, ce qu’elle n’est plus.

Le texte de loi consacre en particulier le droit à la formation des jeunes décrocheurs. Il reconnaît ainsi le droit à l’instruction de tous les enfants, voulu par Condorcet et inscrit dans le programme de Belleville, les lois de Jules Ferry ou encore le programme du Conseil national de la Résistance. Et vous ne voudriez pas le voter ! Vous voudriez laisser les choses en l’état ! À ces enfants qui chaque année quittent le système scolaire sans savoir lire ni écrire ni compter correctement, nous devons dire qu’il n’est pas trop tard pour refonder l’école de la République et leur donner les armes pour affronter les défis auxquels ils seront confrontés. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre la motion de rejet préalable, pour pouvoir examiner en deuxième lecture un texte très attendu par le monde éducatif, dans l’intérêt des enfants de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR.

Mme Marie-George Buffet. Le dépôt d’une motion de rejet préalable m’étonne. Ses auteurs veulent-ils en rester au statu quo, celui d’une école qui n’assure plus la réussite de chacun et de chacune, en dépit de l’engagement des équipes éducatives ? Le projet de loi de refondation de l’école a d’emblée donné lieu à un débat de fond constructif. Que signifie cette motion de rejet alors que nous reprenons le texte ce soir afin de l’améliorer encore ?

Les arguments développés m’étonnent tout autant. L’aménagement du temps scolaire n’est pas dans le texte proprement dit. Certes, chers collègues de l’opposition, 25 % seulement des enfants seront concernés à la rentrée 2013, mais ce n’est pas parce que les autres villes refusent l’aménagement du temps scolaire mais parce qu’elles ont décidé de prendre le temps de la consultation et de l’élaboration ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. Thierry Solère. Quel talent !

Mme Marie-George Buffet. Mais oui ! Il s’agit d’améliorer la qualité du temps éducatif. Vous dites, monsieur Reiss, qu’il vaudrait mieux consacrer la soirée à faire les devoirs. Comme si le temps éducatif n’était rien d’autre qu’un mode de garde ! Non !

M. Thierry Braillard. Exactement !

Mme Marie-George Buffet. Ce temps périscolaire aura un caractère éducatif, le plus affirmé possible j’espère. C’est pourquoi nous avons pris le temps de la réflexion et de l’élaboration avec les parents, les enseignants et l’ensemble des élus.

Vous évoquez aussi, monsieur Reiss, la question des postes. Mais une enquête récente montre que la plus grande crainte des parents, c’est justement que les classes se trouvent sans maîtres à force de supprimer des postes – 80 000, c’est votre bilan.

Mme Julie Sommaruga. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. Dès lors, nous n’avons plus la possibilité de remplacer les maîtres absents, d’accueillir les enfants de moins de trois ans ni d’assurer le suivi des élèves en difficulté.

Mme Annie Genevard. En raison d’un fort absentéisme !

Mme Marie-George Buffet. La création, par une loi de programmation, de 60 000 postes nous permettra de remplacer les absents, d’accueillir les enfants de moins de trois ans et de faire en sorte que les RASED, grâce à la présence d’un maître supplémentaire, continuent à travailler et à suivre les enfants en difficulté.

M. Frédéric Reiss. Et le rapport de la Cour des comptes, c’est pour du beurre ?

Mme Brigitte Bourguignon. Notre collègue dit la vérité ! Laissez là votre arrogance !

Mme Marie-George Buffet. Quant au statut des personnels… J’y reviendrai au cours de la discussion générale : vous avez multiplié les emplois précaires dans l’éducation nationale et supprimé la formation des enseignants. Nous n’avons donc aucune leçon à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel, pour le groupe SRC.

Mme Martine Martinel. Je suis, comme Mme Buffet, très étonnée de vos propos, monsieur Reiss, vous qui avez assidûment et avec sagacité participé aux débats sur l’école. J’ai pu mesurer, au cours de la dernière législature, votre connaissance du milieu et je suis aujourd’hui frappée par votre mauvaise foi et votre aveuglement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Deguilhem. Très bien !

Mme Martine Martinel. Je dirai même, au milieu des cris d’admiration de mes collègues, qui ne me laissent pas insensible, que vous ne manquez pas d’audace !

M. Patrick Hetzel. De l’audace, toujours de l’audace !

Mme Martine Martinel. Belle devise, que vous n’avez pas toujours appliquée ! (Sourires.) À propos des suppressions de postes, vous avez employé, monsieur Reiss, une formule quelque peu euphémistique, évoquant une année de dérive. Mais vous avez fait en réalité le bilan de dix années de dérive – car, les suppressions de postes et les dégâts causés à l’éducation nationale dont vous parlez, il me semble bien que ce sont des ministres de droite qui en sont à l’origine, avec votre approbation !

M. Frédéric Reiss. Avec l’approbation de l’Assemblée nationale !

Mme Martine Martinel. Et ce en dépit de réserves formulées dans des rapports que votre honnêteté intellectuelle ne peut que reconnaître, monsieur Reiss. Peut-être parliez-vous, vous qui êtes, je le répète, un homme avisé et plein de sagacité, au nom d’une idéologie – un mot que vous aimez bien ? En effet, au lieu de parler de la loi de refondation de l’école, vous avez fait une sorte de méli-mélo, passez-moi l’expression, des extraits du rapport de la Cour des comptes et du décret sur les rythmes scolaires. Je ne vous reconnais pas ! Peut-être êtes-vous sous l’influence de vos collègues ou d’une idéologie malvenue…

M. Yves Durand, rapporteur. Rendez-nous notre Reiss ! (Sourires.)

Mme Martine Martinel. Tous les arguments que vous avez présentés, on pourrait les retourner point par point.

M. Patrick Hetzel. Faites-le donc !

Mme Martine Martinel. Mes collègues l’ont déjà fait. Nous avons l’impression de reprendre inlassablement les débats déjà longuement menés en commission, et repris au Sénat.

Je conclurai en rappelant les propos d’Yves Durand, qui a parlé de « loi dynamique », et de Patrick Bloche, qui a souligné avec justesse qu’elle a été votée « par une large majorité dont le périmètre politique est réjouissant et prometteur ». J’espère que vous vous associerez aux réjouissances et aux promesses. Bien entendu, votre motion de rejet préalable est à nos yeux complètement infondée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe UMP.

M. Benoist Apparu. Quelques mots pour soutenir la motion de rejet préalable que vient de défendre avec brio Frédéric Reiss et expliquer pourquoi le groupe UMP la votera évidemment.

Vous nous expliquez depuis le début du débat, monsieur le ministre, que vous seriez en train de refonder l’école républicaine, dont vous poseriez les nouveaux piliers et les nouvelles fondations. Il s’agit, en somme, d’une loi digne de celles de la fin du XIXe siècle qui traduisaient les engagements de Jules Ferry !

M. Olivier Falorni. N’en jetez plus !

M. Benoist Apparu. Hélas, comme vient de le dire Frédéric Reiss, votre projet de loi n’est en rien une refondation mais bien un simple ripolinage de l’école. Vous ne traitez pas les sujets les plus fondamentaux, aujourd’hui au cœur de la problématique de la réussite scolaire. J’en veux pour preuve le récent rapport de la Cour des comptes, qui a déjà été évoqué et que bien évidemment nous citerons abondamment au cours du débat car il illustre, me semble-t-il, les arguments que nous développons depuis le début de la discussion.

Mme Martine Faure. Et qui porte sur les dix dernières années !

M. Benoist Apparu. Ce rapport nous dit qu’il faut travailler sur la question du statut des enseignants d’une part et du statut des établissements d’autre part. Deux débats que vous avez refusé d’aborder, monsieur le ministre, dans une loi dite de refondation ! Notre reproche ne porte pas tant sur le contenu de votre texte que sur la promesse que vous y faites de refonder l’école alors même que vous ne traitez pas les deux sujets les plus importants.

Le rapport de la Cour des comptes formule dix-neuf propositions. Combien votre texte en reprend-il ? Une ! Et le contre-rapport proposé par l’UMP ? Douze ! Cela veut simplement dire, monsieur le ministre, comme vient de le démontrer Frédéric Reiss à l’instant, que vous ne traitez malheureusement pas les problèmes essentiels de nos établissements scolaires et de notre école en général pour fonder l’école républicaine sur la réussite scolaire.

Nous craignons que le texte ne change malheureusement rien à la réussite de nos élèves. Il ne permettra pas de lutter contre l’échec scolaire. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe UDI.

M. Philippe Gomes. Le groupe UDI est attristé de retrouver en deuxième lecture un texte à peu près inchangé depuis la première. Il est quand même dommage qu’un constat partagé aboutisse à un texte pareil !

Mme Annie Genevard. C’est juste !

M. Philippe Gomes. Le constat, chacun le connaît. La maîtrise de la lecture scolaire, selon le programme de recherche international, place la France au même niveau que l’Azerbaïdjan.

Mme Martine Faure. À qui la faute ?

M. Philippe Gomes. Les journées d’appel et de préparation à la défense dénombrent 20 % de lecteurs inefficaces. Les tests PISA nous font descendre une marche sur les fesses chaque année. Enfin, le classement en matière d’équité scolaire nous classe vingt-septième rang des trente-quatre pays de l’OCDE.

Mme Martine Faure. Eh oui !

Mme Brigitte Bourguignon. Lourd bilan !

M. Philippe Gomes. C’est extraordinaire ! Voilà l’increvable bouc émissaire : à l’origine d’un tel désastre, la droite ! Pour oser le dire, il ne faut pas manquer d’air ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En réalité, à l’origine d’un tel désastre, il y a trente ans de politiques publiques.

Mme Brigitte Bourguignon. Pourquoi trente ?

M. Philippe Gomes. En dépit des louables ambitions des uns et des autres, voilà ce qui a conduit à l’actuel désastre de l’école française.

En intégrant les chiffres que je viens d’indiquer, comme cela a ou être le cas au cours des auditions en commission et du débat en séance publique, nous aurions été capables, si nous avions été animés par une véritable volonté de rassemblement, de faire non pas une loi de refondation de l’école, terme qui me paraît dépourvu de toute humilité, mais au moins une véritable réforme permettant à ceux qui sont aujourd’hui en marge de l’école d’en bénéficier véritablement demain.

Sur la base de tels constats, que propose le Gouvernement ? Plus de postes, plus de postes, plus de postes !

M. Jean-Paul Tuaiva. Eh oui !

M. Philippe Gomes. Et ce rite incantatoire suffirait à régler les problèmes… Le rapport d’une cruauté infinie de la Cour des comptes, dû à l’un de vos illustres ex-collègues, vient de le dire : ce serait tellement simple s’il suffisait de créer des postes pour régler l’immense échec de notre école !

On modifiera les cycles, nous dit-on. Formidable ! Ceux de 1989, vieux de vingt-cinq ans, ne sont toujours pas applicables, mais modifions-les toujours et tout ira mieux ! On changera le socle, nous dit-on. On ajoute le mot « culture »… et le socle disparaît de la loi, pour être réglé ultérieurement par décret !

M. Luc Belot. On en reparlera quand des postes seront créés dans votre circonscription !

M. Philippe Gomes. Rien sur les collèges ni sur les lycées, rien sur le statut des enseignants ni sur celui des établissements, rien sur les directeurs d’école, rien sur la liaison entre enseignement secondaire et supérieur !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Gomes.

M. Philippe Gomes. Je m’arrête donc là. Je soutiens pleinement cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. En 1881, la loi Ferry instaurait la gratuité de l’enseignement primaire ; en 1886, on décidait de former des instituteurs laïcs ; en 1936, on rendait obligatoire la scolarisation jusqu’à quatorze ans.

M. Yves Durand, rapporteur. C’est la gauche qui a fait tout ça !

Mme Annie Genevard. Depuis le début de la Ve République, en 1958, 29 réformes de l’éducation ont vu le jour, soit une tous les deux ans en moyenne. L’histoire de l’éducation nationale est marquée par ce réformisme forcené. Comment comprendre les multiples réformes des occupants successifs de la rue de Grenelle, sinon comme l’expression d’un désir, généreux sans doute, d’améliorer le système et peut-être aussi celui, plus personnel, de marquer de son empreinte propre l’histoire de ce grand ministère ?

Les mots ne vous ont pas manqué, monsieur le ministre, en fin lettré que vous êtes, pour traduire cette ambition d’incarner une étape majeure de l’histoire de l’éducation nationale : « C’est une espérance qui se lève » avez-vous dit. Mais ce lyrisme traduit-il la réalité tangible que suppose le terme de refondation ? Au fond, si l’on examine les points que vous jugez capitaux, on peut sérieusement en douter.

Rappelons-les brièvement, si vous le voulez bien, à commencer par la création de 60 000 postes. Il fallait un président de la Cour des comptes socialiste pour vous dire ce que nous vous avons répété durant toute la première lecture de ce texte : si le mode de gestion des enseignants reste inchangé, les problèmes que nous connaissons, et qui relèguent notre pays à de médiocres classements sur presque tous les items interrogés, ne seront pas résolus. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) En tout état de cause, des moyens accrus ne sauraient constituer une réforme en soi.

Que dire des autres innovations, que vous estimez refondatrices ? La réforme des rythmes scolaires ne consiste en fait qu’à revenir à la situation ante de la semaine de quatre jours et demi. Quant à la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, elle s’inscrit dans le droit fil des IUFM – qui n’ont pas fait que du bien, il faut le dire.

M. Pascal Deguilhem. Ils n’ont pas fait que du mal non plus !

Mme Annie Genevard. Je veux bien reconnaître qu’ils n’ont pas fait que du mal… mais pas que du bien non plus.

Enfin la modification des cycles, certes importante, ne saurait constituer une innovation majeure. J’arrête là cette énumération. Non, décidément, monsieur le ministre, il n’y a dans cette loi rien de véritablement refondateur, même si, par honnêteté intellectuelle, je trouve intéressantes certaines dispositions relatives à l’éducation artistique et culturelle ou à l’enseignement de la morale laïque, pour autant que les contours et les modalités de ces enseignements soient clairement définis, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Du reste, nous ne sommes pas les seuls à vous le dire. Vos alliés communistes du Sénat l’ont affirmé sans détours, en soulignant que ce projet n’était pas à la hauteur. Pour obtenir tout de même l’indispensable appui de leurs vingt voix, vous avez fait des concessions qui ne sont pas minces. J’en citerai deux par ordre d’importance dans l’effet produit : la première est l’abandon de la régionalisation des formations, la seconde l’usage pédagogique des langues parlées au sein de la famille. Sur ce dernier point, monsieur le ministre, il me semble que nous sommes loin de la lutte contre les déterminismes auxquels vous vouliez arracher les élèves. J’espère que nous reparlerons de ce point, qui me semble de première importance.

Si nous demandons un renvoi en commission alors que nous avons déjà amplement débattu, c’est parce que nous n’avons pas trouvé dans les longues heures de discussion qui ont eu lieu, et pas davantage dans le texte, de réponses ni même d’écho à ce que nous jugeons essentiel.

Revenons au rapport de la Cour des comptes. Je trouve ce document extraordinaire de pertinence et j’espère qu’il fera date – et pas parce que, selon le point de vue politique duquel on se place, il peut mettre en porte-à-faux la droite ou la gauche. Je trouve d’ailleurs bien pauvrement décalée l’analyse qu’en ont faite certains ministres. Selon eux, ce rapport ne concernerait que la gestion du passé, comme s’il ne portait pas en germe les promesses du renouveau !

La politique a des droits, mais elle n’a pas tous les droits. Elle n’a pas, en tout cas, celui d’ignorer les analyses et les préconisations de la Cour des comptes. Sachant l’ampleur de l’échec scolaire et ses ravages individuels et sociaux, sachant l’état de nos finances publiques, on ne peut dédaigner ce rapport et faire comme s’il ne concernait que le passé.

Je n’en ferai pas l’analyse complète : d’autres s’en chargeront, et nous aurons, de toute façon, l’occasion d’y revenir durant la discussion des articles. Je n’en retiendrai que l’idée maîtresse, la ligne de force : il faut à l’éducation nationale – pardon à ceux qui considèrent que c’est un gros mot – une véritable politique des ressources humaines. Gérer les enseignants autrement, c’est le sens de l’histoire, que ne pourront contrarier indéfiniment les conservatismes en tout genre qui la corsètent et l’étouffent depuis trop longtemps.

Ce document, dont nous pouvons regretter qu’il n’arrive qu’au terme de ce parcours législatif, justifierait à lui seul le renvoi en commission.

M. Benoist Apparu. Tout à fait !

Mme Annie Genevard. Nul doute qu’il y susciterait des débats enflammés ; mais peut-être trouverait-on là enfin le vent de l’espérance que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre !

Si ce document émanait de notre famille politique, nous nous attendrions à ce qu’il soit balayé d’un revers de main. Mais c’est de la vôtre qu’il émane ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Emeric Bréhier. Mais non !

Mme Annie Genevard. Alors, de grâce, monsieur le ministre, ne l’ignorez pas ! Si vous parveniez à inspirer votre politique de son esprit et à en appliquer la lettre, alors je suis absolument convaincue que vous marqueriez d’une trace indélébile ce beau et si difficile ministère.

Vous êtes arrivé à la tête de ce ministère plein d’enthousiasme, vous, le plus gâté financièrement de tous les ministres (Sourires)

M. Philippe Gomes. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. …et persuadé que ces moyens considérables allaient de facto vous valoir l’appui de tous. Vous eussiez dû être plus fin tacticien, monsieur le ministre, et user de ces moyens considérables, fruit de l’effort des Français, pour négocier avec les enseignants mais surtout avec leurs syndicats des réformes en effet difficiles et sur lesquelles tant de vos prédécesseurs ont échoué.

L’Europe peut parfois aider à dépasser des visions trop hexagonales. Nous avons à apprendre des succès pédagogiques des autres pays. On a pu le constater sur la question de l’apprentissage, dont cette loi recule l’âge minimum quand l’Europe va plutôt vers le modèle allemand, qui commence dès quatorze ans.

Je constate, sur ce point, que deux aspects de votre réforme conduisent les élèves à rester plus longtemps à l’école : dès deux ans – ce qui suscite beaucoup de questions quant au bénéfice pour l’enfant – et quasiment jusqu’à seize ans. Une scolarisation à la fois précoce et durable donc, comme si cela préservait l’élève des dangers de la société. À dire vrai, c’est là une curieuse conception. Si l’école était le lieu de la réussite pour chacun, du bien-être de tous, on pourrait comprendre, mais ce n’est pas le cas !

M. Yves Durand, rapporteur. Ça va l’être, grâce à notre réforme !

Mme Annie Genevard. La France est au 18e rang sur 34 pays membres de l’OCDE pour la performance de son système éducatif et au 13rang en matière de bien-être des enfants.

Sur cette question du bien-être d’ailleurs, elle est bien troublante, cette enquête conduite par un hebdomadaire pourtant proche de votre sensibilité, le Nouvel Observateur. Sous le titre « Racket, harcèlement, violence… École : attention danger ! » on peut lire l’analyse suivante : « L’école n’est plus le sanctuaire d’antan. Les coups, le harcèlement, les insultes font désormais partie de son quotidien. Et rien n’indique que les dernières mesures gouvernementales pourront endiguer le phénomène ».

M. Nicolas Bays. Vous essayez toujours de faire peur !

Mme Annie Genevard. Les chiffres sont troublants, monsieur le ministre : un collégien sur dix ne se sent plutôt pas ou pas du tout en sécurité – et presque deux sur dix au lycée professionnel.

M. Nicolas Bays. C’est pour ça que vous avez supprimé les postes de suppléants ?

Mme Annie Genevard. Encore cette moyenne masque-t-elle les disparités entre les établissements : dans certains d’entre eux, le sentiment d’insécurité ou de mal-être est beaucoup plus élevé. Malgré cela, vous avez refusé en première lecture un amendement que j’avais proposé et qui suggérait, dans une formulation me paraissant équilibrée, des sanctions proportionnées visant à ne pas laisser les comportements violents se banaliser. Comme si le simple fait de ne pas nommer les choses suffisait à s’en prémunir !

Et que dire de ces élèves tellement désespérés par ce qu’ils vivent à l’école qu’ils en viennent à se suicider, comme cette jeune fille qui s’est pendue dans son lycée la semaine dernière ? Une tragédie silencieuse, dont on ne dit presque rien – à peine quelques lignes dans un journal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Corre. Vous utilisez le malheur des gens, c’est honteux !

Mme Brigitte Bourguignon. Inadmissible !

Mme Annie Genevard. Pourquoi soupirez-vous ? Ces faits que j’évoque ne constituent pas à eux seuls la réalité de l’école, mais ils en font partie.

Comment s’étonner qu’un métier mal payé, peu considéré, exposé aux violences du temps, où le bon enseignant est indistinct du mauvais, où l’effort pédagogique n’est pas valorisé financièrement, attire si peu ? Un professeur des écoles sur trois déclare ressentir, confronté à la difficulté scolaire, une impression d’impuissance, d’isolement ou de fatalisme.

M. Yves Durand, rapporteur. La faute à qui ?

Mme Annie Genevard. Un professeur sur trois ! Et nous serions hors sujet ?

Nous sommes, en fait, confrontés à une convergence de signaux très inquiétants. D’une part, un échec scolaire alarmant : 140 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme – on les appelle les décrocheurs – ce qui fait aujourd’hui de l’école un lieu renforçant l’inégalité des chances. D’autre part, le métier d’enseignant attire de moins en moins, ce qui pose la question de la qualité future des enseignants, quand le nombre de postes aux concours est parfois supérieur au nombre de candidats.

Mme Martine Faure. Ça, ce n’est pas nouveau !

Mme Annie Genevard. Or, on le sait, ce point est capital pour la réussite des élèves. C’est d’ailleurs l’une des priorités pour la Commission européenne et je vous rejoins, monsieur le ministre, lorsque vous dites que l’on peut parler de tout à condition de considérer que les enseignants sont au cœur du système.

La lutte contre l’échec scolaire, cancer de notre école, aurait dû constituer le cœur de la réforme, presque son alpha et son oméga. Ce n’est pas seulement l’affaire de l’éducation nationale, c’est le devoir de toute une société à l’égard de sa jeunesse. Votre réponse est dans l’augmentation du recrutement, résumée par le slogan « plus de maîtres que de classes ».

Vous avez supprimé l’aide personnalisée, ainsi que les internats d’excellence, dont vous avez fait une analyse partiale. Il n’y a, dans votre projet, aucune innovation sur ce point, comme si cette notion ne valait que pour l’industrie ou la technologie. Songez que plus d’un enfant sur trois est fragile ou en grande difficulté en lecture, calcul ou écriture. Comment comprendre, madame Buffet, que les communistes aient refusé au Sénat un amendement préconisant qu’un enfant maîtrise la lecture avant de quitter l’école élémentaire ? Je suis persuadée que vous aurez à cœur de vous expliquer sur ce point.

Pas une fois nous n’avons évoqué le travail réalisé par des organismes telle l’association « Agir pour l’école », dont le président d’honneur est Claude Bébéar et dont l’ambition est de trouver des solutions contre l’échec et les inégalités scolaires. « Agir pour l’école » capitalise les enseignements de la recherche, notamment expérimentale, pour la mettre à disposition des enseignants.

Pire, nous n’avons pas évoqué une seule fois les treize propositions de l’institut Montaigne, un organisme à l’expertise reconnue.

M. Nicolas Bays et M. Emeric Bréhier. Par la droite !

Mme Annie Genevard. L’institut Montaigne a pour ambition de vaincre l’échec scolaire. Si cette ambition est de droite, alors je la revendique volontiers ! Le terme « vaincre » n’est d’ailleurs pas trop fort, car c’est bien d’une guerre qu’il s’agit !

Non seulement ces propositions ne sont pas suivies, mais ce sont parfois des dispositions exactement inverses qui sont prises. Ainsi, alors que l’institut Montaigne préconise d’intégrer la dernière année de maternelle dans l’école élémentaire, vous faites de la maternelle un bastion disjoint de l’école primaire. Quand l’institut Montaigne conseille de prendre réellement en charge les élèves en difficulté, vous supprimez l’aide individualisée – et, pire, les évaluations nationales. Quand il préconise de sélectionner et de former des directeurs d’école de qualité exerçant un réel pilotage de leur établissement, vous leur réservez dans votre loi une portion congrue : ils n’ont quasiment aucune autonomie.

Pourquoi ne pas vous inspirer de ce qui marche ailleurs, au Canada par exemple ? En première lecture, j’ai déjà évoqué l’expérience canadienne, qui me paraît intéressante : une plus grande décentralisation, un binôme enseignant-éducateur – un peu à la manière des Apprentis d’Auteuil, des professeurs bien payés, mais qui font davantage d’heures. Bien sûr, tout n’est pas intégralement duplicable mais on ne fera rien de nouveau, rien de mieux, avec les vieilles méthodes qui ne marchent plus. Il faut, comme le dit l’institut Montaigne, « une révolution copernicienne ».

C’est de tout cela, monsieur le ministre, que nous avons envie de reparler en commission. Nous devons examiner sérieusement les préconisations de la Cour des comptes pour une autre gestion des enseignants, qui ferait que ceux-ci se sentiraient mieux devant leurs élèves et ces derniers, mieux dans leurs écoles. Nous n’avons pas épuisé le sujet. Je dirais même que nous ne l’avons pas vraiment abordé.

Comment comprendre que vous minimisiez ce qu’on appelle « l’effet maître », dont vous n’avez même pas voulu reprendre l’expression dans votre projet de loi ? Cet « effet maître » que Montaigne – celui des Essais, pas l’institut ! – évoquait admirablement par cette formulation résumant le lien si particulier de l’élève et de son professeur : « parfois lui ouvrant le chemin, parfois le lui laissant ouvrir ».

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous pensons qu’il y a largement matière à un renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Durand, rapporteur. Je suis quelque peu étonné de cette demande de renvoi en commission, même s’il est tout à fait normal et acceptable…

Mme Annie Genevard. Souhaitable même !

M. Yves Durand. …– ça, je ne sais pas – que l’opposition fasse valoir ses droits à présenter des motions de procédure.

M. Benoist Apparu. Vous ne l’avez jamais fait !

M. Yves Durand, rapporteur. Madame Genevard, nous avons tout de même passé de nombreuses heures à examiner ce texte, en commission et en séance en première lecture, puis à nouveau en commission en deuxième lecture. Nous avons consacré pratiquement toute la journée de mercredi, jusqu’à une heure avancée de la nuit – si tard d’ailleurs que les députés de la majorité présidentielle se sont trouvés un peu seuls ! – à étudier tout ce qui pouvait encore améliorer ce texte, en tenant compte des préoccupations que vous aviez vous-même mises en avant. Je m’étonne donc véritablement que vous présentiez une telle motion.

Par ailleurs, et comme vous avez annoncé, comme M. Reiss, que vous alliez vous référer régulièrement au rapport de la Cour des comptes, je vous rappelle qu’à aucun moment le président Migaud ni l’institution qu’il préside n’ont préconisé des suppressions de postes.

Mme Valérie Corre. Très bien !

M. Benoist Apparu. C’est un peu court, monsieur le rapporteur !

M. le président. Nous en venons à présent aux explications de vote. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. Je suis quelque peu critique quant à l’explication que vient d’apporter Mme Genevard et me permettrai de lui dire trois choses.

En premier lieu, la laïcité impose la neutralité des institutions publiques.

Mme Valérie Corre. Très bien !

M. Thierry Braillard. Or je vous rappelle, madame Genevard, que M. Migaud, premier président de la Cour des comptes, est un magistrat : quelle que soit son orientation politique, celle-ci n’a donc pas à être mentionnée.

M. Olivier Falorni. Absolument !

M. Thierry Braillard. Il est le premier président d’une institution qui se veut neutre. Aussi je vous demande de faire quelque peu attention à ce que vous dites. Ce n’est pas parce que M. Sarkozy a souvent mélangé politique et magistrature qu’il faut faire de même dans cette assemblée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Ridicule !

M. Thierry Braillard. En deuxième lieu, j’ai beaucoup apprécié la manière dont vous avez cité ce rapport de la Cour des comptes. Il me semble, pour avoir consulté mes archives pendant votre intervention, que les propos tenus par le groupe UMP lors de la publication de deux rapports précédents, l’un sous l’ère Darcos, l’autre sous l’ère Chatel, s’éloignaient quelque peu de ceux que vous venez de tenir.

M. Benoist Apparu. Pourquoi parler de nous sans cesse ?

M. Thierry Braillard. Comme quoi, avec le temps, l’on mûrit – ou, d’une certaine façon, l’on s’améliore !

En troisième lieu, ne faites pas dire au rapport de la Cour ce qu’il ne dit pas. Ce rapport est très clair : il ne parle que d’une seule chose, l’organisation et le fonctionnement de la gestion, et n’évoque ni le fond ni les enseignements. On peut certes en faire des interprétations différentes – et d’ailleurs, madame Genevard, j’en suis désolé, votre lecture n’est pas la mienne, alors qu’il s’agit pourtant bel et bien du même document.

Ce rapport évoque-t-il un budget trop important, comme vous le disiez ?

Mme Annie Genevard. Je n’ai jamais dit ça !

M. Thierry Braillard. Il indique que « en particulier, entre 2008 et 2012, les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques » – la fameuse RGPP chère à M. Reiss – « n’ont pas eu pour conséquence de réduire le budget de l’éducation nationale ». Le rapport va même plus loin en évoquant une crise d’attractivité du métier d’enseignant devenue inquiétante.

Qu’est-il écrit sur la réforme de la formation des enseignants ? Que la réforme dite de la mastérisation mise en œuvre à compter de la rentrée scolaire 2010-2011 n’est pas sans lien avec les difficultés de recrutement ! On peut tout dire sur le ministre actuel de l’éducation nationale, mais ce rapport porte, à titre exclusif, sur les années où vous étiez au pouvoir !

Pour terminer, la Cour ne dit pas qu’il faut moins de professeurs, ni moins de renforts : elle critique les insuffisances du pilotage et de la gestion. C’est pourquoi le groupe RRDP et plus généralement les radicaux défendent, pour leur part, les 60 000 créations d’emplois et le retour des postes RASED dans des écoles qui en ont bien besoin.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe RRDP votera contre cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR.

Mme Marie-George Buffet. Ma chère collègue, la Cour des comptes émet des avis qui, émanant d’une institution respectable, sont toujours intéressants et permettent d’éclairer notre jugement. Mais c’est ici, à l’Assemblée nationale, que nous faisons la loi et que nous prenons les décisions que nous estimons nécessaires, qui nous paraissent correspondre aux besoins de l’école. Ce n’est pas à la Cour des comptes de nous dicter des articles de loi.

M. Patrick Hetzel. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Marie-George Buffet. Par ailleurs, nous avons eu des débats très riches, M. le rapporteur l’a dit, et vous y avez grandement contribué, chère collègue. Pourquoi renvoyer ce texte en commission ? Engageons d’ores et déjà la discussion sur les idées que vous avez émises : elles seront discutées dès ce soir !

Mais votre principal reproche à l’encontre de ce texte – et c’est ce qui m’a le plus étonnée dans votre argumentation – tient au fait que le projet de loi va faire entrer les enfants à l’école dès l’âge de deux ans, et qu’ils n’en sortiront pas avant seize ans. Et c’est terrible, dites-vous, car les enfants vont vivre tout ce temps dans une école de l’échec scolaire, avec la violence, le harcèlement, de mauvais enseignants…

M. Frédéric Reiss. Voulez-vous les garder jusqu’à dix-huit ans ?

Mme Marie-George Buffet. Justement, madame, l’ambition d’une loi de refondation de l’école est de faire en sorte qu’un enfant, de l’âge de deux ans à celui de… dix-huit ans, ce serait préférable de mon point de vue, atteigne le plus haut niveau possible de culture – une culture commune qui permettra de répondre aux défis de ce siècle et de former des hommes et des femmes de plus en plus qualifiés, capables, tout au long de leur vie, grâce à une solide formation initiale, d’acquérir de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences.

M. Frédéric Reiss. Incroyable ! Quel angélisme !

Mme Marie-George Buffet. Ce qu’il faut changer, ce n’est donc pas la durée de la scolarité obligatoire – ou alors ce serait pour l’allonger – mais les conditions de l’éducation. Cela exige des enseignants bien formés : nous allons précisément pouvoir le faire dans les écoles supérieures du professorat. Cela demande également un surcroît d’enseignants, afin que chaque classe ait un professeur devant elle : c’est ce que nous allons essayer de faire en poursuivant le débat sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Emeric Bréhier, pour le groupe SRC.

M. Emeric Bréhier. Je vous remercie, madame Genevard, du ton extrêmement posé que vous avez employé lors de votre intervention mais, sans vouloir répéter les propos de mes collègues, je m’étonne tout de même – ou je ne m’étonne plus ? – que vous fassiez tant référence à cette institution, la Cour des comptes, dont chacun reconnaît l’impartialité. Heureusement, me disais-je en vous écoutant, que son rapport est paru : sinon, que nous auriez-vous dit à la tribune, qu’aurait seriné votre groupe tout au long de la soirée et au cours des jours à venir ?

En complément de ce qu’a dit excellemment Thierry Braillard, si vous vous appuyez sur ce rapport fraîchement publié de la Cour des comptes, que ne rappelez-vous l’ensemble de ses travaux, y compris ceux de 2010 et en 2011 qui mettaient justement en exergue un certain nombre de dysfonctionnements de notre système scolaire ?

M. Thierry Braillard. Exactement !

M. Emeric Bréhier. Dysfonctionnements auxquels le ministre entend précisément remédier par ce projet de loi. Reprenez donc à la tribune l’ensemble des arguments avancés par la Cour des comptes !

Un autre élément a été soulevé par le rapporteur tout à l’heure : il ne suffit pas de demander un renvoi en commission – quoique jeune parlementaire, je commence, grâce à vous tous, à avoir l’habitude de ces motions de procédure – encore faut-il qu’il soit justifié ! Il ne s’agit pas seulement d’un droit à dix ou quinze minutes supplémentaires de discussion générale, quand bien même elles seraient aussi brillantes que votre discours l’a été.

Si nous n’avions pas connu de tels débats en commission, je pourrais comprendre le dépôt de cette motion de procédure, mais combien d’heures la représentation nationale a-t-elle passé, en première lecture, à l’Assemblée nationale et au Sénat, puis à nouveau à l’Assemblée en deuxième lecture, sur ce beau texte de loi ? Ce renvoi en commission ne se justifie pas, précisément parce que nous avons passé du temps en commission et dans l’hémicycle à discuter de ce projet.

Force est d’ailleurs de constater qu’entre le texte issu de la première lecture – ou, plus encore, le texte originel, présenté en conseil des ministres – et le texte qui nous est soumis ce soir, des évolutions et des avancées ont eu lieu, preuve de la capacité d’écoute de la majorité parlementaire comme du ministre.

Enfin, et ce sera ma dernière remarque, la refondation consiste à s’attaquer aux fondamentaux, à savoir les écoles supérieures du professorat et de l’éducation et la réforme copernicienne accordant la priorité à l’école maternelle et à l’école élémentaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas votre motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe UMP.

M. Patrick Hetzel. Je profite de cette intervention pour répondre à Emeric Bréhier.

Ce rapport de la Cour des comptes constitue en effet une donnée nouvelle. Le président Migaud, lors de la conférence de presse qu’il a organisée il y a une dizaine de jours, a tenu à ce qu’il soit publié très rapidement, afin tout simplement qu’il puisse nourrir le débat public. C’est la raison pour laquelle, qu’on le veuille ou non, ce rapport constitue une pierre ajoutée à l’édifice depuis la première lecture, et contribue à ce titre à nourrir les débats.

Il est tout de même frappant de constater que ni M. le ministre, ni M. le rapporteur, ni M. le président de la commission – qui, en guise de clin d’œil, a dit en laisser la primeur à Frédéric Reiss – n’y ont fait référence.

Cela est révélateur du fait que, de toute évidence, la majorité éprouve une certaine gêne à propos de ce rapport. Comme Mme Buffet le rappelait – de ce point de vue, les choses sont claires – il n’a pas vocation à se substituer au législateur ; toutefois, vous comprendrez aisément qu’il puisse avoir aujourd’hui toute sa place dans nos débats.

Ce rapport contient plusieurs éléments extrêmement intéressants. Les quatre premières de ses dix-neuf propositions, dans le premier chapitre, concernent l’évolution du métier d’enseignant. Ne trouvez-vous pas surprenant que, suite à sa publication, le Gouvernement ne propose aucun amendement et ne modifie en rien son projet ? Finalement, comme l’a relevé Benoist Apparu, une seule des dix-neuf propositions de la Cour des comptes – quelle générosité ! – figure dans le texte du Gouvernement. Cela nous conduit à nous interroger, et explique notre décision de présenter un certain nombre d’amendements.

Cette demande de renvoi en commission est tout à fait légitime, parce qu’il s’agit précisément de faire en sorte que ce texte puisse être amendé à l’aune du rapport de la Cour des comptes, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Telles sont les raisons pour lesquelles, bien évidemment, nous soutenons cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe UDI.

M. Philippe Gomes. Bien évidemment, comme l’ont dit mes collègues – tout au moins d’un certain côté de cet hémicycle – le rapport de la Cour des comptes change fondamentalement la donne.

Deux chiffres magiques – seulement deux – ont ponctué la campagne électorale. Le premier concernait la taxation à hauteur de 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros : il est aujourd’hui passé à la trappe. Le second concernait les 60 000 postes d’enseignants dans l’éducation nationale : c’était la réponse majeure, fondamentale, emblématique apportée à l’échec scolaire.

Or, voilà que nous est remis un rapport formidable, approfondi, fruit d’un long travail effectué par des magistrats qui ont apporté, au travers des travaux rendus au cours des dernières années, la preuve de leur compétence, et qui indique de manière claire et nette que la bonne réponse n’est pas celle de l’augmentation du nombre de postes. Pourtant, l’ensemble du projet de loi de refondation de l’école de la République est précisément bâti sur ce principe : le chiffre de 60 000 postes d’enseignants irrigue tout le dispositif qui nous est proposé.

Mme Martine Faure. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Gomes. La moindre des choses, une fois ce rapport publié, est de reconnaître que, dans la mesure où cet aspect fondamental du projet de loi est mis en cause de manière pertinente par la Cour des comptes, il nous appartient, en commission, de revoir notre copie et de nous assurer que les fonds susceptibles d’être alloués, dans cette période difficile, à l’éducation nationale ne seraient pas mieux utilisés dans le cadre d’autres dispositifs.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UDI soutient cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Le chantier de refondation de l’école qu’a engagé le Gouvernement est un défi de taille. Il s’agit de revenir sur dix années de politique éducative conservatrice qui, loin de combattre les failles de notre système, les ont aggravées en reproduisant les inégalités sociales. Je fais ici référence à la création des internats d’excellence, à la déconstruction de la carte scolaire ou encore à la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme. Comme si tout cela pouvait permettre de bâtir une école meilleure !

Il est maintenant nécessaire de replacer l’école au cœur de notre République, en en faisant le fondement d’une société plus inclusive.

Notre contribution doit cependant dépasser cette simple logique de réparation. Nous devons créer, innover. Nous devons bâtir l’école de demain : une école au service de tous, qui place l’élève au cœur de ses préoccupations ; une école qui s’efforce de supprimer les inégalités sociales et territoriales ; une école qui donne aux générations à venir les moyens de relever les nombreux défis du XXIe siècle.

Puisque ce texte arrive en seconde lecture à l’Assemblée, l’occasion nous est donnée d’en dresser un premier bilan.

L’élaboration de ce texte a connu plusieurs séquences, qui ont chacune apporté leur lot d’améliorations et sur lesquelles je souhaiterais revenir.

Dès l’ouverture des débats, Barbara Pompili avait indiqué au ministre de l’éducation nationale que cette réforme bénéficiait du soutien déterminé des écologistes ; notre position n’a pas changé.

Les efforts budgétaires consentis malgré la crise, l’adaptation des rythmes scolaires aux besoins et aux capacités des enfants et l’augmentation du nombre de professeurs pour tendre vers « plus de maîtres que de classes » – je tiens à insister sur ces deux points, la restauration de la formation initiale dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l’éducation ou encore la scolarisation des moins de trois ans étaient des mesures nécessaires, qu’il convient de saluer.

Les écologistes ne se sont toutefois pas contentés de soutenir ce texte : ils l’ont également amendé, amélioré et ont été force de proposition tout au long de l’examen du texte. C’est ensemble, grâce à une collaboration que je salue, au gré de débats engagés et d’échanges parfois tumultueux mais néanmoins constructifs, que nous avons enrichi ce texte.

Avec le projet de loi qui nous est transmis aujourd’hui, l’école renoue tout d’abord avec sa mission d’inclusion. Elle redevient cet outil offrant aux citoyens en devenir l’opportunité de se réaliser socialement et professionnellement, quel que soit le milieu dans lequel les élèves évoluent. N’est-ce pas la raison d’être de l’école ? N’est-ce pas ce que nous voulons tous ?

Ensuite, l’école se dote de personnels plus nombreux et, surtout, mieux formés ; c’est précisément ce dont nous venons de débattre.

Enfin, l’école s’ouvre sur de nouveaux contenus – artistiques, citoyens et environnementaux – et sur de nouveaux acteurs – les familles et l’ensemble du monde de l’éducation. Cette ouverture lui permet de développer une gouvernance collective et décloisonnée. Ainsi l’école fait partie d’un tout, notre société.

Dans un second temps, la navette parlementaire a fait son œuvre. Je tiens à souligner ici l’excellent travail de nos collègues écologistes au Sénat qui ont apporté des améliorations notables à ce texte. Elles concernent l’enrichissement des programmes par des enseignements nouveaux comme l’éducation à l’environnement et au développement durable dès l’école primaire ; la rénovation de notre modèle d’évaluation, rompant avec une tradition qui disqualifie et qui stigmatise, pour rendre le redoublement exceptionnel ; la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale, aux différents projets de la communauté éducative, concept également important ; l’élaboration d’un modèle de validation des acquis au sein du Conseil supérieur des programmes ; enfin, l’amélioration de la formation des enseignants, en encourageant désormais la formation continue.

Au cours de la navette, nous avons également pu avancer sur l’enseignement des langues régionales, auxquelles vous savez que nous accordons beaucoup d’importance. Comme vous vous y étiez engagé, monsieur le ministre, elles ont désormais toute leur place dans la refondation de l’école, puisque pour la première fois l’enseignement bilingue en français et en langue régionale sera reconnu dans notre législation. Cette reconnaissance est bien tardive, mais nous la saluons.

Nous avons donc beaucoup avancé. Dans cette ultime séquence du processus législatif, les écologistes resteront néanmoins vigilants et proposeront à nouveau d’évoluer sur plusieurs points.

Je pense en particulier aux dispositions qui concernent les élèves en situation de handicap. Cette réforme est l’occasion de leur envoyer un signe fort. Près de 20 000 d’entre eux sont encore sans solution de scolarisation : nous ne pouvons pas nous accommoder d’un tel chiffre. Nous devons faciliter leur accès à l’apprentissage. Nous devons réformer le statut des auxiliaires de vie scolaire, qui font un travail difficile dans des conditions précaires et qui souffrent d’un manque évident de formation et de reconnaissance. Cette réforme doit être l’occasion de mettre à la disposition des élèves en situation de handicap des personnels formés et des programmes adaptés. Cette refondation ne doit laisser personne sur le bord de la route !

De la même manière, l’école doit être le lieu de l’éducation aux nouvelles connaissances et aux nouveaux supports auxquels nos enfants seront confrontés. Je fais ici référence à l’éducation aux supports numériques et à l’introduction à l’égalité des genres. En matière de programmes, l’école doit aussi être le lieu où il faut « apprendre à apprendre ».

Je crois par ailleurs que nous pouvons améliorer l’articulation du primaire et du secondaire en multipliant et en approfondissant les rapprochements pédagogiques entre l’école et le collège. C’est fondamental. À cet égard, Isabelle Attard et Barbara Pompili déposeront de nouveaux amendements, car nous avons la conviction que ce début de refondation de l’école est non seulement un ajustement nécessaire mais aussi une opportunité que nous devons tous saisir. Le groupe écologiste sera au rendez-vous.

Enfin, des bases ont été posées concernant les projets éducatifs territoriaux et la refonte du système de notation. Toutefois, beaucoup reste à faire pour que ces évolutions prennent corps de manière satisfaisante sur le terrain. Vous le savez, notre attente est forte tant sur la refonte des programmes que sur la mise en œuvre réelle de l’innovation et de l’expérimentation pédagogiques.

Pour la première fois depuis longtemps, la jeunesse est érigée en priorité par l’exécutif ; plus que des chiffres, c’est ce que nous avons retenu du programme du Président de la République François Hollande. En outre, les budgets nécessaires à une refondation sont disponibles. Ne ratons donc pas cette occasion, ne passons pas à côté de ce texte et concrétisons le changement que nous avons amorcé avec nos collègues sénateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. D’aucuns diront qu’à chaque nouveau gouvernement est présenté un nouveau texte sur l’école. C’est vrai : par le passé, chaque nouveau ministre de l’éducation nationale a voulu laisser son empreinte par une énième réforme. Cependant, ce n’est pas ce dont il s’agit avec ce texte : aujourd’hui, on s’attache à reconstruire ce qui a été détruit.

Il faut tout d’abord reconstruire la formation des professeurs. Comme si enseigner pouvait relever de l’amateurisme, n’être qu’un hobby ! Les professeurs souffrent d’un manque de reconnaissance et l’absence de formation les plonge dans une situation intenable.

La pédagogie est au centre du métier. Oublier d’enseigner la pédagogie est un non-sens absolu et irresponsable. Les gouvernements du précédent quinquennat, en particulier, ont fait montre d’une inconscience et d’une désinvolture coupables.

M. Thierry Braillard. Eh oui !

M. Olivier Falorni. Enseigner est en effet un métier : apprendre à apprendre, apprendre à donner le goût d’apprendre, apprendre à développer chez l’élève l’esprit critique et à en faire un véritable citoyen.

Être doué en mathématiques ne suffit pas à faire un bon professeur. Les meilleurs danseurs, les plus grands musiciens ont tous eu des professeurs, certes moins doués qu’eux dans leur art, mais dotés en revanche d’un sens pédagogique qui les aura portés, qui les aura élevés.

Et si, justement, nous revenions au sens premier du mot « élève » ? Un élève n’est pas un être à qui l’on inculque deux ou trois formules mathématiques, deux ou trois règles de grammaire, deux ou trois dates historiques. Un élève est précisément un être que l’on élève, que l’on pousse à donner le meilleur de lui-même, chez qui on développe les talents, quels qu’ils soient ; un être pour qui tout aura été fait pour qu’il puisse révéler ce qu’il est et à qui on aura donné toute confiance pour qu’il s’épanouisse.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Olivier Falorni. Tel est le rôle de l’école, monsieur le ministre, et je vous remercie d’avoir rendu au métier de professeur tout son sens.

En effet, le projet de loi qui nous est soumis en deuxième lecture réinstaure la formation des enseignants dès cette année, avec les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Rien que sur ce point, il est justifié de parler de refondation de l’école de la République. Enfin la pédagogie retrouve ses lettres de noblesse !

Outre la formation des professeurs, c’est également le contenu des enseignements qui a été revu. L’école est en effet le lieu d’où doivent sortir les citoyens de demain. L’école doit avoir une signification dans la construction individuelle et collective de ceux qui auront demain à jouer un rôle dans notre société. La réintroduction de la morale laïque à l’école participe de ce mouvement essentiel.

Chacun le sait ici : la France et le monde traversent une période troublée, difficile. Notre monde est devenu plus fragile, il peut être soumis à des tentatives de déstabilisation par des mouvements populistes ou intégristes. Il est plus facile de dompter des peuples que l’on aura plongés dans l’ignorance, à qui l’on aura ôté leur culture et tout sens critique. À l’inverse, toute nation qui permet à ses citoyens de penser, de se référer à leur histoire, de réfléchir ne peut à terme qu’être plus démocratique et plus forte.

Certes, réintroduire une véritable formation professionnelle et apprendre aux élèves à réfléchir a un coût. Mais si l’éducation coûte cher, l’absence d’éducation coûte encore plus cher à la société, en termes économiques, sociaux et démocratiques. Car c’est à l’école que se construit l’attachement citoyen aux valeurs de la République.

Comme je l’ai dit, l’école a été mise à mal sous le précédent quinquennat et le Gouvernement se doit aujourd’hui, pour nos enfants, de reconstruire ce qui a été détruit. C’est tout le sens des 60 000 postes qui vont être créés dans l’éducation nationale au cours du quinquennat, alors que 80 000 postes avaient été supprimés sous l’ère Sarkozy.

Certains diront, en s’appuyant sur le dernier rapport de la Cour des comptes sans crainte d’en distordre le propos de façon éhontée, qu’une telle mesure est inutile.

M. Patrick Hetzel. Rien que cela !

M. Olivier Falorni. Le principe « plus de maîtres que de classes » que le présent projet entend mettre en œuvre est au contraire une chance.

Chacun d’entre nous ne peut que se féliciter de ce que nos enfants seront plus encadrés, plus soutenus, plus encouragés. Créer 60 000 postes a un coût, certes. Mais il en va de la réussite scolaire des élèves et de leur épanouissement. Il en va avant tout de l’égalité des chances, une notion qui devrait rester constamment à l’esprit de nous autres, législateurs. « Liberté, égalité, fraternité » : c’est pour défendre cette devise que nous œuvrons.

Je tiens ici à saluer l’initiative de Thierry Braillard qui, par un sous-amendement en commission, a lancé l’idée que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 soit apposée dans tous les établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés. Monsieur le ministre, vous avez souhaité, à juste titre, que cette apposition soit bien visible. Mais l’idée était bien là ; merci donc de l’avoir appuyée. Il était important, voire essentiel, de réaffirmer que l’école, qu’elle soit publique ou privée, a un rôle à tenir au sein de la République.

Car l’école a une mission impérieuse : celle d’établir la véritable égalité entre les citoyens de demain, l’égalité des chances qui ne distingue les enfants que par leurs efforts et leur mérite, et non par l’origine et l’argent. Je salue ici tout particulièrement votre engagement, monsieur le ministre, en faveur des écoles des quartiers populaires et des zones rurales en difficulté.

Sans doute l’avez-vous déjà constaté, l’ensemble des amendements déposés par le groupe RRDP ne poursuivent qu’un seul objectif : l’égalité des chances qui cimente les liens entre nos concitoyens et qui construira la société apaisée dont nous avons tellement besoin – aujourd’hui sans doute plus que jamais.

L’égalité des chances, c’est donner à chacun la même possibilité d’accéder à une vie meilleure. L’égalité des chances, c’est ouvrir pour tous le domaine des possibles. C’est permettre à chacun d’accéder à la liberté d’être celui qu’il aspire à devenir. C’est le chemin vers la fraternité car les autres ne sont alors plus un obstacle, des concurrents, parfois déloyaux, à notre réussite. Les autres, de par l’égalité des chances, deviennent alors le sel, le moteur, l’élan qui mène les êtres vers leur réussite. La réussite individuelle devient alors réussite collective et la société n’en devient que plus confraternelle et apaisée.

Je tiens cependant à appeler votre attention, monsieur le ministre, sur plusieurs de nos amendements qui ont échappé à votre vigilance et auxquels le groupe RRDP tient tout particulièrement car ils participent de l’égalité des chances.

Deux concernent l’inclusion d’un représentant d’associations de parents d’élèves en situation de handicap au sein du Conseil national d’évaluation du système éducatif et du Conseil des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Il s’agit d’amendements aux articles 21 et 51 du projet de loi. L’école n’a pas seulement pour mission d’assurer l’accueil des enfants en situation de handicap. Il ne s’agit pas de se contenter d’adapter les locaux en mettant une rampe d’accès ici ou là pour permettre à des élèves en fauteuil roulant d’accéder aux salles de classe. Il s’agit, avant tout, de faciliter leurs apprentissages par des méthodes pédagogiques adaptées à leur handicap. Inclure les associations de parents d’élèves en situation de handicap au sein de ces deux instances est une chance supplémentaire donnée à ces enfants, qui pourront bénéficier de l’évolution des connaissances pédagogiques les plus innovantes relatives à leurs problématiques.

Le groupe RRDP a également choisi de maintenir plusieurs amendements aux articles 30 et 51 concernant directement la formation des professeurs aux problématiques des élèves en situation de handicap et des élèves intellectuellement précoces. Pour ces derniers, qui n’ont bien évidemment pas de reconnaissance délivrée par les maisons départementales des personnes handicapées, les chiffres sont préoccupants. C’est un phénomène mal connu et difficile à évaluer et ils se retrouvent, pour deux tiers d’entre eux, en situation d’échec scolaire. C’est intolérable et tout doit être fait pour renverser la tendance. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour engager les réformes nécessaires en matière de formation des professeurs.

Par ailleurs, le groupe RRDP soumet à votre approbation un amendement à l’article 21 visant à favoriser le développement du numérique à l’école tout en veillant au respect de l’égalité des territoires. Il en va ici aussi du principe de l’égalité des chances.

Enfin, le groupe RRDP souhaite soumettre le redoublement des élèves à une condition impérative : qu’il ne soit envisagé que si l’enfant peut en tirer bénéfice. Il s’agit de nos amendements à l’article 25 bis du texte et à l’alinéa 111 de l’annexe. S’il est certes mentionné que le redoublement doit rester exceptionnel, il nous semble nécessaire de réaffirmer que la préoccupation première est celle de l’intérêt de l’enfant. Nous espérons là aussi être entendus.

Pour conclure, monsieur le ministre, votre projet de loi replace les générations futures sur la voie des connaissances, de la culture et de la mémoire retrouvée. C’est avec enthousiasme que nous avons travaillé sur ce texte et c’est avec enthousiasme que nous pouvons, à nouveau, voir l’avenir de nos jeunes et de notre société retrouver les conditions nécessaires à son épanouissement et à son apaisement.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’école de la République a permis à des générations de filles et de garçons d’acquérir des connaissances quel que soit leur milieu social. Elle a été un élément de la promotion sociale et de la citoyenneté, elle a permis à des générations de penser que leurs enfants auraient une meilleure vie que celle qu’elles avaient connue. Elle a permis à des jeunes de concrétiser cette espérance et d’être acteurs ou actrices du développement de notre pays.

Elle n’est plus aujourd’hui, malgré l’engagement des équipes éducatives, capable de remplir pleinement ces missions. La droite au pouvoir ces dix dernières années a malmené l’éducation nationale…

Mme Annie Genevard. Ça recommence !

Mme Marie-George Buffet. …avec la suppression brutale de postes, certes, mais aussi la stigmatisation du travail des enseignants.

M. Patrick Hetzel. Ah bon ?

Mme Marie-George Buffet. Aussi nous sommes-nous réjouis que l’objectif de refondation de l’école soit à l’ordre du jour. Nous avons besoin, en effet, d’une rupture forte avec une politique qui a sacrifié l’éducation de nos enfants et la formation des maîtres aux exigences du libéralisme.

Le projet de loi entérine la nécessité de revenir à une formation professionnelle avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dont nous nous félicitons. Cependant, nous restons au milieu du gué avec l’absence d’un véritable pré-recrutement, tant dans ce projet de loi que dans celui sur l’enseignement supérieur et la recherche. Permettez-moi de redire ici que les emplois d’avenir professeur ne relèvent pas de la même exigence : ce sont des contrats de droit privé sans véritable salaire ni statut.

Votre projet de loi contient un volet de programmation sur cinq ans, avec 60 000 postes ouverts après une période qui en a vu supprimer 80 000. Nous restons cependant préoccupés par le fait que ces postes soient retirés à d’autres ministères comme celui de la jeunesse, des sports et de la vie associative, qui concourt pourtant à l’éducation.

Une fois ces postes répartis dans les territoires, on en voit vite les limites tant les besoins sont grands. Monsieur le ministre, vous avez annoncé 150 postes supplémentaires pour la rentrée en Seine-Saint-Denis, et je m’en réjouis, dont 16 pour l’accueil des moins de trois ans en maternelle et 60 de remplaçants – ce qui, chacun s’en rend compte, ne peut suffire, ni pour le premier degré dont vous avez fait une priorité ni pour le second degré. Ainsi, rien n’est prévu pour les 43 établissements publics de ce département dispensant des formations en « bac pro » où l’on estime que depuis la réforme de 2009, 2 000 heures d’enseignement ont été volées à leurs élèves, soit l’équivalent de 111 emplois temps plein.

Nous avons noté avec satisfaction les ajouts, au Sénat, concernant les filières professionnelles et technologiques. Mais notre inquiétude demeure avec le texte sur l’enseignement supérieur et la recherche, qui n’a pas été au bout des choses pour ce qui est de l’accueil des jeunes de ces filières dans les STS et IUT et de leur parcours dans l’enseignement supérieur. Car si nous nous félicitons des amendements adoptés au Sénat garantissant la maîtrise par l’éducation nationale du choix final des filières dans l’enseignement professionnel, reste toujours posé – vous l’aviez soulevé en première lecture, monsieur le ministre – le problème de la place des enseignements professionnel et technologique dans l’enseignement général et la revalorisation de ces filières aux yeux des élèves, des familles et de la société.

J’aborderai maintenant le problème de l’orientation. Le débat a eu lieu au Sénat à partir d’amendements déposés par le Gouvernement. Nous souhaiterions que soient données, lors de cette seconde lecture, des garanties sur le maintien de l’orientation scolaire au sein du service public national d’éducation.

Des avancées ont eu lieu au Sénat concernant la scolarisation des moins de trois ans. Malgré quelques modifications, le projet maintient la logique du socle commun de compétence. Nous restons, pour notre part, persuadés qu’il faut aller vers l’objectif affirmé d’assurer à tous les enfants une culture commune de haut niveau et nous réitérons notre souhait de voir la scolarité obligatoire élargie de trois à dix-huit ans.

M. le rapporteur nous objecte que la scolarisation à trois ans est déjà une réalité et que cela nous exonère de légiférer sur le sujet. Reste que la question de l’âge de l’obligation scolaire est bien une décision législative inscrite dans le code de l’éducation. L’obligation à trois ans est conforme à la volonté affirmée du Gouvernement de considérer l’école maternelle comme une école à part entière, même si je regrette que le document sur la rénovation de la politique familiale classe les 75 nouvelles places en école maternelle pour les moins de trois ans dans les modes d’accueil !

L’argument selon lequel cette obligation alourdirait les charges publiques à l’égard de l’enseignement privé ne peut être un préalable ou obstacle définitif à l’ouverture d’un débat qui porte sur l’obligation de la scolarisation en maternelle et donc sur l’égalité de tous les enfants devant l’éducation. Quant à l’obligation scolaire jusqu’à dix-huit ans, vous nous répondez qu’elle est satisfaite par l’article 8. Or celui-ci, même amélioré, et cela est très positif, n’ouvre qu’une possibilité.

Nous sommes satisfaits que soit entériné le fait que l’enseignement artistique relève de l’éducation nationale et non du périscolaire, mais nous sommes très inquiets des modifications apportées par le Sénat à l’article 6 bis. Les professeurs d’éducation physique et sportive et leurs syndicats nous ont alertés. Cet article est source de confusion entre l’éducation physique et sportive, d’une part, et le sport scolaire, les activités sportives péri scolaires et extra scolaires d’autre part. Au nom de la complémentarité entre différentes formes de pratiques sportives, cet article mélange l’apprentissage aux sports dans les projets éducatifs territoriaux et les contenus de l’EPS, discipline d’enseignement scolaire.

Il fait également jouer au mouvement sportif un rôle qui n’est pas le sien en plaçant la mise en œuvre de l’EPS ou du sport scolaire dans le cadre des partenariats avec le mouvement sportif associatif. Complémentarité ne signifie pas amalgame : chacune de ces pratiques sportives ont des démarches et des objectifs singuliers. Je me félicite que la commission se montre favorable à des amendements visant à changer cet article.

Nous pensons en effet que les contenus de l’EPS, le choix des activités enseignées et les objectifs poursuivis sont et doivent rester, dans le cadre des programmes nationaux, de la responsabilité des équipes pédagogiques, en liaison avec le projet d’établissement. Ce qui, bien sûr, ne s’oppose pas à ce que s’établissent ou se prolongent des liens avec le projet éducatif territorial, notamment en termes d’utilisation des installations sportives.

Nous sommes conscients de l’importance des questions soulevées par la réforme des rythmes scolaires. Pour notre part, nous affirmons notre volonté de maintenir l’égalité républicaine quant au contenu de l’enseignement délivré et à la qualité éducative du périscolaire, avec les moyens nécessaires sur tout le territoire et pour tous les élèves.

Enfin, nous voulons reposer l’enjeu de la lutte contre la précarité. Il n’est pas acceptable que des personnels de l’éducation nationale soient embauchés avec des contrats de droit privé pour une durée limitée, sans déroulement de carrière, sans aucune reconnaissance. Il est certes difficile de remédier à ce problème d’un coup de baguette magique, mais il faut que cette loi affirme une volonté d’agir pour y mettre fin – c’est le sens d’un de nos amendements. Si nous voulons donner envie à de nombreux jeunes d’investir tous les métiers de l’éducation, il faut leur garantir formation, statut et salaire.

Pour conclure, je rappellerai ici l’image qui me venait à l’esprit lors de la première lecture : la refondation de l’école serait une maison à construire et ce projet de loi en poserait les premières pierres, laissant le chantier ouvert. La construction, au long de tous ces débats, a avancé mais, monsieur le ministre, nous avons encore du travail à accomplir à l’occasion de cette deuxième lecture pour que ce projet de loi de refondation de l’école de la République réponde pleinement aux attentes et aux besoins du pays et de ses enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche, président de la commission. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. De retour du Sénat où il a été voté en première lecture à l’unanimité de toutes les composantes de la majorité, ce projet de loi d’orientation et de programmation vise à ouvrir, pour les années à venir, le vaste et beau chantier en faveur de l’école et de la jeunesse.

Après les travaux de nos collègues sénateurs, avec l’ajout, ici, de nos propres amendements, ce texte, n’en déplaise à ses détracteurs, est vraiment celui de la refondation de notre système scolaire.

M. Patrick Hetzel. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Philippe Gomes. Vous êtes victime d’une illusion d’optique, ma chère collègue !

Mme Martine Faure. Il offre de nombreuses garanties quant à la lutte contre les inégalités sociales et territoriales qui avait été oubliée pendant de très longues années – je ne dirai pas dix ans, mais de très longues années.

M. Jean-Louis Bricout. C’est vrai !

Mme Martine Faure. Ce texte assure par ailleurs l’accueil de tous les enfants sans exception dans une école inclusive, et ce dès la rentrée 2013. La formation initiale et continue de tous les enseignants sera assurée par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Je rappelle tout de même que cette formation avait été supprimée et que nous avons failli voir disparaître du code de l’éducation le terme « formation continue ». Ceux qui étaient présents lors de la dernière législature ont souvenir de la proposition de loi Grosperrin.

J’ajoute que la présence de tous les partenaires au sein de la communauté éducative sera garante, vraiment, de la force de tout ce que l’on peut donner à nos enfants notamment à travers la mise en place des contrats éducatifs territoriaux, dont je me réjouis.

Le texte redéfinit le socle commun et met les outils numériques au service de la refondation pédagogique, et ce dès la rentrée 2013 : le service public du numérique éducatif sera mis en œuvre au bénéfice de 30 000 élèves des zones d’éducation prioritaire.

En outre, l’apprentissage des langues étrangères dès le cours préparatoire et l’utilisation des langues régionales favoriseront l’habileté linguistique dès les premières années de la vie scolaire. L’éducation à la citoyenneté et à l’égalité entre les filles et les garçons sera fortement encouragée et débutera dès la maternelle.

Ce projet de loi se traduira dès la rentrée par la création de 6 770 postes d’enseignants, dont la moitié sera destinée à l’enseignement primaire. Nous n’avons jamais dit qu’il fallait toujours plus de postes d’enseignants ; ce que nous voulons, c’est qu’il y ait un enseignant dans chaque classe, et un enseignant supplémentaire…

M. Benoist Apparu. Dans toutes les écoles ?

Mme Martine Faure. …pour garantir, précisément, la qualité de l’enseignement et de l’action pédagogique à l’école.

Mme Julie Sommaruga. Très bien !

Mme Martine Faure. Ce texte veut favoriser l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les meilleures conditions et améliorer la réussite de tous les élèves dans les écoles primaires, en particulier au cours préparatoire.

Je tiens à insister tout particulièrement sur le développement de l’accueil en école maternelle des enfants de moins de trois ans, car il s’agit d’un aspect essentiel de la priorité donnée au primaire dans le cadre de la refondation de l’école. En effet, la scolarisation d’un enfant avant ses trois ans est une immense chance pour lui et sa famille, lorsqu’elle correspond à ses besoins et se déroule dans des conditions adaptées. Or ces conditions sont garanties par le projet de loi, et précisément par son article 5, qui définit parfaitement les choses.

Cette profonde refondation prendra du temps, mais cette première étape est essentielle et enclenche une dynamique pour bâtir une école efficace et juste, veillant à l’égalité entre les élèves, les territoires et les filières, l’école de la mixité sociale et scolaire, l’école de la confiance dans les équipes pédagogiques et de l’attention portée à chaque élève, « une école juste pour tous et exigeante pour chacun », comme nous ne nous lassons pas de le répéter.

Sachant que nous proposons une solution collective pour répondre à des besoins qui sont individuels, et mêmes individualistes, nous avons mesuré les difficultés que nous devrons surmonter pour concrétiser ce vaste chantier. Je tiens à vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre, pour l’approche et le travail conjoints que nous avons pu avoir sur ce texte. Grâce à de nombreux échanges et à de nombreux amendements déposés par l’ensemble des parlementaires, ce texte est le fruit d’une réelle collaboration, et même d’une vraie coproduction, si vous me permettez l’expression.

M. Benoist Apparu. Vous êtes devenue copéiste !

Mme Martine Faure. Je ne peux me résoudre à voir nos collègues de l’opposition nier leur responsabilité dans la dégradation de l’école de la République, et je comprends moins encore ce qui les pousse à rejeter les mesures qui s’imposent pour assurer la réussite éducative de tous les élèves. Ce projet de loi, que nous allons voter, monsieur le ministre, c’est une espérance qui se lève pour tous les jeunes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme Annie Genevard. Une espérance qui se lève, vraiment ?

M. Yves Durand, rapporteur. Enfin une voix de gauche !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis la première lecture de ce texte devant notre assemblée, une donnée nouvelle est intervenue : la publication, il y a un peu moins de deux semaines, du rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion des enseignants, qui mérite une attention toute particulière de notre part.

Ce rapport formule des recommandations concernant la gestion des personnels enseignants, et force est de constater que votre projet de loi est diamétralement opposé à ces recommandations. Vous allez sans doute nous dire que c’est normal, étant donné que le rapport est postérieur à la rédaction de votre projet de loi, et c’est exact. Toutefois, tout cela est très révélateur du décalage qui existe entre la vision du système éducatif que vous nous proposez au travers de ce texte et celle qu’il convient d’adopter pour le faire évoluer efficacement. Pour nous, comme nous l’avons déjà largement dit en première lecture, cela prouve que votre politique fait fausse route et qu’elle renvoie à une vision datée de notre système éducatif.

En effet, vous continuez à privilégier le règne de la quantité, alors qu’il conviendrait de passer résolument à celui de la qualité. Vous êtes arc-boutés sur la question de la création de 60 000 postes, alors qu’il faudrait plutôt se poser la question de la juste et légitime allocation des moyens et des ressources, car vous êtes à la tête du plus important budget de l’État. La question de l’efficacité ne devrait pas être un sujet tabou, bien au contraire.

En fait, si nos orientations divergent à ce point, c’est parce que vous ignorez – au moins implicitement, en ne leur accordant aucune place dans votre projet de loi – trois dimensions pourtant essentielles et interdépendantes de notre système éducatif : la liberté, la responsabilité et l’évaluation.

S’agissant de la liberté, il est frappant de constater que vous ne parlez nullement de la liberté pédagogique, alors qu’elle est la clé de voûte de tout système éducatif efficace. Votre vision coercitive est de toute évidence datée.

Mme Chantal Guittet et Mme Martine Faure. Coercitive ?

Mme Annie Genevard. Tout à fait !

M. Patrick Hetzel. Elle relève d’un management public qui n’est plus adapté à notre monde contemporain, ni à la complexité que les acteurs rencontrent en permanence sur le terrain. Il faut laisser à ces derniers la capacité de prendre des initiatives.

Il est frappant de voir qu’au sujet des rythmes scolaires, vous avez voulu empiéter sur la liberté des collectivités locales et sur celle des parents. Si vous avez largement échoué sur cette question, c’est parce que vous avez voulu imposer votre vision, plutôt que de créer un cadre facilitateur ; il aurait fallu aider à faire, et non contraindre depuis votre ministère.

D’ailleurs, vos propres amis politiques vous l’ont fait savoir, et cela dénote une réelle déconnexion par rapport aux problématiques du terrain. Le réel vous résiste, et vous vous obstinez à vous demander pourquoi il résiste, alors que vous devriez vous demander si votre vision prend suffisamment en compte ce réel. En matière éducative, dire n’est pas toujours faire : votre gouvernement est en train de l’apprendre, aux dépens, hélas, de nos concitoyens et, dans ce cas précis, aux dépens de nos élèves.

La responsabilité est évidemment le pendant de la liberté. Ce n’est pas pour rien que nous avions, en son temps, intitulé « liberté et responsabilité des universités » la loi relative à l’enseignement supérieur. Il est plus que jamais nécessaire de responsabiliser tous les acteurs concernés par l’éducation : les élèves, les parents, les enseignants, les collectivités locales, et bien sûr l’État.

D’ailleurs, vous devriez davantage vous concentrer sur ce qui relève de l’instruction publique, de sorte que les familles puissent jouer leur rôle en matière d’éducation. Ce n’est pas le rôle de l’État que d’arracher les enfants à leur éducation familiale, comme vous l’avez écrit à plusieurs reprises ; son rôle est avant tout d’instruire. Et plutôt que de dire comment il faut instruire, il devrait privilégier deux axes pour mettre sous tension le système éducatif.

Il faudrait, d’une part, lui fixer des objectifs clairs et précis et se concentrer sur eux, plutôt que sur la manière de les atteindre : cela serait de nature à responsabiliser tout le monde. D’autre part, il faudrait promouvoir les expérimentations qui prennent en considération les évolutions récentes en matière de recherches psycho-cognitives. Là aussi, vous devriez faire confiance aux acteurs ; or votre projet de loi montre que vous êtes dans un schéma de défiance, plutôt que de confiance, ce qui est fort dommage.

Pour finir, votre projet néglige la question de l’évaluation. Or tous les experts s’accordent à dire que l’évaluation des élèves, des enseignants et de tous les acteurs de l’éducation nationale est essentielle pour piloter le système éducatif et le faire progresser dans la durée. « Évaluer » et « noter » ne sont pas des gros mots ; ils sont le pendant de la liberté et de la responsabilité.

Vous l’aurez compris : nous sommes, plus que jamais, opposés à une loi d’orientation et de programmation dont nous pensons qu’elle est, par les principes qui la sous-tendent, diamétralement opposée aux grands principes qui, au XXIe siècle, devraient prévaloir en matière éducative. L’esprit du temps est à la dimension qualitative ; votre texte l’ignore, hélas, et c’est la raison pour laquelle nous proposons de l’amender très sérieusement au cours des débats à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, chers collègues, M. le ministre espère que l’école se refonde, pour que la République grandisse.

Nous l’espérons aussi.

Mme Martine Faure. Ah !

M. Philippe Gomes. Mais ni vous, monsieur le ministre, ni nous, ne sommes les premiers à l’espérer. Il nous revient tous en mémoire les réformes qui ont marqué l’histoire de la Ve République : toutes portaient une part d’espérance. C’est la raison pour laquelle le terme de « refondation », qui renvoie aux fondateurs de l’école républicaine, nous aurions préféré que vous en fassiez l’économie, d’abord parce que c’est dans l’air du temps ; ensuite par esprit républicain, celui-là même qui relie les gouvernants de notre pays dans une certaine continuité, celle de l’État ; et peut-être, enfin, par humilité.

Le terme de « refondation » est une imprudence et une impudence ; il me rappelle une formule célèbre prononcée par le Président de la République pendant la campagne électorale, lorsque, encore candidat, il disait vouloir « réenchanter la France ».

M. Thierry Solère. Rien que ça !

M. Philippe Gomes. Le temps, aujourd’hui, est plutôt au désenchantement – pour rester mesuré.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Philippe Gomes. Je crains, hélas, qu’il n’en soit de même pour votre projet.

Mais ne revenons plus sur ce mot, dont l’emphase vise à flatter et à rassurer, alors qu’on aurait dû s’imposer le mot de « réforme », plus modeste et plus empirique, certes, mais aussi plus honnête. Là encore, évitons de distribuer les bons et les mauvais points, même si le sujet s’y prête plus que tout autre.

Nous avons été surpris que vous tiriez prétexte de la simplicité du dispositif proposé pour attendre une sorte d’unanimité, ou plutôt pour stigmatiser toute voie divergente et pour désigner vos prédécesseurs, et la droite tout entière, comme les bradeurs de l’enseignement ou comme les barbares du savoir, tandis que vous, à la façon de Jean-Louis Guez de Balzac, le grand épistolier, vous seriez le rénovateur de l’enseignement français, comme il a été le restaurateur de la langue française.

Vous avez dit, dans votre propos liminaire, que la droite s’était livrée, pendant des années, à la destruction de l’école.

Mme Julie Sommaruga et plusieurs députés du groupe SRC. C’est la vérité !

M. Philippe Gomes. Comment refonder sur un constat aussi erroné ? Et pourtant, sur le fond, vous avez raison : ce qui manque depuis des décennies à la réussite d’une grande réforme de l’éducation nationale, c’est un grand consensus national. Mais vous ne pouviez l’appeler de vos vœux, tout en désignant vos partenaires à la vindicte. Vous ne pouviez pas non plus l’obtenir par une sorte de vérité révélée, qui resterait au niveau des principes et serait défendue à l’envi par quelques professeurs de vertu républicaine autoproclamés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annie Genevard. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. C’est tellement vrai !

M. Philippe Gomes. À ce niveau-là, tout est simple, mais tout flotte, et les parlementaires n’ont pas vocation à s’adonner au plaisir narcissique des mots qu’on enfile comme sur un collier de perles, les mots pour les mots.

Ce qui compte, c’est la clairvoyance dans la réalisation. Or tout est plus complexe quand on descend dans le réel, et c’est l’honneur de mes collègues que d’avoir cherché à creuser, non pour affaiblir vos démonstrations, mais pour enrichir votre projet. C’est à partir de là que vous auriez dû chercher à constituer cette grande union nationale pour une grande rénovation de notre école. Certains sujets – je pense notamment aux contrats de génération, aux emplois d’avenir ou à la loi sur l’emploi – ont réussi, non pas à faire une grande union nationale, mais au moins à rassembler un certain nombre de bonnes volontés.

Ce ne sera pas le cas du présent projet de loi, car vous avez adopté la position inverse : vous vous êtes figés, et cela dès le grand malentendu de la réforme des rythmes scolaires, qui a d’emblée placé cette loi sous de drôles d’augures, ceux de l’incompréhension des Français, d’une brouille de l’État avec les territoires et de l’impuissance du législateur, cantonné au rôle de spectateur. C’est d’ailleurs pourquoi nous n’en sommes que plus redevables à nos collègues sénateurs du travail qu’ils ont pu réaliser. Je salue notamment la nouvelle formulation de l’article 3 ter, qui reprend pour beaucoup le travail réalisé dans cette assemblée. Et je profite de l’absence de mon collègue Rudy Salles pour lui rendre un juste hommage, puisque son sous-amendement en commission des affaires culturelles et de l’éducation a permis d’introduire dans ce texte le principe du pavoisement des façades d’école.

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Philippe Gomes. Je crains que mon espérance ne soit déçue, mais j’espère, monsieur le ministre, que vous aurez l’élégance de vous joindre à cette petite vérité historique, bien qu’un amendement ait été déposé par le groupe socialiste pour la reprendre à son compte.

Je me permets d’ailleurs de vous suggérer, au nom du groupe UDI, d’associer le drapeau européen au drapeau tricolore sur les façades des écoles, mais je crains encore d’être déçu. Ce serait pourtant un prolongement de l’œuvre républicaine et de l’élan que doit donner son école. Et c’est parce que cette Europe est à repenser qu’elle doit être présente, au quotidien, dans le lieu de la pensée. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de trouver la bonne porte d’entrée pour le drapeau européen.

Pour le reste, l’économie générale de ce projet de loi n’a pas été bouleversée.

Elle ne l’a pas du tout été s’agissant des dépenses publiques, qui constituent la première pierre d’achoppement. Vous créez 60 000 postes : 54 000 emplois au ministère de l’éducation nationale, 5 000 au ministère de l’enseignement supérieur et 1 000 au ministère de l’agriculture au titre de l’enseignement technique agricole.

M. Jean-Louis Bricout. Ça n’est pas mal !

M. Philippe Gomes. Ah oui, ça n’est pas mal ! Et l’on peut se dire que l’on réalise une grande œuvre avec ces 60 000 postes de plus, que l’on va refonder l’école ! Ce sera extraordinaire, dans cinq ans, quel travail aura été accompli !

Malheureusement, la Cour des comptes indique dans le remarquable rapport qu’elle vient de publier que le problème n’est pas celui du nombre d’enseignants, ou d’une insuffisance de moyens. La réduction du nombre d’enseignants au cours de la RGPP, comme son augmentation sur cinq ans, sont vaines à règles de gestion inchangées. Sur ce point fondamental de l’augmentation des postes, je crois que nous ne pourrons pas espérer beaucoup.

La vraie question est de savoir pourquoi, aujourd’hui, nos enseignants ont une rémunération de 35 % inférieure à un cadre de l’administration ? Pourquoi nos enseignants ont-ils une rémunération de 15 à 20 % inférieure à un enseignant de l’Union européenne ? Pourquoi, pour leurs premières affectations, nos enseignants sont mutés dans les deux tiers des cas sur des postes dits « difficiles », qui nécessiteraient une solide expérience ? Pourquoi, dans 50 % des cas, nous n’arrivons pas, dans les zones prioritaires, à pourvoir les postes vacants ? Voilà toutes les questions qui relèvent, entre autres, de la gestion des enseignants, et sur lesquels il aurait fallu véritablement s’interroger.

La deuxième pierre d’achoppement, c’est la disparition de la loi du socle de compétences et de connaissances. C’est une régression formidable, qui fait la démonstration d’une refondation sans socle. Ce socle figurait dans la loi, il en a disparu et sera fixé par décret, sans que le législateur ait son mot à dire. Une refondation sans socle, il fallait y penser… Alors que nous devrions précisément nous trouver là au cœur du dispositif, dont on nous dit qu’il est fondé sur la pédagogie, nous n’y trouvons plus rien. Le cœur de la réforme est vide !

La troisième pierre d’achoppement est liée à la formation des enseignants. Il fallait faire quelque chose, monsieur le ministre, tout le monde en convient. Nous pouvons être honnêtes et le dire. Les écoles créées sont les bienvenues. Mais peut-on être sûr que ces écoles ne connaîtront pas le même destin que les IUFM ? Au vu des éléments qui nous ont été donnés, nullement. Une vraie refondation de l’école aurait dû passer par une réflexion sur les missions des maîtres dans un monde qui, on l’avouera, a tout de même changé depuis 1950, date du dernier décret qui fixe ce statut. De cela, dans ce texte, il n’est pas question. Pas plus que de la question des directeurs d’écoles, qui aurait mérité un petit peu de considération.

Quatrième pierre d’achoppement, celle du statut et de l’autonomie des établissements. Celle-ci permettrait de donner une vraie réalité, et surtout une véritable efficacité, aux projets d’établissement – qu’il s’agisse des programmes ou du statut des enseignants –, le tout dans un cadre national. Ce sujet cardinal n’a pas été abordé par le projet de loi.

Cinquième et dernière pierre d’achoppement : ce texte, bien qu’affichant des intentions contraires, porte en lui l’émergence d’une école à deux vitesses en fonction des moyens dont disposeront ou non les communes ou groupements de communes.

Je conclurai par une interrogation : comment une position aussi ferme peut-elle se traduire, dans un texte affiché comme si fondamental, par autant d’incertitudes et de malentendus ? Je ne parle même pas d’oppositions. Je vous le dis très sincèrement, car nous avons, nous aussi, l’école chevillée au corps, de ce territoire métropolitain jusqu’aux territoires français les plus éloignés, notamment la Nouvelle-Calédonie, où aujourd’hui encore, seulement 50 % d’une classe d’âge obtiennent le baccalauréat.

Avez-vous été maladroit ? Avez-vous été trop péremptoire ? Vous avez encore, monsieur le ministre, quelques jours pour apporter des réponses sur les cinq points que je viens d’énumérer. Faites la démonstration de ce savoir qu’on apprend sur les rangs de l’école : la capacité à écouter et à entendre, pour se transformer, pour s’émanciper des limites étroites d’une majorité de gauche que vous avez célébrée pour les rivages d’un rassemblement plus grand, celui des républicains qui ont l’école chevillée au corps. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Julie Sommaruga.

Mme Julie Sommaruga. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc en deuxième lecture de ce grand texte sur la refondation de l’école.

Porteur d’une ambition d’égalité et de justice, ce texte, premier acte fort de la refondation, est une étape essentielle pour créer une école juste pour tous et exigeante pour chacun.

Ce projet de loi innovant fera date : augmentation des moyens, refonte des objectifs du socle commun, création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, priorité au primaire, service public du numérique, scolarisation des élèves en situation de handicap, scolarisation des enfants de moins de trois ans, réforme des rythmes scolaires.

J’insisterai sur trois points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Tout d’abord, l’éducation prioritaire. Elle obtient dans ce texte des avancées indispensables, et je salue l’engagement du ministre de mener à partir d’aujourd’hui une refondation plus complète de l’éducation prioritaire. Les élèves des territoires en difficulté ont besoin d’être plus et mieux accompagnés. Nous devrons donc soutenir encore plus fortement les équipes éducatives et tous les partenaires qui réalisent un travail remarquable auprès des élèves concernés.

Deuxième point, la parentalité. Ce sujet a été trop longtemps négligé, or le travail autour de la parentalité est indispensable pour aider et accompagner les parents les plus éloignés du système éducatif, et donc leurs enfants. Aussi, ce projet de loi révolutionne les pratiques actuelles, par exemple en associant systématiquement les parents à la scolarité de leurs enfants, ou encore en encourageant les actions autour de la parentalité dans les établissements. Pour aller encore plus loin dans ce domaine, nous avons également obtenu en première lecture une mission d’information sur le statut de parent d’élève. Cette mission devra aboutir à des propositions, que j’espère fortes et novatrices, pour renforcer les relations entre familles et écoles.

Enfin, pour la première fois, les associations sont reconnues comme des partenaires à part entière de l’éducation nationale. Ce projet de loi donne donc du sens à la fameuse phrase de Jean Zay : « L’éducation ne s’arrête pas aux grilles de l’école ».

Alors mes chers collègues, nous le savons, ce texte était urgent. Urgent, car l’école a souffert de dix ans de gouvernement de droite. En effet, pendant dix ans, la droite a supprimé des postes et mis les équipes, les élèves et les parents en difficulté.

M. Benoist Apparu. La droite a cassé l’école !

Mme Julie Sommaruga. Nous, au contraire, nous créons 60 000 postes et nous mettons en place le dispositif « plus de maîtres que de classes », car c’est la clé de la réussite pour tous. Et nous allons encore plus loin, puisque avec les emplois d’avenir professeurs nous permettons aux jeunes issus de milieux modestes d’accéder à ces postes.

Pendant dix ans, la droite a démantelé la formation des enseignants. Nous, au contraire, nous créons les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui donneront une formation de qualité aux futurs enseignants, et nous encourageons la formation continue tout au long de la carrière.

Pendant dix ans, la droite a oublié – pire, ignoré – les partenaires de l’école que sont les familles, les associations, et les collectivités. Nous, au contraire, nous les intégrons et les associons à la politique éducative comme jamais cela n’a été fait.

Enfin, pendant dix ans, la droite a tout tenté pour supprimer les écoles maternelles… (Protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Benoist Apparu. C’est ridicule ! Ça n’a pas de sens !

Mme Julie Sommaruga. …mettant ainsi en difficulté des milliers de familles. Nous, au contraire, nous réaffirmons le rôle indispensable de l’éducation dès le plus jeune âge, et nous encourageons la scolarité des enfants de moins de trois ans. Oui, nous sommes fiers de notre école maternelle et nous y tenons car nous savons que c’est là que tout se joue.

Ce texte est donc un grand texte par son ambition, ses objectifs et les moyens qu’il met en place. Il n’est pourtant qu’une étape dans cette refondation. Nous irons donc encore plus loin, et c’est le choix de ce gouvernement, qui fait de l’école sa priorité, au même titre que l’emploi. Collège, lycée, innovation pédagogique, lutte contre le décrochage scolaire, lutte contre l’illettrisme, valorisation de l’enseignement professionnel, tous ces chantiers en cours ou à venir sont le signal de la volonté de ce gouvernement de réformer l’éducation en profondeur.

Pour conclure, mes chers collègues, c’est avec conviction et fierté que nous pouvons soutenir cette belle et grande refondation de l’école. Nous le devons à nos enfants, car elle sera la condition de la réussite et de l’épanouissement de chacun d’entre eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le ministre souhaite une union nationale sur son texte de loi, ou en tout cas sur les ambitions que nous partageons pour l’école française.

Nous pouvons, sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle, nous accorder sur cette ambition, à une condition peut-être : ce serait d’arrêter les formules à l’emporte-pièce dont le ministre se fait spécialiste, et dont l’oratrice précédente vient de nous fournir un nouvel exemple.

Si je résume vos propos, malheureusement sans caricature, vous considérez que tout ce que vous faites est bien, et que tout ce que nous avons fait pendant dix ans a été une horreur. À vous entendre, nous détruisions l’école, nous supprimions la maternelle… En bref, fleurissent ici et là des qualificatifs qui semblent peu propices au développement d’une union nationale, ou en tout cas à la possibilité de nous retrouver sur un texte.

M. Jean-Louis Bricout. Il faut reconnaître ses erreurs !

M. Benoist Apparu. Pourtant, nous pourrions au moins nous accorder sur un constat : l’école est le seul outil à notre disposition pour développer une culture commune dans notre pays. C’est le seul outil à notre disposition pour lutter contre les inégalités de naissance. C’est évidemment le meilleur outil pour lutter contre le chômage, notamment des jeunes. Et c’est enfin notre prospérité future. Sur ces constats, nous pourrions être en accord.

Mais nous divergeons sur les outils pour y parvenir. Vous vous concentrez sur la question des moyens financiers. Nous considérons qu’ils sont importants, mais secondaires.

Rappelons quelques vérités sur cette question des moyens. Tout d’abord, vous ne pouvez pas appuyer votre démonstration du supposé saccage de l’éducation nationale sur les enquêtes PISA. Ces enquêtes étudient des cohortes qui – si mes souvenirs sont bons – remontent à l’année 2002, donc bien avant le saccage des postes que vous évoquez. Arrêtez donc de prendre les enquêtes PISA comme éléments de démonstration de votre politique : elles ont été réalisées sur des cohortes entrées à l’école primaire et au collège avant que nous ne revenions au pouvoir en 2002.

S’agissant des moyens, je vous rappelle également que si l’on considère les moyennes de l’OCDE, la France dépense autant que les autres pays de l’OCDE, même s’il est vrai que nous surinvestissons dans le lycée, et que nous sous-investissons dans l’école primaire. À vous, monsieur le ministre, de nous proposer une réorientation des moyens.

C’est d’ailleurs le constat que vient de faire la Cour des comptes. Je m’excuse auprès du ministre de citer une fois de plus ce rapport. Il a dû en faire une surdose ces dernières semaines, et j’imagine les affres qui ont dû secouer son cabinet ministériel lorsqu’il a découvert ce rapport, en plein examen du texte de loi au Sénat !

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Benoist Apparu. La vie politique veut cela, et je crois que c’est l’honneur de notre démocratie que d’avoir des outils tels que la Cour des comptes qui ne sont ni de droite, ni de gauche, mais qui étudient pour le bien de la nation une situation comme celle de notre école.

M. Philippe Gomes. Exact !

M. Benoist Apparu. Je souhaite également revenir sur les trois piliers de votre texte.

La formation des enseignants est le premier. C’est indispensable, la Cour des comptes l’a noté dans son rapport de 2010 et l’a répété dans le rapport que nous citons. Il est effectivement indispensable de revoir la formation des enseignants.

Le deuxième pilier est celui des rythmes scolaires. Si c’est un élément non négligeable, il me paraît loin d’être indispensable, n’en déplaise au président de la commission qui nous vante les mérites de la réforme des rythmes scolaires à Paris. J’espère que nous pourrons juger ensemble de la pertinence de cette mesure dans les mois et les semaines à venir.

Le troisième pilier de votre loi est la priorité donnée au primaire. Elle est indispensable, monsieur le ministre, nous sommes d’accord. Mais vous vous contentez d’un discours en la matière, tandis que nous attendons des actes. Ce n’est pas le dispositif « plus de maîtres par classes » qui changera quoi que ce soit. Si mes souvenirs sont bons, vous y consacrez 3 000 postes.

M. Emeric Bréhier. Non : 7 000 postes !

M. Benoist Apparu. Si, comme vous l’expliquez, nous allons révolutionner le système éducatif français avec 3 000 postes, tant mieux ! Mais permettez-moi d’avoir quelques doutes en la matière.

La position du groupe UMP est différente et, me semble-t-il, beaucoup plus ambitieuse que la vôtre. Nous préconisons une nouvelle architecture du système scolaire. Nous proposons notamment l’école du socle commun de connaissances, de compétences, et maintenant de culture. Nous proposons de modifier le statut des enseignants et des établissements – non que les questions statutaires nous obnubilent, monsieur le rapporteur, mais parce que nous considérons qu’il est indispensable de modifier ces deux éléments si nous souhaitons assurer la justice sociale dans l’école de notre pays.

Voilà ce qui nous différencie. Ce sont ces conclusions que nous pourrions tirer ensemble, dans un esprit consensuel, du rapport de la Cour des comptes qui, malheureusement pour vous, valide nos préconisations. Je l’ai déjà dit tout à l’heure : douze propositions de ce rapport sur dix-neuf sont présentes dans les amendements que nous avons défendus en première lecture et que nous défendrons à nouveau aujourd’hui, alors que votre texte n’en reprend malheureusement qu’une seule. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la deuxième lecture du projet de loi portant refondation de l’école de la République devrait permettre d’améliorer le texte que vous avez rédigé. Malheureusement, l’essentiel était déjà absent du projet initial, et ce n’est pas cette deuxième lecture qui pourra y remédier.

Ainsi, le titre du projet de loi, « Refondation de l’école de la République », peut paraître à maints égards audacieux. Prenons la peine de relire la définition du mot « fondation » dans le Petit Larousse : « action de fonder un pays, une ville, une institution, d’en établir les bases ». Il s’agirait donc, à travers cette loi, d’établir les nouvelles bases de l’institution qu’est l’école. Mais personne ne peut être dupe, quelle que soit notre place dans cet hémicycle : cette loi n’en sera qu’une de plus et elle n’apporte pas de réponses aux vraies raisons des échecs de l’éducation nationale.

Mme Annie Genevard. En effet !

Mme Marianne Dubois. Il ne suffit pas d’ajouter du nombre au nombre pour refonder. Il ne suffit pas de diluer pour refonder. Le énième rapport de la Cour des comptes nous l’assène encore avec son titre évocateur : « Gérer les enseignants autrement ». Oui, il faut gérer autrement.

M. Yves Durand, rapporteur. C’est bien ce que nous faisons : nous gérons autrement.

Mme Marianne Dubois. Je ne parle pas des enseignants, car on ne gère pas des hommes et des femmes : on les dirige et on leur donne un cadre. On ne gère pas des enseignants, mais cette grande institution qu’est l’éducation nationale.

Oui, il faut gérer autrement, mais il faut surtout arrêter de se cacher dernière nos idéologies et accepter d’aborder la vraie raison de notre faillite : cette dernière est la conséquence de méthodes éducatives calamiteuses qui poussent chaque année 140 000 jeunes hors du système scolaire et les envoient sur le marché du travail sans qualification ni diplôme. Ne rencontrez-vous pas, comme moi, dans vos circonscriptions des enseignants qui vous interpellent sur ce sujet ? Ces enseignants se font très discrets pour appliquer des méthodes éducatives qui ont pourtant fait leurs preuves, mais qui restent proscrites par des idéologues de l’institution éducative. Voilà le vrai sujet d’une refondation, celui qui touche l’essence même de l’éducation.

Nous souhaitons donc refonder. Mais où est la refondation concernant, cette fois, l’accueil de nos enfants en situation de handicap ? Les bases ne sont-elles pas inscrites dans nos lois ? Ne devons-nous pas offrir à tous nos enfants un égal accès à l’école ? Nul besoin de refonder ou de le faire croire. Il ne s’agit ici que de mettre en place les moyens de cette ambition – je parle des moyens au service de cette ambition, mais aussi des moyens pour nous qui sommes chargés du contrôle des politiques publiques.

Encore un exemple de cette refondation dont nous n’avons pas besoin, sur un sujet qui me tient très à cœur : celui de nos enfants sourds et malentendants. Je le rappelle une énième fois : la langue des signes française est reconnue depuis la loi du 11 février 2005 comme une langue à part entière, alors que nous ne sommes pas, huit ans plus tard, en capacité de l’enseigner ou d’en organiser une sensibilisation dans nos écoles. Je vous ai entendus débattre des heures au sujet des langues régionales. Certes, ce sujet est important pour vos électorats locaux, mais pensez aussi à ces enfants dont on refuse le simple accès à l’éducation, et à ces parents qui doivent déménager à l’autre bout de la France, quitter travail, famille et amis pour pouvoir offrir une éducation adaptée à leurs enfants sourds.

En prémices de ce nouvel examen du projet de loi, je formule un vœu : celui qu’on cesse de se cacher derrière des mots. Notre pays n’a pas besoin d’une refondation de l’école : il a besoin que nous redonnions du sens à l’école. Pour ce faire, il faudrait, le temps de l’examen de ce texte, laisser tomber nos étiquettes et n’avoir à l’esprit que l’intérêt de nos enfants et de notre société. Mesdames et messieurs, chers collègues, l’avenir de nos enfants est entre nos mains. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Corre.

Mme Colette Langlade. Pour un discours positif !

Mme Valérie Corre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la semaine dernière, la refondation de l’école a franchi une étape décisive,…

M. Frédéric Reiss et M. Patrick Hetzel. Avec la publication du rapport de la Cour des comptes !

Mme Valérie Corre. …puisque le projet de loi qui porte cette refondation a été adopté par le Sénat. Une étape décisive, aussi, puisqu’autour de la refondation s’est rassemblée une coalition de toutes les forces de progrès, unie et réunie dans le seul but de faire avancer l’école et, avec elle, de faire avancer la République. Oui, monsieur le ministre, c’est toute la gauche qui a répondu présent à votre appel.

M. Philippe Gomes. Ce n’est rien que la gauche !

Mme Valérie Corre. Lors de la première lecture, j’avais formulé le vœu que nous soyons collectivement au rendez-vous de l’histoire. Depuis ce vote au Sénat, je crois que nous y serons. Nous avons prouvé que nous pouvions nous rassembler autour de l’école, autour de nos enfants, pour redresser le système éducatif après tant d’années de divisions et de déclin. Je tenais à saluer ce grand succès, car il ne peut y avoir de refondation de l’école sans partage des valeurs ni partage des ambitions.

Je tiens aussi à saluer ce rassemblement pour ce qu’il apporte de nouveau au contenu même de la refondation. Je pense à la participation des parents, dont l’importance est affirmée par le nouvel article 3A. La place des parents dans les écoles, au sens propre comme au figuré, est désormais pleinement reconnue par l’article 45 bis, qui prévoit dans tous les établissements un espace à l’usage des parents d’élèves et de leurs délégués. Je pense aussi aux amendements qui ont accentué la priorité donnée à la lutte contre l’illettrisme ou à la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Je pense également aux amendements en faveur d’une nouvelle pédagogie, moins pénalisante, moins stressante, favorisant la réussite de tous les élèves. Je pense enfin à la parité dans les différentes instances de gouvernance.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail parlementaire touche à sa fin. Même si nous avons encore devant nous des heures de débats et de travail, nous allons bientôt pouvoir passer le témoin de la refondation. La refondation, ce n’est pas qu’un texte, ce n’est pas qu’une loi : c’est aussi un souffle et un esprit, c’est aussi le grand retour de la promesse républicaine. Cette promesse, ce souffle et cet esprit ne vivent que s’ils sont incarnés, portés, véhiculés. Ce sera donc à tous les membres de la communauté éducative, à tous ceux qui font l’école au quotidien, d’agir pour l’école républicaine du XXIe siècle.

Ce sera d’abord aux enseignants de mettre en œuvre les nouvelles approches pédagogiques, de s’approprier les outils du numérique, d’exploiter pleinement les potentialités du « plus de maîtres que de classes » pour permettre une approche plus individualisée, tenant compte des rythmes d’apprentissages de chacun. Il leur reviendra aussi d’inventer les modalités du rapprochement pédagogique de l’école et du collège, pour éviter les ruptures qui nuisent à la réussite des élèves.

Ce sera aux parents de trouver toujours plus le chemin de l’école, de faire sauter les barrières et de ne plus hésiter à s’investir dans l’école de leurs enfants.

Ce sera aux cadres de l’éducation nationale de veiller à ce que le souffle de cette refondation porte jusqu’aux territoires les plus éloignés, jusque dans les villages, jusque dans les quartiers difficiles.

Ce sera à eux, à tous ces acteurs du système éducatif, qu’il reviendra de veiller à ne pas faire de ce souffle un dogme, à encourager toujours plus l’innovation pédagogique et les expérimentations, à être fermes sur les principes mais souples sur leur mise en œuvre, à faire assaut d’intelligence et d’écoute.

Ce sera aussi au mouvement d’éducation populaire de conserver l’élan nouveau qui est le sien depuis maintenant une année, de le démultiplier, de transmettre cet héritage d’expérience pédagogique et de savoir-faire éducatif aux nouvelles générations, mais aussi d’ouvrir les portes des écoles et de faire sa place dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Ce sera également aux élus locaux de porter, avec tous les acteurs – enseignants, parents, associations, services académiques –, le projet éducatif de territoire le plus adapté, le plus ingénieux et le plus respectueux possible de l’intérêt des enfants.

Enfin, ce sera à tous de coopérer, autour de l’intérêt général et de l’intérêt de l’enfant, pour redonner à l’école de la République son sens, sa promesse et sa grandeur.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons entre les mains un bel outil. Il est de la responsabilité de chacun des acteurs et de chacun d’entre nous de le porter et de le faire vivre sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Mesdames et messieurs les députés, je répondrai en quelques mots à vos différentes interventions, que j’ai appréciées.

Le rapport de la Cour des comptes semble provoquer beaucoup d’excitation. Je l’ai reçu avec intérêt, comme les précédents. Évidemment, il pose des questions justes, mais il faut faire un effort pour les comprendre.

La Cour des comptes avait affirmé que nos moyens n’étaient pas convenablement ciblés – vous vous souvenez de ce débat. Cette critique est justifiée : nous avons donc essayé d’y répondre dans le projet de loi. C’est pourquoi tous les postes créés sont fléchés vers les zones d’éducation prioritaire, les territoires ruraux connaissant le plus de difficultés et les territoires ultramarins.

La Cour des comptes avait également souligné que la suppression de la formation des enseignants soulevait une difficulté majeure. Cette critique pouvait sembler de bon sens, mais elle a provoqué un débat à l’époque. Ce projet de loi répond bien entendu à cette préoccupation, en rétablissant la formation des enseignants et l’année de stage correspondante. J’imagine que cette formation n’avait pas été supprimée dans un but pédagogique, mais bien quantitatif ;…

M. Benoist Apparu. En effet.

M. Vincent Peillon, ministre. …son rétablissement consomme donc quelques postes. Ce sont des moyens, mais ces moyens visent des fins : ce sont des moyens à finalité pédagogique.

Selon la Cour des comptes, les moyens ne suffisent pas : ils doivent être au service d’un projet pédagogique. C’est exactement ce que je pense depuis très longtemps – je l’ai écrit à de multiples reprises – et ce que nous faisons ici, puisque les 27 000 postes dont nous parlons serviront au rétablissement de la formation des enseignants. Si « l’effet maître » dont vous avez parlé et qui anime toute notre action était pris en considération dans notre pays – et nous ne négligeons pas les difficultés –, alors nous obtiendrions des résultats. Mais cela suppose l’attribution de moyens.

D’ailleurs les orateurs qui dénoncent ici les créations de postes sont les mêmes qui viennent me voir pour se plaindre qu’une école ou qu’un lycée ferme dans leur circonscription, ou qu’un remplacement n’est pas assuré…

M. Yves Durand, rapporteur. Eh oui !

M. Vincent Peillon, ministre. Et je les comprends. Mais nous étions dans un état de tension. D’ailleurs, sur les 6 000 postes créés à la rentrée, les académies ont choisi d’en affecter 1 000 aux remplacements qui souffrent aujourd’hui de réelles difficultés.

Selon la Cour des comptes, une évolution du métier d’enseignant est nécessaire. Je souscris parfaitement à cette remarque : d’ailleurs, vous avez peut-être observé que j’ai inscrit cette évolution du métier d’enseignant à l’agenda de cette refondation dès ma nomination.

M. Benoist Apparu. Pourtant, elle ne figure pas dans le rapport annexé !

M. Frédéric Reiss. On aurait pu l’y ajouter !

M. Vincent Peillon, ministre. De telles mesures sont peut-être utiles, après dix ans d’inaction. Au-delà de la formation, j’ai déjà modifié les conditions d’enseignement – et donc le métier lui-même – des professeurs du primaire, afin de mieux respecter un certain nombre d’exigences en matière de formation continue, d’accompagnement des élèves et de coordination avec le collège. C’est cela, le nouveau métier d’enseignant.

J’en arrive à la question du statut, qui vous préoccupe et qui est juste. Pourquoi a-t-elle été bloquée pendant dix ans ? Pourquoi n’avez-vous pas pu évoluer sur ce point ? Parce qu’il faut aborder cette question par les contenus du métier, et donc par la pédagogie. La démarche que nous avons choisie consiste à définir d’abord précisément par des contenus pédagogiques, par des réformes pédagogiques, ce qu’est ce nouveau métier, avant d’ouvrir cette discussion. J’y suis profondément favorable.

À cet égard, la confusion règne sur le sujet. Pourquoi faut-il faire preuve de précision si nous voulons ce rassemblement ? Vous me reprochez de ne pas avoir avancé sur la question des directeurs d’école.

Mme Annie Genevard. En effet.

M. Vincent Peillon, ministre. Je le comprends, mais permettez-moi de vous indiquer les chiffres. Aujourd’hui, les directeurs d’école sont en difficulté.

M. Frédéric Reiss. C’est ce que j’ai dit.

M. Vincent Peillon, ministre. Ils sont en difficulté particulièrement parce qu’ils doivent assumer toutes les tâches. En 2008, on dénombrait 23 452 contrats pour l’aide à la direction d’école – très utiles pour les directeurs. En 2012, on en dénombrait 4 667, soit 19 000 suppressions de postes pour l’aide à la direction d’école. Nous allons les recréer.

S’agissant du primaire, vous me demandez où en est la priorité à lui accorder. Depuis des décennies, il est question de faire en sorte que les professeurs du primaire puissent, à l’instar des professeurs du secondaire, bénéficier d’une indemnité. Toutes les grandes revalorisations et les grandes lois que vous avez citées, je le rappelle, ont été portées par la gauche, notamment par Lionel Jospin. Aujourd’hui, nous créons cette indemnité dans le contexte budgétaire que vous connaissez. Les directeurs d’école qui n’ont pas accès à la hors-classe avec les 2 % aujourd’hui – 2 % après dix ans de votre gestion des enseignants – vont pouvoir y accéder.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas cela qui change fondamentalement les choses.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous allons en effet porter l’accès à la hors classe à 7 %. Mais il faut de la négociation, de l’écoute, de la cohérence.

Soit vous ne disposez pas de ces informations et je m’en étonne, soit vous faites preuve d’une certaine mauvaise foi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vos protestations indiquent qu’il s’agirait plutôt d’un manque d’information. Pour notre part, nous avons commencé réellement à changer le métier.

M. Benoist Apparu. Nous, on ne parle pas avec un chèque !

M. Vincent Peillon, ministre. Ne vous énervez pas, monsieur Apparu. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention et je vous invite à faire de même.

Le métier d’enseignant change. Qui n’a pas réformé les concours pendant dix ans ? Je suis ministre depuis un an et l’ensemble des concours vient d’être réformé. Vous ne le savez pas ? C’est pourtant publié partout. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Mais pour qui se prend-il ce ministre ?

M. Vincent Peillon, ministre. S’agissant de la professionnalisation, qu’attendons-nous de l’enseignant de demain ? Nous avons changé l’ensemble des concours de recrutement et ce qui s’appelle le référentiel métier, c’est-à-dire nos attentes à l’égard du métier. C’est en effet sur cette base que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation doivent construire leur formation.

Votre argumentation repose uniquement sur le fait que nous aurions fait tout le reste, mais que nous aurions oublié quelque chose. Mais non : c’est vous qui l’avez oublié pendant dix ans et nous sommes en train de le faire. Il suffit de rappeler les faits et les chiffres, je viens de vous les donner pour ce qui concerne les directeurs d’école.

S’agissant de l’apprentissage, je le redis – la bonne pédagogie étant la répétition – : je supprime l’apprentissage à quatorze ans prévu par la loi Cherpion, et non pas à quinze ans. J’indique que le dispositif n’a jamais été mis en œuvre car je l’ai suspendu dès mon arrivée au ministère.

M. Patrick Hetzel. Précisément !

M. Vincent Peillon, ministre. Rappelons les vrais chiffres et les faits : 18 000 suppressions d’emplois pour les directeurs d’école. Aucune avancée de carrière pour les professeurs des écoles ; la revalorisation Chatel avait été de 70 millions d’euros. En remettant en place l’année de stage, c’est 800 millions d’euros.

M. Benoist Apparu. C’est votre seule réponse.

M. Vincent Peillon, ministre. La vérité, c’est la priorité au primaire, la mise en place de la formation, le service public du numérique et l’attention à l’évolution du métier. Aujourd’hui, nous refondons l’école, nous nous attaquons aux fondements, et il faudra continuer. Cela n’a pas d’autre prétention. C’était presque l’inverse : soyons simples : commençons par le primaire, mettons-y les moyens, et remettons en place la formation. Dès lors, la vraie question qui se pose à vous est de savoir si vous serez présents à ce rendez-vous.

M. Benoist Apparu. Mais pour qui se prend-il ? C’est surréaliste !

M. Vincent Peillon, ministre. Mais ce n’est pas en avançant des faits et des chiffres inexacts ou en déformant mes propos que vous serez présents à ce rendez-vous.

M. Benoist Apparu. N’importe quoi.

M. Vincent Peillon, ministre. Nous avons un vrai défi à relever, celui de permettre la réussite de tous les élèves. Si nous nous fixons l’objectif d’inverser la lente dégradation des résultats du système éducatif français, alors, il faut se mobiliser en y mettant les réformes pédagogiques nécessaires.

M. Frédéric Reiss. Il y avait d’autres choix.

M. Vincent Peillon, ministre. Où est la pédagogie, dites-vous. Tout de même ! J’ai bien compris que le « plus de maîtres que de classes » n’avait pas d’intérêt pour vous pas plus que l’accueil des moins de trois ans.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Benoist Apparu. Vous déformez nos propos.

M. Vincent Peillon, ministre. J’imagine que l’enseignement d’une langue vivante en cours préparatoire n’a pas d’intérêt non plus, pas plus que le parcours d’orientation dès la sixième ou le parcours d’éducation artistique et culturel ou encore le service public numérique éducatif.

Mme Annie Genevard. Nous n’avons jamais rien dit de tel.

M. Vincent Peillon, ministre. Il s’agit d’une grande loi avec des contenus pédagogiques, et ce sont ceux sur lesquels nous étions d’accord ! Généralement, vous me faites le reproche de ne pas traiter les questions sur lesquelles nous discutons encore.

M. Thierry Solère. Non.

M. Vincent Peillon, ministre. Il faut réaffirmer le principe du collège unique, parce qu’il faut un tronc commun, mais cela ne signifie pas un collège uniforme. Nous avons déjà commencé à réfléchir sur ces questions. L’agenda suivra.

La question est simple et je l’ai compris très vite lors de nos débats en première lecture. Voulez-vous sur des priorités, y compris les rythmes scolaires, que vous aviez vous-mêmes affichées, être présents, au plus près de vos convictions parce qu’il y va de l’intérêt national, ou êtes-vous les otages d’un positionnement politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui a fait tant de dégâts à l’école pendant les dix dernières années et qui a desservi notre débat par manque de clarté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Benoist Apparu. Pathétique ! Vous nous avez habitués à mieux ! C’était très bas de gamme !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. À la demande de la commission, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’article 1er et le rapport annexé sont réservés.

Article 2

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 2.

Article 3 A

M. le président. Sur l’article 3 A, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le ministre, nous sommes très fiers d’arriver à la dernière lecture de votre projet de loi sur la refondation de l’école. En dépit de ce que nous avons entendu, je tiens à redire que ce texte comporte des avancées dont nous devons nous féliciter et vous venez, monsieur le ministre, de les rappeler.

Je m’arrêterai sur l’une d’elles, très attendue, qui a suscité des débats et c’est bien légitime, celle de l’école inclusive pour tous les élèves, et en particulier pour les élèves handicapés. Dans le respect à la fois de la circulaire du Premier ministre rappelant l’importance d’inscrire un volet handicap dans chaque loi et d’une école ouverte et accessible à tous, celle de la République qui reconnaît tous les élèves, l’article 3A, avec le code de l’éducation, reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Chaque élève pourra construire son cursus scolaire et son avenir. Nous disposerons du temps nécessaire pour améliorer les propositions et garantir l’effectivité des dispositions désormais inscrites dans la loi, en particulier sur la question qui concerne la formation des enseignants et l’accompagnement des élèves.

L’égalité et la prise en considération des enfants, tous les enfants, et en particulier les enfants en situation de handicap sont désormais inscrites dans le code de l’éducation.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Si je me réfère au climat qui régnait dans l’hémicycle lors de la première lecture du texte, je me souviens que vous étiez, monsieur le ministre, très vindicatif. Il semble que vous soyez à nouveau dans le même état d’esprit.

M. Philippe Gomes. C’est vrai.

Mme Annie Genevard. À ce stade de l’examen du texte, nous devrions employer notre énergie à approfondir la réflexion plutôt que d’adopter un ton aussi vif que celui que vous avez employé à notre égard.

M. Philippe Gomes. Oui.

Mme Annie Genevard. Vous nous avez renvoyés à de prétendues postures idéologiques ou politiciennes alors que nous cherchions seulement à enrichir le débat.

Pour en venir à l’article 3 A, je souhaiterais comprendre le sens du premier alinéa. Je ne sais pas en effet ce que signifient « les inégalités sociales et territoriales de réussite. » Aux termes de l’article L. 111-1 du code de l’éducation « Le service public de l’éducation ….contribue à l’égalité des chances. » Vous proposez de compléter cette dernière phrase par « et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales de réussite. » Je ne comprends pas cette formulation, qui est pour le moins curieuse et à mes yeux syntaxiquement inexacte. Je voulais appeler votre attention sur ce point.

Quant aux cinq phrases qui ont été ajoutées, chacun peut y souscrire même si cela n’indique rien quant à la méthode pour y parvenir.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 75 et 280, tendant à supprimer l’article 3 A.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 75.

M. Frédéric Reiss. Mon amendement vise à supprimer l’article 3 A.

L’article L. 111-1 du code de l’éducation est affaibli par cet article 3 A. Il est en effet peu opportun de vouloir décliner un certain nombre de valeurs de la République, lesquelles sont rappelées globalement ainsi que la dimension morale et civique de l’éducation nationale, qui donne de la vigueur et de la force à cet article en rappelant les missions du service public de l’éducation.

La rédaction initiale est meilleure que celle qui est proposée à l’article 3 A dans la mesure où elle fait référence à toutes les valeurs de la République sans mettre en relief telle ou telle. Dans l’article 3 A, il est fait référence à la laïcité, à la liberté de conscience. Pourquoi ne pas faire référence également à la fraternité ou à la liberté qui sont pourtant inscrites sur tous les frontons de nos mairies ? La solidarité qui était apparue en première lecture a disparu au profit de la coopération entre les élèves. Je veux bien, mais cela est bien dommage. L’article L. 111-1 méritait mieux.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 280.

M. Patrick Hetzel. Comme vient de l’indiquer mon collègue Frédéric Reiss, l’article L.111-1 méritait mieux. Nous espérons obtenir une réponse à la question posée par notre collègue Annie Genevard. Si nous proposons de supprimer l’article 3 A, c’est parce qu’il introduit de la confusion et ne résout rien. En fait, la rédaction initiale du code de l’éducation nous paraît bien meilleure.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes un peu surpris par vos propos. Vous accusez l’opposition d’être dans une posture idéologique alors qu’en fait, c’est vous-même qui êtes dans cette posture. À plusieurs reprises, nous avons essayé d’indiquer que nous pensions que la question de l’école méritait mieux. Or vous ne semblez pas nous entendre car votre discours est autocentré et fermé sur lui-même. Le reproche que vous nous faites est en réalité une description assez claire de votre propre posture, ce que nous déplorons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour donner l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Avis défavorable.

En première lecture, nous avions supprimé l’article 3 A parce qu’il rappelait les valeurs de la République. Or celles-ci sont évidemment indispensables à rappeler, mais dans la mesure où elles figuraient clairement dans le code de l’éducation existant, il n’était pas utile de les rappeler à nouveau, sauf à vouloir dresser un catalogue. Je me souviens à cet égard de nos débats en commission et dans l’hémicycle.

Le Sénat n’a pas rétabli le texte que nous avions supprimé. Il a complété, si je puis dire, cette argumentation en rétablissant l’article 3 A et en redéfinissant non plus les principes de la République – ce qui nous paraissait inutile – mais les missions du service public de l’éducation –, ce qui nous paraît utile et que nous n’avions pas fait. Il a notamment insisté sur l’inclusion scolaire, qu’il était important de mettre en avant, comme Mme Carrillon-Couvreur l’a souligné, sur la mixité sociale, et sur la participation des parents, sur laquelle vous-mêmes, chers collègues de l’opposition, vous aviez insisté.

Voilà pourquoi j’estime que cette rédaction issue du Sénat est tout à fait opportune, ce qui justifie l’avis défavorable de la commission sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, je n’ai pas eu de réponse à ma remarque sur l’expression : « inégalités sociales et territoriales de réussite ». Je dois dire que je ne la comprends pas et que je ne la trouve pas juste sur le plan rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur

M. Yves Durand, rapporteur. Madame Genevard, je suis dans le même état d’esprit que vous. Cette expression peut paraître en effet un peu floue sur le plan grammatical. Elle risquerait d’empêcher ce texte d’être approuvé par l’Académie française, ce qui serait gênant.

Avez-vous proposé une nouvelle rédaction ?

M. Frédéric Reiss. Oui, à l’amendement suivant !

(Les amendements identiques nos 75 et 280 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 76 et 281.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 76.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit d’amendements de repli par rapport aux amendements de suppression.

Patrick Hetzel et moi-même sommes heureux de constater que d’autres députés partagent notre incompréhension devant la rédaction de l’article 3 A. « Lutter contre les inégalités sociales et territoriales », nous le comprenons ; « lutter contre les inégalités sociales et territoriales de réussite », j’avoue que nous le comprenons moins bien, voire pas du tout. Nous proposons donc par cet amendement de remplacer les mots : « de réussite », par les mots : « en matière de réussite scolaire et éducative ». Cette formulation me paraît, elle, avoir du sens ; elle correspond à l’objectif de faire réussir tous les élèves, quels qu’ils soient.

C’est un amendement de précision qui permet d’aboutir à une bonne compréhension du texte.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 281.

M. Patrick Hetzel. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Favorable, comme vient de le confirmer M. le ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative pour donner l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Favorable.

(Les amendements identiques nos 76 et 281 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 340, 378, 77 et 282, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 340 et 378 sont identiques ainsi que les amendements nos 77 et 282.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 340.

M. Frédéric Reiss. Comme je l’ai indiqué dans la motion de procédure que j’ai eu l’honneur de défendre, ce projet de loi entend fixer le cadre du service public de l’éducation, autour duquel nous souhaitons tous qu’il y ait consensus.

Le Sénat a fait de l’article L.111-1 du code de l’éducation un article généreux puisqu’il attribue de multiples missions à l’école : accueillir les enfants, quelle que soit leur provenance et quel que soit leur milieu, développer l’inclusion, c’est-à-dire l’accueil des enfants handicapés. Nous estimons qu’inculquer le goût de l’effort et le respect de l’autorité est tout aussi indispensable pour permettre à l’élève de progresser : pour réussir, celui-ci a besoin de s’impliquer dans son travail scolaire et de fournir des efforts. Tous les enfants partagent la capacité d’apprendre, mais ils doivent acquérir ce goût de l’effort. C’est aussi la mission de l’école que de le transmettre.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 378.

M. Xavier Breton. Cet amendement porte sur un article important du code de l’éducation. Bien sûr, l’éducation est un droit que la société se doit d’offrir à chaque enfant, mais elle implique aussi de manière réciproque un devoir : chaque enfant doit faire l’effort de s’éduquer pour ensuite s’intégrer dans la société. Il faut sortir d’une vision à sens unique. L’éducation n’est pas seulement un droit et elle ne passe pas seulement par le développement de l’envie et du plaisir d’apprendre, selon la formulation introduite par le Sénat un plus loin dans le texte. Il y a aussi l’effort. Et faire un effort, cela ne fait pas toujours plaisir.

Il me paraît bon de le rappeler dans la loi à l’heure où notre société encourage plutôt le laisser-aller. Ce serait, je crois, un message très fort que de réaffirmer l’importance de l’effort.

Aucune activité d’éducation ne peut aboutir à la réussite si elle ne se fonde pas sur le travail et l’effort. Il me semble que c’est un principe sur lequel nous pouvons nous retrouver.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 77.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.

Pour nous, l’égalité des chances suppose un effort de la part des élèves car l’effort est nécessaire pour apprendre et progresser, ce que tout le monde souhaite.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 282.

M. Patrick Hetzel. Nous souhaitons que ce texte qui nous arrive modifié du Sénat mette l’accent sur un élément essentiel pour apprendre et progresser : le goût de l’effort.

Tout à l’heure, le ministre insistait sur les points autour desquels nous étions susceptibles de nous rejoindre. Nous considérons que le goût de l’effort est une vertu cardinale, dont l’inscription dans la loi serait de nature à faire consensus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Je ne sais pas si le goût de l’effort est une vertu cardinale ; nous avons déjà eu un débat sur ce point en commission.

Le goût de l’effort et le goût d’apprendre sont essentiels. Ils sont au cœur de la vie scolaire. La mission des enseignants, heure après heure, cours après cours, consiste précisément à inculquer à chaque élève la conviction qu’on ne peut progresser sans efforts. Que le goût de l’effort soit lié intrinsèquement à l’identité de l’école, à la mission des enseignants – et nous sommes beaucoup à l’avoir été ici –, à l’objet de l’éducation, est une telle évidence que l’inscrire dans la loi ne me paraît pas nécessaire. Éduquer, c’est comme le veut l’étymologie, élever l’enfant au-delà de lui-même, ce qui passe forcément par l’effort.

Mais si vous tenez tant à inscrire ce goût de l’effort dans la loi, c’est sans doute que vous voulez l’opposer à d’autres conceptions. Or ce que nous voulons faire avec l’école inclusive, c’est non pas une école laxiste, comme vous voulez le faire croire, qui ne serait qu’un lieu de plaisir et de jeux, où le ludique suffirait pour apprendre, mais une école de la confiance. Nous voulons redonner confiance aux élèves car, comme toutes les enquêtes internationales le montrent, c’est quand ils ont repris confiance en eux que les élèves réussissent. Et l’effort fait partie de ce processus.

Le système scolaire français, parce qu’il s’est trop souvent transformé en course d’obstacles, éliminant à chaque étape les plus faibles des élèves, ou plutôt ceux qui, pour de multiples raisons, ont le plus de difficultés – et c’est là qu’intervient la notion de mixité sociale –, s’est détourné de la confiance. C’est la raison pour laquelle nous insistons d’abord sur la confiance. Mais pour reprendre confiance, il est évident que des efforts sont nécessaires, et du côté des enseignants et du côté des élèves.

Nous considérons qu’insister tout particulièrement sur ce point en l’inscrivant dans une sorte de catalogue de vertus dont l’école devrait être parée serait une erreur. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je partage l’avis du rapporteur. L’énumération des objectifs que doit poursuivre l’école telle qu’elle est contenue dans le texte – notablement amélioré par le Sénat – ne signifie pas que nous ne prenons pas en compte le fait que les enfants font des efforts à l’école. Il suffit de visiter des établissements pour constater que dans la plupart des cas ils sont attentifs et soucieux de bien faire.

Il me semble donc que pointer tout particulièrement cette notion d’effort n’apporterait rien. La bienveillance des enseignants et de l’école en général d’une part, le respect de l’autorité et le goût de l’effort d’autre part, ne sont absolument pas antinomiques. Il est donc superflu de faire cet ajout.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Ce n’est pas un débat secondaire. Bien sûr, toute acquisition nécessite un travail et un effort.

Pour un enfant de maternelle, être attentif durant un certain laps de temps – souvent limité car il a besoin de souffle et d’espace – réclame un effort. Et lorsqu’un enfant commence à saisir quelques mots sur un livre, quand il peut lire, c’est le plaisir de comprendre, d’avancer qu’il ressent.

En opposant l’effort au plaisir, il me semble que vous voulez substituer la vieille notion de l’école au mérite à l’école de la réussite pour toutes et tous, qui doit réunir les conditions pour que chaque enfant, quelles que soient ses origines, ses capacités, puisse être amené jusqu’au plus haut niveau.

M. Philippe Gomes. Oh !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Mme Buffet a raison de dire que cette question n’est pas secondaire. Lorsque l’on discute avec les enseignants, il est frappant de voir qu’ils sont de plus en plus nombreux – particulièrement les plus jeunes – à être attachés au respect de l’autorité.

Nous n’étions pas d’accord avec l’expression « refondation de l’école » mais si vous tenez à aller dans cette direction, il nous semble nécessaire d’intégrer la question du respect de l’autorité. Par ailleurs, le sens de l’effort, ce n’est pas seulement à l’école qu’il doit être transmis. Il a une part importante dans l’éducation familiale. Mais nous sommes attachés à ce que l’école le transmette également.

Reprenez les discussions sur la façon dont l’école doit constituer son système de valeurs et vous verrez que l’effort apparaît comme une notion essentielle. Nous en discuterons un peu plus tard lorsque nous aborderons le sport, discipline supposant par définition le développement d’un certain effort dans la durée.

M. Pascal Deguilhem. L’éducation aussi !

M. Patrick Hetzel. Il nous semble donc important que cela y figure car, pour nous, l’effort et le respect de l’autorité sont des valeurs qui ont du sens. Nous sommes donc assez surpris de constater que, à force de vouloir englober – tout est dans tout ! –, à force de vouloir inclure, vous finissez par avoir peur d’utiliser des mots précis pour qualifier une réalité précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je soutiens, au nom du groupe UDI, les amendements qui ont été déposés, car je me réfère au texte : le chapitre premier s’intitule « Les principes et missions de l’éducation », et la section I « Les principes de l’éducation ».

Ces amendements proposent donc que le goût de l’effort et le respect de l’autorité fassent partie des principes de l’éducation : cela ne me semble pas totalement inopportun ni superflu, pour reprendre les termes curieux employés par Mme la ministre.

M. le rapporteur nous a répondu que cela allait de soi ; or cela est vrai également de « la réussite de tous », de « la participation des parents » ou de « la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative ». Soit tout cela va de soi, soit rien ne va de soi : dès lors que l’on considère opportun d’« enrichir » cet article avec ces phrases supplémentaires, il ne paraît pas inopportun d’attacher une importance particulière au respect de l’autorité et au goût de l’effort, et donc de les inscrire en tant que tels dans ce texte.

(Les amendements identiques nos 340 et 378 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 77 et 282 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 115.

M. Xavier Breton. Il s’agit de compléter l’alinéa 5 de l’article 3 A, qui indique que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». Cette formulation ne pose pas de problème, sous réserve d’ajouter « tout en développant leur sens de l’effort ».

En voulant réécrire l’article L.111-1 du code l’éducation, on ouvre la boîte de Pandore. M. le rapporteur avait eu la sagesse de fermer le débat en première lecture, mais le Sénat a voulu le rouvrir : c’est pourquoi nous débattons aujourd’hui entre nous pour savoir s’il faut ou non ajouter le mot « effort ».

Il ressort très clairement de vos réponses que le mot « effort » est un terme négatif : il est vu comme une corvée, une contrainte. Or selon nous, il peut y avoir un plaisir de l’effort, le plaisir, après avoir œuvré et tenté de faire le maximum, de réussir enfin quelque chose.

C’est ce plaisir de l’effort que nous souhaitons ajouter, car nous n’opposons pas effort et plaisir, comme notre collègue Mme Buffet l’a fait tout à l’heure.

La rédaction adoptée par le Sénat n’a fait qu’ouvrir des droits : relisez l’alinéa 5, il ne traite que de cela. Or une société ne peut être faite exclusivement de droits : il existe à la fois des droits et des devoirs. Si l’on ajoute des droits, il convient également de rappeler les devoirs, comme par exemple le devoir de faire l’effort d’apprendre.

Loin d’être purement théorique, ce texte contient des dispositions qui auront des répercussions : quand on supprime les devoirs à la maison, que fait-on si ce n’est amoindrir le sens de l’effort ? Quand on supprime les notations, que fait-on si ce n’est amoindrir le sens de l’effort ? Quand on supprime les redoublements, que fait-on si ce n’est supprimer le sens de l’effort ?

Cela fait ainsi écho aux débats très concrets que nous aurons : une école ne peut pas être faite que de plaisir et d’envie. Il en faut, bien sûr, mais il faut également rappeler ce sens de l’effort. Vous ne voulez pas le faire, c’est très clair : ce sont donc bien deux conceptions différentes qui nous opposent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je souhaite réagir aux avis défavorables du rapporteur et du Gouvernement. Nous avons bien compris que le goût de l’effort ne leur convenait pas, au motif qu’il serait tellement évident.

Pour ma part, je souscris entièrement à ce que vient de dire M. Breton sur le sens de l’effort, qui doit être mis en rapport avec le plaisir d’apprendre à l’école. Cela fait partie des grands principes de l’éducation, et je trouve qu’il ne coûtait pas grand-chose de l’inscrire dans l’article L.111-1 du code de l’éducation.

M. Xavier Breton. Exactement !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard pour un dernier mot avant de passer au vote.

M. Pascal Deguilhem. Encore un petit effort !

Mme Annie Genevard. J’ajouterais pour ma part l’expérience du pédagogue.

En exigeant d’un élève le sens de l’effort, non seulement on lui montre du respect, mais de plus on lui rend service en décuplant chez lui l’intérêt de l’apprentissage. Il est donc véritablement dans l’intérêt de l’élève de mentionner le goût de l’effort.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. C’est déjà la vie quotidienne de tous les enfants !

(L'amendement n° 115 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 152 et 168, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 152.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement s’inscrit dans le rappel des principes de l’éducation, qui me semble important.

Il me paraît essentiel d’affirmer l’absence de distinction entre les situations, tout en tenant compte des besoins particuliers, personnels ou autres.

Je vous propose donc de modifier la rédaction de l’alinéa 5 et d’adopter la formulation suivante : « (…) Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants sans aucune distinction, en tenant compte de leurs besoins particuliers. (…) ».

M. le président. L’amendement n° 168 est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Yves Durand, rapporteur. Je comprends tout à fait votre préoccupation, madame Karamanli, et je la partage, à tel point que je vous propose de modifier votre texte.

Vous souhaitez en effet inscrire les mots « sans aucune distinction », tout en précisant « en tenant compte de leurs besoins particuliers » : vous ajoutez donc des distinctions, vous contredisant ainsi vous-même.

M. Xavier Breton. Eh oui !

M. Yves Durand, rapporteur. Je vous propose donc de rectifier votre amendement en indiquant « sans aucune distinction. », sans autre précision, car cette rédaction se suffit à elle-même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. L’objectif d’une école inclusive, rappelé par Mme Karamanli, nous est cher, car il donne une place adaptée et égale aux enfants en situation de handicap.

Concernant ces enfants en situation de handicap, je rappelle d’ailleurs que l’objectif d’inclusion que nous réaffirmons leur demande de fournir de gros efforts pour parvenir à suivre une classe en milieu ordinaire.

Par conséquent, nous savons que des mesures doivent être prises et qu’une attention spécifique doit être portée à ces enfants qui ont des besoins particuliers, afin qu’ils trouvent leur place et s’épanouissent à l’école.

Le rapporteur a toutefois raison d’indiquer qu’on ne peut pas affirmer le principe d’une inclusion totale tout en spécifiant des besoins particuliers : il me semble que cela va sans dire.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cette rédaction n’est pas en contradiction avec l’esprit même de l’amendement.

Il est en effet préférable de ne pas distinguer les différences par une énumération limitée des caractères ; je l’avais indiqué dans l’exposé des motifs.

Je suis totalement d’accord avec la proposition du rapporteur acceptée par Mme la ministre, visant à limiter la phrase à « sans aucune distinction. » ; mais je me permets de dire à M. le rapporteur que la rédaction initiale de l’amendement ne comportait aucune contradiction.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je préférerais que l’on conserve l’amendement initial de notre collègue car les enfants en situation de handicap ont besoin d’auxiliaires de vie scolaire : il s’agit bien de besoins particuliers. Il est déjà difficile d’en obtenir, alors ne supprimons pas ces besoins particuliers.

Ne voyant pas où réside la contradiction, je préfère donc la première rédaction de l’amendement de Mme Karamanli.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cela renvoie à nos débats en première lecture sur la distinction entre le « tous » et le « chaque » : la volonté est d’inclure tous les élèves, mais pour ce faire il faut une attention personnalisée à chaque élève.

Supprimer les mots « en tenant compte de leurs besoins particuliers » risque donc de remettre en cause l’effort nécessaire pour s’adapter à chaque situation.

Cela renvoie ainsi à nos débats en première lecture ; nous attendons donc la nouvelle rédaction pour nous prononcer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Je ne dirai pas que l’inclusion scolaire de tous les enfants sans distinction « va de soi » – ou du moins, cela va autant de soi que le goût de l’effort dont nous parlions tout à l’heure.

En réalité, lorsqu’un texte est verbeux, on peut passer des lustres à ergoter sur tel ou tel mot : tel est le handicap majeur de ce projet de loi sur la refondation de l’école de la République.

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous proposez donc de rectifier ces amendements en ne conservant que les mots « sans aucune distinction. », et en supprimant le reste.

Je soumets donc au vote cette proposition qui a été acceptée par Mme Karamanli.

(Les amendements n° 152 et 168, tels qu'ils viennent d'être rectifiés, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 104.

M. Xavier Breton. L’avant-dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 3 A dispose que « Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. »

Les débats en première lecture au Sénat ont mis en exergue la volonté de mieux impliquer les parents dans l’école. Il est important de donner un sens à cette implication en indiquant que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

On ne peut pas considérer qu’il existe une égalité entre les parents et l’école : ce serait une vision très collectiviste de l’école ! Il faut donc rappeler qu’il relève de la responsabilité des parents, des familles, de pourvoir à l’éducation des enfants : les parents sont les premiers éducateurs.

Si nous ne l’indiquons pas, des quiproquos naîtront, les parents étant traités comme des supplétifs ou des personnes que l’on associe à l’école en les invitant à participer, mais en oubliant leur responsabilité première.

Ce débat ne devrait pas nous opposer très longtemps, car il serait très grave de ne pas tomber d’accord sur le fait que les parents sont les premiers éducateurs des enfants.

Dès lors que l’on éprouve le besoin d’indiquer la participation des parents à l’école, il convient de rappeler, dans cet article fondateur, que la responsabilité première de l’éducation incombe aux parents, l’école intervenant ensuite dans le cadre de l’éducation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Cet amendement est déjà parfaitement satisfait par le code de l’éducation dans sa rédaction actuelle. Ainsi, l’article L. 111-2 dispose, dans son dernier alinéa, que « L'État garantit le respect de la personnalité de l'enfant et de l'action éducative des familles. » Cela répond très exactement à votre préoccupation, monsieur Breton.

Votre amendement est par conséquent satisfait, donc inutile. Si vous le mainteniez, je crains franchement que cette redite insistante ne donne à penser que vous opposez les parents à l’école – même si je sais que tel n’est pas le cas.

Or nous voulons très exactement l’inverse. Dans tous les articles concernant les parents, même enrichis par les travaux parlementaires, nous insistons sur la place des parents aux côtés des enseignants, dans le cadre d’une action éducative conjointe entre les familles et l’école.

J’émets donc un avis défavorable dans l’hypothèse où vous maintiendriez votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je partage l’avis du rapporteur. Il est évident que notre travail aujourd’hui consiste à ajouter des mentions qui ne sont pas dans le code de l’éducation, à proposer des nouvelles normes et non à réécrire sous une autre forme ce qui y figure déjà. Comme il existe déjà dans le code une mention sur le rôle des parents, et comme le reste du projet contient des mesures précises pour mettre en valeur ce rôle, il me semble que le préciser ici n’apporte rien du tout.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Bien évidemment, nous ne partageons ni le point de vue du rapporteur ni celui du Gouvernement pour la simple raison que nous voulons apporter un élément complémentaire aux principes de l’éducation dès l’article L. 111-1 du code de l’éducation.

Vous avez fait référence à « l’action éducative des familles » qui est inscrite à l’article L. 111-2 et non à l’article L. 111-1 du code de l’éducation. La disposition qui figure dans l’amendement est plus que jamais utile, d’autant que les fédérations de parents d’élèves que nous avons rencontrées ont souvent insisté sur ce point. Il ne s’agit évidemment nullement d’opposer l’école et la famille, mais de bien préciser les choses. Il y a eu un glissement sémantique au fil du temps et nous sommes passés, dans un certain nombre de cas, de l’instruction publique à l’éducation. Il est nécessaire d’indiquer qu’il est important que les familles puissent assumer leur rôle en matière d’éducation, sinon l’effet inverse risque de se produire, c’est-à-dire que les familles pourraient se sentir exclues du processus. Or il est plus que jamais nécessaire de les rassurer sur le rôle qu’elles sont amenées à jouer auprès de leurs enfants.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. On a vu tout à l’heure que le goût de l’effort et le respect de l’autorité n’avaient pas leur place dans la section I « Les principes de l’éducation » du chapitre Ier « Les principes et missions de l’éducation » de l’article 3 A. Maintenant, c’est au tour des parents, qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants, de ne pas l’avoir non plus. C’est dommage, car ce sont des notions fortes qui ont leur place ici.

À mon avis, les termes « Pour garantir la réussite de tous » avaient leur place ailleurs qu’à l’article 3 A. Comme si la réussite de tous était intrinsèquement liée à la participation des parents ! En effet, la « mixité sociale des publics scolarisés » et la « coopération de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative » contribuent aussi à garantir la réussite de tous. On perçoit à nouveau le côté verbeux de cet article qui, au total, n’apporte pas grand-chose. Au contraire, il crée des principes d’éducation assez filandreux puisqu’il en réaffirme certains tandis qu’il en oublie d’autres.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Les enseignants regrettent souvent d’avoir à endosser des fonctions qui ne sont pas naturellement les leurs, en particulier les tâches éducatives qui sont traditionnellement dévolues à la famille.

Il nous paraît évident de rappeler dans un texte de loi que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Cela figure déjà dans la loi !

Mme Annie Genevard. Les enseignants vous diront que cette évidence n’est pas la mieux partagée et qu’il faut parfois savoir rappeler que les parents ont une fonction éducative, qu’elle est un dû, un devoir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Durand, rapporteur. Je ne voudrais pas que s’institue un faux débat et que nos collègues de l’opposition fassent croire que certains seraient favorables à ce que les familles aient un rôle d’éducateurs tandis que d’autres, dont nous serions, seraient contre.

M. Xavier Breton. C’est pourtant un peu cela !

Mme Annie Genevard. Assumez, monsieur le rapporteur !

M. Yves Durand, rapporteur. C’est totalement faux !

Nous sommes en train de modifier le code de l’éducation, et d’y ajouter ce que nous considérons comme nécessaire et qui y fait défaut. Or Mme la ministre et moi-même venons de vous rappeler que la disposition que vous proposez figure déjà clairement dans ce code. Il n’est nul besoin de répéter ce qui existe déjà, car la répétition affaiblit toujours, madame Genevard, y compris lorsque l’on est enseignant.

M. Xavier Breton. Le code de l’éducation ne dit pas que les familles sont les premiers éducateurs de leurs enfants !

(L’amendement n° 104 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l’amendement n° 187.

Mme Marianne Dubois. Cet amendement vise à compléter l’article L. 111-1 du code de l’éducation qui définit le service public de l’éducation. Nous estimons que parmi les valeurs véhiculées par l’école de la République aux élèves figure la défense de la place des personnes handicapées au sein de notre République, via leur intégration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Madame Dubois, je suis très surpris que vous présentiez un tel amendement car vous avez voté tout à l’heure, avec vos collègues de l’opposition, contre le maintien, à l’article 3 A, d’une série de dispositions rappelant des principes, des missions de l’école, notamment l’école inclusive et l’intégration des personnes en situation de handicap. Là, vous voudriez que l’Assemblée adopte un amendement précisant que l’école promeut l’intégration des personnes en situation de handicap dans notre société. Je ne vois pas très bien quelle est la logique de votre amendement. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Madame Dubois, nous partageons tous cet objectif qui vise à améliorer l’intégration, l’inclusion des personnes en situation de handicap, à l’école mais aussi dans la société.

Mais la première préoccupation de l’éducation nationale, c’est de faire en sorte que ces enfants se sentent le mieux possible à l’école et qu’ils y réussissent le mieux possible. Ce qui se passera ensuite, c’est-à-dire dans la société en général, n’a pas à figurer dans le code de l’éducation. Nous souhaitons tous que les personnes en situation de handicap soient respectées et intégrées dans notre société, mais cela n’a pas sa place dans cet article.

(L’amendement n° 187 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 283, 341 et 379.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 283.

M. Patrick Hetzel. L’article L. 111-1, premier article du code de l’éducation, fixe le cadre du service public de l’éducation. Il doit impérativement être exhaustif et consensuel.

L’article 3 du projet de loi avait été supprimé de manière consensuelle par la majorité et l’opposition, au motif notamment que si les intentions étaient louables, l’introduction d’un inventaire non exhaustif des valeurs de la République au frontispice du code de l’éducation n’apparaît ni souhaitable ni pertinente, comme le rappelait d’ailleurs le rapporteur dans son rapport, en première lecture.

Alors que l’objectif de l’article L. 111-1 est de mettre l’accent sur des valeurs de la République qui nous rassemblent tous, mettre en exergue telle ou telle valeur, plutôt que telle ou telle autre, si importante soit-elle, comme le fait le Sénat dans ce nouvel article 3 A, pourrait avoir l’effet inverse. J’en appelle au rapporteur : s’il est cohérent avec ce qu’il nous avait indiqué en première lecture, alors les alinéas 6 et 7 de l’article 3 A doivent être supprimés.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 341.

M. Frédéric Reiss. Les alinéas 6 et 7 visent, là encore, à dresser une liste des valeurs du service public de l’éducation. Comme le dit le rapporteur, il y a des choses qui vont de soi. Mais quand on commence à en énumérer certaines, pourquoi ne pas les énumérer toutes ?

Je n’ai d’ailleurs pas compris comment la solidarité dont il était question en première lecture a pu disparaître au profit de la coopération entre les élèves. La solidarité dans un établissement scolaire est l’une des valeurs de la République qui nous est chère. Là, on est en train de décliner une certaine forme de solidarité entre les élèves.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 379.

M. Xavier Breton. Nous avions eu la sagesse, en première lecture, de ne pas ouvrir la boite de Pandore en entreprenant de définir les valeurs de la République.

Je voudrais rappeler ce que le ministre a dit au Sénat : « Enfin, cet article donne à l’école pour mission de transmettre aux élèves un noyau essentiel de valeurs fondamentales, à savoir le respect de la liberté de conscience, de l’égale dignité des êtres humains et, bien entendu, de la laïcité. Ces trois valeurs constituent une base à la reconnaissance des autres valeurs de la République ». C’est le choix personnel de M. Peillon, mais il n’est pas partagé sur tous ces bancs.

Pourquoi ces trois valeurs et pas d’autres ? Considérez-vous que les valeurs de la République s’épuisent dans ces trois valeurs ? Pourquoi s’en tenir à la liberté de conscience, à l’égale dignité des êtres humains et à la laïcité ? Bien sûr, ce sont des valeurs essentielles, mais ce ne sont pas les seules. Et avons-nous la même conception de la liberté de conscience ? Avons-nous la même conception de la laïcité ? Avons-nous la même conception de l’égale dignité des êtres humains ? Peut-être que non.

Les valeurs de la République, elles sont partagées ; en même temps nous les faisons vivre. Mais si vous les inscrivez dans la loi, vous risquez de les réduire, de les figer dans le texte, de les tuer alors qu’il faut les faire vivre ensemble. En première lecture, je crois, monsieur le rapporteur, que vous aviez compris le message. Pour une fois, les sénateurs n’ont pas eu la sagesse qu’on leur connaît et ils sont allés beaucoup trop loin dans la rédaction de l’article 3 A. Il faut seulement dire que le service public de l’éducation inculque les valeurs de la République, que nous partageons tous d’ailleurs. Vouloir en marquer certaines serait une grave erreur, surtout au vu du contexte actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Yves Durand, rapporteur. Ces trois amendements soulèvent deux problèmes.

Le premier concerne le débat de fond que vous venez d’ouvrir. Je ne souhaite pas poursuivre sur ce sujet. Mettre en cause, si je puis dire, le respect de l’égale dignité des êtres humains, la liberté de conscience et la laïcité…

M. Xavier Breton. Qui les remet en cause ?

M. Yves Durand, rapporteur. Vous avez repris ces trois valeurs en disant que nous n’avons peut-être pas la même conception, les uns et les autres, de ces valeurs. Ne lançons pas un débat qui aboutirait à ce que nous considérons que nous n’avons pas la même conception de la République. Je pense que nous avons, vous et nous, la même conception de la République.

M. Xavier Breton. Vous n’en avez pas le monopole !

M. Yves Durand, rapporteur. C’est ce que je viens de vous dire !

Ce qui nous rassemble, malgré nos divergences qui sont tout à fait légitimes dans une démocratie, ce sont justement les valeurs de la République. Personnellement, je ne souhaite pas ouvrir ce débat ici, alors que nous discutons d’un texte sur l’école.

L’autre question, c’est de savoir s’il est utile de les rappeler dans le texte de la loi. Vous avez évoqué ma position en première lecture, qui d’ailleurs a été soutenue de manière unanime en commission comme ici, et qui était de ne pas les rappeler, pour ne pas ouvrir ce que vous appelez vous-même la boîte de Pandore. Le Sénat a jugé utile, lui, de les rappeler. Cette fois ce n’est pas une question de fond, sur la nature même de ces principes, mais d’opportunité. Le Sénat a souhaité qu’on les rappelle. Je trouvais plutôt souhaitable de ne pas le faire, mais j’avoue que, dans la recherche d’un point d’équilibre avec ce que nous propose le Sénat, les rappeler ne me gêne pas. J’accepte donc cette demande du Sénat et je donne un avis défavorable à vos amendements, mais je ne vois pas là d’incohérence sur le fond, car je sais que nous avons la même conception de la République. Nous avons la même volonté et la même ambition d’en défendre les valeurs, notamment à travers l’école.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Même avis. Effectivement, le Sénat a travaillé d’une manière extrêmement intéressante…

M. Philippe Gomes. Eh bien !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. C’est l’intérêt de la navette !

M. Alain Marc. Mais nous aussi, nous travaillons sérieusement.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Absolument, mais travailler sérieusement ne signifie pas forcément défaire ce qu’a fait le Sénat. On peut aller plus loin. En l’espèce, ce n’est pas en enlevant systématiquement les apports du Sénat qu’on progressera d’une manière intéressante.

Parmi les valeurs de la République, le Sénat a identifié un noyau qui lui semble essentiel. Je crois qu’aucun d’entre nous n’est en désaccord sur les valeurs présentes dans le texte. Par conséquent, je ne vois pas très bien ce qu’on gagnerait à retirer cette précision.

Par ailleurs, vous nous dites quelque chose d’inquiétant en affirmant que nous ne sommes pas absolument sûrs de partager la même conception ou la même interprétation. C’est plutôt ennuyeux, parce que nous nous référons tous à de grandes valeurs. Que nous discutions longtemps pour savoir ce qu’elles recouvrent, tous les juristes, tous les constitutionnalistes le font en permanence. Que nous ne soyons pas absolument d’accord sur leur interprétation n’empêche pas que nous le soyons sur l’importance de ces valeurs. Par conséquent, je trouverais dommage de modifier le texte.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je voudrais tout de même réagir aux propos du rapporteur et de la ministre. Vous semblez dire que le Sénat a fait un bon travail. Il me semble quand même que les deux phrases qui figurent dans l’alinéa 7 sont de portée tout à fait différente. La première porte réellement sur les valeurs de la République, mais on tombe ensuite dans l’organisation et les méthodes, comme la formation des maîtres. Je trouve que nous nous trouvons là sur un plan totalement différent : il faudrait même proposer un sous-amendement pour supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 7.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Les valeurs et les fondements de la République sont dans la Constitution : la République indivisible, laïque, démocratique et sociale et notre devise « liberté, égalité, fraternité ».

Quand je lis ce qui a été ajouté et accepté dans le projet, même si l’égale dignité des êtres humains, la liberté de conscience et la laïcité font partie des valeurs fondamentales de la République, je ne suis pas sûr qu’on couvre le champ de la Constitution.

Quant à la deuxième phrase, franchement, fallait-il une ligne de plus dans ce texte ? C’est hallucinant : « Par son organisation et ses méthodes comme par la formation des maîtres qui enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. » Sommes-nous encore dans le champ des valeurs fondamentales de la République ? Il vient un moment où il faut savoir s’arrêter et j’espère que le rapporteur va trouver que ce moment est arrivé.

(Les amendements identiques nos 283, 341 et 379 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement est important à mes yeux. Nous en avons discuté en commission, certes, mais je l’ai retravaillé, dans la mesure où je souhaite insérer les mots « le respect dû à la personne » à un autre endroit que celui que j’avais proposé initialement. Quand on dit que l’éducation fait acquérir à tous les élèves « le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains », je pense qu’il est important de préciser à l’école – mais le rapporteur va me dire que cela va de soi – qu’il faut leur enseigner « le respect dû à la personne » et je souhaite même placer cela avant « le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains ».

À l’école, il y a des rapports de respect entre élèves, entre adultes, et d’élève à professeur, d’élève à adulte. Tout à l’heure, nous avons défendu l’idée que le travail est une vertu. La politesse aussi est une vertu et c’est pourquoi il me semble très important de mettre « le respect dû à la personne » avant « le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Il ne s’agit pas de faire acquérir aux élèves le respect de l’égalité entre les êtres humains, mais celui de l’égale dignité des êtres humains : je trouve que cette notion-là a une telle force, surtout en ce moment, qu’elle se suffit à elle-même. L’égale dignité, cela englobe le respect dû à la personne quelle qu’elle soit. Ajouter « le respect dû à la personne » avant l’égale dignité des êtres humains serait affaiblir ce principe qu’il me paraît extrêmement important de rappeler à l’école. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je partage l’avis du rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je suis frappée de l’absence de suites données à nos propositions, ce qui révèle une attitude assez préoccupante de la part de nos collègues, de M. le rapporteur et du Gouvernement. Vous récusez la notion d’effort.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Non !

Mme Annie Genevard. En tout cas, vous ne lui accordez pas le droit de figurer dans le texte de la loi. Le goût de l’effort et le respect de l’autorité, vous n’en voulez pas, alors même que toutes les figures détentrices de l’autorité sont aujourd’hui si malmenées !

Vous récusez la notion d’effort et, quand nous évoquons le respect dû à la personne qui fonde la vie en société, vous le récusez également, au motif que cela va de soi, qu’il y a des formulations plus amples, plus fortes, plus philosophiques… Je crois au contraire, monsieur le rapporteur, que nous avons besoin de rappeler ces notions fondamentales dont l’absence est en train de déliter complètement – pour utiliser une formulation que vous adorez, quoique je ne l’aime plus beaucoup car elle est tellement usée qu’elle n’a plus de sens – ce que vous appelez « le vivre ensemble ». Précisément, il faut réapprendre aux élèves la notion de respect. Dans l’égale dignité des êtres humains, nous parlons des droits. Où est, dans votre texte, l’expression des devoirs qui sont les corollaires de ces droits ?

(L’amendement n° 78 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 121.

M. Xavier Breton. Je vais défendre une série d’amendements tendant à définir la liberté de conscience.

J’ai bien compris que nous devions suivre de manière servile les formulations du Sénat… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous pouvons tout de même essayer de nous émanciper, de nous « arracher au déterminisme » (Sourires) de la rédaction du Sénat : c’est ce à quoi je vais vous inviter.

Il est indiqué que le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Pourquoi la liberté de conscience particulièrement ? Pourquoi cette place à part, alors qu’on pourrait énumérer d’autres libertés qui sont d’importance égale dans notre droit ?

M. Yves Durand, rapporteur. Non !

M. Xavier Breton. Alors, il faudrait nous indiquer quelle est la place spécifique de la liberté de conscience, non dans votre positionnement politique, mais dans notre droit. J’attends la réponse de M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Si nous n’étions pas dans un cadre aussi solennel, en train d’examiner un texte aussi sérieux, cela pourrait faire l’objet d’une discussion aimable, un soir, entre amis.

Accoler à la liberté de conscience, qui dépasse la liberté elle-même puisqu’elle est vraiment consubstantielle à la dignité humaine, qui constitue l’une des grandes revendications et l’une des grandes conquêtes de l’humanité – pas des républicains, même si ce sont eux qui l’ont exprimée, mais de l’humanité –, lui accoler le droit de manifestation me paraît curieux.

Le droit de manifestation figure d’ailleurs dans la Constitution.

M. Xavier Breton. La liberté de conscience aussi !

M. Yves Durand, rapporteur. Très franchement, inscrire dans une loi sur l’école le droit de manifester, c’est un appel à certaines manifestations dont vous n’avez pas toujours été partisans, sauf peut-être ces derniers temps. Vous pensez sans doute à des manifestations pour tous… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je partage l’avis du rapporteur. Nous sommes tous attachés à la liberté d’expression qui inclut évidemment celle de manifester, mais je n’avais pas remarqué qu’il était indispensable de rappeler aux lycéens et aux collégiens qu’ils ont le droit de manifester : c’est une liberté qu’ils ont exercée très habituellement, sans avoir besoin qu’on la leur rappelle. Cela me semble, une fois de plus, un peu superflu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Ce qui est bien avec Mme la ministre, c’est que chaque proposition de l’opposition est superflue : il va falloir s’y habituer. Elles sont si anodines, il est vrai…

Je vois dans cet amendement un questionnement sur la liberté de conscience et sur la liberté en général. De quelle liberté parle-t-on ? De la liberté d’opinion et d’expression, proclamée dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 ? De la liberté de culte, fixée par la loi de 1905 ? De la liberté de se syndiquer, fixée dans le préambule de la constitution de 1946 ? De la liberté d’entreprendre, elle aussi comprise dans la Déclaration de 1789 ?

La liberté de conscience serait susceptible d’englober toutes ces libertés fondamentales. On propose d’ajouter la liberté de manifestation : moi, j’y vois plutôt un clin d’œil…

M. Luc Belot. Cela a-t-il sa place dans la loi ? Ils sont beaux, les législateurs !

M. Philippe Gomes. …un clin d’œil ironique aux limites qu’on essaie de mettre, alors qu’il existe des textes moins verbeux que cette loi et qui fixent les libertés de manière précise.

M. Luc Belot. Vous faites des clins d’œil, nous, nous écrivons la loi !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. J’apprécie que certains aient remarqué le clin d’œil adressé à Mme Buffet. La liberté de manifester est tout de même un droit important…

M. Pascal Deguilhem. Agitateur !

M. Xavier Breton. …et l’actualité suffisamment brûlante pour que nous le rappelions. Cela étant, d’autres amendements nous permettront d’approfondir la question de la liberté de conscience.

(L'amendement n° 121 n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n°122 est-il défendu, monsieur Breton ?

M. Xavier Breton. M. Gomes l’a dit très justement, nous avons l’impression qu’avec vous, la liberté de conscience englobe toutes les autres libertés. Dieu sait si cette liberté est importante – nous aurions même souhaité la traduire concrètement dans des textes récents –, mais si elle n’atteint pas le niveau de l’expression, elle est sans effectivité.

Bien sûr la liberté d’opinion est essentielle, bien sûr nous devons avoir le droit de dire ce que nous voulons dans la sphère privée, mais encore faut-il avoir les moyens de l’exprimer. Ce sont là deux notions différentes, à moins que vous n’accordiez de valeur qu’à la liberté de conscience. Le débat pourrait être intéressant. Nous devons en tout cas apprendre aux élèves ce que représente la liberté d’expression. Ce n’est pas seulement la liberté de pensée, la conscience des événements, c’est aussi la liberté d’exercer tous ses droits d’expression. À l’heure où cette liberté d’expression est remise en cause, il est bon de faire ces quelques rappels.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Durand, rapporteur. Même avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Même avis.

(L'amendement n° 122 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°123. Est-il défendu ?

M. Xavier Breton. Je vais me battre, monsieur le président, pour la liberté d’expression et d’opinion en défendant cet amendement.

Je constate qu’avec vous, le débat s’arrête vite. L’on proclame parfois « Égalité ! Égalité ! Égalité !». Aujourd’hui, ce serait plutôt « Liberté de conscience ! Liberté de conscience ! Liberté de conscience ! ». Concrètement, quelle différence faites-vous entre la liberté de conscience et la liberté d’expression ? En voyez-vous seulement une d’ailleurs ? Ou bien êtes-vous en train d’appliquer à la lettre le leitmotiv du ministre de l’éducation qui veut arracher les élèves « à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » ? Nous nous y refusons pour notre part et nous défendons une liberté d’opinion respectueuse de chaque personne, ainsi qu’y tendait l’amendement de M. Reiss. Vous ne le souhaitez pas et nous voyons bien que nos conceptions divergent sur la notion de liberté.

M. Pascal Deguilhem. On s’en est aperçu à l’occasion du mariage pour tous !

M. Xavier Breton. Il est dommage que vous laissiez exprimer votre conception sur un tel texte car, une nouvelle fois, vous divisez notre pays. Vous ne voulez pas faire vivre le débat mais ne vous inquiétez pas, il a lieu ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. La Déclaration universelle des droits de l’Homme fait référence à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

(L'amendement n° 123 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 124 est-il défendu, monsieur Breton ?

M. Xavier Breton. Merci, monsieur le président, de me donner l’occasion de le défendre, d’autant plus qu’il vise à insérer les mots « et de culte » entre ceux de « conscience » et de « laïcité ». La liberté de culte est un principe de la République qui a la même valeur que tous les autres. Refuser de l’inscrire traduit bien une conception de la laïcité fermée et laïciste, que nous refusons.

Là encore, nous pourrions débattre de la question mais il est dommage, alors que cette notion de valeurs de la République que nous faisons vivre au quotidien aurait suffit à nous rassembler, de nous figer sur nos positions à l’occasion de l’examen de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Même avis mais je voudrais rappeler à M. Breton que la notion de laïcité tend précisément à faire respecter la liberté de tous les cultes. Je ne comprends pas l’objet de son amendement.

(L'amendement n° 124 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°125.

M. Xavier Breton. Cet amendement tend à rappeler l’importance de la liberté d’entreprendre pour faire écho à des débats que nous aurons au cours de l’examen de ce projet de loi. Nous savons en effet que le lien entre l’école et le monde de l’entreprise n’est pas assez fort, le Président de la République l’a lui-même admis. Il s’agit de reconnaître la liberté d’entreprendre comme l’une des grandes libertés essentielles de chaque citoyen.

(L'amendement n° 125, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n°126.

M. Xavier Breton. Cet amendement méritera une réponse argumentée du rapporteur…

M. Luc Belot. Il sait ce qu’il a à faire !

M. Xavier Breton. Dans un texte sur l’école, il est important de rappeler, y compris aux élèves, la liberté d’enseignement, ce qu’elle signifie concrètement. Ce principe a la même valeur que les autres et mérite également d’être réaffirmé. Refuser de l’inscrire serait révélateur d’opinions particulières.

M. Luc Belot. Et vous luttiez contre les lois bavardes ! Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. La liberté de l’enseignement est inscrite dans la Constitution et elle s’applique donc à toutes les lois de la République. Cet amendement est inutile. Avis défavorable.

MM. Patrick Hetzel, Benoist Apparu et Xavier Breton. La laïcité aussi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je suis assez surprise. La liberté d’enseignement n’est vraiment pas en cause dans notre pays et ce n’est sûrement pas ce Gouvernement qui aurait envie de déclencher une nouvelle guerre scolaire. La liberté d’enseignement existe, elle est garantie, nous y tenons, et les enseignants ont parfaitement conscience de ce droit. Là encore, votre amendement ne sert à rien, sauf à réaffirmer des évidences sur lesquelles tout le monde est d’accord.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Encore une intervention superflue…

Mme Martine Faure. C’est possible.

M. Luc Belot. Si c’est vous qui le dites.

M. Philippe Gomes. …mais l’argument du rapporteur, selon lequel il serait inutile d’inscrire une disposition dans la loi sous prétexte qu’elle figure déjà dans la Constitution, ne saurait être retenu. Beaucoup de dispositions qui ne visent qu’à nourrir le verbiage de notre dispositif législatif figurent déjà dans la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Très juste.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre déléguée, la liberté d’enseignement vous paraît être une évidence mais je voudrais vous rappeler des événements qui se sont produits ces derniers mois. Des enseignants ont été agressés par des élèves. Je pense en particulier à un professeur d’histoire-géographie qui avait évoqué en classe le régime politique du Maroc.

M. Luc Belot. Ce n’est pas cela la liberté d’enseignement !

Mme Annie Genevard. Un élève s’est senti agressé et a eu envers son professeur un geste d’une grande violence.

M. Luc Belot. C’est la liberté pédagogique, cela ! Rien à voir !

Mme Annie Genevard. Aujourd’hui, en France, des enseignants renoncent à enseigner une partie de leur discipline parce qu’ils craignent les réactions de leurs élèves.

M. Pascal Deguilhem. Hors sujet !

Mme Annie Genevard. Comment pouvez-vous prétendre que cela n’a rien à voir ? La pédagogie n’aurait-elle donc rien à voir avec l’enseignement ? Je ne comprends pas votre argument.

M. Luc Belot. Ce n’est absolument pas la même chose.

(L'amendement n° 126 n'est pas adopté.)

(L'article 3 A, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 3 bis.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)